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Obama : quel bilan économique à mi-mandat - Etudes économiques ...

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Apériodique - N° 6<br />

Octobre 2010<br />

<strong>Obama</strong> : <strong>quel</strong> <strong>bilan</strong> écono<strong>mi</strong>que à <strong>mi</strong>-<strong>mandat</strong> ?<br />

Partie 1 - Hier : aux origines de la crise<br />

En novembre 2008, au moment de son élection, Barack <strong>Obama</strong> hérite d’une écono<strong>mi</strong>e en pleine<br />

récession et d’un système financier en pleine crise. Le pre<strong>mi</strong>er enjeu de son <strong>mandat</strong>, le plus<br />

immédiat, est de remédier à cette situation. Ce n’est pas que l’ad<strong>mi</strong>nistration précédente n’a rien<br />

fait, au contraire, mais le mal est profond. L’origine de la crise remonte à la gestion de la<br />

précédente, l’éclatement de la bulle Internet. Cette bulle a été suivie d’une autre, cette fois-ci de<br />

crédit, dont l’éclatement a eu des conséquences plus lourdes encore et précipité l’écono<strong>mi</strong>e<br />

américaine dans la récession la plus sévère depuis la Grande Dépression, ce qui lui a valu le nom<br />

de Grande Récession (Great Recession).<br />

À l’approche des élections de <strong>mi</strong>-<strong>mandat</strong>, le 2 novembre 2010, la situation écono<strong>mi</strong>que du pays est<br />

incontestablement meilleure, les efforts conjoints et répétés du gouvernement et de la Réserve<br />

fédérale ayant porté leurs fruits et sorti les États-Unis de la récession. Cependant, de nombreux<br />

obstacles se dressent sur la route de la reprise, faisant de son caractère durable une prévision et<br />

non encore une réalité. Certes, d’importantes forces cycliques, favorables à une reprise<br />

vigoureuse, sont à l’œuvre mais elles s’opposent à des forces structurelles baissières tout aussi<br />

importantes et de nature à brider le redémarrage de l’activité. De surcroît, à ce défi de la croissance<br />

forte et saine s’en ajoutent de nombreux autres, dont le retour des finances publiques sur une<br />

trajectoire soutenable et la réforme de la régulation et de la supervision financières.<br />

La proxi<strong>mi</strong>té des élections de <strong>mi</strong>-<strong>mandat</strong> va probablement compliquer l’avancée de ces débats et<br />

leur issue conditionner la tournure qu’ils prendront par la suite. Ces questions écono<strong>mi</strong>cofinancières<br />

devraient également peser lourd dans le vote des Américains et la bataille entre<br />

démocrates et républicains promet donc d’être rude. Ce qui est sûr, c’est que l’ad<strong>mi</strong>nistration<br />

<strong>Obama</strong> a matière à défendre son <strong>bilan</strong> écono<strong>mi</strong>que de <strong>mi</strong>-<strong>mandat</strong>.<br />

1.1 De la bulle Internet à la bulle de crédit<br />

Avec le bénéfice du recul, on peut dire que la<br />

crise écono<strong>mi</strong>que et financière de 2007-2009<br />

prend ses racines au <strong>mi</strong>lieu des années 1990,<br />

avec le développement de la bulle Internet. À<br />

l’époque, la combinaison d’une vague<br />

d’innovations dans le domaine des technologies de<br />

l’information et de la communication (TIC) et de<br />

marchés actions en forte hausse va soutenir une<br />

progression très vigoureuse de l’investissement<br />

productif des entreprises, une accélération des<br />

gains de productivité et une longue période de<br />

croissance forte sans inflation qualifiée de<br />

Goldilocks. Ainsi naît la « Nouvelle écono<strong>mi</strong>e ».<br />

Certains ont même prétendu le cycle mort, ce qui,<br />

bien sûr, s’est avéré faux.


