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TELECHARGEMENT : limousin.pdf - Groupe de recherche Achac

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Présence <strong>de</strong>s SudsLE POPULAIRE DU CENTRE MARDI 15 SEPTEMBRE 2009 23PRESENCE DES SUDSEN LIMOUSINLIMOGES. La présence <strong>de</strong>s soldats <strong>de</strong>s colonies en Limousin ne relève plus du folklore <strong>de</strong>s expositions coloniales.Un pays d’émigrants <strong>de</strong>venu terre d’asilee Limousin est au Sud. Au Sud <strong>de</strong> Paris. Et pendant<strong>de</strong>s siècles, nombreux sont ceux qui ont du émigrerL pour réussir ou, tout simplement, ne pas mourir <strong>de</strong>faim… Il a fallu quitter cette petite montagne et sesplaines, peuplées <strong>de</strong> paysans et <strong>de</strong> troupeaux. Un paysoù l’industrie <strong>de</strong> la porcelaine ou du cuir ne suffisaientpas encore pour donner du travail à tous. Ils sont doncpartis, à l’image <strong>de</strong>s maçons <strong>de</strong> la Creuse, offrir leursbras en d’autres terres.Rares étrangers… Quand le XIX e siècle s’achève, le Limousindéserté par ses enfants ne compte que <strong>de</strong> raresétrangers, dont la plupart sont <strong>de</strong>s saisonniers italiensou espagnols. Si l’on y ajoute quelques domestiques alleman<strong>de</strong>sou polonaises, on compte moins <strong>de</strong> 0,2 %d’immigrés dans la population totale <strong>de</strong> la région…Eldorado. Puis le Limousin, au tournant d’un XX e siècleriche en bouleversements, s’est retrouvé au Nord… AuNord <strong>de</strong> la pauvreté et <strong>de</strong> la guerre. Et la région est <strong>de</strong>venueEldorado et terre d’asile.Les Européens, Espagnols, Italiens et Portugais en tête,viennent travailler dans les mines et sur les chantiers <strong>de</strong>la région. Ils sont bientôt rejoints par les premiers immigrésturcs, maghrébins ou indochinois. Les conditions<strong>de</strong> travail <strong>de</strong> ces hommes seuls, exilés loin <strong>de</strong> leurspays, sont dures et peu envisagent <strong>de</strong> rester.Les <strong>de</strong>ux guerres mondiales bouleversent les flux migratoireset ouvrent le Limousin aux visages étrangers.Qu’ils soient tirailleurs sénégalais blessés à Verdun ouAlgériens ayant pris le maquis, ils marqueront l’esprit<strong>de</strong>s paysans qui les croisent. Car jusque-là, l’empire colonialn’est pour la plupart d’entre eux qu’une cartepostale ou une réclame pour Banania…Mo<strong>de</strong>rnité. AlaLibération, l’afflux est massif pour menerà bien les chantiers <strong>de</strong> construction, en particulieren Corrèze. Le département comptera jusqu’à la moitié<strong>de</strong>s étrangers <strong>de</strong> la région ! Barrages, routes, logements,…Ces travailleurs immigrés vont construire le Limousind’après-guerre et offrir la mo<strong>de</strong>rnité à leurs hôtes.La crise. Mais la crise pétrolière survient, à partir <strong>de</strong>1973, faisant exploser le chômage… Les mines <strong>de</strong> charbonont déjà fermé, celles d’uranium vont suivre. Laconstruction et l’industrie sont en panne. On incitealors ces immigrés à retourner “chez eux”. Mais, mis àpart les Européens qui découvrent peu à peu la liberté<strong>de</strong> circulation, la plupart <strong>de</strong> ces travailleurs <strong>de</strong>venussans-travail déci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> rester. Avec leurs proches, venusà l’occasion du regroupement familial, ils vont s’entasserdans les quartiers populaires, essentiellement <strong>de</strong>sH.L.M. L’immigration est stoppée - le nombre d’étrangersne dépassera jamais les 21.000 - mais le problèmeéconomique <strong>de</strong>vient politique et social…Mixité et <strong>de</strong>venir. Il faut raison gar<strong>de</strong>r car, loin <strong>de</strong>s concentrationsque connaissent l’Île-<strong>de</strong>-France ou les Bouches-du-Rhône,le Limousin ne compte que 3 %d’étrangers, soit la moitié <strong>de</strong> la moyenne nationale. Unchiffre qui, ajouté au caractère rural <strong>de</strong> la région, doitpouvoir offrir plus <strong>de</strong> place pour ces populations issues<strong>de</strong> l’immigration, qu’elle soient d’ailleurs <strong>de</strong> la première,<strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième ou <strong>de</strong> la troisième génération, comme lemontre la remarquable intégration <strong>de</strong>s réfugiés du Sud-Est asiatique, arrivés dans les années 70. Comme l’expliqueGérard Noiriel, trop souvent, « l’histoire locale traitece phénomène comme une histoire négligeable », formant<strong>de</strong> fait <strong>de</strong>s non-lieux <strong>de</strong> mémoire. C’est pourtantce récit dans le siècle auquel invite ce dossier, qui est àla fois un support <strong>de</strong> savoir, notamment pour les enseignants,un récit d’histoire pour une meilleure connaissancepartagée du passé et un lieu <strong>de</strong> mémoire pourtous les habitants du Limousin. ■


24 MARDI 15 SEPTEMBRE 2009 LE POPULAIRE DU CENTREPrésence <strong>de</strong>s SudsHistoire■ QUESTIONS A...Frédéric Callens:«LeLimousin, terre atypique »Directeur régional <strong>de</strong>l’ACSÉ Limousin (Agencenationale pour lacohésion sociale etl’égalité <strong>de</strong>s chances),Frédéric Callens répondà <strong>de</strong>ux questionsautour <strong>de</strong>s mémoireset <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> l’immigrationen Limousin.■ En quoi consiste leprogramme “Histoire/mémoire <strong>de</strong>s immigrationsen régions“ lancépar l’ACSÉ dans toute laFrance ?Ce programme, crééen 2005, avait pourobjectif <strong>de</strong> « réconcilier» les Français avecleur passé, y comprisle présent post-colonial,puisqu’il s’agissaitd’obtenir une rétrospective<strong>de</strong> l’apport<strong>de</strong>s étrangers à l’histoire<strong>de</strong> France, sousforme <strong>de</strong> récit historique,contextualisé enfonction <strong>de</strong>s caractéristiques<strong>de</strong> chaqueterritoire, à partir <strong>de</strong>1789 jusqu’à nosjours. La comman<strong>de</strong> aporté sur vingt-<strong>de</strong>uxrégions et l’outremer: Gua<strong>de</strong>loupe,Martinique, Guyane etLa Réunion. Ces travauxont ensuite étéremis à la Cité nationale<strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong>l’immigration (CNHI)afin que les résultats<strong>de</strong> <strong>recherche</strong> puissentêtre ensuite approfon-dis ou valorisés parcette institution. C’estun travail important,car c’est la premièrephotographie à l’échelle<strong>de</strong> la France <strong>de</strong> l’état<strong>de</strong> l’histoire (sources)et <strong>de</strong> la mémoire enmatière d’immigration.■ Quelle est la particularitéqui ressort <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong>sur le Limousin dans sonrapport à l’histoire et àla mémoire <strong>de</strong>s immigrations?Le Limousin, dansl’étu<strong>de</strong> “Histoire et mémoire<strong>de</strong> l’immigration”(www.lacse.fr/ressources)coordonnéepar Jean-PhilippeHeurtin en 2008, apparaîtcomme une terreatypique d’immigration.Tout d’abord parceque nous n’avonsque tardivement affaireà une immigration <strong>de</strong>main-d’œuvre, essentiellementaprès le premierconflit mondial,ensuite parce qu’unepart importante <strong>de</strong>simmigrations dans cesrégions ont trouvé dans<strong>de</strong>s raisons politiqueset non économiquesles raisons <strong>de</strong> l’exil ;enfin, et <strong>de</strong> manièrecorrélative, ces régionsn’ont bénéficié que <strong>de</strong>relativement faiblesflux d’immigration etcomptent un nombreégalement faible d’immigréssur l’ensemble<strong>de</strong> la pério<strong>de</strong>. ■Zizim, le prince turc en exil1484-1488Quatre années durant, unprince turc et sa suite sontrestés prisonniers en Limousin.Un épiso<strong>de</strong> méconnu<strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> la région.Depuis le départ <strong>de</strong>sS arrazins auVIII e siècle (voir ci<strong>de</strong>ssous),les évangélisateursont achevé <strong>de</strong> christianiserle Limousin. Etdès la fin du XI e siècle, larégion fournit en seigneurset en soldats lapremière croisa<strong>de</strong>. Parmiceux-ci, on peut citerGouffier <strong>de</strong> Lastours, dit“le Vieux”, qui ne ramènesûrement pas que <strong>de</strong>s récitsélogieux à propos <strong>de</strong>sSarrazins…Peu d’entre-eux s’aventurèrentjusqu’en nos terresavant le XV e siècle. Et en1484, débarque en Creuseune délégation ottomane…Plusieurs dizaines <strong>de</strong>soldats enturbannés, à latête <strong>de</strong>squels se trouveDjem Sultan, appelé “Zizim”par les Occi<strong>de</strong>ntaux,le propre frère du souverainturc ! En fait, cet hôteest un prisonnier. Menacépar son aîné, il se réfugie àRho<strong>de</strong>s, auprès <strong>de</strong> l’ordre<strong>de</strong>s hospitaliers. Songrand maître, Pierred’Aubusson, le reçoit et luipromet sa protection. Enfait, le fin diplomate s’ensert pour négocier avecson frère. Il fait donctransférer son invité enFrance, d’abord à Lyonpuis près <strong>de</strong> Paris, avant<strong>de</strong> l’héberger chez lui, enCreuse.Il arrive d’abord avec sasuite à Bourganeuf, en1484. Mais craignant queleur précieux otage soitenlevé, Pierre d’Aubussonle fait transférer dansd’autres lieux. Djem Sultanva ainsi errer <strong>de</strong> châteauxen comman<strong>de</strong>riespendant quatre ans : Monteil-au-Vicomte,Morterolles,près <strong>de</strong> l’actuelle Bessines,ou encoreBois-Lamy, où il reste<strong>de</strong>ux ans. Il y découvre lestechniques <strong>de</strong> pêche etd’élevage <strong>de</strong>s paysans <strong>limousin</strong>s.Mais Pierre <strong>de</strong>Blanchefort, propriétaire<strong>de</strong>s lieux et garant <strong>de</strong> lasécurité <strong>de</strong> son hôte, préfèrefinalement le transférerà Bourganeuf. A cemoment, il ne reste plusqu’une quinzaine <strong>de</strong> Turcspour l’accompagner, surles dizaines qui l’escortaientau départ. Dans lebourg, il loge dans le bâtimentle mieux fortifié : latour <strong>de</strong> six étages <strong>de</strong> lacomman<strong>de</strong>rie aux mursépais <strong>de</strong> près <strong>de</strong> trois mètres! Il s’agit <strong>de</strong> la fameusetour “Zizim”, fierté architecturale<strong>de</strong>Bourganeuf. Il tente <strong>de</strong>s’en éva<strong>de</strong>r, mais n’y gagneque le durcissement<strong>de</strong> ses conditions <strong>de</strong> détention.Il passera près <strong>de</strong><strong>de</strong>ux ans au second étage<strong>de</strong> la tour…Mort en exil. Djem quittedéfinitivement Bourganeufle 10 novembre 1488, avecune escorte <strong>de</strong> quatrecents hommes et autant<strong>de</strong> chevaux. Conduit àRome, il y retrouve le luxeet la vie <strong>de</strong> la cour. Il y côtoiele pape et les princesitaliens, mais tombe mala<strong>de</strong>et meurt à Naples