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Mauvaises intentions #3 [80p. A4] - PDF (10.7 Mo) - Infokiosques.net

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autour du procès antiterroriste pour 6 camarades en mai 2012mauvaises <strong>intentions</strong> 3antirépression & luttes - police & justice...recueil de textes - avril 2012http://infokiosques.<strong>net</strong>/mauvaises_<strong>intentions</strong>


79111719202124313441424346484955647277781/ Introduction2/ Rappel des faits chronologie rapide révoltes du "CPE". La solidarité continue ! extraits de la procédure antiterroriste3/ Antirépression & luttes sociales un pavé dans les rouages travail, prison, travail solidarité ! danse avec l’état contribution aux discussions sur la répression antiterroriste briser ses liens...4/ Temps judiciaire et techniques policières garde à vue : manuel de survie en garde à vue taule : texte d’un prisonnier du mitard de Bois d’Arcy taule : lettre de Frank depuis la prison de La Santé contrôle judiciaire : la prison à la maison contrôle judiciaire : depuis notre chez nous carcéral expertise psy : lettre à un expert psychiatre adn : sur l’ADN – du sang, de la chique et du mollard enquête : analyse d’un dossier d’instruction antiterroriste antiterrorisme : face à l’outil antiterroriste5/ Solidarité actions de solidarité caisses et collectifs de solidarité émissions de radio anticarcéralescontact :solidaritesinculpes@riseup.<strong>net</strong> – http://infokiosques.<strong>net</strong>/mauvaises_<strong>intentions</strong>soutien financier :billet ou chèque à l'ordre de "Les" à envoyer à <strong>Mauvaises</strong> Intentions, 21 ter rue Voltaire 75011 Paris


Prélude en M.I. * bémolNous voilà repartis pour le même cirque électoral qu’il y a cinq ans ; avec,en prime, du 14 au 22 mai 2012, le procès concernant 6 camarades désignéscomme appartenant à la « mouvance anarcho-autonome francilienne » et interpellésen 2008. Les médias et le pouvoir avaient alors brandi l’épouvantailanarcho-autonome, les accusant, entre autre, d'avoir pris part à l’agitation quiavait eu lieu après l’élection de Sarkozy en 2007. Hasard du calendrier, longueurde l’instruction, volonté politique ?Toujours est-il qu’à cette occasion, il nous a semblé important de réaliser unnouveau recueil de certains des textes qui nous ont accompagnés dans nosréflexions ces dernières années. Depuis le début de ces affaires, nous avonschoisi d’en parler dans le cadre de leur contexte politique et social (lutte dansles centres de rétention, élections présidentielles, mouvement CPE), persuadésqu’elles révélaient une réalité politique plus large. Il nous paraît nécessairede diffuser le plus possible ce que nous avons compris des techniquespolicières et judiciaires car nous sommes convaincus que c’est en partageantdes informations, des expériences, que nous pouvons être plus forts dans cesmoments là, que ce n’est pas une affaire privée entre des individus et l’État.Cette période nous a fait réfléchir sur l’antirépression et nous avions envie departager quelques impressions et analyses afin d’élargir la discussion sur cesujet toujours sensible.Après quatre ans d’instruction, trois ordonnances de renvoi et autant de “réouvertures”du dossier, la procédure est enfin close. Chaque fois, on s’est dit qu’ontouchait à la fin, puis, chaque fois on était renvoyé à ce temps qui s’étale, quisemble ne pas avoir de fin. Le temps de la justice est un temps qu'on ne maî-* <strong>Mauvaises</strong> Intentions


trise pas. Il peut être court, comme lors des mouvements sociaux ou révoltesoù l'Etat veut faire des exemples en réprimant fortement et rapidement avec lescomparutions immédiates. Il peut aussi s'éterniser, comme pour cette affaire,ce qui provoque une grande distance temporelle entre les actes reprochés etleur contexte et donc une difficulté à les inscrire dans un réel qui semble loin.C’est un temps long qui concerne non seulement les mois de prison pour lesinculpés, mais aussi toutes les arrestations, les surveillances policières liées àl’enquête, les contrôles judiciaires, les interrogatoires avec le juge d’instruction,les demandes d’aménagement de contrôles... Il comprend aussi l’antirépression,les heures passées avec les avocats, les parloirs, la recherche de thune, la publicisationdes nouvelles de l’affaire, les actions de solidarité...Tout ce temps passé qui change entièrement le quotidien des mis en exame<strong>net</strong> de leurs proches, est imposé par l’État. La répression crée une formed’immobilisation, d’attente qui se prolonge et dont on ne connaît pas la fin.L’issue du procès pourrait amener à des peines de prison supplémentaires,des « mises à l’épreuve » qui perdurent. Et si on va au-delà, le temps judiciairecomprend même les fichages liés à la peine, les marqueurs (ADN, casier,sursis...) qui te suivent et les “récidives” qui s’ensuivent. En fait, la punitionse mesure toujours en temps: temps passé depuis le début de la procédure,auquel s’ajoutera le nombre total de mois ou d’années au moment du verdict.S’extraire du temps judiciaire ou dépasser le « calendrier » du pouvoir nedépend pas de notre volonté. Par exemple, quand tu es en cavale, tu fuisl’arrestation mais restes soumis à son éventualité, qui régit en grande partieton quotidien. Et, même à un niveau collectif, il est difficile d’échapper à cecalendrier, l’antirépression suit la répression.On peut constater que les marges de manœuvre et le cadre de la légalité vonten se restreignant dans les luttes (utilisation de l’outil antiterroriste, réquisitionspolicières de travailleurs en grève, multiplication des garde-à-vue...).Pour autant, il ne s’agit pas de s’indigner de la “criminalisation des mouvementssociaux” mais de penser cette répression dans un contexte plus large.En temps de crise, tous les rapports sociaux se durcissent et la répressions’alourdit pour tous, qu’elle frappe pour des actes de survie quotidienne,des actions militantes... Elle est une réponse de l’État à toute attaque dirigéecontre lui ou ce qu’il protège, un moyen de maintenir l’ordre et de garantir lapérennité du système. Si la répression est à considérer comme un mécanismegénéral touchant une large partie de la société, elle n’en est pas moins adaptéeaux différents groupes et milieux sociaux qu’elle touche, aux différents actesqu’elle cible. Elle n’est pas la même quand elle s’attaque aux sans-papiers, auxdealers ou aux militants. Les séparations qui existent dans la société sontreproduites et cristallisées dans la répression par un traitement différent, unarsenal judiciaire et policier particulier.Le procès qui aura lieu en mai, est, comme d’autres affaires*, le résultat d’unede ces formes de répression particulière. Ces affaires sont inscrites par l’État àl’actif de ce qu’il appelle la « mouvance anarcho-autonome ». Même s’il s’agiteffectivement d’attaquer des mauvaises <strong>intentions</strong>**, cette répression ne peuts’effectuer qu’autour d’une compilation d’actes qui permet de punir certaines* Affaires de Tarnac, Labège, Chambéry, etc.** « La haine de l'état bourgeois et de ses appareils »


pratiques, de ficher un grand nombre de personnes et surtout de donner uncadre, une existence judiciaire et policière à la mouvance. L’acharnement dela répression à définir la “mouvance anarcho-autonome” lui donne une réalitépublique et constituée dont il n’y a pas lieu de se revendiquer. Malgré tout onne peut pas nier la pré-existence d’une mouvance ou d’un milieu se retrouvantautour d’idées révolutionnaires et de pratiques autonomes vis-à-vis desorganisations politiques institutionnelles.Cette répression polarise l’attention sur l’identité des “anarcho-autonomes”.Elle crée un double phénomène, poussant les individus à questionner cetteidentité et trop souvent à s’y référer alors même que cette identité les enfermedans les catégories du pouvoir. La complexité de ce phénomène tient à ce quela répression plonge l’individu ou le groupe dans un rapport binaire de bras defer, et de face à face avec l’État ( parfois fantasmé comme un rapport de force),l’isole dans sa situation, dans une confrontation qui ne peut pas avoir d’issueen elle-même.Pour s’organiser collectivement contre la répression, il est nécessaire des’armer de patience et d’outils de solidarité (caisse de soutien, aides juridiques,partages des expériences). Mais l’antirépression, comme moment delutte à part, séparé, au-delà de l’auto-défense élémentaire, a lieu dans un momentde faiblesse. Parvenir à dépasser ce moment, à le lier à d’autres types derépression, ou à des luttes en cours est très compliqué. Le rôle même de la répressionétant de cibler et d’isoler, il est difficile de construire une offensive ouun rapport de force à partir de cette question. A travers une analyse de la sociétéde classe, on peut théoriquement faire le lien entre toutes les répressionsmais il ne suffit pas de nier les séparations ou de mettre en avant leur absurditépour les déconstruire. Il ne s’agit pas de créer une échelle de légitimité ou depertinence des différentes réactions à la répression mais plutôt de réussir àappréhender une forme de reproduction des séparations ou d’enfermementque peut produire l’antirépression. Il ne s’agit pas non plus d’envisager un mutismepassif qui pourrait s’apparenter à l’intégration complète de l’isolementet de la peur produits par la répression.La répression enferme souvent les gens "figés" par l'état dans une identité(comme celle de "la mouvance anarcho-autonome"), enferme souvent dans unealternative entre la volonté de défendre des pratiques, en elles-mêmes et coûteque coûte, et celle de s’en démarquer à tout prix. Le jeu de la répression pousseles individus à se positionner en termes d’association ou de dissociation, on nes’autorise plus à remettre en cause, à questionner la pertinence des actes dontles personnes sont accusées. De la même manière, la discussion sur les pratiqueset les actions mises en place dans l’antirépression est souvent évacuée.Nous l’avons dit, il nous importe de partager des expériences et de construireun discours collectif et une solidarité la plus large possible face à la répression.Partager ses expériences, c’est aussi tenter de comprendre et d’expliquercertaines limites de l’antirépression qui reste un moment auquel il est difficiled’échapper.


Les faitsAprès plus de trois ans d’enquête, le juge Brunaud a closson instruction à la fin du mois d’août 2011 et a décidé de renvoyersix camarades devant le tribunal correctionnel antiterroriste.Quatre affaires ont été jointes durant cette instruction et serontjugées ensemble sous le prétexte d’une même associationde malfaiteurs dans un but terroriste : L’arrestation de trois camarades avec un fumigène et desclous tordus en janvier 2008 peu avant une manifestation serendant au centre de rétention de Vincennes L’arrestation de deux camarades au péage de Vierzonquelques jours plus tard L’accusation de tentative d’incendie d’une dépanneuse dela police nationale en mai 2007 au moment de l’élection deSarkozy, sur la base de relevés ADN L’accusation de tentative d’incendie d’une armoire électriquede la SNCF en mars 2006, au moment de la lutte contrele CPE, également sur la base de relevés ADNIvan, Bruno, Damien, Frank (Farid), Inès (Isa), Javier (Juan)– seront jugés, ils ont déjà fait de cinq à treize mois dedétention provisoire. Ils sont toujours sous contrôle judiciairedepuis leur sortie de prison. Ce contrôle leur interdit derentrer en contact entre eux pour la plupart et de sortir duterritoire français sans autorisation. Ils doivent égalementpointer une fois par mois au commissariat ou au tribunal etêtre suivis par un contrôleur judiciaire (tous les mois ou tousles trois mois) pour notamment justifier de leurs activitésprofessionnelles. Les critères du contrôle judiciaire évoluentsuite aux demandes répétées des mis en examen.Les six camarades sont accusés de : Participation à un groupement formé en vue de la préparationd’actes de terrorisme (pour les six) Fabrication d’engins explosif ou incendiaire (pour trois) Tentative (ou complicité de tentative) de dégradation oude destruction d’un bien appartenant à autrui (pour trois) Détention et transport de produits incendiaires ou explosifs(pour quatre) Refus de se soumettre au prélèvement ADN (pour trois) Refus de soumettre aux prises d’empreintes digitales(pour trois)A noter que les cinq derniers délits sont tous « en lien avecune entreprise terroriste ». Ce ne sont pas ici les termestout à fait exacts de la justice, les motifs du renvoi devant letribunal correctionnel figurent en détail dans les "extraits dela procédure antiterroriste" à la page 11 de ce recueil.


appel des faitsrappel des faits 7Chronologie rapide des faits :19 janvier 2008Bruno et Ivan sont arrêtés à Fontenay-sous-Bois(94) en possession depétards, de crève-pneus et de fumigènesartisanaux. Les fumigènes artisanauxsont un mélange de chlorate desoude, de farine et de sucre ; ce mélangeest inflammable mais, n’étantpas confiné, il ne peut exploser.Alors qu’Ivan et Bruno sont contrôlésdepuis plusieurs minutes, Damienpasse par hasard devant eux. Les flicss’empressent de l’arrêter lui aussi.S’ensuit pour tous les trois une garde àvue de 48 heures, au cours de laquelleils ne déclarent rien, refusent de se faireprendre en photo et de donner leursempreintes digitales et génétiques(ADN). Les flics leur prennent de forcecertains de leurs vêtements (typepulls) qui sont analysés probablementpour rechercher des traces d’explosifs(en vain), puis mis sous scellés.Le fumigène est lui aussi analysépar la police scientifique, qui rendun premier rapport d’expertise. Elle« oublie » de mentionner la présencede farine et prétend qu’il s’agitd’un mélange explosif contenantuniquement du chlorate de soude etdu sucre, et que ce mélange, utiliséavec les clous, peut servir à la fabricationd’une bombe à clous. Cetteinterprétation tendancieuse donneralieu à un aller-retour entre qualificationcriminelle et correctionnelle.Une perquisition a lieu au domicile deDamien et Ivan. Sont alors mis sousscellés des ordinateurs, des appareilsphoto et des tracts, affiches, brochures...La brigade antiterroriste se déplacesur les lieux, mais décide de nepas se saisir de cette affaire.21 janvier 2008Bruno, Ivan et Damien sont mis enexamen pour « transport et détentionde substances incendiaires et/ou explosivesen vue de commettre des atteintes auxbiens et/ou aux personnes, association demalfaiteurs et refus de se soumettre auxphotographies, aux prises d’empreintesdigitales et génétiques (ADN) ».Ils sont interrogés par Ludovic André,juge d’instruction à Créteil(94). Bruno, Damien et Ivan nepassent pas en comparution immédiate.Il n’y a pas de procès sur lemoment. Un juge d’instruction estnommé pour poursuivre l’enquête.Les personnes accusées sont “misesen examen” en attente d’un procès.Devant le juge, Bruno et Ivan déclarentqu’ils se rendaient à la manifestationdevant le centre de rétentionde Vincennes (94) et qu’ilsavaient des fumigènes pour se rendrevisibles auprès des sans-papiersenfermés, et des clous torduspour crever les pneus de véhicules.Damien déclare qu’il n’était au courantde rien, qu’il s’est trouvé parhasard non loin d’Ivan et Bruno aumoment où ils se sont fait arrêter. Damienest placé sous contrôle judiciaireBruno et Ivan sont placés sous mandatde dépôt correctionnel (qui est de4 mois renouvelables). Ils sont mis endétention préventive à Fresnes (94) età Villepinte (93) ; chacun d’entre euxest alors en cellule avec un codétenu.23 janvier 2008Ines et Frank sont arrêtés par lesdouanes au péage de Vierzon (18).Les douaniers contrôlent leur identitéet constatent que Frank est fiché. Ilsfouillent alors la voiture et trouventdans un sac un peu moins de 2 kg dechlorate de soude, des plans originauxde l’Etablissement Pénitentiairepour Mineurs (EPM) de Porcheville(78) et un CD avec des fichiers deces plans portant la mention « Nousencourageons la diffusion de ces plansafin de soutenir et de documenter toutecritique, toutes luttes s’attaquant ausystème carcéral », du chlorate de potassiumet deux ouvrages. L’un, enitalien, nommé A chacun le sien, 1000moyens pour saboter ce monde qui décritdifférentes techniques de sabotage.L’autre livre, en anglais, est intituléManuel de munitions improvisées.Ines et Frank sont immédiatementpris en charge par les services antiterroristeset subissent une garde à vue dequatre jours à la Sous Direction AntiTerroriste (SDAT) à Levallois-Perret(92), au cours de laquelle ils n’ont puvoir leurs avocats qu’après 72 heures.Trois perquisitions ont lieu. Une danschacun de leurs appartements parisiens.Chez Ines, sont mis sous scellésun drap et un document administratif.Chez Frank, les flics prennent un ordinateur,des pétards, des tracts (notammentcontre l’enfermement des mineurset l’expulsion des sans-papiers),


8rappel des faitsdes affiches anarchistes grecques, deslivres et des brochures sur la lutte anticarcéraleen Europe ainsi qu’un tamponde la CAF de Seine-Saint-Denis.La troisième perquisition, étalée surdeux jours, a lieu à quelques centainesde kilomètres de Paris dans une maisondont Ines est copropriétaire. Lesflics emportent un numéro de L’Envolée(journal anticarcéral), des pétards etfeux d’artifice, ainsi que des draps, desverres, des brosses à dents et des objetsdu quotidien dans le but d’effectuerdes prélèvements d’empreintes digitaleset d’ADN. La maison est mise sousscellés, elle l’est encore aujourd’hui.Au cours de leur garde à vue, après plusieursrefus, Ines et Frank finissent paraccepter le prélèvement ADN. Selonles flics, le profil ADN d’Ines correspondraità un cheveu retrouvé sur undispositif incendiaire qui n’a pas prisfeu. Composé de plusieurs bouteillesd’essence et d’allume-feux, il a été découvertle 2 mai 2007 sous une dépanneusede police garée devant le commissariatdu XVIIIe arrondissement deParis. En plus de cette trace d’ADN féminin,4 autres masculins auraient étéretrouvés sur cet engin incendiaire.27 janvier 2008Ines et Frank sont entendus par la juged’instruction antiterroriste Marie-Antoi<strong>net</strong>teHouyvet. Très rapidement, EdmondBrunaud, un autre juge antiterroriste,travaille avec elle sur cette affaire. Cesdeux juges interrogeront les “mis en examen”et enverront des commissions rogatoiresqui permettront aux flics de réaliserdes perquisitions, des convocations, desarrestations et de multiples surveillances.Ines et Frank sont accusés de « transportet détention de substances incendiaires et/ouexplosives en vue de commettre des atteintesaux biens et/ou aux personnes et participationprésumée à une association de malfaiteursen vue de préparer des actes de terrorisme,en l’occurrence pour avoir participé auxactivités de la “mouvance anarcho-autonomefrancilienne” (MAAF), ces faits s’inscrivantdans le cadre d’actions concertées etviolentes visant à déstabiliser les structures del’Etat français. » Du fait de l’histoire de ladépanneuse, Inès est aussi inculpée pour« tentative de destruction de biens par l’effetd’une substance incendiaire ou explosive,d’un incendie ou de tout autre moyen de natureà créer un danger pour les personnes ».Frank déclare qu’il ne savait pas ce qu’ily avait dans le sac. Ines déclare qu’il s’agitbien de son sac et confirme que Frank nesavait pas ce qu’il y avait dans ce sac. Lechlorate de soude lui appartient, il lui sertà faire des fumigènes. Les plans de priso<strong>net</strong> les livres ne sont pas à elle. Elle lesa trouvés dans son appartement, qui estun lieu de passage pour beaucoup de personnes,et voulait s’en débarrasser. Quantà l’affaire de la dépanneuse, Ines nie touteparticipation à cette tentative d’incendie.Ines et Frank sont tous les deux placés endétention préventive à Fleury-Mérogis(91). Frank est sous mandat de dépôt correctionnel(c’est-à-dire par périodes renouvelablesde 4 mois) et Ines sous mandatde dépôt criminel (périodes d’un an).Ines et Frank sont chacun seuls en celluleet peuvent rencontrer les autres détenusen promenade et pendant les activités(quand ils en ont). Ils sont classés « Détenusparticulièrement surveillés » (DPS),ce qui leur vaut notamment un attirailsécuritaire spectaculaire pour tout déplacement.Des proches et toute personnevoulant rendre visite à Ines et Frank sontconvoqués chez les flics de la Section antiterroriste(SAT), au Quai des Orfèvresà Paris. C’est le groupe dirigé par Ménaraqui s’occupe des interrogatoires.17 avril 2008Le juge André se dessaisit du dossierau profit de la juge Houyvet. Lesdeux affaires relèvent désormais toutesles deux du domaine antiterroriste,et sont donc instruites à Paris.Les chefs d’accusation sont requalifiéspour Damien, Ivan et Bruno : la juge yajoute « en relation avec une entrepriseterroriste, en l’espèce la <strong>Mo</strong>uvance Anarcho-Autonome Francilienne ». Concrètement,à partir de cette date, toute nouvelle personnevoulant obtenir un parloir avec Ivanou Bruno est convoquée préalablementau quai des Orfèvres. Certains des parentsd’Ivan, Bruno et Damien y seront aussi interrogéspendant plusieures heures.fin mai 2008Contre l’avis du juge d’instruction,le JLD décide de ne pas renouveler lemandat de dépôt de Frank. Le parquet(ou procureur, représentant de l’État)ayant fait appel de cette décision, Frankpasse devant la chambre de l’instructionqui décide elle aussi de le remettreen liberté provisoire. Frank est alors libérésous contrôle judiciaire.6 juin 2008La chambre de l’instruction décide deremettre Ivan et Bruno en liberté etsont placés sous contrôle judiciaire.20 juin 2008De nouveau, Javier est arrêté au domicilede ses parents (Javier avait déjà étéarrêté le 21 mai puis relâché). Il est directementconduit devant le juge antiterroristeBrunaud, qui demande sa mise endétention et l’accuse d’« association demalfaiteurs en vue d’une entreprise terroristeet de tentative de destruction de bienspar l’effet d’une substance incendiaire ouexplosive, d’un incendie ou de tout autremoyen de nature à créer un danger pour lespersonnes ». Lors de sa dernière gardeà vue, les flics auraient aussi prélevé del’ADN sur un gobelet. Or il sembleraitque, cette fois-ci, ce profil ADN correspondraità l’une des traces ADN relevéessur l’engin incendiaire de la voiturede flics. Javier nie ce dont il est accusé. Ilest incarcéré à Fresnes sous mandat dedépôt criminel.Juillet 2008Bruno ne se rend pas à une convocationdu juge Brunaud, un mandat d’arrêt estimmédiatement délivré contre lui.14 août 2008Damien se rend à une convocationdevant la juge Houyvet. Celle-ci ademandé au mois de mai que soienteffectués des prélèvements ADN surses vêtements mis sous scellés lors desa garde à vue du mois de janvier. U<strong>net</strong>race ADN prélevée correspondrait


à l’un des ADN de la dépanneuse.La juge lui ajoute alors un chef d’accusation: « tentative de destruction debiens par l’effet d’une substance incendiaireou explosive, d’un incendie ou detout autre moyen de nature à créer undanger pour les personnes ». Au passage,la juge cherche de nouveau à obtenirl’ADN de Damien, ce qu’il refuse,expliquant son opposition au fichage.La juge demande son incarcération.Damien nie tout ce dont il est accusé.Il est emprisonné à Villepinte sousmandat de dépôt criminel.9 février 2009Inès est libérée par la chambre de l’instructio<strong>net</strong> placée sous contrôle judiciaireaprès plus d’un an d’incarcération.11 mars 2009Frank et Ivan sont convoqués devantle juge Brunaud pour « violation deleur contrôle judiciaire », ils sont accusésde s’être croisés et rencontrésalors que leur contrôle judiciaire leurinterdit de rentrer en contact. Ivan nese présente pas à la convocation, unmandat d’arrêt est immédiatementdélivré contre lui. Frank se rend à laconvocation et est incarcéré à la maisond’arrêt de la Santé.27 mars 2009Damien est libéré et placé sous contrôlejudiciaire.7 mai 2009Frank est libéré et placé sous contrôlejudiciaire.25 mai 2009Javier est libéré et placé sous contrôlejudiciaire.21 juin 2010Javier est convoqué devant le juge Brunaud.C’est à propos d’une vieille enquêtesur des sabotages SNCF pendantle mouvement anti-CPE, qui passealors en antiterrorisme. En septembre2009, un rapport indique que l’ADNde Javier aurait été prélevé sur une pairede gants en latex qui aurait été trouvéenon loin des lieux d’une tentatived’incendie contre la SNCF, datant du12 avril 2006, à Paris 19 ème . Le procureurrelève contre Javier, et contre « tousautres », des « présomptions graves »rappel des faits 9de détention et transport d’élémentsincendiaires, de tentative de dégradation,de dégradation et d’associationde malfaiteurs ; le tout en relation avecune entreprise terroriste. Cette enquêtesur le 12 avril s’inscrit dans le cadred’une enquête plus large concernantdes dégradations contre la SNCF « enbande organisée » (concrètement, desincendies sur des installations électriquesgérant le trafic des trains).20 décembre 2010Toujours sous le coup d’un mandatd’arrêt depuis juillet 2008, Bruno estarrêté à Paris et incarcéré à la maisond’arrêt de Fresnes.8 février 2011Egalement sous le coup d’un mandatd’arrêt, Ivan est arrêté à Paris et incarcéréà la maison d’arrêt de Fresnes.11 février 2011Bruno est libéré et placé sous contrôlejudiciaire.3 mars 2011Ivan est libéré et placé sous contrôlejudiciaire.Révoltes du « CPE ». La solidarité continue !juin 2010 – paris.indymedia.org – extraitsEn juin 2010, Javier est mis en examen pour une tentative d’incendie d’une armoireélectrique de la SNCF en mars 2006, au moment de la lutte contre le CPE...Encore une fois, si on qualifie des camarades d’être des terroristes,c’est simplement avec la volonté ferme de les isolerde luttes et de mouvements sociaux, et par là condamnertout acte de violence. La construction de ce nouvel « ennemiintérieur » est préparée depuis bien longtemps, et notammentdepuis le mouvement anti-CPE : la circulaire Datidu mois de juin 2008 formalise la définition de la mouvance« anarcho-autonome ». Elle vise clairement un ensemblede pratiques : les manifestations de solidarité devant leslieux d’enfermement et de tribunaux, les actes de sabotages,les tags, la volonté d’en découdre avec la police. Cette notepolicière et judiciaire attribue des pratiques à cette mouvancealors qu’elles sont des événements inscrits au sein demouvements sociaux et de la conflictualité des luttes.Mais revenons sur les luttes du printemps 2006...Il faut rappeler que le mouvement anti-CPE a été un mouvementd’ampleur, d’une étendue nationale et regroupantplein de gens différents (allant des étudiants, aux chômeurs,salariés, précaires, etc...). Les mobilisations ne sesont pas limitées à revendiquer le retrait d’un nouveaucontrat précaire, elles se sont aussi élargies à des critiquesdu travail et de l’exploitation.Au cours de ce printemps 2006, l’ébullition des pratiques delutte que ce soit chez les travailleurs, étudiants, chômeurs,précaires, ou au delà de ces catégories, a entrainé une transformationdu rapport à la « violence ». Des pratiques tellesque sabotages, manifestations sauvages ; blocages desvoies de circulation se multiplient. Ces actes, trop souvent


« Si le blocage n’est sans doute pas la pratique qui peutproduire seule le dépassement de la lutte dans une luttedes classes généralisée, il fait exister une rupture dansla normalité de l’exploitation, il libère un temps qui n’estsans doute pas celui de la grève mais plutôt celui du sabotage,de l’auto-réduction du temps de travail : quiconqueen travaillant a été retardé par un métro à l’arrêt et ena profité pour flâner quelques minutes de plus avant deretourner travailler le sait. »Syndicatine 500 – « Circulez, y’a rien à voir ? Bloquonsy’a tout à faire ! »« L’assemblée, réunie ce jour, constituée de lycéens,étudiants, précaires, chômeurs, travailleurs et ex-travailleurs,appelle à la grêve générale illimitée et au blocagedes moyens de production et des axes de circulation.L’assemblée appelle aussi à ne pas suivre les consignessyndicales qui proclameraient la fin du mouvement et ledébut de la négociation. Elle invite à poursuivre la formationde collectifs dans les quartiers, les lieux d’étude,les lieux de travail, et à leur coordination. Bien au-delàdu CPE et de la loi sur l’égalité des chances, cette luttene se limite pas à la demande de garanties supplémentairesface à la précarité croissante et constitutive de cesystème. Elle remet en question les bases mêmes de salégitimité. Notre situation dans le capitalisme ne peut detoutes façons aller qu’en s’empirant. »Appel de l’assemblée du 4 avril 2006 de l’annexe occupéede la Bourse du Travail rue Turbigo.marginalisés, et caricaturés par exemple à l’image des casseurs,sont progressivement intégrés dans le mouvement etcontribuent à sa force.La lutte contre le CPE a été suivie d’une forte répression.Les chiffres officiels de la chancellerie en date du 18 avril2006 dénombraient plus de 4350 arrestations et 637 procès.Mais la répression est aussi dans une stratégie politique,un travail coordonné entre police, justice et médias,qui vise à isoler et stigmatiser des individus et des actesqui participent du mouvement social. Tous les mots quiont été utilisés par la presse pour définir le « qui » derrièredes actes de révolte ont eu en commun de trouverdes caractéristiques identitaires à des groupes et donc dedécontextualiser, extraire différents types de pratiques oud’organisation des luttes et des antagonismes sociaux.Qu’est ce que la solidarité ?Lorsqu’on est confronté à la machine judiciaire, il estimportant de tenter de maintenir cet équilibre, faire queces situations individuelles posent des questions et desréponses collectives. Il faut se défaire de l’idée de penserces situations de répression en termes d’exceptions. Il y asouvent un raisonnement étrange qui voudrait que la répressionmette en suspens le reste, comme si on pouvaits’extraire de la société et des rapports sociaux qui la traversent.Il faut donc toujours se demander ce qu’on porteet défend politiquement à travers la solidarité avec les personnesmises en causes judiciairement, et au delà du faitqu’elles soient coupables ou innocentes. Cette exigence estd’autant plus nécessaire lorsqu’il s’agit de répression quitouche des personnes avec qui nous avons partagé des momentsde luttes.C’est dans ce contexte que de nombreux collectifs et caissesde soutien se sont formés, pour apporter une aideconcrète et matérielle aux inculpés. Et continuer d’affirmerune solidarité active avec les révoltés.La solidarité est une arme !


appel des faits 11Extraits de la procédure antiterroriste(Fumigènes, Vierzon, Dépanneuse, SNCF)fin janvier 2012 – paris.indymedia.orgCe document veut rendre public des éléments de la procédurejudiciaire qui vise les 6 camarades pris dans une instructionantiterroriste.Attention, les extraits qui suivent sont les paroles de magistratsdans le cadre d’une instruction. Leurs mots et leurslogiques ne sont pas les nôtres mais ceux d’ennemis. C’estpourquoi il faut les prendre avec des pincettes. Il ne s’agitpas de révéler leurs mensonges, de faire éclater la vérité, oude dénoncer les dérives de la Justice. Ce n’est pas non plusla matière à une contre-enquête. Si nous avons choisi cesextraits, c’est parce qu’ils montrent comment le juge et leprocureur argumentent dans le sens de l’association de malfaiteurset du caractère terroriste des faits reprochés. Cetteaffaire est la première depuis de nombreuses années oùl’État fait le choix de poursuivre des camarades sous la qualificationde terrorisme pour des faits de sabotage. Depuis,l’État n’a pas toujours fait le choix de la juridiction antiterroriste,mais d’autres camarades ont été mis en examen pour"association de malfaiteurs" pour leur participation à desluttes politiques. C’est ainsi, par exemple, que certains ontété poursuivis pour dégradations, tags, balades. Ces documentsrendent compte de cette logique policière. Celle-cipourrait s’appliquer à bon nombre de situations où des gensse retrouvent pour tenter de s’organiser hors des cheminsbalisés de la militance institutionnelle. En cela, ils concernentplus largement que les seuls mis en examen.Les extraits sont issus de deux sources différentes : le Réquisitoiredu Parquet, et l’Ordonnance du Juge d’Instruction. Ala fin de l’instruction, le Parquet (Procureur) remet au juged’instruction un Réquisitoire où il donne son avis sur les qualificationsdes faits et les charges à retenir contre chacun desmis en examen. Après avoir reçu les observations écrites dela défense (avocats ou mis en examen eux-mêmes), le Juged’Instruction établit une Ordonnance dans laquelle il rendses conclusions (non-lieu éventuel, qualifications retenues,renvoi devant la juridiction compétente pour le procès).Extrait du réquisitoire, partie intitulée :« Les liens avec la procédure d’informationjudiciaire ouverte au TGI de Créteilà l’encontre de D., Iv. et B. »(visant à justifier le rapprochement enune seule et même instruction des deuxaffaires, fumigènes et Vierzon) :L’ensemble des mis en examen des procéduresouvertes à Paris et Créteil, étaienttous présents ou s’apprêtaient à rejoindrela manifestation du 19 janvier 2008 devantle centre de rétention de Vincennes etqu’ils appartenaient tous à des groupes quiavaient multiplié, depuis plusieurs mois,en région parisienne et en province, desactions violentes dirigées contre l’État, sesinstitutions et ses représentants, notammentles forces de l’ordre.Partie du réquisitoire intitulée : « L’ententeterroriste et les qualifications pénalesretenues à l’encontre des mis en cause » :Il ressort de l’ensemble de ces éléments que lesfaits décrits ci avant et reprochés aux mis encause dans la présente information judiciairele sont bien dans le cadre d’une association demalfaiteurs en vue de préparer des actes deterrorisme, groupement formé ou entente établieen vue de la préparation, caractérisée parun ou plusieurs faits matériels, d’un des actesde terrorisme des articles 421-1 et suivants.L’entente :En effet, les six prévenus de ce dossier ontbien participé à un groupement formé ouune entente établie, relativement structurée,ayant une permanence certaine et un nombreimportant de membres.Ainsi, dans le cadre de cette procédure,l’entente est-elle tout d’abord démontréepar les liens pérennes qu’ont développé lesprévenus de ce dossier entre eux depuis denombreuses années, liens qui vont au delà,comme ils veulent le laisser à penser, de lasimple “militance” et de rencontres lors demanifestations.En effet, dès la fin de l’année 2005 et le débutde l’année 2006, des relations d’amitié sontétablies, dans le cadre de cette procédure,entre In., J. et Iv. lors d’un séjour commundans la ferme du ****. Lors de ce séjour, unMac Donald’s, symbole du capital américain,sera incendié à quelques kilomètresde là, incendie dont Iv. se félicitera dans uncourrier retrouvé dans l’ordinateur de D.Courant 2007, F., J., Iv., In., D. et B. serontinterpellés au cours des mêmes manifestationsregroupant suffisamment peu de personnespour créer des liens individualisés.Des contacts téléphoniques réguliers serontrelevés entre Iv. , son amie et l’amie deJ., Mlle ****, au cours des années 2007 et2008.En mai 2007, In., J. et D. sont visiblementen relation pour laisser leurs empreintesgénétiques sur le même engin incendiaireservant à commettre la tentative d’attentatcontre le camion d’enlèvement de la Préfecturede Paris.En août 2007, F. est au **** [lieu-dit] avecIn. et J. pendant au moins un mois, commele démontre l’exploitation de sa téléphonie.En janvier 2008, In., F., Iv., D. et B. sonttous prêts à participer à la manifestationdevant le centre de rétention de Vincennes.L’interpellation des derniers entraînera lepériple des autres en possession, commeeux, d’éléments entrant dans la compositiond’engins explosifs ou incendiaires.Liens pérennes donc qui constituent le premiermaillon de l’entente qui se place aussisur le plan des idées. Car l’entente dans cedossier est aussi caractérisée par des idéescommunes à tous les mis en examen quirevendiquent les mêmes convictions contreles institutions et les pouvoirs régaliens del’État : politiques carcérales, législationantiterroriste, centres de rétention et expulsions,enfermement des mineurs, fichagegénétique ou papillaire, actions des forcesde l’ordre.Ces idées, elles sont véhiculées par des médiasqui leur sont spécifiques : Indymedia [1] ,recueil <strong>Mauvaises</strong> Intentions [2] , au coursde semaines. d’actions contestataires


12rappel des faitsthématiques [3] : semaine de solidarité avecles personnes interpellées, avec les expulsés,anti-carcérale auxquels ils participentpour certains.Ces idées sur lesquelles ils s’entendent, nesont évidemment ni contestables, dans lecadre de l’exercice des libertés publiqueset des droits fondamentaux garantis parl’État, ni répréhensibles pénalement sauflorsqu’elles visent à déstabiliser l’État etses institutions en devenant le vecteur d’actionsviolentes pour les soutenir, ce qui serale cas, au cours des années 2006 et 2007 etnotamment dans le présent dossier.Car cette entente, qui n’avait jusqu’à présentrien de répréhensible, est caractériséeaussi, dans la présente information, par lefait d’utiliser, de manière clandestine, ensemble,des moyens violents, intimidants,terrorisants qui sont au delà de la simplecontestation politique, pour extérioriser cesconvictions : ce sera le cas au printemps2006 alors que J. participe avec d’autres àdes actions contre les voies ferrées, en mai2007, lorsque In., son frère et D. co-agissentdans l’attentat contre le véhicule depolice puis en 2008, lorsque In., F., D., Iv.et B. sont interpellés en possession de produitspouvant entrer dans la compositiond’engins explosifs ou incendiaires ainsi qued’ouvrages permettant de les fabriquer.Les faits matériels de l’entente :Une résolution d’agir en commun est doncobjectivée dans le présent dossier, l’ensembledes personnes mises en examen étantlié et planifiant, préméditant ensemble, demanière clandestine, des actions violentesau cours d’une période de trois années pourcertains, notamment In. et J., démontrantla dynamique pérenne de violence danslaquelle ils se trouvent et qui ne s’arrêteraqu’avec les interpellations.Ces actions, elles sont bien caractériséespar plusieurs faits matériels, s’agissantnotamment d’infractions de tentatives dedégradations de biens publics appartenantà la SNCF, aux forces de l’ordre et de fabricatio<strong>net</strong> détention de produits entrantdans la composition d’engins explosifs,faits matériels objectivés par la découvertede l’ADN de certains sur les engins maiségalement par les textes radicaux, découvertsen perquisition, sur des organisationsterroristes avérées et/ou liés à la contestationviolente, un soutien à des militants demouvements terroristes reconnus (ActionDirecte), la découverte de livres permettantla fabrication d’engins explosifs démontrantun réel ancrage dans la violence.Pour commettre des actes de terrorisme :Ces actions, d’atteintes aux biens, sontprévues par l’article 421-1 du code pénalcomme étant constitutives d’actes de terrorismelorsqu’elles le sont d’une part, dansle but de troubler gravement l’ordre publicet d’autre part, par l’intimidation ou laterreur.En effet, la commission ou la préparationconcertée d’actions violentes, cibléeset clandestines en différents sites de Pariset de la région parisienne au préjudice del’État et de ses institutions et notammentd’attaques des moyens de communicationmenées, courant 2006, par le biais de dégradationssur le réseau SNCF, d’actionscontre des biens des forces de l’ordre en2007, ou de détention de produits pouvantentrer dans la composition d’explosifs en2008 alors que les mis en examen sont enpossession de plans d’un établissement pénitentiaireou aux abords d’un centre derétention, pour imposer, par l’intimidatio<strong>net</strong> la violence, leur conception de l’organisationsociale dans le cadre d’une idéologievisant à déstabiliser l’État, est contraire àl’ordre public.Ces cibles elles ne sont pas prises au hasard,elles sont bien en lien avec la convictionprofonde de contestation qu’ont les mis encause pour l’État, ce qu’il représente, cesréseaux ferrés, ces forces de l’ordre, ces établissementspénitentiaires. Ces agissementssont au delà de l’expression publique d’unecontestation politique, ils ont pour butd’intimider, de terroriser pour faire valoirdes idées revendiquées, diffusées.Ces agissements démontrent non la volontéde participer à une manifestation de protestationmais constituent un prétexte pourmener une action délibérément violentecontre les forces de l’ordre ou les biens del’État et éclairent d’ailleurs sur la capacitéd’organisation du groupe et son choix de laviolence et de la commission d’infractions,comme mode d’expression.Ainsi, une tentative de dégradations, commiseconcomitamment à d’autres, de manièrepréméditée, organisée contre les biensde la SNCF en 2006 est susceptible d’intimider.Elle a en effet tout d’abord pour butde frapper les esprits, les attaques contre lesbiens SNCF pouvant rappeler aux usagersles attentats sanglants de 1995, dans desRER, biens appartenant à la SNCF. Ellea aussi pour but d’entraîner de nombreuxblocages préjudiciables pour l’État et sesusagers, dans la mesure où elle est réaliséeet d’ailleurs revendiquée sur le site inter<strong>net</strong>Indymedia, dans le but de contraindre ungouvernement à accomplir ou s’abstenird’accomplir un acte quelconque, à l’époquedu contesté “contrat première embauche”.Le transport d’éléments entrant dans lacomposition d’engins explosifs mais surtoutla pose d’un engin incendiaire, sousune voiture de police, à 7 heures du matin,en plein Paris, avec des conséquences quiauraient pu être dramatiques, incendie ducamion, propagation à d’autres véhiculesdans la rue, le cas échéant à des immeubles,terrorise nécessairement ceux ou cellesqui auraient pu être les victimes innocentesd’une haine contre les forces régaliennes del’État, au nom d’idées radicales.Et la dangerosité d’une telle action estd’ailleurs implicitement démontrée dansla récupération qu’a tenté d’en faire leFLNC, mouvement terroriste non contesté,qui a semblé revendiqué cette tentative, untemps.Contrairement à ce qu’ont globalement indiquéles mis en examen, il ne leur est doncpas reproché des idées ou des choix politiquesmais des projets et actions concertésnon pas dans le but de faire valoir des idéesdémocratiques ou des revendications politiquesen contradiction éventuelle avec la politiquemise en œuvre par le gouvernement


appel des faits 13mais en nourrissant une peur collective, encommettant ou ayant pour projet de commettredes dégradations visant les pouvoirsrégaliens de l’État et conduisant à sa désorganisationou sa déstabilisation ce quicaractérise justement le mobile terroriste.Si l’infraction terroriste ne saurait, en effet,être constituée contre des personnes associéespar une communauté de mentalités, d’idées,de buts, avec des revendications politiquesayant même dégénérées, elle est avérée lorsqueces mêmes personnes se sont mises d’accordpour extérioriser ces idées en passant àl’action par des moyens violents et coordonnés,dans le cadre d’une stratégie collectiveavec un personnel spécialement formé pourcommettre des actions violentes.C’est donc dans le cadre de cet engagementque les mis en cause de ce dossier ont tousparticipé, à des niveaux différents maisvolontairement, aux faits intéressant laprésente procédure et notamment à cetteassociation de malfaiteurs terroriste.Car pour que l’infraction terroriste soitconstituée, il suffit en effet que l’affilié àl’entente connaisse, même dans ses grandeslignes, le dessein du groupe litigieuxet qu’il y ait adhéré volontairement, enconnaissance de ses buts et en se munissantde moyens lui permettant d’y apporter ultérieurementson concours, quelle que soitsa fonction occupée ou son rôle, permanentou occasionnel, et même si au moment deson arrestation, il n’avait encore été mêléà aucune des infractions commises par lesautres membres de l’association.L’ensemble de ces éléments justifiera ainsile renvoi des prévenus devant le tribunalcorrectionnel dans les conditions suivantes.[1] Indymedia est un site né en 1999 d’uncollectif de mouvements indépendants quise sont regroupés à l’occasion de manifestationsorganisées à SEATTLE. Il s’agit d’unmédia alternatif à publications ouverteset anonymes dont l’objectif déclaré est decréer et de diffuser l’ information libertaire.Il existe 167 centres indépendants dans 60pays différents. Chaque centre possède unmodérateur. Il existe sept sites régionauxen Ile de France, en Auvergne, à Toulouse,à Grenoble, à Lille, à Nantes et à Nice. 4sites francophones existent à l’étranger auQuébec, en Belgique, à Liège et en Suisse.Depuis Indymedia, il est possible d’accéderà divers autres sites contestataires, révolutionnairesou anti-capitalistes. (D668)[2] Le recueil “<strong>Mauvaises</strong> Intentions” estun recueil de textes publics ayant pourpoint commun de traiter des idées sus développéeset plus spécifiquement de rendrecompte des développements des procéduresjudiciaires en cours diligentées en France àl’égard des personnes interpellées, de traiterde trois thématiques récurrentes en l’occurrencele fichage ADN, la situation desétrangers notamment au sein des centresde rétention administrative et du sabotage,de relater les techniques prétendumentutilisées aux cours des gardes à vue parles services de police et lors des interrogatoirespar les magistrats instructeurs, derelater les actions de soutien aux personnesmises en examen (manifestations, rassemblementsmais aussi commission d’actionsviolentes). (D794)[3] Par exemple semaine de solidarité sansfrontières du 9 au 16 juin 2008 faisant référenceà toutes les personnes mises enexamen dans le présent dossier et à l’incarcérationde certains d’entre elles désignéescomme prisonniers politiques. Au cours decette semaine, de nombreuses actions plusou moins violentes se sont déroulées enFrance mais aussi à l’étranger en soutiendes mis en examen mettant en évidence,leur implication dans une entente communecapable de déclencher des actionssimultanées sur un thème identique et decentraliser les revendications, ayant mêmetissé des relations étroites avec des personnespartageant les mêmes idées et la nécessitéde les faire connaître par la violence àl’étranger. 19 autres dégradations commisesen France selon le même mot d’ordreétaient aussi constatées en janvier 2009 etfaisaient l’objet d’un versement de piècesdans la présente procédure.(D711, D715,D790, D669, D716, D844, D846)Extrait de l’ordonnance de renvoi dujuge Edmond BRUNAUD :Cette tentative de destruction s’inscrivaitdans une campagne de fait de même naturemenée vraisemblablement par desgroupuscules de l’ultra gauche hostiles àla candidature de l’actuel Président de laRépublique Française et ayant pour butl’atteinte aux intérêts de l’Etat, de troublerles élections présidentielles en embrasantles cités sensibles de Paris et de sa banlieuepar un effet de contagion.Conclusions de l’ordonnance de renvoidu juge Edmond BRUNAUDRENVOI DEVANT LE TRIBUNALCORRECTIONNEL :Attendu qu’il résulte de l’information chargessuffisantes contre :Inès– d’avoir, sur le territoire national et notammentà Paris, Vierzon, ****[lieu-dit],depuis temps non couvert par la prescriptionde l’action publique et notammentcourant 2006, 2007, 2008 et ce jusqu’au 23janvier 2008, participé à un groupementformé ou une entente établie, en vue de lapréparation, caractérisée par un ou suivantsdu code pénal,Faits prévus et réprimés par les articles421-1, 421-2-1, 421-5,422-3, 422-6, 422- 7 ducode pénal, les articles 203 et 706-16 et suivantsdu code de procédure pénale,– d’avoir, sur le territoire national et notammentà Paris, depuis temps non couvertpar la prescription de l’action publiqueet notamment courant 2007, fabriquésans autorisation, un engin explosif ouincendiaire ou un produit explosif, quelleque soit sa composition, en l’espèce, l’enginincendiaire improvisé découvert le 2mai 2007, sous un camion appartenant àla Préfecture de police de Paris stationnéaux abords du commissariat de police du18ème arrondissement, en relation à titreprincipal avec une entreprise individuelleou collective ayant pour but de troublergravement l’ordre public par l’intimidationou la terreur,Faits prévus et réprimés par les articlesL 2353-4 du code de la défense, 421-1, 421-3,422-3, 422-6, 422-1 du code pénal, 203, 706-16 et suivants du code de procédure pénale,– d’avoir, sur le territoire national et notammentà Paris, depuis temps non couvertpar la prescription de l’action publique,courant 2007 et notamment le 2mai 2007, tenté de dégrader, détruire oudétériorer, un bien appartenant à autrui,en l’espèce un camion appartenant à laPréfecture de Police de Paris stationné aux


