42 CULTURE, LOISIRSVENDREDI 24 JUIN 2011sorties musique livres télévision«Jeneveuxplusfairededisque»Princeseproduirale30juinauStadedeFrance.EXCLUSIF. Avant son unique concert au Stade de France le 30 juin, Prince nous aaccordé une longue interview. Il évoque l’évolution de sa carrière et la crise du disque.On manque de s’évanouir enentendant au bout du fil :« C’est pour demain.Tiens-toi prêt. » A quelquesjours de son concertunique au Stade de France le 30 juin,Prince est de passage à Paris. Et il aenvie de parler. L’incroyable nouvelle— on n’en a pas dormi de lanuit — va se confirmer : « Sois là à19 heures. Pas le droit d’enregistrer.S’il t’aime bien, tu auras du temps. »Rendez-vous dans un restaurant selectproche des Champs-Elysées. Fébrile,on est conduit dans un salon àl’étage, vide. Une heure s’écoule. Soudain,Prince apparaît. Seul, sansgarde du corps ni entourage. Souriant,tout en noir, une chaîne argentéeautour du cou, il tend unefranche poignée de main, s’excuse deson retard, demande « Comment çava ? » et « Il y a quoi de sympa à fairece soir à Paris ? », s’assoit sur labanquette, commande un thé vert :« Allez, on discute. »Vous avez joué au Zénith, à Bercy,au Parc des Princes… Le Stadede France manquaità votre tableau de chasse ?PRINCE. Le truc, c’est que j’ai ungroupe d’une qualité incroyable.C’est comme une équipe de basketall stars : chacun est un championdans son domaine. Quand on joueensemble, il y a un tel trop-pleind’énergie qu’il faut au moins un stadepour l’accueillir.J’aime être un tyran,mais avec amourA quoi va ressembler le showdu 30 juin ?Il y aura beaucoup de surprises. Ceque je peux vous dire, c’est qu’à forcede jouer à New York et à Los Angeleson a abouti à un show très maîtrisé.Ce stade, on va le remplir et on va lejouer !On sait que vous répétezbeaucoup. Comment travaillezvousavec votre groupe ?J’aime être un tyran (sourire). MaisDans les années 1980,Michael Jackson et moiétions des exceptionsavec amour. Je leur demande un trèshaut niveau d’excellence, mais euxaussi sont perfectionnistes.Quel souvenir gardez-vousdes années 1980 ?Michael (NDLR : Jackson) et moisommes apparus à une époque où iln’y avait rien. Sur MTV, il n’y avait rien.Que des gens qui s’habillaientcomme s’ils allaient au supermarché.Nous étions des exceptions.Etes-vous nostalgiquede cette époque ?Parfois oui. Il m’arrive de ressortir deschemises que je portais. Mais musicalement,non. Je joue mieux de laguitare, je chante mieux, je suis unmeilleur arrangeur.Travaillez-vous sur un nouvelalbum ?Je n’enregistre plus de chansons. Jene veux plus faire de disque tant quelacrisedel’industriemusicaleneserapas réglée. Plus personne ne gagned’argent. Je vais aller à la Maison-Blanche pour sensibiliser le gouvernementà la question des droits d’auteur.C’est le Far West. Il faut toutnettoyer.Vous aviez pourtant été l’undes premiers artistes à utiliserInternet…Oui mais, à ce moment-là, on gagnaitde l’argent.Vous êtes très tôt parti en guerrecontre les maisons de disques…Un patron de maison de disques m’adit un jour, droit dans les yeux : « Maisenfin, Prince, tu ne crois tout de mêmepas que notre but est de te fairegagner de l’argent ? » On m’a reprochéd’avoir distribué mon album« Planet Earth » avec un journal anglais,mais ça m’a permis de toucher2 millions de personnes. Je me suisbattu pour avoir le contrôle sur mesdisques. A partir de là, plus personnene m’a dicté ce que je devais faire.Est-il vrai que vous avezdes centaines de chansonsdans vos tiroirs ?C’est vrai. J’en fais écouter certaines àmes musiciens, ils me donnent desidées pour les faire aboutir.Vous faites quoientre deux concerts ?J’étudie. J’apprends. J’aime discuteraveclesgens.Danstouslespaysoùjevais, je rencontre des habitants. Parexemple, je reviens du Maroc. J’aimebeaucoup la culture musulmane. Jene comprends pas pourquoi on s’enprendauxfemmesvoilées.Commentpeut-on empêcher les gens de s’habillercomme ils le veulent ?Les gens que vous rencontrezsont-ils très intimidés ?Non, je suis très facile