en1495, sans avoir pu revoirson Orient natal. ■Les “Maures”en déroutetraversent la région732La première fois que <strong>de</strong>sArabes traversent les terres<strong>limousin</strong>es, la Francen’existe pas encore. Et ilsne laisseront pas que <strong>de</strong>bons souvenirs…Nous sommes en 732,et <strong>de</strong>s troupes <strong>de</strong>“Sarrazins” déferlentpar le nord-ouest <strong>de</strong> la région.Depuis plusieurs décennies,ces guerriers venusd’Espagne s’étaientinstallés en Aquitaine ettentaient <strong>de</strong> gagner leNord. Eu<strong>de</strong>s (*), alors souverain,aurait aidé ces <strong>de</strong>rnierspensant s’en servircontre son rival, CharlesMartel. Mais ce <strong>de</strong>rnierrassemble ses troupes àPoitiers et met les Sarrazinsen déroute…ATABLE. Zizim, fils <strong>de</strong> Mahomet II, dînant à la table du grandmaître <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong>s Hospitaliers, Pierre d’Aubusson, à Rho<strong>de</strong>s.POITIERS. Les cavaliers arabes ont terrorisé le Limousin.C’est à ce moment, enpleine débâcle, que lesguerriers arabes foulentau galop les terres <strong>limousin</strong>es.Sur leur route, ils sèmentla terreur et pratiquent<strong>de</strong>s “razzias” : levillage est pris d’assaut àcheval, pillé et brûlé, lesfemmes enlevées et leshommes souvent tués…Guéret sera miraculeusementépargnée grâce, selonla légen<strong>de</strong>, aux prières<strong>de</strong> saint Pardulphe.Ces troupes vont se replierau Sud et ne reviendrontpas. Toutefois, certainsferont souche et onexplique parfois par unehérédité supposée l’attributiondu patronyme“Moreau”, qui viendrait <strong>de</strong>“Maure”, l’autre nom <strong>de</strong>sSarrazins. D’autres legssont historiquement avérésen Limousin. A l’image<strong>de</strong>s chiffres, <strong>de</strong> la mé<strong>de</strong>cine,<strong>de</strong> la technologie <strong>de</strong>smoulins ou du cheval“barbe”, une <strong>de</strong>s souches<strong>de</strong> la célèbre race équineanglo-arabe, née dans larégion. Une controverseoppose enfin les historiens,dont certains attribuentaux Sarrazins la paternité<strong>de</strong> la tapisseried’Aubusson… ■(*) Réconcilié avec CharlesMartel, il meurt en 735 sur l’île<strong>de</strong> Ré. Son fils fut inhumé à Limoges.CODE NOIR. Il régit l’esclavage dès 1685, jusqu’en 1848.1600-1848La “négritu<strong>de</strong>” en servitu<strong>de</strong>…Hormis quelques esclavesamenés par les Arabes, lesLimousins n’ont pas croisé<strong>de</strong> Noirs avant l’avènement<strong>de</strong> l’esclavage.Et ce n’est que plusieursannées après Bor<strong>de</strong>aux ouLa Rochelle, célèbres portsnégriers, que les premierssont achetés par <strong>de</strong>s notables<strong>de</strong> la région.Dès le XVI e siècle, il estdu plus bel effet <strong>de</strong> possé<strong>de</strong>r“son” domestique venant<strong>de</strong>s Colonies. Lors<strong>de</strong>s banquets organiséspar les riches familles, lasoubrette à la peau cuivréeet aux cheveux crépusse retrouve au cœur<strong>de</strong>s conversations. L’exotismeest alors un luxerare… Etces éxilés, mêmereclus dans <strong>de</strong> belles <strong>de</strong>meures,se font souventdévisager par <strong>de</strong>s paysansqu’ils croisent, dontl’ignorance et la croyanceentretiennent les peurs.Premières présencesEn 1807, une gran<strong>de</strong> enquête<strong>de</strong> police recense les“noirs et hommes <strong>de</strong> couleurs”en France, à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong><strong>de</strong> Napoléon Bonaparte,après lerétablissement <strong>de</strong> l’esclavage.On dénombre “sixpersonnes” dans le Limousindont un “métis”, etaussi une “femme”.Comme dans toute laFrance, les “traces” <strong>de</strong> l’esclavageont marqué le territoireet les populations“noires” ont déjà inscritleur marque et leur présencedans la société. ■


Présence <strong>de</strong>s SudsHistoireLE POPULAIRE DU CENTRE MARDI 15 SEPTEMBRE 2009 25■ REGARD SUR L’ÉTRANGERPeurs et fascinationsLeregard exprimebeaucoup <strong>de</strong> sentimentet le regardsur l’étranger <strong>de</strong>speurs et <strong>de</strong>s fascinations.Il faut repartir<strong>de</strong>s images pourcomprendre.Le regard <strong>de</strong> l’historien du sensible,Alain Corbin, auteurd’une thèse sur « Archaïsmeet mo<strong>de</strong>rnitéen Limousin auXIX e siècle (1845-1880) », éclaire la manièredont l’autre estperçu <strong>de</strong>puis le milieudu XIX e siècledans le Limousin. Eneffet, dans ces travauxl’autre étranger sembleabsent auXIX e siècle en région,comme si ce qui primait,ce qui dominait,était l’image <strong>de</strong> celuiqui va <strong>de</strong> la campagneà la ville (l’étranger<strong>de</strong> l’intérieur),comme si la seuleimage était celle <strong>de</strong>celui qui partait <strong>de</strong> larégion pour s’installerdans les gran<strong>de</strong>s villes.De fait, c’est seulementau XXe siècleCARTE. Le char <strong>de</strong>s coloniesà Tulle en 1899.que l’image <strong>de</strong> l’étrangerémergera dans la penséecollective et dans le regardcommun en Limousin,à travers les premierstravailleurs immigrés quis’installent <strong>de</strong> façon visibleen région. Puis, à lafin du premier quart dusiècle et jusqu’à la Libération,une réelle xénophobieémergera, notammentdans la presselocale, contre ces « indésirables», qui recoupetout autant l’image <strong>de</strong>l’Italien que celle du«Musulman » ou celledu « réfugié espagnol »àlafin <strong>de</strong>s années 30.De façon anecdotique,c’est dans les fêtes populairesque cette image<strong>de</strong> l’autre émerge lemieux. On retrouve, sur<strong>de</strong>s cartes postales et<strong>de</strong>s tirages photographiquesdu début duXX e siècle (comme àTulle en 1899 avec lechar <strong>de</strong>s colonies ou àLimoges en 1907), <strong>de</strong>sLimousins sous <strong>de</strong>s« masques hi<strong>de</strong>ux » oud’improbables costumesarabes, asiatiques,<strong>de</strong> coloniaux ou <strong>de</strong> marins. Et ce mo<strong>de</strong>d’auto-exhibition exotiquesemble avoir largementdépassé le milieubourgeois et mondainpour passer à un registreplus populaire et rural.En endossant lecostume d’êtres situés àl’opposé <strong>de</strong> leur symboliquesociale, les Limousins,ainsi déguisés,expriment lerenversement d’unehiérarchie établie, oùl’autre symbolise soncontraire. ■Un millier d’années sur la route...ManouchesArrivés d’Orient il yaprès d’un millénaire, les “gens duvoyage” sont aujourd’hui 350.000 en France, dont près <strong>de</strong>3.000 en Limousin. Sans qu’ils soient considérés comme<strong>de</strong>s étrangers, ils sont toujours exclus <strong>de</strong> la société.Leur teint est mat auxreflets cuivrés. Maisleur peau n’est pas leseul héritage qu’ils ont ramenéd’In<strong>de</strong>, il yaplus <strong>de</strong>mille ans. Ils ont aussi gardéle goût du voyage etleur langue, métissée au fild’un long exil sans retour…On ignore pourquoi ilsont quitté le Rajasthan,mais on suit leurs tracesjusqu’à l’Atlantique. Leurprésence en France est attestéedès le Moyen-Âge.Leur teint et leur provenancesupposée leur vautd’être qualifiés <strong>de</strong> “Gitans”,comme s’ils venaientd’Egypte, ou encore<strong>de</strong> “Bohémiens”.Ils exercent <strong>de</strong>s métiersadaptés à leur nomadisme: saisonniers, rémouleurs,vanniers, palefreniers,musiciens ou encoremontreurs d’ours… Ilstrouvent une place, certesparticulière, mais utiledans une société essentiellementrurale. Mais leurspécificité est suspecteaux yeux <strong>de</strong> la populationet du pouvoir. Dès leXVIII e siècle, ils sont soumisà un régime que l’Europeconsidère encoreaujourd’hui comme« discriminatoire ».Douloureux XX e sièclePendant la Secon<strong>de</strong>Guerre mondiale, les Tsiganesfurent victimes <strong>de</strong>lois racistes aussi iniquesque celles appliquées auxjuifs. Pourchassés, arrêtés,parqués, comme à Nexon,et déportés sans retourvers l’Est… Les Manouchesappellent ce génoci<strong>de</strong>le “samudaripen”,autrement dit, le “meurtre<strong>de</strong> tous”.Culture. En 1982, un journalistedu Populaire duCentre va àlarencontred’une famille en Corrèze.«Legrand drame <strong>de</strong>s Gitans,lui explique le vicaireJean-Louis Carrière, leuraumônier en Corrèze, c’estd’être totalement dépourvu<strong>de</strong> culture. Certes, ilsont quelques traditionsorales, mais vous ne trouverezpas, dans les caravaneset les roulottes lemoindre livre ou le moindrejournal. En revanche,chez les moins pauvres,les postes <strong>de</strong> télévision[…] les ont comblés. »Leur nomadisme et leurfoi, qui les rassemble lors<strong>de</strong> pèlerinages annuelscomme à Saint-Auvent, cimententencore la communauté.Mais les problèmes<strong>de</strong> scolarité, surtout àpartir du collège, et <strong>de</strong> délinquancegrandissent àmesure que les structurestraditionnelles s’effritent.En Haute-Vienne, avec“Ma Camping 87”, les gitanss’organisent pourparticiper au débat, commelors <strong>de</strong> la récente créationd’aires d’accueil dansles communes <strong>de</strong> plus <strong>de</strong>5.000 habitants. Et fairevaloir leurs droits à l’égalitéet à la différence. ■BAPTÊME. Dans la Gorre,au pèlerinage <strong>de</strong>Saint-Auvent.Les 1.500 “guerilleros” <strong>de</strong> NapoléonXIX e siècleIls ouvrent la voieet le Limousin au Mon<strong>de</strong>VOIE FERRÉE. De nombreux Italiens (ci-<strong>de</strong>ssus aux USA), maisaussi <strong>de</strong>s Espagnols, ont travaillé sur les chantiers <strong>de</strong>s chemins<strong>de</strong> fer <strong>limousin</strong>s, aux coté <strong>de</strong> Français ou encore <strong>de</strong> Polonais.1808. Napoléon et son armée conquièrent l’Europe et soumettent les Etats voisins. L’Espagne ne fait pasexception. Ferdinand et Charles, les <strong>de</strong>ux prétendants au trône du pays occupé, sont invités par l’empereuràBayonne. Craignant qu’ils ne soient pris en otage, les habitants <strong>de</strong> Madrid se révoltent et l’émeute est trèsdurement réprimée. Les jours qui suivent ce 2 mai 1808, <strong>de</strong>s Madrilènes sont exécutés (ci-<strong>de</strong>ssus, le célèbretableau <strong>de</strong> Goya qui immortalise le tragique épiso<strong>de</strong>) oudéportés. Finalement, Napoléon confie la couronneà son frère Joseph. Mais la population s’insurge et mène <strong>de</strong> véritables opérations <strong>de</strong> “guerilla”. Durant <strong>de</strong>smois, la répression sera terrible et <strong>de</strong>s milliers d’Espagnols en feront les frais.En 1909, près <strong>de</strong> 1.500 prisonniers se retrouvent à Limoges, en transit vers Châteauroux ou Moulins, où ilsdoivent être internés. Une foule en haillons qui a certainement dû marquer les citadins et les paysans quifurent alors témoins <strong>de</strong> cette douloureuse péripétie migratoire. Car bon nombre <strong>de</strong> ces malheureux exilésne revirent jamais les plaines d’Andalousie...Le XIX e siècle est le siècledu chemin <strong>de</strong> fer. Des centaines<strong>de</strong> milliers d’ouvrierscreusent les montagnes etajustent <strong>de</strong>s rails à traversla France.Pour atteindre Limoges,la compagnie Paris-Orléansdoit traverser lesmassifs du nord <strong>de</strong> laHaute-Vienne. Des chantierspharaoniques voientle jour. Pour construire leviaduc <strong>de</strong> Morterolles, quisurplombe la Gartempe,une ville provisoire <strong>de</strong>plus <strong>de</strong> 10.000 ouvriers estcréée. Pendant seize mois,ces travailleurs venus <strong>de</strong>France et d’Europe - Italie,Espagne, Pologne,... - arrachentle granit <strong>de</strong> la montagneet édifient le plushaut viaduc <strong>de</strong> l’époque.Le train arrive finalementà Limoges le 18 juin 1856.Deux ans plus tard, l’empereurNapoléon III inaugurela foire-exposition <strong>de</strong>Limoges. Évoquant la voieferrée qui l’a amené en Limousin,il juge que « la facilité<strong>de</strong> circulation estune <strong>de</strong>s conditions indispensables<strong>de</strong> la richesse et<strong>de</strong> la gran<strong>de</strong>ur <strong>de</strong>s populations». ■