Hélène BAUDCHON<br />

helene.baudchon@credit-agricole-sa.fr<br />

En effet, faites en pleine euphorie boursière, les<br />

anticipations de profits toujours plus élevés se sont<br />

naturellement révélées erronées. Lorsque, début<br />

2000, les marchés ont pris conscience de leur<br />

« exubérance irrationnelle », du caractère irréaliste<br />

de leurs anticipations de profits futurs et de la fin<br />

de la vague de dépenses en TIC liées au passage<br />

à l’an 2000, la bulle boursière a éclaté.<br />

L’engouement pour les nouvelles technologies est<br />

soudain retombé, révélant une suraccumulation de<br />

capital, des profits en baisse et un endettement<br />

élevé des entreprises. C’est ce qui a entraîné<br />

l’écono<strong>mi</strong>e américaine en récession en 2001. Sauf<br />

que cette récession n’a duré que de mars à<br />

novembre 2001 et qu’elle a été d’une ampleur plus<br />

que li<strong>mi</strong>tée : le PIB (produit intérieur brut) ne s’est<br />

que modestement contracté au 1 er et au 3 e<br />

trimestre 2001 et a réussi l’exploit de ne pas<br />

baisser sur l’ensemble de l’année 2001 par rapport<br />

à 2000. Cette performance est due à la résistance<br />

inhabituelle des dépenses des ménages<br />

(consommation et investissement résidentiel),<br />

elles-mêmes soutenues par le stimulus budgétaire<br />

et monétaire alors <strong>mi</strong>s en place, et par l’accès au<br />

crédit. Les ménages ont été en effet, à l’époque,<br />

jugés plus solvables que les entreprises, tombées,<br />

elles, en disgrâce. La reprise a pu s’installer, mais<br />

sur des bases imparfaitement assainies, seules les<br />

entreprises ayant purgé leurs excès passés.<br />

La caractéristique principale de la phase de<br />

croissance qui a suivi, de 2002 à 2007, est<br />

l’envolée de la part de l’investissement<br />

résidentiel dans le PIB, depuis 4,5 % en sortie de<br />

récession jusque à un plus haut historique de<br />

6,2 % début 2006. Cette progression était d’autant<br />

plus étonnante qu’elle prolongeait, en l’accentuant,<br />

une tendance à la hausse en place depuis la fin de<br />

la récession de 1990-1991 (cf. graphique 1).<br />

L’immobilier résidentiel est une des composantes<br />

les plus cycliques de la croissance et, pourtant, le<br />

boom est resté ininterrompu pendant 15 ans ! Ce<br />

terme de boom est volontaire, même s’il est<br />

contestable tant le marché avait des airs de bulle.<br />

Sauf que le débat sur le sujet n’est pas tranché :<br />

nous préférons donc parler de boom et réservons<br />

le terme de bulle à l’évolution du crédit sousjacente.<br />

Car ce dyna<strong>mi</strong>sme de l’immobilier<br />

résidentiel s’est accompagné d’une envolée du<br />

taux d’endettement hypothécaire des ménages<br />

américains, de 52 % du PIB en sortie de<br />

récession, début 2002, à un pic 20 points de<br />

pourcentage plus haut, de 72 %, <strong>mi</strong>-2009. Cette<br />

augmentation a été rendue possible par un<br />

ensemble de facteurs : des taux d’intérêt<br />

hypothécaires peu élevés, une offre de crédit<br />

accrue par une vague d’innovations financières<br />

(dont la suite nous apprendra qu’elles n’ont pas<br />

toutes été heureuses), la perception, après le<br />

krach boursier, qu’investir dans la pierre était un<br />

placement sûr, et la hausse des prix immobiliers.<br />

Graphique 1. Évolution de la part de l’investissement<br />

résidentiel et productif dans le PIB aux États-Unis<br />

(1959-2010) (en % du PIB)<br />

% (calcul sur données en valeur)<br />

6,5<br />

6,0<br />

5,5<br />

5,0<br />

4,5<br />

4,0<br />

3,5<br />

3,0<br />

2,5<br />

2,0<br />

8<br />

59 62 65 68 71 74 77 80 83 86 89 92 95 98 01 04 07 10<br />

inv. résidentiel inv. productif (dr.)<br />

Source : Bureau of Econo<strong>mi</strong>c Analysis, Crédit Agricole S.A.<br />