14rappel des faitsabords du commissariat du 18 ème arrondissement,ladite tentative manifestée par uncommencement d’exécution, en l’espèceen participant à la détention des élémentsentrant dans la composition, à la fabricationde l’engin incendiaire et à sa pose,au vu de la découverte de son cheveu surle fagot d’allumettes alimentant le dispositifd’allumage, en compagnie de son frèreJavier, ladite tentative n’ayant manquéson effet que par suite d’une circonstanceindépendante de sa volonté, en l’espèce, lesystème de retard de l’engin ayant fait longfeu, avec ces circonstances que les faits ontété commis d’une part, par plusieurs personnesen qualité d’auteur ou de compliceet notamment Javier et Damien et d’autrepart, en relation à titre principal avec uneentreprise individuelle ou collective ayantpour but de troubler gravement l’ordre publicpar l’intimidation ou la terreur,Faits prévus et réprimés par les articles121-4, 121-5, 322-1, 322-3, 322-4, 322-15, 322-15-1, 421-1, 421-3, 422-3, 422-6 du code pénal,203 et 706-16 et suIv.ts du code de procédurepénale,– d’avoir, sur le territoire national et notammentà Paris, Vierzon, depuis tempsnon couvert par la prescription de l’actionpublique, courant 2007 et notamment enmai 2007, courant 2008 et notamment le 23janvier 2008, détenu et transporté des substancesou produits incendiaires ou explosifsainsi que des éléments ou substances destinésà entrer dans la composition de produitsou engins incendiaires ou explosifs envue de la préparation, caractérisée par unou plusieurs faits matériels, des infractionsdéfinies à l’article 322-6 ou d’atteintes auxpersonnes, en l’espèce, les éléments entrantdans la composition de l’engin incendiaireposé sous le véhicule de police, le 2 mai2007, sur lequel son empreinte génétique aété découverte et en 2008, du chlorate de sodium,du chlorate de potassium, avec cettecirconstance que les faits ont été commis enrelation à titre principal avec une entrepriseindividuelle ou collective ayant pour butde troubler gravement l’ordre public parl’intimidation ou la terreur,Faits prévus et réprimés par les articles 22-11-1, 322-15, 322-15-1, 421-1, 421-3, 422-3, 422-6du code pénal, 203 et 706-16 et suivants ducode de procédure pénale,Frank– d’avoir, sur le territoire national et notammentà Paris, Vierzon, ****[lieu-dit],depuis temps non couvert par la prescriptionde l’action publique et notammentcourant 2007, 2008 et ce jusqu’au 23 janvier2008, participé à un groupement formé ouune entente établie, en vue de la préparation,caractérisée par un ou plusieurs faitsmatériels, d’un des actes de terrorismementionnés aux articles 421-1 et suivantsdu code pénal,Faits prévus et réprimés par les articles 421-1,421-2-1, 421-5, 422-3, 422-6, 422-7 du codepénal, les articles 203 et 706-16 et suivantsdu code de procédure pénale,– d’avoir, sur le territoire national et notammentà Paris, Vierzon, depuis tempsnon couvert par la prescription de l’actionpublique, courant 2008 et notamment le 23janvier 2008, détenu et transporté des substancesou produits incendiaires ou explosifsainsi que des éléments ou substances destinésà entrer dans la composition de produitsou engins incendiaires ou explosifs envue de la préparation, caractérisée par unou plusieurs faits matériels, des infractionsdéfinies à l’article 322-6 ou d’atteintes auxpersonnes, en l’espèce, notamment du chloratede sodium, du chlorate de potassium,avec cette circonstance que les faits ont étécommis en relation à titre principal avecune entreprise individuelle ou collectiveayant pour but de troubler gravement l’ordrepublic par l’intimidation ou la terreur,Faits prévus et réprimés par les articles 322-11-1, 322-15, 322-15-1, 421-1, 421-3, 422-3, 422-6du code pénal, 203 et 706-16 et suivants ducode de procédure pénale,Javier– d’avoir, sur le territoire national et notammentà Paris, ****[lieu-dit], depuistemps non couvert par la prescription del’action publique et notamment courant2006, 2007, 2008 et ce jusqu’au 20 juin2008, participé à un groupement forméou une entente établie, en vue de la préparation,caractérisée par un ou plusieursfaits matériels, d’un des actes de terrorismementionnés aux articles 421-1 et suivantsdu code pénal,Faits prévus et réprimés par les articles421-1, 421-2-1, 421-5, 422-3, 422-6, 422-7 ducode pénal, les articles 203 et 706-16 et suivantsdu code de procédure pénale,– d’avoir, sur le territoire national et notammentà Paris, depuis temps non couvertpar la prescription de l’action publiqueet notamment courant 2007, fabriquésans autorisation, un engin explosif ouincendiaire ou un produit explosif, quelleque soit sa composition, en l’espèce, l’enginincendiaire improvisé découvert le 2mai 2007, sous un camion appartenant àla Préfecture de police de Paris stationnéaux abords du commissariat de police du18ème arrondissement, en relation à titreprincipal avec une entreprise individuelleou collective ayant pour but de troublergravement l’ordre public par l’intimidationou la teneur,Faits prévus et réprimés par les articlesl 2353-4 du code de la défense, 421-1, 421-3,422-3, 422-6, 422-7 du code pénal, 203,706-16 et suivants du code de procédure pénale,– d’avoir, sur le territoire national et notammentà Paris, depuis temps non couvertpar la prescription de l’action publique,courant 2007 et notamment le 2mai 2007, tenté de dégrader, détruire oudétériorer, un bien appartenant à autrui,en l’espèce un camion appartenant à laPréfecture de Police de Paris stationné auxabords du commissariat du 18ème arrondissement,ladite tentative manifestée parun commencement d’exécution, en l’espèceen détenant, transportant l’engin incendiaireet en procédant à sa pose et sa miseà feu à l’aide d’une cigarette sur laquelleson empreinte génétique était découverte,ladite tentative n’ayant manqué son effetque par suite d’une circonstance indépendantede sa volonté, en l’espèce, le systèmede retard de l’engin ayant fait long feu, avecces circonstances que les faits ont été com-


appel des faits 15mis d’une part, par plusieurs personnes enqualité d’auteur ou de complice et notammentInès et Damien et d’autre part, en relationà titre principal avec une entrepriseindividuelle ou collective ayant pour but detroubler gravement l’ordre public par l’intimidationou la terreur,Faits prévus et réprimés par les articles 121-4,121-5, 322-1, 322-3, 322-4, 322-15, 322-15-1,421-1, 421-3, 422-3, 422-6 du code pénal,203 et 706-16 et suivants du code de procédurepénale,– d’avoir, sur le territoire national et notammentà Paris, depuis temps non couvertpar la prescription de l’action publique,courant 2006 et notamment le 12 avril 2006,tenté de dégrader, détruire ou détériorer, unbien appartenant à autrui, en l’espèce, unearmoire électrique de la SNCF située surle tronçon de chemin de fer entre la gare dePantin et la Gare de l’Est, 54 rue de l’Evangileà Paris, ladite tentative manifestée parun commencement d’exécution, en l’espèceen ayant transporté l’engin et étant présentsur les lieux des faits au moment de latentative dans la mesure où son empreintegénétique était découverte sur un gant enlatex découvert à proximité de la cible etsur une bouteille dans l’armoire électriquequi venait d’être fracturée pour déposerl’engin, ladite tentative n’ayant manquéson effet que par suite d’une circonstanceindépendante de sa volonté, en l’espèce, lesystème de retard de l’engin ayant fait longfeu, avec ces circonstances que les faits ontété commis d’une part, par plusieurs personnesen qualité d’auteur ou de compliceet notamment une personne non identifiéedont l’ADN était également découvert surle dispositif d’allumage de l’engin et d’autrepart, en relation à titre principal avec uneentreprise individuelle ou collective ayantpour but de troubler gravement l’ordre publicpar l’intimidation ou la terreur,Faits prévus et réprimés par les articles 121-4,121-5, 322-1,322-3, 322-4, 322-15, 322-15-1,421-1, 421-3, 422-3, 422-6 du code pénal,203 et 706-16 et suIv.ts du code de procédurepénale,Damien– d’avoir, sur le territoire national et notammentà Paris, Fontenay sous Bois,Bagnolet depuis temps non couvert par laprescription de l’action publique et notammentcourant 2007, 2008 et ce jusqu’au 19janvier 2008, participé à un groupementformé ou une entente établie, en vue de lapréparation, caractérisée par un ou plusieursfaits matériels, d’un des actes de terrorismementionnés aux articles 421- 1 etsuivants du code pénal,Faits prévus et réprimés par les articles421-1, 421-2-1, 421-5, 422-3, 422-6, 422- 7 ducode pénal, les articles 203 et 706-16 et suivantsdu code de procédure pénale,– d’avoir, sur le territoire national et notammentà Paris, depuis temps non couvertpar la prescription de l’action publiqueet notamment courant 2007, fabriquésans autorisation, un engin explosif ouincendiaire ou un produit explosif, quelleque soit sa composition, en l’espèce, l’enginincendiaire improvisé découvert le 2mai 2007, sous un camion appartenant àla Préfecture de police de Paris stationnéaux abords du commissariat de police du18ème arrondissement, en relation à titreprincipal avec une entreprise individuelleou collective ayant pour but de troublergravement l’ordre public par l’intimidationou la terreur,Faits prévus et réprimés par les articlesl 353-4 du code de la défense, 421-1, 421-3,422-3, 422-6, 422-7 du code pénal, 203, 706-16 et suivants du code de procédure pénale,– d’avoir, sur le territoire national et notammentà Paris, depuis temps non couvertpar la prescription de l’action publique,courant 2007 et notamment le 2 mai2007, été complice de Javier et Inès lesquelsont tenté, le 2 mai 2007 de dégrader, détruireou détériorer, un bien appartenantà autrui, en l’espèce un camion appartenantà la Préfecture de Police de Parisstationné aux abords du commissariat du18ème arrondissement, en les aidant ou lesassistant sciemment dans la préparationou la consommation du délit, en l’espèceen détenant des éléments sur lesquels sonADN était retrouvé, composant l’engin utilisépour cette tentative, en participant à safabrication et à sa remise, avec ces circonstancesque les faits ont été commis d’unepart, par plusieurs personnes en qualitéd’auteur ou de complice et notamment J. etIn. et d’autre part, en relation à titre principalavec une entreprise individuelle oucollective ayant pour but de troubler gravementl’ordre public par l’intimidation oula terreur,Faits prévus et réprimés par les articles121-4, 121-5, 121-6, 121-7, 322-1, 322-3, 322-4,322-15, 322-15-1, 421-1, 421-3, 422-3, 422-6 ducode pénal, 203 et 706-16 et suivants du codede procédure pénale,– d’avoir sur le territoire national et notammentà Fontenay sous Bois et à Créteil,depuis temps non couvert par la prescriptionde l’action publique, courant 2008 etnotamment le 19 janvier 2008 , alors qu’ilexistait des indices graves ou concordantsrendant vraisemblable qu’il ait commisl’une des infractions visées à l’article 706-55 du code de procédure pénale, refusé de sesoumettre au prélèvement biologique destinéà permettre l’analyse et l’identificationde son profil génétique, en relation à titreconnexe avec une entreprise individuelle oucollective ayant pour but de troubler gravementl’ordre public par l’intimidation oula terreur,Faits prévus et réprimés par les articles421-1, 421-3, 422-3,422-6 du code pénal, lesarticles 706-54 à 706-56 du code de procédurepénale.– d’avoir sur le territoire national et notammentà Fontenay sous Bois et à Créteil,depuis temps non couvert par la prescriptionde l’action publique et notammentle 19 janvier 2008, refusé de se prêter auxprises d’empreintes digitales ou de photographiesautorisées par le procureur de laRépublique, conformément aux dispositionsde l’article 78-3 du code de procédurepénale, en relation à titre connexe avec uneentreprise individuelle ou collective ayantpour but de troubler gravement l’ordre publicpar l’intimidation ou la terreur,Faits prévus et réprimés par les articles 421-1,421-3, 422-3, 422-6 du code pénal, 78-3 et 78-5du code de procédure pénale.Ivan– d’avoir, sur le territoire national et notammentà Paris, Fontenay sous Bois, Bagnolet,****[lieu-dit], depuis temps noncouvert par la prescription de l’action publiqueet notamment courant 2006, 2007,2008 et ce jusqu’au 19 janvier 2008, participéà un groupement formé ou une ententeétablie, en vue de la préparation, caractériséepar un ou plusieurs faits matériels, d’undes actes de terrorisme mentionnés aux articles421-1 et suivants du code pénal,


16rappel des faitsFaits prévus et réprimés par les articles421-1, 421-2-1, 421-5, 422-3, 422-6, 422-7 ducode pénal, les articles 203 et 706-16 et suivantsdu code de procédure pénale,– d’avoir, sur le territoire national et notammentà Fontenay sous Bois, depuis tempsnon couvert par la prescription de l’actionpublique, courant 2008 et notamment le19 janvier 2008, détenu et transporté dessubstances ou produits incendiaires ou explosifsainsi que des éléments ou substancesdestinés à entrer dans la composition deproduits ou engins incendiaires ou explosifsen vue de la préparation, caractérisée parun ou plusieurs faits matériels, des infractionsdéfinies à l’article 322-6 ou d’atteintesaux personnes, en l’espèce, notamment unmélange de sucre et de chlorate de soude,de l’allume-feu, des pétards à mèche, aveccette circonstance que les faits ont été commisen relation à titre principal avec uneentreprise individuelle ou collective ayantpour but de troubler gravement l’ordre publicpar l’intimidation ou la terreur,Faits prévus et réprimés par les articles322-11-1, 322-15, 322-15-1, 421-1, 421-3, 422-3,422-6 du code pénal, 203 et 706-16 et suivantsdu code de procédure pénale,– d’avoir sur le territoire national et notammentà Fontenay sous Bois et à Créteil,depuis temps non couvert par la prescriptionde l’action publique, courant 2008 etnotamment le 19 janvier 2008, alors qu’ilexistait des indices graves ou concordantsrendant vraisemblable qu’il ait commisl’une des infractions visées à l’article 706-55 du code de procédure pénale, refusé de sesoumettre au prélèvement biologique destinéà permettre l’analyse et l’identificationde son profil génétique, en relation à titreconnexe avec une entreprise individuelle oucollective ayant pour but de troubler gravementl’ordre public par l’intimidation oula terreur,Faits prévus et réprimés par les articles421-1, 421-3, 422-3,422-6 du code pénal, lesarticles 706-54 à 706-56 du code de procédurepénale.– d’avoir sur le territoire national et notammentà Fontenay sous Bois et à Créteil,depuis temps non couvert par la prescriptionde l’action publique, courant 2008 etnotamment le 19 janvier 2008, refusé de seprêter aux prises d’empreints digitales oude photographies autorisées par le procureurde la République, conformémentaux dispositions de l’article 78-3 du codede procédure pénale, en relation à titreconnexe avec une entreprise individuelle oucollective ayant pour but de troubler gravementl’ordre public par l’intimidation oula terreur,Faits prévus et réprimés par les articles421-1, 421-3, 422-3,322-6 du code pénal, lesarticles 78-3 et 78-5 du code de procédurepénale.Bruno– d’avoir, sur le territoire national et notammentà Paris, Fontenay sous Bois,Bagnolet, depuis temps non couvert par laprescription de l’action publique et notammentcourant 2007, 2008 et ce jusqu’au 19janvier 2008, participé à un groupementformé ou une entente établie, en vue de lapréparation, caractérisée par un ou plusieursfaits matériels, d’un des actes de terrorismementionnés aux articles 421- 1 etsuivants du code pénal,Faits prévus et réprimés par les articles421-1, 421-2-1, 421-5, 422-3, 422-6, 422- 7du code pénal, les articles 203 et 706-16 etsuivants du code de procédure pénale,– d’avoir, sur le territoire national et notammentà Fontenay sous Bois, depuis tempsnon couvert par la prescription de l’actionpublique, courant 2008 et notamment le19 janvier 2008, détenu et transporté dessubstances ou produits incendiaires ou explosifsainsi que des éléments ou substancesdestinés à entrer dans la composition deproduits ou engins incendiaires ou explosifsen vue de la préparation, caractérisée parun ou plusieurs faits matériels, des infractionsdéfinies à l’article 322-6 ou d’atteintesaux personnes, en l’espèce, notamment unmélange de sucre et de chlorate de soude,de l’allume-feu, des pétards à mèche, aveccette circonstance que les faits ont été commisen relation à titre principal avec uneentreprise individuelle ou collective ayantpour but de troubler gravement l’ordre publicpar l’intimidation ou la terreur,Faits prévus et réprimés par les articles322-11-1, 322-15, 322-15-1, 421-1, 421-3, 422-3,422-6 du code pénal, 203 et 706-16 et suivantsdu code de procédure pénale,– d’avoir sur le territoire national et notammentà Fontenay sous Bois et à Créteil,depuis temps non couvert par la prescriptionde l’action publique, courant 2008 etnotamment le 19 janvier 2008 , alors qu’ilexistait des indices graves ou concordantsrendant vraisemblable qu’il ait commisl’une des infractions visées à l’article 706-55 du code de procédure pénale, refusé de sesoumettre au prélèvement biologique destinéà permettre l’analyse et l’identificationde son profil génétique, en relation à titreconnexe avec une entreprise individuelle oucollective ayant pour but de troubler gravementl’ordre public par l’intimidation oula terreur,Faits prévus et réprimés par les articles421-1, 421-3, 422-3,422-6 du code pénal, lesarticles 706-54 à 706-56 du code de procédurepénale.– d’avoir sur le territoire national et notammentà Fontenay sous Bois et à Créteil,depuis temps non couvert par la prescriptionde l’action publique, courant 2008 etnotamment le 19 janvier 2008, refusé de seprêter aux prises d’empreints digitales oude photographies autorisées par le procureurde la République, conformémentaux dispositions de l’article 78-3 du codede procédure pénale, en relation à titreconnexe avec une entreprise individuelle oucollective ayant pour but de troubler gravementl’ordre public par l’intimidation oula terreur,Faits prévus et réprimés par les articles421-1, 421-3, 422-3,422-6 du code pénal, lesarticles 78-3 et 78-5 du code de procédurepénale.PAR CES MOTIFSORDONNONS LE RENVOI DE L’AF-FAIRE DEVANT LE TRIBUNAL COR-RECTIONNEL pour être jugée conformémentà la loi,ORDONNONS par ordonnance séparée lemaintien sous Contrôle Judiciaire de Frank.,Inès , Bruno , Ivan , Damien , Javier.


Antirépression et luttes socialesUn pavé dans les rouagesfin décembre 2008 – nantes.indymedia.orgEn République, on a toujoursle droit de s’indignerd’une situation intolérable :les rafles de sans-papiers,les exactions policières, lesexpulsions locatives, lesgens qui dorment dehors,les conditions de détention,tout cela peut faire l’objetd’autant de tribunes dansles journaux ou d’appelscitoyens sur Inter<strong>net</strong>. Ladémocratie adore ceux quise contentent de dénoncer: c’est à dire de parleret de ne rien faire. C’estmême la marque de ladémocratie, ce dont elle necesse de s’enorgueillir. Onpeut (presque) tout y dire.Mais que l’on commence às’organiser pour s’opposerconcrètement aux actes dupouvoir, et tout change. Decitoyen, on devient délinquant,ou terroriste, selonles cas : de toute façon,la répression est là. C’estque tout acte qui n’est pasétroitement borné par lespratiques démocratiques etcitoyennes est de fait illégal.Qu’est-ce qui est effectivementpermis, comme acteconcret, par ce système quifait pourtant de la « liberté» un de ses principes ?Faire la grève, à conditiond’en avoir l’autorisation.Manifester, à conditiond’en avoir l’autorisation. Etvoter, bien entendu, c’est àdire faire semblant de faireun choix une fois de tempsen temps ; et éventuellement,s’engager commemilitant dans un de ces partisau service des ambitionsde quelques politiciens,ou investir sa bonne volontédans une associationhumanitaire aux objectifslimités. Tout le reste, oupresque, est interdit.La « liberté d’expression »elle-même n’est que théorique.On peut presque toutdire, certes : mais pas n’importecomment. Quand laparole devient presque unacte, quand elle commenceà viser l’engagement directdans la lutte et la rébellion,elle est suspecte et doncinterdite. Il n’est pas autorisé,même si c’est souventtoléré, de distribuer destracts sur la voie publiqueet encore moins d’afficherce qu’on a soi-même écrit :et plus ces écrits pourrontavoir des faits commeconséquences, et plus ilsseront susceptibles d’êtreréprimés. C’est le cas, parexemple, quand un appelà la révolte devient uneincitation à commettre unacte délictueux : quand unebanderole « feu aux centresde rétention » déployée devantle centre de rétentiondu Mesnil-Amelot en août2008 vaut, à ses auteurssupposés, d’être poursuivisparce qu’un feu a effectivementpris dans le centredurant la manifestation.Ce qui est vraiment permis,c’est de publier légalementses pensées, à conditiond’avoir le fric ou les relationspour le faire. Laliberté, dans le systèmecapitaliste, est toujoursconçue comme la libertédu riche.Pourtant, on ne peut pastoujours se contenter dedénoncer. Viennent lesmoments où la volontéd’intervenir concrètementpour entraver le fonctionnementdu système s’impose,parce que se contenterde porter un jugementsans que jamais les paroles


18antirépression & luttesn’engagent à aucune actionest intenable. Quand ons’est mobilisé pendantdes mois, dans une école,pour empêcher l’expulsiond’un parent sans papiers,il est difficile d’assister àson arrestation sans tenterde l’empêcher. C’est làquelque chose de courant,d’ordinaire même, que cene soit pas seulement parl’expression de son opinion,mais par un engagementplus tangible quel’on manifeste réellementson opposition. Quanddes gens se font arrêteret enfermer en centre derétention, ces prisons quine disent pas leur nom,quand des gens meurenten garde à vue, en taule, surdes chantiers, alors, pours’opposer à des décisionsque l’on n’accepte plus, ontlieu des manifestations,des émeutes, des rassemblements,des grèves, desconcerts devant les prisons,des distributions de tract,des sabotages… Toutes cespratiques, fort diverses, ontun point en commun : ellesvisent à briser le fonctionnementde ces dispositifsd’exploitation, de répression,d’enfermement.Mais agir ainsi, agir toutcourt, pourrait-on dire, entout cas agir autrement quedans les règles consensuellesde la démocratie, mè<strong>net</strong>rès vite à l’illégalité. Cene sont pas seulement lesdestructions et les dégradationsen tant que telles quisont illégales. Par exemple,après les différents mouvementsqui ont eu recoursà l’arme du blocage (en2003 contre la réforme desretraites, en 2005 contre laloi Fillon, en 2006 contrele CPE), une nouvelledisposition pénale est venueréprimer l’entrave à lacirculation des trains.Ce n’est pas pour autantque la légalité doit devenirun critère déterminant del’action. L’illégalité n’est pasune idéologie pour ceux quis’y livrent. L’action illégalen’est pas une fin en soi ouce qui pourrait donner unevaleur à l’acte. Il ne s’agitpas, par la « désobéissancecivile », de prétendre remplacerune norme par uneautre, d’opposer, à la légitimitéofficielle, une légitimitéconcurrente. En fait,c’est l’idée même de normelégale qu’il faudrait dépasser.Par la loi, telle qu’elleexiste dans le systèmeactuel, c’est l’interdit et ladomination qui s’affirment,et rien d’autre.Comme le rapport à laloi, il faut démystifier lerapport à la violence. Laviolence, dans le monde ducapital, est partout : dansl’exploitation au travail,dans la vie quotidienne,dans la répression, dansl’idée même d’Etat. Elleest aussi dans la manière des’opposer à lui, car à uneforce on ne peut qu’opposerune autre force, ou êtreréduit à rien. Renoncerpar avance à toute violence,comme la position« pacifiste » l’affirme, c’estsoit admettre d’emblée sonimpuissance, soit courir aumassacre : et bien souventles deux. Pas plus quel’illégalité, la violence n’estune fin en soi. La questionest de savoir comment agirefficacement et commentse construit un rapportde force. Il n’y a pas unesolution unique mais desexpériences multiples, deshistoires de solidarité, derésistance et d’attaque.Parmi tous ces moyens,le sabotage, le grain desable dans les rouages de lamachine. C’est une oppositiondirecte, physique,matérielle à une partie d’undispositif. Il s’agit d’attaquerl’ensemble à la foismatériellement et pour cequ’il représente politiquement.Il peut s’agir toutautant de mettre un sabotdans une chaîne de montage,de s’opposer physiquementà l’expulsion d’unsans-papiers dans un avion,de mettre du sucre dansle réservoir d’un engin dechantier, et de couper descâbles de relais TV. Cesactions trouvent leur senspar rapport à leur objectifet au contexte dans lequelelles prennent place.Le sabotage peut être trèsdiffus : au travail, à l’école,sur les chantiers, sur lesvoies de circulation. C’estla pièce intentionnellementmal usinée, c’est la marchandiserendue invendablepar une dégradation,c’est l’alarme incendieintempestive et le chewinggumdans la serrure… Ona noté plus de 27 000 actes« de malveillance » sur lesvoies de chemin de fer aucours d’une seule année,s’il faut en croire Le Figaro.Au-delà de leurs <strong>intentions</strong>,ces actes témoignent dela tension sociale et d’unesprit de résistance et derévolte face aux conditionsqui nous sont faites.Dans des moments d’oppositionplus collective, qu’ils’agisse de mouvementssociaux ou de campagnecontre tel ou tel aspect dela politique de l’Etat, le sabotageest un moyen d’actionefficace pour arriver àses objectifs. Il prend placedans l’histoire de la luttedes classes depuis ses origines.Les grèves, d’abordillégales, avaient pour effetde saboter la production.Plus récemment, dansnombre de mouvementssociaux, le sabotage effectifou la menace du sabotageont été utilisés : pendant lemouvement des cheminotsde novembre 2007, face àdes fermetures d’usinesdans la métallurgie, lachimie, etc.Dans ces moments collectifs,c’est souvent un enjeuimportant que l’acte desabotage soit assumé largement.C’est la politiquedu pouvoir que d’isolerles saboteurs et d’opposerleurs actes aux <strong>intentions</strong>des autres participants àla lutte : et c’est une forcedu mouvement que de seréapproprier ce qui parfoisn’a été fait que par quelquesuns, mais poursuitl’objectif commun.


Travail, prison, travailantirépression & luttes 19octobre 2009 – reposito.inter<strong>net</strong>down.orgA l’heure où les suicides au travail s’affichentà la une des journaux et où setient un comptage régulier et morbidedes décès en détention, toutes les réactionsà ces événements ont en communde nous mener sur de fausses pistes.On nous rabat les oreilles à coupsde « drames personnels », « d’erreursde management », de « surveillancepréventive », de « nécessaire solutionindividuelle », de « formation sur lagestion du stress », etc. Mais on ne parlejamais du cœur du problème : l’exploitationsalariale et l’enfermement,piliers du système capitaliste.Or, on ne peut s’attaquer à l’enfermementsans s’attaquer à la société qui leproduit. La prison n’est pas un mondeà part, elle ne concerne pas que les prisonnierset leurs proches. Elle assureune fonction de contrôle et de gestionde la misère nécessaire au maintien dela paix sociale. La prison fonctionnecomme une épée de Damoclès au-dessusde la tête de chaque exploité afinqu’il continue à jouer le jeu du salariatet de la vie qui va avec. D’ailleurs, chacunsait bien que l’incarcération joue lerôle d’un stigmate supplémentaire : enplus d’être un exploité, on devient unex-taulard. La prison marque les gensbien au-delà de la période de leur enfermement(le casier judiciaire en estle meilleur exemple) et a pour vocationde séparer les exploités entre eux,entre ceux qui marchent droit et ceuxqu’on étiquette comme « déviants ».Pourtant tous les pauvres sont des prisonnierspotentiels car la justice qui lescondamne est une justice de classe. LeDroit n’est pas neutre, il n’est pas la manifestationnaturelle de l’intérêt généralmais l’expression d’un rapport de forceà un moment donné de l’histoire. LeDroit ne fait rien d’autre que garantir lapropriété et la sécurité de la classe dominante.D’ailleurs souvent, ce ne sontmême pas des actes qui sont pénalisésmais le fait d’appartenir à la « classedangereuse » (sans-papiers, membred’une « bande », mineur d’un quartiersous couvre-feu...).Se battre contre la prison, c’est se battrecontre l’Etat et sa justice. C’estpourquoi le discours humanitairequi a comme seul horizon l’améliorationdes conditions de détentio<strong>net</strong> un meilleur respect des droits desprisonniers contribue de fait au perfectionnementde l’enfermement età la conservation de l’institution carcérale.Par exemple, dans les nouvellesprisons, avoir des douches à l’intérieurdes cellules est une manièrepour l’administration pénitentiaire deréduire les mouvements, de séparer etd’isoler davantage les détenus. L’architecturede ces nouveaux établissements(fonctionnement en petitesunités, vidéosurveillance, limitationdes déplacements) permet d’optimiserle contrôle et la surveillance desprisonniers dans le but de prévenir etcontenir les révoltes.De même, ce qui nous est présentécomme des alternatives à la prison(bracelets électroniques et autrescontrôles judiciaires) ne sont en réalitéqu’un moyen de plus pour l’Etatd’étendre son contrôle sur certainespopulations. Ces dispositifs s’accompagnentd’un suivi social qui ressemblebien souvent à une mise au travailforcé, selon des logiques similaires aucontrôle des chômeurs, où le moindrefaux pas peut être suivi d’unesanction. A l’instar de bien d’autresaspects de notre société au premierrang desquels le travail salarié, cessoi-disant alternatives participent del’autodiscipline qui doit faire accepterà chacun de rester à sa place. Ces mesures,présentées comme une manièrede « désengorger » les prisons, permettentau contraire d’enfermer toujoursplus : le nombre de prisonniersne cesse d’augmenter.La prison étant à l’image de la société,la faiblesse actuelle des luttes, dans etautour des prisons, est le reflet de l’affaiblissementde la tension de classe quitraverse l’ensemble de notre société.Pourtant il existe aujourd’hui en Europedes luttes contre l’enfermement,par exemple contre les centres de rétentionen Italie et en France ou contreles prisons en Belgique, qui ont permisde faire le lien entre l’intérieur et l’extérieuret ont tenté de replacer ces révoltesdans une perspective plus large de luttecontre le système capitaliste.Parce que la liberté n’est pas un étatindividuel mais un rapport social àconstruire.


20antirépression & luttesSolidarité !février 2008 – collectif Kalimero Paris – kalimeroparis@riseup.<strong>net</strong>Il y a tant de raisons de se révolter contre ce monde, rien d’étonnantdonc si certains, certaines le font et agissent.L’État, aidé par les journalistes et tous les garants de l’ordre existant(syndicats et partis en première ligne), répond généralementen montrant du doigt une partie des révoltés qu’il enferme dansdes catégories créées pour l’occasion : les émeutiers se résumentà la “racaille”, comme la débrouille devient de la “criminalité organisée”,et retenir un patron peut être considéré comme une“prise d’otages”... Tous rapports de causalité sociale et politiquedisparaissent, ne laissant place qu’à des êtres méchants ou fousfurieux,auxquels personne ne pourrait s’identifier.Des spectres hantent le mondeCes différentes désignations d’ “ennemis intérieurs” servent àséparer, à isoler du reste de la société celles et ceux qui s’opposentà la bonne marche du système et percent la lourde chapede la pacification démocratique. Il s’agit de créer un consensuscontre eux pour les réprimer plus facilement. Instiller la peurest de longue date pour l’État une manière de souder la société.Cela lui permet de se renforcer en se posant en protecteur... aubesoin par la terreur. La révolte se diffuse en novembre 2005 etc’est l’état d’urgence, le gign et le raid sont envoyés de plus enplus souvent pour mater les récalcitrants.A intervalles réguliers, on nous ressort aussi la figure “du terroriste”,pratique pour présenter des “monstres” aux actes incompréhensibleset totalement “étrangers” au commun des mortels.La notion de “terrorisme” dont dispose l’État est suffisammentlarge pour qu’il puisse l’appliquer à son gré face à certaines situations.Ainsi, deux faits complètement similaires pourront êtrequalifiés ou pas de “terroriste”. Cela a bien sûr des conséquencessur le traitement policier et judiciaire : prolongement de garde àvue pouvant aller jusqu’à 6 jours, difficulté accrue pour voir unavocat, puis pour préparer la défense...Crapules ou paranos ?Aujourd’hui, beaucoup font des pieds et des mains pour se démarquerdes suspectés, inculpés ou condamnés. Que ce soit en proclamantn’avoir rien en commun avec ceux qui sont sous le coup dela justice, en ressassant les théories sur la manipulation ou en employantles catégories du pouvoir (criminels, terroristes, psychopathes),ils font exactement le jeu que l’État attend d’eux. Peut-êtrepensent-ils ainsi apparaître comme plus responsables et plus légitimes,et – qui sait – devenir des interlocuteurs de choix du pouvoir.En effet, reprendre les catégories policières : les “bons manifestants”et les “méchants casseurs”, les grévistes “responsables” etceux qui ne respectent même plus leur outil de travail, etc, revientà dire qu’il faut agir exclusivement selon les règles du jeuimposées par notre adversaire.Quand les âmes bien-pensantes disent « la révolte, oui certes.Mais pas comme ça et pas maintenant », elles la repoussent encoreà de lointains ailleurs ou un hypothétique avenir. Et elles continuentà présenter des actes de rébellion concrète et réelle comme“étrangers”. Affirmer qu’il est inconcevable que des gens s’opposentdirectement à l’ordre existant, c’est dire à demi mot qu’il n’ya pas de révolte sociale possible. Chercher à coller aux révoltes unvisage, une identité, une structure, c’est faire un travail de flic ; leurinventer des meneurs, une source de financement occulte, des ficellestirées dans l’ombre, c’est nier qu’elles n’ont souvent besoinque de moyens rudimentaires et de détermination.Forger et utiliser ses propres moyens de lutte placerait-il de faiten-dehors du champ des luttes sociales ? C’est le discours quetiennent l’État et ses relais directs car ils défendent leurs intérêts…Cependant, il semble plus étrange de constater à quelpoint il est intégré chez la plupart des personnes qui prennentpart aux mouvements de lutte.Chacun devrait avoir à l’esprit que plus l’État, sa justice et sapolice, restreignent le champ de ce qui est permis, plus celui del’illégalité s’étend au point de s’immiscer dans l’ensemble denos faits et gestes. Ne pas se satisfaire des critères édictés parl’État et ses acolytes, n’est pas faire preuve d’un esprit de transgression« extraordinaire », c’est simplement se donner la possibilitéd’agir au quotidien.Contre toutes les prisonsAujourd’hui, de manière générale, la taule est une arme aussibanalement appliquée contre la conflictualité sociale que lecoup de matraque ou le lacrymogène.La prison n’est pas qu’un lieu où l’on enferme pour détruireméthodiquement le déviant, c’est aussi une idée distillée danstout le corps social, une menace qui doit produire que chacun setienne tranquille. Elle est l’aboutissement des techniques d’isolementet de séparation. De plus en plus nombreux sont celles etceux qui finissent enfermés derrière des murs et des portes bienverrouillées par des cercles concentriques de matons, de juges,de flics, de journalistes, de syndicalistes responsables.Arracher l’individu à ses relations, séparer chaque corps parl’encellulement et aussi isoler une partie des prolétaires que l’onenferme des autres, restés à l’extérieur : voilà la technique et lafonction du système carcéral. Et si la solidarité est l’arme la plusefficace contre la répression – et la prison en particulier – c’estparce qu’elle est l’exact contraire de ces séparations.Solidarité !


danse avec l'étatdanse avec l'état 21Danse avec l'étatmars 2009 – L'Envolée n° 25 – lejournalenvolee.free.frSans se prononcer sur la défensejuridique des présumés saboteurs decaténaires, l’objet de ce texte est decontribuer aux discussions entaméesdans des comités de soutien ; il prolongela réflexion entamée dans l’articleBriser les prismes de l’État paru dansL’Envolée n°23. Depuis quelque temps,les services de l’État tentent de renouvelerla panoplie de l’ennemi intérieurà la mode « anarcho-autonome » (1) .Vieille figure de la « mouvance », unpeu rajeunie façon postmoderne ; vieilleméthode aussi, dite « antiterroriste »,pour isoler des individus, empêcher despratiques, borner le champ des expressionspolitiques à sa guise. Depuisles années soixante-dix, l’épouvantail« terroriste » agité par les États étaitrouge ; dans les années quatre-vingtdix,on lui a fait pousser la barbe ;aujourd’hui, il se déclinerait aussi enrouge et noir. Pour autant, une critiquede l’outil antiterroriste ne peut pas sefaire sans critique de la justice.Les arrestations de Tarnac etd’ailleurs, le 11 novembre, sont àremettre dans leur contexte. Ellessont un moment spectaculaire ettélégénique d’une campagne « antiterroriste» qui court depuis plusd’un an et qui a déjà envoyé derrièreles barreaux plus de dix personnes.Au moins deux instructions sontouvertes, une sur une prétendue« mouvance anarcho-autonome francilienne» (MAAF) et l’autre sur unenon moins hypothétique « celluleinvisible » : des milliers d’heures desurveillance, d’écoutes, des perquisitionsà gogo, la « sensibilisation »de tout l’appareil judiciaire au moyend’une note ministérielle envoyée auxparquets au mois de juin (2) , – et labonne vieille parole médiatique mensongèreà chaque arrestation.Cette presse servile qui s’empressaitdepuis un an de reprendre mot pourmot les communiqués du ministre del’intérieur a soudainement fait volteface,arrêtant de nous servir la soupede « l’ultragauche qui déraille » (3)au bout de deux petites semaines. Levide du dossier n’est que la partieémergée – et rabâchée – de ceretournement, comme si la presse,prise en flagrant délit de collaborationouverte, tâchait de se racheterune conduite en prenant fait et causepour des « terroristes du rail » redevenus« présumés innocents »…et chaque gratte-papier d’annoncerun « Outreau de la jeunesse » (4) ,de brosser le tableau d’un possiblescandale – du fait de l’identité declasse des accusés : rejetons lettrés dela classe moyenne, enfants aimantset choyés de la bourgeoisie, brillantsétudiants... un profil idéal, sur mesure,pour papa soixante-huitard etmaman bobo (allô ?).Dans le même temps, un énième etéphémère mouvement citoyen naissaitet se structurait. Aux proches desinculpés et à une pléthore de « comitésde soutien » du monde entierse sont agglutinés les partis d’unegauche institutionnelle en perte devitesse, d’innombrables associationsde défense des droits de l’homme etles débris de l’altermondialisme. Decommuniqués de comités de soutienen lettres ouvertes d’intellectuels,une parole publique unifiée s’estconstruite : celle de la confusionpolitique. Indignée par l’utilisationd’une procédure antiterroriste – unearrestation « spectaculaire » suivied’une « interminable garde à vue »puis d’une détention préventive nonmoins « disproportionnée »… – la« mouvance alterno-citoyenne internationalistefrançaise » (MACIF)organise son discours autour de deuxpoints : la défense d’inculpés qui seraientattaqués pour leur mode de viealternatif et la mise en cause de ce quiest décrit comme une dérive du droit.Le premier point permet à beaucoupde gens de se reconnaître, maisrepose sur la notion d’innocence ; etle second sur la défense d’une « vraiejustice démocratique ».De la promotion de l’épicerie decampagne à la présentation desinculpés comme « de jeunes paysanscommunistes » ou des « planteursde carottes » (5) , la défense ratisselarge à la manière des comités Bové.Les séparations qui structurent lasociété sont magiquement dissoutes: tous unis, du bobio éthique au


