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LES ALPES DE PÈRE EN FILS

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Joseph, Georges I, Georges II et Pierre<br />

TAIRRAZ<br />

<strong>LES</strong> <strong>ALPES</strong><br />

<strong>DE</strong> PÈRE <strong>EN</strong> <strong>FILS</strong><br />

C H A R L I E B U F F E T


JOSEPH TAIRRAZ (1827-1902),<br />

OU L’INV<strong>EN</strong>TION <strong>DE</strong> LA PHOTOGRAPHIE<br />

<strong>DE</strong> MONTAGNE<br />

Portrait de Joseph Tairraz.<br />

Joseph Tairraz grandit dans une vallée tournée vers le tourisme, hantée par Victor Hugo,<br />

Alexandre Dumas, des beaux esprits, des savants et des peintres qui se rencontrent et<br />

conversent, le plus souvent en anglais, dans les fumoirs et les jardins des hôtels.<br />

Dans ce lieu de passage, de brassage, rendez-vous de la haute société européenne,<br />

l’esprit curieux de Joseph s’imprègne d’un terreau riche, stimulant. La montagne<br />

qu’il a sous les yeux, il ne la voit pas avec des yeux de paysan ou de laboureur. Son regard capte tout<br />

ce qui se croise ici. Car soudain, tout se condense. L’histoire s’accélère.<br />

Chamonix accueille la France et la science<br />

À la fin de l’été 1858, la comète de Donati envahit le ciel nocturne. C’était l’une des plus belles<br />

et plus grandes jamais observées, avec sa queue de 88 millions de kilomètres qui illuminait le tiers<br />

de la voûte céleste. À la tombée du jour, la longue chevelure de la comète, incurvée en arabesque,<br />

apparaissait dans la direction du nord-nord-ouest. À Chamonix, c’était la direction de la France.<br />

Aussitôt la comète disparue, de discrets émissaires venus de Paris commencent à sillonner la<br />

Savoie et arrivent jusqu’à Chamonix. Julien Tairraz, le syndic, est convié à un dîner de seize<br />

couverts, il s’y rend avec son fils aîné, ce Joseph qui se présente de plus en plus comme « guide et<br />

photographe ». Au cours du dîner, les notables de la vallée acceptent de soutenir le rattachement à<br />

la France. Napoléon III a négocié l’annexion contre son soutien à l’unification italienne. Le<br />

plébiscite a lieu les 22 et 23 avril 1860. À la question « La Savoie veut-elle être réunie à la<br />

France », 99,97 % des Savoyards répondent oui.<br />

1859, 1860… Dans les années où la Savoie bascule du Piémont à la France, Chamonix est<br />

emportée dans un tourbillon, qui culminera pendant l’extraordinaire été 1861. Ces années sont,<br />

pour Joseph Tairraz, le temps de la gestation, de son installation définitive comme guide photographe<br />

professionnel.<br />

Le Mont-Blanc, dès l’origine, a été un objet d’étude scientifique: en 1787, Saussure a tenté<br />

d’y mesurer la pression atmosphérique, l’hygrométrie, la température… mais il était furieux<br />

d’arriver au sommet trop épuisé pour mener à bien la plupart des expériences prévues. Troisquarts<br />

de siècle après, ce sont de vrais laboratoires ambulants qui, chaque été, partent à la conquête<br />

du sommet. Prenez John Tyndall, de cette génération de scientifiques qui jette les bases de la glaciologie<br />

et de la climatologie, expliquant au passage le pourquoi du bleu du ciel (l’«effet Tyndall»).<br />