On constate que l’on retrouve tous les<br />

ingrédients des débordements du cycle<br />

précédent : des innovations (financières<br />

aujourd’hui, technologiques hier), un credo (la<br />

« société de la propriété » chère à George W.<br />

Bush aujourd’hui, monter sa société dot.com hier),<br />

une composante du PIB (dépenses des ménages<br />

aujourd’hui, investissement productif hier) financée<br />

par un endettement dont la dangerosité de la<br />

hausse est masquée par la montée d’un prix d’actif<br />

(immobilier aujourd’hui, actions hier). Les<br />

problèmes surviennent lorsque la bonne idée de<br />

départ est dévoyée parce que développée à<br />

l’excès, lorsque l’on n’agit plus que par espérance<br />

d’un gain financier, déconnecté des<br />

fondamentaux : c’est le propre des bulles, et c’est<br />

ce qui les rend si imprévisibles.<br />

1.2. La Fed responsable ?<br />

Le reproche est fait à la Réserve fédérale d’avoir<br />

laissé ses taux trop longtemps (de juin 2003 à juin<br />

2004) à un niveau trop bas (1 %), ce qui aurait<br />

contribué à alimenter la bulle de crédit. Si la Fed a<br />

15<br />

14<br />

13<br />

12<br />

11<br />

10<br />

9<br />

N° 6 – Octobre 2010<br />

2


Hélène BAUDCHON<br />

helene.baudchon@credit-agricole-sa.fr<br />

baissé ses taux jusqu’à ce niveau, c’est en<br />

réaction à la récession puis au risque de déflation<br />

qui semblait peser sur l’écono<strong>mi</strong>e américaine en<br />

2003. À la rigueur, on peut s’interroger sur la<br />

réalité de ce risque. Toutefois, des hausses de<br />

taux plus précoces et plus importantes auraientelles<br />

changé la donne et évité l’emballement<br />

immobilier ? Il est per<strong>mi</strong>s d’en douter : les prix ont<br />

commencé à s’emballer dès 1998, et l’ampleur<br />

de leur hausse ne peut s’expliquer par la seule<br />

politique monétaire accommodante menée aux<br />

États-Unis. D’autres forces étaient à l’œuvre. De<br />

plus, de la <strong>mi</strong>-2004 à la <strong>mi</strong>-2006, la Fed a tout de<br />

