12.07.2015 Views

UNICEF-Rap 185x255•Tome1.indd - Oxford Policy Management

UNICEF-Rap 185x255•Tome1.indd - Oxford Policy Management

UNICEF-Rap 185x255•Tome1.indd - Oxford Policy Management

SHOW MORE
SHOW LESS
  • No tags were found...

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

CADRE DE DEVELOPPEMENTDE LA STRATEGIE NATIONALEDE PROTECTION SOCIALEEN COTE D’IVOIRETome 1Etat des Lieux, Défis et Perspectives deRenforcement de la Protection SocialeJanvier 2012


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireAvant-propos / Avis aux lecteursCette étude a été conduite entre juin et décembre 2011 par une équipe d’<strong>Oxford</strong> <strong>Policy</strong><strong>Management</strong> (OPM) composée de Anthony Hoges, Cécile Cherrier, Auguste Blibolo et FrancoisAka Bedia, sous la direction d’un Comité de Pilotage interministériel, avec l’appui financierdu Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (<strong>UNICEF</strong>). Les auteurs sont très reconnaissants del’appui apporté par les divers ministères concernés, qui leur ont accordé des entretiens et quiont mis à leur disposition la documentation et les données statistiques utilisées dans cette étude.Les auteurs remercient aussi tous les participants aux deux ateliers nationaux qui ont eu lieu enaoût et décembre 2011 dans le cadre de cette étape prélinaire de réflexion et d’analyse siimportante pour assurer le bien-fondé des orientations stratégiques du dispositif futur deprotection sociale dans le pays.I


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireLISTE DES ENCADRÉS, FIGURES ET TABLEAUXListe des encadrésEncadré 3.1 La vulnérabilité accentuée de l’enfant sans cadre familial protecteur 24Encadré 4.1 Le droit coutumier et la protection de l’enfant 28Encadré 4.2 Les subventions croisées dans le secteur de l’eau potable : protègent-ellesles plus pauvres en pratique ? 36Encadré 4.3 Les projets pilotes de transferts en espèces 37Encadré 4.4 Quelques expériences prometteuses dans la lutte contre les VBG 47Encadré 4.5 L’expérience prometteuse des Comités de Veille et de Protection des Enfants 48Encadré 4.6 Le dossier technique de l’AMU était-il bien conçu ? 63Encadré 5.1 Les services spécialisés dans le développement du jeune enfant 70Encadré 5.2 Les Centres Sociaux du MEMEASS 71Liste des figuresFigure 3.1 Chocs économiques et politiques, croissance du PIB et incidence de pauvreté,1985-2011 10Figure 3.2 Dépenses moyennes par tête et par an selon les déciles de consommation(FCFA), 2002 et 2008 11Figure 3.3 Risques selon le cycle de la vie 22Figure 4.1 Disparités des taux d’accès et d’achèvement scolaire selon le genre,le milieu de résidence et le niveau de richesse, 2006 52Figure 4.2 Dépenses de santé par sources de financement (%), 2008 59Figure 4.3 Dépenses catastrophiques par quintile de richesse, 2008 61Figure 4.4 Utilisation des services sanitaires publics, mai 2010 et mai 2011 65Liste des tableauxTableau 3.1 Taux de pauvreté (%) selon les sources d’eau, les types d’assainissement etles types de consultations médicales, 2008 17Tableau 3.2 Risques sociaux par quintile de bien-être économique, 2006 18Tableau 3.3 Pauvreté monétaire et risques sociaux par milieu de résidence (%) 19Tableau 3.4 Indicateurs de pauvreté monétaire par régions (%), 2008 21Tableau 3.5 Risques sociaux par région (%), 2006 21Tableau 3.6 Distribution de la population par groupe d’âge et décile de consommation, 2008 23Tableau 3.7 Disparités filles/garçons dans le système d’enseignement (%), 2009 25Tableau 4.1 Répartition des dépenses selon les catégories d’assurés de la CNPS, 2010 32Tableau 4.2 Les mutuelles professionnelles 35Tableau 4.3 Activités du CNLVFE, 2000-2011 46Tableau 4.4 Couverture des cantines scolaires, 2009 54Tableau 5.1 Dépenses courantes de protection sociale (hors personnel), 2009-2010 75Tableau 5.2 Cadre macro économique et budgétaire 76Tableau 5.3 Programmation des investissements de protection sociale, 2010-2012 77IV


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireSIGLES ET ACRONYMESACFAction Contre la FaimACTEDAgence d’Aide à la Coopération Technique et au DéveloppementAFJCIAssociation des Femmes Juristes de Côte d’IvoireAGEFOPAgence Nationale de la Formation ProfessionnelleAGEPEAgence d’Etudes et de Promotion de l’Emploi du MEMEASSAGEROUTEAgence de Gestion RoutièreAGRActivités génératrices de revenusAMUAssurance Maladie UniverselleARVAntirétroviralBITBureau International du TravailBNIBanque Nationale d’InvestissementCDMTCadre des Dépenses à Moyen TermeCEDEAOCommunauté Economique des Etats de l’Afrique de l’OuestCEPECertificat d’Etudes Primaires ElémentairesCESCentre d’Education SpécialiséeCFCContribution financière communautaireCGRAECaisse Générale de Retraite des Agents de l’EtatCNAMCaisse Nationale d’Assurance-MaladieCNLTEEComité National de Lutte contre l’Exploitation et la Traite des EnfantsCNLVFEComité National de Lutte contre les Violences faites aux Femmes et aux EnfantsCNPSCaisse Nationale de Prévoyance SocialeCNOCentre, Nord et OuestCNSComptes nationaux de la santéCOFOGClassification des Fonctions des Administrations Publiques (« Classification of theFunctions of Government »)COGESComité de GestionCPPECentre de Protection de la Petite EnfanceCSCentre SocialCSACaisse Sociale AgricoleCSB+ mélange maïs-soja enrichi (« Corn Soya Blend Plus »)CSEComplexe Socio EducatifDANIDAAgence Danoise pour le Développement International (« Danish InternationalDevelopment Agency »)DEPGDirection de l’Egalité et de la Promotion du Genre du MFFEDGTDirection Générale du Travail du MEMEASSDIJEDéveloppement intégré du jeune enfantDMOSSDirection de la Mutualité et des Œuvres Sociales en Milieu Scolaire du MENDPSDirection de la Protection Sociale du MEMEASSDRENDirection Régionale de l’Education NationaleDSRPDocument de Stratégie de Réduction de la PauvretéDTSDépenses totales de santéEDSCIEnquête Démographique et de Santé de Côte d’IvoireEISEnquête sur les Indicateurs du SIDAENVEnquête sur le Niveau de Vie des ménagesESCOMEtablissement sanitaire communautaireESPCEtablissement sanitaire de premier contactFCFAFranc de la Communauté Financière AfricaineFMIFonds Monétaire InternationalFNAMUFonds National de l’AMUV


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoirePNDSPlan National de Développement SanitairePN-OEVProgramme National de Prise en Charge des Orphelins et autres Enfants rendusVulnérables du fait du VIH/SIDAPVVIHPersonnes vivant avec le VIH/SIDAPRODIGEProgramme de Développement des Initiatives Génératrices de RevenusPSNPProgramme de filets de sécurité productifs en Ethiopie (« Productive Safety NetProgramme »)PSPPharmacie de Santé PubliquePTFPartenaires techniques et financiersRESEN<strong>Rap</strong>port du Système Educatif NationalSALTEService Autonome de la Lutte contre le Travail des EnfantsSICGDSystème intégré de collecte et de gestion de donnéesSMARTStandardized Monitoring and Assessment of Relief and TransitionsSMIGSalaire Minimum Interprofessionnel GarantiSODECISociété de Distribution d’Eau de la Côte d’IvoireSSTESystème de Suivi du Travail des EnfantsTTCToutes taxes comprisesUAUnion AfricaineUEMOAUnion Economique et Monétique de l’Afrique de l’Ouest<strong>UNICEF</strong>Fonds des Nations Unies pour l’EnfanceUNIFEMFonds de Développement des Nations Unies pour la FemmeUSDOS Département Américain des Affaires Etrangères (« U.S. Department of State »)USDOL Département américain du travail (« U.S. Department of Labour »)VBGViolences basées sur le genreVIH/SIDAVirus d’immunodéficience humaine / syndrome d’immunodéficience acquiseWACAPProjet de lutte contre le travail des enfants dans le secteur du cacao et de l’agriculturecommercial en Afrique de l’Ouest (« West Africa Cocoa/Commercial Agriculture Project »)VII


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoirePRÉFACELes chocs économiques, sociaux et politiques qui ont touché la Côte d’Ivoire ces trente dernièresannées ont eu un impact majeur sur le bien-être de la population ivoirienne. Le taux de ménages pauvresa quadruplé entre 1985 et 2008, et les ménages déjà pauvres se sont encore appauvris. Les déficitsen matière d’accès aux services essentiels tels que la santé et l’éducation se sont accrus, lephénomène de malnutrition s’est aggravé, et la participation à la vie économique des individus s’estaffaiblie. Les inégalités se sont amplifiées, risquant de porter atteinte à une cohésion sociale déjà fragile.Pour surmonter ces défis multiples, la Côte d’Ivoire reconnait le potentiel que la protection socialereprésente : permettre à l’ensemble de la population de mieux faire face aux risques et aux chocs, faire ensorte que les personnes pauvres et vulnérables surmontent les obstacles qui les empêchent d’accéderaux services essentiels et contribuer à améliorer leurs conditions de vie et à accroître leur productivité.Les enfants qui n’ont pas été éduqués, qui ont été exposés à la malnutrition, ou qui ont un accèstrès limité aux soins de santé ne pourront pas bénéficier du développement physique, mental etémotionnel normal dont aura besoin la Côte d’Ivoire pour atteindre son objectif de pays émergent.Investir dans la protection sociale, c’est contribuer à améliorer la productivité globale de la Nationet le bien-être général de la population en favorisant l’éducation des populations, en améliorantdurablement leur santé et en élargissant leurs opportunités d’investir dans leur capital humain.Par ses effets positifs sur la réduction de la pauvreté et des inégalités, une politique efficace deprotection sociale contribue également à réduire les sources de tension sociale et de conflit.Ce faisant, elle stimule l’environnement requis pour une accélération des investissements nécessairesà la relance rapide de l’économie, et assure une croissance plus favorable aux personnes pauvreset vulnérables.Fort de ce constat, la Côte d’Ivoire souhaite s’engager dans le développement progressif d’unsystème de protection sociale intégré répondant aux besoins, priorités et ressources du pays.Pour ce faire, le Gouvernement envisage la formulation d’une stratégie de protection sociale pourdoter le pays d’un cadre global pour l’orientation des programmes, la formulation de mesures idoineset une mise en œuvre efficiente.Ce processus s’appuiera sur le travail d’analyse présenté dans ce rapport en deux volets, sous l’intituléCadre de développement de la stratégie nationale de protection sociale en Côte d’Ivoire, ainsi quesur d’autres analyses en cours de réalisation, notamment en ce qui concerne les mesures envisagéespour améliorer l’accès des populations aux soins de santé.La présente étude propose aux acteurs engagés dans ce processus un état des lieux de la situationactuelle en protection sociale, un examen des déficits, des perspectives de renforcement ainsiqu’une analyse comparée de différentes options de transferts sociaux monétaires pouvant contribuerà ériger un dispositif de protection sociale plus adéquat aux besoins des couches les plus pauvresde la population ivoirienne. Elle vise à aider au processus de prise de décision, notamment parla priorisation des choix stratégiques et opérationnels qui seraient les plus pertinents et efficaces.En s’engageant dans cette initiative, le Gouvernement et l’<strong>UNICEF</strong> ont l’intime conviction - qu’en dépitd’un espace sociétal fragilisé par des années de crise et d’un contexte économique et financierdifficile - l’environnement en Côte d’Ivoire ouvre de réelles opportunités pour progressivement mettreen place un socle de protection sociale et assurer la solidarité nationale indispensable pour corrigerles inégalités sociales, réduire la haute vulnérabilité des populations, consolider la paix sociale etgarantir le succès de la relance économique.Gilbert Koné KAFANAMinistre d’Etat, Ministre de l’Emploi,des Affaires Sociales et de la SolidaritéHervé Ludovic De LysReprésentant Résident <strong>UNICEF</strong>IX


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoirePour les enfants d’âge scolaire, le risque de ne pas fréquenter l’école est majeur : environ 30% pourl’inscription à la première classe du primaire (CP1) et encore plus élevé pour les enfants du premierquintile.La vulnérabilité est accentuée chez les enfants qui vivent sans cadre familial protecteur.Il s’agit non seulement des enfants de la rue, des enfants dans les prisons et d’autres enfants vivantcomplètement hors d’un cadre familial, mais aussi des enfants (beaucoup plus nombreux) qui viventdans un cadre familial mais qui sont exposés à de forts risques de maltraitance.Pour les jeunes, notamment en milieu urbain, le chômage est un des risques les plus importants,en plus de ceux du VIH/SIDA et d es infections sexuellement transmissibles.Les personnes âgées, bien que peu nombreuses, sont sujettes à des risques accrus deréduction de revenu, de maladies et de handicaps, et se trouvent souvent avec peu de soutienfamilial, voire même exposées à des abus et à la perte de leurs biens, notamment dans le casdes veuves dans les ethnies matrilinéaires.Les personnes qui vivent avec un handicap représentent un autre groupe parmi les plusvulnérables, souffrant de toute une série de discriminations, allant des barrières d’accès àl’enseignement et à l’emploi jusqu’aux contraintes à leur pleine participation dans la vie sociale etculturelle. Les maladies chroniques, telles que le SIDA et la tuberculose, rendent les ménages plusvulnérables, diminuant leur capacité productive et augmentant leurs besoins médicaux, mais laprévalence du VIH est paradoxalement plus élevée dans les quintiles plus aisés de la population,rendant la relation entre cette maladie et la vulnérabilité plus nuancée.Les relations de genre sont un autre facteur de vulnérabilité à ne pas ignorer. La subordinationde la femme, la division traditionnelle du travail, les discriminations et le lourd fardeau du rôlereproductif de la femme mettent les femmes dans une situation globalement désavantageuse parrapport aux hommes et les rendent plus vulnérables à toute une série de risques : la non-scolarisationou l’abandon scolaire, les discriminations dans l’emploi, l’excision, les violences conjugales, lesabus sexuels et l’exploitation sexuelle. Les mariages et grossesses précoces amplifient les risquesplus larges associés à la santé reproductive, y compris ceux de mortalité maternelle, qui restentélevés.Situation existante, défis et perspectives de renforcement de laprotection socialeProtection sociale informelleLes mécanismes informels apparaissent prédominants dans le système de protection, maisne sont pas bien adaptés aux chocs à large échelle et semblent de plus en plus affaiblis parles migrations, les déplacements, l’urbanisation et la modernisation.Assurance socialeLa protection sociale est largement limitée à sa branche contributive, c’est-à-dire à l’assurancesociale, mais celle-ci a une couverture très faible et un impact minime en matière de protectionde la population générale contre les risques sociaux. A peine 6% de la population vit dans unménage ayant au moins une personne bénéficiaire de pensions de retraite ou d’autres régimesd’assurance. Les deux caisses de sécurité sociale, la CGRAE et la CNPS, ne couvrent qu’uneminorité de la population liée au secteur formel de l’économie. Qui plus est, elles sont en situation dedéséquilibre financier, ce qui met en péril leur pérennité et requiert des réformes pour assurer leursurvie. La CGRAE nécessite notamment des subventions coûteuses de la part du gouvernement.L’assurance maladie est limitée au secteur public (à travers la MUGEFCI et d’autres « mutuelles »paraétatiques) et aux plus grandes entreprises du secteur privé (à travers l’assurance privée ou leurspropres centres de santé).XII


