Le bel avenir du risque politique - Etudes économiques du Crédit ...
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Apériodique - n° 19 - juin 2012<br />
<strong>Le</strong> <strong>bel</strong> <strong>avenir</strong> <strong>du</strong> <strong>risque</strong> <strong>politique</strong><br />
En 2011, les populations se sont mobilisées dans le monde entier : révolutionnaires ou révoltés arabes et<br />
africains, militants russes, indignés espagnols, grecs, anglais, américains, israéliens... Presque partout, la<br />
scène <strong>politique</strong> a évolué, ou est en train de le faire, fixant des contraintes nouvelles aux <strong>politique</strong>s<br />
économiques. Nous sommes entrés dans un monde où le <strong>risque</strong> <strong>politique</strong> va avoir une influence plus forte, et il<br />
faudra être de plus en plus attentif à ce moment ténu où, dans un pays donné, à un moment donné, la <strong>politique</strong><br />
prend le pas sur l’économie. <strong>Le</strong>s ratings souverains devront intégrer ce constat.<br />
<strong>Le</strong> <strong>risque</strong> <strong>politique</strong> sera plus fort, mais il sera aussi plus global : il est désormais nourri d’un aller-retour<br />
permanent entre les singularités <strong>politique</strong>s des pays et la diffusion instantanée d’idées qui ne sont plus arrêtées<br />
par les différences de développement. Cependant, la contagion <strong>politique</strong> ne s’explique pas seulement par la<br />
circulation plus rapide des idées dans le monde. Pour que les <strong>risque</strong>s se concrétisent, il faut aussi que les<br />
frustrations des populations se ressemblent… Ce fut le cas l’an dernier : les revendications, évidemment<br />
variées parce qu’adaptées aux contextes locaux, ont été très similaires sur les questions de dignité <strong>politique</strong> ou<br />
de partage plus équitable de la rente.<br />
Cette similarité nous incite à rechercher les possibles causes communes à ces événements qui se font<br />
écho, un peu partout dans le monde. Nous en avons identifié quelques-unes, qui sont toutes des mutations<br />
profondes, simultanées et <strong>du</strong>rables de certains équilibres économiques ou sociaux. Elles impactent presque<br />
autant les pays développés que ceux qui le sont moins. Surtout, elles contribuent à pro<strong>du</strong>ire des sociétés<br />
inégalitaires avec, d’un côté, une population de jeunes a<strong>du</strong>ltes qui peinent à trouver un emploi, et de l’autre, des<br />
populations rapidement enrichies par la captation de rentes, nourries à la fois de spéculation, d’innovation<br />
financière non régulée, et de surliquidité vagabonde…. Dans de nombreux pays, le crédit facile et l’endettement<br />
des ménages ont été la réponse des Etats à l’accroissement de ces inégalités, réponses aussi dangereuses<br />
<strong>politique</strong>ment qu’économiquement. Aujourd’hui, elles ne fonctionnent plus.<br />
La question de la « pauvreté apparente » et des revenus relatifs est donc devenue très importante sur la<br />
scène <strong>politique</strong> mondiale, y compris pour les pays émergents, dont certains avaient connu des années de forte<br />
croissance et de ré<strong>du</strong>ction de la pauvreté absolue. Plus vite que nous ne l’avions prévu, ces pays s’étaient mis<br />
à consommer. Mais bien plus vite encore, ils se sont peuplés de citoyens é<strong>du</strong>qués, informés et <strong>politique</strong>ment<br />
exigeants. Or la frustration <strong>politique</strong> de ces derniers est d’autant plus forte que la globalisation est en train de<br />
pro<strong>du</strong>ire un système é<strong>du</strong>catif qui renforce la repro<strong>du</strong>ction des élites. <strong>Le</strong> terreau des contestations a donc été le<br />
même, quel que soit le niveau de développement des pays : sensation d’une société bloquée ou en plus faible<br />
expansion, frustration des jeunes et de la classe moyenne, caractère plus visible des inégalités, affaiblissement<br />
de la démocratie ou perception de son manque.<br />
Cette situation devient encore plus dangereuse dans un monde où les retournements conjoncturels sont de<br />
plus en plus violents, liés à la volatilité croissante des marchés et des flux, aux fortes interactions<br />
conjoncturelles et à la sensibilité accrue des pays aux <strong>risque</strong>s systémiques. La volatilité n’est d’ailleurs plus<br />
l’apanage des pays émergents, car elle a gagné les pays développés.<br />
Au final, il faut donner plus de place à l’analyse <strong>du</strong> <strong>risque</strong> <strong>politique</strong> dans les ratings souverains. Pour cela, il<br />
faut revoir la nature et la pondération des indicateurs qui permettent de le mesurer. Mais il faut aussi manipuler<br />
avec plus de prudence le critère de la stabilité d’un régime - central dans les notations d’agence - car les crises<br />
<strong>politique</strong>s peuvent désormais être plus rapides, plus inatten<strong>du</strong>es, et plus radicales, notamment pour des<br />
régimes autoritaires apparemment stables. Tout cela con<strong>du</strong>it à une dernière question, désormais inévitable :<br />
faut-il/peut-on prendre plus en compte la nature des régimes <strong>politique</strong>s dans les ratings souverains ? Et la<br />
réponse sera positive.
Tania SOLLOGOUB<br />
tania.sollogoub@credit-agricole-sa.fr<br />
UN MONDE PROPICE AUX RISQUES<br />
POLITIQUES<br />
Traditionnellement, on considère que deux situations<br />
sont propices à l’apparition d’un <strong>risque</strong> <strong>politique</strong> dans<br />
un pays : quand une rente se constitue ou quand la<br />
conjoncture varie brutalement. Dans le premier cas, le<br />
<strong>risque</strong> est lié au partage de la rente, dans le second, au<br />
partage des coûts d’ajustement, plus difficilement<br />
supportés par les catégories sociales à faibles<br />
revenus. Or la conjoncture mondiale actuelle nourrit à<br />
la fois des situations de rente accrue (hausse <strong>du</strong> prix<br />
des matières premières) et des <strong>risque</strong>s de<br />
retournement conjoncturels de plus en plus violents,<br />
nés de la globalisation financière et commerciale :<br />
volatilité croissante des marchés et des flux,<br />
interactions conjoncturelles et généralisation de la<br />
sensibilité des pays aux <strong>risque</strong>s systémiques.<br />
1 - <strong>Le</strong>s pays rentiers sont sous pression<br />
<strong>Le</strong>s nationalisations et les redistributions abusives<br />
d’actifs sont les symptômes classiques <strong>du</strong> <strong>risque</strong><br />
<strong>politique</strong> dans les pays rentiers, marqués par un<br />
syndrome de « Dutch Disease <strong>politique</strong> 1 » : une<br />
déformation des structures <strong>politique</strong>s au profit des élites<br />
(publiques ou privées) contrôlant la rente, voire une<br />
corrélation entre la dépendance d’un pays par rapport à<br />
une ressource naturelle et la tendance autoritaire <strong>du</strong><br />
régime en place.<br />
On pense en premier lieu à tous les pays pétroliers. En<br />
Russie par exemple, le prix élevé <strong>du</strong> pétrole a favorisé<br />
l’oligarchie, les inégalités et la corruption. Par ailleurs, la<br />
captation d’une partie de la rente par le secteur privé s’est<br />
tra<strong>du</strong>ite par des sorties de capitaux importantes sur<br />
longue période. Cela a privé le pays des bénéfices de sa<br />
croissance, limitant le taux d’investissement à des<br />
niveaux très insuffisants, alors même que le PIB par<br />
habitant augmentait. En somme, la demande s’est<br />
développée sans offre et c’est un <strong>risque</strong> <strong>politique</strong> : cette<br />
société de consommateurs va se heurter tôt ou tard à la<br />
réalité <strong>du</strong> Dutch Disease (économique cette fois), c’est-àdire<br />
au ralentissement de la croissance potentielle. On<br />
voit donc comment l’existence de la rente pétrolière<br />
déforme en même temps les structures économiques et<br />
<strong>politique</strong>s mais surtout, comment les <strong>risque</strong>s<br />
économiques et <strong>politique</strong>s croissent de concert.<br />
<strong>Le</strong> problème <strong>du</strong> partage des bénéfices de la rente se<br />
pose aussi pour les pouvoirs publics : quelle part<br />
peuvent-ils s’attribuer ? <strong>Le</strong>s controverses sur la légitimité<br />
et l’efficacité des arbitrages qui seront faits peuvent<br />
con<strong>du</strong>ire à des conflits fiscaux (par exemple, à propos <strong>du</strong><br />
soja en Argentine) qui dégénèrent en <strong>risque</strong> <strong>politique</strong>. Ils<br />
con<strong>du</strong>isent souvent à un arbitraire croissant des Etats,<br />
notamment vis-à-vis des investisseurs étrangers<br />
(hausses répétées des taxes sur les exportations<br />
1<br />
R. Lam, “Dictatorship as a Political Dutch Disease”, Yale,<br />