même procédé à une hausse cumulée de 425<br />

points de base des Fed funds, son principal taux<br />

directeur, les portant donc à 5,25 % en juin 2006.<br />

Un durcissement qui est loin d’être anodin. En<br />

revanche, les taux d’intérêt sur les obligations à 10<br />

ans du Trésor américains sont, eux, à peine<br />

remontés sur cette période (ils étaient à 4,7 % en<br />

juin 2004 et à 5,1 % deux ans plus tard, soit plus<br />

hauts de seulement 40 points de base), ce qui est<br />

beaucoup plus étonnant et problématique (cf.<br />

graphique 2). Cette évolution, dans la<strong>quel</strong>le la Fed<br />

n’a pas de responsabilité, a été qualifiée en février<br />

2005 d’énigme obligataire (conundrum) par Alan<br />

Greenspan, le prédécesseur de Ben Bernanke à la<br />

tête de la Fed (août 1987-janvier 2006). Avec le<br />

bas niveau des taux longs qui s’est ensuivi, cela<br />

constitue, d’après nous, une bien meilleure<br />

explication à la crise.<br />

Graphique 2. Évolution des Fed funds et des taux<br />

longs aux États-Unis (1990-2010) (en %)<br />

% %<br />

9<br />

9<br />

8<br />

7<br />

6<br />

5<br />

4<br />

3<br />

2<br />

1<br />

0<br />

90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10<br />

Fed funds<br />

taux à 10 ans<br />

Source : Réserve fédérale américaine, Crédit Agricole S.A.<br />

8<br />

7<br />

6<br />

5<br />

4<br />

3<br />

2<br />

1<br />

0<br />

de l’argent à placer : celui résultant des<br />

importantes capacités de financement de nombre<br />

de pays émergents et de certains pays développés<br />

tels que l’Allemagne ou le Japon. L’incitation à<br />

(ab)user des effets de levier était donc grande.<br />

C’est ainsi que le marché immobilier résidentiel<br />

américain s’est trouvé sur-stimulé, l’offre de crédit<br />

répondant « sans li<strong>mi</strong>te » à la demande, sorte de<br />

machine infernale alimentée par la hausse des prix<br />

des logements et la titrisation poussée à son<br />

extrême. La hausse des prix immobiliers poussait,<br />

d’un côté, les ménages à s’endetter toujours plus<br />

et incitait, de l’autre, les banques à prêter toujours<br />

plus et à un plus grand nombre contre un collatéral<br />

dont la valeur était à la hausse. Les institutions<br />

financières étaient d’autant moins regardantes<br />

quant à la qualité des prêts accordés qu’elles les<br />

sortaient facilement de leur <strong>bilan</strong> via la titrisation<br />

(ce mécanisme financier de transformation d’une<br />

créance en un titre négociable sur le marché). À<br />

l’époque, la demande pour ces titres gagés sur<br />

des actifs (Asset-Backed Securities, ABS) était<br />

grande car c’était un placement rentable et jugé<br />

peu risqué (d’après le rating du produit).<br />

Mais le corollaire de cette hausse des prix<br />

immobiliers est, qu’à mesure qu’ils grimpaient, les<br />

critères de prêts devaient être relâchés si les<br />

nombreux acteurs du marché hypothécaire<br />

voulaient maintenir leur volume d’affaires et leurs<br />

parts de marché. Emprunteurs comme prêteurs<br />

ont alors pris de plus en plus de risques<br />

inconsidérés, et des Américains à la solvabilité<br />

discutable (inexistante dans certains cas) ont pu<br />

devenir propriétaires grâce à des prêts de plus en<br />

plus « exotiques » 13. C’est ainsi que le marché du<br />

subprime s’est développé. Tout allait bien tant que<br />

la dette croissante était garantie par des prix<br />

également croissants. C’était sans compter un<br />

31. De moins en moins de preuves de la solvabilité de l’emprunteur<br />

étaient exigées ; de moins en moins d’apport personnel était demandé ;<br />

le remboursement du capital était de plus en plus différé dans le temps,<br />

pour <strong>mi</strong>ni<strong>mi</strong>ser les pre<strong>mi</strong>ères mensualités (au prix d’une charge accrue<br />