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireL’expansion de l’assurance sociale sans système de subventionnement semble ne pas êtreune piste viable de renforcement de la protection sociale des plus vulnérables, compte tenudes contraintes de la faible capacité contributive des ménages pauvres et des difficultésadministratives énormes de gestion de cotisations dans le secteur informel, où le prélèvement à lasource est quasi impossible.Transferts sociauxUn rôle beaucoup plus important devrait être accordé à la protection sociale non contributive,qui est actuellement très peu développée. Les aides sociales aux indigents n’existent pratiquementplus et la Côte d’Ivoire n’a pas encore développé de programmes de transferts sociaux réguliers et àlarge échelle comme les allocations familiales, les pensions sociales de vieillesse ou les transferts enespèces pour ménages très pauvres. D’autres types de transferts (en nature) existent, tels que l’aidehumanitaire (principalement alimentaire), des appuis aux OEV et, dans le secteur de l’éducation,les cantines scolaires, les bourses et les kits scolaires.Un programme de transferts en espèces à large échelle aurait des impacts importants sur laréduction de la pauvreté. Une analyse conduite en parallèle à cette étude (Tome 2, une premièreanalyse du rôle, de l’impact, des coûts et de la faisabilité de diverses options de programmesde transferts sociaux monétaires) a montré que la mise en œuvre d’un programme de transfertsciblés au premier quintile de consommation de la population pourrait réduire l’écart de pauvretéde 22% pour les ménages bénéficiaires et de 16% au niveau de l’ensemble de la population, touten stimulant des augmentations de la scolarisation et de l’utilisation des services de santé par lesenfants dans les ménages les plus pauvres. L’analyse a souligné néanmoins quelques défis majeurspour une éventuelle mise en œuvre : les difficultés de ciblage, le besoin de mobiliser des ressourcesimportantes (1,8% du PIB), et la nécessité de renforcer les capacités du système de l’action sociale.Les travaux publics à haute intensité de main d’œuvre (HIMO) sont un autre type detransfert, conditionné sur le travail. La Côte d’Ivoire a des expériences à petite échelle de travauxpublics à haute intensité de main d’œuvre. Deux institutions nationales sont impliquées dans desprogrammes de ce type, en partenariat avec les collectivités locales. Il s’agit de l’Agence d’Etudes etde Promotion de l’Emploi et de l’Agence de Gestion Routière, mais le nombre d’emplois créésreste très réduit par rapport à l’ampleur du chômage. L’analyse a mis en relief les impacts potentiellementimportants d’un programme HIMO mis en œuvre à grande échelle, qui embaucherait prèsde 700 000 chômeurs âgés de 18 à 39 ans pendant cinq mois de l’année au niveau du SMIG.Sous les hypothèses retenues, ce programme aurait un impact fort sur l’écart de pauvreté au niveaudes ménages bénéficiaires (‐23%) et un impact moyen sur l’écart de pauvreté au niveau de l’ensemblede la population (‐15%), en plus des impacts à long terme des travaux réalisés. Pour réduire les coûtsd’un tel programme (2,7% du PIB) et les besoins en capacité administrative (de gestion d’un grandnombre de projets de travaux publics), l’étude a suggéré un programme moins ambitieux dansle court à moyen terme.Services d’action socialeDans l’ensemble, ces services bénéficient à une frange limitée des nombreuses familleset individus vivant dans une situation à haut risque. Ces services sont très faibles pour denombreuses raisons, parmi lesquelles : la diversité des types de risques ; le grand nombre d’acteursétatiques et non étatiques engagés (centres sociaux du ministère chargé des affaires sociales,services sociaux d’autres ministères et des collectivités locales, ONG et confessions religieuses) ;l’absence de cadre politique cohérent pour orienter et prioriser les actions ; le faible niveau decoordination inter et intra sectorielle ; l’insuffisance des ressources financières ; la dépendanceà l’aide extérieure ; et les difficultés à assurer la pérennisation des programmes et projets.On trouve donc un grand nombre de petits projets éparpillés, mal coordonnés et limités dans letemps et dans l’espace.XIII


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireLes services existants semblent largement orientés vers un nombre réduit de problèmesspécifiques en raison des incitations du financement extérieur. L’aide des partenairestechniques et financiers (PTF) est concentrée de manière déséquilibrée sur des programmescloisonnés en faveur des OEV (dans le cadre d’un programme conçu de manière étroite etrestrictive pour prendre en compte uniquement les enfants rendus vulnérables en raison duVIH/SIDA), sur le travail des enfants dans les plantations de cacao et de café, et sur les violencesbasées sur le genre (VBG).Il convient de repenser le système de l’action sociale, de le doter d’un cadre politiqueclair et de renforcer les capacités à la base afin qu’il puisse s’acquitter au mieux deson important mandat. Il est primordial de développer un cadre politique clair, au sein dela Stratégie Nationale de Protection Sociale, qui établisse sur la base des évidences du terrain(et des enquêtes nationales) des priorités nationales, tout en laissant une marge de manœuvreimportante (appuyé par l’octroi de ressources) au niveau des directions régionales des affairessociales et surtout aux Centres Sociaux pour répondre de manière flexible aux besoins locaux.Les Centres Sociaux devraient bénéficier de travailleurs sociaux mieux formés, d’une meilleureautonomie budgétaire ainsi que d’un plus grand pouvoir décisionnel. Leur répartition sur le territoirenational devrait également être améliorée pour couvrir mieux le milieu rural et les régions(notamment dans le Nord) où les risques et les vulnérabilités sont les plus graves.Dès à présent, un important travail de renforcement du système d’accréditation, d’inspectionet de référencement doit être entrepris, compte tenu du fait que nombre de structures d’actionsociale (des orphelinats et des centres d’hébergement temporaire par exemple) ne répond pas auxnormes nationales (et internationales) en vigueur.De nouvelles approches doivent être envisagées pour relever le défi de l’animation sociale etrenouer le lien entre travailleurs sociaux et communautés. Afin de remplir leur mission d’animationcommunautaire, de détection et d’assistance aux plus vulnérables, les services sociaux doiventégalement s’engager dans des stratégies visant au changement des normes sociales (par exemple,pour la lutte contre l’excision, le travail des enfants, la dépossession des veuves dans les ethniesmatrilinéaires, etc.), en utilisant des méthodes de communication et sensibilisation au niveaucommunautaire.Protection sociale dans le secteur de l’éducationL’accès à l’école est marqué par de fortes inégalités, surtout selon le niveau de richessefamiliale. Le système éducatif ivoirien est l’un des moins équitables d’Afrique. Les disparités selonle niveau de richesse sont plus importantes que celles selon le lieu de résidence, ou le genre,bien que celles-ci soient aussi importantes. Le taux d’accès au primaire des enfants du premierquintile n’est que de 51%, par rapport à 89% pour les enfants du cinquième quintile et ces disparitésaugmentent selon la classe, malgré l’abolition des frais d’inscription depuis 2001 et d’autresinitiatives comme les cantines scolaires et la distribution de kits scolaires.Les mesures de réduction des barrières financières à l’accès devraient jouer un rôle critiqueen complément des mesures d’amélioration de l’offre et de la qualité de l’enseignement.Des mesures de cette nature sont envisagées dans le Plan d’Actions à Moyen Termedu Secteur de l’Education 2012-2014, basées sur un ciblage géographique qui favorise les enfantsdans les zones où les taux de pauvreté, de malnutrition et de non scolarisation sont les plusimportants. Le ciblage géographique peut se justifier à court terme par un manque de ressources,mais à long terme une approche universelle semble plus cohérente avec le principe de l’accèsgratuit et universel à l’enseignement et le fait que le facteur économique est plus déterminantque la région de résidence (on trouve des enfants vulnérables sur toute l’étendue du territoiremême s’ils sont plus concentrés dans certaines zones).XIV


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireEn premier lieu, il est nécessaire de rendre l’enseignement primaire effectivement gratuit.Ceci requiert des réformes dans les procédures d’exécution budgétaire pour mettre fin à la situationactuelle de décaissement tardif et incomplet des subventions aux COGES des écoles primaires,qui laisse les écoles privées de fonds de fonctionnement et les incite à continuer à imposer descotisations informelles aux familles.Deuxièmement, les évidences de l’impact des cantines scolaires sur la scolarisation et larétention des élèves justifient l’expansion de celles-ci. Il s’agit d’élargir éventuellement lacouverture à toutes les écoles (la moitié des écoles primaires publiques sont actuellementimpliquées), d’augmenter la prestation des repas pour couvrir tous les jours de l’année scolaire,et de supprimer le prélèvement de 25 FCFA par repas.Troisièmement, d’autres mesures, telle que la suppression des obstacles à la scolarisationliés à l’état civil, devraient jouer un rôle complémentaire. Il faut assurer que les directeurs desécoles appliquent la directive du Ministère de l’Education Nationale de ne plus faire obstacleà l’inscription des enfants au CP1 pour défaut d’extraits d’acte de naissance, tout en faisantles investissements nécessaires pour renforcer et rendre plus accessible le système d’état civil.Finalement, la restauration du port obligatoire de la tenue scolaire en septembre 2011 sembleun pas rétrograde qui risque de renforcer les barrières d’accès pour les enfants les plus pauvres.Protection sociale et l’accès aux services de santéL’abandon de la gratuité des services sanitaires à la suite de la crise économique desannées 80 a eu de graves retombées sur l’accès des populations aux soins. Le recouvrementdes coûts s’est généralisé en 1994 dans tous les établissements publics de santé et est resté envigueur jusqu’à la déclaration de la gratuité exceptionnelle des services sanitaires publics d’avril2011 à la fin du conflit postélectoral. Quelques rares cas de gratuité, financés essentiellementpar l’aide extérieure, avaient fait exception à la règle : les vaccinations lors des campagnes PEV,le traitement de la tuberculose, le traitement antirétroviral des malades du SIDA (depuis 2008)et la prise en charge médicale des OEV du fait du VIH/SIDA et de leurs familles. Il y a eu aussiun système d’exemptions des frais médicaux en faveur des indigents, mais limité dans la pratiqueà un nombre très réduit de patients dans les hôpitaux d’Abidjan. Le facteur coût, ainsi quela distance (en milieu rural) et la faible qualité des services font que les taux d’utilisation desservices sanitaires publics sont parmi les plus faibles d’Afrique de l’Ouest. Les taux detraitement des maladies chez les enfants, notamment pour le paludisme, et les tauxd’accouchement en établissements sanitaires sont particulièrement faibles dans le premier quintile.Le financement de la santé s’est reposé principalement sur les dépenses des ménages.Les Comptes Nationaux de la Santé montrent une répartition très régressive des dépensesde santé, où les ménages dépensent quatre fois plus que ne le fait l’Etat. Les dépenses publiquesde santé sont parmi les plus faibles dans la région ouest africaine (0,9% du PIB en 2008) etsont affectées principalement au niveau tertiaire du système. La faiblesse du financement public,surtout au niveau primaire, limite énormément le potentiel rôle de l’Etat dans la redistribution desdépenses de santé des plus riches vers les plus pauvres.Le faible niveau de mutualisation des risques maladie fait que la quasi-totalité des dépensesde santé des ménages est effectuée directement au moment de la prestation de services.Moins de 4% de ces dépenses sont prépayées (à travers l’assurance maladie). Selon l’ENV 2008,18% des ménages subissent des dépenses « catastrophiques » supérieures à 40% des dépensesnon-alimentaires. La mise en place d’un système d’assurance maladie universelle (AMU), promulguéeen 2001, n’a pas pu aboutir dans la pratique.La gratuité de tous les services sanitaires, décidée en avril 2011, a conduit à une forteaugmentation de la demande que le système de santé a eu du mal à gérer en raison dumanque de préparation préalable. Introduite à titre exceptionnel pour faire face à la situationXV


