« Je considère que le fait de faire un film est déjà en soi un acte politique, c’est un geste ; tu défends un rapport au monde quand tu fais un film » Felix Moati, Charlotte Le Bon et Baptiste Lecaplain dans Libre et Assoupi (2014) j’avais d’autres projets comme ça. J’ai quand même voulu passer le casting de Télé Gaucho. À la base Michel Leclerc ne voulait pas me rencontrer parce que j’avais joué dans Lol et que les gens m’assimilaient à ce personnage très éloigné de celui de Télé Gaucho. J’ai finalement passé le casting grâce à la directrice de casting qui était la même que celle sur Lol qui a convaincu Michel de me rencontrer. J’ai passé les essais, et j’ai été pris. C’est vraiment là que tout s’est concrétisé : il y a eu la nomination aux Césars, et du coup les propositions ont commencé à arriver. Il m’a vraiment inventé en tant qu’acteur, il m’a donné le goût de ça. Tu vas le retrouver prochainement dans un film tiré du roman La Vie Très Privée de Monsieur Sim C’est fait déjà, le tournage est terminé. Le film sort l’année prochaine, avec Jean-Pierre Bacri, Mathieu Amalric, Vimala Pons, Vincent Lacoste…Vincent c’est un très bon pote ; c’est moi qui l’ai présenté à Michel. On joue un couple dans le film [Rires]. Ensuite tu as fait Libre Et Assoupi de Benjamin Guedj. Avec Baptiste Lecaplain et Charlotte Le Bon. C’était très marrant à faire. Tu as enchaîné avec Hippocrate, qui a été un gros succès. Ça a très très bien marché. On l’a senti dès le festival de Cannes où le film était présenté à la Semaine De La Critique ; la rumeur était très bonne. Cannes c’est délicat parce que ça peut à la fois propulser un film et le détruire, c’est à double tranchant. Dans ce cas là, ça a vraiment aidé le film, on sentait que les gens étaient enthousiastes. Ensuite on a gagné le grand prix au festival d’Angoulême, qui est un festival qui a tendance à annoncer les succès à venir : il y avait eu le film de Gallienne l’année d’avant par exemple. Donc quand Hippocrate est sorti il était déjà auréolé de tout ça, et ça a très bien marché. Je pense que le succès est dû en partie au fait que les gens sont toujours fascinés par les coulisses. C’était la force de Police : les gens veulent voir l’envers du décor, ici l’hôpital. Et ce microcosme de l’hôpital c’est bien sûr une manière de parler de notre société, parce qu’une société se définit beaucoup par son rapport avec la mort et la maladie. Le réalisateur Thomas Lilti est lui-même médecin. Il est médecin, oui. D’ailleurs je suis complètement hypocondriaque, je l’appelle tout le temps [Rires]. Il y a eu Gaby Baby Doll aussi, de Sophie Letourneur. Oui, un film très original, qui n’a pas marché malheureusement. C’est un bon film pourtant, comment tu expliques qu’il n’ait pas marché ? Peut être un peu trop auteur, pas assez de grosses têtes d’affiche même si il y avait Benjamin Biolay…Et puis Sophie est un petit peu en dehors du circuit traditionnel, elle n’est pas nécessairement suivie par tous les exploitants de salles. Elle est très douée, elle a un vrai sens de l’image, du cadre, de la mise en scène. Sa chef-opératrice Jeanne Lapoirie qui a travaillé avec Ozon et d’autres grands est très douée a vraiment travaillé l’esthétique du film avec des cadres très doux, vraiment très beaux. Tu as désormais la possibilité de faire un choix parmi les projets qui viennent à toi. Comment choisis-tu de faire ou non un film ? La décision se prend d’abord sur le scénario, sur le metteur en scène, sur le casting ? Moi, j’ai besoin que le film ait une résonance dans ma vie actuelle ; j’aime que les films arrivent à un certain moment donné de ma vie. Ensuite, je veux que le film ait du style, qu’on ressente la patte du réalisateur. Qu’il soit imparfait, au fond, ce n’est pas tellement grave du moment que l’identité du metteur en scène transparait. Je ne veux surtout pas faire un film qui apparaisse lisse, creux, possiblement fait par un autre. Et le scénario est primordial, évidemment. Est-ce que tu te sens impliqué politiquement dans la manière dont tu choisis un scénario, un rôle ou un metteur en scène ? Je considère que le fait de faire un film est déjà en soi un acte politique, c’est un geste ; tu défends un rapport au monde quand tu fais un film. Après c’est vrai que les films que je fais ont une certaine forme de résonance, mais ce n’est pas vraiment un choix conscient; la raison qui me fais choisir tel scénario plutôt qu’un autre est assez mystérieuse, je suppose que ça doit rentrer en compte. On t’a vu dans plusieurs comédies assez stylisées et originales, qui tranchent en tout cas avec la plupart des grosses comédies actuelles qui sont des énormes machines souvent très lisses et creuses. Quel est ton avis sur la situation de ce genre en France ? Je pense que c’est le genre le plus compliqué à réaliser. Une bonne comédie, c’est très rare, très très rare. À écrire c’est un enfer : il faut réussir à trouver un rythme sans perdre de vue une certaine profondeur, et tout le monde n’est pas Woody Allen… En France on a Pierre Salvadori qui est un bon auteur comique. On a l’impression que les trois quarts des comédies se ressemblent comme deux gouttes d’eau, que les castings et les scénarios sont à peu de choses près interchangeables… Bien sûr, mais ça c’est le diktat financier du moment : on veut à tout prix des formules parce qu’on a peur de crever. Donc on prend des choses qui existent déjà et on essaie de faire du neuf avec du vieux. Le problème c’est qu’on voit que ça ne marche plus tellement… On t’en propose beaucoup des comédies de ce genre là ? On m’en propose certaines. Mais moi j’aime beaucoup les grosses comédies populaire, ça ne me pose aucun problème, je suis le premier à aller les voir au cinéma. Il faut juste que ce ne soit pas du foutage de gueule quoi. Ça nous amène à une question plus large: qu’est-ce que tu penses du cinéma français de manière générale aujourd’hui ? Nous posions la même question à David Oelhoffen (réalisateur de Loin Des Hommes avec Viggo Mortensen et Reda Kateb, interview à retrouver en cliquant ici qui nous disait qu’en terme de chiffres, le cinéma français ne s’était pratiquement jamais mieux porté, mais que le grand problème était que le système de production actuel se divisait en deux chapelles : d’un côté le cinéma populaire à très grand budget genre Bienvenue Chez Les Ch’tis, et de l’autre les films d’auteurs qui obtenaient des subventions, et que l’entre-deux, les films du milieu, les films de genre à l’ambition à la foi populaire et exigeante, étaient laissés complètement en friche… … Alors que c’était tout le prestige du cinéma français il y a trente ou quarante ans. Depuis peu les choses changent un peu : les films de Jérôme Bonnell par exemple depuis Le Temps De L’Aventure sont des films du milieu, très marqués auteur mais qui ont un certain public et qui trouvent une certaine résonance. il y a les