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Quaternions-Rotations et Spin On a vu que les nombres complexes ...

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<strong>Quaternions</strong>-<strong>Rotations</strong> <strong>et</strong> <strong>Spin</strong><br />

<strong>On</strong> a <strong>vu</strong> <strong>que</strong> <strong>les</strong> <strong>nombres</strong> <strong>complexes</strong> sont étroitement associés aux<br />

rotations dans le plan. Un rotation plane d’angle θ autour d’un<br />

point se représente par l’opération de multiplication par le nombre<br />

complexe e iθ = cos θ + i sin θ.<br />

<strong>On</strong> voudrait maintenant disposer d’un procédé analogue pour <strong>les</strong><br />

rotations dans l’espace: il s’agit de trouver un ensemble de<br />

<strong>nombres</strong>, muni d’une addition <strong>et</strong> d’une mutiplication, de sorte<br />

qu’une rotation dans l’espace revienne à faire une mutiplication.<br />

Une rotation dans l’espace est déterminée par un axe (l’axe de la<br />

rotation) <strong>et</strong> par un angle. En supposant une origine fixée, une<br />

rotation autour d’un point dépend de 3 paramètres réels.


C’est en cherchant à décrire <strong>les</strong> rotations de l’espace, ainsi <strong>que</strong> le<br />

produit vectoriel qui lui est associé, <strong>que</strong> Hamilton inventa en 1843<br />

<strong>les</strong> quaternions.<br />

Il y a plusieurs manières équivalentes de <strong>les</strong> présenter.<br />

Commençons par imiter la représentation des <strong>nombres</strong> <strong>complexes</strong><br />

par des matrices 2 × 2 en la modifiant légèrement.<br />

( ) a b<br />

q = , a, b ∈ C<br />

−¯b ā<br />

En l’honneur de Hamilton, on désigne par H l’ensemble de ces<br />

matrices q.


<strong>On</strong> va voir <strong>que</strong> H est un espace vectoriel réel de dimension 4 (C<br />

est un espace réel de dimension 2) <strong>et</strong> on va en exhiber une base<br />

particulière.<br />

<strong>On</strong> a a = x + iy, b = u + iv. <strong>On</strong> en déduit alors <strong>que</strong><br />

q = xE + yI + uJ + vK (1)<br />

Les 4 matrices E, I , J, K étant<br />

( ) 1 0<br />

E = , I =<br />

0 1<br />

J =<br />

( ) 0 1<br />

, K =<br />

−1 0<br />

{E, I , J, K} constitue une base de H.<br />

( ) i 0<br />

0 −i<br />

( ) 0 i<br />

i 0<br />

(2)<br />

(3)


Ces quatre matrices sont voisines des matrices de Pauli, introduites<br />

par Pauli pour décrire le spin. <strong>On</strong> verra plus loin <strong>que</strong> ce n’est pas<br />

fortuit. Ces matrices sont notées σ 0 , σ 1 = σ x , σ 2 = σ y , σ 3 = σ z <strong>et</strong><br />

sont reliées à E, I , J, K,<br />

E = σ 0 =, I = iσ 3 , J = iσ 2 , K = iσ 1 (4)<br />

<strong>On</strong> vérifie <strong>que</strong> <strong>les</strong> 4 matrices σ j , 0 ≤ j ≤ 3 sont Hermitiennes.<br />

Les opérations sur H sont <strong>les</strong> opérations définies pour <strong>les</strong> matrices:<br />

on a donc une addition <strong>et</strong> une mutiplication. (Attention: la<br />

multiplication n’est pas commutative).


<strong>On</strong> a une conjuguaison analogue à la conjugaison complexe:<br />

q ↦→ q ⋆ (q ⋆ est la matrice conjuguée hermitienne de q).<br />

Calculons le produit q ⋆ .q. <strong>On</strong> trouve<br />

q ⋆ .q = q.q ⋆ = (|a| 2 + |b| 2 )E (5)<br />

Or q = 0 si <strong>et</strong> seulement si a = b = 0. Posons |q| = √ |a| 2 + |b| 2<br />

(module du quaternion q). <strong>On</strong> en déduit <strong>que</strong> tout quaternion non<br />

nul a un inverse noté q −1<br />

q −1 = q⋆<br />

|q| 2 (6)


