Document d'accompagnement au cours de sociologie (G.Véziers)
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G.Veziers, Université d’Avignon, département STAPS<br />
1-Programme <strong>de</strong> l’année :<br />
-chapitre 1 : Présentation et rappels<br />
-chapitre 2 : Le sport dans la culture<br />
-chapitre 3 : Sport et genres<br />
-chapitre 4 : Sport et cité<br />
Sociologie – Licence<br />
Chapitre 1<br />
Présentation et<br />
rappels<br />
2-Quelques rappels :<br />
2.1-Le sport « fait social total »*<br />
* : concept <strong>de</strong> M.M<strong>au</strong>ss, Sociologie et anthropologie, 1932<br />
« Nous avions conscience que la connaissance du sport était la clef <strong>de</strong> la connaissance <strong>de</strong> la société ».<br />
(N.Ellias, in N.Ellias et E.Dunning, Sport et civilisation, la violence maîtrisée, Fayard, 1994)<br />
2.2-Dépasser le sens commun :<br />
« Chaque homme assimile <strong>de</strong>s aliments et oxygène son sang. Mais tout un chacun ne se met pas à<br />
écrire un traité sur la digestion et la circulation. Il n’en est pas <strong>de</strong> même avec les sciences sociales »<br />
(L.Trotsky, Œuvres, 1933)<br />
2.3-Les grands paradigmes <strong>de</strong> la <strong>sociologie</strong> :<br />
2.3.1-Déterminisme et individualisme :<br />
1
2.3.2-Le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> liberté <strong>de</strong> l’acteur sur un continuum :<br />
° <strong>de</strong> liberté <strong>de</strong> l’individu<br />
Du DETERMINISME à…<br />
L’individu naît <strong>de</strong> la société.<br />
Ses comportements sont conditionnés par <strong>de</strong>s facteurs tels que<br />
l’éducation, la culture, la structure économique et ces<br />
déterminismes échappent en gran<strong>de</strong> partie à la conscience.<br />
L’individu intègre et exprime les normes <strong>de</strong> la société.<br />
D’un côté les actions « irrationnelles » <strong>de</strong> la <strong>sociologie</strong><br />
(E.DURKHEIM) et…<br />
-Le structuralisme :<br />
-K.MARX,<br />
« Ce n’est pas la conscience <strong>de</strong>s hommes qui<br />
détermine leur existence, c’est <strong>au</strong> contraire leur<br />
existence sociale qui détermine leur conscience »<br />
(K.Marx, Critique <strong>de</strong> l’économie politique, 1859)<br />
-En sport J.M.BROHM.<br />
« Le sport ne fait que transposer <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> <strong>de</strong><br />
l’activité non directement productive (…) du loisir,<br />
du temps libre, la compétition sociale, mais sous<br />
une forme ludique et aliénée »<br />
(J.M.Brohm, Sociologie politique du sport, in<br />
Partisans, 1964)<br />
-C.LEVI-STRAUSS, (Anthropologie structurale,<br />
1958).<br />
-En sport P.Parlebas (ex : la classification <strong>de</strong>s jeux<br />
sportifs)<br />
…l’ INDIVIDUALISME<br />
La société naît <strong>de</strong>s interactions entre les individus.<br />
Ils agissent en « acteurs » conscients et rationnels, en fonction <strong>de</strong><br />
calculs coût/avantage.<br />
… <strong>de</strong> l’<strong>au</strong>tre les actions « rationnelles » <strong>de</strong> l’économie<br />
(M.WEBER)<br />
-L’actionnalisme :<br />
A.TOURAINE<br />
-L’existentialisme :<br />
J.P.SARTRE : « Ce n’est pas la dureté d’une situation ou<br />
les souffrances qu’elle impose qui sont motifs pour qu’on<br />
conçoive un <strong>au</strong>tre état <strong>de</strong> chose où il en irait mieux pour<br />
tout le mon<strong>de</strong> ; <strong>au</strong> contraire, c’est à partir du jour où l’on<br />
peut concevoir un <strong>au</strong>tre état <strong>de</strong> choses qu’une lumière<br />
neuve tombe sur nos peines et sur nos souffrance et nous<br />
décidons qu’elles sont insupportables » (J.P.Sartre, L’Etre<br />
et le néant, 1943)<br />
-L’individualisme méthodologique :<br />
-R.BOUDON (La place du désordre, 1983)<br />
« L’individualisme méthodologique part d’une proposition<br />
très simple, à savoir que, quel que soit le phénomène<br />
social que l’on veut étudier, et quelle que soit son échelle,<br />
ce phénomène est obligatoirement l’effet d’actions,<br />
d’attitu<strong>de</strong>s ou <strong>de</strong> croyances <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s individus » (…)<br />
« une proposition telle que « la classe ouvrière a décidé<br />
que… » suscite immédiatement un sentiment d’absurdité »<br />
(R.Boudon, Y’a-t-il encore une <strong>sociologie</strong> ? 2003)<br />
-En sport P.PARLEBAS.<br />
« Les phénomènes sportifs résultent <strong>de</strong> la compositions<br />
d’actions individuelles disposant d’une marge<br />
d’improvisation et d’originalité non négligeable. A une<br />
liaison c<strong>au</strong>sale rigi<strong>de</strong>, il semble plus vali<strong>de</strong> <strong>de</strong> substituer<br />
<strong>de</strong>s processus d’interactions accordant <strong>au</strong> sujet agissant<br />
une réelle capacité d’initiative (…) Le <strong>de</strong>stin sportif <strong>de</strong>s<br />
individus n’est pas déposé comme une fatalité dans<br />
les classes sociales ».<br />
(P.Parlebas, Eléments <strong>de</strong> <strong>sociologie</strong> du sport, 1986)<br />
-Le structuralisme génétique :<br />
-P.BOURDIEU (La distinction, 1979, Le sens pratique, 1980)<br />
« Parce que l’habitus est une capacité infinie d’engendrer en toute liberté<br />
(contrôlée) <strong>de</strong>s produits – pensées, perceptions, expressions, actions – qui ont<br />
toujours pour limites les conditions historiquement et socialement situées <strong>de</strong> sa<br />
production, la liberté conditionnée et conditionnelle qu’il assure est <strong>au</strong>ssi éloignée<br />
d’une création d’imprévisible nouve<strong>au</strong>té que d’une simple reproduction mécanique<br />
<strong>de</strong>s conditionnements initi<strong>au</strong>x » (P.Bourdieu, Le sens pratique, 1980)<br />
-En sport C.POCIELLO.<br />
2
3-Conclusion ; Sociologie, philosophie et politique :<br />
-« le marxisme prend comme point <strong>de</strong> départ la société »<br />
(R.Deleplace, in Les cahiers du Centre d’Etu<strong>de</strong> et <strong>de</strong> Recherche Marxistes n°43, 1965)<br />
-« Nous préconisons un véritable transfert <strong>de</strong> compétences <strong>de</strong> l’Etat en faveur du mouvement sportif<br />
car, philosophiquement, nous pensons qu’il f<strong>au</strong>t partir <strong>de</strong>s individus et non <strong>de</strong> l’Etat »<br />
(R.P.R, Un sport libre dans une société responsable, programme sportif du RPR pour les<br />
élections législatives <strong>de</strong> 1986)<br />
3
Sociologie – Licence 2002<br />
Chapitre 2<br />
Le Sport dans la<br />
culture<br />
1-Avant propos sur la culture :<br />
1.1-Naturel ou culturel ?<br />
1.2-Les « <strong>de</strong>ux » cultures :<br />
1.3-Cultures <strong>de</strong> classes et « habitus » :<br />
« Il est la classe incorporée » (P.Bourdieu, La distinction, Paris, Ed <strong>de</strong> minuit, 1979)<br />
« Ensemble <strong>de</strong> dispositions historiques disposées <strong>au</strong> seins <strong>de</strong>s corps individuels sous la<br />
forme <strong>de</strong> schèmes ment<strong>au</strong>x et corporels <strong>de</strong> perception, d’appréciation et d’action »<br />
(P.Bourdieu, La distinction, ibid.)<br />
ou<br />
« Système <strong>de</strong> dispositions durables et transposables, structures structurées prédisposées à<br />
fonctionner comme structures structurantes, c’est à dire en tant que principes générateurs<br />
et organisateurs <strong>de</strong> pratiques et <strong>de</strong> représentations »<br />
(P.Bourdieu, Le sens pratique, Paris, Ed <strong>de</strong> minuit, 1980)<br />
POSITION<br />
(déterminant majeur <strong>de</strong> l’habitus)<br />
DISPOSITIONS<br />
(habitus)<br />
PRATIQUES<br />
(prises <strong>de</strong> positions, révèlent et sont<br />
déterminées largement par l’habitus )<br />
4
-les trav<strong>au</strong>x <strong>de</strong> P.Bourdieu montrent que « les dispositions à l’égard du corps, <strong>de</strong> la pratique<br />
sportive, sont cohérentes avec les dispositions à l’égard d’<strong>au</strong>tres pratiques culturelles ».<br />
(J.Defrance, Sociologie du sport, Paris, La découverte, 1995)<br />
2-Retour sur « l’espace <strong>de</strong>s sports » :<br />
-fig 1.<br />
-1 ère publication : C.Pociello, La force, l’énergie, la grâce et les réflexes, in C.Pociello (dir),<br />
Sport et société, Vigot, 1981.<br />
-Réactualisation : C.Pociello, les cultures sportive, PUF, 1995.<br />
-fig 2.<br />
3-Les pratiques révélatrices <strong>de</strong> la cohérence positiondispositions<br />
:<br />
3.1-Des conditions d’existence à la valorisation <strong>de</strong> la forme<br />
ou <strong>de</strong> la fonction :<br />
3.1.1-Constatations générales concernant le rapport positiondispositions<br />
:<br />
-le repas « bourgeois » « est tout un rapport à la nature animale, <strong>au</strong>x besoins primaires et <strong>au</strong> vulgaire<br />
(…), c’est une manière <strong>de</strong> nier la consommation dans sa signification et sa fonction primaires,<br />
essentiellement communes, en faisant du repas une cérémonie sociale, une affirmation <strong>de</strong> tenue<br />
éthique et <strong>de</strong> raffinement esthétique »<br />
(P.Bourdieu, La distinction…)<br />
« Culture <strong>de</strong>venue nature, c’est à dire incorporée, classe faite corps, le goût contribue à faire le corps<br />
<strong>de</strong> classe »<br />
(P.Bourdieu, ibid.)<br />
-fig 3.<br />
« Tout se passe comme si l’ « esthétique populaire » était fondée sur l’affirmation <strong>de</strong> la continuité <strong>de</strong><br />
l’art et <strong>de</strong> la vie, qui implique la subordination <strong>de</strong> la forme à la fonction »<br />
(P.Bourdieu, ibid.)<br />
