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TRAVAIL ETlibERTÉSsYNDICALES eNGuineÉ EQuatoria<strong>le</strong>


TRAVAIL ET LIBERTÉS SYNDICALESEN GUINÉE ÉQUATORIALE


TRAVAIL ET LIBERTÉS SYNDICALESEN GUINÉE ÉQUATORIALEAlicia Campos Serrano et Plácido Micó AbogoFondation Paix et Solidarité “Serafín Aliaga” – CCOOConfédération Internationa<strong>le</strong> des Syndicats Libres (CISL)Madrid, 2006


Les auteurs:Alicia Campos Serrano. Chercheuse et professeur à l’Université Autonome de Madrid.Plácido Micó Abogo. Avocat équato-guinéen; activiste politique et dirigeant du CPDS.Cette étude a été menée dans <strong>le</strong> cadre du “Programme d’appui pour la consolidation desorganisations syndica<strong>le</strong>s, 2005-2007”, Financiée par la Fundación Paz Solidaridad. El<strong>le</strong> aéga<strong>le</strong>ment bénéficié de la collaboration de la Confédération Internationa<strong>le</strong> des SyndicatsLibres (CISL).Enfin, <strong>le</strong>s personnes suivantes ont pris part à sa confection, par <strong>le</strong>urs contributions et <strong>le</strong>urcollaboration: R. Baeza, I. Barreñada, A. Guisado, C. Guzmán, J. Manzanares (UGT), A.Martínez, A. Ortega, V. Montero, M. Romay, A. Velloso.Traduction: T. Fi<strong>le</strong>siPhotos: Mundo Negro© Fundación Paz y Solidaridad “Serafín Aliaga” de Comisiones Obreras. Madrid 2006c/ Rafael Calvo, 7. Madrid 28010Téléphone : (+34) 444 09 50Fax : (+34) 91 446 19 77E-mail: fps@fps.ccoo.esDesign, maquette et impression: Gráficas AlmeidaDépôt légal: M-26931-2006


TABLE DES MATIÈRESPrésentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7Notes préliminaires et Abréviations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131. SITUATION DES DROITS DES TRAVAILLEURS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15A. LA LIBERTÉ D’ASSOCIATION ET LA LIBERTÉ SYNDICALE ET LA RECONNAISSANCEEFFECTIVE DU DROIT DE NÉGOCIATION COLLECTIVE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15A.1. La liberté d’association syndica<strong>le</strong>A.2. La négociation col<strong>le</strong>ctiveA.3. Le droit de grèveB. L’ÉLIMINATION DE TOUTE FORME DE TRAVAIL FORCÉ OU OBLIGATOIRE . . . . . . . . . . . . 17B.1. Travail forcéB.2. Trafic de personnesC. L’ABOLITION EFFECTIVE DU TRAVAIL DES ENFANTS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19D. L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION EN MATIÈRE D’EMPLOI ET DE PROFESSION . . . . . 21D.1. Embauche et licenciementsD.2. Travail et genreEncadré 1: Données socia<strong>le</strong>s de base de Guinée Équatoria<strong>le</strong>2. ÉVOLUTION HISTORIQUE DU TRAVAIL EN GUINÉE ÉQUATORIALE . . . . . . . 292.1.La culture du cacao à Fernando Poo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 292.2.Braceros contre petits planteurs indigènes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 312.3.Franquisme et rentabilité de la colonie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 332.4.Indépendance et relations de travail postcolonia<strong>le</strong>s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 352.5.Continuités et ruptures après la révolution de palais . . . . . . . . . . . . . . . . . . 373. LES RELATIONS DE TRAVAIL DANS UNE ÉCONOMIE DU PÉTROLE . . . . . . . 393.1. Dynamiques politiques à partir des réformes de la décennie 1990 . . . . . . . 39Encadré 2: Institutions du travail (gouvernement, syndicats, patrona<strong>le</strong>s)Encadré 3: Cadre normatifEncadré 4: Ratification de conventions OIT3.2. Les effets de l’économie du pétro<strong>le</strong> . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56Encadré 5: Structure de l’emploi de la population activeEncadré 6: Les multinationa<strong>le</strong>s et la production pétrolière3.3. Le travail dans <strong>le</strong> secteur salarié . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 653.4. Secteur non salarié et <strong>le</strong> travail des femmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 754. LE MOUVEMENT SYNDICAL EN GUINÉE ÉQUATORIALE . . . . . . . . . . . . . . . . 794.1. Initiatives syndica<strong>le</strong>s en Guinée Équatoria<strong>le</strong> . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 814.2. Action syndica<strong>le</strong> internationa<strong>le</strong>Encadré 7 Les Campagnes pour la Transparence Internationa<strong>le</strong>et la Guinée Équatoria<strong>le</strong>.Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93Propositions s’adressant au syndicalisme international . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95Annexes: Carte et indicateurs de Guinée Équatoria<strong>le</strong> . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96Chronologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97Bibliographie et sources documentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .99


PRÉSENTATIONPrès de 40 ans après l’accession de la Guinée Équatoria<strong>le</strong> à l’indépendance, s’émancipant d’uneEspagne qui était encore, en 1968, soumise à la dictature de Franco, <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> n’a retrouvé ni laliberté ni la démocratie. Il est toujours sous la botte de l’un des gouvernants <strong>le</strong>s plus corrompusd’Afrique: Teodoro Obiang Nguema, qui a succédé à son onc<strong>le</strong>, <strong>le</strong> sanguinaire dictateur MaciasNguema, après l’avoir renversé en 1979.Près de 15 ans après la découverte et la mise en exploitation d’importants gisements de pétro<strong>le</strong>dans <strong>le</strong> sol marin de la plate-forme continenta<strong>le</strong> équato-guinéenne, qui ont multiplié par 20 <strong>le</strong>PIB du pays, la plupart de la population vit dans une pauvreté alarmante. L’espérance de vie àla naissance dépasse à peine 43 ans, la mortalité infanti<strong>le</strong> jusqu’à l’âge de 5 ans est de 146 pourmil<strong>le</strong> et <strong>le</strong>s principa<strong>le</strong>s causes des décès sont encore <strong>le</strong> paludisme et <strong>le</strong>s infections respiratoireset intestina<strong>le</strong>s. Le pays détient <strong>le</strong> record à la fois triste et significatif du plus grand écart entre<strong>le</strong>s classifications mondia<strong>le</strong>s du PIB par habitant et l’indice de développement humain de l’ONU:s’il n’y avait, en 1998 que 4 places de différence, en 2005 la Guinée Équatoria<strong>le</strong> a battu unrecord avec 93 places.Le régime de Macias, autoproclamé marxiste, s’était dispensé de toute espèce de législationdémocratique, il n’était pas entré à l’OIT et sous son mandat, <strong>le</strong> travail forcé était monnaie courante– dans <strong>le</strong>s plantations de cacao et la construction civi<strong>le</strong>, et à travers <strong>le</strong> travail public du samedi -;<strong>le</strong> régime d’Obiang, lui, a prétendu, sous la pression sporadique, variab<strong>le</strong> et toujours trop timide dela <strong>com</strong>munauté internationa<strong>le</strong>, laver l’image de sa dictature, en convoquant des é<strong>le</strong>ctions – pour<strong>le</strong>s manipu<strong>le</strong>r sans se gêner; il a promulgué des lois d’apparence démocratique - qu’il ne développaitpas rég<strong>le</strong>mentairement ou ne respectait tout simp<strong>le</strong>ment pas – et fait adhérer la Guinée à l’OIT,ratifiant au <strong>com</strong>pte-goutte quelques-unes de ses conventions fondamenta<strong>le</strong>s; parmi ces dernièressont à signa<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s numéros 87 et 98, sur la protection de la liberté syndica<strong>le</strong> et des droits de syndicationet négociation col<strong>le</strong>ctive.Les conclusions de l’excel<strong>le</strong>nt travail ici présenté, et qui s’appuient sur une base très solide, sontaccablantes. À titre d’exemp<strong>le</strong>, <strong>le</strong> modè<strong>le</strong> économique guinéen – <strong>com</strong>mandé par l’exploitation dupétro<strong>le</strong> depuis <strong>le</strong>s années quatre-vingt-dix, et qui génère une proportion non négligeab<strong>le</strong> du PIB(85 %) – a consolidé la dictature et enrichi <strong>le</strong>s maîtres du pays, alors que la grande majorité de lapopulation n’a tiré aucun bénéfice de la croissance exponentiel<strong>le</strong> du revenu national. Tel que <strong>le</strong>relatent <strong>le</strong>s auteurs: “Les bénéfices de la production pétrolière alimentent la corruption massive etne soulagent en rien la situation généra<strong>le</strong> de la population… ils favorisent <strong>le</strong>s dynamiques derépression, d’appauvrissement et de cooptation politique, qui sont <strong>le</strong>s principaux instruments dedomination socia<strong>le</strong> dans <strong>le</strong> pays”.L’élaboration de ce rapport s’inscrit dans un cadre de coopération entre la Fondation Paix etSolidarité Serafín Aliaga, de CC.OO., dont l’objet est d’appuyer <strong>le</strong> développement du syndicalismedémocratique de Guinée Équatoria<strong>le</strong>, considéré <strong>com</strong>me une partie essentiel<strong>le</strong> de la démocratisationindispensab<strong>le</strong> et pressante du pays. Les auteurs connaissent bien la réalité guinéenne. AliciaCampos est professeur de Sciences politiques à l’Université Autonome de Madrid, experte enaffaires africaines, notamment cel<strong>le</strong>s qui se rapportent à l’ancienne colonie espagno<strong>le</strong>. PlacidoMicó, avocat, est l’un des principaux dirigeants de l’opposition au régime d’Obiang; <strong>le</strong>ader du partiConvergencia para la Democracia Social (CPDS), d’orientation social-démocrate, il a connu <strong>le</strong>sgeô<strong>le</strong>s et d’autres formes de répression de la dictature. Il vit à Malabo depuis sa dernière sortie deprison.L’une des questions auxquel<strong>le</strong>s l’étude de Campos et Micó répond de manière radica<strong>le</strong> est de savoirpourquoi il n’y a pas de syndicats, alors que des lois <strong>le</strong>s autorisant ont été approuvées, et que la7


Guinée a fini par ratifier – en 2001 – <strong>le</strong>s principa<strong>le</strong>s conventions de l’OIT sur la liberté syndica<strong>le</strong> et<strong>le</strong>s droits syndicaux. Les raisons politiques sont simp<strong>le</strong>s: lorsque <strong>le</strong> régime d’Obiang élabore deslois, ce n’est pas pour <strong>le</strong>s respecter, mais uniquement pour se libérer pendant un certain temps dela pression internationa<strong>le</strong>. Dans <strong>le</strong>s cas où, après avoir surmonté à grand peine <strong>le</strong>s difficultésdérivées de l’absence de développement rég<strong>le</strong>mentaire, d’exigences à peu près impossib<strong>le</strong>s àac<strong>com</strong>plir – <strong>com</strong>me <strong>le</strong> nombre minimum exigé de travail<strong>le</strong>urs affiliés dans une entreprise ou unsecteur - une demande d’autorisation de syndicat est présentée aux autorités, ces dernières luiopposent un refus sous un prétexte quelconque, ou simp<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce. Tel est <strong>le</strong> sort qui a étéréservé aux tentatives de légaliser l’Union syndica<strong>le</strong> des Travail<strong>le</strong>urs (UST), <strong>le</strong> Syndicat indépendantdes Services (SIS), l’Association syndica<strong>le</strong> d’Enseignants (ASD) ou l’Organisation des Travail<strong>le</strong>ursdes champs (OTC). La seu<strong>le</strong> à avoir été légalisée, est une organisation de petits producteurs agrico<strong>le</strong>s,l’Organisation syndica<strong>le</strong> des Petits paysans (OSPA), en 2002.Il n’existe aucune organisation patrona<strong>le</strong> digne de ce nom. Pourquoi, au reste, s’il n’y a pas desyndicats? Cédant aux exigences de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centra<strong>le</strong>(CEMAC), <strong>le</strong> gouvernement a constitué en 1997 une patrona<strong>le</strong> à l’échelon national, forméede personnes du parti au pouvoir, <strong>le</strong> Parti démocratique de Guinée Équatoria<strong>le</strong> (PDGE). Le gouvernementd’Obiang a d’ail<strong>le</strong>urs aussi été capab<strong>le</strong> de s’inventer des organisations pour se présentersur <strong>le</strong>s tribunes internationa<strong>le</strong>s, <strong>com</strong>me ce fut <strong>le</strong> cas, rapportent <strong>le</strong>s auteurs, en 2002 à la227ème session du Conseil d’administration de l’OIT, où une inexistante Union généra<strong>le</strong> desEntreprises privées de Guinée Équatoria<strong>le</strong> (UGEPRIGE) présenta un rapport qui assurait, entreautres, qu’en Guinée Équatoria<strong>le</strong>, <strong>le</strong> droit de syndication était respecté.Il existe toutefois d’autres causes économiques et socia<strong>le</strong>s qui aident à <strong>com</strong>prendre <strong>le</strong>s difficultéscolossa<strong>le</strong>s pour organiser des syndicats en Guinée Équatoria<strong>le</strong>. Ces causes trouvent <strong>le</strong>ur explicationdans <strong>le</strong> modè<strong>le</strong> de production et de travail, ainsi que dans l’étroite relation avec <strong>le</strong>s modes degouverner et avec <strong>le</strong>s famil<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s clans au pouvoir. Campos et Micó l’expliquent très bien dans<strong>le</strong>ur étude.Sur une population d’un peu plus d’un demi-million d’habitants, il n’y a que 30.000 travail<strong>le</strong>urssalariés: 7.000 dans l’industrie pétrolière, 13.000 dans <strong>le</strong>s administrations publiques et 10.000 dans<strong>le</strong> reste des secteurs, dont la partie formel<strong>le</strong> du travail du bois et du cacao. La population nonsalariée – agriculteurs et travail<strong>le</strong>urs informels du <strong>com</strong>merce et service domestique en premier -représente 250.000 personnes.La question clé, c’est que l’accès à cet emploi salarié est fortement dépendant du pouvoiréconomique et politique, fusion parfaite du modè<strong>le</strong> sociopolitique équato-guinéen ; en d’autres termesmais dans <strong>le</strong> même sens, il dépend d’Obiang et de sa famil<strong>le</strong> ainsi que des réseaux de clientélismedu parti du gouvernement. Il faut bien rappe<strong>le</strong>r que parmi <strong>le</strong>s secteurs et entreprises du paysplacés sous <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> du Président, de sa femme et de ses enfants se trouvent la construction, <strong>le</strong>ssupermarchés, l’industrie hôtelière, cel<strong>le</strong> du bois, ainsi que de grandes extensions de terrain qu’ilsvendent aux <strong>com</strong>pagnies étrangères reliées au secteur du pétro<strong>le</strong>.La corruption se fait spécia<strong>le</strong>ment sentir au moment d’accéder à un poste de travail dans <strong>le</strong> secteurpétrolier: à la « re<strong>com</strong>mandation » politique vient s’ajouter la prétention économique des agencesdes marchés, intermédiaires des entreprises multilatéra<strong>le</strong>s, auxquel<strong>le</strong>s <strong>le</strong> poste doit être achetémoyennant un droit d’entrée et une redevance mensuel<strong>le</strong>. Cette redevance peut dépasser de beaucoupce que <strong>le</strong> travail<strong>le</strong>ur perçoit réel<strong>le</strong>ment.Cette étude s’inscrit de façon très précise dans son contexte historique et politique, invitant par là<strong>le</strong> <strong>le</strong>cteur à se poser des questions sur des sujets qui vont bien au-delà de l’étendue géographiquede la Guinée Équatoria<strong>le</strong>, et qui sont cruciaux dans la politique mondia<strong>le</strong> actuel<strong>le</strong>, entreautres <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> des différents types de diplomatie pour favoriser la démocratisation et <strong>le</strong>s droits del’homme; l’influence des intérêts des multinationa<strong>le</strong>s dans la politique internationa<strong>le</strong> des paysdéveloppés.8


NOTES PRÉLIMINAIRES1. Les sources utilisées pour cette étude révè<strong>le</strong>nt <strong>le</strong>s difficultés qui existentpour obtenir des données concernant la Guinée Équatoria<strong>le</strong>. Lesconditions qui règnent dans <strong>le</strong> pays ne nous ont pas permis de faire <strong>le</strong>moindre travail de champ, avec des enquêtes approfondies, quiauraient constitué une source de premier ordre; nous avons toutefoispu faire quelques enquêtes auprès d’immigrants guinéens enEspagne.Nous avons éga<strong>le</strong>ment consulté <strong>le</strong>s rapports sur <strong>le</strong>s droits de l’hommedes Nations unies et du Département d’État des États-Unis, ainsi quedes études d’organisations ou auteurs individuels sur la Guinée Équatoria<strong>le</strong>.Nous avons tiré parti des données quantitatives fournies pardifférents organismes internationaux <strong>com</strong>me <strong>le</strong> Fonds monétaire international,la Banque mondia<strong>le</strong> ou la Banque des États de l’AfriqueCentra<strong>le</strong>, ainsi que des données émanant de la Direction nationa<strong>le</strong> desstatistiques de Guinée Équatoria<strong>le</strong>.Nous avons fait une étude systématique de la législation guinéenne.Enfin, pour reconstituer l’histoire des relations de travail en GuinéeÉquatoria<strong>le</strong>, nous avons consulté la documentation de la Bibliothèquenationa<strong>le</strong> et <strong>le</strong>s Archives généra<strong>le</strong>s d’Espagne, ainsi que <strong>le</strong>s archivesdes syndicats espagnols Commissions Ouvrières et Union Généra<strong>le</strong>des Travail<strong>le</strong>urs.2. Dans la bibliographie figurent <strong>le</strong>s documents cités en bas de page,avec l’adresse du site Internet où <strong>le</strong>s consulter, <strong>le</strong> cas échéant.3. La monnaie officiel<strong>le</strong> de Guinée Équatoria<strong>le</strong> est <strong>le</strong> franc CFA, qui équivautà 1/655 Euros, à un taux de change fixe.10


ABRÉVIATIONSACPAECIAIASDBEACCCACCOOCDHCEACRCEMACCISLCPDSEITIGMACLFCFAFMIFNUAPGRGEIBAIDHILABINSESOIPECMAOMONALIGEMPRIGroupe de Pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique [Accords deCotonou]Agence Espagno<strong>le</strong> de Coopération Internationa<strong>le</strong>Amnistie Internationa<strong>le</strong>Association Syndica<strong>le</strong> d’Enseignants (Guinée Équatoria<strong>le</strong>)Banque des États de l’Afrique Centra<strong>le</strong>Rapport d’Évaluation Conjointe du Système des Nations UniesConfédération Syndica<strong>le</strong> de Commissions Ouvrières (Espagne)Commission des Droits de l’Homme des Nations UniesCommission d’Experts dans l’Application de Conventions etRe<strong>com</strong>mandations de l’OITCommunauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centra<strong>le</strong>Confédération Internationa<strong>le</strong> des Syndicats LibresConvergence pour la Démocratie Socia<strong>le</strong> (Guinée Équatoria<strong>le</strong>)Initiative pour la Transparence des Industries ExtractivesGlobal March Against Child Labour / Marche Globa<strong>le</strong> contre <strong>le</strong>Travail des EnfantsFranc CFAFonds Monétaire InternationalFonds des Nations Unies pour la PopulationGouvernement de la République de Guinée Équatoria<strong>le</strong>International Bar AssociationIndice de Développement humain du PNUDBureau of International Labor Affairs (États-Unis)Institut de la Sécurité Socia<strong>le</strong>International Programme on the Elimination of Child LabourMouvement des Amis de Obiang (Guinée Équatoria<strong>le</strong>)Mouvement National de Libération de Guinée Équatoria<strong>le</strong>Military Professional Resources Incorporated11


OCDEOITONUOPEOSPAOTCPDGEPIBPNUDPOCPUNTPWYPSISSONAVIUDEACUEUGEPRIGEUGTUGTGEUNESCOUNEDUNGEUNICEFUSTOrganisation de Coopération et Développement ÉconomiqueOrganisation Internationa<strong>le</strong> du TravailOrganisation des Nations UniesBureau de Planification Technique de l’AECIOrganisation Syndica<strong>le</strong> de Petits PaysansOrganisation des Travail<strong>le</strong>urs des Champs (Guinée Équatoria<strong>le</strong>)Parti Démocratique de Guinée Équatoria<strong>le</strong>Produit Intérieur BrutProgramme des Nations Unies pour <strong>le</strong> DéveloppementPlateforme d’Opposition Conjointe (Guinée Équatoria<strong>le</strong>)Parti Unique National des Travail<strong>le</strong>urs (Guinée Équatoria<strong>le</strong>)Publish What You Pay, campagne internationa<strong>le</strong>Syndicat Indépendant de Services (Guinée Équatoria<strong>le</strong>)Société Nationa<strong>le</strong> de Surveillance (Guinée Équatoria<strong>le</strong>)Union des États de l’Afrique Centra<strong>le</strong>Union EuropéenneUnion Généra<strong>le</strong> des Entreprises Privées de Guinée Équatoria<strong>le</strong>Union Généra<strong>le</strong> des Travail<strong>le</strong>urs (Espagne)Union Généra<strong>le</strong> des Travail<strong>le</strong>urs de Guinée Équatoria<strong>le</strong>Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et laCultureUniversité Nationa<strong>le</strong> d’Enseignement à Distance (Espagne)Université Nationa<strong>le</strong> de Guinée Équatoria<strong>le</strong>Fonds International des Nations Unies pour <strong>le</strong> Secours à l’EnfanceUnion Syndica<strong>le</strong> des Travail<strong>le</strong>urs (Guinée Équatoria<strong>le</strong>)12


INTRODUCTIONL’objet de cette étude est d’analyser <strong>le</strong>s conditions des travail<strong>le</strong>urs et <strong>le</strong>ursdroits en Guinée Équatoria<strong>le</strong>, pays situé dans <strong>le</strong> golfe de Guinée et formé d’unterritoire en partie continental et en partie insulaire, entre <strong>le</strong> Gabon, <strong>le</strong>Cameroun et <strong>le</strong> Nigéria. La situation socia<strong>le</strong> de ce petit pays africain est subordonnéeà un régime politique autoritaire et répressif et à une économie d’enclave,basée sur la production de pétro<strong>le</strong>. La population travail<strong>le</strong> dans des conditionsde grave précarité et sans formalité et <strong>le</strong>s droits des travail<strong>le</strong>urs y sontpauvrement garantis.La réalité du travail en Guinée Équatoria<strong>le</strong> se présente à deux niveaux différenciéspar <strong>le</strong>urs conditions et <strong>le</strong>urs problèmes. Un secteur formel salarié, concentrédans la fonction publique et <strong>le</strong>s entreprises privées, parmi <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s sont àmentionner cel<strong>le</strong>s du secteur des services et de la construction. Le travail dans<strong>le</strong> secteur du pétro<strong>le</strong> est plus important pour ses salaires é<strong>le</strong>vés que pour laquantité de personnes qu’il emploie.1. Un secteur non salarié, concentré dans <strong>le</strong> travail agrico<strong>le</strong>, dont s’occupent depetits paysans propriétaires ou fermiers et <strong>le</strong>urs famil<strong>le</strong>s, et dans <strong>le</strong> <strong>com</strong>merceà petite échel<strong>le</strong>. Ce secteur est caractérisé par une forte féminisation dutravail.2. L’essor de l’exploitation pétrolière depuis <strong>le</strong> milieu des années quatre-vingtdixa provoqué un important mouvement de population, entre <strong>le</strong>s émigrantséquato-guinéens rentrés au pays et <strong>le</strong>s immigrants de toute la région.L’exode de la campagne vers la vil<strong>le</strong> s’est aussi accru, de même que <strong>le</strong> nombrede femmes qui travail<strong>le</strong>nt et touchent un salaire; ce jeu de circonstancesa transformé en partie la structure professionnel<strong>le</strong> de la population.La première partie de cette étude <strong>com</strong>porte une description synthétique desconditions de travail et de la situation des droits des travail<strong>le</strong>urs à l’heure actuel<strong>le</strong>dans <strong>le</strong> pays, sur la base de différents rapports sur <strong>le</strong>s droits de l’homme. Ladeuxième partie est un parcours de l’intense histoire du travail dans ce qui estaujourd’hui la Guinée Équatoria<strong>le</strong>, du XIXème sièc<strong>le</strong> à nos jours. La troisièmepartie permettra d’analyser <strong>le</strong>s relations de travail existant actuel<strong>le</strong>ment, dans<strong>le</strong> contexte politique et économique du pays, sans <strong>le</strong>quel il n’est pas possib<strong>le</strong>de <strong>le</strong>s <strong>com</strong>prendre. Enfin, dans la quatrième partie, nous observerons <strong>le</strong>s initiativesd’organisation des travail<strong>le</strong>urs, <strong>le</strong>s difficultés auxquel<strong>le</strong>s ils se heurtent et<strong>le</strong>s perspectives de futur pour <strong>le</strong> syndicalisme en Guinée Équatoria<strong>le</strong> 1 .1 Le caractère circulaire de cette structure, qui <strong>com</strong>mence avec la liberté syndica<strong>le</strong> et finit par un chapitre sur la situationdes syndicats en Guinée Équatoria<strong>le</strong>, permet d’aborder progressivement <strong>le</strong>s thèmes à traiter ; ces derniers peuventapparaître à plusieurs reprises dans l’étude, d’abord de manière synthétique et par la suite, dans <strong>le</strong> contexted’une explication plus généra<strong>le</strong>.13


1. SITUATION DES DROITS DES TRAVAILLEURSLe respect des droits fondamentaux référés aux travail<strong>le</strong>urs en Guinée Équatoria<strong>le</strong>est piètre, tel que <strong>le</strong> constatent <strong>le</strong>s différents rapports sur <strong>le</strong>s droits del’homme. Ces droits figurent, de manière généra<strong>le</strong>, dans la législation guinéenneet <strong>le</strong> gouvernement a ratifié assez récemment (2001) <strong>le</strong>s principa<strong>le</strong>s conventionsde l’Organisation internationa<strong>le</strong> du Travail (OIT); pourtant <strong>le</strong>s droits du travailsont à peine garantis et la possibilité de s’appuyer sur des juges pour <strong>le</strong>srevendiquer est quasi inexistante. Nous abordons ci-après la situation desdroits fondamentaux en Guinée Équatoria<strong>le</strong>, inclus dans la Déclaration relativeaux principes et droits fondamentaux au travail, approuvée par l’OIT en 1998,et que tout État est tenu de respecter.A. LA LIBERTÉ D’ASSOCIATION ET LA LIBERTÉ SYNDICALE, ET LARECONNAISSANCE EFFECTIVE DU DROIT DE NÉGOCIATION COLLECTIVEA.1. La liberté d’association syndica<strong>le</strong>En Guinée Équatoria<strong>le</strong>, <strong>le</strong> droit d’association syndica<strong>le</strong> est sérieusement restreint.La loi 12/1992 qui <strong>le</strong> rég<strong>le</strong>mente pose, pour constituer un syndicat, desconditions diffici<strong>le</strong>s à remplir dans la situation actuel<strong>le</strong>ment en vigueur dans <strong>le</strong>pays, <strong>com</strong>me l’exigence de <strong>com</strong>pter au moins 50 membres d’un même secteur.La loi syndica<strong>le</strong> ne rég<strong>le</strong>mente pas ce droit pour <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs du secteurpublic et el<strong>le</strong> prévoit une législation spécia<strong>le</strong> sur <strong>le</strong>s syndicats de fonctionnaires,qui n’a pas encore été approuvée. Le groupe de salariés <strong>le</strong> plus nombreuxest donc léga<strong>le</strong>ment privé de ce droit.Outre ces restrictions léga<strong>le</strong>s, <strong>le</strong> gouvernement s’est systématiquement refusé àreconnaître l’existence de syndicats. Les travail<strong>le</strong>urs qui manifestent ouvertement<strong>le</strong>ur intention d’en organiser un et d’en faire partie, appuyant, par exemp<strong>le</strong>,une demande d’inscription auprès des autorités, font l’objet de pratiques d’intimidationchez eux, de la part d’agents de la sécurité 2 .Ce n’est qu’en 2001, année où <strong>le</strong> gouvernement a adhéré aux conventionsinternationa<strong>le</strong>s 87 et 98 sur la liberté syndica<strong>le</strong>, qu’a été légalisée l’Organisation2 COMMISSION DES DROITS DE L’HOMME des Nations unies (CDH), Rapport sur la situation des droits de l’homme enRépublique de Guinée Équatoria<strong>le</strong>, 2000; DÉPARTEMENT D’ÉTAT DES ÉTATS-UNIS (DPT D’ÉTAT), Rapport Pays sur <strong>le</strong>sdroits de l’homme en Guinée Équatoria<strong>le</strong>, 2004; CONFÉDÉRATION INTERNATIONALE DES SYNDICATS LIBRES (CISL),Rapport annuel sur <strong>le</strong>s violations des droits syndicaux, 2004.15


syndica<strong>le</strong> des petits Paysans (OSPA), qui prétend réunir <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs dusecteur informel des é<strong>le</strong>veurs. Il y a toutefois eu d’autres tentatives, vaines, dereconnaissance léga<strong>le</strong> de syndicats, <strong>com</strong>me cel<strong>le</strong> de l’Union syndica<strong>le</strong> desTravail<strong>le</strong>urs (UST), d’idée voisine à Convergence pour la Démocratie socia<strong>le</strong>(CPDS) parti de l’opposition et de filiation social-démocrate qui, depuis sa créationen 1990, s’est vu dans l’obligation de travail<strong>le</strong>r dans la clandestinité. Dessyndicats sectoriels <strong>com</strong>me <strong>le</strong> Syndicat indépendant de Services oul’Association syndica<strong>le</strong> d’Enseignants n’ont pas non plus obtenu l’autorisationdu gouvernement pour fonctionner et ce, alors qu’ils remplissaient toutes <strong>le</strong>sconditions léga<strong>le</strong>ment exigib<strong>le</strong>s 3 . La CISL a dénoncé à plusieurs reprises lorsdes forums internationaux la difficulté de créer des organisations syndica<strong>le</strong>sindépendantes 4 .A.2. La négociation col<strong>le</strong>ctiveEn Guinée Équatoria<strong>le</strong>, il n’existe pas de voies formel<strong>le</strong>s de solution des conflitsdu travail et la négociation col<strong>le</strong>ctive n’est pas institutionnalisée, bien quela loi sur <strong>le</strong> Régime général du travail de 1990 la considère <strong>com</strong>me l’un desdroits des travail<strong>le</strong>urs. Les salaires sont fixés par <strong>le</strong> gouvernement, qui ne consulteque <strong>le</strong>s grands employeurs, sans aucune participation des travail<strong>le</strong>urs 5 .Pour la solution des conflits du travail, il n’y a presque aucun mécanisme forme<strong>le</strong>ffectif. Les procédures judiciaires, entachées par <strong>le</strong>ur dépendance du gouvernement,sont longues et coûteuses et ne peuvent être entamées qu’aprèsl’épuisement des voies administratives. Il est arrivé que <strong>le</strong> ministère du Travai<strong>le</strong>t, plus rarement, des membres de l’Assemblée nationa<strong>le</strong> désignés à laCommission par<strong>le</strong>mentaire des Plaintes et pétitions, soient intervenus en qualitéde médiateurs entre <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs et <strong>le</strong>s entrepreneurs 6 . Il est toutefoishabituel que <strong>le</strong>s conflits ne soient pas résolus: en janvier 2001, une tentative demédiation d’un inspecteur du ministère du Travail, entre quelques employés dela mairie de la capita<strong>le</strong> (Malabo) et <strong>le</strong> maire, s’est soldée par une forte réprimandede ce dernier, du parti au gouvernement, à l’inspecteur 7 .3 DPT ÉTAT, 2000 à 2004.4 CISL, 2004; CDH, 2000.5 DPT ESTADO, 1999 à 2002.6 DPT ÉTAT, 2001 à 2003. En 2004, il y a eu une grève d’une journée de la <strong>com</strong>pagnie CCIC (ConsolidatedContractors International Company) à cause des salaires mimimums, <strong>le</strong> ministère du Travail est intervenu et a collaborépour arriver à un accord, DPT ÉTAT, 2004.7 DPT ÉTAT, 2001.16


A. 3. Le droit de grèveAux termes de l’artic<strong>le</strong> 10 de la Loi fondamenta<strong>le</strong> ou Constitution guinéenne, “(e)<strong>le</strong> droit de grève est reconnu et exercé dans <strong>le</strong>s conditions prévues par la loi”. Cenonobstant, cette loi n’a pas été promulguée depuis la réforme de la Constitutionde 1991, qui introduisait cet artic<strong>le</strong>. Le droit de grève n’est pas mentionné dans laloi sur <strong>le</strong> Régime du travail de 1990 car il est antérieur à l’adoption formel<strong>le</strong> du pluralismepolitique dans <strong>le</strong> pays. En revanche, la loi sur <strong>le</strong>s syndicats <strong>le</strong> mentionne.Dans la pratique, l’usage du droit de grève pour <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs est inexistant dèslors que <strong>le</strong> gouvernement n’en autorise pas l’exercice et que quiconque essaie de<strong>le</strong> faire valoir fait l’objet de représail<strong>le</strong>s au travail et de répression politique 8 .En 1992, un groupe de plus de 10 professeurs titulaires de degré supérieur ontété congédiés de l’établissement d’enseignement secondaire Rey Malabo pouravoir organisé ou appuyé une grève. Vers la fin de l’année et au début de 1993s’organisa une révolte estudiantine et plus d’une centaine d’étudiants furentexpulsés de l’éco<strong>le</strong> secondaire de Bata, accusés de participer à une tentative degrève. La réponse du gouvernement fut l’arrestation et la torture des personnesqui avaient pris part à ces mobilisations. Depuis, il a été bien diffici<strong>le</strong> aux organisateursd’inciter <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs à se joindre à d’autres initiatives de grève. Lesentreprises du secteur pétrolier ont el<strong>le</strong>s aussi, à certaines occasions, renvoyédes travail<strong>le</strong>urs qui avaient protesté pour <strong>le</strong>s conditions de travail 9 .Dans un système politique fortement répressif, <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs osent à peine semobiliser pour réclamer <strong>le</strong>urs droits. Alors, <strong>le</strong>s formes de protestation qu’adoptentparfois <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs sont plus subti<strong>le</strong>s : absentéisme, <strong>le</strong>nteur préméditéedans <strong>le</strong> travail ou retenue de résultats. De façon généra<strong>le</strong>, quiconque protesteouvertement pour <strong>le</strong>s conditions de travail s’expose à perdre son emploi,et <strong>le</strong> gouvernement ne prend aucune mesure contre la discrimination des travail<strong>le</strong>ursqui réclament <strong>le</strong>urs droits 10 .B. L’ÉLIMINATION DE TOUTE FORME DE TRAVAIL FORCÉ OU OBLIGATOIREB.1. Travail forcéL’artic<strong>le</strong> 1.3 de la loi du Régime général du travail, déclare que la liberté de travail<strong>le</strong>rn’est soumise à aucune restriction quel<strong>le</strong> qu’el<strong>le</strong> soit, mais el<strong>le</strong> ajoute8 DPT ÉTAT, 1999 à 2004.9 De la sorte, en 2004, l’entreprise K5 Oil Centre a procédé au licenciement de 8 conducteurs ou plus, parce qu’ilsavaient menacé d’un arrêt de travail si <strong>le</strong>urs contrats n’étaient pas formalisés par écrit, après 6 mois de travail.10 DPT ÉTAT, 2004.17


