Fictional script p. 1 & 16 par coline sunier & charles mazé des ...

de passage n’ont peut-être rien en commun, ou peut-être
que si, mais peu importe. Ils ont indéniablement en
commun cette
table,
cette
chaise,
ce
lit,
et les objets et la mise en espace du lieu trouveront leur
potentiel fictionnel a priori. Je ne connais pas grandchose
au design. En revanche, au cinéma, je sais ce que
peut être une mise en scène et sa différence avec une
mise en espace. Or, je crois que
David Dubois
est avant tout un metteur en scène. Chaque objet qu’il
crée donne lieu à une manipulation, à une contrainte du
corps qui oblige à s’approprier — ou pas — l’objet, et à
créer un rapport inédit avec lui. Comme le demanderait
un réalisateur à ses acteurs. Le travail de
David
consiste, me semble-t-il, à projeter et à créer des
espaces volontairement fictionnels. Mais surtout à
travailler a posteriori. Laisser l’habitant s’emparer de
l’objet, ne pas être dans un rapport passif avec celui-ci.
Les objets de
David
mettent le trouble au corps. Il faut les apprivoiser,
en comprendre l’humour, les manipuler. À la Villa
Noailles, sur le côté intérieur de la porte de la chambre,
il y a une petite bibliothèque contenant six livres de
MD.
Sur la porte. Ce n’est pas anodin. C’est une invitation à
rester entre les murs, à se réfugier dans la fiction plutôt
que de courir le monde. À « être au désert », pour citer
Saint-Augustin.
Sur le
lit,
un
couvre-lit,
une
écharpe
sur laquelle est inscrite, en grandes lettres grises,
A-M STRETTER,
du nom d’un des personnages récurrents de livres ou de
films de
MD.
Sur le sol, d’une large fente, en été principalement, des
fourmis s’échappent et rappellent que
Luis BuÑuel,
réalisateur entomologiste, écrivit ici — peut-être dans
cette même chambre que
David Dubois
a aménagée il y a quelques années. Le
lit,
le
bureau,
la
chaise,
dessinés par
David
ont déjà une histoire, la sienne. Et elle se superpose aux
éléments fictionnels convoqués : les films et les livres de
MD,
et l’histoire du lieu. Cela fait beaucoup et crée quelque
chose de complètement inédit. On pourrait ajouter aussi
que
MD
viendra plusieurs fois à Hyères. Hyères-les-Palmiers,
comme s’est écrit sur le fronton de la gare SNCF.
À Hyères se déroulait le Festival du Jeune Cinéma,
disparu aujourd’hui. Le festival reçut
MD
six fois, de 1975 à 1981, soit en tant que jury, soit en tant
que cinéaste. Parfois les deux. La plage, les flamands
roses, les couleurs, l’eau, le vent, le jardin botanique qui
rappelle à certains endroits quelque chose, j’imagine, de
l’Indochine. Hyères pourrait être une ville pour un film de
Marguerite Duras.
Je le redis, et cela fait beaucoup de choses qui se
projettent alors dans la chambre de la Villa Noailles
aménagée par
David Dubois.
La chambre est alors une sorte de réceptacle fictionnel
où les habitants, provisoires, doivent s’accommoder de
tout cela : habiter la chambre et ses objets, se confronter
à eux et accepter de ne pas être les principaux habitants
du lieu. Alors, il faut les apprivoiser, se laisser
surprendre, accepter qu’ils ne se donnent pas aussi
facilement. Il y a un temps durant lequel le corps doit les
appréhender. Mais il en est de la chambre, comme il en
est des autres objets de
David Dubois.
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