-L’opposition force/forme dans les pratiques liées <strong>au</strong> corps : L.Boltanski, Les usages soci<strong>au</strong>x du corps,<br />
rev. Les annales, 1971.<br />
5
3.1.2-Le sport en cohérence avec les <strong>au</strong>tres pratiques culturelles :<br />
-L’opposition forme/fonction dans les sports <strong>de</strong> combat : J.P.Clément, La force, la souplesse et<br />
l’harmonie, étu<strong>de</strong> comparée <strong>de</strong> trois sports <strong>de</strong> combat : lutte – judo – aïkido, in C.Pociello (dir), Sport<br />
et société, ibd.<br />
« Le jour où le cavalier prendra son cheval sur le dos, alors ce sera du sport »<br />
(altérophile cité par C.Pociello, sport et société, ibid.)<br />
3.1.3-Mais pourquoi cette relation position-dispositions ?<br />
« La distance <strong>au</strong> mon<strong>de</strong> (dont la « distance <strong>au</strong> rôle » mise <strong>au</strong> jour par Goffman est une dimension<br />
particulière) (…) est le principe <strong>de</strong> l’expérience bourgeoise du mon<strong>de</strong> »<br />
(P.Bourdieu, La distinction, ibid.)<br />
3.2-Culture du public et culture du privée :<br />
3.2.1-Constatations générales concernant le rapport positiondispositions<br />
:<br />
-fig 4.<br />
3.2.2-Le sport en cohérence avec les <strong>au</strong>tres pratiques culturelles :<br />
3.2.3-Mais pourquoi cette relation position-dispositions ?<br />
3.2.3.a-Une culture du public plus féminine ?<br />
3.3-Importance <strong>de</strong> la trajectoire sociale dans la classe<br />
moyenne :<br />
-fig 5.<br />
3.3.1-L’effet du désir <strong>de</strong> mouvement :<br />
3.3.2-L’effet du mouvement :<br />
6
4-La place <strong>de</strong> la culture dans les rapports <strong>de</strong><br />
domination :<br />
4.1-La domination par la « naturalisation » <strong>de</strong> la culture :<br />
« La négation <strong>de</strong> la jouissance inférieure, grossière, vulgaire, vénale, servile, en un mot naturelle, qui<br />
constitue comme tel le sacré culturel, enferme l’affirmation <strong>de</strong> la supériorité <strong>de</strong> ceux qui savent se<br />
satisfaire <strong>de</strong>s plaisirs sublimés, raffinés, désintéressés, gratuits, distingués, à jamais interdits <strong>au</strong>x<br />
simples profanes. C’est ce qui fait que l’art et la consommation artistique sont prédisposés à remplir,<br />
qu’on le veuille ou non, qu’on le sache ou non, une fonction sociale <strong>de</strong> légitimation <strong>de</strong>s différences<br />
sociales ».<br />
(P.Bourdieu, La distinction, ibid.)<br />
4.2-Domination par la culture, la place <strong>de</strong> la violence<br />
symbolique :<br />
« le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître, s’il ne transforme pas sa force en<br />
droit et l’obéissance en <strong>de</strong>voir »<br />
(J.J.Rousse<strong>au</strong>, Du contrat social)<br />
-Violence symbolique : « violence douce, invisible, méconnue comme telle, choisie <strong>au</strong>tant que subie »<br />
(P.Bourdieu, Le sens pratique, ibid.)<br />
« Les dominés appliquent les catégories construites du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s dominants <strong>au</strong>x<br />
relations <strong>de</strong> domination, les faisant ainsi apparaître comme naturelles »<br />
(P.Bourdieu, ibid)<br />
4.2.1-La critique radicale du sport, divergences et complémentarité :<br />
4.2.1.a-Tous sport est d’essence compétitive :<br />
-M.Caillat, Sport et civilisation ; histoire et critique d’un phénomène social <strong>de</strong> masse, l’Harmattan,<br />
1995)<br />
4.2.1.b-Cette essence, est le produit <strong>de</strong> la société capitaliste :<br />
« Le sport ne fait que transposer <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> <strong>de</strong> l’activité non directement productive (…) du loisir, du<br />
temps libre, la compétition sociale, mais sous une forme ludique et aliénée »<br />
(J.M.Brohm, Sociologie politique du sport, in Partisans, 1964)<br />
4.2.1.c-Le sport est d’essence bourgeoise :<br />
4.2.1.d-…et ai<strong>de</strong> à sa domination :<br />
« L’acceptation idéologique, politique, du sport, est une profon<strong>de</strong> capitulation <strong>de</strong>vant<br />
l’ordre bourgeois ».<br />
(P.Laguill<strong>au</strong>mie, Pour une critique fondamentale du sport, Partisans, 1968)<br />
7
« La constitution d’un champ <strong>de</strong>s pratiques sportives est solidaire <strong>de</strong> l’élaboration d’une philosophie<br />
du sport qui est une philosophie politique du sport. Dimension d’une philosophie aristocratique. »<br />
(P.Bourdieu, Comment peut-on être sportif ? Actes du 7 ème colloque <strong>de</strong> l’HISPA, 1978)<br />
4.3-La démocratisation ; corollaire <strong>de</strong> la domination :<br />
« Tout les groupes courent dans le même sens, vers les mêmes objectifs, ceux qui leurs sont désignés<br />
par le groupe occupant la première place dans la <strong>cours</strong>e »<br />
(P.Bourdieu, La distinction, ibid.)<br />
4.3.1-Des jeux <strong>au</strong>x sports, une dépossession du peuple ?<br />
« Le fair-play est la manière <strong>de</strong> jouer <strong>de</strong> ceux qui ne se laissent pas prendre <strong>au</strong> jeu <strong>au</strong> point d’oublier<br />
que c’est un jeu, <strong>de</strong> ceux qui savent maintenir la « distance <strong>au</strong> rôle », comme dit Goffman, impliquée<br />
dans tous les rôles promis <strong>au</strong>x futurs dirigeants »<br />
(P.Bourdieu, Comment peut-on être sportif ? ibid.)<br />
4.3.2-Le sport, un spectacle populaire…<br />
« Bref, le sport, qui est né <strong>de</strong>s jeux réellement populaires, c’est à dire produits par le peuple, revient<br />
<strong>au</strong> peuple, à la façon <strong>de</strong> la folk music, sous forme <strong>de</strong> spectacles produits pour le peuple »<br />
(P.Bourdieu, Comment peut-on…, ibid.)<br />
5-Conclusion :<br />
-Pour en savoir plus :<br />
-P.Bourdieu, La distinction, critique sociale du jugement, Paris, Ed <strong>de</strong> Minuit, 1979.(surtout<br />
les chapitres 3, 5, 6, 7)<br />
-P.Bourdieu, Le sens pratique, Paris, Ed <strong>de</strong> Minuit, 1980. (surtout le chapitre 3)<br />
-P.Bourdieu, Comment peut-on être sportif ? in Questions <strong>de</strong> <strong>sociologie</strong>, Paris, Ed <strong>de</strong><br />
Minuit, 1984.<br />
-C.Pociello, La force, l’énergie, la grâce et les réflexes, in Sport et société, Paris, Vigot,<br />
1981.<br />
-C.Pociello, Les cultures sportives, Paris, PUF, 1995.<br />
-C.Pociello, L’espace <strong>de</strong>s sports, in Sport et démocratie, Paris, Assemblée nationale, 1998.<br />
-J.P.Clément, La force, la souplesse et l’harmonie, étu<strong>de</strong> comparée <strong>de</strong> trois sports <strong>de</strong><br />
combat : lutte – judo – aïkido, in sport et société, ibid.<br />
-P.Mounier, Pierre Bourdieu, une introduction, Paris, Pocket, 2001.<br />
8
Sociologie – Licence 2002<br />
Chapitre 3<br />
Sport et genres<br />
1-Introduction :<br />
1.1-Les rapports hommes/femmes, <strong>de</strong>s rapports <strong>de</strong><br />
classes ?<br />
« Vieux débat que celui <strong>de</strong> l’opposition entre nature et culture »<br />
(R.Thomas, avant-propos à Le sport et la femme : du mythe à la réalité, Carole A.Oglesby et call,<br />
Vigot, 1982 (ed initiale <strong>au</strong>x USA en 1978))<br />
« il n’est pas exagéré <strong>de</strong> comparer la masculinité à une noblesse »<br />
(P.Bourdieu, La domination masculine, Paris, Liber, 1998)<br />
1.2-Sport et genres : actualité, intérêt et nécessité :<br />
« S’interroger sur féminin/masculin et activités physiques et sportives relève, <strong>au</strong>jourd’hui comme hier,<br />
<strong>de</strong> l’actualité, <strong>de</strong> l’intérêt et <strong>de</strong> la nécessité »<br />
(Geneviève Fraisse (déléguée interministérielle <strong>au</strong> droit <strong>de</strong>s femmes), préface <strong>de</strong> Sport, école, société :<br />
la différence <strong>de</strong>s sexes, féminin, masculin et activités sportives, Annick Davisse et Catherine Louve<strong>au</strong>,<br />
L’Harmattan, Paris, 1998).<br />
« Fréquemment communes <strong>au</strong>x hommes et <strong>au</strong>x femmes <strong>au</strong>jourd’hui, la pratique physique n’en<br />
<strong>de</strong>meure pas moins le lieu d’expression <strong>de</strong> leurs différences (…) Des disciplines choisies <strong>au</strong>x façons<br />
<strong>de</strong> s’y adonner, il y a <strong>de</strong>s pratiques physiques « <strong>de</strong> femmes » (…) comme il y a <strong>de</strong>s pratiques physiques<br />
et sportives « d’hommes ». De là à dire que les pratiques sont sexués…il n’y a qu’un pas…que nous<br />
n’hésitons pas à franchir » (C.Louve<strong>au</strong>, in Sport, école, société, ibid)<br />
« Tous les sociologues estiment que le changement dans les relations entre les sexes est l’une <strong>de</strong>s<br />
questions les plus importantes <strong>de</strong> notre époque »<br />
(E.Dunning, Le sport, fief <strong>de</strong> la virilité, in Sport et civilisation, E.Dunning et N.Ellias, Fayard, Paris,<br />
1998)<br />
2-Du sexe <strong>au</strong> genre :<br />
« On ne naît pas femme, on le <strong>de</strong>vient »<br />
(Simone <strong>de</strong> Be<strong>au</strong>voir, le <strong>de</strong>uxième sexe, 1949).<br />
« Le processus <strong>de</strong> socialisation reste un moyen par lequel la société communique à un individu ce<br />
qu’elle attend <strong>de</strong> lui »<br />
(Susan L.Greendorfer, Sport et socialisation, in Sport et femme, C.Oglesby, ibid)<br />
9
2.1-Les origines culturelles <strong>de</strong> la « nature » féminine :<br />
« Il y a un principe bon qui a créé l’ordre, la lumière et l’homme et un principe m<strong>au</strong>vais qui a créé le<br />
chaos, les ténèbres et la femme »<br />