22danse avec l'étatmilitant syndical, dans un grand tout,« l’alternative », qui menace le capitalà coups de tofu, de projet positif,de Max Havelaar et autres keffiehséquitables (6) . Dans ce miroir déformant,une séduction s’opère : celle des’y voir comme un danger politique.Rien n’est plus faux ; que « l’alternative» lie « des actes et des idées »ou non, elle ne menace, en soi, ni lecommerce ni l’État. Croire que c’est à« l’alternative » que l’État a voulus’attaquer à Tarnac, c’est s’en remettreà lui pour redonner du sens politiqueà ses pratiques et à ses idées.Dans ce discours, il ne reste plusde place pour les actes incriminéset pour le sens qu’on pourrait leurdonner : des dommages matériels surun réseau de marchandises, humainesou non, et plus particulièrement surun train à grande vitesse qui assurele flux des VRP et sert de produitd’exportation à un président VRP. Unacharnement judiciaire s’abattrait surdes jeunes (des victimes !) non pource qu’ils ont fait – ou pas – mais pource qu’ils sont (7) . En se reconnaissantcomme victime, on a toujours perdu.Le « nous sommes tous des terroristes» devient une formule d’autantplus rassurante qu’elle évacue lesactes incriminés. Elle n’est que la dernièrevariante du sempiternel « noussommes tous des innocents ». Laréalité de la justice est niée : encoreune fois les « vrais terroristes »seraient à chercher ailleurs…Parmiles « vrais coupables » sans doute.Derrière sa fausse simplicité, cette défenseest d’une grande complaisanceavec la justice et le système pénal.Que le pouvoir veuille faire peur avecla figure du terroriste comme il faitpeur avec d’autres figures fantasméesdu danger, c’est un fait ; par contre,nous ne pensons pas pouvoir affirmercomme l’a fait l’éditeur Eric Hazanque l’État « pète de trouille », nicomme tel autre qu’il « a sans douteraison d’avoir peur que la situationsociale ne lui échappe » (8) . Le systèmepénal et la prison n’ont pas pourobjet principal d’enfermer les mouvementssociaux, de « criminaliserles luttes », ni même « d’éteindreles révoltes d’une guerre civile quirésonne ». La prison fait bien pireque s’attaquer directement à uneprétendue menace : elle l’empêche denaître par sa seule existence. Enfermerles « révoltés », l’État le fait…presque au passage ; mais c’est à tous,et au quotidien, qu’il s’adresse intimement.C’est cette action banale, enprofondeur, qu’il faut attaquer – souspeine de reproduire les séparationsqui ne servent qu’à le renforcer. « Lesystème pénal est un système qui pénètreprofondément la vie des individus etqui porte sur leurs rapports à l’appareilde production. Pour que les individussoient une force de travail disponiblepour l’appareil de production, il fautun système de contrainte, de coercitio<strong>net</strong> de punition, un système pénal et unsystème pénitentiaire. Ce n’en sont quedes expressions » (9) .Les fondements du code pénal –refondés par chaque décision dejustice – n’ont changé en rien depuisdeux cents ans : la défense de lapropriété privée, la distinction entrele coupable et l’innocent, l’individualisationdes peines. Le code a changé,bien sûr… un peu ; les lois se sontmultipliées, et avec elles le champdes délits et des crimes ; et les peinesse sont allongées. Mais la fonctionprincipale du système judiciaire restede juger un individu et son passé, deconstruire son profil : son parcours,sa personnalité, ses <strong>intentions</strong> ; dedéterminer s’il est capable du faitpour décider s’il est coupable. Onne coupe plus la main des voleursdepuis longtemps : on interroge leurcasier, on écorche leur nom, on questionneleur enfance, on commenteleur adresse, on responsabilise leursparents, on déplore leur chômage ;et on les condamne plus ou moins.Tous les outils, toutes les techniquesdu droit servent à broyer les corps etles individus.En cela, ils nous préoccupent plusque les coups de théâtre orchestrésque l’on prétend critiquer ici ou là.Il ne s’agit pas de nier que l’États’est doté d’un arsenal de lois, deprocédures, de services spécifiques àl’antiterrorisme. Cet outil s’est particulièrementrestructuré et moderniséau cœur des années quatre-vingtsdans le cadre d’un durcissement plusgénéral du droit pénal déjà qualifié àl’époque de « tournant sécuritaire ».Depuis quelques années, cet outils’est perfectionné en s’alignant sur leslégislations internationales les plusdures ; et des centaines de « terroristes» croupissent en taule. Le droitfait parfois des bonds. En ce sens, onpeut dire qu’il « s’exceptionnalise »pour se survivre et faire perdurerl’édifice social tout entier. Des mesuresprises contre des populations trèsrestreintes – les « pédophiles », les« fous dangereux », par exemple –deviennent parfois la norme, puis laloi, en s’appliquant à toujours plus demonde. Pour autant, la description dece processus ne rend pas bien comptede l’ensemble de ce qui fait tournerla machine pénale au quotidien ; àmoins de considérer chaque « intimeconviction » du juge, chaquecondamnation automatisée, chaqueprocédure bureaucratisée commeautant de petites exceptions au droit.Le mot perd alors tout son sens, et ilfaut en changer.Cette critique d’une « justice d’exception» présentée comme uneverrue scandaleuse sur le nez de lajustice ne fait que renforcer le pilierpénal de la société. Sans entrer dansle détail des positions d’intellectuelsqui critiquent la procédure antiterroristeau nom d’une défense de ladémocratie (10) , un petit tableau publiédans les Echos de la Taïga (11) est symptomatiquede la (non) compréhensionde la nature profonde du droitsouvent observée dans la défense


des « politiques ». La démocratiemenacée se réveille et se défend, etc’est l’ensemble du système qui setrouve validé par ce type de positions.De cette justice d’exceptionon finit par se dire qu’elle est injuste.L’antiterrorisme devient ainsi unesorte d’abcès, de maladie qui noustransformerait tous en infirmiers auchevet d’un droit contaminé par ungouvernement sécuritaire (12) . Fautede toujours articuler la critique du« droit d’exception » à celle du droittout court, on oublie qu’il n’y a pasplus de justice d’exception que dejustice juste : la justice est simplementjudiciaire.Dans le cadre de cette grande fictionde l’exception, certains nous rabâchentle bon vieux fantasme de lajonction entre les insoumis dans lesprisons, comme si la taule n’était pasle monde en pire, comme si la misèreet l’enfermement fédéraient par euxmêmes,comme si de l’humiliationnaissait magiquement la solidarité.La prison reste le lieu de toutes lesséparations : entre communautés, entrehommes et femmes, entre droitscommuns et « politiques », entrebraqueurs et pointeurs, entre longuespeines et « courtes » peines. Quel’on apprenne en taule à démarrerune voiture sans les clefs, que ce typede savoir-faire puisse être très utile,que des amitiés et des complicités s’ynouent, y compris dans la révolte…certes. Mais si « le vent tourne » (8) , ilne vient pas des prisons ; il continueplutôt de nous y pousser.C’est dommage, mais c’est commeça, gros ; et le fait qu’une descentespectaculaire à Villiers-le-Bel ressembleà une descente spectaculaireà Tarnac n’efface pas des différencesbien réelles. La plus évidente, c’estqu’il n’y a pas de discours de l’innocencequi tienne pour une classe présuméecoupable ; c’est valable pourles personnes inculpées de l’incendiedu centre de rétention de Vincenneset pour pas mal de vendeurs de shit.Bien sûr, ici et là, des individus etdes groupes tentent dans leurs texteset dans leurs actes de dépasser la« question de l’antiterrorisme » etde lutter contre ce monde d’exploitatio<strong>net</strong> d’enfermement (13) . Mais partiecomme elle est partie, cette drôle dedanse avec l’État – la récente mise enscène du pouvoir, et la réponse qui luia été donnée – ne peut que brouillerle combat contre la justice dontl’arbitraire quotidien disparaît unefois de plus derrière un des spectaclesqu’elle produit. Une fois de plus, onnous divertit ; ni plus ni moins quequand on fait entrer l’accusé tousles jours dans tous les logis et danstoutes les têtes.NOTES1. Pour une critique du terme « anarcho-autonome »,voir le texte de Léon de Mathis dans <strong>Mauvaises</strong> <strong>intentions</strong>n°2, paru en janvier 2009. Pour une critique plus complètede l’outil « antiterroriste » et une recension detous les articles parus depuis un an sur la « mouvance »,voir <strong>Mauvaises</strong> <strong>intentions</strong> n°1. L’un et l’autresont disponibles en libre téléchargement surhttp ://infokiosques.<strong>net</strong>/mauvaises_<strong>intentions</strong>.2. Directive du 13 juin 2008, Direction des affaires criminelleset des grâces, ministère de la Justice. « Objet :multiplication d’actions violentes commises sur différentspoints du territoire national susceptibles d’être attribuées àla mouvance anarcho-autonome. […] Outre des inscriptionsréalisées sur des bâtiments publics, cette mouvances’est manifestée par la commission d’actions violentes endifférents points du territoire national au préjudice del’État et de ses institutions […] et peut afficher un soutienà d’autres mouvances terroristes. […] D’autres faits relatifsnotamment à des jets d’engins incendiaires contre desbâtiments publics se sont révélés présenter des liens étroitsavec ce mouvement. […] Ainsi, les parquets porteront uneattention particulière à tout fait similaire, notamment afind’en informer dans les plus brefs délais la section antiterroristedu parquet du tribunal de grande instance de Parispour apprécier de manière concertée l’opportunité d’undessaisissement à son profit. »3. Pour une analyse détaillée des évolutions du discoursmédiatique, on peut lire Le Tigre n°29. Libération titrait« L’ultragauche déraille » le 12 novembre ; puis Desterroristes ? une semaine après ; avant de faire sa « une »sur le témoignage exclusif de l’épicier de Tarnac.4. Le député PS André Vallini, qui avait présidé la commissionparlementaire d'Outreau, estime le 17 janvier2009 que « les leçons d'Outreau ne semblent décidémentpas avoir été retenues par la justice française ». Il ajoute le14 mars 2009, à la suite d’un nouveau refus de demandede mise en liberté : « Cette décision va à l’encontre duprincipe de notre procédure pénale, qui veut que, mêmependant une instruction judiciaire, la liberté soit la règle etla détention l’exception ».5. Sur ces trois points, on peut lire respectivement len°62 de CQFD, la « Mise au point » du Comité invisible,danse avec l'état 23qui tente péniblement de faire passer cette histoire pourun moment stratégique, voire victorieux, dans « laguerre civile en cours », et la lettre des parents sur le siteinter<strong>net</strong> des comités Tarnac.6. « De Gaza à Tarnac, terrorisme = résistance », proclamaitune banderole lors de la manifestation du 31 janvier2009.7. « C’est d’abord la preuve qu’avec la législation antiterroriste,on peut arrêter n’importe qui pour n’importequoi, puisqu’on inculpe les gens sur des <strong>intentions</strong> ; c’étaitd’ailleurs le but de cette législation », déclare Eric Hazan,éditeur de L’insurrection qui vient : « Si l’on a mis tantd’efforts à emprisonner pour terrorisme quelques jeunes paysanscommunistes qui auraient participé à la rédaction deL’insurrection qui vient, ce n’est pas pour délit d’opinion,mais bien parce qu’ils pourraient incarner une manièrede tenir dans la même existence des actes et des pensées »,analysait quant à lui le Comité invisible dans sa « Miseau point ». Signalons que nous avons suivi la piste JackieQuartz pour retrouver ce fameux comité. En vain.8. Lettre de Benjamin, épicier terroriste, sur le site deMediapart.9. M.Foucault, Prisons et révoltes dans les prisons, juin 1973.10. Sur ce point précis, on peut lire le texte Tous Coupat,tous coupables, écrit par un autre universitaire, A. Brossat,qui a au moins le mérite de ne pas oublier sa critiquede la démocratie à la porte.11. Bulletin des comités de soutien consultable sur www.soutien11novembre.org.12. « Des scénarios déjà vus dans plusieurs pays au coursdes dernières années (USA, Royaume-Uni, Allemagne,Italie...) débarquent avec fracas en France et signent l’entréedans un régime où l’exception devient la règle. » Lettre deBenjamin publié sur Mediapart.13. Le 24 janvier, par exemple, une manifestationétait organisée à Paris, dans le quartier de Barbès, ensolidarité avec tous les prisonniers ; « Manifester dansles rues du 18 ème , c’est aussi contre les rafles de sans-papierset l’occupation policière qui y a lieu, distribuer le témoignagede prisonniers de Villepinte […]. Manifester là où nous levoulons sans en demander l’autorisation nous permet d’allerà la rencontre des gens, de créer des possibilités de résistancelà où nous vivons et luttons » lisait-on sur un tract. Dèsle départ du cortège, deux cents personnes se sontfait encercler ; plus de cent vingt ont été embarquéesvers différents commissariats ; sept ont passé une nuiten garde à vue et sont convoquées devant le juge le 6mai à 9 heures pour « refus de dispersion malgré lessommations » ; sept autres, censées passer en comparutionimmédiate pour jets de projectiles, seront jugéesle 8 juin au TGI de Paris ; un huitième a été remis enliberté sous contrôle judiciaire mais une instruction estouverte contre lui pour « dégradation en réunion sur unvéhicule de police ».


24 contribution...contribution...Contribution aux discussionssur la répression antiterroristedécembre 2009 – infokiosques.<strong>net</strong>« Tarnac » est le nom d’une opération médiatico-policièrequi a fait beaucoup de bruit. A cette occasion des discourspublics ont été tenus par les comités de soutien, les prochesou certains inculpés. Discours qui, in fine, portent des positionspolitiques. Beaucoup de ces discours nous ont gênés,voire nous ont foutu la rage. Pour plein de raisons différentes.Nous en expliquons certaines ici pour clarifier et partagerles discussions qu’on a pu avoir. Aussi, parce que les réflexionsau sujet de Tarnac sont valables pour bien d’autressituations de répression et de lutte.Ce dont nous parlons dans ce texte, c’est du « discourspublic » concernant la répression, c’est-à-dire de ce quise dit et s’écrit publiquement au-delà des aspects juridiquesd’une affaire. Il ne s’agit pas du tout de parler ici dece qu’on dit, ou pas, devant un juge. L’articulation entreles éléments juridiques et le discours public qu’on tient surune affaire n’a rien d’évident, c’est un nœud toujours assezcomplexe. Pour autant, nous sommes persuadés qu’il estnécessaire de construire un discours public qui ne soit pasentièrement dicté par la défense juridique. Tout en gardantbien à l’esprit que les discours publics affirment des positionspolitiques qui vont au-delà d’une situation particulièrede répression.Face à la répression, pas facile de réussir à se positionner,à trouver comment construire un rapport de force face àl’État dans une situation où on est souvent affaibli. Cesquestions ont toujours existé à l’intérieur des mouvementsparce qu’on cherche à chaque fois des moyens de faire faceà ces situations sans s’y perdre. Il nous semble pressantd’alimenter ce débat, de contribuer à élaborer des discourspublics à tenir face à ces situations. Des discours qui nesoient pas en contradiction avec ce que l’on pense, ce quel’on porte, et qui puissent trouver écho chez d’autres personnessubissant elles aussi la répression.Nécessaire aussi de réfléchir aux modes de diffusion de nosdiscours. La stratégie médiatique autour de « Tarnac »nous pose problème, même si nous n’avons pas de positionde principe contre le fait d’intervenir dans les grands médias.La plupart du temps, ce sont les médias qui ont toutesles cartes en main, et leurs intérêts ne sont jamais lesnôtres. Lorsqu’ils ne relaient pas mot pour mot le discoursde l’État, ils ne font au mieux que dénoncer certains abusd’un pouvoir tout en le légitimant. Ils s’emparent de certainsaspects des affaires au gré de leurs intérêts politicienset économiques. D’où l’importance de chercher des modescollectifs d’intervention dans les médias qui ne répondentpas à l’urgence des flashes TV et des unes quotidiennes. Etqui s’inscrivent dans le cadre d’un rapport de force permettantque le contenu de notre discours ne soit pas complètementaltéré. Par exemple, perturber une émission radio en yintervenant en direct. Faute de quoi, mieux vaut utiliser nospropres moyens de communication et tenter de donner parnous-mêmes de la consistance à nos solidarités.Les discours publics qu’on tient doivent pouvoir êtrecompris et partagés avec d’autres gens. D’où le besoin dese demander : sur quelles bases veut-on tisser des liens desolidarité avec des personnes accusées ? Si nous sommessolidaires, ce n’est pas parce que des personnes subissentdes procédures dites exceptionnelles comme l’antiterrorisme,mais parce que l’antiterrorisme est un élément parmid’autres de la justice de classe, cette justice qui œuvrepour défendre les intérêts des possédants. Ce n’est pas nonplus parce que des personnes accusées ont un mode devie particulier, ni parce qu’elles appartiennent à une soi-


contribution... 25disant « mouvance » (type « anarcho-autonome ») ; carces entités renforcent les séparations. Au contraire, si noussommes solidaires, c’est parce que des pratiques, des actesde révolte, qui appartiennent aux luttes, au mouvement social,sont attaqués. Le but étant de les rendre inoffensifs enles enfermant dans le cadre institutionnel.An t i t e r r o r i s m eCertains n’ont pas manqué de critiquer l’usage de l’outilantiterroriste, en raison de la disproportion entre le moyenutilisé et la nature des infractions poursuivies en avançant,par exemple, pour « l’affaire Tarnac », qu’il s’agissait de simplessabotages et non d’attentats. D’autres ont remis en causel’existence même de cette législation qui serait contraireaux principes du droit démocratique. Des personnes, enfin,voient dans l’antiterrorisme et dans l’état d’exception devenupermanent un véritable « mode de gouvernement ».Toutes ces critiques ont en commun de présenter cette juridictioncomme un extraterrestre, une exception dans ledroit. Pourtant, l’antiterrorisme se distingue moins qu’iln’y paraît des autres procédures juridiques. 1Dans les cas de l’association de malfaiteurs, du trafic destupéfiants, des bandes organisées… les gardes à vue peuventaussi durer 4 jours 2 , la préventive est difficile à éviteret souvent longue, les peines encourues sont alourdies.Ces pratiques de répression, présentées comme des juridictionsd’exception, sont en réalité couramment utilisées.Par ailleurs, d’autres catégories construites par l’État subissentelles aussi une répression féroce. Par exemple, lessans-papiers peuvent subir un contrôle d’identité de 32jours en centre de rétention. Ils peuvent aller en prisonpour avoir refusé d’embarquer, puis retourner au centre derétention avant d’être expulsés. Et dans les faits, la juridictionantiterroriste n’entraîne pas forcément une répressionplus importante que les juridictions communes. Même enantiterrorisme, les gardes à vue peuvent durer moins de6 jours, il arrive que des personnes sortent de préventiveavant leur procès, et, si les peines encourues sont souventtrès élevées, cela ne veut pas dire que les juges vont les appliquertelles quelles.Les procédures antiterroristes construisent des accusationssur la base d’<strong>intentions</strong> supposées, qu’elles soient ounon suivies d’actes. Précisons qu’en antiterrorisme commedans tout le droit pénal, les <strong>intentions</strong> doivent toujours êtreétayées par des éléments matériels. Plus l’intention est pré-1 Nous reprenons ici une grande partie des analyses du texte de Léon de Mattis, «L’antiterrorisme n’est pas une exception », janvier 2009, disponible surhttp://www.leondemattis.<strong>net</strong>.2 Juridiquement, en antiterrorisme, les gardes à vue peuvent durer jusque 6 jours.Mais, la plupart du temps, elles durent 4 jours ou moins.pondérante dans l’accusation, plus des éléments matérielsanodins pourront être utilisés à charge. Ces derniers, prisisolément, ne constituent pas nécessairement des infractions.Ce peut être la possession d’un pic à glace, un coupde fil passé à telle personne, avoir de l’argent en liquide…Mais accuser une personne de se préparer à commettre telou tel délit avant même sa réalisation est une pratique courantedans tout le droit pénal. Ainsi une personne peut êtreinculpée de complicité dans la préparation d’un meurtrequi n’a jamais eu lieu. Les <strong>intentions</strong> sont toujours prisesen compte dans les condamnations : homicide volontaireou involontaire, intention, ou pas, de voler, dégradationsvolontaires…La spécificité de l’antiterrorisme tient dans le fait que lepouvoir attribue aux personnes accusées des <strong>intentions</strong> àcaractère politique. Il s’agit, en France, d’avoir « pour butde troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou laterreur ». En Europe, c’est, entre autres, « gravement déstabiliserou détruire les structures fondamentales politiques,constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays ou d’uneorganisation internationale ». Un même acte peut donc releversoit du droit ordinaire, soit du terrorisme. 3 Cette distinctionrepose seulement sur le type d’intention attribuéeaux personnes inculpées : une infraction peut devenir unacte terroriste si les juges estiment que ses motivationssont politiques, au sens où elles s’attaquent à l’État dansses fondements. 4À trop souligner les particularités de l’antiterrorisme, onrisque, même sans le vouloir, d’enfermer les quelques centainesde personnes qui subissent cette répression dans uncercle restreint. De renforcer une catégorie dont le pouvoirsouhaite l’existence : celle des « terroristes ». Or cette étiquette,comme bien d’autres, sert à isoler, à faire en sorteque la répression antiterroriste soit perçue comme quelquechose de très spécifique, ce qui empêche d’élargir lasolidarité à d’autres situations de répression.Dans les imaginaires, le « terroriste », c’est l’homme sansvisage toujours prêt à poser une bombe à clous au milieude la foule. En réalité, les procédures antiterroristes correspondentà de multiples situations différentes, qui parfoisn’ont d’ailleurs pas grand-chose à voir entre elles et sontdissemblables en leur sein même : des activités séparatistesbasques ou corses, des actions contre les radars, des activitésattribuées à ce que l’État résume sous les appellations« islamiste » ou « anarcho-autonome »… Evidemment,personne ne s’appelle de lui-même « terroriste ». Ce sont3 En Espagne, la loi dit que « tout travail en faveur de l’indépendance d’une partie duterritoire, même non violente » est traité comme un acte terroriste.4 Une spécificité propre à l’antiterrorisme concerne la composition des coursd’assises. Ce sont uniquement des magistrats professionnels, dont il est plus aiséd’anticiper le verdict, et non un jury populaire, qui composent les cours d’assises enmatière antiterroriste.


26contribution...les États qui collent cette étiquette à ce qui est pour euxopportun de réprimer à un moment donné. Au niveauinternational, en fonction d’intérêts géopolitiques fluctuants,des organisations peuvent entrer et sortir de listesnoires de terroristes. L’ANC (African National Congress)de Nelson Mandela par exemple, a longtemps été classéeterroriste par les États-Unis avant d’être encensée par tousles démocrates du monde. Les États montrent du doigtà certains moments quelques personnes, « ce sont desêtres monstrueux », et vident ainsi de leur sens politiqued’origine des actions, des pratiques, des pensées. Ce n’estqu’une manière de désigner un ennemi intérieur à éliminer,contre lequel toute la population devrait se liguer. Defait, en disant « nous ne sommes pas des terroristes » ou« ces gens-là ne sont pas des terroristes », et, à un degrémoindre, en disant « nous sommes tous des terroristes »,on risque à chaque fois de réactiver et de valider la catégorie« terroriste » qui n’est profitable qu’aux États et àceux qui les soutiennent. Il est problématique tant de serevendiquer du terrorisme que d’être prêt à tout pour s’endémarquer.Mieux vaut montrer comment cette figure de grand méchantloup est agitée pour faire peur et justifier un contrôletoujours plus fort sur tous : c’est le plan Vigipirate, ce sontles militaires dans les gares, le fichage de nombreuses personnes,les contrôles d’identité de plus en plus fréquents…L’antiterrorisme témoigne et participe de manière spectaculaired’un durcissement plus général de la législation,réponse à l’accentuation des contradictions sociales. Loind’être réservé à certaines procédures « d’exception », cedurcissement s’applique au quotidien dans les rues, lescommissariats, les tribunaux et les taules : déploiementspoliciers, relevés ADN systématisés, peines plancher,bracelets électroniques, préventive généralisée, EtablissementsPénitentiaires pour Mineurs…L’antiterrorisme est une des multiples formes de répressionutilisées quotidiennement par le pouvoir. Elle obéit auxmêmes logiques : la classe dominante édicte les lois, décidede ce qui est légal et de ce qui ne l’est pas selon ses intérêts.L’appareil policier et juridique vise à maintenir l’ordre capitalisteen enfermant une partie des « classes dangereuses »pour mieux contraindre tous au travail. C’est pourquoi lajustice condamne autant les actes que les profils sociaux desaccusés, souvent en fonction de leur supposée dangerosité.<strong>Mo</strong>ins une personne a les moyens de présenter des garantiessociales et économiques, plus elle risque la prison. Lajustice doit reposer sur cette certitude selon laquelle lesflics disent vrai et les pauvres sont coupables. On ne se faitde toute façon aucune illusion sur la possibilité de l’existenced’une justice équitable, d’un État de droit qui défendraitles intérêts de chacun. La procédure antiterroriste est à évoquercomme un des outils du pouvoir face à ce qui le met encause, pour écraser, stigmatiser ceux qui ne se soumettentpas assez à son goût. 5Ni co u p a b l e , n i i n n o c e n tA la lecture d’articles de presse ou de rapports de police, oncomprend que l’objectif est de construire soit des profils decoupables, soit des profils d’innocents. La question principaledevient alors : « Est-ce qu’il ou elle aurait pu faire oumême penser à commettre tel ou tel acte ? ». Beaucoupont dit pour ceux de Tarnac : « Libérez-les parce qu’ilssont innocents ». Il semble important de s’extraire de cesconsidérations de flics et de juges, de ne pas réclamer lalibération de personnes sur la base de leur innocence, maisde demander leur remise en liberté indépendamment dela question de leur innocence ou de leur culpabilité. Questionqui nous importe peu puisqu’elle ne conditionne pasl’expression de notre solidarité. Pour autant, critiquer l’interprétationà charge de certains faits peut être un enjeuimportant, par exemple remettre en cause l’appellation de« cellule invisible » utilisée par la justice pour parler desgens de Tarnac. 6Bien entendu, que des personnes solidaires réclament lalibération des inculpés, qu’ils soient coupables ou innocents,n’empêche pas ces derniers de se défendre de leuraccusation et de présenter au juge des garanties de représentation(un travail, un logement…). Mais mettre enavant publiquement des profils d’innocents nous conduiraità parler de la personnalité des accusés, de leur parcoursde vie, de leurs habitudes, de leur situation… Ce qui nonseulement est inintéressant, mais sous-entend en plus qu’ily aurait deux catégories de personnes : « les gens biens »,tellement gentils et intégrés qu’ils ne peuvent qu’être innocents,et les autres, évidemment coupables, la plupartdu temps appartenant aux « classes dangereuses », c’està-direaux classes populaires.En plus, s’affirmer solidaires sur la base de l’innocence desaccusés et d’une dérive de la justice revient à sous-entendreque la justice devrait agir comme d’habitude, c’est-àdirecondamner les « coupables ». Au final, cela entérinele fonctionnement normal de la justice et en appelle à unÉtat de droit.5 Sur ces questions, voir « Danse avec l’État – Dénoncer l’exception jusqu’à en oublier lajustice », mars 2009, L’Envolée n o 256 Lors d’une conférence de presse, le procureur de Paris, Jean-Claude Marin,affirme que les « 9 de Tarnac » appartiennent à une organisation terroriste qu’ilsnomment eux-mêmes « Cellule invisible ». En réalité, l’accusation a repris lasignature « Comité invisible » d’un livre attribué par les flics à Julien Coupat enremplaçant le mot « comité » par celui de « cellule », terme généralement utilisépour désigner un groupe membre d’une organisation terroriste. Cette manipulationgrossière a ensuite été reprise en chœur par les médias.


contribution... 27Enfin, il est problématique de dire que des personnes n’ontpas le profil, qu’elles n’auraient donc jamais pu commettredes actes qui nous semblent prendre part à la conflictualitésociale. C’est affirmer que les personnes n’ont ni le profilsocio-économique, ni les idées, les pensées liées aux actesreprochés. Il est évidemment nécessaire de déconstruire lemontage policier et médiatique, mais lorsque cela prendtoute la place dans le discours public, c’est une positionpolitique : un tel discours conduit, même indirectement, àse démarquer des actes de révoltes. Il risque donc de participerà la logique de l’État qui veut, en poursuivant un actede révolte, discréditer plus largement ce type d’acte. Mieuxvaut au contraire se montrer solidaires des actes de révolteet peu importe l’innocence ou la culpabilité des personnesinculpées.Qui p e u t p a y e r p e u t c h o i s i rDans le cas des inculpés de Tarnac, le discours sur l’innocentismes’est doublé d’un discours sur les modes de vie.Des affiches de comités de soutien à Tarnac affirment :« Ce qui est attaqué ? Ce sont nos luttes, nos mots, nos modesde vie, nos armes, nos amitiés et la possibilité de s’attaquerà l’ordre des choses… ». La campagne de soutien aux inculpésde Tarnac a mis en avant cette question du modede vie. On a beaucoup entendu : « soyez solidaires avecnous : si on est attaqué, c’est parce qu’on vit à plusieurs à lacampagne ». Or nous ne pensons pas que l’État s’attaqueaux personnes de Tarnac pour leur « mode de vie ». Cetteposition nous pose problème à différents niveaux.D’abord, dans de nombreuses affaires judiciaires, desmodes de vie sont construits de toutes pièces. Pouvoir etmédias créent l’image qui leur est utile. La caricature dela manière de vivre est la base de tout fait divers. Ainsi, lespersonnes de Tarnac seraient bizarres car elles vivraientcollectivement à la campagne et n’auraient pas de téléphoneportable. A l’inverse, l’homme accusé d’appartenir auFnar (Front national armé révolutionnaire ou Front nationalanti-radar) serait étrange justement parce qu’il vivaitisolé, qu’il habitait seul dans son appartement ! Répondresur la question des modes de vie, c’est rester sur un terraindont les médias sont friands sans jamais remettre en causela portée politique de ces catégories, terrain qui évacue laquestion des rapports sociaux.Ensuite, parce que ce discours repose sur une séduction,celle de se voir comme un danger politique. Pourtant,aucun mode de vie n’est en soi subversif. Certes, nousavons besoin d’expérimenter à plusieurs des modes de vieet de repenser ici et maintenant les rapports (genre, exploitation,etc.). Ce peut être tout un tas de débrouilles, d’entraides,de solidarités au quotidien, pour s’en sortir mieuxou un peu moins mal. C’est aussi au cours de luttes desaspects du quotidien qui changent : tout à coup, on s’organiseensemble pour se procurer de la nourriture, pour improviserune cuisine dans l’endroit que l’on occupe, pourdéfendre cet endroit où l’on va aussi dormir... Pour autant,ce n’est pas parce que l’on mange, cultive, travaille ensemble,ou même possède une maison à 10, que l’on échappeou attaque les rapports sociaux (c’est-à-dire la propriétéprivée, l’exploitation). Il n’est pas possible de vivre endehorsdu système capitaliste. Le modèle de l’alternative,cette petite bulle où l’on tente de vivre différemment entresoi, n’entrave en rien le fonctionnement du capital. Alorsen faire un modèle politique qui serait la condition pouraffronter l’ordre des choses… c’est au mieux une illusionnaïve, au pire un mensonge. L’idée d’une existence indépendantede l’économie capitaliste qui pourrait servir deprincipe politique pour mener des attaques est un leurre.Une mystification qui risque de mener à des communautéscloses, de renforcer des codes de l’entre-soi, et de créerdes ghettos militants. Ainsi, dans une cour de promenade,un prisonnier dit, au sujet de Tarnac : « Y’a pas mal de leursidées qui me plaisent, mais le problème, c’est que moi je peuxpas vivre à la campagne ! »Ce discours sur le mode de vie relève en effet d’une manièretrès particulière d’aborder la politique qui nie lesconditions réelles d’existence du plus grand nombre. C’estun point de vue où le moteur serait uniquement le choix :volonté de vivre à plusieurs plutôt que de travailler, d’avoirde l’argent ou au contraire de déclamer qu’il n’existe pasentre nous. Encore faut-il avoir les moyens de faire cechoix. Squatter un logement est souvent une nécessité etla plupart des gens essaient de subir le moins possible l’exploitation.Même si tout le monde fait des choix, c’est avecplus ou moins de marge de manœuvre et avec des conséquencesbien différentes. L’argent est justement ce quipermet de s’affranchir des nécessités matérielles, l’espacede respiration pour ne plus y penser. Le problème c’est defaire croire que la volonté serait moteur de toute chose, enniant le contexte, les situations sociales... Or cette positionpolitique consiste justement à faire comme si tout le mondeavait tout le temps la même liberté de choisir. « Cetteposture [...] relève pour l’essentiel du régime de la liberté marchande: qui peut payer peut choisir ». 7Elle ne fait que creuser les écarts existants. Elle reconduitles séparations entre les différents segments de classe quipeuvent se rencontrer au sein des luttes. Une telle rencontren’a certes rien d’évident. Mais la position qui consiste ànier dans le langage les véritables séparations qui structurentla société ne permet pas de les dépasser dans la réalité.Au contraire, à force de les nier, elle les reconduit et risque7 « Un autre emploi de l’argent », mai 2005, Meeting 2,disponible sur http://meeting.senonevero.<strong>net</strong>.


28contribution...d’approfondir un peu plus l’incompréhension entre lesdifférents groupes sociaux qui sont amenés à se rencontreret parfois à s’allier dans les luttes.Nous pensons au contraire que c’est parce que les séparations,les contradictions sociales sont permanentes quel’apparition de luttes est inéluctable. La rencontre entre lesexploités devient alors possible et elle est elle-même unenjeu de la lutte. Rencontre entre tous ceux qui, communémentexploités, ne le sont pas de manière égale.Soi g n e t a ga u c h eLa défense publique d’un mode de vie nous pose finalementproblème en termes de tactique politique, c’est-à-diredans les alliances qu’elle esquisse. Suivant une tactiquedouble et opportuniste, le discours sur le mode de vie a étéutilisé pour séduire, non seulement grâce à l’idée de constituerun danger politique, mais aussi en donnant à tout prixdes gages de respectabilité, s’attirant ainsi la bienveillanced’une certaine gauche. Le discours sur le mode de vie devientalors un des opérateurs de sa recomposition.La récupération de l’affaire de Tarnac par la gauche estparticulièrement flagrante. Alors que dès le second jour del’affaire, les grosses centrales syndicales criaient à la provocation,et Sud 8 au terrorisme, celles-ci ont rapidement rejointla cohorte des démocrates, des partis et des intellectuelsde gauche, tous unis d’une seule voix pour dénoncer« les lois d’exception » incompatibles avec un « État dedroit démocratique ». Les références au « déni de démocratie» sont même allées jusqu’à une pétition d’intellectuelspubliée dans Le <strong>Mo</strong>nde appelant à la défense de cettesacro-sainte démocratie. Ceci a de quoi laisser perplexetant derrière ce terme fourre-tout se cache en réalité unsystème politique qui mime la défense de l’intérêt de chacuntout en consacrant le pouvoir d’une infime minorité.Ce qui disparaît alors dans cette course à la respectabilité,c’est la possibilité même de créer des liens de solidaritéavec tous ceux, qui, attaqués par l’État, ne peuvent ni neveulent donner de tels gages de respectabilité. Avec tousceux qui, de par leur condition, sont partie prenante de laconflictualité de classe.Viei lles c h i m è r e sLe discours sur le mode de vie crée de nouvelles séparations ets’avère d’autant plus incapable de casser les catégories crééespar l’État : « jeunes de banlieue », « anarcho-autonomes »...8 Dès le 12 novembre, Christian Mahieu de Sud Rail a cru bon de mettre en garde« ceux qui frisent la diffamation en voulant confondre terrorisme et action syndicale ».Depuis deux ans de façon récurrente, l’État dans ses déclarationsmédiatiques invoque les anarcho-autonomes commeresponsables de « débordements » dans des luttes sociales.Durant le mouvement contre le CPE, les affrontementsviolents, notamment devant la Sorbonne, sont attribuésdans la presse à des casseurs « anarchistes » ou « autonomes», nécessairement extérieurs au mouvement. Lapolice et les journalistes expliquent que ces affrontementsimpliquant des milliers de personnes ont été décidés etdirigés par une poignée d’individus. Et c’est tout l’intérêtde la figure de l’anarcho-autonome : incarner à elle seuleun ensemble de pratiques collectives illégales (tags, dégradations,affrontements...). Elle crédite aussi la thèse selonlaquelle les mouvements sont toujours initiés et contrôléspar une force visible (comme les syndicats) ou obscure (ennovembre 2005, les islamistes ont été présentés comme lesincitateurs des émeutes de banlieue). Après l’incendie ducentre de rétention de Vincennes en juin 2008, l’UMP accusele Réseau Education Sans Frontières et les collectifsde sans-papiers d’être responsables des révoltes à l’intérieurdes centres. De telles manœuvres visent à extrairedes luttes sociales certaines pratiques illégales en les attribuantà un extérieur. On voudrait nous faire croire qu’il neresterait qu’une alternative : la contestation dans un cadreinstitutionnel ou le « terrorisme ».L’antiterrorisme n’est qu’un de ces outils dont disposel’État pour contenir la contestation. Tentatives qui à termesemblent vaines, tant les révoltes relèvent d’un fait socialqui ne se laissera jamais circonscrire à un groupe, un milieuou une mouvance. 9Sab o ta g e , b l o c a g e , c o n f l i c t u a l i t éEn l’occurrence, les personnes de Tarnac ont été accusées desabotages, pratiques que l’on retrouve dans les mouvementssociaux et qui peuvent être l’expression de la conflictualitéde classe. Dans cette affaire, on a vu les médias, syndicalisteset politiques effrayés à l’idée que les sabotages des lignesSNCF aient été faits par des cheminots. Quel soulagementlorsque la police affirme avoir arrêté les responsables, soi-disantmembres d’une « cellule terroriste ». Rassurés, les représentantshomologués du mouvement social se lâchent :« terrorisme » pour Sud Rail, « provocation » pour la LCRqui affirme que « ces méthodes-là n’ont jamais été, ne sont paset ne seront jamais les nôtres ».A l’automne 2007, alors que les cheminots protestent contrela casse des régimes spéciaux, des sabotages sont commis sur9 Sur cette question, voir le texte de Léon de Mattis, « Anarcho-autonome », décembre2008, dans <strong>Mauvaises</strong> <strong>intentions</strong> 2, disponible sur http://infokiosques.<strong>net</strong>/mauvaises_<strong>intentions</strong>.


contribution... 29les voies, contre des systèmes d’aiguillage et des bâtimentsadministratifs. En 2000, les ouvriers de Cellatex « négocient» le montant de leurs indemnités de licenciement enmenaçant de déverser des produits toxiques dans la Meuseet de faire sauter l’usine. Les actes de sabotage sont monnaiecourante au travail (vas-y-mollo contre les cadences, travailbâclé après une engueulade avec la hiérarchie, virus informatiquebalancé sur les ordinateurs...) et ailleurs : le collégienqui fout du chewing-gum dans la serrure pour se dispenserde son exposé de géo, l’automobiliste qui rend inutilisableun radar automatique.En tant que telles, les pratiques de sabotage n’ont rien d’unedoctrine. Elles ne sont pas plus le fait d’excités ou de comploteurs,mais un moyen d’action pertinent (ou pas) au vudes enjeux et des situations. Un même gréviste de la RATPpeut faire signer des pétitions, s’asseoir à la table des négociations,tout en s’assurant par le sabotage que les bus neroulent pas. Dans les mouvements sociaux, cette pratiquepeut s’accorder avec d’autres types d’actions, comme les assemblées,les occupations, les blocages… qui toutes témoignentd’une recherche d’efficacité, et ne trouvent leur intérêtqu’en fonction du contexte. Considéré de manière isolé,le sabotage ne témoigne pas forcément de la radicalité d’unconflit, il ne s’accompagne pas nécessairement d’une remiseen cause plus générale. Les « faucheurs volontaires » emmenéspar José Bové ont usé de pratiques illégales dans leseul but de se constituer en lobby anti-OGM et de mieuxréformer le droit. Se privant de toute critique du monde quiproduit les OGM, il était bien entendu vain de penser pouvoirempêcher leur développement. 10Légalité ou illégalité ? La question ne se pose pas uniquementen ces termes. Lors des mouvements sociaux, onfait tout simplement ce qui dérange le plus ceux d’en face.« La légalité n’est pas une frontière infranchissable pas plusque l’illégalité une position de principe » 11 . D’ailleurs la légalitéde certaines actions dépend très peu des gens en lutte.Une manifestation d’abord légale peut devenir immédiatementillégale sur simple ordre du préfet. Dans les mouvementssociaux, la recherche de formes de lutte efficaces estaujourd’hui d’autant plus pressante que l’arsenal anti-grèvese durcit, notamment avec la mise en place du service minimum.Dans les médias, les grèves dans les transports oul’éducation sont assimilées à des prises d’otages. En 2008,un président jubile (un peu trop vite) devant un parterre depatrons en affirmant : « désormais quand il y a une grève enFrance personne ne s’en aperçoit ». Le traitement policier etjudiciaire des conflits devient la règle. La grève dans ses modalitéslégales arrive de moins en moins à toucher au porte-10 Nous faisons la distinction entre les actions spectaculaires des faucheurs volontairesvisant à instaurer un dialogue avec l’État et les nombreux actes de sabotagesanonymes de champs d’expérimentation.11 La caténaire qui cachait la forêt, novembre 2008, texte disponible sur le sitehttp://www.collectif-rto.org.feuille. Pour des revendications parfois minimes, ceux d’enface n’hésitent pas à utiliser tout l’arsenal du contournement(embauche de précaires, lock out 12 ) pour vider les grèves deleur efficacité. Dans ce contexte, certaines pratiques commeles journées d’action et les « temps forts » syndicaux sontparfois désertées. Pas tant parce que ceux qui les initient,gauche et directions syndicales, sont contestées en tant quetelles, mais parce que de plus en plus de gens concernés fontle constat de leur inefficacité.D’autres pratiques, de fait illégales et qui ont toujours existétendent au contraire à se multiplier : grèves sauvages,sabotages, blocages… Ainsi, depuis une quinzaine d’années,les blocages sont devenus en France un enjeu centraldes mouvements. Il y a évidemment dans la mémoirecollective récente le souvenir de décembre 95. Pendant 2mois pas un train ne roule, « le pays est de fait paralysé. Lesmétropoles prennent un visage inédit, les rapports sociaux, notammentde solidarité se transforment au quotidien » [11] . En2003, cette question se repose (comme par exemple le blocagedu bac) mais « les contre feux sont là. Les syndicats des transportsparviennent à empêcher une extension de la grève auxsalariés de la SNCF et de la RATP,[…], la rue a une apparencede normalité, ça roule ». [11] Les enseignements de cesdéfaites sont tirés par le mouvement du CPE et le mouvementlycéen de 2007 : les blocages des voies et des garesviennent se rajouter aux manifs sauvages.Plus récemment encore, en 2008, les grèves du fret (enAllemagne), grèves sauvages dans l’aviation (Alitalia enItalie)… Et ces pratiques dépassent largement la lutte descheminots ou des transporteurs. Il suffit de penser aux blocagesroutiers qui ont fait rage en Guadeloupe… Ces pratiquesde blocages ne sont évidemment qu’une des formesde la conflictualité sociale. Comme le disaient des jeunesde la RATP à Paris en 2007 « on veut pas faire une grève justeen mangeant des merguez dans notre dépôt »… Et c’étaitnovembre 2005 qui était cité comme exemple du rapportde force. La conflictualité sociale déborde de toutes partsles médiations démocratiques (partis, syndicats, représentantset associatifs de tout bord) comme on a pu voir enFrance en novembre 2005 et plus récemment en Grèce à lafin de l’année 2008.Les mouvements sociaux et les émeutes ne sont pas lesseuls moments d’expression de la conflictualité sociale...Ce système ne peut plus promettre l’amélioration desconditions d’existence, mais plutôt leur appauvrissement,comme le confirment encore récemment les conséquencesde la crise financière. Dans ces conditions, n’importequel point de cristallisation des conflits de classe, tels lesrésistances aux expulsions, aux licenciements, les affrontementsavec les flics, sont des foyers aussi nombreux qu’im-12 Lors d’un conflit social, la direction choisit de fermer l’usine, et lorsque c’estpossible, elle externalise la production.


30contribution...prévisibles. Logiquement, le pouvoir utilise la répressionafin d’isoler ces différentes dynamiques. Lorsque des personnes,des groupes se font réprimer, c’est l’occasion derappeler que, quels que soient les outils que l’État utilisepour attaquer des moyens de lutte, il le fait dans le cadre dela conflictualité de classe dans le but de contenir la contestationle plus largement possible.La défense du comité de soutien à Tarnac a organisé son discourspublic autour de deux points : la défense des inculpésqui seraient attaqués pour leur mode de vie alternatif et lamise en cause de ce qui est décrit comme un nouveau modede gouvernement, ou une dérive du droit. Ce discours publicest parfaitement représentatif des contradictions du cycledes luttes actuelles 13 , qui s’expriment encore plus fortementau sein des classes moyennes. Et à bien des égards, cesdiscours semblent avoir été profilés à leur intention.Ainsi, le discours sur le mode de vie permet d’affirmer desnouveaux besoins (nouvelles formes de sociabilité, écologie...).Mais, loin d’une perspective communiste car ilne porte aucune critique de fond de la propriété, de l’exploitatio<strong>net</strong> de l’État, il se traduit au final par une fuitedans l’alternative. De même pour l’illusion démocrate quiconsiste à revendiquer l’abrogation des lois antiterroristesau nom de l’État de droit, en bon citoyen vigilant.En fait, il nous importe moins de dénoncer le machiavélismeraffiné de cette stratégie de défense que de pointerla contradiction sociale dont elle découle. Cette stratégietémoigne de la réelle crise de reproduction que vivent despans entiers de la classe moyenne — assurés du fait queleurs enfants vivront moins bien qu’eux — et de leur attachementà un rapport de nature garantiste à l’État.Cet appel constant à « l’État providence » est le crédo dominantdu cycle de lutte actuelle : s’enferrant dans la défense desdroits existants et des acquis sociaux, les luttes et les mouvementsn’arrivent pas à se dégager d’une stricte réactivité quiconsiste à évoquer un contre modèle de stabilité et de sécuritéincarné par l’État providence et l’État de droit. Cette limites’inscrit dans le cadre de la défaite du mouvement ouvrier,de la restructuration qui s’opère à partir des années 70. Ausein des luttes, le sentiment d’appartenance à la classe s’effaceprogressivement au profit de la figure du citoyen.Face à l’appauvrissement des classes populaires au profitdu capital et au renforcement de l’arsenal juridique, il nes’agit pas de délaisser le champ des luttes revendicatives13 Le texte de conclusion a été en partie influencé par « Le grondement de labataille et la plainte des pleureuses », avril 2006, Meeting 3, disponible sur :http://meeting.senonevero.<strong>net</strong>.ou de dire que toutes les législations se valent. Il s’agit deprendre acte de l’offensive du capital et de la combattre,sans pour autant s’enfermer dans une défense de l’Étatprovidence, qui est le prolongement étatique de la restructurationdu capital après-guerre.L’enjeu est de taille car une véritable chape de plomb doctrinalese constitue, prenant notamment appui sur desslogans tels que « nos luttes ont construit nos droits ».Or, ces droits n’ont pas été « conquis de haute lutte » ;ils formalisent un rapport de force à un moment précis(souvent la fin d’une lutte) entre deux positions aux intérêtsantagoniques. On fait du droit tel qu’il est le but desluttes sociales passées et non leurs limites mises en formepar l’État et le Capital. Cette illusion rétrospective établitque la somme des victoires de la lutte des classes n’est pasautre chose que l’édification lente, laborieuse et linéairede codes juridiques. Certes des protections, des garantiesont été mises en place à l’issue de ces luttes, mais il s’agitd’avantages restreints et d’aménagements de l’exploitation.Et cela s’est fait au prix du désarmement de l’offensive etreste bien en deçà de ce qui s’y jouait : l’élaboration de solidaritésde classe, de pratiques collectives et de contenussubversifs et révolutionnaires.Les luttes, concrètement, n’ont pas pour objet des droits.Si la Bastille a été prise, ce n’était pas pour obtenir le droitde vote mais parce que c’était un dépôt d’armes. De même,si les mal logés sont en lutte, c’est avant tout pour avoir unlogement. La revendication du « droit au logement » esttoujours le fait des associations et des partis qui viennentse poser comme seuls médiateurs crédibles et font carrièreen négociant par-dessus la tête des collectifs.Cette position qui réduit tout à la défense du droit empêchedonc la ré-appropriation de formes de luttes qui n’ontjamais été inscrites dans le droit mais qui ont toujoursappartenu aux mouvements comme la grève sauvage, lesauto-réductions, les ré-appropriations collectives ou le sabotage.Nous laissons aux adorateurs du code du travail lechoix d’inscrire dans les textes juridiques le droit au refusdu travail, à la grève sauvage, à la destruction de machines,au sabotage, à la bastonnade des petits chefs, à l’incendiedes usines et à la défenestration des patrons.Voir dans le droit la finalité de toutes les luttes passées etprésentes, empêche tout renversement de perspective quiviserait la critique de l’État, de la démocratie et de la propriétéprivée, non pour les réformer ou les fuir dans un prétendu« en-dehors » mais pour les abolir. S’affirmer solidairesd’actes dénoncés comme irresponsables alors qu’ils onttoujours été des outils de la lutte de classes, réaffirmer par làleur contenu politique et leur appartenance à la conflictualitéde classe va dans le sens de ce renversement de perspective.


iser ses liens... 31briser ses liens...Nous avons trouvé ce texte sur inter<strong>net</strong>, et nous le reproduisons ici pour alimenter les débats sur la prison.Briser ses liensmars 2012 – nantes.indymedia.orgEnfermement et contrôle social« Lorsque chacun rêve à la mort de l’État, l’Étatrêve à la mort de tous. » — Nada.Ces notions semblent difficile àdéfinir. Quand on parle d’enfermement,on pense habituellement à laséquestration, au fait d’être retenu,détenu ou enfermé dans un lieu.On pense aussi à la prison, évidemment.On pense à ses formes les plusspectaculaires dans l’histoire du XX esiècle : les complexes pénitentiairesindustriels à l’américaine, les campsde détention ou de concentration,le système du goulag. Bref, a priori,lorsqu’on pense le contrôle social, onimagine d’abord un « dedans », avecla prison ou tout lieu où on peut êtreprivé de liberté (hôpitaux psychiatriques,centres de rétention) et endehors où il y aurait, paraît-il, uncertain nombre de libertés reconnues(au moins dans l’esprit du droit) etdes faits que la loi, la morale ou l’Étatconsidèrent et sanctionnent plus oumoins arbitrairement comme descrimes et des manquements, et quipeuvent conduire à l’enfermementou au moins à un certain contrôle quirime toujours avec menace et coercition.De là à considérer que là où il ya pouvoir, il a contrôle social, il n’y aqu’un pas qu’il peut sembler déraisonnablede ne pas franchir.Et qu’est-ce au juste, que le contrôle :une coercition constante qui veillesur les processus de l’activité (ou surl’activité elle-même) des individuset quadrille au plus près le temps, l’espace,et les mouvements de ces derniers.Tout ce qui autorise le contrôleminutieux des opérations du corps.Ce contrôle s’est exprimé depuis leXVIII e siècle sous les formes généralesde l’autorité et de la dominationdans les casernes, les écoles, les usinesou les prisons. Il faut pour cela :• La répartition des individus dansl’espace selon un principe de clôture(c’est le principe de l’enfermementqui est déjà commun à la rationalitéde l’entreprise capitaliste comme àcelle de la prison au moins depuisl’enclosure).• L’assignation des masses mouvantesdans des endroits cernés (chacunsa place et son rang) : on peutpenser aux métros, aux RER, auxgaleries marchandes et les prix selonla ville, à la répartition géographiquedes quartiers et le déplacement rendusdifficiles d’un quartier à l’autreet plus facile mais aussi plus onéreuxvers le centre des villes ou de la villevers la périphérie, etc.• Le contrôle de l’activité (emploisdu temps rationalisés. Le travail estrendu obligatoire (à l’école, en prison,dans la société en général). Parune pédagogie du mouvement, parla notation et le classement, par lasurveillance hiérarchique, la sociétédisciplinaire individualise la masseanonyme. Elle sépare. Elle atomise.Là où il y avait autre fois de la communautéou de la société, il y a de« l’individu » comme base, commeproduit fini, comme entité séparée,ou comme fragment et non commesujet. La société s’est divisée à la foisen classes et en « individus » qui nese retrouvent sensiblement plus nidans l’humanité, ni même dans unecondition sociale mais comme unitésde leurs propres survies forcéesde se prendre elles-mêmes commeautant de centres.Non content d’un tel constat, il fauten conclure que la prison n’est pastant un lieu qu’une fonction. Cen’est pas tant un territoire spécifiquequ’un moment où l’on se retrouveplus dépossédé encore qu’à l’habitudedans une société d’exploitation :de ses mouvements, de ses paroles,de son activité, de ses pensées, etc.Tout cela, tout le monde le sait oule ressent, et c’est pour cela que laprison (le centre pénitencier ou quoi