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoirede précarité générale qui prévalait à la fin de la crise postélectorale, la gratuité généralisée étaitcensée durer 45 jours mais a été prorogée jusqu’au mois de janvier 2012. Le personnel a étésurchargé et les ruptures de médicaments se sont aggravées. La gratuité généralisée remet encause ses propres gains en matière d’amélioration de l’accès des populations aux soinssi des mesures d’accompagnement ne sont pas rapidement mises en place : le renforcementdu financement du système, la résolution des problèmes d’approvisionnement des médicaments,et le renforcement des ressources humaines.Il est urgent d’adopter une politique cohérente et réaliste pour assurer l’accessibilitéfinancière aux soins, surtout aux plus vulnérables : les enfants de moins de 5 ans etles femmes enceintes. La première version du texte de la nouvelle Politique Nationale de Santéénonce comme une de ses priorités celle d’ « améliorer l’accessibilité financière et l’utilisation desservices de santé » mais ne clarifie pas comment le faire. Le passage d’une exemption généraliséeà une approche d’exemption ciblée du paiement des soins visant les parturientes et les enfantsde moins de cinq ans devrait constituer une porte d’entrée à la reforme plus globale du systèmede santé pour progressivement tendre vers un système universel. La gratuité devrait s’intégrer àterme dans une stratégie de Couverture Maladie Universelle (CMU) plus large, qui inclue desmodalités d’exemption ciblée, un paquet subventionné pour les pauvres, et un mécanismed’assurance maladie contributif qui prend en compte les caractéristiques du pays, y compris le largesecteur informel et la faible capacité contributive des personnes pauvres et vulnerables. Un telcontexte nécessite ainsi de fortes subventions étatiques, comme au Ghana, pour réduire lesinégalités d’accès à l’assurance. Même si l’assurance est retenue comme une des composantesd’une stratégie de financement de la santé, elle devrait être accompagnée par la gratuité desservices les plus critiques, notamment pour les enfants de moins de 5 ans et les femmesenceintes en vue de réduire les taux élevés de mortalité infanto-juvénile et maternelle. Ces mesuresde gratuité ciblée devraient être accompagnées par des mesures de renforcement du financement,de l’approvisionnement en médicaments et des ressources humaines pour assurer le bon fonctionnementdu système. Il est de plus crucial de mener une réflexion technique conjointe entre lesdifférents acteurs engagés et de s’accorder sur une feuille de route adaptée pour la formulationet la mise en œuvre de la stratégie de CMU intégrée, qui inclue les leçons initiales du premiermodèle d’exemption ciblée.Cadre politique, institutionnel et financier pour le renforcement de laprotection socialeLa Stratégie de Relance du Développement et de Réduction de la Pauvreté (SRDRP),adoptée en 2009, a donné une place importante à la protection sociale, mais sesengagements sont restés vagues et sans financement adéquat. La stratégie a pris positionpour « étendre la protection sociale à l’ensemble de la population, et singulièrement aux couchesles plus vulnérables » (RCI, 2009a). Mais la nature vague de la plupart des engagementstraduit le fait qu’il n’y avait pas de cadre politique cohérent de la protection sociale avec despriorités claires, liées à l’octroi des ressources à travers la planification budgétaire à moyen terme.C’est le besoin de relever ce défi qui justifie le processus actuellement en cours d’élaborationde la Stratégie Nationale de Protection Sociale.Le système de protection sociale est caractérisé par une faible coordination intersectorielleet interinstitutionnelle, une forte centralisation et la nature verticale des principauxprogrammes. Différents ministères, ainsi que les collectivités locales et de nombreuses ONG,interviennent dans le domaine de la protection sociale mais leur coordination demeure limitée,conduisant ainsi à des approches sectorielles et cloisonnées et engendrant des chevauchementsdans les mandats et les activités des diverses structures de base. En outre, le processus deprise de décision dans le domaine de la protection sociale reste encore très centralisé, laissantpeu d’autonomie aux structures de base. Toutes les décisions, que ce soit par rapport auxstratégies, plans d’actions, personnel, budget, ou même pour l’approbation de demandes desecours social, sont prises au niveau central. Faute de cadre politique et de moyens, les activitésXVI


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoiredes structures de base sont en pratique largement influencées par les PTF à travers desprogrammes verticaux qui ne répondent pas toujours aux problèmes les plus prioritaires despopulations.Il conviendra d’adopter une approche de programmation plus systémique et d’améliorerla coordination intersectorielle et interinstitutionnelle. L’adoption de la Stratégie Nationale deProtection Sociale devrait fournir le cadre nécessaire pour orienter les actions des diversintervenants de manière plus cohérente, harmonisée et efficace au niveau national. On devraitenvisager l’établissement d’un cadre de concertation et de coordination, pour le suivi dela mise en œuvre de la Stratégie Nationale de Protection Sociale. Il est de plus souhaitablequ’une certaine stabilité institutionnelle soit assurée à l’avenir et que les mandats des différentesstructures de base soient revisités en fonction des avantages comparatifs de chacune, pouréviter les chevauchements actuels.L’absence de système de gestion de l’information et de suivi-évaluation constitueactuellement un handicap dans l’élaboration et la gestion des politiques publiques et dansla gestion des bénéficiaires de l’action sociale. Le défi est celui de développer le systèmeintégré de collecte et de gestion de données (SICGD) actuellement envisagé par leMEMEASS. Tout en commençant par les programmes directement sous l’égide du Ministèrechargé des Affaires Sociales, ce système devrait s’élargir progressivement pour devenir unsystème de gestion multisectoriel. Ce système de gestion d’information devrait permettre lasaisie et le suivi de données sur les bénéficiaires individuels des programmes et interventions,incluant par exemple les informations obtenues par les travailleurs sociaux lors d’enquêtessociales, les informations sur leur inscription dans des programmes spécifiques (par exemplede transferts sociaux) et les informations sur les mesures complémentaires d’accompagnement.Il faudra renforcer la formation et améliorer la répartition géographique des ressourceshumaines. L’existence d’un grand nombre de travailleurs sociaux qualifiés constitue un atoutdu système de protection sociale, mais ceux-ci sont fortement concentrés à Abidjan et lesprogrammes de formation souffrent de quelques faiblesses. L’INFS devrait renforcer ses formationsinitiales, former des cadres supérieurs et offrir des formations courtes de recyclage.Mise à part les subventions à la CGRAE et les bourses d’études, la protection sociale reçoitactuellement une part faible des dépenses publiques. Ces dépenses sont gonflées par lessubventions effectuées par l’Etat à la CGRAE pour combler ses déficits. Ces subventions, quipeuvent difficilement être considérées comme de « véritables » dépenses de protection sociale(au profit des couches vulnérables de la population) représentent la moitié des dépenses courantesde protection sociale (hors personnel). En excluant ces subventions, ainsi que les boursesd’études, qui sont principalement au niveau de l’enseignement supérieur, l’ensemble des autresvolets de la protection sociale n’ont reçu que 3,7% des dépenses courantes hors personnel en2010. Par ailleurs, seulement 3,9% des dépenses programmées dans le cadre du Programmed’Investissements Publics 2010-2012 ont été attribuées aux projets de protection sociale.Bien que limité à court terme, l’ « espace budgétaire » potentiel pour une expansion des dépensespubliques de protection sociale devrait augmenter à partir de 2012. La relance de l’activitééconomique est déjà en cours et le FMI prévoit un rebond économique important en 2012.A long terme, l’espace budgétaire pour une expansion durable du financement de la protectionsociale devrait venir de la croissance des recettes fiscales et de l’amélioration de l’efficacité desdépenses par rapport aux priorités politiques. Un fort accent sur la réduction de la vulnérabilitédes populations devrait favoriser une augmentation de la part des dépenses de protectionsociale en vue d’accroître le niveau de consommation des ménages, améliorer l’accès auxservices sociaux et stimuler une croissance inclusive afin de réduire la pauvreté et accélérerle progrès vers les OMD. Même au sein des dépenses dites de protection sociale, il y a desopportunités pour atteindre une meilleure efficacité, notamment à travers la réaffectation desressources actuellement consacrées au subventionnement de la CGRAE.XVII


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoire1 Introduction1.1 Contexte et objectifA la suite de presque trois décennies de chocs économiques et d’une décennie de crisespolitiques, la Côte d’Ivoire se trouve dans une situation sociale extrêmement précaire. Mêmeavant la crise postélectorale de 2010-2011, l’incidence de la pauvreté avait augmenté, passant de10% en 1985 à 49% en 2008 (MEMPD/INS, 2008). Ce drame humain s’est aggravé davantage enconséquence directe des évènements qui ont suivi les élections de 2010 et qui ont conduit à laparalysie de l’économie et au déplacement de centaines de milliers de personnes.Bien que la situation se soit stabilisée depuis l’investiture du nouveau gouvernement en mai 2011,permettant le retour progressif des populations déplacées à leurs lieux d’origine et une reprisegraduelle des activités économiques, la Côte d’Ivoire doit faire face aux défis du retour à la croissanceet du combat à long terme contre la pauvreté. Entretemps, une large partie de la population risquede se trouver piégée dans une situation de haute vulnérabilité chronique sans moyens à court termede s’en sortir, compte tenu de l’affaiblissement des mécanismes traditionnels d’entraide informelle (etde leur insuffisance pour faire face à l’ampleur des chocs subis) et de l’absence de mécanismesefficaces de protection sociale.Au niveau international, la protection sociale est devenue de plus en plus en vue dans lespolitiques de développement, notamment dans les documents de stratégies de réduction de lapauvreté (DSRP) et dans la réponse à la triple crise alimentaire, énergétique et financière qui a frappél’économie mondiale de 2008 à 2009. En avril 2009, le Système des Nations Unies a proposé un« socle de protection sociale » comme une des composantes de la réponse à la crise mondiale eta demandé à chaque pays de définir son propre socle pour sauvegarder les revenus des couchesles plus vulnérables et pour assurer l’accès des populations aux services essentiels (ONU, 2009).L’Union Africaine a également pris position en adoptant le « Cadre de Politique Sociale Africaine »(UA, 2008) lors de sa conférence des Ministres chargés du développement social, tenue àWindhoek, Namibie, en octobre 2008. Cette politique, qui a été ratifiée par le Comité Exécutif desChefs d’État réuni à Addis-Abeba en janvier 2009, note l’émergence d’un consensus sur l’idée d’un« ensemble minimum de protection sociale essentielle » et affirme que « la protection sociale doitconstituer une obligation de l’État » avec des dispositions y afférentes dans la législation nationale,les plans de développement national et les DSRP.Plusieurs pays africains se sont dotés de stratégies ou politiques nationales de protectionsociale. C’est le cas, par exemple, du Cap-Vert, du Ghana, du Mali, du Niger et du Sénégal enAfrique de l’Ouest. En outre, presque tous les DSRP en Afrique accordent une place importante àla protection sociale, parfois en y consacrant un de leurs « axes ». La Côte d’Ivoire n’est pas restéeen marge de ce mouvement d’engagement en faveur du renforcement de la protection sociale, bienque les dispositifs actuels de protection sociale soient de portée très réduite.Dès son investiture, le nouveau gouvernement a donné une forte priorité à la réduction dela vulnérabilité des populations. Même avant la crise postélectorale, le Ministère du Plan etdu Développement avait proposé, mi-2010, l’élaboration d’une stratégie nationale de protectionsociale. Devant se baser sur une analyse approfondie des vulnérabilités et des risques, et d’uneréflexion conjointe de tous les acteurs concernés sur les options de renforcement et d’expansiondu système de protection sociale, la stratégie viserait le renforcement des capacités des couchesles plus démunies de la population afin de leur permettre de sortir de leur situation fragilisée. A cettefin, le bureau de l’<strong>UNICEF</strong> en Côte d’Ivoire, dans le cadre de son programme de coopération avecle gouvernement de la Côte d’Ivoire, a contracté une équipe d’experts d’<strong>Oxford</strong> <strong>Policy</strong> <strong>Management</strong>(OPM) pour entreprendre les analyses préalables.1


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoire1.2 Méthodologie et structure du rapportPrévus initialement en 2010, mais reportés en raison de la crise postélectorale, les travaux ontété reprogrammés pour se dérouler de juin à décembre 2011. L’équipe de consultants a entaméles premiers échanges avec les ministères du Gouvernement, l’<strong>UNICEF</strong> et d’autres acteurs en juin2011, donnant lieu à un rapport de démarrage (OPM, 2011a). Le Ministère d’Etat, Ministère du Planet du Développement a ensuite établi un Comité de Pilotage, comprenant des représentantsde tous les ministères les plus concernés par la protection sociale, en août 2011, en vued’orienter les travaux de la présente étude et les préparatifs de l’élaboration de la StratégieNationale de Protection Sociale. Un atelier de renforcement des connaissances a eu lieu àAbidjan les 24 et 25 août 2011 (MEMPD, 2011).Concernant la méthodologie retenue, les analyses ont porté sur le dispositif existant deprotection sociale, les paramètres politiques, institutionnels et de financement de la protectionsociale et les perspectives de renforcement de la protection sociale. Ces analyses constituentune étape préliminaire à l’étude de la faisabilité d’expansion de la protection sociale et des optionsde politique présentées dans la tome 2 de cette publication (Une première analyse du rôle et del’impact, des coûts et de la faisabilité de diverses options de programmes de transferts sociauxmonétaires). En effet, l’etude de la faisabilite d’expansion suppose une bonne connaissance desbesoins prioritaires d’expansion, ce qui exige tout d’abord qu’un profil de la vulnérabilité et desrisques en Côte d’Ivoire soit dressé. C’est à ce profil que le système de protection sociale est censédonner une réponse et il est donc crucial de commencer par l’analyse de ces besoins et ensuited’évaluer le degré d’adéquation des mécanismes de protection sociale existants. Les conclusionsde ces analyses de base permettent de cerner les faiblesses du système existant et ainsid’identifier les options de politique les plus pertinentes pour son élargissement et son renforcement.L’analyse de la faisabilité d’expansion de la protection sociale requiert aussi l’analyse de l’existant,tout en évaluant les opportunités de renforcement des capacités. Cette analyse s’est penchéesurtout sur le cadre politique, le niveau et la composition du financement de la protection sociale,l’architecture institutionnelle, les capacités administratives et les ressources humaines.L’équipe d’experts a employé des méthodes mixtes de recherche. L’étude a requis à la foisla revue documentaire, des entretiens avec les principaux acteurs concernés par la protectionsociale et des analyses quantitatives et qualitatives. Les documents consultés se trouvent dansla bibliographie à la fin du rapport. Des entretiens ont eu lieu avec un grand nombre d’officiels desministères et d’autres institutions étatiques, organisations de la société civile et partenairestechniques et financiers. La liste des personnes rencontrées se trouve dans l’Annexe A.Les analyses quantitatives sont basées principalement sur les rapports et les bases dedonnées des enquêtes nationales auprès des ménages, notamment l’Enquête sur le Niveaude Vie des ménages (ENV) de 2008 et l’Enquête par Grappes à Indicateurs Multiples (MICS) de2006, ainsi que les données administratives des ministères et les statistiques démographiques,économiques et de finances publiques.La structure du rapport. Après cette introduction, le Chapitre 2 présente un cadre conceptuelpour l’analyse de la protection sociale. Le Chapitre 3 analyse la nature et le degré de vulnérabilitéde différentes couches de la population et les types de risques auxquels elles sont exposées.Le Chapitre 4 analyse le système actuel de protection sociale, afin d’évaluer son adéquation auprofil de la vulnérabilité et des risques décrit dans le chapitre précédent. Le Chapitre 5 analyseles paramètres politiques, institutionnels et financiers de l’expansion de la protection sociale,mettant en exergue les contraintes actuelles et les besoins et opportunités de renforcementdes capacités institutionnelles et des ressources financières. Le Chapitre 6 évalue les perspectivesde renforcement de la protection sociale, sur la base des analyses des chapitres précédents,en vue d’orienter l’analyse des options de politique dans la deuxième phase des travaux.2