(Pythagore, cité in Le <strong>de</strong>uxième sexe, S. <strong>de</strong> Be<strong>au</strong>voir, 1949)<br />
« Les différences visibles entre les organes sexuels masculins et féminins sont une construction sociale<br />
qui trouve son principe dans les principes <strong>de</strong> la raison androcentrique, elle même fondée dans la<br />
division <strong>de</strong>s statuts soci<strong>au</strong>x assignés à l’homme et à la femme » (P.Bourdieu, La domination<br />
masculine, Liber, Paris, 1998)<br />
« L’homme est à la tête <strong>de</strong> la femme, comme le christ est à la tête <strong>de</strong> l’Eglise »<br />
(Pape Léon XIII, cité in G.Duby et M.Perrot, Histoire <strong>de</strong>s femmes, 1991)<br />
« La femme est <strong>de</strong>stinée à plaire à l’homme. Si on la prépare à séduire et à se soumettre, elle se<br />
rendra agréable à l’homme <strong>au</strong> lieu <strong>de</strong> provoquer sa colère ; sa force rési<strong>de</strong> dans ses charmes »<br />
(J.J.Rousse<strong>au</strong>, cité par Betty Spears, Le mythe, in Le sport et la femme, C.Oglesby, ibid)<br />
« Si la femme est faible par sa constitution même, la nature a donc voulu la rendre soumise et<br />
dépendante dans l’union sexuelle ; elle est donc née pour la douceur, la tendresse, et même pour la<br />
patiente, la docilité ; elle doit donc supporter sans murmurer le joug <strong>de</strong> la contrainte, pour maintenir<br />
la concor<strong>de</strong> dans la famille par sa soumission et par son exemple »<br />
(Dr Virey, Dictionnaire <strong>de</strong>s sciences médicales, 1801, cité par Yvonne Knibiehler, Les mé<strong>de</strong>cins et la<br />
« nature féminine » <strong>au</strong> temps du co<strong>de</strong> civil, annales ESC n°4, juillet-août 1976)<br />
« La femme est à l’homme ce que l’Africain est à l’Européen et le singe à l’humain »<br />
(P<strong>au</strong>l Topinard, anthropologue, 1873),<br />
« Etre féminine, c’est se montrer impotente, futile, passive, docile »<br />
(S. <strong>de</strong> Be<strong>au</strong>voir, Le <strong>de</strong>uxième sexe, 1949)<br />
« L’i<strong>de</strong>ntité masculine est associée <strong>au</strong> fait <strong>de</strong> possé<strong>de</strong>r, prendre, pénétrer, dominer et<br />
s’affirmer, si nécessaire par la force. L’i<strong>de</strong>ntité féminine, <strong>au</strong> fait d’être possédée, docile,<br />
passive, soumise »<br />
(E.Badinter, XY, <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité masculine, odile jacob, 1992)<br />
« Le premier <strong>de</strong>voir pour un homme est : ne pas être une femme »<br />
(R.Stoller, Masculin ou féminin, PUF, 1989)<br />
« la force particulière <strong>de</strong> la sociodicée masculine lui vient <strong>de</strong> ce qu’elle cumule et con<strong>de</strong>nse<br />
<strong>de</strong>ux opérations : elle légitime une relation <strong>de</strong> domination en l’inscrivant dans une nature<br />
biologique qui est elle-même une construction sociale naturalisée »<br />
(P.Bourdieu, La domination masculine, Liber, Paris, 1998)<br />
10
3-Les <strong>de</strong>ux âges du féminisme…et du sport féminin :<br />
3.1-De la fin du 19 ème<br />
féminisme :<br />
<strong>au</strong>x années folles, premier âge du sport et du<br />
« De par son anatomie spéciale, la femme est incapable <strong>de</strong>s efforts que comporte tout sport (…) Il<br />
semble oiseux d’insister sur ce point qu’un sport n’est point un jeu <strong>de</strong> femme »<br />
(Dr Héricourt, La femme dans le sport mo<strong>de</strong>rne, in La revue <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux mon<strong>de</strong>s, 1900)<br />
-1903, mouvement <strong>de</strong>s suffragettes en Angleterre<br />
-1906, création à Lyon <strong>de</strong> la société féminine <strong>de</strong> natation « l’ondine », avec comme <strong>de</strong>vise<br />
« l’émancipation féminine »<br />
-1912, création du club « fémina sport »<br />
-1920, droit <strong>de</strong> se syndiquer sans l’<strong>au</strong>torisation <strong>de</strong> son mari.<br />
-1924, alignement <strong>de</strong> la scolarité et <strong>de</strong>s diplômes par E.Herriot.<br />
-1921, 70 associations sportives féminines, env 5000 licenciées.<br />
-1922, premier jeux mondi<strong>au</strong>x féminins<br />
-1928, première participation officielle <strong>au</strong>x JO<br />
« Une femme n’a pas moins besoin d’activité qu’un homme (…) elle doit être en bonne santé et<br />
vigoureuse. C’est une exigence <strong>de</strong> la maternité. (…) La femme n’est point construite pour lutter mais<br />
pour procréer »<br />
(Dr M<strong>au</strong>rice Boigey, Manuel scientifique d’EP, 1922)<br />
3.2-Des années 30 <strong>au</strong> début <strong>de</strong>s années 60, mer calme ou creux <strong>de</strong> la<br />
vague ?<br />
« La querelle du féminisme a fait couler be<strong>au</strong>coup d’encre, à présent elle est à peut près close : n’en<br />
parlons plus »<br />
(S. <strong>de</strong> Be<strong>au</strong>voir, Le <strong>de</strong>uxième sexe, 1949)<br />
-1938, la femme n’est plus tenue <strong>au</strong> <strong>de</strong>voir d’obéissance à son mari.<br />
-1944, droit <strong>de</strong> vote et éligibilité.<br />
« Le but <strong>de</strong> l’exercice physique chez la femme est <strong>de</strong> la mettre à même <strong>de</strong> franchir plus aisément<br />
l’épreuve <strong>de</strong> la maternité. Nous voulons former <strong>de</strong>s femmes saines qui nous garantissent une postérité<br />
robuste »<br />
(Dr Friedrich, Le corps et le sport : les bases biologiques <strong>de</strong> l’EP, Paris, 1954)<br />
3.3-Des années 60 <strong>au</strong>x années 80 : <strong>de</strong>uxième âge du sport féminin et<br />
du féminisme :<br />
-1959, Loi Berthoin qui <strong>au</strong>torise la mixité (elle sera rendue obligatoire en 69)<br />
-1966, droit d’accé<strong>de</strong>r à une activité professionnelle sans l’<strong>au</strong>torisation <strong>de</strong> son mari.<br />
-1967, loi Neurwirth <strong>au</strong>torisant la contraception.<br />
-1974, création du Secrétariat d’état à la condition féminine avec Françoise Giroud<br />
-1975, Loi Weil IVG<br />
-1980, première femme académicienne<br />
11
-1981, première femme préfet.<br />
-1981, création du Ministère <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> femmes (Yvette Roudy)<br />
-1982, obtention du remboursement <strong>de</strong> l’IVG par la sécurité sociale<br />
-1983, égalité professionnelle<br />
4-Féminisme, domination masculine et sport ; essai<br />
d’état <strong>de</strong>s lieux :<br />
4.1-Quelques aspects actuels <strong>de</strong> la domination masculine :<br />
4.1.1-Dans la sphère privée :<br />
-Temps moyen passé par jour <strong>au</strong>x trav<strong>au</strong>x ménagers en 2000 (Enquête INSEE) :<br />
Célibataires<br />
H : 2h13<br />
F : 2h48<br />
En couple<br />
H : 2h09<br />
F : 4h12<br />
En couple avec enfant(s)<br />
H : 1h30 F :6h40<br />
Temps consacré <strong>au</strong>x enfants<br />
H : 1h50<br />
F : 3h40<br />
-fig 1.<br />
4.1.2-Dans le mon<strong>de</strong> du travail :<br />
-%age d’infériorité du salaire féminin par rapport <strong>au</strong> salaire masculin dans l’Union<br />
Européenne :<br />
Danemark -11,9% France -23,4%<br />
Belgique -16,1% Italie -23,5%<br />
Finlan<strong>de</strong> -18,4% Espagne -26,3%<br />
Allemagne -23,1% Portugal -28,3%<br />
(issus <strong>de</strong> S.Bosio-valici & M.Zancarini-Fournel, Femmes et fières <strong>de</strong> l’être, Larousse, 2001)<br />
-fig 2.<br />
4.1.3-Dans le mon<strong>de</strong> politique :<br />
-Pourcentage <strong>de</strong> femmes dans les parlements en janvier 2000 :<br />
Suè<strong>de</strong> 47% Espagne 21,6%<br />
Danemark 37,4% Portugal 18,7%<br />
Finlan<strong>de</strong> 37% Roy<strong>au</strong>me Unie 18,4%<br />
Allemagne 30,9% Etats Unis 12%<br />
Belgique 23,3% Italie 11,1%<br />
Suisse 23% France 10,9%<br />
4.1.4-Autres réflexions…<br />
12
4.2-De la domination à la violence symbolique :<br />
« Plus j’étais traité comme une femme, plus je <strong>de</strong>venais femme. Je m’adaptais bon gré mal gré. Si<br />
j’étais censée être incapable <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s marches arrières ou d’ouvrir <strong>de</strong>s bouteilles, je sentais,<br />
étrangement, que je <strong>de</strong>venais incompétente. Si l’on pensait qu’une valise était trop lour<strong>de</strong> pour moi,<br />
inexplicablement, je la jugeais telle, moi <strong>au</strong>ssi »<br />
(J.Morris, Conundrum, New York, 1974)<br />
« Les filles incorporent, sous forme <strong>de</strong> schèmes <strong>de</strong> perception et d’appréciation<br />
difficilement accessibles à la conscience, les principes <strong>de</strong> la vision dominante qui les<br />
portent à trouver normal, ou même naturel, l’ordre social tel qu’il est et à <strong>de</strong>vancer en<br />
quelque sorte leur <strong>de</strong>stin, refusant les filières ou les carrières d’où elles sont en tous cas<br />
exclues, s’empressant vers celles <strong>au</strong>xquelles elles sont en tout cas <strong>de</strong>stinées. La constance<br />
<strong>de</strong> l’habitus qui en résulte est ainsi un <strong>de</strong>s facteurs les plus importants <strong>de</strong> la constance<br />
relative <strong>de</strong> la structure <strong>de</strong> la division sociale du travail »<br />
(P.Bourdieu, La domination… , ibid.)<br />
« Elles sont condamnées à donner à chaque instant les apparences d’un fon<strong>de</strong>ment naturel<br />
à l’i<strong>de</strong>ntité minorée qui leur est socialement assignée »<br />
(P.Bourdieu, ibid.)<br />
« Le bonheur d’être femme jusque dans la subordination a été chanté surtout par <strong>de</strong>s femmes, éprises<br />
jusqu’à la mystique <strong>de</strong> leur propre quiétu<strong>de</strong> »<br />