32briser ses liens...que ce soit qui s’y apparente) est uneépée de Damoclès au dessus de latête de ceux et celles qui se croientencore libres. Mais précisément, ellene suffit pas à décrire ou même àdéfinir l’enferment ou le contrôle. Enfait, elle tend même à s’effacer avec leprogrès technique devant la myriaded’autres méthodes de contrôle et desurveillance qui se développent pourremplir plus parfaitement et plusrationnellement encore qu’autre foissa fonction. En effet, et principalementpour une question d’économie(même si l’essentiel des politiques,pour des contradictions liées àl’époque, en particulier en France, ypréféreront encore longtemps « labonne vieille prison »), des moyensde plus en plus modernes (et aussiplus coercitifs) se développent (telsque le bracelet électronique, les différentesformes de contrôle judiciaire,la signalisation génétique systématique— prélèvement ADN —, lesimple fait de repousser un procèssur 4 ou 5 ans avec tout ce que çaimplique, mais aussi au quotidien lescaméras de surveillance, la présencepolicière permanente, et ses annexes— vigiles et milices de quartier) quimême dans le cadre d’une démocratiepourraient rendre, si ils étaientpleinement appliqués, la prisonquasiment obsolète.Parce que tout ce qui caractérisaitautre fois la prison dans ce qu’ellea de plus essentiel s’est peu à peuappliqué et généralisé à la société : laclôture donc (à la base les entrepriseset les champs, puis pour les gares, leslycées, les universités, les hôpitaux etplus particulièrement psychiatriques,les centres fermés pour mineurs,etc.), la restriction des mouvementsdans un cadre géographique strict,l’individualisme de survie et l’espritde la discipline, le clanisme (laculture du clan tant dans la politique,et l’entreprise que dans la sous-cultureurbaine financée par l’industrieculturelle) qui renforce toutes les hiérarchies,le contrôle permanent desmouvements et des activités, et biensûr la sanction (les heures de colle oules rapports et suppression de boursedans l’éducation, les avertissementset les retenues sur salaire, les suppressionsd’allocations sociales, etc.).Tenter d’appréhender la réalité ducontrôle social et de l’enfermement(de la prison à la surveillance en général— qu’elle soit individualisée oudiffuse) en termes « d’infra- » ou de« super-structure » limite en fin decompte l’analyse à un postulat, celuique sous-tend la métaphore « verticale» : à savoir qu’il y aurait unebase et des fondations sur lesquellesquelque chose de « plus important »repose. Si cette vision des chosesrecouvre une partie de la réalité surdes cas particuliers, les structures dupouvoir se montrent en général pluscomplexes et surtout inter-actives.Pour l’exemple, on peut dire que lasociété de classe et l’État (aussi bienqu’un certain nombre d’oppressionsconnexes) reposent sur la prison.Mais cela n’aurait pas moins de sensde dire qu’il n’y aurait probablementpas de prison sans société de classe etsurtout sans État. En réalité, il s’agitde démontrer en quoi l’existence deces phénomènes historiques sont liés.La prison est politique« Il s’agit de dialectique — comme le diraitHegel, qui en raison d’État s’y connaissait —entre victoire partielle et capitulation totale. Queceux qui ne respectent pas cet esclavage nommédémocratie y soient préparés. » — In « La quadraturedu cercle ou la raison d’État » par Laconjuration des égaux, juin 2000.Parce que la prison existe d’abordpour remplir cette fonction decontrôle social, la prison est politique.Elle remplit une fonction dans« la vie de la cité ». Elle est le seulvéritable argument du flic, et pourcause elle est ce pourquoi il est à lafois « respecté », plus souvent craint,et généralement haï. D’autre part, ilest évident que si la plupart des « justiciables», des personnes condamnéeset par conséquent enfermées ousuivies par des contrôles judiciairessont de manière ultra-majoritaire desexploité-e-s, généralement issu-e-sdes franges les plus paupérisées duprolétariat de la périphérie des villesou des campagnes c’est bien quela prison joue un rôle absolumentessentiel dans la domesticationde classe qu’exercent à des degrésdivers la bourgeoisie industrielle etles classes intermédiaires contre leprolétariat. En réalité, d’un pointde vue strictement économique, laprison existe surtout pour maintenirl’existence même du prolétariat etd’autres réalités sociales oppressivesplus spécifiques. Elle scelle la divisionde classe.Donc, si comme les théoriciens anarchistesdu XIX e ou même Marx etEngels l’ont amplement démontrés,la loi est un produit de la scolastiqueet les droits de l’homme un codepénal pour la bourgeoisie, alors laprison et tous les contrôles qui luisont actuellement périphériques (ausens où ils en constituent historiquementune sorte de prolongement« biopolitique » : pour l’exempledes dispositifs tel que le contrôlejudiciaire ou le bracelet électroniquecomme « prison à la maison ») sontprofondément politiques.Et par conséquent : toutes les prisonnières,et tous les prisonnier-e-s sontpolitiques.L’argument selon lequel la sphère« revendicative » des actes de protestationsou de révolte posséderaitune dimension particulière qu’il faudrait« mettre en avant » est non seulementabsurde (parce qu’il évacuel’aspect politique des actes non-revendiquésde rébellion, de révolte, oude conflictualité sociale au quotidien— soit en ignorant leur existence,soit en négligeant leur importance)mais il est en fin de compte contradictoireavec les analyses générale-


ment défendues par ses partisan-e-s.En effet, le concept de « prisonnierpolitique » chez les marxistes parexemple, s’assimile à bien des égardsà celui de « prisonnier d’opinion »inventé par des libéraux et des sociodémocrates,et généralement défendupar eux (Amnesty International pourl’exemple). Ce dernier concept seveut une définition du « soutien »apporté à des personnes emprisonnéespour leurs « opinions », maisqui n’auraient « commis aucuncrime » (pas « violé la loi »), nicommis « d’actes violents », ni fait« d’appel à la haine ». Le problèmeque posent ces expressions conceptuelles,c’est qu’il n’existe pas deuxrégimes politiques ou deux codespénaux qui les définissent de la mêmemanière. Qu’il s’agisse de délation oude protestations formelles ou informelles,un crime ou un délit (ou aumoins un acte que la morale réprouve)à <strong>Mo</strong>scou ou même à Washingtonpeut être un « acte citoyen »ou un droit à Paris ou à Athènes, etréciproquement. La relation qu’exercel’ambivalence du concept de« prisonnier d’opinion » avec celuide « prisonnier politique » est queceux ou celles qui le défendent fontmine de croire que c’est de positionspolitiques, d’opinions, de pensées oumême de paroles qu’il s’agit. Pourl’État, c’est toujours d’<strong>intentions</strong>,qu’elles soient bonnes ou mauvaises,réelles ou supposées et d’actes qu’ils’agit. Parce qu’il est bien plus facilede confondre des accusé-e-s de cettemanière (et aussi de jeter la confusionchez les potentiels soutiens— on l’a vu encore récemment avecl’affaire des inculpé-e-s de Labègeen fin 2011) et ainsi de les isoler,même en l’absence de preuves. Pourl’exemple, les condamnations qui onttouché les personnes inculpées suiteaux émeutes de Mai 2007 dès la findes élections présidentielles ont étéd’une remarquable sévérité, d’uneimplacable exemplarité justement.Et cela, plutôt indépendamment desconvictions politiques (réelles ousupposées) ou de l’absence affichéede convictions des personnes inculpées,mais bien plus sur une base declasse (les plus jeunes et les plus pauvresont été les plus durement jugés),et encore sur leurs <strong>intentions</strong> (voirles rapports de procès dans le dossierdu journal l’Envolée sur le sujet, etles questions posées par les procureurs)et surtout parce que ce qui estle plus insupportable pour cet Étatet sa classe dominante, ce n’est passeulement d’exprimer le fait que lesœuvres de sa société la condamnent,mais encore qu’il existe déjà des individusqui veulent en découdre avecelle, et qu’il adviendra fatalement desbouleversements qui la dépasseront.Et qui dépasse largement aussi toutmilieu « politique » ou « mouvance», qu’elle soit réelle ou supposée.Mais les maîtres n’apprécient lesvérités que lorsqu’elles ne sortent pasde la bouche de leurs esclaves.De la terrorisation démocratiqueà la terreur d’État…« La démocratie s’arrête là où l’intérêt de l’Étatest en jeu. » — Charles Pasqua. Ancien locatairede l’hôtel Beauveau« Il faut terroriser les terroristes. » — Tautologiepolicière paradoxale attribuée au poèted’État Michel Poniatowski. Repris pard’autres depuis.Le problème de l’État, c’est qu’ilprocède de sa nature psycho-pathologiqueparanoïaque par définition.Son existence, et plus précisément sasurvie impliquent le contrôle permanent,elles impliquent le fait d’épier,de museler, d’arrêter, de noter, decorriger, de suivre, de juger, d’enfermer,de torturer, de tuer même(ou au moins de « faire mourir »).Elles impliquent au minimum lasurveillance permanente de millionsd’individu-e-s et la violencepréventive contre une bonne partiebriser ses liens... 33de la population qui pourrait unjour vouloir sa perte, parce qu’il saitque son existence même suscite pardéfinition la volonté de le voir disparaître.Il sait aussi (même lorsque sesfonctionnaires le nient) que la seulevéritable terreur est la sienne puisqueson existence repose sur le monopolede la violence. Historiquement, leterme même de Terreur désigne lanaissance douloureuse et sanglantede l’État tel que nous le connaissonssous sa forme moderne. « Terroriser» signifie frapper de terreur. Alorsévidemment, lorsqu’un juge d’instructionqualifie de « terroriste »un acte supposé de pyromanie surune dépanneuse, un sabotage deligne de chemin de fer ou une actionscatologique symbolique contre lesétablissements pénitenciers pour mineursavec à chaque fois des mois dedétention préventive à la clé, on peutse dire qu’il en faut bien peu pourfrapper de terreur le monstre froid.On se dit surtout qu’à défaut de rencontrerpour l’instant une véritablemenace, l’État se l’invente de toutespièces.En définitive, à défaut d’être pourl’instant réellement menacé, et parsimple mesure de précaution : ilterrorise.Liberté totale pour les inculpé-e-s« de la dépanneuse », de Labège etles autres.À bas le contrôle social et tous lesenfermements.Des anarchistes qui ne lâchenttoujours pas l’affaire.


Temps judiciaire& techniques policièresManuel de survie en garde à vuefévrier 2010 – rebellyon.info – extraits[...] On aura beau décrire comment marche la garde à vue, dansla loi ou dans les faits, on passera toujours à côté d’un point essentiel: comment s’en sortir au mieux, c’est-à-dire du moins sansaggraver son cas. Ainsi, ce qui nous intéresse, c’est plutôt de voircomment faire en sorte que ça marche le moins bien possible.Le meilleur moyen est de loin de ne pas jouer le jeu. Il faut avoirbien en tête qu’en GAV on cherche à tout prix à faire parler, àobtenir des aveux. Il importe donc de savoir comment on s’yprend du côté des flics, où est la part de bluff, et où on court unrisque en mettant des bâtons dans les rouages de la machine judiciaire(notamment en refusant le fichage). Nous présenteronsdonc la GAV dans cette perspective : ne pas parler. [...]Pas de preuves, pas d’aveux, pas de PV : pas de coupable.Ces notes sont inspirées d’expériences vécues, de discussionscritiques autour de la pratique policière, de témoignagestrouvés sur inter<strong>net</strong>, et de différents ouvrages etbrochures. Nous ne prétendons pas livrer ici le vademecumultime de la GAV , et toute remarque, tout ajout, toute correction,seront les bienvenus. Il s’agit de faire circuler cequi, nous l’espérons, pourrait éviter bien des ennuis. [...]Bienvenue, donc, dans le dur monde du béton, du plexiglas,et des interrogatoires.Et bon courage !Pou r co m m e n c e r , u n e c e r t i t u d e :s e t a i r e c’e s t e n r a y e r l a m a c h i n epo li ci è re-ju d i ci ai reDès le début de la GAV, dans les faits dès le moment del’interpellation, les flics mettent la pression pour qu’onparle, vite et bien. Bien, c’est-à-dire de sorte que le dossiersoit clairement à charge, avec des coupables bien identifiés,pour qui le juge n’aura plus qu’à choisir une peine. Parler,ça peut être dire « la vérité », ou mentir, mais dans lesdeux cas, c’est dire quelque chose, et ce quelque chose estconsigné par les flics sur un PV d’audition. Et c’est le genre


garde à vue 35de papier qui colle aux doigts, pendant la GAV et jusqu’auprocès : il est utilisé pour confrontation avec d’autres déclarations,pour charger d’éventuels complices ou mêmedes personnes mises en cause dans une affaire connexe,etc. Une audition de GAV est toujours à charge. Pour lesflics les informations sont évidemment bonnes à prendresur le moment, mais elles peuvent aussi bien leur servirlongtemps après : s’ils n’arrivent pas à coincer quelqu’unpar manque d’éléments dans une affaire, peut-être qu’uneprochaine fois ils seront contents d’avoir déjà quelquesmiettes au fond de leurs tiroirs.La garde à vue est en soi une pression psychologique : mauvaisesconditions d’hygiène, stress, fatigue, parfois brimadesvoire coups, autant d’atouts pour les flics, pour qui ilest plus facile d’interroger quelqu’un d’affaibli, prêt à passerà table sans faire d’histoire. En s’étant préparé à l’avance,on peut tenir le coup, à condition de ne pas se laisserdéstabiliser. Ne rien dire du tout en GAV n’est pas donné.D’une part, c’est difficile de tenir 24h, deux, trois ou mêmeparfois quatre jours (stups, « terrorisme ») sans parler àpersonne : le contact humain et la conversation sont desbesoins qui se font vite ressentir. D’autre part, on pensesouvent que le fait de se taire va aggraver les conditions dedétention, le comportement agressif des flics, voire les suitesjudiciaires. Il n’en est rien, et quels que soient les faitsreprochés (à tort ou à raison, là n’est pas la question), tout lemonde s’en sort mieux si personne ne parle en GAV .Refuser tous les prélèvements, photos, empreintes, et toutce qui peut rester dans des fichiers de police pendant unmoment, est également important : il est très difficile desortir de ces fichiers une fois qu’on y est entré, et cela peutêtre vraiment handicapant d’y figurer, ne serait-ce qu’encas d’interpellation ultérieure (« Tiens, mais <strong>Mo</strong>nsieurest un habitué des commissariats ! »). Ce n’est pas parcequ’on risque une peine de prison ou une grosse amende enrefusant de se soumettre à telle ou telle opération (déclinerson identité, donner son ADN ou se laisser prendre enphoto, par exemple) qu’on sera forcément puni, de nombreuxexemples le montrent. On peut très bien être relaxépour refus de signalétique, si bien sûr personne n’a lâchétrop d’éléments compromettants pour le reste. [...]Les trois commandements de la garde à vue : ne rien dire,ne rien signer, ne rien avouer.év i t e r l e s p i è g e s l e s p l u s gr o s s i e r sLa gav commence au début de l’interpellationDès le premier contact avec les flics, parfois même sansqu’ils sachent eux-mêmes que l’interpellation va finir enGAV , ils peuvent commencer à chercher des informationspour la procédure en cours, ou à venir. Il faut donc commencerà refuser de répondre à leurs questions dès qu’ils semettent à en poser. L’état civil est la seule chose que l’on esttenu de fournir, hors procédure : mieux vaut donc s’en tenirlà, au maximum. Parfois un refus de décliner son identité,notamment en groupe, peut déboucher selon le rapport deforce sur une libération collective, évidemment sans suite(par exemple dans un contexte de manifestation).Une interpellation se fait avec une certaine mise en scène,qui est parfois déroutante. On peut être arrêté dans la rue,mais également à domicile : les flics viennent alors toujoursà plusieurs, généralement en uniforme. Les présentationsfaites (elles sont rapides) les enquêteurs donnentles raisons de leur intervention, et cela en termes juridiquestrès généraux (chefs d’inculpation), pour ajouter à laconfusion du moment. Le plus souvent ils sont mandatéspar un juge (dans le cadre d’une instruction, qui peut leuravoir déjà fourni pas mal d’informations, grâce à des filatures,écoutes téléphoniques, enquêtes psychologiques, etc.)mais ils peuvent agir de leur propre initiative (enquête deflagrance, quand on est pris sur le fait, ou s’il y a une fortesuspicion de délit de la part des flics, par exemple si on faitpousser du cannabis à sa fenêtre). Dans le second cas ilsdevront justifier leur action, mais en clair il leur suffit dumoindre prétexte pour pouvoir procéder à une interpellation.Celle-ci peut être courtoise, comme très violente (enmanifestation, après une course-poursuite, suite à un vol àl’étalage, etc.), ce qui ne fera qu’ajouter au stress de l’instant.En tout cas, que les flics soient cordiaux ou qu’ils vousinsultent, il ne faut pas oublier qu’ils peuvent être synonymesde gros ennuis. Dès le moment de l’interpellationon est placé sous leur autorité, « invité » à les suivre oudirectement menotté (c’est le cas le plus fréquent, surtoutsi l’on est jeune, de couleur, etc.) et dans les faits on n’estplus libre de ses actes, que ce soit pour passer un coup defil pour prévenir la famille ou même fumer une cigarette.C’est dès cet instant que commence la GAV, même si elle estprononcée plus tard. Les flics le savent très bien : c’est cettesituation ambigüe (on n’est pas encore en cellule, mais entouréde flics et en position de faiblesse), qui est propiceaux déclarations spontanées, épidermiques. C’est en celaqu’il est très important d’arriver à dire, le plus tôt possible,« je n’ai rien à déclarer », qu’on se trouve chez soi, dansla rue ou encore dans un véhicule de police en route pourle commissariat. Plus tôt on formule cette détermination àrester silencieux, plus il est facile de s’y tenir.Identification des objetsQue ce soit dans la rue au milieu d’un groupe de personnes,ou à un domicile, les flics peuvent commencer à fouiller unpeu partout, demander à qui est tel sac, tel portable, tel car<strong>net</strong>,etc. Il va sans dire que personne n’a d’intérêt à répondre


36garde à vueà ces questions. Même si un sac ne contient rien d’illiciteou de compromettant, il peut être facile pour les flics d’yintroduire quelque chose, voire même de prendre des effetspersonnels, comme un peigne ou une brosse à dents,pour faire une recherche ADN, ce qui leur sera utile en casde refus de prélèvement (refus que nous conseillons biensûr vivement). Ces pratiques, même si elles semblent toutdroit sorties d’un mauvais polar, sont assez courantes, enFrance comme ailleurs. Tout type d’objet peut constituerà leurs yeux un indice, et ils s’en resserviront par la suite :chaussures pour les empreintes, manteau si des témoinsfont des descriptions, portables pour les écoutes et la listedes personnes appelées, etc. Des objets aussi anodins peuvents’avérer très encombrants dans la procédure. Si un objetest identifié face aux flics il sera dès lors, et pour tout lereste de la procédure, identifié comme appartenant à untel.Ne pas attribuer la propriété d’un objet à soi-même commeà une tierce personne, même si c’est vrai, est essentiel. Il estpréférable de ne pas donner non plus de numéros de téléphone,de noms ou d’adresses (« Mais appelez donc monfrère, il habite à tel endroit, il vous dira, lui, que... »), oualors seulement ceux de personnes préparées à l’éventualitéde cette situation, ou de lieux totalement « clean » (peutêtreque le frère en question n’a pas envie d’avoir affaire auxflics, mieux vaut en avoir déjà parlé avec lui, par exemple).Beaucoup d’attente et de formalitésAprès que les flics aient rempli des papiers en 4 exemplaires,notifié au gardé à vue ceux de ses droits qui ne gênentpas trop leur travail (on « oublie » généralement de vousrappeler votre droit de ne rien déclarer), et procédé à quelqueshumiliations supplémentaires (fouille à corps face àplusieurs flics, par exemple), on est mis en geôle. Et là, letemps s’arrête, mais pas la procédure.La GAV, c’est avant tout beaucoup d’attente, énormémentd’attente. Sans rien pour tuer le temps, seul dans une cellule.L’attente participe évidement de la tactique des flics :rien de tel que de faire patienter un détenu pour un ouiou pour un non. Pour aller aux chiottes, voir un médecin,etc., pas d’urgence. Tout ça dans une ambiance étriquée etinconfortable. Alors quand enfin un enquêteur décide deprocéder à un interrogatoire, on est bien content de pouvoirsortir un peu de cellule pour aller dans son bureau. Ilpeut alors en profiter pour faire miroiter une accélérationde la procédure, et donc une sortie de GAV anticipée, sivous « coopérez ». Ton rassurant, menace, compassion,il peut user de tous les registres pour habiller son mensonge: parler en GAV n’amène rien de positif sauf pour l’avancéede l’enquête des flics, et ils n’appelleront pas plus tôt leprocureur pour remercier un gardé à vue d’avoir collaboré.Lorsque commence la première audition, après l’état civil(qu’on pourrait prendre pour une énième formalité) le flicembraye très vite, mais imperceptiblement, sur des questionsplus précises. Le domicile, par exemple, permet toutde suite aux flics de s’enquérir de la présence sur place deshabitants les quelques jours avant leur interpellation, parexemple. Si l’on ne s’est pas dit qu’on refusait de parler, onne se rend même pas compte qu’on commence à répondreaux questions des flics, et non plus à une formalité administrative.Il faut donc se rappeler constamment qu’il vautmieux « ne rien déclarer », et s’y tenir.Interrogatoires informelsDès votre interpellation, « tout ce que vous direz pourraêtre retenu contre vous », ou contre d’autres personnes,que vous ne connaissez peut-être même pas. Ce n’est pasde la paranoïa, c’est un fait : même si vous ne pensez pas àmal en faisant telle ou telle déclaration, les flics savent trèsbien s’y prendre pour faire dire ce qu’ils veulent entendreà des déclarations.Dans la plupart des cas ils en viendront vite au tutoiement,surtout si c’est dans le cas d’une enquête d’instruction, ousi l’on est « déjà connu des services de police ». Ils cherchentainsi à mieux connaître la personne qu’ils ont enface d’eux, la cerner, finalement la fragiliser. Il est préférablede ne partager aucune forme de familiarité avec eux :ils essaieront toujours de tout retourner à la faveur de leurenquête. À certains moments, que ce soit celui de l’interpellation,dans la voiture, les couloirs de la PJ, ou le bureaud’un officier, on pourrait croire que c’est du « off »,mais non, ça n’existe pas en GAV. « Allez, on va faire unepause. Une cigarette ? Dure, cette histoire, hein ? » Resteren alerte est crucial : ce n’est pas parce qu’un flic est sympaqu’il arrête à ce moment-là d’être un flic. Même si cela peutsembler agréable au milieu de plusieurs heures d’interrogatoire,il faut toujours se méfier d’une petite discussion,même d’apparence anodine. Sans compter qu’ils peuventrécupérer le mégot pour prélever de l’ADN.Que l q u e s id é e s r e ç u e s à ab a n d o n n e r« Les flics arrêteront de me mettre la pression si jeparle au moins un peu »On pourrait croire que les flics mettent la pression tantqu’on ne parle pas, et qu’une fois qu’ils ont eu ce qu’ilsveulent (une histoire, une version des faits), ils se relâchent.L’expérience prouve que c’est plutôt le contraire qui se passe: devant un silence obstiné pendant toutes les auditions,ils finiront par se résigner, cherchant ailleurs leurs précieusesinformations. Par contre, celui qui commence à parlerse fait presser comme un citron jusqu’à la fin de la GAV. Ilspassent alors en revue tous les faits et toutes les personnes


garde à vue 37de la procédure, insistent sur tous les détails possibles etimaginables qui les intéressent pour charger untel ou untel,modifiant au besoin les déclarations à leur sauce (la fameusereformulation policière, dans un style si singulier).Une fois qu’on a mis le doigt dans l’engrenage question/réponse il est quasiment impossible d’en sortir. Imaginerpouvoir lâcher du leste en donnant quelques infos est uneerreur : toute déclaration est un levier offert aux flics pourapprofondir les interrogatoires, faire de nouvelles hypothèses,s’engager sur d’autres pistes, mettre d’autant plusla pression pour avoir la suite de l’histoire, etc. On ne s’ensort jamais à bon compte quand on commence à parler.« Il n’y a que les gros poissons qui se taisent, ça faitsuspect »On pense souvent que le fait de ne rien dire est une espècede circonstance aggravante, que les suites seront plusgraves que si on parle. Mais en réalité vaut-il mieux parlerpour « ne pas avoir l’air suspect » et ainsi étoffer un dossierà charge, ou « avoir l’air suspect » en ne parlant pas, etralentir ainsi l’enquête, minimisant ses conséquences immédiates? La réponse semble évidente. L’interrogatoiresert à fabriquer un dossier utilisable par le tribunal, souventconstitué uniquement des PV d’audition. En d’autres termes,encore une fois : l’audition est à charge. Et les aveux,plus encore que d’autres déclarations, sont tenaces etlourds de conséquences, comme le montrent nombre desoi-disant « erreurs judiciaires ».On a en tête que seuls les indépendantistes basques ou corses,les islamistes et les « anarcho-autonomes » se taisenten GAV, parce que ce sont des durs, et que d’ailleurs ils ontsûrement « quelque chose à se reprocher » (puisque c’estdans les journaux). Mais si tout le monde se met à ne pasparler en GAV, les flics ne pourront pas mettre d’étiquettesur la personne qu’ils interrogent. Il faut généraliserle silence, noyer le poisson en quelque sorte, sortir des stéréotypesque renvoient les flics et les médias. Il nous semblebien plus effrayant de finir en prison que de « passerpour un criminel » en gardant le silence pendant la GAV,même si on n’a « rien fait ».« En mentant/atténuant, je peux m’en tirer, couvrirmes potes »On pense souvent qu’une fois que les flics nous ont arrêtéet mis en garde à vue, on a déjà perdu, et qu’on pourra seulement« limiter la casse ». Mais bien souvent ils n’ont queleurs propres déclarations (qui se limitent en général au récitde l’interpellation et à une mention de leurs soupçons),et le reste du dossier ne sera constitué que des fameux PVd’audition. Tout n’est pas joué, car même en GAV on peutgarder l’avantage sur les flics : parler ne peut aller que dansleur sens, alors que se taire c’est les faire piétiner, et surtoutne pas se charger plus qu’on ne l’est déjà. On peut souvents’en sortir indemne, même si les flics disent qu’ils saventtrès bien qu’on a commis tel ou tel fait : il suffit de ne pasconfirmer ce qui s’avère souvent n’être que des soupçons. Etsi l’on sait avoir commis bien pire que ce que les flics nousreprochent, pourquoi avouer quoi que ce soit ? Mentir seraitdangereux, car cela peut entrer en contradiction avecd’autres éléments que les flics ont déjà, ou qu’ils trouverontplus tard, ou avec les déclarations d’autres personnes misesen cause dans la procédure. Par contre, on peut sauver bienplus que les meubles, simplement en se taisant.« Je n’ai rien à me reprocher, je peux parler »Lorsque les flics ne savent pas exactement qui a commis unacte particulier, il arrive qu’ils ratissent large, arrêtant pourinterrogatoire plusieurs groupes d’individus distincts à lasuite d’un casse ou d’une action anonyme, par exemple.Or, si l’on se fait prendre « par erreur », cela ne veut pasdire qu’on peut répondre sans conséquence à leurs questions.Les flics ne sont pas là pour enquêter à charge ou àdécharge : dans la chaîne judiciaire, leur rôle est de trouverdes suspects, et de les charger. Non seulement on n’a rienà gagner à parler, surtout si l’on est « innocent », mais cequ’on dira pourra amener de nouvelles pistes ou en fermer,et donc malheureusement permettre aux flics d’aller arrêterd’autres personnes, ce qui peut être évité, simplementen se taisant.Il n e fa u t p a s p r e n d r e l e s f l i c sp o u r p l u s bê t e s ou p l u s m a l i n s qu’il sn e l e so n tOn est parfois effaré par l’apparente bêtise des flics (quipeut en outre s’avérer très réelle), ou bien au contraire effrayépar le sentiment qu’ils sont si bien informés qu’onest foutu d’avance. En général, ces deux impressions sontfausses, et en tout cas contre-productives. D’une part, ilfaut garder à l’esprit qu’on ne sait de la procédure que ceque les flics veulent bien nous en dire : cela peut très bienêtre un piège de leur part de cacher certains éléments qu’ilsont en leur possession, par exemple. D’autre part, ce seraitune erreur d’adapter son comportement à celui des flics :on risque alors de se faire balloter de la posture défensive àl’agressivité, du déni à l’aveu, de tomber dans le piège bonflic/mauvais flic, etc. De toute façon, ils essayent toujoursplusieurs techniques, plusieurs approches, pour trouver lespoints faibles de la personne qu’ils interrogent. L’importantest donc de rester constant dans sa stratégie, et le meilleurmoyen d’y arriver est bien évidemment de se taire. Voici


38garde à vuequelques exemples d’attitudes que peuvent adopter lesgardés à vue, et les dangers potentiels qu’elles font courir àl’ensemble des personnes mises en cause dans une affaire.En résumé : ne pas jouer le héros, ne pas faire le nigaud.Le baratineurC’est celui qui pense embrouiller les flics avec des histoiresà dormir debout. Il est toujours assez difficile de se sortird’une histoire que l’on vient d’inventer, au bout du compteon en perd toujours le fil. Les flics notent tout ce qu’onpeut leur dire, tandis que le baratineur retourne dans sacellule où on le laisse cogiter 1h, 2h, le temps de s’emmêler.Ce qui est en réalité une vraie terreur psychologique : oncogite sur ce qu’on a pu dire, ce qu’on va devoir inventerensuite, comment se sortir d’une contradiction, etc. Il peutparaître difficile de ne pas parler en GAV, mais il est encoreplus dur (et risqué) de s’embrouiller tout seul en cellule,ne sachant pas ce que d’autres personnes interrogées vontpouvoir raconter, ni ce qui se passe dehors.Le caïdC’est celui qui pense que les flics sont trop bêtes et veutparaître sûr de lui, et leur faire comprendre qu’il gère la situation.Ce climat de confiance est le meilleur terreau pourune de leurs techniques : trouver de quoi le caïd aime parler.Ils le lancent sur n’importe quoi, le foot, la politique,les filles, et sans qu’il s’en rende compte le sujet dévie : ilfinit par lâcher des informations. Être trop sûr de soi c’estrisquer de se faire piéger bêtement, comme tout le monde.En se taisant, on évite de se faire entraîner sur le terrain desflics, celui de l’enquête.Le persoC’est celui qui pense ne parler que de lui et jamais des autres.Le problème c’est que « moi, mon histoire, ma version »,ça n’existe pas dans une GAV. Il n’y a que des éléments dansdes dossiers, chacun étant très policièrement relié aux autres.Par exemple, une enquête de flagrance et une enquêted’instruction peuvent s’entrecouper, et des personnes nese connaissant pas peuvent être impliqués dans la mêmeaffaire (interpellations en manif, par exemple). Penser queparler « seulement sur soi » va pouvoir épargner les autres,ou qu’on va mieux s’en sortir seul en parlant, est une grossièreerreur. On n’a pas idée de ce que les flics ont derrièrela tête. Dire que l’on ne connaît untel que de vue, qu’on l’aseulement croisé à tel endroit, peut être désastreux, parexemple pour la personne en question si elle n’est pas censées’être trouvée à cet endroit, ou pour soi car si on a fréquentéuntel c’est que certainement on connaît tel autre,etc. Encore une fois, tout est potentiellement utilisable parles flics pour faire des liens, recouper des infos, trouver despistes pour charger. Mieux vaut ne pas faire cavalier seul, etrester discret sur soi et sa petite vie aussi.Le naïfC’est celui qui se fait berner, qui croit tout ce que les flicsessaient de lui faire gober : faux témoignages, faussespreuves, menaces, tout le fait flipper. On aurait tendanceà penser que les preuves matérielles (photos, vidéos, relevésd’empreintes) sont assez solides pour pouvoir fairecondamner quelqu’un, mais ce n’est pas le cas. Il faut savoirqu’aux yeux d’un juge ce ne sont pas des preuves, tantqu’on ne s’est pas reconnu sur les images. Se taire, mêmedevant l’évidence, suffit à ce qu’elles ne puissent pas êtreutilisées comme preuves (ce qui ne veut pas dire qu’ellesne seront pas maintenues dans le dossier). Les flics ne peu-


garde à vue 39vent pas tout savoir, et en tout cas on n’a rien à gagner àtout leur dire, car très souvent ils bluffent pour faire confirmerpar un suspect de simples soupçons qui ne leur permettaientmême pas de mener l’affaire devant un tribunal.« Allez on sait bien que c’est toi qui l’as fait... » et tous cesridicules pièges ne doivent pas faire effet, il suffit souventde leur opposer le silence pour tout désamorcer.La vierge effarouchéeElle s’étonne de se retrouver là, explique qu’elle n’a rien àfaire dans cette histoire. Parfois, c’est feint, la vierge n’estpas toute blanche, et parfois, il arrive que les flics arrêtentquelqu’un qui n’a effectivement rien fait. Dans les deux cas,la vierge effarouchée est prête à raconter n’importe quoi et àbalancer n’importe qui, pour se sortir de cet enfer qu’elle n’apas mérité. Parfois, c’est même inconsciemment : « Alorscomme ça vous êtes un habitué de ce genre d’endroit? –Non, pas du tout, j’allais juste rendre visite à ma copine ! »Mais peut-être que ce qui les intéressait, c’était justement deprouver que ladite copine était à cet endroit à ce moment !La vierge effarouchée risque seulement, en se débattant, defaire plonger d’autres personnes, voire de se retrouver réellementembarquée dans l’affaire (si les flics considèrent qu’ellesemble décidément très proche d’un groupe surveillé, parexemple). Quand on n’a rien fait, on n’a rien à gagner à essayerde le démontrer : les flics n’enquêtent pas à décharge.Mieux vaut donc prendre son mal en patience.Il y a certainement d’autres exemples à trouver. En toutcas, on voit qu’on peut vite passer de celui qui veut s’ensortir à celui qui balance, et de celui qui fait le malin à celuiqui dit une connerie.Pe t i t e s t e c h n i q u e s dema ni pu lati o n po li ci è reQuand un flic pose une question, même si elle parait absurdeou anodine, au final il parvient toujours à avoir l’informationqu’il veut, car c’est une manière détournée defaire dire ce qu’il a envie d’entendre. « Vous êtes allé à Parisle 12, c’était pour faire un braquage ? – Bien sûr que non, jesuis allé voir ma sœur ! » Le flic a sa réponse : présence àParis le 12, peu lui importe la raison qu’on lui donne. Cetteinformation peut maintenant très bien venir s’intercalerentre les autres éléments du scénario qu’il a élaboré pourson enquête. Il existe bien sûr de nombreuses techniquesd’interrogatoire, que nous ne détaillons pas ici (n’utiliserque des questions ouvertes, revenir constamment sur lesquestions précédentes, poser des questions-pièges parmid’autres anodines).Quand on ne parle pas ou pas assez à leur goût, les flicspeuvent amener des « cadeaux de dernière minute »qu’ils sortent de leur manche, et là-dessus ils peuvent êtretrès forts. Parmi ces surprises, des déclarations de témoinsou de personnes qui se font interroger en même temps,qu’ils peuvent évidement créer de toutes pièces. D’où lanécessité de s’être mis au clair avec ses proches et ses acolytesavant la GAV , ou sinon dans les cellules (on peuten général se faire entendre en criant très fort) sur le faitque personne ne doit rien dire, et ne rien signer. On estalors beaucoup plus serein face à ce genre de fourberie dela part des flics. Ils peuvent aussi parler de vidéos ou dephotos accablantes, qu’on ne voit pas dans le dossier pourla simple raison qu’elles n’existent pas (sinon les flics ne sepriveraient pas pour les montrer et en faire non plus unemenace, mais un moyen de pression bien réel pour obtenirdes aveux). En clair, tant qu’ils prétendent avoir des preuvesmais qu’ils ne montrent rien, c’est simplement qu’ilsn’ont rien. Et s’ils montrent quelque chose, c’est peut-êtrefaux. On ne peut jamais faire confiance aux flics dans uneenquête, tout est fait pour faire parler. Il ne faut jamais ycroire, jamais confirmer ou commenter ce qui pourrait parla suite se révéler gênant, pour soi ou pour d’autres.Ne p a s p a r l e r , n e p a s s i g n e rLes PVNe pas avoir signé un PV, c’est une condition sine qua nonpour pouvoir contester ce qui y est écrit. Mieux vaut nerien signer, y compris le « PV de sortie » qui récapitulecomment la GAV s’est passée, mais qui est souvent falsifiépar les flics, car souvent ils ne respectent pas la procédureà la lettre ; on peut alors tenter d’obtenir une « nullité deGAV », ce qui légalement annule ce qui s’est passé pendantla GAV, comme la signalétique et le fichage génétique,ainsi que toute la procédure qui en découle. C’était assezrare mais il semble que depuis quelques mois ce type dedémarche se généralise. En revanche il vaut mieux ne pasdire au début de l’interrogatoire qu’on ne va pas signer lePV d’audition, et demander quand même à le voir à la fin,ne serait-ce que pour voir ce que les flics y ont écrit. Onpeut aussi demander à faire des modifications ; s’ils neveulent pas refaire le PV , il faut demander un stylo, faireles rectifications soi-même, et tracer un grand trait pouréviter les rajouts. Idem si on veut quand même signer unPV, un grand trait au-dessous du bas du texte évite les rajouts.C’est très important : signer ce genre de papier c’estdire qu’on est d’accord avec tout ce qui y est écrit.


40garde à vueLe fichageÀ un moment la PJ prendra photos, empreintes digitales,éventuellement ADN du gardé à vue. Il faut savoir qu’ilest toujours préférable et surtout possible de refuser, quandbien même les flics parlent de peines d’amende, voire deprison. Dans une GAV beaucoup de choses se jouent surle bluff. De nombreux exemples montrent qu’on peut trèsbien s’en sortir, et même être relaxé (ne pas avoir de peinepour avoir refusé le fichage). [...] Il arrive, pour certainesaffaires au moins, qu’ils le prennent à l’insu du suspect, enl’autorisant à fumer une cigarette dont ils récupèrent ensuitele mégot (et donc la salive qui se retrouve dessus), enlui prenant un vêtement (et donc des cheveux ou poils), ouen ramassant les couverts après le repas en cellule. Il fautdonc se méfier, et essayer de ne rien porter à sa bouche, çavaut mieux. En tout cas, il faut être attentif à tout ce quel’on touche et jette, et surtout avoir à l’esprit dès le débutde la GAV qu’on peut refuser le fichage. On peut tout refuser,même les photos. Par contre, une fois qu’on est fiché,c’est extrêmement compliqué (et même, souvent, impossible)de sortir des fichiers.L’intervention de l’avocatL’avocat peut faire des observations écrites dans la procédure.Si l’on a peur de faire certaines déclarations devantles flics (sur les conditions d’interpellation ou de détention,ou d’éventuelles pressions par exemple) il est vivementconseillé de le faire devant l’avocat, qui les joindra audossier. Tout dépend du rapport que l’on a avec l’avocat enquestion, mais il est préférable de poser d’emblée certainesbases. En fait, il vaut mieux être d’abord au clair avec soimême,par exemple sur le fait de ne pas donner son ADN,de refuser la comparution immédiate ou de ne pas parleren GAV. Si jamais on tombe sur un avocat commis d’office,il est nécessaire d’imposer ces bases. Parfois ils sont jeuneset inexpérimentés, parfois vraiment nuls. Il faut garder àl’esprit qu’un avocat est un « conseil », ce n’est pas lui quidoit décider de la ligne de défense ou de l’attitude à adopter.Il est là pour vérifier l’application du droit, on peutdonc d’emblée évoquer une éventuelle « nullité ». Le faitest que parfois il panique et transmet sa peur. Par exempleil peut être persuadé que refuser une comparution immédiateentraîne forcément un séjour en préventive, ce quin’est évidemment pas le cas de façon systématique. [...]Te m p o r i s e r , e n r o b e r so n s i l e n c e« Je n’ai rien à vous dire ! »Parmi les droits du gardé à vue, on trouve celui de « ne riendéclarer », et celui de « faire ses propres déclarations »(concernant les conditions d’interpellation ou de détention,les pressions psychologiques, ou autres). [...]On peut inventer des raisons de ne pas leur parler (évoquerune histoire de famille qui fait qu’on ne peut pas leur faireconfiance) tenir des revendications et leur faire comprendreque ce n’est qu’une fois ces conditions réunies qu’onconsentira à leur parler (par exemple, des exigences d’hygièneou de confort tout aussi absurdes qu’impossibles,comme un bon steak et une grosse couette) [..] De plus,une fois passé l’entretien réglementaire avec l’avocat, onpeut leur renvoyer qu’il conseille de se taire, et de refuserle fichage par-dessus le marché, pour essayer d’obtenir une« nullité » de GAV. On peut enfin simplement décréterqu’on ne comprend pas ce qu’on fait là et qu’on n’a rien àdire à la police, qui nous prend notre temps et nous importune: « je n’ai rien à me reprocher ».Dans tous les cas il ne faut pas entrer dans un débat oucommencer à argumenter avec les flics. On peut s’en tenirà des exigences et des déclarations, mais il ne faut jamaisrépondre à leurs questions.L’ennuiComment tromper 24, 48, voire 96 heures d’ennui et defrustration ? Les moyens sont légion, les résultats incertains,mais en gardant en tête son objectif (ne pas parler !),on évite déjà de se prendre la tête sur la nouvelle histoirequ’on va devoir inventer, sur les conséquences de telle outelle déclaration qu’on a déjà faite, etc. Ce n’est qu’un salemoment à passer, pour l’instant il s’agit de s’occuper. Fairedes pompes, des abdos, ça permet d’évacuer un peu destress, et de se sentir plus fort. Dormir est souvent la solutionde facilité en GAV , surtout si on arrive alcoolisé ouen pleine nuit. Il faut bien se reposer sans trop se ramollir,pour pouvoir bien retenir toutes les informations utiles etles « bonus ».Les bonusEn étant attentif à l’environnement, et selon la bêtise decertains flics, on peut entrevoir certains éléments qu’ilsessaient de cacher et qui permettent d’en savoir un peuplus sur leur enquête, et donc de s’éviter d’autres ennuis,ou encore de pouvoir prévenir des personnes qui pourrontêtre « inquiétées » par la suite. Par exemple, sur un tableaumural dans les locaux où se déroulent les auditions, maisaussi sur le bureau, quand les flics discutent entre eux, autéléphone, dans le couloir, etc. on peut récolter une fouled’informations (y compris les noms des flics et des jugesqui sont écrits sur les PV , qui permettent de différencierfacilement les enquêtes).


