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NOUVELLES DE L’INDE<br />
Ambassade de l’Inde juillet-août 2014<br />
Numéro 416<br />
Tripura<br />
un petit état dynamique<br />
Politique<br />
Élection du nouveau gouvernement<br />
Festival<br />
67ème Festival de Cannes<br />
Histoire<br />
Romain Rolland
L’Asie du Sud a fêté l’élection du nouveau<br />
Premier ministre indien, Narendra Modi<br />
©PIB<br />
La cérémonie d’investiture du 15ème Premier ministre de l’Inde, s’est déroulée en présence des chefs d’Etats membres de la SAARC<br />
Le serment du Premier ministre<br />
indien nouvellement élu fut<br />
un événement historique sans<br />
précédent auquel sept chefs<br />
d’Etats de l’Association Sud-Asiatique<br />
pour la Coopération Régionale<br />
(SAARC) ainsi que de l’Ile Maurice<br />
ont été invités. Cette cérémonie<br />
d’envergure a été organisée au<br />
Rashtrapati Bhavan, où furent conviés<br />
plus de 4 000 invités.<br />
En ce 26 mai 2014, le Président<br />
de l’Inde, Pranab Mukherjee a dirigé<br />
la cérémonie d’investiture du leader<br />
du Bharatiya Janata Partya (BJP),<br />
vainqueur des dernières élections<br />
parlementaires, devant les chefs d’Etat<br />
des pays voisins présents.<br />
Y étaient présents : le Premier<br />
ministre du Pakistan, Nawaz Sharif,<br />
le président de l’Afghanistan, Hamid<br />
Karzai, le président du Sri Lanka,<br />
Mahinda Rajapaksa, le Premier<br />
ministre népalais, Sushil Koirala, son<br />
homologue du Bhoutan, Tshering<br />
Tobgay, la Présidente du parlement<br />
bangladais, Shirin Sharmin Chaudhury,<br />
le président des Maldives, Abdulla<br />
Yameen Abdul Gayoom et le chef<br />
du Gouvernement mauricien, Navin<br />
Ramgoolam.<br />
Le lendemain, le nouveau<br />
Premier ministre, Narendra Modi, a<br />
pu s’entretenir en tête-à-tête avec<br />
chacun des chefs d’Etat membres de<br />
la SAARC. Il a par ailleurs insisté sur<br />
le rôle important que doit jouer la<br />
SAARC pour améliorer la coopération<br />
régionale et l’échange. Lors de ces<br />
entretiens individuels, M. Modi a<br />
pu discuter sur la conception de la<br />
SAARC et sur les moyens déployés par<br />
l’Inde pour développer et optimiser la<br />
coopération régionale entre les pays<br />
membres. « Chaque pays membre de<br />
la SAARC a un atout propre et dispose<br />
d’opportunités, c’est ainsi que nous<br />
devons nous inspirer des bonnes<br />
pratiques de chacun », a-t-il déclaré.<br />
Les autres leaders ont répondu<br />
positivement à cette proposition en<br />
adhérant y pleinement et en insistant<br />
qu’elle mérite d’être poursuivie. Par<br />
conséquent, une vision de la SAARC<br />
se dégage, avec – comme enjeux de<br />
taille - l’importance de travailler en<br />
étroite collaboration et à se consacrer<br />
aux questions clés de la coopération<br />
régionale. n<br />
Gauche à droite : le Premier Ministre Sushil Koirala du Népal, la Présidente du parlement Shirin<br />
Sharmin Chaudhury du Bangladesh, le Président Mahinda Rajapaksa du Sri Lanka, le Premier<br />
Ministre Navin Ramgoolam de l’Ile Maurice, le Premier ministre Nawaz Sharif du Pakistan, le Vice-<br />
Président dr. Hamid Ansari, le Président Pranab Mukherjee et le Premier Ministre Narendra Modi<br />
de l’Inde, le Président Hamid Karzai de l’Afghanistan, le Président Abdulla Yameen Abdul Gayoom<br />
des Maldives et le Premier Ministre Tshering Tobgay du Bhoutan<br />
©PIB
EDITORIAL<br />
Chers lecteurs,<br />
Une nouvelle ère commence en Inde avec son 15e Premier Ministre dans l’histoire du<br />
pays. M. Narendra Modi, le premier leader qui a obtenu une majorité écrasante pour<br />
son parti Bharatiya Janata Party (BJP), a prêté serment au Rashtrapati Bhawan, le 26<br />
mai 2014 à New Delhi. M. Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères,<br />
a rencontré Mme Sushma Swaraj, ministre des Affaires extérieures de l’Inde, et a également<br />
rendu une visite de courtoisie au nouveau Premier Ministre, M. Narendra Modi.<br />
Ce numéro est consacré à Tripura, un bel Etat dans le nord-est de l’Inde. Niché dans la<br />
verdure luxuriante de collines, dans des vallées verdoyantes à l’eau translucide, Tripura attire<br />
des touristes du monde entier grâce à la richesse de ses mythes et ses légendes, son art<br />
traditionnel, sa diversité ethnique et culturelle, son histoire et son archéologie, sa flore et sa<br />
faune, sa biodiversité. Nous espérons que l’aperçu que nous vous offrons dans ce numéro vous<br />
donnera envie de poursuivre cette découverte en se rendant en Inde.<br />
Cette livraison souhaite également apporter un éclairage singulier sur Romain Rolland, prix<br />
Nobel de littérature, et sur ses relations avec l’Inde. Son amour pour ce pays peut être résumé<br />
par ses propres paroles : « S’il y a un endroit sur terre où les rêves des hommes vivants ont<br />
trouvé une maison, dès les temps les plus anciens, où l’homme a commencé son rêve de<br />
l’existence, c’est bien l’Inde ». Vous allez donc découvrir ses relations avec les personnalités<br />
indiennes éminentes comme le Mahatma Gandhi, Ramakrishna et Swami Vivekananda, figures<br />
historiques auxquelles Romain Rolland a également consacré des ouvrages.<br />
Nous rendons également notre hommage à Jean Biès, écrivain et poète français, véritable ami<br />
de l’Inde qui nous a quitté au début de cette année, laissant derrière lui un vide irremplaçable.<br />
Enfin, d’autres articles méritent aussi l’attention dont celui sur la participation indienne au<br />
Festival de Cannes, celui sur les dictionnaires français sur l’Inde, le dossier spécial sur la secteur<br />
agro-alimentaire ainsi que nos rubriques habituelles : revue des livres, cafés littéraires et zoom<br />
sur la culture indienne en France.<br />
Continuez à nous écrire… Toutes vos suggestions d’amélioration du magazine seront<br />
bienvenues.<br />
Apoorva Srivastava<br />
Conseiller ( Presse, Information & Culture)<br />
Nouvelles De L’Inde<br />
juillet-août 2014<br />
03
Sommaire<br />
juillet-août 2014<br />
Nouvelles de l’Inde, Paris<br />
Politique<br />
06<br />
Visite du Ministre français<br />
Interview<br />
07<br />
Deepak Chopra<br />
un prophète du bien-être à paris<br />
Hommage<br />
10 Jean Biès<br />
L’Inde au miroir de l’œuvre<br />
de Jean Biès<br />
Sector<br />
14<br />
Production Alimentaire<br />
L’industrie agro-alimentaire<br />
Environnement<br />
16 Les soeurs solaires<br />
Les soeurs solaires Eclairer des vies<br />
Dossier Tripura<br />
20<br />
24<br />
28<br />
Introduction<br />
Tripura, un petit état dynamique<br />
Business<br />
Du caoutchouc et des fruits en abondance<br />
Tourisme<br />
Un enchantement de collines et d’orangers<br />
16<br />
34 Cuisine<br />
Une nourriture carnée saine et authentique<br />
36 Artisanat<br />
Lorsque le bambou et les textiles font<br />
des merveilles<br />
Rencontre<br />
37 Siddhart Dhanvant Shanghvi<br />
Un imaginaire d’hier et d’aujourd’hui<br />
Education<br />
38<br />
Twinning in India 2014<br />
Histoire<br />
40<br />
Romain Rolland<br />
L’Inde Romain Rolland<br />
Le Coin des Enfants<br />
44<br />
Le lac de la Lune<br />
Littérature<br />
46<br />
Revue Des Livres<br />
20<br />
50<br />
Les dictionnaires et l’Inde<br />
54 Les cafés littéraires<br />
Les cafés littéraires de l’ambassade<br />
Culture<br />
55<br />
57<br />
L’agenda de l’ambassade<br />
L’Inde en France<br />
61 Painting<br />
Anuradha Thakur : chantre du rythme<br />
et de l’harmonie<br />
Festival<br />
63 Cannes<br />
67èmeFestival de Cannes<br />
Cuisine<br />
66<br />
Les boissons de l’été<br />
04 juillet-août 2014 Nouvelles De L’Inde
Le Mouvement Gadar<br />
Economie<br />
14<br />
Nouvelles<br />
de I’Inde<br />
NUMERO 416<br />
61<br />
Rédacteur en chef :<br />
Apoorva Srivastava, Conseiller (PIC)<br />
Assistante de rédaction :<br />
Viviane Tourtet<br />
Contributeurs du numéro :<br />
Claire Chaigneau<br />
Ewa Tartakowsky<br />
François Chenet<br />
Gaëlle Gicquel<br />
Jean-Luc Estavoyer<br />
Laurent Adiceam-Dixit<br />
L.K. Sharma<br />
Marie-France Calle<br />
Mireille-Joséphine Guézennec<br />
Patricia De Osti<br />
Poonam Chawla<br />
Roland Roudil<br />
Sylvie Schmidt<br />
Shivkumar<br />
Writtwik Banerjee<br />
Graphistes (Media India Group) :<br />
Anita Channer<br />
Ankita Shamsheer<br />
Pratap Singh Shekhawat<br />
Shikha Bahuguna<br />
NOUVELLES DE L’INDE<br />
Ambassade de l’Inde mai-juin 2014 Numéro 415<br />
NOUVELLES DE L’INDE<br />
Ambassade de l’Inde Février-Avril 2014 Numéro 414<br />
Le Sikkim<br />
l’Etat vert de l’Inde<br />
Politique<br />
Les élections en Inde :<br />
système d’organisation<br />
Anniversaire<br />
Abonnez-Vous<br />
Le TamiL Nadu<br />
De la spiritualité à l’aventure<br />
Economie<br />
Histoire Cinéma<br />
L’ambassadeur de l’Ind en France L’Hôte des Maharajahs<br />
La musique de Satyajit Ray<br />
Femmes indiennes<br />
à la tête de grandes<br />
entreprises<br />
Si vous souhaitez être abonnés gratuitement à la revue «<br />
Nouvelles de l’Inde » ou nous envoyer vos commentaires et<br />
vos remarques sur la revue, merci de nous écrire à l’adresse :<br />
agendainde@ambinde.fr<br />
Publié par le Service Presse, Information & Culture de<br />
l’Ambassade de l’Inde en collaboration avec Media India<br />
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Alfred Dehodencq, 75016 Paris Tél : 01 40 50 50 18 Fax 01<br />
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Politique Visite du Ministre français<br />
Visite du Ministre français des Affaires Etrangères et du Développent<br />
international M. Laurent Fabius en Inde les 30 juin et 1er juillet 2014<br />
©MEA<br />
©MEA<br />
M. Laurent Fabius et Mme Sushma Swaraj<br />
Le Ministre français des Affaires<br />
Etrangères et du Développement<br />
international, Laurent Fabius, a<br />
effectué une visite officielle en Inde les<br />
30 juin et 1er juillet 2014. Ce fut sa<br />
seconde visite en Inde. Auparavant, M.<br />
Fabius avait accompagné le Président<br />
Hollande durant sa visite d’Etat en<br />
Inde en février 2013.<br />
Durant son séjour à New Delhi,<br />
le Ministre des Affaires Etrangères<br />
Rencontre avec le Premier Ministre indien,<br />
M. Narendra Modi<br />
M. Fabius a également rendu<br />
visite au Premier Ministre indien, M.<br />
Narendra Modi et au Ministre de la<br />
Défense et des Finances, M. Arun<br />
s’est entretenu avec son homologue<br />
le Ministre des Affaires Extérieures,<br />
Mme Sushma Swaraj. Les discussions<br />
ont porté sur des sujets bilatéraux,<br />
régionaux et globaux d’intérêt mutuel.<br />
Le Ministre français a fait le point sur<br />
les grands projets dans les secteurs<br />
de la défense, du nucléaire civil, de<br />
l’espace et de la sécurité. Il a évoqué<br />
le développement des échanges<br />
économiques, les partenariats envisageables<br />
avec les entreprises<br />
indiennes, les investissements croisés<br />
ainsi que le développement des liens<br />
touristiques. Les échanges ont permis<br />
par ailleurs d’aborder le renforcement<br />
de nos échanges universitaires et<br />
scientifiques.<br />
Autre domaine évoqué également,<br />
celui de la lutte contre les<br />
dérèglements climatiques, sur<br />
laquelle la France souhaite travailler<br />
en étroite coopération avec l’Inde<br />
dans la perspective de la conférence<br />
“Paris Climat 2015”. Il a participé,<br />
sur ce thème, à une table-ronde avec<br />
le secrétaire d’État indien chargé de<br />
l’environnement.<br />
Jaitley. Plusieurs autres rencontres se<br />
sont déroulées durant sa visite.<br />
L’Inde et la France entretiennent<br />
une relation bilatérale cordiale et<br />
amicale. Les deux pays partagent des<br />
points de vue similaires sur un large<br />
panel de sujets d’intérêt mondial.<br />
La visite du Ministre français des<br />
Affaires Etrangères fut une occasion<br />
pour les deux parties d’approfondir le<br />
partenariat franco-indien.<br />
M. Fabius était accompagné d’une<br />
délégation officielle. Il s’est également<br />
rendu à Mumbai avec sa délégation.<br />
«<br />
Je suis extrêmement<br />
heureux et honoré<br />
d’être ici pour la<br />
première visite<br />
d’un ministre<br />
européen depuis<br />
les élections. Je<br />
suis reconnaissant<br />
au gouvernement<br />
indien de<br />
m’accueillir dans<br />
ces conditions avec<br />
autant de gentillesse<br />
et de chaleur. Ceci<br />
est évidemment<br />
lié à la qualité des<br />
relations entre<br />
l’Inde et la France<br />
et je définirai ces<br />
relations en disant<br />
« confiance » et<br />
»<br />
« partenariat »<br />
Durant son séjour, le Ministre français<br />
a remis à l’acteur indien Bollywood<br />
Shah Rukh Khan la distinction de<br />
Chevalier de la Légion d’honneur pour<br />
sa contribution à la diversité culturelle<br />
dans le monde. n<br />
©MEA<br />
Le Ministre indien des Affaires extérieures, Mme Sushma Swaraj et le Ministre français des Affaires<br />
étrangères et du Développement international, M. Laurent Fabius lors des discussions avec la<br />
délégation française à New Delhi<br />
Le Ministre Laurent Fabius et l’acteur Shah<br />
Rukh Khan<br />
©PTI<br />
06 juillet-août 2014 Nouvelles De L’Inde
Deepak Chopra<br />
Interview<br />
un prophète du<br />
bien-être à paris<br />
L’entreprise était périlleuse mais my WHOLE project,<br />
société représentée par Virginie Lancetti et Jérôme Oliveira,<br />
deux passionnés de la quête du bonheur, a relevé le défi<br />
d’accueillir Monsieur Deepak Chopra à Paris, au Grand<br />
Rex, pour une conférence exclusive. Pari tenu ! Au moins<br />
3000 personnes étaient au rendez-vous le 19 mai 2014.<br />
Pourquoi une telle vague humaine déferlant sur cette scène<br />
où la prose et le verbe de Deepak Chopra font mouche ?<br />
Qui est cet homme qui semble venir d’un autre millénaire ?<br />
De quoi est-il inspiré ? Que nous veut-il ?<br />
Lui-même se pose et pose des<br />
questions quasi existentielles :<br />
comment notre conscience<br />
construit-elle la réalité ?<br />
Sommes-nous en mesure de<br />
transformer notre destinée ? Ou<br />
encore quelle est la prochaine<br />
étape de l’évolution humaine ? Des<br />
thèmes concernant le cœur d’un mal<br />
endémique flottant sur le monde.<br />
Aucun endoctrinement, simplement<br />
une pratique de soi en une<br />
écoute corporelle et sensorielle avec<br />
pour guide : Deepak Chopra.<br />
Américain d’origine indienne, il est<br />
l’auteur de nombreux ouvrages sur la<br />
médecine alternative. Deepak Chopra<br />
est né à New Delhi, en Inde, en 1946.<br />
Fils de l’éminent cardiologue, Krishan<br />
Chopra, il se prédestine au journalisme<br />
mais, ironie du destin, il se passionne<br />
pour la médecine et étudie au All<br />
India Institute of Medical Sciences.<br />
Une fois établi à Boston, il commence<br />
sa carrière en tant que médecin. Mais<br />
désabusé de la médecine occidentale<br />
après un certain temps d’exercice, le<br />
docteur se tourne vers la médecine<br />
alternative. Il développe un intérêt<br />
pour la philosophie existentialiste. En<br />
1995, il a déclaré : « J’ai été motivé<br />
par une fièvre idéaliste à trouver<br />
ce que vous appelez, faute de toute<br />
©Rob Sitbon
Interview Deepak Chopra<br />
autre expression, le sens de la vie. Je<br />
suis toujours aux prises avec cela.»<br />
Deepak comprend aussi que donner<br />
du bien-être aux gens par un pouvoir<br />
de guérison sur l’esprit est bien<br />
mieux que d’administrer à longueur<br />
de journées des médicaments sans<br />
être un fervent pourfendeur de cette<br />
pratique.<br />
Fumer trop de cigarettes, avaler<br />
des tasses de café et des verres<br />
d’alcool n’ont pas ménagé son stress<br />
et sa santé, mais lui ont plutôt porté<br />
atteinte. Il décide de s’attaquer à<br />
cela et s’oriente vers la méditation<br />
transcendantale.<br />
Les réponses à notre santé et<br />
au bonheur peuvent se trouver à<br />
l’intérieur de notre être selon lui. Ses<br />
méthodes ont trouvé un écho auprès<br />
du grand public. Chopra a déjà publié<br />
de nombreux ouvrages, dont plus de<br />
14 best-sellers traduits en plusieurs<br />
langues.<br />
Prolifique auteur, il fonde le Centre<br />
Chopra pour le bien-être à La Jolla,<br />
station balnéaire, en Californie, Etats-<br />
Unis.<br />
Beaucoup deviennent des adeptes<br />
de Chopra et expérimentent ses<br />
conseils. Les médias américains<br />
l’ont appelé « nouvelle superstar<br />
de l’âge de guérison ». En 1996, le<br />
magazine Time contribue à son éloge :<br />
« Chopra a peut-être fait plus que<br />
quiconque aux États-Unis pour créer<br />
un vocabulaire à l’intersection de la<br />
foi et de la médecine. » La médecine<br />
traditionnelle lui prête oreille et de<br />
ce fait la médecine alternative en fait<br />
de nouveaux pionniers parmi eux.<br />
En outre, Deepak propose un autre<br />
modèle de société. Intervenant à<br />
l’ONU, il y a fondé le projet « Alliance<br />
pour une nouvelle humanité. »<br />
Mais le petit plus de Deepak<br />
Chopra, c’est qu’il explore la Terre<br />
de ses ancêtres et popularise en<br />
Occident la sagesse, la médecine<br />
douce, et les techniques venues<br />
de ses contrées et les expose sans<br />
vergogne à la lumière des avancées<br />
scientifiques contemporaines. Même<br />
s’il est complètement dévot, il expose<br />
peu sa croyance dans ses conférences,<br />
il préfère utiliser le terme :<br />
« spiritualité ».<br />
Son but est de faire prendre<br />
conscience à toute personne qu’il y<br />
a une réflexion essentielle pour le<br />
maintien et le perfectionnement de la<br />
santé du corps comme celle de l’esprit<br />
qui s’assimile au bien-être individuel<br />
et collectif.<br />
©Rob Sitbon<br />
On ne peut qu’être à l’écoute de<br />
cet homme qui prône le bonheur sans<br />
mysticisme et qui a forgé sa réputation<br />
grâce à ses « fidèles ».<br />
Décryptage de la conférence du 19<br />
mai 2014 : des outils et des clefs<br />
pour notre bien-être.<br />
Les deux premières questions<br />
d’emblée sont : qui suis-je et quelle<br />
est ma connexion avec l’Univers ? Et<br />
de quoi l’Univers est-il constitué ?<br />
Des questions qui nous situent<br />
mais qui ne nous déterminent pas. A<br />
chacun de veiller à son introspection<br />
pour trouver sa route, son chemin,<br />
je dirais sa voie dans le sens le plus<br />
spirituel possible nous menant à<br />
l’éveil et la sérénité. Deepak nous fait<br />
un cours scientifique sur l’univers pour<br />
comprendre que nous sommes liés à<br />
lui et lui à nous et que les éléments<br />
biologiques qui gravitent font la Vie,<br />
une Vie consciente avec des êtres<br />
conscients.<br />
Deepak emploie le terme « Qualia »<br />
qui désigne les propriétés de la<br />
perception et généralement de<br />
l’expérience sensible. C’est ce qu’on<br />
ressent lorsqu’on perçoit ou l’on sent<br />
quelque chose : qu’est-ce que ça fait de<br />
voir une rose par exemple ? Les qualia<br />
constituent ainsi l’essence même de<br />
l’expérience de la vie et du monde.<br />
Ce sont des phénomènes psychiques<br />
et donc subjectifs, constitutifs des<br />
états mentaux comme le S.I.F.T : (en<br />
anglais : Sensation, Image, Feeling and<br />
Thought : Sensation, Image, Emotion<br />
et Pensée). Je traduirais « Qualia » par<br />
origine.<br />
En jonglant avec les mots :<br />
gènes, télomère, synapses, opiats,<br />
sérotonine, dopamine, vasopressine,<br />
j’en passe et des meilleurs ! Car il<br />
ne faut pas oublier que Deepak est<br />
médecin et ce jargon-là, il le maîtrise<br />
parfaitement et l’exploite dans tous<br />
ses fondements et théories.<br />
De manière plus philosophique<br />
et prosélytique, Deepak nous fait<br />
l’enseignement de ses Sages, il cite<br />
souvent en exemple le poète mystique<br />
persan du XIIIe siècle : Rûmî, qui, a<br />
largement influencé le Soufisme.<br />
« Nous sommes l’océan dans la<br />
goutte d’eau » ce qui signifie que nous<br />
sommes l’entité mère qui produit les<br />
connexions avec ce qu’elle a pour<br />
essence en elle-même. L’infiniment<br />
grand dans l’infiniment petit.<br />
©Rob Sitbon<br />
08 juillet-août 2014 Nouvelles De L’Inde
Le Coin des Enfants Le lac de la Lune<br />
©Rob Sitbon<br />
Il a évoqué un nombre de paroles<br />
sages pour que l’on prenne conscience<br />
de l’essentiel. Et après cela il s’est mis<br />
à marcher tout le long de la scène<br />
en effectuant des allers-retours pour<br />
nous dire que la motricité du corps<br />
est importante : le sommeil, le sport et<br />
l’alimentation, régissent aussi la bonne<br />
aptitude à accroître nos défenses<br />
naturelles. Mais qu’au-dessus de cela,<br />
il faut méditer, être à l’écoute de soi, de<br />
son corps. La méditation n’est pas une<br />
affaire de raison, elle va plus loin que<br />
cela, c’est une pratique universelle.<br />
Nous avons eu droit, en ce jour, à une<br />
leçon de méditation collective, tout le<br />
public s’est plié au jeu.<br />
Le moment présent fournit l’énergie<br />
même « Il faut aller au-delà de l’esprit,<br />
vers un état de silence profond, d’un<br />
état tout de même présent mais<br />
paisible, c’est la méditation ! » Deepak<br />
souligne aussi que le temps est une<br />
qualité de la conscience et que le Yoga<br />
est une bonne forme de discipline<br />
pour forger son bonheur.<br />
Selon Deepak Chopra, l’équation<br />
du Bonheur se résume ainsi :<br />
B = R + C + A<br />
Bonheur = Réglage de base<br />
+ Conditions de vie + Activités<br />
volontaires<br />
R : Le réglage de base du cerveau<br />
doit être sur des ondes positives. Il est<br />
possible de décider de vivre heureux et<br />
de programmer son cerveau pour l’être.<br />
C : Cela porte sur nos facultés<br />
d’adaptation. Tout le monde a à vivre<br />
des étapes dans sa vie. La résilience<br />
émotionnelle, la faculté de rebondir<br />
après une épreuve, aident à améliorer<br />
nos conditions de vie.<br />
A : Il s’agit des activités qui nous<br />
rendent heureux. Les activités de<br />
communauté ou de création rendent<br />
plus heureux que les activités<br />
personnelles (bon repas, Shopping,<br />
etc.).<br />
Deepak a trouvé en Dieu, GOD<br />
en anglais l’acronyme suivant :<br />
Generation – Organisation – Delivery.<br />
« Si vous observez le Christianisme, le<br />
Judaïsme, l’Hindouisme ou l’Islam, vous<br />
trouverez Dieu. La meilleure façon de<br />
penser à Dieu / GOD est : Génération,<br />
Organisation et Livraison. »<br />
Les deux premiers mots parlent<br />
d’eux-mêmes. La Livraison comprend<br />
également la Destruction, afin que<br />
vous puissiez reconstruire. Les trois<br />
forces de la nature sont la création<br />
Deepak Chopra vous invite<br />
à consulter gratuitement<br />
ces méthodes sur<br />
www.deepakchopra.com<br />
(générationnelle), l’Organisation, la<br />
dissolution puis encore la création (le<br />
renouvellement perpétuel).<br />
Je pourrais vous faire l’état de toute<br />
la conférence avec beaucoup d’autres<br />
équations gravitant autour de nous,<br />
mais déjà, ces propos recueillis à forte<br />
teneur en réflexion et en conseils vous<br />
mèneront indéniablement à la quête<br />
du bonheur.<br />
Vous l’aurez compris, Deepak<br />
Chopra nous veut que du bien, en<br />
thérapeute averti, en usant de véritables<br />
archétypes d’une philosophie ordinaire,<br />
il vous promet les béatitudes d’une vie<br />
mais pas n’importe quelle vie ! Savezvous<br />
laquelle ? …Elle est pourtant<br />
simple comme bonjour. n<br />
Laurent Adicéam-Dixit<br />
©Rob Sitbon<br />
Nouvelles De L’Inde juillet-août 2014<br />
09
Hommage Jean Biès<br />
L’Inde au miroir de l’œuvre<br />
de Jean Biès<br />
Essayiste, poète, Jean Biès nous a quittés le 11 janvier dernier et nous<br />
avons souhaité lui rendre un hommage particulier dans ce numéro<br />
avec des extraits d’un article de François Chenet de l’Université de<br />
Paris-Sorbonne (Paris-IV).<br />
Il existe une chaîne de “ passeurs “ ou<br />
d’” intercesseurs “ ayant fait office<br />
de médiateurs dans la réception<br />
de l’Inde en Europe lors même que<br />
l’Inde offrait aux Occidentaux l’image<br />
d’une civilisation complexe, faite<br />
d’apports linguistiques, religieux et<br />
intellectuels multiples. À cette chaîne<br />
qui vibre dans le cercle du temps,<br />
nous devons désormais rattacher,<br />
dernier maillon de la chaîne, Jean Biès,<br />
universitaire, écrivain et essayiste, que<br />
son étude magistrale de la réception<br />
même de l’Inde dans la littérature<br />
française, Littérature française et<br />
Pensée hindoue, des origines à 1950,<br />
qualifiait précisément, mieux que nul<br />
autre, pour tenter à son tour de cerner<br />
et de mettre en perspective le génie<br />
de l’Inde.<br />
Jean Biès publia sa Thèse de<br />
doctorat d’État, Littérature française<br />
et pensée hindoue, des origines à<br />
1950, ouvrage magistral (couronné<br />
du Prix de l’Asie par l’Académie des<br />
Sciences d’Outre-mer) consacré à la<br />
réception de l’Inde dans la littérature<br />
française et plus généralement aux<br />
apports de l’Inde à la France et à<br />
l’Occident. Portant sur tous les genres<br />
- récits de voyage, essais, romans,<br />
théâtre et poésie -, l’enquête suit<br />
la réception de l’Inde et les apports<br />
de l’Inde à la France et à l’Occident,<br />
des fables de La Fontaine à la<br />
sympathie militante d’un Voltaire, à<br />
l’enthousiasme d’un Michelet et d’un<br />
Lamartine, de Leconte de Lisle à ces<br />
grands « pèlerins du monde occidental<br />
» — intercesseurs ou “passeurs” — que<br />
furent en leur temps Romain Rolland,<br />
René Guénon, Lanza del Vasto et René<br />
Daumal.<br />
Par la suite, l’occasion de<br />
mieux cerner le génie de l’Inde fut<br />
précisément son propre voyage en<br />
Inde au début des années 1970,<br />
lequel lui permit, en dépassant<br />
la surface et en crevant l’écran,<br />
d’enrichir d’harmoniques nouvelles<br />
l’image qu’offre aux Occidentaux<br />
l’Inde. De ce voyage dont on sent qu’il<br />
fut plutôt une quête, est née L’Inde<br />
ici et maintenant. Lettres du Pays de<br />
l’Être, ouvrage réédité sous le titre Les<br />
Chemins de la ferveur. Voyage en Inde.<br />
C’est au genre « journal de route<br />
géographique et spirituel » que<br />
ressortissent L’Inde ici et maintenant.<br />
Lettres du Pays de l’Être / Les Chemins<br />
de la ferveur. Voyage en Inde. Le rapport<br />
de Jean Biès à l’Inde est placé sous le<br />
signe de deux sources d’inspiration<br />
majeures : la pensée de René Guénon<br />
et celle de Carl Gustav Jung. Ces deux<br />
sources d’inspiration se croisant,<br />
Jean Biès était dès lors en mesure de<br />
porter un regard tout à fait original et<br />
singulièrement éclairant sur l’Inde, ce<br />
qui lui permit de développer en regard<br />
une analyse spectrale de la civilisation<br />
occidentale et une généalogie de<br />
l’Occident d’une rare acuité et<br />
justesse. Certaines de ses réflexions<br />
seront par ailleurs développées par<br />
Jean Biès dans deux essais non<br />
moins remarquables Passeports<br />
pour des temps nouveaux et Retour<br />
à l’Essentiel. Quelle spiritualité pour<br />
l’homme d’aujourd’hui ?, ainsi que<br />
dans d’autres de ses ouvrages. En fait,<br />
c’est l’œuvre tout entière de Jean Biès<br />
qui se nourrit non seulement d’une<br />
constante référence à l’Inde, mais bien<br />
plus « d’une fraternité avec le génie de<br />
l’Inde » .<br />
L’Inde au sein du parcours biobibliographique<br />
Jean Biès a passé sa jeunesse en<br />
Algérie et c’est à Alger qu’il rencontra<br />
à vingt-ans celle qui allait devenir<br />
son épouse, Rolande-Hélène qui<br />
connaissait déjà Jean Herbert et était<br />
disciple du Swâmi Siddhesvarânanda<br />
(du Centre védântique de Gretz)<br />
et de Brahmânanda, le disciple de<br />
Ramakrishna. C’est ainsi que la<br />
rencontre de Jean Biès avec l’Inde<br />
fut médiée par celle qui avait reçu<br />
pour nom religieux l’auguste nom de<br />
Tarini. À la suite de cette rencontre<br />
providentielle, Jean Biès allait se<br />