<strong>On</strong> dit qu’un quaternion est réel si q ⋆ = q <strong>et</strong> qu’il est pure si<br />

q ⋆ = −q. Un quaternion pur est l’équivalent d’un nombre<br />

complexe imaginaire pur.<br />

q est réel équivaut à a ∈ R <strong>et</strong> b = 0 ou encore à q = xE.<br />

q est pur équivaut à a = iy (a imaginaire pur) ou encore à<br />

q = yI + uJ + vK.<br />

Notons <strong>que</strong> {E, I , J, K} est une base orthonormée de H pour le<br />

produit scalaire<br />

〈q, q ′ 〉 = 1 2 tr(q⋆ q ′ )


Notons par H R l’ensemble des quaternions réels <strong>et</strong> H P l’ensemble<br />

des quaternions purs. <strong>les</strong> sous-espaces H R <strong>et</strong> H P sont orthogonaux<br />

<strong>et</strong> on a H = H R ⊕ H P .<br />

Les générateurs E, I , J, K de l’ensemble des quaternions vérifient<br />

<strong>les</strong> relations suivantes, qui servent parfois de point de départ pour<br />

leur construction<br />

I 2 = J 2 = K 2 = −E<br />

IJ = K = −JI<br />

JK = I = −KJ<br />

KI = J = −IK<br />

Si q est un quaternion pur de norme 1 on trouve q 2 = −1. Il y a<br />

plein de racines carrée de -1 dans <strong>les</strong> quaternions!


Ces propriétés des générateurs des quaternions se traduisent par <strong>les</strong><br />

suivantes pour <strong>les</strong> matrices de Pauli<br />

σ j σ k + σ k σ j = 2δ j,k , [σ j , σ k ] = 2iε j,k,l σ l (7)<br />

où [σ j , σ k ] ≡ σ j σ k − σ k σ j est le commutateur de σ j <strong>et</strong> σ k <strong>et</strong> ε j,k,l<br />

est égal à 0, 1, -1 suivant <strong>que</strong> pour (j, k, l) 2 des indices sont<br />

égaux, une permutation paire ou une permutation impaire de<br />

1, 2, 3.<br />

Les relations de commutation jouent un rôle important en<br />

mécani<strong>que</strong> quanti<strong>que</strong>. <strong>On</strong> verra plus loin <strong>que</strong> l es relations (7) sont<br />

analogues aux relations vérifiées par <strong>les</strong> générateurs des rotations<br />

de l’espace (c’est l’explication donnée par Pauli pour décrire le<br />

spin).


L’ensemble des quaternions purs H P est un espace de dimension 3<br />

(sur R) qui représente donc un modèle pour l’espace euclidien dans<br />

le<strong>que</strong>l nous vivons, <strong>que</strong> l’on notera E 3 . Tout quaternion pur, noté<br />

v s’écrit v = xI + yJ + zK, (x, y, z) représente <strong>les</strong> coordonnées<br />

d’un point de E 3 . Calculons le produit de 2 quaternions purs<br />

v = xI + yJ + zK, v ′ = x ′ I + y ′ J + z ′ K. En utilisant <strong>les</strong> règ<strong>les</strong><br />

précédentes, avec un peu de patience, on obtient<br />

v.v ′ = −(xx ′ + yy ′ + zz ′ )E +<br />

(yz ′ − y ′ z)I + (x ′ z − z ′ x)J + (xy ′ − x ′ y)K (8)<br />

Le produit de 2 quaternions purs donnent en même temps le<br />

produit scalaire 〈v, v ′ 〉 <strong>et</strong> le produit vectoriel v ∧ v ′ dont <strong>les</strong><br />

composantes sont données par la règle :<br />

⎛ ⎞ ⎛<br />

x x ′ ⎞ ⎛<br />

yz ′ − y ′ ⎞<br />

z<br />

⎝y⎠ ∧ ⎝y ′ ⎠ = ⎝x ′ z − z ′ x⎠ (9)<br />

z z ′ xy ′ − x ′ y


Si q est un quaternion, on peut le décomposer en une somme<br />

q = a + v où a est réel <strong>et</strong> v un quaternion pur. <strong>On</strong> vérifie <strong>que</strong><br />

a = q + q⋆<br />

, v = q − q⋆<br />

2<br />

2<br />

<strong>On</strong> a alors pour le produit de 2 quaternions q <strong>et</strong> q ′ , la formule<br />

q.q ′ = aa ′ − 〈v, v ′ 〉 + av ′ + a ′ v + v ∧ v ′


Le produit vectoriel apparait également dans la formule suivante,<br />

appelée formule du produit mixte<br />

d<strong>et</strong>[v, v ′ , w] = 〈v ∧ v ′ , w〉 (10)<br />

<strong>On</strong> démontre c<strong>et</strong>te formule en développant le déterminant.<br />