tauletaule 41Texte d’un prisonnierdu mitard de Bois d’Arcyfin février 2009 – nantes.indymedia.orgEn prison, régulièrement, commeun réflexe de survie, ceux qu’on yenferme se révoltent. Mais pour fairetaire et soumettre les prisonniers, lesmoyens ne manquent pas.Quand on arrive en prison, privé detout, on peut penser qu’on n’a plusgrand-chose à perdre. Mais l’AdministrationPénitentiaire s’est dégagéede larges marges de manœuvre pourfaire craindre aux détenus une détériorationde leurs conditions de vies’ils ouvrent un peu trop leur gueule,ou s’ils violent les règlements. Leschantages sont nombreux.Le premier, et sans doute le plusefficace, c’est celui des remises depeine qui raccourcissent la durée del’incarcération : celles qui sont automatiquementdéduites au momentde la condamnation (RP) ; et cellesdonnées chaque année en échange detravail, études ou soins (RPS). Maisces remises de peine peuvent aussiêtre supprimées en cas de mauvaiseconduite. Et c’est la même chosepour les aménagements de peineque décide le juge d’application despeines après avis de la direction.Ensuite, de manière non officielle, il ya tous les « privilèges » et les petitesvengeances que la direction ouun simple maton peuvent proposerou faire subir. Le détenu, s’il est enbon terme, pourra plus facilementavoir des douches supplémentaires,une cellule seul, l’accès aux activités,les parloirs prolongés, etc. Parcontre, s’il refuse de jouer ce jeu-là,les difficultés peuvent rapidements’accumuler pour obtenir quoi que cesoit. En prison, on est impuissant faceà la machine, et pour chaque gestede la vie quotidienne, il faut passerpar l’administration, qui a donc lesmoyens de faire chier : le courriertraîne ou disparaît, l’attente s’éternisepour avoir accès aux activités, toutesles démarches sont ralenties oumême bloquées.Enfin, il y a aussi le recours le plusofficiel, celui du passage en commissionde discipline. Il existe un tableaudes fautes et des sanctions recensées,mais qui reste suffisamment flou pourque ne soit pas gêné l’arbitraire dujuge. Une même faute, selon l’interprétation,pourra être classée en 1er,2ème ou 3ème degré de gravité.En commission de discipline, mêmedéfendu par un avocat, on fait encoremoins semblant de se vouloir équitableque lors d’un procès au tribunal,puisque la personne qui te jugeest aussi celle avec laquelle tu es enconflit. Généralement, c’est le directeurde la prison.Les peines qu’il peut prononcersont l’avertissement, le mitard, leconfinement, le sursis, la suspensiond’un parloir, d’une activité, ou d’unservice (cantine, télé, etc).Le mitard, c’est la prison dans laprison. Les conditions sont prochesde celles de la garde-à-vue. Le détenuest isolé dans une petite cellule (depréférence dégueulasse) dans un bâtimentisolé des autres. Le mobilier estrestreint : une petite table, un banc,un lit, et un chiotte lavabo, le toutscellé au sol. Pas de cantine, pas detélé, et les seules affaires qu’on peutconserver sont le matériel de correspondanceet la lecture (du moins enthéorie). Le détenu n’a pas mêmele droit à des habits autres que ceuxqu’il porte sur lui ; et un seul pullsuffit parce que le froid fait partie dutraitement. La fenêtre est suffisammentépaisse, ou sale, ou grillagée, outout à la fois, pour qu’il soit difficilede voir dehors. La lumière, c’est auchoix de la prison : ou elle est insuffisantepour lire sans se fatiguer, ouelle est éblouissante, et empêche dedormir. Le détenu a le droit à uneheure de promenade par jour, seuldans une minuscule cour grillagée, età une seule visite par semaine. Il y aaussi les spécialités de chaque prison.Dans l’isolement total du mitard, lesmatons règnent en maîtres : il y a lestabassages de détenus, qui finissentparfois tragiquement comme on a vuà Villepinte le 6 janvier. Plus fréquemment,ce sont les petites brimadeset humiliations : laisser la lumièreallumée la nuit, mettre le paquetageen bordel, y déverser de l’huile, yvoler des objets, etc.Le transfert vient aussi parfois s’ajouterà la peine de mitard pour éloigneret isoler un détenu, et l’envoyer depréférence dans une prison encoreplus stricte avec quelques consignes.Lors d’actions collectives par exemple,après avoir désigné des leaderset les avoir condamnés au mitard, onfinit ensuite par les transférer pourstopper là le début de solidarité. Letransfert est aussi utilisé pour éviterque ne parlent entre eux les détenus,


42taules u r l a t a u l e :Infos et petites recettes pourles proches de détenu(e)sCette petite brochure (datant de 2003) donne desréponses aux premières questions (toujours angoissantes)que se pose toute personne pour qui le mondecarcéral est inconnu. Mais, s'il n'y avait qu'un conseil àdonner, ce serait celui-ci : ne pas rester isolé(e).http://infokiosques.<strong>net</strong>/spip.php?article61Guide du prisonnier de l’OIPCe guide de l'Observatoire international des prisonspermet de connaître ses droits à l'intérieur de laprison. Il peut être utile pour les prisonniers etleurs proches afin de ne pas se laisser écraser parl'Administration pénitentiaire. Une version de ceguide peut être lue sur le site de Ban public, Associationpour la communication sur les prisons etl'incarcération en Europe :http://prison.eu.org/spip.php?article314L’EnvoléeL'Envolée est un journal critique du système carcéralet judiciaire, et du monde qui le génère. Lestextes publiés viennent à la fois de l'intérieur et del'extérieur de la détention. Disponible par courrier àL'Envolée, 43 rue Stalingrad 93100 <strong>Mo</strong>ntreuil. Gratuitpour les prisonniers.http://lejournalenvolee.free.fret ne s’ébruite une sale affaire commeun assassinat déguisé en suicide.Le placement à l’isolement aussi n’estthéoriquement pas une sanction,mais une manière de protéger (!) leprisonnier ou le reste de la détention.Dans les faits, c’est aussi un moyen depression supplémentaire. Quand lespreuves ne sont pas suffisantes pourenvoyer quelqu’un au mitard, onpeut toujours le mettre à l’isolementsous un quelconque prétexte.Les perturbateurs doivent rapidementêtre isolés avant qu’ils ne contaminentle reste de la détention. Touten espérant qu’ils ne se remettent pasde cette dure épreuve.Ce texte n’a pas pour objectif dedénoncer des abus. Tant que certainshommes en enfermeront d’autres,il faudra qu’ils mettent au point desstratagèmes pour éviter que ça leurpète à la gueule.Ce texte n’a pas non plus l’objectif deplomber l’ambiance, et de dire queplus rien n’est possible. Tant qu’il yaura des prisons, il y aura des prisonnierspour les détruire.Même noyé dans la merde de laprison, notre situation est précaireet susceptible de s’aggraver. Maisquitte à prendre des coups, autant sedéfendre.A se soumettre devant eux, on perdquelque chose de plus précieux quece qu’on croit gagner. C’est plusqu’une question de principe, c’estune question de survie. Pas de martyr,mais de l’organisation, solidarité,et de l’intelligence collective pourêtre plus fort.Que vive la révolte !Lettre de Frank depuisla prison de La Santémars 2009 – nantes.indymedia.orgSalut aux copains, camarades, compagnonset à tous les prisonniers !Je suis incarcéré au bloc A de laSanté, le dernier bloc ouvert de laprison, dans une cellule appelée parl’AP [Administration Pénitentiaire]“DPS” (Détenu ParticulièrementSurveillé) juste parce qu’elle est individuelle.A part ça sa taille est aussiparticulière puisqu’elle fait moins de5m2 ! (pour vous dire je touche lesdeux murs latéraux en écartant lesbras, et je suis pas large !) Les autrescellules sont de 3, 3 lits superposésjusqu’au plafond et, de plus en plus,ce qui a l’air d’être nouveau, sont 4en cellule. Ça déborde, ça déborde,comme partout… Tout le monde ditque l’été sera chaud… on verra.Ici, même les “docteur Mengele” del’UCSA [Unité de Consultations etde Soins Ambulatoires], ils sont pourla destruction de la prison. Sûrementparce que c’était un projet de l’Etat.Mais politique pénale oblige, il y atoujours 700 prisonniers à peu près.Et vu les coups de peinture qu’ilsarrêtent pas de donner, ça a pas l’aird’être prêt de fermer. Au moins ilnous reste encore le plaisir de voirquand on va au parloir les 3 autresbloc désaffectés. C’est beau uneprison abandonnée ! J’allais dire enruine mais comme c’est le cas de toutela prison… comme dans pas malde vieilles taules. Les douches, avecla moisissure qui goutte du plafond,ça vaut le détour. Et comme ailleurs,c’est là que les prisonniers attrapentpas mal de maladies, genre hépatites.Quand je dis ça à la docteur Mengelede l’UCSA, elle me répond “ben, fautpas prendre de douche alors ah ah ah”.C’est l’humour de la pénitentiaire qu’adû déteindre sur elle. Enfin, après unblocage l’année dernière, la douche estmaintenant <strong>net</strong>toyée tous les jours…De toutes les manières, ça ou uneprison ultra moderne aseptisée, lesconditions de détention sont toujoursune peine supplémentaire.Partout, il faut se battre pour tout. Là,le dernier blocage qu’il y a eu, c’était…pour pouvoir cantiner des oeufs… unelutte victorieuse ! Mais il y a un mois,l’AP a voulu augmenter le prix de toutesles cantines de 10%, comme quoi la“crise” bénéficie pas qu’aux banques.Plusieurs mecs ont écrit pour protesteret c’est redescendu direct à 5%...A quand les blocages pour le pouvoird’achat des prisonniers ? Et, pour laliberté, contre l’enfermement que cemonde d’exploitaition utilise toujoursplus pour maintenir son ordre social.On peut rêver… Dedans comme dehors,bloquons tout !Bon pour revenir à la réalité d’ici, enpromenade on n’est jamais très nombreuxvu les séparations de l’AP (parétage et entre “travailleurs” et “inoccupés”),on parle parfois de ceux rendus


contrôle judiciaire 43contrôle judiciaireaccrocs aux cachetons qu’ont étéenvoyés au SMPR [Service Médico-Psychologique Régional], sorte d’H.Pdans la taule, double enfermement !D’ailleurs, aux arrivants, le docteurMengele de service, à ma réponsenégative au fait de voir un psy, m’avaitdit : “ah, vous faites bien, quand oncommence à entrer là-dedans… aprèsc’est les cachets et… (comme s’il separlait à lui-même) non, ils méritentpas ça, ils sont condamnés à la prisonmais pas à ça, non…” Sacré schizophrènelui en tout cas !On parle aussi de Christophe Khiderqu’est juste à côté de nous (avant aumitard maintenant au QI [Quartierd’Isolement]) et Omar Top-el-Hadj,que “quelques-uns” connaissent. Et onse dit que ces bâtards ils vont leur enfaire voir de toutes les couleurs maison se dit aussi qu’ils ont eu plus queraison et que c’est bien dommage queça ait pas duré plus longtemps !Sinon ici la grande majorité sont làpour “rien du tout” comme on dit ici,c’est-à-dire des trucs qui avant amenaientpas en prison. Conduite sanspermis, petite quantité de drogue, volà l’étalage… Il y a pas mal de mecsd’Europe de l’Est dont certains ontété extradés de leur pays en France ;l’Europe ça marche ! Il y avait aussi undes sans-papiers inculpé de l’incendiedu centre de retention de Vincennesqu’est sorti le mois dernier (il a nié lesvidéos et les flics l’ont pas reconnu).Bon je vous laisse, en espérant que lagrève générale illimitée et sauvage estpour bientôt… et de vous y retrouver auplus vite ! Allez force et déterminatio<strong>net</strong>… toujours à bas toutes les prisons !La prison à la maison ?Quelques notes sur le contrôle judiciaire...juillet 2009 – infokiosques.<strong>net</strong> – extraitsLe contrôle judiciaire a été créé en 1970. Présenté à l’époque comme unealternative à la détention provisoire, il permet au juge de garder une personnesous la main de la justice en attente du procès sans pour autantremplir les prisons. Souvent présenté comme une façon d’échapper à laprison, il permet à l’État d’avoir le contrôle sur une personne suspectée.En ce sens, il constitue une autre forme de sanction, qui vient s’ajouter àl’incarcération et étend les possibilités de la justice pour contrôler et punir.En fait, le contrôle judiciaire s’ajoute doublement à la prison : d’abord parceque, de fait, les prisons sont toujours aussi pleines, on n’envoie pas moinsde gens en prison, ensuite parce que la période passée sous contrôle judiciairen’est pas comptabilisée dans la condamnation (contrairement à ladétention provisoire), elle s’ajoute à la période d’incarcération.Concrètement, le juge choisit parmi un panel de règles et d’obligations :pointages réguliers dans un commissariat (de une fois par mois à une foispar jour), suivi social (obligation de travailler ou de rechercher un emploi),interdiction de se rendre dans certaines parties du territoire, interdictionde voir certaines personnes, restrictions d’horaires, interdiction de quitterson domicile, obligation de soin, interdiction de se déplacer hors du cadreautorisé sans l’avis du juge d’instruction… Toutes ces règles personnaliséesmultiplient les raisons d’être incarcéré (ou réincarcéré) car ne pas les respecterpeut être puni de plusieurs mois de prison. Elles sont des contraintesqui agissent sur le quotidien : une partie assure « l’insertion sociale »,l’autre la surveillance pure et simple.Les dispositifs voués à la mise au travail et au contrôle se développent surtoute la population.La fonction sociale de la prison est de gérer la misère et d’être un repoussoirpour tous afin d’accepter l’exploitation. Sous couvert d’objectifs d’insertion,le suivi social ressemble bien souvent à une mise au travail forcée.Ainsi, les dispositifs du contrôle judiciaire sont similaires à ceux du contrôledes chômeurs, où le moindre faux pas peut être suivi d’une suppressiond’Assedic ou autres allocations. Ce sont autant de rendez-vous qui rappellentà l’ordre et contraignent à accepter n’importe quel boulot. Bien déçucelui qui pense y trouver une activité épanouissante, il n’y trouvera quetravail de merde et discipline.Le contrôle judiciaire est toujours un contrôle des déplacements et desfréquentations, dans une dépendance permanente aux instances judiciaires.Les projets personnels sont, dès lors, placés sous leur surveillance etsoumis à leur accord. Ainsi, dans beaucoup d’affaires, des proches sont


44contrôle judiciairec o n t r ô l e j u d i c i a i r e d’un e p e r s o n n e m i s e e n e x a m e n : q u e l q u e se x e m p l e s d e l’é t e n d u e d e s p o ss i b i li tés d’a s t r e i n t e s ...considérés comme des complices etil est interdit de les rencontrer, ce quia pour conséquence d’isoler et de briserles liens. Parfois même, le contrôlejudiciaire interdit de se rendre dans leterritoire de son lieu d’habitation.Cette surveillance est facilitée et renforcéepar un maillage policier resserrésur tout le territoire. L’ensemblede la population est régulièrementcontrôlé : la vidéosurveillance se développeencore, jusque dans les ramesde métro et les halls d’immeuble, lestéléphones portables permettent desuivre à la trace et de connaître le car<strong>net</strong>d’adresse ; dans les transports encommun la puce du « pass navigo »permet d’obtenir des informations surl’identité, les droits sociaux, les stationsempruntées ; sur les routes la sécuritéroutière est un bon prétexte aux contrôles ; dansles rues les contrôles au faciès vont bon train. Les contrôlesde douane ne se font plus seulement aux frontièresmais sur tout le territoire. Les frontières se matérialisentà chaque contrôle de papier au travers duquel certainspassent et d’autre non.En prison, les interdictions et l’absence de liberté sontpalpables à chaque instant à travers les murs et les barreaux.Avec le contrôle judiciaire, chacun est somméd’intérioriser les interdits et les obligations. A l’instarde bien d’autres aspects de notre société au premierrang desquels le salariat, le contrôle judiciaire participede cette intériorisation de la résignation, de cette autodisciplinequi doit faire accepter à chacun de rester à saplace et de ne pas faire de vagues. Ceci a pour objectifde neutraliser toute volonté d’émancipation et de révolteface au fonctionnement de cette société. Les assignationsà résidence et les interdictions de rencontrerdes proches favorisent l’isolement, le repli sur soi et lalimitation des déplacements au trajet domicile/travail,ce qui représente pour le pouvoir le mode de vie idéalpour contrôler et gérer la population.Comme face à toute mesure visant à soumettre et à contrôlerchacun, que ce soit dans les transports, au travail ou àla CAF, il existe de multiples formes de résistances et decontournements des mesures du contrôle judiciaire. Toutessortes d’arrangements, de magouilles et d’esquivespermettent de ne pas se soumettre en permanence, decontinuer à vivre et donnent pleins de raisons de ne pas serésigner. Dans chaque procédé de contrôle, il y a toujoursdes failles et ce n’est pas l’accumulation de ces mesurescoercitives qui entameront la détermination à lutter pourune société libérée de l’exploitation et de l’enfermement.Voici quelques extraits de témoignages de personnessoumises à un contrôle judiciaire et dont certaines expliquentpourquoi elles s’y sont soustraites.La personne mise en examen « sera astreinte à se soumettre aux obligationssuivantes :Art. 138 1° - Ne pas sortir sans autorisation préalable des limites territorialessuivantes : ...Art. 138 2° - Ne pas s’absenter de son domicile ou de sa résidence qu’aux conditionsou pour les motifs suivants : pour l’exécution de son activité professionnelle,se rendre chez son conseil, répondre aux convocations de l’autoritéjudiciaire et des services désignés dans la présente ordonnance.Art. 138 5° - Se présenter une fois par semaine au Service de l’Exécution desDécisions de Justice.Art. 138 6° - Répondre aux convocations de l’autorité judiciaire et de lapersonne désignée ci-dessous :Service du contrôle judiciaire,Justifier de ses activités professionnelles ou son assiduité à un enseignement,un rapport trimestriel nous sera adressé.Art. 138 7° - Remettre les documents justificatifs de son identité suivants augreffe du juge d’instruction, en échange d’un récépissé valant justificatifd’identité : sa carte d’identité et son passeport.Art. 138 9° - S’abstenir de recevoir, rencontrer ou d’entrer en relation dequelque façon que ce soit avec les personnes suivantes : x, y & z »r é i n c a r c é r é p o u r “v i o l at i o n dec o n t r ô l e ju d i ci ai re” (m a r s 2009)« Après près de dix mois en “liberté provisoire”, les jugesm’ont réincarcéré le 11 mars pour “violation volontaireaux obligations de contrôle judiciaire”. Sur la based’un rapport de la section anti-terroriste de la brigadecriminelle, ils me reprochent d’avoir parlé avec Ivan lorsde deux manifestations de solidarité avec “Inès et tousles prisonniers” au mois de Janvier. Que les sources dece rapport de police soient plus que troubles, qu’il necomporte aucune photo à l’appui et que je me sois expliquén’y a strictement rien changé. Dans un monde oùpolice et justice sont les deux faces de la même machineà opprimer, rien de bien étonnant là-dedans.« Sans doute auraient-ils voulu qu’après 4 mois de détentionpréventive pour “association de malfaiteurs en lienavec une entreprise terroriste”, nous prenions peur etnous désertions ce qui était, avant l’offensive de l’État,nos terrains de lutte, pour la liberté de tous, contre tousles enfermements. Cela n’a pas été le cas, car de l’autrecôté du mur, face à la logique judiciaire d’emprisonnementmassif des pauvres et des étrangers, face à la réalité carcéraled’écrasement et d’annihilation, nos idées et notrerage n’en sont sorties que plus déterminées. C’est doncbien pour cela, parce que nous sommes restés debout, refusantl’isolement qui nous était promis, que les juges sesont décidés à nous “punir” et à nous renvoyer derrière leshauts murs. D’ailleurs dans l’ordonnance il m’est reprochéd’avoir plusieurs fois osé demander des modifications ducontrôle judiciaire, montrant bien ce qu’est le contrôle judiciaire,une “liberté” surveillée par les juges, les flics et lesassistantes sociales ; et à condition de fermer sa gueule. »


contrôle judiciaire 45Enc o r e un c l o u t o r d u ... (m a r s 2009)« J’étais convoqué mercredi avec la prison garantie à lafin de l’interrogatoire. Je veux vous adresser quelquesmots au moment où je suis contraint de disparaître,à chavirer le cours de ma vie, engluée au TGI de Paris.C’est la veille du jour où je pensais voir mon contrôlejudiciaire (CJ) descendre d’un cran, important, celui del’assignation à résidence, que j’ai appris que des rapportsde police bidonnés me signalaient à des manifs etrassemblements de solidarité avec Frank, réincarcérédepuis hier mercredi 11 à la Santé. Les procureurs voulaientnous voir enfermés tout comme la juge d’instructionqui nous avait promis la taule à la prochaine infractionde CJ. J’ai choisi de leur échapper.Que dire de cet acharnement, sinon que le CJ au-delàde tenir à disposition de la Justice, leur permet desanctionner bien au-delà des faits jusqu’à nos attitudes.Et les juges d’argumenter sur la base de commentairespsychanalysants d’une assistante sociale àla fonction de contrôle ainsi explicitée.Que c’est de ne pas avoir renoncé à participer auxluttes qui nous traversent que la Justice se venge.« C’est avec autant de joie que de douleur que je mesoustrais à la fois à leur décision et à la vie que je menais.Je ne compte pas me cacher trop longtemps, nimême trop me cacher. »L i b e r t é c o n d i t i o n n e l l e ,c o n t r ô l e j u d i ci ai re, c o n v o c at i o n ...Q u e l q u e s f o r m u l at i o n s j u d i ci ai res...Extrait d’une ordonnance de miseen liberté assortie du contrôle judiciaire“Attendu (...) que le non respect du premier contrôlejudiciaire a été sanctionné par une révocationdudit contrôle qui a conduit (x) a revenir endétention pour presque deux mois ; qu’il auraainsi pu vérifier la réactivité de l’autorité judiciaire,réactivité dont il doit être désormais conscient etqui le cas échéant en cas d’un nouveau manquementaux obligations fixées ce jour, pourrait serépéter.”Extrait d’une ordonnance de rejetde modification du contrôle judiciaire“Attendu que si la relation sentimentale de (x) et(y) ne doit pas être ignorée, il n’en demeure pasmoins que l’instruction de ce dossier n’est pasachevée et que leur relation échappant à tout contrôleserait de nature à compromettre le déroulementde l’information.”Extrait de convocation d’un mis en examen“Je vous invite à vous présenter à mon cabi<strong>net</strong>(...) Si vous ne comparaissez pas, vous pourrez yêtre contrainte par la Force Publique.”Extrait d’une ordonnance de rejetde modification du contrôle judiciaire“Par sa demande de modification de contrôlejudiciaire portant sur deux points essentiels denotre ordonnance [interdiction de voir sa sœur,et domiciliation chez ses parents], <strong>Mo</strong>nsieurcherche à réduire au maximum les obligations ducontrôle judiciaire et à obtenir des choses qui, sielles avaient été contenues dans une demande demise en liberté auraient fait obstacle à sa mise enliberté ; qu’il s’agit là d’une demande sans fondementréel, plus proche d’une manœuvre visant àvider de son sens le contrôle judiciaire, manœuvredont nous ne serons pas dupe (...)”


46contrôle judiciaireDes nouvelles depuis notre chez nous carcéraldécembre 2009 – Damien & Greg, Avignon – non-fides.frDeux ans et demi et certainementencore tout autant devant nous, avantde remettre les compteurs de notreredevabilité à zéro, d’en finir avecune compression de nos vies auxtonalités parfois sourdes et d’autresfois assourdissantes. Depuis les 20et 29 octobre, c’est dans une phaseassourdissante qu’elle est entrée. Noslieux de vie sont devenus nos cellules.Des cellules où les murs ne sont pasde béton, mais d’ondes magnétiques,où les barreaux sont invisibles,impalpables, mais bien présents. Oùle rôle du maton nous est imparti.À nous de nous escorter dans notrecellule aux heures fixées, de veiller àne pas enfreindre le règlement. À nosproches, également de partager lesconséquences de cette situation, d’ensubir les contraintes, de nous rappelerl’heure lorsque des fois / souvent,on a tendance à l’oublier. Une sorted’autogestion de notre enfermement.Nous venons donc d’écoper d’un Placementsous Surveillance électronique(PSE). Un bracelet électroniquecomme aménagement de notre peinede prison ferme. Une laisse virtuelleattachée à notre cheville, pour parleren termes clairs.« Il faut bien savoir que c’est pourvous éviter la prison que nous faisonstout ça. »Remarque lancée en guise de mise engarde par le maton venu installer lebracelet.Effectivement, le bracelet électroniquedevrait nous permettre de ne pasremettre les pieds en taule, son isolementet sa désocialisation radicale.De plus nous ne sommes pas seuls,nous sommes entourés, épaulés. Noussommes chez nous tous les soirs, prèsde nos amis, de nos proches. Si infimesoit-elle, nous gardons également unecertaine emprise sur nos vies, par lebiais de petites marges sur nos horairesde sorties, par le fait d’avoir toutde même suffisamment d’espace à nosdomiciles pour ne pas trop étouffer.En étant « dehors », hors des mursbien réels et physiques d’une taule, ilnous semblait aussi bien plus simplede pouvoir continuer à prendre partaux luttes, de conserver une part neserait-ce que minime de notre capacitéd’agir, de nuire.Nous avons été placé devant unchoix. Notre peine (pas plus d’un an)nous permettait d’obtenir un PSEplutôt qu’une incarcération. Et pourtoutes les raisons citées ci-dessus,c’est ce que nous avons choisi. Peud’autres possibilités s’offraient à noussi nous avions refusé le PSE. Nousn’en voyions que deux, l’incarcérationou la cavale. Cette dernière nousl’avons écartée, les conséquencesnous paraissaient bien trop lourdesen comparaison de la peine à purger.Nous avons fait le choix du PSE, maisen aucun cas nous n’en faisons uneévidence.Beaucoup trop de paramètres entrenten compte dans une telle décision.Pour des personnes isolées, atomisées,sans le moindre soutien, et cloitréesdans des clapiers à peine plusgrands que les 9 m2 cellulaires, cettedécision paraît peut être beaucoupmoins évidente.Mais plus largement, quel est cechoix ? Est-ce réellement un choix ?S’il paraît difficile de nier que le PSEpermet, dans certains cas, des conditionsun peu plus supportables quedurant une incarcération, il n’empêcheque ces deux mesures restent,de manière certes différente, desformes d’enferment, d’isolement etde contrôle, et conservent les mêmesobjectifs pour la justice et l’Etat.A travers elles, ils exercent leur besoinvindicatif, affirment leur autorité,soumettent les récalcitrants pardes mesures punitives, poussent versune réinsertion sociale en plaçantl’accès au salariat comme conditionde libération. Mais ils restreignentégalement des pratiques de lutte et desurvie aux strictes cadres de la légalité(et de la démocratie). Par la peur ilstentent de dissuader de toutes <strong>intentions</strong>offensives.Pour vous éviter la prison... nousvous proposons : la prison.En remplaçant un enferment par unenferment, un isolement par un isolement,une désocialisation par unedésocialisation, une perte d’autonomiepar une perte d’autonomie, onvoudrait nous voir nous réjouir et, desurcroît, ostensiblement. On voudraitnon seulement nous faire accepter,mais aussi apprécier, l’inacceptableen l’opposant à des situations toujourspires [1] .Dans la même logique, oui, le placementsous surveillance électroniquepermet plus de marges de manœuvrequ’une incarcération. Mais bien hypocritessont ceux qui maintiennentque c’est réellement un choix et leplacent au rang de progrès social. Onne choisit pas entre l’incarcératio<strong>net</strong> l’enfermement à domicile, on sedébat seulement face aux exactionsdu pouvoir. Et dans ce contorsionnementtout le monde ne réagit pasde la même manière. Chacun, enfonction d’une multitude d’élémentset de ses capacités à faire face, s’engagedans la voie qui le fera le moinssouffrir et/ou lui offrira le plus demarges de manœuvre.En acceptant le bracelet nous n’acceptionspas le discours qui fait delui une avancée, l’humanisation d’un


48expertise psyexpertise psyToutes les procédures criminelles sont accompagnées d’une expertise psychiatrique pour évaluer la santé mentale des misen examen. D’ailleurs cet examen se développe de plus en plus dans les affaires correctionnelles où il est encore facultatif. Lepouvoir de l’expertise et du médical s’immisce toujours davantage dans les procédures judiciaires.La lettre qui suit a été envoyée par l’un des mis en examen au juge et au psychiatre pour exprimer son refus de se rendre àl’expertise psychiatrique. Il ne s’agit pas de considérer cette lettre comme une position de principe vis-à-vis de ces procédures.Les conditions matérielles et judiciaires dans lesquelles on fait ce genre de choix et donc les risques encourus diffèrentgrandement si on est en détention ou pas, sous contrôle judiciaire ou sous la menace d’une nouvelle mise en examen.D’ailleurs, dans les affaires évoquées dans cette brochure, les positions des mis en examen n’ont pas été toutes identiques.Tout en refusant de cautionner ce type d’expertise, certains ont accepté de répondre à des questions, d’autres se sont rendusdevant l’expert sans rien déclarer et enfin d’autres ont donc refusé de se déplacer.Lettre à un expert psychiatrefévrier 2010 – L’Envolée n° 27, lejournalenvolee.free.frà Erik Nortier,<strong>Mo</strong>nsieur le diplômé de criminologieappliquée à l’expertise mentale,J’ai reçu votre courrier me convoquantpour une expertise psychiatrique,par vos soins, à la demande dujuge. Je suis tout d’abord étonné dece courrier car j’avais déjà dit au jugeque je refusais de me soumettre à cetexamen. J’avais d’ailleurs expliquémes raisons lors d’un interrogatoireil y a maintenant plus d’un an. Il mesemble donc que j’ai été mal compris,ainsi je vous écris cette lettre afin declarifier la situation. Je rejette radicalementla logique médico-judiciairede l’expertise qui prétend classer lesgens selon ce que vous définissezcomme normal ou déviant. Je rejetteégalement les individus s’autoproclamantexpert en tout genre, au servicede la justice, prétendant détenir lavérité en employant trois mots deplus de deux syllabes à la suite et enagitant vaniteusement un bout depapier servant de diplôme. Diplômequi permet parfois, il est vrai, d’entretenirun beau cabi<strong>net</strong> dans lesquartiers les plus bourgeois de Paris,comme le 17ème arrondissement,quartier très réputé pour le calme etla tranquillité qu’il procure, indispensablespour que l’expert puisse bienexpertiser. Votre condition d’expertest encore plus abjecte puisque vousvous présentez comme un spécialisteen « expertise mentale », prétendantappliquer cette logique de l’examentechnique et normatif à l’esprit desindividus. <strong>Mo</strong>n esprit et tout monêtre ne sont pas des objets d’expertiseà des fins judiciaires et je refuse doncde satisfaire vos penchants scientistesles plus vils en me soumettant auxexamens auxquels vous me conviez.Je vous donne tout de même quelqueshumbles conseils afin de remplirvotre rapport me concernant – quevous ne manquerez pas de transmettreau juge. Comme tout bon expertqui se respecte, vous devez expertiseret rendre rapport quoi qu’il arrive.<strong>Mo</strong>n refus par principe de l’expertiseme classe tout d’abord aisémentdans la catégorie des «paranoïaquespsychorigides», la justice ne viendrasûrement pas vous contredire sur cepoint. J’ai également une tendanceau «comportement asocial» puisqueje pense que la meilleure réponse àapporter aux gens méprisables devotre espèce est le plus souvent lesilence (remarquez que j’ai pris letemps de vous écrire cette lettre).Enfin je rentre largement dans la casedes individus au « psychisme largementdéviant », au vu de mes idéespolitiques, je vous renvoie notammentà la littérature saisie lors de laperquisition de mon domicile enjanvier 2008, figurant au dossier. Biensûr votre condition méprisable nemériterait pas la moindre attentionsi les institutions de la société danslaquelle nous vivons, et en particulierla justice, ne vous accordaient unsi grand pouvoir de disposer de lavie des gens au gré de vos rapportsd’expertises. C’est d’ailleurs, parmitant d’autres, l’une des raisons quime pousse à être en révolte contrece monde et tous ceux qui en détiennentle pouvoir. Je vous saurai gré, àl’avenir, de ne plus me faire perdremon temps, ni encombrer ma boîteaux lettres avec vos prospectus.DamienP.–S.: Une analyse graphologique decette lettre devrait peut-être vous permettrede me classer comme un être« instable », c’est à vous de voir…


adn adn 49Sur l’adnjuillet 2009 – adn.inter<strong>net</strong>down.org – extraits« Saint-Chéron. Les voleurs de tuyaux iront derrière les barreaux. Les habitantsde Saint-Chéron peuvent se rassurer : leur toilette matinale n’estplus menacée… Grâce à des mégots de cigarettes retrouvés dans la maisonqu’ils ont occupée pendant trois mois, les deux voleurs ont été confonduspar leur Adn »« Retrouvés grâce à l’ Adn. Deux des quatre hommes qui avaient braqué,le 24 avril dernier, la bijouterie Aurélia, au 47, avenue de Saint-Ouen (17e),et emporté 200 000 euros de bijoux, ont été formellement identifiés. Des prélèvementseffectués dans une voiture abandonnée dans un parking de Seine-Saint-Denis, qui avait été utilisée pour le braquage d’Aurélia, ont permis dedécouvrir des traces de l’Adn des deux jeunes hommes, âgés de 19 ans »« Villiers-Adam. Le voleur de voitures retrouvé grâce à son Adn … Unesérie de prélèvements ont été effectués dans le véhicule comme sur les objetsretrouvés, ce qui a permis d’isoler quatre empreintes Adn distinctes. Il afallu attendre cet été pour que deux des quatre Adn soient identifiés grâceau Fnaeg (Fichier national automatisé des empreintes génétiques) »On entend ces formules presque tous les jours dans les médias.L’Adn serait la reine des preuves, la vérité implacable,irréfutable, indiscutable.Et pourtant, on a bien envie d’en discuter. Quand on me dit« c’est sûr, c’est ton Adn », qu’est-ce qui me dit que c’est vraimentmon Adn ? Et, même si c’était vraiment le mien, pourquoile seul fait qu’il y ait mon Adn quelque part suffirait àme rendre coupable du délit qui a été commis à cet endroit? <strong>Mo</strong>n Adn aurait été retrouvé sur une bouteille jetée sur unflic. Cela prouve-t-il que c’est moi qui ai jeté cette bouteille ?Lorsqu’on entend parler d’Adn, c’est souvent au sujet de présumésvioleurs en série, meurtriers de longue date, ou autrepersonnage monstrueux. Mais chaque jour dans les commissariats,les flics prélèvent de l’Adn à des personnes accuséesde simples délits comme un vol dans un supermarché ou untag sur un mur. Les flics demandent de cracher de l’Adn –comme si l’Adn crachait la vérité suprême.On ne veut pas dire que l’Adn n’existe pas, serait une pureinvention, un gigantesque complot, mais expliquer commentil est utilisé aujourd’hui, dans quel but et par qui.L’Ad n , q u’e s t -c e qu e c’e s t ?« Bussy-Saint-Georges. Le voleur trahi par son Adn. Joseph, 47 ans, sera jugécet après-midi pour un important vol de barres. Retrouvé deux ans après lesfaits grâce à son Adn… A l’intérieur [de l’entreprise cambriolée], un gobeleten plastique sur lequel apparaît une nouvelle fois des traces Adn »L’Adn, ou Acide DésoxyriboNucléique est, d’après certainesdécouvertes scientifiques, une molécule présente dans lescellules des organismes vivants (chez les êtres humains, commechez les animaux ou dans les plantes, mais on ne va parlerici que de l’Adn humain, c’est déjà assez compliqué commeça). Les chromosomes sont le support de cet Adn qui codepour des informations héréditaires (comme la couleur descheveux, des yeux, de la peau...). On dit une « séquence »Adn : une longue liste d’informations, que certains appellentle « programme génétique ».On entend toujours parler de « l’Adn », mais il en existe deuxtypes très différents : l’Adn nucléaire et l’Adn mitochondrial.L’Adn nucléaire est celui qui se trouve dans le noyau des cellules.Il serait unique, chaque individu en aurait un, différentde tous les autres. Cet Adn est dans les cellules dites « vivantes» : la salive, le sang, le sperme, les bulbes des cheveux...Dès qu’il se détache du corps, il se dégrade facilement (avecle temps, la chaleur...). Quand les cellules sont encore vivantes,qu’elles ont encore leur noyau, les flics prélèvent l’Adnnucléaire, parce qu’il est le plus discriminant. Mais cela neleur est pas toujours possible. Souvent, au moment de l’analyse,l’Adn nucléaire n’est plus exploitable, et la plupart descellules présentes sont des cellules mortes qui ne donnent accèsqu’à un Adn mitochondrial. C’est la raison pour laquellela plupart du temps, la police scientifique ne trouve que del’Adn mitochondrial.En effet, l’Adn mitochondrial se conserve mieux, et plus longtemps.Il se trouve dans les mitochondries, qui sont des structuresintracellulaires. Il est dans les cellules vivantes, mais aussidans les cellules dites « mortes » : bouts de peau, cheveux sansbulbe... Cet Adn n’est pas unique, il est transmis par la mère. Des


50adnfrères et sœurs, comme toutes les personnes issues d’une mêmelignée maternelle, ont le même Adn mitochondrial. L’Adn mitochondrialest même si peu discriminant que deux personnesn’appartenant pas à la même famille peuvent avoir le même profild’Adn mitochondrial. Ainsi, à Mulhouse, une personne s’estvu accuser d’un meurtre du fait qu’elle partageait le même Adnmitochondrial qu’une autre personne qui ne faisait pourtant paspartie de sa famille.L’Adn est utilisé dans de multiples domaines, notammentpour tenter de soigner les maladies génétiques, pour établirdes liens de parenté (loi sur l’immigration, recherches généalogiques...),pour déterminer des « coupables ». On parleraici surtout de cette dernière utilisation.On dit une « trace » et un « profil » Adn. La « trace », c’est lemorceau de corps humain qui va être étudié : un poil par exemple.La trace contient un Adn nucléaire et/ou mitochondrial. Dechaque trace, on peut sortir un « profil » qui se présente sousla forme d’une suite de lettres qui correspondent à une partiede l’Adn d’un individu. Ce n’est qu’un petit bout de toute la séquenceAdn. Les scientifiques choisissent quelques endroits dela séquence Adn. Un profil Adn correspond à l’analyse de 8 ou15 points de la séquence Adn. Ces petites parties sont appelées« sites » ou loci (locus). La plupart des bouts d’Adn analysésne sont pas « codants », sauf un, qui correspond au sexe. Sontcodantes les parties qui sont associées à des caractéristiques biologiques(physiques : couleur des yeux, de la peau... ; ou physiologiques).Il y a très peu de différences entres les parties codantesde deux personnes (car tout le monde a deux bras, deux yeux...)tandis que les parties non codantes varient beaucoup d’un individuà un autre.Les flics utilisent l’Adn pour tenter de condamner des personnes,ils prélèvent donc des traces et en sortent des profils.Depuis 1998, les profils sont entrés dans un fichier : c’est leFNAEG, Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques,qui approche aujourd’hui un million d’Adn. Ensuite,c’est le jeu du memory : les flics cherchent des correspondancesentre les différents profils.L’Ad n n’e s t qu’un ed é c o u v e r t e sci enti fi q u e« Interpellé quatre ans après à cause d’un gant. Encore une affaire élucidée grâceaux progrès de la science… Les malfaiteurs repartent avec 6000 euros, oubliantderrière eux des gants de chirurgien utilisés pour ne pas laisser de traces. Unélément conservé dans les pièces à conviction et dont l’Adn vient de parler. »On n’avait jamais entendu parler d’Adn avant les années cinquante.Cette découverte est le fruit d’expériences et de calculsde probabilités, comme il en est pour toutes les sciences expérimentales(biologie, physique… c’est de ce type de sciencedont on parle ici). Souvent, on nous présente la science commela « vérité vraie », la certitude totale. Mais la science a toujoursété le fruit de tâtonnements et de doutes.Ainsi, par exemple, les scientifiques prétendent que chaque individua un Adn nucléaire unique. Mais cela ne peut pas être vérifié :l’ensemble des Adn des êtres humains n’a pas été prélevé.De même, on ne prélève pour l’instant que certaines partiesde la séquence Adn car, après expérience, il est établi queces parties sont les plus discriminantes, qu’elles permettentle plus de différencier les êtres humains entre eux. Mais cesparties d’Adn sont les plus discriminantes au sein du groupesur lequel ce test a été effectué, pas pour la terre entière. Il estfort probable que dans quelques années, on n’utilise pas lesmêmes données pour établir les profils Adn, et donc que lesrésultats des expertises soient modifiés. Les profils Adn ontd’ailleurs déjà été modifiés et sont différents entre les pays.Ce ne sont pas toujours les mêmes sites (points ou petitesparties de la séquence Adn) qui sont observés, le nombrede sites observés diffère (en ce moment on en observe 8 enFrance et 15 aux États-Unis). Ainsi, un homme a été accuséd’un cambriolage puis mis hors de cause du fait d’une nouvelleétude portant sur un nombre plus important de sites.De plus, les méthodes d’analyse de ces sites évoluent. Celleutilisée actuellement est la PCR (Polymerase Chain Reaction): c’est une méthode d’amplification qui permet decopier en grand nombre une séquence à partir d’une faiblequantité d’Adn. Cette méthode a l’avantage d’être rapidemais l’inconvénient d’être très sensible à la contamination(pollution de l’échantillon à analyser), ce qui augmente lapossibilité d’erreur.De même que les techniques d’analyse, les techniques de prélèvement,de transport et de manipulation de l’Adn évoluentau cours du temps. De plus, contrairement à ce qu’on veutnous faire croire, ce n’est pas une machine objective qui s’occupede tout : les protocoles seront toujours au moins en partieeffectués par des êtres humains, et donc sujets à l’erreur.Ainsi, une supposée tueuse en série est en réalité une ouvrièretravaillant à l’expédition de bâton<strong>net</strong>s de prélèvement Adn,ou encore une personne est accusée parce que deux étiquettesdes prélèvements génétiques ont été interchangées.Au fur et à mesure, de plus en plus de personnes sont habilitéesà effectuer des prélèvements Adn : des flics très peu formésen font, le nombre d’erreurs augmente sans doute.En outre, lorsque l’on dit que l’Adn correspond, c’est en faitque deux profils se ressemblent, qu’il existe des similitudesentre les deux. Il y a aujourd’hui des critères qui permettentde dire « ça ressemble suffisamment, ou pas », ces critèreschangeront peut-être.Et si les traces Adn sont utiles aux flics, s’ils prélèvent desmégots, des brosses à dent…, c’est parce qu’un fichier (leFNAEG) référence de multiples profils. L’utilisation de l’Adncomme preuve judiciaire ne peut pas se faire sans un fichage.Trouver une trace Adn sur une scène de crime ne suffit pas sicelle-ci reste anonyme. Il faut la faire correspondre avec unAdn qui aura été prélevé par ailleurs sur quelqu’un, et entrédans une base de données. L’efficacité de la preuve par l’Adnreposerait donc sur l’extension de cette base de données :


adn 51plus il y a de profils Adn dans le fichier, plus il y a de chancesde retrouver la personne à accuser ou la chose dont on peutaccuser la personne qu’on a sous la main. Alec Jeffreys est lechercheur anglais qui a découvert la « preuve par l’ Adn »,c’est-à-dire la possibilité d’identifier quelqu’un à partir deson empreinte génétique. Selon lui, pour que cette techniquefonctionne au mieux, il faudrait ficher l’ensemble de lapopulation (ce qui est en train de se réaliser en Angleterre).On entend souvent à la radio cette idée que cela fonctionneraitmieux si le fichier des empreintes était complet : « ona retrouvé une trace Adn, les policiers l’ont entrée dans le fichier(FNAEG), mais malheureusement, elle ne correspond à aucunindividu ». Mais Jeffreys avoue lui-même que l’extension dufichage ne peut que provoquer une augmentation des erreurs: « créée et maintenue par des êtres humains, il y aura bienévidemment des erreurs, c’est mathématique ». Correspondancesfortuites — lorsque deux profils Adn correspondent alorsqu’ils n’appartiennent pas à la même personne —, confusiondans l’enregistrement des données… Plus la base de donnéesest importante, plus le risque d’erreur est grand.Une hypothèse scientifique considérée comme vraie à uneépoque pourra être considérée comme fausse un peu plustard. Ce n’est pas un scoop de dire ça, il en a toujours été ainsiavec la science, et il en sera toujours de même, bien qu’onveuille très souvent nous faire croire exactement le contraire.Cela ne veut pas dire que la science c’est toujours tout etn’importe quoi, que ça n’a aucun rapport avec le réel.Mais, alors que les scientifiques présentent leurs découvertescomme des certitudes, celles-ci ne reposent que sur des doutes,et il ne peut en être autrement.« C’est vrai, c’est prouvé scientifiquement. » Pourtant, toutethéorie scientifique se fonde sur une représentation qui estdéterminée par une idéologie. Ainsi, les sciences biologiquesinterprètent le vivant comme une machine qui répond auxcommandes d’un programme que sont les gènes. Cette approcheou paradigme, appelé programmiste, qui réduit l’êtrevivant à une machine ordinateur, n’est pas le résultat des observations.Elle est construite, plaquée sur le réel, c’est ellequi produit et détermine les observations. Ce ne sont pas lesobservations qui la produisent. Au contraire, le programmeest posé a priori comme une interprétation du vivant. Cen’est pas l’observation du vivant qui suggère l’existence d’unprogramme, mais bien la vision programmiste qui fait qu’onobserve le vivant d’une certaine manière. Ce n’est pas l’accumulationdes données qui crée ce qu’on appelle les “révolutionsscientifiques” (bouleversements des visions scientifiquesdu monde). Ce sont des changements dans la manièrede concevoir l’objet d’étude, des changements de paradigme.Or cette conception est, elle, idéologique. Toute science, dureou molle, s’appuie sur des a priori qui ne sont pas testables etdonc ne peuvent pas être remis en cause par les données.Pourtant, dans la société actuelle, la science est présentée commel’archétype, le modèle de ce que constitue la vérité. S’il enest ainsi, c’est que la science trouve aujourd’hui de multiplesapplications à travers les techniques et les technologies. Ellepermet d’ouvrir sans cesse de nouvelles productions de marchandises,de nouveaux marchés, et c’est ce qui permet à la sociétécapitaliste de survivre et de s’étendre. De fait, aujourd’hui,beaucoup d’opinions utilisent des arguments apparemmentscientifiques pour se donner une légitimité, pour qu’on lesconsidère comme vrais. Ainsi, tel avion n’a pas pu s’écraser surh t t p ://a d n . i n t e r n e t d o w n . o r gContre le fichage adn et pour contrer l'utilisation de l'adn en justiceCe site inter<strong>net</strong> est consacré à l’usage policier et judiciaire de l’Adn, qu’il s’agisse du refus du fichage ou des cas où on est accusé parson Adn. Son objectif est d’informer, de proposer des outils pour se défendre juridiquement et donner des pistes pour s’organisercollectivement.Y sont publiés des brochures, mais aussi des témoignages personnels, des argumentaires d’avocats et des jurisprudences…Pour cela, chacun est invité à alimenter le site en faisant part de son expérience et des documents juridiques auxquels il a pu avoir accès :écrivez à dusangdelachique@riseup.<strong>net</strong>Deux autres brochures sont disponibles sur le même site:« Ouvrez la bouche » dit le policierCette brochure reprend deux textes publiés dans le journal anti-carcéral et anti-pénal, L'Envolée fin 2006 et fin 2008.Fichage über Alès paru dans le numéro 18 du journal revient sur un procès tenu en août 2006 pour refus de prélèvement ADN. Contribution à lacritique de la justice et de son fichage ce texte analyse entre autre les limites d'une défense où se rejoue la distinction entre bons et mauvaisdélinquants. « Ouvrez la bouche » dit le policier paru dans le numéro 24. De la mise en place du FNAEG à la logique de fichage généralisé, del'apparition des « experts en ADN » dans les tribunaux au marché lucratif des laboratoires d'analyse, ce texte tente de démêler les liens quel'ADN a permis de resserrer entre sciences et justice. « Comprendre en quoi l'usage de l'ADN dans la machine judiciaire et ailleurs fait surgir d'autreslogiques bien plus menaçantes qu'un fichier central à la Big Brother. Cracher sur l'ADN donc, pour ne pas le cracher, ou le plus tard possible. »L'apparence de la certitude,l'ADN comme « preuve » scientifique et judiciaire« On a rarement rappelé le fait que la preuve par l’ADN n’est, tout simplement, pas infaillible. Il y a, à cela, une raison évidente. En venantcontester la valeur technique de la preuve par l’ADN, on se place sur le même terrain que la science et la justice. On paraît admettre que, si lapreuve par l’ADN pouvait être absolument fiable, il n’y aurait plus de raison de la contester. On semble réduire la critique de l’ADN à une querelled’expertise au lieu de la replacer dans le contexte plus global de la critique radicale de la science et de la justice en tant qu’auxiliaires de la dominationcapitaliste. Mais, d’un autre côté, peut-on déserter entièrement le terrain que se sont choisi la science et la justice pour se donner ainsiune apparence d’infaillibilité ? Refuser d’entrer dans ce débat, c’est paraître entériner le discours dominant sur l’irréfutabilité de la preuve ADN.Le but de ce texte est donc de porter l’attaque sur cet aspect des choses sans pour autant l’isoler d’une critique plus générale : l’exploration duterrain de la preuve scientifique et judiciaire sera un moyen de jeter une lumière crue sur le fonctionnement de la justice et de la science combinéespour mieux servir la répression. »