“sauf cel<strong>le</strong>s que la loi établira légitimement”. L’artic<strong>le</strong> continue en disant que“personne ne pourra être contraint à travail<strong>le</strong>r, sans préjudice du devoir socialde contribuer par l’effort personnel à l’exécution des tâches civiques norma<strong>le</strong>set des petits travaux <strong>com</strong>munaux librement décidés par la <strong>com</strong>munauté”.Cette réserve permet et en même temps protège l’existence d’une véritab<strong>le</strong> pratiquedu travail forcé dans <strong>le</strong> pays, puisque la majorité des habitants de la zonerura<strong>le</strong> sont obligés d’effectuer des travaux de maintenance des routes, desnationa<strong>le</strong>s aux vicina<strong>le</strong>s, sauf dans <strong>le</strong>s deux vil<strong>le</strong>s principa<strong>le</strong>s, Bata et Malabo.Ce travail est imposé aux villageois non pas par une décision de <strong>le</strong>urs <strong>com</strong>munesrespectives mais par l’autorité gouvernementa<strong>le</strong>, qui punit <strong>le</strong>s contrevenantsou <strong>le</strong>s retardataires en <strong>le</strong>ur infligeant des amendes de 25.000 à 50.000francs CFA (FCFA), voire des sévices et des arrestations pouvant al<strong>le</strong>r jusqu’àun mois, à plus forte raison s’il s’agit de militants politiques de l’opposition.Bien que <strong>le</strong> gouvernement dispose actuel<strong>le</strong>ment d’abondantes ressources économiques,<strong>le</strong>s paysans continuent à endurer ce travail forcé non rémunéré,avec la circonstance aggravante, car discriminatoire, que depuis plus de cinqans, <strong>le</strong>s habitants qui s’occupent de ces travaux dans <strong>le</strong> district de Mongomo,lieu d’origine du président du pays, sont rétribués.Dans <strong>le</strong> même ordre d’idées, <strong>le</strong>s détenus et incarcérés dans <strong>le</strong>s prisons etautres lieux de réclusion sont souvent obligés de travail<strong>le</strong>r, sans rémunération,à des besognes domestiques, agrico<strong>le</strong>s ou de construction, pour <strong>le</strong>s fonctionnairesdes prisons et de la garde présidentiel<strong>le</strong> ou pour d’autres dignitaires del’État et <strong>le</strong>s membres de <strong>le</strong>ur famil<strong>le</strong> 11 .B.2. Trafic de personnesLe trafic des personnes, femmes et enfants au premier chef, est un phénomènecroissant en Guinée Équatoria<strong>le</strong>, et relié aux réseaux existant en Afriqueoccidenta<strong>le</strong> et centra<strong>le</strong>. D’après une étude de l’UNICEF, de juil<strong>le</strong>t 1998, <strong>le</strong> paysétait un lieu de transit et de recrutement de personnes pour <strong>le</strong>s trafiquants, quipourvoyaient <strong>le</strong> marché du travail des centres urbains de Côte d’Ivoire et duGabon 12 . Cependant, avec <strong>le</strong> développement de l’industrie pétrolière, <strong>le</strong> paysdevint de plus en plus un lieu de destination.La demande accrue de prostitution de la part des cadres expatriés des entreprisesdu secteur du pétro<strong>le</strong> à Malabo a déc<strong>le</strong>nché un trafic de femmes en provenancedu Bénin, du Cameroun et de Chine 13 . D’un autre côté, des enfants venus11 CDH, 1994 à 1998 ; DPT ÉTAT, 1999 à 2004.12 Rapport de l’UNICEF de 1998, cité par <strong>le</strong> DPT ÉTAT, 2000.13 DPT ÉTAT - OMCTP, 2005 ; OKUÉ OYONO, 2000.18


d’Afrique occidenta<strong>le</strong> et centra<strong>le</strong> sont exploités <strong>com</strong>me main d’œuvre dans l’agriculture,<strong>le</strong> service domestique ou la vente ambulante14. L’exploitation desenfants, pour la plupart du Bénin et du Nigéria, s’est concentrée surtout dans <strong>le</strong>secteur du travail urbain de Malabo et Bata. Des jeunes fil<strong>le</strong>s du Bénin, âgées de12 à 16 ans, travail<strong>le</strong>nt 12 heures par jour pour vendre des cosmétiques dans <strong>le</strong>srues de Malabo. El<strong>le</strong>s ne reçoivent souvent aucune <strong>com</strong>pensation économique etel<strong>le</strong>s sont physiquement maltraitées. Il est fréquent que de jeunes Nigérians travail<strong>le</strong>ntdans des marchés de Bata sans salaire ni liberté personnel<strong>le</strong>15.En 2002 <strong>le</strong> gouvernement a assisté à la Conférence régiona<strong>le</strong> sur <strong>le</strong> Trafic despersonnes à Librevil<strong>le</strong>16, et en septembre 2004, <strong>le</strong> par<strong>le</strong>ment guinéen aapprouvé la loi sur <strong>le</strong> Trafic illicite des migrants et la traite des personnes, quisanctionne <strong>le</strong>s délits de trafic illicite de migrants, la traite des personnes et <strong>le</strong>sabus parentaux envers <strong>le</strong> mineur et <strong>le</strong> travail des enfants. Il y a bien eu quelquesprojets du gouvernement pour une prise de conscience contre <strong>le</strong> trafic despersonnes et l’assistance à porter aux enfants menacés17, mais rien ne s’estmatérialisé dans ce sens. Le pays ne s’est doté d’aucune institution publiquequi prenne en charge <strong>le</strong>s enfants démunis; il n’y en a pas non plus de privées,à part <strong>le</strong>s quelques cas dont s’occupe une <strong>com</strong>munauté religieuse.C. L’ABOLITION EFFECTIVE DU TRAVAIL DES ENFANTSD’après <strong>le</strong>s données de l’OIT, on estimait à 18.000 <strong>le</strong>s enfants de 10 à 14 anséconomiquement actifs en 2000 (7.000 fil<strong>le</strong>s et 11.000 garçons), ce qui représenteà peu près 28 % des enfants de cet âge 18 . Ils sont <strong>le</strong> plus courammentemployés dans des travaux agrico<strong>le</strong>s et la vente ambulante, qui ont souventpour cadre <strong>le</strong>s relations économiques familia<strong>le</strong>s 19 . Il est éga<strong>le</strong>ment établi qu’i<strong>le</strong>xiste des enfants qui font de la prostitution 20 .Le travail des enfants est directement lié à un système scolaire déficient, caractérisépar la massification et l’absence d’infrastructures 21 . Le taux d’assistanceau niveau primaire est de 60 % seu<strong>le</strong>ment 22 . Le degré d’abandon, surtout14 OMCTP, 2005 ; OIT-IPEC, 2002.15 DPT ÉTAT, 2002.16 DPT ÉTAT, 2002.17 DPT ÉTAT, 2003; OMCTP, 2005.18 OIT, International Labour Office - Bureau of Statistics, Economically Active Population 1950-2010, STAT WorkingPaper, 1997, cité par GMACL, 2000.19 Étude sur <strong>le</strong> travail des enfants de l’UNICEF de 2001, citée por DPT ÉTAT, 2004.20 DPT ÉTAT, 1999 à 2004; GMACL, 2000; DEPARTMENT OF LABOR, 2004.21 Rapport de l’UNICEF cité dans “L’exploitation des enfants augmente en Guinée Équatoria<strong>le</strong>”, AfrolNews,23/11/2000.22 UNICEF, Panorama: Guinée Équatoria<strong>le</strong>19


dans l’enseignement secondaire, est plus é<strong>le</strong>vé chez <strong>le</strong>s fil<strong>le</strong>s, fréquemmentappelées à assumer des obligations familia<strong>le</strong>s et de travail à un âge précoce.L’expansion économique des dernières années à signifié, dans <strong>le</strong>s deux vil<strong>le</strong>sprincipa<strong>le</strong>s du pays, une recrudescence de l’exploitation des enfants, y <strong>com</strong>prisla prostitution et <strong>le</strong> travail forcé 23 . Ce phénomène est en rapport avec <strong>le</strong> traficdes personnes dans la région, mentionné plus haut, pour <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s la GuinéeÉquatoria<strong>le</strong> s’est convertie en lieu de destination 24 . C’est ainsi que des enfantsétrangers sont utilisés <strong>com</strong>me vendeurs ambulants par des personnes qui nefont pas partie de <strong>le</strong>ur famil<strong>le</strong>, ce qui <strong>le</strong>s prive de tout accès à l’éco<strong>le</strong> 25 .L’âge limite légal pour <strong>le</strong> travail des enfants est de 14 ans, tel que l’établit la loidu Régime général du travail de 1990 qui, à l’artic<strong>le</strong> 11.1, interdit <strong>le</strong> travail audessousde cet âge. L’artic<strong>le</strong> 11.2 contient une exception selon laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong> travaild’enfants de plus de 13 ans révolus est admis, pour autant qu’il s’agisse detâches légères qui ne nuisent pas à la santé ou au développement du mineur,ni à sa scolarisation; et au paragraphe 3 de ce même artic<strong>le</strong> apparaît une nouvel<strong>le</strong>exception, pour <strong>le</strong>s enfants de plus de 12 ans, <strong>le</strong>squels peuvent être admisdans certains emplois ou travaux légers de caractère artisanal ou agrico<strong>le</strong>.Cette voie permet à n’importe quel père ou parent d’un mineur de l’affecter àn’importe quel travail des champs. La nouvel<strong>le</strong> loi sur <strong>le</strong> Trafic illicite desmigrants et la traite des personnes punit <strong>le</strong>s délits d’abus parental sur <strong>le</strong> mineuret de travail des enfants, lorsque ce sont des enfants qui sont employés, étantentendus <strong>com</strong>me tels ceux de moins de 10 ans (art. 1.b).Le gouvernement de Guinée Équatoria<strong>le</strong> a ratifié <strong>le</strong>s deux principa<strong>le</strong>s conventionsde l’OIT sur <strong>le</strong> travail des enfants; la 138 sur l’âge minimum, en 1985, etplus récemment, la 182 sur <strong>le</strong>s pires formes de travail des enfants, en 2001. Lamême année, <strong>le</strong> ministre de l’Intérieur a interdit <strong>le</strong> travail et la présence dans<strong>le</strong>s rues des enfants de moins de 17 ans après 11 heures du matin 26 .Malgré cela, <strong>le</strong> respect des dispositions sur <strong>le</strong> travail, <strong>com</strong>me l’âge minimum,ou <strong>le</strong> caractère obligatoire de l’enseignement primaire, est bien précaire 27.Le gouvernement ne manifeste aucun intérêt réel et n’applique aucune politiquesur la protection de l’enfance et <strong>le</strong> travail des enfants 28 .23 OKUÉ OYONO, 2000 : “L’exploitation des enfants...”, 23/11/2000; DPT ÉTAT, 2002 et 2003.24 OMCTP, 2005.25 DPT ÉTAT, 2004.26 “Guinea Ecuatorial: Minors Grounded, Prohibited From Working”, Irinnews, 31/8/2001.27 ILAB, 2004.28 DPT ÉTAT, 2001 et 2002; CPDS, Bref rapport… 2003.20


D. L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION EN MATIÈRED’EMPLOI ET DE PROFESSIOND.1. Embauche et licenciementsL’embauche de travail<strong>le</strong>urs, que ce soit dans la fonction publique ou dans <strong>le</strong>sprincipa<strong>le</strong>s entreprises qui opèrent dans <strong>le</strong> pays, est caractérisée par une profondepolitisation de la procédure. Les personnes qui ne sympathisent pasavec <strong>le</strong> parti au pouvoir, <strong>le</strong> Parti démocratique de Guinée Équatoria<strong>le</strong> (PDGE),se heurtent à de sérieuses difficultés aussi bien dans <strong>le</strong> secteur public que dans<strong>le</strong> privé 29 .À l’occasion de l’évaluation du Pacte national de 2001 entre <strong>le</strong> gouvernementet <strong>le</strong>s partis politiques, <strong>le</strong> premier s’est engagé à ordonner aux payeurs desbureaux publics de “[cesser] de servir de percepteurs de taxes en faveur den’importe quel parti politique”, ce qui met en évidence l’existence d’un impôtpour <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs en faveur du parti officiel 30 . Il était éga<strong>le</strong>ment interdit “auxentreprises d’exiger un document de militantisme d’un parti politique quelconquedans <strong>le</strong>urs offres d’emploi”. Ni l’un ni l’autre de ces engagements n’a eud’effet dans la pratique.L’industrie du pétro<strong>le</strong> puise ses travail<strong>le</strong>urs dans <strong>le</strong>s agences de placementcontrôlées par des hommes forts du gouvernement; ces agences touchent <strong>le</strong>salaire des employés et en gardent plus du 50 %, parfois même jusqu’au 70 %.Les agences exigent la carte du parti du gouvernement et <strong>com</strong>pliquent, pour <strong>le</strong>spersonnes appartenant à l’opposition politique, l’accès à l’emploi dans la florissanteindustrie pétrolière 31 .Quant à la résiliation de contrats, toute protestation pour <strong>le</strong>s conditions de dangerositéou d’insalubrité du travail peut être motif de licenciement 32 . La précaritédes emplois est très marquée et el<strong>le</strong> est en partie fonction de l’attitude destravail<strong>le</strong>urs dans <strong>le</strong> milieu citoyen. Dans la fonction publique, <strong>le</strong>s <strong>com</strong>pressionsde personnel répondant aux politiques d’ajustement structurel, encouragéespar <strong>le</strong> Fonds Monétaire international (FMI) dans <strong>le</strong>s années quatre-vingt-dix, ontété appliquées de manière discriminatoire, affectant <strong>le</strong>s fonctionnaires sympathisantavec <strong>le</strong>s formations politiques de l’opposition 33 .29 CDH, 2001 et 2002 ; DPT ÉTAT, 1999-2004.30 CDH, 2002.31 CDH, 2002; CPDS, Exposé cadre…2005.32 DPT ÉTAT, 1999 à 2003.33 CDH, 2000.21


D.2. Travail et genreLa main d’œuvre féminine est concentrée dans des activités de subsistancequi, d’après <strong>le</strong>s données des Nations unies, l’absorbent à 81,5 %, tandis que <strong>le</strong>petit <strong>com</strong>merce et <strong>le</strong>s services (surtout <strong>le</strong> service domestique) en occupent respectivement6,9 et 9,8 %. Les femmes se chargent, en outre, de la famil<strong>le</strong>, dontel<strong>le</strong>s assument la plupart des tâches. Ces activités sont caractérisées par unmince rendement économique, auquel contribuent <strong>le</strong>s difficultés de transport et<strong>com</strong>mercialisation loca<strong>le</strong> des produits agrico<strong>le</strong>s. Toutes ces circonstancesengendrent une forte dépendance matériel<strong>le</strong> des femmes vis-à-vis des hommes,et une autonomie personnel<strong>le</strong> limitée, qui <strong>le</strong>s rend encore plus vulnérab<strong>le</strong>sdans un contexte politique adverse, qui restreint <strong>le</strong>ur accès aux services.D’après <strong>le</strong> Rapport d’évaluation conjointe des Nations unies, “(au) niveau desprofessions, on observe la même structure, où la femme n’exerce que 12,6 % desfonctions exécutives, 29,6 % des scientifiques, 26,2 % des postes technico-professionnels,25,4 % des emplois officiels, 3,9 % des artisanaux et mécaniques et2 % des opérateurs” 34 . D’après <strong>le</strong>s données fournies par <strong>le</strong> PNUD sur l’inégalitéde genre, l’activité économique des femmes représentait 52 % de cel<strong>le</strong> deshommes en 2003. Quant aux revenus par personne pour <strong>le</strong> travail rémunéré quetouchent <strong>le</strong>s femmes, ils sont au niveau de 40 % de ceux des hommes 35 .Tel<strong>le</strong> est, succinctement, la situation des droits du travail en Guinée Équatoria<strong>le</strong>.Nous allons maintenant essayer d’analyser toutes ces données et de <strong>le</strong>sinscrire dans un contexte historique, politique et économique.Encadré 1:DONNÉES SOCIALES DE BASE DE GUINÉE ÉQUATORIALEMalgré l’essor économique extraordinaire expérimenté par la Guinée Équatoria<strong>le</strong> aucours des dernières années, et redevab<strong>le</strong> à l’exploitation pétrolière, <strong>le</strong> bien-être socials’est enlisé. Cette situation est due aux énormes écarts existant dans la répartition desressources, et à l’absence presque absolue de redistribution et investissement social desproduits que l’exploitation du pétro<strong>le</strong> brut rapporte à l’État. En 1999, on calculait que 5% de la population contrôlait 80 % de la richesse, alors que 60 % des Guinéens vivaientdans la pauvreté la plus absolue 36 .Cette contradiction saute aux yeux si l’on <strong>com</strong>pare la classification du pays d’aprèsson produit intérieur brut (PIB) par habitant, qui était de 5.870 $ en 2003, et cel<strong>le</strong> qu’établitl’indice de développement humain (IDH) du Programme des Nations unies pour34 NATIONS UNIES, 1999.35 PNUD, Rapport sur <strong>le</strong> développement humain (IDH), 2005.36 NATIONS UNIES, CCA, 1999.22


SANTÉLes principa<strong>le</strong>s causes de morbidité dans <strong>le</strong> pays sont <strong>le</strong> paludisme (22 % des décès),<strong>le</strong>s infections respiratoires aiguës (20 %) et <strong>le</strong>s maladies diarrhéiques aiguës (13 %)45 . Le pays souffre de malnutrition avec un régime journalier de 1.973 calories et 54grammes de protéines (l’OMS/ FAO re<strong>com</strong>mande 2.650 calories et 82 grammes deprotéines). Ce problème provoque 22 % de poids insuffisant chez <strong>le</strong>s enfants demoins de 6 ans, 70 % de cas d’anémie chez <strong>le</strong>s femmes et un pourcentage é<strong>le</strong>vé deretard dans la croissance des enfants (56,1 des enfants de 48 à 59 mois) 46 .Cette situation a pour causes <strong>le</strong>s conditions généra<strong>le</strong>s d’habitabilité et la précarité dusystème sanitaire dans <strong>le</strong> pays. À cause de sa lourdeur structurel<strong>le</strong>, <strong>le</strong> système d’attentionprimaire de la santé (APS) établi en 1983 ne fonctionne pas dans la moitié descas, et la plupart des centres ne sont pas dotés d’un équipement de base. La couverturesanitaire pâtit d’une disproportion spatia<strong>le</strong> manifeste: <strong>le</strong> personnel médical estconcentré à 89,8 % à Malabo et Bata et l’î<strong>le</strong> bénéficie de ressources matériel<strong>le</strong>s etpersonnel<strong>le</strong>s bien supérieures à cel<strong>le</strong>s de la partie continenta<strong>le</strong> 47Espérance de vie à la naissance (ans) 43,3 2003Probabilité à la naissance dene pas dépasser 60 ans 33 % femmes 2000-200530,6 % hommesMortalité maternel<strong>le</strong> 880 / 100.000 2000Mortalité enfants en-dessous de 1 an 97 / 1.000 2003Mortalité enfants en-dessous de 5 ans 146 / 1.000 2003Cas de malaria 2.744 / 100.000 2000 48Cas de tuberculose 351 / 100.000 2003VIH/ SIDA 7 % 2001 49Enfants à poids insuffisant


ENSEIGNEMENTLe système d’enseignement se caractérise par une intégration tardive, qui se traduitpar une forte proportion d’élèves trop âgés, l’abandon scolaire fréquent et la déficiencequalitative et quantitative du corps enseignant et autres éléments didactiques 50 .Au fur et à mesure que l’on avance dans <strong>le</strong> système, on constate un abandon beaucoupplus é<strong>le</strong>vé chez <strong>le</strong>s fil<strong>le</strong>s que chez <strong>le</strong>s garçons. La coopération internationa<strong>le</strong>fournit une part importante de l’offre didactique.L’enseignement technique et supérieur, qui présente de graves carences, est confié àdifférentes éco<strong>le</strong>s techniques intégrées dans l’université nationa<strong>le</strong> de Guinée Équatoria<strong>le</strong>(UNGE) et l’université nationa<strong>le</strong> d’enseignement à distance (UNED) d’Espagne.Les jeunes qui <strong>le</strong> peuvent préfèrent faire des études supérieures à l’étranger, notammenten Espagne ou aux États-Unis.Le système de l’enseignement conduit à un embouteillage sur <strong>le</strong> marché du travail, où<strong>le</strong>s postes sont distribués en fonction de critères personnalistes et de nombreux professionnelsguinéens sont relégués dans <strong>le</strong>ur travail et poussés à émigrer 51 .Taux d’alphabétisation adultes 84,2 % 2003Jeunes de 15 à 24 ans 92,7 % 1990Analphabétisme femmes 23,6 % 2003Hommes 7,9 % 2003Inscription enseignement 85 % primaire 2002-200326 % secondaire 2002-2003Inscription de femmes 78 % primaire 2001/200219 % secondaire 1999/20002 % supérieur 1999/2000Ratio fil<strong>le</strong>s/ garçons inscrits 85/100 primaire 2001/200258/100 secondaire 1999/200043/100 supérieur 1999/2000Assistance 60 % 1996-2003 52Nombre de sal<strong>le</strong>s de classe 1.379 1998 53Dépense publique enseignement 0,6 % du PIB 2000-200250 NATIONS UNIES, CCA, 1999.51 ABAGA, 1997.52 UNICEF, Panorama: Guinée Équatoria<strong>le</strong>.53 GRGE, Programme d’action… 2001.25


SITUATION DE LA FEMMEL’inégalité entre hommes et femmes est manifeste d’après <strong>le</strong>s données sur la participationdes uns et des autres à l’économie et l’enseignement. L’analphabétisme est àpeu près <strong>le</strong> trip<strong>le</strong> chez <strong>le</strong>s femmes et <strong>le</strong>s fil<strong>le</strong>s quittent plus tôt <strong>le</strong> système scolaire àcause des obligations familia<strong>le</strong>s qu’el<strong>le</strong>s assument de bonne heure. Le nombre defemmes qui arrivent au niveau secondaire est la moitié de celui des hommes 54 Demême, la présence des femmes dans <strong>le</strong>s structures de l’État ou dans <strong>le</strong>s partis de l’oppositionest encore bien limitée: <strong>le</strong>ur proportion au par<strong>le</strong>ment pour la législature entaméeen 2004 était de 18 % 55 .Il existe des pratiques <strong>com</strong>me l’emprisonnement des femmes qui ne remboursent pas<strong>le</strong>ur dot si el<strong>le</strong>s se séparent de <strong>le</strong>urs maris, ou à cause de relations sexuel<strong>le</strong>s horsmariage ou d’abandon du foyer, ce qui représente de flagrantes infractions aux droitsde l’homme 56 . La vio<strong>le</strong>nce contre <strong>le</strong>s femmes à la maison est monnaie courante et iln’existe aucune politique gouvernementa<strong>le</strong> pour l’enrayer. Tel que signalé plus haut,l’économie du pétro<strong>le</strong> a multiplié <strong>le</strong> nombre de femmes, immigrantes pour beaucoup,dans la prostitution 57 . Dans de tel<strong>le</strong>s conditions, la vulnérabilité des femmes face àla vio<strong>le</strong>nce socia<strong>le</strong> est très é<strong>le</strong>vée.DROITS DE L’HOMMELa situation des droits de l’homme, civils et politiques en Guinée Équatoria<strong>le</strong> est grave.Ainsi l’affirme dans son dernier document <strong>le</strong> Rapporteur spécial de la Commission desDroits de l’homme des Nations unies pour la Guinée Équatoria<strong>le</strong>: “l’insécurité juridique àlaquel<strong>le</strong> est exposé n’importe <strong>le</strong>quel de ses habitants qui, à tout moment, peut être privéde liberté dans des centres de détention inappropriés, et même soumis à des tortures surun simp<strong>le</strong> ‘ordre de la supériorité’, sans mandat judiciaire ni motif légal qui l’autorise etsans possibilité d’accéder à un recours judiciaire efficace pour prévenir ou corriger cetteéventualité” 58 . Les abus des forces de l’ordre contre <strong>le</strong>s prisonniers et détenus sont<strong>com</strong>mis de manière arbitraire et en toute impunité.La liberté de circulation est sérieusement limitée par des mécanismes tels que <strong>le</strong>sbarrières militaires à l’intérieur du pays, l’exigence de visas de sortie ou <strong>le</strong> confinement.Il y a un peu plus de cinq ans que <strong>le</strong>s visas de sortie ne sont plus obligatoires mais, <strong>le</strong>sdifficultés subsistent pour l’obtention d’un passeport et la police des frontières peutexiger une autorisation de déplacement du ministère de l’Intérieur aux dirigeants etmilitants de l’opposition politique. Il existe un vaste tissu de pratiques discriminatoirescontre <strong>le</strong>s femmes, <strong>le</strong>s membres de minorités ethniques et <strong>le</strong>s étrangers venusd’Afrique occidenta<strong>le</strong>, qui vio<strong>le</strong>nt gravement <strong>le</strong> droit à l’égalité. De son côté, l’exercice54 CDH, 2002.55 L’indice de développement concernant <strong>le</strong> genre du PNUD, qui mesure <strong>le</strong>s inégalités entre hommes et femmes dans<strong>le</strong>s trois aspects de base de l’IDH, est de 0,641 pour 2003: PNUD, IDH, 2005.56 CDH, 2002.57 DPT ÉTAT, 2005.58 CDH, 2002.26


démocratique de l’opposition politique est sérieusement entravé par <strong>le</strong> harcè<strong>le</strong>mentsystématique contre ses militants et contre la liberté de presse et d’expression.Malgré <strong>le</strong>s rapports critiques du Rapporteur spécial des Nations unies pour la GuinéeÉquatoria<strong>le</strong>, la Commission des Droits de l’homme a décidé de mettre un point final àsa mission au début de l’année 2002. En mai a eu lieu un nouveau procès politiquecontre une grande partie de l’opposition, caractérisé par l’absence de garanties judiciaireset l’utilisation généralisée de la torture 59 . Depuis, de nombreuses détentionset de nouveaux procès politiques se sont succédés contre des opposants, d’anciensmembres du gouvernement et des étrangers (dont peut-être quelques mercenaires),sans garanties pour <strong>le</strong>s inculpés, et qui ont abouti à une situation très grave pour <strong>le</strong>sdroits de l’homme dans <strong>le</strong>s prisons guinéennes 60 .Paradoxa<strong>le</strong>ment, en octobre 2002 <strong>le</strong> gouvernement de Guinée Équatoria<strong>le</strong> a ratifiédeux conventions internationa<strong>le</strong>s: la convention contre la torture et autres traitementsou peines cruels, inhumains ou dégradants, mais avec d’importantes réserves, et laconvention sur l’élimination de toutes <strong>le</strong>s formes de discrimination racia<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> faitéga<strong>le</strong>ment partie aux deux pactes internationaux des Droits sociaux, économiques etculturels et des Droits politiques et civils et de son premier Protoco<strong>le</strong> optatif (1987),quoique pas du second, ainsi que de la convention sur l’élimination de toutes <strong>le</strong>s formesde discrimination contre la femme (1984) et de la convention des droits de l’enfant(1992). En réalité, la ratification de ces conventions de la part de l’État guinéen estdavantage <strong>le</strong> fait des pressions et exigences de la <strong>com</strong>munauté internationa<strong>le</strong> qued’une volonté du gouvernement d’en rendre <strong>le</strong>s contenus effectifs. Pour preuve, laGuinée Équatoria<strong>le</strong> n’a pas envoyé <strong>le</strong>s rapports périodiques obligatoires exigés danschacune de ces conventions 6159 AMNISTIE INTERNATIONALE, Une parodie… 2002. Le Rapporteur spécial sur la liberté d’opinion et d’expression, qui avisité <strong>le</strong> pays en décembre 2002, a présenté un rapport à la CDH, en signalant <strong>le</strong>s graves déficiences existant nonseu<strong>le</strong>ment par rapport à la liberté d’opinion et d’expression mais éga<strong>le</strong>ment aux autres droits politiques; il exprimaiten même temps sa préoccupation pour la situation des prisonniers politiques jugés entre mai et juin 2002 (ONU:E/CN.4/2003/67/Add.2).60 AMNISTIE INTERNATIONALE, “Equatorial Guinea: Stop the killings, the rapes and the arbitrary arrests”, nouvel<strong>le</strong> du5/7/2004; AI, “Equatorial Guinea: Prisoners starving to death”, nouvel<strong>le</strong> du 14/4/2005; AI, Equatorial Guinea: A trialwith too many flaws, Rapport du 7/6/2005.61 À titre d’illustration, signalons qu’aux dernières séances du par<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong> Bureau de la chambre, de connivenceavec <strong>le</strong> gouvernement, s’est refusé à donner cours à une question d’un député de CPDS, qui s’enquérait des mesureset actions appliquées par l’exécutif pour ac<strong>com</strong>plir <strong>le</strong>s obligations qui lui in<strong>com</strong>bent en sa qualité d’Ètat membrede la convention contre la torture, pour éradiquer cette pratique dans <strong>le</strong> pays. CPDS, “Seuls <strong>le</strong>s deux par<strong>le</strong>mentairesde CPDS exercent un contrô<strong>le</strong> rigoureux du gouvernement du PDGE”, La Verdad num. 54, mars-août 2005.27


2. ÉVOLUTION HISTORIQUE DU TRAVAILEN GUINÉE ÉQUATORIALEDepuis <strong>le</strong>s années 1820, <strong>le</strong> territoire de ce qui est aujourd’hui l’État de GuinéeÉquatoria<strong>le</strong> a été la scène de relations de travail aussi intenses que changeantesdans <strong>le</strong> cadre de l’économie mondia<strong>le</strong>, et bien souvent caractérisées par l’abuset l’exploitation.C’est au processus d’abolition de la traite d’esclaves que l’on doit la fondation,en 1827, de la vil<strong>le</strong> colonia<strong>le</strong> de Clarence (aujourd’hui Malabo) dans l’î<strong>le</strong> deFernando Poo (Bioko). Clarence fut conçue <strong>com</strong>me une base d’opérations dela marine britannique qui se lançait à la poursuite des navires d’esclaves quisillonnaient <strong>le</strong> golfe de Guinée. Cet aménagement obligea <strong>le</strong>s Bubis, habitantsautochtones, à partager l’î<strong>le</strong> avec une petite population d’Africains métis provenantdes colonies britanniques d’Afrique occidenta<strong>le</strong> et d’esclaves libérés qui,avec <strong>le</strong> temps, furent identifiés <strong>com</strong>me fernandinos.L’intégration <strong>le</strong>nte et progressive de Fernando Poo dans l’économie mondia<strong>le</strong> adébuté avec la production et <strong>le</strong> <strong>com</strong>merce de l’hui<strong>le</strong> de palme, activité qui s’estsuperposée à l’agriculture de subsistance de la population. Les <strong>com</strong>pagnies britanniquesqui dominèrent ce <strong>com</strong>merce entre 1835 et 1843 s’efforcèrent de convertiren main d’œuvre doci<strong>le</strong> <strong>le</strong>s anciens esclaves affranchis, qui continuèrent àaffluer avec plus ou moins de succès. Après l’échec des grandes <strong>com</strong>pagnies, cesont <strong>le</strong>s fernandinos qui devinrent <strong>le</strong>s principaux intermédiaires de ce <strong>com</strong>merce.2.1. La culture du cacao à Fernando PooDans <strong>le</strong>s vingt-cinq dernières années du XIXème sièc<strong>le</strong>, alors que <strong>le</strong> gouvernementespagnol s’était installé dans la vil<strong>le</strong> colonia<strong>le</strong>, rebaptisée Santa Isabel, <strong>le</strong><strong>com</strong>merce de l’hui<strong>le</strong> de palme fit place à une économie de plantation basée sur<strong>le</strong> cacao 62 . Jusqu’à la Première Guerre mondia<strong>le</strong>, l’initiative fut laissée auxcolons fernandinos, avec <strong>le</strong>s cultures des propriétés-plantations de tail<strong>le</strong> intermédiaireentre <strong>le</strong>s domaines de plus de 500 hectares des grandes <strong>com</strong>pagniesou <strong>le</strong>s petites terres indigènes de moins de 20 hectares 63 .L’établissement des premières plantations de cacao appela une main d’œuvreintensive. Le réf<strong>le</strong>xe initial de se tourner vers la population insulaire en quête62 La plupart des données de cette section et de la suivante sont basées sur CAMPOS SERRANO, 2005 ; SANZCA-SAS, 1983; SUNDIATA, 1996.63 SANZ CASAS, 1983 (p. 121).29


de braceros rencontra une résistance farouche de cette population ce qui, jointà la dénommée “politique d’attraction” que prétendait appliquer <strong>le</strong> gouvernementcolonial, freina <strong>le</strong>s efforts des propriétaires pour convertir <strong>le</strong>s Bubis en travail<strong>le</strong>ursagrico<strong>le</strong>s dans <strong>le</strong>s plantations <strong>com</strong>mercia<strong>le</strong>s.La plupart des travail<strong>le</strong>urs des plantations <strong>com</strong>mercia<strong>le</strong>s vinrent donc de différentspoints de la côte occidenta<strong>le</strong> africaine (et en un premier temps aussi desCaraïbes), où l’abolition de la traite et ensuite de l’esclavage avait donné naissanceà une classe socia<strong>le</strong> d’un statut personnel indéfini, disponib<strong>le</strong> et prête às’employer à bon marché dans des conditions de travail plus ou moins forcé. Ily avait certes un contrat mais la nature des relations de travail dans la colonieconstituait une véritab<strong>le</strong> “servitude temporaire et rémunérée” 64 .Les accords intra-européens de 1900, aux termes desquels l’Espagne avait la concessiondu petit territoire continental de Río Muni, convertirent <strong>le</strong>s habitants decette zone restreinte du bois tropical en braceros potentiels et convoités. À traverspar des médiateurs africains et européens, <strong>le</strong>s propriétaires de l’î<strong>le</strong> établirent sur<strong>le</strong>s côtes africaines des systèmes informels d’embauche, et ils attendaient de l’Étatcolonial qu’il <strong>le</strong>ur facilite ce trafic humain, si souvent imprégné des caractèresde l’esclavage. Il s’ensuivit un intense mouvement de population autour deFernando Poo, en provenance du Libéria, de Río Muni ou du Cameroun, où <strong>le</strong>nouveau recrutement avait remplacé avantageusement l’ancienne traite.Les abus et <strong>le</strong>s pénib<strong>le</strong>s conditions de travail qui prévalaient dans la coloniesuscitèrent des résistances et des révoltes variées. L’une des réactions <strong>le</strong>splus courantes des travail<strong>le</strong>urs était la fuite vers l’intérieur de l’î<strong>le</strong> et l’intégration,souvent malaisée, dans la société bubi. En 1900, des travail<strong>le</strong>urs venusdes colonies britanniques du Nigéria et de la Côte d’Or prirent la tête d’unerévolte. Les Britanniques, qui avaient fait quelques inspections et rédigé desrapports sur <strong>le</strong>s abus du travail à Fernando Poo, suspendirent <strong>le</strong> recrutementdes travail<strong>le</strong>urs dans <strong>le</strong>urs territoires.Dans <strong>le</strong> but de contrô<strong>le</strong>r <strong>le</strong> mode d’embauche et d’assurer <strong>le</strong> fonctionnement del’économie colonia<strong>le</strong>, l’administration espagno<strong>le</strong> approuva en 1906 un Règ<strong>le</strong>mentdu travail indigène grâce auquel fut créé un organisme médiateur entre <strong>le</strong>s employeurset <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs. La curatel<strong>le</strong> colonia<strong>le</strong> devait donner sa conformité à toutes<strong>le</strong>s embauches de travail<strong>le</strong>urs, dans <strong>le</strong> cadre d’un système qui reconnaissaitpeu de droits aux travail<strong>le</strong>urs, considérés <strong>com</strong>me objets d’un marché plutôt que<strong>com</strong>me partie contractante. Le règ<strong>le</strong>ment établissait en outre l’obligation de tous<strong>le</strong>s résidents de Fernando Poo “sans propriété, métier (ou) profession léga<strong>le</strong> connue”de travail<strong>le</strong>r “dans <strong>le</strong> cadre d’un contrat passé avec des personnes privéesou avec l’État”. Cette règ<strong>le</strong>, qui abordait expressément <strong>le</strong> travail forcé sur des64 CLAVERO, 2005.30


chantiers publics, pour <strong>le</strong> travail<strong>le</strong>ur “qui aurait fui plus d’une fois de la propriété”,ac<strong>com</strong>pagnée d’un nouveau Règ<strong>le</strong>ment de travail (1913) enrichi de sanctions pourtoute sorte d’insoumissions des travail<strong>le</strong>urs, entérinait juridiquement la conversiondes relations salariées en travail forcé 65 .Les Bubis étaient expressément exclus de l’obligation de travail<strong>le</strong>r figurant dans<strong>le</strong> Règ<strong>le</strong>ment de 1906. En revanche, ils avaient une autre obligation, que l’ontrouve dans <strong>le</strong> Statut organique de 1880 et 1904, la “prestation personnel<strong>le</strong>pour des travaux locaux d’utilité généra<strong>le</strong>”. Grace à cette couverture léga<strong>le</strong>, <strong>le</strong>gouverneur général imposait périodiquement à la population autochtone uneparticipation aussi bien aux travaux publics qu’à la récolte du cacao dans <strong>le</strong>sgrandes propriétés <strong>com</strong>mercia<strong>le</strong>s 66 . Ce fut un temps de vio<strong>le</strong>nce et d’ingérencede la part du gouvernement colonial, qui imposa aussi des taxes pour obliger<strong>le</strong>s Africains au travail salarié. La résistance des Bubis à la prestation personnel<strong>le</strong>entraîna plusieurs guerres, qui ne prirent fin qu’en 1917, avec <strong>le</strong>désarmement total de la population dans l’î<strong>le</strong>.Avant l’invasion colonia<strong>le</strong>, la population avait d’ail<strong>le</strong>urs déjà réagi avec l’ouverturegraduel<strong>le</strong> de petites propriétés de cacao, donnant naissance à une classe de petitscultivateurs rattachés aux marchés coloniaux. L’époque de la Première Guerremondia<strong>le</strong> marqua <strong>le</strong> déclin des planteurs fernandinos, qui laissèrent <strong>le</strong>ur place auxgrands capitaux métropolitains et aux petits propriétaires indigènes.2.2. Braceros contre petits planteurs indigènesLe rô<strong>le</strong> économique des Africains dans <strong>le</strong> système colonial devait faire l’objet delongues discussions parmi <strong>le</strong>s colonisateurs, qui observaient avec une certaineambiguïté l’activité toujours croissante des petits cultivateurs autonomes. Lesgrands agriculteurs craignaient que ce mécanisme ne dérobe une partie de la maind’œuvre salariée pour <strong>le</strong>urs plantations. Mais la production africaine, basée sur <strong>le</strong>travail personnel et familial, était considérée par certains fonctionnaires coloniaux<strong>com</strong>me meil<strong>le</strong>ur marché et plus rentab<strong>le</strong> que cel<strong>le</strong> des grandes propriétés.Les Bubis s’étant convertis en petits planteurs, <strong>le</strong>s grandes propriétés deFernando Poo se trouvaient toujours dans l’obligation de faire venir des travail<strong>le</strong>ursde Río Muni et d’autres parties d’Afrique 67 . Avec ce processus, la population loca<strong>le</strong><strong>com</strong>mença nettement à se distinguer des travail<strong>le</strong>urs immigrants. S’il est vrai65 CLAVERO, 2005; SANZ CASAS, 1983 (p. 233).66 SUNDIATA, 1996. Sur cette même politique mise en œuvre en 1911-1912, voir <strong>le</strong> travail de Petit, 1998.67 En 1914 était signée une nouvel<strong>le</strong> convention avec <strong>le</strong> Libéria, annulée en 1919. De nouveaux accords privés suivraient.Confer SANZ CASAS, 1983 (p. 229 et 244).31


que <strong>le</strong>s premiers pouvaient être obligés de collaborer à des travaux publics et qu’àbien des occasions, <strong>le</strong>s seconds se transformèrent en petits propriétaires établisdans la colonie, il est tout aussi vrai qu’un grand nombre de travail<strong>le</strong>urs immigrantsétaient entassés dans <strong>le</strong>s baraquements des grandes plantations, et subissaientdans toute sa rigueur la vio<strong>le</strong>nce de la domination colonia<strong>le</strong>. La situation juridiquede ces personnes était, au surplus, margina<strong>le</strong> car malgré l’existence de règ<strong>le</strong>s concernant<strong>le</strong> travail indigène, il était bien diffici<strong>le</strong> aux travail<strong>le</strong>urs de Fernando Pood’avoir accès aux tribunaux de la colonie, pour réclamer l’application de la législationdu travail qui, au reste, ne <strong>le</strong>s considérait en aucun cas <strong>com</strong>me des ayantsdroit.À Río Muni, face à la prétention de convertir <strong>le</strong> petit territoire en fournisseur demain d’œuvre pour l’î<strong>le</strong> et aux campagnes périodiques de recrutement descolons, <strong>com</strong>me la “chasse aux hommes” de 1926 68 , la population résistait aussicontre sa conversion en personnel salarié, forcé et bon marché. Tout d’abord,el<strong>le</strong> profita de la possibilité de passer la frontière pour se rendre dans <strong>le</strong>s coloniesvoisines du Gabon et du Cameroun et ensuite, à l’image des Bubis, el<strong>le</strong> semit à cultiver directement <strong>le</strong>s produits agrico<strong>le</strong>s <strong>com</strong>merciaux, notamment <strong>le</strong>café.Au début des années 1930, <strong>le</strong> déficit de main d’œuvre s’aggrava dans <strong>le</strong>s grandesplantations européennes et <strong>le</strong> prestige de la colonie espagno<strong>le</strong> se dégradadans <strong>le</strong>s marchés du travail. À cette situation contribuèrent <strong>le</strong>s dénonciationsinternationa<strong>le</strong>s présentées au sein de la Société des Nations, à l’instance desÉtats-Unis, contre l’accord entre <strong>le</strong> gouvernement du Libéria et <strong>le</strong>s planteurs deFernando Poo. Le reproche de la Société des Nations s’adressait aux marchandslibériens mais il mettait éga<strong>le</strong>ment en évidence <strong>le</strong>s pénib<strong>le</strong>s conditionsde travail dans l’î<strong>le</strong>.Ces difficultés sur <strong>le</strong> plan international, qui coïncidaient avec <strong>le</strong> cyc<strong>le</strong> dedépression économique mondia<strong>le</strong>, amorcé en 1929, contribuèrent à la multiplicationdu nombre de concessions aux Européens qui ne cultivaient pas <strong>le</strong>sterres. C’est ainsi que <strong>le</strong> gouvernement espagnol décida d’interrompre, en mai1930, la concession de terrains durant un temps indéfini, exception faite despetits propriétaires africains qui demandaient des propriétés de moins de 20hectares. La population indigène était ainsi reconnue <strong>com</strong>me étant formée decolonisateurs agrico<strong>le</strong>s privilégiés qui, travaillant <strong>le</strong>urs terres personnel<strong>le</strong>mentou dans <strong>le</strong> cadre des relations familia<strong>le</strong>s, étaient à peine affectés par <strong>le</strong> manqueséculaire de braceros et ne devaient pas interrompre <strong>le</strong>ur culture.68 Chambre agrico<strong>le</strong> de Fernando Poo, “Note sur <strong>le</strong> problème des braceros à Fernando Poo”, du 14/5/1930, citationde SANZ CASAS, 1983 (p. 240).32