Au sommet du Mont-Blanc, Tyndall enfouit un thermomètre sous la glace pour y mesurer les<br />

températures minimales sur un an. Pas de<br />

chance : son guide Auguste Balmat se gèle les<br />

mains et se les fait frapper jusqu’au sang par un<br />

porteur. Le thermomètre enfoui ne sera jamais<br />

retrouvé, mais l’aventure scientifique continue:<br />

le 22 août 1859, Tyndall passe la nuit sur le<br />

sommet, allongé à même le sol avec trois guides<br />

et six porteurs, dans l’espoir de mesurer le<br />

rayonnement solaire à l’aube. L’année suivante,<br />

Louis Pasteur se rend sur la Mer de Glace pour<br />

y remplir vingt fioles d’air pur et tordre le cou<br />

à la théorie de la «génération spontanée».<br />

Une révolution technique<br />

Joseph Tairraz participe à sa façon à cette effervescence<br />

scientifique – car la photographie des<br />

pionniers est encore une aventure scientifique<br />

: ramener des hauteurs une représentation<br />

exacte de la réalité, ce n’est pas rien. Pour<br />

Joseph, jeune homme curieux, le daguerréotype n’était qu’un avant-goût. Un nouveau procédé<br />

plein de promesses s’est imposé, le collodion humide. La plaque en cuivre, qui ne permettait<br />

qu’une seule vue, non reproductible, est remplacée par une plaque de verre – où est révélée une<br />

image en négatif qui, par contact, permet ensuite de tirer des épreuves multiples sur papier. Des<br />

dizaines, voire des centaines de clichés à partir d’une seule prise de vue : les perspectives commerciales<br />

n’échappent pas au jeune Tairraz, qui voit tous les touristes repartir de Chamonix avec un<br />

souvenir dans leurs bagages.<br />

Le premier qui parviendra à prendre une telle photographie au sommet du Mont-Blanc décrochera<br />

la timbale ! La technique du collodion humide permet de réduire les temps de pose et de<br />

travailler en lumière naturelle, mais les contraintes restent<br />

énormes. Il faut d’abord diluer de la poudre de coton dans<br />

de l’éther pour former une substance visqueuse capable<br />

d’adhérer aux plaques. Ensuite, cette gélatine doit être sensibilisée,<br />

à l’abri de la lumière, par trempage dans un bain de<br />

nitrate d’argent. Qui dit bain dit liquide… Lorsque la<br />

température est négative, ce qui n’est pas exceptionnel en<br />

haute montagne, il faut du feu pour obtenir de l’eau. Mais<br />

l’oxygène est rare en altitude et le feu brûle mal. Résumons.<br />

Pour prendre une photo au temps du collodion humide, il<br />

faut un appareil photographique avec son lourd trépied et,<br />

rangées dans leur châssis, autant de plaques de verre qu’on veut<br />

prendre de vues ; les produits chimiques nécessaires ; des<br />

lampes à alcool ou du bois de feu pour faire fondre la neige<br />

La famille de Joseph Tairraz<br />

photographiée devant l’atelier,<br />

1900.<br />

Daguerréotype de Joseph Tairraz<br />

représentant son père Julien<br />

Tairraz, 1857.<br />

Joseph Tairraz.<br />

6<br />

7


Joseph Ravenel, guide de la compagnie de Chamonix, vers 1905.<br />

Studio Tairraz, Georges Tairraz I.<br />

Un guide de la compagnie de Chamonix, vers 1905.<br />

Studio Tairraz, Georges Tairraz I.<br />

Photographie de famille en tenues de montagne<br />

et habits du dimanche, vers 1900-1910.<br />

Studio Tairraz, Georges Tairraz I.<br />

26


Glacier des Bossons,<br />

la jonction sur la voie<br />

du Mont-Blanc, vers 1885.<br />

Joseph Tairraz<br />

À gauche<br />

Jonction sur la voie<br />

du Mont-Blanc<br />

Joseph Tairraz<br />

34<br />

35


Ski à Carlaveyron,<br />

vers 1930-1938.<br />

Georges Tairraz II<br />

À droite<br />

Mont d’Arbois,<br />

vers 1930-1935.<br />

Georges Tairraz II<br />

Le saut dans l’inconnu,<br />

1935.<br />

Georges Tairraz II<br />

65


Les Aiguilles Rouges, ascension du mont Buet, 1987.<br />

Pierre Tairraz<br />

Le Yatagan, arête sud-ouest de l’aiguille d’Argentière, 1969.<br />

Pierre Tairraz<br />

133


Rimaye au glacier du mont Mallet, 1977.<br />

Pierre Tairraz

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