histoire en exclusivité terre d'échecs - Fédération Française des ...
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Un peu d’<strong>histoire</strong><br />
Jérôme Maufras<br />
Quand l’Allemagne p<strong>en</strong>chait à l’est<br />
Karl Ernst Adolf Anderss<strong>en</strong> est né le 6 juillet 1818 à<br />
Breslau, l'actuelle Wroclaw, <strong>en</strong> Pologne. À l’époque, ni<br />
Pologne, ni Allemagne. Outre-Rhin coexist<strong>en</strong>t et se disput<strong>en</strong>t<br />
duchés et royaumes. Le plus puissant d'<strong>en</strong>tre eux est la<br />
Prusse qui obti<strong>en</strong>t à la suite du Congrès de Vi<strong>en</strong>ne de 1815<br />
la Rhénanie, la Westphalie et le nord de la Saxe, autant dire<br />
la majorité <strong>des</strong> bassins houillers allemands. À cette époque,<br />
la Prusse se développe donc rapidem<strong>en</strong>t autour du charbon<br />
et de l'acier et comm<strong>en</strong>ce à unifier le reste de l'Allemagne<br />
sur les bases économiques d'un accord douanier majeur<br />
signé <strong>en</strong> 1834, le Zollverein.<br />
Adolf Anderss<strong>en</strong><br />
appr<strong>en</strong>d les échecs<br />
à 9 ans : il n'a ri<strong>en</strong><br />
d'un prodige et ses<br />
progrès sont réguliers.<br />
À 22 ans, il<br />
n'est toujours pas<br />
le meilleur joueur<br />
allemand. Il faut<br />
att<strong>en</strong>dre 1842 pour<br />
le voir se distinguer<br />
<strong>en</strong> publiant un<br />
Une vue de Breslau, où vécut Anderss<strong>en</strong>. court manuel de<br />
problèmes. En<br />
1846, il poursuit dans la même veine <strong>en</strong> dev<strong>en</strong>ant l'éditeur<br />
de la revue Schachzeitung. Anderss<strong>en</strong> vit alors une vie calme<br />
à Breslau, une vie de célibataire qu'il partage avec sa mère<br />
veuve et sa sœur <strong>en</strong>core vieille fille.<br />
Un simple professeur d’un empire<br />
puissant et belliqueux<br />
Diplômé du secondaire, Anderss<strong>en</strong> <strong>en</strong>tama <strong>en</strong>suite <strong>des</strong><br />
étu<strong>des</strong> de philosophie et de mathématiques à l'université.<br />
Ce cursus fit rapidem<strong>en</strong>t de lui un professeur de mathématiques<br />
respecté. Rangée, respectable, petite-bourgeoise, sa<br />
vie n'est pas à l'image de l'effervesc<strong>en</strong>ce politique que<br />
connaît la Prusse à cette époque.<br />
En effet, <strong>en</strong> 1848, une révolte éclate qui porte l'idée<br />
d'une nation allemande dont l'empereur ne serait autre<br />
que Frédéric-Guillaume IV, couronné <strong>en</strong> 1840 roi de Prusse.<br />
30<br />
Anderss<strong>en</strong>,<br />
le romantisme à l’heure allemande<br />
On considère à juste titre Adolf Anderss<strong>en</strong> comme le joueur romantique par excell<strong>en</strong>ce. Compatriote<br />
de Goethe, Fichte, Hölderlin, il a développé une conception spectaculaire du jeu où la recherche<br />
esthétique prévalait sur le résultat. Bref, c'était un homme d'une autre époque !<br />
Mais le roi réprime la révolution<br />
car il considère les nouvelles<br />
assemblées élues illégitimes.<br />
1848, c'est aussi l'année<br />
de parution du Capital de<br />
Karl Marx, qui théorise la<br />
lutte <strong>des</strong> classes dans un pays<br />
<strong>en</strong> pleine révolution industrielle.<br />
1848, <strong>en</strong>fin, c'est l'année<br />
où Anderss<strong>en</strong> parvi<strong>en</strong>t à<br />
annuler contre Daniel<br />
Harrwitz. Cette reconnaissance<br />
tardive le lança dans le<br />
monde <strong>des</strong> échecs.<br />
Le romantisme<br />
<strong>en</strong> action<br />
L’université de Breslau, d’hier<br />
à aujourd’hui.<br />
Anderss<strong>en</strong> fut invité au tournoi de Londres de 1851. Ses<br />
moy<strong>en</strong>s financiers ne lui permettant pas un si long voyage,<br />
Staunton proposa de lui payer le voyage au cas où<br />
Anderss<strong>en</strong> ne remporterait pas de prix lui permettant de<br />
r<strong>en</strong>trer dans ses frais. Une telle générosité s'explique par le<br />
caractère d'Anderss<strong>en</strong> : d'une grande probité, il était<br />
apprécié de tous car il se montrait courtois dans la victoire<br />
comme dans la défaite et d'une objectivité toute professorale<br />
dans l'analyse de ses parties. À la surprise générale, le<br />
professeur de Silésie remporta le tournoi de Londres. Il se<br />
r<strong>en</strong>dit plus célèbre <strong>en</strong>core <strong>en</strong> remportant deux parties<br />
d'anthologie, baptisées l'Immortelle et la Toujours verte<br />
dans lesquelles il multiplia les sacrifices. Son style volontiers<br />
romantique se heurta <strong>en</strong> 1858 à la puissance de Morphy sur<br />
le score sans appel de 7 victoires à 2 et 2 nulles. Il faut dire<br />
qu'<strong>en</strong>tre-temps, Anderss<strong>en</strong> était rev<strong>en</strong>u à sa chaire, restant<br />
un amateur éclairé <strong>des</strong> échecs quand pointait la professionnalisation<br />
du jeu. Il perdit aussi deux matchs face à un futur<br />
géant, Wilhem Steinitz.<br />
Son chant du cygne fut le tournoi de Bad<strong>en</strong>-Bad<strong>en</strong> qu'il<br />
remporta devant les meilleurs joueurs de cette époque.<br />
Dans le même temps, la Prusse unifiait l'Allemagne après<br />
ses victoires contre la Russie (1864), l'Autriche (1866) et la<br />
France (1871). Le réalisme échiqué<strong>en</strong> de Steinitz trouverait<br />
bi<strong>en</strong>tôt un écho dans le réalisme politique de Bismarck. ■