2.4. Indépendance et relations de travail postcolonia<strong>le</strong>sLa décolonisation en 1968, et la rupture qui s’ensuivit entre <strong>le</strong> gouvernementindépendant de Macías Nguema et l’ancienne métropo<strong>le</strong>, se traduisirent parl’effondrement d’une grande partie de l’économie colonia<strong>le</strong>, caractérisée parson extrême dépendance. Le gouvernement espagnol élimina <strong>le</strong>s prix préférentielset <strong>le</strong>s bénéfices à l’importation des produits guinéens 73 . Les grandspropriétaires espagnols abandonnèrent <strong>le</strong>urs exploitations agrico<strong>le</strong>s et de bois,qui furent nationalisées et occupées par <strong>le</strong>s nouveaux hommes forts du pays.Le démantè<strong>le</strong>ment de la précaire infrastructure économique héritée de l’époquecolonia<strong>le</strong> donna lieu à une période de vertigineuse décadence économique, d’iso<strong>le</strong>mentet d’autarcie qui, secondée par la répression politique dont fit preuve<strong>le</strong> nouveau gouvernement, affecta gravement l’activité économique des citoyens,en particulier des petits producteurs, qui s’étaient fait <strong>le</strong>ur place sur <strong>le</strong>marché colonial. Avec <strong>le</strong> plongeon de l’économie d’exportation, la majorité dela population se tourna vers une agriculture de subsistance basée sur <strong>le</strong> travailfamilial, qui s’est perpétuée jusqu’à l’époque actuel<strong>le</strong>, malgré la transformationéconomique expérimentée avec l’apparition de nouvel<strong>le</strong>s ressources minéra<strong>le</strong>sdans <strong>le</strong>s années quatre-vingt-dix.Le régime postcolonial établit un système politique de parti unique, d’inspirationmarxiste-maoïste, appelé précisément Parti Unique National des Travail<strong>le</strong>urs(PUNT). Le travail était considéré <strong>com</strong>me <strong>le</strong> premier devoir et obligation de toutcitoyen, sans contrepartie quel<strong>le</strong> qu’el<strong>le</strong> soit et avec, pour justification, que “<strong>le</strong>travail créateur et révolutionnaire” rehausse la dignité de l’homme. Dans cecontexte, toute sorte de revendication quant aux conditions de travail était “contre-révolutionnaire,subversive et propre des ennemis de la patrie”.L’activité des entreprises était en veil<strong>le</strong>use, sauf pour une poignée de modestes<strong>com</strong>pagnies de construction espagno<strong>le</strong>s de la fin de l’ère colonia<strong>le</strong>, et s’employantfondamenta<strong>le</strong>ment à des travaux publics et d’extraction de bois. Lereste de la médiocre activité d’entreprises était aux mains de l’État, <strong>com</strong>me <strong>le</strong>sentreprises nationa<strong>le</strong>s de <strong>com</strong>merce qui, utilisant des cartes de rationnement,vendaient des artic<strong>le</strong>s importés <strong>com</strong>me des vêtements, boissons, appareilsé<strong>le</strong>ctroménagers ou vélos; l’entreprise nationa<strong>le</strong> des transports, avec une flotted’autocars qui assuraient <strong>le</strong>s trajets entre <strong>le</strong>s têtes de district; ou l’entreprisenationa<strong>le</strong> du pétro<strong>le</strong>, qui vendait des produits dérivés.Travail<strong>le</strong>r dans la fonction publique ou dans une entreprise nationa<strong>le</strong> était réservéà quelques privilégiés. Pourtant, ces travail<strong>le</strong>urs n’avaient aucune garantiede <strong>le</strong>urs droits de travail, ni même de percevoir un salaire régulièrement, et ils73 ABAGA, 1997.35


pouvaient passer de longs mois sans <strong>le</strong>urs avoirs. Tout acte de protestationétait considéré <strong>com</strong>me une activité subversive et puni d’emprisonnement sinedie. Qui plus est, <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs des entreprises nationa<strong>le</strong>s n’avaient pas laliberté de résilier <strong>le</strong>ur contrat de travail sans cause justifiée.En 1975, tous <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs nigérians furent expulsés des plantations decacao qui existaient encore dans l’î<strong>le</strong>, et partiel<strong>le</strong>ment remplacés par une maind’œuvre importée à la force de Río Muni et de l’î<strong>le</strong> d’Annobon. Chaque villageet chaque famil<strong>le</strong> du continent étaient alors tenus d’envoyer dans l’î<strong>le</strong> un quotade travail<strong>le</strong>urs pour sauver la récolte de cacao, ce qui fit resurgir <strong>le</strong> trafic despersonnes d’époques passées. S’ils ne se présentaient pas spontanément, ilsétaient détenus et transférés de force de <strong>le</strong>ur village vers <strong>le</strong>s plantations decacao de l’î<strong>le</strong>; ces ouvriers n’avaient droit à aucun salaire et ne recevaient qu’unemaigre portion alimentaire. Sans assistance médica<strong>le</strong> ni d’autre type et sansparents ou connaissances auxquels recourir pour survivre, ces bagnards ducacao en étaient réduits à vo<strong>le</strong>r dans <strong>le</strong>s propriétés des habitants de l’î<strong>le</strong>,devant l’impuissance de ces derniers, qui n’avaient aucune instance à laquel<strong>le</strong>dénoncer <strong>le</strong>s “travail<strong>le</strong>urs révolutionnaires”, <strong>com</strong>me on <strong>le</strong>s appelait à cette époque.Ces personnes ne pouvaient pas retourner dans <strong>le</strong>urs villages et dans descas exceptionnels seu<strong>le</strong>ment, ils obtenaient une autorisation de déplacementou “créance”.Les conditions de travail étaient similaires dans <strong>le</strong> secteur de la construction,notamment sur <strong>le</strong>s chantiers de certaines infrastructures, <strong>com</strong>me pour la construction,par exemp<strong>le</strong>, de la centra<strong>le</strong> hydroé<strong>le</strong>ctrique de Bikomo, où <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>ursguinéens percevaient à peine, et de manière irrégulière, un salaire de3000 bikwe<strong>le</strong>, qui <strong>le</strong>ur suffisait juste pour manger pendant cinq jours.Tous <strong>le</strong>s samedis, <strong>le</strong>s fonctionnaires publics et la population en général devaientse prêter à des tâches publiques, <strong>com</strong>me <strong>le</strong> nettoyage de l’herbe des rues (ou“désherbage des vil<strong>le</strong>s”). Quel<strong>le</strong> que soit l’heure et n’importe où, <strong>le</strong>s agents de lasécurité pouvaient arrêter <strong>le</strong>s gens et <strong>le</strong>s forcer à des travaux de nettoyage.L’institution du travail forcé gratuit et généralisé avait un nom; on “travaillait pour <strong>le</strong>PUNT”. À part ce travail forcé généralisé, <strong>le</strong>s prisonniers du pénitentier central deBlack Beach étaient employés, sans rémunération aucune, à des travaux publics,au nettoyage des vil<strong>le</strong>s ou dans <strong>le</strong>s propriétés de l’État et <strong>le</strong>s plantations privéesd’aliments des maîtres du régime, pour travail<strong>le</strong>r dans <strong>le</strong> cacao.L’indépendance eut, on <strong>le</strong> constate, une profonde répercussion sur l’économie et<strong>le</strong>s relations de travail issues de l’époque colonia<strong>le</strong>. Toutefois, au lieu de transformer<strong>le</strong> caractère despotique de ces relations, el<strong>le</strong> <strong>le</strong>s exacerba au maximum,<strong>le</strong>s faisant recu<strong>le</strong>r jusqu’aux temps de la plus cruel<strong>le</strong> exploitation colonia<strong>le</strong>.C’était une époque où la règ<strong>le</strong> était <strong>le</strong> travail forcé et son exception, <strong>le</strong> travailvolontaire et librement choisi.36


2.5. Continuités et ruptures après la révolution de palais.Le régime établi en 1979 à la suite de la révolution de palais dirigé par TeodoroObiang Nguema, neveu de l’ancien dictateur, marqua sur la scène internationa<strong>le</strong>une volte-face vers <strong>le</strong>s pays occidentaux, ac<strong>com</strong>pagnée d’effets économiques.Le pays se lança dans un processus de dénationalisation formel<strong>le</strong> de l’économieet <strong>le</strong>s propriétés cacaoyères revinrent à des mains privées. On assista à un timideredressement de la production de matières premières destinée aux marchésinternationaux, en particulier <strong>le</strong> cacao et <strong>le</strong> bois. Au début des années quatrevingt-dix,la production de bois représentait 12% du PIB.En outre, la coopération au développement a connu une croissance exponentiel<strong>le</strong>pour se convertir en première source du budget général de l’État. Onorganisa deux conférences de pays donateurs, coordonnées par <strong>le</strong>s organismesdes Nations unies et <strong>le</strong>s Institutions financières internationa<strong>le</strong>s, et à partirde 1980 des accords cadres successifs avec l’Espagne furent signés, principaldonateur bilatéral. Il s’ensuivit l’apparition, dans <strong>le</strong> pays, d’un groupe <strong>com</strong>ptantjusqu’à 300 techniciens étrangers, touchant des salaires é<strong>le</strong>vés, ainsi qued’une nouvel<strong>le</strong> niche d’emploi pour <strong>le</strong>s professionnels guinéens. Pourtant, malgré<strong>le</strong>urs qualifications professionnel<strong>le</strong>s, ces travail<strong>le</strong>urs touchaient un salairejusqu’à dix fois inférieur à celui des techniciens expatriés, situation induite nonseu<strong>le</strong>ment par <strong>le</strong>s responsab<strong>le</strong>s des agences de coopération étrangère maiséga<strong>le</strong>ment par <strong>le</strong>s autorités nationa<strong>le</strong>s, inquiètes de voir surgir une classe deprofessionnels bien rémunérés sans s’être préalab<strong>le</strong>ment assurées de <strong>le</strong>ur fidélitéet soumission au régime du Général Président Obiang Nguema.La fonction publique a conservé et intensifié son rô<strong>le</strong> de premier employeur formeldu pays. L’obtention de tout travail salarié dans l’administration exigeait laloyauté envers <strong>le</strong> nouveau Président, sa famil<strong>le</strong> et <strong>le</strong>s dirigeants du nouveauparti unique, <strong>le</strong> Parti démocratique de Guinée Équatoria<strong>le</strong> (PDGE). Lorsque <strong>le</strong>gouvernement s’est vu forcé de réduire la dépense publique pour appliquer <strong>le</strong>sprogrammes d’ajustement structurel, mis en place par <strong>le</strong> Fonds monétaire internationaldepuis 1985, <strong>le</strong>s premiers à perdre <strong>le</strong>ur emploi devaient être <strong>le</strong>s fonctionnaires<strong>le</strong>s moins fidè<strong>le</strong>s au régime.En 1983, la Guinée Équatoria<strong>le</strong> est devenue membre de l’Union des États del’Afrique Centra<strong>le</strong> (UDEAC) et deux ans plus tard, de la Banque des États del’Afrique Centra<strong>le</strong> et de la zone du franc CFA (FCFA). Cette décision a gravementperturbé <strong>le</strong>s économies familia<strong>le</strong>s guinéennes car la dévaluation due à laconversion de l’ekue<strong>le</strong> en FCFA provoqua une chutte des recettes et du pouvoird’acquisition des salaires.En janvier 1981, la Guinée Équatoria<strong>le</strong> signa son adhésion à l’OIT. Or, <strong>le</strong> décret1/81 de cette même année considérait <strong>le</strong> travail non seu<strong>le</strong>ment <strong>com</strong>me un droit37


inaliénab<strong>le</strong> mais <strong>com</strong>me un devoir inéluctab<strong>le</strong> des Guinéens. Il imposait enoutre un carnet de travail sans <strong>le</strong>quel il était défendu de se déplacer dans <strong>le</strong>pays 74 . Le travail forcé des prisonniers et de la population en général ne cessapas, mais perdit quand même en intensité et fréquence. Les relations de travailétaient toujours caractérisées par l’autoritarisme et l’absence de garantiedes droits fondamentaux.74 LINIGER GOUMAZ, 1983.38


3. RELATIONS DE TRAVAILDANS L’ÉCONOMIE POLITIQUE DU PÉTROLELa situation actuel<strong>le</strong> des droits des travail<strong>le</strong>urs en Guinée Équatoria<strong>le</strong> est subordonnéeà des dynamiques politiques caractérisées par l’autoritarisme, l’absencede démocratie et la violation systématique des droits de l’homme, ainsique par une économie profondément extravertie.Deux phénomènes survenus dans <strong>le</strong>s années 1990 ont amené quelques-unesdes transformations importantes du pays et affecté de différente façon <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urset <strong>le</strong>urs droits. Le premier est <strong>le</strong> processus de la réforme politique etéconomique engagée par <strong>le</strong> gouvernement entre la fin des années quatrevingtset <strong>le</strong> début des quatre-vingt-dix, avec l’application d’un programme d’adaptationstructurel<strong>le</strong> et l’établissement formel d’un système de multipartismebasé sur des é<strong>le</strong>ctions périodiques. Ce processus a permis la légalisation dedifférents partis politiques, autres que celui du gouvernement, et la signatured’un Pacte national en 1993; il n’a toutefois pas réussi à beaucoup intensifier laparticipation et <strong>le</strong>s droits des citoyens.Le second phénomène a été l’exploitation, à partir de 1994, des nombreux gisementsde pétro<strong>le</strong> de la plateforme maritime équato-guinéenne, qui s’est traduitepar une croissance démesurée de l’économie et des ressources à la dispositiondes dirigeants. Nous allons aborder ces deux processus et <strong>le</strong>urs conséquencessur <strong>le</strong>s relations de travail dans <strong>le</strong>s chapitres suivants.3.1. Dynamiques politiques depuis <strong>le</strong>s réformes des années 1990Vers la fin des années quatre-vingts, <strong>le</strong>s transformations du système internationalprovoquées par la fin de la guerre froide favorisèrent <strong>le</strong>s réformes politiques dans<strong>le</strong>s États africains. Ils expérimentèrent, formel<strong>le</strong>ment du moins, une transitionentre <strong>le</strong>ur soumission à des régimes militaires à parti unique et <strong>le</strong>s régimes dotésde constitutions multipartites et d’é<strong>le</strong>ctions périodiques. Le gouvernement dictatorialde Guinée Équatoria<strong>le</strong> s’était converti, vers la fin des années quatre-vingts, enun récepteur gênant pour <strong>le</strong>s donateurs internationaux. Leurs pressions et <strong>le</strong> nouveauclimat de réformes démocratiques en Afrique favorisèrent une certaineouverture du régime. Le pays approuva en 1991 la réforme constitutionnel<strong>le</strong> quiadmettait l’existence de partis politiques et prévoyait des é<strong>le</strong>ctions périodiquespour élire <strong>le</strong> Président, la chambre législative et <strong>le</strong>s autorités <strong>com</strong>muna<strong>le</strong>s. En39


1993, <strong>le</strong> Pacte national réunit <strong>le</strong> gouvernement et son parti, <strong>le</strong> PDGE, avec <strong>le</strong>s 13autres partis récemment reconnus dans <strong>le</strong> pays 75 .On renforça en même temps <strong>le</strong>s mesures de libéralisation économique proposéespar <strong>le</strong> Fonds Monétaire international et la Banque mondia<strong>le</strong>, ainsi quedans <strong>le</strong> cadre de la Communauté Économique et Monétaire d’Afrique Centra<strong>le</strong>CEMAC (qui avait remplacé l’UDEAC). On privatisa des entreprises nationa<strong>le</strong>set on établit des bénéfices légaux pour <strong>le</strong>s investissements étrangers directs 76 .On <strong>com</strong>mença à reconnaître, <strong>com</strong>me partie des réformes constitutionnel<strong>le</strong>s etlégislatives, certains droits du travail. La loi fondamenta<strong>le</strong>, réformée en 1991,reconnaît <strong>com</strong>me l’une des bases de la société équato-guinéenne “la protectiondu travail par <strong>le</strong> biais duquel l’homme développe sa personnalité créatrice de larichesse de la nation, pour <strong>le</strong> bien-être de la société” (art. 5 d), tandis que l’art.13.1 considère parmi <strong>le</strong>s droits et libertés des citoyens la “liberté de travail”. LaConstitution aborde éga<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> droit de grève (art. 10), dont el<strong>le</strong> laisse larég<strong>le</strong>mentation postérieure à une loi future; el<strong>le</strong> ne <strong>com</strong>porte toutefois aucunereconnaissance expresse des syndicats.L’année précédente avaient été approuvées la loi sur <strong>le</strong> Régime général du travai<strong>le</strong>t <strong>le</strong> Régime général de la sécurité socia<strong>le</strong>. En 1992 apparut la loi sur <strong>le</strong>sSyndicats et <strong>le</strong>s relations col<strong>le</strong>ctives de travail, s’appuyant, d’après son préambu<strong>le</strong>,sur <strong>le</strong> droit à la liberté d’association reconnu à l’artic<strong>le</strong> 13.k de la loi fondamenta<strong>le</strong>.La loi des Fonctionnaires civils de l’État fut aussi approuvée. Enrevanche, on attend toujours que <strong>le</strong> soit la loi qui rég<strong>le</strong>mente <strong>le</strong> droit de grève,prévu dans la constitution. (Sur la législation du travail, cf. Encadré 3). LaGuinée Équatoria<strong>le</strong> adhéra plus <strong>le</strong>ntement aux conventions de l’OIT; ce n’estqu’en 2001 qu’el<strong>le</strong> ratifia <strong>le</strong>s principa<strong>le</strong>s conventions de l’organisation, dontcel<strong>le</strong>s qui abordent la liberté syndica<strong>le</strong>, numéros 87 et 98. (Cf. Encadré 4).Ces nouveautés politiques et législatives sont pour la plupart <strong>le</strong>ttre morte, sansaucune application de <strong>le</strong>urs prévisions. La Guinée Équatoria<strong>le</strong> souffre toujoursd’un régime familial basé sur la vio<strong>le</strong>nce quotidienne et l’appauvrissement de lapopulation. La violation grave des droits de l’homme est encore une pratiquehabituel<strong>le</strong> des agents de la sécurité de l’État. L’absence de liberté des é<strong>le</strong>cteurset la fraude généralisée qui a dominé tous <strong>le</strong>s appels aux urnes ont empêchétoute alternance au pouvoir. De surcroît, la répression et l’intimidation permanentecontre quiconque milite dans <strong>le</strong>s partis de l’opposition ou d’autres organisationspolitiques et socia<strong>le</strong>s, <strong>com</strong>me <strong>le</strong>s syndica<strong>le</strong>s, dissuadent la plupart des gens de75 Depuis ont eu lieu plusieurs consultations é<strong>le</strong>ctora<strong>le</strong>s pour la Chambre des représentants du peup<strong>le</strong> (1993, 1999 et2004),pour la Présidence (1996 et 2002) et pour <strong>le</strong>s municipalités (1995, 2000 et 2004). Le Pacte national a étérévisé en 1997 et 2001.76 DPT ÉTAT, Bureau of African Affairs, Background Note: Equatorial Guinea, janvier 2005.40


prendre part à une activité quelconque pour la défense de <strong>le</strong>urs droits 77 . Parconséquent, <strong>le</strong> langage de la démocratie et des libertés civi<strong>le</strong>s qu’utilisent aujourd’hui<strong>le</strong>s gouvernants s’est converti en un discours fictif et vide de contenu.Dans <strong>le</strong> domaine du travail, il n’y a aucune participation des travail<strong>le</strong>urs ou employeursà la définition politique du gouvernement. Dans la pratique, <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s du travailsont à peine prises en considération par <strong>le</strong>s entreprises, au moment d’embaucheret de déterminer <strong>le</strong>s conditions de travail des employés. Les autorités en la matièresont incapab<strong>le</strong>s de faire prévaloir la loi, étant donné l’ingérence directe de la classeau pouvoir dans l’activité entrepreneuria<strong>le</strong> du pays, que ce soit <strong>com</strong>me propriétaire ouactionnaire des entreprises, ou <strong>com</strong>me support de tel ou tel chef d’entreprise. La plupartdes entreprises étrangères installées dans <strong>le</strong> pays, hormis <strong>le</strong> secteur de l’extraction,ont dans <strong>le</strong>urs effectifs un ou plusieurs maîtres du régime. Devant l’action de cespersonnes, l’application de la loi s’étio<strong>le</strong>.La résistance des dirigeants guinéens à laisser la place à un jeu politique plusouvert et démocratique est en partie due à la fonction de l’État, principal instrumentd’accumulation économique et politique dans <strong>le</strong>s sociétés africaines. EnGuinée Équatoria<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s maîtres mettent à contribution l’appareil étatique et sonrô<strong>le</strong> de médiateur principal entre la population et <strong>le</strong>s marchés et institutions internationa<strong>le</strong>s,pour se mê<strong>le</strong>r à un réseau d’activités économiques léga<strong>le</strong>s ou illéga<strong>le</strong>s,de caractère transnational 78 . Il n’existe, dans <strong>le</strong> pays, aucun contexte socialou économique autonome en marge des personnes qui occupent l’État, qui contrô<strong>le</strong>ntou possèdent des intérêts dans <strong>le</strong>s entreprises <strong>le</strong>s plus importantes.Malgré <strong>le</strong>s deux décennies de libéralisation économique et <strong>le</strong>s privatisationsencouragées par <strong>le</strong>s institutions financières internationa<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s réseaux de clientélismequi se nouent au sommet du gouvernement continuent à contrô<strong>le</strong>r toutela fabrique socia<strong>le</strong>. L’accès et <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> de cet État thésaurisant et extravertise convertit ainsi en objet d’intense <strong>com</strong>pétition et incite <strong>le</strong>s détenteurs du pouvoirà mettre en œuvre tous <strong>le</strong>s moyens pour ne pas <strong>le</strong> perdre 79.L’inconsistance et la paralysie du processus de démocratisation ont suscité unecertaine réaction de censure de la part des donateurs internationaux dans la premièremoitié des années quatre-vingt-dix. Le gouvernement espagnol a retiré, en1994, la plupart de la coopération d’appui institutionnel au pays et une année plustard, l’administration Clinton décida d’y fermer l’ambassade des États-Unis. En1996, <strong>le</strong> FMI a interrompu ses programmes, en conséquence du manquement à77 CPDS, Informe Los procesos e<strong>le</strong>ctora<strong>le</strong>s en Guinea Ecuatorial: la historia de las frustradas esperanzas de democratización,2003.78 Avec <strong>le</strong> temps, la classe dirigeante de Guinée a participé aux marchés internationaux de vente de bois, drogues,pêche, trafic d’armes, entreprises d’aviation, déchets toxiques et <strong>le</strong>s derniers temps, de pétro<strong>le</strong> surtout. ConferWood, 2004.79 Sur <strong>le</strong>s dynamiques politiques des États africains et l’idée d’extraversion du pouvoir, voir BAYART, 1999; COOPER,2002; CHABAL et DALOZ, 2002.41


ses re<strong>com</strong>mandations 80 . Tout cela a coïncidé avec des moments diffici<strong>le</strong>s pour l’économiede la Guinée, lors de la dévaluation du franc CFA en août 1993; <strong>le</strong> gouvernementavait un besoin crucial de la coopération internationa<strong>le</strong>. Cette conjoncturea été exploitée par <strong>le</strong>s pays donateurs, l’Espagne notamment, pour faire dépendrepolitiquement son assistence, contribuant ainsi aux é<strong>le</strong>ctions <strong>le</strong>s plus démocratiquesdepuis l’indépendance, <strong>le</strong>s municipa<strong>le</strong>s de septembre 1995. À cette occasion,l’opposition, regroupée dans la Plateforme d’opposition conjointe (POC), a démontréqu’el<strong>le</strong> était capab<strong>le</strong> de drainer la majorité de l’é<strong>le</strong>ctorat si la liberté d’expressionet de vote était garantie; <strong>le</strong> gouvernement ne reconnut toutefois pas toutes <strong>le</strong>s mairiesobtenues 81 .Néanmoins, <strong>le</strong>s sommations externes à la démocratisation ne se sont pas révéléesefficaces pour obtenir plus qu’une modification formel<strong>le</strong> de la législation de l’État.À plus forte raison depuis la découverte d’immenses gisements de pétro<strong>le</strong>dans <strong>le</strong>s eaux continenta<strong>le</strong>s de Guinée Équatoria<strong>le</strong>. Les revenus émanant desentreprises multinationa<strong>le</strong>s qui exploitent <strong>le</strong> pétro<strong>le</strong> ont rendu superflue l’aide audéveloppement pour la survie de l’État, et fait disparaître presque <strong>com</strong>plètement<strong>le</strong>s pressions externes en faveur des droits et libertés dans <strong>le</strong> pays. Depuis, <strong>le</strong>sprincipaux donateurs de Guinée Équatoria<strong>le</strong> sont devenus <strong>com</strong>plaisants face à lasituation politique du pays, l’œil rivé sur la participation de <strong>le</strong>urs entreprises à lalucrative industrie pétrolière. La preuve de ce désintérêt a été la victoire du lobbyfavorab<strong>le</strong> au gouvernement guinéen, qui a obtenu des Nations unies <strong>le</strong> retrait, en2002, du Rapporteur spécial pour <strong>le</strong>s droits de l’homme dans <strong>le</strong> pays.Pour la majorité de la population, <strong>le</strong>s effets politiques du pétro<strong>le</strong> se révè<strong>le</strong>nt plutôtpervers 82 . Comme nous <strong>le</strong> verrons en abordant l’économie, <strong>le</strong> caractère d’enclavede la production pétrolière et la propriété étatique des gisements ont renforcé<strong>le</strong> caractère centralisant des maîtres de l’État, qui ont à portée de main uneextraordinaire source de richesse, avec la seu<strong>le</strong> médiation des entreprises d’extractionétrangères. Tous ces facteurs ont joué en faveur de la consolidation del’autoritarisme et de la capacité de contrô<strong>le</strong> et répression des dirigeants: <strong>le</strong>s recettesdu pétro<strong>le</strong> sont en partie employées dans la sécurité du Président et de safamil<strong>le</strong>, ainsi que des entreprises étrangères. En outre, <strong>le</strong> gouvernement a affermisa capacité de cooptation politique pour neutraliser de potentiels opposants, cequi a contribué à renforcer ses dynamiques de thésaurisation et de clientélismepolitique. L’accès à un travail salarié est précisément l’un des instruments dont sesert <strong>le</strong> gouvernement pour primer ou exclure <strong>le</strong>s personnes, en fonction de <strong>le</strong>uradhésion au parti au pouvoir. Quant aux é<strong>le</strong>ctions qui ont continué à avoir lieu80 ABAGA, 1997; ESCRIBANO, 1999.81 Sur <strong>le</strong>s 27 mairies disputées, la victoire de l’opposition ne fut reconnue que dans 9 des 19 réel<strong>le</strong>ment obtenues.82 Sur <strong>le</strong>s effets de la politique du pétro<strong>le</strong>, voir MICÓ, 2005; WOOD, 2004.42


dans <strong>le</strong> pays, cel<strong>le</strong>s qui ont suivi <strong>le</strong>s municipa<strong>le</strong>s de 1995, loin de faire progresserla clarification, n’ont été qu’une succession de fraudes manifestes.Le gouvernement ne semb<strong>le</strong> pas envisager la possibilité de faire bénéficier l’ensemb<strong>le</strong>de la population des richesses du pétro<strong>le</strong>; l’appauvrissement délibéré deses concitoyens est encore l’un des instruments contre la mobilisation politique etsocia<strong>le</strong>. D’où la condamnation à l’ostracisme dans <strong>le</strong> travail, de toutes <strong>le</strong>s personnesqui militent dans <strong>le</strong>s partis de l’opposition ou qui contestent la situation politiqueactuel<strong>le</strong>. En participant à ces dynamiques, <strong>le</strong>s entreprises pétrolières se font<strong>com</strong>plices de la répression de toute dissidence contre <strong>le</strong> régime. Ces conditionsaggravent l’exclusion économique et politique de la population, qui continue à êtredavantage spectateur que faire partie dans <strong>le</strong>s affaires publiques du pays.Encadré 2:INSTITUTIONS DU TRAVAILGOUVERNEMENTLe gouvernement conserve <strong>le</strong> monopo<strong>le</strong> de la rég<strong>le</strong>mentation et détermination, sur <strong>le</strong> planformel au moins, des relations de travail. Il existe, à l’effet, un ministère du Travail et de lasécurité socia<strong>le</strong>, chargé d’appliquer la politique du gouvernement dans ce domaine. À l’heureactuel<strong>le</strong>, <strong>le</strong> ministère <strong>com</strong>pte deux délégations régiona<strong>le</strong>s du travail, l’une à Malabo et l’autreà Bata; plusieurs directions généra<strong>le</strong>s du travail et emploi, formation professionnel<strong>le</strong> etsécurité socia<strong>le</strong>; et une inspection généra<strong>le</strong> du travail formée de cinq inspecteurs seu<strong>le</strong>ment.Le ministère du Travail est <strong>com</strong>pétent pour connaître, par voie administrative, des conflitsentre employés et employeurs, dérivés des vicissitudes du contrat de travail. En premièreinstance, c’est <strong>le</strong> délégué du travail territoria<strong>le</strong>ment <strong>com</strong>pétent qui connaît de la demande;sa décision peut faire l’objet d’un recours devant <strong>le</strong> Directeur général du Travail, emploi etformation professionnel<strong>le</strong>, qui ouvre la voie à un recours extraordinaire de révision devant <strong>le</strong>ministre, qui épuise la procédure administrative; puis vient <strong>le</strong> recours en grâce devant la juridiction<strong>com</strong>pétente du territoire (art. 47 de la loi organique du Pouvoir judiciaire), et fina<strong>le</strong>ment,la cassation devant la cour suprême (art. 38.4 de la même loi).SYNDICATSComme nous <strong>le</strong> verrons au chapitre réservé au mouvement syndical en Guinée Équatoria<strong>le</strong>,il n’existe à l’heure actuel<strong>le</strong> aucune organisation syndica<strong>le</strong> reconnue, qui puisseexercer ses activités en toute liberté. Toutes <strong>le</strong>s demandes de reconnaissanceléga<strong>le</strong> présentées, sauf une, ont essuyé la réponse négative du gouvernement, quiimpose de nouvel<strong>le</strong>s conditions outre cel<strong>le</strong>s que contient la loi ou recours au si<strong>le</strong>nceadministratif pour ne pas <strong>le</strong>ur donner cours. Les obstac<strong>le</strong>s à l’existence de syndicats43


démontrent <strong>le</strong> manque de volonté politique de la part du régime, de garantir et faireprotéger <strong>le</strong>s droits des travail<strong>le</strong>urs, malgré <strong>le</strong>ur reconnaissance formel<strong>le</strong> dans <strong>le</strong>s lois.D’autre part, <strong>le</strong> parti au pouvoir a encouragé la formation de la dénommée Organisationspécialisée des travail<strong>le</strong>urs du PDGE, que dirige <strong>le</strong> fils du Président Teodoro NguemaObiang. Cette organisation a nommé des représentants et constitué des cellu<strong>le</strong>s ausein de nombreuses entreprises, chargées, entre autres, de la police politique, surveillantet dénonçant la présence de n’importe quel travail<strong>le</strong>ur militant ou suspect de militerdans l’opposition, ainsi que de tous ceux qui sont susceptib<strong>le</strong>s de prendre la tête demouvements de protestation, ce qui peut signifier <strong>le</strong>ur licenciement séance tenante.PATRONALESEn Guinée, il n’y a pas d’organisation patrona<strong>le</strong> digne de ce nom. Depuis <strong>le</strong> début desannées quatre-vingt-dix, il existait une organisation de micro entrepreneurs, non reconnueléga<strong>le</strong>ment, qui réunissait en son sein des propriétaires d’ateliers mécaniques eté<strong>le</strong>ctroniques, menuisiers, tail<strong>le</strong>urs, etc. El<strong>le</strong> s’occupait de demander la reconnaissanceet l’appui aux autorités et institutions internationa<strong>le</strong>s <strong>com</strong>pétentes en la matière. Cetteassociation était invitée à des conférences internationa<strong>le</strong>s en représentation de la classedes entrepreneurs guinéens jusqu’à ce qu’en 1997, <strong>le</strong> gouvernement, forcé par <strong>le</strong>s exigencesde son appartenance à la CEMAC, décida de convoquer tous <strong>le</strong>s chefs d’entreprises,<strong>le</strong>ur ordonnant de se constituer en une organisation patrona<strong>le</strong>, dont <strong>le</strong>s postesfurent désignés en fonction de la cou<strong>le</strong>ur politique et de la sympathie pour <strong>le</strong> parti au pouvoir.Jusqu’à présent, ses activités ont été insignifiantes.Encadré 3:CADRE NORMATIFL’activité concernant <strong>le</strong> travail et <strong>le</strong>s droits inhérents des travail<strong>le</strong>urs enGuinée Équatoria<strong>le</strong> sont rég<strong>le</strong>mentés par plusieurs lois et autres dispositionsnormatives de divers rangs, parmi <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s sont à mentionner:Loi fondamenta<strong>le</strong> ou Constitution (1982, révisée en 1991, 1995 et 2003).Loi organique du Pouvoir judiciaire (10/1984).Loi sur <strong>le</strong> Régime général du travail (2/1990).Loi de Rég<strong>le</strong>mentation de la politique nationa<strong>le</strong> de l’emploi (6/1992), modifiéepar la loi 6/1999.Loi de la sécurité socia<strong>le</strong> (D 104/1984) et Règ<strong>le</strong>ment du régime général de la sécuritésocia<strong>le</strong> (D 100/1990).Loi des Syndicats et relations col<strong>le</strong>ctives du travail (12/1992).Loi de Rég<strong>le</strong>mentation des agences de travail temporaire, (5/1999).Décret sur <strong>le</strong> Salaire minimum interprofessionnel (106/2000) et ordres qui <strong>le</strong>développent.Loi sur <strong>le</strong> Trafic illicite de migrants et la traite de personnes, (1/2004).44


