histoire en exclusivité terre d'échecs - Fédération Française des ...
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c'est plus un loisir familial qu’autre chose. Par contre, je<br />
compr<strong>en</strong>ds la fascination qu'exerce ce jeu et la passion qu'il<br />
fait naître chez les amateurs.<br />
E et M. : La Joueuse d'Echecs est-il un roman sur les<br />
échecs, un conte philosophique Comm<strong>en</strong>t définiriezvous<br />
ce roman <br />
B.H. : Ni l'un, ni l'autre ! Ce serait prét<strong>en</strong>tieux de ma part,<br />
au pays de Voltaire, de prét<strong>en</strong>dre avoir écrit un conte<br />
philosophique ! C'est un roman, un récit. Pour moi, le plus<br />
important, c'était de développer l'idée qu'un grain de<br />
sable (la chute d'un pion dans une chambre d'hôtel)<br />
provoquait un déraillem<strong>en</strong>t positif dans une vie bi<strong>en</strong><br />
rangée et décl<strong>en</strong>chait une avalanche de faits. Mais bon, si<br />
on veut, il y a un aspect philosophique dans le s<strong>en</strong>s où ce<br />
roman essaye de bousculer quelques idées reçues. Les<br />
échecs sont un jeu très masculin mais le roi est très faible.<br />
De la même façon, El<strong>en</strong>i est comme un pion : elle avance<br />
comme un pion vers sa « promotion » mais ne peut pas<br />
rev<strong>en</strong>ir <strong>en</strong> arrière. Pourtant, elle ne se dit pas « Je vais<br />
changer » ou « Ma vie va changer ». Elle n'a aucune<br />
stratégie. Les échecs la chang<strong>en</strong>t.<br />
E et M. : C'est aussi une fable sur le rapport<br />
homme/femme. D'ailleurs, je vous cite, vous écrivez « Le<br />
génie de ce jeu semble se situer quelque part dans les<br />
testicules. » P<strong>en</strong>sez-vous que les femmes ne sont pas<br />
faites pour les échecs <br />
B.H. : (Rires) Pas du tout ! Mais c'est un univers très<br />
masculin. On ne peut que le constater… Pourquoi, je ne<br />
sais pas. Je p<strong>en</strong>se que de manière générale, les femmes<br />
jou<strong>en</strong>t moins que les hommes car elles <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t plus vite<br />
dans la vie active. Et puis les échecs sont quand même un<br />
jeu de guerre, même si cet aspect est de l'ordre du<br />
symbolique. Peut-être aussi que les femmes sont moins<br />
agressives. Longtemps, c'est un jeu qui a semblé réservé<br />
aux hommes. J'ai <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du <strong>des</strong> choses peu élégantes sur<br />
Fischer qui se vantait de pouvoir battre n'importe quelle<br />
femme <strong>en</strong> lui laissant l'avantage d'un Cavalier… Mais je<br />
crois que c'est <strong>en</strong> train de changer, tout ça, non <br />
E et M. : C'est vrai. Rev<strong>en</strong>ons, si vous le voulez bi<strong>en</strong>, au<br />
jeu. Vous citez dans votre roman <strong>des</strong> ouvertures. J'imagine<br />
que vous vous êtes docum<strong>en</strong>tée pour donner de la<br />
crédibilité au récit. Aviez-vous un conseiller échiqué<strong>en</strong> <br />
B.H. : À proprem<strong>en</strong>t parler, je n'avais pas de conseiller<br />
échiqué<strong>en</strong>. Par contre, j'ai utilisé un petit manuel paru chez<br />
Marabout. Je l'ai lu avec intérêt d'ailleurs et il s'<strong>en</strong> faudrait<br />
de peu pour que je plonge sérieusem<strong>en</strong>t dans ce qui<br />
pourrait dev<strong>en</strong>ir une passion. Mais je me reti<strong>en</strong>s parce<br />
qu'écrire, s'occuper d'une petite fille, c'est déjà beaucoup<br />
de travail !<br />
E et M. : Vous avez v<strong>en</strong>du plus de 15 000 exemplaires de<br />
la Joueuse d'Echecs. C'est un beau score pour un premier<br />
roman, surtout sur les échecs. De fait, ce succès va bi<strong>en</strong> audelà<br />
du cercle <strong>des</strong> seuls amateurs d'échecs. D'après vous,<br />
qui est le lecteur-type de votre roman <br />
B.H. : C'est très varié. Je r<strong>en</strong>contre tout de même beaucoup<br />