(Michelle Perrot, Préface <strong>de</strong> Un siècle…, ibid)<br />
« Le fait est que les hommes rencontrent chez leur compagne plus <strong>de</strong> complicité que l’oppresseur n’en<br />
trouve habituellement chez l’opprimé ; et ils s’en <strong>au</strong>torisent avec m<strong>au</strong>vaise foi pour déclarer qu’elle a<br />
voulu la <strong>de</strong>stinée qu’ils lui ont imposée »<br />
(S. <strong>de</strong> Be<strong>au</strong>voir, Le <strong>de</strong>uxième sexe, 1949)<br />
-« Où se sent-on plus en sécurité qu’<strong>au</strong> bout d’un laisse ? »<br />
(Françoise Giroud, cité par C.Bard, Le triomphe du familialisme, in Un siècle, ibid)<br />
-Michel Bozon, Les femmes et l’écart d’âge entre conjoints : une domination consentie, 1990<br />
13
4.3-Un sport à l’image <strong>de</strong> la société :<br />
4.3.1-Sport et travail, la part <strong>de</strong>s femmes :<br />
Classement <strong>de</strong>s fédérations sportives olympiques ayant le plus grand nombre <strong>de</strong> licences femmes<br />
1963 1970 1980 1990<br />
Nombre <strong>de</strong> fédérations olympiques 22 22 25 27<br />
Ski 1- 110.219 1- 232.642 2- 237.123 2- 223.889<br />
Sports équestres 2- 26.819 3- 42.640 4- 75.802 4- 111.925<br />
Gymnastique 3- 21.907 4- 41.763 6- 66.126 6- 78.000<br />
Basket-ball 4- 21.712 2- 46.382 3- 147.131 3- 157.594<br />
Natation 5- 13.909 5- 27.867 8- 40.397 7- 68.150<br />
Athlétisme 6- 7.185 6- 21.829 9- 32.951 10- 40.262<br />
Voile 7- 3.863 8- 15.077 11-<br />
Volley-ball 8- 3.350 9- 8.818 10- 25.765 9- 48.038<br />
Judo 9- 3.000 7- 20.100 5- 66.339 5- 91.103<br />
Hand-ball 10 -2.514 10- 8.555 7- 48.121 8- 60.933<br />
Tennis N.O N.O 1- 304.158 1- 456.881<br />
Total <strong>de</strong>s 10 premières fédés 214.478 465.673 1.043.913 1.336.775<br />
Total général licences f S.O 220.630 478.554 1.131.619 1.398.782<br />
Total général licences f tt fédés 665.622 1.192.533 2.927.644 3.177.915<br />
%age 10 premières fédé S.O/tot S.O 97,21 97,30 92,25 95,57<br />
%age 5 premières fédé S.O/tot S.O 88,19 81,77 73,40 74,45<br />
(Chiffres issus <strong>de</strong> P.Arn<strong>au</strong>d, Le genre ou le sexe ?…,ibid)<br />
4.3.2-La phallocratie sportive :<br />
4.3.3- Le rôle <strong>de</strong>s médias :<br />
« Soumises par le regard <strong>de</strong>s hommes, les sportives sont j<strong>au</strong>gées à l’<strong>au</strong>ne <strong>de</strong> leur féminité <strong>au</strong>tant<br />
qu’elles sont évaluées en fonction <strong>de</strong> leurs résultats »<br />
(F.Baillette et F.Liotard, Construction <strong>de</strong> la domination sportive, in Sport et virilisme, Quasimodo et<br />
Fils, Montpellier, 1999)<br />
4.3.4-Un milieu particulièrement sexiste :<br />
4.3.5-Le sport, un refuge pour mâles en crise ?<br />
-Anne Saouter, La maman et la putain. Les hommes, les femmes et le rugby, Terrain n°25, 1995.<br />
« Le sport –pratiqué, regardé, discouru- est et <strong>de</strong>meure fondamentalement constitutif <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité<br />
virile »<br />
(C.Louve<strong>au</strong>, ibid)<br />
14
4.4-Le sport, élément <strong>de</strong> la violence symbolique subie par<br />
les femmes :<br />
« Nous nommons virilisme cette idéologie <strong>de</strong> la virilité, entendue comme le caractère <strong>de</strong> ce<br />
qui –dans le masculin- établit, accrédite, propage et renforce l’idée d’une supériorité <strong>de</strong>s<br />
hommes sur les femmes. Ce caractère se fon<strong>de</strong> sur la croyance en une différence <strong>de</strong> nature<br />
entre les <strong>de</strong>ux sexes et sélectionne les éléments propres à alimenter la hiérarchie<br />
homme/femme »<br />
(F.Baillette et F.Liotard, introduction, Sport et virilisme, ibid)<br />
« le propre d’une idéologie dominante, c’est qu’elle n’est même plus i<strong>de</strong>ntifiée. Elle s’impose dans sa<br />
lumineuse évi<strong>de</strong>nce »<br />
(Françoise Théb<strong>au</strong>d et C.Bard, Les effets antiféministes <strong>de</strong> la Gran<strong>de</strong> Guerre, in Un siècle…, ibid)<br />
« Les valeurs sur lesquelles repose ce sport (compétition) sont celles-là mêmes qui contribuent à<br />
perpétuer l’exploitation, l’oppression et l’aliénation <strong>de</strong> la femme : compétition, ren<strong>de</strong>ment, sélection,<br />
hiérarchie, sexisme, virilité exacerbée, culte du muscle et <strong>de</strong> la réussite, etc. Ce n’est pas par le sport<br />
<strong>de</strong> compétition que les femmes pourront s’émanciper, mais par la lutte pour un <strong>au</strong>tre statut dans la<br />
société »<br />
(Quel corps ? Quelques réflexions sur le sport féminin, in Quel corps ? n°12/13, janvier 1979)<br />
4.5-Le sport, une émancipation conservatrice ?<br />
4.5.1-Le sport féminin, expression <strong>de</strong> la situation <strong>de</strong> domination :<br />
4.5.2-Etre sportive et féministe : une contradiction ?<br />
« Le sport reste la seule occupation humaine où les femmes acceptent le principe qu’elles sont<br />
inférieures à l’homme et incapable <strong>de</strong> concourir avec lui »<br />
(Jean Girodoux, Le sport, Grasset, 1928)<br />
« l’EP et le sport dotent les fillettes et les jeunes filles d’une santé et d’une force qui, sans nuire à leur<br />
grâce naturelle, les ren<strong>de</strong>nt plus aptes à remplir dans l’avenir le <strong>de</strong>voir social qu’on attend d’elles »<br />
(A.Milliat cité par P.Arn<strong>au</strong>d in Le militaire, l’écolier, le gymnaste, 1986)<br />
« n’oublie jamais ta mission <strong>de</strong> femme. Tu aimes le sta<strong>de</strong>, préfère-lui la maison » (M.T.Eyquem,<br />
reprenant les consignes <strong>de</strong>s sportives catholiques, La femme et le sport, 1944)<br />
« Soyez cyclotouristes tant que vous voudrez, mais ne <strong>de</strong>venez jamais cyclistes. On a vu en France, <strong>de</strong>s<br />
femmes se pencher sur <strong>de</strong>s vélos <strong>de</strong> <strong>cours</strong>e, casque en tête, et pédaler aveuglément contre la montre<br />
ou sur <strong>de</strong>s distances trop longues. Les femmes sont résistantes, certes, mais le démon <strong>de</strong> la<br />
compétition en <strong>de</strong>s épreuves <strong>de</strong> ce genre, leur fait outrepasser leurs forces. La bave à la bouche, à<br />
l’arrivée, elles s’effondraient. Folie ! »<br />
(M.T.Eyquem, le femme et le sport, 1944)<br />
« Si les revendications féministes couvrent un champ extrêmement vaste et diversifié, elles occultent<br />
totalement le sport ».<br />
(P.Arn<strong>au</strong>d, Le genre ou le sexe ?…, ibid)<br />
« Il y a peu <strong>de</strong> féministes militantes parmi les sportives ; <strong>de</strong> même n’y a-t-il guère d’allégations <strong>au</strong><br />
sport dans les actions et mouvements féministes »<br />
(C.Louve<strong>au</strong>, in C.Louve<strong>au</strong> et A.Davisse, ibid)<br />
15
« La femme-athlète est une anomalie sociale (…) Pour accentuer sa féminité elle peut se vêtir <strong>de</strong> façon<br />
adéquate, ne pas prendre le sport <strong>au</strong> sérieux, rechercher ce qu’on appelle <strong>de</strong>s disciplines sportives<br />
plus acceptables, ou encore réaffirmer les valeurs féminines <strong>de</strong> la société. De tous temps, la sportive<br />
s’est efforcée <strong>de</strong> se conformer <strong>au</strong>x caractéristiques féminines désirables »<br />
(Patricia Del Rey, L’apologie <strong>de</strong> la sportive, in Sport et femme, C.Oglesby, ibid)<br />
4.6-Etre performante et rester femme, l’impossible<br />
performance ?<br />
« Les femmes ont sans doute prouvé qu’elles étaient à la h<strong>au</strong>teur <strong>de</strong> presque tous les exploits dont les<br />
hommes sont coutumiers, mais elles n’ont pas réussi à établir qu’en ce faisant, elles soient <strong>de</strong>meurées<br />
fidèles <strong>au</strong>x conditions nécessaires <strong>de</strong> leur existence et dociles <strong>au</strong>x prescriptions <strong>de</strong> la nature »<br />
(P.De Coubertin, l’Education <strong>de</strong>s jeunes filles, in revue Olympique, 1902)<br />
4.6.1-Les obstacles dans l’accès à l’élite :<br />
5-Sports masculins et sports féminins ; quelques<br />
constats :<br />
5.1-Des sports « féminins » et <strong>de</strong>s sports « masculins » :<br />
Sports largement<br />
féminisées et qui ont <strong>de</strong><br />
longue date été investies<br />
par les femmes<br />
-Gymnastique<br />
sportive et d’entretien<br />
-Danse<br />
-GRS<br />
-Sports équestres<br />
-Aérobic<br />
…<br />
Sports moyennement<br />
féminisés<br />
-Sports <strong>de</strong> glace<br />
-Ski<br />
-Natation<br />
-Golf<br />
-Tennis<br />
-Basket ball<br />
-Volley ball<br />
-Hand ball<br />
-Athlétisme<br />
…<br />
Sports peu féminisés<br />
dans lesquels les<br />
effectifs féminins ont<br />
progressés<br />
-Aviron<br />
-Voile<br />
-Canoë-Kayak<br />
-Ski n<strong>au</strong>tique<br />
-Tir à l’arc<br />
-Judo<br />
…<br />
Sports dit <strong>de</strong> « tradition<br />
masculine »<br />
-Pratiques à forte<br />
implantation<br />
régionale (pelote<br />
Basque, joutes…)<br />
-Football<br />
-Rugby<br />
-Cyclisme<br />
-Boxe<br />
-Lutte<br />
-Haltérophilie<br />
-Sports mécaniques<br />
-Surf<br />
…<br />
5.2-La place <strong>de</strong>s représentations :<br />
-fig 3.<br />
16
5.3-l’Effet <strong>de</strong> l’âge :<br />
-part <strong>de</strong>s filles dans les fédérations sportives scolaires et universitaires :<br />
USEP UNSS FNSU<br />
48% 43% 23%<br />
5.4-l’Effet <strong>de</strong> la classe :<br />
-t<strong>au</strong>x <strong>de</strong> pratique en fonction <strong>de</strong> la CSP :<br />
Cadres et professions<br />
ouvrières<br />
Agricultrices<br />
intellectuelles<br />
90% 57% 49%<br />