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoire2 Cadre analytique :conceptualisation de la protection socialeAvant de passer en revue les enjeux de la protection sociale en Côte d’Ivoire dans les Chapitressuivants, il convient d’exposer tout d’abord ce que nous entendons par « protection sociale ».La première partie de ce chapitre présente les fondements conceptuels de la protection sociale,tandis que la deuxième partie anlyse de plus près les différentes composantes contributives et noncontributives de la protection sociale.2.1 Fondements conceptuels2.1.1 Risque, vulnérabilité et capacitéLes notions de risque, vulnérabilité et capacité sous-tendent l’idée de protection sociale.La protection sociale est généralement vue comme l’ensemble des mesures publiques ou à butnon lucratif qui visent à réduire la vulnérabilité des populations aux risques et l’impact des chocs,éviter l’emploi de stratégies d’adaptation néfastes et garantir des niveaux minimums de dignitéhumaine.La notion de risque est de plus en plus comprise d’une manière ample, englobant toutes sortesde risques de nature économique, politique, sanitaire, socioculturelle ou environnementale qui estnuisible au bien-être et aux droits des individus (ODI et <strong>UNICEF</strong>, 2009a). Il est utile de distinguerdeux grandes classes de risques : les risques idiosyncratiques, qui touchent des ménages ou despersonnes individuellement (par exemple une maladie ou le chômage) ; et les risques covariants, telsque les chocs économiques, climatiques ou politiques qui affectent l’ensemble d’une communauté,d’une région ou d’un pays. La nature des risques détermine la pertinence des divers outils de laprotection sociale (voir ci-dessous), appliqués individuellement ou en combinaison. Il est importantégalement de prendre conscience que ces outils ne peuvent pas faire face seuls à certains typesde risques, surtout ceux de nature covariante, qui requièrent aussi des actions à d’autres niveaux,par exemple une bonne gestion de l’économie, des mesures de protection environnementale oudes actions de prévention, gestion et résolution de conflits.Deux concepts connexes sont ceux de la vulnérabilité aux risques et de la capacité de gérerles risques. La notion de « groupes vulnérables », très répandue dans les conceptualisations de laprotection sociale, tient son importance du fait que la vulnérabilité aux risques est accentuée chezcertaines catégories de la population. En effet, les degrés de vulnérabilité varient selon la situationéconomique des ménages (niveau de revenus, épargne, biens, propriété foncière, bétail, etc.), larésidence (zones géographiques et milieux rural et urbain), le cycle de la vie (petite enfance, âgescolaire, adolescence, âge adulte et troisième âge), le genre, les handicaps et l’état de santé, lesniveaux de connaissances ou d’instruction des individus et les relations sociales, notamment dansles sociétés marquées par des problèmes d’exclusion ou de discrimination sociales. Souvent cesfacteurs de vulnérabilité se renforcent mutuellement, créant des handicaps doubles ou multiples.Il y a une relation inverse entre la vulnérabilité et la capacité à gérer les risques. Selon Rousseau(2003), cette relation peut se traduire par la formule suivante :vulnérabilité =risquecapacitéUn individu ou un ménage aura un niveau de vulnérabilité plus faible si, face aux mêmes risques,son stock de capacités lui permet de mieux résister aux chocs. En revanche, son niveau devulnérabilité sera plus élevé si son stock de capacités est trop faible pour lui permettre de réaliserles ajustements nécessaires pour protéger son bien-être.3


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoire2.1.2 Pauvreté, vulnérabilité et capacitésLa relation entre pauvreté, vulnérabilité et capacités mérite une attention particulière. Lemanque de ressources fait de sorte que le ménage pauvre est mal placé pour gérer les risques.Par exemple, il peut ne pas réussir à envoyer ses enfants au centre de santé en cas de maladie dûau fait qu’il n’a pas les moyens nécessaires pour payer les frais de consultation (ou de transport)ou d’acheter les médicaments, ou il peut être contraint à diminuer son capital productif afin detrouver les moyens de payer les soins. En cas de catastrophe naturelle ou choc économique, leménage peut se trouver sans moyens suffisants (épargne, assurance, accès au crédit) pour gérerles conséquences du choc et se voir obligé de recourir à des stratégies d’adaptation qui lui sontnéfastes à long terme, telles que la vente de biens productifs et le retrait des enfants de l’école, cequi implique le désinvestissement en capital productif et capital humain. Le ménage devient ainsiencore moins productif et peut passer en dessous ou s’écarter davantage du seuil de pauvreté.Une autre caractéristique importante de la vulnérabilité économique est un état d’aversion au risque,qui peut bloquer les petits investissements nécessaires pour améliorer la productivité et le bien-êtreà long terme.2.1.3 La protection sociale vue sous l’angle de la « promotion » des capacitésL’importance donnée aux capacités est à la base de la conceptualisation moderne de laprotection sociale qui va au-delà d’une simple « protection » des groupes défavorisés, dans lesens passif ou réactif du terme, pour mettre un accent fort sur la « prévention » des risques (ou dela vulnérabilité aux risques) et surtout sur la notion de « promotion » des ménages ou des individusen situation de haute vulnérabilité à travers le renforcement de leurs capacités en capital humainet en capital productif, afin qu’ils puissent se prendre en charge et sortir de leur situation depauvreté et de vulnérabilité sur une base durable. Quelques auteurs (par exemple, Devereux etSabates-Wheeler, 2004) vont plus loin pour mettre en relief le potentiel « transformatif » de certainesmesures de protection sociale qui renforcent les capacités des pauvres et s’adressent auxcontraintes structurelles de la discrimination et de l’exclusion sociale.Cette vision signifie que le renforcement de la protection sociale n’est pas seulement un impératifpour la protection des couches pauvres et vulnérables contre l’impact des chocs exogènes etpour éviter le passage des non pauvres en dessous du seuil de pauvreté. En permettant auxménages défavorisés de cumuler des biens productifs, d’améliorer leur productivité, d’accéder auxservices sociaux de base et d’investir dans leurs enfants, les politiques et programmes de protectionsociale sont aussi des composantes essentielles de stratégies à long terme pour lutter contre lapauvreté chronique, stimuler la croissance économique et assurer l’atteinte des Objectifs du Millénairepour le Développement (OMD). C’est dans cette perspective que l’Union Africaine a reconnu que« la protection sociale a des impacts positifs multiples sur les économies nationales et est essentiellepour créer le capital humain, rompre le cycle de pauvreté intergénérationnelle et réduire les inégalitéscroissantes qui handicapent le développement économique et social de l’Afrique » (UA, 2008).2.1.4 La vision « promotionnelle » de la protection sociale des enfantsLes enfants sont plus vulnérables que les adultes, et des actions de protection socialequi ciblent les enfants ont des impacts à long terme sur le développement humain et laréduction de la pauvreté. La vulnérabilité accentuée chez l’enfant est une conséquence directede son immaturité physique et psychosociale, surtout pendant la petite enfance, étape du cyclede la vie pendant laquelle les risques de non-survie sont particulièrement élevés dans les paysles moins développés. Les enjeux de la protection de l’enfant deviennent encore plus sérieuxdans le cas des enfants qui vivent en dehors d’un cadre familial sain, exposés à des risquesélevés de maltraitance, négligence et abus. Dans ces cas, des mesures de protection spécialiséesont souvent requises. De manière plus large, des mesures de protection sociale qui renforcent lacapacité des ménages à assurer une nutrition adéquate, l’accès à l’eau potable, des conditionsde logement et d’assainissement adéquates et l’accès aux services de santé et d’enseignementsont primordiales pour assurer la survie et le développement de l’enfant.4


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireEn outre, ces mesures peuvent être vues non seulement comme moyen de protéger les droits del’enfant à court terme, mais aussi comme moyen d’assurer l’investissement des ménages dansles capacités de leurs enfants. Le développement du capital humain qui en résulte joue un rôleclé dans la rupture du cycle de la pauvreté chronique, contribuant ainsi à rompre la transmissionintergénérationnelle de la pauvreté. A terme, c’est le capital humain et productif de toute la nationqui s’en trouve amélioré.2.2 Les instruments de la protection socialeTransversale par sa nature, la protection sociale moderne inclut une large gamme de mesuresou instruments (politiques, lois, programmes, transferts, services, etc.). Ces outils sont censéscompléter les mécanismes traditionnels ou informels de protection sociale, basés sur les notionsde solidarité et d’entraide, qui sont ancrés dans les cultures africaines mais qui s’affaiblissent dansl’évolution actuelle des sociétés africaines (urbanisation, économie capitaliste et mutations du modede vie et des obligations familiales), ils sont jugés inadéquats pour faire face aux risques courantsdans les sociétés modernes. Les frontières de la protection sociale sont floues, mais il convientd’inclure au moins les volets suivants, qui sont tous pertinents à la finalité de la protection sociale :l’assurance sociale, les transferts sociaux et les services sociaux d’appui aux groupes vulnérables,ces deux derniers constituant ce qu’on appelle souvent l’assistance sociale.2.2.1 Assurance socialeL’assurance sociale, qui est de nature contributive, ne couvre qu’une petite minorité de lapopulation dans le secteur formel dans la plupart des pays africains. Basée sur la notionde partage et de réduction de risques (de maladie, chômage, vieillesse, décès, accidents, etc.),elle est souvent liée à l’emploi dans le secteur formel, à travers le paiement de cotisations parles employés (sous forme de prélèvement à la source) et/ou par leurs employeurs, bien qu’ellepuisse aussi (avec quelques difficultés pratiques) être élargie au secteur informel, notammentdans le cas de quelques systèmes nationaux d’assurance maladie. Dans la plupart des paysafricains, l’assurance sociale se limite essentiellement aux régimes de sécurité sociale destinésaux employés de la fonction publique et aux entreprises privées et parapubliques du secteurformel de l’économie, qui, avec les personnes à leur charge, constituent rarement plus de10 à 15% de la population (ODI et <strong>UNICEF</strong>, 2009a) - environ 10% dans le cas de la Côte d’Ivoire.L’écrasante majorité de la population et notamment ceux qui sont parmi les plus pauvres etvulnérables s’en trouvent exclus.Comme moyen alternatif d’étendre l’assurance, en particulier l’assurance maladie, à la populationexerçant ses activités dans le secteur informel, des mutuelles sociales qui bénéficient d’uncadre règlementaire au niveau de l’UEMOA ont été établies sur une base communautaire ouprofessionnelle dans beaucoup de pays africains, mais elles ont rarement atteint une couverturede plus de 2 à 4% de la population, comme au Mali et au Sénégal (ODI et <strong>UNICEF</strong>, 2009b).Quelques gouvernements ont tenté d’établir des systèmes nationaux d’assurance maladie(étendue au secteur informel) en vue de faciliter l’accès de leurs populations aux soins desanté et de réduire les taux élevés de mortalité infanto-juvénile et maternelle (OMD 4 et 5).Toutefois, seuls deux pays en Afrique subsaharienne, le Rwanda et le Ghana, ont réussi àcouvrir une grande partie de la population à travers de tels systèmes. D’autres pays africains,dont la Côte d’Ivoire (voir la section 4.7), ont tenté d’établir des systèmes d’assurance maladieuniverselle, mais avec moins de succès.5


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoire2.2.2 Transferts sociauxCette branche non contributive de la protection sociale est constituée des transferts enespèces ou en nature en faveur de ménages, d’individus pauvres ou de groupes vulnérablesspécifiques, comme dans le cas des pensions sociales de vieillesse et des allocations familialespour enfants. Dans la plupart des pays d’Afrique francophone, ce volet de la protection socialese limite à de petits programmes publics de secours ponctuels en espèces ou en nature endirection de personnes indigentes, ainsi que des programmes d’aide humanitaire, d’appui nutritionnelet de cantines scolaires, financés et/ou mis en œuvre principalement par des organisationsinternationales, des organisations non gouvernementales (ONG) ou des confessions religieuses.Ces programmes sont rarement conçus pour renforcer les capacités des populations vulnérableset pour réduire la pauvreté sur une base durable.Cependant, des programmes de transferts en espèces, sous forme d’allocations payées sur unebase régulière, sont devenus un instrument important de lutte contre la pauvreté et la vulnérabilitédans quelques pays africains. C’est le cas notamment des régimes non contributifs de pensionssociales de vieillesse établis dans des pays d’Afrique australe tels que l’Afrique du Sud,le Botswana, le Lesotho, l’Ile Maurice, la Namibie et le Swaziland (Devereux, 2007) ainsi que desprogrammes d’allocations familiales pour enfants, mis en place en Afrique du Sud (avec 8 millionsd’enfants bénéficiaires) et en Namibie.Des programmes plus restreints de transferts ciblés aux ménages ultra-pauvres sont actuellementen phase d’expansion dans des pays comme le Ghana, le Kenya, le Malawi, le Mozambiqueet la Zambie. Par exemple, le programme LEAP (« Livelihood Empowerment Against Poverty »)au Ghana, lancé en 2008, bénéficie actuellement à 42 000 ménages ultra-pauvres et a pour objectifde couvrir à terme un ménage vivant au dessous du seuil de pauvreté extrême sur six. 1Dans beaucoup de pays d’Amérique Latine et d’Asie, de vastes programmes de « transferts sociauxconditionnels » ont été mis sur pied dans le but de renforcer le revenu des ménages pauvres,d’améliorer la nutrition et de promouvoir l’accès aux services sociaux de base (enseignement,services sanitaires, etc.) comme stratégie de renforcement du capital humain et de rupture du cyclede pauvreté (Samson et al., 2006 ; Grosh et al., 2008).Des transferts indirects aux ménages sont quelquefois mis sur pied sous forme de subventionsau consommateur pour soutenir le pouvoir d’achat des populations, notamment ensituations de chocs inflationnistes comme les hausses des prix internationaux des produitsalimentaires et énergétiques de 2008 et 2009. Les subventions sont souvent critiquées pourleur coût budgétaire élevé et pour leur mauvais ciblage, dû au fait que souvent les subventionssont appliquées aux produits importés qui sont principalement consommés par les ménages lesplus aisés.Les mesures de gratuité dans les secteurs sociaux peuvent aussi être vues comme destransferts indirects en faveur de ceux qui utilisent ces services. La gratuité dans les secteursde la santé et de l’enseignement traduit un objectif de protection sociale dans le sens où elle viseà relever le défi des barrières financières d’accès aux services sociaux de base, surtout pour lesplus pauvres. De nombreux gouvernements africains, y compris le gouvernement de la Côte d’Ivoire,ont aboli les frais scolaires au niveau de l’enseignement primaire, au moins partiellement, envue de promouvoir les objectifs de l’éducation pour tous. Plusieurs pays ont introduit la gratuitépour les soins de santé, soit de manière générale comme en Ouganda et en Zambie, soit pourdes services spécifiques (traitement du paludisme, traitement du VIH/SIDA, césariennes, etc.) oupour des groupes spécifiques (par exemple, les enfants de moins de 5 ans ou les femmes enceintes).1 Entretien avec le Directeur des Affaires Sociales au Ministère d’Etat, Ministère de l’Emploi et des Affaires Sociales, Accra, le 22 juin 2011.6


