Perdu dans le labyrinthe des Liaisons dangereuses
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Autres procédés du roman par <strong>le</strong>ttres au lse sièc<strong>le</strong><br />
Ajoutons que tous <strong>le</strong>s procédés du roman épistolaire<br />
viennent renforcer la posture dédaléenne du <strong>le</strong>cteur : lui seul a<br />
toujours en main toutes <strong>le</strong>s pièces du puzz<strong>le</strong>. Qu'il s'agisse <strong>des</strong><br />
contrastes créés entre <strong>le</strong>s <strong>le</strong>ttres envoyées à la même date par <strong>des</strong><br />
<strong>des</strong>tinateurs différents 9 ou de <strong>le</strong>ttres envoyées à la même date<br />
par un même <strong>des</strong>tinateur à <strong>des</strong> <strong>des</strong>tinataires différents'O, toutes<br />
font ressortir l'illusion <strong>des</strong> victimes et la maîtrise <strong>des</strong> libertins.<br />
D'une <strong>le</strong>ttre à l'autre, selon <strong>le</strong> <strong>des</strong>tinataire, l'image de la<br />
marquise et de Valmont varie. Dans sa quête de sens, de vérité, <strong>le</strong><br />
<strong>le</strong>cteur qui, comme Thésée parcourt <strong>le</strong> <strong>labyrinthe</strong>, juxtapose,<br />
confronte <strong>le</strong>s fragments et change alors de posture et<br />
d'interprétation. Ces confrontations lui permettent de mesurer<br />
<strong>le</strong>s erreurs de jugement <strong>des</strong> personnages, mais aussi bien souvent<br />
ses propres erreurs de <strong>le</strong>cture puisqu'il est aussi Thésée perdu <strong>dans</strong><br />
<strong>le</strong> <strong>labyrinthe</strong>.<br />
<strong>Perdu</strong> <strong>dans</strong> <strong>le</strong> <strong>labyrinthe</strong> du discours: la posture de Thésée<br />
Le <strong>le</strong>cteur, disions-nous, est pris comme de Mme de<br />
Tourvel <strong>dans</strong> <strong>le</strong> <strong>labyrinthe</strong> du discours. Bien sûr, il lit à la fois ce<br />
que <strong>le</strong> <strong>des</strong>tinateur écrit et ce que <strong>le</strong> <strong>des</strong>tinataire « entend », c'est<br />
là la posture dédaléenne : seul à avoir en mains toutes <strong>le</strong>s pièces<br />
du puzz<strong>le</strong>, il peut « analyser » <strong>le</strong> discours en même temps qu'il <strong>le</strong><br />
lit ; il voit, comprend comment la <strong>le</strong>ttre agit, il comprend que<br />
« <strong>le</strong>s <strong>le</strong>ttres successives manifestent <strong>le</strong>s masques successifs <strong>des</strong><br />
libertins » (Messière, 1991, 50). Pourtant, il garde tout au long<br />
de sa <strong>le</strong>cture <strong>le</strong> sentiment de parcourir un <strong>labyrinthe</strong>.<br />
L'effet labyrinthique du discours tient évidemment au fait<br />
que Valmont écrit 12 <strong>le</strong>ttres à la Présidente, toutes n'ayant qu'un<br />
seul propos : son amour pour el<strong>le</strong>. Dès la <strong>le</strong>ttre 25, il décrit ainsi<br />
<strong>le</strong> contenu de ses <strong>le</strong>ttres à la présidente : « il faudra pourtant<br />
>Voir par exemp<strong>le</strong> <strong>le</strong>s quatre <strong>le</strong>tlres du 3 oct. (<strong>le</strong>ttres 100-10 1-102-103) où<br />
Valmont enrage d' avoir été joué par Mme de Tourvel tandis que cel<strong>le</strong>-ci<br />
s'illusionne sur la généreuse pitié pour el<strong>le</strong> de Valmont et qu 'cl<strong>le</strong> avoue enfin,<br />
mais à Mme de Rosemonde. son amour pour Valmont (<strong>le</strong>ttre 102).<br />
!()Un bel exemp<strong>le</strong> : <strong>le</strong>s <strong>le</strong>ttres 104-105 <strong>dans</strong> <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s Mme de Merteuil<br />
« prêche la vertu à la mère et <strong>le</strong> vice à la fil<strong>le</strong> » (Versini. 1968,288).