26 MARDI 15 SEPTEMBRE 2009 LE POPULAIRE DU CENTREPrésence <strong>de</strong>s SudsHistoireLimoges célèbre les “Outre-mers”1903L’exposition qui ouvre sesportes au Champ-<strong>de</strong>-Juillet,en 1903, est la plus gran<strong>de</strong>fête organisée à Limogesau XX e siècle : 400.000 visiteurs! Sa principale attractionest la reconstitution <strong>de</strong>villages d’Afrique noire etdu Maghreb.La gare <strong>de</strong>s Bénédictinsn’existe pas encore,mais c’est grâce autrain que les Limougeaudsvont découvrir les premiersAfricains...Le 1 er mai 1903, s’ouvresur le Champ-<strong>de</strong>-Juillet lagran<strong>de</strong> “exposition industrielleet <strong>de</strong>s Beaux-Arts”.L’événement rassemble cequi se fait <strong>de</strong> mieux enmatière <strong>de</strong> progrès technique,scientifique et artistique: machines, textiles,produits agricoles, tableaux,sculptures, etc. Lesuccès est au ren<strong>de</strong>z-vous !Affluence. Grâce auxtrains spéciaux à tarif réduit,400.000 visiteurs venus<strong>de</strong> toute la France sepressent à l’exposition <strong>de</strong>Limoges. La clôture, prévuele 15 septembre, serafinalement repoussée àdébut novembre.En plus <strong>de</strong> la partie commerciale,l’exposition propose<strong>de</strong>s spectacles et <strong>de</strong>sanimations musicales permanentes.Le kiosque àmusique du Champ-<strong>de</strong>-Juillet accueille une centained’artistes venus <strong>de</strong>Paris. Divers concoursvont jalonner les 167 joursque va durer cette gran<strong>de</strong>fête : gymnastique, escrime,bovins, fleurs,...Le “village noir”Mais l’un <strong>de</strong>s endroits lesplus fréquentés <strong>de</strong> l’expositionfut le “village noir”,■ De la Négrita à Y’a bon, BananiaRÉCLAME DE 1892 ■ Cette affiche d’un détaillant en liqueurs<strong>de</strong> Limoges est représentative <strong>de</strong> l’esprit <strong>de</strong>l’époque. Ces réclames vantent l’exotisme auprès<strong>de</strong>s Français <strong>de</strong> métropole : rhum, café, quinquina,chocolat... Comme le célèbre “Y’a bon, Banania”.qualifié d’« exhibition ethnographique”.Les visiteursqui, pour la plupartn’avaient jamais vu d’Africains,venaient en fait découvrir<strong>de</strong>ux villages reconstitués: un soudanaiset un sud-oranais (Algérie).Ren<strong>de</strong>z-vous chic. Centpersonnes - hommes,femmes, enfants, bébés -,ATTRACTION. La porte <strong>de</strong>s villages soudanais et sud-oranais.installées dans <strong>de</strong>s cases, yvaquaient à leurs occupationset présentaient leursmœurs et leurs coutumes.Jusqu’aux mariages, présentéscomme <strong>de</strong>s spectacles...« Nous ne pouvons[...] que louer en tout etpour tout la tenue <strong>de</strong> nosbraves Soudanais, rapporteLe Petit Centre. Ainsi, <strong>de</strong>jour en jour, les familles“EXHIBITION ETHNOGRAPHIQUE”. Une centaine d’Algériens et <strong>de</strong> Soudanais miment leur quotidien<strong>de</strong>vant les visiteurs curieux.“Héros” <strong>de</strong>s coloniesBugeaud, Treich-Laplène et GermainJOSEPH GERMAIN. Entre 1896 et 1899, cet officier <strong>de</strong> l’artilleriecoloniale, né à Brive, s’est illustré en participant, avecd’autres officiers (ci-<strong>de</strong>ssus à Paris), 150 tirailleurs et <strong>de</strong>s milliers<strong>de</strong> porteurs noirs, à l’expédition “Marchand” à traversl’Afrique : 6.000 km et <strong>de</strong>ux ans <strong>de</strong> marche avant d’atteindreFochoda, au Soudan, et d’y planter le drapeau français.sont plus nombreuses etle village <strong>de</strong>vient le ren<strong>de</strong>z-vous<strong>de</strong> la haute société<strong>limousin</strong>e. »Les Limousins découvrentainsi le visage <strong>de</strong> ces“indigènes” que l’empirecolonial français affirme« civiliser » <strong>de</strong>puis déjàplus d’un siècle... Maiscertains auteurs notentaussi une certaine méfiance<strong>de</strong>s visiteurs par rapportà ces démonstrationssi loin <strong>de</strong>s préoccupations.En 1938. Une autre exposition,“coloniale” celle-là,est organisée en 1938 à Limoges.On y retrouve l’esprit“cabinet <strong>de</strong> curiosité”qui avait marqué l’exposition<strong>de</strong> 1903, mais le fasteet la foule en moins... ■PROPAGANDE. Le stand <strong>de</strong> l’Afrique occi<strong>de</strong>ntale française à la Foire coloniale <strong>de</strong> Limoges <strong>de</strong> 38.BUSTE. J. Germain à Brive :le tirailleur sera fondu.Le XIX e siècle est celui <strong>de</strong> lacolonisation. La France,comme la plupart <strong>de</strong>s nationseuropéennes, se lancedans la conquête <strong>de</strong> nouveauxespaces et <strong>de</strong> nouvellesrichesses.L’un d’entre-eux s’estparticulièrement illustré,mais il ne s’agissait ni d’unpaysan, ni d’un simple soldat.Thomas-Robert Bugeau<strong>de</strong>st né à Limoges, le15 octobre 1784, dans une“gran<strong>de</strong>” et vieille famille.Licencié <strong>de</strong> l’armée, ils’engage en politique et estcandidat en Périgord.Réintégré au gra<strong>de</strong> <strong>de</strong> généralpar Louis-Philippe, ilest envoyé en Algérie, pourmater la rébellion d’Ab<strong>de</strong>lka<strong>de</strong>r,et en <strong>de</strong>vient gouverneurgénéral.« Enfumez-les » !Alatête <strong>de</strong> 100.000 hommes,il pourchasse les partisansjusque dans lesgrottes où ils se réfugient.«Enfumez-les à outrance,comme <strong>de</strong>s renard », ordonne-t-il! Des milliersd’Algériens, cinq annéesdurant, seront ainsi massacrés,les autres étant déportésà Cayenne ou enNouvelle-Calédonie… Il selancera alors à l’assaut duMaroc, où il gagnera sontitre <strong>de</strong> Duc d’Isly, du nom<strong>de</strong> l’oued qu’il conquit.Devenu Maréchal d’Empire,il finit par capturer Ab<strong>de</strong>lka<strong>de</strong>r.D’autres noms sont restéslégendaires localementcomme Marcel Treich-Laplène.Il est né à Ussel, oùune statue pour commémorerson « œuvre coloniale»aété érigée, en tantqu’explorateur, planteur etfondateur <strong>de</strong> la colonie <strong>de</strong>Côte-d’Ivoire. Il a mêmedonné son nom (Treichville)à un quartierd’Abidjan en décembre1934, la capitale ivoirienne.Plusieurs monumentssont érigés, commeà Tulle le “monumentCharles Lovy” qui rendhommage à ce sergent,enfant du pays, tué en1903 en Algérie. Un secondmonument, à la gloire<strong>de</strong> Joseph Germain et àla “Force noire”, sera érigéen 1914. Le corps en piedd’un tirailleur sénégalaisen bronze est immense etdomine totalement le buste<strong>de</strong> Germain. Trouvantinacceptable cette présenced’un tirailleur sénégalaisdans un pays d’occupation,les Allemandsferont démonter le tirailleuret le feront fondre…■


Présence <strong>de</strong>s SudsHistoireL’Armée Noire soigne ses blessures1914-1918Durant le premier conflit mondial, le Limousin accueille<strong>de</strong>s blessés en convalescence, dont <strong>de</strong>s tirailleurs venus<strong>de</strong> tout l’Empire verser leur sang pour la France.Dès les premiers jours<strong>de</strong> la guerre, lestroupes colonialessont mobilisées. L’ArméeNoire voulue par le généralMangin - qui avait participéà l’expédition Marchand- est maintenant enmarche pour défendre laFrance !Tirailleurs sénégalais, algériens,indochinois,…débarquent en Métropole,souvent pour la premièrefois, en uniforme et l’armeau poing. C’est un pays enguerre qu’ils découvrent etqu’ils doivent défendre.Limoges ne s’est jamaistrouvé sur la ligne <strong>de</strong>front, mais a vu passer <strong>de</strong>nombreux convois <strong>de</strong> jeunessoldats à la peaud’ébène ou aux yeux bridés.Encouragés par la population,partagée entreenthousiasme et curiosité(voir ci-<strong>de</strong>ssous), ils gagnentau Nord le champ<strong>de</strong> bataille. Comme ceconvoi <strong>de</strong> soldats venusd’In<strong>de</strong> qui draina les curieuxle long <strong>de</strong>s voies ferrées.Si ces <strong>de</strong>rniers ne faisaientque passer, laviolence du conflit renvoitrapi<strong>de</strong>ment <strong>de</strong>s blesséspar milliers sur les lignesarrières. Et les hôpitaux <strong>limousin</strong>ssont réquisitionnéspour recevoir ces“gueules cassées”, à Limoges,Tulle, Brive ou Saint-Léonard.Des “sauvages”en uniformesParmi les histoires ramenéesdu front par les blessés,Le Populaire du Centreraconte celle-ci :«dansl’Est, un lieutenant adoré<strong>de</strong> ses hommes, eut l’idée,puisque les Allemands ontsi peur <strong>de</strong> nos troupesnoires (turcos, tirailleurs),<strong>de</strong> proposer à ses hommesd’aller au feu en ayant lesoin, au préalable, <strong>de</strong> senoircir le visage avec ducirage. C’est ce qui fut fait.Et il parait que cela jetales Allemands dans unefrousse épouvantable. »Lors <strong>de</strong> l’inauguration,en 1924, d’un monumentTIRAILLEURS. Les différentes origines <strong>de</strong> tirailleurs : Somalie,Dahomey (Bénin), Guinée, Tunisie, Soudan, Sénégal, Indochine.en hommage au sacrifice<strong>de</strong>s troupes noires, Le généralArchinard déclare :« elles se sont montréesterribles pour les Allemandsparce qu’ils les regardaientcomme <strong>de</strong>ssauvages ». Cela donneune idée <strong>de</strong> la façon dontles troupes colonialesétaient considérées sur lechamp <strong>de</strong> bataille et dusentiment <strong>de</strong> peur qu’ilspouvaient aussi susciterdans la population…En 1917, les troupesaméricaines envoientleurs GI’s, dont bon nombre<strong>de</strong> noirs. Ils sont stationnésà Limoges, maisaussi dans la campagne <strong>limousin</strong>e,comme à Aixesur-Vienne.On ne sait sipour célébrer l’armistice,les meilleurs danseurs entraînèrent<strong>de</strong> jeunes limougeau<strong>de</strong>ssur <strong>de</strong>s rythmes<strong>de</strong> jazz…L’Empireverse son sangLE POPULAIRE DU CENTRE MARDI 15 