-t<strong>au</strong>x <strong>de</strong> pratique en fonction du capital économique :<br />
Gagne plus <strong>de</strong> 10.000f/mois<br />
Gagne moins <strong>de</strong> 4.000f/mois<br />
78% 52%<br />
-t<strong>au</strong>x <strong>de</strong> pratique en fonction du nive<strong>au</strong> d’étu<strong>de</strong> :<br />
Bac+2 et plus<br />
CAP et moins<br />
90% 53%<br />
-t<strong>au</strong>x <strong>de</strong> pratique en fonction du lieu <strong>de</strong> vie :<br />
Paris<br />
Agglomérations <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> 2000 hab.<br />
82% 65%<br />
-t<strong>au</strong>x <strong>de</strong> pratique en fonction du nombre d’enfants :<br />
Pas d’enfant<br />
4 enfants ou plus<br />
79% 55%<br />
« Dès lors que l’on s’<strong>au</strong>torise à sortir <strong>de</strong> chez soi pour exercer un métier, il reste vraisemblablement<br />
moins <strong>de</strong> chemin à parcourir pour s’<strong>au</strong>toriser à sortir <strong>de</strong> chez soi pour les loisirs »<br />
(C.Louve<strong>au</strong>, ibid)<br />
6-Les logiques <strong>de</strong> différenciations hommes/femmes :<br />
6.1-Intérieur/extérieur<br />
6.2-être/paraître<br />
« La domination masculine, qui constitue les femmes en objets symboliques, dont l’être est<br />
un être-perçu, a pour effet <strong>de</strong> les placer dans un état permanent d’insécurité corporelle ou,<br />
mieux, <strong>de</strong> dépendance symbolique : elles existent d’abord par et pour le regard <strong>de</strong>s <strong>au</strong>tres »<br />
(P.Bourdieu, La domination…, ibid)<br />
« Une olympia<strong>de</strong> femelle est impensable : elle est impraticable, inesthétique et incorrecte »<br />
« Si les femmes sont soigneusement dégagés <strong>de</strong> l’élément spectacle, il n’y a <strong>au</strong>cune raisons <strong>de</strong> les<br />
proscrire »<br />
(P.De Coubertin, Pédagogie sportive, 1922)<br />
17
« Mag Vincelot dit dans son lire « Sois belle » que la femme a le <strong>de</strong>voir d’être belle. Laissez-moi y<br />
ajouter le message <strong>de</strong>s <strong>au</strong>teurs : elle se doit en plus d’être sportive »<br />
(Prince Alexandre <strong>de</strong> Méro<strong>de</strong>, Vice prési<strong>de</strong>nt du CIO, préface <strong>de</strong> La femme et le sport en questions,<br />
Dr L.Broeckoert (comité olympique Belge) et Dr L.Baeyens, Acco, 1990)<br />
« D’une façon plus générale, pour un homme, « être en forme », c’est possé<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s qualités<br />
organiques invisibles ou cachées qui le prédisposent à l’action, tandis que pour une femme, « être en<br />
forme », c’est <strong>au</strong> sens étymologique, (re)trouver la be<strong>au</strong>té corporelle telle qu’elle est définie par les<br />
canons en vigueur dans la classe dominante »<br />
(C.Louve<strong>au</strong>, La forme, pas les formes ! Simulacres et équivoques dans les pratiques physiques<br />
féminines, in Sport et société, C.Pociello, Vigot, 1981)<br />
« C’est l’image qu’elle donne d’elle même qui fait la femme, comme c’est l’action qui fait<br />
l’homme »<br />
(P.Bourdieu, La domination masculine, Liber, Paris, 1998)<br />
6.3-L’axe fondamental : passivité/activité :<br />
« Être un homme implique un travail, un effort qui ne semble pas être exigé <strong>de</strong> la femme.<br />
(…) Devoir, preuves, épreuves, ces mots disent qu’il y a une véritable tâche à accomplir<br />
pour <strong>de</strong>venir un homme »<br />
(E.Badinter, XY <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité masculine, Odile Jacob, Paris, 1992)<br />
« Imprégné <strong>de</strong> féminin durant toute sa vie intra-utérine, puis i<strong>de</strong>ntifié à sa mère <strong>au</strong>ssitôt né, le petit<br />
mâle ne peut se développer qu’en <strong>de</strong>venant le contraire <strong>de</strong> ce qu’il est à l’origine »<br />
« L’homme viril incarne l’activité. (…) L’intériorisation <strong>de</strong>s normes <strong>de</strong> la masculinité exige un surplus<br />
<strong>de</strong> répression <strong>de</strong>s désirs passifs, notamment celui d’être materné »<br />
(E.Badinter, ibid.)<br />
« Etre un homme est la bataille sans fin <strong>de</strong> toute une vie »<br />
(N.Mailer, Prisonnier du sexe, Laffont, 1971)<br />
« Ce n’est pas la mère qui engendre ce qu’on appelle son enfant : elle n’est que la nourrice du germe<br />
versé dans son sein ; celui qui engendre, c’est le père. La femme comme un dépositaire étranger reçoit<br />
le germe et s’il plaît <strong>au</strong>x dieux elle le conserve »<br />
(Apollon, Les Euméni<strong>de</strong>s d’Eschyle, cité par S. <strong>de</strong> Be<strong>au</strong>voir, ibid.)<br />
« Elle ne fait pas vraiment l’enfant : il se fait en elle ; sa chair engendre seulement <strong>de</strong> la chair »<br />
(S. <strong>de</strong> Be<strong>au</strong>voir, Le <strong>de</strong>uxième sexe, 1949)<br />
6.4-Des motricités symboliques :<br />
6.5-Nature et culture toujours en débat :<br />
« la notion <strong>de</strong> conformité du jeu à un rôle sexuel est déjà intégré à 1 ans »<br />
(Susan Greendorfer, ibid)<br />
-fig 4.<br />
18
« Dans les collèges ou lycées, tandis que <strong>de</strong>s filles pratiquent le rugby ou la lutte, <strong>de</strong>s garçons du<br />
même âge ou plus jeunes sont initiés et souvent perfectionnés à la danse classique. Cette situation<br />
peut, à l’évi<strong>de</strong>nce, provoquer certains troubles psychologiques chez <strong>de</strong> jeunes adolescents encore à la<br />
recherche <strong>de</strong> leur véritable i<strong>de</strong>ntité<br />
(Q° écrites <strong>au</strong>x parlementaires <strong>de</strong> Mr Eric Raoult, JO du 28 janvier 1991, cité par A.Davisse, ibid)<br />
7-Conclusion :<br />
-Pour en savoir plus :<br />
-C.Louve<strong>au</strong> et A.Davisse, Sport, école, société : la différence <strong>de</strong>s sexes, Paris, l’Harmattan,<br />
1998.<br />
-F.Baillette et P.Liotard, Sport et virilisme, Montpellier, Quasimodo et fils, 1998.<br />
-P.Bourdieu, La domination masculine, Paris, Liber, 1998.<br />
-S. <strong>de</strong> Be<strong>au</strong>voir, Le <strong>de</strong>uxième sexe, 1949 (Ed Folio, 2001)<br />
-E.Badinter, XY, <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité masculine, Paris, Odile Jacob, 1992.<br />
-C.Bard (dir), Un siècle d’antiféminisme, Paris, Fayard, 1999.<br />
-P.Arn<strong>au</strong>d et T.Terret (dir), Histoire du sport féminin, Paris, l’Harmattan, 1996 (Tome 2 en priorité)<br />
-E.Dunning, Le sport, fief <strong>de</strong> la virilité, in Sport et civilisation, E.Dunning et N.Ellias, Fayard,<br />
Paris, 1998<br />
-Quel corps ? Quelques réflexions sur le sport féminin, in Quel corps ? n°12/13, janvier 1979<br />
(in J.P.Escriva et H.V<strong>au</strong>grand, L’opium sportif, la critique radicale du sport <strong>de</strong> l’extrême<br />
g<strong>au</strong>che à Quel corps ? Paris, l’Harmattan, 1996.)<br />
19
1-Introduction :<br />
Sociologie – Licence<br />
Chapitre n°4<br />
Sport et Cité :<br />
Désordre social ou nouvelle<br />
citoyenneté ?<br />
1.1-Jeunesse en difficulté et classe populaire :<br />
« La « banlieue », la cité, c’est le chômage, la chute sociale, la perte <strong>de</strong> repères soci<strong>au</strong>x et quand<br />
l’i<strong>de</strong>ntité ne peut plus se construire à partir d’un statut socio-économique, les individus se rabattent<br />
sur l’i<strong>de</strong>ntité spatiale, comme seule stratégie <strong>de</strong> survie dit-on »<br />
« la culture ouvrière reconnaissait une place et une fonction spécifique à la jeunesse dans la<br />
participation à la vie <strong>de</strong> la commun<strong>au</strong>té. Il existait donc une forme spécifique <strong>de</strong> citoyenneté attachée<br />
à un âge <strong>de</strong> la vie (…) Or ces pratiques n’existent plus »<br />
(P.Chantelat, M.Fondimbi, J.Camy, Sports <strong>de</strong> la cité, anthropologie <strong>de</strong> la jeunesse sportive, Paris,<br />
l’Harmattan, 1996)<br />
« La jeunesse, à l’instar <strong>de</strong> la population ouvrière du 19 ème siècle, est stigmatisée comme « classe<br />
dangereuse », porteuse <strong>de</strong> logiques déviantes, anomiques »<br />
(M.Clément, Sport et intégration, in J.M.Legras, M.Clément, Sport et société, tome 1 CNFPT, 1993)<br />
1.2-Culte <strong>de</strong> l’individualisme et violence symbolique :<br />
-Les jeunes <strong>de</strong>s quartiers défavorisés ont « pour seule référence la réussite individuelle, dans un<br />
contexte dépourvu <strong>de</strong> valeurs hormis celles <strong>de</strong> l’argent et <strong>de</strong> la flambe »<br />
(P.Duret et M.Augustini, Sports <strong>de</strong> rue et insertion sociale, Paris, INSEP, 1993)<br />
« La crise a <strong>au</strong>ssi gagnée le mon<strong>de</strong> sportif, il ne subsiste plus que quelque grands clubs, la vie<br />
associative est désertée petit à petit par les jeunes <strong>au</strong> profit <strong>de</strong> pratiques consuméristes à court terme<br />
où seule la recherche du plaisir individuel prédomine »<br />
(J.P Gars et M.Diallo, intervenants DDJS et Mission locale à Boulogne, cités par D.Charrier, APS et<br />
insertion <strong>de</strong>s jeunes : enjeux éducatifs et pratiques institutionnelles, Paris, La documentation française,<br />
1997)<br />
« Etre exclu cela revient avant tout à être rejeté et à en avoir honte. La honte appartient à ces métasentiments<br />
supposant que l’exclu accepte sa stigmatisation et le jugement <strong>de</strong> la société. Il le reprend à<br />
son compte <strong>au</strong> point d’avoir du mépris pour lui-même »<br />
(P.Duret, in Table ron<strong>de</strong>, in C.Louve<strong>au</strong> et A.M.Waser (dir) Sport et cité, pratiques urbaines, spectacles<br />
sportifs, Université <strong>de</strong> Rouen, 1999)<br />