Il en résulte <strong>que</strong> si v <strong>et</strong> v ′ sont linéairement indépendants, alors<br />

{v, v ′ , v ∧ v ′ } est un repère directe (“règle du bonhomme<br />

d’Ampère”) <strong>et</strong> <strong>que</strong> v ∧ v ′ est orthogonal à v <strong>et</strong> à v ′ .


Par analogie avec la formule de Euler-Moivre pour <strong>les</strong> <strong>nombres</strong><br />

<strong>complexes</strong>, calculons e θq , q étant un quaternion imaginaire de<br />

norme 1. <strong>On</strong> a <strong>vu</strong> <strong>que</strong> q 2 = −1 donc q 3 = −q, q 4 = 1, q 5 = 1 <strong>et</strong><br />

plus généralement q n+4 = q n . <strong>On</strong> obtient alors<br />

e θq = ∑ n≥0<br />

θ n q n<br />

n!<br />

= cos θ + sin θ.q (11)


<strong>On</strong> rappelle <strong>les</strong> développements infinis des fonctions cos θ, sin θ<br />

obtenus en prenant <strong>les</strong> parties réel<strong>les</strong> <strong>et</strong> imaginaires de e iθ<br />

θ2n<br />

cos θ = ∑ (−1) n<br />

(2n)!<br />

n≥0<br />

sin θ = ∑ (−1) n θ 2n+1<br />

(2n + 1)!<br />

n≥0<br />

<strong>On</strong> vérifie <strong>que</strong> ‖e θq ‖ = 1. Tout quaternion de norme 1 est de c<strong>et</strong>te<br />

forme (exercice).


Lien entre quaternions <strong>et</strong> rotations.<br />

Une rotation dans l’espace d’angle θ autour d’un axe de vecteur<br />

unitaire v s’exprime par la formule<br />

R(θ, v)u = (1 − cos θ)〈v, u〉v + cos θu + sin θv ∧ u . (12)<br />

Démontrons la formule (12). <strong>On</strong> se ramène à une rotation dans le<br />

plan orthogonal à v. <strong>On</strong> pose u ⊥ = u − 〈u, v〉v. <strong>On</strong> a alors<br />

R(θ, v)u = R(θ, v)u ⊥ + 〈u, v〉v.<br />

<strong>On</strong> peut se ramener au cas où ‖u ⊥ ‖ = 1. Mais alors<br />

{v, u ⊥ , v ∧ u ⊥ } est un repère orthonormé directe <strong>et</strong><br />

v ∧ u = v ∧ u ⊥ . <strong>On</strong> en déduit<br />

R(θ, v)u ⊥ = cos θu ⊥ + sin θ(v ∧ u)<br />

En regroupant <strong>les</strong> termes on obtient la formule cherchée.


Nous allons maintenant interpéter la formule précédente à l’aide<br />

des quaternions. Soit q un quaternion pur de norme 1 <strong>et</strong> u un<br />

quaternion pur <strong>que</strong>lcon<strong>que</strong>. Calculons e −θq/2 ue θq/2 . En utilisant<br />

ce qui précéde, on obtient<br />

e −θq/2 ue θq/2 = cos 2 θ 2 u + sin θ 2 cos θ 2 u.q<br />

− sin θ 2 cos θ 2 q.u − θ sin2 q.u.q (13)<br />

2<br />

q.u = −〈q, u〉 + q ∧ u<br />

q.u.q = −〈q, u〉q + (q ∧ u) ∧ q (14)<br />

<strong>On</strong> utilise alors la formule du double produit vectoriel


Ce qui donne finalement<br />

(u ∧ v) ∧ w = 〈u, w〉v − 〈v, w〉u (15)<br />

e −θq/2 ue θq/2 = cos θu − sin θq ∧ u + (1 − cos θ)〈q, u〉q (16)<br />

Comparons maintenant c<strong>et</strong>te formule avec celle trouvée pour <strong>les</strong><br />

rotations :<br />

R(θ, v)x = (1 − cos θ)〈v, x〉v + cos θx + sin θv ∧ x<br />

Dans la première formule q, u sont des quaternions purs alors <strong>que</strong><br />

dans la deuxième v, x sont des vecteurs de R 3 . Voyons comment<br />

on passe de l’une à l’autre.