plus tard). En parallèle se développaient les Home Equity Lines of Credit<br />

(HELOC), des lignes de crédit (à taux variables) accordées sur la valeur<br />

du logement. Plus la valeur de celui-ci augmentait, plus le client voyait<br />

sa ligne de crédit rallongée pour financer ses travaux d’aménagement et<br />

de rénovation ou encore ses dépenses de santé et pour l’éducation des<br />

enfants.<br />

À ce niveau de taux longs, il était en effet très bon<br />

marché et facile de s’endetter pour les ménages,<br />

pour les entreprises comme pour les investisseurs<br />

à la recherche de rendements. De plus, il y avait<br />

N° 6 – Octobre 2010<br />

3


Hélène BAUDCHON<br />

helene.baudchon@credit-agricole-sa.fr<br />

retournement du marché et des prix<br />

immobiliers qui s’est finalement produit au<br />

tournant 2005-2006 (cf. graphique 3).<br />

Graphique 3. Évolution de l’encours de dette<br />

hypothécaire des ménages et des prix de<br />

l’immobilier aux États-Unis (1973-2010) (variation sur<br />

un an en %)<br />

a/a, %<br />

a/a, %<br />

20<br />

18<br />

16<br />

16<br />

12<br />

14<br />

8<br />

12<br />

10<br />

4<br />

8<br />

0<br />

6<br />

4<br />

-4<br />

2<br />

-8<br />

0<br />

-2<br />

-12<br />

-4<br />

-16<br />

73 76 79 82 85 88 91 94 97 00 03 06 09<br />

dette<br />

prix médian maisons individuelles dans l'ancien (dr.)<br />

zone grisée : récession<br />

Sources : Réserve fédérale américaine et National Association<br />

of Realtors, Crédit Agricole S.A.<br />

Si la politique monétaire de la Fed n’est pas<br />

spécialement en cause, là où elle a pêché et où<br />

elle a une part de responsabilité non<br />

négligeable dans la crise, c’est dans son rôle<br />

de régulateur et de superviseur du système<br />

bancaire. C’est la thèse officiellement défendue par<br />

Ben Bernanke, l’actuel gouverneur de la Fed, dans<br />

un discours prononcé en janvier 2010 devant<br />

l’American Econo<strong>mi</strong>c Association sur le thème<br />

« Politique monétaire et bulle immobilière »<br />

(Monetary Policy and the Housing Bubble). Si la Fed<br />

a fait preuve d’un certain laxisme réglementaire, c’est<br />

pour partie volontairement, A. Greenspan croyant<br />

fermement en la discipline de marché, mais aussi<br />

pour partie involontairement car nombre des risques<br />

pris échappaient à sa surveillance puisqu’ils étaient<br />

assumés par le shadow banking system, cette<br />

nébuleuse non régulée d’acteurs financiers non<br />

bancaires et de véhicules hors <strong>bilan</strong>, ou parce qu’ils<br />

passaient au travers des mailles du filet<br />

réglementaire existant. C’est exactement ce à quoi la<br />

réforme financière cherche à remédier (boucher les<br />

trous réglementaires, supprimer les redondances,<br />

élargir le champ de supervision, <strong>mi</strong>eux contrôler la<br />

prise de risque des institutions financières ainsi que<br />

la taille de celles-ci, se doter de procédures de<br />

liquidation des établissements d’importance<br />

systé<strong>mi</strong>que, les too big to fail).<br />

1.3. Le subprime : petit problème<br />

devenu grand<br />

Tout comme les anticipations de profits toujours<br />

plus élevés pendant la bulle Internet se sont<br />

avérées erronées, les hypothèses de hausse<br />

continue des prix immobiliers ayant alimenté la<br />

bulle de crédit se sont révélées fausses. Le fait<br />

que les prix immobiliers nationaux n’avaient jamais<br />

baissé par le passé a entretenu ces hypothèses.<br />

Au final, c’est leur hausse même, combinée à la<br />

remontée des taux directeurs, qui a précipité leur<br />

retournement. Il était devenu bien trop onéreux<br />

d’accéder à la propriété : le marché s’est<br />

retourné de lui-même fin 2005. Et c’est à peu<br />

près à la même époque que les taux d’impayés<br />

sur les prêts immobilier subprime à taux<br />

variables ont commencé à monter (cf.<br />

graphique 4).<br />

Graphique 4. Évolution de la part d’impayés sur les<br />