20
2-Sport, ville, citoyenneté, la nouvelle donne <strong>de</strong>s années<br />
80 :<br />
2.1-Le sport dans la rue :<br />
-Dans les années 80, le sportif <strong>de</strong> rue <strong>de</strong>vient un « exhibitionniste »<br />
(P.Chantelat, Usages sportifs <strong>de</strong> la ville, spirales n°5, 1992)<br />
2.2-Le rôle du politique :<br />
2.2.1-Réagir dans l’urgence, Les opérations « anti été ch<strong>au</strong>d » :<br />
2.2.2-Agir à long terme, les équipements <strong>de</strong> proximité « J Sport » :<br />
-Pratiques concernées par les équipements « J Sport » :<br />
Sports collectifs<br />
Terrains polyvalents<br />
Skate board<br />
Football<br />
Escala<strong>de</strong><br />
Sports <strong>de</strong> combat<br />
Basket ball<br />
Bicross<br />
Tennis <strong>de</strong> table<br />
Tennis et divers<br />
1991<br />
446 équipements<br />
56,5%<br />
11%<br />
13%<br />
7,5%<br />
6%<br />
2%<br />
2%<br />
2%<br />
1992<br />
1016 équipements<br />
27%<br />
32%<br />
10%<br />
8%<br />
6%<br />
4%<br />
3%<br />
2%<br />
2%<br />
6%<br />
2.2.3-Un bilan critique :<br />
-F.Chobe<strong>au</strong>x, L’occasion ratée <strong>de</strong>s « J Sports », aventure d’une intervention politique sur les espaces<br />
urbains, in Sport, relations sociales et actions collectives, 1993.<br />
« A quand les braquages et les prises d’otages pour obtenir un panne<strong>au</strong> <strong>de</strong> basket et une table pingpong<br />
en béton…C’est pas ça l’action sociale. On donne contre rien, à fond perdu. Après ça <strong>de</strong>vient un<br />
droit »<br />
(Educateur du quartier <strong>de</strong> l’Alma, Grenoble, cité par J.C.Basson, Sports <strong>de</strong> rue et politiques sportives<br />
territoriales, in C.Louve<strong>au</strong> et A.M.Waser, Sport et cité, ibid)<br />
« Tout semble se passer comme si les acteurs publics regrettaient l’attentisme <strong>de</strong>s jeunes qui, <strong>de</strong> leur<br />
côté déplorent qu’on ne leur permette pas <strong>de</strong> prendre une part active à la mise en œuvre <strong>de</strong> la<br />
politique sportive »<br />
(J.C. Basson, ibid)<br />
-La politique menée par F.Bredin <strong>de</strong> 91 à 94 en direction <strong>de</strong>s quartiers « répondait à la nécessité<br />
d’inventer <strong>de</strong> nouvelles « mission » pour administration désormais en crise d’i<strong>de</strong>ntité et menacée <strong>de</strong><br />
démembrement »<br />
(L.Arn<strong>au</strong>d, La politique <strong>de</strong> la ville <strong>au</strong> se<strong>cours</strong> du ministère J&S (1983-1993) ?, in C.Vivier &<br />
J.F.Loudcher (dir), Le sport dans la ville, l’Harmattan, Paris, 1998)<br />
21
3-Les pratiques sportives <strong>de</strong> rue, « sport dans la ville ou<br />
sport <strong>de</strong> la ville » ?<br />
3.1-Quelques caractéristiques communes :<br />
3.1.1-Le sport <strong>de</strong> rue, un territoire masculin :<br />
Normalité accordée <strong>au</strong>x comportements par les « grands frères »<br />
n = 34<br />
Se promène seule<br />
Aille seule en boîte<br />
Aille seule faire les <strong>cours</strong>es<br />
Aille seule faire du sport<br />
Ait envie <strong>de</strong> faire du bodybuilding<br />
Ait envie <strong>de</strong> faire du full<br />
contact<br />
Prenne la pilule<br />
Rentre à l’heure qu’elle veut<br />
Aille <strong>au</strong> café<br />
Sorte avec plusieurs garçons<br />
à la fois<br />
Parte en camp <strong>de</strong> vacances<br />
seule<br />
Couche avec un garçon<br />
Porte une minijupe<br />
Vive avec un garçon<br />
En fonction du statut <strong>de</strong> la<br />
fille<br />
« Est-ce que tu trouve normal… »<br />
D’une fille en<br />
général<br />
82.4<br />
38.2<br />
76.5<br />
64.7<br />
23.5<br />
29.4<br />
67.6<br />
8.8<br />
23.5<br />
0<br />
52.9<br />
47.1<br />
79.4<br />
20.6<br />
D’une sœur<br />
67.6<br />
23.5<br />
61.8<br />
61.8<br />
14.7<br />
20.6<br />
44.1<br />
8.8<br />
2.9<br />
0<br />
20.6<br />
20.6<br />
61.8<br />
5.9<br />
En fonction <strong>de</strong> l’âge du grand<br />
frère<br />
« Est-ce que tu trouve normal qu’une<br />
fille en général… »<br />
Grands frères <strong>de</strong> Grands frères <strong>de</strong> 18<br />
15 à 17 ans (n=20) à 19 ans (n = 14)<br />
70<br />
100<br />
15<br />
71.4<br />
65<br />
92.8<br />
55<br />
78.5<br />
10<br />
25<br />
60<br />
0<br />
10<br />
0<br />
40<br />
35<br />
70<br />
10<br />
42.8<br />
42.8<br />
78.5<br />
21.4<br />
42.8<br />
0<br />
71.4<br />
64.2<br />
92.8<br />
35.7<br />
-Table<strong>au</strong>x issus <strong>de</strong> P.Duret & M.Augustini, Sports <strong>de</strong> rue et insertion sociale, ibid.<br />
3.1.2-Individualisme dans le sport comme dans la vie :<br />
« La valorisation <strong>de</strong> l’exploit technique et du fait individuel sont <strong>de</strong>ux caractéristiques <strong>de</strong>s<br />
pratiques <strong>au</strong>to-organisées » « l’excellence sportive est pour ces jeunes l’exploit individuel »<br />
(P.Chantelat, M.Fodimbi, J.Camy, ibid)<br />
« le skate <strong>de</strong>meure très marqué du sce<strong>au</strong> <strong>de</strong> l’individualisme. Le skater dit <strong>de</strong> sa pratique ce que le<br />
basketteur <strong>de</strong> rue dit <strong>de</strong> la sienne : « on skate d’abord pour soi » »<br />
(Michel Fize, Le skate-board : nouvelle forme <strong>de</strong> sociabilité sportive d’adolescents en milieu urbain,<br />
in Sport, relations sociales et actions collectives, 1993)<br />
« Le gain symbolique est d’<strong>au</strong>tant plus grand que l’action est spectaculaire »<br />
(G.Vieille-Marchiset, Culture et sociabilité sportive <strong>de</strong>s basketteurs <strong>de</strong> rue : entre liberté et dissi<strong>de</strong>nce,<br />
in C.Vivier et J.F.Loudcher, le sport dans la ville, Paris, l’harmattan, 1998).<br />
22
3.2-Pratique <strong>de</strong> rue emblématique, le Basket :<br />
-Table<strong>au</strong> résumé <strong>de</strong>s oppositions entre BB <strong>de</strong> rue et BB fédéral, G.Vieille-Marchiset, ibid :<br />
Basket <strong>de</strong> rue<br />
Vigoureux-virulent-parfois brutal<br />
Libre<br />
Autonome<br />
Apprentissage par imitation<br />
Création<br />
Spontané<br />
Sociabilité <strong>de</strong> proximité<br />
Instinctif<br />
Hors temps, temps ludique<br />
Espace labile, changeant<br />
Spectaculaire<br />
Provocation, défi<br />
Basket fédéral<br />
Discipliné<br />
Coercitif<br />
Dépendant (entraîneur, arbitre)<br />
Apprentissage par application<br />
Rigueur<br />
Construit<br />
Sociabilité associative<br />
Académique<br />
Quadrillage du temps<br />
Espace très structuré<br />
Efficace et « direct »<br />
Coopération-organisation<br />
-Table<strong>au</strong> comparatif du BB <strong>de</strong> rue et du BB <strong>de</strong> compétition traditionnel, P.Duret et<br />
M.Augustini, ibid :<br />
Compétition traditionnelle Sport <strong>de</strong> rue<br />
Temps quotidien En rupture En continuité<br />
Temps <strong>de</strong> préparation Entraînement (horaires et Pas d’entraînement<br />
fréquences fixes)<br />
Règlement standardisé Négociable<br />
organisation<br />
Par championnat, hiérarchisation<br />
<strong>de</strong>s épreuve<br />
Par défi,<br />
Non hiérarchisation <strong>de</strong>s<br />
épreuves<br />
Diffusion <strong>de</strong>s résultats Presse, télé Rumeur<br />
Temporalité sur l’année calendrier Au coup par coup<br />
3.3-Foot pied d’immeuble et basket <strong>de</strong> rue, une logique<br />
commune :<br />
3.3.1-Le rapport à l’espace :<br />
-Contrairement à ce que pensent Chantelat, Fodimbi et Camy (ibid), A.Blondé écrit que « Le<br />
playground appartient à un quartier. (…) Ne viens pas sur le terrain <strong>de</strong> Basket qui veut ; il f<strong>au</strong>t<br />
habiter le quartier, vivre dans le périmètre, appartenir en somme à la commun<strong>au</strong>té <strong>de</strong> l’endroit »<br />
(A.Blondé, le Basket en liberté, rev EPS n°242, juillet-août 1993)<br />
23
3.3.2-Le rapport <strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres :<br />
« l’appartenance à telle ou telle minorité ethnique n’est pas revendiquée, elle ne constitue pas un<br />
principe fondateur ou organisateur <strong>de</strong> ce type <strong>de</strong> pratique sportive »<br />
« Les groupes <strong>de</strong> jeunes sportifs apparaissent sans espaces <strong>de</strong> références fixes, qu’il s’agisse <strong>de</strong><br />
l’unité spatiale du quartier ou <strong>de</strong> l’unité ethnique. Ils surfent sur la territorialité mais ne s’y arrêtent<br />
pas. Ils sont d’un quartier, d’une ville, d’une ethnie, d’une classe d’âge…mais <strong>au</strong>cun <strong>de</strong> ces éléments<br />
ne constitue un point d’ancrage fort pour la construction <strong>de</strong> leur i<strong>de</strong>ntité »<br />
(P.Chantelat, M.Fodimbi, J.Camy, ibid)<br />
-Comparaison sport pied d’immeuble, « H<strong>au</strong>t lieu » et club, P.Chantelat et call, ibid :<br />
Rapport à l’espace<br />
Rapport <strong>au</strong> temps<br />
Rapport à l’<strong>au</strong>tre<br />
Rapport <strong>au</strong> corps,<br />
excellence sportive<br />
Pied d’immeuble H<strong>au</strong>t lieu Club<br />
Déplacement dans la Déplacement central Déplacements sur <strong>de</strong>s<br />
ville<br />
qui donne sens à la lieux standardisés et<br />
Espaces<br />
pratique<br />
interchangeables<br />
interchangeables Espaces non<br />
Circulaire-Détente<br />
semaine<br />
Sociabilité<br />
commun<strong>au</strong>taire et<br />
sociétaire<br />
Duel<br />
Egalité <strong>de</strong>s chances<br />
<strong>de</strong> participer et <strong>de</strong><br />
gagner<br />
Virtuosité<br />
Esthétique<br />
plaisir<br />
interchangeables<br />
Circulaire-linéaire<br />
Détente-progrès<br />