d’accès. Là, parexemple, vous vous sentez mal à l’aiseavec moi ? Non ! La célébrité neveut rien dire ; en réalité, noussommes tous pareils.Quand vous êtes à Paris,vous faites quoi ?Je sors la nuit. Le jour, je ne peux pas.L’époque où je pouvais encore marcherdans la rue sans être harcelé pardes paparazzis est révolue depuislongtemps.Il paraît que vous n’aimez pasqu’on reprenne vos chansons ?D’abord, c’est de la paresse. Ensuite,c’est comme si on effaçait les versionsoriginales. Il n’y a qu’en musiqueque c’est possible : vous imaginezsi chacun pouvait faire sapropre version de « Harry Potter » ?Franchement, est-ce que vous avezenvie d’entendre quelqu’un d’autrechanter « Kiss » ? Pas moi.Vous n’avez pas pris une ride,quel est votre secret ?Le temps est une construction del’esprit. Dieu ne compte pas les annéesqui passent. Dans la Bible, il n’ya aucune date de naissance. Je necélèbre plus mes anniversaires. Sivous restez actif, si vous apprenez deschoses nouvelles, si vous voyagez,alors vous restez jeune.PROPOSRECUEILLISPAR THIERRYDAGUEPrinceenconcertle30juinauStadedeFrance,à19 h 30.Placesde50€à111€.www.stadedefrance.com.(AFP/JENSDIGE.)FESTIVALSolidays,c’estdusolideBernardLavilliers.(LP/PHILIPPELAVIEILLE.)Deux cents artistes, quatre-vingtsconcerts, trois nuits electro, desdizaines de stands : qui ditmieux ? Pour sa treizième édition, lefestival Solidays, qui envahit cet aprèsmidil’hippodrome de Longchamp,reste fidèle à sa formule magique : unecause toujours aussi cruciale, les victimesdu sida, et de nombreuses têtesd’affiche à des prix raisonnables. Cetteannée, Moby, IAM, Gaëtan Roussel,Aaron, Stromae, Bernard Lavilliers,Yael Naïm, les Têtes Raides, etc, chanterontauprofitdeSolidaritéSida.« Solidays est notre principale sourcede revenus », rappelle Luc Barruet,fondateur et infatigable défenseur del’association, qui tire 60 % de ses recettesdu festival francilien. Recordbattul’andernier:1,8M€récolté.Cetteannée, la moisson sera forcément enbaisse, car la construction d’un golf aréduit la capacité du site de 10 %. Cequi n’a pas empêché les billets des’arracher : tous les passes 2 et 3 jourssont épuisés (seuls 250 seront remisen vente aujourd’hui sur place), et lajournéedesamediestcomplète.Les artistes font un effortfinancier pour la bonne cause« L’argent va à la prévention et à l’accompagnementdes malades », expliqueLuc Barruet. Chaque année,SolidaritéSidalanceunappelàprojetsaux associations en France et àl’étranger et en choisit 90 à financer.« En achetant votre billet pour Solidays,vous aidez à implanter un centrede dépistage au Burkina Faso, àétendre les tests de dépistage àBombayouànourrirdesfamillesfrappéesparleVIHàBobigny.»Pour arriver à dégager des bénéfices,Solidays dépend de ses partenaires (larégion, la Ville de Paris, etc.) et… desartistes. « Ils font tous un effort financier,souligneLucBarruet.Onnepourraitpas s’aligner sur les cachets desautres festivals. Mais on a des arguments: ils jouent à Paris, le festival esttrès médiatisé et le public est exceptionnel.» L’an dernier, 168 000 spectateursavaientréponduprésent.T.D.Solidays,jusqu’àdimancheàl’hippodromedeLongchamp.Mo Porte-MaillotouJean-Jaurès.Aujourd’hui,àpartirde16heures:Aaron,AlphaBlondy,Katerine,YaelNaïm,MarkRonson,lesKlaxons,etc.LeBelgeStromae.(LP/LAVIEILLE/CORSAN.)
VENDREDI 24 JUIN 2011CULTURE, LOISIRS 43sorties musique livres télévisionJAPONLeplaidoyerdeLadyGagaCesauteursvontvousfairevoyagerB.D.chaque nouvel album qu’ils signent est un événementpour leurs fans. Le hasard veut que Christophe Chaboutéet Bernar Yslaire se partagent l’actualité de ce début d’été.(AFP/TOSHIFUMIKITAMURA.)(VENT-D’OUEST/CHABOUTE.)«Sambre,chapitreVI:laMervuedupurgatoire»,signéYslaire.Une Lady Gaga au bord deslarmes a promis jeudi d’user detout son pouvoir de star planétairepour « rappeler au monde que leJapon est sûr » après le séisme, le tsunamiet la catastrophe nucléaire survenusle11mars.Lachanteuseaméricaine,classéecetteannée célébrité la plus influente dumondeparlemagazine«Forbes»,estàTokyo pour le concert de charité MTVVideo Music Aid Japan, samedi. « Jepense qu’il est temps de regarderl’avenir»,aditLadyGaga-san,commeonl’appelleauJapon.