Acceptabilité sociale du captage et stockage de CO2 - Centre ...

Acceptabilité sociale du captage et stockage de CO2.Etude du cas du projet de Lacq ­ Rousse mené par Total dans les PyrénéesAtlantiquesMission professionnelle réalisée du 12 mars 2008 au 12 septembre 2008 sous la direction deMonsieur Benoît De Guillebon, directeur de l’APESA, et Madame Irène Arditi, Université Paris VIIMichèle GaultierMastère Spécialisé en Ingénierie et Gestion de l’EnvironnementCycle 2007 ­ 2008

Acceptabilité sociale du captage et stockage de CO2 : Etude du cas du projet de Lacq­ Rousse mené parTotal dans les Pyrénées AtlantiquesAvant­proposCet article a été réalisé à l’issue de la mission professionnelle confiée à l’auteur par l’APESA dansle cadre du Mastère Spécialisé en Ingénierie et Gestion de l’Environnement, formation spécialiséed’un an destinée principalement à des ingénieurs et autres cadres (jeunes diplômés ouexpérimentés). Ce Mastère est organisée conjointement par l’Ecole des Mines de Paris, l’Ecoledes Ponts et Chaussées et AgroParisTech.Ce travail s’inscrit en outre dans le cadre du projet national SOCECO2 portant sur l’AcceptabilitéSociale de le filière captage et stockage du CO2,. Ce projet auquel participent le CIRED­ CNRS,l’INERIS , l’IFP, le BRGM, , TOTAL, GAZ DE France, ALSTOM et l’APESA est financé par l’ANRet par le Conseil Régional d’Aquitaine pour la partie APESA.Le présent article a comme objectif principal de présenter de manière synthétique le cadre de laréflexion, les enjeux stratégiques identifiés et les retombées significatives de la missionprofessionnelle.Michèle Gaultier – Mastère Spécialisé IGE, 2007/2008Mission professionnelle réalisée à l’APESA1

Acceptabilité sociale du captage et stockage de CO2 : Etude du cas du projet de Lacq­ Rousse mené parTotal dans les Pyrénées AtlantiquesLe développement de la filière du Captage et du Stockage du CO2 à l’échelle industrielle en estau stade de l’évaluation technologique, économique et sociale. Cette évaluation passe par la miseen place d’opérations pilotes. A coté de leur intérêt technique et économique, ces opérationspilotes visent aussi à identifier les conditions de l’acceptation de cette technologie par le public.En France, un projet d’expérimentation de la technologie CSC est en cours dans le Béarn, projetporté par le groupe Total.Bien qu’étant une technologie visant à réduire les impacts de l’homme sur le changementclimatique, le CSC ne recueille pas forcément l’adhésion de tous. Première opération industriellede ce type en France, le pilote de Lacq ­ Rousse s’est heurté à une opposition d’une partie de lasociété civile. L’objet de ce mémoire est d’analyser le déroulé du projet depuis son annonce début2007 jusqu’à l’enquête publique (été 2008), de dégager les points forts et les points faibles de laconcertation et des recommandations pour la suite de l’accompagnement du projet pilote qui doitdémarrer au premier trimestre 2009.1. Eléments de contexte1.1­ Qu’est ce que le captage et stockage du CO2Le processus de captage et de stockage du CO2 se fait en trois phases. Il implique la capture duCO2 produit lors de la combustion de combustibles fossiles, son transport vers un endroit adéquatet son injection en sous­sol pour l'empêcher de rentrer dans l'atmosphère.Cette technologie de captage et stockage de CO2 est présentée par l’Union européenne commeune des solutions à envisager pour répondre aux objectifs ambitieux de réduction des émissionsde gaz à effet de serre pour les décennies à venir. Elle doit venir en complément dudéveloppement des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique en matière deconstruction, de transport et d'industrie. Dans ce contexte, la Commission a proposé en janvier2008 un premier cadre législatif pour encourager une douzaine de projets européens dedémonstration à grande échelle. Les objectifs de la commission sont d’une part que ces pilotessoient en activité pour 2015 et d’autre part qu’ils permettent de rendre cette technologiecommercialement viable pour 2020.1.2­ Les risques liés à la CSCLes risques avérés dans le stockage géologique du CO2 sont connus aujourd’hui et lesexpériences pilotes qui doivent être menées en Europe ont pour objectif de valider les modèlessur lesquels s’appuie l’évaluation de ces risques. Les analyses de risques ont identifié des risquesde fuites qui peuvent intervenir soit au niveau du puit d’injection soit par rupture de canalisationdans la phase de transport du CO2 ou encore dans la couverture de la poche de stockage.Michèle Gaultier – Mastère Spécialisé IGE, 2007/2008Mission professionnelle réalisée à l’APESA2

