De l'esclavage au salariat (version cahier) - PDF ... - Infokiosques.net
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plus en plus de main-d’oeuvre. Le servage fut un frein immense à cette<br />
expansion : la Russie était alors un pays essentiellement composé de paysans<br />
et les serfs des campagnes était attachés à vie <strong>au</strong>x seigneurs loc<strong>au</strong>x, en<br />
conséquence de quoi ils n’avaient <strong>au</strong>cune liberté de circulation. Une fois cette<br />
contrainte du servage, et donc du déplacement des populations, levée par<br />
l’ouskase les paysans devenus «libres» purent aller grossir les rangs des<br />
travailleurs des usines.<br />
S’il nous a semblé important de revenir sur l’exemple historique de la<br />
Russie tsariste et de la fin de l’esclavage dans divers contextes, c’est<br />
qu’<strong>au</strong>jourd’hui les mêmes mécanismes de contrôle de la paix sociale et de la<br />
pérennité de ce système basé sur le fric et le pouvoir sont à l’oeuvre. A travers<br />
tous les textes réunis il est chaque fois possible de discerner un ou plusieurs<br />
aspects qui ont motivé les puissances coloniales et les Etats à mettre fin <strong>au</strong><br />
servage : paix sociale à rest<strong>au</strong>rer, motivations capitalistes et nécessités<br />
politiques, chacun d’entre-eux étant liés les uns <strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres.<br />
L’existence de troubles et de mouvements soci<strong>au</strong>x qui mettent en danger<br />
les systèmes dominants ont toujours existé. La répression sous toutes ses<br />
formes est un moyen qui tend à écraser toute volonté de révolte qui remet en<br />
question l’organisation sociale et le contrôle qu’exerce tel ou tel gouvernement<br />
sur la population. Mais quelques fois le bâton n’est plus efficace, il ne provoque<br />
plus la peur mais alimente le brasier, c’est alors que la carotte entre en action.<br />
On la retrouve quand il est offert à tel meneur un petit pouvoir personnel, de<br />
l’argent et des privilèges, quand un gouvernement cède sur telle revendication<br />
et concède quelques miettes par-ci par-là à un mouvement, quand un Etat<br />
lance des réformes sociales (assurance maladie, aides sociales...), etc. Le but<br />
commun du bâton et de la carotte est de faire baisser une tension sociale et<br />
l’un comme l’<strong>au</strong>tre ont prouvé leur efficacité. Les motivations capitalistes sont<br />
très liées à cette dimension de la paix : sans un certain calme les affaires<br />
tournent mal, ou pas du tout. Si dans l’esprit réactionnaire raciste de be<strong>au</strong>coup<br />
d’entrepreneurs des USA il valait mieux avoir sous sa botte des esclaves, ce<br />
sont des capitalistes tels que Lincoln qui comprirent le danger que<br />
représentaient les Noirs asservis depuis trop longtemps. Certains patrons<br />
virent vite où leurs intérêts se plaçaient dans la fin de l’esclavage : de un les<br />
Noirs se croiraient libres et perdraient une raison de se révolter, de deux ils<br />
resteraient enchaînés <strong>au</strong> travail désormais salarié sous peine de crever de<br />
faim. Pour parachever le tout ces ordures capitalistes ont alors pu faire les fiers<br />
et se vernir de be<strong>au</strong>x atours f<strong>au</strong>ssement humanistes servant leurs calculs<br />
politiques et de pouvoir.<br />
Pour la classe dominée le passage de l’esclavage <strong>au</strong> travail salarié fut<br />
comme passer d’une cage avec des barre<strong>au</strong>x en fer forgé à une cage où, là, les<br />
barre<strong>au</strong>x sont invisibles mais pourtant bien réels. Si le seigneur s’était mué en<br />
patron et le contremaître en flic, leurs rôles étaient toujours d’exploiter ce qui<br />
fut l’esclave et après le travailleur et de le réprimer dans ses élans de colère et<br />
de liberté. Les prolétaires n’ont rien gagné dans l’abolition de l’esclavage si ce<br />
n’est qu’un os à ronger, jeté par les puissants pour qu’ils se tiennent un peu<br />