Extraordinaire, weekend<br />
Sociabilité urbaine<br />
Duel<br />
Egalité <strong>de</strong>s chances<br />
<strong>de</strong> participer et <strong>de</strong><br />
gagner<br />
Virtuosité<br />
Esthétique<br />
plaisir<br />
Rapport <strong>au</strong> sport ludique Ludique-sérieux Sérieux<br />
Linéaire-Progress<br />
Semaine, week-end<br />
Sociabilité « forcée »<br />
Collectif<br />
Inégalité <strong>de</strong>s chances<br />
<strong>de</strong> participer et <strong>de</strong><br />
gagner<br />
Efficacité<br />
Résultat<br />
Travail<br />
3.3.3-Des pratiques <strong>de</strong> la ville :<br />
« Les pratiques sportives <strong>au</strong>to-organisées se situent dans le registre <strong>de</strong>s sociabilités<br />
urbaines. La non appartenance à une ban<strong>de</strong>, la multifonctionnalité <strong>de</strong>s groupes, la non<br />
territorialisation <strong>de</strong>s pratiques sur l’espace du quartier ou <strong>de</strong> la commun<strong>au</strong>té indiquent le<br />
caractère flui<strong>de</strong> et adaptatif caractéristique <strong>de</strong> la sociabilité urbaine »<br />
(M.Fodimbi, Villes et sociabilités sportives, in C.Louve<strong>au</strong> & A.M.Waser, ibid)<br />
24
3.3.4-Un retour vers les jeux traditionnels ?<br />
-Table<strong>au</strong> <strong>de</strong> B.During, Des jeux <strong>au</strong>x sports, Paris, Vigot, 1984.<br />
Jeux traditionnels<br />
Sports anglais<br />
Espace<br />
Lieu <strong>de</strong> vie, peu ou pas Surtout en ville, terrains, précis,<br />
définis.<br />
mesuré<br />
Temps<br />
Calendrier <strong>de</strong>s fêtes ou Calendrier spécifique, fédéral<br />
événements (mariage…)<br />
Pas <strong>de</strong> mesure du temps Chronométrage, record<br />
Joueurs/public Classe d’age, groupes Catégories d’age, <strong>de</strong> nive<strong>au</strong>x,<br />
soci<strong>au</strong>x, ensemble <strong>de</strong> la spécifique <strong>au</strong> sport.<br />
pop.<br />
Public = participants<br />
Public = participants<br />
Règles Souples, locales Précises, institution, universelles<br />
Techniques Non spécifiques Spécifiques<br />
Apprentissage Néant Entraînement, aspect éducatif<br />
Violence<br />
Risques<br />
Très forte<br />
Importants<br />
Variable et réglementée(dosée)<br />
Bannis <strong>au</strong>tant que possible<br />
« Si le sportif du 19è siècle est un homme nouve<strong>au</strong> <strong>au</strong> sens où il naît contre le rituel et<br />
comme homme <strong>de</strong> projet, s’il est un ascète rationnel (Weber), le sportif urbain<br />
contemporain renoue en quelque sorte avec le jeu, le rituel, l’incertitu<strong>de</strong>, le non finalisé ».<br />
(Chantelat, Fodimbi, Camy, ibid)<br />
3.4-Skate-board et roller :<br />
-Eric Adamkiewicz, Nouvelles pratiques et sports <strong>au</strong>tonomes dans la ville. Création <strong>de</strong> nouve<strong>au</strong>x types<br />
<strong>de</strong> relations à l’urbain. L’exemple lyonnais, in C.Vivier & J.F.Loudcher, ibid.<br />
-Michel Fize, Le skate-board : nouvelle forme <strong>de</strong> sociabilité sportive d’adolescents en milieu urbain,<br />
in Sport, relations sociales et actions collectives, 1993.<br />
4-Sport et intégration, le sport pour la cité :<br />
4.1-Insertion, intégration, socialisation… <strong>de</strong>s termes<br />
interchangeables ?<br />
-Insérer : « s’intégrer, s’intercaler, s’introduire »<br />
-Socialisation : « Processus par lequel l’enfant intériorise les divers éléments <strong>de</strong> la culture<br />
environnante (valeurs, normes, co<strong>de</strong>s symboliques et règles <strong>de</strong> conduite) et s’intègre dans la<br />
vie sociale »<br />
-Intégrer : « Opération qui consiste à assembler différentes parties d’un système et à assurer leur<br />
compatibilité ainsi que le bon fonctionnement du système complet »<br />
(Définitions du Petit Larousse, 1999)<br />
25
4.1.1-Insertion et intégration :<br />
« Le choix <strong>de</strong>s mots a donc un sens : intégration vise à créer les conditions d’une adhésion<br />
<strong>de</strong>s membres d’une collectivité à ses valeurs, ses règles communes. L’intégration exige<br />
donc un minimum <strong>de</strong> consensus (…) L’insertion en revanche, renvoie à une vision plus<br />
violente <strong>de</strong> l’intégration, fondée sur une sorte d’acculturation généralisée »<br />
(P.Arn<strong>au</strong>d, sport et intégration : un modèle français, spirales 10, 1996)<br />
4.1.1.a-L’intégration républicaine à la française :<br />
« L’intégration est un processus spécifique suscitant la participation active à la société nationale<br />
d’éléments variés et différents. (…) L’intégration a pour objectif <strong>de</strong> faire entrer les jeunes dans la<br />
société française contemporaine, avec son histoire et ses valeurs, en l’enrichissant par <strong>de</strong> nouve<strong>au</strong>x<br />
apports. Les politiques d’intégration visent à rattacher à un tout, à une idée unitaire <strong>de</strong> la société <strong>de</strong>s<br />
population étrangères »<br />
(H<strong>au</strong>t commissariat à l’Intégration, rapport sur le développement personnel et l’intégration sociale <strong>de</strong>s<br />
jeunes par les loisirs, 1995)<br />
4.1.2-Paradigmes et conceptions <strong>de</strong> la socialisation :<br />
-Pour le paradigme déterministe :<br />
« La société est intériorisée progressivement par les individus notamment sous la forme d’habitu<strong>de</strong>s<br />
corporelles, <strong>de</strong> schèmes <strong>de</strong> pensées et <strong>de</strong> perception, <strong>de</strong> représentations, <strong>de</strong> normes, <strong>de</strong> règles <strong>de</strong><br />
conduites et <strong>de</strong> valeurs. Ce processus s’effectue pour une large part à l’insu <strong>de</strong>s individus. Là, le lien<br />
social s’impose pour ainsi dire du <strong>de</strong>ssus <strong>au</strong>x individus ». ---<br />
-Pour le paradigme individualiste :<br />
« Le lien social suppose un travail actif <strong>de</strong>s individus, un constant travail d’ajustement mutuel, <strong>de</strong>s<br />
opérations incessantes d’interprétation <strong>de</strong> la situation où ils interagissent. Le lien social n’est pas<br />
préexistant à ces situations ; il est construit dans et à travers elles » (P.Garnier, critique <strong>de</strong>s théories<br />
<strong>de</strong> la socialisation, du sta<strong>de</strong> <strong>au</strong> quartier, le rôle du sport dans l’intégration sociale <strong>de</strong>s jeunes, IDEF,<br />
1992)<br />
« la société n’existe plus a priori, mais uniquement dans la réalité sociale constituée après<br />
un travail d’ajustement commun entre adultes et jeunes. Cette position remet en c<strong>au</strong>se les<br />
écrits <strong>de</strong> Durkheim ainsi que ceux <strong>de</strong> Piaget où les enfants sont censés accé<strong>de</strong>r à la<br />
compétence morale en passant par une série <strong>de</strong> sta<strong>de</strong>s »<br />
(P.Duret et M.Augustini, ibid)<br />
4.2-Sport et Intégration sociale, une réalité ?<br />
4.2.1-Des postulats peu discutés :<br />
« Le club est une petite famille, une petite patrie »<br />
(M.Baquet, Education sportive, initiation, entraînement,1942)<br />
« l’intériorisation <strong>de</strong> la règle sportive doit conduire à intérioriser la règle sociale »<br />
(M.Clément, Sport et société, ibid)<br />
26
4.2.2-Des effets évalués ?<br />
-D.Charrier, APS et insertion <strong>de</strong>s jeunes : enjeux éducatifs et pratiques institutionnelles, Paris, La<br />
documentation française, 1997.<br />
4.2.2.a-La re-mobilisation personnelle :<br />
4.2.2.b-La création <strong>de</strong> rése<strong>au</strong>x soci<strong>au</strong>x :<br />
4.2.2.c-La régulation du climat social :<br />
4.2.2.d-L’acquisition d’une capacité économique :<br />
« Le sport n’est pas intégrateur « par nature ». Le contexte local, les choix stratégiques et les<br />
« manières <strong>de</strong> faire » sont décisifs »<br />
(D.Charrier, ibid)<br />
« le sport n’est pas éducatif en lui même, il le <strong>de</strong>vient »<br />
(M.Baquet, ibid)<br />
4.2.2.e-Le problème <strong>de</strong> l’encadrement :<br />
4.3-Sport et intégration sociale, un mythe ?<br />
4.3.1-Des capacités intégratrices mises en question :<br />
4.3.1.a-Reconnaître la richesse <strong>de</strong>s sociabilités <strong>de</strong>s sports <strong>de</strong> rue :<br />
« C’est bien la culture sportive légitime qui est ici interpellée pour constituer le ciment <strong>de</strong><br />
l’intégration. Et cela par la diffusion d’un dis<strong>cours</strong> lénifiant sur le sport qui repose sur <strong>de</strong>s<br />
poncifs dont l’évi<strong>de</strong>nce apparente ne suscitent pas la discussion »<br />
(P.Arn<strong>au</strong>d, Sport et intégration, ibid)<br />
-P.Chantelat et call critiquent le fait que dans la conception classique <strong>de</strong> l’intégration sociale par le<br />
sport, « Il convient <strong>de</strong> les faire passer (les jeunes en difficulté) <strong>au</strong> « sta<strong>de</strong> supérieur » <strong>de</strong> la<br />
socialisation, c’est à dire les insérer dans <strong>de</strong>s associations ou clubs sportifs dépositaires d’une forme<br />
<strong>de</strong> sociabilité et <strong>de</strong> citoyenneté supérieure ».<br />
« la politique d’équipements <strong>de</strong> proximité telle qu’elle est pensée est en complet décalage avec les<br />
usages juvéniles <strong>de</strong> ces installation »<br />
(P.Chantelat et call, ibid)<br />
27
-Table<strong>au</strong> <strong>de</strong> P.Chantelat et call, ibid :<br />
Conception <strong>de</strong> la ville<br />
Usages juvéniles <strong>de</strong>s<br />
équipements <strong>de</strong> proximité<br />
Socialisation <strong>de</strong>s groupes<br />