Acceptabilité sociale du captage et stockage de CO2 : Etude du cas du projet de Lacq­ Rousse mené parTotal dans les Pyrénées AtlantiquesL’enjeu majeur de l’expérimentation devient de réussir à mettre au point un système desurveillance de ces fuites potentielles sur des périodes très longues (au delà de 100 ans) puisquele stockage a vocation à être irréversible, même si l’extraction éventuelle est envisageablependant quelques années. Les trois années qui suivront la fin de l’injection dans le pilote de Lacqserviront à poursuivre le contrôle des installations opéré pendant l’expérimentation et à définir lesmodalités du système de surveillance long terme à mettre en place. D’autre part, tout type de fuitepeut entraîner à long terme une acidification des sols avec pour conséquence une destruction desécosystèmes et une pollution des eaux souterraines. Enfin, la pression d’injection couplée avecdes déformations de terrain en sous sol pourraient avoir des répercussions en surface de typemouvements de terrain. Industriels et communauté scientifique attendent des expérimentations decaptage et stockage du CO2 et des avancées de la recherche une meilleure maîtrise des risquesévoqués..1.3­ Le positionnement de TOTALL’implantation du groupe Total sur le territoire béarnais date de 1951 à la découverte du gisementde gaz à Lacq. Outre l’exploration et la production d’hydrocarbures menées par Total E&P Franceconcentrées autour du bassin de Pau­Lacq­Orthez, le secteur de la chimie s’est développé dans larégion au travers de nombreuses filiales du groupe . Le groupe est devenu un acteur majeur del’activité économique du bassin d’emploi et a développé un ensemble de partenariats avec toutesles structures locales et départementales. A cela s’ajoute le Centre Technique et Scientifique JeanFeger (CTSJF) qui héberge chercheurs et experts de l’ensemble des métiers de l’exploration –production de TOTAL. Cette manne de moyens a permis à Lacq de devenir un site pilote dansplusieurs domaines de recherche, et c’est sur cette richesse d’expériences et de compétenceslocales que la direction du groupe a naturellement choisi de mener l’expérimentation du CSC àLacq. En s’appuyant de plus sur les infrastructures industrielles existantes pour mener le projet.La seule ombre au tableau est la fin annoncée de l’exploitation de Lacq pour 2013. Mais elle a étélargement anticipée par un projet de reconversion dans l’industrie chimique et les nouvellestechnologies, projet soutenu par les autorités locales et régionales ce qui a permis d’attirer denouvelles technologies comme en témoignent l’implantation d’Abengoa Bioenergy France(Bioéthanol) et tout récemment la Société Elyo avec son projet de cogénération biomasse.D’autre part, les stockages potentiels pour le CO2 libérés par la fin de l’exploitation du gazreprésentent une opportunité pour la région. Le projet pilote de CSC est un levier pour attirer sur lebassin de nouveaux industriels gros émetteurs de CO2. Cette perspective de nouvelle ouverturepour le bassin s’inscrit dans le maintien d’une dynamique économique locale soutenue par les élus.Michèle Gaultier – Mastère Spécialisé IGE, 2007/2008Mission professionnelle réalisée à l’APESA3

Acceptabilité sociale du captage et stockage de CO2 : Etude du cas du projet de Lacq­ Rousse mené parTotal dans les Pyrénées Atlantiques1.4­ Le projet de TotalLe groupe Total a choisi d’être le pionnier en France en élaborant le pilote de Lacq, projet intégréde captage et de stockage géologique de CO2.Cette expérimentation menée sur le Béarn va permettre de tester la chaîne complète du processusde captage et stockage du CO2, depuis l’installation émettrice de CO2 (une chaudière) sur laplateforme de Lacq, jusqu'à un gisement de gaz déplété dans les coteaux du Jurançon. Les vingtsept kilomètres séparant les deux sites sont reliés par le gazoduc existant ayant servi au transportdu gaz pendant la période d’exploitation du gisement.1.5­ Les différences entre Lacq et JurançonDans une recherche constante de maintien de dynamique économique de territoire, on imagineassez facilement le soutien qu’a pu recevoir le projet de CSC par la communauté d’élus du bassinde Lacq. Un projet phare, plébiscité aussi bien par la communauté scientifique internationale àtravers le Groupe Intergouvernemental pour l’Etude du Changement Climatique (GIEC), par laCommission Européenne que par le grenelle de l’environnement. Si ce projet se réalise, lanotoriété du bassin devrait s’affirmer au niveau européen.Du coté des populations, aucune manifestation de protestation ne s’est faite sentir ni après lesréunions de concertation, ni pendant l’enquête publique. Les élus du bassin, favorables depuis ledébut de l’élaboration de ce projet affirmeront leur soutien tout au long des processus deconcertation et d’instruction du dossier.Mais le projet ne se limite pas à la plateforme de Lacq. Les canalisations utilisées pour letransport du CO2 traversent en partie les coteaux, de Monein à Jurançon, parfois à la limited’habitations pour atteindre le site d’injection dans la partie résidentielle et rurale de la communede Jurançon. Il faut donc compter sur l’adhésion sociale de l’ensemble des communes concernéespar le projet et notamment celle en bout de chaîne.Et c’est en bout de chaîne que se situe le site d’injection, dans une zone habitée, à une densitérelativement faible mais néanmoins significative. Depuis une dizaine d’années, une partie descoteaux de Jurançon est devenue un quartier résidentiel. Et il se trouve que ce quartier s’étend depart et d’autre du site d’injection. Ce nouveau quartier cohabite avec le vignoble et les champsagricoles et cette particularité va s’exprimer dans les débats entre riverains. Il est à noter que desinstallations industrielles sur les coteaux de Jurançon datent d’une quarantaine d’années depuis ledémarrage de l’exploitation du gisement de gaz : cependant, compte tenu du très faible impact deces installations aujourd’hui (en dehors de l’impact visuel), les nouveaux arrivants n’y prêtent pasforcement attention.Michèle Gaultier – Mastère Spécialisé IGE, 2007/2008Mission professionnelle réalisée à l’APESA4