En Guinée Équatoria<strong>le</strong>, <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> des lois consistant à défendre <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs, est pour <strong>le</strong>moins ambigu puisque d’une part, el<strong>le</strong>s recueil<strong>le</strong>nt dans une large mesure <strong>le</strong>s droits dutravail reconnus à l’échelon international, mais que de l’autre, l’État ne prend aucunemesure pour <strong>le</strong>s rendre effectifs. À l’apathie et faib<strong>le</strong>sse des institutions et à la carencede procédures vient s’ajouter l’absence manifeste de volonté politique des dirigeants.Le tout contribue à la contradiction généralisée en Guinée Équatoria<strong>le</strong> entre ce quedisent <strong>le</strong>s lois et la pratique quotidienne des citoyens.LOI FONDAMENTALE DE GUINÉE ÉQUATORIALELa loi fondamenta<strong>le</strong> (Constitution) de Guinée Équatoria<strong>le</strong> date de 1982 et el<strong>le</strong> a été réforméeà trois reprises: une fois en 1991, avec la reconnaissance de la pluralité politiquedans <strong>le</strong> pays; la deuxième en 1995 pour renforcer <strong>le</strong>s pouvoirs du Président et la troisièmeen 2003, pour augmenter <strong>le</strong> nombre de membres du par<strong>le</strong>ment guinéen et <strong>le</strong> porterde 80 à 100. Concernant <strong>le</strong> travail, la plus intéressante de ces réformes est cel<strong>le</strong> de1991, étant donné qu’el<strong>le</strong> recueil<strong>le</strong> ou élargit la reconnaissance de certains droits des travail<strong>le</strong>urs,<strong>com</strong>me <strong>le</strong> droit de grève et celui de constituer des syndicats. Toutefois, enmême temps, el<strong>le</strong> réduit à sa plus simp<strong>le</strong> expression la rég<strong>le</strong>mentation des droits etgaranties du travail<strong>le</strong>ur, contenue dans la constitution antérieure, en supprimant <strong>le</strong> TitreVI sur <strong>le</strong> “Travail, sécurité socia<strong>le</strong> et promotion du citoyen”, qui établissait des garantiesainsi que l’obligation de l’État de promouvoir et garantir <strong>le</strong>s droits des travail<strong>le</strong>urs. Il reste,de ce titre aujourd’hui inexistant, la loi de 1990 sur <strong>le</strong> Régime général du travail.Le Titre I de la Constitution actuel<strong>le</strong>ment en vigueur, portant sur <strong>le</strong>s principes fondamentauxde l’État, inclut à l’art. 5 “la protection du travail par <strong>le</strong> biais duquel l’hommedéveloppe sa personnalité créatrice de la richesse de la nation, pour <strong>le</strong> bien-être dela société”. À l’art. 13 sur <strong>le</strong>s droits et libertés dont jouit tout citoyen, est ajouté enincise c) <strong>le</strong> droit à la liberté de travail sans <strong>le</strong>s restrictions de la constitution précédente,qui ouvrait la porte au travail forcé en établissant que “nul ne peut être obligé defaire un travail gratuit ou forcé, sauf exceptions prévues dans la loi”.L’artic<strong>le</strong> 25 établit que <strong>le</strong> travail est un droit et un devoir social, et l’État reconnaît safonction constructive pour l’amélioration du bien-être et <strong>le</strong> développement de larichesse nationa<strong>le</strong>, s’engageant de plus à favoriser <strong>le</strong>s conditions économiques etsocia<strong>le</strong>s pour éradiquer la pauvreté et la disette, et assurer aux Guinéens un traitementégalitaire dans une occupation uti<strong>le</strong>, qui <strong>le</strong>ur permette de ne pas tomber dans lamisère. En réalité, rien de tout cela ne se produit, bien au contraire: il n’y a ni mesuresni politiques mises en place pour lutter contre la pauvreté ou <strong>le</strong> chômage, et <strong>le</strong>gouvernement semb<strong>le</strong> préférer maintenir ses citoyens dans la pauvreté.L’art. 10 reconnaît <strong>le</strong> droit de grève, exercé dans <strong>le</strong>s conditions prévues par la loi, bienque 14 ans après cette reconnaissance, il n’y ait toujours aucune loi qui la rég<strong>le</strong>menteet en garantisse l’exercice, sauf la maigre rég<strong>le</strong>mentation figurant dans la loi desSyndicats, sur laquel<strong>le</strong> nous reviendrons.Quant au droit d’association, la constitution ne contient rien d’écrit. Dans tout <strong>le</strong> texte dela loi fondamenta<strong>le</strong>, la seu<strong>le</strong> mention du terme “syndicat” se trouve à l’art. 11, d’après<strong>le</strong>quel “<strong>le</strong>s citoyens, <strong>le</strong>s pouvoirs publics, <strong>le</strong>s partis, <strong>le</strong>s syndicats, <strong>le</strong>s associations et45


autres personnes mora<strong>le</strong>s sont assujettis à la loi fondamenta<strong>le</strong> et à l’ordre juridique”. Or,contrairement au cas du droit de grève, il existe depuis 1992 une loi des Syndicats etrelations de travail, mentionnée plus haut.LOI 10/1984 ORGÁNIQUE DU POUVOIR JUDICIAIRE (20 juin)La loi organique du Pouvoir judiciaire a institué dans <strong>le</strong>s magistratures du travail <strong>le</strong>sorganes juridictionnels chargés de connaître en première instance tous <strong>le</strong>s litiges ouquestions en matière de travail et sécurité socia<strong>le</strong>, art. 11. Cela dit, ces magistraturesdu travail n’ont jamais été constituées.La dépendance et la mainmise du pouvoir exécutif sur <strong>le</strong> judiciaire, ainsi que la politisationdu marché du travail et des relations entre employés et employeurs ont abouti,lors de la réforme de la loi organique du Pouvoir judiciaire de 1988, à l’éliminationdes magistratures du travail de la loi antérieure. Le ministère du Travail et de laPromotion socia<strong>le</strong> a formel<strong>le</strong>ment assumé, <strong>com</strong>me il <strong>le</strong> faisait déjà dans la pratique,la fonction de première instance pour <strong>le</strong>s litiges entre employés et employeurs. Cen’est qu’après avoir épuisé <strong>le</strong>s instantes administratives qu’ils peuvent accéder à lavoie juridictionnel<strong>le</strong> à travers <strong>le</strong>s chambres de procédure civi<strong>le</strong> et socia<strong>le</strong> des coursd’appel, moyennant <strong>le</strong> dénommé recours en grâce établi à l’artic<strong>le</strong> 47.En réalité, la procédure administrative est si longue, fastidieuse et coûteuse qu’el<strong>le</strong>n’est presque jamais épuisée par <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs, qui se découragent en route, <strong>le</strong>urslitiges n’arrivant par conséquent presque jamais jusqu’au tribunal.LOI 2/1990 SUR LE RÉGIME GÉNÉRAL DU TRAVAIL (4 janvier)Tel que son nom l’indique, il s’agit par excel<strong>le</strong>nce de la loi du Travail en Guinée Équatoria<strong>le</strong>.El<strong>le</strong> a été promulguée en 1990 avant la reconnaissance officiel<strong>le</strong> du multipartismeet ne reconnaît ni <strong>le</strong> droit de grève ni celui de syndication, bien que l’artic<strong>le</strong> 48.7 et 8contiennent d’abondantes mentions des organisations de travail<strong>le</strong>urs ou d’employeurs,précisant toutefois “s’il en est”.Concernant la négociation col<strong>le</strong>ctive, l’art. 1.7 établit que l’État favorisera <strong>le</strong> p<strong>le</strong>in développementdes mécanismes de négociation volontaire pour rég<strong>le</strong>menter, par des conventionsentre employeurs et travail<strong>le</strong>urs, <strong>le</strong>s conditions d’emploi et la solution des conflits,par des procédures de médiation, arbitrage et conciliation. De son côté, l’art. 5 reconnaît<strong>le</strong>s conventions col<strong>le</strong>ctives, entre autres, <strong>com</strong>me source du droit du travail. Pourtant, l’Étatn’a mis en place aucune disposition normative pour créer un mécanisme ou une institutionquelconque pour la rendre effective.Ni la médiation ni l’arbitrage ne sont reconnus <strong>com</strong>me moyens de résoudre <strong>le</strong>s conflitsdu travail, mais ils figurent toutefois dans la loi des Syndicats et relations col<strong>le</strong>ctives detravail de 1992. Seul l’art. 82.1 rég<strong>le</strong>mente la procédure de réclamation en cas de licenciement,autorisant <strong>le</strong> délégué du travail à tenter une conciliation entre <strong>le</strong>s parties avantde décider de la justification du licenciement.La loi du Travail contient, à l’art. 1.1, <strong>le</strong> principe de la liberté de travail ainsi que soncaractère volontaire. Ce nonobstant, ce même artic<strong>le</strong> 1.3 consacre l’exception à ce46


principe, en reconnaissant la possibilité du travail forcé ou obligatoire dans <strong>le</strong>s termesétablis par la loi; dans <strong>le</strong> cas qui nous occupe, la référence vise <strong>le</strong> “devoir social decontribuer par l’effort personnel aux tâches civiques norma<strong>le</strong>s et aux petits travaux<strong>com</strong>munaux librement décidés par la <strong>com</strong>munauté”.La loi établit la présomption d’existence d’un contrat de travail, sauf preuve du contraire,entre toute personne qui prête un service et cel<strong>le</strong> qui <strong>le</strong> reçoit. Le contrat detravail peut être passé pour un temps indéterminé ou déterminé, ainsi que pour un travailponctuel (art. 7). Le salaire est librement fixé par <strong>le</strong>s parties mais ne pourra pasêtre inférieur au minimum légal établi, condition rarement respectée, de sorte que denombreux travail<strong>le</strong>urs perçoivent des salaires inférieurs au minimum établi par la loi.Les droits fondamentaux des travail<strong>le</strong>urs figurent à l’artic<strong>le</strong> 24 de la loi; entre autressont mentionnés <strong>le</strong> droit au travail et au libre choix du métier ou de la profession; àl’occupation effective; à la non-discrimination pour quelque motif que ce soit; à la promotionet formation professionnel<strong>le</strong> au travail; à l’intégrité physique; au repos et à debonnes conditions de sécurité et hygiène: au respect dû à l’intimité et la dignité; à laperception ponctuel<strong>le</strong> du salaire; à l’exercice des actions dérivées du contrat de travail;à l’association professionnel<strong>le</strong> et à la négociation col<strong>le</strong>ctive. Ces droits sontdéveloppés dans d’autres artic<strong>le</strong>s de la loi. En revanche, ils ne sont pas garantis dansla pratique et <strong>le</strong> travail<strong>le</strong>ur est norma<strong>le</strong>ment à la merci de l’employeur.En ce qui concerne la journée et la semaine de travail, la loi établit une durée maxima<strong>le</strong>de huit heures et de 48 pour la semaine pour <strong>le</strong> travail diurne, tandis que pour<strong>le</strong> nocturne, <strong>le</strong> maximum sera de 6 heures par jour et 35 par semaine. S’il s’aggit d’untravail qui <strong>com</strong>bine <strong>le</strong>s deux périodes (diurne et nocturne), <strong>le</strong> temps de travail nedépassera pas 7 heures par jour et 42 par semaine, mises à part <strong>le</strong>s exceptions contenuesdans <strong>le</strong> même artic<strong>le</strong> de la loiPour <strong>le</strong>s jeunes de moins de 18 ans, l’artic<strong>le</strong> 48.7 impose l’obligation d’heures diurnesseu<strong>le</strong>ment, avec un maximum de six par jour. Précepte qui, <strong>com</strong>me tant d’autres,n’est pas observé dans la réalité, étant donné l’incapacité et <strong>le</strong> manque de volonté desautorités pour faire respecter la loi.L’art. 49 rég<strong>le</strong>mente <strong>le</strong>s heures supplémentaires, et <strong>le</strong>s limite à deux pour <strong>le</strong> travail diurne,et à deux cents par an. Les heures supplémentaires ne sont pas autorisées pour <strong>le</strong> travailnocturne. L’art. 49.3 de la loi établit l’obligation des employeurs d’inscrire tous <strong>le</strong>s jours <strong>le</strong>sheures supplémentaires et de <strong>le</strong>s totaliser toutes <strong>le</strong>s semaines, d’en donner au travail<strong>le</strong>uret à l’inspection du travail un <strong>com</strong>pte rendu détaillé dans <strong>le</strong> formulaire pertinent. En réalité,ces formulaires n’existent pas et l’inspection du travail n’exige ni ne reçoit d’informationsur <strong>le</strong>s heures supplémentaires des travail<strong>le</strong>urs dans <strong>le</strong>s différentes entreprises, alors quela précarité des postes de travail salarié en Guinée Équatoria<strong>le</strong> oblige de nombreux travail<strong>le</strong>ursà faire des heures supplémentaires sans aucun respect des limites léga<strong>le</strong>s.La loi rég<strong>le</strong>mente <strong>le</strong> droit au repos, qu’il s’agisse du congé hebdomadaire, des joursfériés ou des vacances annuel<strong>le</strong>s rémunérées.La loi du Travail <strong>com</strong>porte une rég<strong>le</strong>mentation du travail des mineurs, que l’on peutqualifier de permissive puisque, malgré <strong>le</strong> texte de l’art. 1.1, “<strong>le</strong> travail des jeunes demoins de quatorze ans est interdit” (entendant par-là qu’il ne l’est pas au-dessus de14 ans); puis viennent <strong>le</strong>s incises 2 et 3, dans <strong>le</strong> même artic<strong>le</strong>, qui introduisent des47


exceptions admettant <strong>le</strong> travail à treize ans révolus, pour des tâches légères ne pouvantpas nuire à <strong>le</strong>ur santé ni à <strong>le</strong>ur développement, et même pour <strong>le</strong>s enfants dedouze ans pour “certains emplois ou travaux légers de caractère artisanal ou agrico<strong>le</strong>,signalés avec précision par <strong>le</strong>s autorités du travail”. Jusqu’à présent, rien n’a étésignalé dans ce sens, de sorte que <strong>le</strong> travail des enfants de douze ans est légal enGuinée Équatoria<strong>le</strong>.L’une des notes prédominantes de la situation de déni de protection des droits du travai<strong>le</strong>n Guinée Équatoria<strong>le</strong> est l’in<strong>com</strong>pétence de la fonction publique - par manquede volonté politique - de garantir ces droits <strong>com</strong>me partie fondamenta<strong>le</strong> de la législationinternationa<strong>le</strong> des droits de l’homme. Il existe, sur cet aspect, multip<strong>le</strong>s exemp<strong>le</strong>sde ce que constitue un abandon accablant des responsabilités de l’administration enla matière. L’art. 20 de la loi dit que “<strong>le</strong>s employeurs enverront tous <strong>le</strong>s trois mois auxautorités du travail une liste détaillée du nombre et des noms de <strong>le</strong>urs travail<strong>le</strong>urs, enindiquant <strong>le</strong>s fonctions qu’ils exercent et <strong>le</strong>ur salaire et autres conditions de travail”.Aucun employeur ne respecte cette obligation léga<strong>le</strong> d’information et aucune autoritédu travail ne s’intéresse à ce manquement ni ne <strong>le</strong> sanctionne, ce qui, entre autres,explique l’ignorance la plus absolue des autorités loca<strong>le</strong>s concernant la situation del’emploi et des travail<strong>le</strong>urs du pays.La seu<strong>le</strong> procédure que peuvent suivre <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs pour faire valoir <strong>le</strong>urs droitslorsqu’ils <strong>le</strong>s estiment lésés figure aux artic<strong>le</strong>s 81 et 82 de la loi sur <strong>le</strong> “recours contre<strong>le</strong> licenciement” aux termes duquel, en cas de licenciement, l’employé présente saréclamation du délégué du Travail, qui tente une conciliation et si el<strong>le</strong> n’aboutit pas,décide du bien-fondé du licenciement. Cette décision peut être recourue auprès de laDirection généra<strong>le</strong> du travail et la décision de ce dernier peut faire l’objet d’un appe<strong>le</strong>xtraordinaire de révision devant <strong>le</strong> ministre du Travail, dont la décision ouvre la voiejuridictionnel<strong>le</strong> par <strong>le</strong> recours en grâce, devant la cour d’appel <strong>com</strong>pétente dans <strong>le</strong>territoire.Cette procédure est longue, fastidieuse et coûteuse et à cause de ses délais et desentraves politiques, el<strong>le</strong> est hors de question pour la plupart des travail<strong>le</strong>urs qui, enrèg<strong>le</strong> généra<strong>le</strong>, abandonnent à la première instance, devant <strong>le</strong> délégué du travail,pouvant attendre une décision pendant trois mois, décision qui sera norma<strong>le</strong>mentfavorab<strong>le</strong> aux employeurs, <strong>le</strong>squels sont souvent <strong>le</strong>s hommes forts du gouvernementou <strong>le</strong>urs partenaires étrangers.LOI 6/1992 DE RÉGLEMENTATION DE LA POLITIQUE NATIONALE DEL’EMPLOI(3 janvier)Cette loi établit d’une part <strong>le</strong>s lignes de base de la politique du gouvernement concernantl’emploi et ses organes exécuteurs, et de l’autre, el<strong>le</strong> aborde la situation des travail<strong>le</strong>ursétrangers en Guinée Équatoria<strong>le</strong>, et <strong>le</strong>s régimes spéciaux d’emploi.L’art. 1, définit la politique de l’emploi <strong>com</strong>me cel<strong>le</strong> qui favorise <strong>le</strong> p<strong>le</strong>in emploi, productifet librement choisi, afin de favoriser la croissance et <strong>le</strong> développement économique etd’é<strong>le</strong>ver <strong>le</strong> niveau de vie du travail<strong>le</strong>ur, en satisfaisant <strong>le</strong>s nécessités de la main d’œuvreet résolvant ses problèmes de chômage et de sous-emploi.48


L’organe chargé d’appliquer la politique nationa<strong>le</strong> de l’emploi est la Direction généra<strong>le</strong>du Travail, emploi et formation professionnel<strong>le</strong> (art. 5), qui l’exécute par l’intermédiairedu Service national de l’emploi et des centres de formation professionnel<strong>le</strong> etpour l’occupation (art. 6). Le Service national de l’emploi a prétendument un bureaucentral à la Direction généra<strong>le</strong> du travail, de l’emploi et de la formation professionnel<strong>le</strong>,et des bureaux périphériques situés dans <strong>le</strong>s délégations du travail (art.9).Outre ses objectifs d’étudier et encourager la création d’emploi, planifier la force detravail et favoriser et superviser <strong>le</strong> placement des travail<strong>le</strong>urs (art.7), <strong>le</strong> Service nationalde l’emploi est chargé, entre autres, de recenser et réviser périodiquement lapopulation active; stimu<strong>le</strong>r la formation permanente du travail<strong>le</strong>ur; déterminer <strong>le</strong>s causesdu chômage et du sous-emploi de la main d’œuvre rura<strong>le</strong> et urbaine en analysanten permanence <strong>le</strong> marché du travail; formu<strong>le</strong>r et actualiser périodiquement <strong>le</strong> classementnational des occupations; promouvoir directement ou indirectement l’augmentationdes possibilités d’emploi et canaliser dûment <strong>le</strong>s offres et demandes de travail.Cette dernière mention est très importante si l’on tient <strong>com</strong>pte de l’art. 11, qui établitla gratuité du service prêté en matière de placement des travail<strong>le</strong>urs par <strong>le</strong> Servicenational de l’emploi. En outre, el<strong>le</strong> oblige toute entreprise léga<strong>le</strong>ment établie dans <strong>le</strong>pays, et ayant besoin de main d’œuvre, à demander aux bureaux de l’emploi <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>ursqu’il lui faut, classés par métiers et catégories, ces derniers étant tenus des’inscrire au bureau de l’emploi de <strong>le</strong>ur domici<strong>le</strong> lorsqu’ils sont au chômage.Rien de ce que prévoit la loi et que nous <strong>com</strong>mentons ne correspond à la réalité, il n’y aaucune politique nationa<strong>le</strong> de l’emploi, aucun service national de l’emploi qui fonctionne.De plus, <strong>le</strong>s agences de placement qui travail<strong>le</strong>nt actuel<strong>le</strong>ment dans <strong>le</strong> secteur pétrolier,et qui sont entre <strong>le</strong>s mains des parents et collaborateurs directs du Président, remplissentune mission qui, d’après cette loi, est du ressort de l’État, ce qui suppose un désistementdes fonctions et responsabilités de la fonction publique, établies dans cette loi.Une loi sur ces agences a été approuvée en 1999, sur laquel<strong>le</strong> nous reviendrons.Les autres aspects que rég<strong>le</strong>mente la loi concernant <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs étrangers, enmatière de concession et renouvel<strong>le</strong>ment des permis de travail, ainsi que <strong>le</strong>s régimesspéciaux d’emploi, notamment sur l’emploi des handicapés, sont pure fiction léga<strong>le</strong>.LOI DE LA SÉCURITÉ SOCIALE, APPROUVÉE PAR LE DÉCRET 104/1984 (10mars), ET RÈGLEMENT DU RÉGIME GÉNÉRAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE,APPROUVÉ PAR LE DÉCRET 100/1990 (28 septembre)Cette loi a été promulguée en 1986 el<strong>le</strong> établit, parmi ses dispositions généra<strong>le</strong>s, que <strong>le</strong>régime de la sécurité socia<strong>le</strong> protégera <strong>le</strong>s Équato-Guinéens sans discrimination pourdes raisons personnel<strong>le</strong>s ou socia<strong>le</strong>s (art. 4). El<strong>le</strong> inclut dans ses bénéficiaires <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urspour <strong>le</strong> <strong>com</strong>pte d’autrui, <strong>le</strong>s fonctionnaires de l’État et des institutions autonomes,<strong>le</strong>s partenaires travaillant dans des coopératives de production, <strong>le</strong> c<strong>le</strong>rgé, <strong>le</strong>s étudiantset <strong>le</strong>s autres groupes de la population.Non seu<strong>le</strong>ment la loi ne dit rien des chômeurs, qui restent ainsi léga<strong>le</strong>ment marginalisés,mais en outre, sachant qu’un peu plus de 80 % de la population travail<strong>le</strong> dans <strong>le</strong> secteurnon salarié et peut être ainsi considéré <strong>com</strong>me techniquement au chômage, el<strong>le</strong> ignorepratiquement la majorité de la population de Guinée Équatoria<strong>le</strong>.49


Les subsides ou aides léga<strong>le</strong>ment rég<strong>le</strong>mentaires sont <strong>le</strong>s prestations médico-pharmaceutiques;la subvention pour incapacité temporaire; l’aide à la maternité; <strong>le</strong>s prestationspour invalidité; la pension de vieil<strong>le</strong>sse; cel<strong>le</strong>s pour décès ou survie et <strong>le</strong>s allocationsfamilia<strong>le</strong>s.Les prestations sont minces et de courte durée, el<strong>le</strong>s sont diffici<strong>le</strong>s à obtenir en raison dela corruption qui imprègne <strong>le</strong> fonctionnement de l’INSESO. Pour la plupart des Guinéensassurés, <strong>le</strong>s prestations médico-pharmaceutiques n’existent tout simp<strong>le</strong>ment pas et dans<strong>le</strong>s hôpitaux du pays, ce sont <strong>le</strong>s malades ou <strong>le</strong>s membres de <strong>le</strong>ur famil<strong>le</strong> qui doiventacheter tous <strong>le</strong>s médicaments.L’application de la loi aux travail<strong>le</strong>urs autonomes est pure fiction: <strong>le</strong>ur inscription à ce régimen’est pas rég<strong>le</strong>mentée et il n’existe aucune donnée permettant de déclarer qu’un travail<strong>le</strong>urautonome est assuré sous l’emprise de la loi en question.Par <strong>le</strong> décret 100/1990 du 28 septembre a été approuvé <strong>le</strong> Règ<strong>le</strong>ment du Régime généralde la sécurité socia<strong>le</strong>, qui n’ajoute ni n’explique rien de substantiel sur ce que rég<strong>le</strong>mentela loi et n’a pas servi à en améliorer l’application effective.LOI 12/1992 SUR LES SYNDICATS ET LES RELATIONS COLLECTIVES DETRAVAIL (1er octobre)Il se dégage de l’exposé des motifs de cette loi qu’el<strong>le</strong> doit établir <strong>le</strong>s bases pour lapromotion d’associations d’employés et employeurs, ainsi que d’associations col<strong>le</strong>ctivesde travail, et mettre en place des mécanismes qui favorisent la solution desconflits col<strong>le</strong>ctifs entre employeurs et employés.La loi <strong>com</strong>porte deux titres, <strong>le</strong> premier consacré aux syndicats et <strong>le</strong> second, aux relationscol<strong>le</strong>ctives de travail, qui rég<strong>le</strong>mente “la négociation col<strong>le</strong>ctive”, “la grève” et “<strong>le</strong>lock-out”. Ni <strong>le</strong>s membres des forces armées et de la sécurité de l’État ni <strong>le</strong>s fonctionnairespublics ne sont <strong>com</strong>pris dans l’application de cette loi; ajoutons que cesderniers attendent depuis treize ans une loi spécia<strong>le</strong>, qui n’a pas encore été promulguée.L’artic<strong>le</strong> 2 établit que “<strong>le</strong>s employés et employeurs, sans aucune distinction ni autorisationpréalab<strong>le</strong>, ont <strong>le</strong> droit de constituer <strong>le</strong>s associations qu’ils jugent opportunes, et <strong>le</strong>droit de s’affilier à ces organisations à la seu<strong>le</strong> condition de respecter la présente loi etses statuts”. D’après l’artic<strong>le</strong> 8, <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs doivent bénéficier d’une protection adéquatecontre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndica<strong>le</strong>en matière d’emploi. Une tel<strong>le</strong> protection doit notamment s’appliquer en ce qui concerne<strong>le</strong>s actes ayant pour but de: a) subordonner l’emploi d’un travail<strong>le</strong>ur à la condition qu’ilne s’affilie pas ou adhère à une association professionnel<strong>le</strong>; b) congédier un travail<strong>le</strong>urou lui porter préjudice par tous autres moyens, en raison de son affiliation syndica<strong>le</strong> oude sa participation à des activités syndica<strong>le</strong>s en dehors des heures de travail ou, avec <strong>le</strong>consentement de l’employeur, durant <strong>le</strong>s heures de travail.Ces normes servent, de manière généra<strong>le</strong>, à garantir <strong>le</strong>s droits syndicaux, bien qu’el<strong>le</strong>sétablissent une difficulté léga<strong>le</strong> pour la constitution de syndicats: si <strong>le</strong> nombre de troisemployeurs est suffisant pour créer une association patrona<strong>le</strong>, il faut au minimum 50 travail<strong>le</strong>ursd’un même secteur pour former une association. Toutefois, <strong>le</strong>s difficultés50


majeures se trouvent dans la pratique, avec <strong>le</strong>s obstac<strong>le</strong>s administratifs, la marginalisationau travail et <strong>le</strong> harcè<strong>le</strong>ment personnel auquel sont en butte ceux qui cherchent às’organiser professionnel<strong>le</strong>ment. Par conséquent, treize ans après la promulgation dela loi, il n’existe, dans <strong>le</strong> pays, aucun syndicat de travail<strong>le</strong>urs ni d’associations d’employeursqui remplisse ses fonctions de manière reconnue et normalisée (cf. chapitre 4 sur<strong>le</strong>s syndicats en Guinée Équatoria<strong>le</strong>).L’inexistence d’organisations de travail<strong>le</strong>urs et employés a un effet létal sur la négociationcol<strong>le</strong>ctive rég<strong>le</strong>mentée au chapitre I du Titre II de la même loi. L’artic<strong>le</strong> 25 dela loi stipu<strong>le</strong> que “<strong>le</strong> gouvernement, à travers <strong>le</strong> ministère du Travail et de la Promotionsocia<strong>le</strong>, favorisera et encouragera auprès des employeurs et <strong>le</strong>urs organisations,d’une part et des organisations d’employés d’autre part, <strong>le</strong> p<strong>le</strong>in développement et utilisationdes procédures de négociation volontaire, à l’objet de rég<strong>le</strong>menter par desconventions col<strong>le</strong>ctives <strong>le</strong>s conditions de l’emploi”, tandis que l’art. 26 insiste pour direque “<strong>le</strong> patron qui emploie des membres d’une association sera tenu de passer aveccette dernière une convention col<strong>le</strong>ctive lorsqu’il y sera invité”.La Commission consultative tripartite dont il est question à l’artic<strong>le</strong> 30, pour la promotionde la négociation col<strong>le</strong>ctive, <strong>com</strong>posée d’un représentant du ministère du Travail, unpour <strong>le</strong>s employés et un pour <strong>le</strong>s patrons, nommés par <strong>le</strong> gouvernement, n’a jamais étéconstituée. Pas plus que n’a été utilisé <strong>le</strong> mécanisme mentionné à l’artic<strong>le</strong> 30, aux termesduquel “tant qu’il n’y aura pas d’associations capab<strong>le</strong>s d’exiger des négociationscol<strong>le</strong>ctives”, <strong>le</strong> ministère du Travail et de la Promotion socia<strong>le</strong> pourra convoquer plusieursemployeurs et employés “pour examiner <strong>le</strong>s questions <strong>le</strong>s plus importantes concernant<strong>le</strong> travail et, surtout, la possibilité d’une amélioration volontaire des conditionsde travail et de la rémunération”, ce qui “aura <strong>le</strong>s effets d’une convention col<strong>le</strong>ctive”. Lemanquement à toutes ces prévisions ne fait que refléter la mauvaise volonté du régimede rendre effective la possibilité d’une négociation col<strong>le</strong>ctive.La rég<strong>le</strong>mentation du droit de grève qui figure au chapitre II du même Titre II fait preuvede lésine et n’a plus aucune application. L’artic<strong>le</strong> 35 exige des employés qu’ilsaient épuisé l’une des procédures de solution des conflits dont il y est question, etqu’el<strong>le</strong> soit déclarée conforme à ce qui est établi dans <strong>le</strong>s statuts de l’association enquestion, et à la majorité des employés intéressés. Ces associations étant inexistantes,il est diffici<strong>le</strong> de respecter cette dernière condition et de convoquer léga<strong>le</strong>mentune grève car <strong>le</strong>s employés des grandes entreprises sont généra<strong>le</strong>ment forcés d’appartenirà l’organisation spécialisée de travail<strong>le</strong>urs du parti au gouvernement, <strong>le</strong>PDGE (cf. section 4).Quant aux procédures de solution des conflits de travail, <strong>le</strong>s artic<strong>le</strong>s 42 à 46 de la loiabordent <strong>le</strong> règ<strong>le</strong>ment direct, la médiation, l’arbitrage et la grève. L’art. 47 établit un<strong>com</strong>ité de conciliation et arbitrage qui se <strong>com</strong>pose d’un magistrat de la juridiction du travail(inexistante pour l’instant dans <strong>le</strong> pays), du délégué du travail de la juridiction, d’unreprésentant de l’association des employés la plus représentative du secteur affecté etd’un représentant de l’association des patrons la plus représentative du secteur dans<strong>le</strong>quel s’est produit <strong>le</strong> litige. Au bout de plus de treize ans, <strong>le</strong> règ<strong>le</strong>ment que contient laloi n’a pas encore été promulgué et aucun membre du <strong>com</strong>ité n’a été nommé.51


LOI 5/1999 DE RÉGLEMENTATION DES AGENCES DE TRAVAIL TEMPORAIRE(6 décembre)Les agences de travail temporaire ont <strong>com</strong>mencé à fonctionner en 1995 en GuinéeÉquatoria<strong>le</strong>, après <strong>le</strong> début de l’exploitation du pétro<strong>le</strong> dans <strong>le</strong> pays. La loi de 1999qui <strong>le</strong>s rég<strong>le</strong>mente n’a jamais été appliquée, parce qu’aucune des agences qui existaientalors ou de cel<strong>le</strong>s qui ont été créées après l’entrée en vigueur de la loi ne sesont soumises à ses exigences, que ce soit concernant <strong>le</strong>ur établissement et fonctionnementou <strong>le</strong> traitement donné aux travail<strong>le</strong>urs.Parmi <strong>le</strong>s conditions exigib<strong>le</strong>s pour monter une agence, signalons une autorisationadministrative (art. 2); la constitution d’un fonds de garantie initia<strong>le</strong> d’une va<strong>le</strong>ur de10.000.000 FCFA, dans une banque <strong>com</strong>mercia<strong>le</strong> nationa<strong>le</strong>, sous <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> semestrieldu ministère du Travail (art. 3); l’inscription de l’agence dans un registre du ministèredu Travail et sécurité socia<strong>le</strong> (art. 4). Les agences sont éga<strong>le</strong>ment tenues defournir tous <strong>le</strong>s mois à ce ministère <strong>le</strong>s contrats de mise à disposition qu’el<strong>le</strong>s ont signés(art. 6.2). En ce qui concerne <strong>le</strong>s relations avec <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs, la loi établit que<strong>le</strong>s contrats de mise à disposition ne peuvent pas avoir une durée de plus de six mois,art. 7 c) et qu’ils doivent toujours être formalisés par écrit «d’après <strong>le</strong> modè<strong>le</strong> officielannexé à la loi», <strong>le</strong>quel n’existe pas. Aucune de ces conditions léga<strong>le</strong>s n’est respectéepar <strong>le</strong>s agences existantes.Les agences de travail temporaire sont toutes entre <strong>le</strong>s mains d’hommes forts du régimeet el<strong>le</strong>s existent et fonctionnent en marge de toute disposition léga<strong>le</strong>, <strong>com</strong>me on<strong>le</strong> verra plus loin (section 3.2). Parmi <strong>le</strong>urs objectifs se trouvent l’enrichissement rapidede <strong>le</strong>urs propriétaires et <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> et la mise à l’écart des opposants politiquesdans <strong>le</strong>s entreprises pétrolières américaines.DÉCRET 106/2000, PAR LEQUEL SONT FIXÉS LE SALAIRE MINIMUM INTERPRO-FESSIONNEL ET LES SALAIRES DE BASE DES CATÉGORIES PROFESSIONNE-LLES DU SECTEUR PRIVÉ (26 décembre); DÉCRET 38/2003 (28 avril); ORDREMINISTÉRIEL 1/2003 (9 juin)Ce décret fixe pour la première fois en Guinée Équatoria<strong>le</strong> <strong>le</strong> salaire minimum interprofessionne<strong>le</strong>t <strong>le</strong>s salaires de base des différentes catégories professionnel<strong>le</strong>s dusecteur privé; il fait la distinction entre <strong>le</strong> secteur pétrolier et celui qui ne l’est pas et<strong>le</strong>s classe en huit groupes: professionnels, techniciens et professionnels auxiliaires,personnel administratif, travail<strong>le</strong>urs des services et personnel du <strong>com</strong>merce et desventes, travail<strong>le</strong>urs qualifiés et similaires, travail<strong>le</strong>urs et monteurs d’installations etmachines, travail<strong>le</strong>urs des exploitations d’é<strong>le</strong>vage, pêche et connexes et travail<strong>le</strong>ursnon qualifiés. Sa portée ne s’étend pas au personnel domestique, à moins que cedernier ne soit relié à des cadres ou des chefs d’entreprises, <strong>le</strong>s salaires de base établisdans <strong>le</strong> décret <strong>le</strong>ur étant alors applicab<strong>le</strong>s.Le salaire minimum dans <strong>le</strong>s deux secteurs est fixé à 75.000 FCFA et <strong>le</strong>s salaires debase sont calculés en multipliant <strong>le</strong> minimum interprofessionnel par <strong>le</strong>s coefficientsrespectifs qui, dans <strong>le</strong> premier secteur, varient de 5, pour <strong>le</strong>s professionnels (avec unsalaire de base de 375.000 FCFA) et 1, pour <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs non qualifiés (avec un52


salaire de 75.000 FCFA), tandis que dans <strong>le</strong>s entreprises pétrolières, ils vont de 10pour <strong>le</strong>s professionnels (avec un salaire de 750.000 FCFA) à 2,5 pour <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>ursnon qualifiés (avec un salaire de 187.500 FCFA).Pour <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs considérés <strong>com</strong>me cadres homologues, c’est-à-dire <strong>le</strong>s autochtonesde la catégorie du personnel de haute direction qui prêtent <strong>le</strong>urs services dansl’entreprise, <strong>le</strong> décret établit un salaire qui ne pourra pas être inférieur à 50 % de celuide <strong>le</strong>urs homologues expatriés. Cette disposition n’est jamais ac<strong>com</strong>plie, tout d’abordparce que <strong>le</strong>s salaires des cadres expatriés ne sont pas toujours du domaine publicet ensuite, car quand on <strong>le</strong>s connaît, ils sont tel<strong>le</strong>ment é<strong>le</strong>vés que <strong>le</strong>s entreprisesaffectées, avec l’absolution des autorités politiques et du travail, jugent inadmissib<strong>le</strong>qu’un ressortissant du pays puisse en percevoir 50 %. Malgré tout ce que prétend <strong>le</strong>décret, <strong>le</strong>s chefs d’entreprises ont continué à payer aux travail<strong>le</strong>urs des salaires inférieursà ceux que fixait la règ<strong>le</strong>.Les deux décrets de 2003 ont remplacé <strong>le</strong>s lois qui étaient en vigueur en matière declassement des catégories professionnel<strong>le</strong>s et des salaires de base attribués à chacune.Les secteurs d’activité sont divisés en deux groupes, <strong>le</strong> premier <strong>com</strong>porte l’é<strong>le</strong>vage,l’industrie, la construction, <strong>le</strong>s services, <strong>le</strong>s forêts, l’hôtel<strong>le</strong>rie, la banque et <strong>le</strong>sarts graphiques; <strong>le</strong> second est accaparé par <strong>le</strong> pétro<strong>le</strong>.Au lieu de huit catégories, il y en a cinq:Les professionnels, et avec eux <strong>le</strong>s docteurs, licenciés et assimilés. Dans <strong>le</strong> secteurnon pétrolier, <strong>le</strong>ur coefficient est de cinq. Ce qui <strong>le</strong>ur donne un salaire de base de450.000 FCFA.Les techniciens et professionnels auxiliaires avec, d’une part, <strong>le</strong>s diplômés en technique,architecture, assistance sanitaire, experts, techniciens universitaires et informaticiens,<strong>com</strong>ptab<strong>le</strong>s et similaires, avec un coefficient de 4 et un salaire de 360.000FCFA et d’autre part, <strong>le</strong>s maîtres de métiers variés, avec un coefficient de 3,8 et unsalaire de 342.000 FCFA.Le personnel administratif, qui <strong>com</strong>prend deux groupes: <strong>le</strong>s employés de premierniveau (<strong>com</strong>ptab<strong>le</strong>s, informaticiens, gestionnaires, exécutifs et assimilés), avec uncoefficient de 3 et un salaire de 270.000 FCFA, et <strong>le</strong> groupe de second niveau (aides<strong>com</strong>ptab<strong>le</strong>s, assistants informaticiens, aides de gestion administrative, secrétaires etsimilaires), avec un coefficient de 2,8 et un salaire de 252.000 FCFA.Les différents corps de métiers, <strong>com</strong>me <strong>le</strong>s menuisiers, peintres, é<strong>le</strong>ctriciens, plombiers,maçons, mécaniciens, conducteurs et autres, avec des coefficients allant de 1,8à 1,1 et des salaires qui oscil<strong>le</strong>nt entre 162.000 FCFA et 99.000 FCFA.Les travail<strong>le</strong>urs non qualifiés, dont <strong>le</strong>s manœuvres, vigi<strong>le</strong>s, <strong>com</strong>missionnaires et employésdomestiques et autres, avec un coefficient 1 et un salaire de base de 90.000, qui estsupposé être <strong>le</strong> salaire minimum interprofessionnel, bien que la norme ne <strong>le</strong> précise pas.Dans <strong>le</strong> secteur pétrolier qui, outre <strong>le</strong>s entreprises pétrolières proprement dites, incluttous <strong>le</strong>s sous-traitants qui y opèrent, <strong>le</strong>s catégories et groupes professionnels sont <strong>le</strong>smêmes mais <strong>le</strong>s coefficients varient entre 10 pour <strong>le</strong>s professionnels, avec un salairede base de 900.000 FCFA, et 2.5 pour <strong>le</strong> personnel non qualifié, auquel correspondun salaire de base de 225.000 FCFA.53