prêts immobiliers aux États-Unis (1998-2010) (en %)<br />

% %<br />

28<br />

7,5<br />

26<br />

24<br />

22<br />

20<br />

18<br />

16<br />

14<br />

12<br />

10<br />

98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10<br />

prêts subprime<br />

Source : The Mortgage Bankers Association.<br />

7,0<br />

6,5<br />

6,0<br />

5,5<br />

5,0<br />

4,5<br />

4,0<br />

3,5<br />

3,0<br />

2,5<br />

2,0<br />

prêts prime (dr.)<br />

zone grisée : récession<br />

Dans un marché dorénavant baissier, il n’est<br />

plus possible de renégocier les emprunts<br />

sou<strong>mi</strong>s à reset ou recalcul (lorsque les termes<br />

des prêts à taux variables se durcissent au bout de<br />

deux ou trois ans de conditions fixes très<br />

avantageuses). En fait, un certain nombre de<br />

défauts ont lieu avant même le reset, révélant à<br />

<strong>quel</strong> point les critères de prêts avaient été<br />

exagérément relâchés. Nombre de ménages font<br />

néanmoins défaut à cause du reset, dans<br />

l’incapacité d’honorer leurs mensualités revues en<br />

hausse, aux conditions de marché du moment. Or,<br />

en 2006 et les années suivantes, celles-ci sont<br />

bien moins favorables que deux ans auparavant,<br />

du fait de la hausse des taux directeurs entre<br />

temps. La baisse des prix immobiliers, sensible à<br />

N° 6 – Octobre 2010<br />

4


Hélène BAUDCHON<br />

helene.baudchon@credit-agricole-sa.fr<br />

partir de la <strong>mi</strong>-2006, contribue aussi largement à la<br />

montée des défauts sur les prêts subprime et<br />

prime, à taux variables comme à taux fixes, en<br />

mettant un nombre croissant de ménages en<br />

situation de negative equity, c’est-à-dire avec un<br />

montant du capital restant dû sur leur emprunt<br />

supérieur à la valeur de leur logement. Les<br />

ménages restent capables de rembourser, mais<br />

l’incitation à faire défaut est grande : on peut parler<br />

alors de défauts stratégiques. Enfin, à tous ces<br />

motifs de défaut a fini par s’ajouter la forte montée<br />

du chômage à partir de la fin 2007, qui explique la<br />

poussée du taux d’impayés sur les prêts prime.<br />

On n’a pris véritablement conscience du<br />

problème que début 2007, avec la publication<br />

des taux de défauts pour le troisième trimestre<br />

2006. Le problème semblait alors gérable du<br />

fait de la relative petite taille de ce segment<br />

particulier du marché du crédit, soit environ<br />

10 % de l’encours total des prêts immobiliers<br />

(l’équivalent d’un peu plus de 1 000 <strong>mi</strong>lliards de<br />

dollars) et 25 % des nouveaux prêts. De plus, la<br />

réappréciation du prix du risque qui en découlait<br />

était également jugée comme un processus<br />

salutaire, tant qu’elle restait ordonnée, appelée de<br />

leurs vœux par les banquiers centraux inquiets<br />

depuis <strong>quel</strong>que temps déjà du niveau<br />

anormalement bas de l’aversion pour le risque.<br />

Enfin, la dissé<strong>mi</strong>nation du risque devait permettre<br />

de li<strong>mi</strong>ter le coût total pour le système financier,<br />

chaque acteur n’en portant qu’une petite partie, et,<br />

donc, pour l’écono<strong>mi</strong>e. Un soft landing<br />

(atterrissage en douceur) de celle-ci est anticipé,<br />

les répercussions du retournement du marché<br />

immobilier apparaissant li<strong>mi</strong>tées. Comme quoi on<br />

peut lourdement se tromper…<br />

1.4. Chronologie rapide d’une crise longue,<br />

sévère, et évolutive<br />

Les toutes pre<strong>mi</strong>ères tensions sur les marchés<br />

financiers apparaissent début 2007, avec les<br />

pre<strong>mi</strong>ers symptômes de la crise du subprime.<br />

Elles restent néanmoins très li<strong>mi</strong>tées pendant<br />

le pre<strong>mi</strong>er semestre de cette année-là, car la<br />

crise reste circonscrite à ce seul segment de<br />

marché. Toutefois, des pre<strong>mi</strong>ers signes de<br />

propagation apparaissent à l’été 2007, en août<br />