Acceptabilité sociale du captage et stockage de CO2 : Etude du cas du projet de Lacq­ Rousse mené parTotal dans les Pyrénées Atlantiques2. La consultation de la société civile– Une première approche : le sondage SOFRESL’enquête sur la perception de la technologie du CSC en France menée en 2007 par la SOFRESdans le cadre du projet SOCECO2 a révélé que 59% des personnes interrogées étaient à priorifavorables non seulement à une action rapide dans la lutte contre le réchauffement climatiquemais aussi au recours à cette solution technologique dans la mesure où elle est présentée commeune des solutions pertinentes. Mais les résultats de cette enquête montrent aussi uneméconnaissance du CSC, seulement 12% des répondants déclare connaître la signification duCSC. Si la connaissance de cette solution s’avère relativement faible, l’idée sur les risquesassociés est encore plus réduite.Du coté de la société civile, la prise de conscience de ces risques est à l’origine d’une évolutionsignificative de l’opinion. Les résultats du sondage de la Sofres l’ont clairement mis en évidence.Apres informations sur les risques potentiels de la technologie, l’opinion favorable recule a 38 %.Elle perd 20 points soit 1/3 des personnes initialement favorables. Ce qui est conséquent aprèsune simple lecture des risques. Car si on rajoute le facteur de proximité du site de stockage dulieu d’habitation des personnes, il est facile d’imaginer que le syndrome Nimby (Not in myBackyard) peut accentuer cette baisse d’opinion favorable.– Cartographie des parties prenantes autour du projetL’analyse de la perception du projet pilote de Total sur la région du Béarn passe par l’identification,la catégorisation et l’étude du jeu des acteurs concernés. Les parties prenantes (PP) impactéespar le projet englobent les PP internes et externes au Maître d’Ouvrage. Les PP internes sontlimitées à la Direction du groupe TOTAL et de la branche Total Exploration et Production France(TEPF), et aux salariés liés au projet. Les PP externes, plus diffuses, vont englober les autorités(élus locaux / collectivités, administrations, comités) et la société civile (experts, médias, relaisd’opinion, riverains, ONG).La représentation ci­dessous synthétise l’ensemble des PP par catégories.Michèle Gaultier – Mastère Spécialisé IGE, 2007/2008Mission professionnelle réalisée à l’APESA5

Acceptabilité sociale du captage et stockage de CO2 : Etude du cas du projet de Lacq­ Rousse mené parTotal dans les Pyrénées AtlantiquesPARTIES PRENANTES EXTERNESEnvironnement réglementaire et autoritésAdministrationsMEDDAAT ( DGEMP), Drire Aquitaine, Préfecture, CG64MairiesMairies de Jurançon, Lacq, Monein, Laroin, Mourenx,Communauté des communes de Lacq, Mairie de Pau.Comités / CommissionsComité de suivi scientifique, Commission Localed’Information et de Suivi (CLIS).Sociétal non contractuelRiverains / ruraux actifsVignerons, Agriculteurs, riverains des coteaux deJurançon, riverains de l’ensemble des communesconcernées.AssociationsCoteaux Jurançon Environnement, Sepanso Béarn (SantéEnvironnement du Bassin de Lacq), Perseus, FranceNature Environnement (FNE), Greenpeace international,WWF.Experts et relais d'opinionsBRGM, IFP, CNRS, universitaires (UPPA)MédiasSud Ouest, Pyrénées presse.PARTIES PRENANTES INTERNESDirection de Total (groupe et branche)Direction de la communication, directeur de filiale, Comitéde Direction (CODIR).Salariés de TEPF (branche Total Exploration ProductionFrance)Chef de projet CSC, représentants du Comité d’Hygiène,de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT).L’analyse des catégories d’acteurs tout au long des processus de consultation (concertation,enquête de terrain auprès de la société civile, enquête publique) a permis d’établir une grilled’analyse des acteurs qui permet d’avoir une vision synthétique et rapide des acteurs clés duprojet.Cette grille est constituée en reportant sur l’axe vertical Le pouvoir d’influence de la PP, c'est­àdiresa capacité à impacter positivement ou négativement le déroulement du projet, et en axehorizontal, le niveau d’intérêt que porte la PP au projet.Michèle Gaultier – Mastère Spécialisé IGE, 2007/2008Mission professionnelle réalisée à l’APESA6

