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Thuard: la librairie qui vous veut du bien - UCO Laval

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OLIVIER DIONDÉCRYPTAGESSIX LIBRAIRIES 3/6<strong>Thuard</strong>:<strong>la</strong> <strong>librairie</strong><strong>qui</strong> <strong>vous</strong><strong>veut</strong><strong>du</strong> <strong>bien</strong>L’escalier desservant lestrois niveaux de <strong>la</strong> <strong>librairie</strong>.Dans un marché <strong>du</strong> livre confrontéà une révolution des modesde consommation, commentles grandes <strong>librairie</strong>s crééesil yaplusieurs décennies en régiondessinent-elles leur avenir?La réponse en six épisodes, à traverssix institutions, leur histoire, leur« patron ». Notre troisième étape:<strong>Thuard</strong>, au Mans, <strong>qui</strong> fête ses 25 ans.CÉCILE CHARONNAT, PHOTOS OLIVIER DIONElle a été choisie par hasard. Maisfinalement, <strong>la</strong> couleur verte <strong>qui</strong>pare <strong>la</strong> <strong>librairie</strong> <strong>Thuard</strong>, de <strong>la</strong>devanture à <strong>la</strong> moindre signalétique,a fini par aller comme ungant à son positionnement. « Jeveux être une actrice de ce nouveau monde <strong>qui</strong>émerge, un monde <strong>qui</strong>, j’espère, sera meilleur etimprégné de développement <strong>du</strong>rable. Je veuxajouter ce message à mon métier et faire en sorteque ma <strong>librairie</strong> contribue à ce mouvement »,explique Anne-Sophie <strong>Thuard</strong>, <strong>qui</strong> arpente troisfois par semaine les marchés manceaux pouralimenter en pro<strong>du</strong>its biologiques et locaux soncafé-restaurant installé au premier étage de <strong>la</strong><strong>librairie</strong>. Une préoccupation écologique etsociétale que les clients ont d’ailleurs retrouvéeà l’occasion des 25 ans de <strong>la</strong> <strong>librairie</strong>. Pour fêterson quart de siècle, <strong>Thuard</strong> a en effet accueillitout au long <strong>du</strong> mois de novembre, outre BernardPivot, figure des lettres françaises, ErikOrsenna, pour son travail sur <strong>la</strong> mondialisationà travers ses histoires <strong>du</strong> coton, de l’eau et <strong>du</strong>papier, et Nico<strong>la</strong>s Hulot. « Avec ce dernier, nousavons un peu le même parcours, souligne Anne-Sophie <strong>Thuard</strong>. Pour lui, <strong>la</strong> beauté de <strong>la</strong> naturel’a con<strong>du</strong>it à l’écologie, pour moi c’est le goût et lecommerce des livres. La lecture reste un vecteur deconnaissance incomparable, <strong>qui</strong> m’a permis, entreautres, de me perfectionner dans beaucoup dedomaines. »C’est donc progressivement qu’Anne-Sophie<strong>Thuard</strong> a choisi de faire reposer les fondationsde sa <strong>librairie</strong>, et son avenir, sur le développement<strong>du</strong>rable, axe qu’elle conjugue avec le p<strong>la</strong>isirapporté aux clients, s’inspirant ici <strong>du</strong> conceptdéveloppé par Gilles de La Porte à La Galerne.« Aujourd’hui, ce <strong>qui</strong> fait sortir les gens, ce sont lesémotions. Il faut, pour les motiver, qu’il se passequelque chose sur le p<strong>la</strong>n humain dans nos magasins.Nous devons donc é<strong>la</strong>rgir notre rôle, ne passeulement considérer le tiroir-caisse et aller audelà<strong>du</strong> commerce, inventer des endroits où leclient se sente <strong>bien</strong>. Toutefois, je veux aller encoreau-delà, jusqu’à contribuer au <strong>bien</strong>-être de mesclients », explique <strong>la</strong> libraire. Pour ce<strong>la</strong>, elle s’appuiesur les rencontres, une centaine environpar an. Rarement organisées autour de têtesd’affiche, elles misent davantage sur les préoccupationsquotidiennes des gens ou des questionsde société.18. Livres Hebdo n° 934 - Vendredi 14 décembre 2012