SEPTEMBRE 2009 27SAINT-LÉONARD, 1915. Les soldats blessés étaient rapatriés à l’intérieur du pays pour leur convalescence. Dans les hôpitaux, commeici à Saint-Léonard-<strong>de</strong>-Noblat en 1915, les “poilus” français côtoient <strong>de</strong>s compagnons d’infortune venus <strong>de</strong>s quatre coins <strong>de</strong> l’Empire.Certains soldats vont décé<strong>de</strong>r<strong>de</strong>s suites <strong>de</strong> leursblessures et seront enterrésdans le Limousin. Lesregistres du cimetière <strong>de</strong>Louyat, à Limoges, nouslivrent <strong>de</strong>s dizaines <strong>de</strong>noms : Ali Girada, MohamedBen Salah, SidibéMery… Autant <strong>de</strong> nomsqui scellent à tout jamaisun <strong>de</strong>stin commun aucours d’une guerre impitoyable.Loin du front, leLimousin accueille alorssa part <strong>de</strong> l’Appel aux empires.Une statueet <strong>de</strong>s promesses…Le ministre <strong>de</strong> la guerre,André Maginot, ajoute :«Aujourd’hui, La Francene compte plus 40 millions<strong>de</strong> Français. Ellecompte 100 millions <strong>de</strong>Français ! (*) ».Autant <strong>de</strong> promessesd’égalité et <strong>de</strong> fraternitéqui se transformeront end’amères désillusions…Une précision : le monumentélevé en l’honneur<strong>de</strong>s sacrifices <strong>de</strong> l’“Arméenoire” figure cinq tirailleursafricains, à la tête<strong>de</strong>squels se tient un officier…blanc ! ■(*) Métropolitains et Indigènes.Ils montent au front enturbanésCONVOI D’HINDOUS EN 1914.La France n’est pasla seule à avoirengagé <strong>de</strong>s troupescomposées <strong>de</strong> soldats<strong>de</strong> couleur. L’Empirebritannique, avec sespossessions en In<strong>de</strong>,et les États-Unis firenttransiter leurs troupespar le Limousin afinqu’elles gagnent le front.En 1914, l’arrivée d’unconvoi fait sensationàLimoges.La population curieuses’approche <strong>de</strong>s wagonschargés d’Hindousenturbanés (ci-contre).Elle témoignesa gratitu<strong>de</strong> en offrantboisson et nourritureà ces soldatsvenus <strong>de</strong> loin. ■TIRAILLEUR ALGÉRIEN BLESSÉ. Cette carte postale <strong>de</strong> 1914est tirée d’un <strong>de</strong>ssin d’Eugène Alluaud. Le Populaire du Centreécrit que « mettant à profit les belles journées dont nous sommesgratifiés, nos blessés visitent Limoges. Ils se promènent parpetits groupes, s’aidant avec <strong>de</strong>s cannes [...], d’autres portantleur bras en écharpe. Ils déambulent sur nos boulevards, se remettantpetit à petit <strong>de</strong> leurs blessures. Pendant leur longuepromena<strong>de</strong> à travers la ville, ils sont choyés par la populationqui leur offre <strong>de</strong>s cigarettes et <strong>de</strong>s rafraîchissements. »


Présence <strong>de</strong>s SudsHistoireLE POPULAIRE DU CENTRE MARDI 15 SEPTEMBRE 2009 29Destins coloniaux dans la tourmente1939-1945Pendant plus <strong>de</strong> cinq ans, l’Europe est plongée dans lechaos. Les frontières sont balayées, les hommes et leursrepères aussi… Mais qu’ils soient Espagnols, Italiens, Marocainsou Algériens, les étrangers du Limousin ont tousdû faire un choix et certains ont choisi le camp <strong>de</strong> la liberté.Dès le début <strong>de</strong> laguerre, la Francemobilise dans sonempire colonial. Ce sont<strong>de</strong>s dizaines <strong>de</strong> milliersd’“indigènes” qui participentaux combats jusqu’àl’armistice.Indigènes. Démobilisés, ilsrentrent chez eux. Et nereviennent défendre laFrance qu’avec la campagned’Italie et le débarquement<strong>de</strong> Provence, àpartir <strong>de</strong> 1943. Au prix <strong>de</strong>nombreux sacrifices, ilsbouteront les nazis jusqu’enAutriche et remporterontla victoire avecRECONNAISSANCE. Le 8mai 2000, la cinquantaine d’ancienscombattants marocains résidant à Limoges sont pour la premièrefois invités à participer à la commémoration <strong>de</strong> la victoire<strong>de</strong>s alliés. Ci-<strong>de</strong>ssus, le préfet Pierre Mutz (en uniforme)salue chaleureusement ces soldats, en présence <strong>de</strong> personnalitéslocales. Ironie <strong>de</strong> l’histoire, cette date est aussi l’anniversaire<strong>de</strong> la manifestation <strong>de</strong> Sétif (Algérie, 8 mai 1945), symbole<strong>de</strong> la répression coloniale en Algérie. La rupture est alorsconsommée entre les “indigènes” et la France.La loi du 27 septembre1940, “Loi sur la situation<strong>de</strong>s étrangers en surnombredans l’économie nationale”,crée les groupes <strong>de</strong>travailleurs étrangers (GTE).Le texte stipule que « lesétrangers <strong>de</strong> sexe masculin,âgés <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 18 anset <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> 55 anspourront, aussi longtempsque les circonstances l’exigent,être rassemblés dans<strong>de</strong>s groupements d’étrangerss’ils sont en surnombredans l’économie nationaleet si, ayant cherchérefuge en France, ils setrouvent dans l’impossibilité<strong>de</strong> regagner leur paysd’origine. »La loi prévoit également<strong>de</strong> mettre les GTE à la dispositiond’entreprises.L’objectif est <strong>de</strong> fournir <strong>de</strong>la main d’œuvre pour lestravaux agricoles, forestierset industriels.En Limousin. Entre 1940et 1944, la région compteplus <strong>de</strong> vingt groupes <strong>de</strong>travailleurs étrangers :<strong>de</strong>ux à Guéret, un à Brive,Bort-les-Orgues, Uzerche,Lubersac, Égletons, Bellac,Saillat-sur-Vienne ou encoreOradour-sur-Glane…Tous coordonnés <strong>de</strong>puisAixe-sur-Vienne.Ces hommes sont affectéspour moitié dansl’agriculture et la forêt, lesautres dans les mines, lesusines et les chantiers.Une dizaine <strong>de</strong> campsMais le préfet <strong>de</strong> la Haute-Viennese méfie <strong>de</strong> cestravailleurs, en particulier<strong>de</strong>s Espagnols. Il estimequ’il a reçu l’ordre <strong>de</strong> lesramasser pour les faireABEL IKRELEF. Ce jeuneMarocain, après s’être battudans l’armée française, s’engagedans la Résistance, enparticulier en Limousin.leurs frères d’armes alliés.Loin <strong>de</strong>s itinéraires stratégiques,le Limousin n’apas connu la vague libératricevenue <strong>de</strong>s colonies.Même si une centaine <strong>de</strong>ces valeureux mais vieillissants“soldats indigènes”logent aujourd’hui à Limoges,loin <strong>de</strong> chez eux.Limogés en quelque sorte.Maquis. En revanche, lesmaquis ont recruté <strong>de</strong>nombreux combattantsétrangers. En premier lieu,<strong>de</strong>s antifascistes Italiens et<strong>de</strong>s brigadistes Espagnols.Puis <strong>de</strong>s exilés chassés <strong>de</strong>l’Est par les nazis : Allemands,Polonais, etc. Laplupart européens…Deux histoires témoignentd’une autre présence<strong>de</strong> l’immigration en Limousinpendant la guerre.La première concerne laBriga<strong>de</strong> Nord-Africaine,qui sema la terreur en Limousin(lire ci-contre)pendant plusieurs mois, lasecon<strong>de</strong> parle d’un certainAb<strong>de</strong>l-Ka<strong>de</strong>r Ikrelef.Elle commence dès 1940,quand le jeune soldat marocainpart volontairementau combat sousl’uniforme français. Mais iln’accepte pas l’armisticeet veut poursuivre la lutte.D’abord démobilisé etrenvoyé au Maroc, il parvientà revenir en France.Évasion. Il gagne les maquis,et s’installe entreCorrèze et Dordogne dansun maquis FTP. “Abel”prouve sa bravoure et sonintelligence. Mais au printemps1943, fauché parune rafale <strong>de</strong> mitraillette,il est pris et jeté à la prison<strong>de</strong> Limoges. Mais rienLe train <strong>de</strong>s colonies<strong>de</strong> l’arrête et il s’éva<strong>de</strong>avec douze <strong>de</strong> ses camara<strong>de</strong>s!L’Aigle. De retour au maquisen Corrèze, il participeaux embusca<strong>de</strong>s et préparela libération. Un jour,on lui parle d’ouvriers indochinoiset algériens« oubliés » sur le chantierdu barrage <strong>de</strong> l’Aigle. Il s’yrend, convainc ces <strong>de</strong>rniers<strong>de</strong> rejoindre la résistance,les équipe et les entraîne.Bientôt, undétachement d’une centaine<strong>de</strong> maquisards algérienss’apprête à libérer leLimousin occupé.Fier. C’est lors <strong>de</strong> la batailled’Égletons que cetteunité éphémère s’illustre.Deux d’entre eux y trouvela mort, les autres sont requispour repousser l’ennemiau Nord et à l’Est.Avant qu’ils ne partent,“Abel” leur lance :«quandje nous vois ici, loin <strong>de</strong>chez nous, combattrepour une noble causeauprès <strong>de</strong>s Français d’origine…Je suis fier d’êtreMarocain ! » ■■ La Briga<strong>de</strong> Nord-Africaine1939-1944Les étrangers mis sous surveillance et obligés <strong>de</strong> suer pour VichyCORVÉE DE PATATES. Souvent affectés à <strong>de</strong>s travaux agricoles, les étrangers <strong>de</strong>s groupements <strong>de</strong>travailleurs nouaient souvent <strong>de</strong>s liens avec la population locale, qui parfois les aidait à fuir…PROPAGANDE ■ Limogesva accueillir leTrain-exposition <strong>de</strong>scolonies à l’occasiond’une manifestation <strong>de</strong>propagan<strong>de</strong> en 1942.Son arrivée dans la villes’accompagne <strong>de</strong>manifestations et <strong>de</strong>conférences ainsi qued’une campagned’affiches publicitaires.Avec ce slogan : “Visitezle train-exposition <strong>de</strong> laligue maritime etcoloniale française”.BNA ■ Mars 1944. 70 Algériens coiffés <strong>de</strong> bérets, vêtusd’une canadienne et armés <strong>de</strong> mitrailettes, débarquentà Tulle et défilent le long <strong>de</strong> la Corrèze (ci<strong>de</strong>ssus).A leur tête, une escoua<strong>de</strong> <strong>de</strong> Français enuniforme SS. Henri Lafont, le patron <strong>de</strong> la gestapofrançaise <strong>de</strong> la rue Lauriston, à Paris, vient menersa Briga<strong>de</strong> Nord-Africaine (BNA) pour la premièrefois «àlachasse aux maquisards ».Il espérait recruter plusieurs milliers d’Algériens àParis pour constituer cette gar<strong>de</strong>, ils ne seront quequelques dizaines <strong>de</strong> repris <strong>de</strong> justice à le suivre. Ilsmultiplient les exactions, mais ne brillent pas aucombat. Après trois mois d’opérations en Limousinet en Dordogne contre la Résistance, les survivantsfinissent par disparaître dans la nature…partir <strong>de</strong> la région. Il ajouteêtre persuadé que « <strong>de</strong>sEspagnols travaillant dansles barrages <strong>de</strong> la Corrèzesont, la nuit, dans le maquis». On note aussi laprésence <strong>de</strong> centres familiauxpour « étrangers sansressources », « réfractaires»ou«inaptes », notammentà La Meyze, oùquelques Arméniens furenthébergés et mis autravail avec une interdiction<strong>de</strong> « circuler » hors <strong>de</strong>la commune.“PG” et STO. Mais l’inspecteurgénéral insiste :« pour l’agriculture, on netrouvera l’équivalent ni enquantité, ni en qualité. »Car n’oublions pas qu’à cemoment-là, les jeunespaysans sont soit prisonniers<strong>de</strong> guerre, soit travaillentpour le STO… ■