familiariser toujours davantage<br />
et entrer en communion avec les<br />
grandes figures de l’Hindouisme et du<br />
Néo-Hindouisme. Parmi ces figures,<br />
il a une dilection particulière pour<br />
celle de Râmakrishna et celle de Shrî<br />
Aurobindo, ainsi que pour celle du<br />
Swâmi Râmdâs.<br />
À travers Râmakrishna, je puis<br />
dire que c’est à l’Inde que j’ai dû<br />
de découvrir dans le christianisme<br />
quelque chose de beaucoup plus<br />
important que ne le soupçonnaient<br />
la plupart des chrétiens eux-mêmes,<br />
et de commencer à m’intéresser à la<br />
religion où j’étais né avec l’attention et<br />
la révérence qu’elle requiert.<br />
Shrî Aurobindo est l’autre<br />
référence élective de Jean Biès. Au<br />
génie visionnaire et à l’immense<br />
penseur qui au XXe siècle réinvestit<br />
et réinterprète à sa manière les<br />
grandes thématiques des religions et<br />
philosophies de l’Inde, il consacre des<br />
pages brillantes et bien informées.<br />
Dans L’Inde ici et maintenant. Lettres<br />
du Pays de l’Être / Les Chemins de<br />
la Ferveur, deux chapitres, intitulés<br />
« Autour du Samadhî » et « Dans<br />
10<br />
juillet-août 2014<br />
Nouvelles De L’Inde
Jean Biès<br />
Hommage<br />
l’enfance du futur », lui sont consacrés<br />
à l’occasion de la description de<br />
Pondichéry. Que le tropisme de Jean<br />
Biès pour l’Inde aille de pair avec<br />
une fort bonne connaissance de<br />
cette dernière, c’est ce qu’attestent<br />
les présentations qu’il a données<br />
de certaines grandes figures dans<br />
Les Grands Initiés du XXe s. et dans<br />
Voies de Sages. Douze maîtres<br />
spirituels témoignent de leur vérité :<br />
les présentations de Shrî Aurobindo,<br />
de Mère et de Satprem, de Râmana<br />
Maharshi, du Swâmi Râmdâs, de<br />
Krishnamurti, de Mâ Anandamayî, de<br />
Nisargadatta Maharaj, du Dalaï Lama,<br />
mais aussi de Jean Herbert, d’Henri<br />
Le Saux et d’Arnaud Desjardins sont<br />
des modèles du genre.<br />
Voici donc Jean Biès entré en<br />
sympathie, presque en fraternité,<br />
avec l’Inde à telle enseigne qu’il<br />
y effectuera en 1973 un voyage<br />
d’où il devait ramener L’Inde ici et<br />
maintenant. Lettres du Pays de l’Être<br />
/ Les Chemins de la ferveur. Voyage<br />
en Inde : le voici en quête d’« une<br />
terre primordiale, arborescente<br />
et visionnaire, moins située dans<br />
l’espace qu’à un certain niveau de la<br />
conscience humaine, flottant entre le<br />
temps et l’éternité comme un grand<br />
navire chargé de forêts et de villes »<br />
. Si l’on est en droit de juger que ce<br />
récit remarquable d’intelligence, de<br />
finesse et de sensibilité est de loin<br />
le meilleur jamais écrit sur l’Inde,<br />
c’est parce que Jean Biès réussit ce<br />
tour de force d’allier une justesse<br />
d’observation, une clairvoyance dans<br />
l’analyse et une érudition sans faille à<br />
une forme littéraire éblouissante aussi<br />
éloignée que possible de la pesanteur<br />
universitaire. Le récit de ce voyage en<br />
Inde est, en effet, servi par la grâce<br />
d’une prose poétique dont le style<br />
fluide et inventif, le style vibratile —<br />
style en parfaite adéquation avec ce<br />
milieu vibratoire qu’est l’Inde —, laisse<br />
apparaître ce tremblement léger qui<br />
fait le prix d’un livre : le plaisir de<br />
lire et de vibrer est constant dans ce<br />
livre qui nous convie à une fête de<br />
l’intelligence et du style.<br />
Par ailleurs, l’œuvre poétique de<br />
Jean Biès procède également d’une<br />
inspiration qui fait consciemment<br />
signe vers l’Inde : sa poétique puise<br />
aux sources orientales dès lors que la<br />
poésie, conçue « comme un exercice<br />
spirituel, à l’exemple de la Savitri<br />
d’Aurobindo » , y participe de ce<br />
qu’il est permis d’appeler, avec René<br />
Daumal, un Kâvya-yoga, un « Yoga<br />
poétique » . Plusieurs magnifiques<br />
poèmes de son Miroir de Poésie<br />
évoquent l’Inde.<br />
La spécificité du voyage en Inde<br />
selon Jean Biès<br />
Aucun récit n’a su décrire avec<br />
autant de justesse le paradoxe de tout<br />
voyage en Inde.<br />
Dès lors, qu’est-ce que voyager en<br />
Inde, sinon pratiquer l’introspection<br />
sous couvert de tourisme, et en<br />
se promenant à travers le pays,<br />
se reconnaître dans son miroir, se<br />
retrouver, se réconcilier avec soi<br />
et les autres, redevenir unité ? [...]<br />
Contempler l’Inde, c’est se préparer à<br />
la contemplation de notre profondeur,<br />
rejoindre notre essence par-delà<br />
la bigarrure phénoménale. [...]En<br />
sorte que n’y aurait-il plus un seul<br />
gourou dans toute l’Inde, que le<br />
voyage à travers ce pays éprouvant,<br />
déconcertant, incompréhensible<br />
comme seul peut l’être pour son<br />
disciple un maître spirituel, serait<br />
encore à lui seul une véritable<br />
sâdhanâ.<br />
Cela dit, Jean Biès se garde bien<br />
d’idéaliser l’Inde, attendu qu’il ne<br />
méconnaît pas pour autant la part<br />
d’ombre que recèle l’Inde.<br />
L’Inde au prisme de René Guénon<br />
C’est essentiellement à la lumière<br />
du métaphysicien René Guénon que<br />
Jean Biès aborde l’Inde. De la pensée<br />
de René Guénon il retient un certain<br />
nombre de thèmes, soulignant par<br />
là l’historialité de sa pensée, mais en<br />
se gardant toutefois de souscrire à<br />
certaines de ses assertions excessives<br />
et de verser dans son impatience<br />
apocalyptique assénée sur un ton<br />
péremptoire. Toujours est-il que<br />
c’est René Guénon qui lui révéla «<br />
l’opposition du sacré et du profane,<br />
la distinction entre ésotérisme et<br />
exotérisme, la doctrine des cycles,<br />
le langage symbolique, l’unité<br />
fondamentale des traditions, le procès<br />
du matérialisme et du scientisme, le<br />
chaos social, la primauté de l’action<br />
pour l’action » . R. Guénon est<br />
surtout invoqué à un double titre,<br />
pour sa doctrine “traditioniste” ou<br />
“pérennialiste” (ainsi qu’on a pu la<br />
qualifier afin de la distinguer du simple<br />
traditionalisme), d’une part, et en<br />
sa qualité d’auteur de l’Introduction<br />
générale à l’étude des doctrines<br />
hindoues (1921) et de L’Homme et<br />
son devenir selon le Vedânta (1925),<br />
de l’autre, R. Guénon apparaissant à<br />
Jean Biès comme « un pandit de la<br />
plus pure orthodoxie védântique » .<br />
De fait, l’Inde donne à connaître<br />
une culture qui vit dans le sacré,<br />
replaçant la vie individuelle et<br />
collective dans un nœud de symboles<br />
qui la relie au divin, lui conservant un<br />
sens : « Existe encore en Inde ce qui<br />
assure la durée des civilisations, et<br />
dont l’oubli précipite leur fin : le sens<br />
du mystère et du sacré, dont nous<br />
sommes affranchis » . Au plus loin de<br />
l’humanisme prométhéen de l’homme<br />
moderne fondé sur une révolte contre<br />
Dieu et la “tradition”, l’homme hindou<br />
est avant tout « un homme heureux,<br />
parce que relié » , et il est permis de se<br />
demander s’il n’est pas plus heureux<br />
dans son monde où le merveilleux<br />
est palpable dans un quotidien<br />
illuminé par une foi que nous sommes<br />
incapables de comprendre. Jean Biès<br />
confie à cet égard :<br />
Ce que j’ai ressenti en Inde, c’est que<br />
je m’y sentais beaucoup plus à l’aise<br />
que dans l’Occident sceptique, blasé,<br />
cynique qu’il est devenu ; une Inde où<br />
l’on peut se dire croyant sans honte<br />
ni complexe d’infériorité. L’air y est<br />
encore tellement saturé de sacré que<br />
les attitudes et croyances religieuses<br />
y apparaissent comme totalement<br />
normales et naturelles ; c’est le<br />
contraire qui ne le serait pas ; comme<br />
on le voit dans l’Occident moderne,<br />
où le véritable spirituel est presque<br />
condamné à la clandestinité. Même<br />
si l’Inde elle-même est détériorée, sur<br />
ces relations les plus spontanées avec<br />
le spirituel les Indiens ont beaucoup<br />
à nous apporter. Je me demande<br />
d’ailleurs si notre distinction du sacré<br />
et du profane n’est pas encore un fruit<br />
de l’Arbre dualiste. J’observe plutôt<br />
que le sacré imprègne ici jusqu’au<br />
profane, et mieux, que le profane<br />
n’est pas. [Au contraire], l’Occident<br />
est ainsi devenu insensiblement une<br />
immense liturgie à rebours, fondée sur<br />
tout ce qui peut détruire la beauté,<br />
colmater toutes chances d’élévation,<br />
de dépassement... Le Kali-yuga n’est<br />
pas seulement le temps où il n’y a<br />
plus que des problèmes sans solution,<br />
ni celui où le sacral cesse d’exister. Il<br />
est le temps où tout ce qui s’oppose<br />
fondamentalement au spirituel se fait<br />
passer pour spirituel.<br />
Avec René Guénon, Jean Biès<br />
partage la vision hindoue traditionnelle<br />
d’un temps fondamentalement<br />
cyclique, scandé par une succession<br />
de cycles de durée décroissante,<br />
— Satya-yuga, Tretâ-yuga, Dvâpara-<br />
Nouvelles De L’Inde<br />
juillet-août 2014<br />
11
Hommage Jean Biès<br />
yuga et, enfin, le fameux Kali-yuga,<br />
« période d’obscuration croissante<br />
en tous domaines, somme de<br />
tous les désordres et de toutes<br />
les monstruosités, où la “ nuit<br />
intellectuelle “ envahit et submerge les<br />
dernières enclaves de la Connaissance,<br />
où toutes choses se trouvent<br />
inversées dans “ l’abomination et la<br />
désolation “ » . Doctrine à l’opposite<br />
de la croyance occidentale au temps<br />
linéaire et progressiste, et qui fait<br />
l’objet d’exposés tout à fait précis et<br />
bien informés sous la plume de Jean<br />
Biès .<br />
Autre notion cardinale de la<br />
conception hindoue traditionnelle, la<br />
notion de Dharma ou d’Ordre sociocosmique<br />
: Le Dharma — “ principe<br />
de conservation des êtres et de<br />
stabilité “ — assure la conformité<br />
à cet ordre. [...] L’ordre social tout<br />
entier voulu par le Dharma repose<br />
sur l’institution des castes, si mal<br />
comprise des Occidentaux, mais dont<br />
la méconnaissance n’entraîne que<br />
désordre et confusion. Cette institution<br />
correspond en fait à une répartition<br />
des êtres humains en conformité avec<br />
“ l’essence individuelle “, la nature de<br />
chacun.<br />
Une relecture originale de l’Histoire<br />
devient dès lors possible :<br />
On ne s’avise pas d’une chose, c’est<br />
que nous sommes arrivés au temps où<br />
les quatre castes ont successivement<br />
joué leur rôle sur la scène de l’Histoire :<br />
les clercs, puis les guerriers, puis les<br />
marchands, enfin le peuple. Or, si l’on<br />
suit l’évolution de chacune de ces<br />
castes, on constate que chacune a<br />
d’abord choisi, — je schématise — ,<br />
le chemin d’en haut, puis, à mesure<br />
de son épuisement, celui d’en bas.<br />
Prenons la caste sacerdotale des<br />
Brahmanes. On la voit se situer<br />
d’abord en direction de la sagesse et<br />
de la sainteté ; elle est détentrice de la<br />
connaissance. Elle s’altère, dégénère<br />
en cléricalisme institutionnel,<br />
s’enferme dans un dogmatisme<br />
autoritaire et finit par se dissoudre,<br />
attaquée de l’extérieur, et se minant<br />
elle-même de l’intérieur. Prenons<br />
la caste guerrière des Ksatriya, —<br />
pouvoir temporel se révoltant contre<br />
l’autorité spirituelle, ce qui n’est pas<br />
sans rappeler chez nous les conflits<br />
entre Papes et Empereurs — ,<br />
elle s’illustre d’abord dans l’héroïsme<br />
chevaleresque, se montre “ généreuse<br />
“, ritualise la guerre, établit une<br />
hiérarchie fondée sur la noblesse.<br />
Elle s’altère à son tour, s’érige en<br />
dictature et s’effondre. Lui succède<br />
la caste marchande des Vaiçya, —<br />
les Vaiçya à leur tour ont usurpé<br />
la place des Ksatriya : tel a été le<br />
sens de la révolution de 1789 — ,<br />
caste qui détient la richesse, l’ennoblit<br />
en la mettant au service de l’art et<br />
du prestige, jusqu’au moment où<br />
la cupidité des “ nouveaux riches “<br />
l’emporte sur la magnificence, où<br />
le capitalisme sauvage évacue des<br />
métaux toute trace de spiritualité,<br />
exalte les seules valeurs mercantiles.<br />
Lui succède la caste populaire<br />
des Çûdra, — tel est le sens de la<br />
révolution bolchevique —, caste<br />
qui domine aujourd’hui et suit la<br />
même courbe que les précédentes.<br />
On la voit d’abord s’embourgeoiser,<br />
adopter un conformisme ennuyeux<br />
qui a perdu tout le pittoresque,<br />
le poétique du peuple, n’a plus<br />
d’imagination créatrice. L’entropie<br />
vient aussi pour elle, endormie<br />
dans son autosatisfaction, qui se<br />
laisse envahir par la vulgarité et le<br />
nivellement. La première caste était<br />
régie par l’être et le savoir, la seconde<br />
par l’agir et le pouvoir, la troisième<br />
par l’avoir et le paraître ; la dernière<br />
l’est par l’instabilité perpétuelle et la<br />
massification.<br />
La disparition des castes,<br />
dégénérées en classes sociales<br />
— « contrefaçon sans valeur ni<br />
portée », selon R. Guénon — ,<br />
coïncide avec la dernière phase<br />
du cycle et aboutit à une égalité<br />
artificielle et totalitaire, destructrice<br />
de toute vocation.<br />
Or, nul ne se pose la question :<br />
quid après la dernière caste ? La voilà<br />
submergée peu à peu par les horscastes,<br />
les cohortes incontrôlables<br />
des hooligans, des trafiquants de<br />
drogue, des terroristes, des mafieux<br />
de haut vol ; tout un monde grouillant,<br />
s’activant dans les bas-fonds comme<br />
dans les hautes sphères, s’appliquant à<br />
détruire les vestiges de la démocratie.<br />
L’Inde au prisme de Carl Gustav<br />
Jung<br />
Pour Jean Biès, synthétique et<br />
intuitif, le symbole non seulement<br />
offre des motifs d’évocation indéfinie,<br />
mais encore, dans la mesure où il<br />
est à la fois spirituel et matériel, lie<br />
ensemble le haut et le bas.<br />
L’Inde nous apprend à<br />
désapprendre. Elle nous introduit<br />
à une forme de pensée archaïque,<br />
synthétique où chaque symbole,<br />
chaque mythe recouvre une<br />
superposition de sens qui dévoilent<br />
leur richesse à mesure de la propre<br />
maturation de chacun, alors que l’esprit<br />
de platitude cogne désespérément<br />
aux vitres du littéralisme.<br />
Je ne vois que nos mythologies<br />
qui aient conservé des descriptions<br />
partielles, parfois défigurées, de ce<br />
monde intérieur édifiées à partir<br />
d’éléments externes, et posé un<br />
système cohérent d’analogies à<br />
interpréter. [...] Nous avons trop<br />
longtemps délaissé les enseignements<br />
mythologiques, faute de n’en avoir<br />
pas gardé les clés, et cela, pour le<br />
pire appauvrissement de la psyché<br />
occidentale. L’Inde n’a jamais oublié,<br />
au contraire, le code initiatique de ces<br />
enseignements.<br />
Or, les symboles se donnent<br />
comme médiateurs du domaine<br />
psychique.<br />
La doctrine jungienne des types<br />
psychologiques reliés aux quatre<br />
grandes fonctions entre lesquelles se<br />
partage la psyché inspire encore à<br />
Jean Biès un rapprochement original<br />
et suggestif : le Râja-yoga serait lié à<br />
l’Intuition, le Jñâna-yoga à la Pensée,<br />
le Bhakti-yoga au Sentiment et le<br />
Karma-yoga à la Sensation .<br />
De Jung Jean Biès retient encore<br />
l’idée directrice que « Contraria sunt<br />
complementa, selon l’antique devise »<br />
. Justement « l’une des grandes leçons<br />
de l’Orient, de l’Inde en particulier,<br />
c’est qu’il faut non pas séparer pour<br />
opposer, mais inclure selon des<br />
niveaux de réalité, des points de vue<br />
différents » :<br />
Pour l’Occident, A ne peut être à<br />
la fois identique à B et différent de B<br />
; pour l’Orient, A peut être identique<br />
à B, différent de B, identique à B et<br />
différent de lui, ni identique à B, ni<br />
différent de lui [où l’on reconnaît le<br />
fameux tétralemme (catuhkoti), ce<br />
schème de pensée qu’affectionne le<br />
Bouddhisme Madhyamaka et qui est<br />
un défi pour la logique occidentale].<br />
À l’encontre d’une pensée analytique,<br />
séparatrice, unilatérale, incomplète,<br />
sensible aux dualités, aux dichotomies,<br />
— et par là, à l’origine de conflits et<br />
d’oppositions incessants , — l’Orient<br />
apporte une pensée synthétique,<br />
englobante, unitive, conciliant et<br />
dépassant les paires d’opposés.<br />
Aussi Jean Biès peut-il interpréter<br />
« le non-dualisme comme cette<br />
conception philosophique qui ne<br />
scinde ni ne sépare, mais réunit,<br />
concilie, transcende les polarités.<br />
12 juillet-août 2014 Nouvelles De L’Inde
Jean Biès<br />
Hommage<br />
Conception du monde unitive,<br />
inclusive, synthétique, alors que la<br />
nôtre se perd en analyses du multiple,<br />
oppose, exclut » .<br />
Dans ces conditions, l’on conçoit<br />
que Jean Biès puisse alors rapprocher<br />
le Soi jungien et l’âtman des hindous :<br />
Jung dit du Soi qu’il est « une sorte<br />
de Dieu » en nous. [...] Il est pour lui<br />
l’harmonisation aboutie de toutes<br />
les composantes de l’inconscient,<br />
obtenue par équilibrages simultanés<br />
: la voie du milieu juste, celle de la<br />
sagesse, beaucoup plus que par une<br />
ascèse mystique, la voie de la sainteté.<br />
Mais on a parfois l’impression que<br />
le Soi jungien échappe parfois à son<br />
concepteur, se hausse au-dessus de<br />
lui-même pour se rapprocher plus<br />
nettement d’une réalité métaphysique.<br />
C’est l’extrême résultat du processus<br />
d’individuation, qui n’est pas sans<br />
rappeler le symbolisme de la croix.<br />
Le « polythéisme de l’âme »<br />
Jean Biès est sensible aux<br />
bénéfices du polythéisme hindou.<br />
Dans une perspective jungienne,<br />
il est clair que pareil polythéisme,<br />
avec son éventail de figures divines<br />
incarnant les divers archétypes<br />
existentiels, apparaît davantage<br />
de nature à satisfaire les besoins<br />
psychiques de l’homme sous la forme<br />
d’un « polythéisme de l’âme » (pour<br />
reprendre l’expression de James<br />
Hillman), tandis qu’en Occident, au<br />
contraire, « névroses et psychoses<br />
sont les trous laissés dans l’âme par<br />
les dieux, une fois que les hommes les<br />
en ont chassés », comme dit joliment<br />
Jean Biès .<br />
Grâce à son polythéisme,<br />
l’hindouisme se montre beaucoup plus<br />
tolérant que les religions abrahamiques :<br />
Vivre au milieu de plusieurs<br />
millions de dieux tend à les faire<br />
considérer sinon comme équivalents,<br />
du moins comme tous valables<br />
ou respectables. Il est certain, au<br />
contraire, que Yavhé, Allâh et le Dieu<br />
trinitaire présentent, surtout du point<br />
de vue exotérique, qui est à peu près<br />
le seul retenu, des incompatibilités<br />
flagrantes. Le monothéisme exclusif<br />
conduit forcément à un niveau<br />
passionnel, volitif, sentimental ; il a<br />
des démangeaisons d’un intolérable<br />
prosélytisme. [...] Aux anathèmes<br />
réciproques entre juifs, chrétiens et<br />
musulmans, même si des tentatives<br />
de rapprochement ont lieu depuis<br />
quelque temps, je préfère de beaucoup<br />
le fait que les Vishnouïtes, dans leurs<br />
litanies des noms de Vishnou, incluent<br />
celui de Shiva, et que les shivaïtes,<br />
dans leurs litanies de noms de Shiva,<br />
incluent celui de Vishnou.<br />
« L’Ynde ou la profuse priorité<br />
féminine »<br />
N’hésitant pas à faire un jeu de mots,<br />
digne de la « langue des oiseaux », avec<br />
le Yin du couple de polarités Yin/Yang,<br />
Jean Biès célèbre la prédominance du<br />
Yin et de la polarité féminine en Inde<br />
: « L’YNDE, c’est, d’abord et partout,<br />
cette profuse priorité féminine. »<br />
« Toujours honorée en Inde,<br />
la féminité y imprime une<br />
douceur, une grâce exquise,<br />
nuancée parfois de mélancolie. »<br />
Parmi les connaisseurs de l’Inde il est<br />
l’un des rares à avoir compris que<br />
l’Inde, derrière une façade patriarcale,<br />
est en fait un matriarcat ou du moins<br />
conserve des traces d’un matriarcat<br />
d’origine, s’il est vrai que les femmes<br />
en Inde sont le réceptacle de la divine<br />
shakti.<br />
L’Inde au prisme de l’Alchimie<br />
Autre approche des plus originales<br />
de l’Inde, celle qui l’aborde à la<br />
lumière de l’Alchimie. aux yeux de<br />
Jean Biès, c’est en Inde que l’Alchimie<br />
trouve son lieu d’élection : « L’Inde,<br />
qui n’a point renié son “ ombre “,<br />
est, aujourd’hui encore, tout entière<br />
alchimique, Alchimie à l’état sauvage<br />
» . De fait, des correspondances se<br />
décèlent entre l’Inde et « l’Art royal, le<br />
Tantra-Yoga de l’Occident » . A la suite<br />
de Jung, Jean Biès puisse tenir que<br />
l’Alchimie offre assez d’éléments<br />
pour constituer un véritable “ yoga de<br />
l’Occident “. [...] Il y a dans l’héritage<br />
de l’Occidental de quoi lui rendre les<br />
possibilités de son propre yoga en<br />
tant que voie autochtone, complète,<br />
originale. Il semble que l’Alchimie, qui<br />
Bibliographie de Jean Biès (sélection) :<br />
perpétue l’art sacerdotal de l’ancienne<br />
Égypte et procure un moyen d’union<br />
au principe divin en faisant passer de<br />
la mort à la résurrection, corresponde<br />
bien à la définition qu’on peut donner<br />
du “ yoga “.<br />
Auteur d’une œuvre qui brille d’un<br />
éclat singulier, Jean Biès est ainsi le<br />
dernier à s’inscrire dans cette théorie<br />
des “ passeurs “ ou “ intercesseurs “<br />
qui ont assuré la réception de l’Inde<br />
en Occident. Parmi le cortège de ces<br />
« passeurs » la figure de Jean Biès se<br />
singularise en ce qu’elle se présente<br />
comme celle d’un éveilleur de l’âme<br />
doublé d’un enchanteur : quelle<br />
merveille de rencontrer en celui qui<br />
se définit comme « un Montaigne<br />
qui aurait lu Shankara » un être<br />
pleinement individué au sens jungien<br />
du terme !<br />
Tant de pèlerinages aux<br />
sources, s’interroge-t-il, finirontils<br />
par transformer l’intelligence<br />
de l’Européen, ses approches<br />
des problèmes, sa sensibilité, son<br />
comportement ?... L’eau qu’il en<br />
rapporte se sera-t-elle échappée<br />
tout entière des valises, quand il les<br />
ouvrira, de retour chez lui ?... Sur tant<br />
de milliers de pèlerins, il ne semble pas<br />
croyable qu’aucun n’ait encore rien<br />
ramené aux marches de l’Occident,<br />
qui ne soit susceptible d’y modifier<br />
lentement l’aspect de certains<br />
domaines. Ces ruées annuelles ne<br />
sont pas rappeler les visites des<br />
Grecs aux derniers initiés d’Égypte,<br />
ou les séjours de Rome auprès des<br />
derniers philosophes athéniens, pour<br />
en acquérir la sagesse qui lui faisait<br />
défaut. En fait l’Orient nous pénètre<br />
déjà de partout. n<br />
François Chenet, Université de<br />
Paris-Sorbonne (Paris 4)<br />
Littérature française et Pensée hindoue, des origines à 1950, Klincksieck, Paris,<br />
1973.<br />
L’Inde, ici et maintenant, Lettres du pays de l’Etre, Dervy-Livres, Paris, 1979.<br />
Retour à l’Essentiel – Quelle spiritualité pour l’homme d’aujourd’hui ?, Dervy-<br />
Livres, Paris, 1980.<br />
Passeports pour des temps nouveaux, Dervy-Livres, Paris, 1982.<br />
Art, Gnose et Alchimie – Trois sources de régénérescence, Le Courrier du livre,<br />
Paris, 1987.<br />
L’Initiatrice, Ed. J. renard, Diff. Le Dauphin, Paris, 1990.<br />
Par les Chemins de vie et d’œuvre – entretiens avec Mireya de Alson, Les Deux<br />
Océans, Paris, 2001.<br />
Petit Dictionnaire d’impertinences spirituelles, Editions Entrelacs, Paris, 2006.<br />
Nouvelles De L’Inde<br />
juillet-août 2014<br />
13
Sector Production Alimentaire<br />
©http://theagaia.com/<br />
agro-alimentaire<br />
L’industrie<br />
L’Inde est le second plus grand producteur au monde d’alimentation après la Chine et a le potentiel d’être<br />
le plus grand, soutenue par son secteur alimentaire et agricole. La production alimentaire totale en Inde<br />
devrait doubler au cours des dix prochaines années avec un marché alimentaire interne qui, selon les<br />
estimations, devrait atteindre les 258 milliards de US$ d’ici 2015 ; Avec un secteur agricole gigantesque,<br />
un bétail abondant et une compétitivité au niveau des coûts, l’Inde émerge rapidement comme un<br />
pour les produits alimentaires transformés. L’industrie indienne des produits alimentaires transformés<br />
représente 32% de l’ensemble du marché alimentaire du pays. L’industrie alimentaire en Inde a largement<br />
attiré l’attention des investisseurs étrangers comme le pays est proche des marchés du Moyen Orient, de<br />
l’Afrique et de l’Asie du Sud-Est. Le Ministry of Food Processing Industries (MOFPI) fait tous ses efforts<br />
pour encourager les investissements dans le secteur, des incitations pour le développement de la chaîne<br />
du froid et des subventions pour créer des laboratoires équipés pour tester les produits alimentaires.<br />
Le secteur agro-alimentaire est un<br />
important secteur de l’économie,<br />
constituant une part de 9-10%<br />
du PNB dans le secteur agricole<br />
et manufacturier. Affichant actuellement<br />
une croissance de plus de 10% par an, il<br />
devrait atteindre US$ 194 milliards d’ici<br />
2015 contre une valeur de US$ 121<br />
milliards en 2012, selon M. Swapan<br />
Dutta, Directeur Général adjoint de<br />
l’Indian Council of Agricultural Research<br />
(ICAR).<br />
L’industrie des produits alimentaires<br />
emballés est le 5ème plus grand<br />
secteur en Inde. L’industrie s’élève<br />
actuellement at US$ 39,7 milliards<br />
en Inde et devrait atteindre les US$<br />
65,41 milliards d’ici 2020 en raison<br />
14 juillet-août 2014 Nouvelles De L’Inde
Production Alimentaire<br />
Sector<br />
de l’augmentation des revenus de la<br />
classe moyenne, le changement dans<br />
le mode de vie urbain et le commerce<br />
de détail moderne. Les personnes qui<br />
résident dans les zones urbaines sont<br />
les plus grands consommateurs de<br />
produits alimentaires emballés, avec<br />
une consommation de 78% de produits<br />
alimentaires emballés en 2011.<br />
Les exportations indiennes de<br />
produits agricoles et agroalimentaires<br />
durant la période avril-décembre 2013<br />
affichaient le chiffre de US$ 16 578,<br />
91 millions contre US$ 15 206,22<br />
durant la même période l’an passé,<br />
selon les données obtenues auprès<br />
de l’Agricultural and Processed Food<br />
Products Export Development Authority<br />
(APEDA). La part des exportations de<br />
produits agroalimentaires dans le total<br />
des exportations de l’Inde est d’environ<br />
12%. Les industries agroalimentaires<br />
en inde ont attiré des investissements<br />
directs étrangers d’une valeur de US$ 5<br />
360, 89 millions durant la période avril<br />
2000-janvier 2014 selon les dernières<br />
données publiées par le Department of<br />
Industrial Policy and Promotion (DIPP).<br />
Les boissons<br />
Le marché indien des boissons non<br />
alcoolisées progresse actuellement<br />
de 15% sur un an. « Etant donné que<br />
davantage de monde favorise les boissons<br />
conditionnées, la consommation de<br />
boissons non alcoolisées en Inde devrait<br />
progresser de 16,5 à 19% au cours<br />
des trois prochaines années », selon un<br />
rapport de l’Indian Council for Research<br />
on International Economic Relations<br />
(ICRIER) et l’Indian Beverage Association<br />
(IBA).<br />
Au sein du marché des boissons,<br />
le jus conditionné a entamé sa forte<br />
trajectoire. En mars 2013, le marché<br />
indien des jus conditionnés était estimé<br />
à Rs 1100 crore (US$ 183,89 millions)<br />
et devrait progresser à un taux annuel<br />
composé de croissance (CAGR) de 15%<br />
au cours des trois prochaines années.<br />
Dabur India Ltd est le leader établi<br />
avec une part de marché de 54% avec<br />
sa marque Real and Real Acti. PepsiCo<br />
India est le second plus grand acteur<br />
avec une part de 25-30% à travers sa<br />
marque de jus de fruit Tropicana.<br />