Le café-restaurant au premierétage de <strong>la</strong> <strong>librairie</strong>.Les grandesdates1 er septembre 1987:ouverture de <strong>la</strong>première <strong>librairie</strong><strong>Thuard</strong>, 250 m 2 , dontune mezzanine,installée rue <strong>du</strong> Docteur-Leroy au Mans.Juin 1988: intégration<strong>du</strong> sco<strong>la</strong>ire.1991 : premiers travaux.En rachetant un loca<strong>la</strong>djacent, <strong>la</strong> <strong>librairie</strong>gagne 200 m 2 .1995 : ouverture de <strong>la</strong>seconde <strong>librairie</strong> <strong>Thuard</strong>à son emp<strong>la</strong>cementactuel, rue de l’Etoile. Lemagasin compte deuxétages et 800 m 2 .2003 : <strong>la</strong> <strong>librairie</strong>augmente sa surfacede vente en dép<strong>la</strong>çantses bureaux et ouvreun troisième étageconsacré au sco<strong>la</strong>ireet à l’universitaire. Elleatteint alors sa surfaceactuelle. Parallèlement,le site Internet est misen ligne.2005 : création <strong>du</strong> caféau premier étage. La<strong>librairie</strong> est entièrementretravaillée et modifiesa signalétique, sonmobilier et seséc<strong>la</strong>irages.En chiffresA juin 2012:− 1000 m 2 de surfacecommerciale,− 55000 références enmoyenne,− 24 sa<strong>la</strong>riés dont21 libraires− 3,328 millions d’eurosde chiffre d’affairesannuel; les collectivitéspèsent 25 %,− un site Internet(Librairiethuard.fr)et un blog,(<strong>librairie</strong>thuard.blogspot.fr),− de 80 à 100 rencontreschaque année.Dans <strong>la</strong> même optique, Anne-Sophie <strong>Thuard</strong>investit dans le confort pour sa clientèle. Dansson premier magasin, créé en 1987, des poufségayent déjà les rayons. Lorsqu’elle déménageen 1995 dans le local qu’elle occupe toujours,elle les remp<strong>la</strong>ce par des chaises, des fauteuilset deux canapés. Avec son mari, architecte deformation embarqué dans l’aventure <strong>Thuard</strong>,elle travaille également autour de <strong>la</strong> lumièrenaturelle, <strong>qui</strong> baigne l’ensemble de <strong>la</strong> boutique,et notamment le café-restaurant, ouvert en 2005sur le modèle de La Galerne ou de Dialogues.Espace de convivialité, l’endroit s’intègre parfaitementà <strong>la</strong> <strong>librairie</strong> et accueille les rencontres.Pour faciliter <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion et donnerencore plus de p<strong>la</strong>ce au livre, elle fait évoluerson mobilier : aux meubles originaux, lourds etencombrants succède <strong>du</strong> matériel léger, arrondiet facilement dép<strong>la</strong>çable, dessiné par son époux.Le deuxième étage, ouvert en 2003 et consacréau sco<strong>la</strong>ire et à l’universitaire, ressemble à unebibliothèque avec sa dizaine de tables de travailsur lesquelles les enseignants préparent leurscours et les étudiants révisent les leurs. « Dans“ Nous devons é<strong>la</strong>rgirnotre rôle, ne pas seulementconsidérer le tiroir-caisseet aller au-delà <strong>du</strong> commerce,inventer des endroitsoù le client se sente <strong>bien</strong>.”dix ans, ces jeunes viendront avec <strong>la</strong> poussette »,pronostique Anne-Sophie <strong>Thuard</strong>.Pour ce<strong>la</strong>, elle mise aussi sur l’accueil et le service,<strong>qui</strong> gouvernent l’organisation interne de <strong>la</strong><strong>librairie</strong>: quasiment tous les sa<strong>la</strong>riés sont à mêmede répondre à <strong>la</strong> demande d’un client, chacunmet <strong>la</strong> main à <strong>la</strong> pâte pour <strong>la</strong> caisse, et l’entréeen stock des livres ou les retours se font sur <strong>la</strong>surface de vente. Chaque libraire est égalementinvité à perfectionner son sens de l’observationet de l’écoute. Une exigence qu’Anne-Sophie<strong>Thuard</strong> s’applique d’abord à elle-même. « Elle acette faculté de <strong>bien</strong> accueillir le client, que ce soitpour <strong>du</strong> sco<strong>la</strong>ire ou pour de <strong>la</strong> littérature. Elle esttoujours présente dans sa <strong>librairie</strong>, c’est assezatypique », souligne Michel Lochu, représentantHachette illustré (Marabout, Le Chêne, etc.).ANNE-SOPHIE THUARD ///Livres Hebdo n° 934 - Vendredi 14 décembre 2012 19.