30 MARDI 15 SEPTEMBRE 2009 LE POPULAIRE DU CENTREPrésence <strong>de</strong>s SudsLa France <strong>de</strong> l’accueil1943-1946Ministre <strong>de</strong> l’Intérieur et premier ministre <strong>de</strong>s affaires socialesà la Libération, Adrien Tixier crée la Sécurité socialeet rétablit une législation sur les étrangers dignes <strong>de</strong> laRépublique. Ce mutilé <strong>de</strong> la guerre <strong>de</strong> 14, fils d’un forgeron,fut aussi élu à Bessines et député <strong>de</strong> la Haute-Vienne.Adrien Tixier est unpersonnage… Il estné à Folles, en Haute-Vienne,le 31 janvier1893. Fils d’un forgeron, ilfait <strong>de</strong> brillantes étu<strong>de</strong>s et<strong>de</strong>vient professeur dansl’enseignement technique.Mobilisé dès août 1914comme officier <strong>de</strong> réserve,il participe aux combats<strong>de</strong>s Ar<strong>de</strong>nnes où il estgrièvement blessé. Il estamputé du bras gauche.Adrien Tixier s’engage enpolitique et adhère à laSFIO (socialiste). Il y côtoieAlbert Thomas et rejointle bureau internationaldu travail - BIT - <strong>de</strong>Genève, dont il <strong>de</strong>vient directeurgénéral en 1936.Le “manchot”<strong>de</strong> gauche<strong>de</strong>vient le brasdroitdu généralC’est <strong>de</strong> Suisse qu’il verrala guerre éclater et le maréchal<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r l’armistice.Révolté, il lui écrit,puis déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> gagnerLondres. Il traverse laFrance avec <strong>de</strong> faux papiers,passe par le Limousin,avant <strong>de</strong> traverser lesPyrénées. Il parvient à rejoindreDe Gaulle. Il estnommé ministre <strong>de</strong> l’Intérieuren septembre 1944.Samedi 20 octobre 1945,Adrien Tixier s’exprime aumicro <strong>de</strong> Radio-Limogeset abor<strong>de</strong> la question <strong>de</strong>sétrangers, puisqu’il travaillesur le nouvelle législationles concernant. Ences temps troublés, il esttemps selon lui <strong>de</strong> remettrela légalité Républicainesur pied, avec le souci durespect <strong>de</strong>s migrants et <strong>de</strong>l’avenir <strong>de</strong> la France. Et le2novembre 1945, paraîtune ordonnance signée <strong>de</strong>sa main qui fixe les règles<strong>de</strong> l’accueil <strong>de</strong>s étrangerset crée l’office national <strong>de</strong>l’immigration (ONI). Unaccueil massif, pour ai<strong>de</strong>rson camara<strong>de</strong> <strong>limousin</strong> auministère <strong>de</strong> la Reconstruction,Raoul Dautry, àmener à bien ses projets.«Unexemple»Mais souffrant <strong>de</strong> vieillesblessures <strong>de</strong> guerre,Adrien Tixier doit refuser<strong>de</strong>s portefeuilles gouvernementaux.Le 18 février1946, on tente d’extraireune balle logée dans soncrâne, mais il ne survit pasàl’opération. La stupeurest nationale à l’annonce<strong>de</strong> son décès…En dévoilant une plaquel’honorant, en 1958, le général<strong>de</strong> Gaulle saluerason « exemple admirableparce qu’il était d’abordun homme, puis un syndicaliste,puis un socialisterépublicain, et puis unFrançais. Tout cela, il l’a aapporté tout entier au service<strong>de</strong> la France. » ■HistoireLIMOGES, MARS 1945. Le général <strong>de</strong> Gaulle défile dans les rues <strong>de</strong> Limoges aux cotés d’AdrienTixier (à gauche). Le ministre <strong>de</strong> l’Intérieur, natif <strong>de</strong> Folles (H.-V.), est en terre <strong>de</strong> connaissance.■ «Bienveillance et compréhension »1970-1990Les Turcs, nouvelles immigrationsLes Turcs font partie, dès1928, <strong>de</strong>s premiers travailleurs<strong>de</strong>s Suds arrivésdans le Limousin aux côtés<strong>de</strong>s Italiens et <strong>de</strong>s Espagnols.Mais il faut attendre lesannées 60 et 70 pour voirarriver massivement <strong>de</strong>smigrants d’Anatolie. Entre1970 et 1974, ils serontprès <strong>de</strong> 1.200 à obtenirune autorisation <strong>de</strong> travail.Très présents dans lafilière du bois, les premiersarrivés ont réussi àmonter leurs propres entreprises(une entrepriseforestière sur cinq dans leLimousin a un gérant turcen 1988, contre 25 % aumilieu <strong>de</strong>s années 90) etfont venir à leur tour <strong>de</strong>stravailleurs turcs.Le fait que l’immigrationturque (mais aussi Kur<strong>de</strong>,notamment sur la commune<strong>de</strong> Mainsat, enCreuse) soit souvent originaire<strong>de</strong>s mêmes régions,voire <strong>de</strong>s mêmes villages(principalement d’Anatolie),renforce les liens <strong>de</strong>solidarité, mais bloque lavolonté <strong>de</strong> naturalisation.Sur le territoire, le “regroupementcommunautaire”a été toléré, voir facilité,par les autoritéslocales.On retrouve <strong>de</strong> fortesconcentrations dans lacité du Rabinel à Egletons(Corrèze), mais on peutaussi faire référence à lacité du Pont Lachaud(Meymac, Corrèze) ou à lacité du Petit Bois (Bourganeuf,Creuse). ■PIONNIERS. Les Gursal, jardiniers <strong>de</strong> Beaubreuil (Limoges),symboles <strong>de</strong> l’immigration turque (photographie éditée dansHaute-Vienne Magazine en 2007).L’ordonnance du 2 novembre 1945 laisse uneassez large marge <strong>de</strong> manœuvre aux fonctionnairespréfectoraux pour traiter les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>sprésentées par les étrangers séjournanten France. Adrien Tixier, dans unecirculaire (*), s’adresse à ces <strong>de</strong>rniers :« Je désire attirer votre attention sur l’espritdans le quel doit être appliquée larèglementation ci-<strong>de</strong>ssus exposée. Si cetterèglementation soumet en effet les étrangersdans l’intérêt <strong>de</strong> l’ordre public àcertaines obligations spéciales, elle entendégalement leur éviter toute tracasserieinutile, les traiter comme <strong>de</strong>s hommesayant, dans notre pays, une tâche utile àremplir et faciliter par là même leur assimilationet leur intégration dans l’économieet la communauté française. À aucunmoment donc un étranger ne doit avoir lesentiment <strong>de</strong> se heurter à l’hostilité <strong>de</strong>sservices appelés à le contrôler. Cela impliqueque les fonctionnaires chargés <strong>de</strong> telsservices, non seulement ne soient animésd’aucun sentiment <strong>de</strong> xénophobie, maisqu’ils témoignent au contraire <strong>de</strong> bienveillanceet <strong>de</strong> compréhension, mêmelorsqu’ils se trouvent en présence d’étrangersqui, occasionnellement, ont pu enfreindreles règles particulières auxquellesils sont soumis. »(*) Circulaire du 20 septembre 1946 du ministre<strong>de</strong> l’Intérieur à l’attention <strong>de</strong>s préfets.■ CONFLITS■ CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUESGuerre d’AlgériePendant toutes cesannées, le bruit <strong>de</strong>s <strong>de</strong>uxconflits, en Indochine eten Algérie, semblelointain. Un événementmarque pourtantl’opinion. Le 7 mai 1956,un camion militaire, quifaisait partie d’un convoi<strong>de</strong> jeunes rappelés pourl’Algérie, fait halte à LaVilledieu, en Creuse. Lessoldats s’opposent auxconflits et sont soutenuspar la population locale.Àlasuite <strong>de</strong> cesinci<strong>de</strong>nts, le maire <strong>de</strong> LaVilledieu et un instituteurseront envoyés en prison.Les temps<strong>de</strong>s indépendancesAu cours du processus <strong>de</strong>sdécolonisations, on notela présence <strong>de</strong> quelquesgroupes <strong>de</strong> rapatriés.Notamment <strong>de</strong> retour duMaroc entre 1954et 1956, qui s’installeronten Haute-Vienne etparticulièrement surBessines où l’industrie <strong>de</strong>l’uranium attire plusieursfamilles. A partir <strong>de</strong>1961-1962, on note,surtout dans le milieurural, l’arrivée <strong>de</strong>“pieds-noirs” qui sefon<strong>de</strong>nt assez rapi<strong>de</strong>mentdans le paysage local,malgré un flux régulier etconséquent. WolfangBrücher, dans une étu<strong>de</strong>sur l’industrie dans leLimousin, estime quecette population est <strong>de</strong>5.000 personnes et qu’elles’installe principalementsur Brive et Limoges.De gauche à droite et <strong>de</strong> haut en bas :PAGE 1. Coll. part./DR.PAGE 2. Le Populaire du Centre. – Kunst Museum <strong>de</strong>s Lan<strong>de</strong>sNie<strong>de</strong>rsachsen – B.N.F.PAGE 3. Archives départementales <strong>de</strong> la Corrèze – Archives Le Populaire,2008 – Coll. royale du musée du Prado – www.latinamericanstudies.org.PAGE 4. Coll. <strong>Achac</strong>/DR – CAOM/DR – Coll. <strong>Achac</strong>/DR – Ville <strong>de</strong> Paris(Bibliothèque Forney) – www.militaryphotos.com – Archives municipales<strong>de</strong> Brive-la-Gaillar<strong>de</strong>, cote 37Fi437.PAGE 5. Coll. <strong>Achac</strong>/DR – Bibliothèque <strong>de</strong> documentation internationalecontemporaine – Coll. <strong>Achac</strong>/DR – Archives départementales <strong>de</strong> laHaute-Vienne, fonds Lacrocq.PAGE 6. Coll. Fre<strong>de</strong>rico Betti/DR – In “Gabriel Darrault, les jardins <strong>de</strong> lavie” d’Anice Clément, 2005 – Coll. Éric Deroo/DR – Archives LePopulaire, 1939.PAGE 7. Coll. S. Ikrelef/DR – Coll. part./DR – Coll. <strong>Achac</strong>/DR – Archives LePopulaire, 2000 – Musée <strong>de</strong> la Résistance (Tulle) – Collectionparticulière (Peyrolles, Provence).PAGE 8. Photo Lucien Lavaux – Haute-Vienne Magazine, 2007.PAGE 9. Archives Le Populaire, c. 1950 – Coll. M. Kohler/DR – Archives LePopulaire, 2008 – Coll. Gaston Bour<strong>de</strong>ix/DR.PAGE 10. Archives Le Populaire, 1983 – Jean-Louis Savignac (IHS-CGT,Montreuil) – Bruno Arbesu (Picture Tank)/DR – Bruno Arbesu (PictureTank)/DR.PAGE 11. Gilles Perrin – Archives Le Populaire, 2007 – Archives LePopulaire, 2009 – Gaël Bernado/Ucufratel – Archives Le Populaire,2005.PAGE 12. Archives Le Populaire, 1984 – Guy Laumier/Francophonies enLimousin – Oxalà <strong>de</strong> Gaël Bernardo.DOSSIER RÉALISÉ EN PARTENARIAT par le <strong>Groupe</strong> <strong>de</strong> <strong>recherche</strong><strong>Achac</strong> (www.achac.com) et les journaux Le Populaire du Centre(www.lepopulaire.fr) et La Montagne (www.lamontagne.fr), avec lescontributions <strong>de</strong> nombreux fonds d’archives privées ou publiques(Archives départementales <strong>de</strong> la Corrèze, Archives départementales <strong>de</strong>Haute-Vienne, Archives municipales <strong>de</strong> Brive, BDIC, Gaël Bernado,Fre<strong>de</strong>rico Betti, Gaston Bour<strong>de</strong>ix, BNF, CAOM, Éric Deroo, FestivalFrancophonies en Limousin, Haute-Vienne Magazine, Institut d’histoiresociale <strong>de</strong> la CGT, Gilles Perrin, Picture Tank, Rue <strong>de</strong>s Archives, Ucufratel,Ville <strong>de</strong> Limoges, Ville <strong>de</strong> Paris, Bibliothèque Forney…).