de femmes <strong>en</strong> grande difficulté sociale, morale, affective.<br />
Elles me dis<strong>en</strong>t que ce livre leur donne de l'espoir. J'ai<br />
r<strong>en</strong>contré aussi <strong>des</strong> hommes, <strong>des</strong> jeunes lycé<strong>en</strong>s. Mais je ne<br />
m'att<strong>en</strong>dais pas à certaines choses : par exemple, <strong>en</strong><br />
animant un groupe de lecture à la maison d'arrêt de Laval,<br />
j'ai appris qu'un jeune dét<strong>en</strong>u d'origine africaine avait<br />
appris à lire le Français <strong>en</strong> lisant mon livre. Vous vous <strong>en</strong><br />
doutez, cela m'a beaucoup touché. Je sais aussi qu'<strong>en</strong><br />
Allemagne le livre marche bi<strong>en</strong> parce que les Allemands<br />
sont friands de <strong>des</strong>tinations exotiques et que le roman se<br />
déroule <strong>en</strong> Grèce…<br />
E et M. : Vous donnez une image intellectuelle, élégante<br />
et très parisi<strong>en</strong>ne du jeu d'échecs. Est-ce votre vision <strong>des</strong><br />
échecs ou était-ce pour obt<strong>en</strong>ir un contraste <strong>en</strong>tre le jeu<br />
et la condition de l'héroïne <br />
B.H. : Le jeu d'échecs <strong>en</strong> lui-même est élégant, très riche.<br />
Le plateau <strong>en</strong> bois, les pièces ouvragées… et puis il faut<br />
beaucoup de temps pour jouer aux échecs et ça aussi c'est<br />
un luxe. C'est un jeu réputé difficile aussi, qui s'adresse à<br />
une élite d'où la peur de l'héroïne face au jeu. Je ne sais<br />
pas trop pourquoi mais c'est l'image que r<strong>en</strong>voie le jeu.<br />
Maint<strong>en</strong>ant, c'est vrai qu'El<strong>en</strong>i rêve de Paris, d'un Paris de<br />
carte postale où <strong>des</strong> femmes élégantes jou<strong>en</strong>t avec leur<br />
mari… ce qui n'a sûrem<strong>en</strong>t pas grand-chose à voir avec la<br />
réalité.<br />
E et M. : J'ai lu que vous aimiez les polars. Il existe<br />
beaucoup de polars échiqué<strong>en</strong>s. Vous ont-ils inspirée <br />
B.H. : Le tableau du Maître Flamand de Reverte, sans<br />
hésiter. C'est un livre formidable ! Mais je vous avoue que<br />
pour mon roman, on ne peut pas s'amuser à attribuer à<br />
chaque personnage la valeur d'une pièce, sauf El<strong>en</strong>i, qui<br />
est un pion, comme je vous l'ai dit.<br />
E et M. : Je parle maint<strong>en</strong>ant à la scénariste. Y a-t-il<br />
matière à un scénario dans une partie Existe-t-il <strong>des</strong><br />
points communs <strong>en</strong>tre le joueur qui construit sa partie et<br />
le scénariste qui tire les ficelles de l'intrigue <br />
B.H.: Oui, bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du. Ce sont deux constructions<br />
complexes et sûrem<strong>en</strong>t assez similaires. Il existe une<br />
stratégie de l'intrigue quand on écrit un scénario. Et puis<br />
on pourrait dire que les différ<strong>en</strong>ts personnages d'un<br />
scénario sont comme les pièces qui se déplacerai<strong>en</strong>t à<br />
chaque rebondissem<strong>en</strong>t. Incontestablem<strong>en</strong>t, il y a un<br />
parallèle.<br />
E et M. : Dernière question mais elle est de première<br />
importance : vous verra-t-on un jour dédicacer votre livre<br />
lors d'un grand événem<strong>en</strong>t échiqué<strong>en</strong> <br />
B.H. : Ho la la, mais les joueurs vont relever toutes les<br />
erreurs que j'ai dû écrire ! Non, <strong>en</strong> fait, ça ne me ferait pas<br />
peur de r<strong>en</strong>contrer les joueurs, au contraire. Je dirais même<br />
que ça me ferait plaisir même si je serais très intimidée.<br />
E et M. : Merci Bertina H<strong>en</strong>richs et que la Fédération ou<br />
les organisateurs de tournois le sach<strong>en</strong>t, la balle est dans<br />
leur camp !<br />
*Bertina H<strong>en</strong>richs, La Joueuse d'échecs, Liana Levi, 2005.<br />
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juillet 2006