Economic Growth Center, 2003. <strong>Le</strong> Dutch Disease, ou maladie<br />
hollandaise, montre comment l’exploitation et l’exportation massive<br />
d’une ressource naturelle par un pays con<strong>du</strong>isent au déclin de la<br />
pro<strong>du</strong>ction locale de biens échangeables.<br />
énergétiques au Kazakhstan). <strong>Le</strong>s choix qui sont faits sont<br />
influencés par l’attention que le pays porte à son <strong>risque</strong> de<br />
réputation, et par le besoin qu’il a, ou non, de sé<strong>du</strong>ire les<br />
investisseurs. Ainsi, le taux d’imposition chilien dans le<br />
cuivre a longtemps été assez faible, le pays essayant de<br />
compenser l’effet d’image désastreux des nationalisations<br />
antérieures. A l’inverse, la part fiscale que l’Etat norvégien<br />
s’est réservée a été relativement élevée, car la Norvège ne<br />
peinait pas à trouver des investisseurs. 2<br />
On pense aussi à la hausse des prix alimentaires de 2007-<br />
2008 et à la spéculation sur le rachat des terres agricoles 3 que<br />
cette hausse a déclenchée, et que le retour à la « normale »<br />
des prix n’a pas stoppée 4 . Ainsi, entre 1961 et 2007, une<br />
moyenne de 4,1 millions d’hectares de terres nouvelles ont été<br />
ouvertes à la culture chaque année alors que sur la seule<br />
année 2009, les rachats de terres ont porté sur 56,6 millions<br />
d’hectares 5 , essentiellement en Asie (Indonésie), en Afrique<br />
(Soudan, Ouganda, Ethiopie, Sénégal) et sur le pourtour de la<br />
mer Noire. La Banque mondiale alerte aujourd’hui sur un<br />
<strong>risque</strong> majeur : ces rachats se font dans des pays à profils<br />
institutionnels fragiles et <strong>risque</strong>nt d’avoir des effets négatifs<br />
sur les équilibres <strong>politique</strong>s et sociaux locaux. D’ores et<br />
déjà, ils ont indirectement soutenu des régimes autoritaires<br />
(rachats agricoles de l’Inde en Birmanie) et ils pèsent sur<br />
l’évolution des droits de propriété, favorisant le<br />
développement des grandes exploitations. Or l’avantage<br />
compétitif en termes d’exportation de ces dernières<br />
(comme en Amérique latine) n’est pas toujours vérifié : en<br />
Afrique, les petites exploitations familiales sont souvent<br />
plus pro<strong>du</strong>ctives et contribuent plus efficacement à faire<br />
reculer la pauvreté 6 .<br />
L’existence d’une rente peut donc nourrir un <strong>risque</strong> <strong>politique</strong><br />
qui sera accru par une hausse <strong>du</strong> prix des matières<br />
premières, surtout pour les pays les plus pauvres. Pour<br />
limiter les effets <strong>du</strong> Dutch Disease (économique et<br />
<strong>politique</strong>), G. Havro et J. Santiso rappellent l’importance de<br />
la gestion budgétaire (largeur de l’assiette fiscale<br />
notamment), de la <strong>politique</strong> in<strong>du</strong>strielle, <strong>du</strong> système<br />
é<strong>du</strong>catif, mais aussi et surtout de la qualité des institutions<br />
(sensible dans l’exemple norvégien), notamment de la lutte<br />
contre la corruption.<br />
En fait, une rente ne contribue à une croissance <strong>du</strong>rable<br />
que dans un contexte d’institutions transparentes et<br />
efficientes. Sinon, elle pro<strong>du</strong>it à coup quasi sûr une<br />
corruption accrue et une polarisation sociale exacerbée des<br />
revenus et des patrimoines. Dans les cas les plus<br />
extrêmes, elle est la cause de guerres civiles (Tchad,<br />
2<br />
G. Havro, J. Santiso, « Tirer parti de la manne des matières<br />
premières : la Norvège et le Chili », Centre de Développement<br />
Economique, Cahiers de Politique Economique, 2008.<br />
3<br />
La prochaine levée <strong>du</strong> moratoire sur la vente des terres agricoles en<br />
Ukraine sera à coup sûr l’occasion d’une redistribution d’actifs qui va<br />
influencer le rapport entre les cercles <strong>politique</strong>s et le milieu des<br />
affaires. On pense aussi au gouvernement malgache tombé en 2009 à<br />
la suite de rapports prouvant qu’il envisageait de transférer à bas prix<br />
1,3 million d’hectares à une société sud-coréenne.<br />
4<br />
K. Deininger, S. Byerlee, « The Rise of Large Farms in Land<br />
Abundant Countries: do they have a future ? », World Development<br />
Report, 2009.<br />
5<br />
R. Areski, K. Deininger, H. Selod, « Global Land Rush », IMF, revue<br />
Finance and Development, 2012.<br />
6<br />
<strong>Le</strong>s développements technologiques dans le domaine agricole ne<br />
nécessitent pas tous des économies d’échelle : l’avantage des<br />
grandes structures consiste surtout à mieux gérer les imperfections de<br />
marché (déficits d’infrastructures, accès limité à la finance, etc.).<br />
N° 19 – juin 2012<br />
2
<strong>Le</strong>ttonie<br />
Roumanie<br />
Bulgarie<br />
Espagne<br />
Lituanie<br />
Grèce<br />
Italie<br />
Portugal<br />
Pologne<br />
Royaume-Uni<br />
Chypre<br />
Irlande<br />
Estonie<br />
Allemagne (incluant…<br />
Malte<br />
Belgique<br />
Luxembourg<br />
France<br />
Danemark<br />
Finlande<br />
Suède<br />
Slovénie<br />
Hongrie<br />
Autriche<br />
Slovaquie<br />
Norvège<br />
Pays-Bas<br />
Islande<br />
République tchèque<br />
Espagne<br />
Grèce<br />
Irlande<br />
<strong>Le</strong>ttonie<br />
Lituanie<br />
Slovaquie<br />
Portugal<br />
Estonie<br />
Bulgarie<br />
Hongrie<br />
Pologne<br />
France<br />
Chypre<br />
Italie<br />
Slovénie<br />
Royaume-Uni<br />
Danemark<br />
Finlande<br />
Suède<br />
Roumanie<br />
Belgique<br />
République…<br />
Malte<br />
Allemagne…<br />
Luxembourg<br />
Pays-Bas<br />
Autriche<br />
Tania SOLLOGOUB<br />
tania.sollogoub@credit-agricole-sa.fr<br />
Congo). Dans une société pauvre ou <strong>politique</strong>ment<br />
fragmentée, il est donc essentiel d’associer la population<br />
aux choix qui seront faits pour la répartition de la rente,<br />
d’insister sur la recherche d’un consensus, et de<br />
développer une <strong>politique</strong> de redistribution, entre les<br />
revenus des indivi<strong>du</strong>s mais aussi entre les régions.<br />
2 - <strong>Le</strong>s chocs conjoncturels<br />
La seconde situation particulièrement propice à<br />
l’apparition d’un <strong>risque</strong> <strong>politique</strong> est le choc brutal de<br />
conjoncture, ce que la Banque mondiale appelle un<br />
« choc de revenu » 7 . Ce <strong>risque</strong> de retournement est<br />
fréquent dans les pays émergents. Il est plus sensible<br />
dans les Etats dont l’économie dépend <strong>du</strong> prix de<br />
quelques matières premières (d’où l’importance pour ces<br />
pays de constituer des Fonds souverains de réserve),<br />
mais il concerne, en fait, tous les pays. <strong>Le</strong> souci extrême<br />
des autorités chinoises à éviter un « hard landing » est<br />
ainsi une démonstration a contrario <strong>du</strong> lien entre<br />
ralentissement économique brutal et <strong>risque</strong> <strong>politique</strong><br />
(n’oublions pas que l’effondrement de l’Union Soviétique<br />
a été déclenché par la contraction de la croissance, que<br />
les autorités ont longtemps essayé de camoufler par une<br />
<strong>politique</strong> de surinvestissement et d’accumulation de<br />
créances douteuses à tous les niveaux de l’économie).<br />
La crise de 2009, puis la crise souveraine de l’Europe,<br />
sont des exemples <strong>du</strong> lien entre retournement<br />
conjoncturel et <strong>risque</strong> <strong>politique</strong>. Elles ont plongé les pays<br />
développés dans des trajectoires de croissance instables,<br />
qui étaient d’ordinaire réservées aux pays moins<br />
développés. Pour le FMI, cette instabilité était même ce<br />
qui permettait de définir un pays émergent 8 , résultante<br />
d’une transition sensible sur toutes ses variables,<br />
économiques, sociales ou <strong>politique</strong>s. Cette situation<br />
conjoncturelle mondiale inédite peut s’assimiler à un choc<br />
de revenu en Europe et elle augmente la probabilité de<br />
<strong>risque</strong>s <strong>politique</strong>s. En somme : un nouveau monde.<br />
Dans son rapport 2011, la BERD présente les résultats<br />
alarmants d’un sondage sur l’opinion des citoyens en<br />
Europe à propos de la démocratie. Force est de constater<br />
que le support pour celle-ci en Europe centrale baisse<br />
nettement (-10%), par rapport au même sondage de<br />
2006, alors qu’il augmente dans la CEI (+6%), sauf en<br />
Ukraine. C’est en Slovaquie, en Hongrie et en Slovénie<br />
que ce soutien s’est le plus affaibli. Or c’est aussi en<br />
Europe centrale que les effets de la crise de 2009 avaient<br />
été les plus sensibles : 38% des ménages avaient ré<strong>du</strong>it<br />
leur consommation alimentaire contre 11% en Europe de<br />
l’Ouest, 29% avaient connu des baisses de salaires<br />
contre 6% en Europe de l’Ouest. Aujourd’hui, la classe<br />