Présence <strong>de</strong>s Suds HistoireIls viennent reconstruire le paysLE POPULAIRE DU CENTRE MARDI 15 SEPTEMBRE 2009 31LIMOGES, VERS 1950. La plupart <strong>de</strong>s ouvriers étrangers, souvent célibataires, vivaient dans <strong>de</strong> véritablestaudis, que ce soit dans <strong>de</strong>s immeubles vétustes en centre-ville ou <strong>de</strong>s cités ouvrières auconfort plutôt précaire (ci-<strong>de</strong>ssus, le long <strong>de</strong> la route du Palais-sur-Vienne, avant l’usine Wattelez).1945-1973Cinq années <strong>de</strong> guerre ont laissé la France en ruines.Le mot d’ordre est la reconstruction : infrastructures, logements,industries, mines… Le pays manque <strong>de</strong> maind’œuvre et recours massivement à l’immigration.Dès l’immédiat aprèsguerre,le Limousinrecourt massivementàlamain d’œuvre étrangèrepour reconstruire lepays. Mais l’éloignement<strong>de</strong>s théâtres <strong>de</strong> bombar<strong>de</strong>mentset <strong>de</strong>s combats <strong>de</strong>structeurs,ajouté à la faible<strong>de</strong>nsité <strong>de</strong> la population,limite ce recours, au regard<strong>de</strong>s millions d’hommesqui viennent apporterleurs bras à la France.De l’énergie. Une fois le“tri” effectué, ils sont tout<strong>de</strong> même plus <strong>de</strong> 10.000Dès le XIX e siècle, mineurset ouvriers italiens tapaientla balle avec les Espagnols,les Portugais, les Polonaisou les Français du coin. Unbon moyen <strong>de</strong> faire sespreuves d’égal à égal avecl’autochtone, sans que lalangue soit un obstacle. Lesta<strong>de</strong> était un sanctuaireoù les règles étaient lesmêmes pour tous. Et le Limousinne déroge pas àcette règle…Rencontres. Les sports collectifs,le football en particulier,mais aussi le rugbyou plus tard le basket, ontété d’extraordinaires lieux<strong>de</strong> rencontres. Et l’arrivéemassive d’immigrés aulen<strong>de</strong>main <strong>de</strong> la Secon<strong>de</strong>Guerre mondiale va étofferles effectifs <strong>de</strong> patronymeschantant le Sud et lesoleil.Italiens, Espagnols etrecensés dans la région en1946. Ils sont Européens<strong>de</strong> l’Est, Italiens, Espagnols,Portugais, Africainsou Asiatiques. Un grandnombre d’entre eux est affectéaux chantiers hydroélectriques<strong>de</strong> Corrèze,comme les barrages <strong>de</strong>l’Aigle (1945), <strong>de</strong> Treignac(1951) ou <strong>de</strong> Bort-les-Orgues(1952). Lors <strong>de</strong>l’inauguration du barrage<strong>de</strong> l’Aigle, Robert Lacoste,ministre <strong>de</strong> la production,se rendra à la cité ouvrièred’Aynes, où vivent ces travailleurs.Il saluera leurtravail, ajoutant que grâceà eux, « la France peut faire<strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s choses ».L’énergie est un problèmecrucial : en plus <strong>de</strong> la“houille blanche” (hydroélectricité),la France a toujoursbesoin <strong>de</strong> “houillenoire” (charbon). Là encore,<strong>de</strong>s immigrés sont recrutéset placés dans lesmines <strong>limousin</strong>es. Maisavec la crise qui frappe lecharbon, dans les années50-60, une bonne part <strong>de</strong>ces <strong>de</strong>rniers sera affectéeaux mines d’uranium, découvertesen Limousin àpartir <strong>de</strong> 1947.Les grands ensemblesLe bâtiment constituel’autre grand pôle d’emploipour les immigrés.1945-2009Sport : la même sueuret les mêmes règles pour tousMAITRE YIA MOUA. Chezles Moua, qui ont dû fuir laMongolie, le sanda est unehistoire <strong>de</strong> famille : cinq générations,dont ses cinq enfants.Yia, <strong>de</strong>venu chef <strong>de</strong>sdécors dans la porcelaine,tire une philosophie <strong>de</strong> lapratique <strong>de</strong> ce sport <strong>de</strong>combat d’origine chinoise :« toujours avancer, plutôtque revenir en arrière ».Portugais se taillent la partdu lion. Mais <strong>de</strong> jeunesMaghrébins, Turcs, Africainsou Antillais apparaissentsur les terrains etles parquets : Aboul Yansanné,d’origine guinéenne,et Bako Touré, d’originemalienne, qui jouentau foot à Limoges dans lesannées 60, ou encore AhmedArab à Brive dès lafin <strong>de</strong>s années 50. Ce <strong>de</strong>rnierest resté dans les mémoirespour avoir rejoint,en 1962, l’équipe <strong>de</strong>foot créée par le FLN enAlgérie. Aucun lien avecles quatre cousins Arab,qui ont laissé et laissentencore l’empreinte <strong>de</strong>leurs campons sur les pelouses<strong>limousin</strong>es…1993. Le sport est un domaineoù la visibilité <strong>de</strong>sminorités a toujours étéforte. De leur coté, lesclubs <strong>de</strong> basket, comme leLIMOGES, 1961. Voici la construction du quartier <strong>de</strong> La Basti<strong>de</strong>, avec les barres Gauguin (en haut àgauche) qui doivent être prochainement détruites. Des centaines d’ouvriers du bâtiment et <strong>de</strong>stravaux publics, dont beaucoup d’étrangers, ont participé aux chantiers <strong>de</strong> la périphérie <strong>de</strong>s villes.C’est un ancien élève dulycée Gay-Lussac <strong>de</strong> Limoges,Raoul Dautry, qui gèreàlaLibération le portefeuille<strong>de</strong> l’urbanisme et<strong>de</strong> la reconstruction. Sonconstat est sans appel :«laFrance est le pays dumon<strong>de</strong> le plus arriéré dupoint <strong>de</strong> vue urbanisme etsalubrité. Nous avons seulement6%<strong>de</strong>villes avec<strong>de</strong>s égoûts, 33 % <strong>de</strong> villesavec canalisations d’eau.Des cités comme Limogesou Saint-Étienne comptent33 %, et même jusqu’à73 % <strong>de</strong> taudis ! » Destaudis situés dans <strong>de</strong> vieuximmeubles en centre-villeou dans <strong>de</strong>s terrains à lapériphérie, où logent cestravailleurs venus le plussouvent seuls…Ce sont eux qui vont êtreCSP Limoges, ont portéhaut le métissage <strong>de</strong> leurséquipes. Il suffit <strong>de</strong> se remémorerla foule cosmopolite<strong>de</strong>s Limougeaudsfêtant leurs championsd’Europe en avril 1993…Un avant-goût <strong>de</strong> l’esprit“black-blanc-beur” <strong>de</strong>1998 (Coupe du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>foot).affectés aux chantiers <strong>de</strong>s“grands ensembles”, à partirdu début <strong>de</strong>s années60. Ils vont mo<strong>de</strong>ler lesabords <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s villeset construire <strong>de</strong>s milliers<strong>de</strong> logements pour permettreau pays d’assumerl’explosion <strong>de</strong> sa natalité.Travail, justice, libertéEspagnols et Portugaisconstituent la majorité <strong>de</strong>ces ouvriers étrangers.Mais d’importants contingents<strong>de</strong> Maghrébins et <strong>de</strong>Turcs les rejoignent, surtoutà la fin <strong>de</strong>s années 50,et tandis que l’assimilation<strong>de</strong>s premiers progresseenfin, celle <strong>de</strong>s secondsdébute avec peine…Compte-tenu <strong>de</strong> leur isolementet <strong>de</strong> la précarité<strong>de</strong> leur situation, ils sontPanthéon. Mais le collectifn’est pas tout, et <strong>de</strong>s <strong>de</strong>stinssportifs individuels figurentaussi au panthéonsportif <strong>limousin</strong>. L’athlétismeou les sports <strong>de</strong> combat(boxe, arts martiaux,etc.) comptentplusieurs grands championsqui ont fait leurs armesici.sollicités par les syndicats.Dans un tract, les Algériensdu barrage <strong>de</strong> Treignac« <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt queleur soit étendu le bénéfice<strong>de</strong> toutes les lois socialeset en particulier les allocationsfamiliales égalesà celles <strong>de</strong> leurs camara<strong>de</strong>sfrançais. Ils exigentque soit respecté pour euxle droit au travail dans lajustice et la liberté. Ils <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ntl’ouvertured’écoles dans leur pays etla possibilité d’y accé<strong>de</strong>r. »Un rêve pousuivi après lachute <strong>de</strong> l’empire colonialet jusqu’à la crise pétrolière<strong>de</strong> 1973 et l’explosiondu chômage. A ce moment-là,le Limousincompte près <strong>de</strong> 20.000étrangers, soit le double<strong>de</strong> 1946 !…. ■ES BRIVE, 10 MAI 1959. L’équipe se déplace à Saint-Étienne, au sta<strong>de</strong> Geoffroy-Guichard.On remarque la présence d’Ahmed Arab (au premier rang, quatrième en partant <strong>de</strong> la gauche).Moins <strong>de</strong> trois ans plus tard, il s’envole rejoindre la première équipe nationale d’Algérie.Avenir. C’est encore unfils du Sud, Alain Mimoun,champion olympique <strong>de</strong>marathon né en Algérie,qui a choisi le site et fondéle centre sportif <strong>de</strong> Bugeat,(Corrèze). Car c’est au travers<strong>de</strong>s clubs sportifs et<strong>de</strong>s centres <strong>de</strong> formationque les jeunes se réalisentau-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s frontières. ■


32 MARDI 15 SEPTEMBRE 2009 LE POPULAIRE DU CENTREPrésence <strong>de</strong>s SudsHistoireCrise, chômage et… avenir en débat1973Le krach pétrolier sonne leglas <strong>de</strong>s “Trente glorieuses”et voit réapparaître le chômage…La France, quin’a plus besoin <strong>de</strong> maind’œuvre, incite les étrangersau retour et prometd’intégrer ceux qui restent.Avec le krach pétrolier<strong>de</strong> 1973, trente années<strong>de</strong> croissanceininterrompues prennentsubitement du plombdans l’aile. Le marché <strong>de</strong>l’emploi s’effondre, et <strong>de</strong>sdizaines <strong>de</strong> milliers <strong>de</strong> travailleursfrançais et étrangersdécouvrent le chômage.La “crise” commence…Coup d’arrêt. L’une <strong>de</strong>spremières mesures estd’arrêter l’immigration <strong>de</strong>main d’œuvre. A la midécembre1975, le préfet<strong>de</strong> la Haute-Vienne, MauriceLambert, fait le bilandu premier “bureau d’accueil”du GATREM (*) enFrance, installé à Limoges<strong>de</strong>puis un an :«dans laconjoncture économiqueprésente, le souci <strong>de</strong>s pouvoirspublics reste en premierlieu <strong>de</strong> contrôler lesflux migratoires. L’introduction<strong>de</strong> nouveaux travailleursétrangers restesuspendue… Le gouvernementa décidé la mise enœuvre d’une politique <strong>de</strong>retour, <strong>de</strong>stinée à permettreaux travailleurs immigrésen chômage <strong>de</strong> rejoindreleur pays d’originedans <strong>de</strong> bonnes conditions.» Une mesure quiaura peu <strong>de</strong> succès au regard<strong>de</strong>s résultats escomptés.Le rôle du bureau du GA-TREM, situé près <strong>de</strong> lagare <strong>de</strong>s Bénédictins à Limoges,était <strong>de</strong> recenser,d’informer et d’orienterles étrangers arrivant dansla capitale régionale. 280d’entre eux s’y étaient rendusen 1974, et plus <strong>de</strong>1.300 les ont imités pendantles premiers mois <strong>de</strong>1975…Logement. Sur laquestiondu logement, le préfet déclarevouloir « bien sûrlutter contre les ven<strong>de</strong>urs<strong>de</strong> sommeil ». Il souligneque « 900 chambres sontdisponibles dans les quatrefoyers-hôtels <strong>de</strong> Limogesà l’attention <strong>de</strong>s travailleurscélibataires. Acela s’ajoute une part importante<strong>de</strong>s logementsHLM neufs ou <strong>de</strong>venusvacants qui sont réservésaux étrangers provenant<strong>de</strong>s logements insalubres.» Ce sont les actuelles“banlieues”.Nos “hôtes étrangers”Les efforts « considérables» <strong>de</strong>s pouvoirs publics,ajoute le préfet, « nesauraient cependant à euxseuls remplacer la chaleuret l’accueil humain quisont dus à nos hôtesétrangers. Celle-ci ne dépendrapas d’une actionadministrative, mais relève<strong>de</strong> chacun et <strong>de</strong> chacuned’entre nous. »MINEURS. Manifestation <strong>de</strong>s mineurs d’uranium <strong>de</strong> la Cogemaà Bellac en 1989, où les travailleurs migrants se retrouvent auxcôtés <strong>de</strong>s travailleurs français pour défendre leurs emplois.Durcissement. Enavril 1979, M. Otmani, vice-consuld’Algérie enFrance, participe à uneréunion à la Maison duPeuple <strong>de</strong> Limoges à l’invitation<strong>de</strong> l’« Amicale <strong>de</strong>sAlgériens en Europe ». Devant250 personnes, ce<strong>de</strong>rnier dénonce « avec vigueurles mesures prisespar les autorités françaisespour réduire l’immigration.[…] Pourtant, les immigrésne sont pas responsablesdu chômage enFrance. Toutes les statistiquesle prouvent. » Maisrien n’y fait…Al’été 1979, un projet <strong>de</strong>loi durcissant encore lesconditions d’entrée et <strong>de</strong>séjour <strong>de</strong>s étrangers enFrance est en discussion.Il provoque une vagued’indignation et, à Limoges,un collectif rassembleplus <strong>de</strong> vingt organisationspour dénoncer letexte.Gran<strong>de</strong> porte. En novembre79, un reporter du Populaireassiste à un concert,à l’occasion d’unesoirée en l’honneur <strong>de</strong>scultures du Maghreb.Dans la salle, essentiellement<strong>de</strong>s travailleurs immigrésinvités par lesfoyers Sonacotra <strong>de</strong> la ville.Les musiciens, racontele journaliste, « ont su réchaufferles cœurs et l’ona oublié l’espace d’un instantles difficultés du quotidien.On se sentait proche<strong>de</strong> la famille restéelà-bas et qu’un mandatprélevé souvent avec peinesur un maigre salairefait vivre. […] Samedi soir,c’était un peu l’Orient quientrait à Limoges par lagran<strong>de</strong> porte. »Famille. Fin mai 1980,plusieurs mesures sontprises pour « améliorer lesort <strong>de</strong>s travailleurs immigréset <strong>de</strong> leurs familles ».Alors que sont maintenues1961-2009Limousin/Dom-Tom : le principe <strong>de</strong>s vases communicants…Les DOM-TOM, ou départementset territoires d’Outremer,sont les <strong>de</strong>rniers confettis<strong>de</strong> l’Empire colonial etleurs habitants sont <strong>de</strong>s citoyensfrançais. Mais lesinégalités sautent aux yeuxentre la vie dans ces contréeslointaines et celle <strong>de</strong>la métropole…Deux rapports, remisen 1957 et 1961, pointentdu doigt le surpeuplementque rencontre certains territoireset préconise unepolitique <strong>de</strong> migration dirigée.En septembre 1961,un conseil interministérieladopte le principe d’unepolitique <strong>de</strong> migrationplacée sous le signe <strong>de</strong> la«promotion sociale ».Déplacés. En fait, sousl’égi<strong>de</strong> du BUMIDON etSIMON A POI. Le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s Réunionnais <strong>de</strong> la Creuse.LIMOGES, 12 AVRIL 1983. La crise provoque chômage et fermeture <strong>de</strong>s frontières : les immigréssont stigmatisés. Le Front National progresse aux élections et SOS Racisme voit le jour. À Limoges,un rassemblement “solidaire pour l’égalité et contre le racisme” rassemble 1.500 personnes.<strong>de</strong> la DDASS (voir encadré),<strong>de</strong>s centaines d’enfantsvont être envoyéesen métropole pour repeuplerles régions rurales,comme le Limousin…Duant près <strong>de</strong> dix ans,<strong>de</strong>s jeunes, en particulierRéunionnais, vont ainsiêtre placés dans <strong>de</strong>s fermes<strong>de</strong> la région. Si certainstrouvent une familled’adoption, les autres travaillentdur et regrettentleur île…« Des nègres, ils n’enavaient jamais vu, se souvientJean-Jacques, lesgosses du coin venaientnous toucher pour voir siça déteignait… »Noël 1970. Au foyer <strong>de</strong>l’enfance <strong>de</strong> Gueret, unjournaliste du Populairedu Centre engage la discussionavec Simon. Lejeune homme, qui travaille<strong>de</strong>puis peu commeapprenti cuisinier, a seizeans et vient <strong>de</strong> La Réunion.Orphelin <strong>de</strong> mère, ily était élevé par sa grandmèreavec 16 autres enfants.La DDASS déci<strong>de</strong>alors <strong>de</strong> l’envoyer en métropoleavec ses frères etsœurs. Le journaliste raconte:«Simon arriva enCreuse le 27 septembre1966 et cette année-là, ilpassa son Noël sur un litd’hôpital, où il était immobilisépar une fractured ’un fémur. En 1967et 1968, il était placé dans<strong>de</strong>s familles [d’agriculteurs,NDLR] où il travaillaitet, le 25 décembre,il se mettait dans un coin,discrètement, et il regardaitle visage <strong>de</strong>s autresenfants illuminé d’une joiequi, pour lui, <strong>de</strong>meuraitinconnue. » Une joie qu’ildécouvre enfin au pied dusapin, ayant retrouvé safratrie, sa seule famille…Mirage… Environ 300 enfantsréunionnais ont ainsiété enlevé à leur île et placésen Creuse. Et si la politiqued’accueil a changé,les conditions <strong>de</strong> vie à LaRéunion, ou encore àMayotte, sont encore loind’être équivalentes à celles<strong>de</strong> la métropole, qui continued’attirer ces Françaisd’Outre-mer… ■la suspension <strong>de</strong>s entrées<strong>de</strong> travailleurs étrangers etle renforcement <strong>de</strong>s contrôlesaux frontières, lesfamilles d’étrangers résidantrégulièrement enFrance sont autorisées àrejoindre le chef <strong>de</strong> famille.Le “regroupementfamilial” est né.Aujourd’hui, parmi lesnouveaux migrants, 13 %viennent du Maghreb et12 % du reste du continentafricain. Ce qui montre<strong>de</strong>s permanences, maisaussi <strong>de</strong>s mutations surles flux migratoires en région,alors que plusieursmouvements <strong>de</strong> soutienaux sans-papiers ont marquél’opinion <strong>de</strong>puis 2005,désignant les nouvellesprésences migrantes enrégion. ■(*) <strong>Groupe</strong>ment d’accueil fondéen 1959 par F. Van<strong>de</strong>rmarcq.RÉUNIONNAIS. Enfants accueillis au foyer <strong>de</strong> Guéret, vers 1960.■ Le BUMIDOM et l’ANTLe Bureau <strong>de</strong>s migrations intéressant les départementsd’Outre-mer (BUMIDOM) est créé en 1962. Son objectif estd’organiser l’immigration vers la métropole <strong>de</strong>s habitants<strong>de</strong>s DOM-TOM. L’objectif est triple : contenir la crise sociale<strong>de</strong> ces territoires, combler le manque <strong>de</strong> main-d’œuvre danscertaines branches et repeupler certaines régions. Le BUMI-DOM est remplacé par l’Agence nationale pour l’insertion etla promotion <strong>de</strong>s travailleurs d’outre-mer (ANT) <strong>de</strong>puis 1982.