À l’instar de ce que nous avons constaté avec <strong>le</strong>s premières normes que nous avons<strong>com</strong>mentées, dans <strong>le</strong> cadre de cel<strong>le</strong>s qui sont actuel<strong>le</strong>ment en vigueur, de très nombreusesentreprises continuent à payer à <strong>le</strong>urs travail<strong>le</strong>urs des salaires inférieurs àceux qui sont léga<strong>le</strong>ment stipulés.LOI 1/2004 SUR LE TRAFIC ILLICITE DE MIGRANTS ET LA TRAITE DEPERSONNES, 2004 (14 septembre)Cette loi punit <strong>le</strong>s délits de trafic illicite de migrants ainsi que la traite des personnes,et en outre, el<strong>le</strong> sévit contre <strong>le</strong>s délits d’abus parental envers <strong>le</strong> mineur et <strong>le</strong> travaildes enfants. Aux termes de l’artic<strong>le</strong> 4 de la loi, on entend par abus parental envers <strong>le</strong>mineur “l’utilisation d’enfants par des parents pour la vente ambulante de marchandisesou autres travaux, pendant la journée scolaire ou <strong>le</strong>s heures nocturnes” cet abusest puni d’une peine d’un mois à un an de correctionnel<strong>le</strong> et d’une amende allant de50.000 à 500.000 FCFA. De son côté, l’art. 5 établit que “quiconque emploie, offre ouaccepte un mineur pour un travail pour son propre <strong>com</strong>pte ou pour celui d’autrui, pour<strong>le</strong> <strong>com</strong>merce formel ou informel” se rend coupab<strong>le</strong> du délit de travail d’enfants etencourt un an de prison correctionnel<strong>le</strong> et une amende ne dépassant pas 250.000FCFA.Ces deux figures du délit pourraient nous faire croire que <strong>le</strong>s mineurs sont protégésen Guinée Équatoria<strong>le</strong> contre toute espèce d’exploitation de travail, ce qui est fauxétant donné <strong>le</strong> manque d’effectivité dans l’ac<strong>com</strong>plissement des lois et, en particulierdans ce cas, à cause de la confusion et des limites de la loi el<strong>le</strong>-même.L’art. 1, incise b) de la loi en question définit <strong>le</strong> concept d’enfant <strong>com</strong>me “toute personnedepuis sa naissance jusqu’à dix ans révolus”, de sorte qu’après dix ans, <strong>le</strong> délitn’est plus tel et que ces mineurs peuvent ac<strong>com</strong>plir non seu<strong>le</strong>ment “des travauxlégers et agrico<strong>le</strong>s” mais éga<strong>le</strong>ment se livrer à la vente ambulante de marchandiseset d’autres travaux. S’agissant du délit du travail des enfants, la loi utilise <strong>le</strong> terme de“mineur”, qui n’est pas défini à l’art. 1 et partant, prête à confusion. Quoi qu’il en soit,une interprétation cohérente de l’art. 5, référé à l’art. 4 et à son énoncé “délit de travaild’enfants” nous porte à affirmer une fois encore qu’il est interdit d’employer desenfants de moins de dix ans, même s’il ne s’agit que de “travail pour son propre <strong>com</strong>pteou pour celui d’autrui pour <strong>le</strong> <strong>com</strong>merce formel ou informel”, mais qu’il est permisde <strong>le</strong>s employer dans des secteurs autres que <strong>le</strong> <strong>com</strong>merce formel ou informel.En réalité, cette loi, qui devait théoriquement sanctionner et punir <strong>le</strong> phénomène dutravail des enfants, est encore plus permissive que la loi du Régime général du travail,puisqu’el<strong>le</strong> rabaisse de 12 à 10 ans l’âge minimum d’accès au travail. En toutétat de cause, il s’agit d’une loi sans aucune transcendance socia<strong>le</strong>, édictée uniquementpour être présentée aux institutions internationa<strong>le</strong>s qui exigeaient du gouvernementdu pays qu’il adopte des mesures contre <strong>le</strong> travail des enfants, sans accorderd’importance à la sincérité ou l’effectivité à ces mesures.54


Encadré 4:RATIFICATION CONVENTIONS OITLa Guinée Équatoria<strong>le</strong> a ratifié à certains moments quelques-unes des conventions del’OIT 83 .En juin 1985, el<strong>le</strong> a ratifié la convention 1 sur <strong>le</strong>s heures de travail (industrie) (1919);la convention 14 sur <strong>le</strong> repos hebdomadaire (industrie) (1921); la convention 30 sur <strong>le</strong>sheures de travail (<strong>com</strong>merce et bureaux) (1930); la convention 100 sur l’égalité derémunération (1951); la convention 103 sur la protection de la maternité (révisée)(1952) et la convention 138 sur l’âge minimum (1973).En avril 1996, el<strong>le</strong> a ratifié <strong>le</strong>s conventions 68 et 92, sur l’équipage de navires, sur l’alimentationet <strong>le</strong> service des repas (1946) et sur <strong>le</strong> logement de l’équipage (1949) respectivement.Enfin, très récemment, en août 2001 après la rencontre avec une mission de l’OIT, <strong>le</strong>gouvernement a adhéré à d’autres conventions fondamenta<strong>le</strong>s: la convention 29 sur <strong>le</strong>travail forcé (1930), convention 87 sur la liberté syndica<strong>le</strong> et la protection du droitsyndical (1948); convention 98 sur <strong>le</strong> droit syndical et la négotiation col<strong>le</strong>ctive(1949); convention 105 sur l’abolition du travail forcé (1957); convention 111 sur la discrimination(emploi et profession) (1958); et convention 182 sur <strong>le</strong>s pires formes dutravail des enfants (1999).La Guinée Équatoria<strong>le</strong> a signé 14 des plus de 180 conventions existantes, ce qui contrasteavec <strong>le</strong>s 45 du Cameroun, <strong>le</strong>s 38 du Nigéria ou <strong>le</strong>s 34 du Gabon, ses voisins. Enrevanche, el<strong>le</strong> n’en a pas ratifié d’importantes <strong>com</strong>me la convention 81 sur l’inspection dutravail, 1947; la convention 122 sur la politique de l’emploi, 1964 ; la convention 129 surl’inspection du travail (agriculture), 1969; ni la convention 144 sur la consultation tripartite(règ<strong>le</strong>s internationa<strong>le</strong>s du travail) 1976.D’autre part et <strong>com</strong>me membre de l’OIT, <strong>le</strong> gouvernement de Guinée Équatoria<strong>le</strong> est tenude présenter des rapports sur l’ac<strong>com</strong>plissement des engagements contractés après laratification des conventions successives. Or, la Commission des experts en matièred’application des conventions et ratifications (CEACR) n’avait reçu aucun de ces rapportsjusqu’en 2004, tel<strong>le</strong> qu’el<strong>le</strong> l’exprime avec regret dans ses remarques successives. En2005, la Commission a fina<strong>le</strong>ment reçu des rapports concernant 11 des 14 conventionsratifiées mais <strong>le</strong>s premiers, sur <strong>le</strong>s conventions 68, 92 et 182 n’ont toujours pas été présentés.En outre, la CEACR a demandé au gouvernement un <strong>com</strong>plément d’informationsur l’application des conventions 1 et 30, sur <strong>le</strong>s heures de travail, et el<strong>le</strong> a montré unintérêt spécial pour <strong>le</strong>s organisations d’employeurs et de travail<strong>le</strong>urs consultées.Compte tenu de la situation de ces organisations en Guinée Équatoria<strong>le</strong>, décrite dans cerapport, il est très diffici<strong>le</strong> que <strong>le</strong> gouvernement puisse respecter, pour <strong>le</strong> moment, <strong>le</strong>s exigencesde l’OIT à ce sujet. Pas plus qu’il ne peut répondre aux observations de la83 http://www.ilo.org55


CEACR, qui s’enquiert des gestions entreprises pour transposer dans la législation nationa<strong>le</strong><strong>le</strong>s conventions internationa<strong>le</strong>s adoptées ces dix dernières années.L’OIT a prêté assistance au gouvernement de Guinée Équatoria<strong>le</strong> pour réformer <strong>le</strong>s loissur <strong>le</strong> travail et former des inspecteurs du travail, mais aucune suite n’a été donnée àcette proposition 84 .3.2. Les effets de l’économie du pétro<strong>le</strong>L’économie guinéenne a subi avec <strong>le</strong> temps d’importantes transformations,<strong>com</strong>me cel<strong>le</strong>s rapportées dans l’histoire des relations de travail. Le derniergrand bou<strong>le</strong>versement s’est produit au milieu des années 1990, lorsque <strong>le</strong> paysest passé brusquement de la dépendance de l’aide internationa<strong>le</strong> à la dépendancede l’exploitation du pétro<strong>le</strong>. Avec une production du pétro<strong>le</strong> de plus enplus plus importante, l’économie de la Guinée Équatoria<strong>le</strong> a connu un changementradical. Tandis qu’en 1991, <strong>le</strong> PIB était de 130 millions de $ 85 , en 2000, i<strong>le</strong>st passé à 856 millions de $ et, en 2004, à 2.368 millions de $, avec un tauxmoyen de croissance de 24,5% entre 2000 et 2004. Ces données révè<strong>le</strong>nt unedimension encore plus extraordinaire si el<strong>le</strong>s sont rapportées à la tail<strong>le</strong> du pays,avec un territoire de 28.051 km2 et une population d’un demi-million d’habitants.Ce qui veut dire que <strong>le</strong> PIB par habitant a été porté à près de 5.800 $ en2004 86 .La <strong>com</strong>position du PIB a éga<strong>le</strong>ment été <strong>com</strong>plètement modifiée: alors que <strong>le</strong>secteur de l’agriculture et de la pêche constituait près de 40% de l’activité productiveau début des années 1990, il ne représentait plus que 3% en 2003, agriculturede subsistance et agriculture destinée à l’exportation <strong>com</strong>prises, tandisque <strong>le</strong> pétro<strong>le</strong> est passé de 0% à 85% 87 . Le reste du PIB est <strong>com</strong>posé par <strong>le</strong>secteur des services, fondamenta<strong>le</strong>ment de l’Etat, l’exploitation du bois et l’activitéindustriel<strong>le</strong>, concentrée exclusivement dans la construction 88 . La seu<strong>le</strong>chose qui n’a pas changé dans ces dernières années est <strong>le</strong> peu de diversificationde l’économie guinéenne.Pour autant, si on n’ajoute pas d’autres dimensions et si on en n’analyse pas avecattention <strong>le</strong>s <strong>com</strong>posantes, ces données agrégées ne reflètent pas la situationque vit la majorité de la population. Nous avons déjà signalé <strong>le</strong>s faib<strong>le</strong>s Indicesrelatifs au Développement Humain en Guinée Équatoria<strong>le</strong> (Encadré 1). Enexcluant la production du pétro<strong>le</strong>, <strong>le</strong> revenu par tête se réduirait à 500 $, chiffre84 DPT ÉTAT, 2001 et 2002.85 BANQUE MONDIALE, Equatorial Guinea at a glance, 2002.86 FMI, Country Report 05/151, 2005.87 FMI, Country Report 98/33, Equatorial Guinea: Statistical Appendix, avril 1998; FMI, Country Report 05/151, 2005.88 BANQUE MONDIALE, 2002. OCDE, African Economic Outlook - Country Studies: Equatorial Guinea, 10/1/2002.56


qui se rapproche beaucoup plus de la réalité quotidienne des Guinéens. D’autrepart, la distribution de la population, par secteurs économiques, est très éloignéede la structure du PIB que nous venons de voir et tel qu’il est présenté à l’Encadré5. Tout ceci est dû au fait que l’origine de la croissance, l’industrie de l’extractiondu pétro<strong>le</strong>, constitue un domaine en grande partie <strong>com</strong>plètement séparé du restede l’économie guinéenne.L’économiste Fernando Abaga décrit ainsi <strong>le</strong> caractère enclavé du secteur pétrolier:“il se dérou<strong>le</strong> en mer, loin de tout et de tous, créant peu de postes de travaildu fait d’une utilisation intensive du capital Il s’agit d’un secteur qui exporte tout cequ’il produit et importe tout ce qu’il consomme, il a donc peu de rapport avec <strong>le</strong>reste de l’économie. A cause de ces caractéristiques, son dynamisme n’atteint pas<strong>le</strong>s autres secteurs et ne joue pas <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de “moteur de développement” qu’onattendait de lui. De plus, cette situation se voit renforcée par la faib<strong>le</strong>sse du secteurprivé en Guinée Équatoria<strong>le</strong> ainsi que par l’inexistence presque tota<strong>le</strong> d’uneindustrie de transformation qui pourrait satisfaire loca<strong>le</strong>ment la demande de bienset services créée par <strong>le</strong>s industries liées directement au pétro<strong>le</strong> et qui pourraientcontribuer à l’intégrer dans l’économie nationa<strong>le</strong>. En conséquence, on peut direque l’évolution du secteur pétrolier est indépendante du reste des secteurs de l’économiequi (...) connaît une situation de stagnation” 89 .La principa<strong>le</strong> activité subissant <strong>le</strong> plus cette stagnation est l’agriculture, qu el<strong>le</strong>soit <strong>com</strong>mercia<strong>le</strong> ou vivrière. Pour autant, il existe quelques secteurs qui connaissentune forte dynamisation, en particulier ceux qui offrent des servicesspécifiques à l’industrie du pétro<strong>le</strong>, mais aussi, celui de la construction de bâtimentspublics, des routes et des logements. De même, divers autres secteurs,<strong>com</strong>me celui des télé<strong>com</strong>munications ou du <strong>com</strong>merce informel, ou bien desactivités illicites <strong>com</strong>me la prostitution, se voient stimulés par l’arrivée de travail<strong>le</strong>ursétrangers et d’immigrés ruraux aux principaux centres urbains, Malabo etBata.Bien que loin derrière <strong>le</strong> pétro<strong>le</strong>, la production du bois, en expansion depuis <strong>le</strong>sannées quatre-vingts, renforce <strong>le</strong>s dynamiques socioéconomiques mentionnées.En effet, il s’agit d’une activité fondée sur des concessions de l’État et ayantpeu de relation avec l’activité économique de la population. Les principa<strong>le</strong>sentreprises qui travail<strong>le</strong>nt dans ce secteur sont des multinationa<strong>le</strong>s asiatiquesou russes. Le rythme effréné de l’exploitation du bois menace de mettre en dangernon seu<strong>le</strong>ment la forêt guinéenne mais éga<strong>le</strong>ment l’habitat et <strong>le</strong>s activitésagrico<strong>le</strong>s 90 Néanmoins, l’importance de la production pétrolière a fait diminuerl’extraction du bois en la situant en 2003 en dessous de la limite léga<strong>le</strong> de450.000 m 3 .89 ABAGA, 1999 (pp.7-8).90 GREENPEACE, 2000 (p.19).57


Les effets de la production du pétro<strong>le</strong> sur <strong>le</strong> reste des structures économiques etsocia<strong>le</strong>s sont donc contradictoires et répondent en grande mesure à ce qui estconnu <strong>com</strong>me étant la Maladie hollandaise. Alors que <strong>le</strong> Produit Intérieur Brut et<strong>le</strong>s recettes de l’État ont fortement augmenté, <strong>le</strong>s déséquilibres macroéconomiquesont été portés à <strong>le</strong>ur paroxysme. La dépense publique s’est accrue de manièrespectaculaire autant du fait des investissements en infrastructures lourdes quede l’appropriation indue des personnes au pouvoir. Même si l’endettement del’Etat a été réduit en termes relatifs au PIB, <strong>le</strong> montant de la dette publique ne faitqu’augmenter 91 . Les investissements étrangers se sont éga<strong>le</strong>ment accrus mais ilssont, dans <strong>le</strong>ur immense majorité, circonscrits aux infrastructures d’extraction.Pour autant, <strong>le</strong> pourcentage sur <strong>le</strong> PIB de la dépense publique concernant <strong>le</strong>sservices sociaux, <strong>com</strong>me l’éducation et la santé, n’a augmenté que de façon peusignificative. D’autre part, et <strong>com</strong>me il fallait s’y attendre après une tel<strong>le</strong> croissanceéconomique soudaine, l’inflation s’est envolée pour atteindre un maximumde 8,8% en 2002 92 . Ce qui veut dire que, même si <strong>le</strong>s ressources obtenues dupétro<strong>le</strong> arrivent à peine jusqu’à la population guinéenne, cel<strong>le</strong>-ci n’en subit pasmoins l’augmentation des prix à la consommation.La richesse créée par la découverte du pétro<strong>le</strong> a donc accentué <strong>le</strong>s inégalités dansla distribution du revenu. Le petit cerc<strong>le</strong> de personnes qui contrô<strong>le</strong>nt l’État est surtoutcelui qui profite directement de ces ressources. Le manque de transparenceet la corruption généralisée des finances publiques facilitent l’appropriation induedes ressources du pétro<strong>le</strong>. Selon <strong>le</strong> FMI, il n’existe aucun contrô<strong>le</strong> fiscal sur <strong>le</strong>spaiements réalisés par <strong>le</strong>s entreprises pétrolières. Une grande partie des revenusqui correspondent à l’État sont versés directement sur des <strong>com</strong>ptes bancaires àl’étranger dont <strong>le</strong>s titulaires sont de hauts responsab<strong>le</strong>s du gouvernement 93 . Deplus, ce groupe de responsab<strong>le</strong>s est celui qui monopolise <strong>le</strong>s quelques servicesque la Guinée fournit aux entreprises concessionnaires: vente de terrains, dédouanage,embauche de travail<strong>le</strong>urs, vente de gaz, etc. 94 .Un rapport du Sénat des États-Unis reconnaît que, “<strong>le</strong>s plus hauts responsab<strong>le</strong>sdu gouvernement de Guinée Équatoria<strong>le</strong> et <strong>le</strong>urs famil<strong>le</strong>s dominent tota<strong>le</strong>mentcertains secteurs de l’économie du pays et, dans certains cas, sont devenus <strong>le</strong>sgardiens ou <strong>le</strong>s charnières économiques virtuel<strong>le</strong>s pour <strong>le</strong>s entreprises quisouhaitent faire des affaires dans <strong>le</strong> pays. Par exemp<strong>le</strong>, <strong>le</strong> Président Obiangcontrô<strong>le</strong> certaines entreprises qui monopolisent pratiquement tous <strong>le</strong>s secteursde la construction, des supermarchés et de l’industrie hôtellière et qui engendrentdes bénéfices significatifs éga<strong>le</strong>ment dans d’autres domaines. Le fils du91 De 254 mill. $ en 1991 à 319 mill. $ en 2003: BANQUE MONDIALE, 2002 ET 2004.92 FMI, Public Information Notice No. 05/61, Artic<strong>le</strong> IV Consultation with Equatorial Guinea, 6/5/2005.93 FMI, Public Information Notice No. 03/144, Artic<strong>le</strong> IV Consultation with Equatorial Guinea, 9/12/2003; GLOBALWITNESS, Corrupción global petrolífera y minera: es tiempo para la transparencia, Rapport de mars 2004.94 ABAGA, 1999 (p.9).58


Président domine, semb<strong>le</strong>-t-il, l’industrie du bois et possède aussi des entreprisesdans d’autres secteurs de l’économie. Le Président et sa femme contrô<strong>le</strong>nt denombreux terrains qui sont vendus ou loués aux entreprises étrangères liées ausecteur pétrolier. Ce type de domination économique oblige <strong>le</strong>s entreprises étrangèresqui souhaitent s’instal<strong>le</strong>r en Guinée Équatoria<strong>le</strong> à traiter avec <strong>le</strong> Président,sa famil<strong>le</strong> ou <strong>le</strong>s entités de contrô<strong>le</strong>, qui en tirent de juteux bénéfices ” 95 .Nous avons déjà signalé <strong>le</strong>s impacts politiques de l’économie du pétro<strong>le</strong> ayantrenforcé <strong>le</strong>s principaux instruments de l’autoritarisme étatique: la répression et lacooptation des éventuels opposants 96 . La brusque apparition d’une économie rentièredans un régime autocratique <strong>com</strong>me celui de la Guinée Équatoria<strong>le</strong> a provoqué<strong>le</strong> durcissement politique des dirigeants qui, par <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> d’une source deproduction aussi abondante et indépendante de tout autre secteur de la populationou de l’aide internationa<strong>le</strong>, peuvent faci<strong>le</strong>ment rester en marge des demandes dechangement 97 . Les pressions internationa<strong>le</strong>s se sont vues éga<strong>le</strong>ment atténuéesdu fait de la campagne de lobby en faveur du Président Obiang que mènent <strong>le</strong>s<strong>com</strong>pagnies pétrolières auprès du gouvernement des États-Unis (voir Encadré 6).Les dépenses des dirigeants en matière de sécurité se sont accrues de manièreexponentiel<strong>le</strong> et se sont en grande partie privatisées. L’industrie pétrolière a créédes besoins spécifiques qui sont monopolisés par une entreprise de sécurité privéela Sociedad Nacional de Vigilancia (SONAVI), propriété de l’ancien Directeurde la Sécurité nationa<strong>le</strong> et frère du Président, Armengol Ondó Nguema. Des entreprisesprivées de sécurité étrangères ont eu des contacts avec <strong>le</strong> gouvernementguinéen pour essayer de substituer la coopération antérieure du gouvernementmarocain dans ce domaine. C’est <strong>le</strong> cas de la Military Professional ResourcesIncorporated (MPRI), <strong>com</strong>posée de conseil<strong>le</strong>rs militaires privés américains 98 .La grande abondance de ressources pétrolières renforce, non seu<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong>scapacités de répression du gouvernement mais el<strong>le</strong> provoque éga<strong>le</strong>ment unevive concurrence. Ce qui, d’une part, cause des conflits internes au sein dugroupe de personnes qui occupent <strong>le</strong> pouvoir et, d’autre part, a stimulé aumoins une tentative, financée par des intérêts internationaux, de renverser <strong>le</strong>dictateur par une action vio<strong>le</strong>nte menée par des mercenaires étrangers 99 . Ceclimat de tension est utilisé par <strong>le</strong> gouvernement pour justifier <strong>le</strong>s représail<strong>le</strong>s95 SÉNAT DES ÉTATS-UNIS, Permanent Sub<strong>com</strong>mittee on Investigations, Committee on Governmental Affairs, MoneyLaundering and Foreign Corruption: Enforcement and Effectiveness of the Patriot Act. Case Study InvolvingRiggs Bank, 15/7/2004 (p.97).96 MICÓ, 2005.97 ESCRIBANO, 1999 (p.15).98 La sécurité du Président Obiang fut assurée pendant un certain temps par une unité militaire marocaine. DARE,2002; WOOD, 2004 (p.564).99 Sur ces évènements de mars 2004, voir CARLIN, 2005.59


contre la population et <strong>le</strong>s procès périodiques sans garanties contre <strong>le</strong>s membresde l’opposition ou même contre certains collaborateurs déchus du gouvernementen <strong>le</strong>s accusant de coup d’état fictif.L’extraction du pétro<strong>le</strong> a donc converti l’activité économique de la majeure partiede la population en activité résiduel<strong>le</strong> pour l’État. De par sa nature même,l’économie d’enclave ne permet à aucun groupe socio-économique d’en tirerprofit en marge de l’État et permet à ceux qui occupent <strong>le</strong> pouvoir de mener unepolitique d’appauvrissement et de démobilisation de la population. Cette situationévite ainsi <strong>le</strong>s pressions en faveur d’une redistribution économique. Lesrevenus du pétro<strong>le</strong> sont, en très faib<strong>le</strong> mesure, reversés à l’ensemb<strong>le</strong> de lapopulation et jamais de façon équitab<strong>le</strong>. Dans <strong>le</strong>s conditions politiques actuel<strong>le</strong>sdu pays, il est possib<strong>le</strong> de dire que la production du pétro<strong>le</strong>, loin de <strong>le</strong>s améliorer,a aggravé <strong>le</strong>s conditions de vie des citoyens guinéens.Toutefois, en plus de nourrir <strong>le</strong>s personnes au pouvoir et <strong>le</strong>urs famil<strong>le</strong>s, <strong>le</strong> pétro<strong>le</strong>a permis une légère augmentation du nombre de fonctionnaires et de travail<strong>le</strong>ursdans <strong>le</strong> secteur de la construction et des entreprises d’extraction. Deplus, il a créé un flux d’immigration provenant de pays voisins ou d’autres partiesdu monde. La recherche d’un emploi des guinéens est utilisée par <strong>le</strong> pouvoir<strong>com</strong>me un instrument de plus de cooptation politique. En effet, souvent,l’accès à un emploi de salarié dépend des sympathies avec <strong>le</strong> parti au gouvernement.Le marché du travail relatif à la production pétrolière se trouve doncprofondément politisé <strong>com</strong>me nous <strong>le</strong> verrons dans <strong>le</strong> prochain chapitre sur <strong>le</strong>srelations dans <strong>le</strong> travail.Encadré 5:STRUCTURE DE L’EMPLOI DE LA POPULATION ACTIVELe caractère d’enclave de la production pétrolière et du bois fait que la structure del’emploi de la population est très différente de la structure du PIB. Tandis que la plusgrande partie de la population se consacre à l’agriculture, <strong>le</strong> poids del’agriculture dans <strong>le</strong> Produit Intérieur Brut a diminué peu à peu avec <strong>le</strong> temps jusqu’à3,3%; par contre l’activité d’extraction, peu intensive en travail et qui n’emploie que0,7% des travail<strong>le</strong>urs, constitue la principa<strong>le</strong> activité économique du pays (85% PIB).Pour autant, dans <strong>le</strong>s dernières années, la structure de l’emploi a connu des changementsimportants, bien que moins spectaculaires que ceux du PIB, <strong>com</strong>me <strong>le</strong> reflète<strong>le</strong> tab<strong>le</strong>au ci-dessous où nous <strong>com</strong>parons la structure du PIB avec cel<strong>le</strong> de la populationactive en 1994 et en 2002.60


Évolution de la structure du PIB et de la PEA (1994-2002), en %PIBPop. Active1994 2002 1994 2002Agriculture et pêche 29,4 3,3 70,5 50,9Bois 19,1 2,5Pétro<strong>le</strong> 18,3 84,9 0,7Construction 4,9 2,5 2,1 6,1Secteur secondaire (reste) 4,7 0,6 2,1 2,6Commerce 9,4 1,9 6,7 7,4Fonction Publique 5 2,4 4 6,3Secteur tertiaire (reste) 7,3 1,7 9,7 10,7Impôts importation 1,9 0,2Activités mal définies 4,9 14,1Sources: FMI 100 et Recensements de Population 1994 et 2002 101.La majorité des citoyens se consacrent à des activités agrico<strong>le</strong>s, bien que <strong>le</strong> chiffresoit descendu de 70,5% en 1994 à 50,9% en 2002. Cette baisse est due à ce qui estappelé la maladie hollandaise, terme par <strong>le</strong>quel <strong>le</strong>s économistes décrivent <strong>le</strong>s effetsde récession causés par une activité d’enclave, <strong>com</strong>me cel<strong>le</strong> du pétro<strong>le</strong>, sur la plupartdes secteurs productifs. En Guinée Équatoria<strong>le</strong>, nombreux sont ceux qui ont émigrédes zones rura<strong>le</strong>s vers <strong>le</strong>s zones urbaines à la recherche d’un emploi. Quant augenre, 60% du total de la population active féminine est employée dans des tâchesagrico<strong>le</strong>s, tandis que, pour <strong>le</strong>s hommes, seuls 42% <strong>le</strong> sont. (En 1994, <strong>le</strong>s chiffresétaient de 81,5% pour <strong>le</strong>s femmes et de 60% pour <strong>le</strong>s hommes) 102 .Le secteur services a connu au cours de la dernière décennie une croissance sensib<strong>le</strong>:en 1994, il employait 20,4% de la population active et selon <strong>le</strong> recensement de2002, il en employait <strong>le</strong>s 24,4%. De ce pourcentage, 13.603 personnes (dont 10.177100 FMI, Staff Country Report No. 99/113, Equatorial Guinea: Recent Economic Developments, Octobre 1999; FMI,Country Report No. 05/151, 2005101 IIº Recensement de Population et de Logements, République de Guinée Équatoria<strong>le</strong>, 1994; IIIº Recensementgénéral de Population et de Logements, République de Guinée Équatoria<strong>le</strong>, juil<strong>le</strong>t 2002. Les résultats du dernierrecensement de 2002 sont considérés par de nombreux observateurs <strong>com</strong>me inexacts, car ils donnent une populationtota<strong>le</strong> de 1.014.999 habitants, par rapport aux 304.670 du recensement de 1994, et aux 516.000 calculéspour 2003 par la CEMAC ou <strong>le</strong>s 506.350 selon <strong>le</strong> FMI en 2004. Ceci est dû sans doute au désir du gouvernementguinéen de faire diminuer <strong>le</strong> montant du revenu par habitant du pays et de pouvoir ainsi avoir accès aux programmesd’aide pour <strong>le</strong>s pays <strong>le</strong>s plus pauvres. D’autre part, il faut signa<strong>le</strong>r que ce recensement considère <strong>com</strong>mepopulation économiquement active <strong>le</strong>s personnes de plus de 15 ans, alors qu’en 1994 il la <strong>com</strong>ptabilisait à partirde 6 ans. Tout ceci entraîne donc des problèmes d’interprétation et de traitement des données. Pour notre étude,nous avons décidé d’accepter <strong>com</strong>me plus exacts <strong>le</strong>s chiffres donnés par la CEMAC ou <strong>le</strong> FMI, et de diviser pardeux <strong>le</strong>s données de population tota<strong>le</strong> et de population économiquement active que donne <strong>le</strong> recensement(430.542). En outre, nous avons utilisé soit <strong>le</strong>s pourcentages soit <strong>le</strong>s montants nets selon <strong>le</strong>ur cohérence avec <strong>le</strong>sdonnées par d’autres sources ou estimations propres des auteurs.102 NATIONS UNIES, CCA, 1999.61


sont des hommes), travaillaient dans la Fonction publique, soit environ 6,1% dessalariés. Le secteur du <strong>com</strong>merce procure un emploi à 7,4% de la population active,avec une légère majorité de femmes.Fina<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong> secteur secondaire est réduit en termes d’employabilité de la population.Il <strong>com</strong>prend principa<strong>le</strong>ment la construction et l’industrie d’extraction et, dans unemoindre mesure, d’autres activités <strong>com</strong>me la production de l’énergie ou <strong>le</strong>s produitsmanufacturés. Il n’existe pas de données vérifiées concernant <strong>le</strong> nombre de travail<strong>le</strong>ursnationaux dans <strong>le</strong> secteur pétrolier, <strong>le</strong>s estimations tournent autour de 4.000personnes 103 . La construction est l’unique activité du secteur qui a enregistré uneaugmentation significative de main d’œuvre en passant de 2,1% en 1994 à 6,1% en2002.Quand aux travail<strong>le</strong>urs immigrés, la Guinée Équatoria<strong>le</strong> est devenue au cours de cesdernières années un récepteur net de personnes en provenance des pays limitrophes,en particulier du Cameroun (21,7%) et du Nigéria (9,4%) 104 . En 1994, selon <strong>le</strong> recensementde la population, il n’y avait que 5.859 étrangers résidant dans <strong>le</strong> pays; aujourd’hui,il est diffici<strong>le</strong> de calcu<strong>le</strong>r avec exactitude <strong>le</strong> nombre d’immigrés 105 . D’autre part,il faut tenir <strong>com</strong>pte du fait que la majeure partie des travail<strong>le</strong>urs, techniciens ououvriers, des plateformes maritimes ne sont pas guinéens. Ne mettent à peine <strong>le</strong> piedsur <strong>le</strong> territoire national et ils ne sont pas <strong>com</strong>ptés <strong>com</strong>me immigrés.Encadré 6:LES MULTINATIONALES ET LA PRODUCTION PÉTROLIÈRELe golfe de Guinée (Nigéria, Angola, Cameroun et Gabon) constitue une zone économiquestratégique dans la production de pétro<strong>le</strong> brut 106 , en particulier pour <strong>le</strong>s États-Unis 107 . Les prospections pétrolières en Guinée Équatoria<strong>le</strong>, ayant démarré en 1992,ont <strong>com</strong>mencé à porter <strong>le</strong>urs fruits dès 1996, avec une production de 17.000 barils par103 Les Nations unies, citant <strong>le</strong> ministère du Travail de Guinée Équatoria<strong>le</strong>, retient <strong>le</strong> chiffre de 4.000 à 7.000 équato- guinéens tandis qu’un autre auteur a calculé que l’industrie en employait entre 1.100 et 1.500, avec 6.000 travail<strong>le</strong>ursétrangers. ONU, Rapport sur la situation des droits humains dans la République de Guinée Équatoria<strong>le</strong>présenté par <strong>le</strong> représentant spécial de la CDH, Mr. Gustavo Gallón, 24/1/2002, E/CN.4/2002/40 (p.21) et Velloso,2003.104 Selon Moulinot (2003) il y aurait entre 10.000 et 20.000 camerounais dans <strong>le</strong> pays; tandis que, selon <strong>le</strong> recensementde la Population de 2002, <strong>le</strong>s nigériens supposeraient la moitié de ce chiffre.105 Le recensement de 2002 donne un chiffre total de 259.967 personnes, ce qui semb<strong>le</strong> excessif, étant donné <strong>le</strong>scirconstances particulières de ce recensement déjà mentionnées plus haut, cf. pied de page 100.106 Les données de cette section sont basées pour la plupart sur l’EIA Country Analysis Briefs: Equatorial Guinea,octobre 2004. Voir éga<strong>le</strong>ment la page Web du ministère des Mines, de l’Industrie et de l’Energie de Guinée Équatoria<strong>le</strong>,http://www.equatorialoil.<strong>com</strong>; OCDE, 2002; Abaga, 1999; Frynas, 2004.107 Ainsi <strong>le</strong> reconnaissait en 2002 <strong>le</strong> rapport de l’African Oil Policy Initiative Group, une coalition de consultants africains,responsab<strong>le</strong>s du secteur énergétique et membres d’un sous-<strong>com</strong>ité sur l’Afrique du Congrès des ÉTATS-UNIS,avec pour titre significatif “African Oil: A Priority for U.S.National Security and African Development” (Pétro<strong>le</strong> africain:une priorité pour la sécurité nationa<strong>le</strong> des ÉTATS-UNIS et <strong>le</strong> développement en Afrique).62


jour (bpj), production qui s’est accrue de façon exponentiel<strong>le</strong> jusqu’à 371.700 bpj en2004. Le pays est donc devenu <strong>le</strong> troisième producteur de pétro<strong>le</strong> de l’Afrique subsaharienneet, éga<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong> troisième récepteur d’investissements directs américains.Il y a en Guinée trois principaux gisements. Alba et Zafiro se trouvent dans <strong>le</strong>s eauxterritoria<strong>le</strong>s de l’î<strong>le</strong> de Bioko, tandis que, en face des côtes de Río Muni, se trouve celuide Ceiba, qui a <strong>com</strong>mencé à être exploité en 2000. Les gisements de Bioko sont éga<strong>le</strong>mentriches en méthane et gaz naturel qui, jusqu’il y a peu de temps, était brûlé maisqui dernièrement a <strong>com</strong>mencé à être exploité. Récemment, des plans pour la constructiondans l’î<strong>le</strong> d’une usine de liquéfaction de gaz naturel viennent d’être approuvés.L’exploitation de pétro<strong>le</strong> et de ses dérivés est effectuée par de grandes entreprisestransnationa<strong>le</strong>s, au capital en majorité américain. Pour Zafiro, il s’agit fondamenta<strong>le</strong>mentd’ExxonMobil, qui a dernièrement investi de façon importante pour augmenter laproduction jusqu’à 280.000 bpj. A Ceiba, l’exploitation est faite par Amerada Hess (quia absorbé Triton Energy), avec la sud-africaine Energy Africa (achetée par la britanniqueTullow Oil) ainsi que l’entreprise guinéenne GEPetrol. La production de condenséset de gaz naturel à Alba correspond surtout à Marathon Oil, avec Nob<strong>le</strong> Energyet l’entreprise britannique Gas Plc a déjà acheté, pour <strong>le</strong>s 17 prochaines années, toutela production d’une nouvel<strong>le</strong> usine de gaz naturel en construction.D’autres entreprises possèdent des licences d’exploration ou une participation dans <strong>le</strong>sprincipa<strong>le</strong>s exploitations, <strong>com</strong>me Chevron-Texaco, Devon Energy, Vanco Energy, AtlasPetro<strong>le</strong>um International Ld. (Nigéria-États-Unis), Petronas (Malaisie), Sasol Petro<strong>le</strong>um(Afrique du Sud), PetroSA (Afrique du Sud), Roc Oil (Australie), G<strong>le</strong>ncore (Suisse) etRepsol (Espagne), qui a acheté en 2003 25% d’un bloc d’exploration en face du RíoMuni 108 . La construction et l’exploitation des infrastructures nécessaires pour l’exploitationpétrolière sont éga<strong>le</strong>ment entre <strong>le</strong>s mains de grandes <strong>com</strong>pagnies internationa<strong>le</strong>s<strong>com</strong>me Incat Petro<strong>le</strong>um Services - IPS (Grande Bretagne), chargée de la constructiondu port de Luba, ou Pils (Hollande), du port de Malabo. L’industrie du pétro<strong>le</strong>nécessite en outre l’intervention de nombreuses autres entreprises dans <strong>le</strong>s domainestechnologiques ou de consulting qui conseil<strong>le</strong>nt <strong>le</strong> gouvernement <strong>com</strong>me c’est <strong>le</strong> casde Exploration Consultant Group of Cías (ECL), Schlumberger-Western Geco, InseisTerra, Transocean ou Emerson Process Management. Il s’agit en général d’une industrieayant un niveau é<strong>le</strong>vé de sous-traitance en services et experts internationaux, il estdonc souvent diffici<strong>le</strong> de déterminer la responsabilité socia<strong>le</strong> des entreprises en ce quiconcerne <strong>le</strong>s relations de travail.Toute la production de pétro<strong>le</strong> et de gaz de la Guinée Équatoria<strong>le</strong> est exportée. Parcontre, <strong>le</strong>s dérivés du pétro<strong>le</strong> consommés sont importés. L’unique entreprise qui <strong>le</strong>s<strong>com</strong>mercialisait était une entreprise publique GETotal mais, suite à un processus deprivatisation partiel<strong>le</strong>, el<strong>le</strong> appartient maintenant à hauteur de 80% à TotalFinaElf.Depuis peu, Mobil a éga<strong>le</strong>ment équipé <strong>le</strong> pays de pompes à essence.Les contrats de l’État guinéen avec <strong>le</strong>s entreprises pétrolières sont depuis <strong>le</strong> début trèsavantageux pour ces dernières. Les accords régulateurs signés en 1998 ont augmentéla participation du gouvernement en passant de 13% à 20% des exportations. Pour108 REPSOL YPF, Note d’information Guinea Ecuatorial 2003 Exploración, 31/5/2004.63


