54adnl’Adn à des personnes qui ne sont juridiquement pas du toutobligées de le donner. Il est arrivé que les flics frappent auxportes de tout un immeuble pour demander leur Adn aux habitants,ces derniers n’étaient pas obligés de le donner, ils necommettaient aucun délit s’ils ne le donnaient pas et ne pouvaientdonc pas avoir de procès. D’autres personnes ont déjàété accusées d’avoir refusé de donner leur Adn alors que le délitdont elles étaient accusées ne figurait pas dans la liste desdélits justifiant une prise d’Adn ; ces personnes ont été relaxéesquant à leur refus d’Adn [4] . Bien sûr, il existe des cas où si la personnerefuse de donner son Adn, les flics peuvent demander àce que cette personne soit poursuivie pour refus d’Adn.Concrètement, pour des prises d’empreintes « ordinaires »,deux méthodes semblent utilisées suivant les pays : les flics introduisentune sorte de coton-tige dans la bouche, ou demandentà la personne de cracher sur une sorte de buvard.T é m o i g n a g e d e q u e l q u ’ u n q u i s e r e t r o u v ee n g a r d e - à-vu e e t à q u i o n d e m a n d e s o n Ad n :« Ils te remettent dans ta cellule après ils reviennent te chercher,pareil ils te disent pas pourquoi, on va dans une salle, une espèce delabo et là t’as des gens en civil, ils te font asseoir sur une chaise, il ya une table à côté de toi et y’a un gars, un espèce d’opérateur qui aun espèce de sachet en plastique, qui ouvre le sachet en plastiqueet là y’a un espèce de... comme une sucette en polystyrène mou, etc’était le truc pour le prélèvement Adn, ils te le disent pas en fait quec’est pour le prélèvement. Et là ils te disent « ouvre la bouche ». Etmoi j’ai dit « mais... qu’est-ce que vous voulez faire en fait ?... » (…)Ensuite le gars m’a dit « le prélèvement Adn c’est obligatoire en GAV[garde-à-vue] », et moi j’ai dit « mais en fait je peux refuser » « nontu peux pas refuser, regarde derrière toi » et derrière moi y’avait letexte de loi qui disait les condamnations pour refus de prélèvementAdn. Il y avait marqué « en cas de refus 15 000 euros d’amende, et1 an de prison », un truc comme ça. Et donc il m’a dit « si tu refusestu vas directement ce soir à Varces [maison d’arrêt] et en plus tuauras une grosse amende »... sur le moment ça m’a déstabilisé,ça m’a fait bizarre, quand même c’est pas un truc systématique jeme suis dit « j’ai peut-être loupé un truc avant qu’on m’a pas bienexpliqué, peut-être qu’ils ont raison », quoi. Du coup j’étais un peudans l’expectative, et le gars il était impatient, du coup j’ai dit « jecrois que je vais refuser quand même ». Et là le mec m’a dit « c’estn’importe quoi, tu peux pas refuser, si tu refuses tu vas vraiment enprendre pour cher, tu peux pas faire ça » (…) Après ils m’ont remisdans ma cellule...là en descendant à ma cellule, j’ai croisé L. qui étaiten train de monter pour faire la même chose, qui ne savait pas où ilallait, et j’ai eu le temps de lui dire au passage « ils vont te faire unprélèvement Adn moi j’ai refusé, tiens bon » un truc comme ça. Ducoup L. il a refusé pareil. Et le gars il l’a moins fait chier.Avant de me ramener dans la cellule de GAV, le flic qui me trimballaitm’a fait revenir devant l’inspectrice, en disant « eh il a pas voulufaire le prélèvement Adn eh », et ils se sont penchés sur les textesde lois en se disant est-ce que nous on rentrait dans le cadre desprélèvements Adn ? Ils ont eu une petite discussion entre inspecteurssur les textes de loi et tout, et ils ont dit « mais si si c’est toutesles GAV ! », je pense qu’ils étaient pas super au point là-dessus. Ce quiest marrant c’est que c’était après coup. (...) Voilà, je n’ai pas eu deconvocation pour le refus de prélèvement Adn. »Les techniques utilisées pour nous pousser à accepter de donnernotre Adn sont multiples. Parfois, les flics n’expliquent toutsimplement pas qu’ils vont le prendre. La personne est surprise,elle pige au dernier moment, et c’est plus dur de réagir.Ou les flics disent « Mais si t’as rien à ne te reprocher, je vois paspourquoi tu le donnerais pas ». Une des autres techniques estle chantage : lorsqu’on est en garde-à-vue, on nous fait croirequ’on ne sortira pas si on ne le donne pas, qu’on va aller en taule.Lors d’une convocation, les flics peuvent menacer de mettrela personne en garde-à-vue. Et quand elle est en taule, lui direqu’elle va prendre des années en plus si elle ne le donne pas.