Le lait et le thé pourrait aussi afficher<br />
une rapide croissance puisque des<br />
sociétés étrangères ont commencé à<br />
regarder du côté de l’Inde comme un<br />
immense marché de produits laitiers.<br />
On prévoit que le secteur du lait en<br />
boîte en Inde progresserait de US$7,<br />
76 milliards à US$ 32,9 milliards et<br />
enregistrer une croissance annuelle de<br />
8% d’ici 2030. Les dix sociétés en tête<br />
en Inde comptent pour 65% du marché<br />
des boissons chaudes.<br />
Les initiatives du gouvernement<br />
Le gouvernement indien a autorisé<br />
les investissements directs étrangers<br />
à hauteur de 100% dans le secteur<br />
agroalimentaire par la voie automatique.<br />
Pour la promotion et le développement<br />
du secteur agroalimentaire, il a<br />
alloué une somme de Rs 5 990 crore<br />
(US$ 1 milliard) au titre de divers<br />
programmes du ministère des industries<br />
agroalimentaires durant le 12 Plan<br />
quinquennal.<br />
Le MOFPI et « Invest India » ont<br />
passé un accord pour mettre sur pied<br />
un « Bureau d’Aide » aux investisseurs,<br />
tant indiens qu’étrangers, afin de<br />
leur proposer une aide en ligne pour<br />
répondre à leurs interrogations et les<br />
guider, notamment à l’étape initiale de<br />
créer leurs usines.<br />
Le Ministère a lancé un Programme<br />
Sponsorisé de manière centrale, la<br />
National Mission on Food Processing<br />
(NMFP) au cours du 12ème Plan.<br />
Une somme de Rs 204,85 crore (US$<br />
34,23 millions) a été octroyé aux Etats/<br />
Territoires de l’Union (UT) dans le cadre<br />
du programme durant l’année financière<br />
2013 et l’année financière 2014<br />
(jusqu’au 31 janvier).<br />
Le Ministère est en train de mettre<br />
en œuvre un programme pour le Human<br />
Resource Development (HRD) dans le<br />
secteur agroalimentaire pour former<br />
des techniciens, des managers, des<br />
entrepreneurs et de la main-d’œuvre<br />
pour la gestion de la qualité dans le<br />
secteur. Le besoin annuel de maind’œuvre<br />
dans l’industrie est estimé à<br />
environ 530 000 personnes.<br />
Dans l’objectif de procurer une aide<br />
pour créer une chaine du froid intégrée<br />
et la préservation des infrastructures<br />
dans le pays, le Ministère met en<br />
œuvre le Programme de chaîne du<br />
froid intégrée, l’ajout de valeur et la<br />
préservation de l’infrastructure.<br />
Sur la voie<br />
La renaissance du secteur agricole<br />
devrait déboucher sur une pléthore<br />
d’opportunités pour les acteurs ayant<br />
de forts liens avec la chaine de valeur<br />
agricole. L’industrie agroalimentaire<br />
devrait être l’un des plus gros<br />
bénéficiaires de ce processus. Des<br />
opportunités d’investissements<br />
sont encore inexploitées dans les<br />
domaines de la gestion de la chaîne<br />
d’approvisionnement (SCM), les<br />
chambres froides, le financement,<br />
le commerce de détail et les<br />
exportations.<br />
Le MOFPI a formulé un Plan d’action<br />
Vision 2015 qui prévoit de tripler la<br />
taille de l’industrie agroalimentaire,<br />
d’augmenter le de transformation des<br />
matériaux périssables de 6 à 20%,<br />
d’augmenter la valeur ajoutée de 20 à<br />
35% et d’accroître la part de l’Inde dans<br />
le commerce alimentaire mondial de 1,5<br />
à 3%.<br />
Taux utilisé : 1 INR = US$0,01671<br />
en date du 28 mars 2014.<br />
Références : Cet article provient des<br />
publications IBEF et se base sur des<br />
informations secondaires émanant du<br />
Ministry of Food Processing Industries<br />
(MoFPI), l’Agricultural and Processed<br />
Food Products Export Development<br />
Authority, des rapports de la presse,<br />
le Department of Industrial Policy and<br />
Promotion (DIPP), le budget de l’Union<br />
2014-15, le Press Information Bureau<br />
(PIB).n<br />
©Media india Group<br />
Nouvelles De L’Inde<br />
juillet-août 2014<br />
15
Environnement Les soeurs solaires<br />
Les soeurs solaires<br />
Eclairer des vies<br />
Alors que la nuit tombe, les<br />
habitants de 111 villages<br />
reculés de trente-deux pays<br />
africains, latino-américains,<br />
arabes et asiatiques, ont une pensée<br />
pour Tilonia, au Rajasthan ! Leurs<br />
maisons sont éclairées grâce à l’énergie<br />
solaire des panneaux photovoltaïques<br />
installés et entretenus par les mères<br />
et grands-mères de chaque village,<br />
rentrées de l’Inde après une formation<br />
de six mois. Ces villageoises sont<br />
parties de chez elles pour la première<br />
fois de leur vie pour se rendre au<br />
Rajasthan où des femmes sans<br />
formation leur ont appris à monter des<br />
équipements élaborés. En l’absence<br />
d’un langage commun, les formatrices<br />
se sont fait comprendre par des gestes<br />
et des codes-couleurs attribués à<br />
chaque élément de l’assemblage, de<br />
la même manière dont elles ont ellesmêmes<br />
été formées par leurs aînés.<br />
Ces femmes qui viennent au Barefoot<br />
L’heure de lire des histoires<br />
College de Tilonia sans jamais avoir<br />
utilisé ne serait-ce qu’un tournevis sont<br />
les mêmes qui, plus tard, fabriquent<br />
des panneaux solaires et installent des<br />
systèmes d’éclairage. Installée dans des<br />
villages à travers le monde, cette tribu<br />
de plus en plus nombreuse de femmes<br />
formées est surnommée « Les Sœurs<br />
Solaires » ou encore « Les Guerrières du<br />
Soleil ».<br />
Mochozi est une grand-mère<br />
congolaise qui est d’avis qu’il n’est<br />
jamais trop tard pour apprendre de<br />
nouvelles astuces. Venue elle aussi du<br />
Congo, Moyoni, 38 ans et mère de huit<br />
enfants. Elles font partie du nouveau<br />
groupe de vingt-quatre stagiaires parmi<br />
lesquels ne figure qu’un seul homme,<br />
venu de Jordanie. Moyoni a arrêté<br />
l’école après le CM1 en primaire, mais<br />
elle connaît quelques mots d’anglais.<br />
Son séjour dans ce village du Rajasthan<br />
si différent du sien lui plaît beaucoup,<br />
et si le cassava (manioc) lui manque,<br />
goûter à une autre cuisine ne lui pose<br />
pas de problème. Ce groupe, comme le<br />
précédent, est formé par des habitants<br />
locaux. Originaire du village voisin<br />
de Baori, Magan Kanwar, 45 ans, a<br />
appris l’assemblage et l’installation<br />
d’équipements solaires en 2004 et<br />
est depuis devenue formatrice à son<br />
tour. En tant que femme mariée, il fut<br />
un temps où elle ne pouvait pas partir<br />
travailler à l’extérieur et se contentait<br />
donc de quelques travaux de couture<br />
à domicile. Mais c’était avant que le<br />
programme de formation solaire ne<br />
la recrute. Magan Kanwar reconnaît<br />
n’avoir jamais imaginé rencontrer des<br />
femmes de tant d’horizons différents.<br />
Il arrive qu’un ancien stagiaire l’appelle<br />
d’un village au fin fond d’un pays<br />
étranger. Deux autres locaux, Ganpat<br />
et Firoz Khan, font eux aussi partie<br />
de ce programme mené par Bhagwat<br />
Nandan, l’un des premiers élèves de<br />
cette école.<br />
Jusqu’à aujourd’hui, quelque 142<br />
femmes ingénieurs solaires formées<br />
à Barefoot sont reparties dans<br />
trente-deux pays pour allumer des<br />
ampoules électriques dans plus de<br />
10 000 foyers de 111 villages. C’est<br />
la communauté d’un village choisi qui<br />
décide des candidates, dont les frais<br />
de transport et de formation sont<br />
pris en charge par le programme de<br />
coopération technique et économique<br />
du ministère des Affaires étrangères, un<br />
partenariat salué par la communauté<br />
photovoltaïque mondiale. De retour de<br />
leur formation en Inde pour installer un<br />
système d’éclairage solaire dans leurs<br />
villages respectifs, ces mères et ces<br />
grands-mères deviennent des membres<br />
actifs, auto-dépendants et productifs<br />
au sein de la communauté. En 2005,<br />
le Barefoot College a formé trois<br />
grands-mères afghanes qui ont par la<br />
suite assuré l’entretien du premier<br />
village afghan éclairé grâce à l’énergie<br />
solaire. Elles se sont également<br />
occupées de former vingt-sept autres<br />
habitantes locales afin de garantir un<br />
éclairage permanent. Bien d’autres<br />
femmes afghanes sont venues dans<br />
cette école depuis, et l’aide offerte<br />
dans ce cas a également compris<br />
l’approvisionnement d’installations<br />
photovoltaïques pour leur pays.<br />
Les « Sœurs Solaires » ont transformé<br />
la vie des villageois. Des femmes<br />
modestes, ne sachant pas forcément<br />
lire et écrire, ont été formées en groupes<br />
les unes après les autres à Tilonia pour<br />
devenir ingénieurs solaires et eau,<br />
sages-femmes, designers, chargées de<br />
communication, architectes ou mêmes<br />
des entrepreneurs sociaux en milieu<br />
rural. Cette électrification a permis aux<br />
jeunes gens et jeunes filles gardant le<br />
bétail la journée d’étudier après le<br />
coucher du soleil. Les femmes peuvent<br />
obtenir un revenu supplémentaire en<br />
effectuant des travaux d’aiguille le soir.<br />
Les médicaments périssables peuvent<br />
être réfrigérés dans les cliniques de<br />
village. A cela s’ajoutent les avantages<br />
du point de vue environnemental. En<br />
Afrique, une famille rurale brûle environ<br />
60 litres de kérosène par an pour<br />
éclairer son foyer. Une lampe à pétrole<br />
basique rejette l’équivalent d’une<br />
tonne de dioxyde de carbone en moins<br />
de dix ans. En remplaçant le pétrole<br />
et le bois, l’énergie solaire améliore<br />
considérablement la qualité de
Moines transportant des<br />
panneaux solaires au Ladakh
Environnement Les soeurs solaires<br />
Formatrice nettoyant un<br />
panneau solaire dans le<br />
village de Tinginaput, Orissa<br />
l’environnement ainsi que la santé de<br />
la population. C’est également moins<br />
onéreux : les femmes du village n’ont<br />
désormais plus besoin de parcourir de<br />
longues distances pour aller chercher<br />
du pétrole, du bois, des bougies ou des<br />
lampes torches, qui sont des éclairages<br />
coûteux.<br />
Bunker Roy, fondateur du Barefoot<br />
College, a pensé chaque détail de la<br />
stratégie de développement. Dans<br />
toute société traditionnelle, on attribue<br />
aux grand-mères le rôle de nounou,<br />
cuisinière ou bien conteuse d’histoire,<br />
mais peu les imaginent manipulant<br />
des bobines, des régulateurs de charge<br />
et des onduleurs et connectant des<br />
panneaux solaires à des ampoules<br />
via des batteries. Après l’installation,<br />
ce sont ces mêmes grands-mères qui<br />
veillent à l’entretien et aux réparations<br />
du système. Lors du recrutement des<br />
stagiaires, Bunker Roy exerce une<br />
discrimination en faveur des seniors,<br />
pour la simple et bonne raison que les<br />
grands-mères sont réceptives et faciles<br />
à former, et qu’elles ont tout intérêt<br />
à investir dans ce village qu’elles ne<br />
veulent pas quitter. Cela assure le bon<br />
fonctionnement du système d’éclairage<br />
solaire dans le village. Donnez un bout<br />
de papier à un jeune et il partira en<br />
ville à la recherche d’un meilleur travail.<br />
La mission de B. Roy est d’inciter les<br />
jeunes gens et les jeunes femmes<br />
à rester dans leur village pour y<br />
améliorer l’environnement, plutôt que<br />
de s’exiler dans les métropoles pour<br />
finir dans des bidonvilles. La stratégie<br />
de développement rural a encore du<br />
chemin à faire.<br />
Les systèmes d’éclairage solaire<br />
sont soutenus par l’implication et la<br />
participation de la communauté ainsi<br />
que par l’encouragement du savoir-faire<br />
local. La contribution des villageois est<br />
une taxe nominale mensuelle (calculée<br />
par rapport à la quantité de pétrole<br />
utilisée par la famille) destinée à<br />
l’entretien du système. Ils sont témoins<br />
des bénéfices de la collaboration. Ayant<br />
fait le choix de la transparence et du<br />
collectif, la communauté reste engagée<br />
dans le projet et prend en charge<br />
18 juillet-août 2014 Nouvelles De L’Inde
Les soeurs solaires<br />
Environnement<br />
moins développés, est parmi les plus<br />
innovants. Bunker Roy a derrière lui<br />
plus de trente ans d’expérience de<br />
vie et de travail avec les villageois. En<br />
Inde, le Barefoot College est le seul<br />
établissement scolaire dans un village<br />
à être entièrement électrifié grâce<br />
à l’énergie solaire. Les composants<br />
solaires (onduleurs, régulateurs de<br />
charge, batteries, supports) ont tous été<br />
fabriqués au sein-même de l’école et<br />
installés par les ingénieurs de Barefoot<br />
sous la supervision d’un prêtre instruit.<br />
En formant des ingénieurs solaires,<br />
le programme a mis fin à de nombreux<br />
préjugés concernant la pauvreté, le<br />
développement, les programmes<br />
d’aide centralisée et la technologie.<br />
Bunker Roy dirige l’institution avec<br />
des principes directement inspirés du<br />
Mahatma Gandhi, tels que l’importance<br />
de l’autosuffisance mais aussi le<br />
potentiel et les compétences de la<br />
population défavorisée et marginale. La<br />
formation allie nouvelles technologies<br />
et savoir-faire local, et démystifie à<br />
la fois la notion d’apprentissage et la<br />
technologie. Cet apprentissage par<br />
la pratique est basé sur la croyance<br />
fondamentale que les personnes<br />
défavorisées ont elles aussi le droit<br />
d’accéder aux technologies avancées<br />
afin d’améliorer leur quotidien.<br />
Selon B. Roy, le Barefoot College<br />
offre justement cette opportunité<br />
aux villageois, et démontre qu’en<br />
valorisant leur créativité, ces personnes<br />
parviennent bien mieux que d’autres à<br />
identifier et répondre à leurs besoins.<br />
B. Roy a déclaré que l’école a exclu<br />
tout professionnel extérieur issu du<br />
système d’éducation formel. En effet,<br />
pour répondre à des besoins basiques<br />
tels que l’accès à l’eau potable, la<br />
santé, l’éducation, l’emploi, le pétrole<br />
et les combustibles, il croit plutôt<br />
dans l’identification et l’utilisation<br />
des compétences, des acquis et de<br />
l’expérience pratique des personnes<br />
ordinaires au sein de la communauté.<br />
Le programme d’électrification<br />
solaire a également eu un impact à<br />
l’intérieur-même de l’Inde. Dans seize<br />
Etats, quelque 383 ingénieurs solaires<br />
de Barefoot, dont 169 femmes semilettrées,<br />
ont électrifié 648 villages,<br />
rendant ainsi service à 15 000 familles<br />
et 483 écoles proposant des cours<br />
du soir. Elles ont également distribué<br />
5 220 lampes solaires. Ces initiatives<br />
ont permis d’éviter que près de 2<br />
millions de litres de kérosène soient<br />
utilisés chaque année pour l’éclairage.<br />
Ces ingénieurs ont aussi installé des<br />
cuisinières et des chauffe-eaux solaires<br />
dans la région de l’Himalaya. Près du<br />
plus grand lac salé de l’intérieur, dans<br />
la ville de Sambhar au Rajasthan,<br />
l’école a installé la première station<br />
solaire de dessalement par osmose<br />
inverse de l’Inde, pouvant transformer<br />
600 litres d’eau salée en eau (douce)<br />
potable en l’espace d’une heure.<br />
D’autres équipements de ce genre<br />
sont en cours d’installation.<br />
Si le message de Tilonia continue<br />
ainsi que sa diffusion, il est certain que<br />
l’Inde trouvera encore de nombreux<br />
autres pays désireux d’importer cette<br />
révolution solaire ! n<br />
L.K. Sharma<br />
The India idea – Heralding the Era<br />
of Path-breaking Innovations<br />
Recherche photographique :<br />
Shobit Arya<br />
Public Diplomacy Division<br />
Ministry of External<br />
Affairs, Govt. of India<br />
toutes les décisions à son sujet. Cela<br />
supprime la principale cause d’échec de<br />
nombreux projets de développement<br />
rural quand les solutions sont imposées<br />
du haut. Cette stratégie par le bas<br />
encourage quant à elle la collaboration,<br />
la responsabilisation et l’autonomie.<br />
Un simple dollar du programme<br />
d’aide indien a plus d’impact que<br />
celui envoyé par une agence d’aide<br />
occidentale. De plus, l’aide parvient<br />
jusque dans les zones que les<br />
programmes d’aide internationaux ont<br />
du mal à atteindre. L’Inde est, bien<br />
sûr, à la tête de grands projets d’aide<br />
à l’étranger, et pourtant ce modeste<br />
programme rural de formation pour<br />
l’électrification couvrant les pays les<br />
Processus de<br />
fabrication de<br />
panneaux solaires<br />
à Tinginaput<br />
Nouvelles De L’Inde<br />
juillet-août 2014<br />
19
Infos générales :<br />
Capitale : Agartala<br />
Etats voisins : Le Tripura est entouré par<br />
le Bangladesh au nord, au sud et à l’ouest,<br />
par l’Assam au nord et par le Mizoram à<br />
l’est.<br />
Langues : bengali, tripuri, anglais<br />
Superficie (km²) : 10 491<br />
Districts : 8<br />
Population totale : 3, 6 millions<br />
d’habitants<br />
Répartition par sexe ( nombre de<br />
femmes pour 1 000 hommes) : 961<br />
Taux d’alphabétisation (%) : 87,8<br />
Revenu par tête d’habitant ($)) : 1 011<br />
PIB (Gross state domestic product,<br />
GSDP) en dollars : 3,90 milliards en<br />
2012-13<br />
Tripura,<br />
un petit état dynamique<br />
Dharmanagar<br />
Kamalpur<br />
Kailasahar<br />
Khowai<br />
Kanchanpur<br />
Agartala<br />
Sadar<br />
Chailangta<br />
Ambasa<br />
Ompi<br />
Bishalgarh<br />
Killa<br />
Gandacherra<br />
Amarpur<br />
Udaipur<br />
Sonamura<br />
Matabari<br />
Karbook<br />
Bagafa<br />
Belonia<br />
Hrishyamukh<br />
Rajnagar<br />
Rupalchan<br />
Satchand<br />
Sabroom<br />
Capitale<br />
Principales villes<br />
Le Tripura, petit Etat de collines entouré par le Bangladesh, est la<br />
porte d’entrée sur le nord-est de l’Inde. Il possède des richesses<br />
naturelles à fort potentiel de développement comme le gaz ou<br />
le caoutchouc, une nature préservée et des sites archéologiques<br />
exceptionnels. Un de ses atouts tient aussi à la diversité de sa<br />
population, composée de tribus et d’émigrants bengalis, et à son<br />
excellent taux d’alphabétisation.<br />
20 juillet-août 2014 Nouvelles De L’Inde
Le Tamil Nadu<br />
Dossier<br />
©Media India Group<br />
Sculpture dans la roche à Unakoti<br />
Entouré par le Bangladesh au<br />
nord, au sud et à l’ouest, (soit<br />
84% de ses frontières), par<br />
l’Assam au nord, et par le<br />
Mizoram à l’est, le Tripura, troisième<br />
Etat le plus petit de l’Inde, occupe une<br />
place particulière.<br />
Le gouvernement a décidé<br />
aujourd’hui de tirer profit de sa<br />
situation géographique pour le<br />
présenter comme la porte d’entrée<br />
du Bangladesh et du sud-est asiatique<br />
vers le nord-est de l’Inde.<br />
Cinq chaînes de collines principales<br />
Le Tripura comprend trois zones<br />
géographiques distinctes : des chaînes<br />
de collines, un plateau, une plaine<br />
alluvienne. Les cinq chaînes de collines<br />
principales, qui traversent l’Etat du nord<br />
au sud, sont séparées par des vallées<br />
étroites d’une vingtaine de kilomètres.<br />
Le point culminant, Bethliangchhip,<br />
est à 975 mètres au-dessus du niveau<br />
de la mer. L’Etat possède dix rivières<br />
principales, et de nombreux petits lacs.<br />
Environ 60% du territoire est recouvert<br />
par des forêts, dont 57% sont des<br />
réserves forestières. Les feuillus, les<br />
arbres de plantation (teck, acajou,<br />
gamai, sandhi et chamal) et le bambou<br />
sont les principales espèces.<br />
Agartala, la capitale, située à l’ouest,<br />
Nouvelles De L’Inde<br />
juillet-août 2014<br />
21
Dossier Le Tripura<br />
dans une plaine, compte 400 000<br />
habitants. Elle se trouve à 150 km de<br />
Dhaka, la capitale du Bangladesh, et à<br />
350 km de Kolkata (si l’on passe par le<br />
Bangladesh).<br />
Au niveau industriel, l’Etat offre<br />
des opportunités intéressantes<br />
pour la production de caoutchouc<br />
et la transformation alimentaire des<br />
fruits. Ses ananas et ses oranges en<br />
particulier sont très réputés pour<br />
leur saveur unique et leur mode de<br />
production biologique. Le Tripura est<br />
aussi un important producteur de thé<br />
(le cinquième en Inde). Le secteur des<br />
technologies de l’information est en<br />
plein développement également, grâce<br />
à une population éduquée. Le bambou,<br />
le gaz naturel, le thé figurent aussi parmi<br />
les principales ressources du Tripura.<br />
Le Tripura possède un héritage<br />
culturel important, et une faune et<br />
une flore riches, qui lui donnent un<br />
bon potentiel de développement au<br />
niveau touristique. Les belles collines<br />
ondulantes de Jampui, les plus à l’est,<br />
bénéficiant d’un climat favorable,<br />
sont déjà bien connues des visiteurs,<br />
qui viennent y chercher le calme et la<br />
fraîcheur. Le tourisme religieux, de<br />
patrimoine, le tourisme vert dans les<br />
collines et le tourisme rural offrent<br />
un potentiel intéressant, ainsi que<br />
l’écotourisme.<br />
Un ancien Etat princier<br />
Le Tripura, un ancien Etat princier,<br />
Parc écologique de Baramura<br />
a été dirigé par un grand nombre de<br />
rois depuis l’Antiquité, dont ceux de la<br />
dynastie Manikya pendant plus de cinq<br />
siècles.<br />
Selon les chroniques de la cour du<br />
Tripura, quelque 179 ou 184 rois de<br />
cette dynastie se seraient succédés<br />
– un fait qui, cependant, n’est pas<br />
confirmé par les historiens.<br />
Toujours Etat princier pendant le<br />
règne britannique, il est devenu, après<br />
l’indépendance de l’Inde, un Etat de<br />
l’Union de la catégorie « C » en octobre<br />
1949, puis un territoire de l’Union en<br />
novembre 1956. Un ministère issu<br />
des urnes a été formé en juillet 1963.<br />
Depuis, le gouvernement est élu au<br />
suffrage universel.<br />
Le 21 janvier 1972 le Tripura s’est<br />
vu octroyer le statut d’Etat, en même<br />
temps que le Meghalaya et Manipur,<br />
deux autres Etats du nord-est.<br />
Après la partition de l’Inde, de<br />
nombreux Bengalis hindous ont<br />
quitté le Pakistan oriental pour se<br />
réfugier au Tripura et des conflits<br />
ont éclaté entre eux et la population<br />
autochtone. De nouveaux arrivants<br />
se sont aussi installés au moment<br />
de la guerre de libération qui a<br />
mené à la création du Bangladesh<br />
en 1971. De ce fait, les populations<br />
tribales, auparavant majoritaires,<br />
sont devenues minoritaires. Des<br />
troubles insurrectionnels graves<br />
ont ébranlé l’Etat ; ils ont culminé<br />
autour de l’année 2000, pour se<br />
calmer ensuite. L’établissement d’une<br />
©Media India Group<br />
Agence Autonome de l’Administration<br />
des Tribus (Autonomous Tribal<br />
Administrative Agency), parmi<br />
d’autres actions, a apaisé la situation<br />
et aujourd’hui l’Etat a retrouvé son<br />
calme.<br />
Tribus et nouveaux arrivants<br />
Au dernier recensement de 2011<br />
le Tripura comptait 3,6 millions<br />
d’habitants, soit 0,3% de la population<br />
indienne.<br />
Une de ses richesses tient à l’extrême<br />
Femme tribale<br />
©http://digitaljournal.com/<br />
22 juillet-août 2014 Nouvelles De L’Inde
Le Tamil Nadu<br />
Dossier<br />
diversité de sa population d’un point de<br />
vue ethnique, linguistique, et culturel.<br />
Les populations tribales d’origine<br />
(répertoriées comme scheduled<br />
tribes), réparties en dix-neuf groupes<br />
ethniques, constituent aujourd’hui<br />
environ 31% de la population. La<br />
majorité des tribus est constituée de<br />
Tripuris. Les autres tribus aborigènes<br />
sont les Reang, Jamatia, Noatia, Lusai,<br />
Uchai, Chaimal, Halam, Kukis, Garos,<br />
Mog et Chakma. D’autres tribus, les Bill,<br />
Munda, Orang, Santal, Lepcha, Khasia,<br />
Bhutias sont arrivées plus tard pour des<br />
raisons économiques, notamment au<br />
début du XXe siècle pour travailler dans<br />
les plantations de thé.<br />
La langue principale des tribus est<br />
le kokborok (ou kakbarak), ou tripuri.<br />
Elle appartient à la branche Bodo<br />
des langues tibéto-birmanes. Huit<br />
communautés sur les 19 la parlent,<br />
ou des langues apparentées. D’autres<br />
communautés continuent de parler<br />
leur propre langue.<br />
Tout comme les Bengalis, la<br />
plupart des tribus du Tripura pratique<br />
l’hindouisme, mais d’autres tribus<br />
observent d’autres religions. Ainsi<br />
les Lusai-Kukis sont principalement<br />
chrétiens, et les Chakmas et les<br />
Mogs pratiquent le bouddhisme.<br />
Ces derniers, venus des collines de<br />
Chittagong, au Bangladesh, ont gardé<br />
leur langue (du même nom) et leur<br />
culture très spécifiques. Les tribus<br />
vénèrent plusieurs dieux de la fertilité,<br />
comme Lam-Pra (la double déité du<br />
ciel et de la mer), Mailu-ma (la déesse<br />
du maïs, identifiée à Lakshmi), Khuluma<br />
(la déesse du coton), et Burha-cha<br />
(le dieu de la guérison).<br />
Les habitants n’appartenant pas<br />
à des tribus sont principalement des<br />
Bengalis de religion hindoue.<br />
Les différentes communautés ont<br />
souvent adopté les fêtes les unes des<br />
autres, au-delà des barrières de la<br />
langue et de l’héritage culturel. Ainsi<br />
les Bengalis se sont appropriés le<br />
festival Chaturdash Debta, célébré par<br />
les tribus au mois de juillet, alors que<br />
ces derniers participent joyeusement<br />
aux fêtes associées à la Durga Puja<br />
hindoue.<br />
Le mélange des cultures et religions<br />
se retrouve au niveau de l’artisanat,<br />
principalement les confections en<br />
bambou et les tissages, reconnus pour<br />
leur grande qualité.<br />
Alphabétisation et éducation<br />
Une des particularités du Tripura<br />
est son exceptionnelle réussite au<br />
niveau de l’alphabétisation. Au<br />
dernier recensement de 2011 son<br />
pourcentage était de 87,8 %, ce qui le<br />
place en troisième position au niveau<br />
national (la moyenne est de 74%),<br />
derrière le Mizoram voisin. L’année<br />
dernière, une étude a relevé le chiffre,<br />
annonçant un taux de 94,6%, ce<br />
qui le met en tête au niveau indien,<br />
passant cette fois devant le Kerala<br />
Le Palais sur l’eau de Neermahal<br />
(93,9%). Ceci est dû à des initiatives<br />
administratives et politiques veillant<br />
à ce qu’aucun enfant ne soit laissé<br />
en dehors du système éducatif. Le<br />
gouvernement a également amélioré<br />
l’infrastructure de l’éducation. Il<br />
souhaite à présent tirer parti de cette<br />
réussite pour développer le secteur<br />
des technologies de l’information (IT).<br />
Il est d’ores et déjà considéré comme<br />
la seconde meilleure destination au<br />
niveau de l’IT dans le nord-est après<br />
Guwahati (Assam). Un succès dû<br />
à son bon réseau d’établissements<br />
d’enseignement sup-érieur, qui ont<br />
permis d’augmenter considérablement<br />
sa main-d’oeuvre formée. Un Software<br />
Technology Park est par ailleurs en<br />
cours de développement à Agartala.<br />
Attirer les investissements<br />
Très désireux d’attirer les<br />
investissements indiens et étrangers,<br />
l’Etat développe les infrastructures. Il<br />
est pour l’instant connecté au reste<br />
de l’Inde par une route principale,<br />
qui passe par l’Assam, le Meghalaya,<br />
de nouveau l’Assam, pour rejoindre<br />
le nord du Bengale occidental et<br />
Kolkata. Dans sa zone industrielle<br />
de Bodhjungnagar, dans la banlieue<br />
d’Agartala, de nouveaux parcs<br />
industriels consacrés à l’alimentation,<br />
ou encore au bambou sont parmi les<br />
derniers projets en cours. n<br />
Gaëlle Gicquel<br />
Nouvelles De L’Inde<br />
juillet-août 2014<br />
23
Du caoutchouc et des fruits<br />
en abondance<br />
Outre ses vastes réserves de gaz comprenant un fort<br />
taux de méthanol, le Tripura est riche en caoutchouc et<br />
en bambou et possède aussi une large variété de fruits<br />
et de plantations de thé. Le tourisme et les technologies<br />
de l’Information (IT) offrent aussi un fort potentiel.<br />
Le gouvernement modernise les infrastructures et<br />
encourage les investissements nationaux et étrangers.