précisément, date qui va marquer véritablement le<br />

début de la crise. Les marchés monétaires et des<br />

Asset-Backed Commercial Paper (ABCP) souffrent<br />

en effet de leurs tout pre<strong>mi</strong>ers dysfonctionnements,<br />

certains acteurs ayant du mal à<br />

refinancer leur dette à court terme du fait de la<br />

présence de subprime à leur actif. On découvre<br />

l’existence hors <strong>bilan</strong> d’étranges et complexes<br />

véhicules financiers, les Special Investment<br />

Vehicles (SIV), dont les besoins brutaux de<br />

liquidité les amènent à tirer sur les lignes de crédit<br />

auprès de leur banque sponsor, qui, en retour, doit<br />

aller chercher l’argent sur le marché interbancaire,<br />

provoquant des tensions sur les taux qui s’écartent<br />

anormalement des cibles des banques centrales,<br />

précipitant une pre<strong>mi</strong>ère vague d’injections de<br />

liquidités par ces dernières (Banque centrale<br />

européenne en tête). Il s’agit là des pre<strong>mi</strong>ers<br />

signes de la crise de confiance, qui ne cessera<br />

par la suite de s’amplifier : en fait, à force<br />

d’avoir été dispersé, le risque, au lieu de<br />

disparaître, est partout, mais on en a perdu la<br />

traçabilité. De fait, l’incertitude (Qui a du<br />

subprime ? Et pour combien dans son <strong>bilan</strong> ?) va<br />

susciter une énorme défiance et paralyser le<br />

système financier : comment en effet (continuer<br />

de) prêter si la confiance n’est pas là, si on n’est<br />

pas certain d’être remboursé ?<br />

À l’automne et jusqu’à la fin de l’année 2007, la<br />

crise entre dans une deuxième phase avec la<br />

publication des résultats des institutions<br />

financières pour le troisième trimestre 2007 et les<br />

pre<strong>mi</strong>ers signes de contagion de la crise du<br />

subprime dans leurs <strong>bilan</strong>s. Sont alors faites les<br />

pre<strong>mi</strong>ères annonces de pertes, provisions pour<br />

pertes, dépréciations d’actifs. Ce qui va renforcer<br />

la défiance des banques les unes à l’égard des<br />

autres et leur rétention des liquidités injectées par<br />

les banques centrales (au cas où elles en auraient<br />

besoin pour elles). Résultat : les tensions sur le<br />

marché interbancaire et monétaire persistent. Tous<br />

les produits structurés complexes tombent en<br />

disgrâce, alimentant un mouvement de fuite vers la<br />

qualité (flight to quality) vers les titres d’État, des<br />

produits financiers liquides, simples et sûrs.<br />

Cette fuite vers la qualité va dégénérer en un<br />

pre<strong>mi</strong>er vent de panique sur les marchés<br />

financiers au tournant 2007-2008. C’est la<br />

troisième phase de la crise, qui se transforme<br />

en une véritable crise de crédit généralisée. S’il<br />

est classique, ce dégonflement de bulle n’en<br />

est pas moins brutal : l’excès de défiance suit<br />

N° 6 – Octobre 2010<br />

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Hélène BAUDCHON<br />

helene.baudchon@credit-agricole-sa.fr<br />

l’excès de confiance. Les valeurs financières<br />

sont les plus impactées et, par effet de contagion,<br />

tirent vers le bas les indices boursiers (cf.<br />

graphique 5). Les actions sont des actifs risqués<br />

par nature mais liquides et, donc, particulièrement<br />

pénalisés en période de forte montée de l’aversion<br />

pour le risque car faciles à vendre pour dégager<br />

des ressources. Des fire sales (ventes à prix<br />

bradés) s’enclenchent, entraînant les marchés<br />

actions dans une spirale baissière. À l’exception<br />

des obligations publiques (ainsi que du prix de l’or<br />

et de celui du pétrole, qui va grimper jusqu’à<br />

presque 150 dollars le baril à la <strong>mi</strong>-juillet 2008),<br />

tous les prix d’actifs chutent. Les indicateurs de<br />

risque s’envolent, les dégradations des agences<br />

de notation se multiplient, et le tout génère des<br />

