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Mauvaises intentions #3 [80p. A4] - PDF (10.7 Mo) - Infokiosques.net

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22danse avec l'étatmilitant syndical, dans un grand tout,« l’alternative », qui menace le capitalà coups de tofu, de projet positif,de Max Havelaar et autres keffiehséquitables (6) . Dans ce miroir déformant,une séduction s’opère : celle des’y voir comme un danger politique.Rien n’est plus faux ; que « l’alternative» lie « des actes et des idées »ou non, elle ne menace, en soi, ni lecommerce ni l’État. Croire que c’est à« l’alternative » que l’État a voulus’attaquer à Tarnac, c’est s’en remettreà lui pour redonner du sens politiqueà ses pratiques et à ses idées.Dans ce discours, il ne reste plusde place pour les actes incriminéset pour le sens qu’on pourrait leurdonner : des dommages matériels surun réseau de marchandises, humainesou non, et plus particulièrement surun train à grande vitesse qui assurele flux des VRP et sert de produitd’exportation à un président VRP. Unacharnement judiciaire s’abattrait surdes jeunes (des victimes !) non pource qu’ils ont fait – ou pas – mais pource qu’ils sont (7) . En se reconnaissantcomme victime, on a toujours perdu.Le « nous sommes tous des terroristes» devient une formule d’autantplus rassurante qu’elle évacue lesactes incriminés. Elle n’est que la dernièrevariante du sempiternel « noussommes tous des innocents ». Laréalité de la justice est niée : encoreune fois les « vrais terroristes »seraient à chercher ailleurs…Parmiles « vrais coupables » sans doute.Derrière sa fausse simplicité, cette défenseest d’une grande complaisanceavec la justice et le système pénal.Que le pouvoir veuille faire peur avecla figure du terroriste comme il faitpeur avec d’autres figures fantasméesdu danger, c’est un fait ; par contre,nous ne pensons pas pouvoir affirmercomme l’a fait l’éditeur Eric Hazanque l’État « pète de trouille », nicomme tel autre qu’il « a sans douteraison d’avoir peur que la situationsociale ne lui échappe » (8) . Le systèmepénal et la prison n’ont pas pourobjet principal d’enfermer les mouvementssociaux, de « criminaliserles luttes », ni même « d’éteindreles révoltes d’une guerre civile quirésonne ». La prison fait bien pireque s’attaquer directement à uneprétendue menace : elle l’empêche denaître par sa seule existence. Enfermerles « révoltés », l’État le fait…presque au passage ; mais c’est à tous,et au quotidien, qu’il s’adresse intimement.C’est cette action banale, enprofondeur, qu’il faut attaquer – souspeine de reproduire les séparationsqui ne servent qu’à le renforcer. « Lesystème pénal est un système qui pénètreprofondément la vie des individus etqui porte sur leurs rapports à l’appareilde production. Pour que les individussoient une force de travail disponiblepour l’appareil de production, il fautun système de contrainte, de coercitio<strong>net</strong> de punition, un système pénal et unsystème pénitentiaire. Ce n’en sont quedes expressions » (9) .Les fondements du code pénal –refondés par chaque décision dejustice – n’ont changé en rien depuisdeux cents ans : la défense de lapropriété privée, la distinction entrele coupable et l’innocent, l’individualisationdes peines. Le code a changé,bien sûr… un peu ; les lois se sontmultipliées, et avec elles le champdes délits et des crimes ; et les peinesse sont allongées. Mais la fonctionprincipale du système judiciaire restede juger un individu et son passé, deconstruire son profil : son parcours,sa personnalité, ses <strong>intentions</strong> ; dedéterminer s’il est capable du faitpour décider s’il est coupable. Onne coupe plus la main des voleursdepuis longtemps : on interroge leurcasier, on écorche leur nom, on questionneleur enfance, on commenteleur adresse, on responsabilise leursparents, on déplore leur chômage ;et on les condamne plus ou moins.Tous les outils, toutes les techniquesdu droit servent à broyer les corps etles individus.En cela, ils nous préoccupent plusque les coups de théâtre orchestrésque l’on prétend critiquer ici ou là.Il ne s’agit pas de nier que l’États’est doté d’un arsenal de lois, deprocédures, de services spécifiques àl’antiterrorisme. Cet outil s’est particulièrementrestructuré et moderniséau cœur des années quatre-vingtsdans le cadre d’un durcissement plusgénéral du droit pénal déjà qualifié àl’époque de « tournant sécuritaire ».Depuis quelques années, cet outils’est perfectionné en s’alignant sur leslégislations internationales les plusdures ; et des centaines de « terroristes» croupissent en taule. Le droitfait parfois des bonds. En ce sens, onpeut dire qu’il « s’exceptionnalise »pour se survivre et faire perdurerl’édifice social tout entier. Des mesuresprises contre des populations trèsrestreintes – les « pédophiles », les« fous dangereux », par exemple –deviennent parfois la norme, puis laloi, en s’appliquant à toujours plus demonde. Pour autant, la description dece processus ne rend pas bien comptede l’ensemble de ce qui fait tournerla machine pénale au quotidien ; àmoins de considérer chaque « intimeconviction » du juge, chaquecondamnation automatisée, chaqueprocédure bureaucratisée commeautant de petites exceptions au droit.Le mot perd alors tout son sens, et ilfaut en changer.Cette critique d’une « justice d’exception» présentée comme uneverrue scandaleuse sur le nez de lajustice ne fait que renforcer le pilierpénal de la société. Sans entrer dansle détail des positions d’intellectuelsqui critiquent la procédure antiterroristeau nom d’une défense de ladémocratie (10) , un petit tableau publiédans les Echos de la Taïga (11) est symptomatiquede la (non) compréhensionde la nature profonde du droitsouvent observée dans la défense

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