Dans ce qui suit, on convient de représenter <strong>les</strong> points x de<br />

l’espace R 3 par la matrice hermitienne σ(x) = x 1 σ 1 + x 2 σ 2 + x 3 σ 3 .<br />

C’est possible car x ↦→ σ(x) est une bijection linéaire (<strong>et</strong> une<br />

isométrie) de R 3 sur son image notée H 0 . <strong>On</strong> peut caractériser H 0<br />

comme étant l’ensemble des matrices 2 × 2 hermitiennes, de trace<br />

nulle (exercice).<br />

Si v ∈ R 3 alors q = iσ(v) est une quaternion pur, de norme 1 si v<br />

est de norme 1. De même, si x ∈ R 3 , u = iσ(x) est un quaternion.<br />

<strong>On</strong> déduit de la formule () <strong>que</strong> l’on a


e −iθσ(v)/2 (σ(x))e iθσ(v)/2 =<br />

cos θσ(x) + sin θσ(v ∧ x) + (1 − cos θ)〈x, v〉σ(v). (17)<br />

Le membre de droite s’écrit sous la forme σ(y) avec<br />

y = x cos θ + v ∧ x sin θ + (1 − cos θ)〈v, x〉v. y est donc le<br />

transformé de x par la rotation d’angle θ <strong>et</strong> d’axe v. Autrement dit<br />

σ(x) ↦→ e −iθσ(v)/2 (σ(x))e iθσ(v)/2<br />

définit une transformation de H 0 dans H 0 de telle sorte <strong>que</strong> <strong>les</strong><br />

coordonnées de σ(x), considéré comme vecteur de H 0 , sont<br />

transformées selon la rotation d’axe v <strong>et</strong> d’angle θ.<br />

Il est parfois commode d’utiliser la notation σ(x) = 〈x, σ〉 où σ<br />

désigne le tripl<strong>et</strong> de matrices (σ 1 , σ 2 , σ 3 ).


conclusion.<br />

<strong>On</strong> peut représenter toute rotation spatiale par un quaternion<br />

(e θq/2 ). Cela peut faciliter certains calculs <strong>et</strong> c’est utilisé dans la<br />

conception de jeux vidéos, le contrôle des satellites <strong>et</strong> des fusées.<br />

<strong>On</strong> montre facilement <strong>que</strong> tout quaternion de norme 1, noté U<br />

peut s’écrire sous la forme U = e θq/2 où θ ∈ [0, 4π[ <strong>et</strong> q est une<br />

quaternion pur de norme 1. C<strong>et</strong>te écriture est uni<strong>que</strong>. <strong>On</strong> a donc<br />

une correspondance U ↦→ R(U) qui à tout quaternion unitaire U<br />

associe une rotation de l’espace d’angle θ <strong>et</strong> d’axe v, vecteur dont<br />

<strong>les</strong> composantes (v 1 , v 2 , v 3 ) sont <strong>les</strong> composantes de q dans la base<br />

{I , J, K} des quaternions purs.


L’ensemble H 1 des quaternions unitaires s’identifie avec l’ensemble<br />

des transformations unitaires de l’espace de Hilbert C 2 noté SU(2),<br />

l’ensemble de rotations de l’espace est noté SO(3).<br />

L’application R de SU(2) dans SO(3) vérifie la propriétés suivantes<br />

R(U 1 .U 2 ) = R(U 1 ).R(U 2 ), ∀U 1 , U 2 ∈ SU(2)<br />

R[SU(2)] = SO(3)<br />

R(U) = R(V ) ⇔ U = ±V (18)<br />

Le codage des rotations par <strong>les</strong> quaternions n’est pas parfait! Il y a<br />

une ambigüité de signe qui est inévitable pour des raisons<br />

géométri<strong>que</strong>s <strong>que</strong> l’on r<strong>et</strong>rouvera avec le spin.


