'Yiwdem', 1974-1977 - CFEE

différent contexte est de ce fait une autre manière dont les anciens sens perdurent dans les
nouveaux termes. 4
3. Cadre théorique et méthodologie
Le cadre théorique de cette étude est la théorie de la pratique de Pierre Bourdieu. Cette
approche évalue la théorie du langage que le linguiste britannique J.L. Austin appelle acte de
parole. Bourdieu porte une attention intellectuelle sur les implications sociales et politiques de
la communication et du langage politique et affirme que les énoncés sont socialement situés et
sont le produit de facteurs extrinsèques à la langue. Bourdieu soutient que les actes de parole
sont socialement situés et sont des énoncés qui sont le produit de la structure sociale plus
large et de ce fait « portent les traces de la structure sociale qu’ils expriment autant qu’ils
aident à la produire ». (Bourdieu: 1991, 2&9) En utilisant cette approche nous aimerions aussi
montrer ici que la terminologie révolutionnaire dans la période considérée est un produit des
forces culturelles et sociales dominantes ou conventionnelles à l’œuvre en Ethiopie. Nous
affirmons que non seulement les termes révolutionnaires sont le produit de la société qui les a
produits, mais aussi qu’ils portent les attributs sociaux et culturels du groupe dominant aussi
bien que de sa psyché. D’un autre côté, cependant, nous aimerions aussi attirer l’attention
scientifique sur les implications du langage politique, en particulier la terminologie
révolutionnaire, dans la construction de la réalité politique et dans la direction de l’action
politique.
Méthodologiquement, cette étude utilise un terme, ywdəm ‘qu’il soit démoli, à bas’, comme
exemple et le soumet à un examen linguistique et essaye de retracer l’évolution de son sens et
de sa construction sémantique. D’une part, les termes sont les produits du milieu historique
qui les a produits. De l’autre, il s’agit de montrer le rôle et l’action joués par la langue et la
culture locales pour négocier le sens en traduisant les termes étrangers. De plus, nous
voudrions démontrer en utilisant cet exemple comment l’examen de la terminologie
révolutionnaire pourrait aider à expliquer si l’utilisation de termes sensibles a conduit aux
relations hostiles entre les divers groupes politiques et si ceci a conduit à une culture de
l’intolérance et à une polarisation où la position modérée est devenue l’exception rare plutôt
que la norme.
4. Examen critique du terme wəddəmə « qu’il soit démoli »
Un examen critique, linguistique et historique, de certains termes locaux employés dans les
slogans et autres discours révolutionnaires pendant la révolution éthiopienne est sensée
commencer par débattre de la culture politique éthiopienne traditionnelle. L’analyse des
4 Un exemple typique à cet égard serait le préfixe ‘tsere’ (lit. anti). Il était utilisé avec d’autres termes comme
dans tsere-abyot (lit. anti-révolution), tsere- hizb (lit. anti-peuple et a un équivalent imparfait dans « ennemi du
peuple »), tsere-feudal (lit. anti-féodal) etc. très fréquemment dans des slogans, textes etc. Le préfixe tsere,
lorsqu’utilisé pour signifier des noms tels que hizb (le peuple ou les masses) prend la connotation religieuse
absolue qui veut que pour que les masses/le peuple puissent exister, leurs ennemis, les tsere hizb, doivent être
éliminés puisque les uns et les autres ne peuvent cohabiter. Tsere a été utilisé historiquement par exemple en
association avec d’autres noms, en particulier maryam, comme dans tsere maryam. Ce terme est utilisé pour
inculper ceux qui sont accusés de ne pas croire au statut de Sainte Marie comme mère de Dieu et en son aptitude
à intercéder au nom de l’humanité. C’était une accusation très sérieuse dans les temps anciens et ceux qui étaient
accusés de cette offense étaient traités avec sévérité et persécutés. Voir l’ouvrage de Tadesse Tamirat, Church
and State in Ethiopia, 1270-1527, sur Deqe Esifanos, un chef du monastère Gunda Gunde accusé d’être tsere
maryam.
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