moyenne de cette zone est d’autant plus fragilisée que<br />
son endettement en devises la rend sensible aux<br />
ajustements de change qui peuvent se pro<strong>du</strong>ire dans le<br />
sillage de la crise européenne… A cela, certains pays,<br />
comme la Croatie ou la Slovaquie, ajoutent un taux de<br />
chômage des jeunes qui tutoie les niveaux les plus élevés<br />
d’Europe (cf. graphique 1).<br />
Graphique 1 – Taux de chômage des jeunes de 15-24 ans dans<br />
l’Union Européenne, en % de la population active, 2011<br />
25<br />
20<br />
15<br />
10<br />
5<br />
0<br />
Sources : Eurostat, Crédit Agricole S.A.<br />
La faiblesse des taux de croissance <strong>du</strong> Vieux Continent n’a<br />
pas permis de retourner la situation 9 et le <strong>risque</strong> de<br />
pauvreté après transferts sociaux a même augmenté dans<br />
15 pays de l’Union européenne entre 2005 et 2010.<br />
<strong>Le</strong> rapport de la BERD souligne enfin la corrélation de plus<br />
en plus étroite entre l’augmentation des indices de<br />
consommation et le soutien de la population à la<br />
démocratie. Cette corrélation serait forte en Europe de<br />
l’Ouest. En fait, plus le niveau de revenu est élevé et moins<br />
le pays a connu de crises antérieures, plus un choc<br />
conjoncturel aura un impact <strong>politique</strong>. Cette idée laisse<br />
inquiet sur l’<strong>avenir</strong> de l’Europe, d’autant que la prise de<br />
conscience (ou même la crainte injustifiée) de la « fin d’un<br />
modèle » fragilise déjà les partis traditionnels et déstabilise<br />
les équilibres <strong>politique</strong>s fondés sur le bipartisme. Une crise<br />
sur une autre crise, c’est un scénario économique<br />
particulièrement dangereux <strong>politique</strong>ment.<br />
Graphique 2 – Risque de pauvreté après transferts sociaux<br />
(en % de la population globale - 2010)<br />
25<br />
20<br />
15<br />
10<br />
5<br />
0<br />
En rouge, les pays où le pourcentage a augmenté entre 2005 et 2010<br />
et en vert, ceux où le pourcentage est resté stable ou a diminué<br />
Sources : Eurostat, Crédit Agricole S.A.<br />
7<br />
World Development Report, 2009.<br />
8<br />
A. Mody, “What Is an Emerging Market?” IMF, WP, 2002.<br />
9 Revue Finance and Development, «Youth in the Balance », 2012.<br />
N° 19 – juin 2012<br />
3
1950<br />
1955<br />
1960<br />
1965<br />
1970<br />
1975<br />
1980<br />
1985<br />
1990<br />
1995<br />
2000<br />
2005<br />
2010<br />
2015<br />
2020<br />
2025<br />
2030<br />
2035<br />
2040<br />
2045<br />
2050<br />
Tania SOLLOGOUB<br />
tania.sollogoub@credit-agricole-sa.fr<br />
3 – La transition démographique<br />
Dans un contexte d’urbanisation accélérée 10 , irrégulière<br />
et désordonnée 11 , le chômage de longue <strong>du</strong>rée et le<br />
chômage structurel des jeunes ont pro<strong>du</strong>it une nouvelle<br />
catégorie sociale de « pauvres urbains ». Surtout, ces<br />
phénomènes ne sont plus l’apanage des pays sousdéveloppés<br />
et cela nourrit le caractère global <strong>du</strong> <strong>risque</strong><br />
<strong>politique</strong>. D’une certaine façon, les frontières théoriques<br />
<strong>du</strong> développement sont en train de s’estomper : le<br />
chômage des jeunes caractérise, malheureusement, aussi<br />
bien des pays développés en voie de désin<strong>du</strong>strialisation<br />
que des pays émergents, dont la main-d’œuvre est mal<br />
adaptée à un marché <strong>du</strong> travail en mutation.<br />
L’augmentation <strong>du</strong> nombre d’adolescents et de jeunes<br />
a<strong>du</strong>ltes (20% de la population en Afrique contre 12% en<br />
Europe) résulte des mouvements migratoires et de la<br />
transition démographique 12 . De nombreux pays sont donc<br />
devant une bombe démographique qui peut se<br />
transformer en bombe <strong>politique</strong>… L’Inde est le pays dans<br />
lequel la population des 15-24 ans est la plus importante<br />
(équivalent au total de la population indonésienne) et le<br />
Nigéria est l’un des pays où la transition démographique<br />
a été la plus rapide en Afrique, pesant sur la progression<br />
<strong>du</strong> PIB par habitant. Il y a aujourd’hui 32 millions de<br />
Nigérians âgés de 15 à 24 ans et l’<strong>avenir</strong> <strong>du</strong> pays se<br />
jouera sur sa capacité à réinvestir sa rente pétrolière<br />
dans l’é<strong>du</strong>cation, comme l’a fait l’Indonésie par exemple.<br />
Encadré 1: Jeunes et urbains…<br />
Partout, les jeunes urbains jouent un rôle <strong>politique</strong> de plus en<br />
plus important. En Côte d’Ivoire ou en Afrique <strong>du</strong> Sud, leur<br />
pauvreté et leur désœuvrement les ont ren<strong>du</strong>s facilement<br />
manipulables et ils se sont très vite mobilisés. En Russie, la<br />
situation est différente mais là encore, ce sont les jeunes<br />
urbains qui ont mobilisé les générations plus âgées. Ces jeunes<br />
représentent la première génération « post-émergence » de la<br />
Russie. Ils sont les enfants d’une classe moyenne née de<br />
plusieurs années de croissance et d’un PIB par habitant proche<br />
des 18 000 dollars (en parité de pouvoir d’achat). Ils ont parfois<br />
(en milieu urbain) une meilleure é<strong>du</strong>cation que leurs parents. Ils<br />
sont plus consommateurs 13 , plus exigeants, mieux informés et<br />
désormais… plus militants. Ainsi, après dix ans de hausse <strong>du</strong><br />
PIB, la classe moyenne jeune des pays émergents est en train<br />
de faire évoluer la vie <strong>politique</strong>.<br />
A partir de 2035, le taux de croissance <strong>du</strong> nombre<br />
d’adolescents et de jeunes a<strong>du</strong>ltes va décliner, excepté<br />
dans les pays les moins développés, et les populations<br />
les plus jeunes vont se trouver en Afrique. Pour l’instant,<br />
celle-ci concentre 17,5% <strong>du</strong> total mondial des<br />
adolescents et jeunes a<strong>du</strong>ltes contre 61,9% en Asie, mais<br />
ces proportions passeraient à 31,3% et 50,4% en 2050 14 .<br />
De là à dire que le <strong>risque</strong> <strong>politique</strong> suivra…<br />
10<br />
Selon les Nations Unies, le pourcentage de population mondiale<br />
vivant dans des zones urbaines devrait passer de 30% à 70% entre<br />
1950 et 2050.<br />
11<br />
L. Earle, « Irregular Urbanization as a Catalyst for Radical Social<br />
Mobilization”, WP 2011/15, UNU- WIDER.<br />
12<br />
<strong>Le</strong>s taux de fertilité déclinant moins vite que les taux de mortalité,<br />
le nombre de jeunes s’accroît.<br />
13<br />
La part des revenus consacrée à la consommation est passée à<br />
80% en Russie en 2012.<br />
14<br />
Revue Finance and Development, “Youth in the Balance”, 2012.<br />
Graphiques 3 – La répartition par âge de la population<br />
3500<br />
3000<br />
2500<br />
2000<br />
1500<br />
1000<br />
500<br />
en millions<br />
0<br />
15 à 35 ans pays développés<br />
15 à 35 ans pays moins développés<br />
35-65 ans pays développés<br />
35-65 ans pays moins développés<br />
Sources : Nations unies « World Population Prospects », Crédit<br />
Agricole S.A. Pays développés : Europe, Amérique <strong>du</strong> Nord,<br />
Australie/Nouvelle Zélande et Japon ; Pays moins développés :<br />
Afrique, Asie (hors Japon), Amérique latine et Caraïbes.<br />
4 – <strong>Le</strong>s inégalités<br />
L’évolution des revenus et des inégalités est un facteur<br />
essentiel pour expliquer la connexion croissante entre les<br />
<strong>risque</strong>s sociaux et les <strong>risque</strong>s <strong>politique</strong>s. Du contexte<br />
international actuel, on retiendra plusieurs points, qui tous,<br />
ont nourri l’instabilité <strong>politique</strong> globale :<br />
Moins de pauvreté absolue, mais plus de pauvreté<br />
relative. Même si la croissance des années 2000 et le<br />
développement de programmes sociaux (au Brésil par<br />
exemple) ont fait reculer la pauvreté absolue dans de<br />
nombreux pays, ils n’ont pas résolu la pauvreté relative,<br />
c’est-à-dire les inégalités. Celles-ci se sont même accrues<br />
dans de nombreux pays développés, surtout anglosaxons<br />
: aux Etats-Unis, les 1% de ménages les plus<br />
riches possèdent 8% de la richesse globale en 1981 mais<br />
17,4% en 2010 (niveau qui correspond à peu près à celui<br />
de 1914 !). En France, ces chiffres passent de 6,9% en<br />
1983 à 8,9% en 2006. La tendance est assez similaire en<br />
Italie et en Espagne mais la dégradation est plus rapide au<br />
Portugal. Dans le monde émergent, la situation est plus<br />
hétérogène, comme les pays eux-mêmes. De plus, la<br />
stratification sociale a été brutale, récente, liée à la fois aux<br />
crises et à l’accélération de la croissance. En Afrique <strong>du</strong><br />
Sud, les 1% les plus riches contrôlent 16,5% <strong>du</strong> revenu<br />
national en 2009. 15 En Russie 16 , la part des citoyens vivant<br />