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireEn Côte d’Ivoire, les frais aux usagers dans les services publics de santé ont été abolis dèsl’investiture du nouveau gouvernement en avril 2011, comme mesure de protection du droit d’accèsdes populations aux soins de santé. Cependant, le manque de planification de cette mesureradicale, introduite subitement comme mesure d’urgence post-crise, a créé quelques difficultésau niveau de l’offre des services, et a compromis son efficacité dans la pratique. Cette expériencesouligne l’importance des mesures d’accompagnement (renforcement du financement, desressources humaines et de l’approvisionnement en médicaments) pour faire face à la hausse de lademande déclenchée par n’importe quelle mesure d’allègement des barrières financières d’accèsaux soins de santé (voir la section 4.7).Les travaux publics à haute intensité de main d’œuvre (HIMO) sont un autre type detransfert, conditionné sur le travail. Les programmes HIMO visent à permettre aux ménagespauvres ayant une capacité de travail de se prendre en charge, tout en contribuant à laformation des bénéficiaires et à la construction ou à l’entretien d’infrastructures. Dans les paysà faible revenu, ces programmes sont conçus principalement pour améliorer la sécurité alimentaireen milieu rural à travers la création d’emplois temporaires à large échelle pendant la périodede soudure, bien que des variantes de ces types de programmes existent aussi en milieu urbainet donc moins liés au calendrier agricole. L’exemple le plus large d’un programme HIMO enAfrique est celui du Programme de Filets de Sécurité Productifs en Ethiopie (PSNP), qui effectuedes transferts en espèces et en vivres à environ 8 millions de bénéficiaires pendant la période desoudure en contrepartie de leur participation à des projets locaux de construction ou d’entretiend’infrastructures ou de protection environnementale (Ellis et al, 2009).2.2.3 Services d’action socialeLes services d’action sociale constituent la branche « non monétaire » de la protection socialeet englobent une large gamme de programmes de prévention et de réponse à des risquesqui affectent des groupes vulnérables spécifiques. Incluant des campagnes de conscientisation,des actions d’appui psychosocial, des programmes de soutien aux familles et d’autres typesd’intervention, ces programmes font face aux risques essentiellement de caractère social ouculturel (violence domestique, mariages précoces, enfants vivant dans la rue, etc.) et quelquefoiséconomique (dans le cas de la traite et du travail des enfants, par exemple). En Afrique, cesprogrammes sont généralement de petite envergure, éparpillés, peu coordonnés et difficilesà pérenniser dû au fait qu’ils sont souvent financés sous forme de « projets » par les partenairesau développement et mis en œuvre par des ONG.2.2.4 Cadre juridiqueCes différents types de programmes, mécanismes et mesures de politique sont complémentéspar le cadre juridique de protection, qui inclut souvent, à titre d’exemple, des lois et décretsprotégeant les droits des enfants, des femmes, des personnes handicapées, des travailleurset d’autres groupes sociaux. Dans la plupart des pays africains, ce cadre juridique existedéjà en grande partie (et est souvent renforcé par la ratification de conventions internationalesdans les mêmes domaines). Cependant, la capacité administrative d’assurer la mise en œuvrede ces dispositions juridiques est souvent très faible.2.2.5 Comment la protection sociale se distingue de l’action humanitaireDans le contexte post-crise de la Côte d’Ivoire, où les secours d’urgence aux populations restentimportants, la question de la relation de l’action humanitaire à la protection sociale requiert de brèvesremarques. La distribution de vivres et d’autres biens aux populations déplacées, de retour ou autrementsinistrées peut être vue comme un type de « transferts » (en nature) et en fait être classifiée commeprotection sociale dans le système international de « classification des fonctions des administrationspubliques » (COFOG) utilisé dans les comptes des finances publiques et la comptabilité nationale.7


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireCependant, en fonction de définitions plus strictes de la protection sociale qui mettent en exerguela nature soutenue des mesures de protection sociale dans l’optique de renforcement descapacités à long terme, l’action humanitaire est de nature très différente en raison de soncaractère ponctuel et uniquement réactif. Il est néanmoins évident que quelques types d’assistancesociale, tels que la prestation d’appuis ponctuels aux indigents, dont s’occupent presque tousles ministères des affaires sociales en Afrique, et même les programmes HIMO, qui fournissentsouvent des emplois sur une base très irrégulière, n’arrivent pas toujours à assurer à leursbénéficiaires des appuis soutenus et réguliers dans une optique de « promotion » des capacités.Il existe clairement dans la pratique une zone grise de transition entre les secours de courtterme et les approches plus promotionnelles et à long terme qui caractérisent l’idéal dela protection sociale moderne.8


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoire3 Profil de la vulnérabilité et des risquesen Côte d’IvoireEn accord avec le cadre analytique, ce chapitre commence (dans la section 3.1) par passer en revueles différents types de risques auxquels les populations ivoiriennes sont exposées, en distinguantentre les chocs de nature collective ou covariante (et notamment les crises économiques et politiquessuccessives des dernières années qui ont fortement affecté l’ensemble de la population de la Côted’Ivoire) et les multiples risques économiques, sanitaires et socioculturels aux niveaux des individuset des ménages. La section 3.2 dresse le profil de la vulnérabilité sous ses différentes dimensions(économique, spatiale, cycle de la vie, genre et capital humain) pour mieux comprendre le degré auquelles individus et les ménages sont exposés aux risques et sont capables de les gérer et d’atténuerleurs impacts.3.1 Les risques et chocs3.1.1 Les grands chocs covariantsLes populations de la Côte d’Ivoire ont été frappées par une série de chocs surtout économiques(depuis 30 ans) et politiques (depuis plus de 10 ans). En effet, après une phase de croissance rapideà la suite de l’indépendance (1960-1979), l’économie a connu une longue période de revers et dedifficultés à partir des années 1980. Le taux moyen de croissance réelle du PIB, qui avait atteint 7,2%par an entre 1961 et 1980, a chuté à seulement 0,8% par an de 1981 à 1990, 2,7% par an de 1991à 2000 et 1,1% par an de 2000 à 2010. Pendant les 30 dernières années, la croissance économiquea été nettement moindre que la croissance de la population (environ 2,8% par an pendant cettepériode), conduisant ainsi à une baisse importante du PIB par tête. L’incidence de pauvreté monétairea fortement augmenté, de 10,0% en 1985 à 36,8% en 1995 et 48,9% en 2008. 2 La Figure 3.1 montreces tendances négatives, ainsi que la chronologie des principaux chocs économiques et politiquesdu dernier quart de siècle.La réduction de la croissance et l’augmentation de la pauvreté ont été fortement liées à une série dechocs économiques et politiques : la flambée des prix pétroliers vers la fin des années 70 ; la baissedes prix des principales exportations du pays, le cacao et le café (notamment entre 1984 et 1992) ;la surévaluation du franc CFA qui a détérioré la compétitivité de l’économie et la situation financièrede l’Etat (avant sa dévaluation en 1994) ; la crise de la dette ; et enfin les retombées économiquesdes crises politiques et des conflits.2 Les chiffres sur la pauvreté cités ici sont ceux de l’Institut National de la Statistique (MEMPD/INS, 2008). Une analyse de la Banque Mondiale(2010b), qui a introduit des ajustements pour rendre les données des différentes enquêtes sur le niveau de vie des ménages plus comparables,est arrivée à des taux de pauvreté (incidence, écart et sévérité) différents de ceux de l’INS. Le rapport de la Banque Mondiale a néanmoinsconfirmé une forte augmentation de l’incidence de pauvreté, de 14% en 1985 à 40% en 2008.9


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireFigure 3.1Chocs économiques et politiques, croissance du PIB et incidencede pauvreté, 1985-2011Sources : auteurs, sur base de données de la Banque Mondiale (World Development Indicators), du MEMPD/INS (2008)et du FMI (2011a).La Figure 3.1 suggère qu’il y a eu une première période de forte augmentation de la pauvretéentre 1985 et 1993, liée à la faible compétitivité de l’économie et à la détérioration des termesde l’échange. Pendant cette période, selon la Banque Mondiale (2010a), une augmentation del’inégalité a renforcé l’impact sur la pauvreté de la réduction de la croissance, devenue négative entermes réels par tête. L’impact a été particulièrement sérieux chez les cultivateurs de cacao et decafé, qui constituaient presque 40% des agriculteurs au milieu des années 80, et qui ont subi unaccroissement de l’incidence de pauvreté d’environ 400% entre 1985 et 1993.Une seconde période, relativement courte, de redressement de l’économie a suivi la dévaluationde 1994, restaurant des taux élevés de croissance et réduisant légèrement la pauvreté. Cependant,le coup d’Etat de 1999 a plongé la Côte d’Ivoire dans une troisième période marquée par l’instabilitépolitique et les conflits, des taux de croissance faibles et un accroissement de la pauvreté. Le coup aainsi conduit à une chute subite de la croissance en 2000 (-3,7%). Des taux négatifs de croissanceréelle ont également suivi l’éclatement de la guerre civile en 2002 (-1.4 % en 2002 et -1.6 % en 2003).A partir de 2002, le pays est devenu coupé en deux, avec des effets particulièrement sérieuxsur l’activité économique dans les zones Nord, Ouest et Centre, et le déplacement de centainesde milliers de personnes, principalement vers le Sud. Ce déplacement a concerné globalement7% de la population, selon les donnés de l’ENV 2008. L’incidence de pauvreté a encore augmentépour atteindre 48,9% en 2008. L’impact a été particulièrement grave dans le Nord, où l’incidencede pauvreté a presque doublé, passant de 40,3% à 77,3% entre 2002 et 2008. Malgré les accordsde Ouagadougou, signés par les belligérants en 2005, la paix est restée fragile.Le retour au conflit armé à la suite des élections de 2010 a plongé le pays dans une crise sansprécédent qui a duré jusqu’à la fin des combats en avril 2011. Cette nouvelle période de conflita été accompagnée par des sanctions internationales, qui ont bloqué les exportations de cacaoet de café, et provoqué encore une fois des déplacements massifs de population, cette fois-ciprincipalement d’Abidjan et de certaines régions de l’ouest du pays. Environ 500 000 personnesont quitté leurs maisons pour trouver refuge dans des zones plus sûres (RCI et al, 2011). Le PIB10


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoireaurait chuté de 5,8% en 2011 selon les prévisions les plus récentes du FMI (2011a), malgré uncertain redressement de la situation économique dans la deuxième moitié de l’année. Bien quedes données sur le niveau de vie des ménages manquent depuis 2008, il est fort probable que lestaux de pauvreté aient encore empirés suite à la crise de 2010-2011. Les populations ayant fui lescombats ont subi des dommages énormes en raison des destructions, des pillages de biens et demoyens d’existence, notamment de facteurs de production, particulièrement dans l’ouest.En plus de ces grands chocs économiques et politiques, il y a d’autres types de chocscovariants de nature climatique. Les catastrophes naturelles (sécheresse, inondations, etc.) ontdes impacts dévastateurs sur les conditions de vie des populations affectées. Ainsi la Côte d’Ivoire(et Abidjan en particulier) a subi des inondations suite à des pluies diluviennes en juin 2011 quiont détruit plusieurs quartiers précaires et menacé plus de 27 646 personnes 3 , avec des risquessanitaires graves (choléra).3.1.2 Les risques idiosyncratiquesAu niveau de l’individu les risques sont multiples et souvent de grande étendue, amplifiéspar les chocs globaux. Ces risques incluent la perte de revenu et des biens, les mauvaisesrécoltes, le chômage et le sous-emploi, la malnutrition, les maladies et la mortalité, la nonscolarisation ou l’abandon scolaire, et les violences et abus.Les risques de baisse du niveau de vie et d’insécurité alimentaireLes dépenses moyennes annuelles par tête ont diminué de 25,7% entre 2002 et 2008,de 461 243 à 342 730 FCFA. Cette baisse a affecté tous les déciles (Figure 3.2). Signe éloquentde l’appauvrissement grandissant de la population, la part des dépenses de consommationconsacrées à l’alimentation a augmenté en moyenne de 40,1% en 2002 à 47,8% en 2008,selon l’ENV. Par contre, les proportions des dépenses consacrées à la santé et à l’éducationont diminué (de 6,0% à 3,7% pour l’éducation et de 6,8% à 5,8% pour la santé).Figure 3.2Dépenses moyennes par tête et par an selon les déciles deconsommation (FCFA), 2002 et 2008Source : ENV 2008 (MEMPD/INS, 2008).3 Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, juin 2011.11


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireAinsi la faible capacité d’achat est l’un des principaux déterminants de l’insécurité alimentairedes ménages. Pendant les périodes de crise, le comportement des marchés vivriers a influencé lacapacité des ménages ivoiriens les plus vulnérables à assurer leur approvisionnement en produitsalimentaires. Dans les zones arides de la savane, l’insécurité alimentaire est aussi saisonnière,s’aggravant pendant la période de soudure avant les récoltes et contribuant ainsi aux niveaux plusélevés de malnutrition dans ces zones (voir ci-dessous).En milieu rural, la réduction des revenus reflète la baisse des prix des produits de rente et lesfaibles niveaux de productivité, ainsi que les conséquences des conflits. A la suite de la crisepostélectorale, une analyse de la sécurité alimentaire (RCI et al, 2011) a noté que la principalesaison pluvieuse (avril à juin) a enregistré globalement une réduction des superficies vivrièresemblavées dues aux déplacements des populations, aux problèmes d’insécurité et auxdifficultés d’accès aux semences et autres intrants agricoles. Cette analyse a estimé à 387 744le nombre de personnes en insécurité alimentaire modérée (265 975) ou en crise alimentaireaiguë (121 770). Les personnes en insécurité alimentaire aiguë sont largement concentrées dansles zones de l’ouest, zones sévèrement touchées par le conflit. 4Le conflit de 2010-2011 a également provoqué de sérieuses perturbations économiquesen milieu urbain, aggravant le chômage et la pauvreté. Même avant ces évènements,le taux de chômage au niveau national était passé de 3%, selon le recensement de 1998, à 17,5%,selon l’ENV 2008, soit un taux d’accroissement exponentiel de 480%. Le taux de chômageen milieu urbain était cinq fois plus élevé qu’en milieu rural, et particulièrement élevé parmi les jeunes(voir la section 3.2). Cependant, il est intéressant de constater que globalement le taux de chômageest plus élevé parmi les non-pauvres (21,6%) que parmi les pauvres (12,7%). Ceci suggère quebeaucoup de chômeurs vivent dans des ménages ayant d’autres membres employés ou autoemployéset que la pauvreté s’explique principalement par les hauts niveaux de sous-emploi etpar le faible niveau de revenus de ceux qui sont effectivement au travail.Le risque de mortalitéLes taux de mortalité restent élevés, notamment pour les enfants de moins de 5 ans et lesfemmes en âge de procréer, malgré des tendances à la baisse qui restent loin d’être suffisantespour atteindre les OMD 4 et 5. Le taux de mortalité infantile, c’est-à-dire la probabilité de mourir entrela naissance et le premier anniversaire, est passé de 112 à 84 décès par mille naissances vivantesentre 1998 et 2005, selon l’EIS de 2005, et la mortalité infanto-juvénile c’est-à-dire la probabilité demourir avant l’âge de cinq ans a diminué pendant la même période de 174 à 125 (MLS et al, 2006).Cependant, l’<strong>UNICEF</strong> (2010) indique que sur une période plus longue, la mortalité infanto-juvénile aévolué assez lentement, passant de 152 à 119 décès par mille naissances vivantes entre 1990 et2009. Bien que le taux de mortalité infanto-juvénile se situe légèrement en dessous de la moyenned’Afrique subsaharienne (129 en 2009), la Côte d’Ivoire est loin des progrès accomplis par un paysvoisin comme le Ghana (69 en 2009).La mortalité maternelle est également élevée. La Banque Mondiale a signalé que toutes lestrois heures, on déplore deux décès maternels (Banque Mondiale, 2010b). Le taux de mortalitématernelle a été estimé par l’EIS de 2005 à 543 décès pour 100 000 naissances vivantes dans lapériode 1998-2005, soit un taux peu différent de celui estimé par l’EDSCI de 1994 qui se situait à597 pour la période 1988-1994.Les risques sanitaires et de malnutritionLes risques sanitaires, intensifiés par la malnutrition et les mauvaises conditions de vie, soustendentles taux élevés de mortalité infanto-juvénile. Les décès chez les petits enfants sontdus essentiellement aux causes néonatales (prématurité, infections sévères, détresse respiratoire,4 La phase d’insécurité alimentaire aiguë correspond à une insuffisance aiguë et critique de l’accès à l’alimentation assortie d’une malnutritiongrave et inhabituelle et un épuisement accéléré des avoirs relatifs aux moyens d’existence (RCI et al, 2011).12