Évidemment, bien souvent ce ne sont que des menaces.Juridiquement, refuser de donner son Adn est un délit punissabled’un an de prison et de 15000 euros d’amende (saufpour les personnes condamnées pour crime, où ce délit estpassible de deux ans de prison et de 30000 euros d’amende).C’est comme d’habitude : il s’agit de ce qu’on risque, pas dece qu’on va prendre. Parfois refuser de donner son Adn n’entraîneaucune poursuite, parfois cela cause un procès. A l’issuedu procès, la personne est parfois condamnée, mais aussiparfois relaxée. On a cru remarquer que les juges relaxentplus facilement quand la personne n’a pas été condamnéepour les faits pour lesquels elle était soupçonnée. Et, d’aprèsce qu’on sait, une personne avec un casier vierge, libre, dehorslors de son procès prend en moyenne quelques centainesd’euros d’amende, et une personne en prison prend enmoyenne quelques mois fermes. Comme n’importe quel délit,le délit de refus d’Adn peut être poursuivi dans un délai detrois ans. Une personne déjà condamnée pour refus d’Adnpeut être reconvoquée pour une prise d’empreintes génétiqueset se trouver à nouveau poursuivie et condamnée pourrefus d’Adn. Mais cela n’est pas toujours le cas. Il est arrivéplusieurs fois qu’à la suite de condamnations, des personnessoient convoquées par lettre simple afin de donner leur Adn.Elles ne s’y sont pas rendues, et n’ont plus eu aucune nouvelle: ni autre convocation, ni procès.notes :[1] Parfois, dans le but d’avoir notre ADN, les flics prennent des objets dont on s’estservi dans notre cellule de garde-à-vue : gobelet, fourchette, couteau... Pour leur compliquerla tâche, on peut frotter au sol ces différents ustensiles afin de mélanger notre ADNavec plein d’autres ADN présents dans la cellule. En effet, plus il y a d’ADN différentssur un objet, plus il est difficile d’en isoler un seul. On ne sait pas si une telle techniquefonctionne, mais il n’y a rien à perdre, alors...[2] Voir Face à la police, face à la justice, p.142-143 ou sur le site guidejuridique.<strong>net</strong> auchapitre 11.[3] Attention ! Les flics ne sont pas obligés de spécifier dans le document que le but estla prise d’empreinte génétique. Par exemple, les flics peuvent demander à une personnesi celle-ci est d’accord pour donner son mégot ou son pull, sans lui spécifier que cesobjets vont servir à établir son profil génétique. De plus, cette autorisation par écrit n’estpas forcément un papier spécifique, à part ; ce peut être tout simplement une questionau cours d’un long interrogatoire. Lorsque les flics demandent à la personne de signer leprocès verbal de cet interrogatoire, ils lui demandent, l’air de rien, de signer son consentementà une prise d’empreinte génétique ![4] Il s’agissait d’un délit de presse, appliqué du fait de la présence d’une banderole.
enquête 55enquêteNous reproduisons ici des extraits d’un texte paru à partir du dossier d’instruction. Il revient sur les différentes techniquesdes keufs pour mener l’enquête : expertises téléphoniques et génétiques, renseignements bancaires et donnéesinter<strong>net</strong>, etc. Notons que pour la diffusion de cette brochure sur inter<strong>net</strong>, une personne avait été convoquée etinterrogée par les flics : ils l’accusaient d’avoir divulgé l’identité de fonctionnaires de police...Attention : ce texte date d'avril 2010, période à laquelle le dossier n'était pas encore complet.Analyse d’un dossier d’instruction antiterroristeavril 2010 – infokiosques.