en dessous <strong>du</strong> seuil de pauvreté est passée de 20% en<br />
2003 à 16% en 2011, mais les 10% les plus riches<br />
possèdent 34% <strong>du</strong> revenu national (contre 26,8% en 2002).<br />
Ce chiffre est de 42,5% au Brésil. Enfin, si l’innovation et<br />
l’entrepreneuriat ont créé de la croissance, ils ont aussi<br />
creusé les différences de revenus 17 dans tous les pays.<br />
En conclusion, presque partout dans le monde et malgré<br />
des années de croissance, les changements de richesse<br />
15<br />
A. Alvaredo, S. Facundo, J. Atkinson, T. Piketty, “The World Top<br />
Incomes Database”.<br />
16 T. Sollogoub, « Russie, l’heure des choix », Revue Eclairage, 2011.<br />
17<br />
K. Rogoff, “Is modern capitalism sustainable?”, Project syndicate,<br />
2011.<br />
N° 19 – juin 2012<br />
4
Tania SOLLOGOUB<br />
tania.sollogoub@credit-agricole-sa.fr<br />
les plus significatifs ont eu lieu dans les catégories de<br />
revenus les plus élevées, creusant les inégalités.<br />
De la pauvreté apparente à la frustration <strong>politique</strong>. <strong>Le</strong><br />
basculement dans une société où la consommation est<br />
de plus en plus valorisée a ren<strong>du</strong> les attentes des<br />
citoyens plus fortes, surtout pour ceux qui viennent<br />
d’accéder à une certaine forme de richesse. Mais les<br />
institutions <strong>politique</strong>s n’ont pas évolué avec la même<br />
rapidité que les revenus, et la réponse aux attentes de<br />
ces nouvelles classes moyennes n’a pas été donnée, que<br />
ce soit en termes de consommation ou de représentation<br />
<strong>politique</strong>. Au contraire, le spectacle quotidien d’un<br />
partage inégal de la rente a véhiculé l’image de sociétés<br />
bloquées, économiquement ou <strong>politique</strong>ment, surtout<br />
dans les pays de gouvernements autoritaires. Cela<br />
explique un point commun entre les manifestants russes,<br />
arabes ou même européens : les foules descen<strong>du</strong>es dans<br />
la rue partagent une sensation d’« indignation » <strong>politique</strong>,<br />
dans des sociétés où l’ascension sociale semble bloquée.<br />
L’entrée en <strong>politique</strong> de cette génération, que deux<br />
chercheurs 18 ont qualifiée de « frustrated achievers »,<br />
montre que ce n’est pas tant l’évolution des niveaux de<br />
vie en terme absolu qui compte, mais le niveau de vie en<br />
termes relatifs, c’est-à-dire la comparaison que chacun<br />
fait de son revenu avec les rémunérations les plus<br />
élevées. On retrouve donc dans les pays émergents une<br />
confirmation <strong>du</strong> paradoxe de R. Easterlin, qui met en<br />
évidence le décalage entre la croissance des revenus et<br />
celle <strong>du</strong> bien-être moyen de la population, celui-ci<br />
augmentant moins vite que la consommation. Selon<br />
Easterlin, la corrélation entre richesse et bien-être est<br />
plus élevée pour les classes les plus aisées que pour les<br />
populations de la classe moyenne 19 .<br />
La frustration a été d’autant plus forte à travers le monde<br />
que la progression des inégalités a été très rapide et que<br />
les moyens de communication modernes, médias mais<br />
surtout Internet, en ont fait la publicité. La question de la<br />
« pauvreté apparente » (c’est-à-dire les inégalités<br />
visibles) et des revenus relatifs est donc devenue très<br />
importante <strong>politique</strong>ment dans les pays émergents<br />
comme dans les pays développés. Ainsi, des sondages<br />
montrent que 40% des Russes se considèrent comme<br />
pauvres, soit à peu près le même niveau qu’en 1990, ce<br />
qui ne correspond pas, en fait, à la réalité. 20<br />
De la frustration à l’agitation <strong>politique</strong>. <strong>Le</strong>s<br />
changements de richesse ayant eu lieu surtout dans les<br />
catégories de revenus supérieures, les plus pauvres ont<br />
per<strong>du</strong> une partie de leur « bargaining power » et de leur<br />
représentation <strong>politique</strong>. A l’inverse, de l’autre côté de<br />
l’échelle des revenus, les groupes les plus riches ont<br />
acheté un pouvoir qui leur a permis de générer encore<br />
plus de richesse. De rares pays, comme la Suède, ont<br />
réussi à casser ce cercle vicieux sans causer de rupture<br />
de croissance économique 21 , mais il faut dire que les<br />
inégalités y étaient plus faibles, avec la part <strong>du</strong> revenu<br />
national contrôlé par le 1% plus riche de la population<br />
ramenée de 21% en 1917 à 7% en 2010…<br />
L’endettement des ménages, une réponse <strong>politique</strong> à<br />
la montée des inégalités. <strong>Le</strong> crédit facile et l’endettement<br />
des ménages ont été les corollaires de la montée de ces<br />
inégalités 22 . Ils ont été la réponse <strong>politique</strong> de certains<br />
Etats à l’inégal partage de la rente. Ce phénomène avait<br />
déjà été observé aux Etats-Unis en 1929, où la crise avait<br />
été précédée non seulement par une forte augmentation<br />
des inégalités de revenus et de richesse, mais aussi par<br />
une hausse des ratios de dette/revenus des ménages à<br />
revenus intermédiaires 23 . Pendant la crise des subprimes,<br />
l’endettement des ménages et les bulles immobilières ont<br />
fait partie des déséquilibres globaux majeurs pointés par<br />
M. Obstfeld et K. Rogoff, comme déterminants <strong>du</strong><br />
caractère systémique de la crise financière 24 . En somme,<br />
l’endettement des ménages est l’un des indicateurs qui<br />
permet de faire le lien entre la mesure <strong>du</strong> <strong>risque</strong><br />
systémique financier et celle <strong>du</strong> <strong>risque</strong> <strong>politique</strong>.<br />
Inégalités, chômage et violence <strong>politique</strong>… <strong>Le</strong>s<br />
inégalités con<strong>du</strong>isent à la violence <strong>politique</strong> 25 , car leur<br />
perception est immédiate et partagée par toute la<br />
population (le creusement des inégalités pendant la<br />
transition russe a contribué à une hausse rapide <strong>du</strong> taux<br />
d’homicides). <strong>Le</strong> repli sur soi de chaque groupe social<br />
favorise également la peur des menaces externes, thème<br />
qui nourrit les discours <strong>politique</strong>s extrémistes. Quant aux<br />
chômeurs de longue <strong>du</strong>rée, c’est parce qu’ils perdent leur<br />
identité sociale qu’ils s’engagent dans des mouvements<br />
<strong>politique</strong>s radicaux. Ce phénomène est d’ailleurs le même<br />
sur toute la planète et les motivations des membres de<br />
gangs à Chicago seraient ainsi identiques à celles des<br />
groupes re<strong>bel</strong>les d’Amérique latine : il s’agit autant de la<br />
recherche d’un statut social que d’un revenu.<br />
Graphique 4 – <strong>Le</strong>s inégalités con<strong>du</strong>isent à la violence <strong>politique</strong><br />
50<br />
40<br />
30<br />
20<br />
10<br />
0<br />
en %<br />
chômage<br />
recherche de sécurité/ de<br />
pouvoir<br />
croyance dans une<br />
cause/revanche/injustice<br />
participation à des groupes re<strong>bel</strong>les (Amérique latine)<br />
participation dans des gangs (Chicago)<br />
Sources : World Bank Report, Crédit Agricole S.A.<br />
18<br />
C. Graham, S. Pettinato, “Frustrated Achievers: Winners, Losers,<br />
and Subjective Well Being in New Market Economies”, Brookings<br />
Institution, 2000.<br />
19<br />
<strong>Le</strong> « paradoxe de l’abondance » a été mis en évidence à partir<br />
d’un certain niveau de revenu, ce qui n’est pas le cas de tous les<br />
pays cités dans cette étude.<br />
20<br />
K. Rousselet, « <strong>Le</strong>s grandes transformations de la société russe»,<br />
revue Pouvoirs N°112.<br />
21 K. Rogoff, “Is Modern Capitalism Sustainable?”, Project Syndicate,<br />
2011.<br />
22<br />
R. Rajan, “Fault Lines: How Hidden Fractures Still Threaten the<br />
World”, Princeton University Press, 2010.<br />
23<br />
M. Kumhof, R. Rancière, IMF Working Paper, WP/10/268,<br />
“Inequality, <strong>Le</strong>verage and Crises”, 2010.<br />
24<br />
M. Obstfeld, K. Rogoff, “Global Imbalances and the Financial Crisis<br />
: Pro<strong>du</strong>cts of Common Causes”, 2009.<br />
25<br />
World Development Report 2009.<br />
N° 19 – juin 2012<br />
5
Tania SOLLOGOUB<br />
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5 - La globalisation des élites<br />
La mutation des élites a également entretenu un terreau<br />
favorable à la résurgence <strong>du</strong> <strong>risque</strong> <strong>politique</strong>. Comme<br />
l’évoque E. Brezis, Aristote avait déjà insisté sur la façon<br />
dont une société recrute ses élites, essentielle selon lui<br />
dans la capacité à trouver une structure <strong>politique</strong><br />
optimale 26 . Or, la globalisation de l’é<strong>du</strong>cation con<strong>du</strong>it<br />
aujourd’hui au remplacement des élites nationales par<br />