Acceptabilité sociale du captage et stockage de CO2 : Etude du cas du projet de Lacq­ Rousse mené parTotal dans les Pyrénées AtlantiquesMatrice Pouvoir/intérêt de MendelowIntérêt pour l’expérimentation CSC a Lacq ‐ JurançonFaibleElevéGreenpeaceinternationalWWFCommunauté scientifiqueBRGM, IFP, CNRS,UPPAFaibleAdministrationsMEDDAAT/DGEMPPouvoird’influencesur le dossierd’autorisationElevéAssociationsEnvironnementalesSepanso BéarnAssociation deRiverains CJERiverainsMédiasMairie deJurançonMairies impactéesPar le projetInstitutionsRepresentatives duPersonnelIndustriels duBassin de LacqCommunauté desCommunes deLacqPréfectureDRIRELégende :CARTOGRAPHIE DES PARTIES PRENANTES DU PROJET DE LACQ­JURANCONUPPA: Université de Pau et des Pays de l’Adour; BRGM: Bureau de Recherches géologiques et minièresIFP : Institut Français du Pétrole; CE: Commission Européenne;DGEMP: Direction Générale de l’Energie etdes Matières Premières ; FNE: France Nature Environnement ; WWF: World Wilde Fund ; CJE : CoteauxJurançon Environnement.– Le déroulé des événementsAvril 2008 : Dépôt de dossier aux autorités administratives. Dans le projet pilote de Lacq qui relèveà la fois du code minier et du code de l’Environnement pour les Installations Classées pour laProtection de l’Environnement (ICPE), le groupe Total a déposé un dossier de demanded’autorisation d’exploiter auprès des services de l’état (DRIRE). Associés à cette procédureadministrative des étapes réglementaires sont incontournables (Enquête Publique), et desprocessus non réglementaires (Information, concertation, CLIS) font partie des démarchesMichèle Gaultier – Mastère Spécialisé IGE, 2007/2008Mission professionnelle réalisée à l’APESA7

Acceptabilité sociale du captage et stockage de CO2 : Etude du cas du projet de Lacq­ Rousse mené parTotal dans les Pyrénées Atlantiquespossibles pour favoriser le dialogue entre le pétitionnaire et les acteurs externes impactés par leprojet.Au delà de la démarche volontaire de concertation initié par le groupe Total pour diffuser une largeinformation sur le projet, jouer le jeu de la transparence et l’ouverture au dialogue avec la sociétécivile, la DRIRE a proposé la création d’une CLIS bien que le cadre réglementaire ne l’impose pas.Une telle instance représente de nombreuses opportunités pour le porteur de projet , dont lapossibilité, de rencontrer de manière régulière les différentes parties prenantes, de suivrel’évolution des positions et des relations entre elles, d’aborder les questions qui posent problème,dissiper les malentendus et les incompréhensions et éviter leur amplification sociale.TotalAnnonceprojetRéunionD’informationJurançonEtude deContexteC&S ConseilRéunions Création deDe concertation l’associationJurançon, Pau, Mourenx CJETotalDépôtdossierDDAERéunionsCLISR1Rapportd’enquêteEnquête Publique21/07 au 22/09Rapport duCODERSTR2R3PréfectureAutorisationd’exploiterTotalDémarragePilote02 030411120104 0506 07 091102032007 2008Sondage national SofresAdhésion au CSCProjet ANR/SocEco2Atelier de dialogueSéminaireCSC PauConsultationCitoyenne parEntreprises PourL’EnvironnementProjet ANR/SocEco2Enquête terrainProjet ANR/SocEco2Diffusion Questionnaire2009Figure 1 : Déroulement du projet pilote: Consultations et instruction du dossierMars 2007 : Réunion d’information. Le premier contact avec la population a été organisé dès lemois de mars 2007, par une réunion d’information sur le projet à destination de la population desMichèle Gaultier – Mastère Spécialisé IGE, 2007/2008Mission professionnelle réalisée à l’APESA8