52adntel bâtiment public parce que l’angle de ses ailes était incompatibleavec on ne sait trop quoi, à moins que ce soit le carréde l’hypoténuse qui ne l’interdise absolument. S’il est évidentque c’est le jeune monsieur Bidule qui a essayé de cramer cettevoiture, c’est parce que les scientifiques ont retrouvé sur unebouteille d’essence une trace Adn qui lui correspondrait. Onse retrouve face à un paradoxe : aucune « vérité » scientifiquene peut être considérée comme une certitude, et pourtantaujourd’hui tout ce que la société veut faire passer pour unecertitude ne peut se passer d’arguments scientifiques. La justice,par exemple, ne cesse de tenter de faire appel à des « véritésscientifiques ».L’Ad n n’e s t qu’un e p r e u v e ju r i d i q u e« Sainte-Luce : le corps de Marion identifié. Le procureur a néanmoins indiquéqu’une analyse Adn serait nécessaire pour “avoir une totale certitude” »Les juges, comme les scientifiques, présentent leurs hypothèsescomme des vérités. Tout le monde sait bien qu’il nes’agit en fait que de présomptions : ceux qui jugent ne saventjamais réellement si la personne a fait, ou non, les actes qui luisont reprochés. C’est un avis, une opinion sur une situation.Les principes juridiques le disent eux-mêmes : la « vérité »judiciaire est déterminée par « l’intime conviction » de ceuxqui jugent.Malgré cela, souvent, les jugements sont présentées commedes « vérités ». Les arguments scientifiques, entre autres,viennent renforcer cette apparence du vrai de vrai. La justicefait très souvent appel à des experts scientifiques : elle se basesur des portraits psychiatriques, de la balistique (calcul destrajets de balles), des analyses Adn… Des experts écriventdes rapports ou témoignent à la barre, et on leur demandedes résultats, des affirmations « c’est sûr, cet homme est responsable,il lui restait une lueur de raison quand il a tué sa femme »,« ce ne peut absolument pas être lui qui a tué cet homme car laballe est partie de la porte, or cet homme était juste devant l’armoire», ou « cette trace Adn trouvée sur un cheveu correspondbien au profil Adn de cette jeune femme, et il n’y a aucune autrepersonne sur terre qui ait le même profil que cette jeune femme ».La justice préfère souvent se reposer sur un discours « objectif» d’expert. Un bon expert est un expert qui affirme, etdissipe ainsi les doutes. Un bon expert est un dealer de certitudes.N’importe quel expert ne peut pas faire l’affaire, la justicefournit elle-même la liste de ceux qu’elle estime être les« bons » experts. Ainsi, pour les expertises Adn (mais aussipour les contre-expertises), en décembre 2008, moins d’unedizaine de laboratoires sont agréés par la justice française.Comme toutes les autres preuves, la preuve par l’Adn peutêtre remise en cause. Mais ce qu’il y a de spécifique avec lapreuve par l’Adn, c’est qu’elle est souvent présentée commela preuve parfaite. On entend même parler de « la révolutionde l’Adn ». De multiples accusations sont basées sur l’Adn,on rouvre même des enquêtes non résolues afin de procéderà des analyses Adn, qui n’existaient pas à l’époque : « une affaireexhumée grâce à la génétique ».Il est possible de critiquer la certitude avec laquelle on me dit« c’est sûr, c’est ton Adn », comme on l’a vu tout à l’heure. Maisaussi critiquer le fait qu’une trace Adn puisse accuser quelqu’un.En septembre 2006, aux Tarterêts, les flics voulaient accuserquelqu’un parce qu’on aurait retrouvé une trace de son Adn surun bout de pizza dans un buisson à proximité d’un lieu où il yavait eu des affrontements avec les flics ! En 2004, un hommea été accusé d’un meurtre du simple fait que l’on avait retrouvéson Adn dans un appartement.Je perds en moyenne plusieurs dizaines de cheveux par jour, jene sais trop combien de poils, plein de bouts de peau, quandje parle je postillonne, je pisse et je chie, parfois je saigne,parfois même je fume des clopes. Au cours d’une journée, jevais dans plusieurs endroits différents, je rencontre plein degens et je suis proche d’une multitude d’objets. Je dépose unnombre impressionnant de traces Adn dans ces lieux, sur cespersonnes, sur ces objets. Je recueille au passage involontairementun certain nombre de traces Adn laissées par d’autresgens et je peux aussi volontairement déplacer des traces Adnd’autres personnes que moi. Alors, me dire que je suis coupablede quelque chose parce qu’il y a mon Adn quelque part,n’est pas un argument très convaincant.Que l q u e s a u t r e s r a i s o n sp o u r n e p a s do n n e r so n Ad n« Beauchamp-Taverny. Les cambrioleurs confondus grâce à leurs cheveux.Leurs cheveux les ont trahis. Deux hommes viennent d’être confondus grâceà une analyse Adn. Leurs cheveux avaient été retrouvés dans trois box devoitures cambriolés de la résidence de la Gare à Beauchamp »L’un des objectifs du fichier Adn est d’aider les flics dans leurtravail d’accusation et de donner du poids, de la légitimité,aux juges pour les condamnations qu’ils prononcent. Donnerson Adn, c’est augmenter le risque d’être accusé de certainsfaits, qu’on les ait commis ou non. De l’Adn, on en trouvepartout. Une trace Adn laissée sur le goulot d’une bouteillede bière peut accuser quelqu’un d’avoir jeté cette bouteillesur un flic.Bon, bien sûr l’inverse n’est pas vrai : ce n’est pas parce qu’onne donne pas son Adn qu’on ne sera pas accusé. Mais une accusationpar la preuve Adn est gênante, du fait que les juges laconsidèrent comme la preuve parfaite. Refuser de donner sonAdn peut parfois permettre d’éviter une accusation pour soi :une trace qui serait déjà dans leur fichier et qui correspondraitavec mon profil, une trace qu’ils sont en train de récolter, ouune trace qu’ils trouveront dans le futur.Refuser de donner son Adn peut permettre aussi de tenterd’éviter des accusations pour d’autres gens. Les flics veulentparfois avoir l’Adn de quelqu’un pour accuser des personnesde sa famille. S’ils ont un doute sur quelqu’un, ils tentent de


adn 53prélever l’Adn du frère, et vu que les deux ont le même Adnmitochondrial, il est possible que les flics fassent des recoupementset cela peut jeter la suspicion sur des membres dela famille.Ou, dans le cadre d’une enquête sur plusieurs personnes, sitout le monde accepte de donner son Adn sauf un, ce dernierva être soupçonné ; la situation serait différente si tout lemonde avait refusé de le donner. Dans le cadre d’un fichagegénéralisé, si on imagine qu’un jour les flics demandent l’Adnde toute la population, s’il n’y a que quelques personnes quirefusent, celles-ci vont être classées comme les rares récalcitrantscontestataires et risquent d’être dans la ligne de mirede l’Etat. Il n’en sera pas de même si plein de gens refusent, ilsera plus compliqué de les réprimer. Refuser de donner sonAdn, c’est plus largement tenter de participer le moins possibleau système répressif qui en frappe quelques-uns pourfaire peur à tous.Mais pourquoi faut-il refuser de donner son Adn, alors qu’onsait très bien que si les flics le veulent vraiment, ils pourront leprendre de toute manière (ou avec des éléments détachés ducorps ou de force dans la bouche) ? D’abord parce que la plupartdes fois, ils ne le prennent pas de force, sauf dans des casexceptionnels. Ils ne le font presque jamais quand il s’agit d’unevolonté de simple fichage (c’est différent quand une personnefait l’objet d’une enquête spécifique où ils cherchent des Adn).Ensuite, parce que c’est plus compliqué pour eux s’ils doiventprendre l’Adn de force. Si les flics prennent des bouts détachésdu corps, c’est techniquement complexe. Cela leur coûte sansdoute plus cher car ce ne sont plus les procédures habituelles.Il faut qu’ils identifient des morceaux qu’ils estiment détachésdu corps d’une certaine personne (sur un mégot, un gobelet, unpull… il faut donc se méfier des clopes et des cafés proposés),il faut que ces bouts ne soient pas dégradés pour qu’ils soientanalysables, et il faut aussi que cet Adn ne soit pas mélangé avecun autre car un tel type d’amalgame peut fausser tout le test [1] . Ets’ils accusent sur cette base-là, il est encore plus facile pour la personnede dire à la justice : mais qu’est-ce qui me prouve que c’estmon Adn ? Dans certains cas plus rares, les flics prennent l’Adnde force dans la bouche. Mais c’est juridiquement interdit : il fautdonc ensuite qu’ils s’arrangent pour rendre ce prélèvement légal.Dans cette opération de falsification, on peut toujours espérerque reste une petite erreur, un vice de forme.Attention cependant, ce n’est pas une fin en soi de ne pasdonner son Adn. D’abord, certains n’ont pas le choix : pourles personnes condamnées à au moins dix ans de prison, lesflics peuvent prélever leur Adn sans leur autorisation. Ensuite,parmi ceux qui ont le choix, c’est bien plus difficile derefuser pour certains que pour d’autres (par exemple, pourcelui qui est en prison, qui a déjà fait quelques mois en pluscar condamné pour avoir refusé de donner son Adn, et à quion le demande une nouvelle fois…) Et ce n’est pas l’acte delutte suprême qui résoudra tous les problèmes. L’Adn est undispositif de contrôle qui s’inscrit au milieu de plein d’autresmoyens de surveillance : caméras, biométrie, empreintes digitales,photos… Aussi, ce n’est pas parce que j’ai donné monAdn que tout est fini pour moi, que je ne peux plus rien faired’illégal ; mais les flics ont obtenu un moyen de contrôle supplémentairesur moi.En refusant de donner son Adn, on remet en cause plus généralementla logique de surveillance. Cette logique du pouvoirqui voudrait nous foutre la trouille, pour qu’on ose de moinsen moins faire d’actes illégaux – et ce, sachant que ce n’est pasnous qui décidons des lois, et qu’en ce moment, de plus en plusd’actes deviennent illégaux. Qu’on ne lutte pas en-dehors deschemins balisés, qu’on s’autocensure. Et si ce n’est pas le cas, sion commet quand même des actes illégaux, qu’on puisse êtreréprimés facilement et constituer ainsi un exemple pour fairepeur à d’autres. Plus il y aura de surveillance, plus il sera difficilede résister, plus il sera facile pour les possédants et pour l’Etat denous gérer selon leurs intérêts.“Ou v r e l a bo u c h e ” : l e s p r é l è v e m e n t sAdn , c o m m e n t ç a s e pa s s e ?« Meurtre. Trahi par un mégot, 16 ans après… après avoir été confondupar son Adn retrouvé sur un mégot de cigarettes… Fin 2007, un Adn a étéretrouvé sur le mégot et une comparaison avec le fichier national automatisédes empreintes génétiques (FNAEG) a permis d’identifier Nordine M. »« Crache là-dessus ! » Il y a différentes occasions où les flicspeuvent nous prendre notre Adn : lors d’une garde-à-vue, lorsd’une simple convocation chez les flics, ou quand on est entaule. Au début, en 1998, les prises d’Adn ne concernent que lespersonnes accusées de délits et crimes sexuels sur les jeunes demoins de 15 ans. Puis, progressivement, la loi a autorisé les flicsà prendre l’Adn de plein d’autres personnes. Aujourd’hui, lesflics peuvent demander l’Adn dans de multiples cas, la liste estlongue. Elle peut concerner des personnes accusées d’infractionsdiverses allant du crime contre l’humanité aux simplesvols et dégradations, mais aussi des personnes qui se rendentsimplement à une convocation, par exemple pour témoignerou parfois pour demander un parloir. Dans ces derniers cas,les flics ont besoin du consentement de la personne. Si celle-cirefuse, elle ne sera pas poursuivie.Théoriquement, certaines des empreintes génétiques sontjuste comparées au fichier mais pas conservées, certaines sontconservées 25 ans, d’autres 40 ans. Il est possible pour certainespersonnes qui n’ont finalement pas été condamnées dedemander qu’on enlève leur profil du fichier [2] , mais la justicea le droit de refuser… Cette absence de conservation est enrevanche garantie comme par hasard pour certains délits (lesdélits financiers ou les abus de biens sociaux…)En principe, les flics demandent l’autorisation de la personneavant d’effectuer une prise d’empreinte Adn. On est censé signerun papier où on dit qu’on est d’accord [3] . Mais les flics nele font pas toujours, ou le font sans expliquer de quoi il s’agit.Souvent, lorsqu’une personne refuse, les flics ne prennent passon Adn. Et ce d’autant plus que parfois, les flics demandent


54adnl’Adn à des personnes qui ne sont juridiquement pas du toutobligées de le donner. Il est arrivé que les flics frappent auxportes de tout un immeuble pour demander leur Adn aux habitants,ces derniers n’étaient pas obligés de le donner, ils necommettaient aucun délit s’ils ne le donnaient pas et ne pouvaientdonc pas avoir de procès. D’autres personnes ont déjàété accusées d’avoir refusé de donner leur Adn alors que le délitdont elles étaient accusées ne figurait pas dans la liste desdélits justifiant une prise d’Adn ; ces personnes ont été relaxéesquant à leur refus d’Adn [4] . Bien sûr, il existe des cas où si la personnerefuse de donner son Adn, les flics peuvent demander àce que cette personne soit poursuivie pour refus d’Adn.Concrètement, pour des prises d’empreintes « ordinaires »,deux méthodes semblent utilisées suivant les pays : les flics introduisentune sorte de coton-tige dans la bouche, ou demandentà la personne de cracher sur une sorte de buvard.T é m o i g n a g e d e q u e l q u ’ u n q u i s e r e t r o u v ee n g a r d e - à-vu e e t à q u i o n d e m a n d e s o n Ad n :« Ils te remettent dans ta cellule après ils reviennent te chercher,pareil ils te disent pas pourquoi, on va dans une salle, une espèce delabo et là t’as des gens en civil, ils te font asseoir sur une chaise, il ya une table à côté de toi et y’a un gars, un espèce d’opérateur qui aun espèce de sachet en plastique, qui ouvre le sachet en plastiqueet là y’a un espèce de... comme une sucette en polystyrène mou, etc’était le truc pour le prélèvement Adn, ils te le disent pas en fait quec’est pour le prélèvement. Et là ils te disent « ouvre la bouche ». Etmoi j’ai dit « mais... qu’est-ce que vous voulez faire en fait ?... » (…)Ensuite le gars m’a dit « le prélèvement Adn c’est obligatoire en GAV[garde-à-vue] », et moi j’ai dit « mais en fait je peux refuser » « nontu peux pas refuser, regarde derrière toi » et derrière moi y’avait letexte de loi qui disait les condamnations pour refus de prélèvementAdn. Il y avait marqué « en cas de refus 15 000 euros d’amende, et1 an de prison », un truc comme ça. Et donc il m’a dit « si tu refusestu vas directement ce soir à Varces [maison d’arrêt] et en plus tuauras une grosse amende »... sur le moment ça m’a déstabilisé,ça m’a fait bizarre, quand même c’est pas un truc systématique jeme suis dit « j’ai peut-être loupé un truc avant qu’on m’a pas bienexpliqué, peut-être qu’ils ont raison », quoi. Du coup j’étais un peudans l’expectative, et le gars il était impatient, du coup j’ai dit « jecrois que je vais refuser quand même ». Et là le mec m’a dit « c’estn’importe quoi, tu peux pas refuser, si tu refuses tu vas vraiment enprendre pour cher, tu peux pas faire ça » (…) Après ils m’ont remisdans ma cellule...là en descendant à ma cellule, j’ai croisé L. qui étaiten train de monter pour faire la même chose, qui ne savait pas où ilallait, et j’ai eu le temps de lui dire au passage « ils vont te faire unprélèvement Adn moi j’ai refusé, tiens bon » un truc comme ça. Ducoup L. il a refusé pareil. Et le gars il l’a moins fait chier.Avant de me ramener dans la cellule de GAV, le flic qui me trimballaitm’a fait revenir devant l’inspectrice, en disant « eh il a pas voulufaire le prélèvement Adn eh », et ils se sont penchés sur les textesde lois en se disant est-ce que nous on rentrait dans le cadre desprélèvements Adn ? Ils ont eu une petite discussion entre inspecteurssur les textes de loi et tout, et ils ont dit « mais si si c’est toutesles GAV ! », je pense qu’ils étaient pas super au point là-dessus. Ce quiest marrant c’est que c’était après coup. (...) Voilà, je n’ai pas eu deconvocation pour le refus de prélèvement Adn. »Les techniques utilisées pour nous pousser à accepter de donnernotre Adn sont multiples. Parfois, les flics n’expliquent toutsimplement pas qu’ils vont le prendre. La personne est surprise,elle pige au dernier moment, et c’est plus dur de réagir.Ou les flics disent « Mais si t’as rien à ne te reprocher, je vois paspourquoi tu le donnerais pas ». Une des autres techniques estle chantage : lorsqu’on est en garde-à-vue, on nous fait croirequ’on ne sortira pas si on ne le donne pas, qu’on va aller en taule.Lors d’une convocation, les flics peuvent menacer de mettrela personne en garde-à-vue. Et quand elle est en taule, lui direqu’elle va prendre des années en plus si elle ne le donne pas.Évidemment, bien souvent ce ne sont que des menaces.Juridiquement, refuser de donner son Adn est un délit punissabled’un an de prison et de 15000 euros d’amende (saufpour les personnes condamnées pour crime, où ce délit estpassible de deux ans de prison et de 30000 euros d’amende).C’est comme d’habitude : il s’agit de ce qu’on risque, pas dece qu’on va prendre. Parfois refuser de donner son Adn n’entraîneaucune poursuite, parfois cela cause un procès. A l’issuedu procès, la personne est parfois condamnée, mais aussiparfois relaxée. On a cru remarquer que les juges relaxentplus facilement quand la personne n’a pas été condamnéepour les faits pour lesquels elle était soupçonnée. Et, d’aprèsce qu’on sait, une personne avec un casier vierge, libre, dehorslors de son procès prend en moyenne quelques centainesd’euros d’amende, et une personne en prison prend enmoyenne quelques mois fermes. Comme n’importe quel délit,le délit de refus d’Adn peut être poursuivi dans un délai detrois ans. Une personne déjà condamnée pour refus d’Adnpeut être reconvoquée pour une prise d’empreintes génétiqueset se trouver à nouveau poursuivie et condamnée pourrefus d’Adn. Mais cela n’est pas toujours le cas. Il est arrivéplusieurs fois qu’à la suite de condamnations, des personnessoient convoquées par lettre simple afin de donner leur Adn.Elles ne s’y sont pas rendues, et n’ont plus eu aucune nouvelle: ni autre convocation, ni procès.notes :[1] Parfois, dans le but d’avoir notre ADN, les flics prennent des objets dont on s’estservi dans notre cellule de garde-à-vue : gobelet, fourchette, couteau... Pour leur compliquerla tâche, on peut frotter au sol ces différents ustensiles afin de mélanger notre ADNavec plein d’autres ADN présents dans la cellule. En effet, plus il y a d’ADN différentssur un objet, plus il est difficile d’en isoler un seul. On ne sait pas si une telle techniquefonctionne, mais il n’y a rien à perdre, alors...[2] Voir Face à la police, face à la justice, p.142-143 ou sur le site guidejuridique.<strong>net</strong> auchapitre 11.[3] Attention ! Les flics ne sont pas obligés de spécifier dans le document que le but estla prise d’empreinte génétique. Par exemple, les flics peuvent demander à une personnesi celle-ci est d’accord pour donner son mégot ou son pull, sans lui spécifier que cesobjets vont servir à établir son profil génétique. De plus, cette autorisation par écrit n’estpas forcément un papier spécifique, à part ; ce peut être tout simplement une questionau cours d’un long interrogatoire. Lorsque les flics demandent à la personne de signer leprocès verbal de cet interrogatoire, ils lui demandent, l’air de rien, de signer son consentementà une prise d’empreinte génétique ![4] Il s’agissait d’un délit de presse, appliqué du fait de la présence d’une banderole.


enquête 55enquêteNous reproduisons ici des extraits d’un texte paru à partir du dossier d’instruction. Il revient sur les différentes techniquesdes keufs pour mener l’enquête : expertises téléphoniques et génétiques, renseignements bancaires et donnéesinter<strong>net</strong>, etc. Notons que pour la diffusion de cette brochure sur inter<strong>net</strong>, une personne avait été convoquée etinterrogée par les flics : ils l’accusaient d’avoir divulgé l’identité de fonctionnaires de police...Attention : ce texte date d'avril 2010, période à laquelle le dossier n'était pas encore complet.Analyse d’un dossier d’instruction antiterroristeavril 2010 – infokiosques.<strong>net</strong>Nous essayons donc dans cet articlede reprendre et de résumer quelqueséléments intéressants de cette instruction,tant d’un point de vue techniqueque d’un point de vue théorique. Il vasans dire que de nombreuses réservesdoivent être soulignées dans ce typede démarches. D’un point de vuetechnique nous recopions des passagesfigurant dans l’instruction, écritspar des flics, des experts ou des juges(indiqués dans l’article entre « » eten italique). Nous ajoutons aussi desrésumés ou des explications et interprétationsécrits par nous-mêmes.Cela ne signifie évidemment pas quetous les dossiers sont similaires de cepoint de vue. Surtout cela ne signifiepas que les flics ne soient pas capablesde bien d’autres choses que ce qui estécrit. Par exemple dans notre dossier,il n’est jamais question de balises surdes voitures ou de micros dissimulésdans des appartements ; des techniquesqui ont été utilisées dans d’autresaffaires. Cela ne signifie pas non plusqu’ils ne l’aient pas fait dans notreaffaire et que cela ne figure pas dansle dossier judiciaire. Bref, d’une manièregénérale les quelques exemplesfigurant dans ce dossier ne doiventpas être pris comme des généralités.Cet article présente quelques exemplesfigurant dans un dossier spécifiqueet rien de plus. Il nous a semblénéanmoins intéressant de publier etde partager ces quelques éléments,qui n’ont rien de bien neuf en soi, avectous ceux qui un jour ou l’autre peuventse retrouver dans des situationssimilaires.Nous pensons d’ailleurs qu’il serait intéressantque ceux qui ont accès à desdossiers dans d’autres affaires en fassentde même, surtout quand ces dossiersconcernent directement ou indirectementbien plus de monde que lesseuls mis en examen. Nous pensonsévidemment en premier lieu aux inculpésde l’affaire dite de « Tarnac »qui n’ont jamais fait clairement cettedémarche envers tous ceux qui pourraientêtre concernés tout en laissantle dossier entièrement ouvert à pleinsde crapules journalistiques de passage(Le <strong>Mo</strong>nde dès mars 2009, L’Express,Libération…). Cette distorsion en ditlong sur l’état d’esprit des mis en examende cette affaire face à la justice,mais il est certain que les médias quenous avons cités sont les mieux placéspour faire passer leur discours démocratepolicé sur les gentils petits étudiantsque le méchant juge Fragnoliempêche de planter tranquillementdes carottes. Et qu’on ne s’y méprennepas, il n’est nullement ici question derégler des comptes mais de soulignerl’inconséquence politique très gravede laisser des médias avoir accès à desdonnées parfois sensibles ou intimesd’une instruction tout en refusant dele faire pour les proches qui peuventêtre directement concernés.Cet article ne prend pas en comptel'ajout au dossier de la procédureconcernant les sabotages SNCF durantle mouvement anti-CPE, nousnous limitons à la tentative d’incendied’une dépanneuse de la policeen mai 2007 et aux arrestations dejanvier 2008. Ce qui signifie qu’il y apeu d’éléments de ce qu’on appelleune « enquête préliminaire », ou dumoins d’une enquête avant les arrestations,et qui sont souvent les élémentsles plus intéressants.D’une manière générale dans un dossier,les pièces arrivent au fur et à mesureau greffe du tribunal selon le bonvouloir du juge d’instruction et duparquet, c’est d’ailleurs une de leurstechniques de tarder à transmettre despièces qui ne vont pas dans leur sens.Par exemple dans notre histoire, deuxpersonnes ont été arrêtées en janvier2008 avec un fumigène en allant à unemanifestation. Au bout de 24 heuresde garde à vue une sorte de pré-expertavait déjà expliqué qu’il s’agissait d’unproduit explosif, ce qui les arrangeaitbien sur le moment pour gonfler l’histoire.Ensuite, la véritable expertise,admettant à demi-mot que ce mélangen’était pas explosif et était sans


56enquêtedoute destiné à être consumé pourproduire de la fumée, a été transmiseà la défense au bout de sept mois.Entre-temps, l’affaire était passée à lajuridiction anti-terroriste et deux copainsavaient fait plus de quatre moisde prison chacun. Les pièces arrivantsous forme papier ou informatiquesont classées en cotes. Une cote peutcomporter de une à cent pages, celadépend. Notre dossier comprend 840cotes, soit environ plus de 5000 pages.C’est un aspect important, les dossierssont longs, très chiants à lire, remplisd’inepties procédurières, genre despages entières qui pourraient se résumerpar : « Le mardi 7 avril, Julien Mabrut,troufion policier, a tenté de prendrecontact avec Sandrine Valade, troufionexpert, mais ça répond pas. Dont acte. »Il faut donc une certaine habitudepour distinguer ce qui est intéressantet ce qui est purement procédurier.On se décourage rapidement devantdes milliers de pages, c’est sans doutel’un des objectifs, et pourtant il estévidemment très important qu’unmis en examen connaisse parfaitementson dossier et ne s’en remettepas à son avocat, qui d’ailleurs ne litpas très souvent les dossiers.De plus, au-delà de tout cet aspectprocédurier, le dossier est parseméd’incohérences plus ou moins voulues,et de directions d’enquêtes quipeuvent sembler absurdes au premierregard. Par exemple la présence d’unautocollant de Georges Ibrahim Abdallahsur le frigo d’un lieu perquisitionnéva justifier des pages entièresde renseignements sur lui et sur tousses potes. Ou la découverte d’un articleconcernant l’EZLN (arméezapatiste au Chiapas) surun ordinateurqui entraîne unedizaine de pagescopiées-colléesde Wikipédia surZapata qui aurasans doute valu u<strong>net</strong>rès bonne note auflic en charge de cet exposé. Alors biensûr il faut être prudent et la justicepeut se servir de ces prétextes (autocollant,article sur un ordinateur…)pour donner une connotation audossier dans le sens désiré, mais clairementles directions d’enquêtes semblentaussi être laissées à l’intuition dujuge d’instruction qui ne sort jamaisde son bureau. Dans d’autres exemples,on se rend compte que parfoisles flics s’intéressent à quelqu’un enparticulier et que pour des raisons pastrès claires ils vont mettre les moyenspour le retrouver et l’interroger et quedans d’autres cas, ils laissent tomberaprès avoir passé quelques coups detéléphone infructueux. Il nous semblequ’il n’y a vraiment pas de généralitésni de cohérence très claire d’ensemble.D’une manière générale, l’aspectprocédurier et intuitif des directionsd’enquêtes nous semble très présentdans ce dossier. Ce dossier vient renforcerégalement une évidence, il fautse garder de ne pas tomber dans deslogiques extrêmes qui voudraient soitque les flics sont complètement à lamasse et ne comprennent rien à rien,soit qu’ils sont omniscients et qu’avantmême le début de l’enquête ils saventdéjà tout.Il esta u s s iimportant de souligner que les enquêtesvisent bien plus que des faitsspécifiques reprochés, ils enquêtentau moins autant sur des profils à traversdes enquêtes de personnalité,des expertises psychologiques et psychiatriques,des interrogatoires desparents… Cette démarche existe danstoute procédure criminelle. De plusdans notre affaire ils passent aussi dutemps à tenter d’établir des liens entredes personnes, des groupes. Parexemple, dans une maison de campagnequ’ils ont liée à notre affaire,plus d’une dizaine d’ADN nucléairesinconnus ont été relevés et placés aufichier des empreintes génétiques(FNAEG) en attente d’être recoupés.Nous l’écrivons avec les précautionshabituelles mais nous avons noté dansnotre dossier que les informations dites« de première main » (sous-entendules infos directement récoltéespar les flics sur le terrain, par d’éventuelsindics, par les RG…) sont trèspeu nombreuses. L’essentiel de leursinfos et du contenu de leurs fiches derenseignements transmises concernentle recoupement d’informationspolicières et administratives : contrôlesd’identité, gardes à vue… Toutefoiscette histoire date maintenantd’il y a deux ans et on peut s’imaginerque leurs connaissances de terrain sesoient améliorées depuis.


Il est difficile de distinguer avec précisionce qu’implique concrètementune instruction antiterroriste parrapport à une autre instruction. Il estévident que c’est en grande partie uneffet d’annonce politique qui a étédéjà analysé. Sans doute l’instructionest-elle rallongée, sans doute leslogiques soulignant l’existence d’uneorganisation avec ses chefs, ses motsd’ordre, ses consignes est-elle accentuée; sans doute une attention spécifiqueest dédiée aux mis en examenen détention et les flics peuvent bénéficierde moyens plus importants.Toutefois le procès n’ayant pas encoreeu lieu, il nous semble prudent de nepas tirer trop de conséquences et deliens hâtifs entre la manière dont cettehistoire a été instruite et le fait qu’ellesoit sous juridiction antiterroriste.Nous allons maintenant essayer de résumertous les différents types d’actesque la justice et la police enclenchentlors d’une enquête, en s’arrêtant un peuplus sur certains aspects techniques.Exp l o i tat i o n d’unt é l é p h o n e p o r t a b l eVoici des extraits du rapport concernantles méthodes d’expertises d’untéléphone portable (qu’on appelleparfois GSM dans ce texte) à destinationdes juges et des parties. Il n’y apas de véritable scoop dans cet extrait,ça confirme, clarifie et donne une petiteidée du résultat et de tout ce quepermet l’exploitation d’un téléphoneportable. On remarque qu’il est presquepossible d’avoir autant d’infossans avoir le téléphone ou la puceentre les mains, juste en sollicitantl’opérateur, et que l’étendue des infosobtenues est importante. On voit parexemple qu’il est possible d’établirdes corrélations à distance entre téléphoneet carte SIM, de savoir dansquels téléphones et combien de foisa été utilisée une carte SIM. C’estdonc bien insuffisant de changer decarte SIM si l’on conserve le mêmetéléphone (bien que l’expertise dansl’autre sens n’apparaisse pas explicitement,c’est-à-dire partir du téléphoneet en déduire les cartes SIM utiliséesdedans). On note aussi les fichiers deplusieurs dizaines de noms avec unefiche pour chacun en partant des numérosles plus en communication avecune carte SIM expertisée à distance.Il existe de plus grâce aux téléphonestoutes les possibilités de géolocalisation,en direct ou a posteriori, etles possibilités d’en faire des microsd’ambiance, ce qui n’apparaît pas dansnotre dossier. Autant de bonnes raisonsde bien réfléchir à l’utilisationqu’on fait d’un téléphone portable.Expertise d’une carte sim saisie :« Pour procéder à l’expertise de la carteSIM, nous avons utilisé un lecteur pourcartes à puces de marque GEMPLUSet un logiciel d’analyse « GSMView ».L’analyse des données contenues dans lacarte à puce est réalisée sans connexionau réseau, évitant ainsi toute modificationinterne des mémoires. C’est pourquoil’analyse de la carte à puce est toujoursentreprise avant celle du téléphone.L’extraction des données contenues dansle portable est donc effectuée après quecelle de la carte à puce ait été sauvegardéeet retranscrite dans le rapport.Sans risques d’altérer les données, le logiciel« GSMView » lit les éléments suivants :le nom et le pays de l’opérateur ayant délivréla carte / le numéro de série de la carte(ICCID) / le numéro identifiant de l’abonnementdu mobile (IMSI) / le répertoiretéléphonique / les messages SMS, effacésou non, avec leur statut : « reçu et lu », «reçu et à lire », « à envoyer », « envoyé »et les « accusés réceptions ».Ce matériel d’analyse des mémoires decartes à puce permet ainsi d’accéder àdes données utilisées par l’opérateur etpar le matériel de communication, donnéesauxquelles l’abonné n’a pas accès.C’est le cas du numéro IMSI qui estl’identifiant unique de la carte SIM etenquête 57qui permet à l’opérateur de déterminerle compte de l’abonné.Remarque sur le numéro IMSI : Le numéroIMSI correspond au numéro desérie international de la carte SIM, c’estle numéro d’identification unique de lacarte SIM. Il permet d’identifier l’utilisateursur le réseau de téléphonie mobile etde déterminer le pays et l’opérateur correspondantà l’abonnement de cette puce.Il permet aussi d’identifier le client sur lecompte duquel les communications téléphoniquessont débitées (si la carte n’estpas une carte rechargeable). Ce n’est pasforcément l’acquéreur du mobile. Unecarte SIM peut, en effet, être utilisée surdifférents mobiles. A partir du numéroIMSI, différents renseignements peuventêtre demandés à l’opérateur de la carteconcernée : identité du propriétaire de lacarte/numéros appelés, numéros appelants/stationsde base utilisées pendantles communications, cela permet de localiserl’utilisateur avec plus ou moinsde précisions (cela dépend de la surfacecouverte par la station de base). »Expertise d’un téléphone saisi :« Pour procéder à l’expertise de l’appareil,nous avons utilisé une connexionentre le téléphone et un ordinateur dédié.Selon les caractéristiques du téléphonesera utilisé un câble data, une liaison radio(bluetooth) ou une liaison par infrarouge.Nous avons également utilisé unlogiciel d’analyse des mémoires de téléphone,tel que « XRY », « Oxygen Forensic» ou « MOBILedit » ou un systèmede lecture spécifique du fabricant demobile. Les données accessibles extraitessont les suivantes : le numéro d’identificationIMEI / les messages écrits reçus,composés et non effacés par l’utilisateur/ le ou les derniers numéros émis, reçus etrestés sans réponse / les compteurs d’appels(durée du dernier appel, de tous lesappels émis…) / le message d’accueil àl’allumage du téléphone / le répertoiretéléphonique / les fichiers multimedias(photos, vidéos…) / autres…Ces informations ne sont pas accessiblessur tous les mobiles. Il existe en effet


58enquêtedes modèles plus ou moins élaborés quipermettent l’obtention que d’une partiede ces informations. L’accès à certainesdonnées est subordonné à la présencede la carte SIM d’origine (si le mobileen possède une). Sinon, nous utilisonsune carte à puce de test du service, dontla mémoire est préalablement vidée detoute information susceptible d’affectercelle du portable analysé.Remarque : le numéro IMEI est le numérod’identification unique du mobile. A partirde ce numéro il est donc possible d’obtenirauprès du fabricant du radiotéléphonel’identité de l’acheteur ou celle du revendeurqui a vendu cet appareil. On peut égalementsavoir si ce mobile a été volé. Il estpossible d’identifier auprès des opérateursle numéro des cartes SIM utilisées dans unradiotéléphone dont on connaît le numéroIMEI et d’avoir ainsi les renseignementsconcernant les cartes SIM. »Expertise de la carte d’extensionmémoire saisie (c’est la carte quipermet les applications multimédiadu GSM) :« Pour procéder à l’expertise de ce support,nous avons utilisé un dispositifde protection contre l’écriture (sociétéTableau ou Logicube) qui protège lesmémoires contre toutes modifications(effacement, altération, formatage) desdonnées présentes dans celle-ci. Toutcomme la carte à puce, la carte d’extensionmémoire est analysée séparément.L’analyse de la carte d’extension mémoirepermet de connaître l’organisation etla taille de chaque fichier utilisé ainsique la présence d’un système d’exploitation.Les données accessibles sont les« données apparentes », les « donnéessupprimées » (ce sont celles effacées parl’utilisateur mais existantes encore dansles mémoires de la carte. Il s’agit d’élémentsayant le statut de « fichier supprimé». En l’espèce, ils ne s’affichent plusà l’écran du portable et de l’ordinateur.Il est à noter que certains fichiers supprimésont été dégradés et ne peuvent plusêtre restaurés dans leur intégralité) et les« données brutes » (ce sont les fichiersreconstitués à partir des données présentesdans la mémoire du support et révélésà partir de leur signature. Le nom, lataille et la date d’enregistrement ne peuventêtre précisés). »Expertise de la messagerievocale du téléphone :« Pour sauvegarder le contenu de lamessagerie, il convient à partir d’un téléphonefilaire du service de joindre, selonla procédure de l’opérateur, le centre demessagerie de l’abonné et de procéder àun enregistrement direct par la liaisonfilaire des messages reçus et archivés. Ilest à noter que les trois principaux opérateursfrançais peuvent effacer volontairementdes messages vocaux pour éviterde saturer leurs équipements.Contacts pris avec les services techniquesdes opérateurs, il nous a été précisé pource qui concerne les délais de conservation: Chez SFR : un message vocal estconservé une semaine après son enregistrementsur le serveur si l’abonné l’écoute.Sinon il s’efface après 48 heures / ChezOrange : Ecouté ou non le message s’effaceaprès une semaine à partir de sondépôt en messagerie vocale / Chez BouyguesTélécom : Le délai de conservationd’un message vocal est de deux mois s’iln’est pas consulté par l’abonné. Aprèslecture il s’efface après 48 heures. Il peuttoutefois être sauvegardé pour une périoded’un an pour une somme modique. »Exploitation d’une ligne (sans avoirni le téléphone ni la carte SIM entreles mains) :« Selon les renseignements collectés, ilsemble vraisemblable que Z utilise le numérode mobile 06….. Indiquons avoirrequis l’opérateur téléphonique Bouygues(ou Orange, ou SFR) afin qu’il nouscommunique l’ensemble des renseignementsen sa possession concernant le n°06….. , ainsi que la facturation détailléeet la localisation des bornes activées dece numéro pour la période s’étalant du… au …. (c’est-à-dire la dernière annéeécoulée) » Suite à une réquisitionauprès de l’opérateur (qui coopère enquelques heures ou quelques jours),il est écrit : « le numéro de téléphone06….. est attribué à Z, né le …, titulairede la carte nationale d’identité n°….. ,élisant domicile au ……. à …… . Il adéclaré également un numéro de téléphonefixe auprès de l’opérateur Bouygues, ils’agit du numéro 01…... Il a fourni lorsde l’abonnement les coordonnées bancairessuivantes …… la ligne a été mise enservice le ….. , suspendue le …… pourvol puis réactivée le ….. ». Toutes lesinformations sont donc données lorsde la souscription à l’abonnementdans l’agence de l’opérateur figurent :état-civil / adresse postale / adressemail / date de la souscription / typeet numéro de la pièce d’identité fournislors de la souscription / moyen depaiement utilisé et coordonnées bancairessi paiement par virement / IP encas de numéro Freebox par exemple.Exemple de l’étude d’une ligne surun an : « Le numéro 06….. a fait transiter4101 appels durant cette période.Les numéros appelés et reçus sont, dansl’ordre décroissant : le numéro 06….. ,817 appels, attribué à Y. » S’ensuit unefiche sur Y avec tous les renseignementscomme précédemment cités,éventuellement accompagnés d’unefiche de renseignements type RG,assez succincte dans notre exemple(« Y est un militant connu depuis denombreuses années, habitant les squatsde la région parisienne… »). Puis lenuméro 06….. , 641 appels, attribuéà X… et ainsi de suite. La liste dansnotre exemple comporte ainsi plusd’une cinquantaine de noms, avecpour chacun plus ou moins de renseignements,au minimum un petit étatcivil, nom, prénom, date de naissance,adresse. Cette énumération est égalementaccompagnée de commentairesdu type : « Nous signalons que le numéro06….. , attribué à P, est déjà apparudans cette procédure dans le répertoirede N… », mais ce n’est absolumentpas systématique.