dépréciations en chaîne. Ces évolutions ont lieu<br />

sur fond de poursuite des mauvais résultats<br />

bancaires, de regain de tensions sur les marchés<br />

monétaires et de signes de récession de<br />

l’écono<strong>mi</strong>e américaine. Les problèmes de<br />

liquidité et de solvabilité s’entremêlent : Bear<br />

Stearns, la cinquième banque d’affaires<br />

américaines, jugée too interconnected to fail, est<br />

sauvée de la faillite le 14 mars 2008, reprise par<br />

JP Morgan, un sauvetage orchestré par la Fed.<br />

Graphique 5. Évolution des cours du CAC 40 et du<br />

S&P 500 (janvier 2007-octobre 2010)<br />

31/12/1987 = 1000<br />

6 500<br />

6 000<br />

5 500<br />

5 000<br />

4 500<br />

4 000<br />

3 500<br />

3 000<br />

2 500<br />

janv.-<br />

07<br />

juin-<br />

07<br />

nov.-<br />

07<br />

avr.-<br />

08<br />

sept.-<br />

08<br />

CAC 40<br />

févr.-<br />

09<br />

juil.-<br />

09<br />

S&P 500 (dr.)<br />

déc.-<br />

09<br />

Source : IHS Global Insight, Crédit Agricole S.A.<br />

mai-<br />

10<br />

1941-43 = 10<br />

oct.-<br />

10<br />

1 650<br />

1 550<br />

1 450<br />

1 350<br />

1 250<br />

1 150<br />

1 050<br />

950<br />

850<br />

750<br />

650<br />

Suite à ça, la crise va connaître une accal<strong>mi</strong>e de la<br />

<strong>mi</strong>-mars jusqu’au mois de juin 2008.<br />

Malheureusement, les deux géants américains du<br />

financement hypothécaire Fannie Mae et Freddie<br />

Mac, créés par le gouvernement fédéral<br />

respectivement en 1938 et en 1970, sont à leur<br />

tour pris dans la tourmente pendant l’été, les<br />

marchés s’interrogeant sur leur solidité financière.<br />

Les discours rassurants du Trésor n’y changent<br />

rien, et celui-ci se résout à annoncer leur <strong>mi</strong>se<br />

sous tutelle le 6 septembre 2008. Les marchés<br />

saluent la nouvelle, pour replonger <strong>quel</strong>ques jours<br />

plus tard suite à la faillite de la quatrième banque<br />

d’affaires du pays, Lehman Brothers, le<br />

15 septembre. La panique gagne de nouveau les<br />

marchés, qui s’effondrent.<br />

À l’automne 2008, le système financier semble<br />

au bord de l’implosion : la crise est à son<br />

paroxysme. Gouvernements et banquiers centraux<br />

du monde entier se mobilisent au chevet de la<br />

finance mondiale. Si les mesures prises (baisses<br />

de taux conventionnelles, financements<br />

monétaires non conventionnels, aides diverses au<br />

système bancaire) permettent d’enrayer la panique<br />

financière et la spirale dépressive au tournant<br />

2008-2009, la stabilisation n’est pas encore tout à<br />

fait définitive. Face aux mauvais chiffres d’activité<br />

et, surtout, à l’absence totale de visibilité, les<br />

marchés continuent de broyer du noir et rechutent<br />

en février pour n’atteindre véritablement leur point<br />

bas qu’à la <strong>mi</strong>-mars 2009. Depuis, le krach a laissé<br />

la place à un rallye boursier (hausse de presque<br />

50 % du S&P 500 et de 40 % du CAC 40 entre la<br />

<strong>mi</strong>-mars et décembre 2009, après avoir chacun<br />

baissé d’environ 50 % entre octobre 2007 et mars<br />

2009). L’horizon a donc fini par se dégager, la<br />

sortie de récession a commencé à se dessiner.<br />

Mais les marchés ne sont pas à l’abri de<br />

soubresauts : le retour du risque souverain à partir<br />

de la fin 2009 en atteste. De plus, la reprise<br />

écono<strong>mi</strong>que est parsemée d’embûches et sa<br />

vigueur reste encore bien incertaine. •<br />

N° 6 – Octobre 2010<br />

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Hélène BAUDCHON<br />

helene.baudchon@credit-agricole-sa.fr<br />

Directeur de la publication : Jean-Paul Betbèze<br />

Rédaction en chef : Isabelle Job<br />

Réalisation et secrétariat d’édition : Véronique Champion-Faure<br />

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Achevé de rédiger le 25 octobre 2010<br />

N° 6 – Octobre 2010<br />

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