Exercices<br />

1. Démontrer la formule du double produit vectoriel.<br />

2. <strong>On</strong> considère une rotation d’angle θ d’axe v <strong>et</strong> une rotation<br />

d’angle φ d’axe w, <strong>que</strong> l’on effectue dans c<strong>et</strong> ordre. Le résultat est<br />

une rotation d’angle ω d’axe t. En utilisant la représentation à<br />

l’aide des quaternions, calculer cos ω 2 .<br />

3. Dans l’espace R 3 muni d’un repére orthonormé {e 1 , e 2 , e 3 }<br />

montrer <strong>que</strong> toute rotation R(θ, v) peut se décomposer en un<br />

produit de 3 rotations du type suivant.<br />

R(θ, v) = R 3 (θ ′ 3).R 2 (θ 2 ).R 3 (θ 3 )<br />

où R j (α) désigne la rotation d’angle α, d’axe e j .


Exercices<br />

(suite)<br />

4. déduire de 3. <strong>que</strong> toute matrice unitaire U ∈ SU(2) se<br />

décompose comme suit<br />

( e<br />

iθ 3 ′<br />

U = ±<br />

/2 ) ( ) ( )<br />

0 cos(θ2 /2) − sin(θ 2 /2 e<br />

iθ 3 /2<br />

0<br />

0 e −iθ′ 3 /2 sin(θ 2 /2) cos(θ 2 /2) 0 e −iθ (19)<br />

3/2<br />

5. Calculer <strong>les</strong> valeurs propres <strong>et</strong> <strong>les</strong> vecteurs propres des matrices<br />

de Pauli <strong>et</strong> montrer <strong>que</strong> σ j = U j D j Uj<br />

⋆ avec D j matrice diagonale <strong>et</strong><br />

U j unitaire, j = 1, 2, 3.


<strong>Rotations</strong> <strong>et</strong> matrices de Pauli<br />

Pour comprendre le lien profond entre ces deux obj<strong>et</strong>s on fait appel<br />

à la notion de groupe <strong>et</strong> à ses représentations.<br />

Un groupe G est un ensemble muni d’une opération (ou loi) <strong>que</strong><br />

l’on notera souvent multiplicativement x.y si x, y ∈ G. C<strong>et</strong>te loi<br />

possède <strong>les</strong> propriétés suivantes<br />

◮ Associativité : x.(y.z) = (x.y).z, ∀x, y, z ∈ G<br />

◮ Il existe un élément neutre noté e, e.x = x.e = x, ∀x ∈ G<br />

◮ Tout élément x de G adm<strong>et</strong> un inverse noté x −1 tel <strong>que</strong><br />

x.x −1 = x −1 .x = e.<br />

Exemp<strong>les</strong>: Z, Q, R, C sont des groupes pour l’addition habituelle.<br />

R\{0}, C\{0} sont des groupes pour la multiplication habituelle.<br />

Ces goupes sont commutatifs (x.y = y.x, ∀x, y ∈ G).


Exemp<strong>les</strong> (suite)<br />

◮ L’ensemble S n des permutations de {1, 2, · · · , n} est un<br />

groupe (fini à n! éléments) pour la composition des<br />

permutations. Ce groupe s’appelle le groupe symétri<strong>que</strong><br />

d’ordre n.<br />

◮ Le groupe à 2 éléments G = {0, 1}.<br />

◮ Si E est un espace vectoriel de dimension finie, on note par<br />

GL(E) l’ensemble des opérateurs inversib<strong>les</strong> de E. C’est un<br />

groupe pour la composition des opérateurs, appelé groupe<br />

linéaire de E. Si E = R n on note GL(R n ) = GL(n, R).<br />

◮ Si E = R 3 on désigne par O(3) le groupe des transformations<br />

orthogona<strong>les</strong> <strong>et</strong> par SO(3) le groupe des rotations.<br />

◮ si E = C 2 , SU(2) désigne le groupe des opérateurs unitaires<br />

de déterminant +1 de C 2


Exemp<strong>les</strong> (suite)<br />

◮ L’ensemble des nombre <strong>complexes</strong> de module 1 est un groupe<br />

noté U(1); il s’identifie au groupe des rotations du plan noté<br />

SO(2)<br />

◮ L’ensemble des quaternions de norme 1, noté H 1 s’identifie à<br />

SU(2). En eff<strong>et</strong> <strong>les</strong> éléments de SU(2) ont pour matrice<br />

( ) a b<br />

Q = , a, b ∈ C, |a| 2 + |b| 2 = 1.<br />

−¯b ā<br />

<strong>On</strong> vérifie <strong>que</strong> Q ⋆ = Q −1 <strong>et</strong> d<strong>et</strong> Q = 1 qui sont <strong>les</strong> 2 relations qui<br />

définissent SU(2).