des élites transnationales, dont l’uniformité est<br />
croissante. C’est le grand paradoxe de la seconde moitié<br />
<strong>du</strong> vingtième siècle : des écoles d’élite s’affirment au<br />
moment où l’accès à l’université se démocratise. Selon<br />
E. Brezis 27 , 35% des <strong>politique</strong>s et 47% des élites <strong>du</strong><br />
business international seraient recrutés dans un nombre<br />
très ré<strong>du</strong>it d’écoles (à peine une cinquantaine), et ces<br />
chiffres sont proches de 50% pour les pays de l’OCDE.<br />
On pourrait espérer que cette concentration soit<br />
compensée par le rôle plus fort donné à l’é<strong>du</strong>cation<br />
(contre l’héritage ou les origines sociales auparavant), ce<br />
qui con<strong>du</strong>irait au développement d’une vraie méritocratie.<br />
C’est d’ailleurs le sens des tests pratiqués par toutes les<br />
universités qui ont peu à peu adopté la méthode de<br />
sélection d’Harvard, privilégiant les aptitudes aux<br />
connaissances. Malheureusement, la capacité à réussir à<br />
ces tests reste corrélée avec l’é<strong>du</strong>cation et le niveau de<br />
richesse. Comme l’explique E. Brezis, le remplacement<br />
de l’aristocratie par la méritocratie n’a pas changé la<br />
nature des élites aux Etats-Unis. On voit mal aujourd’hui<br />
comment les pays émergents, dont les classes<br />
dirigeantes ont d’ores et déjà mis leurs enfants dans ces<br />
écoles, échapperaient à ce schéma. Au contraire,<br />
l’internationalisation de l’é<strong>du</strong>cation profite aux classes<br />
supérieures des pays émergents et cela a contribué à<br />
creuser les inégalités. La globalisation est donc en train<br />
de pro<strong>du</strong>ire un système de recrutement des élites dans<br />
les pays émergents propice au renforcement des<br />
inégalités et au blocage des situations <strong>politique</strong>s<br />
existantes (à terme porteur de <strong>risque</strong>s). Cet immobilisme<br />
est lié à la forte interconnexion de ces élites et au<br />
caractère commun de leurs intérêts.<br />
La révolte chilienne des étudiants en 2011 est l’un des<br />
exemples de la stratification sociale sous-jacente à<br />
l’œuvre, y compris en période de croissance. <strong>Le</strong>s<br />
étudiants protestaient en effet contre le coût de plus en<br />
plus prohibitif de leurs études, qui reflète l’une des<br />
sociétés les plus inégalitaires <strong>du</strong> monde, dans un pays<br />
pourtant relativement prospère. On retrouve au Chili tous<br />
les ingrédients d’une crise <strong>politique</strong> « à la russe » : une<br />
contestation de l’usage de la rente (le cuivre),<br />
l’enracinement des inégalités, et la frustration de jeunes<br />
bien informés (rôle d’internet).<br />
En Turquie, les structures é<strong>du</strong>catives ont perpétué la<br />
segmentation <strong>du</strong> marché <strong>du</strong> travail. <strong>Le</strong>s femmes, les<br />
jeunes et les pauvres ont payé le prix de la croissance.<br />
<strong>Le</strong>s jeunes forment 18,5% de la population active mais<br />
leur taux de chômage est de 35%. <strong>Le</strong>s conditions de<br />
placement à la sortie des écoles sont très inégales –<br />
selon l’OCDE, la Turquie est l’un des pays qui enregistre<br />
26<br />
E. Brezis, P. Temin, « Elites and Economic Outcomes », New<br />
Palgrave Encyclopedia, 2008.<br />
27<br />
E. Brezis, “Globalization and the Emergence of a Transnational<br />
Oligarchy”, WP 2010, UNU-WIDER.<br />
la plus forte divergence de niveau entre écoles dans les<br />
études PISA 28 . Cette divergence a été renforcée par le<br />
développement des écoles privées et des écoles<br />
confessionnelles (dont le taux de placement est<br />
particulièrement faible mais dans lesquelles les études sont<br />
moins chères). Quant aux femmes, elles payent aussi le<br />
prix <strong>du</strong> « modèle turc ». Une femme a<strong>du</strong>lte sur cinq est<br />
illettrée. Une fille sur dix ne va pas à l’école primaire et<br />
trois sur dix ne vont pas à l’école secondaire.<br />
6 – <strong>Le</strong> <strong>risque</strong> <strong>politique</strong> est un <strong>risque</strong><br />
systémique 29<br />
L’interconnexion des hommes et des structures a pro<strong>du</strong>it<br />
un monde où les effets de contagion sont si puissants, si<br />
rapides et si globaux qu’on pourrait presque parler de<br />
<strong>risque</strong> de système, les idées ou les évènements <strong>politique</strong>s<br />
jouant le même rôle que la liquidité pour les systèmes<br />
financiers : le <strong>risque</strong> se diffuse immédiatement au monde<br />
entier, restant néanmoins singulier dans ses manifestations<br />
nationales. Pour cela, il a fallu de nouveaux outils et de<br />
nouveaux acteurs.<br />
La contagion (diffusion !) des idées est évidemment liée à<br />
internet mais aussi aux ONG, qui ont acquis une taille<br />
mondiale, et qui contribuent à la naissance d’une société<br />
civile globale, surtout au sein des jeunes générations.<br />
Véhiculées par la diffusion de l’anglais, par<br />
l’alphabétisation croissante de la population et par la<br />
généralisation des réseaux sociaux, ces idées ont mobilisé<br />
des populations qu’on disait apathiques <strong>politique</strong>ment. <strong>Le</strong>s<br />
manifestations russes ont ainsi ren<strong>du</strong> évidentes deux<br />
nouvelles dimensions <strong>du</strong> <strong>risque</strong> <strong>politique</strong>. En effet, les<br />
russes se sont mobilisés alors que le taux de chômage<br />
était faible et que la démographie n’avait rien à voir avec<br />
celle des pays des printemps arabes. Ils sont descen<strong>du</strong>s<br />
dans la rue alors qu’on les disait peu intéressés par la<br />
<strong>politique</strong>, incapables de fédérer une opposition unie, et plus<br />
consuméristes que citoyens. Deux choses avaient été<br />
sous-estimées. La première, c’est la puissance,<br />
l’universalité et la rapidité de mobilisation des réseaux<br />
sociaux, quel que soit le profil <strong>du</strong> pays. La seconde, c’est<br />
que dans un monde dorénavant globalisé, les idées le sont<br />
aussi. <strong>Le</strong> <strong>risque</strong> de « contagion <strong>politique</strong> » existe donc, né<br />
de la globalisation des idées, à l’instar <strong>du</strong> <strong>risque</strong><br />
systémique en économie, né de la globalisation financière.<br />
Contagion de proximité et aussi contagions plus lointaines,<br />
jusque dans les rues de Bakou 30 ou de Moscou. 31<br />
28 Program for International Student Assessment, OCDE.<br />
29 M. Aglietta définit deux types d’événements systémiques. <strong>Le</strong><br />
premier est un choc sur une institution ou un marché financier, qui se<br />
répercute sur d’autres institutions et marchés. <strong>Le</strong> second est un choc<br />
macro-économique qui affecte simultanément un grand nombre<br />
d’acteurs, qui vont tous réagir négativement. <strong>Le</strong> <strong>risque</strong> de système a<br />
des incidences macro-économiques.<br />
30<br />
L’Azerbaïdjan a été confronté à des manifestations de faible<br />
ampleur en 2011, directement influencées par les printemps arabes.<br />
31 Ce n’est pas le premier exemple de contagion dans l’histoire <strong>du</strong><br />
<strong>risque</strong> <strong>politique</strong> : la révolution française de 1848 avait généré des<br />
mouvements contestataires dans toute l’Europe (le « printemps des<br />
peuples »). Et au XX e siècle, les idées de Mai 68 se sont propagées<br />
de façon parfois violente (Mexique). Mais les nouvelles technologies<br />
de l’information ont radicalement changé les formes et la spontanéité<br />
des mouvements sociaux.<br />
N° 19 – juin 2012<br />
6
Tania SOLLOGOUB<br />
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Encadré 2 : L’humour comme arme <strong>politique</strong> ou<br />
quand internet change le monde.<br />
La Russie est le pays émergent où le nombre d’utilisateurs<br />
d’Internet pour 100 habitants est le plus élevé. En Chine, 35%<br />
de la population est sur la Toile mais surtout, la moitié des<br />
utilisateurs d’internet consultent aujourd’hui des blogs contre<br />
seulement 13,8% l’an dernier. Cependant, le taux de pénétration<br />
reste très variable d’une région à l’autre et 80% des internautes<br />
ont entre 10 et 39 ans.<br />
Pour tous les régimes autoritaires <strong>du</strong> monde, la question <strong>du</strong><br />
contrôle d’Internet va donc se poser de façon d’autant plus<br />
aigüe que Moscou a prouvé le retard des services secrets dans<br />
ce domaine. Mais que transmet Internet ? À quoi servent les<br />
réseaux sociaux ? Certainement pas à structurer une vie<br />
<strong>politique</strong> ou une société civile au sens où l’entendent les<br />
politologues traditionnels. Internet transmet pour l’instant trois<br />