Acceptabilité sociale du captage et stockage de CO2 : Etude du cas du projet de Lacq­ Rousse mené parTotal dans les Pyrénées Atlantiquescoteaux de Jurançon. Le choix du lieu s’est fait non seulement dans une salle communaleimplantée dans les coteaux mais proche du site d’injection pour inciter les riverains à assister à laprésentation du projet. La population s’est exprimée librement, a évoqué la question des risquesmais globalement il ne s’est pas dégagé de sentiment négatif. La problématique soulevée étaitplus tournée sur le questionnement des conséquences possibles, nuisances sonores, visuelles,modification de PLU, et compensations financières pour la commune.Avril – septembre 2007 : Etude de contexte. L’étude de contexte menée par la suite par le cabinetparisien C&S Conseils a permis de définir les modalités de la concertation. Elle s’est appuyée surles avis et les attentes d’une quarantaine d’acteurs régionaux et nationaux interrogés sur le projetet la concertation à mener. Le groupe Total a utilisé les résultats de cette étude pour développerdes supports d’information diversifiés et à destination de différentes cibles de lecteurs. On peutciter entre autres un dossier explicatif qui sera distribué pendant les réunions de concertation, undossier complet dédié entièrement au CSC sur le site Internet de Total ou encore le site Internetdédié au grand public développé en partenariat avec l’APESA.– La naissance et le Développement d’une opposition au projetNovembre 2007 : Réunions de concertation. C’est à l’issue des réunions de concertation, que lesprémices de mécontentement et de questionnements sur le projet apparaissent chez les résidantsautour du site d’injection. Ceci est assez logique, car la cohabitation entre l’industrie et lespopulations limitrophes créent des impacts potentiels sur la sécurité, sur l’environnement naturelou en terme de nuisances (bruits, esthétique).Janvier 2008 : Création d’une association de riverains. Un riverain lance alors l’initiative d’unregroupement qui devient l’association Coteaux Jurançon Environnement (CJE). Les premièresmotivations de l’association (120 adhérents) sont très claires : s’informer et comprendre. Maisl’hétérogénéité des origines socio professionnelles des adhérents, la mixité des rurauxjurançonnais de souche et des nouveaux arrivants sur les coteaux divise rapidement l’associationen deux groupes. Un groupe plutôt modéré prêt à discuter avec le Maître d’Ouvrage et l’autreclairement plus radical qui se positionne en opposition totale et qui refuse la confrontation et ledébat. L’expression de l’opposition rentre rapidement dans le mode de la contestation. L’espoird’une ouverture au dialogue se tourne alors vers la Commission Locale d’Information et de Suivi(CLIS).A la fin de l’été, bien que les riverains aient eu le temps de s’informer, de mutualiser leurscompétences pour comprendre les enjeux du projet, l’association CJE ne semble pas mature pourengager des actions marquantes. Néanmoins, sa représentativité au sein de la CLIS lui permetd’exprimer les attentes des riverains et de maintenir les échanges avec les autres acteurs.Côté politique locale, la campagne pour les municipales prive la commune de son rôle de relaisd’information sur le projet. Le contexte pré électoral présente alors trop de risques pour lescandidats et aucune communication particulière n’est faite autour du projet. Apres les électionsMichèle Gaultier – Mastère Spécialisé IGE, 2007/2008Mission professionnelle réalisée à l’APESA9