Pour analyser <strong>les</strong> relations entre SO(3) <strong>et</strong> SU(2) ont fait appel à la<br />

théorie des groupes.<br />

La théorie des groupes est un domaine vaste des mathémati<strong>que</strong>s.<br />

Nous allons seulement l’effleurer ici. C<strong>et</strong>te théorie a des<br />

applications importantes en physi<strong>que</strong> pour l’étude des symétries.<br />

Elle a permis par exemple à Pauli d’expli<strong>que</strong>r l’origine du spin <strong>et</strong> à<br />

Gelmann de prédire l’existence des quarks.<br />

L’un des fondateurs de la théorie des groupes est le mathématicien<br />

légendaire E. Galois qui s’en servit pour démontrer l’impossibilité<br />

de résoudre en général par radicaux <strong>les</strong> équations de degré ≥ 5.<br />

Voici 2 notions uti<strong>les</strong>.<br />

Un sous-groupe d’un groupe G est une partie H de G contenant<br />

l’élément neutre <strong>et</strong> stable par la loi du groupe. Par exemple SO(3)<br />

est un sous-groupe de GL(3, R).


Un morphisme de groupe est une application ρ d’un groupe G<br />

dans un groupe H qui respecte <strong>les</strong> lois de G <strong>et</strong> H, c’est à dire telle<br />

<strong>que</strong><br />

ρ(e) = ɛ (20)<br />

ρ(g 1 .g 2 ) = ρ(g 1 ) ⋆ ρ(g 2 ), ∀g 1 , g 2 ∈ G. (21)<br />

ɛ est l’élément neutre de H, ⋆ est le loi de H.<br />

Exemp<strong>les</strong>:<br />

1) x ↦→ e x est de morphisme de (R, +) dans (R ⋆ , ×)<br />

2) Si A est une matrice n × n, t ↦→ e tA est un morphisme de (R, +)<br />

dans GL(n, R) (ou GL(n, C)). {e tA , t ∈ R} est un sous-groupe de<br />

GL(n, R), appelé sous-groupe à un paramètre de générateur A.


Lors de l’étude des rotations on a construit un morphisme du<br />

groupe H 1 dans le groupe SO(3) c’est à dire de SU(2) dans<br />

SO(3). Reprenons c<strong>et</strong>te étude on a identifié l’ensemble des<br />

quaternions purs à l’espace vectoriel H 0 engendré par σ 1 , σ 2 , σ 3 .<br />

H 0 est aussi l’espace des matrices <strong>complexes</strong> A, 2 × 2 hermitiennes<br />

<strong>et</strong> de trace nulle. C<strong>et</strong> espace est souvent noté su(2)


Si v ∈ R 3 , v = (v 1 , v 2 , v 3 ) on a noté σ(v) = v 1 σ 1 + v 2 σ 2 + v 3 σ 3 .<br />

L’application σ est une isométrie de R 3 sur su(3) muni du produit<br />

scalaire 〈A, B〉 = 1 2 tr(AB⋆ ).<br />

La relation établie entre quaternions <strong>et</strong> rotations de l’espace<br />

s’exprime de la manière suivante : à tout élement U de SU(2) on<br />

associe une rotation R(U) de l’espace suivant la formule<br />

R(U)v = σ −1 (Uσ(v)U −1 ) (22)<br />

R est un morphisme surjectif (tout élément de SO(3) provient, via<br />

R d’un élément de SU(2)). Il n’est pas injectif. <strong>On</strong> montre en eff<strong>et</strong><br />

<strong>que</strong> tout élément de SO(3) provient de 2 éléments distincts de<br />

SU(2). Il suffit de regarder le cas de la transformation identité I R 3.<br />

<strong>On</strong> constate alors <strong>que</strong> R(U) = I R 3 si <strong>et</strong> seulement si U = ±I C 2.