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoiretétanos), au paludisme, aux infections respiratoires aiguës (IRA), à la malnutrition et aux diarrhées.Chez les enfants de moins de cinq ans, le paludisme est de loin la première cause de consultations,d’hospitalisation et de mortalité (Banque Mondiale, 2010b). Malgré les risques élevés du paludisme,à peine 17% des enfants de moins de 5 ans dormaient sous des moustiquaires et seulement3% sous des moustiquaires imprégnées, selon l’enquête MICS de 2006 (MEMPD/INS et <strong>UNICEF</strong>,2007). Au cours des deux semaines ayant précédé cette enquête, 26% des enfants de moins de5 ans avaient eu de la fièvre, 17% des cas de diarrhée et 5% des cas d’IRA. Encore plus inquiétant,les taux de traitement approprié étaient faibles : 26% pour le paludisme, 35% pour les IRA(19% ayant reçu des antibiotiques) et 33% pour les diarrhées (réhydratation par voie orale).Les risques de morbidité et de mortalité sont intensifiés par la malnutrition. En 2006, l’enquête MICSa estimé que 34% des enfants de moins de 5 ans souffraient de malnutrition chronique (retard decroissance), sous une forme sévère pour 15,7%. La malnutrition chronique est particulièrementimportante dans certaines régions du Nord, de l’Ouest et du Centre, où des taux allant de 32% à44% selon les régions ont été calculés lors de l’enquête SMART de 2010. 5 L’enquête MICS de 2006a également rapporté un taux national d’insuffisance pondérale de 20,2 % et un taux de malnutritionaiguë globale (MAG ou émaciation) de 6,7%. Les taux de MAG sont généralement plus élevés enpériode de sécheresse ou de soudure dans les zones de savane, bien que, dans les mots de laBanque Mondiale (2010b, p. 32), « le véritable problème de nutrition de cette zone reste toutefoisla forte prévalence de la malnutrition chronique ». Les carences en micronutriments s’ajoutent auxproblèmes de malnutrition protéino-énergétique, avec une forte proportion d’enfants anémiés(67,4% en 2007) ou souffrant de carences en vitamine A (26,9% en 2007) ou en iode.Une autre source importante de risque pour une large part de la population est la mauvaise qualitéde l’eau et les conditions insalubres d’assainissement. Selon l’enquête MICS de 2006, environ24% de la population n’utilise pas de sources d’eau améliorées 6 et seulement 6% des ménagesutilisent des méthodes de traitement de l’eau pour la rendre plus sure à boire. Et environ 43% de lapopulation ne disposent pas d’installations sanitaires améliorées. 7Les risques de santé reproductive sont amplifiés par la fécondité précoce et à intervallescourts, la malnutrition maternelle et le faible accès aux services de santé maternelle. Lesgrossesses précoces, qui sont un facteur de risque pour la mère et l’enfant, sont fréquentes :selon l’EIS de 2005, 29% des femmes avaient eu un enfant avant l’âge de 18 ans. En outre, bienque la durée médiane de l’intervalle inter-génésique soit proche de 3 ans, 9% des naissancessont intervenues moins de 18 mois après la naissance précédente, et 21% moins de 24 moisaprès. Moins de 8% des femmes utilisent des méthodes modernes de contraception (MEMPD/INS et <strong>UNICEF</strong>, 2007). En ce qui concerne l’utilisation des services de santé maternelle, l’enquêteMICS de 2006 a trouvé que seulement 57% des accouchements sont assistés par personnel desanté qualifié. La Banque Mondiale (2010b) a montré que la mortalité maternelle est essentiellementdue à des causes médicales directes (80% des cas) dont les hémorragies, les obstructions aucours du travail et les éclampsies. Cette situation traduit une insuffisance de la couverture en soinsobstétricaux et une insuffisance dans la prévention et la prise en charge des cas de complicationssurvenant au cours de la grossesse, de l’accouchement et du post-partum. L’état nutritionnel desfemmes est un déterminant additionnel de la mortalité maternelle et néonatal. En 2007, 58% desfemmes en âge de procréer étaient anémiées.La Côte d’Ivoire est le pays le plus touché par le VIH/SIDA en Afrique de l’Ouest, malgré lefait que le taux de séroprévalence n’est plus à son pic atteint en 2001. La maladie est une desprincipales causes de mortalité chez les adultes. L’ONUSIDA a estimé à 34 000 le nombre de décès5 Cette enquête a été réalisée en juillet 2010 dans 8 régions du Nord, de l’Ouest et du Centre, ainsi que dans cinq communes d’Abidjan. Les tauxde malnutrition chronique les plus élevés ont été trouvés dans les régions de Worodougou (41%) et Montagnes (44%) (MSHP et al, 2010).6 L’enquête MICS de 2006 a défini comme sources d’approvisionnement en eau potable améliorées les sources suivantes : l’eau courante(dans les habitations, les cours ou les parcelles) ; les fontaines publiques ou bornes fontaines ; les puits à pompe ou forages ; les puitsprotégés ; l’eau de source protégée ; et l’eau de pluie recueillie.7 L’enquête MICS de 2006 a défini comme installations sanitaires améliorées : les WC à chasse d’eau reliés au réseau d’assainissement ; lesfosses septiques ou les latrines ; les latrines améliorées aérées et les latrines à dalles ; et les WC à compostage.13


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoireliés au SIDA en 2008 (CNLS, 2011). La tuberculose constitue la principale infection opportuniste(36%) et la première cause de décès (32%) chez les personnes vivant avec le VIH/SIDA (PVVIH). Lesfemmes se révèlent plus vulnérables que les hommes, et une transmission du VIH des mères auxenfants peut avoir lieu au cours de la grossesse. En 2008, l’ONUSIDA estimait à 50 000 le nombred’enfants de 0 à 14 ans séropositifs. Toutefois, la prévalence du VIH chez les femmes enceintes enmilieu urbain a diminué de 10,6% en 2001 à 5,6% en 2008. Cette même année, la prévalence étaitde 3,0% chez les femmes enceintes en milieu rural et de 4,5% au niveau national. L’EIS de 2005a révélé des taux élevés de rapports sexuels à haut risque (33% chez les femmes et 58% chez leshommes) et des niveaux faibles de dépistage. Seules 14% des femmes enceintes avaient effectuéun test du VIH dans le cadre des visites prénatales. Les travailleuses du sexe sont parmi les plusvulnérables avec un taux de prévalence estimé à 27% en 2007-2009 (CNLS, 2011). La pauvretécroissante a contribué au développement de l’épidémie, qui à son tour a des impacts négatifs surl’économie.Les risques scolairesLa non-scolarisation ou l’abandon scolaire sont des risques sérieux pour les enfants, avec desconséquences néfastes à long terme. Le faible niveau d’accès au CP1 (70% de la classe d’âge ya effectivement accès), montré par l’enquête MICS de 2006, signifie que 30% des enfants ne vontjamais à l’école. En outre, il y a une forte déperdition tout au long de l’enseignement primaire, quiaboutit à un taux d’accès en dernière année (CM2) qui se situe à seulement 46%. Autrement dit,parmi les enfants qui ont accès au primaire, un sur trois n’atteint pas la fin du cycle. Au total, plusd’un enfant sur deux n’est donc pas en mesure de bénéficier d’un enseignement primaire completet sera probablement analphabète à l’âge adulte. Entre la dernière classe du primaire (CM2) et laclasse de sixième, une nouvelle sélection s’opère puisque seulement 34% ont accès au secondaire.Au niveau de l’ensemble du secondaire, on observe un phénomène assez intense de déperdition àl’intérieur de chacun des deux cycles (entre 2 et 3 points de pourcentage chaque année), indiquantune faiblesse de l’efficacité interne. La probabilité d’accès en terminale n’est que de 14%.Les risques de violences, d’abus et d’exploitationCes risques, amplifiés dans quelques cas par les conflits et les chocs économiques, sonttrès répandus dans la société ivoirienne. Il s’agit notamment des risques de violence (violencesliés aux conflits, violences sexuelles et conjugales, viols, etc.), de maltraitance et d’abus des enfants(punitions physiques, négligence, excision, mariage précoce, traite), d’abus des personnes âgéeset des veuves, et de travail des enfants.Les violences liées à la crise ont affecté 11% de la population selon l’ENV de 2008, chiffre quiaurait augmenté lors des conflits déclenchés par la crise postélectorale. Ces victimes de violences,selon l’ENV, ont subi des troubles psychologiques (45,5%), des vols (41,9%), des viols (21,9%)et des coups et blessures (13,7%), parmi d’autres agressions.Concernant les risques de violences faites aux femmes, la MICS de 2006 a trouvé que prèsde deux femmes sur trois pensent qu’un mari a le droit de frapper ou de battre son épouse oupartenaire pour diverses raisons, telles que la négligence des enfants (50%), le fait de sortir sansprévenir le mari/partenaire (42%), le fait de tenir tête dans une discussion (42%), le fait de brûler lanourriture (36%) ou le refus des rapports sexuels (30%). La proportion de femmes exprimant cesopinions est plus élevée en milieu rural (72%) qu’en milieu urbain (57% en général et 44% à Abidjan)et dans quelques régions, notamment le Nord-Ouest (94%) et le Nord-Est (86%).Le mariage précoce, qui affecte surtout les jeunes filles, conduisant souvent à l’abandon scolaireet à une fécondité précoce et à haut risque, reste toujours important en Côte d’Ivoire, même si l’âgede première union semble avoir graduellement augmenté. Selon l’EIS de 2005, 8,2 % des femmesâgées de 20 à 24 ans étaient déjà en union avant l’âge de 15 ans, par rapport à 14,9% des femmesâgées de 25 à 29 ans et 17,5% de celles âgées de 40 à 49 ans.14


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireLes abus à l’encontre des personnes âgées, allant des accusations de sorcellerie aux violences etaux expulsions du foyer, semblent en voie de s’aggraver en raison des pressions économiques surles ménages et l’affaiblissement des valeurs traditionnelles de solidarité intergénérationnelle au seinde la famille. Dans le cas des veuves, celles-ci sont exposées au risque additionnel de spoliationde leurs biens après la mort de leur mari, notamment dans les ethnies de caractère matrilinéaire,où les biens du défunt sont confisqués par la belle-famille (Soko, 2010). Selon l’EIS de 2005, 74%des veuves se déclarent avoir été dépossédées de leurs biens (MLS et al, 2006).S’agissant des risques de maltraitance ou abus des enfants, l’enquête MICS de 2006 a révéléque 90% des enfants âgés de 2 à 14 ans ont subi au moins une forme de punition psychologiqueou physique, et 21% ont fait l’objet de corrections physiques sévères.Selon la même source, la pratique de l’excision, qui expose les filles et les femmes à des risquesgraves pour leur santé et leur bien-être, est très répandue, tout en étant en voie de réduction graduelleet montrant des variations assez importantes selon les régions (et leurs respectives traditionsculturelles). Dans l’ensemble, 36,4% des femmes âgées de 15 à 49 ans ont subi une formed’excision, et pour 5,4% sous une forme extrême, l’infibulation, qui est pratiquée essentiellementdans le Nord-Est (41,9%). C’est dans les régions du Nord, du Nord-Ouest, de l’Ouest, du Centre-Nord et du Nord-Est que l’excision, sous une de ces formes, est la plus répandue avec des tauxde prévalence allant jusqu’à 73% dans l’Ouest et 88% dans le Nord et le Nord-Ouest. L’excision estplus fréquente parmi les femmes sans instruction et les ménages pauvres. La désagrégation destaux d’excision par groupes d’âges (allant de 28% pour les femmes de 15 à 19 ans jusqu’à 44%pour celles de 35 à 39 ans) laisse à croire que la pratique est en cours de réduction à long terme,même si elle est toujours approuvée par une proportion importante de femmes, surtout dans lesrégions où elle est la plus profondément ancrée.La pauvreté grandissante pousse les ménages à recourir au travail des enfants, au détriment deleur développement (la scolarisation et la réussite en classe) et dans les pires cas au risque de leursanté. La MICS de 2006 a trouvé que, dans l’ensemble, 35,3% des enfants âgées de 5 à 14 anstravaillent. 8 Il s’agit principalement d’enfants qui travaillent dans des « entreprises familiales » (30,5%),c’est-à-dire dans l’agriculture familiale, de petits commerces et d’autres activités productives au seinde la famille. Même si l’enrôlement des enfants dans les groupes armés est en diminution depuis lafin de la crise, le risque demeure, tant qu’il n’y a pas de stabilité durable dans certaines parties duterritoire, notamment dans l’Ouest.3.2 Les sources de vulnérabilitéUn individu sera vulnérable s’il est exposé à des risques et ne dispose pas de capacitéssuffisantes pour les amortir et atténuer leurs impacts néfastes. La nature et le degré devulnérabilité peuvent varier selon plusieurs dimensions, parmi lesquels la situation économiquedes ménages, le lieu de résidence, l’âge, le genre (sur base de certaines croyances et pratiquesculturelles) et le capital humain.3.2.1 Vulnérabilité économiqueComme il a déjà été noté, le niveau de vie a fortement baissé (dans tous les déciles dedépenses) et les taux de pauvreté ont énormément augmenté au cours du dernier quart desiècle, réduisant la capacité des ménages à gérer les risques. Non seulement l’incidence depauvreté (P0) a presque quadruplé entre 1985 et 2008, mais la profondeur et la sévérité de pauvretése sont également aggravées. 9 L’écart de pauvreté (P1) est ainsi passé de 12,9% en 2002 à 18,2%8 La MICS a utilisé la définition suivante d’enfant travailleur, selon l’âge : l’enfant âgé de 5 à 11 ans qui a effectué au moins une heure de travailrémunéré ou 28 heures de corvées ménagères par semaine ; et l’enfant âgé de 12 à 14 ans qui a effectué au moins 14 heures de travailrémunéré ou 28 heures de travail domestique par semaine.9 Il faut indiquer que le seuil de pauvreté utilisé en Côte d’Ivoire est constant en termes réels et est égal au seuil de 75 000 FCFA par an et partête établi lors de la première enquête auprès des ménages (EPAM 85) pour la période de février 1985 à janvier 1986. Ce seuil était relatifet correspondait au revenu maximum des 10% les plus pauvres de la population de l’époque. Il a été actualisé chaque année d’enquête enfonction du taux d’inflation. Ainsi, le seuil de pauvreté à la date de l’ENV de 2008 était de 241 145 FCFA par an et par tête, ce qui correspondaità une dépense journalière de 661 FCFA par personne. La Banque Mondiale a apporté quelques critiques par rapport à la comparabilité desindices de pauvreté et a introduit des ajustements qui ont légèrement changé les taux de pauvreté (Banque Mondiale, 2010a).15