Lorsque le Tripura a rejoint<br />
l’Union indienne en<br />
1949, l’économie était<br />
principalement agricole et<br />
forestière. Il n’avait pas de base<br />
industrielle, son taux d’urbanisation était<br />
faible, et ses infrastructures limitées. Sa<br />
situation géographique excentrée, son<br />
manque de production énergétique, et<br />
le faible développement de son réseau<br />
de transport et de communication le<br />
défavorisaient.<br />
Son développement n’a vraiment<br />
débuté qu’à partir de 1998, de pair<br />
avec le processus d’urbanisation. Il<br />
se poursuit avec dynamisme et de<br />
nouvelles infrastructures se mettent en<br />
place pour attirer les investissements<br />
industriels. L’Etat produit un surplus<br />
d’électricité (en dehors des périodes de<br />
pointe), à des tarifs moins élevés que<br />
dans d’autres régions.<br />
Gros investissements en 2012-2013<br />
Selon l’Indian Brand Equity<br />
Foundation (IBEF), les investissements en<br />
2012-2013 ont atteint 3,02 milliards de<br />
dollars – un très bon résultat. 32% ont<br />
concerné l’industrie, 30,2% l’électricité,<br />
27,2% l’exploitation minière, 9,5% les<br />
services, et 0,6% l’immobilier.<br />
Le gouvernement du Tripura,<br />
désireux d’attirer des investisseurs<br />
nationaux et étrangers, et de développer<br />
les échanges avec le Bangladesh voisin,<br />
a lancé en 2012 un projet de promotion<br />
du développement industriel (Industrial<br />
Investment Promotion Incentive
Dossier<br />
Tripura : Business<br />
©http://wvindia.blogspot.in/<br />
Après la collecte du caoutchouc sur les arbres, le latex est appliqué<br />
uniformément sur des plateaux pour les transformer en bandes de<br />
caoutchouc<br />
Litchi<br />
Scheme). Par ailleurs, une agence<br />
de développement industriel (Tripura<br />
Industrial Development Agency, TIDA) a<br />
été établie pour faciliter les autorisations<br />
administratives.<br />
Les principaux secteurs<br />
Le secteur primaire représente 24,7 %<br />
du produit intérieur net, le secteur<br />
secondaire 15% et le secteur tertiaire<br />
60%. Plus de 75% de la main-d’œuvre<br />
dépend de l’agriculture. La production<br />
agricole, qui occupe environ un quart<br />
de la surface de l’Etat, est consacrée<br />
principalement au riz, ainsi qu’au jute,<br />
à la canne à sucre, au blé, au colza,<br />
à la noix de coco et au curcuma. Au<br />
niveau industriel, on trouve des petites<br />
industries dans les secteurs du thé,<br />
du bambou, du jute, de la sériculture<br />
(élevage du ver à soie), de l’artisanat<br />
et du tissage, de la transformation<br />
alimentaire (au niveau des fruits<br />
notamment) et du tourisme<br />
• Le caoutchouc. Le Tripura est le<br />
second producteur de caoutchouc du<br />
pays après le Kerala, avec un potentiel<br />
de culture de plus de 100 000 hectares.<br />
La surface de plantation de caoutchouc<br />
est d’environ 37 000 hectares avec une<br />
production de caoutchouc d’environ<br />
23 000 tonnes métriques par an. Un<br />
Parc du Caoutchouc est consacré<br />
au développement économique de<br />
ce secteur. Un fort potentiel existe<br />
pour développer de nouvelles unités<br />
industrielles basées sur le caoutchouc.<br />
• La transformation alimentaire. Les<br />
conditions sont favorables à la culture<br />
de nombreuses variétés de fruits et de<br />
plantations horticoles. L’Etat possède<br />
une large variété de plantations de fruits,<br />
principalement des fruits du jacquier,<br />
des oranges, des noix de cajou, des<br />
noix de coco, mais aussi des ananas, des<br />
litchis, etc… Un parc de l’alimentation<br />
est en cours de développement près<br />
d’Agartala, ainsi qu’une zone d’export<br />
de l’ananas. Le Tripura possède un fort<br />
potentiel pour la mise en place d’unités<br />
de transformation alimentaire.<br />
Les ananas et les oranges sont très<br />
réputés pour leur saveur unique et leur<br />
mode de production biologique. Des<br />
opportunités existent aussi au niveau<br />
de la production d’épices biologiques<br />
comme le gingembre, le curcuma, le<br />
piment, le poivre noir, la cannelle, et les<br />
feuilles de laurier.<br />
• Le thé. Le Tripura est le cinquième Etat<br />
producteur de thé parmi les 14 Etats<br />
producteurs de l’Inde, après l’Assam, le<br />
Bengale Occidental, le Tamil Nadu et le<br />
Kerala. Il produit environ 8,9 millions de<br />
kilos de thé par an et compte environ 55<br />
plantations et 4 350 petits producteurs<br />
de thé. Certaines plantations se tournent<br />
à présent vers la production biologique.<br />
La majeure partie de la production<br />
est achetée par l’Etat. Il existe un<br />
fort potentiel de développement.<br />
• Le bambou. Il représente une<br />
large superficie du Tripura : environ<br />
9%. Sur les 130 espèces de bambou<br />
connues en Inde, 21 y sont produites.<br />
La production s’élève à 0,9 million de<br />
mètres cubes. Les objets artisanaux<br />
en rotin et en bambou sont considérés<br />
comme parmi les meilleurs du pays et<br />
ont un fort potentiel à l’exportation. Le<br />
bambou peut aussi être utilisé dans la<br />
construction. La Mission du Bambou<br />
du Tripura (Tripura Bamboo Mission),<br />
lancée en 2007 pour promouvoir la<br />
production en mode de partenariat<br />
public-privé, a dynamisé le secteur.<br />
Un Parc du Bambou est en cours de<br />
développement dans la zone industrielle<br />
d’Agartala. De son côté, le Tripura<br />
Handloom and Handicraft Development<br />
Corporation Ltd ( Purbasha) a développé<br />
des nouvelles stratégies de marketing<br />
pour promouvoir les produits artisanaux<br />
locaux – qu’il vend en ligne.<br />
• Le tourisme. Le nombre d’Indiens<br />
et d’étrangers visitant le Tripura est<br />
en augmentation. Le gouvernement<br />
encourage le tourisme et développe<br />
les infrastructures qui lui sont liées.<br />
Dans cet objectif il a lancé, en 2009,<br />
26 juillet-août 2014 Nouvelles De L’Inde
Tripura : Business<br />
Dossier<br />
©http://industries.tripura.gov.in/image_gallery<br />
Bambou<br />
Plantation de thé de Durgabari<br />
le Tripura Tourism Development<br />
Corporation. Le tourisme religieux, de<br />
patrimoine, le tourisme vert dans les<br />
collines et le tourisme rural, présentent<br />
un potentiel intéressant, de même que l’<br />
écotourisme.<br />
• Le gaz naturel. Le Tripura a<br />
d’importantes réserves de gaz naturel<br />
de grande qualité dans la forme nonassociée<br />
(97% de méthane). Il offre<br />
un fort potentiel pour les investisseurs<br />
souhaitant développer des projets<br />
d’engrais, de méthane, de PVC, de gaz<br />
naturel compressé, etc…Le gaz naturel<br />
peut aussi être utilisé comme source<br />
d’énergie à coût moindre pour des<br />
projets industriels réclamant beaucoup<br />
d’énergie. Le Tripura possède aussi<br />
du sable utilisé pour faire du verre, de<br />
l’argile, du lignite.<br />
• Les technologies de l’information.<br />
Le Tripura, qui connait un fort taux<br />
d’alphabétisation (87,8%), a une<br />
bonne base de travailleurs formés.<br />
Il est considéré comme la seconde<br />
meilleure destination au niveau des<br />
Technologies de l’Information (IT) dans<br />
le nord-est après Guwahati (Assam).<br />
Le Tripura possède un bon réseau<br />
d’écoles et d’écoles supérieures,<br />
qui incluent un National Institute of<br />
Technology, une école d’ingénierie,<br />
deux écoles polytechniques, et huit<br />
ITIS (Instituts des Technologies de<br />
l’Information). La main-d’œuvre<br />
formée dans l’IT a considérablement<br />
augmenté ces dernières années. Un<br />
Software Technology Park est en cours<br />
de développement à Agartala afin de<br />
fournir les infrastructures nécessaires<br />
pour développer les industries de l’IT.<br />
Parmi les secteurs encore<br />
inexploités figure le développement<br />
des plantes médicinales. Le Tripura en<br />
possède une large variété (226 dont<br />
68 espèces d’arbres, 71 espèces<br />
d’herbes, 39 espèces d’arbustes et 88<br />
espèces de plantes grimpantes). Pour<br />
les développer le gouvernement a créé<br />
un conseil spécial, le Medicinal Plant<br />
Board.<br />
Le gouvernement souhaite aussi<br />
voir se développer les plantations de<br />
Jatrophas curcas, une plante qui permet<br />
de produire du carburant biologique.<br />
II encourage les investissements dans<br />
ce secteur sous forme de partenariat<br />
public-privé.<br />
Infrastructures en cours de<br />
modernisation<br />
Au cours de ces dernières années le<br />
gouvernement a pris plusieurs mesures<br />
pour développer les infrastructures. La<br />
voie express nationale reliant Agartala<br />
à Guwahati a été refaite et prolongée<br />
jusqu’à Sabroom (le point le plus au<br />
sud de l’Etat), à 75 km du port de<br />
Chittagong, au Bangladesh.<br />
La ligne de chemin de fer a été<br />
étendue jusqu’à Agartala et sera<br />
prolongée jusqu’à Sabroom. L’aéroport<br />
d’Agartala, deuxième du nord-est pour<br />
la fréquentation de passagers, a été<br />
modernisé et deviendra à terme un<br />
aéroport international.<br />
L’infrastructure télécom est aussi en<br />
cours de modernisation.<br />
Les zones industrielles<br />
La principale zone industrielle du<br />
Tripura se trouve à Bodhjungnagar,<br />
dans la banlieue d’Agartala. Elle<br />
comprend un centre de croissance<br />
industrielle (Industrial Growth Centre),<br />
un Parc industriel de la promotion<br />
de l’exportation (Export Promotion<br />
Industrial Park (EPIP), un Parc alimentaire<br />
(Food Park), un Parc du Caoutchouc<br />
(Rubber Parc).<br />
L’Etat comprend cinq autres zones<br />
industrielles : au nord à Dharmanagar et<br />
à Kumarghat, à l’ouest à Arundhatinagar<br />
et à Dulki, au sud à Dhwajanagar.<br />
Sont en cours de développement :<br />
un Parc du Bambou, à Bodhjungnaga<br />
et trois sociétés de développement<br />
de l’infrastructure industrielle<br />
(Industrial Infrastructure Development<br />
Corporation) : une dans chaque district,<br />
hormis le district ouest. n<br />
Gaëlle Gicquel<br />
Nouvelles De L’Inde<br />
juillet-août 2014<br />
27
Dossier Tripura : Tourisme<br />
Un enchantement de<br />
collines et d’orangers<br />
Le Tripura, avec ses collines ondulées, ses vallées vertes<br />
luxuriantes, ses rivières et ses lacs, est un écrin de verdure<br />
préservé et authentique, où il fait bon se reposer. Plusieurs sites<br />
archéologiques d’exception, comme Unakoti, s’offrent aussi au<br />
visiteur de passage.<br />
40 juillet-août 2014 Nouvelles De L’Inde
Tripura : Tourisme<br />
Dossier<br />
©Debashis Sutradhar<br />
Collines et vallées se succèdent<br />
dans cet Etat appelé<br />
familièrement « la fille des<br />
collines de l’est ». La chaîne<br />
de collines la plus célèbre et la plus<br />
élevée est celle de Jampui, réputée<br />
pour ses paysages magnifiques et son<br />
climat tonifiant. C’est aussi la plus<br />
touristique.<br />
Le Tripura est par ailleurs très boisé :<br />
pas moins de 60% de la surface est<br />
recouverte de forêts.<br />
Le Tripura possède un patrimoine<br />
culturel très riche. Les sites<br />
archéologiques de Unakoti, Pilak<br />
et Devtamura sont les principales<br />
attractions touristiques. Unakoti est<br />
sans aucun doute un des sites les plus<br />
exceptionnels de tout le nord-est :<br />
ses sculptures géantes, réalisées sur<br />
des parois de pierre, sont grandioses.<br />
Fusionnant religions traditionnelles et<br />
influence tribale, elles témoignent de<br />
la présence d’ordres bouddhistes et<br />
brahmaniques depuis des siècles.<br />
De nombreux temples hindous et<br />
bouddhistes émaillent le territoire,<br />
et parfois se côtoient, signe de la<br />
bonne entente entre personnes de<br />
différentes confessions.<br />
Parmi les monuments à visiter, le<br />
palais Ujjayanta à Agartala, construit<br />
par le Maharaja Radha Kishore<br />
Manikya au tournant du XXe siècle.<br />
L’ensemble, d’un blanc éclatant,<br />
surmonté de trois dômes, fait face à<br />
des jardins de style moghol.<br />
L’Etat possède aussi de très beaux<br />
lacs, dont le Rudra Sagar, sur lequel<br />
le Maharaja Bir Bikram Kishore<br />
Manikya a construit son palais d’été,<br />
le Neermahal, à présent ouvert aux<br />
visiteurs.<br />
Les amoureux de la nature et<br />
des animaux peuvent opter entre<br />
plusieurs réserves naturelles riches en<br />
espèces d’oiseaux très variées, alors<br />
que les éco-parcs permettent des<br />
promenades très cadrées dans une<br />
nature entretenue et aménagée.<br />
Environ 30% des habitants du<br />
Tripura appartiennent à des tribus et à<br />
l’une des 19 communautés recensées.<br />
Les touristes curieux de découvrir les<br />
traditions locales pourront participer<br />
aux festivals traditionnels, où ils<br />
découvriront les chants et danses<br />
des populations autochtones, et aux<br />
autres festivals majeurs communs à<br />
l’Inde entière.<br />
Côté shopping, les visiteurs<br />
peuvent acheter au Tripura des<br />
produits artisanaux de grande qualité.<br />
Qu’ils optent pour le circuit du<br />
sud-ouest, ou celui du nord-ouest (le<br />
nord du Tripura et le district Dhalai),<br />
les touristes sont certains de trouver<br />
au Tripura un environnement préservé<br />
et authentique.<br />
Dans les années à venir, le<br />
gouvernement local souhaite explorer<br />
de nouvelles pistes. Le potentiel est<br />
vaste, qu’il s’agisse d’écotourisme,<br />
de tourisme religieux, de tourisme<br />
de patrimoine, de découverte des<br />
collines ou d’autres zones rurales.<br />
Pour les voyageurs en quête d’univers<br />
nouveaux le Tripura est un Etat à<br />
suivre. Rien d’étonnant alors que<br />
le nombre de touristes soit en<br />
augmentation.<br />
«<br />
Dans les années<br />
à venir, le<br />
gouvernement local<br />
souhaite explorer<br />
de nouvelles pistes.<br />
Le potentiel est<br />
vaste, qu’il s’agisse<br />
d’écotourisme, de<br />
tourisme religieux,<br />
de tourisme de<br />
patrimoine, de<br />
découverte des<br />
collines ou d’autres<br />
zones rurales. Pour<br />
les voyageurs en<br />
quête d’univers<br />
nouveaux le Tripura<br />
»<br />
est un Etat à suivre<br />
Les collines de Jampui<br />
Jampui, la chaîne de collines la<br />
plus élevée du Tripura, à l’est, est<br />
réputée pour sa fraîcheur, son calme,<br />
ses conditions climatiques agréables,<br />
ses forêts denses et ses beaux vergers<br />
d’orangers. Les températures ne<br />
varient pas beaucoup, et rendent<br />
l’endroit idéal pour les touristes.<br />
Appelées « le siège du printemps<br />
permanent », les collines s’étendent<br />
du nord au sud de la région. Certains<br />
endroits offrent de superbes points<br />
de vue de la vallée et des villages<br />
du Mizoram voisin et les touristes<br />
y viennent aussi pour profiter des<br />
levers et couchers du soleil. Le<br />
Nouvelles De L’Inde<br />
juillet-août 2014<br />
29
Dossier Tripura : Tourisme<br />
©http://ians.in/<br />
Unakoti est situé à<br />
178 km d’Agartala,<br />
dans le district<br />
nord. Les sculptures<br />
géantes gravées dans<br />
la paroi rocheuse,<br />
impressionnantes en<br />
elles-mêmes, sont<br />
situées dans une<br />
superbe forêt, non<br />
loin de cascades.<br />
«<br />
»<br />
point culminant offre une vue sur le<br />
Betling chip, le plus haut sommet du<br />
Tripura, qui culmine à 975 mètres de<br />
hauteur, la vallée Kanchanpur-Dasda,<br />
les Chittagong Hill Tracts et d’autres<br />
©http://aimforseva.org/<br />
Unakoti<br />
Le Palais d’Ujjyanta, vieux de 112 ans, est le<br />
plus grand musée du nord-est de l’Inde<br />
collines du Tripura et du Mizoram<br />
voisin.<br />
Entre mars et mai on peut admirer<br />
plusieurs espèces d’orchidées et<br />
d’arbres sauvages en fleurs. Les<br />
collines se retrouvent dans les nuages<br />
pendant la saison des pluies. Aux mois<br />
d’octobre, novembre et décembre<br />
les orangers sont chargés de fruits<br />
et apportent une touche une touche<br />
colorée au paysage. Chaque année<br />
en novembre, un festival de l’orange<br />
est organisé, auquel participent<br />
de nombreux touristes indiens et<br />
étrangers.<br />
La région comprend onze petits<br />
villages environ. Les Mizo (tribus<br />
Lushai) qui y vivent, ont une identité<br />
culturelle très forte. La plupart<br />
sont chrétiens, parlent un très bon<br />
anglais, et sont financièrement aisés.<br />
Leurs maisons sont équipées du<br />
confort moderne, et il est possible de<br />
séjourner chez eux en tant qu’hôte<br />
payant.<br />
Le tourisme archéologique<br />
Unakoti est situé à 178 km<br />
d’Agartala, dans le district nord. Les<br />
sculptures géantes gravées dans la<br />
paroi rocheuse, impressionnantes en<br />
elles-mêmes, sont situées dans une<br />
superbe forêt, non loin de cascades.<br />
La tête de Shiva au centre et le Ganesh<br />
géant méritent une mention spéciale.<br />
La tête de Shiva, haute de neuf mètres,<br />
comprend une coiffure de trois mètres<br />
de haut. De chaque côté figurent<br />
30 juillet-août 2014 Nouvelles De L’Inde
Tripura : Tourisme<br />
Dossier<br />
Le stupa de Baxanagar<br />
datent des XVe et XVIe siècles.<br />
Pilak est situé à 100 km d’Agartala.<br />
Préservées par l’Archeological Survey<br />
of India, les sculptures, qui datent<br />
d’une période entre le VIIIe et le XIIe<br />
siècle, sont des représentations des<br />
panthéons hindou et bouddhiste, signe<br />
que les deux cultures cohabitaient<br />
pacifiquement.<br />
A Agartala, le musée d’Etat est l’un<br />
des plus beaux du nord-est. La plupart<br />
des sculptures présentées viennent<br />
d’Udaipur, de Pilak et de Jolaibari. Les<br />
plus belles viennent de Pilak, et sont<br />
réalisées en grès.<br />
Le tourisme religieux<br />
Depuis des temps immémoriaux, le<br />
Tripura a abrité toutes les croyances<br />
religieuses et cette diversité se<br />
retrouve dans la société, la sculpture<br />
et l’architecture. Ceci se manifeste<br />
autant dans les lieux de culte actuels<br />
que dans les vestiges archéologiques.<br />
De nombreux temples bouddhistes<br />
et hindous côtoient parfois des<br />
tombeaux musulmans, comme<br />
le Badar Mokam, un important<br />
tombeau islamique, construit au bord<br />
de la rivière Gomati entre le temple<br />
Bhubaneshwari et le temple Mata<br />
Tripureshwari. Ils sont la preuve d’une<br />
parfaite cohabitation entre religions –<br />
une des caractéristiques du Tripura.<br />
Parmi les endroits particulièrement<br />
vivants se trouve l’ancien temple<br />
construit au XVIe siècle de Mata<br />
Tripureshwari à Udaipur, dans le<br />
district sud, rempli de dévots tout au<br />
long de l’année.<br />
Les lacs<br />
A environ 50 km d’Agartala, le lac<br />
Rudra-Sagar et son palais sur l’eau<br />
©http://logminusone.blogspot.com/<br />
Chhabimura, la principale divinité<br />
La Pagode Mahamuni<br />
deux sculptures de femmes. Trois<br />
représentations immenses du taureau<br />
Nandi se trouvent à moitié enterrées<br />
dans le sol. Chaque année sur place,<br />
une grande fête, l’Ashokastami Mela,<br />
a lieu au mois d’avril, à laquelle<br />
participent des milliers de pèlerins.<br />
Deotamura est situé à 75 km<br />
d’Agartala, près d’Amarpur. Le lieu est<br />
célèbre pour ses sculptures réalisées<br />
dans la pierre sur les contreforts des<br />
montagnes, au bord de la rivière<br />
Gomati. Les sculptures des dieux et<br />
déesses, parmi lesquels Shiva, Vishnu,<br />
Nouvelles De L’Inde<br />
juillet-août 2014<br />
31
Dossier Tripura : Tourisme<br />
La réserve de Trishna<br />
Neermahal constituent l’une des<br />
principales attractions touristiques<br />
du Tripura. Le palais, inspiré de<br />
l’architecture moghole, et possédant<br />
aussi des éléments d’architecture<br />
hindoue, a été construit en 1930<br />
par le Maharaja Bir Bikram Kishore<br />
Manikya pour être sa résidence d’été.<br />
Les touristes peuvent faire du bateau<br />
sur le lac et chaque année, en juilletaoût,<br />
une course de bateau y est<br />
organisée.<br />
Le lac Dumboor, au sud de l’Etat,<br />
qui comprend 48 petites îles, est<br />
un endroit plein de charme, sur une<br />
surface de 42 km 2 . Il est dominé par<br />
trois rangées de collines et une forêt<br />
vierge. On peut y admirer des oiseaux<br />
migrateurs en hiver, et s’adonner aux<br />
plaisirs des sports aquatiques.<br />
Un autre lac est le Kamala Sagar,<br />
à la frontière avec le Bangladesh, à<br />
35 km d’Agartala. Sur ses berges se<br />
trouve un temple célèbre de la déesse<br />
Kali datant du XVIe siècle. C’est un<br />
endroit très prisé pour pique-niquer.<br />
Les réserves naturelles<br />
Située à 25 km d’Agartala, la<br />
réserve naturelle de Sepahijala abrite<br />
plus de 150 espèces d’oiseaux. C’est<br />
aussi un zoo, et l’endroit offre des<br />
promenades en bateau ou à dos<br />
d’éléphant. La réserve de Trishna,<br />
dans le district sud, abrite quant à<br />
elle des bisons, ainsi que des oiseaux<br />
migrateurs. L’immense réserve de<br />
Gomati, également dans le district<br />
sud, permet d’admirer de nombreux<br />
oiseaux, et possède une grande<br />
variété d’arbres. Sa large étendue<br />
d’eau attire les éléphants, les bisons,<br />
les cerfs sambar, les cerfs aboyeurs,<br />
les chèvres sauvages, et des reptiles.<br />
La petite réserve de Rowa, dans le<br />
district nord, abrite plusieurs espèces<br />
de primates et d’oiseaux.<br />
Les éco-parcs<br />
Quatre éco-parcs aménagés permettent<br />
aux visiteurs des promenades dans<br />
une nature entretenue : le parc Tepania,<br />
près d’Udaipur, très visité, est connu<br />
pour son pont suspendu qui traverse la<br />
forêt. On peut aussi y prendre un verre<br />
dans une maison de bois installée dans<br />
les arbres. Le Khumlwang éco-parc, à<br />
25 km d’Agartala, propose des sorties<br />
en bateau sur son lac. Le Baramura<br />
éco-parc, à 37 km d’Agartala, possède<br />
aussi des structures de bois offrant<br />
une vue panoramique sur la nature<br />
environnante. Le dernier est le<br />
Kalapania éco-parc, situé dans une<br />
région où avaient afflué des réfugiés<br />
Lac Dumboor<br />
du Bangladesh pendant la guerre de<br />
1971.<br />
Les festivals<br />
De nombreuses fêtes et de<br />
nombreux festivals sont célébrés dans<br />
cet Etat. Presque chaque tribu possède<br />
32 juillet-août 2014 Nouvelles De L’Inde
Tripura Romain : Tourisme Rolland<br />
Histoire Dossier<br />
Le parc naturel de Kalapania<br />
ses propres danses et festivals, qui sont<br />
célébrés avec beaucoup de dévotion<br />
et d’enthousiasme. Le Kharchi Puja,<br />
qui célèbre quatorze dieux, est célébré<br />
pendant toute une semaine au mois de<br />
juillet dans le temple de Chaturdasha<br />
Devta, près d’Agartala.<br />
Le Pous Sangkranti, près de la<br />
source de la rivière Gomti, à Tirthamu,<br />
dans le district sud, attire de nombreux<br />
dévots de tout le Tripura. Tribaux et<br />
non tribaux se rassemblent pour un<br />
bain sacré dans le lac. L’endroit est<br />
sacré pour les tribaux hindous. Le jour<br />
auspicieux, les gens arrivent par milliers<br />
et rasent leur tête au nom de leurs<br />
ancêtres, vénèrent les divinités et se<br />
livrent à des rituels. L’endroit, entouré<br />
de collines, est d’une grande beauté.<br />
Le festival Ashokastami, à Unakoti,<br />
dans le district nord, a lieu au mois<br />
d’avril. Des milliers de pèlerins venus<br />
de tout le Tripura se rassemblent pour<br />
Le temple Tripura-Gunoboti<br />
faire des offrandes aux images des<br />
dieux et des déesses gravées dans<br />
la pierre. C’est un des sites dédiés à<br />
Shiva les plus importants en Inde.<br />
Durga Puja, célébré au mois<br />
d’octobre dans toute l’Inde, est un des<br />
festivals les plus populaires au Tripura.<br />
Le quatrième jour, les statues de la<br />
déesse Durga sont immergées dans<br />
les rivières ou les grands lacs.<br />
Diwali est particulièrement fêté près<br />
de Matabari, dans le temple de Tripura<br />
Sundari, à Udaipur. Chaque année en<br />
novembre a lieu le festival de l’orange<br />
et du tourisme dans les collines Jampui.<br />
Une fête haute en couleurs à ne pas<br />
manquer lorsque l’on est de passage<br />
dans la région à cette période-là. n<br />
Gaëlle Gicquel<br />
©http://www.fameofcity.com/<br />
Nouvelles De L’Inde<br />
juillet-août 2014<br />
33
Dossier Tripura : Cuisine<br />
Une nourriture carnée<br />
saine et authentique<br />
De la viande, du poisson séché fermenté, des pousses de bambou,<br />
des légumes verts, des fruits du jacquier…la cuisine du Tripura,<br />
peu grasse et savoureuse, a su garder toute son authenticité.<br />
40 juillet-août 2014 Nouvelles De L’Inde
Tripura : Cuisine<br />
Dossier<br />
Le Tripura est un Etat où le<br />
végétarisme n’est pratiqué que<br />
par une petite minorité. D’une<br />
façon générale, la plupart des<br />
habitants consomme de la viande, qu’ils<br />
soient membres de tribus ou Bengalis.<br />
Les habitudes alimentaires de ces<br />
derniers ressemblent à celles de leurs<br />
pairs en Assam, au Bengale occidental,<br />
et au Bangladesh : beaucoup de riz, du<br />
poisson, du poulet, du mouton et du<br />
porc. A partir des nombreuses espèces<br />
de poissons disponibles sur place et<br />
importés du Bangladesh, ils préparent<br />
aussi des currys épicés.<br />
Une petite partie des musulmans<br />
consomment du bœuf, mais il n’est pas<br />
facilement disponible dans l’Etat.<br />
C’est en fait la cuisine tribale<br />
traditionnelle, appelée mui borok, qui<br />
fait le charme et la particularité de la<br />
cuisine du Tripura. Elle inclut différentes<br />
sortes de viandes et de poissons : du<br />
porc, du poulet, du mouton, du bœuf,<br />
de la tortue, accompagnés de légumes.<br />
La préparation la plus populaire de<br />
poisson est le hilsa, accommodé avec<br />
une sauce à la moutarde et du piment<br />
vert.<br />
C’est une cuisine saine et savoureuse,<br />
qui témoigne que les habitants du<br />
Tripura ont réussi à garder leur identité<br />
culturelle et leur diversité alimentaire.<br />
Un poisson séché et fermenté est<br />
utilisé comme épice. Pour produire<br />
leur riz et leurs légumes sans utiliser<br />
d’engrais chimiques, les tribaux<br />
utilisent la culture alternée. Seules les<br />
cendres de la végétation brûlée des<br />
bois et la bouse de vache sont utilisées<br />
pour enrichir la terre.<br />
Le riz est à la base de la nourriture.<br />
On le combine avec d’autres plats. La<br />
cuisine tripurie se prépare la plupart<br />
du temps sans huile. Lorsque l’on a<br />
besoin de frire les aliments, on utilise<br />
de l’huile de moutarde. Pousses de<br />
bambou, herbes locales, viande grillée,<br />
ragouts de poisson, crevettes, crabes,<br />
grenouilles figurent souvent au menu.<br />
Parmi les nombreuses épices utilisées :<br />
les graines de moutarde, un mélange<br />
de cinq épices (comprenant des graines<br />
d’oignon, de cumin blanc, de fenouil,<br />
de moutarde et de fenugrec), des<br />
piments verts et rouges, du curcuma,<br />
etc…<br />
Yaourt, noix de coco, farine de pois<br />
chiche et maïs sont aussi utilisés dans<br />
les préparations.<br />
L’Etat produit beaucoup de légumes.<br />
Les plus communs sont les aubergines,<br />
les piments, les potirons, les pousses<br />
de bambou, et le maïs.<br />
Légumes tels que pousses de bambou, champignons et carottes<br />
L’ingrédient clé de la cuisine tribale<br />
est un poisson séché et fermenté<br />
appelé berma. Il est considéré comme<br />
étant bon pour la santé, et se prépare<br />
sans huile. Il n’a pas un parfum très<br />
agréable, mais il prend un meilleur goût<br />
une fois cuisiné, et il est utilisé comme<br />
les épices dans la plupart des plats.<br />
Des recettes traditionnelles au porc<br />
Les tribus du Tripura mangent<br />
beaucoup de porc et le consomment<br />
de deux façons différentes. L’une<br />
est le curry de porc accommodé<br />
avec très peu d’épices. L’autre est le<br />
bharta préparé avec du porc cuit à la<br />
vapeur, mélangé avec des oignons, du<br />
gingembre, du piment grillé, une feuille<br />
locale parfumée, et du sel.<br />
Le halud bharta, quant à lui, est<br />
constitué d’une pâte de tamarin crue<br />
mélangée avec du poisson séché, des<br />
oignons, du piment vert cuits dans un<br />
récipient en bambou. Parmi les autres<br />
plats populaires le godhak est une<br />
préparation de légumes bouillis avec<br />
du poisson séché, écrasé à la main avec<br />
Vegan Kosoi (Haricots) Bwtwi<br />
du sel, des oignons et du piment vert. Il<br />
est consommé avec du riz.<br />
Le chakhoi est un cocktail bouilli de<br />
lentilles musur, de porc, de barali (la<br />
partie intérieure du bananier) et de<br />
morceaux de papaye, accommodé<br />
avec du sel et du piment vert. Il est<br />
consommé avec du riz.<br />
Une des recettes traditionnelles,<br />
le chakhwi de porc et pousses de<br />
bambou, se prépare avec des petits<br />
bouts de pousses de bambou, de la<br />
papaye verte, du fruit du jacquier, du<br />
gingembre, des feuilles de citronnier et<br />
du porc.<br />
Une autre, le bwtwi de haricots, se<br />
fait avec des haricots, du piment rouge,<br />
du berma, de l’oignon, de l’ail, de la<br />
poudre de curcuma que l’on fait bouillir.<br />
Une boisson traditionnelle est le<br />
chuak, une bière faite à partir de riz<br />
fermenté. On la boit au cours des<br />
réunions sociales. On l’offre aussi aux<br />
anciens du village lors des célébrations<br />
dans une famille tripurie. n<br />
Gaëlle Gicquel<br />
©http://jeanetteshealthyliving.com/<br />
©http://tamalapaku.blogspot.in/<br />
Nouvelles De L’Inde<br />
juillet-août 2014<br />
35
Dossier Tripura : Artisanat<br />
Lorsque le bambou et<br />
les textiles font des<br />
merveilles<br />