Présence <strong>de</strong>s SudsHistoireLE POPULAIRE DU CENTRE MARDI 15 SEPTEMBRE 2009 33Descités dortoirsà lanouvelle génération1970-2009La crise économique <strong>de</strong>vient sociale… Chômage, sentiment<strong>de</strong> ségrégation, problèmes d’i<strong>de</strong>ntité, violence croissante…La population immigrée est montrée du doigt.Lacrise <strong>de</strong>s années 70 aprofondément transforméla présence <strong>de</strong>spopulations immigrées :les hommes seuls cè<strong>de</strong>ntla place à <strong>de</strong>s familles, lestravailleurs découvrent lechômage, les quartiers populaires<strong>de</strong>viennent <strong>de</strong>s“ghettos”… Construitspour accueillir <strong>de</strong>s françaisd’origine mo<strong>de</strong>stedans les années 60 et 70,ils <strong>de</strong>viennent la solutiond’hébergement pour lesimmigrés souhaitant resteren France. Leur proportiondans ces quartiersne cesse dès lors d’augmenter…Xénophobie. Avec les années80, <strong>de</strong>s relents xénophobesstigmatisent cetteprésence en Limousin. En1982, José Teixeira organisela fête <strong>de</strong> l’association<strong>de</strong>s “Portugais <strong>de</strong> Beiralta”.Le racisme, on le rencontre,bien sûr, aux instantssouvent les plus inattendus<strong>de</strong> la vie <strong>de</strong> tous lesjours, mais nous vivonsquand même au milieu <strong>de</strong>la population française,sans problème particulier.La ville <strong>de</strong> Limoges s’affirmecomme le premierespace pour l’immigration<strong>de</strong>s Suds en région, notammenten provenanced’Algérie et du Maroc,même si on note aussiune présence d’Antillais(venus dans le cadre duBUMIDOM) et <strong>de</strong> quelquestravailleurs sub-sahariensoriginaires du Sénégalou du Mali. Onremarque aussi que lesquartiers <strong>de</strong> Beaubreuil,<strong>de</strong> La Basti<strong>de</strong>, du Val <strong>de</strong>l’Aurence et celui du Vigenalregroupent la majorité<strong>de</strong> la population étrangère<strong>de</strong> Limoges (15 % en 1999,soit trois fois plus quedans le reste <strong>de</strong> l’agglomération).Les populationsmigrantes sont particulièrementtouchées par lechômage.Al’écoleMais la réalité est là… En1981, un syndicat enseignantpublie un communiquéà propos du quartier<strong>de</strong> Beaubreuil, àLimoges :«familles entièresfuyant le Cambodge,ouvriers marocains fixésdans le département etfaisant venir femmes etenfants, familles turques…autant <strong>de</strong> causes qui amènentdans les écoles <strong>de</strong>plus en plus d’enfants nonfrancophones dont la priseen charge doit êtreréelle. » Aujourd’hui, lapart d’enfants issus <strong>de</strong>l’immigration atteint 90 %dans certaines classes.Inquiétu<strong>de</strong>. En 1986, unevague d’attentats entraîneun durcissement <strong>de</strong> la loisur les étrangers. Le MRAP<strong>de</strong> Limoges dénonce unPORTRAITS. Photographie<strong>de</strong> Leslie Diakok et Indrik,originaires <strong>de</strong> Gua<strong>de</strong>loupeet vivant à Tulle. L’auteur,Gilles Perrin, Corrézien d’origine,a réalisé en 2004 unesérie <strong>de</strong> portraits exceptionnelssur les multiples et diversesprésences issues <strong>de</strong>l’immigration dans leLimousin.GUÉRET. La mosquée estsortie <strong>de</strong> terre cet été.DÉCONSTRUITES… Les tours “Gauguin”, bâties dans vers 1960,arrivent en fin <strong>de</strong> vie. Les quelque 320 logements qu’ellescomptent seront déconstruits en 2010 et leurs habitants relogésdans le cadre du plan <strong>de</strong> rénovation urbaine <strong>de</strong> la ville.REPAS DE FÊTE. Extrait du film Hoscakal Turkiye, Bonjour laFrance. Au revoir Turquie, merhaba Fransa, réalisé en 2005.texte qui risque <strong>de</strong> « jeterla suspicion sur l’ensemble<strong>de</strong> la population immigrée». En 1990, le viceconsuld’Algérie, M. Khaled,déclare :«lacommunauté<strong>de</strong> Limoges compteun peu plus d’un millier<strong>de</strong> personnes, certainssont là <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong>vingt ans, ils ne ressententpas <strong>de</strong> réelles craintes,mais sont frappés à 35 %environ par le chômage,c’est cela le plus dur. »En novembre 1991, lacommunauté marocaine<strong>de</strong> Limoges adresse unelettre ouverte au prési<strong>de</strong>ntMitterand :«ces immigrésen ont assez <strong>de</strong> vous voirles utiliser comme boucsémissaires et objet <strong>de</strong> vosquerelles et manœuvrespoliticiennes, par soif <strong>de</strong>pouvoir qui vous rendsourds et aveugles. » Sesentant exclus <strong>de</strong> la communauténationale, certainsoptent pour un replii<strong>de</strong>ntitaire, communautaireou religieux. Dans lemême temps, la délinquances’installe.Mixité. Pourtant, les chiffres<strong>limousin</strong>s reflètent laréalité d’une immigrationqui n’atteint pas 3 %, soitla moitié <strong>de</strong> la moyennenationale. Si le Limousinpossè<strong>de</strong> une spécificité,c’est celle d’une relativemixité. Mixité dans lesquartiers populaires, où<strong>de</strong>s “français d’origine”cohabitent avec les immigrésles plus récents. Mixitéégalement dans lescampagnes, où ces <strong>de</strong>rnierss’intègrent plus facilementdans la population.■1975-1980L’Extrême-Orient trouve asile en LimousinAprès la crise pétrolière <strong>de</strong>sannées 70, à l’accueil <strong>de</strong>simmigrés se substitue rapi<strong>de</strong>mentcelui <strong>de</strong>s réfugiés,en particulier en provenanced’Asie du Sud-Est. Car laguerre y fait <strong>de</strong>s ravages,poussant les populations àl’exo<strong>de</strong>…«Pour les réfugiés cambodgiens,laotiens ou vietnamiens,le mot “limogé”n’a pas du tout le sens quenous lui attribuons d’habitu<strong>de</strong>.Pour les réfugiésdu Sud-Est asiatique, celaveut dire être bien accueilli», déclare FrançoisVan<strong>de</strong>rmarcq, prési<strong>de</strong>ntdu GATREM (*), en décembre1975.Ville pilote. Car Limogesest <strong>de</strong>venue « ville pilote »en matière d’accueil <strong>de</strong>ces populations venuesd’Extrême-Orient. Jusquelàhébergées dans un foyerSONACOTRA, situé rue duQuai-Militaire le long <strong>de</strong>svoies ferrées, elles bénéficientdésormais d’un foyerentièrement rénové. Ilportera bientôt le nomd’“Indochine”.Générosité. Courant novembre1975, près <strong>de</strong> 300personnes arrivent à Limoges,dont plus d’untiers d’enfants ! De plus,ils débarquent parfoisdans un état sanitaire déplorableet ne maîtrisentpas le français…Les associations, la municipalitéet les associationstravaillent main dansla main pour les prendreau mieux en charge. Sansoublier la population quiapporte son ai<strong>de</strong>. Commele personnel <strong>de</strong> cette entreprise<strong>de</strong> porcelaine <strong>de</strong>Limoges, qui vient offrir<strong>de</strong>s vêtements et <strong>de</strong>sjouets, ou cette bonneterie<strong>de</strong> Cussac, qui apporteplus <strong>de</strong> 300 pull-overs, ouencore une fabrique <strong>de</strong>chaussure qui en fait ca<strong>de</strong>aud’une paire à chaqueréfugié.Boat-peoples. Et le flot <strong>de</strong>sexilés se poursuit, dont lestristement célèbres “boatpeople”… Quatre ans plustard, en 1979, ce sont <strong>de</strong>sKhmers qui débarquenten plein été, en provenance<strong>de</strong> Malaisie. Fuyant lecauchemar, ils sont accueillispar <strong>de</strong> chaleureusespoignées <strong>de</strong> main etun bouquet <strong>de</strong> roses à la<strong>de</strong>scente du car.« Merci ». Cambodgiens,Laotiens, Vietnamiens,Ethiopiens,… Les réfugiésdu foyer d’accueil <strong>de</strong> larue duQuai-militaire organisentà la préfectureune soirée pour dire mercià Limoges :«merci pourvotre ai<strong>de</strong> généreuse…Grâce à vous, il nous estpossible <strong>de</strong> refaire notrevie. Votre amitié sera pournous inoubliable », assurentles organisateurs,émus.Exil. Six ans après sa création,le GATREM <strong>de</strong> Limogesa déjà reçu 3.500 réfugiés.Nombre d’entre euxrejoindront <strong>de</strong>s prochesailleurs en France, mais132 familles s’établiront àLimoges, particulièrementdans le quartier <strong>de</strong>Beaubreuil. Ils se caractérisentsouvent par leurjeunesse, le fait qu’ilssoient arrivés en famille etqu’ils n’envisagent pas <strong>de</strong>rentrer un jour. A la distances’ajoute souvent unecrainte fondée pour leurvie. Cela explique peutêtreleur détermination àtrouver leur place en France…Temple. Ils restent toutefoisfidèle à leurs traditions.A Rancon, parexemple, ils fon<strong>de</strong>nt unmonastère bouddhique,“Tung Lam”, ou “Forêt <strong>de</strong>pins”. Dans un hameauqui était voué à disparaître,se pressent maintenantchaque semaine <strong>de</strong>sdizaines <strong>de</strong> fidèles vietnamiens,laotiens, indiens oumême tibétains. Des influencesqui, selon les“autochtones” du hameau,« créent un climatd’échange culturel particulièrementenrichissant.» ■(*) <strong>Groupe</strong>ment d’ai<strong>de</strong> au travail,au reclassement et à la migration.MARDI 10 JUILLET 1979. Aleur <strong>de</strong>scente du car, en arrivant àLimoges, ces réfugiés khmers reçoivent une rose pour les femmeset une accola<strong>de</strong> pour les hommes. Ils pourront bientôtse restaurer et se reposer dans les locaux rénovés du GATREM.