Les fon<strong>de</strong>ments <strong>de</strong> la<br />
politique<br />
Mosaïque <strong>de</strong> quartiers<br />
homogènes<br />
Conquête-défense <strong>de</strong> l’espace<br />
approprié<br />
Mobilité géographique faible<br />
Forme simple<br />
Non intégrés à la ville<br />
Rése<strong>au</strong>x étroits<br />
La logique <strong>de</strong>s pratiquants<br />
Quartiers ouverts et<br />
hétérogènes<br />
Partage d’un espace commun<br />
Mobilité géo forte<br />
Forme complexe<br />
Intégrés à la ville<br />
Rése<strong>au</strong>x larges<br />
« Parler <strong>de</strong>s logiques d’accomplissement <strong>de</strong> la jeunesse « favorisée » comme d’une norme<br />
comportementale à atteindre, c’est prendre le risque <strong>de</strong> légitimer un ordre social que le sociologue est<br />
censé interroger »<br />
(P.Chantelat et call, ibid)<br />
4.3.1.b-Critiquer le modèle d’apprentissage <strong>de</strong> la citoyenneté par le club<br />
sportif :<br />
« Pour résumer, en forçant le trait, on pourrait dire, à partir <strong>de</strong> la définition <strong>de</strong> la<br />
citoyenneté adoptée, que l’association sportive présenterait une sorte <strong>de</strong> pseudo-citoyenneté<br />
quand les pratiques sportives <strong>au</strong>to-organisées exerceraient, quand à elles, déjà une forme<br />
<strong>de</strong> citoyenneté »<br />
« Concevoir la citoyenneté (locale) comme un débat public concret entre citoyens et<br />
pouvoirs publics mettant en œuvre un processus dynamique <strong>de</strong> reconnaissance mutuelle, ne<br />
se fon<strong>de</strong> pas sur l’opposition apprentissage/exercice et ne préjuge pas <strong>de</strong> l’âge <strong>de</strong>s acteurs<br />
soci<strong>au</strong>x et <strong>de</strong> leur capacité à être citoyens »<br />
(P.Chantelat et call, ibid)<br />
4.3.1.c-Le sport, une école <strong>de</strong> maîtrise <strong>de</strong> soi ou <strong>de</strong> violence ?<br />
Agressivité B’<br />
A<br />
B A’<br />
Avant<br />
(A = pratique du <strong>de</strong>ssin, B = pratique <strong>de</strong> la lutte)<br />
Après<br />
« La pratique sportive n’a pas, en soi, <strong>de</strong> propriété cathartique, mais <strong>au</strong> contraire son<br />
influence naturelle est la déshinibition <strong>de</strong>s réponses agressives »<br />
(R.Pfister, le sport et la catharsis <strong>de</strong> l’agressivité, in Psychopédagogie <strong>de</strong>s APS, P.Arn<strong>au</strong>d et<br />
R.Broyer, Toulouse, Privat, 1986)<br />
28
-Nombre moyen <strong>de</strong> comportements transgressifs en match (hand-ball) sur 10’ <strong>de</strong> jeu en<br />
fonction <strong>de</strong> l’âge.<br />
-11-13 ans : -16-19 ans :<br />
8,78 20,46<br />
-Proportions <strong>de</strong>s violences affectives et rationnelles.<br />
Aff. Rationnelles Aff. Rationnelles<br />
2,78 6 4.46 16<br />
(Chiffres issues <strong>de</strong> O.Rascle, G.Coulomb, C.Sabatier, Le sport scolaire est-il en danger ? in<br />
rev EPS n°271, Mai-juin 1998)<br />
4.3.1.d-Autres critiques :<br />
« le sport, pas plus que le religieux ou le politique, ne peut prétendre véhiculer <strong>de</strong>s valeurs dont notre<br />
société est <strong>au</strong>jourd’hui orpheline. (…) le système sportif, malgré ses héros, est trop englué dans ses<br />
aspirations économiques et ses conflits internes pour offrir inconditionnellement une image<br />
immaculée où la vertu serait l’unique moteur <strong>de</strong> la performance »<br />
(Betty Mercier-Lefevre, La cité, la morale et le sport, in sport et cité, ibid)<br />
« Suivant une stratégie <strong>de</strong> communication désormais banale en politique, consistant à définir le<br />
problème en fonction du type d’intervention que l’on souhaite légitimer, le ministère a multiplié entre<br />
1991 et 1993 les appels d’offres et les colloques sur le thème du sport et <strong>de</strong> l’insertion »<br />
« L’explication <strong>de</strong>s problèmes rencontrés par les jeunes <strong>de</strong>s quartiers déshérités en terme d’anomie et<br />
<strong>de</strong> démotivation permet <strong>de</strong> créditer du coup une politique en termes <strong>de</strong> programmes sportifs censés<br />
redonner du « punch » à cette jeunesse en perdition »<br />
(L.Arn<strong>au</strong>d, La politique <strong>de</strong> la ville <strong>au</strong> se<strong>cours</strong> du ministère J&S (1983-1993) ? ibid)<br />
4.3.2-Critiques radicales, sport et politique en question :<br />
« Dans ces conditions, le sport apparaît comme une vitrine médiatique commo<strong>de</strong> pour les pouvoirs<br />
publics : sa « neutralité » bienveillante en fait un moyen d’intervention consensuel qui élu<strong>de</strong><br />
avantageusement les vraies questions liées à la pérennité du chômage où l’aggravation <strong>de</strong> la fracture<br />
sociale. Donner du sport à tous, c’est à la fois se disculper <strong>de</strong> ne pas avoir « tout essayé » et<br />
développer une stratégie « philanthropique » tout en légitimant les dysfonctionnement <strong>de</strong> la société<br />
néo-libérale »<br />
« Le sport est ainsi naturellement appelé à jouer le rôle <strong>de</strong> modèle idéologique : les Luis<br />
Fernan<strong>de</strong>z, Y.Noah et <strong>au</strong>tres M.Tyson démontrent que même les plus humbles, les exclus<br />
ont la possibilité d’accé<strong>de</strong>r à la réussite. Il suffit <strong>de</strong> s’en donner la peine et <strong>de</strong> respecter les<br />
règles. La rencontre du néo-libéralisme et <strong>de</strong> l’Etat-Provi<strong>de</strong>nce à la française conduit à<br />
réinterpréter la politique sociale : celle-ci ne doit pas s’immiscer dans le mon<strong>de</strong> du marché<br />
mais se limiter à en amortir les effets négatifs »<br />
(L.Arn<strong>au</strong>d, La politique <strong>de</strong> la ville…, ibid)<br />
29
« La compétition sportive, résout en imagination (…) ce dilemme central <strong>de</strong> la condition<br />
démocratique, la tension entre l’égalité <strong>de</strong> principe <strong>de</strong>s hommes et leur inégalité <strong>de</strong> fait ».<br />
(A.Ehrenberg, Le culte <strong>de</strong> la performance, Paris, Calman-Levy, 1992)<br />
« Le sport a une fonction <strong>de</strong> légitimation <strong>de</strong> l’ordre établie, en tant que système positiviste,<br />
il n’est jamais contestataire mais toujours intégrateur »<br />
(Quel corps ? n°1, 1975)<br />
« Le sport est un puissant moyen <strong>de</strong> mise en condition politique, et l’on peut tout<br />
parfaitement lui appliquer la dénomination d’opium du peuple »<br />
(P.Laguill<strong>au</strong>mie, Pour une critique fondamentale du sport, in Sport, culture et répression,<br />
Partisans, 1968)<br />
« Que la jeunesse bourgeoise et la jeunesse prolétarienne s’abreuvent à la même source <strong>de</strong> joie<br />
musculaire, voilà bien là l’essentiel, qu’elles s’y rencontrent ce n’est présentement que l’accessoire.<br />
De cette source découlera pour l’une comme pour l’<strong>au</strong>tre la bonne humeur sociale, seul état d’âme<br />
qui puisse <strong>au</strong>toriser pour l’avenir l’espoir <strong>de</strong> collaborations efficaces »<br />
(P.De Coubertin, in Le miroir <strong>de</strong>s sports, 24 novembre 1921)<br />
« Il f<strong>au</strong>t mettre le prolétariat en état <strong>de</strong> culture suffisante. Pour qu’il ait la force <strong>de</strong> résister à lui<br />
même, <strong>de</strong> faire front à la colère, même légère, contre l’injustice, même flagrante, afin qu’il puisse<br />
travailler tenacement, mais calmement à sa propre élévation »<br />
(P.De Coubertin, Pédagogie sportive, 1922)<br />
5-Conclusion ; le sport <strong>de</strong> rue, culture jeune ou sous<br />
culture <strong>de</strong> classe ?<br />
« les formes <strong>de</strong> pratiques développées par les jeunes sportifs <strong>de</strong>s DSU relèvent plus<br />
d’une « culture jeune » que d’une sous-culture <strong>de</strong> classe ou d’une culture « banlieue » »<br />
(P.Chantelat et call, ibid)<br />
« Le mon<strong>de</strong> adulte inspire alors (à l’adolescence) le rejet, et le club sportif apparaît comme une<br />
institution sociale remise en c<strong>au</strong>se <strong>au</strong> même titre que les institutions plus centrales que sont la famille,<br />
l’école et, plus tard, le mon<strong>de</strong> du travail »<br />
(J.C.Basson, Sports <strong>de</strong> rue et politiques sportives territoriales, in Sport et cité, ibid)<br />
-Pour en savoir plus :<br />
-P.Chantelat, M.Fondimbi, J.Camy, Sports <strong>de</strong> la cité, anthropologie <strong>de</strong> la jeunesse sportive,<br />
Paris, l’Harmattan, 1996.<br />
-P.Duret & M.Augustini, Sports <strong>de</strong> rue et insertion sociale, Paris, INSEP, 1993.<br />
-C.Louve<strong>au</strong> & A.M.Waser (dir), Sport et cité, pratiques urbaines, spectacles sportifs, Rouen,<br />
Ed Université <strong>de</strong> Rouen, 1999.<br />
-C.Vivier & J.F.Loudcher (dir), Le sport dans la ville, Paris, l’Harmattan, 1998.<br />
-M.Clément, Sport et intégration, in J.M.Legras & M.Clément, Sport et société, tome 2<br />
CNFPT, 1993<br />
-Michel Fize, Le skate-board : nouvelle forme <strong>de</strong> sociabilité sportive d’adolescents en milieu<br />
urbain, in Sport, relations sociales et actions collectives, 1993.<br />
-M.Fize & M.Touche, Le skate : la fureur <strong>de</strong> faire, Caen, Arcane, 1992.<br />
-A.Blondé, le Basket en liberté, rev EPS n°242, juillet-août 1993.<br />
-P.Arn<strong>au</strong>d, sport et intégration : un modèle français, spirales n°10, Lyon, 1996.<br />
-D.Charrier, APS et insertion <strong>de</strong>s jeunes : enjeux éducatifs et pratiques institutionnelles, Paris,<br />
La documentation française, 1997<br />
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