Dans les villages, les membres des tribus du<br />
Tripura excellent dans l’art de travailler le<br />
bambou et l’osier qui les environnent. Leur<br />
artisanat, réputé dans toute l’Inde, s’exporte<br />
à présent à l’étranger. D’autres sont experts<br />
en tissage et reproduisent à présent les<br />
motifs traditionnels sur des coussins ou des<br />
couvre-lits destinés à une vente à grande échelle.<br />
©http://ecogreenunits.blogspot.in/<br />
Le Tripura est l’Etat du bambou :<br />
pas moins de 9% de son<br />
territoire en est recouvert. C’est<br />
l’une des régions de l’Inde où il<br />
pousse le mieux. Depuis des temps<br />
immémoriaux, les artisans des tribus<br />
se le sont appropriés et ont développé<br />
l’art de le travailler. Il occupe, avec<br />
l’osier, une place à part dans la vie des<br />
habitants, tant au niveau des objets<br />
du quotidien que dans les cérémonies<br />
religieuses.<br />
Cet artisanat s’est imprégné de<br />
différentes influences. Aux motifs<br />
originellement développés par les<br />
tribus se sont ajoutés ceux des artisans<br />
manipuris et bengalis venus s’installer<br />
dans l’Etat. On retrouve aussi dans les<br />
objets les influences de l’hindouisme,<br />
du bouddhisme et de l’islam.<br />
Les touristes peuvent voir les<br />
artisans à l’œuvre dans les villages, et<br />
aussi, lors de leur passage à Agartala,<br />
la capitale, à l’emporium d’Etat appelé<br />
Purbasha.<br />
Un vaste choix d’objets y est<br />
disponible : paravents, sets de table,<br />
nattes, abat-jours, cache-pots, porte-<br />
documents pour les conférences,<br />
éventails, encadrements de miroirs,<br />
barrettes, plateaux, etc… ainsi que<br />
des meubles tels que des chaises de<br />
jardin, des chaises pour bébé, des<br />
fauteuils et même des faux plafonds …<br />
Le Tripura Handloom and<br />
Handicraft Development Corporation<br />
Ltd (Purbasha) vend aussi en ligne ses<br />
produits et les expédie. L’exportation<br />
de l’artisanat est en effet considérée<br />
par le gouvernement comme un<br />
secteur à développer.<br />
Rayures verticales et horizontales<br />
De son côté, l’art du tissage<br />
occupe une place sacrée dans la vie<br />
traditionnelle du Tripura. Les anciennes<br />
histoires traditionnelles et fables<br />
regorgent d’exemples qui le glorifient.<br />
Traditionnellement, les femmes des<br />
différentes tribus tissent elles-mêmes<br />
leurs robes et autres vêtements.<br />
D’une tribu à l’autre les motifs varient,<br />
ce qui permet d’identifier qui, d’une<br />
communauté Chakma, Kuki, Lussai<br />
ou Reang, a réalisé le vêtement. Les<br />
principaux dessins sont des rayures<br />
verticales et horizontales, entremêlées<br />
de broderies de couleurs vives<br />
symboliques.<br />
Les tisserands excellent dans l’art<br />
de retranscrire la beauté de la nature<br />
qui les entoure, avec tous les détails<br />
relatifs à la couleur, aux perceptions,<br />
aux formes… Tout comme les<br />
tresseurs de bambou, ils ont adopté<br />
librement les motifs et techniques des<br />
autres communautés pour enrichir<br />
leurs propres traditions. Le tissage<br />
représente aujourd’hui un mélange<br />
harmonieux de trois traditions –<br />
tribale, manipurie et bengalie. Ces sont<br />
les Bengalis, immigrés du Bangladesh,<br />
qui produisent à plus grande échelle,<br />
notamment des saris en soie et en<br />
coton, des lungis (morceau de tissu<br />
dont les hommes se drapent les<br />
jambes) ou encore des tapis en jute.<br />
Cette industrie qui traditionnellement<br />
procure un deuxième revenu<br />
aux cultivateurs appartenant aux<br />
tribus, joue toujours un rôle important<br />
dans l’économie de l’Etat.<br />
Tout comme pour les objets en<br />
bambou, un large choix de textiles<br />
en coton, en jute et en soie sont<br />
disponibles dans l’emporium d’Etat<br />
Purbasha, à Agartala, ou en vente en<br />
ligne. On y trouve des tuniques, des<br />
saris, des écharpes mais aussi de<br />
superbes accessoires de décoration<br />
intérieure tels que des tentures,<br />
des enveloppes de coussins, des<br />
protège-chaises qui, avec leur touche<br />
« ethnique », ont le pouvoir de donner<br />
un certain cachet à plus d’un intérieur<br />
indien ou européen… n<br />
Gaëlle Gicquel<br />
36 juillet-août 2014 Nouvelles De L’Inde
Siddhart Dhanvant Shanghvi<br />
Rencontre<br />
Siddhart Dhanvant Shanghvi<br />
Un imaginaire d’hier<br />
et d’aujourd’hui<br />
De sa venue rapide comme l’éclair, le<br />
vendredi 6 juin 2014, à l’ambassade de<br />
l’Inde, Siddhart a laissé une trace éphémère<br />
mais toutefois diffuse tel un parfum émanant<br />
de ses livres, et à défaut d’un scandale….<br />
Vaporeux, un tantinet<br />
superficiel, des chaussures<br />
ou plutôt des chaussons qui<br />
évoqueraient une sortie lit,<br />
l’auteur de trente-sept ans semble<br />
prendre toutes les situations à la<br />
cause légère. Il faut souligner qu’il<br />
aime surprendre et donc invente<br />
et réinvente une métamorphose à<br />
chaque apparition, une façon à lui<br />
de se faire remarquer pour exister ou<br />
plutôt ne plus jamais grandir.<br />
Ce jour là, avait-il une envie subite<br />
d’écriture, la France lui avait-elle<br />
procuré les effluves nécessaires pour<br />
son prochain roman ? Voilà qu’une fois<br />
à demi-assis dans son fauteuil rouge<br />
tel un trône, il trépigne d’impatience<br />
de nous faire lecture de son « café<br />
littéraire » pour nous faire boire sa<br />
tasse…<br />
A 26 ans, Siddhart devient une star,<br />
plutôt un people au pays de Ganesh, en<br />
2004, ses livres révèlent un véritable<br />
parfum de scandale. En secouant le<br />
politico correct de la nation, il s’est<br />
vite attiré les foudres de la presse<br />
conservatrice indienne qui qualifie<br />
ses écrits d’obscènes et de choquants<br />
« Parce que je parle de la sexualité des<br />
femmes et du plaisir, c’est donc un<br />
sujet tabou. Mes héroïnes sont libres,<br />
fortes, elles dominent les hommes,<br />
les chevauchent pendant l’amour, et<br />
l’on m’accuse de mettre en péril la<br />
virilité de l’homme ! » Siddhart, en<br />
quasi-féministe, s’allie aux femmes<br />
qui le lui rendent bien. Il y a une<br />
vraie mouvance sexuelle en Inde, de<br />
ce fait, Siddhart est bien obligé de<br />
le faire constater mais comment le<br />
crier autrement que dans le roman ?<br />
Détrompez-vous, ce n’est pas la<br />
romance sexuelle entre un Anglais et<br />
un jeune Indien qui fait scandale mais<br />
de toucher au sacré, à la condition<br />
féminine que l’on entrevoit dans les<br />
pages de son livre comme tachée par<br />
des scènes saphiques ou zoophiles :<br />
une épopée certifiée de Kâma-Sûtra<br />
d’un genre !<br />
Tout a commencé par l’Angleterre,<br />
précurseur des démons enfouis dans<br />
la plume de Siddhart, pour cause<br />
comme le précise l’auteur « Il n’y a pas<br />
d’agents littéraires en Inde, … ». Mais<br />
peut-on se poser la question, est-ce<br />
du pain béni pour ces colonisateurs<br />
qui veulent entacher l’Inde par une<br />
pâle vengeance ? Que penser de<br />
cette Inde indo-britannique ? Et<br />
pourtant les Anglais en prennent pour<br />
leur grade. L’auteur montre, dans son<br />
premier roman : « La fille qui marchait<br />
sur l’eau » 2004 Editions des Deux<br />
Terres, une époque révolue, celle des<br />
années vingt au cœur de Bombay<br />
où baignent luxure et débauche sans<br />
limite. Mais qu’à cela ne tienne, la<br />
presse britannique l’encense et voit<br />
en lui un auteur né. Il fréquente la<br />
jet set de Bombay, et grâce à cet<br />
émolument médiatique, l’Inde le<br />
considère, mais comme une sorte<br />
d’anarchiste sexuel et d’élément<br />
perturbateur qui, toutefois, trouve son<br />
public et peut-être, un porte-parole en<br />
la matière. Siddhart attire l’attention,<br />
on lui propose de mettre en avant ses<br />
articles dans de grands quotidiens,<br />
hebdomadaires et autres de la presse<br />
indienne et internationale.<br />
Comme dans son premier ouvrage, il<br />
décrit l’Inde des privilèges, post-érotico<br />
soap-opéra dans une veine de contes<br />
fantastiques en fortes émotions. Dans<br />
son second « Les derniers flamants<br />
de Bombay » 2010 Editions des Deux<br />
Terres, il nous replonge parmi les<br />
nantis de manière plus contemporaine<br />
en toile de fond : Bollywood et son<br />
masala de sexe, d’argent, de célébrité,<br />
et de meurtre qui battent en brèche<br />
les valeurs fondamentales de la haute<br />
société indienne.<br />
Siddhart Dhanvant Shanghvi fait<br />
dans le méli-mélo des genres mais<br />
est-ce là son art ? Il réussit tout de<br />
même à le dépêtrer à qui le veut bien<br />
voir comme à ses lecteurs qui veulent<br />
voyager dans ses rêves et s’imprégner<br />
de son âme littéraire. n<br />
Laurent Adicéam-Dixit<br />
Nouvelles De L’Inde<br />
juillet-août 2014<br />
37
Education Twinning in India 2014<br />
Ensemble à Christ Nagar International School<br />
South India 2014 et Twinning in India<br />
Echanges scolaires et jumelages entre le Collège Jean Renoir (Bourges) et la Christ Nagar International<br />
School de Trivandrum (Kerala).<br />
En raison des projets pilotes<br />
et des voyages d’élèves qu’il<br />
a initiés avec l’Inde depuis<br />
2007, le Collège Jean Renoir<br />
de Bourges fait partie du réseau<br />
français des « Ecoles associées à<br />
l’UNESCO » ; ces séjours scolaires et<br />
d’études qui se concrétisent tous les<br />
deux ans sont à la fois très appréciés<br />
par l’Académie d’Orléans-Tours pour<br />
leur démarche innovante et soutenus<br />
par le Conseil régional du Centre et le<br />
Conseil général du Cher ainsi que par<br />
différents partenaires nationaux et<br />
régionaux ( MGEN, Fondation Cultura,<br />
Théâtre des Bains Douches…) qui ont<br />
reconnu l’excellence de telles initiatives<br />
en matière d’éducation.<br />
Réputé et réellement estimé pour la<br />
richesse et la qualité de ses multiples<br />
projets pédagogiques orientés vers<br />
l’international, le Collège Jean Renoir<br />
a accueilli en mai dernier un groupe<br />
de 18 jeunes Indiens originaires<br />
de l’Etat du Kerala. Scolarisés à la<br />
Christ Nagar International School de<br />
Trivandrum - ou Thiruvananathapuram<br />
- capitale du Kerala, ces élèves étaient<br />
accompagnés par le Principal de<br />
l’établissement, Père Cyriac Thundiyil et<br />
par deux enseignantes d’anglais. Si ce<br />
programme de jumelage est le premier<br />
à être mis sur pied en 2014, il s’inscrit<br />
dans une politique à l’international<br />
menée par l’établissement de Bourges<br />
qui, depuis 2007, a mis l’Inde au cœur<br />
de ses destinations et de ses priorités<br />
en matière d’ouverture sur le monde et<br />
à la citoyenneté internationale.<br />
En effet, au cours de ces dernières<br />
années, des élèves des classes de 3ème<br />
-dont certains connaissent des difficultés<br />
scolaires ou personnelles - ont eu la<br />
possibilité et la chance de participer à<br />
des voyages d’études en Inde. Chaque<br />
projet est toujours consciencieusement<br />
préparé sur deux années au cours<br />
desquelles les élèves vont découvrir<br />
l’Inde grâce à diverses initiations<br />
leur permettant une approche des<br />
dimensions économiques, écologiques<br />
et des richesses socio-culturelles de<br />
ce si vaste pays-continent. Depuis plus<br />
de 7 ans, l’accent a donc été mis sur la<br />
découverte et l’exploration de deux des<br />
Etats du sud l’Inde : le Tamil Nadu et le<br />
Kerala.<br />
Février 2014 : des élèves du Collège<br />
Jean Renoir et leurs accompagnateurs<br />
se préparent à s’envoler vers<br />
Trivandrum…<br />
Et, si depuis 2007, plus d’une<br />
centaine d’élèves se sont rendus en<br />
Inde, la volonté d’Alain Payen, Principal<br />
du Collège, était aussi de pouvoir<br />
envisager des séjours dans un esprit<br />
de réciprocité. Fort de sa grande<br />
expérience à l’international qu’il conduit<br />
dans une dizaine de pays avec des<br />
membres motivés et dynamiques de<br />
son équipe pédagogique, Alain Payen<br />
est à l’initiative de différents projets<br />
d’envergure avec l’Inde ; un pays dont<br />
il n’a de cesse de nous faire partager<br />
ses découvertes et de témoigner de ses<br />
enthousiasmes…<br />
Consécutivement à des rencontres<br />
de plus en plus affinées que les<br />
enseignants avaient nouées lors de<br />
précédents séjours au Kerala, c’est<br />
donc au cours du premier semestre<br />
38<br />
juillet-août 2014<br />
Nouvelles De L’Inde
Twinning in India 2014<br />
Education<br />
Christ Nagar International<br />
School - Photo Emile Carion<br />
2014 que ce jumelage a pu être mis sur<br />
pied avec la “Twinning in India”, tandis<br />
que quelques enseignants indiens<br />
de cette Ecole étaient déjà venus à<br />
Bourges, en 2013, invités par le Collège<br />
Jean Renoir. A titre de préparation<br />
et comme pour chacun des voyages,<br />
les élèves ont reçu pendant deux<br />
ans une initiation leur permettant de<br />
découvrir certains aspects de l’Inde : sa<br />
géographie, son histoire, les traits de sa<br />
culture artistique, si riche et diversifiée,<br />
ses ressources économiques et son<br />
environnement naturel….<br />
Les élèves ont également été initiés<br />
à la technique des Carnets de voyages,<br />
avec Lydie Baron, artiste-illustratrice<br />
et enseignante au Collège. Outre<br />
l’apprentissage vivant de l’anglais, dont<br />
chacun réalise désormais l’importance<br />
capitale, de telles initiatives valorisent<br />
aussi une ouverture vers les arts de la<br />
scène, grâce au danseur-chorégraphe,<br />
Christian Bourrigault qui, pendant<br />
la seconde année, est venu aider les<br />
jeunes à construire leur spectacle<br />
tandis que de nombreux enseignants<br />
associés au projet les ont guidés dans la<br />
rédaction des exposés thématiques qui<br />
seront présentés en anglais devant une<br />
audience de quelque 600 personnes de<br />
la Christ Nagar International School.<br />
Pendant plusieurs jours, nombreuses<br />
furent les animations culturelles et les<br />
manifestations artistiques proposées<br />
par les élèves indiens et français<br />
qui firent vibrer les murs de cet<br />
établissement de renom qui compte,<br />
avec ses quelque 6000 élèves, de<br />
nombreux partenariats à l’étranger.<br />
Puis, diverses visites proposées ont<br />
permis d’allier l’approche touristique de<br />
l’Etat (réserves d’éléphants, plantations<br />
de thé, visite des backwaters ou des<br />
plages du Kerala et de Cochin…) à<br />
la découverte de quelques éminents<br />
centres de recherches scientifiques,<br />
tel l’institut de cancérologie - Regional<br />
Cancer Centre (RCC)- ou bien encore les<br />
studios de Toonz Animation India Ltd, ce<br />
leader mondial de la création des films<br />
d’animation situé dans cette capitale du<br />
Kerala.<br />
Et si pendant cette période (du 7<br />
au 18 février), les 18 collégiens ont été<br />
chaleureusement accueillis dans des<br />
familles de Thiruvananathapuram, ce<br />
fut ensuite au tour des 18 collégiens<br />
indiens d’être reçus dans les familles<br />
berruyères, fières à leur tour de leur<br />
rendre une belle hospitalité.<br />
Mai 2014 : élèves et enseignants du<br />
Kerala en résidence dans une vingtaine<br />
de familles à Bourges.<br />
Après d’heureuses retrouvailles<br />
et une fois installés dans leur famille<br />
respective, les jeunes ont ensemble<br />
rejoint le collège pour participer dès<br />
l’après-midi à des échanges sur le<br />
thème de la condition de la femme<br />
avec quelques enseignants et invitées<br />
afin d’entamer un dialogue autour de<br />
la perception du rôle de la femme dans<br />
chaque pays ; autant de conceptions<br />
relatives marquées par les héritages<br />
socio-culturels. Au cours de la semaine,<br />
des programmes de visites organisées<br />
à Bourges et dans la région ainsi qu’à<br />
Paris permirent aux jeunes Indiens de<br />
découvrir quelques chefs-d’œuvre du<br />
patrimoine architectural - Bourges, sa<br />
magnifique cathédrale ainsi que ses<br />
marais, l’abbaye de Noirlac et quelques<br />
châteaux de la Loire…- ou encore de<br />
visiter des entreprises, telle Veolia, qui<br />
leur a proposé un exposé pédagogique<br />
sur la gestion des déchets.<br />
Il faut souligner que l’organisation<br />
matérielle de tels voyages bénéficie du<br />
précieux appui logistique et de la solide<br />
expérience de terrain de NAMASTE<br />
I.N.D.E (Imaginons Nous Demain<br />
Ensemble) *, une association berruyère<br />
dont les membres se sont rendus à<br />
plusieurs reprises sur le terrain en Inde<br />
et qui associe aux projets du Collège<br />
Jean Renoir, ceux du Lycée Jacques-<br />
Cœur et de l’INSA (Institut National des<br />
Sciences Appliquées) réalisés en Inde<br />
ainsi que quelques établissements de<br />
la région Centre. Ainsi les élèves ont-ils<br />
participé à la conférence sur l’éducation<br />
en Inde organisée par l’Association<br />
Centraider au Lycée jacques Coeur.<br />
Sur invitation du Conseil général<br />
du Cher, enseignants et jeunes<br />
Indiens élégamment vêtus d’un<br />
costume bleu et d’une chemise<br />
claire ont été reçus dans la Salle des<br />
Délibérations, où les attendaient Jean-<br />
Pierre Saulnier, Président du Conseil<br />
général, et Alain Rafesthain, Viceprésident,<br />
en charge des finances et<br />
de la coopération décentralisée. La<br />
question de l’importance décisive de<br />
l’éducation et celle de l’ouverture aux<br />
valeurs citoyennes et interculturelles<br />
ont fait l’objet d’un riche débat, puis<br />
Père Cyriac Thundiyil, Principal de la<br />
Christ Nagar International School, a<br />
également exposé quelques-unes des<br />
priorités en matière d’éducation en Inde<br />
où, près de la moitié de la population,<br />
soit quelque 600 millions de personnes,<br />
a aujourd’hui moins de 25 ans.<br />
Une rencontre qui s’est clôturée<br />
dans la prestigieuse Salle du Duc<br />
Jean autour d’un verre de l’amitié<br />
et d’échanges plus informels, sans<br />
oublier une mutuelle distribution des<br />
cadeaux et les incontournables selfies,<br />
ces autoportraits qui, à l’unanimité et<br />
sur tous les continents, font la joie de<br />
tous!... n<br />
Mireille-Joséphine Guézennec<br />
(Présidente d’honneur de<br />
l’association NAMASTE I.N.D.E)<br />
* NAMASTE I.N.D.E<br />
(www.namasteinde.org)<br />
Avant la fête donné par les élèves - Photo Emilie Carion<br />
Atelier de réflexion à Christ Nagar - photo Emile Carion<br />
Nouvelles De L’Inde<br />
juillet-août 2014<br />
39
Histoire Romain Rolland<br />
©National Library of France<br />
Même s’il découvre à Normale<br />
Supérieure, où il séjourne de<br />
1886 à 1889, la traduction<br />
par Burnouf de la Bhagavad-<br />
Gîta, la rencontre de Romain Rolland<br />
avec l’Inde ne se réalise vraiment<br />
qu’à partir de la première guerre<br />
mondiale. Dès le début du conflit, le<br />
célèbre auteur du roman-fleuve Jean-<br />
Christophe a décidé de résider en Suisse<br />
et de faire paraître ses articles dans<br />
le Journal de Genève où, il dénonce,<br />
se situant « au-dessus de la mêlée »,<br />
le déferlement de haine entre la France<br />
et l’Allemagne. C’est pourquoi lorsqu’en<br />
février 1915, Ananda Coomaraswamy<br />
lui dédie un article où il affirme<br />
que le renouvellement de la culture<br />
européenne ne peut se faire que grâce<br />
à l’intervention des autres cultures,<br />
l’écrivain s’enthousiasme. Et quand<br />
l’historien de l’art lui envoie son ouvrage<br />
The Arts and Crafts of India and Ceylan,<br />
il s’écrie : « J’éprouve, en feuilletant les<br />
pages illustrées, un ravissement. Cet<br />
univers est trop riche, trop plein ! Ma<br />
poitrine éclate. Elle est trop petite pour<br />
le contenir. »<br />
Les deux hémisphères de l’Esprit<br />
Le discours de Tagore, en juin 1916,<br />
lui apparait comme une véritable<br />
incitation au dialogue avec l’Orient. À<br />
l’Université impériale de Tokyo, l’auteur<br />
de l’Offrande lyrique met en garde le<br />
Japon contre la civilisation d’Europe,<br />
« vorace et dominatrice », et dénonçant<br />
son monopole, prophétise la fin du<br />
monde occidental, essentiellement<br />
scientifique, profondément inhumaine.<br />
Le poète bengali engage l’Asie, à<br />
remettre en question, dans son<br />
processus de décolonisation, les<br />
valeurs prônées par les Européens, et<br />
pour cela à prendre conscience de sa<br />
propre richesse intérieure, ce qui doit<br />
déboucher, pense-t-il, sur un dialogue<br />
d’égal à égal avec l’Occident.<br />
Pour Rolland, abattu de voir<br />
les Européens s’entredéchirer, ce<br />
discours marque un tournant dans<br />
l’histoire du monde. Délaissant<br />
l’Europe fratricide, l’écrivain s’ouvre<br />
à l’internationalisme. Et lorsqu’à<br />
la fin de la guerre, il demande à<br />
Tagore d’adhérer à sa « Déclaration<br />
d’indépendance de l’esprit »,<br />
il précise le sens de sa profession<br />
de foi : « Je voudrais que désormais<br />
l’intelligence de l’Asie prît une part<br />
de plus en plus régulière dans les<br />
manifestations de la pensée d(Europe.<br />
Mon rêve serait que l’on vît, un jour,<br />
l’union de ces deux hémisphères de<br />
l’Esprit ; et je vous admire d’y avoir<br />
contribué plus que quiconque.»<br />
Le poète se rendra plusieurs fois<br />
en Europe et rencontrera Rolland à<br />
plusieurs reprises : à Paris en 1921,<br />
puis en 1926 en Suisse, où il a décidé<br />
de s’installer définitivement, et une<br />
dernière fois à Genève en 1930. Les<br />
échanges portent essentiellement<br />
sur la musique, la poésie, la danse et<br />
la peinture et une correspondance (la<br />
dernière lettre de Tagore date de 1940)<br />
accompagne cette amitié entre les<br />
deux hommes.<br />
40 juillet-août 2014 Nouvelles De L’Inde
Romain Rolland<br />
Histoire<br />
L’Inde<br />
Romain Rolland<br />
Les deux hommes<br />
échangent eux aussi<br />
une correspondance<br />
et Gandhi, de retour<br />
de la deuxième<br />
Conférence de la Table<br />
Ronde à Londres en<br />
1931, lui rendra visite<br />
chez lui, sur les bords<br />
du lac Léman. Mais<br />
l’idéal pacifiste de<br />
l’Hindou, pense-t-il,<br />
n’est pas applicable<br />
en France et le<br />
Mahatma n’apporte<br />
pas de solution au<br />
problème de l’action<br />
sociale en Europe<br />
«<br />
»<br />
Rencontre avec le « Christ des<br />
Indes »<br />
L’Inde se dévoile progressivement<br />
sous ses yeux, culturelle d’abord,<br />
puis politique quand Dilip Kumar Roy,<br />
étudiant à Cambridge, lui parle lors<br />
d’une visite à Villeneuve du succès de<br />
Jean-Christophe dans son pays. Mais il<br />
évoque surtout l’influence magnétique<br />
sur les foules de celui qui a lancé depuis<br />
le massacre d’Amritsar d’avril 1919 le<br />
premier mouvement de désobéissance<br />
civile, et va devenir pour l’écrivain le «<br />
Christ des Indes ». Le Mahatma est bien<br />
ce héros que cherche son cœur pour<br />
faire réagir l’Europe pacifiquement face<br />
au désastre de la guerre et des Traités<br />
de paix. De plus Gandhi semble avoir<br />
subi l’influence des idées de Tolstoï,<br />
sur qui Rolland a écrit une biographie<br />
admirative et, note-t-il, populaire<br />
au Bengale. Ainsi prend-il plaisir à<br />
observer qu’il contribue concrètement<br />
au dialogue entre l’Orient et l’Occident,<br />
échange amorcé depuis un certain<br />
temps déjà par l’écrivain russe.<br />
La biographie de celui qu’en France<br />
on présente comme un « agitateur »,<br />
en réalité « un des types les plus<br />
héroïques du Résistant », parait en<br />
1924. Mahatma Gandhi obtient un<br />
très gros succès et fait connaître le<br />
satyagraha à l’Europe. Cet idéal de<br />
Non-violence, présenté comme une<br />
hypothèse sociale dans la lutte contre<br />
la colonisation, le séduit tout autant<br />
que l’expérience bolchevique dans la<br />
Révolution prolétarienne.<br />
Les deux hommes échangent eux<br />
aussi une correspondance et Gandhi, de<br />
retour de la deuxième Conférence de la<br />
Table Ronde à Londres en 1931, lui rendra<br />
visite chez lui, sur les bords du lac Léman.<br />
Mais l’idéal pacifiste de l’Hindou, penset-il,<br />
n’est pas applicable en France et le<br />
Mahatma n’apporte pas de solution au<br />
problème de l’action sociale en Europe :<br />
le satyâgraha n’est pas compatible<br />
avec la révolution prolétarienne ni<br />
le nationalisme de Gandhi avec les<br />
convictions de l’auteur d’Au-dessus de la<br />
Mêlée.<br />
Dès 1915, l’auteur de Jean-<br />
Christophe a échangé des lettres avec<br />
des correspondants de l’Inde culturelle,<br />
sociale et politique. À partir de la<br />
publication de Mahatma Gandhi, il<br />
reçoit chez lui de nombreuses visites :<br />
personnages politiques comme Lala<br />
Lajpat Rai ou le pandit Nehru, mais<br />
aussi des Indiens du monde littéraire<br />
(Dhan Gopal Mukherji, l’historiographe<br />
de Ramakrishna), du monde<br />
universitaire (Kalidas Nag), ou du<br />
monde scientifique (Jagadis Chunder<br />
Bose). Dans les années qui suivent la<br />
publication de sa biographie, Rolland<br />
approfondit sa connaissance de l’Inde<br />
et précise les raisons de son attirance.<br />
On ne saurait opposer une Inde passive<br />
et intuitive, pense-t-il, à une Europe<br />
dont la pensée serait fondée sur la<br />
seule raison : la science n’est pas<br />
l’apanage de l’Occident. « ... Comment<br />
[les Hindous] arrivent à combiner, dans<br />
le même temps, raison claire et vision<br />
intérieure, c’est une science que ne<br />
Bibliographie<br />
Les publications de Rolland ayant<br />
trait à l’Inde sont nombreuses :<br />
préfaces, avant-propos, introductions<br />
à différents ouvrages, articles<br />
de presse. Nous citons ici les textes<br />
les plus importants.<br />
La correspondance indienne est<br />
publiée chez Albin Michel :<br />
- Rabindranath Tagore et Romain<br />
Rolland, lettres et autres écrits,<br />
Cahiers Romain Rolland, n° 12<br />
(1961).<br />
- Gandhi et Romain Rolland,<br />
Correspondance, extraits du Journal<br />
et textes divers, Cahiers n° 19<br />
(1969).<br />
La correspondance croisée avec<br />
Kalidas Nag est publiée en anglais<br />
sous le titre : Romain Rolland –<br />
Kalidas Nag Correspondence, The<br />
Tower and the Sea, présentée par<br />
Chinmoy Guha, Papyrus,1996,<br />
Calcutta.<br />
Nombreux extraits de lettres à divers<br />
correspondants dans le journal de<br />
Rolland, Inde, 1915-1943, Nouvelle<br />
édition augmentée de textes inédits,<br />
Albin Michel, 1960.<br />
La Vie de Ramakrishna, Stock, 1993<br />
et La Vie de Vivekananda et l’évangile<br />
universel, Stock, 1977.<br />
Les actes du séminaire international<br />
à New Delhi du 15 au 17 janvier<br />
1990, organisé conjointement par<br />
Festival of India et Sahitya Akademi,<br />
ont été édités par Sibnarayan Ray<br />
sous le titre The Universality of Man,<br />
The Message of Romain Rolland,<br />
Sahitya Akademi 1992.<br />
Enfin, Présence de l’Inde dans le<br />
Fonds Romain Rolland, Bibliothèque<br />
nationale de France, département<br />
Littérature et art, Juin 2008,<br />
comporte la liste des ouvrages de la<br />
Bibliothèque de l’auteur concernant<br />
l’Inde. Sur près des 13000 volumes<br />
conservés qui constituaient la<br />
bibliothèque personnelle de l’auteur,<br />
environ 630 ouvrages témoignent<br />
de son intérêt pour l’Inde.<br />
Nouvelles De L’Inde<br />
juillet-août 2014<br />
41
Le Coin des Enfants Le lac de la Lune<br />
©National Library of France<br />
soupçonnent point les plus intelligents<br />
des Européens », écrit-t-il dans son<br />
Journal. Cette interrogation prend<br />
place dans le large débat d’idées qui<br />
occupe l’Europe dans ces années-là.<br />
Rolland lui-même songe à créer en<br />
Suisse une Maison internationale des<br />
Amis pour offrir une tribune et un foyer<br />
aux esprits indépendants d’Europe et<br />
d’Asie. Mais le projet n’aboutira pas.<br />
L’appel de l’Orient dans les<br />
années 20<br />
Le débat Orient-Occident envahit<br />
le champ intellectuel de l’aprèsguerre,<br />
notamment en 1924-1925.<br />
La « redécouverte » de l’Asie apporte<br />
une clarté sur l’Europe assombrie<br />
par des années de guerre. Lux ex<br />
Oriente... Le comte Hermann von<br />
Keyserling, dont Rolland lit Le Journal<br />
de Voyage d’un philosophe, fonde une<br />
école de la Sagesse où il souhaite<br />
unir intellectualisme occidental<br />
et spiritualisme oriental. Son ami<br />
Hermann Hesse, fait paraître Siddharta.<br />
En 1925 les Décades de Pontigny se<br />
penchent sur les mentalités comparées<br />
des peuples d’Europe et d’Asie. C’est<br />
une véritable ferveur pour l’Inde que<br />
connaît la France à cette époque.<br />
Cet « appel de l’Orient » est<br />
commun à toute une génération<br />
d’après-guerre auquel répondent en<br />
France les voix d’indianistes (Sylvain<br />
Lévi), de comparatistes des religions<br />
(Masson-Oursel), de traditionalistes<br />
(René Guénon) ou d’historiens (René<br />
Grousset). De son côté, habité sa vie<br />
durant par ce « sentiment océanique »<br />
qui est l’objet à cette même époque<br />
d’une correspondance avec Freud,<br />
Rolland se rapproche d’un Orient de<br />
nature religieuse. Affirmant que l’Inde<br />
primitive fut la matrice du monde,<br />
cherchant un sens à l’évolution d’une<br />
humanité qui erre depuis tant d’années<br />
dans les ténèbres, il finit par remonter<br />
le temps et déclare avec Michelet, que<br />
« l’aube est dans les Védas ».<br />
La splendide symphonie de l’Âme<br />
universelle<br />
C’est pourquoi il se lance dans<br />
une étude sur les deux réformateurs<br />