autant, ce pourcentage continue à être bien inférieur à celui que reçoivent <strong>le</strong>s autrespays de la région, <strong>com</strong>me <strong>le</strong> Nigéria qui reçoit plus de 50%. Cependant, il faut rajouterà ces accords formels <strong>le</strong>s paiements secrets qu’effectuent <strong>le</strong>s entreprises directementaux autorités du régime guinéen encourageant ainsi une dynamique généra<strong>le</strong> decorruption et d’enrichissement de l’élite politique.En février 2001, l’entreprise publique GEPetrol est créée, avec pour objectif de représenter<strong>le</strong> gouvernement dans <strong>le</strong>s contrats de participation dans l’exploration et la productionpétrolière avec <strong>le</strong>s entreprises transnationa<strong>le</strong>s. De plus, el<strong>le</strong> participe à quelques jointventures avec des entreprises étrangères. Ce qui, dans une certaine mesure, doublonne<strong>le</strong>s fonctions des ministères et concentre <strong>le</strong>s décisions publiques concernant <strong>le</strong> pétro<strong>le</strong>entre <strong>le</strong>s mains des plus hauts responsab<strong>le</strong>s de l’État, qui ont un poste au sein du conseild’administration. Sans <strong>com</strong>pter que <strong>le</strong>urs <strong>com</strong>ptes recettes et dépenses ne sontaucunement contrôlés par <strong>le</strong> par<strong>le</strong>ment, s’affranchissant ainsi de donner aux citoyens <strong>le</strong>sinformations essentiel<strong>le</strong>s sur la production pétrolière. GEPetrol est propriété du gouvernementmais certains soupçonnent qu’el<strong>le</strong> ait été en partie privatisée en faveur de hautsresponsab<strong>le</strong>s du gouvernement. En janvier 2005, <strong>le</strong> gouvernement a annoncé la créationd’une autre <strong>com</strong>pagnie nationa<strong>le</strong>, SONGAZ, pour l’administration de la participation del’État dans l’extraction, <strong>le</strong> traitement et la distribution nationa<strong>le</strong> de gaz naturel.La <strong>com</strong>ptabilité et la gestion des ressources provenant du pétro<strong>le</strong> par l’État est très peutransparente et se caractérise par une corruption généralisée. La plus grande partiedes revenus qui correspondent à l’État ont été versés sur des <strong>com</strong>ptes bancaires à l’étranger,certains de ces <strong>com</strong>ptes étant au nom de responsab<strong>le</strong>s importants du gouvernement.Certains versements sont effectués en espèces <strong>com</strong>me, par exemp<strong>le</strong>, desvoyages et traitements médicaux du dictateur dans des cliniques privées américaines.De plus, <strong>le</strong>s entreprises pétrolières montent souvent des affaires avec des hauts responsab<strong>le</strong>sdu gouvernement, <strong>le</strong>urs famil<strong>le</strong>s ou des entités contrôlées par eux surtoutdans <strong>le</strong> domaine de la location ou de l’achat de terrains, <strong>le</strong> paiement de services desécurité, l’embauche de travail<strong>le</strong>urs (cf. par. 3.3), <strong>le</strong> paiement de missions diplomatiqueset l’ambassade du pays aux États-Unis, ou <strong>le</strong> paiement de bourses d’étude auxenfants de personnes au pouvoir en Guinée. Certaines <strong>com</strong>pagnies, <strong>com</strong>meExxonMobil et Marathon, ont participé à des affaires dans <strong>le</strong> domaine de la productionpétrolière conjointement avec des entreprises propriété personnel<strong>le</strong> partiel<strong>le</strong> ou tota<strong>le</strong>de dirigeants guinéens <strong>com</strong>me Abayac S.A., GEOCAM ou GEPetrol 109 .L’Encadré 7 donne la liste des dénonciations de corruption des entreprises pétrolièresen Guinée Équatoria<strong>le</strong> qui ont été faites récemment pas des organisations internationa<strong>le</strong>sen faveur d’une plus grande transparence internationa<strong>le</strong>. Ces dénonciations seheurtent au puissant lobby qui soutient <strong>le</strong> régime politique actuel en GuinéeEquatoria<strong>le</strong>, alimenté par <strong>le</strong>s entreprises pétrolières américaines auprès du gouvernementde la grande puissance mondia<strong>le</strong>. Le Président Obiang peut <strong>com</strong>pter sur <strong>le</strong>s conseilstechniques de consultants internationaux <strong>com</strong>me Bruce McColm de InternationalDecision Strategies en vue d’améliorer son image politique aux États-Unis. Ceci s’estvu renforcé par <strong>le</strong>s liens étroits entre l’Administration Bush et l’industrie pétrolière. La109 SÉNAT DES ÉTATS-UNIS, 2004.64


politique de Washington en Guinée est bien plus déterminée par <strong>le</strong>s intérêts liés aupétro<strong>le</strong> que par <strong>le</strong>s rapports de son Département d’État sur la situation grave des droitshumains dans <strong>le</strong> pays. Preuve en est la décision prise par <strong>le</strong>s États-Unis en 2002 derouvrir son ambassade à Malabo, fermée depuis 1995 110 .3.3. Le travail dans <strong>le</strong> secteur salariéEn Guinée Équatoria<strong>le</strong>, la part de la population travaillant en échange d’un salaireest relativement faib<strong>le</strong>. Pour la majorité des économies familia<strong>le</strong>s, <strong>le</strong> travailsalarié d’un ou plusieurs de ses membres ne constitue qu’une source supplémentairede revenus parmi d’autres. Le travail non salarié, que nous traiterons dans<strong>le</strong> chapitre suivant, est pour de nombreuses famil<strong>le</strong>s <strong>le</strong> principal moyen de gagner<strong>le</strong>ur vie. Pour autant, l’accès à l’économie monétaire, obtenu au moyen desalaires ou du <strong>com</strong>merce, est indispensab<strong>le</strong> pour pouvoir profiter de certains servicesde base <strong>com</strong>me l’éducation des enfants et même <strong>le</strong>s soins hospitaliers. Enoutre, <strong>le</strong> salaire public ou privé, de certains membres de la famil<strong>le</strong> constitue lafaçon principa<strong>le</strong>, quoique indirecte, à travers laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s richesses minéra<strong>le</strong>s dupays atteignent la population dans son ensemb<strong>le</strong>.Le travail salarié, qui concernait environ 30.000 personnes 111 se concentre surtoutdans la Fonction publique, dans <strong>le</strong>s entreprises privées et dans <strong>le</strong>s projets decoopération internationa<strong>le</strong>. Depuis quelque temps, avec la transformation socioéconomiquequ’a connue <strong>le</strong> pays suite à la découverte du pétro<strong>le</strong>, <strong>le</strong> travail salariéa augmenté dans <strong>le</strong>s secteurs de l’extraction et de la construction bien que <strong>le</strong>nombre de travail<strong>le</strong>urs nationaux employés dans <strong>le</strong>s entreprises pétrolières n’arrivemême pas à 7.000 (cf. ENCADRÉ 5). De son côté, <strong>le</strong> secteur public a vuaugmenter <strong>le</strong> nombre de fonctionnaires jusau’à 13.000. Quant à la coopérationinternationa<strong>le</strong>, son importance a diminué et donc <strong>le</strong> nombre de postes salariéséga<strong>le</strong>ment.Il n’existe pas, dans <strong>le</strong> pays, un secteur d’entreprises suffisamment large qui puissedonner lieu à une classe nombreuse de travail<strong>le</strong>urs salariés. Le caractère d’enclavede la production pétrolière n’a pas non plus engendré la création d’un grandnombre d’entreprises loca<strong>le</strong>s de services. Les principa<strong>le</strong>s entreprises, dans <strong>le</strong>ssecteurs clé <strong>com</strong>me l’immobilier, <strong>le</strong>s transports, <strong>le</strong>s télé<strong>com</strong>munications, l’hôtel<strong>le</strong>rieet ceux liés au pétro<strong>le</strong> se trouvent entre <strong>le</strong>s mains des personnes au pouvoirou de <strong>le</strong>urs famil<strong>le</strong>s, parfois avec la participation importante de partenaires étrangers.Parmi ces entreprises citons 112 .110 SILVERSTEIN, “The Crude...”, 2002; DARE, 2002; BEINART, 2004.111 CDH, 2002, citant <strong>le</strong> ministère du Travail. Le recensement de 2002, qui présente des problèmes <strong>com</strong>me ceux déjàcités, donne un chiffre de 56.285.112 Partie de cette information provient du rapport du Senat des ÉTATS-UNIS 2004.65


SEGESA y ENERGE, <strong>com</strong>pagnies de distribution d’é<strong>le</strong>ctricité;ABAYAC S.A., holding d’entreprises du Président Obiang;SONAVI, <strong>com</strong>pagnie privée de services de sécurité propriété de Armengol OndóNguema, frère du Président;GETESA, entreprise de télé<strong>com</strong>munications;Nusite<strong>le</strong>s G.E., <strong>com</strong>pagnie de télé<strong>com</strong>munications propriété du Président; duministre des Affaires Etrangères, Pastor Michá Ondo Bi<strong>le</strong>; de l’ancien directeur dela Sécurité nationa<strong>le</strong>, Armengol Ondó Nguema; du ministre de la Justice et de laReligion, Rubén Maye Nsue Mangué; de la corporation américaine InternationalDecision Strategies de Bruce McColm;GEPetrol y SONAGAS entreprises publiques intermédiaires entre <strong>le</strong> gouvernementet <strong>le</strong>s <strong>com</strong>pagnies pétrolières, semb<strong>le</strong>rait-il partiel<strong>le</strong>ment privatisées entre<strong>le</strong>s mains de hauts responsab<strong>le</strong>s du gouvernement;GEOGAM (Guinea Equatorial Oil and Gas Marketing Ltd.), dans <strong>le</strong> secteur du gaz,propriété à 25% du gouvernement et à 75% du président Obiang en personne;Grupo Sofana et Somagui Forestal, entreprises du secteur du bois, contrôléespar <strong>le</strong> fils du Président.En général, en Guinée Équatoria<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s initiatives entrepreneuria<strong>le</strong>s, nationa<strong>le</strong>s ouétrangères, se heurtent à de nombreuses entraves administratives et seu<strong>le</strong>s <strong>le</strong>spersonnes affiliées au parti au pouvoir ou bien ayant des liens personnels avec <strong>le</strong>gouvernement peuvent aspirer à en venir à bout et faire fructifier <strong>le</strong>urs affaires.POLITISATION DU MARCHÉ DU TRAVAILL’une des caractéristiques <strong>le</strong>s plus notab<strong>le</strong>s du marché du travail salarié est <strong>le</strong>clientélisme et la politisation 113 . L’obtention d’un emploi dans la Fonctionpubique dépend plus des relations personnel<strong>le</strong>s et familia<strong>le</strong>s que de la formationou des mérites. L’appartenance au parti du chef de l’État, <strong>le</strong> PDGE, estéga<strong>le</strong>ment une condition requise presque indispensab<strong>le</strong>. De même, <strong>le</strong>s principa<strong>le</strong>sentreprises du pays, du fait qu’el<strong>le</strong>s sont dirigées par l’élite au pouvoir,renforcent cette dynamique où <strong>le</strong>s personnes qui n’ont pas <strong>le</strong>s contacts ad hocse heurtent à de nombreuses difficultés pour obtenir un contrat.Cette situation se trouve aggravée pour <strong>le</strong>s personnes qui manifestent ouvertement<strong>le</strong>ur appartenance ou <strong>le</strong>urs sympathies envers <strong>le</strong>s partis d’opposition, <strong>le</strong>ursmembres et <strong>le</strong>urs famil<strong>le</strong>s. L’autorisation et la formation de partis politiques audébut des années quatre-vingt-dix ont provoqué, pour ceux qui ont participé à ceprocessus, la perte de <strong>le</strong>urs emplois 114 . D’autre part, <strong>le</strong> gouvernement a profité de113 CPDS, Ponencia Marco (Contribution principa<strong>le</strong>)..., 2005.114 Preuve de cette réalité se trouve dans <strong>le</strong> fait que dans l’évaluation du Pacte national de 2002 on a interdit “aux entreprisesd’exiger un document de militantisme dans aucun parti politique à l’heure d’offrir des postes de travail ”.66


l’accord d’ajustement structurel avec <strong>le</strong> FMI de 1993 et 1994 pour licencier denombreux fonctionnaires, jusqu’à 500, en majorité liés à l’opposition. Dans ce contexte,de nombreuses personnes ont trouvé dans la coopération internationa<strong>le</strong> undomaine moins politisé où <strong>le</strong>s critères de méritocratie avaient moins de poids àl’heure d’obtenir un contrat de travail. Néanmoins, <strong>le</strong> retrait en 1993-1994 d’unegrande partie de la coopération espagno<strong>le</strong>, qui avait employé jusqu’à 2.500 guinéensen tant que professeurs, personnel sanitaire, chauffeurs, mécaniciens, gardesou cuisiniers, a réduit drastiquement ce chiffre à 300.La difficulté à trouver un travail rémunéré constitue l’un des principaux instrumentspolitiques contre <strong>le</strong>s divergences et l’organisation politique de l’opposition.Le contrô<strong>le</strong> du travail exercé par <strong>le</strong> groupe au pouvoir implique une tentative dedépolitiser la vie socia<strong>le</strong>. Souvent, <strong>le</strong>s pressions s’exercent au sein même desfamil<strong>le</strong>s: <strong>le</strong>s militants de l’opposition doivent faire face aux contraintes et même àl’ostracisme des conjoints, parents ou frères et sœurs qui ont peur pour l’économieet la sécurité de la famil<strong>le</strong>. La concentration du pouvoir entre <strong>le</strong>s mains duPrésident Nguema et de sa famil<strong>le</strong> et la peur utilisée <strong>com</strong>me l’un de ses principauxinstruments politiques provoquent donc ce type de répercussions dans <strong>le</strong>monde du travail.Quand aux plateformes pétrolières, <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> de l’embauche se fait à travers desentreprises intermédiaires appartenant pour la plupart à des membres de la famil<strong>le</strong>du Chef de l’État. Parmi ces entreprises de sous-traitance des travail<strong>le</strong>urscitons: Amlocaser (de Armengol Ondo Nguema, frère du Président, général de l’arméeet Délégué national de la Sécurité), Nomex (de Gabriel Mbega Obiang Lima,fils du Président et Secrétaire d’État aux Mines et à l’Energie), MSS (de AntonioMba Nguema, frère du Président, Général de l’Armée et ministre de la Défense),Atsige (de Manuel Nguema Mba, onc<strong>le</strong> du Président, Général de l’Armée et ministrede la Sécurité), Apegesa (de Juan Oló Mba Nseng, beau-père du Président, exministre des Mines et des Hydrocarbures, Député, Doyen de l’Ordre des Avocats,Président du conseil d’administration de SEGESA et Commissaire de la Sécuritéprésidentiel<strong>le</strong> et Atanasio Elá Ntugu Nsa, actuel<strong>le</strong>ment ministre des Mines et del’Energie), BomDen, (Julián Ondó Nkumu, Colonel de l’Armée et Directeur généralde la Sécurité présidentiel<strong>le</strong> 115 ).CAPITAL HUMAINLa politisation du marché du travail a un effet négatif sur <strong>le</strong> capital humain, dont<strong>le</strong>s déficiences ne sont pas dues au manque de professionnels <strong>com</strong>pétentsmais aux difficultés structurel<strong>le</strong>s aux quel<strong>le</strong>s se heurtent <strong>le</strong>s personnes <strong>le</strong>smieux formées pour être embauchées, ce qui pousse nombre d’entre el<strong>le</strong>s à115 CPDS, Ponencia Marco..., 2005.67


émigrer 116 D’autre part, <strong>le</strong>s multinationa<strong>le</strong>s, pour la plupart du secteur pétrolier,ainsi que <strong>le</strong>s ONG, emploient surtout des techniciens étrangers pour <strong>le</strong>s tâches<strong>le</strong>s plus spécialisées. Par conséquent, il existe tout un secteur de professionnelsexpatriés n’ayant aucun lien avec <strong>le</strong> reste de la population, contrairementaux professionnels autochtones.Quant à la formation des travail<strong>le</strong>urs salariés en Guinée Équatoria<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s cadresuniversitaires moyens et supérieurs ont norma<strong>le</strong>ment fait <strong>le</strong>urs études dans desuniversités étrangères, surtout espagno<strong>le</strong>s, mais éga<strong>le</strong>ment de l’ancienneUnion Soviétique et Cuba, et chaque fois plus de pays occidentaux <strong>com</strong>me laFrance ou <strong>le</strong>s États-Unis. Depuis <strong>le</strong> début des années quatre-vingts, un grandnombre de techniciens et employés administratifs, <strong>com</strong>me <strong>le</strong>s infirmières, ontété formés dans des éco<strong>le</strong>s marocaines avec des bourses octroyées par <strong>le</strong>sdeux gouvernements. L’Éco<strong>le</strong> supérieure de Malabo était chargée de la formationdes instituteurs, convertie en Éco<strong>le</strong> de la Fonction publique, el<strong>le</strong> formeaussi <strong>le</strong>s fonctionnaires et employés administratifs du pays.Dans la vil<strong>le</strong> de Bata et depuis <strong>le</strong> régime de Macías, fonctionnait l’Eco<strong>le</strong> d’Agentsde maîtrise industriels, actuel<strong>le</strong>ment dénommée Institut Polytechnique ModestoGené, où sont formés <strong>le</strong>s ouvriers qualifiés et agents de maîtrise industriels dans<strong>le</strong>s spécialités suivantes: é<strong>le</strong>ctricité, mécanique, bois, santé et administration. Laformation des Auxiliaires techniques de la Santé se fait à Bata dans l’Éco<strong>le</strong> deSanté. Depuis <strong>le</strong> milieu des années quatre-vingts, fonctionnent à Malabo uneéco<strong>le</strong> de formation professionnel<strong>le</strong> pour divers métiers (employés administratifs,plombiers, maçons, é<strong>le</strong>ctriciens etc.) et une éco<strong>le</strong> de techniciens agrico<strong>le</strong>s.Le niveau de formation dispensé dans ces centres est très faib<strong>le</strong> du fait de l’état d’abandonet du manque de ressources humaines et matériel<strong>le</strong>s. Les élèves qui en sortenttrouvent diffici<strong>le</strong>ment du travail dans <strong>le</strong>s entreprises du pays s’ils ne sont pas formésavant par <strong>le</strong>s entrepreneurs eux-mêmes. Pour ces profesions, ceux qui s’ensortent <strong>le</strong> mieux proviennent en général de l’exil et ont appris <strong>le</strong>ur métier dans <strong>le</strong>spays voisins <strong>com</strong>me <strong>le</strong> Gabon, Cameroun et <strong>le</strong> Nigéria, ou même l’Espagne.Depuis la création de l’Université nationa<strong>le</strong> de Guinée Équatoria<strong>le</strong> en 1995, plusieurscentres d’éducation cités plus haut ont été convertis en éco<strong>le</strong>s universitaires: desanté, fonction publique, instituteurs, techniciens supérieurs agrico<strong>le</strong>s et forestiers,etc., sans aucun changement significatif ni dans <strong>le</strong> professorat ni dans <strong>le</strong>s programmes.Ce qui pourrait expliquer que ce soit <strong>le</strong>s immigrés des pays voisins (Cameroun,Nigéria, Mali...) qui accaparent <strong>le</strong> marché des petits ateliers dans <strong>le</strong> secteur de lamécanique, é<strong>le</strong>ctricité, menuiserie, é<strong>le</strong>ctronique, froid, etc., et que ce soit <strong>le</strong>s entreprisesqui doivent s’occuper de la formation du personnel qu’el<strong>le</strong>s embauchent.Les tâches effectuées par <strong>le</strong>s Guinéens sur <strong>le</strong>s plateformes maritimes d’extractiondu pétro<strong>le</strong> sont surtout <strong>le</strong>s tâches <strong>le</strong>s moins qualifiées qui n’exigent aucu-116 ABAGA, 1997 (pp.162-3).68


ne formation préalab<strong>le</strong>: formation qui, norma<strong>le</strong>ment, est à la charge de l’entreprise.Les postes de travail se distribuent entre ceux qui s’occupent des servicesau personnel embarqué -cuisiniers, aides cuisiniers, entretien et nettoyage- et ceux qui se consacrent à l’exploration et à l’extraction du pétro<strong>le</strong> brut quivont depuis <strong>le</strong>s manœuvres jusqu’aux assistants d’ingénieur 117 . Sur <strong>le</strong>s plateformes,on trouve des ouvriers de diverses nationalités en provenance desPhilippines, du Pakistan, de Malaisie, du Cameroun, du Ghana ou du Nigéria.Certains occupent des postes de cadres moyens avec de bons salaires maissans payer de cotisation à la sécurité socia<strong>le</strong> ni d’impôts en Guinée Équatoria<strong>le</strong>.D’autre part, <strong>le</strong>s ingénieurs guinéens travail<strong>le</strong>nt pour <strong>le</strong> gouvernement dansdes tâches d’inspection et de contrô<strong>le</strong> de l’activité pétrolière.ÉMIGRATION ET IMMIGRATION DES TRAVAILLEURSL’émigration est un phénomène qui affecte non seu<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s personnes <strong>le</strong>smieux formées, <strong>com</strong>me nous l’avons déjà signalé, mais éga<strong>le</strong>ment toutes <strong>le</strong>scouches socia<strong>le</strong>s. Les destinations traditionnel<strong>le</strong>s ont été <strong>le</strong>s pays voisins,Cameroun et Gabon, ainsi que l’ancienne métropo<strong>le</strong> en Europe, même si actuel<strong>le</strong>mentseu<strong>le</strong> l’Espagne accueil<strong>le</strong> encore un nombre important de travail<strong>le</strong>ursguinéens (environ 50.000). Pour nombre d’entre eux, il s’agit d’une émigrationsaisonnière ou de courte durée, en particulier lorsque l’émigration se fait dans<strong>le</strong>s pays de la région. L’envoi de fonds au pays par <strong>le</strong>s émigrés constitue unapport important pour <strong>le</strong>s économies familia<strong>le</strong>s mais on n’en connaît pas exactement<strong>le</strong> volume.Notons cependant que, dernièrement, la Guinée Équatoria<strong>le</strong> est devenue un paysrécepteur de travail<strong>le</strong>urs. Les jeunes guinéens émigrent maintenant des zonesrura<strong>le</strong>s vers <strong>le</strong>s principa<strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s avant de partir pour <strong>le</strong>s pays voisins à la recherched’un travail dans <strong>le</strong> secteur pétrolier. En outre, l’industrie de l’extractionpétrolière attire des immigrés de pays de toute la région. Sur <strong>le</strong>s plateformes offshore,en plus des guinéens on trouve des travail<strong>le</strong>urs en provenance des États-Unis, des Philippines, du Pakistan, de Malaisie, du Cameroun, du Ghana, duNigéria, etc. Les travail<strong>le</strong>urs asiatiques sont transférés directement de <strong>le</strong>urs paysd’origine et mettent rarement <strong>le</strong>s pieds sur <strong>le</strong> continent africain.Tous <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs immigrés, locaux et étrangers, ne trouvent pas de travailsur <strong>le</strong>s plateformes. Il se crée donc une masse de jeunes dans <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s quicherchent à se faire embaucher dans la construction ou dans des entreprises117 Dans l’industrie du pétro<strong>le</strong>, ces activités sont classées de façon très précise et <strong>le</strong>s plus courantes pour <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>ursguinéens sont cel<strong>le</strong>s de roustabout, floorhands et derrickhand. Selon la définition de la page officiel<strong>le</strong> dugouvernement canadien, un roustabout est un manœuvre qui déplace <strong>le</strong>s appareils, guide <strong>le</strong>s grues et maintientpropres <strong>le</strong>s tuyauteries et <strong>le</strong> pont; un floorhand travail<strong>le</strong> sur <strong>le</strong>s outils de perforation, aide à brancher et débrancher<strong>le</strong>s tuyaux et se charge de l’entretien général de la plateforme et un derrickhand travail<strong>le</strong> sur <strong>le</strong>s appareilsde la perforation et est responsab<strong>le</strong> du déplacement et du stockage des tuyaux ainsi que de l’entretien du systèmede perforation. Cf. http://www.gov.ns.ca/energy et http://www.whatoiljobs.<strong>com</strong>.69


<strong>com</strong>me la SONAVI, entreprise qui monopolise <strong>le</strong>s services de sécurité et degardiennage, propriété du frère du Président. De nombreux Camerounais etNigérians se consacrent au <strong>com</strong>merce dans <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s. Les jeunes chômeurssont toujours disponib<strong>le</strong>s pour des activités moins rég<strong>le</strong>mentées -<strong>com</strong>me <strong>le</strong>chargement et <strong>le</strong> déchargement des camions, payé à l’heure-, ou même illicites,<strong>com</strong>me la prostitution.Les travail<strong>le</strong>urs immigrés originaires des pays voisins, fondamenta<strong>le</strong>ment duCameroun et du Nigéria, connaissent une situation grave d’exclusion et d’insécuritéjuridique. Cette population est souvent soumise à des extorsions et auharcè<strong>le</strong>ment des membres de la sécurité. En outre, <strong>le</strong> gouvernement pratiquerégulièrement des détentions et des expulsions massives de camerounais,presque toujours de façon inopinée et sans préavis 118 .CONTRATS DE TRAVAILEn Guinée Équatoria<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s contrats de travail se font, en général, verba<strong>le</strong>mentet ne sont pas inscrits dans un document. Il n’y a que dans <strong>le</strong> secteur pétrolierque <strong>le</strong>s contrats sont faits par écrit: <strong>com</strong>me nous l’avons déjà signalé plus haut,<strong>le</strong> travail dans l’industrie de l’extraction pétrolière s’inscrit dans un système desous-traitance. Le contrat de travail est donc signé entre <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs et l’agenceintermédiaire de placement. Dans <strong>le</strong> cas d’un emploi sur <strong>le</strong>s plateformesmaritimes, la durée du contrat de travail est de 28 jours, après quoi <strong>le</strong> travail<strong>le</strong>urdoit revenir à terre et son contrat peut être renouvelé mais après un tempsde repos de 28 jours.Les travail<strong>le</strong>urs de la Fonction publique peuvent être fonctionnaires ou avoir uncontrat à durée déterminée. Les fonctionnaires sont nommés à vie par <strong>le</strong>gouvernement, sans que soient spécifiées <strong>le</strong>s conditions de travail. Il est courantque <strong>le</strong>s aspirants à un emploi dans la Fonction publique soient obligés detravail<strong>le</strong>r pendant plus d’un an, parfois même jusqu’à trois ans, <strong>com</strong>me stagiairesans percevoir aucun salaire. La fin de la relation professionnel<strong>le</strong> se fait parrévocation, justifiée norma<strong>le</strong>ment par la phrase “dans l’intérêt de l’améliorationdu service”. Le personnel licencié de la Fonction publique ne dispose d’aucunrecours, seu<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s personnes ayant un parent ou un ami puissant peuvent prétendreretrouver un poste dans <strong>le</strong> secteur public.De même, l’obtention d’un poste dans l’Administration ou dans <strong>le</strong>s grandesentreprises se doit plus à des relations personnel<strong>le</strong>s qu’à des critères de formationou de qualité, <strong>com</strong>me nous l’avons déjà signalé, même si parfois il existeun semblant de sé<strong>le</strong>ction avec un examen sans garantie d’objectivité ni detransparence. Le ministère de la Fonction publique et de la Réforme adminis-118 ASODEGUE, Bul<strong>le</strong>tin d’information du 12/3/2004 et du 7/10/2005 dans www.asodegue.org.70


trative a annulé en 1999 deux concours successifs pour couvrir des places defonctionnaires, alléguant qu’une partie des candidats sé<strong>le</strong>ctionnés ne s’étaientpas présentés à l’examen. Le ministre en question fut déchu de son poste peude mois après et la pratique fraudu<strong>le</strong>use n’a guère cessé depuis.Il existe même des cas, dans l’industrie pétrolière, où il est nécessaire “d’acheter”<strong>le</strong> poste de travail en payant de 100.000 à 300.000 FCFA l’agence intermédiairede placement. Certaines <strong>com</strong>pagnies pétrolières ont essayé d’embaucher enmarge des intérêts des hommes au pouvoir et certains travail<strong>le</strong>urs ont pu êtreembauchés directement. Pour autant, l’embauche continue à se pratiquer la plupartdu temps par <strong>le</strong> biais de ces agences de placement 119 , ce qui pour beaucoupde dirigeants est perçu <strong>com</strong>me positif car c’est un moyen de s’assurer un plusgrand contrô<strong>le</strong> sur <strong>le</strong> travail<strong>le</strong>ur 120 .En général, la durée des contrats n’est pas très longue et <strong>le</strong> marché du travailconnaît une instabilité structurel<strong>le</strong>. Les travail<strong>le</strong>urs guinéens ont tendance àchanger très souvent d’emploi. Le taux de chômage dans ce secteur de l’économieest souvent très é<strong>le</strong>vé.SALAIRESLes salaires moyens des Guinéens sont très bas par rapport au coût des produitsde base même s’il existe de grandes différences entre l’industrie dupétro<strong>le</strong> et <strong>le</strong>s autres secteurs 121 . En dehors du secteur pétrolier, <strong>le</strong> salairemoyen, tant dans l’Administration que dans <strong>le</strong> secteur privé va de 30.000 à50.000 FCFA. Il en est de même dans la coopération internationa<strong>le</strong>, ce quiengendre une grande différence entre <strong>le</strong>s Guinéens et <strong>le</strong>s expatriés quitravail<strong>le</strong>nt un même projet 122 . Ces salaires sont insuffisants pour couvrir <strong>le</strong>sbesoins personnels et familiaux, ce qui oblige <strong>le</strong>s salariés à travail<strong>le</strong>r éga<strong>le</strong>mentdans l’économie non salariée (agriculture, auto-emploi) que nous allons traiterdans <strong>le</strong> chapitre suivant. Le faib<strong>le</strong> niveau des salaires favorise en outre d’autresphénomènes <strong>com</strong>me la petite corruption, l’extorsion aux usagers des servicespublics, etc. Tout ceci peut mener par la suite à l’échec de nombreusesentreprises.119 USA, 2002 à 2004, signalant des représentants de l’OIT.120 FRYNAS, 2004 (p. 541).121 CDH, 1997.122 Selon une plainte déposée par <strong>le</strong>s professeurs des éco<strong>le</strong>s privées financées par des fonds de la coopérationespagno<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s salaires étaient, en 1999, de 1.200-1.500 FCFA/heure pour <strong>le</strong> licenciés, 708 FCFA/heures pour <strong>le</strong>stitulaires et 666 FCFA/heure pour <strong>le</strong>s diplômés, par rapport aux 1.800 € par mois que touchaient <strong>le</strong>s professeursespagnols dans <strong>le</strong>s mêmes centres. “Manifeste du Comité de Représentation des Instituteurs et Professeurs dela ACCEGE”, 11/3/1999, http://www.afrol.<strong>com</strong>/es/Paises/Guinea_Ecuatorial/documentos/accegue_11.03.00.htmhttp://www.ccoo.es/guinea.ec_democratica/sindicalismo.htm.71


De <strong>le</strong>ur côté, <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs du secteur pétrolier constituent un groupe privilégiédans l’ensemb<strong>le</strong> de la société guinéenne. Le salaire moyen mensuel varieentre 200.000 et 400.000 FCFA (environ 300-500 $ US). Cependant, <strong>le</strong>s <strong>com</strong>pagniespétrolières affirment payer beaucoup plus aux agences de placementintermédiaires (de 1.200 $ à 2.500 $), et la différence va semb<strong>le</strong>-t-il dans lapoche des propriétaires de ces agences. De même, <strong>le</strong>s multinationa<strong>le</strong>s disentpayer des assurances, indemnisations et heures supplémentaires que <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urstouchent à peine.En 1999, <strong>le</strong> gouvernement a voté une loi qui fixe un salaire minimum. En 2000,ce salaire minimum était de 27.000 FCFA, ne permettant pas d’avoir un niveaude vie décent; norma<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s employeurs payaient plus et <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs dupétro<strong>le</strong> recevaient jusqu’à dix fois plus 123 . En 2003, <strong>le</strong> salaire minimum estpassé à 77.000 FCFA, et une distinction a été faite léga<strong>le</strong>ment entre <strong>le</strong> salaireminimum ordinaire et celui touché dans <strong>le</strong> secteur privé et pétrolier. Le gouvernementa introduit une structure des deux tiers en créant un système séparédes salaires pour <strong>le</strong> secteur privé au sein et en dehors du secteur pétrolier.Dans chaque groupe a été créé un système de classement selon divers critères<strong>com</strong>me <strong>le</strong> niveau de formation, <strong>le</strong>s capacités, l’expérience, etc. 124 Pourautant, l’augmentation des salaires n’a pas eu lieu dans la Fonction publique,donc il reste insuffisant pour couvrir <strong>le</strong>s besoins personnels et familiaux des travail<strong>le</strong>urs.AUTRES CONDITIONS DE TRAVAILLa journée de travail dans l’économie formel<strong>le</strong> est de 35 à 40 heures parsemaine. Dans l’Administration, l’horaire de travail va de 8H00 à 16H30, dulundi au vendredi et, dans l’entreprise privée, bien que la loi fixe la durée maximumà 8 heures par jour, il n’est pas rare qu’el<strong>le</strong> soit de plus de 10 heures. I<strong>le</strong>xiste un abus généralisé des heures supplémentaires, dont <strong>le</strong> nombre va bienau-delà de ce qui est stipulé par la loi et qui ne sont pas payées en tant quetel<strong>le</strong>s. Dans <strong>le</strong> secteur du pétro<strong>le</strong>, la journée est de 12 heures par jour, de 8h00à 20h00, du lundi au dimanche. Cet horaire intensif est <strong>com</strong>pensé par <strong>le</strong>s 28jours de repos pour chaque période de 28 jours travaillés <strong>com</strong>me nous l’avonsdéjà signalé plus haut.En Guinée, il n’y a aucun système d’assurances pour <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs. L’Institut dela Sécurité Socia<strong>le</strong> (INSESO) touche des cotisations de la part de certains employeurs,y <strong>com</strong>pris des entreprises pétrolières, pour <strong>le</strong>urs salariés. En outre, lalégislation a mis en place un système de protection assez large concernant <strong>le</strong>s123 DPT. D’ETAT, 1999 a 2001.124 DPT. D’ETAT, 200372


isques professionnels (cf. Encadré 3) 125 . Pour autant, dans la pratique, lacorruption régnant au sein de l’INSESO fait que la plupart des travail<strong>le</strong>urs ne touchentpas l’assurance chômage, ni <strong>le</strong>s indemnités pour accident du travail ou <strong>le</strong>congé de maternité, ni de pensions de retraite. Les travail<strong>le</strong>urs victimes d’accidentsdu travail doivent payer <strong>le</strong>s frais d’hospitalisation y <strong>com</strong>pris <strong>le</strong> matériel sanitaire.Quant à la retraite, <strong>le</strong>s personnes doivent chercher un moyen de subsistance,au-delà de l’âge fixé pour la fin d’un travail salarié, dans l’économie non salariée.Ce sont donc <strong>le</strong>s famil<strong>le</strong>s qui doivent subvenir aux besoins des personnesâgées lorsque ces dernières n’ont plus la force de travail<strong>le</strong>r dans <strong>le</strong>s tâchesagrico<strong>le</strong>s. Seuls, <strong>le</strong>s anciens salariés de l’administration colonia<strong>le</strong> qui justifient15 ans ou plus de service, ont droit à une pension espagno<strong>le</strong> 126 . Cependant,ceux qui pourraient profiter de ce droit ne <strong>le</strong> font pas tous par manque d’informationou d’aide du gouvernement guinéen pour effectuer <strong>le</strong>s démarchesnécessaires.CONFLITS SOCIAUXEn Guinée Équatoria<strong>le</strong>, il n’existe pas de voies formel<strong>le</strong>s et réel<strong>le</strong>s de résolutiondes conflits sociaux. Il n’y a pas non plus de négociation col<strong>le</strong>ctive institutionnalisée(cf. Encadré 4). L’inexistence d’organisations de travail<strong>le</strong>urs et desalariés, que nous allons traiter dans <strong>le</strong> prochain chapitre, rend pratiquementimpossib<strong>le</strong> la mise en œuvre de la négociation col<strong>le</strong>ctive rég<strong>le</strong>mentée par la loisur <strong>le</strong>s Syndicats. D’autre part, la même loi contemp<strong>le</strong> la création d’uneCommission consultative tripartite pouvant faciliter un dialogue permanent àniveau national entre gouvernement- travail<strong>le</strong>urs- employeurs mais qui n’ajamais vu <strong>le</strong> jour.De même la grève, <strong>com</strong>me droit fondamental repris dans <strong>le</strong>s conventions internationa<strong>le</strong>set la législation guinéenne, ne constitue pas une voie possib<strong>le</strong> deréclamation pour <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs guinéens, étant donné <strong>le</strong> risque de persécutionpolicière qu’el<strong>le</strong> implique. De plus, il existe d’importants obstac<strong>le</strong>s légaux,<strong>com</strong>me <strong>le</strong> fait stipulé dans la loi sur <strong>le</strong>s Syndicats d’épuiser l’une des procéduresde solution des conflits et que la décision soit adoptée par la majorité del’assemblée des salariés de l’entreprise. Encore une fois, l’absence d’associationssyndica<strong>le</strong>s et <strong>le</strong> fait que <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs des grandes entreprises soientobligés de militer dans l’organisation de travail<strong>le</strong>urs du PDGE, rend presqueimpossib<strong>le</strong> <strong>le</strong> respect de ces conditions requises.125 Bien qu’en augmentation, il n’y pas suffisamment d’inspecteurs pour superviser <strong>le</strong>s conditions de travail dans <strong>le</strong>sentreprises. DPT. D’ETAT, 2004.126 CONSEIL D’ÉTAT d’Espagne, Avis du 20/5/1999.73