choses importantes. D’abord, une sensation d’appartenance à<br />
une communauté, ce qui a d’ailleurs renforcé la scission<br />
générationnelle. Ensuite, des messages qui sont différents de<br />
ceux des medias traditionnels, moins contrôlés, plus libres, plus<br />
audacieux. Dans les pays autoritaires, l’irrespect des réseaux<br />
sociaux a même été le seul moyen de casser la peur ambiante,<br />
l’humour étant une arme <strong>politique</strong> puissante. Enfin, les réseaux<br />
sociaux ont été un moyen de mobiliser, vite et largement. Mais<br />
la forte mobilisation dans un contexte de manque d’alternative<br />
<strong>politique</strong> est également dangereuse : elle libère les énergies<br />
sans les structurer, ce qui peut con<strong>du</strong>ire à toutes les<br />
récupérations. En ouvrant le champ <strong>politique</strong>, les réseaux<br />
sociaux le libèrent mais le fragilisent.<br />
Finalement, Internet crée des espaces nouveaux de liberté<br />
d’expression. La Toile mobilise des foules disparates dans leurs<br />
idées mais unanimes dans leur manifestation, elle bouleverse la<br />
vie <strong>politique</strong>, mais ne la structure pas. Cependant le principal<br />
message a bien été reçu par tous les régimes autoritaires <strong>du</strong><br />
monde : elle les fragilise.<br />
Graphique 5 – Quand internet change le monde<br />
peut évoquer les 70 000 membres de gang en Amérique<br />
centrale, bien plus nombreux que toutes les forces<br />
militaires de la région…<br />
QUELLE MESURE DU RISQUE POLITIQUE<br />
AUJOURD’HUI ?<br />
Toutes ces évolutions con<strong>du</strong>isent donc à un monde où<br />
le <strong>risque</strong> <strong>politique</strong> va avoir une influence plus forte sur<br />
les équilibres macroéconomiques. La prise en compte<br />
de ce <strong>risque</strong> doit changer au sein des ratings<br />
souverains.<br />
En fait, le <strong>risque</strong> <strong>politique</strong> n’a jamais été absent <strong>du</strong> radar<br />
des ratings souverains. Son importance s’est même accrue<br />
depuis vingt ans. Construit au départ autour des <strong>risque</strong>s<br />
classiques <strong>du</strong> type guerre, révolution ou changement de<br />
régime, il acquiert dans les années 2000 une importance<br />
plus forte grâce à la légitimité accrue accordée à<br />
l’économie des institutions. Ainsi, la Banque mondiale<br />
pro<strong>du</strong>it-elle aujourd’hui des indicateurs utilisés dans tous<br />
les ratings, qui tentent de mesurer la stabilité relative d’un<br />
Etat, le niveau de la corruption où la qualité des lois 32 . <strong>Le</strong>s<br />
questions <strong>politique</strong>s ont également pris une importance<br />
considérable avec l’essor des investissements directs<br />
depuis les années 1990, pour lesquels la visibilité<br />
institutionnelle à long terme est déterminante. En 2007, les<br />
investisseurs 33 identifiaient ainsi le <strong>risque</strong> <strong>politique</strong> comme<br />
la principale contrainte à leur implantation dans un pays 34 .<br />
Et enfin, dans les banques, la perception <strong>du</strong> <strong>risque</strong><br />
<strong>politique</strong> s’est élargie à mesure que s’affirmaient les<br />
questions de <strong>risque</strong> de réputation ou de finance<br />
responsable.<br />
Que vont apporter les crises de 2011 à la mesure <strong>du</strong> <strong>risque</strong><br />
<strong>politique</strong> ? En premier lieu, elles ont revalorisé certains<br />
indicateurs et mis en lumière les interconnections<br />
croissantes entre les variables économiques et <strong>politique</strong>s<br />
(voir encadré 3). En second lieu, elles ont rappelé le rôle<br />
majeur des variables institutionnelles dans les périodes de<br />
crise <strong>politique</strong>, car ce sont ces dernières qui expliquent la<br />
spécificité des évènements d’un pays à l’autre. En effet<br />
l’analyse institutionnelle insiste plutôt sur les singularités<br />
nationales, les héritages (La « dépendance au chemin » de<br />
North) ou les fonctionnements institutionnels (ce que<br />
Williamson appelait les règles <strong>du</strong> jeu – les droits de<br />
Malheureusement, la contagion ne s’arrête pas à la<br />
démocratie. Ainsi, l’impact des conflits <strong>politique</strong>s est plus<br />
fort qu’avant, notamment à cause <strong>du</strong> nombre plus<br />
important de personnes déplacées (multiplié par 3 en<br />
30 ans selon la Banque mondiale), dont 75% sont<br />
hébergées par des pays voisins. La déstabilisation<br />
récente <strong>du</strong> Mali et <strong>du</strong> Soudan en est un des meilleurs<br />
exemples, liée au retour des mercenaires de Lybie,<br />
immédiatement recrutés par les groupes re<strong>bel</strong>les locaux.<br />
De la même façon, l’extension des réseaux mafieux<br />
contribue à l’internationalisation des <strong>risque</strong>s <strong>politique</strong>s en<br />
faisant apparaître des acteurs d’une telle dimension qu’ils<br />
ne sont plus contrôlables et que les frontières ne veulent<br />
plus dire grand-chose pour eux. Pour s’en convaincre, on<br />
32 La Banque mondiale mesure depuis 1996 la gouvernance globale<br />
dans 213 pays à partir de six indicateurs agrégés issus de 31 sources<br />
différentes (indicateurs KKZ). <strong>Le</strong>s six dimensions notées sont : 1) la<br />
capacité des citoyens à s’exprimer, 2) la stabilité <strong>politique</strong> et l’absence<br />
de violence, 3) l’efficacité des pouvoirs publics dans leur capacité à<br />
mettre en place une <strong>politique</strong>, 4) la qualité de la réglementation,<br />
5) l’état de droit, 6) le degré de corruption.<br />
33<br />
<strong>Le</strong> <strong>risque</strong> <strong>politique</strong> est sensiblement différent pour un investisseur et<br />
pour un prêteur. Pour le premier, il s’apparente surtout au <strong>risque</strong><br />
réglementaire et plus généralement de gouvernance (l’un des <strong>risque</strong>s<br />
les plus forts étant l’expropriation). Il est à comparer avec le coût de<br />
sortie d’un pays, très important pour un investisseur direct. Pour un<br />
prêteur, le <strong>risque</strong> <strong>politique</strong> se mesure par son impact sur le <strong>risque</strong> de<br />
non remboursement d’un engagement.<br />
34<br />
“How Managing Political Risk Improves Global Business<br />
Performance”, PwC Advisory and Eurasia Group, “Performance<br />
Improvement”.<br />
N° 19 – juin 2012<br />
7
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propriété par exemple – et la façon de jouer le jeu – la<br />
gouvernance, les relations contractuelles, etc.) 35 . Dans<br />
les ratings, la mesure <strong>du</strong> <strong>risque</strong> <strong>politique</strong> doit donc<br />
analyser les interactions entre des idées partagées dans<br />
le monde entier et des caractéristiques institutionnelles<br />
nationales.<br />
Encadré 3 : Quelques indicateurs relus à la lumière<br />
des printemps arabes<br />
Certains indicateurs se sont révélés très importants pour<br />
comprendre les printemps arabes : ils étaient déjà utilisés dans<br />
les ratings mais sans doute pas assez pondérés. Il y a aussi<br />
des effets de seuil à mettre en valeur (passage d’un certain<br />
niveau de revenu, de chômage structurel, etc.). Et les pays<br />
n’ont enfin pas tous la même sensibilité aux différents <strong>risque</strong>s<br />
(de même, les pays n’ont pas tous les mêmes seuils de<br />
tolérance historique à la dette publique 36 …). Parmi ces<br />
indicateurs devenus essentiels, on peut citer :<br />
1 - Des caractéristiques structurelles communes dans le<br />
domaine démographique. <strong>Le</strong>s travaux de E. Todd et Y.<br />
Courbage, qui mettent en rapport la baisse des taux de fertilité<br />
avec la montée des taux d’alphabétisation (moins d’enfants,<br />
mais mieux é<strong>du</strong>qués que leurs parents, ce qui peut bouleverser<br />
les structures d’autorités traditionnelles, les règles d’héritages,<br />
les relations claniques), avaient déjà pointé la Tunisie, le<br />
Pakistan ou la Libye comme étant dans une situation de<br />
transition démographique pouvant les con<strong>du</strong>ire à une crise<br />
<strong>politique</strong>. 37<br />
2 - <strong>Le</strong>s fondamentaux sociaux (chômage des jeunes, seuils de<br />
pauvreté, répartition de la richesse, indicateurs de<br />
développement, existence ou non d’une classe moyenne) à<br />
analyser au regard de la nature de l’oligarchie et la répartition de<br />
la rente.<br />
3 - La nature <strong>du</strong> régime <strong>politique</strong> (<strong>du</strong>rée <strong>du</strong> régime dictatorial,<br />
degré d’oppression <strong>politique</strong>, rôle de l’armée).<br />
4 – L’existence d’une diaspora, active ou non <strong>politique</strong>ment.<br />
5 - <strong>Le</strong> degré de corruption et surtout la nature de la corruption.<br />
Jusqu’à présent, on utilise dans les ratings des indicateurs<br />