spirituels de l’Inde contemporaine :<br />
Ramakrishna et Vivekananda qui<br />
ont réalisé, dit-il, la « splendide<br />
symphonie de l’Âme Universelle ».<br />
Biographie de Romain Rolland<br />
Dans son Essai sur la mystique et<br />
l’action de l’Inde vivante, il remarque<br />
que dès la fin du 19ème s., un<br />
courant de renouveau a traversé l’Inde<br />
traditionnelle brahmanique, incarné<br />
par des « bâtisseurs de l’unité »<br />
sous le nom de Brahmo Samaj. Ce<br />
mouvement de réforme sociale, légale<br />
et religieuse qui s’inspire d’éléments<br />
de l’hindouisme, mais aussi de l’islam<br />
et du christianisme, rejette le culte<br />
des images et l’idolâtrie, et accorde<br />
une place importante aux questions<br />
sociales, de l’abolition du système des<br />
castes à l’émancipation de la femme.<br />
Voilà de quoi renouer avec l’Europe<br />
chrétienne et fonder dans un esprit<br />
œcuménique la religion universelle<br />
chère à Rolland. Ce mouvement<br />
rappelle à l’auteur épris des idées<br />
de la Révolution française, sa célèbre<br />
29 janvier 1866 : Naissance à Clamecy (Nièvre), dans une famille de notaires.<br />
Sa Bourgogne natale lui inspirera Colas Breugnon (1919).<br />
1880 : Installation à Paris avec sa famille.<br />
1886-1889 : Reçu à l’École Normale supérieure puis à l’agrégation d’histoire.<br />
1889-1891 : Membre de l’École française de Rome. Rencontre décisive avec<br />
Malwida von Meysenbug et découverte de l’art italien.<br />
1892 : Mariage avec Clotilde Bréal dont il divorce en 1901.<br />
1895 : Doctorat de lettres avec une thèse sur Les origines du théâtre lyrique<br />
moderne.<br />
1903 : Vie de Beethoven, suivi de Vie de Michel-Ange (1906) et de Vie de Tolstoy<br />
(1911).<br />
1904 : Enseigne l’histoire de la musique à la Sorbonne.<br />
1904-1912 : Publication de Jean-Christophe.<br />
1908 : Musiciens d’aujourd’hui et Musiciens d’autrefois.<br />
1909 : Publication du Théâtre de la Révolution, que complèteront Le Jeu de<br />
l’amour et de la mort (1925), Pâques fleuries (1926), Les Léonides (1928),<br />
Robespierre (1939).<br />
1914 : Après la déclaration de guerre, non mobilisable, décide de rester en<br />
Suisse.<br />
1915 : Au-dessus de la mêlée où il dénonce la quête des belligérants d’une<br />
victoire totale, au lieu de vouloir négocier une paix équitable. Obtient le Prix<br />
Nobel de Littérature.<br />
1919 : Publication de Liluli. Devient une figure du mouvement pacifiste<br />
international. Importante correspondance avec entre autres Maxime Gorki,<br />
Stefan Zweig, Sigmund Freud, Richard Strauss, Tagore et Gandhi.<br />
1920 : Publication de romans : Clerambault, histoire d’une conscience libre<br />
pendant la guerre, et de Pierre et Luce.<br />
1924 : Publication de Mahatma Gandhi.<br />
1929-1930 : Publication de l’Essai sur la mystique de l’action et de l’Inde<br />
vivante. La Vie de Ramakrishna. La Vie de Vivekananda et l’Evangile universel.<br />
1930 : S’engage de plus en plus pour la défense de la Russie soviétique.<br />
1933 : Publication de L’Âme enchantée, roman.<br />
1934 : Mariage avec Maria Koudacheva.<br />
1935 : Écrits politiques : Quinze ans de combat et Par la Révolution, la Paix.<br />
Voyage à Moscou et entrevue avec Staline.<br />
1938 : Quitte la Suisse et s’installe à Vézelay (Yonne) où il écrit Péguy, achève Le<br />
Voyage intérieur ainsi que Beethoven, Les grandes époques créatrices.<br />
30 décembre 1944 : mort de Romain Rolland à Vézelay.<br />
42 juillet-août 2014 Nouvelles De L’Inde
Romain Rolland<br />
Histoire<br />
©National Library of France<br />
©National Library of France<br />
devise : « Nous sommes l’Humanité ».<br />
Parce qu’il faut établir la fraternité<br />
entre les croyants dont les religions<br />
respectives constituent, en leur<br />
totalité, une synthèse de la Religion<br />
éternelle, il s’intéresse au Yoga qui,<br />
signifiant « joug » ce qui réunit, n’est<br />
pas éloigné du terme « religion » dont<br />
la racine religare fait référence à l’idéal<br />
de « relier » les hommes entre eux. Or<br />
les Yogas proposent cet idéal de foi,<br />
d’action et de raison en une parfaite<br />
synthèse.<br />
« L’âge noir, l’âge des ténèbres »,<br />
écho du Kali-Yuga des Hindous, lui<br />
rappelle aussi la théorie des âges et la<br />
doctrine des cycles chère à Héraclite<br />
et Empédocle, comme si les deux<br />
continents s’abreuvaient à une source<br />
commune. Jetant des passerelles entre<br />
les religions hindoue et chrétienne,<br />
son Essai tend à retrouver, de Maître<br />
Eckhart et Saint-Jean de la Croix à<br />
Ramakrishna et Vivekananda, une<br />
harmonie du Monde et de l’Être, où<br />
communieraient, les philosophies<br />
védantique et néo-platonicienne et,<br />
dans une sorte de pan-mysticisme,<br />
mystiques chrétiennes et mystiques<br />
hindoues.<br />
Ailleurs, ce sont les travaux de J.<br />
C. Bose, naturaliste spécialisé dans<br />
des recherches sur la sensibilité des<br />
végétaux, qui, en avançant par une<br />
démonstration scientifique l’hypothèse<br />
de l’unité cosmique – les plantes<br />
sont des êtres vivants – éveillent son<br />
attention. Preuve est ainsi faite qu’il n’y<br />
a pas contradiction entre foi et science,<br />
tradition et progrès matériel, Orient<br />
et Occident. C’est pourquoi, dans les<br />
deux livres sur la mystique de l’Inde,<br />
sont cités, à côté du Mahâbhârata et<br />
du Râmâyana, les noms de Cervantès,<br />
Goethe, Beethoven, Shakespeare,<br />
Tolstoï, et Schiller et son « Je suis<br />
concitoyen de ceux qui viendront plus<br />
tard ».<br />
Le Songe d’une Vie<br />
Cette pensée hindoue, si elle le<br />
séduit intellectuellement, Rolland estil<br />
homme à se donner les moyens de<br />
©National Library of France<br />
la vivre au quotidien? Que pouvait<br />
bien signifier son attirance pour la<br />
non-violence si elle n’était pas assortie<br />
d’une décision de vivre le satyagraha<br />
ici et maintenant ? Le Mahatma ne s’y<br />
trompe pas, qui lui fait observer, lors de<br />
son séjour à la villa Olga, qu’il vit dans<br />
une pièce surchauffée, sous un mauvais<br />
climat et qu’il devrait faire une cure<br />
de nature, d’air et de soleil ! L’auteur<br />
aborde l’Inde tout en restant à quai, y<br />
fait escale, pourrait-on dire, sans faire<br />
l’expérience décisive de l’immersion<br />
telle que la vit le voyageur. Le pays<br />
des Brahmanes et des Upanisads<br />
reste un continent mythique. Enfin,<br />
à l’impossibilité d’un voyage vers la<br />
vallée du Gange et de l’Indus, s’ajoute<br />
le rejet d’un aspect du yoga et de sa<br />
pratique fondée sur une philosophie<br />
de l’énergétique. Son étude de l’Inde<br />
révèle sa difficulté à découvrir une<br />
autre culture sans références à la<br />
sienne propre.<br />
« L’œuvre indienne » de Romain<br />
Rolland est toutefois de grande<br />
importance. Même si de nombreuses<br />
circonstances le détournent d’une<br />
confrontation directe, il fut un des<br />
grands passeurs entre le continent<br />
européen et l’Inde, et en France, le<br />
premier à approcher ce pays d’aussi<br />
près, au point de le faire découvrir<br />
et aimer à plusieurs générations de<br />
lecteurs.<br />
En fin de compte, après avoir<br />
répondu à un désir humaniste de<br />
rapprocher les peuples en marche<br />
vers l’unité, action héroïque pour<br />
construire la cité de la fraternité<br />
humaine, le « pèlerinage aux sources »<br />
de Romain Rolland est ramené à<br />
une circumnavigation de l’âme où<br />
la confrontation avec l’Orient est<br />
une étape d’un « voyage intérieur »<br />
identifié au « songe d’une vie », ce<br />
qu’évoque plus largement le reste de<br />
son œuvre. n<br />
Roland Roudil<br />
Dès sa création, en 1999, à Brèves<br />
(Bourgogne), dans le village ou<br />
Romain Rolland repose près de ses<br />
ancêtres, l’Association Romain Rolland<br />
a été rejointe par un grand nombre<br />
d’universitaires français et étrangers<br />
et d’admirateurs de l’auteur de Jean-<br />
Christophe et Au-dessus de la mêlée.<br />
L’association compte en 2014, plus de<br />
350 adhérents et 300 correspondants,<br />
répartis dans 24 pays du monde.<br />
L’Association propose conférences,<br />
journées d’études et colloques sur les<br />
nombreux thèmes qu’offre l’œuvre de<br />
Rolland : pacifisme, Inde, musique,<br />
engagement politique, théâtre… Elle<br />
édite en partenariat avec la Sorbonne,<br />
une revue semestrielle référencée<br />
dans de nombreux pays : les<br />
« Cahiers de Brèves » qui rassemblent<br />
des contributions universitaires<br />
internationales, témoignant de la<br />
vitalité de la recherche rollandienne.<br />
En 2015, à l’occasion du Centenaire du<br />
prix Nobel de Littérature, décerné en<br />
1915 à Romain Rolland, l’Association<br />
Romain Rolland, sera partenaire de<br />
l’Ambassade de l’Inde en France pour<br />
un colloque intitulé « Romain Rolland<br />
et l’Inde ».<br />
Siège de l’Association : 1 rue Colas<br />
Breugnon – 58530 – Brèves - France<br />
Présidente : Martine Liégeois<br />
www.association-romainrolland.org<br />
Nouvelles De L’Inde<br />
juillet-août 2014<br />
43
Le Coin des Enfants Le lac de la Lune<br />
Le lac de la Lune<br />
Un grand troupeau d’éléphants<br />
vivait dans la jungle. Leur roi<br />
était un vieil éléphant énorme<br />
et majestueux. Il veillait sur<br />
eux avec amour et soin.<br />
Une grande sécheresse s’abattit un<br />
jour sur la région. La pluie n’était pas<br />
tombée depuis des années et tous les<br />
fleuves et réservoirs s’étaient asséchés.<br />
Les oiseaux et les mammifères<br />
mouraient de soif. Beaucoup s’en<br />
allèrent à la recherche d’eau. Les<br />
éléphants sauvages souffraient eux<br />
aussi du manque d’eau. Le roi savait que<br />
s’ils n’en trouvaient pas rapidement,<br />
beaucoup mourraient de soif. Il fallait<br />
trouver de l’eau au plus vite.<br />
Il demanda aux éléphants de partir<br />
chacun de leur côté en quête d’une<br />
source d’eau.<br />
L’un d’eux trouva un immense lac<br />
dans une jungle lointaine. Le roi était<br />
heureux. Il ordonna à tous les éléphants<br />
de rejoindre le point d’eau.<br />
C’était un lac magnifique. Tout<br />
près vivait une colonie de lapins. Pour<br />
passer, les éléphants durent traverser<br />
cette colonie. Des milliers de lapins<br />
moururent piétinés et des milliers<br />
d’autres furent blessés.<br />
La panique s’installa chez les lapins.<br />
Leur roi décida d’organiser une réunion.<br />
- Un troupeau d’éléphants sauvages<br />
traverse notre colonie, dit-il. Ils ont déjà<br />
blessé ou tué des milliers d’entre nous.<br />
Il est urgent de trouver une solution<br />
si nous voulons éviter d’autres morts.<br />
Je veux que chacun d’entre vous<br />
réfléchisse à un moyen de sauver notre<br />
espèce.<br />
Les lapins réfléchirent, réfléchirent.<br />
Comment pourraient-ils arrêter les<br />
éléphants ?<br />
Un petit lapin se leva.<br />
- Votre majesté, dit-il, si vous<br />
acceptez de m’envoyer comme votre<br />
messager auprès du roi des éléphants,<br />
je pourrais peut-être trouver une<br />
solution.<br />
- Très bien, sois mon messager et<br />
vois ce que tu peux faire, répondit le<br />
roi.<br />
Le petit lapin courut accomplir sa<br />
mission.<br />
Il aperçut un groupe d’éléphants<br />
qui revenait du lac. Le roi marchait<br />
au milieu d’eux : l’approcher était<br />
impossible. « Je vais me faire piétiner »,<br />
pensa le lapin. Il monta donc sur un<br />
grand rocher.<br />
44<br />
juillet-août 2014<br />
Nouvelles De L’Inde
Le lac de la Lune<br />
Le Coin des Enfants<br />
- Ô roi des éléphants, cria-t-il, je<br />
vous en prie, écoutez-moi.<br />
Lorsqu’il l’entendit, le roi se tourna<br />
vers lui.<br />
- Qui es-tu donc ? demanda-t-il.<br />
- Je suis un messager, répondit le<br />
lapin.<br />
- Un messager ? Mais de qui ?<br />
- Je suis un messager de la puissante<br />
Lune.<br />
- Et quelle est ta mission ? La Lune<br />
a-t-elle un message pour moi ?<br />
- Oui, en effet, Votre Majesté. Mais<br />
vous ne devez pas vous fâcher contre<br />
moi. Rappelez-vous qu’un messager<br />
n’est jamais puni pour ce qu’il doit dire.<br />
Il ne fait qu’accomplir son devoir.<br />
- Très bien. Raconte ce qu’on t’a<br />
envoyé me dire. Je ne te ferai aucun<br />
mal.<br />
- Sire, commença le petit lapin,<br />
voici ce que la Lune avait à vous dire :<br />
« Roi des éléphants, vous avez fait<br />
venir votre troupeau boire dans mon<br />
lac sacré et vous avez souillé son eau.<br />
Des milliers de lapins ont été tués<br />
sur votre passage. Vous savez que les<br />
lapins sont sous ma protection. Tout le<br />
monde sait que leur roi vit à mes côtés.<br />
Je vous demande d’arrêter de tuer les<br />
lapins, ou bien quelque chose chose de<br />
terrible vous arrivera, à vous et votre<br />
troupeau. »<br />
Le roi des éléphants était stupéfait.<br />
Il regarda le petit lapin.<br />
- Vous avez raison, dit-il, il est<br />
possible que nous ayons piétiné un<br />
grand nombre de lapins en nous<br />
dirigeant vers le lac. Je veillerai à ce que<br />
cela n’arrive plus. Je dois demander<br />
pardon à la Lune pour tous mes péchés.<br />
Je t’en prie, dis-moi ce qu’il faut que je<br />
fasse.<br />
- Venez avec moi, seul, répondit le<br />
lapin. Je vais vous conduire auprès de<br />
la Lune.<br />
Le petit lapin conduisit l’énorme<br />
éléphant jusqu’au lac. Ils y virent le<br />
reflet de la Lune sur les eaux calmes.<br />
- Votre Majesté, voici la Lune, dit le<br />
petit lapin.<br />
- Permettez-moi de m’incliner<br />
devant la Lune divine, dit l’éléphant en<br />
plongeant sa trompe dans l’eau.<br />
Immédiatement la surface de l’eau<br />
se troubla. La Lune semblait s’agiter de<br />
tous côtés.<br />
Le lapin déclara :<br />
- Maintenant la Lune est plus fâchée<br />
que jamais.<br />
- Pourquoi ? s’exclama le roi. Qu’aije<br />
donc fait ?<br />
- Vous avez touché les eaux sacrées<br />
du lac, répondit le lapin.<br />
L’éléphant baissa la tête.<br />
- Je t’en prie, demande à la Lune<br />
de me pardonner. Plus jamais nous ne<br />
toucherons les eaux sacrées de ce lac.<br />
Plus jamais nous ne ferons de mal aux<br />
lapins que la Lune aime tant.<br />
C’est ainsi que le roi et son troupeau<br />
s’en allèrent.<br />
Bientôt la pluie tomba et les<br />
éléphants vécurent heureux, sans<br />
jamais se douter qu’un petit lapin<br />
s’était moqué d’eux. n<br />
Extrait du livre Stories from Panchatantra<br />
de Shivkumar, illust. Tapas Guha,<br />
publié par Children’s Book Trust<br />
Traduction Claire Chaigneau<br />
Nouvelles De L’Inde<br />
juillet-août 2014<br />
45
Littérature Revue Des Livres<br />
Revue Des Livres<br />
Voyage<br />
Aux confins oubliés de l’Inde – Assam, Arunachal Pradesh, Nagaland,<br />
Meghalaya, de Olga et Arnaud de Turckheim, Ed. Actes Sud, 2013.<br />
C<br />
’est vers une nouvelle région,<br />
moins connue des Occidentaux,<br />
que nous conduisent Olga et Arnaud<br />
de Turckheim dans ce nouveau journal<br />
de voyage, toujours superbement<br />
illustré. L’Est de l’Inde, et notamment<br />
la région des Sept Sœurs dont font<br />
partie les quatre Etats visités par ce<br />
couple de passionnés de l’Inde, est<br />
pourtant riche de traditions anciennes<br />
tant au niveau des costumes, du<br />
mode de vie, de l’habitat, des fêtes.<br />
La modernité commence à y faire son<br />
apparition mais les habitants, fiers<br />
de leur patrimoine ancestral, restent<br />
attachés à leurs coutumes. Paradis<br />
perdu des tribus, cette région reste<br />
encore difficile d’accès et peut-être<br />
est-ce là le secret de son charme.<br />
Olga et Arnaud de Turckheim n’y<br />
sont pas restés insensibles comme en<br />
témoigne cet ouvrage. n<br />
C’est la vie ! de Karl Renz et La spiritualité au cœur du quotidien, de Lionel<br />
Cruzille, Ed. Accarias L’Originel, 2014.<br />
Spiritualité<br />
Ces deux ouvrages nous apportent<br />
deux points de vue de la spiritualité,<br />
Lionel Cruzille nous invite surtout à<br />
être dans l’ici et maintenant, attentif à<br />
ce qui se passe en nous, à être dans<br />
le cœur plus que dans les concepts<br />
pour que se révèle la vraie Conscience.<br />
Karl Renz nous livre dans ce petit<br />
livre rapportant une série d’échanges<br />
qui se sont déroulés à Bombay entre<br />
2010 et 2011 une série de propos<br />
complètement décalés tels que « Sois<br />
ce que tu ne peux pas ne pas être » ou<br />
encore « Tu es méditation, tu n’as pas<br />
besoin de savoir ce que c’est. » Au sortir<br />
de la lecture de cet ouvrage, le lecteur<br />
commencera à se poser des questions<br />
sur tout ce qu’il a appris jusque-là puis<br />
il sentira léger, résolument léger et<br />
aura envie de rire. n<br />
Se soucier du monde - trois méditations sur le bouddhisme et la<br />
morale, par Eric Rommeluère, Edition Almora.<br />
Dans son nouveau livre, l’enseignant<br />
bouddhiste Eric Rommeluère<br />
fait une analyse de la signification<br />
de la morale dans le bouddhisme :<br />
quelles en sont les règles ? Quels<br />
sont les enseignements du Bouddha<br />
sur ce sujet ? Comment faudrait-il les<br />
appliquer à l’égard du monde ?<br />
Des questions traitées, dans cet essai,<br />
en trois parties, trois méditations<br />
distinctes: « La possibilité d’un monde »,<br />
« Un agir infini » et enfin « L’exigence<br />
morale ». Quelques précieux conseils<br />
que donne Eric Rommeluère afin de<br />
donner du sens à nos actions dans<br />
un monde moderne en perpétuel<br />
questionnement. n<br />
46 juillet-août 2014 Nouvelles De L’Inde
Revue Des Livres<br />
Littérature<br />
Poésie<br />
Le spontané, chants caryâ et bâul, traduction du bengali,<br />
présentation, commentaires de Prithwindra Mukherjee, Ed.<br />
Almora, 2014.<br />
Prithwindra Mukherjee, éminent<br />
spécialiste des traditions<br />
indiennes, nous invite dans ce livre<br />
à découvrir la beauté poétique<br />
de chants bouddhistes en bengali<br />
remontant au IXe siècle et celle de<br />
chants bâul. Cet ouvrage permettra<br />
au-delà des textes de découvrir une<br />
communauté menacée d’extinction<br />
qu’il est urgent de protéger. Les<br />
textes des mystiques bouddhistes ne<br />
sont pas moins beaux. Le spontané<br />
bat au cœur de ces textes simples, le<br />
spontané issu du cœur omniprésent<br />
dans ces deux traditions, un spontané<br />
qui fait toujours vibrer le cœur de<br />
ceux qui, aujourd’hui, s’intéressent à<br />
l’authenticité. n<br />
L’Inde pour Les Nuls de Jean-Joseph Boillot, First Editions, 2014.<br />
Cet ouvrage, fruit d’un travail de en sept parties. Rien ou presque<br />
longue haleine et d’une équipe, n’est laissé à l’écart. Pour notre<br />
vient combler un vide même si<br />
quelques ouvrages avaient déjà tenté<br />
d’y remédier. L’Inde est un souscontinent<br />
dont la complexité n’est<br />
plus à démontrer et qu’il est difficile<br />
de présenter sous ses divers aspects.<br />
part, la sixième partie, la partie des<br />
Dix dans laquelle l’auteur décline la<br />
symbolique des nombres de 0 à neuf<br />
en Inde, les dix divinités hindoues les<br />
plus populaires, les dix personnalités<br />
intellectuelles et morales, les dix<br />
La tâche n’était pas aisée mais Jean- personnalités politiques, les dix<br />
Joseph Boillot, qui y a séjourné un<br />
grand nombre de fois et y a travaillé<br />
en tant que conseiller financier à<br />
l’ambassade de France dans les<br />
années 2000, a relevé le défi en<br />
dressant un portrait aussi exhaustif<br />
que possible de ce pays émergent<br />
personnalités de la société civile,<br />
les dix incontournables de la culture<br />
populaire indienne, les dix grands<br />
patrons indiens et leurs groupes,<br />
a notre préférence. Il suffit de s’y<br />
plonger pour découvrir à chaque fois<br />
quelque chose de nouveau ! n<br />
Ouvrages généraux<br />
Romans<br />
Bollywood apocalypse, par Manil Suri, Traduit de l’anglais par<br />
Dominique Vitalyos, Ed. Albin Michel, 2014.<br />
Après La Mort de Vishnou (2002) et<br />
Mother India (2009), ce troisième<br />
roman de Manil Suri porte bien son<br />
nom : au cœur d’un Bombay sous<br />
tension, c’est en effet une véritable<br />
« apocalypse » qui se joue pour les<br />
protagonistes. Mêlant humour et<br />
gravité, érotisme et corruption,<br />
conflits politiques et histoires d’amour,<br />
ce roman aborde des sujets forts, si<br />
ce n’est sensibles, que l’auteur manie<br />
avec finesse et ingéniosité. n<br />
Pour quelques milliards et une<br />
roupie, par Vikas Swarup, traduit<br />
de l’anglais par Roxane Azimi, Ed.<br />
Belfond, 2014.<br />
Sur le modèle de ses deux premiers<br />
romans, ce troisième livre de Vikas<br />
Swarup est une fiction fidèle au style<br />
de l’auteur. A travers les nombreuses<br />
péripéties auxquelles est confrontée<br />
Sapna Sinha, jeune femme intrépide,<br />
c’est en fait un véritable portrait de la<br />
société indienne et de ses travers que<br />
dépeint Vikas Swarup. Mariage forcé,<br />
esclavage d’enfants, trafic d’organes,<br />
corruption, autant de dérives que<br />
l’auteur dénonce avec humour malgré<br />
la gravité des sujets. Ajoutez à cela<br />
du suspense et un dénouement<br />
inattendu, et voilà un roman au récit<br />
épicé et captivant ! n<br />
Nouvelles De L’Inde<br />
juillet-août 2014<br />
47
Littérature Revue Des Livres<br />
Les Falaises de Wangsisina, de Pavan K. Varma, traduit de l’anglais<br />
(Inde) par Sophie Bastide-Foltz, Ed. Actes Sud, 2014.<br />
Les lecteurs qui s’étaient plongés<br />
avec délectation dans les<br />
précédents essais de Pavan K. Varma<br />
vont se réjouir à nouveau. L’auteur a<br />
franchi le pas et excelle autant à dire<br />
vrai dans un autre genre, celui du<br />
roman. Un roman bien ficelé qui nous<br />
dépeint tout d’abord les affres subies<br />
par Anand qui, déjà en proie au<br />
stress lié à ses conditions de travail,<br />
apprend en quelques jours qu’il a un<br />
cancer du pancréas et que sa femme<br />
a une liaison avec son employeur.<br />
C’est pour lui l’occasion de faire<br />
le point sur sa vie qu’il considère<br />
comme ratée mais le Dr. Khurana<br />
revient sur son diagnostic et fort de<br />
la bonne nouvelle qu’il n’a finalement<br />
pas de cancer, Anand décide de tout<br />
recommencer et part au Bhoutan….<br />
L’auteur a ajouté quelques notes<br />
poétiques ici et là et donné à son<br />
livre un rythme qui se balance entre<br />
joie et tristesse faisant de ce premier<br />
roman un ouvrage original, humain<br />
et apaisant, écrit dans un style sobre<br />
et parfait. Du grand art une fois<br />
encore ! n<br />
Histoire<br />
En guise d’autobiographie - Gandhi, Textes choisis par Krishna<br />
Kripalani, traduits de l’anglais et annotés par Guy Vogelweith,<br />
Notice de S. Radhakrishan, Edition Gallimard, 2014.<br />
Réalisée à partir d’extraits de<br />
« Tous les hommes sont frères », cette<br />
biographie offre une nouvelle occasion<br />
de s’inspirer des paroles lumineuses du<br />
plus célèbre défenseur de l’égalité des<br />
droits et partisan de la non-violence,<br />
Mohandas Karamchand Gandhi. « La<br />
seule vertu que je veuille revendiquer<br />
est la vérité et la non-violence. Je ne<br />
prétends à aucun pouvoir surhumain.<br />
Je ne saurais qu’en faire. Je suis de<br />
chair et de sang comme le plus petit<br />
de mes semblables, faible et faillible<br />
comme tout autre homme. » n<br />
L’Inde contemporaine, de Christophe Jaffrelot, Editions Arthème<br />
Fayard/Pluriel, 2014.<br />
L<br />
’objectif de ce livre est, comme<br />
le rappelle l’auteur, directeur de<br />
recherche au CERI-Sciences Po (CNRS),<br />
de permettre à des spécialistes français<br />
de renom de faire connaître à un large<br />
public un pays, considéré comme une<br />
grande puissance émergente, sous<br />
ses aspects politiques, économiques<br />
et sociaux. Les années couvertes<br />
par ce livre sont récentes mais sont<br />
replacées dans une perspective<br />
historique. L’auteur articule son livre<br />
autour de trois parties : Politique et<br />
économie, Religion et société, Monde<br />
rural et monde urbain. A travers cette<br />
étude, le lecteur pourra enrichir ses<br />
connaissances quant au fédéralisme<br />
indien, à la démocratisation et à<br />
l’ethnicisation du système politique,<br />
à la politique étrangère, à l’évolution<br />
de l’hindouisme, au développement<br />
de l’urbanisation, entre autres. Ce<br />
livre documenté et cependant à la<br />
portée de tous permet une meilleure<br />
compréhension d’un pays qui n’a pas<br />
fini de faire parler de lui. n<br />
48 juillet-août 2014 Nouvelles De L’Inde
Revue Des Livres<br />
Littérature<br />
La nuit de Maritzburg, de Gilbert Sinoué, Editions Flammarion.<br />
De Gandhi, nous connaissons et commencera son combat contre la<br />
surtout l’homme qui a dédié sa vie discrimination de ses compatriotes<br />
à la défense des droits de l’homme et indiens. L’auteur y dresse aussi le<br />
de son pays, le modèle de sagesse, portrait de l’homme imparfait qu’il<br />
de non-violence et de dévouement était malgré tout et que l’on oublie<br />
pour des générations entières. Mais souvent : le Gandhi acharné à l’extrême<br />
c’est un autre visage de Mohandas et tyrannique avec son entourage.<br />
Karamchand Gandhi que nous dévoile Dans ses réussites comme dans ses<br />
ici Gilbert Sinoué : à l’aube de son erreurs, Gilbert Sinoué présente un<br />
combat pour l’Indépendance de l’Inde Gandhi finalement méconnu, à travers<br />
et bien avant même de devenir le le regard de Hermann Kallenbach, un<br />
« Mahatma » de sa nation, l’auteur nous architecte juif allemand avec lequel<br />
raconte le récit du petit avocat timide Gandhi a partagé une relation forte<br />
tout juste arrivé en Afrique du Sud où et intime, une véritable « passion »<br />
il découvrira l’apartheid, l’humiliation, chaste. n<br />
Sciences sociales<br />
L’Inde des Lumières – discours, histoire, savoirs (XVIIe-XIXe<br />
siècle), de Marie Fourcade et Inès G. Županov, Ed. de l’EHESS,<br />
2013.<br />
Les Lumières seraient-elles<br />
l’apanage de l’Europe ? Loin s’en<br />
faut. Ce recueil d’essais en témoigne.<br />
L’ouvrage rappelle l’article important<br />
sur la question de Sylvia Murr publié il<br />
y a 31 ans « Les conditions d’émergence<br />
du discours sur l’Inde au Siècle des<br />
Lumières » et l’état des recherches en<br />
cours sur le rôle de l’Asie du Sud dans<br />
l’Europe des Lumières et vice et versa<br />
du rôle des Lumières européennes<br />
en Asie du Sud. La première partie<br />
se penche sur quelques-uns des plus<br />
importants penseurs européens<br />
des Lumières qui ont utilisé des<br />
sources indiennes, François Bernier,<br />
Montesquieu et William Robertson, la<br />
seconde partie traite de la question des<br />
Lumières et du colonialisme européen<br />
et la troisième partie nous donne à<br />
observer les Lumières à travers la<br />
littérature, le théâtre et l’habillement.<br />
La connaissance et la science dans<br />
les Lumières sont étudiées dans une<br />
dernière partie. Comme les lecteurs<br />
s’en rendront compte au fur et à mesure<br />
de la lecture de ces divers articles<br />
scientifiques, l’histoire des Lumières ne<br />
peut se limiter à la seule Europe et se<br />
retrouve dans le monde entier. n<br />
Pour mémoire<br />
L’abîme de feu d’Irina Tweedie, Ed. L’Originel, 2002. Cet ouvrage reproduit le journal<br />
d’une femme qui dans les années 50, a commencé à s’engager dans la voie soufie. Elle y<br />
relate ses joies, ses doutes, sa relation avec le Maître et tout le travail qui finalement l’a<br />
conduite sur la voie de l’abandon, de la liberté absolue une fois qu’elle est parvenue au<br />
terme d’un cheminement long et difficile à s’accepter telle qu’elle était. Un ouvrage qui<br />
montre l’importance du cœur et du lien d’Amour.<br />
Viviane Tourtet et Claire Chaigneau<br />
Nouvelles De L’Inde<br />
juillet-août 2014<br />
49
Littérature Les dictionnaires et l’Inde<br />
Les dictionnaires et l’Inde<br />
Dictionnaires, encyclopédies, glossaires, abécédaires, répertoires…<br />
autant d’outils qui facilitent l’usage de la connaissance grâce aux<br />
systèmes de classification.<br />
Une tradition ancienne<br />
La tradition d’écriture de<br />
dictionnaires et de glossaires est<br />
ancienne puisqu’elle remonte en Inde à<br />
la période védique, entre 3000 et 1500<br />
avant J.-C. Les premiers dictionnaires<br />
sont d’ailleurs voués à l’explicitation<br />
des termes védiques. C’est le cas du<br />
« Nighantu », compilé par Kashyap<br />
ou du « Nirukta », écrit par Yask sous<br />
une forme plus encyclopédique que le<br />
premier. Ces deux œuvres témoignent<br />
à elles seules d’une extraordinaire<br />
avancée dans la formalisation de ce<br />
type d’ouvrage en Inde ancienne. Le<br />
caractère particulier de ces répertoires<br />
est leur écriture poétique et le non<br />
ordonnancement alphabétique.<br />
D’autres dictionnaires du sanskrit<br />
vont apparaître à la période postérieure<br />
dont le « Shabdakalpadrum »<br />
qui propose lui, un arrangement<br />
alphabétique des mots et énumère par<br />
ailleurs vingt-neuf autres ouvrages du<br />
même type.<br />
« Amarakosha » ou le dictionnaire<br />
immortel est une œuvre que l’on doit<br />
à Amar Singh, érudit jain supposé vivre<br />
à la cour de Chandragupta II au IVe<br />
siècle de notre ère. Appelé initialement<br />
« Namalinganushasan » - soit « la<br />
discipline des noms et des genres » -,<br />
ce dictionnaire est composé en vers<br />
facilement mémorisables, un peu à la<br />
façon des « Métamorphoses » d’Ovide.<br />
L’œuvre d’Amar Singh a directement<br />
inspiré celle Amir Khusrau, poète soufi,<br />
qui outre ses écrits historiques en<br />
prose, compose entre les XIIe et XIIIe<br />