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venu à bout de ces différences <strong>au</strong> cours de ces dernières décennies, en<br />
continuant de subsumer le travail et en généralisant le système de<br />
rémunération par l'argent de sorte que les différentes formes de <strong>salariat</strong> se<br />
sont progressivement rapprochées de son idéal : le <strong>salariat</strong> pur.<br />
Les différences entre esclavage salarié et esclavage tout court<br />
s'amenuisent de jour en jour : généralisation du travail forcé, nombre croissant<br />
d'entreprises intermédiaires de placement (y compris <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> international)<br />
qui ôtent <strong>au</strong>x travailleurs la possibilité de décider à qui vendre leur force de<br />
travail, qui les dépossèdent de cette propriété, recours de plus en plus<br />
systématique <strong>au</strong> crédit à la consommation par lequel le prolétaire se voit<br />
contraint de renoncer à percevoir directement son salaire, que ce soit <strong>au</strong> profit<br />
de son créditeur ou d'une "banque neutre", transferts de main-d'oeuvre avec<br />
l'accord des gouvernements des pays concernés ("China export")... Tous ces<br />
exemples sont des moyens pour le capital d'effacer les différences existant<br />
entre les deux formes d'esclavage.<br />
Et même si, <strong>au</strong> nom du socialisme, le marché de la force de travail devient<br />
un marché géré <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> central par l'Etat, comme ce fut le cas en Russie, à<br />
Cuba, en Hongrie, etc., il n'y a pas pour <strong>au</strong>tant abolition des conditions<br />
capitalistes de production, comme le prétendent les défenseurs de ces Etats.<br />
Bien <strong>au</strong> contraire, c'est justement de cette façon que peut apparaître une des<br />
manifestations capitalistes de <strong>l'esclavage</strong> salarié où la différence avec<br />
<strong>l'esclavage</strong> ouvert est réduite à sa plus petite expression. En effet, si dans les<br />
camps de concentration ou de travail existant <strong>au</strong>jourd'hui <strong>au</strong>x Etats-Unis, ces<br />
différences n'existent plus et si on y retrouve <strong>l'esclavage</strong> pur et simple (en tant<br />
qu'<strong>au</strong>thentique produit du développement du capital, en tant que sous-produit<br />
de <strong>l'esclavage</strong> salarié), il en va de même avec des prolétaires taillables et<br />
corvéables à merci qui n'ont plus la possibilité de choisir l'acheteur de leur<br />
force de travail, qui sont forcés par la violence physique (et non par les "lois du<br />
marché") de travailler; il en va de même avec ces salariés que l'Etat,<br />
conformément <strong>au</strong>x règles de la reproduction élargie du capital, répartit sans<br />
les consulter (comme on le faisait avec les esclaves qui arrivaient en<br />
Amérique) dans les régions p<strong>au</strong>vres en main-d'oeuvre, et qui, depuis l'enfance<br />
se voient contraints de faire valoir leur force de travail pour répondre à la<br />
volonté du capital centralisé dans l'Etat. Cet esclavage ouvert qui, comme nous<br />
l'avons vu, n'est rien d'<strong>au</strong>tre que le piédestal et la continuation logique de<br />
<strong>l'esclavage</strong> salarié, est également celui que la bourgeoisie du bloc de l'Est 20 et<br />
de Cuba a tenté d'imposer à ses prolétaires. Ceci dit, même si à partir de ces<br />
tentatives sont nées des formes imposantes d'oppression, d'exploitation, de<br />
travail forcé..., cette fraction bourgeoise n'a pas du tout réussi à planifier la<br />
force de travail. Les h<strong>au</strong>ts nive<strong>au</strong>x de centralisation du marché de la force de<br />
travail qu'elle a tenté d'assumer se sont violemment heurtés à l'impitoyable<br />
réalité de l'anarchie capitaliste de la production.<br />
20<br />
Il f<strong>au</strong>drait parler <strong>au</strong>jourd'hui de l'"Ex"-bloc de l'Est: rappelons que cet article a été rédigé<br />
en 1981.<br />
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