Les mécanismes de solution de conflits envisagés par la loi sur <strong>le</strong>s Syndicatssont la conciliation directe, la médiation et l’arbitrage. Pour autant, <strong>le</strong>s dynamiquespolitiques décrites plus haut ne favorisent pas la solution négociée desconflits qui sont canalisés par des voies informel<strong>le</strong>s de caractère personnalisteet hiérarchisé. Ce qui explique pourquoi la Commission de Conciliation etd’Arbitrage n’ait pas été instituée.En ce qui concerne <strong>le</strong>s voies judiciaires, dans la pratique, il est pour ainsi direimpossib<strong>le</strong> qu’un travail<strong>le</strong>ur, qui estime que ses droits aient été violés, puisseobtenir une résolution favorab<strong>le</strong>. D’une part, parce qu’il dispose de peu de ressourcespour se faire défendre par un juriste et du fait de la <strong>le</strong>nteur de la procédureadministrative, la connivence des autorités, aussi bien administrativesque judiciaires, avec <strong>le</strong>s principaux employeurs. La seu<strong>le</strong> procédure judiciairefigurant dans la LOGT concerne la réclamation en cas de licenciement dontnous avons déjà parlé (cf. Encadré 4). Cette procédure est longue et coûteuse.Du fait de sa longueur et des obstac<strong>le</strong>s politiques, el<strong>le</strong> n’est pas à la portée dela plus grande partie des travail<strong>le</strong>urs qui, norma<strong>le</strong>ment, abandonnent dans lapremière instance devant <strong>le</strong> Délégué du Travail, où il arrive d’avoir à attendreplus de trois mois pour qu’il émette une résolution qui, <strong>le</strong> plus souvent, est favorab<strong>le</strong>aux employeurs, ces derniers étant <strong>le</strong>s mêmes hommes forts du pouvoirainsi que <strong>le</strong>urs partenaires étrangers.En résumé, la capacité des travail<strong>le</strong>urs pour réclamer <strong>le</strong>urs droits est affectéepar la situation généra<strong>le</strong> du pays et <strong>le</strong> manque d’indépendance du Pouvoir judiciaire.Les membres du gouvernement exercent un contrô<strong>le</strong> considérab<strong>le</strong> sur<strong>le</strong>s juges qui sont incapab<strong>le</strong>s de garantir <strong>le</strong> droit à un jugement juste et d’agiren toute indépendance 127 . Les Conseils des Prud’hommes prévus dans la loiorganique du Pouvoir judiciaire de 1984, n’ont jamais fonctionné et ont été suppriméspar la réforme législative de 1999. Depuis, <strong>le</strong> ministère du Travail et dela Promotion socia<strong>le</strong> a substitué formel<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s juges <strong>com</strong>me instance derésolution des conflits sociaux. Il n’est donc pas diffici<strong>le</strong> de <strong>com</strong>prendre que,étant donné <strong>le</strong>s liens étroits entre <strong>le</strong>s hommes au pouvoir et <strong>le</strong> secteur de l’entreprise,<strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs sans relations directes avec <strong>le</strong>s responsab<strong>le</strong>sgouvernementaux se heurtent à d’énormes difficultés pour obtenir une résolutionfavorab<strong>le</strong> face à <strong>le</strong>urs employeurs.A cause du climat général de peur qui règne dans <strong>le</strong> pays, peu de travail<strong>le</strong>ursosent réclamer <strong>le</strong>urs droits, de façon individuel<strong>le</strong> ou col<strong>le</strong>ctive. Les travail<strong>le</strong>ursn’ont pas confiance dans <strong>le</strong>urs institutions pour résoudre <strong>le</strong>urs réclamations. Et,s’ils déposent une plainte, ils sont souvent considérés <strong>com</strong>me ayant des positionspolitiques opposées au gouvernement.127 INTERNATIONAL BAR ASSOCIATION (IBA), Guinée Équatoria<strong>le</strong> à un moment décisif, Rapport d’une mission en GuinéeÉquatoria<strong>le</strong> effectuée par l’Institut des Droits de l’Homme de l’IBA, octobre 2003.74


3.4. Secteur non salarié et travail des femmesEn Guinée Équatoria<strong>le</strong>, une grande partie de l’économie et du travail ne reposepas sur des relations de travail salariées. Certains experts définissent cesecteur <strong>com</strong>me informel, mais nous préférons l’appe<strong>le</strong>r non salarié. Commedans la plupart des pays africains, il ne s’agit pas d’un domaine en marge niclairement différencié de l’activité salariée: <strong>le</strong>s économies familia<strong>le</strong>s sont presquetoujours fondées sur une <strong>com</strong>binaison de ces deux types de travail. Nousavons déjà expliqué <strong>com</strong>ment <strong>le</strong>s personnes passent de l’un à l’autre pendanttoute <strong>le</strong>ur vie de travail.Les principa<strong>le</strong>s activités menées pour son propre <strong>com</strong>pte dans <strong>le</strong> domaine desrelations familia<strong>le</strong>s se trouvent dans <strong>le</strong>s secteurs agrico<strong>le</strong>s, domestiques et dupetit <strong>com</strong>merce. La population économiquement active dans ces secteurs estestimée à environ 250.000 personnes 128 . Il s’agit de secteurs essentiel<strong>le</strong>mentoccupés par <strong>le</strong>s femmes. Il est important de signa<strong>le</strong>r éga<strong>le</strong>ment la participationponctuel<strong>le</strong> du travail des enfants venant en aide à celui des adultes <strong>com</strong>me <strong>le</strong>défrichage des terres, <strong>le</strong>s semail<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s récoltes ou la vente ambulante deproduits agrico<strong>le</strong>s ou plats préparés maison.Dans l’agriculture, <strong>le</strong> travail consiste essentiel<strong>le</strong>ment à produire des alimentspour la consommation familia<strong>le</strong> et il n’y a que <strong>le</strong>s excédents de cette productionde subsistance qui sont vendus sur <strong>le</strong>s marchés locaux. Il existe une divisionnette du travail dans l’activité agroalimentaire: ce sont surtout <strong>le</strong>s femmes quisont chargées de la culture, de la préparation des aliments et, éventuel<strong>le</strong>ment,de la <strong>com</strong>mercialisation. Les hommes sont <strong>le</strong>s responsab<strong>le</strong>s de la préparationdes terres au début de chacune des deux campagnes annuel<strong>le</strong>s de semail<strong>le</strong>s(juin- juil<strong>le</strong>t et décembre- janvier), ainsi que de la chasse et de la pêche à petiteéchel<strong>le</strong>. Les femmes n’ayant pas d’hommes dans <strong>le</strong>ur famil<strong>le</strong> pour <strong>le</strong> défrichagepeuvent payer quelqu’un pour <strong>le</strong> faire créant ainsi des relations salaria<strong>le</strong>stemporaires dans <strong>le</strong> domaine agrico<strong>le</strong>.La journée de travail pour ces femmes qui cultivent la terre est longue et sanshoraires concrets. Dès l’aube, vers 6-7 heures du matin, el<strong>le</strong>s se mettent enroute vers <strong>le</strong>s champs qui peuvent se trouver à plusieurs kilomètres de <strong>le</strong>urlogement. El<strong>le</strong>s y restent toute la journée et reprennent <strong>le</strong> chemin du retour vers17-18 heures, el<strong>le</strong>s s’occupent alors de préparer <strong>le</strong> repas principal de la journéepour la famil<strong>le</strong> et du reste des tâches domestiques. Malgré la charge de travailque tout cela suppose, <strong>le</strong>s activités agrico<strong>le</strong>s et domestiques des femmessont classées dans la catégorie d’origine colonia<strong>le</strong> “sus labores” (femme au128 Le Recensement de 2002 donne un chiffre de 351.695 personnes tandis que <strong>le</strong> rapport de la CDH des Nationsunies de 2002 donne celui de 150.000.75


foyer). Les principaux problèmes auxquels se heurtent <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs agrico<strong>le</strong>ssont la difficulté d’obtenir un crédit de la part des petits producteurs ainsi qu’unréseau de transports déficient.L’ancienne production <strong>com</strong>mercia<strong>le</strong> de cacao, qui fut la principa<strong>le</strong> productioncolonia<strong>le</strong>, est aujourd’hui une activité très margina<strong>le</strong> qui se trouve surtout dansl’î<strong>le</strong> de Bioko. Les variations des prix internationaux et <strong>le</strong>s mesures gouvernementa<strong>le</strong>s(mises en place après l’indépendance avec la redistribution des terresaux nouveaux membres du gouvernement et l’expulsion des travail<strong>le</strong>urs immigrés)ont provoqué l’écrou<strong>le</strong>ment du secteur (cf. par. 2.4). De nos jours, la culturedu cacao occupe environ 5.000 agriculteurs. La Commission européenneet la Coopération espagno<strong>le</strong> ont lancé en 1993 un programme de réactivationdu secteur du cacao basé, entre autre, sur la régénération des cultures 129 .Le cacao est produit par de petits paysans, surtout des hommes, qui cultiventen moyenne de 2 à 3 hectares 130 . La propriété de la terre est concentrée entre<strong>le</strong>s mains de quelques membres du gouvernement ou ayant de bonnes relationsavec ces derniers; <strong>le</strong> principal propriétaire, et éga<strong>le</strong>ment exportateur, estl’entreprise espagno<strong>le</strong> Casa Mallo S.A. L’agriculteur vend sa production au propriétaireà la fin de la récolte à un prix fixé à l’avance par <strong>le</strong> gouvernement (d’oùon lui déduit <strong>le</strong>s avances réalisées en espèces). Tous <strong>le</strong>s frais sont éga<strong>le</strong>mentà sa charge. Il n’y a pas de contrat écrit officiel entre <strong>le</strong>s paysans et <strong>le</strong>s propriétairesde la terre mais un accord de caractère clientéliste et fortement hiérarchisé.Ce secteur crée aussi quelques postes de travail salarié, dans <strong>le</strong>s hangarsde séchage, <strong>le</strong>s pépinières ou <strong>le</strong>s activités de plantation où la plupart des travail<strong>le</strong>urs(à la tâche), dans <strong>le</strong> cas présent surtout des femmes, travail<strong>le</strong>nt defaçon saisonnière en échange d’un salaire journalier 131 .La pêche artisana<strong>le</strong> à Malabo et sur <strong>le</strong>s rives du Río Muni est surtout pratiquéepar <strong>le</strong>s hommes, propriétaires ou locataires des zones de pêche qu’ils utilisent.La <strong>com</strong>mercialisation des produits de base, provenant des excédents de l’agricultureet de la pêche de subsistance, est une tâche qui in<strong>com</strong>be aux femmes.Ce sont <strong>le</strong>s paysannes el<strong>le</strong>s-mêmes qui en général vont vendre <strong>le</strong>ur productionsur <strong>le</strong>s marchés <strong>le</strong>s plus proches. Pour autant, il existe une spécialisation decertaines femmes qui parcourent <strong>le</strong>s villages à la recherche de produits excédentaires.Norma<strong>le</strong>ment, ce sont éga<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s femmes qui sèchent et fument129 OCDE, 2002.130 “De cette population, une partie est rura<strong>le</strong> et vit dans <strong>le</strong>s villages ou dans <strong>le</strong>s cours des propriétés agrico<strong>le</strong>s(ensemb<strong>le</strong> de logements avec différents niveaux de confort), et se consacre au secteur du cacao. D’autres viventen vil<strong>le</strong> et travail<strong>le</strong>nt <strong>le</strong>urs parcel<strong>le</strong>s à temps partiel. Un nombre non défini d’hommes et de femmes travail<strong>le</strong>nt defaçon saisonnière pour des tâches peu qualifiées ”, BUREAU DE PLANIFICATION ET D’ÉVALUATION, Rapport: Le secteurdu cacao en Guinée Équatoria<strong>le</strong>, SECIPI, ministère des Affaires étrangères (Espagne), 1997.131 OPE, 1998 (p. 12).76


<strong>le</strong> poisson qu’el<strong>le</strong>s vendront par la suite. Ces <strong>com</strong>merçantes connues sous <strong>le</strong>nom populaire de “bayamselam” (de l’anglais-pinyin buying and selling), sontcel<strong>le</strong>s qui approvisionnent <strong>le</strong>s zones rura<strong>le</strong>s en produits de base, <strong>com</strong>me <strong>le</strong>pétro<strong>le</strong>, <strong>le</strong> sel, <strong>le</strong> savon ou <strong>le</strong> riz. L’une des principa<strong>le</strong>s difficultés auxquel<strong>le</strong>sel<strong>le</strong>s se heurtent est due à la déficience des infrastructures de <strong>com</strong>municationdans tout <strong>le</strong> pays; situation aggravée par l’existence de nombreux barragesmilitaires établis par <strong>le</strong> gouvernement pour essayer de contrô<strong>le</strong>r et de gêner lamobilité de la population à l’intérieur du pays. Sans <strong>com</strong>pter que cette populationest soumise en permanence au racket de la part des forces de sécurité.Le petit <strong>com</strong>merce n’est pas limité aux produits agroalimentaires produits ouachetés loca<strong>le</strong>ment. Il existe un <strong>com</strong>merce plus important avec <strong>le</strong>s pays voisins-Cameroun, Bénin, Gabon ou Nigéria-, éga<strong>le</strong>ment réalisé par <strong>le</strong>s femmes qui yachètent des tissus, des vêtements et des aliments. Dans <strong>le</strong>s centres urbains,la vente se fait sur <strong>le</strong>s marchés mais éga<strong>le</strong>ment chez <strong>le</strong>s particuliers afin d’éviterd’avoir à payer des taxes pour <strong>le</strong>s locaux <strong>com</strong>merciaux. Il n’y a pas d’horairesspécifiques pour <strong>le</strong>s marchés, qui ouvrent à l’aurore et ferment à la tombéede la nuit. Beaucoup de femmes n’ayant pas de famil<strong>le</strong> en vil<strong>le</strong>, dorment surplace jusqu’à l’épuisement total de <strong>le</strong>urs marchandises. Dans ce secteur, il y aaussi beaucoup d’immigrés en provenance du Cameroun, du Bénin, du Togo oudu Sénégal qui contrô<strong>le</strong>nt une partie du petit <strong>com</strong>merce à Malabo et à Bata 132 .En plus de la vente, il existe de nombreuses autres activités économiques dans<strong>le</strong> secteur des services qui s’exercent sous la forme de micro-entreprises,<strong>com</strong>me <strong>le</strong>s cantines, <strong>le</strong>s taxis, <strong>le</strong>s maçons, é<strong>le</strong>ctriciens, professeurs particuliers,etc. Le travail relève norma<strong>le</strong>ment de l’auto-emploi et ne suit pas <strong>le</strong>srèg<strong>le</strong>s décrites pour <strong>le</strong> travail salarié. Cependant, il se voit éga<strong>le</strong>ment affectépar <strong>le</strong>s mêmes dynamiques de politisation, surtout s’ils doivent utiliser un local,étant donné que toute personne exprimant ses sympathies pour un parti de l’oppositionpeut se voir harcelée par <strong>le</strong>s agents de l’Etat (impôts excessifs, coupuresde courant, etc.) de tel<strong>le</strong> sorte qu’el<strong>le</strong> se verra obligée de fermer son <strong>com</strong>merce.L’économie du pétro<strong>le</strong> a affecté l’économie non salariée de deux façons différentes.D’une part, el<strong>le</strong> a provoqué une certaine récession de l’activité agrico<strong>le</strong>, carde nombreux jeunes émigrent vers <strong>le</strong>s centres urbains à la recherche d’un travailsalarié dans <strong>le</strong> secteur de l’extraction pétrolière. D’autre part, toute une séried’activités s’est développée dans <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s, <strong>le</strong> <strong>com</strong>merce bien entendu, maisaussi la prostitution. De même, <strong>le</strong> nombre d’enfants vendant divers produitsdans la rue a augmenté, certains appartenant à des réseaux régionaux de traficde personnes. Quant aux prostituées, certaines proviennent des pays voisins132 WOOD, 2004 (p. 553).77


<strong>com</strong>me <strong>le</strong> Cameroun, à travers ces mêmes réseaux, pour offrir <strong>le</strong>urs servicesaux expatriés travaillant dans <strong>le</strong>s multinationa<strong>le</strong>s. Et <strong>le</strong>s jeunes guinéennes, quiacceptent cette forme d’exploitation, sont chaque fois plus nombreuses, étantdonné que c’est pour el<strong>le</strong>s la seu<strong>le</strong> façon d’accéder à la richesse créée par <strong>le</strong>pétro<strong>le</strong> qui touche à peine une petite partie de la population.78


4. LE MOUVEMENT SYNDICAL EN GUINÉE ÉQUATORIALELe caractère autoritaire de tous <strong>le</strong>s régimes politiques subis par la GuinéeÉquatoria<strong>le</strong> depuis la colonisation a entravé l’exercice du droit de syndicalisationde ses citoyens.Durant l’époque colonia<strong>le</strong>, <strong>le</strong> gouvernement colonial franquiste ne reconnaissaitpas <strong>le</strong> droit d’association et, en conséquence, jusqu’à la décennie des annéessoixante, il n’exista pas d’organisation de travail<strong>le</strong>urs pour la réclamation de<strong>le</strong>urs droits. Cependant des coopératives agrico<strong>le</strong>s de petits producteurs pourla culture du cacao furent créées. Depuis 1936, il existait un syndicat appeléSindicato Maderero de Empresarios, qui défendait <strong>le</strong>s intérêts des producteurset des acheteurs espagnols dans <strong>le</strong> secteur du bois. La législation métropolitaineespagno<strong>le</strong> concevait seu<strong>le</strong>ment l’existence d’un syndicalisme “vertical”, quiréunissait entrepreneurs et travail<strong>le</strong>urs dans une même organisation. Toutefois,<strong>com</strong>me tant d’autres institutions métropolitaines, celui-ci ne s’étendit pas à lacolonie.Le premier essai d’organisation syndica<strong>le</strong> indépendante eut lieu vers la fin del´époque colonia<strong>le</strong> et en exil, avec la création, en 1959, de l’Unión General delos Trabajadores de Guinea Ecuatorial. La UGTGE maintenait des liens avec <strong>le</strong>partit nationaliste anticolonial MONALIGE. Ce syndicat obtint une certaine libertéd’action durant l’ouverture politique que supposa <strong>le</strong> régime d’autonomie,ayant vu <strong>le</strong> jour durant <strong>le</strong>s dernières années de la présence colonia<strong>le</strong> (1965-1968) 133 . En outre, la première grève de fonctionnaires de l’Administration eutlieu, en 1966, pour exiger une équiva<strong>le</strong>nce des salaires entre Africains etEuropéens.Après l’Indépendance, <strong>le</strong> caractère extrêmement autocratique et répressif dunouveau gouvernement, la diminution drastique des entreprises qui opéraientdans <strong>le</strong> pays et <strong>le</strong>s conditions de pauvreté de la population, se consacrant principa<strong>le</strong>mentà des activités de subsistance, empêcha l’organisation et <strong>le</strong> fonctionnementde syndicats. Dans <strong>le</strong>s entourages internationaux, on ne prêta pasdavantage attention à la situation vécue en Guinée Équatoria<strong>le</strong>. Ce n’est qu’enoctobre 1980 que la Conférence de l’Union Syndica<strong>le</strong> Africaine (Mogadiscio),approuva une résolution qui demandait que “<strong>le</strong> gouvernement de Guinée Équatoria<strong>le</strong>prenne <strong>le</strong>s mesures nécessaires pour restaurer <strong>le</strong> fonctionnement normaldes syndicats, conformément aux dispositions de l’OIT” 134 .133 LINIGER-GOUMAZ, 2000.134 LINIGER-GOUMAZ, 1983.79


Avec <strong>le</strong> gouvernement formé par Obiang Nguema après <strong>le</strong> coup d’état contreson onc<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s droits des travail<strong>le</strong>urs, y <strong>com</strong>pris ceux d’association et de libertésyndica<strong>le</strong>, continuèrent à ne pas être respectés, bien que, en 1981, la GuinéeÉquatoria<strong>le</strong> soit devenue membre de l’OIT. Après <strong>le</strong>s changements politiques,ayant provoqué la réforme de la constitution en 1991, il devint possib<strong>le</strong> léga<strong>le</strong>mentd’organiser des syndicats dans <strong>le</strong> pays, bien que la loi Fondamenta<strong>le</strong> nereprît pas ce droit de façon explicite (cf. Encadré 3). La loi sur <strong>le</strong>s Syndicatset <strong>le</strong>s Relations col<strong>le</strong>ctives de Travail de 1992, rédigée avec <strong>le</strong>s conseils del’OIT, rég<strong>le</strong>menta pour la première fois ce droit; en 1999, el<strong>le</strong> fût modifiée par laloi 6/1999.Malgré la reconnaissance léga<strong>le</strong> de la liberté de se syndiquer, différents obstac<strong>le</strong>ssubsistent pour l’apparition de syndicats libres en Guinée Équatoria<strong>le</strong>. Lespremiers relèvent des difficultés que la loi el<strong>le</strong>-même établit en exigeant unminimum de 50 travail<strong>le</strong>urs d’un même secteur. Cela est en contradiction avecla réalité du pays, dans <strong>le</strong>quel la majorité des entreprises sont de type familia<strong>le</strong>t de dimensions réduites. De plus, l’artic<strong>le</strong> 6 exclut <strong>le</strong> secteur public de la loi,malgré <strong>le</strong> fait que celui-ci occupe de 25 à 40% des travail<strong>le</strong>urs salariés du pays.La même loi prévoit des normes spécia<strong>le</strong>s pour <strong>le</strong>s fonctionnaires et autres travail<strong>le</strong>ursdu secteur public, mais el<strong>le</strong> n’a pas encore été approuvée 135 .Le deuxième obstac<strong>le</strong> à l’apparition de syndicats est l’application restrictive de laLoi, qui a conduit à la dénégation de la légalisation de la plupart des propositionsprésentées depuis <strong>le</strong> début des années quatre-vingt-dix. En 2005, une plaintecontre <strong>le</strong> gouvernement de Guinée Équatoria<strong>le</strong> pour violation de la liberté syndica<strong>le</strong>a été présentée devant l’OIT, dénonçant <strong>le</strong>s obstac<strong>le</strong>s de la bureaucratie, y<strong>com</strong>pris ceux du notaire de Malabo lui-même, à la légalisation des syndicats 136 .En outre, <strong>le</strong>s promoteurs de ces propositions font l’objet de pratiques intimidatricesde la part des forces de sécurité 137 .Enfin, la structure de l’environnement du travail en Guinée Équatoria<strong>le</strong>, avec unegrande majorité de travail<strong>le</strong>urs dans <strong>le</strong> secteur informel, rend diffici<strong>le</strong> l’organisationde syndicats dans <strong>le</strong> sens classique. Cependant, <strong>le</strong> seul syndicat légaliséfonctionne précisément dans ce secteur, <strong>com</strong>me nous <strong>le</strong> verrons plus loin.Le travail des syndicats en Guinée Équatoria<strong>le</strong> est très entravé, en premier lieuà cause du caractère clandestin de <strong>le</strong>urs activités. Ensuite, parce que deux desprincipaux instruments de pression des travail<strong>le</strong>urs, <strong>le</strong> droit à la grève et la135 Le gouvernement refuse systématiquement de par<strong>le</strong>r, y <strong>com</strong>pris au par<strong>le</strong>ment, du développement de la loi desSyndicats. Ce fut <strong>le</strong> cas, par exemp<strong>le</strong>, lors de la réunion entre Gouvernement et Partis politiques célébrée à Mbinien août 2003. CPDS, Communiqué de presse du 27/8/2003.136 Plainte présentée devant l’OIT par l’ Union Syndica<strong>le</strong> des Travail<strong>le</strong>urs (UST), l’Association Syndica<strong>le</strong> des Éducateurs(ASD) et l’ Organisation des Travail<strong>le</strong>urs Agrico<strong>le</strong>s (OTC) pour violation de la liberté syndica<strong>le</strong> contre <strong>le</strong>Gouvernement de Guinée Équatoria<strong>le</strong>, <strong>le</strong> 23/5/2005.137 CISL, Observations présentées durant la 277ème réunion du Conseil d’Administration de l’OIT sur La liberté d’associationet la liberté syndica<strong>le</strong> et la reconnaissance réel<strong>le</strong> du droit à la négociation col<strong>le</strong>ctive en mars 2000.80


Catholiques de l’Éducation de Guinée Équatoria<strong>le</strong> (ACCEGE), financée par lacoopération espagno<strong>le</strong>, a envoyé un manifeste à la présidence de cette association,dénonçant <strong>le</strong>s différences salaria<strong>le</strong>s entre espagnols et guinéens etrevendiquant une augmentation des salaires ainsi que l’amélioration des conditionsde travail. La réaction des responsab<strong>le</strong>s de l’ACCEGE fût d’al<strong>le</strong>r dénoncerau ministère de l’Éducation de Guinée la politisation de la demande, et de nepas engager certains de ses instigateurs l’année suivante 148 .Malgré tout, il existe en parallè<strong>le</strong> une Organisation Spécialisée des Travail<strong>le</strong>ursdu Parti Démocratique de Guinée Équatoria<strong>le</strong> qui fonctionne. El<strong>le</strong> est présidéepar <strong>le</strong> fils du Président, Théodore Nguema Obiang, ministre et entrepreneur.El<strong>le</strong> possède des cellu<strong>le</strong>s dans presque toutes <strong>le</strong>s entreprises du pays, avec lamission de surveil<strong>le</strong>r et de prendre des mesures de répression contre tout travail<strong>le</strong>urqui n’est pas un militant actif du PDGE et qui manifeste des intentionsde créer ou de participer à un mouvement syndical.La structuration syndica<strong>le</strong> dans <strong>le</strong> secteur agrico<strong>le</strong> non salarié connaît des obstac<strong>le</strong>spropres au secteur informel, dans <strong>le</strong>quel la distinction entre travail<strong>le</strong>urset employeurs n’apparaît pas clairement. Ici, <strong>le</strong>s principa<strong>le</strong>s relations ont lieuentre propriétaires et exploitants, producteurs et acheteurs, paysans et ouvrierssaisonniers. La syndicalisation du travail agrico<strong>le</strong> non salarié en GuinéeEquatoria<strong>le</strong> a connu différentes initiatives.En 1998, une coopérative de services intégrés a été organisée, qui obtint l’appuide la coopérative espagno<strong>le</strong> de Mondragon 149 . A partir de cette coopérative secréa l’Organisation Syndica<strong>le</strong> des Petits Paysans (OSPA), qui fit son apparition à unmoment critique pour l’agriculture, affectée négativement par l’économie du pétro<strong>le</strong>.Son développement a été éga<strong>le</strong>ment affecté de façon négative par la répressiongouvernementa<strong>le</strong> dans <strong>le</strong>s <strong>com</strong>munautés rura<strong>le</strong>s bubis de l’î<strong>le</strong> de Bioko audébut de 1998 150 . Mais en juil<strong>le</strong>t 2000, après trois ans d’attente, el<strong>le</strong> obtint sareconnaissance léga<strong>le</strong>. C’est <strong>le</strong> premier syndicat, et jusqu’à présent <strong>le</strong> seul, ayantobtenu ce statut. Il s’agit d’un syndicat qui veut représenter des agriculteurs etdes é<strong>le</strong>veurs de bétail, des petits propriétaires indépendants, des exploitants ou“aparceros”, ainsi que des techniciens et coopératives ou associations de productionou de transformation artisana<strong>le</strong> 151 . La reconnaissance du gouvernement a pu148 “Manifeste du Comité de Représentation des Maîtres...”, 2000; “Les conversations dans <strong>le</strong> secteur de l’enseignementprivé sont rompues. Les professeurs guinéens pourraient se mettre en grève à partir de demain”, Asodegue,10/5/2000; “La grève des enseignants a été repoussée. Obiang s’est rendu aux ÉTATS-UNIS pour acheter de lasécurité ”, Asodegue, 11/5/2000.149 UST, 1998.150 CCOO, 2000.151 ORGANIZACIÓN SINDICAL DEL PEQUEÑOS AGROPECUARIOS (OSPA), Statuts, 8/10/1998.83


être facilitée par son caractère de syndicat de petits producteurs ou propriétairesterriens, moins enclins à une mobilisation qui pourrait affecter gravement <strong>le</strong>s culturesdont dépendent ses membres 152 . Au début, il appartenait au projet fédéralde l’UST mais, après sa légalisation, il en est devenu indépendant, ce qui a conduitcette dernière à promouvoir un autre syndicat dans <strong>le</strong> même domaine, la“Organización de los trabajadores del Campo” (OTC).En plus de ces initiatives syndica<strong>le</strong>s, il faut souligner l’existence de quelquescoopératives, en particulier chez <strong>le</strong>s producteurs de cacao, <strong>com</strong>me cel<strong>le</strong> deBuena Esperanza à Bioko. En 1998, s’est créé la coopérative de services intégrésdans <strong>le</strong> domaine agrico<strong>le</strong> CIPA, qui opère à Evinayong et qui a reçu l’appuide la coopérative de Mondragon du Pays Basque (Espagne) 153 . En 2002,un autre projet de coopérative a vu <strong>le</strong> jour dans <strong>le</strong> domaine de la pêche artisana<strong>le</strong>,COPESCA, dont l’objectif est d’opérer à Basupu, El Río Campo, Mbini etCogo. Ces deux projets aspirent à structurer la demande des travail<strong>le</strong>urs dusecteur informel en Guinée.En ce qui concerne <strong>le</strong>s organisations patrona<strong>le</strong>s, malgré <strong>le</strong> nombre réduit detrois entrepreneurs que la loi sur <strong>le</strong>s Syndicats et Relations col<strong>le</strong>ctives de Travai<strong>le</strong>xige pour la constitution d’une association d’entrepreneurs, aucune demanded’enregistrement d’une association de ce genre n’a été repérée à l’exception del’Organisación Sindical de los Pequeños Agropecuarios (Organisation syndica<strong>le</strong>des petits paysans). Le problème réside dans <strong>le</strong> fait que la grande majorité desentreprises d’une certaine importance qui opèrent dans <strong>le</strong> pays appartiennent auxhommes forts du gouvernement, exerçant toutes sorte de violations des droits dutravail et de la législation en vigueur, ces derniers n’ayant aucun intérêt à s’associer.Les entrepreneurs qui auraient l’intention de <strong>le</strong> faire craignent d’être accusésde s’organiser politiquement contre <strong>le</strong> gouvernement.Comme nous l’avons déjà mentionné à l’Encadré 2, l’organisation de petitsentrepreneurs qui existait dans <strong>le</strong> pays depuis <strong>le</strong> début des années quatrevingt-dixn’obtint jamais la reconnaissance léga<strong>le</strong> malgré tous ses efforts. En1997, <strong>le</strong> gouvernement de Guinée Équatoria<strong>le</strong> a promu la constitution d’unepatrona<strong>le</strong> à niveau national uniquement en vue de remplir <strong>le</strong>s conditions exigéespour son appartenance à la CEMAC. Le degré d’indépendance de cettepatrona<strong>le</strong> est des plus discutab<strong>le</strong>, car <strong>le</strong>s principaux postes sont entre <strong>le</strong>s mainsde proches du parti au gouvernement, <strong>le</strong> PDGE. En outre l’absence de contrepartiesyndica<strong>le</strong> des travail<strong>le</strong>urs a pour conséquence qu’el<strong>le</strong> ne peut remplirl’une des fonctions des organisations patrona<strong>le</strong>s qui est de prendre part au dialoguesocial tripartite entre gouvernement, syndicats et employeurs.152 Carlos ONÁ, Interview, La Opinión, 19/8/2000.153 Le projet <strong>com</strong>prend la création d’une ferme avico<strong>le</strong> et d’une usine de production d’aliments pour <strong>le</strong> bétail. Cf. PageWeb de la Coopérative Mondragón http://www.mundukide.org/PROYECTOS.htm#cipa84


De plus, depuis 1995, sans se soumettre à la procédure léga<strong>le</strong>ment établie pourla reconnaissance d’une association, a été créé <strong>le</strong> Mouvement des Amigos deObiang (MAO), qui inclut entre autres tous <strong>le</strong>s entrepreneurs du pays, tantnationaux qu’étrangers. Le gouvernement a éga<strong>le</strong>ment promu la création d’organisationsfictives ad hoc pour corriger l’image négative auprès des organisationsinternationa<strong>le</strong>s: en 2000, l’Unión General de Empresas Privadas deGuinée Équatoria<strong>le</strong> (UGEPRIGE) inexistante, présenta un rapport au cours dela 277ème réunion du Conseil d’ Administration de l’OIT, durant <strong>le</strong>quel on traitade la liberté d’association, de la liberté syndica<strong>le</strong> et de la reconnaissanceréel<strong>le</strong> du droit à la négociation col<strong>le</strong>ctive, assurant qu’en Guinée Équatoria<strong>le</strong> <strong>le</strong>droit de syndicalisation était respecté 154 .Quant aux corporations professionnel<strong>le</strong>s, seul l’Ordre des Avocats fonctionne àmoitié, avec une très faib<strong>le</strong> indépendance du gouvernement 155 . La politisationde l’Ordre a toujours été l’objectif du régime, qui en 2002 à la veil<strong>le</strong> d’un procèspolitique contre un groupe d’opposants accusé de conspiration, décida de<strong>le</strong> dissoudre temporairement afin d’éviter qu’il puisse désigner <strong>le</strong>s avocats d’officequi devaient représenter <strong>le</strong>s accusés, laissant cette désignation à la volontédu ministre de la Justice. En 1996, il y eut une tentative d’organiser un Ordredes Médecins mais <strong>le</strong> gouvernement ne l’autorisa pas 156 .Le gouvernement met des entraves et des barrières à la création d’ordres professionnelsdans <strong>le</strong> pays. Cela est dû en partie à l’aversion et à la peur du régimequant à la structuration de la société et à sa perception des organismes professionnels<strong>com</strong>me espaces potentiels de revendication, et par conséquent, <strong>com</strong>mefoyers d’opposition politique. En outre, <strong>le</strong>s ordres peuvent supposer un obstac<strong>le</strong>aux intérêts consolidés de nombreuses personnes possédant des diplômes académiquesd’origine douteuse, installés dans <strong>le</strong>s hautes sphères du régime, et quise sont toujours méfiés des organisations professionnel<strong>le</strong>s.4.2. Action syndica<strong>le</strong> internationa<strong>le</strong>Le caractère fortement extroverti de l’économie guinéenne fait que <strong>le</strong>s initiativessyndica<strong>le</strong>s doivent être proposées au-delà des frontières du pays, ce quiconvertit <strong>le</strong>s instances internationa<strong>le</strong>s en forums très importants pour <strong>le</strong>s revendicationsdes droits des travail<strong>le</strong>urs.154 UGEPRIGE, Observations présentées au Bureau International du Travail, mars 2000.155 IBA, 2003.156 CPDS, Ponencia Marco..., 2005.85


L’UST, malgré son caractère clandestin, a établi dès son origine des liens à niveauinternational 157 . Les relations avec <strong>le</strong>s syndicats espagnols, l’Unión Generalde Trabajadores et Comisiones Obreras qui participent à la Plataforma para laDemocratización de Guinea Equatorial sont particulièrement intenses 158 . Depuis1994, une délégation de l’UST participe aux Congrès de l’UGT qui, lors de sonCongrès de 1998, approuva une résolution sur la situation en Guinée Équatoria<strong>le</strong>.En outre, l’UGT organise périodiquement des séminaires de formation pour<strong>le</strong>s syndicalistes guinéens sur différents aspects de l’activité syndica<strong>le</strong> 159 . L’USTmaintient éga<strong>le</strong>ment des relations avec Comisiones Obreras et a été invitée à sescongrès confédéraux 160 .Le dernier séminaire formatif, sur Syndicalisme et démocratieen Guinée Équatoria<strong>le</strong>, a été célébré du 16 au 18 décembre 2005 à Bata,par l’UST avec la collaboration de la CPDS, la fondation Josep Comaposada(UGT) et l’Agence catalane de Coopération 161 .L’UST maintient des relations avec la Confédération Internationa<strong>le</strong> desSyndicats Libres (CISL). En 1998, des dirigeants du CPDS ont rendu visite àcette organisation pour expliquer <strong>le</strong>s conditions de <strong>le</strong>urs tentatives de mettre enmarche l’activité syndica<strong>le</strong> en Guinée Équatoria<strong>le</strong> 162 . La CISL a, à de nombreusesoccasions, sommé <strong>le</strong> gouvernement guinéen de reconnaître léga<strong>le</strong>ment<strong>le</strong>s organisations syndica<strong>le</strong>s qui ont tenté de s’enregistrer en tant quetel<strong>le</strong>s. Au cours de la 277ème réunion du Conseil d’Administration de l’OIT demars 2000, furent abordées la liberté d’association et la liberté syndica<strong>le</strong> ainsique la reconnaissance réel<strong>le</strong> du droit à la négociation col<strong>le</strong>ctive dans <strong>le</strong> casde la Guinée Équatoria<strong>le</strong>, ce qui permit à la CISL de présenter un rapport surce pays 163 .Dans <strong>le</strong> cadre de la CEMAC, l’UST participe, avec <strong>le</strong>s syndicats de la région,au projet de création d’une structure syndica<strong>le</strong> régiona<strong>le</strong>, dans <strong>le</strong> but de veil<strong>le</strong>raux besoins et demandes des travail<strong>le</strong>urs des six pays membres: Cameroun,Gabon, Tchad, République Centrafricaine, Congo et Guinée Équatoria<strong>le</strong>. L’USTparticipa éga<strong>le</strong>ment au 5ème Séminaire Régional ACP-UE sur <strong>le</strong>s Moyens économiqueset sociaux et Société civi<strong>le</strong>, s’étant tenu à Yaoundé en mai 2003 164 .157 Les premiers contacts se firent par <strong>le</strong> truchement de l’Internationa<strong>le</strong> Socialiste et <strong>le</strong> syndicat israélien HISTADRUT,CCOO, 2000.158 www.ccoo.es/guinea.ec_democratica.159 Le premier séminaire organisé par l’UGT porta sur “Organisateurs syndicaux pour la Guinée Équatoria<strong>le</strong>”, du 23juin au 4 juil<strong>le</strong>t 1997.160 “Congrès avec la présence de représentants guinéens”, Europa Press, 12/4/2002.161 L’organisation du séminaire souffit plusieurs obstac<strong>le</strong>s de la part des autorités, qui interdirent l’entrée dans <strong>le</strong> paysde l’expert espagnol en formation syndica<strong>le</strong> et l’utilisation de locaux publics pour la célébration de l’évènement,auquel participèrent 109 personnes. UST, Rapport final 18/12/2005.162 CCOO, 2000.163 CISL, Observations présentées au Bureau international du travail, mars 2000.164 “Du 21 au 23 mai s’est tenu à Yaoundé, République du Cameroun, <strong>le</strong> 5eme Séminaire régional ACP-UE sur <strong>le</strong>sMoyens économiques et sociaux et la Société civi<strong>le</strong>”, La Verdad nº. 47, Malabo, juin 2003.86