siècles un dictionnaire bilingue persanhindi,<br />
le « Khalikbari ».<br />
L’arrivée des missionnaires chrétiens<br />
en Inde s’accompagne d’un besoin de<br />
traduction et partant, de publication<br />
de dictionnaires bilingues parfois<br />
même trilingues. Cette nouvelle donne,<br />
à la fois linguistique, économique et<br />
politique va, surtout au moment de la<br />
présence britannique en Inde, entraîner<br />
une approche plus occidentale de<br />
la fabrication des dictionnaires,<br />
notamment au niveau du format de<br />
présentation, de l’ordre des entrées<br />
lexicales et la composition…<br />
Aujourd’hui, avec ses 860 langues<br />
dont 22 officiellement reconnues dans<br />
la constitution et 120 parlées par plus<br />
de 10 000 personnes, réparties sur 66<br />
écritures différentes, l’Inde poursuit sa<br />
tradition de création de dictionnaires.<br />
Malheureusement, ces œuvres<br />
restent inaccessibles pour la majeure<br />
partie du public français et francophone.<br />
A défaut, nous avons souhaité<br />
vous présenter des dictionnaires et<br />
glossaires sur l’Inde publiés en France,<br />
occasion d’autant plus opportune<br />
qu’elle se couple avec la récente sortie<br />
du « Petit dictionnaire amoureux de<br />
l’Inde » de Jean-Claude Carrière.<br />
50<br />
juillet-août 2014<br />
Nouvelles De L’Inde
Les dictionnaires et l’Inde<br />
Littérature<br />
Dictionnaires sur l’Inde en France<br />
Dictionnaires généralistes<br />
Louis Frédéric, Dictionnaire de la civilisation indienne, Robert Laffont, 1987.<br />
Publiée en 1987, cet ouvrage monumental reste encore aujourd’hui « la » référence<br />
parmi les dictionnaires généralistes consacrés à l’Inde. Le lecteur trouvera dans cette somme<br />
encyclopédique d’environ 1300 pages et 10 000 articles l’essentiel des connaissances sur<br />
l’Inde et sur des pays qui y sont apparentés. Les hommes et les femmes qui ont contribué<br />
au développement de cette civilisation, mais aussi les œuvres littéraires et artistiques,<br />
les religions et les fondements de la vie sociale des habitants de ce subcontinent y sont<br />
scrupuleusement décrits grâce à un immense travail documentaire entrepris durant<br />
plusieurs années par Louis Frédéric, spécialiste des cultures de l’Asie de l’Est et du Sud-Est.<br />
Cet ouvrage, unique dans son genre qui n’a malheureusement pas connu de rééditions,<br />
s’adresse aux chercheurs et étudiants mais reste parfaitement accessible aux voyageurs<br />
ou aux simples curieux désireux d’apprendre sur l’Inde et sa civilisation.<br />
Catherine Clémentin-Ojha, Christophe Jaffrelot, Denis Matringe, Jacques Pouchepadass<br />
(dir.), Dictionnaire de l’Inde, Larousse, 2009.<br />
Dirigé par trois spécialistes du monde indien, l’ouvrage s’ouvre sur une série de<br />
questions posées sur la société contemporaine de l’Inde, singulièrement sur les enjeux<br />
de la progression de son évolution démographique, sur le caractère démocratique et<br />
laïque de ce pays, sur des problématiques sociétales nouvelles portées notamment par la<br />
libéralisation économique et l’apparition de nouvelles classes sociales. Cette introduction<br />
s’appuie sur une mise en perspective historique qui dresse, cartes à l’appui, l’histoire<br />
trimillénaire de ce subcontinent. Les notices qui suivent, œuvre d’une quarantaine<br />
d’auteurs français, anglo-saxons et indiens, sont donc appréhendées dans le cadre de<br />
cette problématique contemporaine, qui ne perd rien en pertinence quant à la profondeur<br />
historique, mais qui s’inscrit dans une perspective renouvelée proposant des pistes de<br />
réflexions sur l’Inde, plus que jamais en constante mutation.<br />
Frédéric Landy (dir.), Dictionnaire de l’Inde contemporaine, Armand Colin, 2010.<br />
Sous la direction de Frédéric Landy, 131 spécialistes nous introduisent à 478<br />
entrées concernant des domaines aussi divers que l’histoire, la géographie et les<br />
sciences politiques, l’économie, la sociologie et la géographie. Cette plongée dans<br />
l’Inde contemporaine passe par les coulisses de l’industrie de Bollywood et de la vie<br />
quotidienne des Indiens, par l’immersion dans la politique aux prises du terrorisme<br />
et séparatisme et dans l’économie en plein boom qui fait côtoyer la nouvelle classe<br />
moyenne et les travailleurs pauvres. L’ouvrage est accompagné de nombreuses<br />
cartes et constitue un outil précieux pour les lecteurs soucieux de comprendre le<br />
versant contemporain de ce pays multiple et parfois contradictoire.<br />
Nouvelles De L’Inde<br />
juillet-août 2014<br />
51
Littérature Les dictionnaires et l’Inde<br />
Nina et Olivier Da Lage, L’Inde de A à Z, André Versaille éditeur, 2010.<br />
Idéal pour une première approche de la civilisation indienne ancienne et<br />
contemporaine, cet ouvrage nous invite à découvrir au fil des pages le cinéma de<br />
Bollywood, la mythologie de l’Inde, les relations sociales et familiales dont le rôle du<br />
mariage ou encore l’incontournable Taj Mahal ou Tata, l’un des plus vieux groupes<br />
industriels de l’Inde. Ce kaléidoscope fait aussi place à l’histoire à travers des entrées<br />
thématiques comme l’indépendance tout comme des présentations des bâtisseurs de<br />
l’Inde moderne dont Gandhi ou Nehru. Ecrit sans fards en n’ayant pas peur d’éviter des<br />
sujets sensibles, cet abécédaire renvoie pour chacune des notices vers un site Internet<br />
comprenant des illustrations, des vidéos et de plus amples informations sur le thème<br />
abordé.<br />
Jean-Joseph et Flora Boillot, Kal. Un abécédaire de l’Inde moderne, Buchet Chastel,<br />
2011.<br />
83 entrées pour tenter l’impossible, à savoir expliquer aux Occidentaux l’un des<br />
pays qui suscite la plus grande fascination, l’Inde. Cette plus grande démocratie dans<br />
le monde, difficile à cerner au plus près, échappe en effet à notre esprit cartésien.<br />
Intitulé « kal » en référence au « temps », l’ouvrage offre une présentation attrayante<br />
des notices, accompagnées d’une carte de l’Inde en début et fin d’ouvrage ainsi que<br />
d’une bibliographie permettant aux lecteurs d’aller plus loin dans leur découverte du<br />
pays. Cet abécédaire, jalonné de proverbes indiens, constitue donc un excellent outil<br />
généraliste pour découvrir les nombreuses facettes de l’Inde.<br />
Dictionnaires spécialisés<br />
Pierre-Sylvain Filliozat (dir.), Dictionnaire des littératures de l’Inde, PUF, 2001.<br />
Ce dictionnaire, issu du Dictionnaire universel des littératures publié en 1994 sous la direction<br />
de Béatrice Didier, présente quatre millénaires de production littéraire du subcontinent indien. Il<br />
propose des entrées sur les œuvres, les auteurs et les courants littéraires. Dans cette traversée, la<br />
place de la production en sanskrit est la plus importante – plus de la moitié de l’ouvrage – du fait<br />
notamment de son étendue dans l’espace et dans le temps, mais aussi de son caractère matriciel<br />
pour d’autres productions littéraires indiennes. D’autres littératures dans une bonne vingtaine<br />
de langues indiennes y sont aussi représentées, y compris des littératures orales dialectales, qui<br />
depuis le XXe siècle ont été saisies par l’écriture, constituant ainsi un patrimoine écrit original.<br />
Le lecteur désireux de découvrir la littérature moderne et contemporaine ne sera pas non plus<br />
déçu pouvant ainsi se pencher sur cette production particulière, influencée par la rencontre avec<br />
l’Occident, qui ne perd rien dans son indianité s’inscrivant dans la littérature universelle tout en<br />
gardant son originalité propre. Indispensable pour les indianistes, spécialistes de la littérature<br />
indienne et simple amoureux des lettres indiennes, ce dictionnaire se concentre sur les grandes<br />
tendances de cette production pour mieux faire ressortir le caractère d’ensemble au risque, peutêtre,<br />
de gommer certaines singularités.<br />
52 juillet-août 2014 Nouvelles De L’Inde
Les dictionnaires et l’Inde<br />
Littérature<br />
Jean Varenne, Dictionnaire de l’hindouisme, Ed. du Rocher, 2002.<br />
Cette somme, qui présente la culture de la religion hindoue, est l’aboutissement d’une vie<br />
de recherche consacrée aux divers aspects de la culture indienne. Jean Varenne, sanskritiste et<br />
l’un des plus grands spécialistes français de l’Inde, propose dans ce dictionnaire – et selon le<br />
niveau de connaissance de ses lecteurs – la découverte, le rappel ou l’approfondissement des<br />
connaissances sur cette civilisation majeure et fascinante. Dans un rappel historique, l’auteur<br />
revient sur l’appellation « hindouisme » donnée à cette religion par les Européens au XVIIIe siècle<br />
à l’instar d’autres « -isme » occidentaux. Pourtant, elle est aujourd’hui la religion vivante la plus<br />
ancienne dans le monde et même si elle est menacée par les mécanismes socioéconomiques<br />
du monde moderne, il n’en demeure pas moins qu’elle reste très dynamique y compris sous la<br />
forme de représentations populaires dont témoignent des films « mythologiques » produits par<br />
des studios de Bollywood ou des séries télévisées sur le même thème. Chacun découvrira donc<br />
dans ce dictionnaire, à son rythme, les significations des symboles et des mythes hindous, les<br />
principaux concepts, notions, courants religieux, textes sacrés ou profanes, personnages réels ou<br />
mythologiques liés à l’hindouisme, termes sanskrits ou védiques de l’hindouisme passés ainsi au<br />
crible d’une écriture synthétique et claire.<br />
Dictionnaires atypiques<br />
Jean-Claude Carrière, Petit dictionnaire amoureux de l’Inde, Pocket, 2013.<br />
Jean-Claude Carrière, Dictionnaire amoureux de l’Inde, Plon, 2001.<br />
Publié initialement dans la collection des dictionnaires amoureux chez<br />
Plon, ce livre paraît actuellement en format poche chez Pocket dans sa version<br />
condensée et remaniée. Mais cet ouvrage n’est pas à proprement parler un<br />
dictionnaire. Même si les notices suivent une structure alphabétique, elles se<br />
présentent davantage comme un ensemble d’essais subjectifs – « amoureux » -<br />
sur l’Inde. Jean-Claude Carrière invite donc le lecteur à parcourir avec lui<br />
« son » Inde dans une sorte de promenade sensible et intime qui mêle histoire,<br />
souvenirs personnels, récits de voyage. Le voyage commence à Agra avec le<br />
fameux Taj Mahal ou « image emblématique de l’Inde » et à Ajanta, « un site<br />
unique, une des perles du bouddhisme » ; il se poursuit à Bombay avec « son<br />
immense usine à rêves » et à Delhi qui se présente pour l’auteur comme « une<br />
sorte d’agglomération de fantômes sur quoi repose – solidement – l’union des<br />
peuples », à Maduraï qui émerveille par sa splendeur, à Sanchi « un endroit rare »<br />
pour se terminer à Varanasi où « l’hindouisme est plus fervent que jamais ».<br />
Mais outre ces destinations géographiques, Jean-Claude Carrière décrit avec<br />
délicatesse des grandes religions de ce subcontinent, des éléments de la culture<br />
populaire de ce pays comme le cricket ou encore des aspects sociaux de la vie<br />
des Indiens. Bref, un voyage insolite aux côtés de ce grand amateur de l’Inde.<br />
Arnauld Miguet, Dictionnaire insolite de l’Inde, Cosmopole, 2011.<br />
Ce dictionnaire, sans être exhaustif, s’appuie sur un regard personnel de l’auteur, séduit par<br />
cet immense pays qui attire voyageurs, hommes d’affaires et individus en quête de spiritualité.<br />
L’ouvrage permet de saisir la vie quotidienne des Indiens, découvrir des personnalités célèbres<br />
de ce subcontinent, découvrir le tourisme insolite dans des villes et la campagne, la multitude de<br />
langues, les fêtes religieuses appelées « festivals », la célèbre industrie Bollywood qui fascine par<br />
son exubérance et étonne par son kitch ou encore des animaux emblématiques comme vaches<br />
sacrées et éléphants. La perspective subjective confirme qu’à chacun son Inde ; Arnauld Miguet<br />
nous invite à découvrir la sienne.<br />
Ewa Tartakowsky<br />
Nouvelles De L’Inde<br />
juillet-août 2014<br />
53
Littérature Les cafés littéraires<br />
Les cafés<br />
littéraires<br />
de l’ambassade<br />
Les cafés littéraires se suivent et c’est tant mieux.<br />
Ils attestent d’une part de l’intérêt des éditeurs<br />
français pour la littérature indienne ou pour la<br />
littérature sur l’Inde, d’autre part que les lecteurs<br />
font toujours preuve d’une grande curiosité à leur<br />
égard.<br />
En témoignent les trois derniers cafés littéraires<br />
qui se sont déroulés à l’ambassade.<br />
©Nainesh Ozerker<br />
Le 14ème café littéraire a eu lieu autour du<br />
jeune auteur Siddhart Dhanvant Shanghvi à<br />
l’occasion des 10 ans de la sortie de son premier<br />
roman, « La fille qui marchait sur l’eau », qui a<br />
remporté le Prix Betty Trask au Royaume-Uni, le<br />
Prix Grinzane Cavour en Italie, et a été nominé<br />
pour le Prix IMPAC. Traduit en plus d’une douzaine<br />
langues, le roman est devenu un best-seller<br />
international. Le dernier roman de Shanghvi, « Les<br />
derniers flamants de Bombay », a été nominé<br />
pour le Prix littéraire Asian Man 2008.<br />
Rappelons que ce jeune auteur a fait ses<br />
études en Inde, en Angleterre et en Amérique. Il<br />
a été élu par le « Time India » parmi les 50 jeunes Indiens les plus influents ; l’un<br />
des 10 Indiens mondiaux par le « Times of India » ; parmi les 10 personnes les plus<br />
créatives par « Hindustan Times » ; l’une des 10 personnalités les plus en vogue<br />
par « New Statesmen UK » ; parmi les 50 personnes les plus à la mode par « Elle<br />
Magazine » et parmi les 10 personnes les plus élégantes par « La Stampa » en Italie<br />
; l’une des icônes de la mode 2011 par « Men’s Health ». Shanghvi vit à Bombay et<br />
Goa et contribue régulièrement au « Time » et au « New York Times ». n<br />
Le 15ème café littéraire s’est déroulé le 24 juin autour de deux ouvrages,<br />
« Rodin et la danse de çiva » de Katia Légeret-Manochhaya et « Inde. Les<br />
Meilleures recettes » de Poonam Chawla et Pushan Bhowmick Chawla publiés<br />
respectivement par les éditions Presses Universitaires de Vincennes et Hachette.<br />
Katia Légeret a présenté son livre et lu un extrait d’un texte d’Auguste Rodin sur<br />
la danse de Shiva. Le danseur Sanga a illustré par une série de mudras (gestes) et<br />
l’abhinaya (expression) ce texte. Quant à Poonam Chawla, après la présentation de<br />
son livre par son fils, elle a invité le public à goûter quelques-unes de ses recettes<br />
estivales dont le lassi sucré à l’avocat. n<br />
©Sandesh Parulkar<br />
Un dernier ouvrage a été présenté<br />
lors du 16ème café littéraire, « L’Inde<br />
pour les nuls » publié par First Editions,<br />
de Jean-Joseph Boillot, spécialiste<br />
de l’Inde. Jean-Joseph Boillot, agrégé<br />
de sciences économiques et sociales<br />
et docteur en économie, a enseigné à<br />
l’Ecole normale supérieure et travaillé<br />
comme chercheur associé au CEPII ; il<br />
est l’un des fondateurs du réseau Euro-<br />
India (EIEBG) qui soutient des projets<br />
émanant des jeunes entre l’Europe et<br />
l’Inde. Le Chef de Mission adjoint, M.<br />
Indra Mani Pandey a présenté le livre<br />
puis la parole a été donnée à l’auteur<br />
qui a mis l’accent sur la complexité de<br />
l’Inde et sur le besoin de proposer un<br />
tel ouvrage au public français. Mira<br />
Kamdar, journaliste pour International<br />
M. Rajesh Sharma s’adresse au public<br />
Herald Tribune, directrice de recherche<br />
au World policy institute et écrivain, a<br />
parlé ensuite du formidable potentiel<br />
de l’Inde qu’il convenait de valoriser.<br />
Olivier Da Lage, journaliste pour RFI et<br />
écrivain, a, quant à lui, montré à l’aide<br />
d’une carte combien l’Inde était encore<br />
trop peu présente dans les médias.<br />
Pour finir M. Rajesh Sharma, directeur<br />
de la collection « Lettres indiennes »<br />
chez Albin Michel, a parlé de l’Inde<br />
dans le monde de l’édition. Ensuite<br />
s’est déroulée la remise des Prix de la<br />
radio indienne à Paris « Teental ». Deux<br />
lauréates ont ainsi gagné le livre L’Inde<br />
pour les nuls. La soirée s’est terminée<br />
de manière conviviale autour d’un<br />
cocktail indien. n<br />
Viviane Tourtet<br />
©Ewa Tartakowsky<br />
54<br />
juillet-août2014<br />
Nouvelles De L’Inde
L’agenda de l’ambassade<br />
Culture<br />
L’agenda de l’ambassade<br />
Le 13 juin fut certainement l’un<br />
des grands moments de cette fin<br />
de printemps puisqu’il a célébré à<br />
l’occasion du 100ème anniversaire du<br />
début de la Première Guerre mondiale<br />
la participation des soldats indiens<br />
à cette page d’histoire à travers la<br />
présentation d’un documentaire réalisé<br />
par Noopur Tiwari « India’s Heroes.<br />
Europe’s war ». Après la projection du<br />
film qui met l’accent sur la recherche et<br />
la collecte d’histoires à moitié oubliées<br />
des soldats qui sont venus participer<br />
à une guerre sur un terrain étranger et<br />
difficile, une discussion a eu lieu animée<br />
par plusieurs intervenants en présence<br />
de l’ambassadeur de l’Inde, M. Arun<br />
K. Singh, Dr David Omissi: Senior<br />
Lecturer, University of Hull, Royaume-<br />
Uni, Dr Santanu Das: Reader, King’s<br />
College, London, Royaume-Uni,<br />
Dominiek Dendooven: Directeur<br />
de Recherches, Musée des Flandres,<br />
Ypres, Belgique, Dominique Faivre:<br />
Président de l’Association d’Histoire et<br />
d’Archéologie Militaire, France, Kevin<br />
Bacon: Conservateur Adjoint, Indian<br />
Hospital Gallery au Royal Pavilion,<br />
Royaume-Uni ainsi que M. Douglas<br />
Gressieux des Comptoirs de l’Inde.<br />
Avec l’aide de quelques-uns des<br />
meilleurs experts sur la question,<br />
Noopur a utilisé des vidéos des archives<br />
de musées de Grande-Bretagne, des<br />
enregistrements venant d’Allemagne<br />
des prisonniers de guerre indiens, des<br />
photos de diverses sources incluant le<br />
Royal Pavilion et les Musées, Brighton<br />
& Hove et la collection privée de<br />
Dominique Faivre. n<br />
©Royal Pavilion and Museums, Brighton & Hove<br />
Les Journées Dégustation de Vins<br />
indiens se sont déroulées du 12 au<br />
14 mai dernier. Elles ont été par la<br />
société M/s Pink Lotus Strategies,<br />
une société basée à Paris de relations<br />
publiques spécialisée dans le<br />
développement commercial avec le<br />
soutien de plusieurs partenaires (Air<br />
India, Incredible India (India Tourism),<br />
le restaurant Jodhpur Palace, Detox<br />
Delight et Uppercrust magazine) et<br />
de l’Ambassade de l’Inde dans le<br />
cadre du programme Market Access<br />
Initiative du Ministère indien des<br />
Affaires étrangères. L’objectif de<br />
cette manifestation était de présenter<br />
et de générer une prise de conscience<br />
sur la production de vins indiens, de<br />
montrer la collaboration entre l’Inde<br />
et la France dans le domaine de la<br />
viticulture et notamment d’attirer<br />
les investissements français dans ce<br />
secteur. L’ambassade a organisé le<br />
12 mai une soirée pour promouvoir<br />
l’événement autour des vins indiens<br />
pétillants et de leurs producteurs<br />
: Grover Zampa, Fratelli et York.<br />
Plus de 90 personnes ont assisté<br />
à cette soirée en présence de<br />
l’ambassadeur. Les 13 et 14 réservés<br />
au volet purement commercial se<br />
sont déroulés au Yacht Club de<br />
France à Paris. L’ambassadeur a<br />
présenté l’histoire de la viticulture en<br />
Inde depuis la civilisation de l’Indus<br />
jusqu’à nos jours indiquant que le<br />
Maharashtra et le Karnataka étaient<br />
les deux Etats producteurs les plus<br />
importants en Inde, le Maharashtra<br />
produisant 90% du total de la<br />
production indienne. L’établissement<br />
de l’Indian Grape Wine board (IGPB)<br />
en 2009 et son objectif de promouvoir<br />
les vins indiens et d’introduire<br />
des normes pour contribuer à<br />
l’amélioration de sa qualité marque<br />
une étape importante dans ce<br />
secteur. Christie’s Paris a donné le ton<br />
de la manifestation en témoignant de<br />
son intérêt grandissant pour les vins<br />
en Inde. Ensuite plusieurs maisons<br />
de production de vins ont présenté<br />
leurs produits : Pernod Ricard, Grover<br />
Zampa, York Winery, Alpine Wineries,<br />
Sular Vineyards, Fratelli sans oublier<br />
la présence du PDG de Vinexpo, M.<br />
Guillaume Deglise.<br />
Nouvelles De L’Inde juillet-août 2014<br />
55
Culture L’agenda de l’ambassade<br />
L’Ambassadeur a inauguré une exposition<br />
de peintures intitulée « Women,The Shakti »<br />
réalisée par 10 jeunes étudiants indiens le 16<br />
juin à l’ambassade. Cette exposition s’inscrivait<br />
dans le cadre d’un voyage d’études autour de l’art<br />
organisé par Mme Aradhana Gupta, Secretary,<br />
Global Knowledge Network Society and PHD<br />
Chamber of Commerce and Industry. Le grand<br />
peintre indien M. Sakti Burman a participé à<br />
l’inauguration et encouragé les étudiants. n<br />
©Nainesh Ozerker<br />
Le 17 juin l’ambassade a eu le plaisir de proposer<br />
à ses invités un récital de chant Khyal par Pandit<br />
Shyam Sundar Goswami, accompagné au tabla par<br />
Subhrangshu et à la tampura par Bandana-Françoise<br />
Jalais. Le public, venu nombreux, a partagé un grand<br />
moment d’émotion musicale. Ce musicien enseigne le<br />
chant classique à la Calcutta School of Music. Pour<br />
en savoir plus, consulter le site www.sites.google.com/<br />
site/panditshyamsundargoswami/ n<br />
©Nainesh Ozerker<br />
L’ambassade de l’Inde en association avec Paris-India Connection<br />
a organisé une conférence sur le thème “Vivre et travailler en France”<br />
pour les étudiants et les professionnels indiens le 18 juin. Au cours<br />
de la conférence, des présentations ont été faites sur des sujets<br />
tels que l’immigration par Mme. Fiona Mougenot, Expat Partners ;<br />
les ressources humaines et la masse salariale par Mme. Sapna<br />
Rema Hari, Sodexo Group ; les impôts sur le revenu par Mme.<br />
Françoise Spiri, SPICOFI & Julien Monsenego, Olswang France LLP ;<br />
et la Sécurité sociale par M. Arzhvael Le Fur, Landwell & Associés. n<br />
Le 25 juin Sharmila Sharma, formée notamment par Pandit Rajendra Kumar Gangani (style de Jaipur) et du<br />
célèbre Pandit Birju Maharaj (style de Lucknow) enseigne aujourd’hui dans son école à Paris. Elle a présenté à<br />
un public venu nombreux un récital donné par ses élèves, de tous niveaux. Le public a pu apprécier la qualité de<br />
l’enseignement à travers une belle prestation agrémentée de superbes costumes. Près d’une quinzaine d’élèves<br />
ont pu donner à voir la beauté du style Kathak dans ce qu’il a de plus exigeant, de plus gracieux aussi. Un cocktail<br />
dans le jardin a permis à tous d’échanger et de féliciter les élèves. n<br />
©Nainesh Ozerker<br />
©Nainesh Ozerker<br />
©Nainesh Ozerker<br />
56 juillet-août 2014 Nouvelles De L’Inde
L’Inde en France<br />
Culture<br />
L’Inde en France<br />
Jet Airways (India) Limited<br />
Jet Airways qui a commencé ses<br />
opérations en mai 1993 a, en un<br />
court lapse de temps, s’est solidement<br />
implanté comme leader du marché.<br />
La compagnie aérienne a eu la<br />
distinction d’être classée à plusieurs<br />
reprises comme « Meilleure ligne<br />
intérieure » de l’Inde et a remporté<br />
plusieurs récompenses nationales et<br />
internationales.<br />
Basée à Mumbai, la compagnie<br />
aérienne a été fondée par M. Naresh<br />
Goyal en avril 1992. Ce dernier en est<br />
l’actuel président. Elle est membre<br />
de la chambre de compensation<br />
IATA (Association internationale du<br />
transport aérien) et un participant de<br />
l’Accord Multilatéral IATA pour le trafic<br />
de passagers et de marchandises. La<br />
compagnie emploie 13 945 personnes<br />
à travers le monde et opère des vols<br />
vers 21 destinations internationales<br />
et 47 destinations en Inde. Avec une<br />
flotte de 5, 19 ans d’âge moyen,<br />
Jet Airways est l’une des plus jeunes<br />
flottes dans le monde. Elle gère une<br />
flotte de 101 avions.<br />
Puisque Jet Airways étend ses<br />
ailes dans les espaces aériens<br />
internationaux, elle a entamé des<br />
relations de partage de code avec<br />
diverses compagnies aériennes<br />
comme Brussels Airline, Etihad,<br />
United Airlines, South African Airways,<br />
Qantas, Thalys (service de chemins de<br />
fer), Malaysian Airlines, All Nippon, Air<br />
Canada, etc.<br />
Avec le centre de Jet Airway’s<br />
à Bruxelles, les passagers pour<br />
affaires ou agrément peuvent relier<br />
Newark et Toronto chaque jour de<br />
Delhi et Mumbai ainsi que 49 autres<br />
destinations en Inde.<br />
Les revenus de la compagnie pour<br />
l’année fiscale 2012-2013 étaient de<br />
1 740 317 roupies.<br />
Les opérations de Jet Airways<br />
en France Jet Airways a débuté ses<br />
opérations commerciales à Paris en<br />
2008 avec un effectif actuel de 10<br />
employés.<br />
Jet Airways a étendu le 1er avril<br />
2014 son accord de partage de codes<br />
avec Air France signé en juin dernier ce<br />
qui permettra aux passagers des deux<br />
compagnies de voyager sans rupture<br />
entre les destinations.<br />
L’accord permet d’améliorer la<br />
connectivité du réseau pour les<br />
passagers vers 12 grandes villes<br />
en Europe et au Royaume Uni. Les<br />
passagers de Jet Airways pourront<br />
ainsi relier sans interruption Nice,<br />
Lyon, Marseille, Toulouse, Barcelone,<br />
Madrid, Hambourg, Prague, Dublin,<br />
Birmingham, Manchester et Newcastle.<br />
Actuellement Air France place<br />
son code de marketing sur les<br />
vols intérieurs de Jet Airways entre<br />
Mumbai, Delhi, Bangalore et Chennai<br />
, Hyderabad, Kolkata.<br />
Jet Airways a inauguré le vol<br />
Mumbai-Paris avec un Airbus A330 à<br />
partir du 14 mai 2014 , un départ à<br />
midi de Mumbai pour atteindre Paris<br />
CDG le soir et un départ de CDG le<br />
soir pour arriver le lendemain matin à<br />
Mumbai, tout comme les horaires d’Air<br />
India pour le vol Delhi-Paris.<br />
M. Michel Simiaut est le Directeur<br />
Général de Sud Europe (France,<br />
Espagne et Grèce). n<br />
L’ambassadeur, M. Arun K.<br />
Singh, a inauguré une conférence<br />
sur “Opportunités et challenges<br />
pour l’industrie du luxe en Inde”<br />
organisée par le Club Luxe de<br />
l’ESSEC et l’International Luxury<br />
Brand Management MBA Alumni<br />
Association le 13 mai au Centre<br />
d’affaires du Trocadéro in Paris.<br />
Plusieurs représentants des grandes<br />
marques de luxe françaises, des<br />
hommes d’affaires, la presse et des<br />
étudiants en commerce ont assisté à la<br />
manifestation. n<br />
L’Ambassadeur Arun K. Singh a visité<br />
l’exposition Eurosatory 2014 le 18<br />
juin 2014 et a rencontré les exposants<br />
indiens y participant. Une session<br />
interactive aec les sociétés indiennes<br />
des secteurs privé et public fut<br />
organisé au Pavillon indien autour des<br />
perspectives et des défis d’exporter de<br />
l’Inde des produits associés à la défense.<br />
M. G K Pati, Secrétaire (Production de<br />
la Défense), Ministère de la Défense,<br />
était également présent. Au total 17<br />
sociétés indiennes du secteur privé ont<br />
participé à cette édition d’Eurosatory<br />
qui s’est tenue à Paris-Nord Villepinte<br />
du 16 au 20 juin 2014. n<br />
Monsieur Arun K. Singh,<br />
Ambassadeur de l’Inde, s’est rendu du<br />
20 au 21 juin à Aix-en-Provence.<br />
Dans le cadre de cette visite, une<br />
rencontre a été organisée à l’hôtel<br />
de ville avec Madame le Maire, Mme<br />
Maryse Joissains Masini. Monsieur<br />
l’Ambassadeur a également prononcé<br />
une allocution d’ouverture à la<br />
conférence internationale consacrée<br />
à l’histoire des fortifications<br />
indiennes au Deccan (1200 et<br />
1700). Celle-ci a été organisée par le<br />
Laboratoire d’Archéologie Médiévale<br />
et Moderne en Méditerranée de<br />
l’Université Aix-Marseille. n<br />
Nouvelles De L’Inde juillet-août 2014<br />
57
Culture L’Inde en France<br />
Un accord de partenariat<br />
(mémorandum d’entente) a été<br />
signé entre la National Law School<br />
of India University à Delhi et l’Ecole<br />
de Formation professionnelle des<br />
Barreaux de la Cour d’Appel de Paris<br />
(EFB), le 27 mai 2014, en présence de<br />
M. Arun K. Singh, Ambassadeur de<br />
l’Inde, M. Pierre Olivier Sur, bâtonnier<br />
du barreau de Paris, Dr. Ranbir Singh,<br />
Vice-Chancelier de la National Law<br />
University, M. Jean-Louis Scaringella,<br />
Directeur de l’EFB, Mme Manjula<br />
Chawla, Vice-Présidente de la<br />
Société d’avocats indiens, M. Laurent<br />
Martinet, vice-bâtonnier du barreau<br />
de Paris et M. Dan Oiknine, Président<br />
de la Chambre de commerce et<br />
d’industrie franco-indienne. n<br />
Dans le cadre de la représentation<br />
de l’opéra de John Adams, « A<br />
Flowering Tree » qui était présenté du<br />
5 au 13 mai au Châtelet un déjeuner a<br />
été donné par M. Indra Mani Pandey,<br />
Chargé d’Affaires de l’Ambassade<br />
de l’Inde, le 6 mai dernier dans un<br />
restaurant indien, Jodhpur Palace à<br />
Paris.<br />
L’opéra, inspiré d’un conte<br />
populaire d’Inde du Sud, a été<br />
mise en scène par Vishal Bhardwaj,<br />
réalisateur, producteur, écrivain et<br />
scénariste indien. Lors du déjeuner<br />
©Marie-Noëlle Robert. Théâtre du Châtelet<br />
les artistes, les membres de la<br />
direction du Théâtre du Chatelet et<br />
les organisateurs ainsi que d’autres<br />
personnalités ont été conviés pour<br />
discuter de coopérations culturelles<br />
lors de ce moment de convivialité. n<br />
M. Bijoy Jain, l’architecte du “Studio<br />
Mumbai”, est lauréat de la médaille<br />
d’or de l’Académie de l’Archiceture<br />