Ce type d’étude à distance permetaussi de faire des liens entre des téléphoneset des puces utilisées, desassociations entre les numéros IMEI(boîtiers) et IMSI (puces). Par exempleconcernant X, il est écrit : « Lenuméro de boîtier ….. a permis de fairetransiter 1337 communications par lebiais de la puce 06….., attribuée à X.Cette puce a été introduite à ….. reprisesdans le boîtier n°…... , à 417 reprisesdans le boîtier numéro ….. , à 44 reprisesdans le boîtier numéro ….. » et ainsi desuite. Tout ça sans jamais avoir eu letéléphone ni la puce entre les mains.Le s é c o u t e st é l é p h o n i q u e sLes flics (Julien Mabrut en l’occurrence)s’adressent à l’opérateur BouyguesTélécom pour intercepter et enregistrerles communications transitant par le numéro06….. , attribué à X. Ils s’adressentau : Services des Obligations Légales –Lutétia V – 15/17 rue du Colonel PierreAvia – 75729 Paris. Ils demandent égalementà Bouygues un rapport techniquequotidien à envoyer à l’adresse : julien.mabrut@interieur.gouv.fr. Ce sont ainsi800 appels en 3 mois qui seront interceptés,seules figurent au dossier unedizaine de conversations considéréescomme les plus intéressantes.Les flics mettent en place pendant24 heures un système de géolocalisationen temps réel (Loc TR dans leurjargon) pour essayer de trouver unepersonne recherchée. Il est à noterque cette géolocalisation concernedes téléphones des proches de la personnerecherchée et non le téléphonede la personne recherchée elle-même.Avoir son téléphone sur soi impliquedonc plus que juste pour sa propresécurité. La procédure pour la géolocalisationen temps réel est identiqueà celle pour des écoutes et passe parl’opérateur qui transmet les données.Il y a dans le dossier un certain BenoitGosse de la société Deveryware quisemble proposer des services très performantsen matière de géolocalisationen temps réel, il laisse même sonnuméro : 06.70.27.71.44.Re n s e i g n e m e n t s s u r uns i t e w e bEnquête sur l’origine d’un article derevendication de l’incendie d’uneagence BNP à Paris le 3 juillet 2008,paru sur le site « NANTES.INDY-MEDIA.ORG ». Cet incendie faitl’objet d’une enquête préliminaire dela Brigade Criminelle de la Préfecturede Police de Paris (n°257/2008).Renseignements sur le site :« Acheteur du nom de domaine et del’administrateur du site : Société ….. , rue….., SAO PAULO (BRESIL) Hébergeurdu site : ….. , société créée par …..,domiciliée ….. SEATTLE (USA). Seulun cadre juridique approprié permettraitde requérir ces deux sociétés baséesà l’étranger pour avoir les connexions IP.Toutefois il apparaît que le site « Indymedia.org» est aussi hébergé temporairementsur ….. , de tendance anarchoautonome.….. a été enregistré auprèsdu fournisseur d’accès français ….. avecles coordonnées suivantes : ….. Paris.Les recherches ont établi que cette sociétéest fictive. Le site ….. est hébergé auprèsd’un fournisseur d’accès US, ….. domiciliéà Seattle. La date de création de ce siteest trop ancienne pour pouvoir remontersur la transaction bancaire ayant permisde l’enregistrer auprès de ….. . » Suiteà la « semaine de solidarité » en juin2008, des recherches ont lieu sur desactes et sur leurs revendications surdes sites Indymedia. A cette occasionles flics écrivent : « Précisons que lesserveurs hébergeant les sites du réseauIndymedia, domiciliés aux USA à Seattle,refusent systématiquement de donnerconnaissance aux autorités des logs deconnexion des ordinateurs consultant cessites ou y déposant une contribution, rendantde fait non-identifiable les auteursdes contributions, tels le ou les rédacteursenquête 59du communiqué suivant : “Chronologiede la semaine de solidarité” ».Re n s e i g n e m e n t sb a n c a i r e sAprès s’être adressée à la DRESG(Direction des Résidents à l’Etrangeret des Services Généraux), cetteenquête permet d’obtenir des renseignementsfiscaux et bancaires : comptesbancaires (fichier Ficoba – Fichiernational des comptes bancaires et assimilés),éléments « Adonis » (adresse,situation familiale, bulletins derecoupements des salaires…), situationfiscale. Ensuite une réquisitionauprès d’une banque où l’intéressé aun compte permet d’avoir le détail detoutes les activités du compte.Exp e r t i s e t e c h n i q u ec o n c e r n a n t l a co m p o s i-t i o n d’un f u m i g è n eVoici pour l’anecdote une petite recettequ’ils nous transmettent pourbien doser un fumigène (un tiers dechlorate, un tiers de sucre, un tiersde farine) ou autre : « Le chlorate desoude est souvent utilisé par les artificiersamateurs pour réaliser des compositionsexplosives ou incendiaires. Dans le casprésent, le dosage semi-quantitatif effectuéau laboratoire central montre que duchlorate de soude, conforme à l’avis duministère de l’agriculture, de la pêche etdes affaires rurales, a été utilisé. En effetil contient deux substances pour abaisserla concentration en chlorate, le chlorureet le bicarbonate de sodium. Dans ce casil avait été rajouté des combustibles (saccharoseet farine) en proportion beaucouptrop importante. En fait, le mélangeexplosif, qui déflagre notamment sousl’effet d’une flamme est de l’ordre de 55%de chlorate de soude pour 45% de sucre.Dans le cas présent, il y a un importantdéficit en oxydant. Ce type de mélange estd’ailleurs souvent utilisé dans la réalisationde « Pipe Bombs ». L’initiation de


60enquêtece type de mélange s’effectue de manièresimple avec une mèche enflammée. Un essaide brûlage a été réalisé au laboratoirecentral. Le mélange s’enflamme difficilementà la flamme nue. Ceci explique laprésence d’allume-feu pour initier. »Que l q u e s r e n s e i g n e -m e n t s co n c e r n a n t l am o u v a n c e an a r c h o -a u t o -n o m e f r a n c i l i e n n e e t l as e m a i n e de so l i d a r i t é dej u i n 2008« Février 2008 : On peut estimer lenoyau de cette mouvance à une cinquantained’individus âgés de 20 à 30 ans,d’origine européenne pour la quasi-totalité,auxquelles s’agrègent selon lescirconstances 150 à 200 personnes, membresde diverses organisations libertaires.Leur thème fédérateur est « la haine del’Etat bourgeois, du capitalisme et deses appareils ». Ce rejet s’exprime pardes actions concertées à l’encontre desforces de l’ordre et des symboles du capitalisme(banques, agences d’intérim,compagnies d’assurances, sociétés commercialesinternationales…) préparéespar les intéressés lors de rencontres dansdes squats, à la fois lieux de vie, de réunio<strong>net</strong> de passage. Depuis début 2007 onconstate en Ile-de-France une radicalisationde la mouvance anarcho-autonomefrancilienne. Deux raisons expliquentcette évolution : l’apparition d’une nouvellegénération née du conflit anti-CPEde 2006, et le contexte électoral, un certainnombre de ces jeunes ayant éprouvéune véritable aversion à l’encontre ducandidat de l’UMP. La campagne a eneffet été marquée par un certain nombred’actes imputables à la mouvanceanarcho-autonome francilienne. Des dégradationsde permanences de partis politiquesà Paris (21 de l’UMP ont notammentété visées) revendiquées par voied’affichage « une façon comme uneautre d’exprimer son refus de la politiqueinstitutionnelle, une façon bienplus claire en tout cas que d’aller mettreun bulletin dans une urne ». Le 2mai, un engin incendiaire artisanal a étédécouvert sous un véhicule d’enlèvementde la police à proximité du commissariatde la rue de Clignancourt. Des incendiesde véhicules revendiqués également parvoie d’affichage : « Cramer des voituresaura toujours plus d’impact politiqueque de mettre un bulletin dansune urne. Vive le feu ! » 27 ont ainsi étécommis dans la nuit du 5 au 6 mai, nuitprécédant le second tour. De plus, dansla perspective du soir du second tour del’élection présidentielle, de nombreuxappels à l’émeute et à l’insurrection ontété lancés. Des incidents se sont produitsplace de la Bastille et aux alentours lesoir du second tour et les soirs suivants.La semaine de solidarité de juin 2008 aété le point d’orgue des actions de solidaritéde la mouvance. Cette semaine adémontré la détermination des individuscomposant cette mouvance, visant avecdiscernement des cibles engagées. Lesactions à l’étranger démontrent l’existencede relations étroites, internationaleset anciennes des individus de cettemouvance, grâce à Inter<strong>net</strong>. Le degré degravité des actions est relativement faiblemais soulignons qu’elles sont coordonnées,ce qui démontre l’existence d’un réseaucapable de déclencher des actionssimultanées sur un thème identique et decentraliser les revendications. »Exe m p l e de f i c h e s der e n s e i g n e m e n t s jo i n t e sa u do s s i e rEncore une fois prudence avec ce genred’informations, ce sont quelquesexemples dont nous avons eu connaissance,ce ne sont pas des généralités, etles quelques renseignements transmispar les flics dans les dossiers judiciairesne signifient pas qu’ils n’ont pasd’autres infos qu’ils ne transmettentpas. Nous avons d’ailleurs remarquédifférents niveaux de renseignementscommuniqués dans leurs « fiches derenseignements » sur X ou sur Y quifigurent dans les dossiers judiciaires.Il y a des fiches de renseignementsde base avec les infos suivantes : étatcivil détaillé (nom, prénom, date denaissance, lieu de naissance, nom desparents), domicile connu, permis deconduire, voiture détenue, numérodes papiers d’identité détenus. A celaet selon les exemples peuvent s’ajouterd’autres infos : photos (d’une gardeà vue précédente ou du fichier descartes d’identité), revenus déclarés,emplois connus ou pas des servicesde police, éventuel fichage aux renseignementsgénéraux (Fichier des personnesrecherchées – FPR –, fiche auxRGPP – RG de Paris –, fiche à la feuDCRG – les ex-autres RG – devenusla DCRI), fichage au STIC (Systèmede Traitement des Infractions Constatées),c’est-à-dire le récapitulatif desgardes à vue et des contrôles d’identi-


té et des personnes avec qui l’intéresséa été contrôlé (heureusement leurssystèmes sont loin d’être infaillibles etsouvent il manque des trucs).Enfin il y a eu dans quelques cas desinfos « de première main » qui nesont liés à aucun contrôle d’identité nirien, juste du renseignement du type« Les services spécialisés de la région de….. nous signalent que l’individu X y aséjourné et qu’il y était connu selon leursrenseignements pour avoir participé àtel collectif dirigé par Y, pour participerà des collages nocturnes et qu’il étaitprésent à l’expulsion mouvementée dulieu squatté … (sans qu’il n’y ait eu decontrôles d’identité à ces occasions). »Voici un exemple d’une fiche duFichier des personnes Recherchées(FPR) transmise au dossier :L’élément le plus intéressant de cettefiche est qu’ils écrivent qu’en cas decontrôle d’identité, il convient de nepas attirer l’attention de la personnecontrôlée pour des motifs de sûretéde l’Etat tout en avisant les RenseignementsGénéraux de la préfecture dePolice de Paris du contrôle d’identité.« Ministère de l’intérieur.Fiche confidentielle pour les autoritésjudiciaires, de police, de gendarmerie etadministratives dans le cadre de leurscompétences.Identité principale : Identité : nom / prénom/ né le ….. à ….. Nationalité :Informations générales : Mesure immédiate: ne pas attirer l’attention<strong>Mo</strong>tif : sûreté de l’EtatSommaire : 1 identité, 1 ficheFiche active :Renseignements Généraux n°…..Sûreté de l’Etat Mesure immédiate : nepas attirer l’attention<strong>Mo</strong>tif : Individu proche de la mouvanceanarcho-autonome susceptible de se livrerà des actions violentesService demandeur : Préfecture de policeRenseignements Généraux Paris – Tél :0153733815Conduite à tenir : SO4 – en cas de découverteaviser les RGPP »Que l q u e s no m s de f l i c s ,d e ju g e s e t d’e x p e rt s qu is e so n t oc c u p é s de c e t t ea f fa i r eSous-Direction AntiTerroriste (SDAT)de la Direction Centrale de la Police Judiciaire(DCPJ), ceux de Levallois : ArnaudLambert (Capitaine) / Stéphanie Suchon/ Joël Dugourd / Cyril Mulat / Laure Dominguez/ Selim Hamadache / JérômeWellart-Crépin / Bruno MancheronBrigade Criminelle de la Préfecturede Police de Paris, Section Anti-Terroriste,36 quai des Orfèvres : Mario Menara(Commandant) / Julien Mabrut/ Christophe Boucharin / ChristophePaugoy / Dominique Wieczorek / TristanRatel / Daniel Terrasse / Loïc Garnier/ Philippe Lamaud.Juges d’instruction du pôle antiterroristedu Tribunal de Grande Instance deParis, la galerie Saint-Eloi : Marie-Antoi<strong>net</strong>teHouyvet / Edmond Brunaud.Expert judiciaire en empreintes génétiques: Sandrine ValadeQue l q u e s e x e m p l e sd’ob s e rvat i o n s der a s s e m b l e m e n t sIl s’agit de la manifestation du 5 avril2008 pour la liberté de circulation,peu après les premières arrestations etincarcérations dans cette affaire, et lerassemblement au tribunal de Paris le28 avril en solidarité avec les personnesincarcérées.Lors de ces événements la SDAT estsur place et tente de recueillir des infosen collaboration avec les RG. Surla manif du 5 avril, les RG disent reconnaîtreune dizaine de personnesdans le cortège ciblé. Leurs nomsenquête 61ainsi qu’une rapide fiche de renseignementfigurent au dossier. LaSDAT prend 180 photos et en tire 200portraits (avec donc une dizaine depersonnes identifiées) pour réactualiserson « Album photo évolutif ».Ces photos serviront notamment lorsd’enquêtes de voisinage concernantcertains lieux.Au tribunal le 28 avril, la SDAT identifie22 personnes sur les 70 présentesmais il faut noter qu’il y a eu descontrôles d’identité ce jour-là, on nesait pas quelles identités proviennentde ces contrôles et lesquelles de leursrenseignements ou de leurs copainsRG. Ils prennent plein de photos et entirent 70 portraits qu’ils relient aux 22personnes identifiées.L’a n a ly s e de se m p r e i n t e s g é n é t i q u e sCet extrait concerne le document queles experts transmettent au juge pourexpliquer la démarche du relevé desempreintes génétiques. Des brochuressont récemment sorties sur ce sujet etcet extrait n’apporte pas beaucoup denouvelles infos. L’extrait est parfoisécrit dans un langage ardu, nous avonstenté de surligner quelques passagespour en favoriser la lecture :« Empreintes génétiques – Expertise –Annexe : Typage ADN MitochondrialPrincipe : L’ADN nucléaire, qui présenteune grande variabilité d’individuà individu, n’existe qu’à un seul exemplairepar cellule. Un autre ADN, situédans les mitochondries, est présent à plusieurscentaines d’exemplaires dans lacellule. De ce fait, l’analyse de cet ADNmitochondrial sera préconisée dans lescas d’échantillons biologiques en quantitétrès limitée ou fortement dégradés.L’ADN est aussi présent dans les cheveuxou autres éléments pileux sans bulbe (oùl’ADN nucléaire n’est pas détectable).Cet ADN présente des variations entreindividus, mais à un degré moindrecomparé à l’ADN nucléaire. De plus,


62enquêteles mitochondries étant héritées uniquementde la mère, les individus d’unemême lignée maternelle posséderontle même ADN mitochondrial et nepourront pas être distingués.Deux régions variables de l’ADN mitochondrialsont copiées par la techniqued’amplification d’ADN puis sont séquencées,c’est-à-dire que le code génétique estdécrypté nucléotide par nucléotide surenviron 600 nucléotides. Les points de variations(mutations) observés dans cetteséquence par rapport à une séquence de référencepermettent de caractériser l’ADN.La comparaison s’effectue, soit avec unADN mitochondrial d’une autre sourcebiologique du même individu, soit avecun ADN mitochondrial provenantd’un individu de la même lignée maternelle.L’identité est établie si les deuxADN présentent les mêmes variations deséquence nucléotidique.En cas d’identité de deux séquences d’ADNmitochondrial, il est indiqué que ces deuxADN proviennent de la même personneou de deux personnes apparentées par laligne maternelle. Le résultat est accompagnéd’une indication de la fréquence de cetADN dans une banque de données internationalecomprenant les séquences de4360 individus non apparentés. Certainesséquences d’ADN mitochondrial sont fréquenteset constituent 2,6% des séquencesde la banque de données.Dans ce cas, nous considérons que cetteforte représentation ne permet pasune inclusion fiable et que seule uneexclusion sera possible. L’ADN mitochondrialest plus sensible que l’ADNnucléaire aux erreurs de réplication. Dece fait, il peut exister chez un même individuun mélange de deux populationsd’ADN mitochondriaux présentant unedifférence de séquence pour un nucléotideprécis. La proportion de ces populationspeut varier entre différents types deprélèvements (éléments pileux, sang…)chez un même individu. Ce phénomèneest connu sous le nom d’hétéroplasmie.Du fait du phénomène d’hétéroplasmie,une exclusion ne sera affirmée que lorsqueles échantillons comparés présententdes ADN mitochondriaux avec au moinsdeux différences de séquence. Deux remarquesimportantes : l’analyse del’ADN mitochondrial ne permet pasde déterminer le sexe de la personnedont provient l’ADN.Le séquençage de l’ADN mitochondrialest la seule technique de biologiemoléculaire utilisable pour leséléments pileux sans bulbe et pour leséchantillons biologiques fortementdégradés ou en quantité très faible.Annexe : typage ADN nucléaireL’ADN composant les chromosomes quise trouvent dans le noyau des cellules(l’ADN nucléaire) comporte des régionsvariables d’individu à individu. Ces régionssont composées d’unités de baseconstituées de deux à plusieurs centainesde nucléotides. Les techniques de biologiemoléculaire permettent d’extraire l’ADNet de visualiser ces régions particulières(les locus). Nous utilisons la techniqued’amplification (ou PCR : PolymeraseChain Reaction) pour étudier des courtesrégions variables de l’ADN appeléesSTR (Short Tandem Repeat). Les unitésde base des STR sont constituées de 2 à7 nucléotides. Le nombre de nucléotidespar répétition est stable pour un mêmelocus, mais le nombre de répétitions varie,entraînant l’existence pour un mêmelocus de nombreux fragments d’ADN(allèles) se différenciant par leur taille.La majorité des locus retenus par lacommunauté scientifique pour l’établissementd’empreintes génétiques est composéed’unités de base de 4 nucléotides.Après une extraction d’ADN spécifiqueau matériel de départ (sang, salive, mégotsde cigarettes, tâches biologiques…),la région d’intérêt est encadrée par desbornes, des amorces puis copiée, amplifiéepar une enzyme particulière.La technique d’amplification (PCR) estune technique particulièrement sensible.De ce fait, des analyses peuvent être effectuéessur des quantités très faibles dematériel biologique (petite tâche de sangou de sperme, mégot de cigarette, bulbede cheveux…). Cependant, une quantitéminimale de 50 à 100 cellules (0,5 ngd’ADN) est nécessaire pour obtenir unrésultat interprétable.Ces analyses permettent également demettre en évidence des mélanges d’ADN(en cas de viol par exemple). Toutefoisles proportions trop faibles d’un ADNpar rapport à l’autre ou l’existence demélanges complexes de plusieurs ADN(viols multiples par exemple) peuvententraîner des difficultés d’interprétation.Interprétation des résultats –identification des individusNous avons à notre disposition deux typesde prélèvements : les prélèvements dequestion (ADN inconnus) et les prélèvementsde référence (ADN dont l’origineest identifiée). Pour chaque régionde l’ADN, le même raisonnement estsuivi. Si les allèles caractérisant l’ADNde question sont différents des allèles caractérisantl’ADN de référence, les deuxADN proviennent, de façon certaine,de deux individus distincts. Si les deuxallèles sont identiques pour les deuxADN, il est probable qu’ils proviennentdu même individu.Néanmoins, la totalité de l’ADN n’étantpas analysée, on peut imaginer que plusieurspersonnes puissent posséder lemême profil génétique pour les régionsanalysées. Dans ce cas, l’hypothèse estque l’ADN de question et l’ADN de référencene proviennent pas de la mêmepersonne et que, par le fait du hasard,un autre individu possède la même empreintegénétique que la personne dontprovient l’ADN de question. Pour chaquelocus étudié, on calcule donc laprobabilité de trouver, dans la populationgénérale, un individu possédantces deux allèles.On associera à l’affirmation d’identité laprobabilité de trouver, dans une populationprise au hasard, un individu possédantle même profil génétique que la personnedont provient l’ADN en questionpour tous les locus testés.Les fréquences sont extraites d’études depopulations publiées dans des revues in-


enquête 63ternationales et d’une étude de la populationfrançaise effectuée en laboratoire.Quelques extraits de conclusions :« Suite à un prélèvement de l’ADN deX), L’empreinte génétique de X a étécaractérisée sur une taie d’oreiller, unebrosse à dent, un drap. La fréquence decette empreinte génétique dans la populationgénérale est de un sur 96 millionsde milliards. Donc la justice en conclutque les traces ADN retrouvées sur la taied’oreiller, la brosse à dent et le drap appartiennentà l’individu X en question.Nantes, juin 2008Rapport d’expertise à destination duTribunal de Grande Instance de Paris– Section antiterroristeDocteur Olivier Pascal et AlexandraSchlenck – Institut Français des EmpreintesGénétiques – Site de la Géraudière– Rue Pierre Adolphe Bobierre –BP 42301 – 44323 Nantes Cedex 3 Tél :02.72.64.21.95 / Fax : 02.72.64.71.70 »Au t r e s ac t e s de p r o c é d u r e ...Voici enfin un certain nombre d’autresactes de procédure qui donnent uneidée de l’étendue de leurs possibilitéssur lesquelles on ne s’attarde pas plus,soit parce qu’il n’y a pas grand-choseà en dire, soit parce qu’on n’a pas prisplus de temps pour le faire.Par exemple, il y a plusieurs PVconcernant des dialogues tenus engarde à vue, qui disent que les gens semettent d’accord sur une version ense parlant d’une cellule à l’autre. Lorsde plusieurs gardes à vue de personnessoupçonnées, ils prennent l’ADNsur des habits (pulls, caleçons) ou surun gobelet par exemple. On note quelors d’une procédure d’urgence dansune garde à vue, ils mettent 9 heurespour comparer un ADN prélevé sur legardé à vue avec un ADN retrouvé surun engin incendiaire un an plus tôt.Concernant des actes commis, ils fontdes localisations ciblées de téléphonesa posteriori appartenant à des genssoupçonnés, qui leur donnent l’endroitoù le téléphone a borné à telle heure detel jour. Ils visionnent quelques camérasaux alentours de la découverte d’un enginincendiaire (en l’occurrence, des camérasd’un distributeur de La Poste). Ilsanalysent s’il reste des traces d’empreintesdigitales (qu’ils appellent empreintespapillaires) sur la dépanneuse en question.Ils font une enquête de voisinageassez poussée dans les immeubles alentour.Ils referont également une enquêtede voisinage conséquente autour d’unemaison secondaire, cette fois-là davantagedans un objectif de renseignementsqu’en lien avec un acte précis. Ils saisissentet reproduisent avant de les transmettreau destinataire plusieurs courriersenvoyés de détention ou reçus endétention, en ajoutant des traductions siles courriers ne sont pas en français. Endétention et pendant une instruction,tout le courrier envoyé de et en détentionest lu à la fois par l’Administrationpénitentiaire et par le juge d’instruction,et certains courriers sont reproduitsdans le dossier.Des appareils photos saisis en perquisitionsont exploités ainsi que des clésUSB et des disques durs d’ordinateur.Concernant ces derniers, leur processusd’expertise est un peu moins clair.Il est évident qu’ils retrouvent tout cequi n’est pas crypté, même ce qui a étéeffacé. On remarque que si au milieud’un ordinateur, ils notent des fichierscryptés, leur attention va en prioritévers ces dossiers qu’ils transmettent envue d’être décryptés. Sur ce point on neparvient pas à tirer de conclusions trèsclaires de ce qu’ils parviennent ou nonà décrypter et nous préférons donc nepas en tirer de conclusions.Voilà quelques éléments de ce dossier, cetarticle est loin d’être exhaustif mais visecomme nous l’avons dit en introductionà transmettre quelques infos sur leurs tactiqueset sur leurs possibilités techniques.L’objectif étant bien sûr d’inciter d’autresà en faire de même car collectiviser cesinfos ne peut que nous renforcer afind’être prudents dans nos actes politiquessans tomber dans la paranoïa.A bon entendeur…


64antiterrorisme ?antiterrorisme ?Face à l’outil antiterroriste,quelques éléments pratiquesmai 2010 – infokiosques.<strong>net</strong> – extraitsCette brochure ne concerne que la France. Il existe néanmoins une définitioncommune du « terrorisme » au sein de l’union européenne (d’ailleursinspirée par la France) : sont terroristes divers agissements commis « dansle but de gravement intimider une population ou contraindre indûment despouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenird’accomplir un acte quelconque, ou gravement déstabiliser ou détruireles structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ousociales d’un pays ou d’une organisation internationale ». (Décision cadreadoptée par le conseil de l’Union Européenne en juin 2002).Un même acte peut donc soit relever du droit commun (régime ordinaire), soit dudomaine du terrorisme. En France, c’est le ministère public (le parquet, représentantde l’Etat) qui est chargé de qualifier un acte matériel de « terroriste ».Le régime antiterroriste est récent : jusqu’au début des années 80, le droitpénal ne fait aucune référence au terme « terroriste ». Mais il a toujoursexisté des dispositions pénales spéciales, comme lors de la guerre d’Algérieoù sont utilisées des « lois relatives à la prévention des crimes contre lasûreté de l’Etat ».1. Pe t i t e hi s t o i r e de l’é m e r g e n c ed u t e r m e « t e r r o r i s t e » d a n s l a l o if r a n ç a i s eLa loi du 9 septembre 1986 marque le début de la prise encompte du terro-risme dans le droit pénal français. Cette loimet en place un titre relatif aux « infractions en relation avecune entreprise individuelle ou collective ayant pour but detroubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur». Des procédures et des peines spécifiques sont mises enplace pour ceux qui seront classés « terroristes », ainsi qu’unsystème d’indemnisation des victimes. Cette loi reconnaît àdes procureurs et à des juges d’instruction de Paris une compétencenationale : ce sont des juges et des procureurs spécialisésqui s’occuperont des affaires antiterroristes à Paris.Puis vient la loi du 16 juillet 1987. Cette loi est prise afinde ratifier la Convention Européenne pour la répressiondu terrorisme, elle-même adoptée à Strasbourg en 1977. LaFrance donne son accord pour faire entrer en vigueur cetteconvention. Ce texte conventionnel énumère un certainnombre d’actes pouvant être considérés comme terroristeset détermine les possibilités d’extradition des personnesaccusées de tels actes.En 1994 apparaît dans le Code Pénal un chapitre sur leterrorisme. Ainsi est justifié l’ensemble des règles dérogatoiresau droit commun prévues par les dispositions antérieures.Autrement dit, ce texte légitime la particularité dece régime juridique.Puis ce texte est complété : les peines encourues augmentent,de même que les délais de prescription, des dispositionssont ajoutées quant à la détention provisoire, lesperquisitions deviennent possibles la nuit, et les accuséspeuvent êtres jugés dans d’autres lieux que les tribunaux,« si les circonstances sont exceptionnelles ». Ainsi, dansle cadre du procès Chalabi en 1998, 138 personnes accuséessous régime antiterroriste ont été jugées dans un gymnase.En 1996 est créé le délit spécifique “d’association de malfaiteursen relation avec une entreprise terroriste”.En 2001 est adoptée la Loi sur la Sécurité Quotidienne(LSQ). Elle étend le champ des infractions terroristes :les infractions de blanchiment et de délit d’initiés peuventêtre traitées en régime antiterroriste. Elle ajoute une nouvelleinfraction : le financement d’actes terroristes. Et ellefacilite certaines procédures, concernant les fouilles, lesperquisitions, et la transmission de données de télécommunication(téléphone, inter<strong>net</strong>...).En 2006 sort la loi sur la lutte antiterroriste. Elle augmenteles peines encourues et « assouplit » des procédures. Lesgarde à vue peuvent durer jusque 6 jours. Les actions desservices de renseignement sont facilitées : contrôles téléphoniqueset électroniques, développement de la vidéosurveillance,accès possible à de multiples fichiers (dontdes fichiers de données personnelles, comme les trajetsferroviaires ou aériens…). Est créé un nouveau crime :celui de direction d’une association de malfaiteurs en relationavec une entreprise terroriste, qui est passible de 20ans d’emprisonnement.Au bilan, au fur et à mesure du temps, le régime antiterroristeest de plus en plus étendu (il s’applique à de plus enplus de situations) et les moyens de répression qui y sontliés augmentent.


antiterrorisme ? 65Juridiquement, le régime antiterroriste n’est pas un droitd’exception, mais un droit spécialisé et dérogatoire commed’autres, comme le sont par exemple le droit économiqueou le droit de la criminalité organisée (le grand banditisme).C’est un aménagement des lois existantes, et non unrégime complètement différent.Du côté des juristes, il y a une oscillation entre la volontéde combattre le « phénomène terroriste » au moyend’instruments juridiques ordinaires et la tentation d’instaureren la matière un dispositif dérogatoire. Cela transparaîttant dans la loi que dans les services judiciaires etadministratifs concernés.2. St r u c t u r e gl o b a l e del a « l u t t e an t i t e r r o r i s t e »Le CILAT, c’est le Comité Interministériel de Liaison AntiTerroriste.Il a été créé en 1982 après l’attentat de la ruedes Rosiers. Ce comité est sous la présidence du premierministre ou du ministre de l’intérieur. Il réunit des membresdu gouvernement. C’est un organe de coordinationqui étudie les mesures à adopter pour « faire face aux risquesd’attentat ».L’UCLAT, c’est l’Unité de Coordination de la Lutte Anti-Terroriste. Créée en 1984, elle est sous l’autorité du Directeurgénéral de la police nationale. Sa mission est de réunirtous les services de l’Etat contribuant à la lutte antiterroriste.Elle a une vocation interministérielle. C’est un organe de circulationdu renseignement, qui a en charge la mise en œuvredes plans Vigipirate et le Secrétariat du CILAT.Au ministère de la Justice, il y a le Bureau de la lutte contrela criminalité organisée, le terrorisme et le blanchiment(qui est à la Direction des Affaires Criminelles et des Grâces).Il élabore des projets de textes en matière de lutteantiterroriste ainsi que les instructions générales de la politiquepénale. Il assure le suivi de l’action publique (c’està-direles poursuites mises en œuvre par le parquet), etdéveloppe la concertation avec l’UCLAT et le SecrétariatGénéral de la Défense Nationale (SGDN).3. Se r v i c e s r e s p o n s a b l e s de l ap r é v e n t i o n e t de l a r é p r e s s i o nd u t e r r o r i s m eA. Pour la prévention et la répression des actes de terrorismeIl existe deux dispositifs essentiellement destinés à effectuerun travail de renseignement et qui peuvent parfoisagir sur le plan judiciaire.D’abord, les services qui travaillent pour le ministère del’Intérieur. Depuis juillet 2008, la DST (Direction de laSurveillance du Territoire) et la DCRG (Direction Centraledes Renseignements Généraux) ont fusionné : ilssont aujourd’hui appelés la DCRI, Direction Centrale duRenseignement Intérieur. Celle-ci est un service de renseignementdu ministère de l’Intérieur, au sein de la DirectionGénérale de la Police Nationale (DGPN). Son siègeest au 84 rue de Villiers, à Levallois-Perret (92). Ce servicea 8 sous-directions : protection économique, terrorisme(Michel Guérin), technologie du renseignement (MichelPages), subversion violente (Françoise Bilancini), administrationgénérale, supports, contre-espionnage et affairesinternationales.Les missions de la DCRI sont inspirées de celles anciennementconfiées à la DST et aux RG :— prévention et lutte contre les ingérences et les menacesétrangères (contre-espionnage)— prévention et lutte contre le terrorisme et de tout acte « visantà porter atteinte à l’autorité de l’Etat, au secret de la défense nationaleou au patrimoine économique du pays »— surveillance des communications et lutte contre le cybercrime— surveillance des mouvements, groupes ou organisationssubversifs violents et des phénomènes de sociétéprécurseurs de menaces.A l’exception de l’analyse des mouvements sociaux, lesmissions de la DCRI sont considérées comme relevant dusecret défense.Du fait de l’autonomie historique de la Préfecture de Paris, ilexiste un service de renseignements spécifique à Paris. C’estla Direction du Renseignement de la Préfecture de Police,DRPP. Elle est divisée en différents services : terrorisme,économie souterraine, sécurité intérieure, hooliganisme,violences urbaines, milieux extrémistes violents, sectes,immigration clandestine, ordre public. Ce sont les “RG” deParis.Le deuxième dispositif est la mission de recherche de renseignementsà l’étranger pour le Ministère de la Défense.En font partie :— la DGSE : Direction Générale de la Sécurité Extérieure— la DPSP : Direction de la Protection et de la Sécuritéde Défense— la DRM : Direction du Renseignement MilitaireB. Pour la répression :Depuis 2006 existe la SDAT (Sous Direction de la lutteAntiTerroriste). C’est l’ex-DNAT (Division NationaleAntiTerroriste), elle-même ex-6 e Division... La SDAT estun service de la DCPJ (Direction Centrale de la Police Judiciaire),qui dépend elle-même de la DGPN (DirectionGénérale de la Police Nationale).


66antiterrorisme ?La SDAT a une compétence nationale, elle s’appuie enprovince sur les sections criminelles des DIPJ (DirectionsInterrégionales de la Police Judiciaire). La SDAT a rejointles locaux de la DCRI à Levallois-Perret, mais conserveson autonomie.A Paris, c’est la Section AntiTerroriste (SAT) de la BrigadeCriminelle. La Brigade Criminelle est un service dela DRPJ (Direction Régionale de la Police Judiciaire),qui dépend elle-même de la Préfecture de Police de Paris.C’est « la Crim’ », au quai des Orfèvres.Du fait de cette division, les enquêtes concernant la “province”sont gérées par la SDAT tandis que celles concernantParis sont confiées à la SAT. Si les faits qui sont reprochésont eu lieu à Paris, les gardes à vue et convocationsse feront au quai des Orfèvres à Paris. S’ils ont eu lieu en“province”, ce sera à Levallois-Perret.Les BRI, ou Brigades de Recherches et d’Intervention,s’occupent aussi de surveillances, de filatures et d’arrestations.Ces différents services travaillent sous la direction desmagistrats spécialisés du ministère public du TGI de Parisregroupés au sein du SCLAT (Service Central de la LutteAntiTerroriste : ex-14 e Section du parquet de Paris), et avecles ma-gistrats chargés de l’instruction.C. Pour les interventions (unités d’intervention)Souvent, les arrestations sont réalisées par les services spécialiséseux-mêmes : DCRI et DCPJ.Mais, s’il existe une technicité particulière (intervention enhauteur...), ces services font appel au GIGN, au RAID...Le RAID n’effectue d’ailleurs pas que des interventions.C’est aussi une unité de surveillance et de filature spécialiséedans les milieux terroristes, à la disposition de tous lesservices policiers et œuvrant sous l’autorité de l’UCLAT.Pour autant, toutes les arrestations ne sont pas réalisées par desspécialistes, certaines sont réalisées par des brigades ordinaires.D. Pour les services judiciairesLa spécificité de l’antiterrorisme est que tous les magistratssont regroupés à Paris.Il y a en tout 8 magistrats du parquet (procureurs) et 8 jugesinstructeurs (juges d’instruction).Officiellement, ce regroupement à Paris est justifié d’unepart, par la complexité des affaires, qui demanderait uneprofessionnalisation (des magistrats sont spécialisés enantiterrorisme) et, d’autre part, par le fait que l’antiterrorismeest un enjeu national et qu’il serait donc logique deréunir toutes ces affaires dans la capitale.Il y a donc une espèce de concurrence entre les juridictions localeset la juridiction parisienne (qui, elle, est antiterroriste).Dans la tradition française, les auteurs de crimes sont jugéspar une juridiction comportant un élément populaire (cesont les jurés de la Cour d’Assises, des ci-toyens qui deviennentjuges le temps d’un procès).Mais il existe des dérogations. Dans la réforme du 21 juillet1982, il est écrit que le jugement des crimes commis en matièremilitaire et en temps de paix est confié à une Cour d’Assisescomposée d’un président et de 6 assesseurs « lorsqu’il existeun risque de divulgation d’un secret de la défense nationale ».C’est ce modèle qui a servi en matière d’antiterrorisme. En1986 apparaît une Cour d’Assises spécialisée en matière decrimes terroristes. Elle a été justifiée par la crainte de la survenanced’un dysfonctionnement de l’appareil judiciaire dû auxpossibles pressions que pourraient exercer des terroristes surles jurés. En 1962, des jurés nîmois, effrayés par des menacesperpétrées par téléphone par des membres de l’OAS (l’Organisationde l’Armée Secrète), ont refusé de siéger.Les juges de la Cour d’Assises spéciale sont désignés par lepremier président de la Cour d’appel et non par l’AssembléeGénérale de celle-ci.Il existe une polémique au sein même du milieu judiciaireau sujet de cette Cour d’Assises spéciale : certains estimentqu’il s’agit d’une juridiction d’exception, un « monstre juridique», contraire aux Droits de l’Homme.Les arrêts de la Cour d’Assises spéciale peuvent faire l’objetd’un appel devant une autre Cour d’Appel, égalementcomposée de 8 magistrats professionnels.C’est sur le modèle de la Cour d’Assises antiterroriste qu’ont étémises en place des Cours d’Assises spécialisées en matière de stupéfiants.Par ailleurs, il existe aussi des chambres spécialisées compétentespour juger d’infractions économiques et financières.Au bilan, les services français antiterroristes sont caractériséspar la centralisation, la spécialisation et la dispersion,même si celle-ci est atténuée depuis la récente création dela DCRI à Levallois-Perret. Entrelacs de services, concurrence,qui parfois, dit-on, au lieu de complémentarité, entraîneune perte en efficacité...4. Dé f i n i t i o n ju r i d i q u ed’un ac t e « t e r r o r i s t e »Comme toutes les infractions, les actes terroristes comprennentun élément matériel et un élément intentionnel.A. Les ActesIl y a d’abord le « terrorisme classique ». Ce sont des infractionsqui existent déjà dans le droit commun. « Constituentdes actes de terrorisme (…) les infractions suivantes :


antiterrorisme ? 67• atteintes à la vie, atteintes volontaires à l’intégrité de la personne,enlèvement et séquestration ainsi que détournement d’unaéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport (…)• vols, extorsion, destruction, dégradation et détériorationainsi qu’infraction en matière informatique (…)• infractions en matière de groupes de combat et mouvementsdissous (…)• fabrication ou détention de machines, engins meurtriers ouexplosifs (…)• recel du produit de l’une des infractions ci-dessus• infraction de blanchiment (…)• délits d’initiés (…)Toutes ces infractions peuvent être traitées soit en droit ordinaire,soit en régime antiterroriste. Ainsi, un vol, ou une dégradation,peut être considéré à certains moments comme une infractionterroriste, à d’autres comme une infraction ordinaire.Il existe aussi des infractions spécifiques à l’antiterrorisme :— le terrorisme écologique. Il apparaît en 1992 et est définipar « le fait d’introduire dans l’atmosphère, le sol, le soussol,les eaux, une substance de nature à mettre en péril la santé del’homme ou des animaux ou le milieu naturel, lorsque ce fait estintentionnellement en relation avec une entreprise individuelleou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre publicpar l’intimidation ou la terreur ».— le terrorisme par association de malfaiteurs. Le faitde « participer à un groupement formé ou à une entente établieen vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieursfaits, d’un des actes mentionnés aux articles précédents » (cf.liste des infractions ci-dessus).L’incrimination de l’association de malfaiteurs au titre desinfractions terroristes date de la loi du 22 juillet 1996.Cette accusation d’association de malfaiteurs est très souventutilisée en régime antiterroriste. La seule constatationde l’existence d’un ou plusieurs faits matériels qui démontreraientl’appartenance d’un individu à un groupementdéclaré terro-riste, suffit à le poursuivre sur le fondementd’association de malfaiteurs.— le financement d’entreprise terroriste. « Financerune entreprise terroriste en fournissant, en réunissant ou engérant des fonds, des valeurs ou des biens quelconques ou endonnant des conseils à cette fin, dans l’intention de voir cesfonds, valeurs ou biens utilisés, ou en sachant qu’ils sont destinésà être utilisés en tout ou partie, en vue de commettre l’unquelconque des actes de terrorisme prévus au présent chapitre,indépendamment de la survenance éventuelle d’un tel acte ».— le fait de ne pouvoir justifier de ressources correspondantà son train de vie, tout en étant en relation avecune ou plusieurs personnes se livrant à l’un ou plusieursdes actes prévus aux articles.B. Les <strong>intentions</strong>, l’élément intentionnelJuridiquement, une seule chose distingue un acte « terroriste» d’un acte ordinaire : c’est une intention spécifiqueattribuée à la personne accusée. Si une personne estinculpée en régime antiterroriste, c’est qu’on lui reproched’avoir certaines mauvaises <strong>intentions</strong>. Cette intention, oumobile, est définie par la « relation [d’un] acte avec uneentreprise individuelle ou collective ayant pour but detroubler gravement l’ordre public par l’intimidation oula terreur ».En antiterrorisme (comme pour tout le droit pénal), l’ampleurdes dégâts, les préjudices causés, importent peu pour qualifierune infraction. Avec la formule « en relation avec », qui esttrès floue, on comprend que ce qui compte pour qualifier unacte de terroriste, c’est la relation de cet acte avec une certaineintention. Et non, comme on peut parfois le croire, le fait quel’acte dont la personne accusée est très très grave.La preuve de la relation entre un acte et ce qui est appelé« entreprise » (ayant pour but de troubler gravementl’ordre public...) est donc cruciale en antiterro-risme. Maisaucun texte juridique ne définit la notion d’entreprise.D’après certains juristes, ce terme ne peut donc que poserproblème. Ce mot semble correspondre à la notion de préméditation.Mais cette dernière exige la prévision d’uneinfraction bien déterminée alors que l’entreprise terroristene nécessite pas un projet aussi précis. La preuve du desseinterroriste reviendrait à la constatation de l’existenced’une organisation minimum préalable et structurée envue de commettre une des infractions de la fameuse liste.En mentionnant clairement « individuel ou collectif »,la loi prévoit que le nombre d’individu importe peu. Unindividu seul peut être accusé de terrorisme (comme celaa par exemple été le cas pour la personne accusée d’appartenirau Fnar, Front national antiradar).Enfin, le but de l’entreprise serait de « troubler gravementl’ordre public par l’intimidation ou la terreur ». Onconstate d’emblée un problème de taille. La définition duterrorisme est tautologique : le terrorisme est défini par laterreur ! De plus, les notions de « terreur » et d’ « intimidation» sont des conditions très subjectives.Pour qu’un acte soit qualifié de terroriste, il faudrait pouvoirmontrer que la personne aurait eu recours à des procédésinquiétant les populations, créant un sentiment permanentd’insécurité, ou un sentiment d’insécurité maximal.L’intimidation correspondrait à une angoisse d’ordre physique,la terreur à une angoisse d’ordre psychologique. Elémentspar définition impossibles à mesurer.Il faudrait aussi montrer que l’infraction engendre un troublegrave à l’ordre public. Mais le concept d’ordre publicest difficile à cerner. Evidemment la loi ne tend pas à qualifiertoute action violente de terroriste.


68antiterrorisme ?Au bilan, la qualification de terrorisme repose sur l’existenced’un mobile terro-riste, d’une intention particulière, qui estéminemment subjective. Il n’est donc pas aisé de donnerune définition claire du terrorisme, la loi restant floue à cesujet, et cela n’est sans doute pas anodin... C’est d’ailleurs lecas pour l’ensemble du droit, où les termes utilisés restentflous, et sont donc sujets aux différentes interprétations desjuges. Cela garantit au pouvoir une marge de manœuvre.C. Basculements du régime antiterroristeau droit commun et vice-versaUn même acte peut donc être qualifié à certains momentsde terroriste, à un autre non. Il y a trois moments possiblesde basculement d’une affaire entre le régime commun et lerégime antiterroriste.1) Lors de l’enquête préliminaire ou de flagrance 1Un crime ou un délit est flagrant quand il se commet actuellement,ou vient de se commettre. La définition de cequi est flagrant est essentiellement temporelle : l’enquête« de flagrance » est commencée immédiatement aprèsl’infraction. Elle ne peut pas durer plus de quinze jours :pendant ce temps elle est supervisée par le procureur etlaisse aux flics une grande marge de manœuvre.L’enquête préliminaire est décidée soit par les flics, soitpar le procureur : elle peut concerner des crimes comme desdélits, et elle échappe au contrôle d’un juge d’instruction.Elle donne en principe moins de pouvoir aux enquêteursque la flagrance ou l’instruction, surtout pour les perquisitions,mais son intérêt pour le parquet est qu’elle est sousson contrôle, sans l’intervention d’un juge d’instructionsupposé plus indépendant. Elle peut conduire directementà un procès correctionnel.Les enquêtes de flagrance et les enquêtes prélimianiressont d’abord menées par la police judiciaire locale. C’estalors le procureur local qui assure leur direction. Il prend,ou non, la décision de centraliser la poursuite sous la directiondu parquet de Paris. S’il pense que l’affaire relèvede l’antiterrorisme, le procureur local informe le procureurde Paris (antiterroriste) 2 qui lui, informe la Chancellerie(le Ministère de la Justice). En cas de conflit entre le pro-1 Il existe trois sortes d’enquêtes en droit pénal : l’enquête en flagrant délit, l’enquêtepréliminaire et l’instruction.L’instruction, comme son nom l’indique, se déroule sous le contrôle du juge d’instruction.Le juge peut donner des missions aux flics ; celles-ci s’appellent « commissionsrogatoires ».2 D’où l’intérêt, par exemple, de la note du 13 juin 2008, où le ministère de la justiceinvite tous les procureurs locaux à tenir informés les procureurs antiterroristes dèsqu’ils se retrouvent face à des personnes qu’ils soupçonnent d’appartenir à la mouvanceanarcho-autonome (celle-ci étant définie notamment par certains types d’actions, commedes manifestations de soutien à des prisonniers ou d’étrangers en situation irrégulière).Une telle mesure facilite le basculement de certaines affaires en antiterrorisme.cureur local et le procureur de Paris, c’est la Chancelleriequi tranche.Quand il est décidé que l’affaire bascule en antiterrorisme,les services policiers locaux travaillent avec un procureurantiterroriste (et non plus avec le procureur local, commec’est le cas pour les enquêtes ordinaires).C’est donc une procédure où on passe d’une affaire quiétait au début ordinaire, et qui devient antiterroriste.2) Pendant l’information (c’est-à-dire l’instruction, l’enquête)Un procureur siégeant dans un tribunal local peut demanderau juge d’instruction de se dessaisir au profit de la juridictionparisienne. Autrement dit, un procureur local peutestimer à un moment donné au cours de son enquête qu’iln’est plus compétent pour la diriger, et demande alors à unprocureur antiterroriste de se substituer à lui.C’est une procédure rapide.a) Les parquets généraux concernés et la Chancellerie sontavisés et invités à formuler leurs observations.b) Le juge d’instruction fait connaître sa position. Est appliquéle principe du contradictoire : les parties (le procureur localet les personnes accusées) sont informées et sont invitées àformuler leurs observations (« droit de la défense »).c) Le juge d’instruction local se prononce par une ordonnanced’acceptation de dessaisissement ou de refus.d) L’ordonnance rendue, quelle qu’elle soit, peut être contestéedevant la chambre criminelle de la cour de Cassation.A l’inverse, il est aussi possible qu’un juge antiterroriste aitété saisi pour des faits qu’il estime ne pas relever de l’antiterrorisme,et il peut alors faire l’objet d’une déclarationd’incompétence.Pendant l’instruction, le basculement est donc possibledans les deux sens.3) Au stade du jugementIl existe des cas où au moment du passage devant le tribunalcorrectionnel ou le tribunal pour enfants de Paris, ilest établi qu’une affaire, pourtant instruite sous le régimeantiterroriste, ne relève finalement pas de l’antiterrorisme(qu’elle devrait donc être jugée dans un tribunal local). Ilexiste alors une procédure de dessaisissement de ces juridictions.Elles se déclarent incompétentes et renvoient leministère public à se pourvoir. Mais ces juridictions peuventtout de même décerner un mandat de dépôt ou d’arrêtcontre le prévenu.A l’inverse, il n’y a pas de solution lorsque ce sont les tribunauxlocaux qui sont incompétents (qu’ils se rendentcompte que l’affaire qu’ils jugent de manière ordinaire re-


antiterrorisme ? 69lèverait plutôt de l’antiterrorisme). Au moment du procès,une affaire peut donc sortir de l’antiterrorisme, mais ne peutpas basculer dans le régime antiterroriste.5. Spé c i f i c i tés de l ap r o c é d u r e an t i t e r r o r i s t eA. Contrôles et vérifications d’identitéLe contrôle et la vérification d’identité se déroulent de lamême manière en droit ordinaire ou en antiterrorisme.B. Garde à vueEn revanche, la procédure de garde à vue est différente enantiterrorisme. D’abord, la durée maximale de la garde àvue est de 6 jours, soit 144h. Cette procédure n’existe qu’enantiterrorisme. Mais dans les faits, il semble que la plupartdes gardes à vue, même en antiterrorisme, n’excèdent pas96h (durée que subissent aussi régulièrement ceux quisont accusés de trafic de stupéfiants, de bande organisée,de proxénétisme et de fausse monnaie).Cette prolongation de la durée de garde à vue en antiterrorismeest officiellement justifiée par le fait que le terrorismeest par nature le fait de menées clandestines et est souventinternational. Ces prolongations ne sont possibles que pourdes personnes majeures. Ces prolongations sont soumisesà l’autorisation donnée sur demande du procureur par leJLD ( Juge des Libertés et de la Détention) s’il s’agit d’uneenquête préliminaire ou d’un flagrant délit, ou par le juged’instruction s’il s’agit d’une commission rogatoire 3 .En antiterrorisme (comme pour bande organisée, stupéfiants,proxénétisme et fausse monnaie), le gardé à vue nepeut voir un avocat qu’après 72 heures, soit 3 jours de gardeà vue. Pour des procédures ordinaires, il peut le voir dès lespremières 24 heures.C. Perquisitions, visites domiciliaires, visites des véhiculeset saisiesOfficiellement, il existerait de fortes dérogations en matièred’antiterrorisme. Par exemple, les flics peuvent perquisitionnersans avoir l’assentiment de la personne concernée!!! Cela n’a évidemment rien d’exceptionnel. Il estextrêmement rare, quelle que soit la procédure en cours,que les flics demandent à quelqu’un son autorisation avantde perquisitionner son appart !De plus, en antiterrorisme comme pour proxénétisme outrafic de stupéfiants, les flics ont l’autorisation, depuis laLoi sur la Sécurité Quotidienne (LSQ) de 2001, de perquisitionnerde nuit (c’était déjà le cas pour toutes les procé-3 Pour les définitions d’enquête en flagrant délit, préliminaire et de commission rogatoire,cf. p. 68.dures en flagrant délit ou lorsqu’une information judiciaireétait ouverte). Mais cette autorisation de nuit ne concernepas les domiciles (où, comme en régime ordinaire, les flicsne peuvent commencer à perquisitionner qu’entre 6h et21h), elle concerne par exemple les caves et les garages.Ce qui vient aussi de la LSQ de 2001, c’est le droit pour lesflics, sur réquisition du procureur, de fouiller des véhiculescirculant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique oudans les lieux accessibles au public. D’où la possibilité pourles flics d’ouvrir les coffres. Officiellement, avant, seuls lesdouaniers pouvaient le faire. Mais en réalité, cela fait bienlongtemps qu’il en est autrement.En antiterrorisme comme en droit ordinaire, les procéduresincidentes sont valables. Autrement dit, si les flics viennentpour chercher quelque chose (des explosifs) et qu’ilstrouvent autre chose (une boulette de shit), ils peuvent tepoursuivre pour cette dernière. Certains juristes dénoncentle risque de détournement de la procédure. Les flicsutiliseraient officiellement une procédure antiterroristepour avoir le droit de fouiller plein de bagnoles n’ayantaucun rapport avec cette procédure antiterroriste et doncpoursuivre des gens pour plein d’autres choses. Un peucomme lorsque les flics utilisent le prétexte de rechercherdes armes dans une zone donnée pour en fait réaliser unegrande rafle de sans-papiers.Enfin, il est précisé qu’en antiterrorisme, des agents de sécuritéprivée peuvent procéder, sous réserve de leur agrémentpar la préfecture et du consentement de la personne concernée,à des « palpations » et à des contrôles des bagages, dansles ports, les aéroports et dans les lieux recevant du public. Là,c’est clairement écrit dans les textes. Dans la vie ordinaire, celase passe déjà quotidiennement. Le vigile fouille ton sac à lasortie du magasin sans te demander ton autorisation.Il existe donc plusieurs dérogations qui ne concernent pasque les personnes directement touchées par l’antiterrorisme: elles sont prévues pour être extensibles.D. <strong>Mo</strong>yens modernes d’investigation matérielleDepuis la LSQ de 2001, les fournisseurs d’accès Inter<strong>net</strong>et les réseaux de télécommunication (téléphone par exemple)ont obligation de conserver les traces pendant un an.Les magistrats peuvent ordonner le déchiffrement des e-mails cryptés.Les écoutes téléphoniques seraient prohibées. Mais évidemment,il existe deux exceptions : les écoutes judiciaires(prescrites par le juge d’instruction ou le procureur) et lesécoutes administratives (prescrites par le premier ministrepour la sauvegarde d’un impératif d’intérêt national).Il existe aussi un fichier automatisé concernant spécifiquementle terrorisme. Inspiré du fichier RG, il s’appelled’abord « Violence ». Puis, en 1982 apparaît le fichier VAT