globaux, centrés sur l’intensité de la corruption. Mais il faudrait<br />
distinguer les différents types de corruption – passive, active,<br />
petite, grande, publique, privée, etc. – et surtout ses<br />
conséquences sur la croissance, les équilibres <strong>politique</strong>s et<br />
sociaux, les investisseurs étrangers. Cela permettrait de mieux<br />
discriminer les pays dans les ratings de gouvernance et de<br />
mieux anticiper les <strong>risque</strong>s <strong>politique</strong>s, notamment dans les pays<br />
à régimes autoritaires.<br />
La définition, la perception et la mesure <strong>du</strong> <strong>risque</strong><br />
<strong>politique</strong> par les agences de rating ont évolué en 2011.<br />
Par exemple, les agences se sont penchées sur un<br />
facteur que les banquiers connaissaient depuis<br />
longtemps : il n’y a pas systématiquement connexion<br />
entre l’état objectif de solvabilité d’un pays et la<br />
probabilité de défaut de paiement. C’est là que le <strong>risque</strong><br />
<strong>politique</strong> intervient, dans sa dimension de « volonté de<br />
payer » (« willingness to pay ») bien que celle-ci soit<br />
difficile à formaliser. Elle renvoie notamment à la<br />
perception que les citoyens d’un Etat ont de l’importance<br />
<strong>du</strong> droit international comme instrument de régulation. Des<br />
travaux d’économie historique y ont vu l’héritage <strong>du</strong> droit<br />
foncier romain ou <strong>du</strong> code civil napoléonien (qui<br />
influencerait la perception que les indivi<strong>du</strong>s ont de la<br />
relation contractuelle). D’autres auteurs évoquent le degré<br />
de dépendance vis-à-vis des créanciers extérieurs, les pays<br />
possédant une rente étant sensiblement plus mauvais<br />
payeurs (l’Argentine est un bon exemple) que les pays<br />
dépendant des capitaux externes pour leur développement,<br />
très sensibles à leur <strong>risque</strong> de réputation.<br />
Mais ce qui ferait basculer un pays dans le défaut de<br />
paiement unilatéral, c’est finalement la qualité de sa<br />
cohésion <strong>politique</strong> nationale et la comparaison des coûts<br />
respectifs à payer, soit en honorant ses engagements<br />
externes au prix d’un ajustement, soit en faisant défaut de<br />
paiement au bénéfice d’une plus grande popularité interne.<br />
Reinhard et Rogoff ont défini le profil type des pays « serial<br />
defaulter » 38 en montrant que chaque défaut en entraîne un<br />
autre à travers l’affaiblissement des institutions qu’il<br />
provoque. En effet, le premier défaut entraîne un discrédit<br />
sur la <strong>politique</strong> économique qui l’a provoqué, mais il rend<br />
aussi plus difficile la formation d’un consensus ultérieur sur<br />
les <strong>politique</strong>s menées… et il rend donc plus probable un<br />
autre défaut ! Dans un tel raisonnement, le premier défaut<br />
de paiement est toujours le plus coûteux, mais à chaque<br />
nouvel accident de paiement, le potentiel de <strong>risque</strong> de<br />
réputation à perdre est également plus faible et rapproche<br />
<strong>du</strong> scénario de défaut unilatéral.<br />
En 2011 39 , la dernière révision méthodologique de Standard<br />
and Poor’s a intégré la notion de volonté de payer dans sa<br />
méthodologie. Elle a mis en avant deux critères : les arriérés<br />
de paiement sur la dette publique et l’existence, ou non, d’un<br />
discours <strong>politique</strong> qui questionne la légitimité de la dette<br />
contractée par l’administration précédente (considérée comme<br />
une « dette odieuse » 40 ). La prise en compte <strong>du</strong> <strong>risque</strong> de<br />
dénonciation de la « dette odieuse » par les créanciers devrait<br />
d’ailleurs les con<strong>du</strong>ire à être plus attentifs à l’usage qui est fait<br />
par les gouvernements des fonds qui leur sont prêtés.<br />
Encadré 4 : La définition <strong>du</strong> <strong>risque</strong> <strong>politique</strong> par les<br />
banques<br />
La définition <strong>du</strong> <strong>risque</strong> <strong>politique</strong> dans les banques a été très<br />
inspirée par celle des agences de rating, à savoir l’impact d’une<br />
situation ou d’un évènement <strong>politique</strong> donné sur le <strong>risque</strong><br />
souverain. Trois situations intéressent particulièrement la banque:<br />
un <strong>risque</strong> de changement radical et adverse de la <strong>politique</strong><br />
économique, un <strong>risque</strong> de période prolongée d’incertitude, un<br />
<strong>risque</strong> de sanctions, de nationalisations, etc… Par ailleurs,<br />
l’intensité <strong>du</strong> <strong>risque</strong> sera estimée selon l’impact direct sur le<br />
portefeuille de créances ou l’impact indirect à travers la situation<br />
de la clientèle. En fait, l’intégration <strong>du</strong> <strong>risque</strong> <strong>politique</strong> dans les<br />
notations pays n’a pas été immédiate. <strong>Le</strong> Crédit Lyonnais a créé<br />
les premiers modèles bancaires au début <strong>du</strong> XX e<br />
siècle 41 , avec<br />
une approche très comptable des comptes publics. Mais dès<br />
35<br />
La perception que les économistes eux-mêmes ont de ce lien<br />
n’est pas non plus une constante ! Clairement, ils y sont plus<br />
attentifs dans les périodes marquées par de grands<br />
bouleversements <strong>politique</strong>s, alors qu’ils ont tendance à le négliger en<br />
phase de croissance.<br />
36<br />
C. M. Reinhart, K. Rogoff, M.A. Savastano, “Debt Intolerance”,<br />
Working Paper 9908, NBER.<br />
37<br />
Y. Courbage, E. Todd, “<strong>Le</strong> rendez-vous des civilisations”, Seuil.<br />
38 C. M. Reinhart, K. Rogoff, M.A. Savastano, “Debt Intolerance”,<br />
Working Paper 9908, NBER.<br />
39<br />
“Sovereign Government Rating Methodology And Assumption”,<br />
Standard and Poor’s.<br />
40<br />
H. de Vauplane, « Dettes souveraines : la question des dettes<br />
odieuses”, revue Banque, mars 2011.<br />
41<br />
M. Flandreau, “Caveat emptor: coping with sovereign risk without<br />
the multilaterals”, discussion paper N°2004, CEPR, 1998.<br />
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Tania SOLLOGOUB<br />
tania.sollogoub@credit-agricole-sa.fr<br />
cette époque, les analystes ont eu l’intuition de l’importance des<br />
institutions en constatant que la récurrence des défauts de<br />
paiement ne renvoyait pas seulement à une analyse de<br />
solvabilité mais aussi au comportement d’une administration et<br />
à la perception plus ou moins forte qu’un pays a de son <strong>risque</strong><br />
de réputation.<br />
Pendant longtemps, les évaluations <strong>du</strong> <strong>risque</strong> <strong>politique</strong> dans les<br />
ratings bancaires ont été fondées sur l’utilisation d’indicateurs<br />
extérieurs. Mais ceux-ci ont parfois con<strong>du</strong>it à des<br />
approximations. Ce fut le cas, par exemple, avec la notation de<br />
Transparency international qui n’est finalement qu’une note de<br />
perception de la corruption. <strong>Le</strong>s travaux plus sophistiqués de la<br />
Banque mondiale ont pro<strong>du</strong>it des indicateurs plus variés, <strong>du</strong><br />
type KKZ, mais là encore, certaines confusions ont parfois<br />
existé entre les notions de gouvernance et de <strong>risque</strong> <strong>politique</strong>.<br />
Plus récemment, confrontés à la montée en puissance <strong>du</strong><br />
<strong>risque</strong> <strong>politique</strong>, de nombreux établissements ont intro<strong>du</strong>it des<br />
distinctions entre rating pays et rating souverain dans leurs<br />
outils internes de contrôle <strong>du</strong> <strong>risque</strong>, leur permettant de sortir<br />
d’une vision trop comptable <strong>du</strong> <strong>risque</strong> souverain, ré<strong>du</strong>it à la<br />
solvabilité de l’Etat. <strong>Le</strong>s classements pays englobent le <strong>risque</strong><br />
souverain mais proposent une vision plus large et à long terme,<br />
en pondérant à la hausse des critères de <strong>risque</strong> <strong>politique</strong> et de<br />
gouvernance mais aussi de stabilité des performances et de<br />
résistance aux chocs (santé <strong>du</strong> secteur bancaire par exemple).<br />
Mais cette révision méthodologique ne supprime pas un<br />
problème non résolu dans la notation <strong>du</strong> <strong>risque</strong><br />
<strong>politique</strong> par les agences : la surpondération <strong>du</strong> critère de<br />
la stabilité, qui favorise tendanciellement les régimes<br />
autoritaires ! Car le paradoxe de ces régimes, c’est que<br />
leur stabilité apparente cache la collusion des élites, la<br />
montée de la corruption et des inégalités. <strong>Le</strong> critère de la<br />
stabilité d’un régime peut donc devenir fallacieux : il<br />