Acceptabilité sociale du captage et stockage de CO2 : Etude du cas du projet de Lacq­ Rousse mené parTotal dans les Pyrénées Atlantiquesmunicipales, le nouveau maire prend le parti de se positionner initialement contre le projet. Sacontestation principale porte sur le cadre réglementaire « sur mesure » proposé par le MEDAD(ancien MEDDAAT) et inspiré des premiers éléments législatifs de la directive CO2. En particulier,le cadre stipule le transfert de responsabilité à l’état après le départ du Maître d’Ouvrage, lesopérations de stockage relevant du code minier. Cette opposition politique locale est accentuéepar le vote à l’unanimité d’une motion de réserve sur le projet par le Conseil Municipal, et par lerefus de permis de construire d’un bâtiment industriel sur le site d’injection.La position de fermeté affichée par la municipalité de Jurançon vis­à­vis du porteur de projet vapermettre d’apporter les contradictions et les contre pouvoirs mêmes limités pour repensercertaines méthodes de communication entre les parties. Et cette évolution dans les modalitésd’échanges assortie des réunions de la CLIS va amener la mairie de Jurançon à moduler sonopposition initiale vers une collaboration prudente et positive avec le Maître d’ Ouvrage.– La création de la CLIS et l’enquête publiqueJuin 2008 : Création de la CLIS. Bien que les relations entre municipalité de Jurançon etpétitionnaire se durcissent par le refus de permis de construire début juillet, la deuxième réunionde CLIS précédant le démarrage de l’enquête publique, permet de rétablir non seulement lacommunication mais un sentiment de confiance entre ces parties. Visites de sites et présentationspédagogiques par les acteurs clés du projet contribuent également à relancer le dialogue.Août – septembre 2008 : Enquête publique. Dans le processus réglementaire lié à l’instruction dudossier de demande d’autorisation d’exploiter (DDAE), les autorités de contrôle ont utilisé aumaximum les moyens réglementaires pour l’enquête publique : une durée de deux mois, unpérimètre de consultations englobant quatre communes assorti de dix vacations par commune etune commission d’enquête constituée de quatre commissaires enquêteurs. A la fin de l’enquêtepublique, sur les quatre communes (Mont, Lacq, Monein et Jurançon) choisies pour l’enquête,seule la population de Jurançon s’est exprimée. Et le nombre de témoignages est faible au regarddes moyens mis en oeuvre. Sur la soixantaine de témoignages dans les registres d’enquête,quatre sont favorables au projet, les autres sont clairement contre. L’opposition est certes bienaffirmée (de l’ordre de 94%) mais la mobilisation sur l’ensemble de la commune n’atteint pas les1%. L’échantillon est donc trop faible pour affirmer une tendance négative de la commune.L’enquête démarrée en pleine période estivale ne constitue pas une raison suffisante à ladésertion de la population. Et bien que les deux semaines précédant la fin de l’enquête voient unregain de mobilisation, un tel projet innovant devrait normalement intéresser le grand public,toutes tendances confondues. Ce qui n’est pas le cas. Ce constat décevant n’est pas unique, et ildevrait soulever des questions sur les modalités de mise en oeuvre des enquêtes publiques.Michèle Gaultier – Mastère Spécialisé IGE, 2007/2008Mission professionnelle réalisée à l’APESA10

Acceptabilité sociale du captage et stockage de CO2 : Etude du cas du projet de Lacq­ Rousse mené parTotal dans les Pyrénées Atlantiques– les points soulevés par les opposantsParmi les opposants au projet, on compte la Sepanso Béarn, l’association de riverains CJE et lamunicipalité de Jurançon.La position de la Sepanso au débat ne se situe pas au niveau local et sur les conditions desécurité du stockage sur le long terme. Elle remet en cause la priorité qui est donnée à latechnologie du CSC par rapport à la sobriété énergétique et au développement des énergiesrenouvelables dans la lutte contre le réchauffement climatique. Sa contribution au débat ne peutpas dans ces conditions aider au cheminement vers un intérêt commun pour tous.L’opposition des autres parties est clairement liée à la question des risques de fuite à long terme etdonc des conséquences environnementales et sanitaires. Et le choix réglementaire du code miniercontribue à cristalliser les craintes sur la sécurité des personnes après le départ du maîtred’ouvrage. Or, la responsabilité de la sécurité de la population jurançonnaise incombe au maire dela commune. Ce qui légitime ses hésitations face à ces questions de sécurité.Une autre question concernant le choix d’un cabinet indépendant pour mener une expertisescientifique a été soulevée par l’ancien maire de Jurançon. Ce point de contestation est repris parl’association de riverains Coteaux Jurançon Environnement qui en fait la demande officielle aupréfet des Pyrénées atlantiques pour la contre expertise demandée par la DRIRE pendantl’instruction du dossier.3. Analyse et recommandations3.1 Les points forts de la démarcheLe groupe Total montre dès le départ une vrai volonté pour communiquer, et se positionner àl’écoute de la société civile. Le choix de se lancer dans une démarche volontaire positionne Totalen entreprise innovante socialement. Une entreprise qui tente d’assurer la meilleure transparencepossible en multipliant les moyens de communication sur le projet, en se rapprochant de la sociétécivile et en particulier de la population en organisant réunions d’information et de concertation surplusieurs communes.Les moyens de communication engagés sont significatifs pour tenter d’obtenir l’adhésion del’ensemble de la société civile locale. Ils permettent de mener l’ensemble de la démarche deconcertation sur un périmètre territorial étendu avec des différences notoires entre le bassinindustriel de Lacq pour lequel l’adhésion est quasi assurée et les coteaux de Jurançon quireprésentent le point sensible.3.2 – Les points faibles de la démarcheMichèle Gaultier – Mastère Spécialisé IGE, 2007/2008Mission professionnelle réalisée à l’APESA11

