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MAQ PETIT BULLETIN_GRENOBLE - Le Petit Bulletin

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DRLa Grande BellezzaL’ERRANCE ESTIVALE D’UN ÉCRIVAIN QUI N’ÉCRIT PLUS DANS LA ROME DES FÊTES ET DESEXCÈS. DERRIÈRE SES ACCENTS FELLINIENS, LE NOUVEAU FILM DE PAOLO SORRENTINOMARQUE L’ENVOL DE SON RÉALISATEUR, DÉSORMAIS AU SOMMET DE SON INVENTIVITÉVISUELLE ET POÉTIQUE, PORTANT UN REGARD À LA FOIS CRUEL ET PLEIN D’EMPATHIE SURLE MONDE. CCDe jour, un touriste asiatique fait un malaise encontemplant Rome depuis ses hauteurs ; de nuit, unefête orgiaque et débridée attire la faune des mondainsromains. Cette bonne dizaine de minutes n’a rienà voir avec ce qu’on appelle traditionnellementune “exposition“ au cinéma ; c’est plutôt un poèmefilmique, sans dialogue et sans intrigue, où la camérasemble défier la gravitation. Depuis <strong>Le</strong>s Conséquencesde l’amour, on connaît la virtuosité de PaoloSorrentino, sa capacité à intensifier les sensations parun travail extrêmement sophistiqué sur les focales,les mouvements de caméra et un montage musicalépousant l’humeur des séquences. Mais jamais iln’avait osé s’affranchir à ce point de la dramaturgiepour tenter une immersion non pas dans une histoire,mais d’abord dans un monde, pour restituer sespropres perceptions d’une ville dont il abhorre lesexcès et dont il adore la beauté.LES INCONSÉQUENCES DE L’AMOURCe qui est, peu ou prou, le sentiment de Jep (ToniServillo), autrefois auteur d’un roman culte (L’Appareilhumain), devenu journaliste faute de mieux, etayant poursuivi l’ambition d’être «le roi des mondains».Quelque chose comme un lointain descendantde Mastroianni dans La Dolce Vita, dont La GrandeBellezza se veut une libre relecture contemporaine.Jep fête ses soixante-cinq ans sur sa terrasse somptueuseau milieu de sa petite troupe et de parfaitsinconnus ; au réveil, il n’a pas que la gueule debois, mais aussi l’impression que tout cela le conduitdans le mur, l’approche de la mort faisant ressurgir lavacuité profonde de son existence. Revient alors à lasurface le souvenir d’un amour de jeunesse, quile conduit à chercher cette «grande beauté» qui lepoussera, peut-être, à écrire à nouveau. La galerie depersonnages croisés par Jep offre à Sorrentino unangle particulièrement sarcastique pour évoquer lesspecimen romains contemporains : artistes égocentriques,maris goujats, jet-setteurs baratineurs, starlettesarrogantes, vieux beaux dépassés… On estd’abord un peu bousculé par ce défile de freaks queni le héros, ni le cinéaste n’épargnent, jusqu’à cettepremière acmé du récit : le moment où Jep dit sesquatre vérités à une camarade écrivain liée au particommuniste, dont il énonce sans reprendre son souffleles impostures et les renoncements. Mais cet abcèscrevé, Sorrentino va se montrer beaucoup plus subtil.<strong>Le</strong> très critiqué This must be the place avait déjà cettequalité-là : il partait de stéréotypes avant de les faireimploser pour leur donner complexité et humanité. Cechemin, de l’ironie à la tendresse, La Grande Bellezzale refait avec infiniment plus de lyrisme et d’émotionpure.TROUVER SA PLACEC’est une certaine vision du monde qu’affirmeSorrentino : ce que nous voyons de quelqu’un, c’est enpremier lieu sa caricature superficielle ; la dépasserimplique patience et bienveillance, goût de l’autre etmise en sourdine de soi. Ce n’est pas un hasard si lavraie charpente narrative de La Grande Bellezza n’estpas tellement l’itinéraire de Jep, passe-plat magistrald’une couche à l’autre de la haute société romaine (dela bourgeoisie oisive à l’église décrépie en passant parl’aristocratie déchue), mais bien les propres trajets despersonnages, même les plus secondaires, tous richeset forts, tous éclairant l’état de délabrement existentielqui menace le héros. On n’est pas près d’oublierainsi cette hallucinante séquence où une petite filleprojette en hurlant des pots de peintures sur une toilegéante. On pense alors que le cinéaste se moque del’art contemporain et de ses modes débiles ; mais lapeinture achevée, sa réussite est indéniable. Car oui,même les artistes ridicules peuvent avoir du génie.En cela, Sorrentino se démarque des évidents échosfelliniens qui parsèment son film. Il est plus terrestre,plus prosaïque que son glorieux aïeul, et si La GrandeBellezza vise la grande forme – de ses 140 minutes àses instants de complète sidération visuelle – c’est endéfinitive pour restituer un moment éphémère, intimeet fondateur. Proust est abondamment convoqué toutau long du film, et c’est bien une madeleine sentimentale,sensuelle et juvénile, dont Jep recherchele goût, goût de la beauté, mais aussi goût d’unecertaine éternité. Abreuvé de vin, de fêtes, de femmeset de courtisans, Jep finit par accepter d’être simplespectateur d’une vie qui n’apporte de réconfort quesi on cesse de la presser comme un citron. C’est aussila voie choisie par Sorrentino : d’abord un spectacletotal, généreux, débordant dans tous les sens d’idéeset de musiques, puis sa reproduction en miniature, àl’échelle de son protagoniste, qui a peut-être enfintrouvé sa place. Non pas au milieu des mondains ouau centre du monde, mais dans cet endroit secret quis’appelle la mémoire.> La Grande BellezzaDe Paolo Sorrentino (It, 2h22) avec Toni Servillo,Carlo Verdone…TEMPS FORTTRADITIONET MODERNITÉAbou LagraaDenis PlassardDeLaVallet BidiefonoEnclave EspañolSidi Larbi Cherkaoui etShantala ala ShivalingappaArushi MudgalJosé MontalvoFESTIVALLA MAISONSENS DESSUS DESSOUSUlf LangheinrichCatherine GaudetSimon TanguyAlain PlatelN. Hubert et M. MandelRaphaëlle DelaunayPatricia Apergipiedneilleza etnestCompagni e DyptikAlonzo KingCirque ÉloizeIvana MüllerAkoréacroHofesh ShechterOlivier DuboisPhilippe DecoufléPilobolusEmanuel GatT. Guerry et C. 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