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoireen 2008, ce qui signifie que les pauvres se sont davantage éloignés du seuil de pauvreté et qu’uneaugmentation plus importante de leur niveau moyen de consommation est aujourd’hui requise pourleur permettre de sortir de la pauvreté.Malgré une réduction de l’inégalité entre 2002 et 2008, le coefficient de Gini passant de 0,50à 0,44, la structure des dépenses de consommation reste très inégalitaire. La part des 10% lesplus pauvres (premier décile) dans la consommation totale ne constituait que 2,2% en 2008, alorscelle des 10% les plus riches représentait 32,8%. Cependant, cette inégalité est essentiellementau « sommet » de la courbe de distribution des dépenses de consommation, comme il apparaîtclairement dans la Figure 3.2 (p. 11). Sur les premiers six ou sept déciles de consommation, la courbeest relativement plate. La différence inter-décile du niveau moyen de dépenses de consommationpar décile est seulement 3 540 FCFA par mois et par tête entre les premier et septième déciles. Ily a peu de différence entre le niveau de vie des ménages des quatrième et cinquième déciles, quisont pauvres, et celui des ménages des 6 ème et 7 ème déciles, qui sont non-pauvres. Ces derniersdemeurent proches du seuil de pauvreté et restent ainsi à haut risque de tomber en-dessous de ceseuil en cas de chocs. (MEMPD/INS, 2008)Qui sont les pauvres ? La faible différence de niveau de vie entre pauvres et non-pauvres modérésrend assez difficile l’identification des caractéristiques qui discriminent clairement les pauvres, cequi risque de rendre très inexact n’importe quel moyen de ciblage économique des ménages.Cependant, quelques caractéristiques augmentent la probabilité qu’un ménage soit pauvre :la résidence en milieu rural et dans certaines régions, notamment dans les zones Nord et Ouest ;l’occupation dans le secteur agricole informel ; la grande taille des ménages et les rapportsde dépendance élevées ; et le fait que le chef de ménage soit femme, handicapé ou analphabète.Selon l’ENV de 2008, la taille moyenne des ménages pauvres (6,0 personnes) est largementsupérieure à celles de l’ensemble des ménages (4,7 personnes). Le ratio de dépendance démographique(nombre d’enfants de moins de 15 ans et de personnes âgées de 60 ans et plus pour100 personnes en âge de travailler) est de 105 chez les ménages pauvres, par rapport à 61 chezles ménages non pauvres.La plupart de la population pauvre d’âge actif exerce dans le secteur agricole. Selon l’ENV de2008, 46% des personnes pauvres âgées de 15 ans et plus sont occupées dans le secteur agricole,comme agriculteurs à l’exportation (12,2%), agriculteurs vivriers et éleveurs (15,1%) ou ouvriers etmanœuvres agricoles (18,8%). Environ 15% travaillent dans le secteur informel, tandis que 9% sontchômeurs et 18% sont inactifs (ménagères, élèves, étudiants, retraités, etc.). Près de 65% despersonnes exerçant dans l’agriculture informelle sont pauvres, par rapport à 49% pour l’ensemble de lapopulation. Compte tenu du fait que plus de la moitié de la population active exerce dans l’agriculture,les faiblesses des revenus dans ce secteur de l’économie expliquent en bonne partie l’importance dela pauvreté en Côte d’Ivoire. Selon la Banque Mondiale (2010b), la pauvreté a augmenté de 10 pointsde pourcentage parmi les agriculteurs entre 2002 et 2008 en raison d’une confluence de facteurs,parmi lesquels la chute des prix du cacao et du café et les impacts du conflit. De plus, la productivitéagricole est faible (avec un taux moyen d’efficience de seulement 50% en 2008), en raison de niveauxfaibles d’utilisation d’intrants agricoles (engrais et pesticides), de difficultés d’accès aux marchés et decontraintes de liquidité (difficultés d’accès au crédit). 10 Cette analyse de la Banque Mondiale donnepeu d’importance à la question foncière, mais pour d’autres auteurs (par exemple, Aka, 2007) lapropriété foncière est essentielle dans la perception de revenus en milieu rural et constitue l’une desprincipales sources des conflits sociopolitiques des dernières années. 1110 En ce qui concerne l’accès au crédit, non seulement le niveau global de sollicitation de crédit est extrêmement faible (seulement 11% de lapopulation totale et 9% des pauvres en 2008), mais encore l’écrasante majorité des crédits sont accordés par des individus (73% des crédits en2008,et 81% dans le cas des pauvres), selon l’ENV 2008. En effet, le secteur du crédit formel est très peu développé, les banques fournissantà peine 7% des crédits et les institutions de micro-finance seulement 3% (et encore moins en milieu rural : 1,5% contre 3,4% en milieu urbain).11 L’accès à la propriété foncière est régi par la loi, mais cette loi coexiste avec des règles socioculturelles et coutumières très variées selon lesrégions, biaisant l’accès à la terre entre hommes et femmes dans plusieurs régions (MEMPD/INS, 2008).16


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireLes risques sociaux sont fortement corrélés au niveau de vie économique des ménages. Lefaible accès aux services sanitaires, aux sources d’eau améliorées et aux installations d’assainissementsont parmi les facteurs clef des taux élevés de mortalité, notamment chez les enfants. Orles disparités dans ces domaines sont frappantes entre les pauvres et les non pauvres (Tableau3.1). D’après l’ENV de 2008, le taux de pauvreté était de 51% parmi ceux qui n’avaient pas consultépendant les quatre semaines précédant l’enquête, par rapport à 37% pour ceux qui avaient eu aumoins une consultation médicale. Tandis que ceux qui avaient consulté un médecin ou un pharmacienavaient des taux de pauvreté de 25% et 16% respectivement et ce taux était de 52% pour ceuxayant consulté un guérisseur traditionnel (MEMPD/INS, 2008).Bien que les pauvres soient plus exposés aux maladies, ils consacrent une proportion moindre deleurs dépenses à la santé (5,1%) par rapport aux non pauvres (6,4%). De plus, les dépenses desanté ont globalement diminué de 6,8% en 2002 à 5,8% en 2008. Des tendances similaires sont àsignaler pour les dépenses d’éducation, qui ont diminué de 6,0% à 3,7% des dépenses totales desménages pendant cette période, avec des taux plus faibles pour les ménages pauvres (3,6 % parrapport à 6,4% pour les non pauvres en 2008).Par rapport à l’assainissement, le taux de pauvreté est seulement de 10,8% chez les personnesdisposant d’un WC avec chasse d’eau, mais monte à 44,8% chez celles ayant des latrines àfosse et à 67,9% chez celles ne disposant pas de toilette. En ce qui concerne l’eau, le taux depauvreté augmente de 23,4% pour les personnes disposant d’un robinet privé à 67,6% pourcelles s’approvisionnant de l’eau de surface.Tableau 3.1Taux de pauvreté (%) selon les sources d’eau, les typesd’assainissement et les types de consultations médicales, 2008Mode d’approvisionnement en eauType de toiletteRobinet privé 23,4 Chasse d’eau 10,8Robinet commun 25,0 Latrine à fosse 44,8Hydraulique Villageoise Améliorée (HVA) 64,7 Pas de toilette 67,9Pompe publique 66,5Puits 59,0 Types de consultations médicalesEau de surface 67,6 Médecin 25,1Revendeur d’eau 30,3 Pharmacien 16,4Autres 65,6 Guérisseur 52,0Source : ENV 2008 (MEMPD/INS, 2008).Une analyse plus approfondie de l’importance du facteur économique par rapport aux risquessociaux peut se faire à partir des données de la MICS de 2006. Cependant, compte tenu du faitque cette enquête n’a pas de données sur les dépenses de consommation (et ainsi sur les indicesde pauvreté monétaire), l’analyse doit se faire par rapport aux quintiles de bien-être économique desménages 12 . On remarque de grandes différences entre les quintiles par rapport à presque tous lesdomaines des risques sociaux (Tableau 3.2). Par exemple :• Le risque de mortalité infanto-juvénile est 1,5 fois plus élevé dans les deux premiers quintiles(les plus pauvres) que dans le cinquième quintile.• Les risques de malnutrition restent à des niveaux élevés dans les trois premiers quintiles,diminuant plus abruptement à partir du quatrième quintile. La malnutrition chronique est 2fois plus élevée dans le premier quintile que dans le cinquième quintile, et l’insuffisancepondérale 2,7 fois plus élevée (et 4,6 fois plus élevée dans sa forme sévère).12 Ces quintiles sont établis à partir de scores de richesse selon un indice constitué de plusieurs composantes pondérées relatives aux biens etaux conditions d’habitation des ménages (MEMPD/INS et <strong>UNICEF</strong>, 2007, p. 29).17


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoire• Les enfants du premier quintile ont un risque 10 fois plus élevé que ceux du cinquièmequintile de ne recevoir aucune vaccination.• Les enfants les plus pauvres sont plus souvent malades que les enfants les plus riches etont une probabilité beaucoup plus faible de recevoir un traitement approprié. Dans le cas dupaludisme, la première cause de mortalité infanto-juvénile, seulement 20% des enfants dupremier quintile reçoivent des médicaments antipaludéens dans les 24 heures suivant lessymptômes, environ la moitié de la proportion du cinquième quintile (41%).Tableau 3.2 Risques sociaux par quintile de bien-être économique, 2006Q1 Q2 Q3 Q4 Q5<strong>Rap</strong>portQ1/Q5Risque de mortalité (décès pour 1000 naissances vivantes)Taux de mortalité infanto-juvénile 150 146 121 111 100 1,50Taux de mortalité infantile 93 101 89 58 79 1,18Risque de malnutrition (enfants < 5 ans,% en dessous de –2 ET)Retard de croissance (taille pour âge) 41,9 39,6 34,6 26,3 21,1 1,99Emaciation (poids pour taille) 8,0 7,3 8,4 5,3 4,8 1,67Insuffisance pondérale (poids pour âge) 26,0 23,6 22,9 14,2 9,5 2,74Risques sanitaires (%)Enfants de 12 à 23 mois sans aucune vaccination 9,6 9,9 4,2 2,6 0,9 10,67Enfants < 5 ans avec symptômes d’IRA 7,5 5,4 4,4 3,8 2,9 2,59Traitement d’enfants < 5 ans avec symptômes IRA 20,5 31,5 40,6 49,3 71,4 0,29Enfants < 5 ans ayant de la fièvre 30,0 29,7 25,5 21,3 20,7 1,45Traitement antipaludéen (enfants < 5 ans fiévreux) 19,8 20,7 31,3 27,1 41,1 0,48Utilisation des moyens modernes de contraception 3,0 5,2 5,7 9,6 18,3 0,16Accouchement dans une formation sanitaire 25,6 37,5 53,8 76,1 92,9 0,28Accouchement assisté par personnel qualifié 28,5 40,3 58,7 78,9 94,6 0,30Prévalence du VIH (population de 15 à 49 ans) 2,7 3,6 5,5 5,2 5,9 4,7Accès à des sources d’eau améliorées 51,0 64,4 74,9 91,3 98,2 0,52Utilisation d’installations sanitaires appropriées 18,0 32,1 61,7 83,0 90,5 0,20Risques scolaires (%)Taux net de scolarisation primaire 35,4 49,8 54,9 64,4 80,5 0,44Taux d’alphabétisation des femmes de 15 à 24 ans 0,48 0,44 0,76 0,67 0,67 0,72Autres risques (%)Femmes de 15 à 49 ans ayant subi l’excision 55,2 34,4 37,0 37,5 23,4 2,36Enfants de 5 à 14 ans qui travaillent 52,1 43,9 38,7 21,7 13,7 3,80Enfants < 5 ans enregistrés à l’Etat civil 28,7 40,7 56,1 77,4 88,5 0,32Sources : MICS 2006 (MEMPD/INS et <strong>UNICEF</strong>, 2007) ; EIS 2005 (MLS et al, 2006).• Les risques de santé reproductive sont également beaucoup plus importants parmiles femmes pauvres. Moins de 30% des femmes du premier quintile bénéficient d’uneassistance qualifiée à l’accouchement, contre plus de 90% dans le cinquième quintile.• Il y a d’énormes disparités dans l’assainissement, la population utilisant des installations sainesd’évacuation des excréta étant cinq fois moindre dans le premier quintile que dans le cinquième.18