34 MARDI 15 SEPTEMBRE 2009 LE POPULAIRE DU CENTREPrésence <strong>de</strong>s SudsHistoireFrancophonies : une porte sur le mon<strong>de</strong>1984-2009En octobre 1984, s’ouvrait la première édition du Festivalinternational <strong>de</strong>s Francophonies. Un quart <strong>de</strong> siècle plustard, le Limousin est <strong>de</strong>venu l’un <strong>de</strong>s principaux espacesd’expression <strong>de</strong>s littératures francophones du mon<strong>de</strong>.«C’était le 15 octobre1984, racontePierreDebauche, le fondateur dufestival. Avec <strong>de</strong>s artistesivoiriens et camerounais,nous étions hébergés àSaint-Yrieix-la-Perche.Lors du dîner, les artistesafricains ont entonné <strong>de</strong>schants <strong>de</strong> leurs pays.FONDATEUR. Pierre Debauche (au centre) estle fondateur duFestival <strong>de</strong>s Francophonies en Limousin.Alors, les habitants sontallés chercher leurs viellespour chanter avec eux. Àcet instant, je me suis ditque la francophonie en Limousin,ça allait marcher.Je me suis dit que le Limousin,avec sa longuetradition socialiste, étaitbien un terreau non racistecapable d’accueillir cettemanifestation. » Le Festivalinternational <strong>de</strong>sFrancophonies, que toutle mon<strong>de</strong> appelle aujourd’hui“Les francos”, estdonc né sous le signe <strong>de</strong> lafraternité avec les Suds.Ses tuteurs furent MoniqueBlin, jusqu’en 2000,puis Patrick Le Mauff, partiil yatroisans.Faire découvrirDepuis un quart <strong>de</strong> siècle,se retrouvent ainsi àLimoges chaque annéetoutes les cultures dumon<strong>de</strong>, toutes les langues,même si le français sert <strong>de</strong>trait d’union, toutes lesmusiques et toutes les histoires…Le chapiteau, au pied <strong>de</strong>la cathédrale Saint-Étienne, puis le “Zèbre” encentre-ville, et les différentesscènes <strong>de</strong> la région ontaccueilli <strong>de</strong>s artistes etspectacles venus <strong>de</strong> l’autrebout <strong>de</strong> la planète. Autantd’opportunités <strong>de</strong> découverteque <strong>de</strong> créations.La création. Car lefestivalse double d’un promotion<strong>de</strong> cette création francophone.La maison <strong>de</strong>sauteurs <strong>de</strong> Limoges en adéjà reçu près <strong>de</strong> 150. Ces<strong>de</strong>rniers amènent leurshistoires et leurs talents,leurs points <strong>de</strong> vue etleurs idées. Certains sontmondialement connus,comme Xingjian Gao, WadjiMouawad, Sony LabouTansi, disparu en 1995 etdont un prix porte le nom.D’autres n’atten<strong>de</strong>nt qued’être découverts… La bibliothèquefrancophonemultimédia est d’ailleurs<strong>de</strong>venue un pôle <strong>de</strong> référencemondial en matière<strong>de</strong> littérature francophone.Ironie. C’est lors <strong>de</strong> sonséjour à Limoges, invitépour le festival en 1986,que Wolé Soyinka apprendqu’il est le premier écrivainafricain à recevoir leprix Nobel <strong>de</strong> littérature,crée en 1901. Avec uneironie grinçante, il promet<strong>de</strong> « créer un prix littéraireen Afrique et d’attendre85 ans pour le décerner àun Blanc »…Moins polémique, Marie-Agnès Sevestre, prési<strong>de</strong>nte<strong>de</strong>puis 2006, promet cetteannée une édition « tournantle dos à la morositéambiante. Les Francophoniesseront au carrefourd’un humanisme impertinent,créatif et luci<strong>de</strong>. » ■POLÉMIQUES. Certaines affiches du festival, comme ci-<strong>de</strong>ssusen 2003 ou celle <strong>de</strong> 2001 (un Blanc porté par <strong>de</strong>ux Noirs),dénonçaient le néocolonialisme et ont créé la polémique.■ Film-débat le 3 octobreLe samedi 3 octobre, à partir <strong>de</strong> 15 h, au Zèbre :Rencontreet débat avec Pascal Blanchard autour du film Les Noirs encouleurs, sur la présence <strong>de</strong>s joueurs afro-antillais en Equipe<strong>de</strong> France. Renseignements et réservations - Tél. :05.55.10.90.10. Site internet : www.lesfrancophonies.com1999-2009La culture au service <strong>de</strong>s mémoiresIl existe dans la région duLimousin, <strong>de</strong>puis une vingtained’années, une véritabledynamique culturelleautour <strong>de</strong>s questions <strong>de</strong> ladiversité et <strong>de</strong> la rencontre<strong>de</strong>s cultures <strong>de</strong>s Suds.En témoignent les nombreuxfestivals et évènementsorganisés chaqueannée, notamment le Festival<strong>de</strong>s Francophonies enLimousin (voir ci-<strong>de</strong>ssus).Dans le même temps, leFestival Africain <strong>de</strong> Guéretorganise sa secon<strong>de</strong> éditionqui propose <strong>de</strong>s conteset musiques pour enfants,mais aussi le filmL’Ennemi intime (sur laguerre d’Algérie) et unerencontre avec l’écrivainSayouba Traoré.DocumentairePlus au sud, en Corrèze,àArgentat-sur-Dordogne,un festival sur les culturesurbaines au croisement<strong>de</strong>s artistes régionauxcommence à s’affirmer (4 esemaine <strong>de</strong> mars 2009).Parallèlement, la mémoiren’est pas oubliée : ancienscombattants <strong>de</strong> laSecon<strong>de</strong> Guerre mondiale,histoire <strong>de</strong>s harkis, ouavec le travail <strong>de</strong>s élèvesdu lycée Marcel-Pagnol <strong>de</strong>Limoges autour <strong>de</strong> l’histoiredu village <strong>de</strong> La Villedieu(mai 1956) qui s’étaitopposé à la guerre d’Algérie…DOC. Affiche du film documentaire Oxala, quête sur les chemins <strong>de</strong> mémoire.Une mémoire en marche.Autant <strong>de</strong> signes montrantque la mémoire et l’histoiresont en perpétuel mouvement,à l’image du travail<strong>de</strong> l’Union Culturellefranco-turque en Limousin(UCUFRATEL) qui aréalisé en 2005 un film intituléHosçakal Türkiye,bonjour la France, Au revoirTurquie, merhabaFransa.Ce documentaire, le premier<strong>de</strong> cette dimensionen région, réalisé par GaëlBernardo, témoigne <strong>de</strong> lavie en Limousin <strong>de</strong> personnesissues <strong>de</strong> l’immigrationturque, retraceleurs activités et leurs parcours<strong>de</strong>puis les années70. Deux ans plus tard, lemême réalisateur va produireun travail exceptionnelsur le Limousin avecOxalà, quête sur les chemins<strong>de</strong> la mémoire quis’attache à l’ensemble <strong>de</strong>simmigrations <strong>de</strong>s Suds enrégion. ■BIBLIOGRAPHIE ET PARTENARIATSBIBLIOGRAPHIELE TURC ET LE CHEVALIER, <strong>de</strong> Didier Delhoume. Ed. Cultures etpatrimoine en Limousin - 2004.ETRANGERS A LA CARTE, d’Alexis Spire. Grasset - 2005.HISTOIRE ET MEMOIRE DE L’IMMIGRATION EN REGION LIMOUSIN, <strong>de</strong>Jean-Philippe Heurtin. Étu<strong>de</strong> publiée par l’ACSÉ en mai 2008,.ATLAS DES POPULATIONS IMMIGREES EN LIMOUSIN, <strong>de</strong> ChantalDesbor<strong>de</strong>s. Insee Limousin - 2004.LES LIEUX DE L’IMMIGRATION EN LIMOUSIN, d’Annette Marsac et VincentBrousse. Publié dans “Un siècle militant”, éditions Pulim - 2005.LES CAMPS D’INTERNEMENT DE LA HAUTE-VIENNE DURANT LA SECONDEGUERRE MONDIALE, <strong>de</strong> G. Perlier. Ed. Les Monédières - 2008.LE PUZZLE DE L’INTEGRATION, <strong>de</strong> M. Sorel. Ed. Mille et une nuits - 2007.LA FRANCE ET SES IMMIGRES. Magazine “L’Histoire” - n°193 - Nov. 1995.BANLIEUES - TRENTE ANS D’HISTOIRE ET DE REVOLTES. Magazine“Manière <strong>de</strong> voir” - n°89 - Octobre-novembre 2006.ILS SONT VENUS D’AILLEURS… FIGURES D’IMMIGRES EN LIMOUSIN, <strong>de</strong>Gilles Perrin. Magazine “Migrance” - n°30 - 2008.TRISTES TROPIQUES DE LA CREUSE, <strong>de</strong>G.Ascari<strong>de</strong>, C. Spagnoli etP. Vitale. Ed. K’A - 2004.DE L’ILE DE MAYOTTE AU LIMOUSIN, <strong>de</strong>Jacques Barou. Magazine“Hommes et Migrations” - n°1215 - 1998.UN SIECLE MILITANT, <strong>de</strong> Vincent Brousse et Philippe Grandcoing. EditionsPulim - 2005.LIMOUSIN 14-18. UN ABECEDAIRE DE LA GRANDE GUERRE EN CORREZE,CREUSE ET HAUTE-VIENNE, <strong>de</strong>Stéphane Capot et Jean-Michel Vala<strong>de</strong>.Editions Les Ar<strong>de</strong>nts éditeurs - 2008.LA PRESENCE DES ETRANGERS A LIMOGES, <strong>de</strong>Bernard Francq. Rapportpublié par l’université <strong>de</strong> Limoges - 1992.LE DEPLACEMENT DES MINEURS REUNIONNAIS VERS LA METROPOLE(1960-1975), <strong>de</strong>Fanny Grondin. Mémoire publié par l’université <strong>de</strong> laRéunion - 2003.ENFANTS EN EXIL, TRANSFERT DE PUPILLES REUNIONNAIS EN METROPOLE(1963-1982), d’Ivan Jablonka. Editions du Seuil - 2007.LES TURCS EN LIMOUSIN, BUCHERONS DE PERE EN FILS, d’AnnetteMarsac. Mémoire publié par l’université Paris VII - 1997.LES HOMMES DES CARRIERES DU MAUPUY. ANGLAIS, BELGES, ESPAGNOLS,ITALIENS, POLONAIS, RUSSES, YOUGOSLAVES, PORTUGAIS, <strong>de</strong> GabrielleThevenot. Editions Verso - 1988.L’INSERTION SOCIALE DES REFUGIES DE L’ASIE DU SUD-EST ALIMOGES-BEAUBREUIL, d’Alain Roquejoffre. Magazine “Hommes etMigrations” - n°1134 - 1990.UN SUPPLÉMENT RÉALISÉ EN PARTENARIAT AVEC- L’AGENCE NATIONALE POUR LA COHÉSION SOCIALE ET L’ÉGALITÉDES CHANCES (L’ACSÉ). Direction régionale Limousin.-LARÉGION LIMOUSIN-LAVILLE DE LIMOGES-AVECLESOUTIEN DU RECTORAT DE LA RÉGION LIMOUSIN.RÉDACTION DU SUPPLÉMENT-SYLVAIN COMPÈRE (JOURNALISTE LE POPULAIRE DU CENTRE).-PASCALBLANCHARD (HISTORIEN. ACHAC).-EMMANUELLE COLLIGNON (CHEF DE PROJET ACHAC).Ne peut être vendu séparément. Supplément gratuit au numéro dumardi 15 septembre 2009. Directeur <strong>de</strong> la publication : Alain Vedrine.

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