Acceptabilité sociale du captage et stockage de CO2 : Etude du cas du projet de Lacq­ Rousse mené parTotal dans les Pyrénées AtlantiquesLes réunions de concertation programmées en période pré­électorale présentent deux points defaiblesse, le premier est que les élus ne se prononcent pas, et particulièrement à Jurançon, ledeuxième est que la population n’entre pas dans le débat. Et ce constat est valable dans les troisréunions. Les riverains s’expriment peu (environ 7%) car ils ne sont pas matures pour débattre duprojet. Ils sont d’abord présents pour s’informer.Pourtant, ce projet présente dès le départ des points très positifs qui ont pu faire croire à uneacceptabilité facile :» L’idée que tout dépend du groupe dans la région est largement entretenue dans lamémoire collective. Ce qui laisse présager d’une acceptabilité sociale sans freins.» De par son maintien du bassin d’emplois sur la région, Total peut compter sur le soutiende la majorité des élus locaux et régionaux.» Au delà d’un soutien régional, la communauté scientifique, l’état et la commissioneuropéenne appuient les initiatives des projets de CSC.» Le sondage de l’opinion publique est favorable à ce type de projet.» Les risques inhérents à ce projet ne doivent pas inquiéter la population habituée à vivredepuis 40 ans en présence d’une exploitation à plus hauts risques que Total a sumaîtriser.Et s’appuyant sur ces éléments moteurs, le porteur de projet s’engage dans la démarche deconcertation avec des outils de communication sur le projet en simultané. Ce qui a pourconséquence de détourner la démarche de concertation vers un plan de communication.La dérive de cette démarche peut s’expliquer par» Ne pas avoir mené une enquête terrain plus proche de la population. Un telrapprochement aurait permis d’identifier des vecteurs porteurs d’une voix positive pour leprojet. D’autre part l’identification des attentes par catégorie de population aurait permisd’adapter la forme des échanges.» Avoir choisi un cabinet parisien comme modérateur de la concertation. La population a eule sentiment de ne pouvoir être entendu par des interlocuteurs ne connaissant pas laspécificité du territoire. Pour anecdote, la présence d’hôtesses d’accueil aux réunions deconcertation pour distribuer les plaquettes du projet de Total a paru déplacée pour lesjurançonnais.» N’avoir utilisé que des formes de réunions grand public. A certains momentsl’organisation de réunions à comités plus restreints aurait permis le dialogue avec lapopulation.Michèle Gaultier – Mastère Spécialisé IGE, 2007/2008Mission professionnelle réalisée à l’APESA12

Acceptabilité sociale du captage et stockage de CO2 : Etude du cas du projet de Lacq­ Rousse mené parTotal dans les Pyrénées AtlantiquesLa conséquence de cette dérive est que les effets attendus n’ont pas été atteints, on a assisté aucontraire à une absence de débat et à une faible mobilisation de la population.Or, suite aux résultats du sondage de la SOFRES, sachant que la population serait sensible auxrisques sur le long terme, Total aurait pu» Faire appel à un cabinet indépendant pour mener la contre expertise demandée par laDrire pour gagner la confiance de la population.» Avoir étudié plusieurs pistes d’alternatives pour apporter des réponses comme parexemple des garanties financières pour assurer un suivi du système de surveillance, unprocessus de réversibilité, un contrat avec l’état pour le maintien d’un plan de surveillancepour rassurer les riverains sur le long terme.3.3 – Recommandations pour le futurIl reste peu de marge de manœuvre pour améliorer le débat d’ici la décision préfectorale fin 2008.Malgré un souffle de contestation contre le projet, le poids du soutien de la majorité des élus et desacteurs économiques donne au projet toutes les chances d’être avalisé. Malgré le probablesuccès de l’autorisation, le droit d’opérer ne suffit pas. La légitimité à opérer passe par uneacceptabilité locale et s’acquiert grâce aux relations de confiance bâties avec les parties prenanteslocales. Or aujourd’hui, l’image positive du projet véhiculée au départ s’est ternie au cours de laconcertation car les relations de confiance n’ont pas complètement réussi à se construire.L’autorisation d’exploiter risque alors d’être perçue uniquement comme une autorisation techniqueet non globale.L’objectif est alors de redonner au pilote de Lacq – Jurançon l’image positive d’un projetenvironnemental.Pour atteindre cet objectif, il faut pouvoir fédérer un ensemble d’acteurs autour d’un projet deterritoire qui s’appuiera sur le pilote de Lacq et les compétences de Total. Et ce projet de territoireconstituera la vitrine du pilote. La participation de la population est essentielle. Il faut donc identifierdes éléments porteurs de communication, qui seront les éléments moteurs dans ce projet.Pour cela, je propose un plan en trois étapes :◊La réalisation d’une cartographie détaillée basée sur celle présentée dans cette étude. L’idéeest d’affiner la catégorisation des parties prenantes avec un effort tourné vers la population,les élus locaux et les associations. L’objectif est d’identifier les éléments facilitateurs, leviersindispensables pour un partenariat réussi au niveau social. D’autre part, identifier lesMichèle Gaultier – Mastère Spécialisé IGE, 2007/2008Mission professionnelle réalisée à l’APESA13