Le groupe SO(3) agit naturellement dans R 3 mais il agit aussi dans<br />

d’autres espaces. Il agit par exemple sur <strong>les</strong> fonctions ψ de R 3<br />

dans C suivant la formule ρ(U)ψ(x) = ψ(R(U) ⋆ x). <strong>On</strong> constate<br />

alors qu’il s’agit également d’une action de SU(2). SU(2) agit<br />

naturellement sur C 2 . L’observation clé de Pauli pour expli<strong>que</strong>r le<br />

spin consiste à calculer <strong>les</strong> générateurs infinitésimaux de ces actions<br />

<strong>et</strong> remar<strong>que</strong>r qu’ils vérifient des mêmes relations de commutation.


<strong>On</strong> désigne par R j (θ) la rotation d’angle θ autour de l’axe Ox j ,<br />

j = 1, 2, 3. Calculons ∂ ∂θ ψ(R j(θ)x)| θ=0 . <strong>On</strong> trouve<br />

∂<br />

∂θ ψ(R j(θ)x))| θ=0 = L j ψ(x) (23)<br />

où <strong>les</strong> L j sont <strong>les</strong> opérateurs différentiels :<br />

∂ ∂<br />

L 1 = x 2 − x 3<br />

∂x 3 ∂x 2<br />

∂ ∂<br />

L 2 = x 3 − x 1<br />

∂x 1 ∂x 3<br />

∂ ∂<br />

L 3 = x 1 − x 2<br />

∂x 2 ∂x 1<br />

Ce qu’on résume par la formule L = x ∧ ∇ .


Pour une particule en rotation le moment angulaire est une<br />

quantité conservée. Reprenons <strong>les</strong> calculs précédents pour un axe<br />

<strong>que</strong>lcon<strong>que</strong> de vecteur directeur unitaire v. <strong>On</strong> préfère avoir des<br />

opérateurs hermitiens dans l’espace de Hilbert L 2 (R 3 ). Pour cela<br />

on pose ˆL j = 1 i L j Pour toute fonction dérivable ψ de 3 variab<strong>les</strong><br />

x = (x 1 , x 2 , x 3 ) on a alors :<br />

i ∂ ∂θ ψ(R(−θ, v)x)| θ=0 = i〈∇ψ(x), x ∧ v〉 = 〈v, ˆL〉ψ(x)<br />

Faisons maintenant agir <strong>les</strong> rotations précédentes dans C 2 .


Pour cela à la rotation d’angle θ <strong>et</strong> d’axe v on associe la<br />

transformation de SU(2) : U(θ, v) = e −iθσ(v)/2 . D’après <strong>les</strong> calculs<br />

précédents effectués via <strong>les</strong> quaternions, aux rotations<br />

R 1 (θ), R 2 (θ), R 3 (θ) sont associés <strong>les</strong> matrices de SU(2) suivantes<br />

U 3 (θ) =<br />

U 2 (θ) =<br />

U 1 (θ) =<br />

( )<br />

e<br />

−iθ/2<br />

0<br />

0 e iθ/2<br />

( )<br />

cos(θ/2) sin(θ/2)<br />

− sin(θ/2) cos(θ/2)<br />

( )<br />

cos(θ/2) −i sin(θ/2)<br />

−i sin(θ/2) cos(θ/2)<br />

Comme précédemment, on calcule <strong>les</strong> générateurs infinitésimaux de<br />

ces actions dans C 2 ,


<strong>On</strong> obtient alors, pour j = 1, 2, 3,<br />

i ∂U j(θ)<br />

| θ=0 = 1 ∂θ 2 σ j (24)<br />

Posons S j = 1 2 σ j. Alors ˆL j <strong>et</strong> S j vérifient <strong>les</strong> mêmes relations de<br />

commutation, à savoir<br />

1<br />

i [Λ j, Λ k ] = ε j,k,l Λ l<br />

Ce qui laisse penser <strong>que</strong> <strong>les</strong> matrices S j jouent un rôle de même<br />

nature qu’un moment angulaire. <strong>On</strong> verra plus loin <strong>que</strong> <strong>les</strong><br />

opérateurs ˆL j sont <strong>les</strong> analogues quanti<strong>que</strong>s du moment angulaire<br />

classi<strong>que</strong> pour une particule en rotation.