masque les <strong>risque</strong>s de ruptures institutionnelles. Il<br />
masque aussi la perte d’efficacité qui est l’une des<br />
constantes des régimes autoritaires, car le recrutement<br />
des cadres dans les cercles restreints <strong>du</strong> pouvoir limite la<br />
capacité d’action et d’innovation des Etats. Cette question<br />
est très importante pour tous les pays rentiers à tendance<br />
autoritaire, car l’accumulation de liquidités liées à la rente<br />
(quand les prix augmentent) améliore très rapidement les<br />
ratios de liquidité et de solvabilité de l’Etat. Pour le rating<br />
souverain de ces pays, il est donc essentiel de<br />
survaloriser la notation <strong>politique</strong>. Mais celle-ci doit<br />
s’appuyer non pas sur un critère de stabilité de l’Etat,<br />
mais sur la qualité des institutions, seul facteur capable<br />
de transformer la rente en moteur de croissance, et<br />
d’éviter les crises liées au Dutch Disease <strong>politique</strong>.<br />
La deuxième évolution méthodologique de Standard and<br />
Poor’s en 2011 dans le domaine <strong>du</strong> <strong>risque</strong> <strong>politique</strong><br />
consiste à mieux valoriser la capacité d’un Etat à mettre<br />
en œuvre une <strong>politique</strong>. Mais cette évolution a contribué<br />
à la dégradation… des Etat-Unis, de la Grèce ou de<br />
l’Italie sans remettre en cause le statut d’investment<br />
grade <strong>du</strong> Kazakhstan par exemple. A l’évidence, cette<br />
situation n’est pas satisfaisante car l’absence de<br />
démocratie est historiquement un facteur aggravant <strong>du</strong><br />
<strong>risque</strong> <strong>politique</strong>, même si la présence de celle-ci n’est pas<br />
une garantie de stabilité (au Pérou par exemple, ou en<br />
Argentine, en Afrique <strong>du</strong> Sud, en Thaïlande…).<br />
Dani Rodrick justifie ainsi la supériorité économique des<br />
démocraties par leur capacité à pro<strong>du</strong>ire <strong>du</strong> consensus<br />
social, ce qui leur permet de mieux absorber les chocs<br />
conjoncturels externes. Concrètement, on pourrait donc<br />
intégrer la nature des régimes <strong>politique</strong>s dans les ratings,<br />
en tant que facteur objectif de meilleure résistance à long<br />
terme aux chocs conjoncturels. La capacité à pro<strong>du</strong>ire un<br />
consensus <strong>politique</strong> joue sur les anticipations des<br />
consommateurs et des investisseurs et c’est un facteur de<br />
stabilité. Amartya Sen y voit un moteur puissant de<br />
développement qui n’est pourtant pas, à ce jour, pris en<br />
compte dans les ratings.<br />
Alors : pour noter le <strong>risque</strong> <strong>politique</strong>, faut-il/peut-on noter la<br />
nature <strong>du</strong> régime <strong>politique</strong> lui-même ? Cette question est<br />
d’autant plus importante qu’elle prend une dimension<br />
nouvelle dans un monde où plusieurs gouvernements<br />
démocratiques européens sont tombés sous la pression<br />
conjointe (et corrélée) des notations souveraines et des<br />
marchés (mais on avait déjà vu cela dans des pays<br />
émergents…). <strong>Le</strong>s agences peuvent-elles s’exonérer plus<br />
longtemps d’une prise en compte de la nature des régimes<br />
<strong>politique</strong>s ? La Banque mondiale a déjà fait ce saut<br />
analytique. Elle nous propose en effet une définition <strong>du</strong><br />
<strong>risque</strong> <strong>politique</strong> qui questionne la légitimité des régimes :<br />
ce <strong>risque</strong> résulterait en effet de « la combinaison d’une<br />
exposition à des stress externes avec la force <strong>du</strong> ʺsystème<br />
immunitaireʺ interne des pays, c’est-à-dire leur capacité<br />
sociale de faire face à ces menaces, capacité liée à la<br />
légitimité des institutions nationales… » Et cette légitimité<br />
est définie à partir de deux critères : le processus de<br />
décision (« the way in which decision are made ») et la<br />
capacité d’un Etat à pro<strong>du</strong>ire des biens collectifs. <strong>Le</strong> mot<br />
légitimité est enfin prononcé.<br />
Encadré 5 : Plus ou moins de démocraties ?<br />
C’est une idée parfois répan<strong>du</strong>e : « La démocratie et la globalisation<br />
vont main dans la main » 42 . <strong>Le</strong>s échanges de biens et de services<br />
entraîneraient les échanges d’idées et dans les économies ouvertes<br />
financièrement, les marchés exigeant plus de transparence des<br />
Banques centrales, cette exigence serait propice à la démocratie. Ainsi<br />
entre 1975 et 2002, le nombre de démocraties a été multiplié par 4 et<br />
la part <strong>du</strong> commerce dans le PIB mondial est passée de 7,7% à<br />
19,5%. La part des pays ouverts aux flux financiers internationaux<br />
(mesurée par le FMI) est passée de 25 à 38%. Pourtant, les causalités<br />
entre démocratie, ouverture et globalisation n’ont jamais été prouvées<br />
et de nombreux travaux économétriques ont montré qu’il n’y avait pas<br />
d’impact obligatoire entre ouverture et démocratie 43 .<br />
Empiriquement, on peut aussi constater qu’après un point haut en<br />
1977, le nombre d’autocraties dans le monde a diminué et<br />
parallèlement, les démocraties se sont multipliées. Mais cette période<br />
est aussi caractérisée par la diffusion d’un nouveau modèle, celui des<br />
« anocraties » – régimes instables situés à mi-chemin entre les<br />
démocraties et les autocraties, dans lesquels le pouvoir central est de<br />
plus en plus faible, au profit d’élites en compétition les unes par<br />
rapport aux autres et d’autorités locales corrompues dans un régime<br />
fédéral dévoyé (les seigneurs de la guerre en Somalie, les compagnies<br />
minières transnationales chinoises en Afrique, les collectivités locales<br />
mexicaines, etc.) 44 . Or ces anocraties finissent plus souvent par se<br />
transformer en régimes autocratiques qu’en démocraties (50% d’entre<br />
elles enregistrent ainsi des changements de régime de ce type au bout<br />
de cinq ans, 70% au bout de dix ans). Au final, les anocraties sont<br />
souvent des régimes apparemment stables et bien ancrés comme les<br />
démocraties, mais leur légitimité n’est pas la même, et ce critère n’est<br />
pas (ou pas assez !) pris en compte par les ratings.<br />
42<br />
B. Eichengreen, D. <strong>Le</strong>blang, “Democracy and Globalization”, NBER<br />
WP12450, 2006.<br />
43<br />
R. Rigobon, D. Rodrik , “Rule of Law, Democracy, Openness and<br />
Income: Estimating the interrelationships,” NBER Working Paper<br />
10750, 2004.<br />
44<br />
Center for Systemic Peace, Global Report, 2009.<br />
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Tania SOLLOGOUB<br />
tania.sollogoub@credit-agricole-sa.fr<br />
En conclusion, nous sommes entrés dans un<br />
nouveau monde qui sera marqué par un renouveau<br />
<strong>du</strong> <strong>risque</strong> <strong>politique</strong>. Car la globalisation a accéléré la<br />
circulation des hommes, des marchandises et des<br />
capitaux, mais aussi des idées.<br />
Ce nouveau monde <strong>politique</strong> est né, entre autre, de la<br />
maturité économique de certains pays émergents,<br />
dans lesquels la croissance économique a pris de<br />
cours l’évolution plus lente des institutions. Ce<br />
décalage a dessiné les lignes de faille des <strong>risque</strong>s<br />
<strong>politique</strong>s d’aujourd’hui et de demain.<br />
Mais ce nouveau monde est né également de<br />
transformations plus profondes, à l’œuvre<br />
souterrainement depuis cinquante ans, qui ont<br />
pro<strong>du</strong>it des sociétés très inégalitaires : transition<br />
démographique, essor de l’alphabétisation, rupture<br />
des équilibres sociaux traditionnels.<br />
<strong>Le</strong>s interactions <strong>du</strong> <strong>politique</strong> et de l’économique sont<br />
donc à repenser. Elles sont plus étroites, plus rapides,<br />
plus globales. <strong>Le</strong> <strong>risque</strong> <strong>politique</strong> se nourrit des<br />
échanges désormais permanents entre des idées qui<br />
circulent vite et partout, avec des institutions,<br />
<strong>politique</strong>s et sociales, qui restent encore<br />
profondément nationales.<br />
Enfin, dans ce contexte nouveau, la nature des<br />
régimes <strong>politique</strong>s pourrait être intégrée dans les<br />
ratings pays, leur permettant de stopper la dérive<br />
actuelle vers une vision très comptable de la<br />
solvabilité souveraine.<br />
« <strong>Le</strong>s ratings ne pro<strong>du</strong>isent que des opinions », se<br />
défendent les agences de notation quand leur<br />
légitimité est mise en doute. Mais ces opinions créent<br />
des normes de marché. A partir de là, la responsabilité<br />
institutionnelle des agences existe. •<br />
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Achevé de rédiger le 23 mai 2012<br />
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