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La rémunération du crédit en Europe
Droit et pratiques bancaires
Réflexions conclusives
Laurent AYNÈS, Professeur à l’Université Paris I (Panthéon-Sorbonne)
Parvenus au terme de cette riche après-midi, il est temps de reprendre les deux questions
posées au seuil de ce colloque et de voir si nous avons avancé.
Première question : la rémunération du crédit doit-elle faire l’objet de règles spéciales, ou
peut-on se contenter du droit commun des contrats, c'est-à-dire de la liberté contractuelle ?
Doit-on nécessairement raisonner différemment sur le prix d’une vente ou d’une entreprise et
sur celui d’un crédit ?
Une réponse affirmative paraît s’imposer dans tous les systèmes juridiques dont vous avez
exposé les lignes d’ensemble. Mais sur quelle particularité du crédit cette spécialité repose-telle
?
Il me semble qu’il en est au moins deux :
– d’une part, le facteur risque : le contrat de financement soumet le dispensateur de crédit à
l’impérieuse nécessité de prophétiser l’avenir – ce qui est impossible – et le soumet
frontalement au risque de l’insolvabilité, privée, de même que publique. Le prix du crédit
comporte nécessairement la protection contre l’insolvabilité.
– d’autre part, le rôle du crédit : les banques distribuent sous forme de crédit des fonds
qu’elles collectent sur la richesse actuelle. Cette activité de redistribution est proprement vitale,
à l’échelle planétaire. Il s’ensuit que le prix d’une ressource aussi fondamentale ne peut pas
relever de la seule liberté contractuelle, d’un bargain individuel. On voit d’ailleurs, pour ne
prendre que cet exemple, que le formalisme imposé dans les relations avec un nonprofessionnel
est destiné à assurer la connaissance et la conscience, plutôt qu’à favoriser la
négociation.
La rémunération du crédit présente donc un particularisme irréductible par rapport à la
rémunération des autres services ; ce particularisme peut justifier des règles spéciales.
Deuxième question : Mais à quelles règles spéciales la rémunération du crédit doit-elle être
soumise ? Y a-t-il entre les différents systèmes nationaux, certaines constantes, certains points
communs, qui permettraient d’esquisser un droit commun de l’Europe ?
Notre après-midi permet de faire un premier tri entre les convergences et les divergences
sur fond d’environnement et des contraintes communes, comme l’a montré Olivier Pastré :
celles de la concurrence et du consumérisme en particulier.
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Divergences en ce qui concerne la finalité de l’information et, partant, en ce qui concerne la
composition du taux annuel effectif global ; ou l’existence d’un devoir de mise en garde
assortissant l’information à l’égard de l’emprunteur ; ou encore en ce qui concerne le droit au
remboursement anticipé.
Mais convergences en ce qui concerne la nécessité même d’une information préalable et
chiffrée. Et aussi, en ce qui concerne la pratique du crédit hypothécaire, que la Commission
établira dans un futur Livre blanc annoncé pour mai 2007.
Divergences sur la finalité du contrôle du taux d’intérêt et ses modalités : beaucoup de
droits se contentent de protéger le consentement par l’abus de faiblesse ou de droit ; en
France, au contraire, c’est une taxation impérative qui, longtemps, a eu cours ; et disparaît
progressivement.
Convergences, à l’égard de la distinction entre le crédit aux consommateurs et le crédit aux
professionnels.
Quant au crédit gratuit, il fournit l’occasion de démasquer les mots : c’est un jeu de chaises
qui reporte la charge de la rémunération sur autrui. C’est un système français, nous dit-on : la
gratuité est un moyen d’action économique et sociale : quelqu’un paie pour l’emprunteur, qui
s’engage d’un cœur léger. Et peut-être l’Europe voudra-t-elle de cette invention, intéressante
pour le développement économique et social ; encore qu’elle évoque une certaine socialisation
du risque de surendettement, sur laquelle nos voisins pourraient être réservés ; et que son
succès en France ne soit pas éclatant.
Les convergences indiquent les directions que devrait prendre l’harmonisation des règles
juridiques en notre matière, si nécessaire à l’égard d’un contrat, le financement, qui ne connaît
pas, ou plus, de frontière. Des règles, dis-je, et non une réglementation. Et pourquoi pas, plutôt,
une régulation portée au niveau de l’Union européenne ? La question est ouverte. Si bien que,
loin de mériter une conclusion, c'est-à-dire une fermeture à clés, notre après-midi s’ouvre
largement sur l’avenir.
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