Acceptabilité sociale du captage et stockage de CO2 : Etude du cas du projet de Lacq­ Rousse mené parTotal dans les Pyrénées Atlantiquesopposants est tout aussi essentielcar le maintien des échanges et de la contradictionpermettra aussi de faire évoluer les pratiques et les solutions tout au long du pilote.◊L’organisation d’un système permettant à la fois d’informer les riverains et d’organiser uneécoute de leurs attentes et de leurs craintes. Il pourrait s’articuler autour d’outils du type:» Une lettre de la concertation trimestrielle qui présenterait l’avancement des travaux,la synthèse de la dernière réunion de CLIS, un encart scientifique, une veille sur lesprojets CSC dans le monde, une lettre ouverte aux associations, un courrier deslecteurs, etc.» L’organisation d’un rendez vous presse périodique.» L’utilisation de la mairie de Jurançon comme relais d’informations.◊La mise en place d’actions permettant l’implication des acteurs locaux en s’appuyant sur lesrelais identifiés à partir de la cartographie :» Monter un projet pédagogique associant le système éducatif sur la sensibilisationaux solutions de réductions des émissions de GES. Des micro­projets peuvent êtreréalisés par des élèves de collège (Jurançon, Mourenx…) sur l’efficacité énergétique,les énergies renouvelables et le CSC. Avec l’idée que le groupe Total s’implique par lavisite des sites du CSC assorti d’un accompagnement pédagogique. L’objectif est desensibiliser les lycéens aux enjeux du réchauffement climatique, leur faire appréhenderles activités industrielles de leur région et devenir les ambassadeurs auprès de leurfamille des contributions possibles à la lutte contre les émissions de GES.» Fédérer les associations locales et la municipalité autour d’un projet de réalisationd’une maison des énergies renouvelables.» Monter un projet de développement pour soutenir les initiatives locales de transitionà la viticulture bio.Michèle Gaultier – Mastère Spécialisé IGE, 2007/2008Mission professionnelle réalisée à l’APESA14

Acceptabilité sociale du captage et stockage de CO2 : Etude du cas du projet de Lacq­ Rousse mené parTotal dans les Pyrénées AtlantiquesListe des abréviationsCSC : Captage et Stockage du CO2CE : Commissaire EnquêteurEP : Enquête PubliqueCNDP : Commission Nationale de Débat Public.CIRED : Centre International de Recherches sur l’Environnement et le DéveloppementCNRS : Centre National de Recherche ScientifiqueTEPF : Total Exploration Production FranceCSTJF : Centre Scientifique et Technique Jean FegerTNS Sofres : filiale française du groupe Taylor Nelson Sofres, groupe des études marketing etd'opinionCLIS : Commission Locale d’Information et de Suivi.FNE : France Nature EnvironnementWWF : World Wide FundUPPA : Université de Pau et des Pays de l’AdourCODIR : Comite de DirectionBRGM : Bureau de Recherches Géologiques et Minières.ANR : Agence Nationale de la Recherche.DDAE : Demande D’Autorisation d’ExploiterGIEC : Groupe Intergouvernemental pour l’Etude du Changement ClimatiqueMEEDDAT : Ministère de l’Ecologie de l’Environnement, du Développement Durable et del’Aménagement du Territoire.DGEMP : Direction Générale de l’Energie et des Matières Premières.ADEME : Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie.Michèle Gaultier – Mastère Spécialisé IGE, 2007/2008Mission professionnelle réalisée à l’APESA15

Acceptabilité sociale du captage et stockage de CO2 : Etude du cas du projet de Lacq­ Rousse mené parTotal dans les Pyrénées AtlantiquesRéférencesEnquête pilote sur la perception de la technologie « capture et stockage du CO2 » en France, parMinh Ha­Duong et Gilles Mardon CIRED­CNRS projet de recherche METSTOR (Ademe) juin 2007.Centre International de Recherches sur l’Environnement et le Développement. www.centre­cired.frStakeholder mapping : the power/interest matrix. Adapted from A. Mendelow, Proceedings of 2ndInternational Conference on Information Systems, Cambridge, Mass, 1991.Projet SOCECO2 est un projet de recherche finance par l’Agence Nationale de la Recherche dontl’objectif est d’étudier les déterminants sociaux et économique qui conditionneront ledéveloppement de la filière « captage et du stockage du CO2 ».Michèle Gaultier – Mastère Spécialisé IGE, 2007/2008Mission professionnelle réalisée à l’APESA16