70antiterrorisme ?« Violence Attentat Terrorisme », qui contient des informationssur des « menées internes et internationales »« terroristes ». Il facilite le recoupement méthodique desinformations. Ce fichier permet l’identification des personnes(état civil, pseudonyme, nationalité). Il donne la possibilitéd’identifier une personne à partir de ses habitudes devie, de ses compétences ou d’une simple description physique.De plus, l’ensemble du fichier concerne non seulementles individus connus pour leurs « activités terroristes » ouleur soutien apporté à des « groupes terroristes », mais égalementdes personnes entretenant ou ayant entretenu desrelations directes avec les personnes fichées. Cette base dedonnées était alimentée par le service des RG et différentsservices de l’antiterrorisme.Depuis la création de la DCRI (fusion des RG et de la DST)en juillet 2008, existe le fichier Cristina (Centralisation duRenseignement Intérieur pour la Sécurité du Territoire etdes Interêts Nationaux). Ce fichier, classé secret défense,contient des données personnelles sur les personnes fichées,mais aussi sur leurs proches et leurs relations. Ce fichier n’estpas soumis au contrôle de la CNIL et est né entre autres dela fusion d’une partie du fichier RG et de celui de la DST.A peu près à la même date, le fichier Gesterext (Gestiondu terrorisme et des extrémismes violents) est venu remplacerle fichier Gester. Il s’agit d’un fichier de renseignementintérieur géré par le service chargé de la lutte contrele terrorisme et les extrémismes à potentialité violente dela DRPP (Direction Régionale de la Préfecture de Policede Paris). Autrement dit, les RG de Paris travaillent avec lefichier Gesterext, alors que la DCRI travaille pour toute laFrance avec le fichier Cristina.E. PréventiveEn antiterrorisme, les durées possibles de détention provisoire(période pendant laquelle la personne est mise enprison dans l’attente de son procès), sont plus importantesqu’en régime ordinaire. Ainsi, normalement si une personneest en mandat de dépôt correctionnel, elle peut êtreen préventive pour une durée de quatre mois renouvelabledeux fois (soit au maximum un an, et, dans des circonstancesexceptionnelles 4 , un an et quatre mois). Mais en antiterrorisme,cette période peut durer jusque deux ans et quatremois.De même, si quelqu’un est en mandat de dépôt criminel, ladurée standard est d’un an renouvelable. En régime ordinaire,si la personne encourt moins de 20 ans, la durée maximaleest de deux ans (ou 2 ans et 8 mois dans des circonstancesexceptionnelles). Cette durée est de 3 ans (ou 3 ans et 8 mois4 Voilà leur définition de l’exceptionnel : « A titre exceptionnel, lorsque les investigationsdu juge d’instruction doivent être poursuivies et que la mise en liberté de lapersonne mise en examen causerait pour la sécurité des personnes et des biens un risqued’une particulière gravité » !toujours dans des circonstances exceptionnelles) lorsque lapersonne n’encourt pas moins de 20 ans.En antiterrorisme, on peut rester en préventive jusque 3ans (ou 3 ans et 8 mois) si la personne encourt moins de 20ans. Si ce n’est pas le cas, la personne peut rester jusque 4ans (ou 4 ans et 8 mois).Ces dérogations existent pour d’autres cas que l’antiterrorisme.Enprocédure correctionelle, il en est de même dèsqu’une personne est accusée d’une infraction qui a été commisehors du territoire national ou pour les personnes accuséesde trafic de stupéfiants, d’association de malfaiteurs, deproxénétisme, d’extorsion de fonds ou pour une infractioncommise en bande organisée et qu’elle encourt une peineégale à dix ans d’emprisonnement. En criminelle, il en estde même lorsque l’un des faits constitutifs de l’infraction aété commis hors du territoire national. Et le délai est égalementde quatre ans lorsque la personne est poursuivie pourplusieurs crimes mentionnés aux livres II et IV du code pénal5 , ou pour trafic de stupéfiants, proxénétisme, extorsionde fonds ou pour un crime commis en bande organisée.F. JAP ( Juge d’Application des Peines)Depuis la loi du 23 janvier 2006, il existe un principe de centralisationétendu à l’application des peines. Cela concernedonc toute la chaîne pénale : JAP du TGI de Paris, tribunalde l’application des peines du TGI de Paris, et la chambrede l’application des peines de la Cour d’Appel de Paris.G. PrescriptionComme le stipule le texte du 8 février 1995, les prescriptionsen matière de terrorisme sont différentes du droit ordinaire: les périodes sont plus longues. Cette dérogationn’est pas spécifique à l’antiterrorisme : il en est de même,entre autre, pour les trafics de stupéfiants.Ainsi, par exemple, les délais de prescription de l’actionpublique et de la peine sont normalement de 20 ans pourles crimes. En antiterrorisme, c’est 30 ans.H. CondamnationsLa sévérité des sanctions encourues augmente lorsque l’onest sous le régime antiterroriste. Les situations sont différentespour les personnes physiques et les personnes morales(représentants d’associations, d’entreprises...).1) Personnes physiques.5 Ces livres comprennent d’une part, les crimes et délits contre les personnes (crimescontre l’humanité, atteintes à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne...),et, d’autre part, les crimes et délits contre la Nation, l’Etat et la paix publique(atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, terrorisme, atteintes à l’autorité del’Etat, atteintes à l’administration publique, atteintes à l’action de la justice, atteintes àla confiance publique).


solidarité 71Il existe une division entres peines principales et peinescomplémentaires.a) Peines Principales• Concernant les peines pour des actes de terrorisme définispar référence à une infraction ordinaire (cf. liste desinfractions p. 66-67), le calcul se base sur les peines encouruesau titre des infractions de droit ordinaire. Maisle maximum de la peine encourue est aggravé d’un degrélorsqu’il s’agit d’une peine privative de liberté (lorsquetu risques de la prison ferme).Par exemple, tu risquais « normalement » jusqu’à 30 ansde réclusion criminelle, cela devient perpétuité si tu es enantiterrorisme. Au lieu de 20 piges, c’est 30 ; au lieu de 15,c’est 20. Et il en est de même en matière correctionnelle. Aulieu de 7 c’est 10 ; au lieu de 5, c’est 7. S’il s’agit d’une peinede 3 ans au plus, la peine est multipliée par deux. Donc lesinfractions constituant normalement des délits, lorsqu’ellessont punies de plus de 10 ans de taule, deviennent descrimes (un crime est une infraction où tu risques plus de10 ans). Des augmentations de peine existent aussi pourd’autres régimes spéciaux, comme le trafic de stupéfiants.Quant aux peines pour des infractions terroristes spécifiques,cela dépend des infractions :• association de malfaiteurs en relation avec une entrepriseterroristeEn droit ordinaire, lorsque tu es accusé d’associationde malfaiteurs, en fonction de la gravité des infractionspréparées, tu risques soit 5 ans de prison et 75 000 eurosd’amendes, soit dix ans et 150 000 euros d’amende 6 . Enantiterrorisme, si tu es accusé d’association de malfaiteurs,tu risques 10 ans de prison, mais la différence estque l’amende maximale est de 225 000 euros (au lieu de150 000 en droit ordinaire).• financement d’entreprise terroriste. C’est aussi 10 ans. Maispour l’exécution des amendes, le JLD peut ordonner desmesures conservatoires sur les biens des personnes mises enexamen (il peut demander à saisir des biens personnels).Périodes de sûreté. Il y a une période de sûreté lorsque l’actede terrorisme est puni de peines criminelles ou de 10 ansd’emprisonnement. Pendant cette période, les condamnés nepeuvent pas bénéficier de suspension ou de fractionnementde la peine, ni de semi-liberté ou de liberté conditionnelle, pasnon plus de permis de sortie ou de placement à l’extérieur.La durée de cette période est de la moitié de la peine ou de 18ans pour la perpétuité. Par décision spéciale, les juges peuventaussi bien décider en-dessous de la moitié car il n’est pas pré-6 Plus précisément : si les infractions préparées sont des délits punis d’au moins 5 ansde prison, la participation à l’association est punie de 5 ans d’emprisonnement et de75000 euros d’amende. Lorsque les infractions préparées sont des crimes ou délits punisde dix ans d’emprisonnement, la participation à une association de malfaiteurs est puniede dix ans d’emprisonnement et de 150000 euros d’amende.vu dans la loi de seuil minimum. Cette période de sûreté estaussi appliquée à des personnes qui ne sont pas en procédureantiterroriste, lorsque celles-ci sont condamnées à des crimesou à des délits punis de 10 ans d’emprisonnement.b) Peines complémentaires communes.Les peines facultatives sont applicables à tous les « terroristes», quelle que soit leur nationalité. Celles-ci existent aussidans le cadre de procédures qui ne sont pas antiterroristes.• interdiction de droits civiques, civils et famille.Interdiction temporaire d’une durée maximale de 15 ansen cas de crime et de 10 ans pour un délit.• interdiction d’exercer une fonction publique ou une activitéprofessionnelle ou sociale.C’est lorsque l’acte a été commis dans ce cadre.La durée de l’interdiction peut être définitive ou temporaire.Et si c’est temporaire, le maximum en terrorisme estde 10 ans (normalement, c’est 5 ans).• interdiction de séjour. Pour 15 ans (d’habitude, c’est 10).c) Peines complémentaires réservées aux étrangers.Les étrangers encourent l’interdiction de territoire (apparemmenttrès sévère en antiterrorisme).En droit ordinaire, existent des restrictions concernant certainescatégories d’étrangers bénéficiant d’un lien privilégiéavec la France. Cette restriction n’est pas prévue sous le régimede l’antiterrorisme. L’interdiction de territoire peut entraînerune reconduite à la frontière à l’expiration de la peineprivative de liberté (après la prison, c’est l’expulsion), ce quiarrive aussi dans bien des cas en droit ordinaire.2) Personnes moralesUne personne morale, c’est par exemple le représentantd’une association, d’un groupement politique, d’une sociétécommerciale, d’une fondation… Toute personnemorale qui facilite des actes terroristes peut être sanctionnéepénalement. Dans ce cas, l’amende est multipliée par 5par rapport à une personne physique. Une des peines peutêtre la dissolution de l’association, de la société…Une autre est l’interdiction pour la personne d’exercer uneou plusieurs de ses activités sociales ou professionnelles (sil’infraction a été commise dans le cadre de ses fonctions).Cette interdiction ne peut excéder un an.Les autre peines possibles sont des exclusions définitivesou temporaires des marchés publics, des interdictionsd’émettre des chèques, et l’interdiction de l’affichage et dela diffusion de la condamnation prononcée.Mais sont exclues de certaines peines les personnes moralesde droit public, partis et groupements politiques, syndicatsprofessionnels… !


solidarité72Solidaritéa c t i o n s – c a i s s e s de so u t i e né m i s s i o n s de r a d i o an t i c a r c é r a l e sActions de solidaritéPetite chronologie non exhaustive des actions de solidarité avec les inculpés entre 2009 et 2012...18 janvier 2009,Versailles :« Une manifestation étaitappelée à la prison pour femmesde Versailles (78) où estnotamment incarcérée Inès.Nous étions une centaine ànous réunir devant les portesde la maison d’arrêt, 28 avenuede Paris, à 16h. Deux banderolesont alors été déployéesdu côté de l’avenue qui mèneau château de Versailles surlesquelles on pouvait lire surl’une, "Liberté pour Inès, Javier,Damien et tous les prisonniers"et sur l’autre "Destruction detoutes les prisons". En mêmetemps de nombreux pétardsétaient lancés vers le murde la prison, dont certainsau-delà, et on pouvait entendre"Libérez Inès ! Libérez lesprisonnières !" Des prisonnièresnous ont alors répondu ennous saluant de la main, ontcrié "On veut la liberté !" etquelques mots ont pu êtreéchangés. La police, pour unefois peu nombreuse, nous asuivi jusque-là mais il n’y a paseu d’arrestation. »19 janvier 2009,Grenoble :« Dans la nuit du dimanche18 au lundi 19 janvier, septbanques du centre-ville deGrenoble ont eu leur ported’entrée et/ou leurs distributeursde billet englués. Lesportes du tribunal administratif,de France Bleu Isèreainsi qu’une ANPE ont subile même sort. Dans la mêmenuit, plusieurs banques, leDauphiné Libéré , un centrede ‘semi-liberté’, France BleuIsère, cette même ANPE et letribunal administratif ont euleurs façades taguées. »19 janvier 2009, Paris :« La nuit du 18 au 19 janvier,le distributeur de la BanquePopulaire rue d’Alesia (14 ème ),le distributeur et toutes lesvitres de la Société Généralerue Sarrette (14 ème ) et toutesles vitres de l’agence Adeccorue d’Alembert (14 ème ) ontété démolis. Des banques autravail, détruisons ce qui nousdétruit. Solidarité avec Inès,Javier, Damien et tous lesrévoltés. »20-21 janvier 2009,Lille :« Dans les nuits du 19 au 20et du 20 au 21 janvier, nousavons saboté 9 distributeursbancaires dans l’agglomérationlilloise (Wazemmes,Vieux Lille, Loos). Toutcomme les révoltés grecs,nous n’avons pas besoin dejustifications pour attaquer lesstructures du Capital. Lors dela semaine de solidarité internationalecontre le terrorismed’Etat, nous tenions à témoignernotre soutien envers lescompagnons inculpés sous lecoup des lois antiterroristes.Liberté pour tous et toutes !!Des révoltés sans frontières. »21 janvier 2009,Nossegem (Bruxelles) :Manifestation devant un centrefermé pour « étrangers »à Steenokkerzeel, quelquesaffrontements à la fin de lamanif, une trentaine d’interpellationspour des contrôlesd’identité, une compagnonneblessée aux vertèbres. « Desfeux d’artifices, des fumigè-


solidarité 73nes et des pétards viennentaccompagner les cris derage scandés par les manifestants: “pas de frontières,pas de nations – LIBERTé”,“briques par briques, murspar murs, détruisons toutes lesprisons”, “Solidarité”,... Aveccette initiative, nous voulonségalement nous inscrire dansla semaine de solidarité internationaleavec Inès et tous lesprisonniers en lutte, (accusée,parmi d’autres, d’une tentatived’incendie d’une dépanneusede flic garée devant uncommissariat à Paris). »21 janvier 2009, Paris :Les vitrines du local PS ruede Gergovie (14 ème ) et UMPrue Pleyel (12 ème ) ont étédétruites en même temps. Lagauche comme la droite ducapital font partie de notreécrasement. A bas les politicards,leurs soutiens et leursinterlocuteurs. Solidarité avecInès, Javier, Damien et tousles incarcérés en lutte. Solidaritéavec tous les révoltés, deBarbès et d’ailleurs.22 janvier 2009,Alès, Nîmes, Sèteet <strong>Mo</strong>ntpelli er :« Dans la nuit du 21 au 22janvier, à Alès, Nîmes, Sète et<strong>Mo</strong>ntpellier, BOUYGUES etses collabos – Fabre ETDE,Ecole des Mines, les compagniesde transports maritimeset aériens COMANAV etAIR FRANCE, les agences devoyage FRAM, COMARITet ACCOR – ont subi diversdommages. »23 janvier 2009, Paris :Rassemblement de <strong>80p</strong>ersonnes à Beaubourg à 18hpour la liberté des inculpésde l’incendie de vincennes,d’Inès, Javier, Damien , Julie<strong>net</strong> tous les prisonniers. Leplateau d’une émission deFrance Culture qui se déroulaiten direct dans le musée a étéinterrompu pour y lire un texte.23 janvier 2009,<strong>Mo</strong>ntpellier :« La nuit du 22 au 23 janvier,nombre de murs du centreville de montpellier ont étéinsolemment recouverts detags ; “Les prisons au feu, lesmatons au milieu”, “Feu auxprisons”, “<strong>Mo</strong>rt au pouvoir”,“Libérez Inès, Javier, Damien etles autres”. »24 janvier 2009, Paris :Rendez-vous était donné à15h ce samedi à Barbès pourune manifestation de soutienà Inès et tous les prisonniers.Dès le départ du cortège, 300personnes se sont fait encerclerpar la police sur le boulevardde la Chapelle. Immédiatement,les gens présents dansle quartier ont manifesté leursolidarité, bloquant notammentle carrefour et faisantface aux forces de l’ordre.Les policiers ont répliqué enlançant des lacrymos dansla rue et dans le métro, qui atrès vite été fermé. Puis ils ontchargé tout ce qui bougeait.Gaz lacrymos, matraques,contre bouteilles pétards etfumigènes, suivis de chargessur le boulevard Barbès.Pendant plus d’une heure, desunités mobiles en uniformeet en civil ont arrêté sans distinctionmanifestants et passants.Plus de 120 personnesau total ont été interpelléeset conduites dans différentscommissariats dont CharlesDallerey, dans le 11 ème arrondissementet Riquet dans le19 ème . 15 personnes sont ensuitespoursuivies pour refusde se disperser, attroupementarmé ou jets de projectilessur agent de la force publique.Les 7 qui passaient en procèsle 6 mai ont été relaxés. Les8 autres sont passées le 5octobre. Une seule personnea été relaxée à cette date, unepersonne a pris 4 mois avecsursis, assortis de 18 mois demise à l’épreuve sous contrôlejudiciaire. Les 6 autres personnesont pris 2 mois avecsursis, avec en plus, pour troisd’entre elles, des dommageset intérêts s’élevant à environ900 euros par personne.24 janvier 2009, Paris :« De nombreux coups sontvenus briser les vitrines d’uneagence immobilière et d’unecompagnie d’assurance dans larue Condorcet du 9 ème , accompagnésd’un “sabotons ce quinous détruit !” Ce n’est pas enarrêtant une manif que les feuxde la révolte s’éteindront. »26 janvier 2009,Bruxelles :« Le 26 janvier, peu avant3h, nous avons incendié 3voitures de police devant lecommissariat de la rue duBailli à Ixelles. Solidarité avecles compagnons qui se sontdéfendus face à la police aprèsla manifestation de Steenokkerzeella semaine dernièreet avec les révoltés qui ontincendié le 127bis en août.Solidarité avec Inès, Javier,Damien, Bruno et tous les engeôlésde la guerre sociale. »29 janvier 2009, Paris :Lors de la gigantesquemanifestation syndicale, lesdizaines de milliers de manifestantssont passés sous unebanderole dInèsnt “Solidaritéavec les révoltés incarcérés.Liberté pour Inès Javier etDamien, ceux de Vincennes etde Villiers-le-Bel, Julien et les63903 autres”.30 janvier 2009,Barcelone :« La nuit du 29 au 30 janvier2009, a eu lieu une actionde solidarité avec les compagnonsemprisonnés et enlutte en France. Toutes lesvitres de l’Institut Français deBarcelone, situé carrer <strong>Mo</strong>iaau milieu d’un quartier deluxe, ont été détruites à coupsde marteaux. Liberté pour lesprisonniers en France »6 fevri er 2009, Paris :Rassemblement pour lalibération d’Inès devant lachambre de l’instruction,esc A, au palais de justice deParis (m°cité) pour l’appelde la décision du JLD (jugedes libertés) de renouveler lemandat de dépôt d’Inès16 avril 2009, Paris :Rassemblement pour la libérationde Javier, après presque10 mois en préventive, Javiers’est vu refuser sa demandede mise en liberté. Rdvjeudi 16 avril à 14h devant lachambre de l’instruction, escA, au palais de justice de Paris(M° Cité) pour l’appel de lademande de mise en liberté.2 juin 2009, Berlin :Une voiture brûlée chez unconcessionnaire Renault :«… notre solidarité contre lacampagne répressive à l’encon-


74solidaritétre des “anarcho-autonomes”en France. Cette répressiontransforme des fumigènes enbombes, fait d’une bouteilleplacée sous une dépanneusede police une attaque terroriste; un accident tragiqueau cours duquel meurt unecamarade conduit à desperquisitions brutales et à desincarcérations. Liberté pourtoutes et tous ! Acab. »22 janvier 2010,Besançon :« Feux d’artifice pour les détenusà la maison d’arrêt et ensolidarité avec Vincennes.Le 19 janvier 2010 ont été tirésdes feux d’artifice pour lesdétenus de la maison d’arrêtde Besançon La Butte. Cetteaction s’inscrit dans le cadre dela semaine de solidarité avec lesinculpés de Vincennes et a étémenée contre la politique sécuritairequi enferme ceux quiluttent, ceux qui misèrent... Le19 janvier 2008 Ivan et Bruno(puis Inès, Farid et Javier)étaient arrêtés à Vincennes puisincarcérés pour leur participationà la lutte contre la déportationdes sans-papiers. Cetteaffaire n’est toujours pas jugée,ils le paient encore. Le 19 janvier2009, à Bordeaux, brûlait leCentre de Rétention Administrative(CRA...) où étaient stockésarbitrairement des humainsde passage en l’attente de leurdéportation. Le 19 janvier 2010,un camarade a été condamnéà un an de prison pour avoirtenté d’apporter un soutienmatériel (sous forme de viande,et de moyen de communicatio<strong>net</strong> de divertissement) auxdétenus de la Maison d’arrêt ; ily croupit désormais.D’un côté ou de l’autre dumur, le système qui nousbroie est le même, par la solidariténous le ferons tomber.Feu aux prisons ! »12 janvier 2009, Paris :« Dans la nuit du mardi 11 aumercredi 12 janvier, plusieursantennes de la Croix-Rouge(rue des Couronnes, rueHaxo, rue de Romainville,rue Albert Thomas) ont étévisitées, des tags aposés surleurs façades, parmi lesquels“Feu aux C.R.A.”, “Collabos”,“Balances”, “Liberté pour tous”,“Bourreaux”, “Les prisons enfeu, la Croix-Rouge au milieu”.La maison de la Justice etdu Droit, rue du Buisson-St-Louis, a elle aussi eu droità ses petites décorations:“crève l’Etat”, “Crame la taule”,“Liberté pour tous”, “Niquela justice”, “Feu aux prisons”.Cette petite action a pour butde rappeler le rôle de la Croix-Rouge dans la bonne marchede la machine à expulser età enfermer. Elle vise égalementà marquer la solidaritéavec les personnes contrelesquelles la Croix-Rouge aporté plainte, n’appréciantguère que sa sale besognesoit rendue publique. Cespersonnes passent en procèsce vendredi.Enfin, cette action est dédiée àBruno, en taule pour avoir participéà la lutte contre la machineà expulser. Liberté pourtous, avec ou sans papiers. Feuà toutes les prisons. »19 janvier 2010,Besançon :Manifestation anticarcéralepour Bruno7 janvier 2011,Nogent-sur-Marne :« Poulet grilléTu ne t’es pas retrouvé là parhasard. Dans cette petite sallese trouvent de nombreux amateursde jazz manouche. Disonsqu’on est rue St Denis à Paris,au J’OSE bar, ou à Nogent-sur-Marne au Pocket Théâtre. Voiremême dans un bar branchépour bobos au Relais de <strong>Mo</strong>ntmartre.Pendantque l’Etat raseles campements Rroms à coupsde bulldozers et les déportepar centaines, les amateurs demusique nomade se pressentpour s’évader de l’ennui de leurvie quotidienne.Le rythme s’empare maintenantde ton corps, ta tête selaisse aller au son qui swingue.Et tu regardes ses mains. Oui,les mains de ce contrebassiste,peut-être pas si mauvais queça. Les cordes claquent, et toitu t’emportes. C’est un petitgroupe qui joue ce soir, avecun certain Julien Mabrut à lacontrebasse. Tu regardes sesdoigts qui font vibrer le lourdinstrument. Soudain, tout sebrouille dans ton esprit.Ces mains, les mains de JulienMabrut, elles portent unflingue. Du gros calibre. Cesmains, elles peuvent parfoisfrapper des hommes menottés.Ces mains, elles tapent devolumineux rapports destinésà enfermer des hommeset des femmes pendant delongues années d’isolement.Ce mains, celles de JulienMabrut, sont celles d’un chtarde la Brigade Criminelle-SectionAnti-terroriste de Paris.Merde ! Chien de garde duterrorisme d’Etat, protecteurdes intérêts de ceux qui empoisonnentla terre, mutilentdes corps au travail, massacrentsur tous les continents,jouent avec toutes les peurspour préserver le pouvoirde quelques-uns... le jour, etcontrebassiste... la nuit quandil lui reste du temps ! Petitrouage ambitieux au servicedes puissants et musicienamateur de jazz manouche.Ces mains, oui ces mains quine te font à présent plus rêverdu tout, ce sont les mainsd’un larbin qui passe sesheures à traquer, contrôler,perquisitionner, interrogeret incarcérer tous ceux quel’Etat désigne comme sesennemis.Julien Mabrut ne cache pascomment il se divertit de seslongues heures de bons etloyaux services. Il joue dansle groupe « Sardines Jazz àl’huile ». Le poulet sort fairedes bœufs pendant que lessuspects qu’il a traînés au 36quai des Orfèvres moisissentplusieurs jours dans de petitescages à côté de son bureau. Letâcheron zélé du code pénalet le besogneux de l’archet.L’artiste du Glock et dugilet pare-balles, le virtuose dusaccage d’appartement et duprélèvement ADN se pavaneavec son groupe sur myspace(http://www.myspace.com/lessardinesjazz) ou facebook(http://www.facebook.com/group.php?gid=68469307425)pour se produire dans des sallesde concert minables. Il exhibesa gueule d’assassin d’Etat potentieldans des vidéos (http://www.myspace.com/lessardinesjazz/videos)et en photos.Julien Mabrut, qui croit encoreque tu es instituteur comme tul’affirmes honteux ?La nuit du 6 janvier, veilled’une énième autocélébrationde Julien Mabrut et de sespotes, le Pocket Théâtre deNogent sur Marne a été entièrementtagué (“Poulet grillé”,“J. Mabrut est un keuf ”, “Etatterroriste”, “Police partoutmusique nulle part”, “Jujumets de l’huile”, “Feu auxprisons”, “Nik la police”, “Etatassassin”), toutes ses serruressabotées, et la grille fermée


solidarité 75avec une nouvelle chaîne.On ne sait pas comment Mabruta pris la chose, sauf quesa contrebasse sonnera unpeu plus faux que d’habitude.Si la petite musique de keufsadoucit les moeurs citoyennes,ce sera sans nous !Contre le terrorisme d’Etat,liberté pour tous !Spéciale dédicace à Bruno et àtous les prisonniers en lutte !»19 février 2011,Grenoble :« En préambule à la semainede solidarité et de luttes, plusieursactions ont fleuri dansnotre morne ville : les portesde l’IUFM ont été provisoirementfermées (chaînes sur lesgrilles, serrures engluées à lasoudure à froid) des inscriptionslaissées sur place “il n’ya pas de bon maître, brûle tonécole”, “si l’école rendait libre iln’y en aurait pas”, “<strong>Mo</strong>rds lamain qui te nourrit”, “plutôtchômeur que professeur” etautres joyeusetés...un collège de l’agglomérationa subi une attaque similaire etau matin les “enfants” “collégien-ne-s”(euh...) ont pu lire“l’école c’est la taule”, “les pionssont des matons, mort au dirlo”,“à bas toutes les prisons”un peu plus loin un concessionaireRenault, charogne del’enfermement (fait bosser lesprisonnier-es) a été égalementattaqué (vitrines à terre,trentaine de véhicules crevés)Ces entreprises /institutionsnous enferment, leur mondeest une prison, qu’il crève !Solidarité avec Ivan, Dan etOlivier, Bruno, François etCamille récemment incarcéré-e-s/ placées sous contrôlesjudiciaire (lutte contre la machineà expulser), la solidaritéest une arme ! »28 février 2011, Paris :« Dans la nuit du 27 au 28février à Paris, les vitres de laCroix-Rouge rue Lemonnier(paris-12) ont été brisées, à côtédu tag "collabo des expulsions".Aussi les vitres d’une camion<strong>net</strong>ted’Eiffage (constructeurde taules) rue L. Frot, d’ungarage Renault (exploiteurde prisonniers) rue Lepeu etd’une agence d’interim Synergie(exploiteur de sans-papiers)rue du Chemin Vert (paris-11).La lutte contre tous les enfermementscontinue ici commeailleurs. Une pensée pour Ivan,Olivier et Dan, incarcérés depuisbientôt deux mois…»4 mars 2011, Lyon :Une pensée aux engeolé.e.s,« La nuit du 2 au 3 Mars,place de la Croix-Rousse,dans le 4e arrondissementde Lyon, les vitrines duBouygues ont été attaquées àcoup de marteaux. Des motsrecouvrent toute la largeurde la chaussée : “Bouyguesconstruit des prisons, on lesdétruit, sale patron !”. Unepensée à Dan, Olivier et Ivanenfermés dedans, et à tous lesautres enfermé.es dehors. »11 mars 2012, Athènes :« Pour le renforcement de lasolidarité réciproqueLe dimanche 11 mars, à l’assembléeouverte de ContraInfo àAthènes, ont participé plusieurscompagnon-ne-s de différentspays, et nous avons décidé deréaliser une action symboliquede solidarité internationaleet de contre-information, enaccrochant des banderoles, ensoutien avec quatre affaires importantes,dans diverses partiesdu centre-ville.Dans l’École Polytechnique,dans la rue Patission, nousavons dressé une banderolepour le compagnon Tortuga,pour le 20 mars, journéeinternationale d’actionsen solidarité pour LucianoPitronello, qui est menacé,par les autorités persécutricesde l’État chilien, d’une peined’emprisonnement de 15 ans,en raison de la mise en placed’un explosif dans des bureauxde la banque Santander,le 1er juin 2011, à Santiago, auChili. Sur la bannière, écriteen espagnol et en grec, selisait ceci : "Liberté pour lecompagnon Tortuga ! Solidaritéavec les prisonniers de guerreau Chili."Sur la place Exarchia, nousavons placé une banderole enmémoire d’Oury Jalloh, brûlévif dans un poste de police,dans la ville de Dessau, enAllemagne, le 7 Janvier 2005.Depuis lors, famille, amiset personnes solidaires, ontporté l’affaire devant les tribunaux,exigeant la punitiondes auteurs de l’assassinatd’Oury, réfugié de la SierraLeone et âgé de 36 ans. Cesjours-ci, sous une atmosphèrede terreur policière, l’affaireest toujours examinée parle tribunal de Dessau. Sur lapancarte, écrite en allemandet en grec, se lisait : "Oury Jalloha été assassiné ! Oury Jallohvie ! Aucune tolérance pour lesÉtats-assassins. Solidarité avecnos compagnons en Allemagne."A l’entrée de la Facultéd’Economie (ASOEE), dansla rue Patission, a été suspendueune banderole pour LucaAbbà, activiste du mouvementNO TAV en Italie, quiest actuellement à l’hôpital,après avoir été grièvementblessé, lors d’une opérationrépressive dans le Val diSusa. La lutte contre laconstruction de la liaison ferroviaireà grande vitesse, entreTurin et Lyon, est menéedepuis les années 1990, et sepoursuit jusqu’à aujourd’hui.La banderole annonçait :"PAS DE TAV, PAS D’éTAT,PAS DE CAPITAL. Solidaritéavec Luca Abbà. Sabotage desvoies rapides du système."A l’entrée de la faculté desciences sociales et politiques(Panteion), nous avonsaccroché une banderole ensolidarité avec 6 compagnonne-sanarchistes, en France,Inès, Javier, Damien, Ivan,Franck et Bruno, poursuivie-sdepuis quatre ans, placée-spendant un certain tempsen détention provisoire etactuellement sous contrôlejudiciaire et souffrant del’application de la loi antiterroriste.Le début du procèsse tiendra à Paris, le 14 mai.Sur la banderole, rédigée enfrançais et en grec, se lisait :"Solidarité avec Inès, Javier,Damien, Ivan, Bruno et Frank.Bas les pattes des compagnonne-sen France."Une cinquième petite banderole,rédigée en anglais, aété suspendue à l’entrée del’Ecole Polytechnique, rueStournari, et affichait : "Solidaritéinternationale pour tousles opprimés !"


Affiche de solidarité trouvée collée dans les rues de Paris...


Caisses et collectifs de solidaritéANGERSex-Cantine végétarienne del’Étincellecantinesoutien@riseup.<strong>net</strong>AVIGNONComité Vaucluse contre larépressioncontact@haltealarepression.orgBESANÇONCarsitahttp://carsita25.blogspot.comcarsita25@riseup.<strong>net</strong>BORDEAUXCollectif contre les abus policiershttp://clap33.over-blog.comcollectif.clap33@gmail.comBRUXELLESLa limelalime@riseup.<strong>net</strong>CAENCosaccosac@ablogm.orgDIJONCaisse de solidarité dijonaisesoliinculpee21@riseup.<strong>net</strong>caisse-de-solidarite@brassicanigra.orgGENÈVEObservatoire des pratiquespolicièreshttp://opp-ge.chinfo@opp-ge.chGRAND SUDKaliméro sous le soleilksls@boum.orgGRENOBLECollectif de solidarité avec lesprisonnier-e-s de laguerre socialesouti1culpees38@riseup.<strong>net</strong>antirepgre@no-log.orgLAUSANNEGroupe anti-répressiongar@no-log.chLILLEex-FMIfmi@riseup.<strong>net</strong>LYONCaisse de solidarité lyonnaisecontre la répressioncaissedesolidarite@riseup.<strong>net</strong>MARSEILLECanaillecanaille@riseup.<strong>net</strong>MONTPELLIERProjet de caisse antirépressiondgueux.vilaine@laposte.<strong>net</strong>PARISKalimérokalimeroparis@riseup.<strong>net</strong>PÉRIGUEUXComité anti-répression duPérigordhttp://antirep24.noblogs.organtirep24@riseup.<strong>net</strong>POITIERSComité poitevin contre lasolidarité 77répression des mouvementssociauxhttp://www.antirep86.frantirep86@free.frRENNESLes Bon<strong>net</strong>s rougesbon<strong>net</strong>srouges@boum.orgcaissedesolidariterennes@riseup.<strong>net</strong>SAINT-NAZAIRECodelibhttp://www.codelib.infocodelibsaintnazaire@gmail.comSTRASBOURGLegal Team Strasbourghttps://mensch.coop/legalteamstrasbourglts@riseup.<strong>net</strong>legalteam-strasbourg@effraie.orgTOURSCollectif anti-répressionhttp://anartours.free.fr/spip.php?rubrique4facealapolice@gmail.comVoici quelques extraits destextes de présentation decertaines de ces caissesde solidarité :MARSEILLECanaille, caisse de solidarité à Marseille,un moyen de s’organiser face à la répressionDe la thune, parce que souvent, un avocatça aide à s’en sortir un peu mieux, pourenvoyer des mandats quand on est tombé,payer des jours-amendes, enfin, essayer desortir des griffes de la prison.Mais, ça peut être aussi des échanges de pratiqueet de savoir : pourquoi refuser le prélèvementADN, la comparution immédiate, etc.Ou bien un rassemblement au tribunal pourtenter de créer un rapport de force, ne paslaisser la justice condamner à la chaîne sansréagir. Pour se donner les moyens de sedéfendre. Parce que la justice est faite par etpour les riches et qu’elle est donc faite pouragir contre nous quand on refuse de subirtoutes les formes de contrôle social, qu’onessaie d’échapper au travail... Le moindreaspect de notre vie est soumis à des règlesqui profitent toujours aux dominants.La répression, c’est une manière de nousfaire tout accepter.PARISKaliméro est un collectif et une caisse de solidarité.Il a pour objet de collecter des souspour les prisonniers ainsi que de se rencontrerpour discuter des différentes situations.En prison on a besoin d’argent pour seprocurer les denrées de base (sel, sucre,timbres, tabac, etc.). Pour permettre auxpersonnes incarcérées de satisfaire cesbesoins élémentaires, nous souhaitonsleur envoyer des mandats mensuels de 120euros. Une caisse de solidarité a besoinde continuité. Nous n’avons ni sponsor, nimécène, aussi avons-nous convenu d’unrendez-vous par mois pour collecter dessous afin d’alimenter la caisse. Ces rencontressont également l’occasion d’échangerdes informations, d’assurer le suivi desdifférentes histoires et de discuter dessituations qui se présentent. Dans un soucide régularité, ces rencarts ont été fixés unefois par mois à 19 heures pour la réunion.Pour envoyer de l’argent et pour être tenusau courant des prochains rendez-vous, vouspouvez demander à être inscrit sur la mailinglist en écrivant à Kaliméro ou consulterIndymedia Paris.Voici le numéro de compte pour faire unvirement : 10278 06137 00020471901 Clé 07Sinon chacun peut déposer de l’argent enliquide dans toutes les agences du CréditMutuel et donner seulement ce numéro :06137 00020471901LYONLa Caisse de solidarité lyonnaise contre larépressionSe retrouver avec les flics sur le dos, menottés,la gueule par terre, en garde à vue,puis finalement au tribunal avec une bonneamende ou quelques mois de prison : c’estune situation de plus en plus courante, quitouche de plus en plus de monde. Avecla multiplication des lois sur la sécurité, lemoindre écart suffit et il en faut peu pourdevenir illégal. Plusieurs mois de prisonpour avoir manifesté après l’élection deSarkozy, des contrôles d’identité qui setransforment en « outrage et rébellion »,des mises en examen pour avoir participé àune occupation de fac…Face à cela, généralement, il faut sedémerder tout seul : trouver un avocat,élaborer une défense, payer des frais dejustice, cantiner en prison. Parfois on estsoutenu par la famille, par des amis, par unsyndicat. Parfois non, en tout cas ce n’estpas suffisant.Face à la répression, à la police, à la justiceil devient nécessaire de s’organiser.S’organiser sur du long terme pour trouverde la thune et la mettre en commun, pourpayer des frais de justice, pour trouverdes avocats qui s’occupent de ces affaires.S’organiser ce n’est pas « aider les autresqui en auraient besoin », c’est se retrouver àpartir de ce qu’on vit, se tenir concrètementet faire face ensemble.


Ma u v a i s e s i n t e n t i o n s 1 & Ma u v a i s e s i n t e n t i o n s 2sont toujours disponibles sur http://infokiosques.<strong>net</strong>/mauvaises_<strong>intentions</strong>introduction de <strong>Mauvaises</strong> Intentions 1« Troubler gravement l’ordre public »Code pénal (articles sur l’anti-terrorisme : 706-16 à 706-25 du CPP)Inutile de nous étendre ici sur les raisons d’un regain de tension : révoltesplus ou moins diffuses, grèves spontanées, mouvements sociauxqui débordent le cadre légal imposé... et pas seulement en France. Toutun chacun sent bien l’oppression quotidienne au travail, pour se nourrir,se loger. Aussi, maintenir le capitalisme nécessite pour ses gestionnairesd’exercer une pression de chaque instant sur ceux qu’ils exploitent : laLoi, le contrôle et la peur restent leurs meilleurs outils.Séparer. Isoler. Catégoriser. « Diviser pour mieux régner » sera toujoursl’une des pratiques les plus efficaces du pouvoir. Son instrument depropagande, la presse ; mène régulièrement des campagnes ciblées: révoltes, débordements, fait-divers passent successivement sous lefeux des projecteurs, sous la hargne du procureur, et, soi-disant avec leconsentement populaire, doivent finir derrière les barreaux.Depuis quelques années, la figure du terroriste reprend du poil de labête et, mondialement, cela fonctionne à merveille. En France, l’Etatplace dans le « fourre-tout terroriste » tous ceux qui le menacentpolitiquement, que ce soit ceux qui souhaitent se substituer à lui(intégristes religieux, nationalistes,...) ou ceux qui veulent l’abattredéfinitivement. L’irrationnel prend alors, dans l’imaginaire collectif, ledessus sur toute analyse politique.Un vieil épouvantail est agité depuis les élections présidentielles de 2007 :les « autonomes ». Police et médias accolent l’étiquette « mouvanceanarcho-autonome », réduisant ainsi à un réseau organisé, tout un ensemblediffus d’idées et de pratiques libératrices. Assumer la critique de l’Etatet du Capital en paroles et en actes impose, de fait, une confrontationphysique et matérielle avec ces derniers. Chose qui paraît impossible à laplupart des gens et qui, si elle existe, ne peut être que le fruit d’une manipulationde la police, d’une théorie du complot, de petits écervelés ouencore de pratiques d’extrême-droite... Autant d’explications repoussoirset annihilantes pour affirmer que la critique en actes ne serait pas à la portéedu commun des mortels. Ce qui renforce le sentiment d’impuissancegénéralisé.Rien d’étonnant à ce que l’Etat veuille fusionner ces deux peurs : peurdu « terrorisme », peur des « anarchistes ». C’est à nouveau chose faitedepuis quelques mois. Si l’idée de constituer ce dossier de presse nousest chère, c’est qu’il s’agit de démonter, une bonne fois pour toute, cemécanisme qui incarcère directement un petit nombre et qui souhaitemuseler le plus grand nombre.Solidarité avec les camarades incarcérés !Pas de peur qui tienne ! Rage et détermination !


Procès antiterroriste pour 6 camaradesdu 14 au 22 mai 2012 à ParisDu 14 au 22 mai aura donc lieu le premierprocès sous juridiction antiterroristede militants désignés comme appartenantà la « mouvance anarcho-autonome ».Les six inculpés, comme des centaines de milliersd’autres personnes, ont pris part aux différentesluttes sociales de ces dernières années: mouvement “CPE”, révoltes lors desélections présidentielles de 2007, luttes contrel’enfermement des sans-papiers et pourla liberté de circulation... De manifs sauvagesen sabotages, la conflictualité qui s’exprimaitdans ces luttes débordait souvent du cadre légalou des habituelles médiations politiques etsyndicales. Et quand ça remue, l’Etat chercheà punir un petit nombre pour faire peur à tous: par la police et la justice, il tente toujours deséparer les “bons manifestants” des “vilainscasseurs”, d’isoler les actes du contexte danslequel ils s’inscrivent, et de finalement diviserpour mieux régner. Et ce qui est attaqué là,c’est aussi un ensemble de mauvaises <strong>intentions</strong>et la tentative de les mettre en pratiquede manière autonome.Séparer. Il suffit d’assister à une comparutionimmédiate pour voir que les pauvres et lesmarginaux sont toujours présumés cou-pableset très souvent condamnés : la culpabilité etl’innocence sont les deux grands concepts utilisésjour après jour, du bureau du procureur à lasalle d’audience, pour maintenir l’ordre social.Ces notions ne peuvent pas être les nôtres. Etchercher à s’en sortir face à la Justice ne signifiepas renier ses idées et ses pratiques.Isoler. La Justice nous contraint à rentrerdans une temporalité qui lui est propre : cellede l’instruction, de la prison, du contrôle judiciaireet du procès. Ce temps judiciaire permetnon seulement d’isoler concrètement lesinculpés en les enfermant, mais aussi de lesmaintenir sous pression - par un contrôle judiciaireavec interdicion de se voir les uns lesautres, par exemple. Enfin, l’instruction estchargée d’établir des profils qui participentà différencier les peines voire à faire de certainesd’entre elles des peines exemplaires.Diviser. Des squatteurs des cages d’escaliersaux manifestants, se regrouper ou s’organisercollectivement représente une menace potentiellepour le pouvoir. Les accusationsd’”association de malfaiteurs”, “bande”, “enréunion” sont de plus en plus utilisés commedes “circonstances aggravantes” : cela permetd’alourdir les peines et d’inciter les gens à resteratomisés. C’est dans cette même logiquequ’opère la juridiction antiterroriste utiliséepar l’Etat, au gré des intérêts politiques dumoment, pour rejeter du “corps social” ce quidérange, et neutraliser des pratiques et penséesqui sortent du cadre institutionnel.Pour autant, les mécanismes de la Justice nesont pas les seuls outils du pouvoir à devoirêtre critiqués et combattus. De multiples dispositifset institutions participent tous les joursà maintenir l’ordre social et l’exploitation : ducrédit aux antidépresseurs, du salariat auxcontrôles CAF, de l’école à l’armée... Mais iln’y a pas qu’en Grèce que des milliers de personnesrefusent l’horizon qu’imposent le capitalismeet l’Etat. Et ce qui se jouera au Tribunaln’est pas un rapport interpersonnel entre lesinculpés et les juges, mais un moment de lalutte entre la classe des possédants et les exploités,un moment de la lutte entre l’autoritéet les récalcitrants. Exprimer sa solidarité c’ests’inscrire dans cette lutte.Solidarité avec les inculpés !rdv le 14 mai à 13h30 à la 10 ème chambre du tgi de paris

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