DÉCRYPTAGES/// « L’accueil a toujours été une de nos forces, etcertainement ce <strong>qui</strong> nous a sauvés au tout début,avec le sco<strong>la</strong>ire », reconnaît Anne-Sophie <strong>Thuard</strong>.Lorsqu’elle crée <strong>la</strong> <strong>librairie</strong>, 250 m 2 dans une petiterue à l’écart des zones de passage, elle joued’abord sur l’efficacité, selon le modèle hol<strong>la</strong>ndaisqu’elle a <strong>qui</strong>tté quelques années plus tôt.« La capacité à renseigner rapidement le client“ L’accueil a toujours été unede nos forces, et certainementce <strong>qui</strong> nous a sauvés au toutdébut.” ANNE-SOPHIE THUARDétait alors le premier critère », souligne <strong>la</strong> libraire,<strong>qui</strong>, dès que ce<strong>la</strong> est possible, informatise sa boutique.Malgré tout, le démarrage reste très difficileet c’est l’intro<strong>du</strong>ction <strong>du</strong> sco<strong>la</strong>ire, enjuin 1988, <strong>qui</strong> fait décoller les chiffres. « Lebouche-à-oreille a fait le reste et le pari était alorsgagné », se souvient Anne-Sophie <strong>Thuard</strong>.Très vite à l’étroit, le magasin s’agrandit de200 m 2 en 1991. Avec le déménagement de1995, <strong>la</strong> surface de vente passe à 800 puis, huitans plus tard, à 1 000 m 2 , selon une stratégied’expansion mesurée, <strong>qui</strong> passe notamment parl’achat des murs. Gérée prudemment, <strong>la</strong> <strong>librairie</strong>n’a jamais connu de grands bouleversements.« Je préfère <strong>la</strong> politique des petits pas », souligneAnne-Sophie <strong>Thuard</strong>. Une con<strong>du</strong>ite <strong>qui</strong> l’a menéeaujourd’hui à une situation économiquesaine, sans dettes et libérée de toute emprise desbanques, et <strong>qui</strong> lui permet de regarder l’avenirsereinement.Un avenir <strong>qui</strong> ne passe pas encore par le numérique.« Je n’ai pas peur de rater le train. Simplement,je n’en vois pas aujourd’hui l’intérêt. Financièrement,il n’y en a aucun, et je risque surtout descier <strong>la</strong> branche sur <strong>la</strong>quelle je suis assise. » Pourles mêmes raisons, elle n’a pas embarqué dansle train 1001Libraires, un projet qu’elle ne trouvaitpas « sain. Payer en un clic, c’est trop tentant ».Pour autant, elle ne rejette pas les nouvelles technologies,mais les utilise plus comme des levierspour accroître <strong>la</strong> fréquentation. Le site Internetde <strong>la</strong> <strong>librairie</strong>, créé en 2003, propose <strong>la</strong> réservationen ligne, mais il ne met pas en avant <strong>la</strong>livraison, même si ce<strong>la</strong> reste possible. Elle croitaussi beaucoup dans <strong>la</strong> géolocalisation, qu’elleaimerait développer davantage. Mais elle resteavant tout convaincue qu’elle exerce un « métierd’avenir. On aura toujours besoin de s’informer etavec le livre, on peut le faire avec p<strong>la</strong>isir ».

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