à Paris pour sa contribution dans le<br />
champ de l’architecture. La cérémonie<br />
de remise a eu lieu le 16 juin en<br />
présence des architectes reconnus,<br />
des conservateurs du patrimoine<br />
ainsi que des urbanistes de renom. n<br />
M. Indra Mani Pandey, chef de<br />
mission adjoint, a inauguré la Journée<br />
« India Business Day », organisée par la<br />
Chambre de Commerce et d’Industrie<br />
de La Réunion et le Consulat Général<br />
de l’Inde. L’évènement a été organisé<br />
à Saint Denis, l’île de la Réunion, le 3<br />
juin dernier. n<br />
58 juillet-août 2014 Nouvelles De L’Inde
L’Inde en France<br />
Culture<br />
M. Indra Mani Pandey, Chef de<br />
mission adjoint de l’Ambassade de<br />
l’Inde, a inauguré la Saison indienne<br />
à Toulouse qui s’est déroulée du<br />
12 au 27 avril. Ce Festival permet<br />
de découvrir le cinéma, la danse<br />
et la culture indienne. Une riche<br />
programmation cinématographique<br />
a été prévue cette année ainsi que<br />
trois expositions regroupant au moins<br />
cinq artistes : Swati Gupta, Gil Corre,<br />
Pascal Champlon, The Pondicherry<br />
Photography Club et Jean-Christian<br />
Cottu. n<br />
L’art indien s’est récemment<br />
donné à voir dans plusieurs galeries<br />
parisiennes. George. K, sculpteur,<br />
a ainsi exposé du 2 au 31 mai à la<br />
Galerie Vallois, rue de Seine, une<br />
La Galerie Myriane, au Village<br />
Suisse, à Paris, a présenté du 15<br />
mai au 15 juin, une série d’œuvres<br />
picturales d’Anuradha Thakur à<br />
laquelle nous consacrons un article<br />
dans ce numéro. Anuradha Thakur<br />
est née en 1960 dans l’Etat du<br />
Maharashtra. Son travail artistique<br />
dont la galerie nous a présenté un<br />
échantillon est entièrement consacré<br />
à la représentation de cultures<br />
tribales, du Gadchiroli principalement<br />
mais aussi du Sikkim, du Rajasthan<br />
et du Gujarat et même du Népal.<br />
L’artiste, présente lors du vernissage,<br />
série d’œuvres intitulée The Dance<br />
of Life. A l’origine de ce travail, les<br />
interrogations du sculpteur sur<br />
l’histoire et les fonctions sociales,<br />
religieuses et culturelles de la danse<br />
traditionnelle indienne. A partir de<br />
photographies du danseur malais<br />
de Bharata Natyam, Mavin Khoo,<br />
l’artiste a donné vie à des sculptures<br />
empruntant les traits du visage et<br />
le dessin du buste du danseur dont<br />
l’hyperréalisme ne manque pas<br />
d’interpeller ceux qui les observent.<br />
La série de danseurs montre les<br />
Navarasa, les neuf sentiments ou<br />
émotions présents dans l’art indien.<br />
Les œuvres sont réalisées en fibre<br />
de verre et papier journal. Un travail<br />
d’une grande finesse qui s’inscrit<br />
résolument dans le temps présent,<br />
cet ici et maintenant qu’il convient de<br />
célébrer. George. K, né en 1950, vit<br />
et travaille à Chennai. n<br />
a pu échanger et parler de son art<br />
avec les personnes présentes dont<br />
le Chef de Mission Adjoint, M. Indra<br />
Mani Pandey. n<br />
Le Thé des Ecrivains, lieu<br />
atypique du Marais, librairie-galeriesalon<br />
de thé, a invité dans le cadre<br />
de l’opération Nomades les 13, 14<br />
et 15 juin dernier la galerie Anders<br />
hus, à exposer quelques œuvres<br />
d’artistes Gond (Venkat Shyam,<br />
Narmada Tekam, Japani Shyam,<br />
Subhas Vyam, Durga Bai Vyam), dont<br />
Anne Chevalier a présenté le travail<br />
lors d’une interview ; une occasion<br />
de parler de ces artistes, de leur<br />
lisibilité en France, de leurs sources<br />
d’inspiration.<br />
Christophe Ronel,<br />
peintre français fortement<br />
inspiré par l’Inde, a<br />
exposé à la Galerie<br />
Claudine Legrand, rue<br />
de Seine, à Paris du 12<br />
juin au 5 juillet une<br />
sélection d’œuvres dont<br />
certaines ont trait à<br />
l’Inde, à la richesse de<br />
ses mythes. Des œuvres<br />
comme Le lac de pleine<br />
lune, Le périple d’éléphas<br />
ou la lente marche du<br />
monde, Brahma fauve<br />
vers le Rajpoutana,<br />
nous embarquent dans<br />
une Inde inspirante et<br />
inspirée.n<br />
Nouvelles De L’Inde<br />
juillet-août 2014<br />
59
Culture L’Inde en France<br />
Inauguré par Mme Apoorva<br />
Srivastava, Conseiller culturel de<br />
l’ambassade, avec l’exposition<br />
d’oeuvres d’Anju Chaudhuri, en<br />
présence des personnalités locales et<br />
régionales, le Festival Armor India<br />
2014 s’est déroulé du 25 avril au<br />
4 mai à Morlaix. Pour cette 8ème<br />
édition, l’association AADI a de<br />
nouveau proposé un programme très<br />
diversifié et de qualité, faisant de ce<br />
festival un exemple spécifique en<br />
France. L’ensemble des événements a<br />
accueilli 2.500 personnes, tant pour<br />
le concert unique Tahli Gang et Trilok<br />
Gurtu, la remarquable création “Raag<br />
Panorama” pour 8 danseurs venus de<br />
Pune spécialement que pour la réunion<br />
littéraire avec France Bhattacharya<br />
sur Tagore, l’exposition “Abécédaire<br />
de l’Inde” ou encore le spectacle jeune<br />
public “Quand Rama chante Sita” avec<br />
le Théâtre de la Cruche, et de plus<br />
en plus suivi, un volet cinéma avec 6<br />
projections dans 4 salles de la région.<br />
La présence remarquée des artistes<br />
indiens à Morlaix a été amplifiée par la<br />
visite d’une délégation d’étudiants du<br />
Ramnarain Ruia College de Bombay,<br />
dans le cadre des échanges éducatifs<br />
qu’AADI met en place et développe<br />
avec l’aide de l’ambassade, entre des<br />
établissements d’enseignement de<br />
Bretagne et des Colleges de Bombay<br />
et Pune notamment. n<br />
Le médecin-philosophe Deepak<br />
Chopra a rassemblé un public très<br />
nombreux au Rex lors de sa venue à<br />
Paris autour de la thématique « L’avenir<br />
de notre bien-être » le 19 mai dernier.<br />
Il a proposé à ce public enthousiaste<br />
quelques clés pour améliorer sa<br />
santé, vivre de manière plus zen et<br />
harmonieuse avec les autres. Auteur<br />
de nombreux best-sellers, il enseigne<br />
par ailleurs dans de grandes écoles<br />
comme la Harvard Medical School ou<br />
la Columbia University. n<br />
Une nuit indienne a été organisée au<br />
Festival les Nuits de Fourvière à Lyon<br />
le 21 juin durant laquelle le public a<br />
pu découvrir le spectacle The Kitchen<br />
de Roysten Abel. L’Ambassade de<br />
l’Inde y a été représentée par Mme<br />
Apoorva Srivastava, Conseiller<br />
Presse, Information & Culture.<br />
Le maître d’œuvre de cette<br />
merveilleuse production, Roysten<br />
Abel, est un homme de théâtre.<br />
Et il a décidé d’ajouter aux plaisirs<br />
des yeux et des oreilles, le plaisir de la<br />
bouche et du nez. The Kitchen met en<br />
scène un couple dont la relation est en<br />
mutation. À leurs pieds, deux grands<br />
pots, cent kilos de riz, sucre, mandes,<br />
lait, raisins secs, cardamome… Le<br />
tout servant à cuire le payasam,<br />
dessert traditionnel indien. Mais pardelà<br />
l’empire des sens, The Kitchen<br />
est une époustouflante métaphore de<br />
l’évolution humaine sur le chemin de<br />
la vie. n<br />
Les spectateurs qui ont assisté le 8 mai dernier au récital donné au Châtelet<br />
par la grande légende de Bollywood, Asha Bhosle, se souviendront sans doute<br />
longtemps de leur soirée. Faut-il rappeler que la chanteuse détient le record du<br />
monde du plus grand nombre de chansons enregistrées et qu’elle est apparue<br />
à l’écran un nombre impressionnant de fois ? Faut-il ajouter qu’Asha Bhosle est<br />
autant à l’aise dans le lyrisme bollywoodien que dans les styles pop, classique<br />
ou folk et qu’elle chante dans une vingtaine de langues ? C’est le Metropole<br />
Orchestra d’Amsterdam qui, cette fois, a eu l’honneur d’accompagner le temps<br />
d’un soir de rêve, la grande chanteuse. n<br />
60 juillet-août 2014 Nouvelles De L’Inde
Painting<br />
Culture<br />
chantre du<br />
rythme et de<br />
Anuradha Thakur,<br />
l’harmonie<br />
Les toiles d’Anuradha Thakur accrochées aux cimaises de la galerie Myriane au Village Suisse, ensemble<br />
d’antiquaires, de galeries, n’ont pas manqué d’attirer l’œil des passants par leurs couleurs vives, leurs<br />
rythmes joyeux, leur harmonie.<br />
Anuradha Thakur, diplômée<br />
des Beaux-Arts de l’Etat du<br />
Maharashtra dont elle est<br />
originaire, est en lien avec<br />
les populations tribales depuis sa<br />
jeunesse. Parallèlement à son travail<br />
de peintre (elle compte à son actif<br />
de nombreuses expositions tant<br />
personnelles que de groupe, en Inde<br />
comme à l’étranger), de professeur<br />
d’art, elle écrit (son ouvrage «<br />
Sketches of Rythmic Experiences »<br />
est un formidable concentré de son<br />
travail, de ses rencontres avec les<br />
populations tribales notamment et<br />
nous éclaire sur ce qui l’anime et fait<br />
de sa peinture un hymne à la joie<br />
et à la vie) et anime de nombreux<br />
ateliers. Elle a notamment écrit<br />
pour le journal « Dainik Loksatta »<br />
dans lequel elle a alimenté jusqu’en<br />
2008 une rubrique intitulée Kavadse<br />
témoignant de ses expériences.<br />
C’est par le biais de l’Institute<br />
of Health Management de Pachod<br />
qu’elle a réussi à fréquenter le milieu<br />
rural de près et a été amenée à créer<br />
Nouvelles De L’Inde juillet-août 2014<br />
61
Culture Painting<br />
Isimincte non con re<br />
omniam<br />
Serene harmony<br />
Transcending rhythms<br />
Serene harmony<br />
Festive rhythm<br />
des ateliers. Elle a par ailleurs travaillé<br />
pour le « Vanvasi Kalyan Ashram »<br />
à Bhandardara et fut à même de<br />
témoigner sur la vie tribale puis ce fut<br />
la rencontre avec le Shodhgram, un<br />
vrai tournant dans sa vie pour mieux<br />
connaître les Gond. Il en a résulté une<br />
série de toiles « Autumn’s Harmony ».<br />
Anuradha Thakur a visité de<br />
nombreuses régions en Inde pour<br />
rencontrer les populations indigènes,<br />
mieux connaître leur environnement<br />
et leur vie culturelle. Elle s’est ainsi<br />
rendue dans le Kutch, à Jhabua, au<br />
Rajasthan et au Gujerat, au Sikkim,<br />
dans les Etats du Nord-Est où elle<br />
a vécu de profondes expériences<br />
qui ont donné naissance à plusieurs<br />
séries de peintures comme «<br />
Music of Life », « Colours of Life »,<br />
« Celebration of Life », « Festive Rhythm »,<br />
« Song of Nature », « Ethereal Accords »,<br />
« Ethereal Rhythms », « Rhythm of the<br />
Season ».<br />
Son travail auprès des femmes<br />
relève de l’art thérapie. Ainsi une<br />
femme qui vivait dans des conditions<br />
difficiles lui confia : « Jusqu’à ce jour,<br />
une grande partie de mon esprit était<br />
occupée par une immense montagne<br />
faite de mes problèmes, de mon dur<br />
travail et de mes soucis ; et cela me<br />
pesait. Mais après avoir assisté à ce<br />
camp sur la création de motifs de<br />
rangolis, j’ai vu un moi différent en<br />
moi. J’ai ressenti la joie qui vient de<br />
la création artistique dans laquelle<br />
on est impliqué sereinement et cette<br />
joie a empli mon esprit. L’espace<br />
qu’occupait la tristesse dans mon<br />
esprit a rétréci. Les conditions autour<br />
de moi n’ont pas du tout changé mais<br />
je les vois sous une autre perspective.<br />
»<br />
Grâce à l’œuvre d’Anuradha<br />
Thakur, une facette de l’Inde rurale<br />
s’offre à nos regards de citadins et<br />
nous invite à nous reconnecter à la<br />
joie profonde. n<br />
Viviane Tourtet<br />
62 juillet-août 2014 Nouvelles De L’Inde
Cannes<br />
Festival<br />
Inauguration du Pavillon indien par l’Ambassadeur, M. Arun K. Singh<br />
67ème Festival de Cannes<br />
Chaque année, la Maha Kumbha du Monde du Cinéma a lieu au bord de la Méditerranée, à Cannes. Là,<br />
sous la pluie et les nuages qui rappellent les chansons de Raj Kapoor, parfois le soleil y brille aussi… Le<br />
sifflement lointain du TER me fait soudain penser au vaste champ à travers lequel couraient Apu et sa<br />
sœur Durga dans La Complainte du Sentier de Satyajit Ray, (1954).<br />
Les professionnels du cinéma<br />
que je surnommerai les pèlerins,<br />
viennent des quatre coins du<br />
monde avec pour seul objectif de<br />
toucher le Sacré : la Palme. Imaginons<br />
la caméra comme étant un stylo, nous<br />
pourrions certainement écrire une<br />
épopée qui se déroule chaque année à<br />
Cannes.<br />
Le Monde du Cinéma passe à l’heure<br />
actuelle par une transition, si ce n’est<br />
par un changement de paradigme. La<br />
politique culturelle de certains pays<br />
dont la production cinématographique<br />
a longtemps eu tendance à se limiter<br />
à une théâtralité primitive, mettrait en<br />
avant une autre façon de faire des films,<br />
contrairement à ceux, indubitablement<br />
frappés par une crise financière et dont<br />
la production faiblit.<br />
L’année dernière, l’Inde fêtait avec<br />
faste les cent ans de ses cinémas, aussi<br />
bien chez elle qu’au Festival de Cannes.<br />
Cette année, elle a su mettre en avant<br />
le pouvoir de l’imaginaire collectif à<br />
travers une convergence d’idées liée à<br />
l’économie du cinéma dans un cadre<br />
plus pointu. Elle s’attache à développer<br />
un dialogue réciproque avec l’autre,<br />
tout en mettant l’accent sur la nécessité<br />
de le connaître à travers une invitation<br />
universelle, dite « coproduction ».<br />
De plus en plus l’Inde voit émerger<br />
l’intérêt que le monde porte à son<br />
égard, notamment des pays de l’Ouest.<br />
On constate l’arrivée de nombreuses<br />
publications en langues étrangères sur<br />
les cinémas de l’Inde et une grande<br />
concentration de professionnels étrangers<br />
de l’audiovisuel dans des villes<br />
phares indiennes, où le cinéma serait<br />
le mantra ouvrant sur des possibilités<br />
d’explorer un vaste marché porteur,<br />
de par le nombre de consommateurs.<br />
Aujourd’hui l’Inde est l’un des pays<br />
prioritaires au monde en termes de<br />
négociations liées à la coproduction.<br />
Bien que l’insuffisance des salles de<br />
cinéma, associée à une infrastructure<br />
Allocution de l’Ambassadeur, M. Arun K. Singh, lors de l’inauguration du<br />
Pavillon indien au Festival de Cannes<br />
relative pour ce qui est du circuit des<br />
films indépendants, ceux-ci suscitent<br />
de nombreux débats. L’étonnant<br />
renouvellement de stratégies, de<br />
sensibilité et une participation<br />
importante du peuple, dépassant les<br />
barrières des villes et des banlieues,<br />
permettent au monde du cinéma<br />
de s’engager à long terme et de<br />
promouvoir la notion nouvelle d’une<br />
exception culturelle qui n’est, à juste<br />
titre, pas enfermée dans un cliché de<br />
négociation intergouvernementale.<br />
Le 67ème festival de Cannes<br />
demeurera une année fondatrice pour<br />
Nouvelles De L’Inde<br />
juillet-août 2014<br />
63
Festival Cannes<br />
Photo du film Titli de Kanu Behl<br />
Dr. Kamal Haasan interviewé par Anupama Chopra au Pavillon indien<br />
l’Inde où la culture cinématographique<br />
populaire s’est émancipée de l’idéal du<br />
divertissement. Il s’agit d’une approche<br />
internationale qui établit un dialogue<br />
entre tous les pays. « Vasudhaiva<br />
Kutumbakam- Toute la planète est<br />
une famille ». Produire avec l’Autre un<br />
contenu cinématographique serait,<br />
pour l’Inde, l’un des maîtres-mots pour<br />
envisager une alliance sans frontière.<br />
Alors la définition de la Culture ne serait<br />
plus restrictive et limitée à un pays<br />
donné.<br />
Les événements au Pavillon indien<br />
du 15 au 19 mai, 2014 :<br />
Organisé par la Fédération indienne<br />
des Chambres de Commerce et<br />
d’Industrie (FICCI), le Pavillon indien au<br />
décor minimaliste conçu par Nikheel<br />
Aphale a présenté une clarté des idées<br />
alliée à l’esthétique du regard. Du 15<br />
au 19 mai, le pavillon a accueilli de<br />
nombreuses personnalités avec chaque<br />
jour, une table ronde abordant de<br />
nombreux sujets.<br />
Le 15 mai :<br />
Le Pavillon a été inauguré par M.<br />
Arun K.Singh, Ambassadeur de l’Inde<br />
en France, en présence du Secrétaire<br />
du Ministère indien de l’Information<br />
et de la Radiodiffusion, M. Bimal<br />
Julka, d’Arash Amel, scénariste du<br />
film d’ouverture du festival « Grace<br />
de Monaco » et d’Uday Chopra,<br />
producteur de films et représentant de<br />
Yash Raj Films, dont l’entité américaine<br />
détient une part minoritaire en<br />
tant que coproductrice du film<br />
d’ouverture.<br />
Le discours inaugural de l’ambassadeur<br />
portait sur la présence du<br />
cinéma indien (longs et courts métrages<br />
confondus) dans toutes les sections<br />
du festival. Il a félicité les réalisateurs<br />
indépendants, émissaires de ce<br />
nouveau cinéma indien, qui contribuent<br />
au rayonnement de la culture à travers<br />
le monde, à travers l’image animée.<br />
Le cinéma indien, a-t-il dit, a le devoir<br />
de représenter sa diversité nationale<br />
tout en mettant l’accent sur l’objectif<br />
d’établir un dialogue réciproque avec<br />
les autres.<br />
La deuxième partie de la journée<br />
a été consacrée à de nombreuses<br />
discussions autour du cinéma. Uday<br />
Chopra et Arash Amel ont partagé les<br />
anecdotes de « Grace de Monaco »,<br />
l’équipe du film « Titli » a partagé son<br />
expérience et la conversation s’est<br />
animée grâce à des intervenants<br />
comme : Dibakar Banerjee-réalisateur,<br />
Kanu Behl, réalisateur de Titli, Guneet<br />
Monga-productrice indépendante et les<br />
comédiens du film.<br />
Le 16 mai :<br />
Une table ronde concernant<br />
le partage des savoirs pour créer<br />
une synergie entre cultures a été<br />
organisée entre les professionnels de la<br />
coproduction venant de plusieurs pays.<br />
Les participants ont ainsi analysé les<br />
accords de coproduction que l’Inde a<br />
signés jusqu’à présent.<br />
La journée a été enrichie par<br />
l’échange avec l’acteur légendaire<br />
Kamal Hassan, qui a relativisé l’ambition<br />
de l’Inde en tant que nation du cinéma<br />
s’emparant du marché international à<br />
travers la coproduction. Selon Hassan,<br />
l’Inde devrait rester sur la voie de son<br />
offre unique et solide d’une diversité<br />
multiculturelle interne et n’aurait en<br />
aucun cas besoin de faire plaisir aux<br />
autres en homogénéisant le contenu de<br />
son cinéma. « Plus l’Inde restera ethnique,<br />
plus elle deviendra universelle »,<br />
a déclaré Hassan.<br />
Le 17 mai :<br />
Cette journée fut dédiée à la<br />
négociation internationale compte<br />
tenu de l’intérêt de nos partenaires<br />
stratégiques pour coproduire avec<br />
l’Inde. Le Ministère de l’Information avait<br />
mis en place un échange lié au potentiel<br />
de tournage des films à l’intérieur et à<br />
l’extérieur de l’Inde. Le gouvernement<br />
pourrait mettre en place un système de<br />
portail d’entrée unique (Single Window<br />
Session sur la co-production<br />
64 juillet-août 2014 Nouvelles De L’Inde
Cannes<br />
Festival<br />
Inauguration du Pavillon de la Confédération de<br />
l’Industrie Indienne (CII) au marché du film par<br />
l’Ambassadeur, M. Arun K. Singh en présence<br />
de M. Bimal Julka, secrétaire d’Etat au<br />
Ministère de l’ « Information and Broadcasting »<br />
( I&B ) ainsi que d’autres personnalités<br />
éminentes de l’industrie cinématographique<br />
telles que Mme Mallika Sherawat, M. Ashok<br />
Amritraj, M. Avtar Panesar, M. Sudhir Mishra et<br />
M. Resul Pusukutty.<br />
Clearance). Mais il faudrait comprendre<br />
que la mise en place d’un système<br />
relatif à une seule porte d’entrée n’est<br />
pas synonyme de coproduction mais<br />
qu’il facilite en outre les possibilités de<br />
tournages inter-Etats en Inde même.<br />
Selon une source proche du ministère,<br />
« cette porte d’entrée unique pour<br />
faciliter tout type de dispositif lié au<br />
tournage et au tourisme, offrirait une<br />
transition souple de validation de projet<br />
jusqu’au tournage. Le gouvernement<br />
indien étudie actuellement la possibilité<br />
pour que cette porte d’entrée soit un site<br />
web afin de pouvoir mieux enregistrer<br />
chaque mouvement. Il faut savoir que<br />
le marché indien reste le marché le plus<br />
libéral au monde où l’investissement<br />
direct lié au financement d’un film peut<br />
atteindre jusqu’à 100%.»<br />
Le 18 mai :<br />
Cette journée a été consacrée au<br />
rôle des organisateurs de festivals du<br />
cinéma indien dans le monde. C’est à<br />
travers ce thème que le pavillon indien<br />
a facilité un échange réciproque avec<br />
les organisateurs et les acheteurs de<br />
films. L’échange s’est déroulé de façon<br />
conviviale et chaque représentant-<br />
Œuvres du sculpteur sur sable M. Sudarsan Pattnaik<br />
organisateur étranger de festivals a<br />
partagé son expérience.<br />
Entre une approche subjective<br />
de l’enthousiasme liée au lieu et à<br />
l’évènement de Cannes, et une réalité<br />
transfrontière liée à la portée du cinéma<br />
de l’Inde, la discussion a trouvé sa<br />
propre voie même si de nombreux défis<br />
restent à relever. « Il est tout de même<br />
très difficile de faire connaître la riche<br />
diversité du cinéma indien en Italie,<br />
alors que paradoxalement l’Italie a<br />
façonné le langage cinématographique<br />
en étant la sublime traductrice du néoréalisme,<br />
et que cela n’intéresse plus<br />
personne maintenant », a dit Selvaggia<br />
Velo, directrice du festival de films<br />
indiens River to River, organisé chaque<br />
année à Florence en Italie.<br />
Plus tard dans la journée, une<br />
réception a été conjointement<br />
organisée par le Ministère indien de<br />
l’Information et de la Radiodiffusion<br />
ainsi que la Fédération du film de<br />
l’Inde pour faciliter la communication<br />
interprofessionnelle.<br />
Le 19 mai :<br />
Ce dernier jour d’échange au pavillon<br />
indien a vu la performance brillante de<br />
Sandip Sopparkar. Celui-ci a fait un<br />
exposé sur l’importance de la danse<br />
dans le cinéma indien. Ce moment a été<br />
par ailleurs enrichi par un représentant<br />
de la danse classique indienne en<br />
France, Raghunath Manet.<br />
Une petite heure fut réservée aussi<br />
pour un échange bilatéral entre les<br />
professionnels de l’audiovisuel français<br />
et indiens pour mettre en valeur la<br />
philosophie de la coproduction. Cette<br />
discussion était animée par Pierre<br />
Assouline, qui a partagé son expérience<br />
de travail avec le système indien et sa<br />
rencontre avec notre bureaucratie. n<br />
Writtwik Banerjee<br />
Traducteur-chroniqueur<br />
indépendant sur la coproduction<br />
Quelques repères : L’Inde à Cannes,<br />
2014 :<br />
Long métrage : « Titli », Kanu Behl, Un<br />
Certain Regard<br />
Court métrage : « True Love Story », film<br />
d’animation, Gitanjali Rao, Semaine de la<br />
Critique<br />
Présence indienne au Marché du film :<br />
Plus de 50 représentants venant des<br />
maisons de production indiennes<br />
La délégation indienne était<br />
représentée par :<br />
• Le Ministère de l’Information et de la<br />
Radiodiffusion, Inde<br />
• L’Ambassade de l’Inde en France<br />
• La Fédération indienne des Chambres<br />
de Commerce et d’Industrie (FICCI)<br />
• La Fédération indienne du Film<br />
• La Corporation Nationale pour le<br />
Développement du Film (NFDC)<br />
Nouvelles De L’Inde juillet-août 2014<br />
65
Cuisine Les boissons de l’été<br />
Les boissons<br />
de l’été<br />
Les beaux jours arrivent. L’été, sa joie de vivre,<br />
sa légèreté et son beau temps changent nos<br />
habitudes culinaires. C’est le temps des plats<br />
légers mais surtout des boissons rafraîchissantes.<br />
L’Inde possède un vaste répertoire de boissons<br />
pour cette nouvelle saison, petit coup d’œil sur<br />
les tendances de cet été.<br />
Tout le monde sait que le masala<br />
chai est la boisson nationale<br />
de l’Inde. Ce thé au lait épicé<br />
est consommé toute l’année et<br />
sans modération. On le trouve chez<br />
les marchands de rue, dans tous les<br />
restaurants et on le sert à tous nos<br />
invités. Servi chaud, il rassemble les<br />
amis, la famille à n’importe quelle heure<br />
de la journée. Récemment, cet amour<br />
du thé s’est même étendu dans des<br />
déclinaisons de thé glacé pour un effet<br />
rafraîchissant.<br />
Bien sûr, il n’y a pas que le thé !<br />
Le nimbu pani (« eau citron » en hindi)<br />
est une citronnade consommée<br />
quotidiennement à travers le pays. C’est<br />
la deuxième boisson la plus populaire<br />
en Inde. À base d’eau plate ou gazeuse,<br />
sucrée ou salée, le nimbu pani aide<br />
à lutter contre la déshydratation et<br />
stimule le système digestif.<br />
La cuisine indienne s’exporte dans<br />
le monde entier et le lassi est une des<br />
boissons indiennes les plus reconnues.<br />
Un grand classique à base de yaourt<br />
frappé aromatisé, on en trouve des<br />
versions salées, épicées ou sucrées<br />
dans tous les restaurants indiens du<br />
monde. En Inde, le lassi est le plus<br />
souvent consommé en journée et peut<br />
être servi en accompagnement d’un<br />
plat ou en fin de repas car le yaourt<br />
adoucit et facilite la digestion des<br />
mets épicés. Il est agrémenté d’épices<br />
ou de fruits, les parfums les plus<br />
populaires sont la cardamome, la rose<br />
et la mangue. Servi froid, le lassi est la<br />
boisson parfaite pour profiter des fruits<br />
mûrs de l’été !<br />
Il existe de nombreuses autres<br />
boissons telles que le jus de canne à<br />
sucre pressé, l’eau de coco, la limonade<br />
de mangue verte (aam pana) ainsi que<br />
le thandai (milkshake épicé aux fruits<br />
secs). Le lassi et le masala chai sont<br />
les boissons les plus demandées lors<br />
de mes cours de cuisine à Paris et c’est<br />
ainsi que je vous propose ces deux<br />
recettes simples et rapides à réaliser<br />
que j’ai revisitées sous forme de thé<br />
glacé à la rose (ou Rooh Afza), aux<br />
épices chai et de lassi sucré à l’avocat<br />
et à la cardamome verte. n<br />
Thé indien glacé à la rose<br />
Ingrédients pour 2 verres :<br />
1 sachet de thé de l’Inde, le jus d’un demi-citron, 2 cuillères à soupe de sirop de<br />
rose, 1 verre d’eau fraîche ou des glaçons, et une pincée de masala chai.<br />
Préparation :<br />
Faire bouillir un demi-verre d’eau et laisser infuser le sachet 3 minutes<br />
Ôter le sachet et ajouter le jus de citron, le chai masala, le sirop de rose et<br />
l’eau fraîche.<br />
Laisser refroidir ou ajouter des glaçons et boire tout de suite<br />
Astuce : si vous n’avez pas de chai masala, mettez une lamelle de<br />
gingembre frais à infuser en même temps que le sachet de thé et 2-3<br />
feuilles de menthe fraîche avant de servir.<br />
Lassi à l’avocat<br />
Ingrédients pour 1 verre :<br />
2 pots de yaourt nature, 3 cuillères à café de sucre ou plus selon le goût, une<br />
pincée de cardamome verte, ¼ d’avocat, 3- 4 glaçons.<br />
Préparation :<br />
Dans un blender, mixer l’ensemble des ingrédients pendant 10 secondes pour<br />
bien faire mousser le lassi.<br />
Astuce : remplacer l’avocat par d’autres fruits de votre choix. Plus le fruit est mûr,<br />
moins vous aurez besoin d’ajouter de sucre dans votre lassi.<br />
Article et photos par Pushan Chawla-Bhowmick (www.puxanbc.com)<br />
Recettes de Poonam Chawla (www.chalindia.com)<br />
66<br />
juillet-août 2014<br />
Nouvelles De L’Inde
Découvrez prochainement un film sur<br />
l’heureux métissage culinaire franco-indien<br />
Dans le film Les recettes du bonheur,<br />
Hassam Kadam (Manish Dayal) a un<br />
don inné pour la cuisine. Après avoir quitté<br />
le pays natal, l’Inde, la famille Kadam<br />
s’installe dans le village pittoresque de<br />
Saint-Antonin-Noble-Val, dans le Sud de la<br />
France. Non dépourvu de charme, élégant<br />
et pittoresque village est l’endroit idéal<br />
pour s’installer et ouvrir un restaurant<br />
indien, la Maison Mumbai. Mais les choses<br />
se compliquent : Madame Mallory (Helen<br />
Mirren, primée déjà de l’Oscar pour la<br />
meilleure actrice en 2006), propriétaire<br />
hautaine et chef du célèbre restaurant<br />
étoilé au guide Michelin, Le Saule Pleureur,<br />
entend parler du projet de la famille<br />
Kadam. Ses protestations contre le<br />
nouveau restaurant indien, situé à quelques<br />
mètres du sien, dégénèrent en une lutte<br />
acharnée entre les deux établissements<br />
et même l’amour d’Hassan pour la haute<br />
gastronomie française n’y peut rien. En<br />
effet, Hassan s’appliquera à apprendre<br />
les techniques culinaires françaises grâce<br />
au livre de cuisine Le Cordon Bleu et à<br />
la grande joie de la charmante sous-chef<br />
Marguerite (Charlotte Le Bon). Inspiré par<br />
cette expérience et aidé par son talent, il<br />
organisera un festival de saveurs associant<br />
harmonieusement les deux cultures<br />
culinaires. Cela permettra de dénouer la<br />
situation : Mme Mallory, autrefois ennemie<br />
jurée d’Hassan, finira par reconnaître<br />
son talent et le prendre sous son aile. En<br />
somme, Les recettes du bonheur regorge<br />
de saveurs qui excitent nos papilles. Mais<br />
c’est aussi une victoire sur le déracinement,<br />
un portrait de deux mondes en apparente<br />
contradiction et un chemin parcouru par un<br />
jeune homme à la recherche d’un chez soi<br />
où qu’il soit. n
Profitez d’une nature intacte<br />
Faites-vous plaisir<br />
Trouvez ce que vous cherchez<br />
Une plage aux Andamans, loin de la foule. Pour en savoir plus, www.incredibleindia.org<br />
IndiaTourism Paris 13, Boulevard Haussmann 75009 - Paris. Tel: 0145233045 Email: directorindiatourismparis@gmail.com/www.incredibleindia.org
NO. 416 juillet-août 2014 Nouvelles de l’Inde