Remplaçons maintenant la fonction ψ par un vecteur a = (a 1 , a 2 )<br />

de C 2 <strong>et</strong> faisons agir R(θ, v) par son représentant e −θq/2<br />

(q = iσ(v)) dans SU(2). <strong>On</strong> a alors q = i(v 1 σ 1 + v 2 σ 2 + v 3 σ 3 ) <strong>et</strong><br />

on obtient<br />

i ∂ ∂θ e−θq/2 a| θ=0 = (v 1 S 1 + v 2 S 2 + v 3 S 3 )a = 〈v, S〉a.<br />

Or 〈v, S〉 est une matrice hermitienne dont le carré est 1 4 I (cela<br />

résulte des propriétés des matrices de Pauli). Donc 〈v, S〉 a pour<br />

valeurs propres ±1/2.


De<br />

(<br />

plus 〈v, S〉<br />

)<br />

est unitairement équivalente à la matrice<br />

1/2 0<br />

. Il suffit par une rotation de transformer le vecteur<br />

0 −1/2<br />

v en le vecteur (0, 0, 1) en utilisant la formule<br />

e θq/2 〈v, S〉e −θq/2 = 〈R(e θq/2 )v, S〉.<br />

En eff<strong>et</strong> <strong>les</strong> matrices 〈v, S〉 <strong>et</strong> 〈R(e θq/2 )v, S〉 ont mêmes valeurs<br />

propres.<br />

conclusion: 〈v, S〉 s’interprète comme un moment angulaire<br />

intrinsè<strong>que</strong> prenant <strong>les</strong> valeurs ±1/2 indépendamment de l’axe de<br />

rotation. <strong>On</strong> a ainsi décrit géométri<strong>que</strong>ment le spin 1/2. Alors <strong>que</strong><br />

〈v, L〉 s’interprète comme un moment angulaire orbital dépendant<br />

de l’axe de rotation v.<br />

Comme on le verra dans la suite, pour expli<strong>que</strong>r le spin<br />

électroni<strong>que</strong>, Pauli associe à l’électron une paire de fonctions<br />

d’onde (ψ 1 , ψ 2 ). Donc pour tout x ∈ R 3 , (ψ 1 (x), ψ 2 (x)) ∈ C 2 . Le<br />

groupe des rotations agit sur (ψ 1 , ψ 2 ) en combinant son action sur<br />

x ∈ R 3 <strong>et</strong> son action sur la variable discrète s = 1, 2.


Une rotation R(θ, v) agit sur le “spineur” (ψ 1 , ψ 2 ) selon la formule<br />

suivante<br />

( )<br />

( )<br />

ψ1<br />

ψ1 (R(−θ, v)x)<br />

ρ 1/2 (θ, v) (x) = U(θ, v)<br />

(25)<br />

ψ 2 ψ 2 (R(−θ, v)x)<br />

<strong>On</strong> obtient alors<br />

i ∂ ∂θ ρ 1/2(θ, v)<br />

( ) ( )<br />

ψ1 ∣∣θ=0 ψ1<br />

= (ˆL + S)<br />

ψ 2 ψ 2<br />

(26)<br />

Le spin S s’ajoute donc au moment angulaire qui se trouve ainsi<br />

modifié. Le plus surprenant est <strong>que</strong> c<strong>et</strong>te modification se fasse par<br />

un décalage de ±1/2.


W. Pauli a obtenu le prix Nobel en 1945 pour l’ensemble de ses<br />

travaux. Il a publié ”General Princip<strong>les</strong> of Quantum Mechanics”<br />

(Springer-Verlag) qui contient d’intéressantes notes histori<strong>que</strong>s.<br />

<strong>On</strong> y verra en particulier <strong>que</strong> Pauli connaissait la théorie des<br />

quaternions <strong>et</strong> ainsi <strong>que</strong> bien d’autres domaines des mathémati<strong>que</strong>s<br />

comme la théorie des représentations des groupes. C’est sans<br />

doute grâce à ces connaissances qu’il a pu proposer un modèle<br />

théori<strong>que</strong> cohérent pour expli<strong>que</strong>r <strong>les</strong> phénomènes mis en évidence<br />

par l’expérience de Stern <strong>et</strong> Gerlag (1921) <strong>et</strong> dans l’eff<strong>et</strong> Zeeman<br />

(1896) “anormal”. Pour cela Pauli a introduit le spin en 1924.

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