<strong>net</strong>Nous essayons donc dans cet articlede reprendre et de résumer quelqueséléments intéressants de cette instruction,tant d’un point de vue techniqueque d’un point de vue théorique. Il vasans dire que de nombreuses réservesdoivent être soulignées dans ce typede démarches. D’un point de vuetechnique nous recopions des passagesfigurant dans l’instruction, écritspar des flics, des experts ou des juges(indiqués dans l’article entre « » eten italique). Nous ajoutons aussi desrésumés ou des explications et interprétationsécrits par nous-mêmes.Cela ne signifie évidemment pas quetous les dossiers sont similaires de cepoint de vue. Surtout cela ne signifiepas que les flics ne soient pas capablesde bien d’autres choses que ce qui estécrit. Par exemple dans notre dossier,il n’est jamais question de balises surdes voitures ou de micros dissimulésdans des appartements ; des techniquesqui ont été utilisées dans d’autresaffaires. Cela ne signifie pas non plusqu’ils ne l’aient pas fait dans notreaffaire et que cela ne figure pas dansle dossier judiciaire. Bref, d’une manièregénérale les quelques exemplesfigurant dans ce dossier ne doiventpas être pris comme des généralités.Cet article présente quelques exemplesfigurant dans un dossier spécifiqueet rien de plus. Il nous a semblénéanmoins intéressant de publier etde partager ces quelques éléments,qui n’ont rien de bien neuf en soi, avectous ceux qui un jour ou l’autre peuventse retrouver dans des situationssimilaires.Nous pensons d’ailleurs qu’il serait intéressantque ceux qui ont accès à desdossiers dans d’autres affaires en fassentde même, surtout quand ces dossiersconcernent directement ou indirectementbien plus de monde que lesseuls mis en examen. Nous pensonsévidemment en premier lieu aux inculpésde l’affaire dite de « Tarnac »qui n’ont jamais fait clairement cettedémarche envers tous ceux qui pourraientêtre concernés tout en laissantle dossier entièrement ouvert à pleinsde crapules journalistiques de passage(Le <strong>Mo</strong>nde dès mars 2009, L’Express,Libération…). Cette distorsion en ditlong sur l’état d’esprit des mis en examende cette affaire face à la justice,mais il est certain que les médias quenous avons cités sont les mieux placéspour faire passer leur discours démocratepolicé sur les gentils petits étudiantsque le méchant juge Fragnoliempêche de planter tranquillementdes carottes. Et qu’on ne s’y méprennepas, il n’est nullement ici question derégler des comptes mais de soulignerl’inconséquence politique très gravede laisser des médias avoir accès à desdonnées parfois sensibles ou intimesd’une instruction tout en refusant dele faire pour les proches qui peuventêtre directement concernés.Cet article ne prend pas en comptel'ajout au dossier de la procédureconcernant les sabotages SNCF durantle mouvement anti-CPE, nousnous limitons à la tentative d’incendied’une dépanneuse de la policeen mai 2007 et aux arrestations dejanvier 2008. Ce qui signifie qu’il y apeu d’éléments de ce qu’on appelleune « enquête préliminaire », ou dumoins d’une enquête avant les arrestations,et qui sont souvent les élémentsles plus intéressants.D’une manière générale dans un dossier,les pièces arrivent au fur et à mesureau greffe du tribunal selon le bonvouloir du juge d’instruction et duparquet, c’est d’ailleurs une de leurstechniques de tarder à transmettre despièces qui ne vont pas dans leur sens.Par exemple dans notre histoire, deuxpersonnes ont été arrêtées en janvier2008 avec un fumigène en allant à unemanifestation. Au bout de 24 heuresde garde à vue une sorte de pré-expertavait déjà expliqué qu’il s’agissait d’unproduit explosif, ce qui les arrangeaitbien sur le moment pour gonfler l’histoire.Ensuite, la véritable expertise,admettant à demi-mot que ce mélangen’était pas explosif et était sans