«C’esttellementimportant que l’on continue à récolterdel’argent.Maisilesttoutaussiimportantde rappeler au monde que leJapon est maintenant sûr et que lesportessontgrandesouvertespourqueles touristes viennent profiter de cebeau pays », a-t-elle insisté, en buvantun thé devant les photographes. L’artisteaannoncéqu’elleallaitmettreauxenchères sa tasse afin de lever desfondspourlaCroix-Rouge.LadyGagaaurait jusqu’ici donné environ 3 millionsde dollars pour les zones sinistréesdunord-estduJapon.ENBREFMOSTRAPolanski à Venise. Parmi les filmsprojetés lors de prochaine Mostra deVenise qui débute le 31 août avec«The Ides of March » de et avecGeorge Clooney, il y aura « Carnage »de Roman Polanski, qui réunit à l’afficheKate Winslet, Jodie Foster,Christoph Waltz et John C. Reilly. Cefilm, entièrementtournéenstudios,àBry-sur-Marne, près de Paris, estl’adaptation à l’écran de la pièce « leDieu du carnage » de Yasmina Reza.Le film sortira le 12 octobre.CHABOUTÉenpleinroad-movieC’est l’ermite de la BD. A 44 ans,Christophe Chabouté, scénaristeet dessinateur, élevé entre poules,cochons et couvées dans une fermeperdue du côté de Mulhouse, a toujourspréféré les petits dessins auxlongsdiscours.Quand il laisse la barbe manger sonvisage aigu, ce fils d’un peintre en bâtimentetd’unepiqueusedechaussures,ex-élève des Arts déco de Strasbourg,ferait fureur chez Tolstoï ou Dostoievski.Maître du noir et blanc, il saitcomme personne camper une atmosphère,donner de la densité à la neige,faire parler un silence. L’un de ses albums,« Construire un feu » (2007),adaptéd’unenouvelledeJackLondonet réalisé après un retour de voyage enAlaska, était sans paroles. Il y avait travailléenhiverdansunfroiddegueux.ChristopheChabouté.Le trait est vif, mouvementéLe récit qu’il publie aujourd’hui, avecson titre à rendre jaloux les meilleursdenosauteursfrançaisdepolar,estunroad-movie qui raconte l’histoire d’untype évadé d’un hôpital psychiatrique,persuadé de détenir des documentshautement compromettants et quimenace de mort le couple qui l’a prisenstop.Commed’habitudeavecChabouté,qui vit désormais sur l’îled’Oléron, le noir serré s’offre deséchappatoires, joue au chat et à lasouris avec le lecteur, mais ne faiblitjamais, ni en dialogues ni en intensité.Le trait est vif, mouvementé, une expressionest rendue d’un rien deplume.Dugrandart.PIERREVAVASSEUR«Lesprincessesaussivontaupetitcoin»,deChabouté,Ed.Ventsd’Ouest,112pages,17,99€.«Lesprincessesaussivontaupetitcoin»deChristopheChabouté.(DR.)(GLÉNAT/ISLAIRE)YSLAIREprendlamerCertes, la comparaison peutparaître audacieuse, mais s’il yavait un équivalent masculinde Jean-Jacques Goldman enbande dessinée, ce serait lui : BernarYslaire, Bruxellois de 54 ans, look debaroudeur que ses cheveux blondsfont ressembler à un marin au longcours. Né Hislaire, il a transformé en1986 son patronyme en installantun Y à l’initiale.Et c’est en enlevant ce H majusculeque ce gamin tombé à 7 ans dans lamarmite BD, auteur pour commencerde petites séries pourSpirou, est ensuite entré dans l’histoiredu neuvième art. Il nous avaitlaissés en 2007 sur « le Ciel audessusde Bruxelles », après unthriller romantique mettant enscène une terroriste musulmane etson amoureux juif.Dessin sensuel, récit épiqueMais ce que les lecteurs attendaientpar-dessus tout, c’était le sixièmechapitre de « Sambre », cultissimesérie qui s’est vendue à des centainesde milliers d’exemplaires.Personne ne voulait de cette sagacommencée en 1985 et qui s’ouvre,dans la fiction, en 1848 sur fond deBernarYslaire.(DR)révolution, mue par une intensehistoire d’amour. Cette fois, le lecteurs’exile à Cayenne sur le pont dela « Désirée », en compagnie deJulie, l’héroïne récurrente de«Sambre »… Dessin sensuel, récitépique, on peut sans souci souhaiterbon vent à ce nouveau tome.P.V.« Sambre, chapitre VI : la Mer vuedu purgatoire », d’Yslaire, Ed. Glénat,56 pages, 13,50 €.