Les syndicalistes guinéens reconnaissent la nécessité de pression externe sur <strong>le</strong>gouvernement et <strong>le</strong>s <strong>com</strong>pagnies pétrolières. Toutefois, sa situation clandestine etprécaire rend diffici<strong>le</strong> son activité internationa<strong>le</strong> et, de ce fait, ses principa<strong>le</strong>s activitésvisent d’abord sa propre légalisation. Précisément, en mai 2005, <strong>le</strong>s secrétairesgénéraux des syndicats UST, ASD et OTC ont déposé une plainte devant l’OIT pourviolation de la liberté syndica<strong>le</strong> contre <strong>le</strong> Gouvernement de Guinée Équatoria<strong>le</strong>,l’accusant d’entraver sans fondement légal la reconnaissance des secteurs de l’éducationet de l’agriculture de l’UST. Par ail<strong>le</strong>urs, la situation politique que connaît<strong>le</strong> pays rend très diffici<strong>le</strong> la séparation entre <strong>le</strong>s revendications socioéconomiqueset <strong>le</strong>s revendications politiques, de même qu’entre <strong>le</strong>s militants des partis politiqueset <strong>le</strong>s militants des organisations syndica<strong>le</strong>s, ce qui, dans une certaine mesure,entrave <strong>le</strong> mouvement syndical lui-même.Si la lutte pour la défense des droits des travail<strong>le</strong>urs a eu depuis toujours unedimension transnationa<strong>le</strong>, el<strong>le</strong> est indispensab<strong>le</strong> dans une situation <strong>com</strong>me cel<strong>le</strong> dela Guinée Équatoria<strong>le</strong>, dont <strong>le</strong>s principaux employeurs ont <strong>le</strong>ur siège en dehors desfrontières du pays. En effet, <strong>le</strong>s entreprises pétrolières ont <strong>le</strong>ur siège fondamenta<strong>le</strong>mentaux États-Unis tandis que <strong>le</strong>s ressources avec <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s l’administrationguinéenne paye ses fonctionnaires procèdent de la vente du pétro<strong>le</strong> à ces mêmesentreprises. Si <strong>le</strong>s relations de travail de la Guinée Équatoria<strong>le</strong> se développent danscette structure globa<strong>le</strong>, toute action syndica<strong>le</strong> qui prétende l’efficacité doit articu<strong>le</strong>rsa stratégie dans un environnement plus élargi que celui de l’État guinéen.Aujourd’hui, <strong>le</strong>s droits des travail<strong>le</strong>urs guinéens ne sont pas l’objectif principald’une quelconque campagne internationa<strong>le</strong>. Toutefois, ces dernières années, lapossibilité d’organiser des mobilisations transnationa<strong>le</strong>s en faveur du respect decertaines normes éthiques dans <strong>le</strong> cadre des relations économiques a considérab<strong>le</strong>mentaugmenté. Preuve en sont <strong>le</strong>s campagnes en faveur de la transparenceinternationa<strong>le</strong> dans l’industrie de l’extraction du pétro<strong>le</strong> et d’autres minéraux. LaGuinée Équatoria<strong>le</strong> est aujourd’hui l’un des pays <strong>le</strong>s plus affectés par ces campagnesqui peuvent se convertir en soutien et en inspiration pour <strong>le</strong>s activités dessyndicats ou des associations qui réclament <strong>le</strong> respect des droits des travail<strong>le</strong>urs.Encadré 7:LES CAMPAGNES POUR LA TRANSPARENCE INTERNATIONALEET LA GUINÉE ÉQUATORIALEDepuis la moitié des années quatre-vingt-dix dénoncer la corruption et demander latransparence dans <strong>le</strong>s affaires à niveau mondial a été l’objectif d’organisations <strong>com</strong>meTransparency International et Global Witness, toutes deux basées à Londres. Global87


Witness cherche à mettre en évidence <strong>le</strong>s liens existant entre <strong>le</strong> pillage de ressourcesnaturel<strong>le</strong>s <strong>com</strong>me <strong>le</strong> bois, <strong>le</strong> pétro<strong>le</strong> et <strong>le</strong>s diamants ainsi que <strong>le</strong>s situations d’abus desdroits humains, <strong>le</strong>s conflits et la corruption. Ses instruments principaux sont la publicationde rapports sur des pays concrets et <strong>le</strong> lobbying auprès des responsab<strong>le</strong>s politiques.L’exigence de transparence publique dans <strong>le</strong>s transactions économiques qui ont lieuentre pays producteurs de minéraux et <strong>le</strong>s entreprises transnationa<strong>le</strong>s a augmenté peuà peu jusqu’à produire une coalition mondia<strong>le</strong> de plus de 270 organisations, promues parGlobal Witness, CAFOD, Open Society Institute de George Soros, Oxfam, Save theChildren UK, et Transparency International UK. La coalition Publish What You Pay(Publiez ce que vous payez) demande la publication obligatoire de tous <strong>le</strong>s payementsque <strong>le</strong>s entreprises de pétro<strong>le</strong>, de gaz et <strong>le</strong>s entreprises minières font aux gouvernementsdes pays d’où sont extraites ces ressources. El<strong>le</strong> réclame éga<strong>le</strong>ment qu’un système degestion transparente des revenus provenant de ressources naturel<strong>le</strong>s soit une conditionnécessaire pour tous <strong>le</strong>s programmes de crédit, développement et assistance techniqueque prêtent <strong>le</strong>s institutions financières internationa<strong>le</strong>s à ces gouvernements. La convictionqui motive cette exigence est que, administrés correctement, ces revenus pourraientcréer un processus de développement, de croissance économique et de réduction de lapauvreté. Mais cela ne sera possib<strong>le</strong> que si <strong>le</strong>s citoyens de ces pays pauvres, bien queriches en ressources naturel<strong>le</strong>s, disposent d’un instrument pour exiger de <strong>le</strong>urs gouvernementsdes politiques responsab<strong>le</strong>s, la transparence, et l’accès à l’information sur <strong>le</strong>srevenus provenant des ressources naturel<strong>le</strong>s.Grâce à la pression de ces organisations, l’importance de la transparence et d’unebonne administration publique des fonds provenant de l’exploitation des minéraux aété à l’origine d’une série de déclarations et initiatives officiel<strong>le</strong>s. Ce consensus internationalgrandissant devient évident dans <strong>le</strong> Global Compact des Nations unies, l’indépendanteGlobal Reparting Initiative, <strong>le</strong>s Guidelines for Multinational Enterprisesadoptées par la OECD, <strong>le</strong> <strong>com</strong>pte rendu de la politique d’investissements du GroupeBanque Mondia<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>s industries extractives, Extractive Industries Review, <strong>le</strong> Pland’action du G8 sur la lutte contre la corruption et l’amélioration de la transparenceapprouvé au sommet de 2003, la déclaration appuyée par <strong>le</strong>s États-Unis <strong>com</strong>me <strong>le</strong>sVoluntary Princip<strong>le</strong>s on Security and Human Rights et la Directive de l’Obligation deTransparence de l’Union européenne de 2005. Le rapport de mars 2005 de laCommission for Africa, rédigé à la demande du gouvernement britannique, identifieéga<strong>le</strong>ment la corruption et <strong>le</strong>s pratiques opaques des entreprises <strong>com</strong>me part importantedes principaux défis pour la prospérité africaine.La proposition la plus concrète dans ce sens est l’Initiative pour la Transparencedes Industries Extractives (EITI) lancée en septembre 2002 par <strong>le</strong> gouvernementbritannique de Tony Blair, qui invite tous <strong>le</strong>s gouvernements et entreprises impliquéesdans la production de minéraux stratégiques à se réunir ainsi que <strong>le</strong>s représentantsde la société civi<strong>le</strong>. L’EITI demande la présentation publique, et de manière volontaire,des <strong>com</strong>ptes de l’industrie extractive. En mars 2005, <strong>le</strong>s pays, entreprises, organisationsde la société civi<strong>le</strong> et l’IFI participant se mirent d’accord sur 6 critères minimaobligatoires pour la mise en œuvre de l’initiative 165.165 Initiative pour la transparence dans <strong>le</strong>s industries de l’extraction http://www.eitransparency.org.88


Bien que la campagne PWYP ait applaudi cette initiative et <strong>le</strong>s autres déclarations enfaveur de la transparence internationa<strong>le</strong>, el<strong>le</strong> attire l’attention sur l’efficacité ou nonque peuvent avoir <strong>le</strong>s mesures qu’el<strong>le</strong> préconise si on n’adopte pas des rég<strong>le</strong>mentationsà caractère obligatoire qui forcent <strong>le</strong>s <strong>com</strong>pagnies minières à déclarer ce qu’el<strong>le</strong>spayent (en taxes, royalties et autres impôts) pour <strong>le</strong>s produits des pays individuelsdans <strong>le</strong>squels el<strong>le</strong>s opèrent, et <strong>le</strong>s gouvernements à publier <strong>le</strong>urs revenus provenantdes industries extractives.La Guinée Équatoria<strong>le</strong> a été un des pays dont la situation a été exposée et dénoncéepar <strong>le</strong>s campagnes en faveur de la transparence internationa<strong>le</strong>. En janvier 2003,Global Witness a publié un premier <strong>com</strong>muniqué de presse sur la situation en GuinéeÉquatoria<strong>le</strong>, basé sur un travail d’investigation fait par des journalistes publié dans <strong>le</strong>Los Ange<strong>le</strong>s Times. Dans cet artic<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s auteurs dénonçaient <strong>le</strong>s versements effectuéspar <strong>le</strong>s <strong>com</strong>pagnies pétrolières sur un <strong>com</strong>pte au nom du Président de la GuinéeÉquatoria<strong>le</strong> lui-même dans une banque privée de Washington, <strong>le</strong> Riggs Bank, quiavait facilité en outre la vente de luxueuses demeures à Obiang Nguema et à sa famil<strong>le</strong>166 .Deux ans plus tard, en mars 2004, et après une investigation exhaustive, GlobalWitness publia un rapport, Corruption globa<strong>le</strong> pétrolière et minière: il est temps pourla transparence, sur <strong>le</strong>s effets de l’extraction du pétro<strong>le</strong>, du gaz et des minéraux danscinq pays, parmi <strong>le</strong>squels la Guinée Équatoria<strong>le</strong> 167 . Le rapport signalait la distanceentre la croissance économique spectaculaire du pays et <strong>le</strong> faib<strong>le</strong> développementhumain de la population et dénonçait la malversation des revenus du pétro<strong>le</strong> de la partdes dirigeants du pays <strong>com</strong>me étant la cause de cette contradiction. De manière plusprécise, il condamnait la relation confuse entre <strong>le</strong>s recettes de l’État et <strong>le</strong>s financespersonnel<strong>le</strong>s des hommes au pouvoir <strong>com</strong>me l’avait démontré la découverte du <strong>com</strong>ptemillionnaire de la Riggs Bank, ainsi que l’absence tota<strong>le</strong> de transparence en ce quiconcerne <strong>le</strong>s revenus du pétro<strong>le</strong>, souvent considérés par <strong>le</strong> régime <strong>com</strong>me secret d’état.Comme l’affirmait <strong>le</strong> rapport, “la question de la gestion par <strong>le</strong> gouvernement desrevenus du pétro<strong>le</strong> n’a rien de théorique, car ces revenus contribuent au pouvoir d’unrégime politique accusé dans de nombreux rapports d’une extrême brutalité enversses propres citoyens, et de participer au trafic international de drogues”.Le rapport de Global Witness fut suivi par la publication, en juil<strong>le</strong>t 2004, de l’enquêteréalisée par <strong>le</strong> Sous Comité Permanent d’Enquête du Sénat des États-Unis sur l’applicationet l’efficacité de la législation sur <strong>le</strong> blanchiment de l’argent et la corruption àl’étranger en relation avec <strong>le</strong> secteur financier des États-Unis (Patriot Act d’octobre2001). L’enquête visait <strong>le</strong> cas concret de la banque Riggs et <strong>le</strong>s <strong>com</strong>ptes ouverts aunom de l’ex-dictateur chilien Augusto Pinochet ainsi qu’au nom des gouvernants de laGuinée Équatoria<strong>le</strong>. Le rapport concluait que “la banque Riggs avait géré plus de 60<strong>com</strong>ptes et certificats de dépôts au nom de la Guinée Équatoria<strong>le</strong>, de hauts dirigeantsde son gouvernement et membres de <strong>le</strong>urs famil<strong>le</strong>s, ne faisant aucun ou peu de cas166 GLOBAL WITNESS, Note de Presse “Est-ce qu’une banque américaine garde <strong>le</strong>s millions disparus provenant dupétro<strong>le</strong> de Guinée Équatoria<strong>le</strong>? Les Départements de la Justice et du Trésor américain doivent l’investiguer ”,20/1/2003; Ken SILVERSTEIN, “Oil Boom Enriches African Ru<strong>le</strong>r”, Los Ange<strong>le</strong>s Times, 10/1/2003167 GLOBAL WITNESS, 2004.89


des obligations de la banque en ce qui concerne <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> du blanchissement de l’argent.Cel<strong>le</strong>-ci fermait <strong>le</strong>s yeux devant des preuves indiquant que la banque administraitdes fonds procédant de cas de corruption à l’étranger et facilitait de nombreusestransactions douteuses sans en aviser <strong>le</strong>s autorités”. La banque octroya éga<strong>le</strong>mentdes crédits et des bourses aux dirigeants et à <strong>le</strong>urs famil<strong>le</strong>s. En outre, <strong>le</strong> rapport duSénat reconnaît que <strong>le</strong>s sociétés pétrolières qui opèrent en Guinée Équatoria<strong>le</strong> peuventavoir contribué à des pratiques de corruption dans ce pays en effectuant d’importantsversements, ou en créant des entreprises mixtes avec des hauts dirigeants dugouvernement guinéen, <strong>le</strong>urs proches ou des entreprises qu’ils contrô<strong>le</strong>nt avec trèspeu de transparence” 168 .Selon la presse, en août 2005, <strong>le</strong>s autorités de la Bourse des États-Unis (SEC) ouvrirentune enquête officiel<strong>le</strong> sur <strong>le</strong>s versements effectués en Guinée Équatoria<strong>le</strong> par <strong>le</strong>s <strong>com</strong>pagniespétrolières américaines Exxon-Mobil, Devon, Marathon et Amerada Hess 169 .Ces rapports ont mis en évidence la situation de la Guinée Équatoria<strong>le</strong> et l’ont porteà la connaissance du public à niveau international. Ce qui a provoqué l’apparition depressions, auparavant pour ainsi dire inexistantes, sur <strong>le</strong> gouvernement guinéen. Lestentatives du dictateur et de sa famil<strong>le</strong> pour ouvrir de nouveaux <strong>com</strong>ptes bancairesen Europe et aux États-Unis ont fait l’objet de plusieurs refus 170 . La réaction instantanéea été l’intérêt montré par <strong>le</strong>s dirigeants de la Guinée dans <strong>le</strong> but d’améliorer <strong>le</strong>urimage internationa<strong>le</strong> en adoptant la transparence dans la gestion des ressources del’État. Dans ce sens, ils ont eu recours, depuis mars 2004, à l’assistance technique duFonds Monétaire International, qui, depuis 1996, avait interrompu ses accords avec <strong>le</strong>pays. Le FMI a publié un rapport sur l’Application de Normes et Codes sur laTransparence Fisca<strong>le</strong> en Guinée Équatoria<strong>le</strong> (avril 2005), <strong>com</strong>me base de futuresconversations avec <strong>le</strong> gouvernement, <strong>le</strong>quel explique clairement que <strong>le</strong> gouvernementn’a pas de politique fisca<strong>le</strong> pour gérer <strong>le</strong>s richesses pétrolières du pays, qu’il n’y a pasde transparence dans l’information sur <strong>le</strong>s revenus du pétro<strong>le</strong> et sur <strong>le</strong> processus dubudget, et qu’il n’existe pas de structure de gestion claire pour <strong>le</strong> pétro<strong>le</strong> 171 .De même, <strong>le</strong> gouvernement de la Guinée Équatoria<strong>le</strong> a exprimé son intérêt pour sejoindre à l’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives, participant ausommet célébré à Londres en mars 2005. Cependant un des critères indispensab<strong>le</strong>spour participer à l’Initiative est que la “société civi<strong>le</strong> doit s’engager de manière activeen participant, supervisant et évaluant ce processus et en contribuant au débatpublic”. Or, <strong>le</strong> gouvernement n’a, jusqu’à présent, fait aucun geste pour promouvoir undébat public sur la gestion des revenus du pétro<strong>le</strong> ou pour faciliter l’action d’une sociétécivi<strong>le</strong> indépendante dans <strong>le</strong> pays. Les effets que ces campagnes internationa<strong>le</strong>sauront dans l’avenir restent à voir.168 SÉNAT DES ÉTATS-UNIS, 2004.169 AFRICA ENERGY INTELLIGENCE, Equatorial Guinea: SEC Investigates, n° 399, 31/8-13/9/2005.170 “Guinée Équatoria<strong>le</strong>. Du Pétro<strong>le</strong>... et demain?”, Jeune Afrique / L’Intelligent, nº. 2302, 20-26/2/2005.171 FMI, Republic of Equatorial Guinea: Report on the Observance of Standards and Codes—Fiscal TransparencyModu<strong>le</strong>, 27/4/2005.90


En conclusion, <strong>le</strong>s campagnes internationa<strong>le</strong>s pour la transparence dans la gestiondes ressources du pétro<strong>le</strong> constituent des initiatives qui mettent en évidence, au niveauinternational, la relation entre certaines activités <strong>com</strong>mercia<strong>le</strong>s et la situation d’oppressionpolitique vécue dans <strong>le</strong> pays. En ce moment, <strong>le</strong>s gestes du régime guinéenpour <strong>le</strong>s contrebalancer offrent un caractère purement cosmétique. Toutefois, si <strong>le</strong>sexigences internationa<strong>le</strong>s se consolidaient, el<strong>le</strong>s constitueraient un important potentielde transformation politique.Dans <strong>le</strong>s conditions actuel<strong>le</strong>s, une <strong>com</strong>pagnie qui ne voudrait pas se prêter à cette dynamiquede corruption et qui ne contribuerait pas au renforcement de la dictature seraitexclue du marché guinéen. Par conséquent, il est important que <strong>le</strong>s entreprises qui désirentréaliser des investissements socia<strong>le</strong>ment responsab<strong>le</strong>s unissent <strong>le</strong>urs efforts auxinitiatives col<strong>le</strong>ctives qui exigent une plus grande transparence internationa<strong>le</strong> ainsi que <strong>le</strong>respect des droits des travail<strong>le</strong>urs et autres droits humains, dans ces pays producteursde matières premières essentiel<strong>le</strong>s. De cette manière, el<strong>le</strong>s collaboreront à l’établissementde normes internationa<strong>le</strong>s, obligatoires pour toutes <strong>le</strong>s industries extractives, enévitant que <strong>le</strong> soutien à une dictature se transforme en un avantage <strong>com</strong>paratif.Le mouvement syndical doit prendre note du potentiel de l’internationalisation desdénonciations des violations du droit du travail en Guinée Équatoria<strong>le</strong>, et il pourraittrouver un avantage dans ces campagnes, en <strong>le</strong>s appuyant et en ajoutant à la dénonciationde l’oppression politique la question concrète de la situation des travail<strong>le</strong>urs.91


CONCLUSIONSLa situation des droits des travail<strong>le</strong>urs en Guinée Équatoria<strong>le</strong> est tota<strong>le</strong>mentconditionnée par <strong>le</strong> contexte politique d’une autocratie et l’absence de libertéscivi<strong>le</strong>s et socia<strong>le</strong>s. Les abus à l’encontre des travail<strong>le</strong>urs ont été la note dominantede la participation de ce territoire à l’économie mondia<strong>le</strong> depuis <strong>le</strong>sdébuts du XIXème sièc<strong>le</strong>.Depuis la moitié de la décennie des années 90, l’économie d’enclave engendréepar l’exploitation du pétro<strong>le</strong> a renforcé la dictature et enrichi <strong>le</strong>s hommes au pouvoirqui, profitant d’une source de revenus très abondante en marge de <strong>le</strong>ur peup<strong>le</strong>,n’ont pas à répondre de <strong>le</strong>ur responsabilité politique face à ce dernier. Lesbénéfices de la production pétrolière alimentent une corruption volumineuse etne profitent pas au bien-être général de la population. Les revenus de l’industriedu pétro<strong>le</strong> favorisent <strong>le</strong>s dynamiques de répression, l’appauvrissement et lacooptation politique qui sont <strong>le</strong>s principaux instruments de domination socia<strong>le</strong>dans <strong>le</strong> pays.Le marché du travail salarié est très politisé car il constitue un autre instrumentde contrô<strong>le</strong> de la dissidence par <strong>le</strong>s autorités. En plus de la Fonction publique,<strong>le</strong>s principa<strong>le</strong>s entreprises du pays sont monopolisées par la famil<strong>le</strong> ou <strong>le</strong>s prochesdu Président Obiang Nguema ou, pour survivre, el<strong>le</strong>s sont obligées d’avoird’étroites relations avec ce cerc<strong>le</strong> de personnes. De sorte qu’aucun opposantou dissident ne peut être norma<strong>le</strong>ment engagé dans l’Administration ou dans<strong>le</strong>s grandes entreprises. La peur de perdre ou de ne pas obtenir un emploi estl’un des principaux obstac<strong>le</strong>s qui empêche <strong>le</strong> citoyen de réclamer publiquementses droits ou de s’associer au sein de syndicats ou toute autre organisation dela société civi<strong>le</strong>.Dans l’industrie du pétro<strong>le</strong>, cette politisation s’effectue par <strong>le</strong> truchement d’agencesde placement qui se trouvent entre <strong>le</strong>s mains des membres directs dela famil<strong>le</strong> du dictateur et qui fonctionnent <strong>com</strong>me intermédiaires entre <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urset <strong>le</strong>s entreprises étrangères qui opèrent dans <strong>le</strong> secteur. Tout Guinéenqui souhaiterait travail<strong>le</strong>r sur <strong>le</strong>s plateformes maritimes doit obligatoirement seprésenter à ces agences de placement qui ont deux fonctions principa<strong>le</strong>s: s’emparerd’une partie importante du salaire de chaque travail<strong>le</strong>ur et empêcher quedes personnes non sympathisantes du régime puissent obtenir un poste.Le secteur non salarié constitue <strong>le</strong> principal domaine de travail de la populationguinéenne. Ce secteur se concentre dans l’agriculture, <strong>le</strong> petit <strong>com</strong>merce, lapêche artisana<strong>le</strong> et <strong>le</strong> transport. Les deux premiers sont surtout occupés par desfemmes. Ces personnes, qui travail<strong>le</strong>nt pour <strong>le</strong>ur <strong>com</strong>pte ou <strong>com</strong>me exploitants,93


ne bénéficient ni de sécurité socia<strong>le</strong> ni de tout autre service. Leurs activités nereçoivent aucun appui de la part de l’Administration que ce soit au niveau desinfrastructures ou des subventions.Ni <strong>le</strong>s normes léga<strong>le</strong>s en vigueur sur <strong>le</strong> travail, ni <strong>le</strong>s conventions internationa<strong>le</strong>sde l’OIT souscrites par la Guinée Équatoria<strong>le</strong>, ne sont mises en œuvre.Dans la pratique el<strong>le</strong>s ne sont jamais appliquées. Le fait d’avoir voté des loissocia<strong>le</strong>s a pour but de donner une image respectab<strong>le</strong> et homologab<strong>le</strong> que dereconnaître <strong>le</strong>s droits des travail<strong>le</strong>urs et rég<strong>le</strong>menter <strong>le</strong>s relations dans <strong>le</strong> travail.Ces relations se dérou<strong>le</strong>nt, généra<strong>le</strong>ment, dans une atmosphère <strong>com</strong>plètementinformel<strong>le</strong>.Il n’y a aucune liberté syndica<strong>le</strong> en Guinée Équatoria<strong>le</strong>. La situation politique nepermet pas que <strong>le</strong>s revendications des travail<strong>le</strong>urs soient présentées au gouvernementet aux entreprises qui, <strong>le</strong> plus souvent, se trouvent entre <strong>le</strong>s mainsdes responsab<strong>le</strong>s politiques. De plus, la prépondérance du secteur non salariésuppose des difficultés supplémentaires pour que <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs puissent s’organiser.Les promoteurs des initiatives syndica<strong>le</strong>s sont poursuivis et répriméspar <strong>le</strong>s forces de sécurité tout <strong>com</strong>me <strong>le</strong>s opposants au régime.94


PROPOSITIONSs’adressant à la solidarité internationa<strong>le</strong>Etant donné que, au cours de ces dernières années, la nature autoritaire durégime a été renforcée par l’économie du pétro<strong>le</strong>; qu’à niveau international, i<strong>le</strong>st prêté peu d’attention à la situation en Guinée Équatoria<strong>le</strong>; qu’en outre, certainesentreprises transnationa<strong>le</strong>s sont de connivence avec <strong>le</strong> régime qui vio<strong>le</strong>de façon systématique et continue <strong>le</strong>s droits fondamentaux des habitants et <strong>le</strong>sdroits des travail<strong>le</strong>urs, toutes ces raisons sont plus que suffisantes pour que <strong>le</strong>mouvement syndical international se mobilise.Nous proposons donc <strong>le</strong>s actions suivantes:1. Faire pression sur <strong>le</strong> gouvernement guinéen afin qu’il mette en application laloi syndica<strong>le</strong> en vigueur, et qu’il en modifie certains points, qu’il légalise <strong>le</strong>sinitiatives syndica<strong>le</strong>s et qu’il autorise l’organisation des travail<strong>le</strong>urs du secteurpublic.2. Dénoncer l’instrumentalisation politique des embauches par <strong>le</strong>s autorités deGuinée Équatoria<strong>le</strong> et la connivence de certaines entreprises transnationa<strong>le</strong>s.3. Exiger <strong>le</strong> respect réel des conventions fondamenta<strong>le</strong>s de l’OIT en GuinéeÉquatoria<strong>le</strong>, et dénoncer la participation des délégués non représentatifsdes travail<strong>le</strong>urs à la délégation de Guinée Équatoria<strong>le</strong> aux Conférencesannuel<strong>le</strong>s de l’OIT.4. Articu<strong>le</strong>r un appui international authentique aux initiatives syndica<strong>le</strong>s enGuinée Équatoria<strong>le</strong>: en faisant pression pour <strong>le</strong>ur reconnaissance, en <strong>le</strong>urdonnant la paro<strong>le</strong> dans <strong>le</strong>s forums internationaux, en soutenant <strong>le</strong>ur structurationet en <strong>le</strong>s aidant à se développer dans <strong>le</strong> secteur formel et informel.5. En faisant pression pour que la coopération bilatéra<strong>le</strong> avec la Guinée Équatoria<strong>le</strong>soit conditionnée au respect des droits fondamentaux et du travail, àla démocratisation des relations de travail et à la mise en place de la négociationcol<strong>le</strong>ctive et du dialogue social.6. Exiger la transparence au gouvernement de Guinée Équatoria<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>srevenus provenant de l’industrie de l’extraction du pétro<strong>le</strong>.7. Appuyer <strong>le</strong>s initiatives en faveur de la démocratisation du pays.95


ANNEXESCARTESource: www.elpais.esPRINCIPAUX INDICATEURSSuperficie28.051 km2Population 506.350 2004PIB ($) 2.368 mill. 2004Croissance annuel<strong>le</strong> du PIB 24,5% 2000-2004Taux de fécondité 5,9 enfants /femme 2000-2005Espérance de vie à la naissance (années) 43,3 2003Croissance de la population 2,7% 1975-2003Distribution par âge 44,2% 65 2003Population urbaine 38.8% 2002PIB par habitant ($) 5.796 2004Taux d’alphabétisation adultes 84,2% 2003(Sources déjà signalées à l’Encadré 1)96


CHRONOLOGIE1850-1880 Début de la production du cacao à Fernando Poo (aujourd’hui î<strong>le</strong> de Bioko) et besoin demain d’œuvre dans <strong>le</strong> cadre de l’expansion colonia<strong>le</strong> européenne en Afrique.1858 Le gouvernement espagnol approuve <strong>le</strong> Décret royal sur la Colonisation des I<strong>le</strong>s espagno<strong>le</strong>sdu golfe de Guinée (13 décembre).1900 Délimitation des frontières de la partie continenta<strong>le</strong> de la colonie espagno<strong>le</strong> (Río Muni) par<strong>le</strong> Traité de Paris entre la France et l’Espagne (27 mars). Début de la pénétration militaireet économique.1904 Approbation d’un nouveau Statut organique de la colonie et d’un Décret royal sur <strong>le</strong>Régime de la Propriété dans <strong>le</strong>s Territoires espagnols du golfe de Guinée.1905 Signature d’un accord entre <strong>le</strong> gouvernement colonial guinéen et <strong>le</strong> gouvernement duLibéria pour l’importation des travail<strong>le</strong>urs dans l’î<strong>le</strong>.1906 Approbation d’un Règ<strong>le</strong>ment du travail indigène par <strong>le</strong> gouvernement colonial (6 août).1914 Fin des guerres de colonisation dans l’î<strong>le</strong> de Fernando Poo et défaite de la résistance militairede la population bubi.Signature d’un nouvel accord entre <strong>le</strong> gouvernement colonial et <strong>le</strong> gouvernement duLibéria sur l’importation de main d’oeuvre.1919 Dénonciation du trafic de main d’œuvre entre <strong>le</strong> Libéria et la Guinée Équatoria<strong>le</strong> devant laSociété des Nations.Années 20 Guerres de pénétration colonia<strong>le</strong> dans <strong>le</strong> Río Muni.1928 Approbation du Statut du “Patronato de Indígenas”, qui consolide la distinction juridiqueentre européens et indigènes (17 juil<strong>le</strong>t).Années 30 Début de l’exploitation forestière du Río Muni.1931-1936 Timides réformes libéra<strong>le</strong>s durant l’époque de la IIème République espagno<strong>le</strong> qui encouragèrentcertaines revendications de la part des africains.1936-1939 Guerre civi<strong>le</strong> et installation du régime dictatorial franquiste. Approbation de nouvel<strong>le</strong>s loispour la colonie <strong>com</strong>me <strong>le</strong> Statut organique de 1938.1943 Signature d’un accord entre <strong>le</strong>s gouvernements coloniaux de la Guinée espagno<strong>le</strong> et duNigéria pour l’émigration de travail<strong>le</strong>urs vers l’î<strong>le</strong> de Fernando Poo (23 janvier).1944 Établissement de la Délégation du Travail (14 mai).1951 Établissement d’un Tribunal du Travail indigène (15 mars).1963 Établissement d’un Régime d’Autonomie dans la colonie (décembre).1968 Décolonisation et indépendance de la Guinée Équatoria<strong>le</strong> (12 octobre).1969 Coup d’état du Président Francisco Macías Nguema (5 mars) et début d’un régime deterreur.1975 Expulsion des travail<strong>le</strong>urs nigérians. Début du déplacement forcé des populations de RíoMuni et Annobon pour <strong>le</strong>s remplacer.1979 Coup d’état de Teodoro Obiang Nguema contre son onc<strong>le</strong> (3 août).1980 Traité d’Amitié et de Coopération entre la Guinée Équatoria<strong>le</strong> et l’Espagne et redémarragede l’aide espagno<strong>le</strong> (23 octobre).1981 Adhésion de la Guinée Équatoria<strong>le</strong> à l’OIT.1983 Intégration dans l’UDEAC (aujourd’hui CEMAC).1985 Intégration dans <strong>le</strong> BEAC et la zone du Franc CFA.1985 Début des programmes d’ajustement structurel avec l’appui du FMI et de la Banque mondia<strong>le</strong>.1990 Approbation de la loi sur l’Aménagement général du Travail et du Règ<strong>le</strong>ment du Régimegénéral de Sécurité socia<strong>le</strong> (4 janvier).Fondation de l’UST dans la clandestinité.97


1991-1992 Réforme constitutionnel<strong>le</strong> et reconnaissance formel<strong>le</strong> d’un système multipartite.1992 Début de l’exploitation du pétro<strong>le</strong> par la <strong>com</strong>pagnie Walter International sur <strong>le</strong> gisementAlba.Approbation de la loi sur <strong>le</strong>s Syndicats et <strong>le</strong>s Relations col<strong>le</strong>ctives dans <strong>le</strong> Travail (1er octobre).Création de la POC (novembre).Grève des professeurs et révolte des étudiants à cause de l’expulsion de 10 professeursaccusés d’appartenir à des mouvements d’opposition politique (17 décembre). La réactiondu gouvernement fut la détention et la torture de nombreux participants.1993 Pacte National entre <strong>le</strong> gouvernement et <strong>le</strong>s partis de l’opposition (18 mars).Dévaluation du Franc CFA.É<strong>le</strong>ctions à la Chambre de Représentants du Peup<strong>le</strong> (21 novembre).1994 Retrait des projets institutionnels et réduction drastique du budget de la coopérationespagno<strong>le</strong>.1995 É<strong>le</strong>ctions municipa<strong>le</strong>s avec victoire de l’opposition (17 septembre).1996 L’exploitation du pétro<strong>le</strong> <strong>com</strong>mence à devenir significative avec 17.000 bpj.Fermeture de l’Ambassade des États-Unis et retrait des programmes du FMI.É<strong>le</strong>ctions présidentiel<strong>le</strong>s où Obiang se déclare vainqueur avec 97% des voies (25 février).1997 Conférence économique nationa<strong>le</strong> et approbation de la Stratégie économique à moyenterme (juin).1998 Répression contre <strong>le</strong> soulèvement du Mouvement pour l’Autodétermination de l’î<strong>le</strong> deBioko (janvier).1999 Nouveaux accords de coopération avec l’Espagne: célébration de la IXème CommissionMixte et du IIIème Plan Cadre 2000-2003.É<strong>le</strong>ctions à la Chambre des Représentants du Peup<strong>le</strong> (7 mars).2000 É<strong>le</strong>ctions municipa<strong>le</strong>s, auxquel<strong>le</strong>s l’opposition ne s’est pas présentée (4 avril).Légalisation de l’OSPA (10 juil<strong>le</strong>t).Début de l’exploitation du gisement de Ceiba dans <strong>le</strong>s eaux territoria<strong>le</strong>s de Río Muni.2001 La Guinée Équatoria<strong>le</strong> adhère aux 6 conventions internationa<strong>le</strong>s sur <strong>le</strong> travail, 87 sur laLiberté syndica<strong>le</strong> et 98 sur <strong>le</strong> Droit d’adhésion à un Syndicat et à l’Organisation col<strong>le</strong>ctive,entre autres.Création de l’entreprise semi-publique GEpetrol.2002 Retrait du rapporteur spécial de l’ONU pour <strong>le</strong>s droits humains.Procès contre l’opposition (mai-juin).É<strong>le</strong>ctions présidentiel<strong>le</strong>s (15 décembre).É<strong>le</strong>ctions présidentiel<strong>le</strong>s et nouvel<strong>le</strong> victoire fraudu<strong>le</strong>use d’Obiang Nguema (décembre).2003 Dénonciations de la corruption encouragée par <strong>le</strong>s entreprises pétrolières en GuinéeEquatoria<strong>le</strong> publiées dans <strong>le</strong> LA Times et par l’organisation Global Witness (janvier).Repsol entre dans <strong>le</strong> marché pétrolier guinéen.Réouverture de l’ambassade américaine (16 octobre).2004 Nouveau procès contre <strong>le</strong>s opposants à Mongomo.É<strong>le</strong>ctions législatives et municipa<strong>le</strong>s (avril).Publication du rapport de Global Witness, Tiempo de Transparencia (Temps de transparence)(mars) et du rapport du Sénat des États-Unis sur <strong>le</strong>s <strong>com</strong>ptes guinéens dans laBanque Riggs (15 juil<strong>le</strong>t).Essai de coup d’état par des mercenaires sud-africains (15 juil<strong>le</strong>t) et tenue d’un procèssans garanties (septembre et novembre).Assaut à l’î<strong>le</strong> de Corisco (février), par la suite, certains des détenus sont jugés par un tribunalmilitaire (décembre).Négociations renouées avec <strong>le</strong> FMI.Nouveau procès politique d’anciens collaborateurs du régime pour un soit disant coupd’état (septembre).98


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