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoire• Le taux net de scolarisation primaire dans le premier quintile est plus de moitié moindreque celui dans le cinquième (35,4% par rapport à 80,5%) et la déperdition scolaire est plusélevée parmi les enfants les plus pauvres tout au long des cycles d’enseignement.• Les autres risques sociaux sont également plus importants parmi les plus pauvres : destaux beaucoup plus élevés de travail des enfants et d’excision parmi les femmes, ainsi quedes taux beaucoup plus faibles d’enregistrement des enfants à l’état civil, ce qui conduit àd’autres désavantages tels que le refus d’inscription scolaire (voir le Chapitre 4).L’exception à la règle générale est la prévalence du VIH, qui est corrélée positivement avec le niveaude bien-être économique.3.2.2 La dimension spatiale de la vulnérabilitéMilieux urbain et ruralLes populations vivant en milieu rural sont en général plus vulnérables que celles vivant enmilieu urbain en raison de la plus faible couverture en infrastructures physiques et servicespublics, et des contraintes de communication. Les voies routières sont très détériorées à traversle pays, limitant l’accès aux denrées alimentaires produites et aux services publics (établissementssanitaires, scolaires et administratifs) dans les zones les plus reculées. Les taux de pauvreté sontnettement plus élevés en milieu rural et les risques sociaux plus graves que dans les villes. Cescontrastes apparaissent de façon évidente dans le Tableau 3.3.Tableau 3.3 Pauvreté monétaire et risques sociaux par milieu de résidence (%)Rural Urbain Abidjan NationalDonnées de l’ENV 2008Incidence de pauvreté (P0) 62,5 29,5 21,0 48,9Contribution à la pauvreté 75,4 24,6 8,9 100,0Variation de P0 de 2002 à 2008 27,6 20,4 40,9 27,3Incidence de pauvreté extrême (1 er décile) 14,3 3,8 1,5 10,0Ecart de pauvreté (P1) 24,5 9,1 5,6 18,2Taux de chômage 7,0 35,7 13,0 17,5Données de l’EIS 2005Taux de mortalité infanto-juvénile (*) (‰) 142 105 103 125Prévalence du VIH (15-19 ans) 4,1 5,4 6,1 4,7Données de la MICS 2006Malnutrition chronique (enfants < 5 ans) 39,3 24,8 21,7 34,0Enfants de 12 à 23 mois entièrement vaccinés 68,3 86,4 89,8 75,1Traitement antipaludéen (enfants < 5 ans fiévreux) 23,1 32,2 32,0 25,9Assistance à l’accouchement par personnel qualifié 40,0 84,1 97,4 56,8Utilisation de sources d’eau à boire améliorées 65,2 90,3 98,7 76,0Utilisation d’installations sanitaires appropriées 36,9 83,8 94,1 57,0Taux net de scolarisation primaire 48,2 66,6 73,1 55,1Enfants travailleurs (5-14 ans) 45,1 19,7 14,9 35,3Enregistrement des naissances (enfants < 5 ans) 40,5 79,2 87,2 54,9Note : (*) Période de 10 ans avant l’enquête, sauf pour chiffre national (5 ans avant l’enquête).Sources : ENV 2008 (MEMPD/INS, 2008) ; EIS 2005 (MLS et al, 2006) ; MICS 2006 (MEMPD/INS et <strong>UNICEF</strong>, 2007).19


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireLes données de l’ENV de 2008 montrent non seulement que l’incidence de pauvreté monétaireest deux fois plus élevée en milieu rural qu’en milieu urbain, mais également que les troisquarts des pauvres habitent en milieu rural. L’incidence de pauvreté rurale a augmenté de plusd’un quart entre 2002 et 2008. Il est aussi à noter que la proportion de pauvres extrêmes (définiscomme ceux appartenant au premier décile de consommation) est 3,8 fois plus élevée en milieurural (14,3%) qu’en milieu urbain (3,8%) et que l’écart de pauvreté (la distance moyenne au seuil depauvreté) est 2,7 fois plus important (24,5%) que dans les villes (9.1%). Cependant, il ne faut pasperdre de vue l’importance croissante de la pauvreté urbaine, notamment à Abidjan, où l’incidencede la pauvreté a augmenté de 40,9% entre 2002 et 2008. Le chômage est essentiellement unphénomène urbain, avec un taux cinq fois plus élevé que celui enregistré en milieu rural, où le sousemploiet la baisse de revenus en période de soudure sont plus importants.Dans presque tous les domaines, les risques sociaux sont plus importants en milieurural. Un enfant rural court un risque un tiers plus élevé qu’un enfant urbain de décéder avantd’atteindre l’âge de 5 ans. Son risque de malnutrition chronique est aussi presqu’un tiersplus élevé et il a moins de chance de recevoir un traitement antipaludéen en cas de fièvre.Seulement 40% des femmes accouchent avec l’assistance de personnel qualifié en milieurural, moins de la moitié du taux en milieu urbain. Les conditions de vie sont également plusmauvaises en milieu rural, avec un taux très faible d’utilisation d’installations sanitairesappropriées (37% par rapport à 84% en milieu urbain) et un taux d’utilisation de sources d’eauaméliorées (65%) qui est nettement plus faible qu’en ville (90%). Les enfants ruraux ontégalement une probabilité deux fois plus élevée de travailler et de ne pas être enregistrés àl’Etat civil. L’exception la plus saillante est la prévalence du VIH, qui est plus élevé en milieuurbain, notamment à Abidjan (6,1% selon l’EIS de 2005).Les disparités régionalesLes disparités régionales sont particulièrement frappantes (Tableau 3.4). Les régions du Nord sonten situation généralement plus désavantageuse, ayant des conditions moins favorables queles zones plus pluvieuses du Sud, un réseau de routes moins dense, des difficultés d’accès auxmarchés et des déficits importants dans l’offre des services sociaux de base. Par ailleurs,la crise de 2002 et la séparation en deux du pays a particulièrement accru la vulnérabilitédes populations du Nord. Quelques zones dans l’Ouest du pays ont aussi été sévèrementaffectées par les conflits, aggravés par des rivalités ethniques et foncières locales et montrentdes niveaux élevés de vulnérabilité.Selon les données de l’ENV de 2008, c’est la région Nord (actuellement Savanes) qui présenteles indicateurs de pauvreté les plus mauvais. L’incidence de pauvreté y a presque doublé(+92%) entre 2002 et 2008 pour atteindre 77% de la population. L’écart de pauvreté est aussile plus élevé dans cette région (36%) et presque 30% de la population se trouve dans lepremier décile. Cependant, ce n’est pas la région avec le plus grand nombre de pauvres en termesabsolus. Elle arrive en troisième position derrière le Centre-Ouest (17,0%) et l’Ouest (10,6%).Ces deux régions ont aussi des taux très élevés d’incidence de pauvreté (63%) et d’écart depauvreté (24-25%). Parmi les autres régions en situation particulièrement préoccupante, le Nord-Ouest a le deuxième plus grand écart de pauvreté (26%) et 18% de sa population en extrêmepauvreté, et le Centre-Nord a connu une forte augmentation de l’incidence de pauvreté (+78% entre2002 et 2008) pour atteindre 57%, et également 18% de sa population en extrême pauvreté.20


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireTableau 3.4 Indicateurs de pauvreté monétaire par région (%), 2008RégionIncidence(P0)Ecart(P1)Variation P0depuis 2002Contributionà la pauvretéIncidencepauvreté extrême(1 er décile)Centre 56,0 20,3 35,3 9,6 9,6Centre Est 53,7 20,4 19,6 2,4 9,6Centre Nord 57,0 24,2 78,1 7,5 17,8Centre Ouest 63,0 24,3 25,0 17,0 13,6Nord 77,3 36,1 91,8 10,1 29,6Nord Est 54,7 20,9 -3,4 5,4 10,3Nord Ouest 57,9 25,6 11,6 5,8 18,4Ouest 63,2 25,1 -2,0 10,6 14,1Sud 44,6 14,7 47,2 14,0 6,4Sud Ouest 45,5 13,3 10,2 8,8 3,2Abidjan 21,0 5,6 40,9 8,9 1,6National 48,9 18,2 27,3 100,0 10,0Sources : ENV 2008 (MEMPD/INS, 2008).Tableau 3.5 Risques sociaux par région (%), 2006RégionMortalité infanto-juvénile, 2005(pour 1000 naissances vivantes)Malnutrition chronique, 2006(enfants < 5 ans)Enfants de 12 à 23 moisentièrement vaccinés, 2006Traitement antipaludéen, 2006(enfants < 5 ans fiévreux)Assistance à l’accouchement parpersonnel qualifié, 2006Utilisation de sources d’eauaméliorées, 2006Utilisation d’installations sanitairesappropriées, 2006Taux net de scolarisationprimaire, 2006Enfants travailleurs,2006 (5-14 ans)Enregistrement des naissances,2006 (enfants < 5 ans)Taux net d’alphabétisation, 2008(population > 15 ans)Taux de prévalence du VIH, 2005Centre 130 32,9 87,6 34,6 42,8 78,9 42,8 58,1 44,2 59,0 37,8 4,8Centre Est 130 30,3 83,1 30.6 75,4 71,9 80,9 56,1 31,3 75,9 44,9 5,8CentreNordCentreOuest83 28,9 88,0 38,5 42,5 70,9 35,0 47,7 44,0 41,4 33,3 3,6169 33,0 69,1 17.2 53,9 80,5 64,7 68,6 23,6 56,3 44,3 3,7Nord 130 38,2 68,8 27.1 63,2 84,0 40,6 26,5 53,4 40,7 19,3 3,2Nord Est 160 46,6 56,7 10,7 30,5 69,7 31,1 40,0 51,0 41,3 24,5 3,3NordOuest96 34,5 60,7 26.4 23,4 57,6 59,2 31,6 51,6 23,5 14,8 1,7Ouest 111 33,6 49,6 21.4 28,9 62,7 53,9 47,6 46,7 23,3 38,5 3,5Sud 129 35,6 86,3 29.2 65,8 71,4 51,1 66,4 26,6 66,8 52,3 5,5Sud Ouest 156 41,1 66,4 24,2 55,4 63,7 47,0 50,5 35,9 52,3 44,9 4,2Abidjan 103 21,7 89,8 32,0 97,4 98,7 94,1 73,1 14,9 87,2 71,6 6,1National 125 34,0 75,1 25,9 56,8 76,0 57,0 55,1 35,3 54,9 46,5 4,7Sources : EIS 2005 (MLS et al, 2006) ; MICS 2006 (MEMPD/INS et <strong>UNICEF</strong>, 2007) ; ENV 2008 (MEMPD/INS, 2008).21


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireEn ce qui concerne les risques sociaux (Tableau 3.5), l’EIS de 2005 a trouvé les taux de mortalitéinfanto-juvénile les plus élevés dans le Centre-Ouest (169 décès pour 1000 naissances vivantes),le Nord-Est (160) et le Sud-Ouest (156). Deux de ces régions avaient aussi les niveaux lesplus élevés de malnutrition chronique (46,6% dans le Nord-Est et 41,1% dans le Sud-Ouest),selon la MICS de 2006. Les régions du Nord sont clairement les plus arriérées sur le plan éducatif,avec de loin les plus bas taux net de scolarisation primaire (26,5% dans le Nord, 31,6 % dansle Nord-Ouest et 40,0% dans le Nord-Est) et d’alphabétisation des adultes (respectivement19,3%, 14,8% et 24,5%). Il n’est pas surprenant de trouver que les taux de travail desenfants sont également les plus élevés dans ces régions, avec plus de 50% des enfantsconcernés. Par contre, les risques relatifs au VIH/SIDA sont plus élevés dans le quadrantSud-Est du pays, notamment à Abidjan.3.2.3 La vulnérabilité selon le cycle de la vieLes individus ont des degrés de vulnérabilité différents aux étapes successives du cycle dela vie, pendant lesquelles les risques changent également de nature ou d’intensité (Figure 3.3).Figure 3.3Risques selon le cycle de la vieSource : auteurs.Pour les enfants de moins de cinq ans (et encore plus pour les enfants de moins d’un an),la fragilité physique met en péril la survie de l’enfant dans un contexte de pauvreté, deconditions de vie insalubres et de faible accès aux services sanitaires. C’est aussi une périodecritique de risques nutritionnels, puisque les déficiences protéino-énergétiques ou en micronutrimentsrisquent d’augmenter la vulnérabilité de l’enfant et de retarder sa croissance(notamment du cerveau) avec des conséquences néfastes pour son développement etson bien-être à long terme. En Côte d’Ivoire, on a déjà vu que ces risques sont très sérieux(un enfant sur huit meurt avant l’âge de 5 ans), surtout pour les enfants des ménages les plus22


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoirepauvres et pour ceux qui vivent en milieu rural et dans quelques régions du Nord et de l’Ouest.En plus, le taux élevé de non-enregistrement à l’Etat civil (45% des enfants de moins de 5 ans)expose un nombre important d’enfants au risque ultérieur de ne pas accéder à la scolarité.Pour les enfants de plus de 5 ans, le risque de ne pas fréquenter l’école est majeur.Environ 30% des enfants, selon la MICS de 2006, ne sont jamais inscrits au CP1, et 24%des enfants abandonnent l’école avant de compléter le cycle primaire. Ainsi, plus de la moitiédes enfants sont à fort risque d’être analphabètes à l’âge adulte. Les enfants déscolarisés ontaussi une probabilité plus élevée de travailler, bien que 32% des enfants scolarisés de 5 à 14ans travaillent eux aussi, mettant en péril leur performance scolaire. Seulement 24% des enfantsen âge de fréquenter le secondaire sont scolarisés et les faiblesses du secteur de formation techniqueet professionnelle compromettent davantage l’éventuelle insertion dans le marché du travail(MEMPD/INS et <strong>UNICEF</strong>, 2007).Il faut souligner deux autres points importants concernant les enfants. Ils sont, toutd’abord, dépendants des adultes et donc vulnérables à la maltraitance, notamment s’ilsvivent hors d’un cadre familial sain et protecteur (Encadré 3.1). Ils ont ensuite, en moyenne,une probabilité plus grande que les adultes de vivre dans un ménage pauvre, la féconditéy étant plus élevée, les ménages sont plus grands et les taux de dépendance sont plus élevésdans les premiers déciles de la population. Le Tableau 3.6, sur la distribution des enfants, desjeunes, des adultes et des personnes âgées par déciles, montre ce fait clairement. La distributiondes enfants de moins de 15 ans augmente de 5,5% dans le décile le plus riche à 12,5% dansle décile le plus pauvre.Tableau 3.6Distribution de la population par groupe d’âge et décilede consommation, 2008D1 D2 D3 D4 D5 D6 D7 D8 D9 D10 TotalEnfants < 5 ans 12,2 12,0 11,7 11,1 10,6 10,6 9,5 9,0 7,8 5,5 100Enfants 5-14 ans 12,5 12,3 11,5 11,5 10,7 10,0 9,4 9,1 7,8 5,2 100Jeunes 15-29 ans 7,9 8,4 8,8 9,2 9,7 10,1 10,6 11,0 11,8 12,5 100Adultes 30-64 ans 8,7 8,4 8,9 9,1 9,2 9,5 10,2 10,4 11,3 14,2 100Adultes > 65 ans 11,5 11,7 11,0 8,7 10,8 11,2 8,5 9,5 8,7 8,4 100Ensemble de lapopulation10,0 10,0 10,0 10,0 10,0 10,0 10,0 10,0 10,0 10,0 100Source : Calculs des auteurs à partir des données de l’ENV 2008.23


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireEncadré 3.1La vulnérabilité accentuée de l’enfant sans cadre familial protecteurCompte tenu du rôle critique de la famille comme cadre de développement et d’épanouissement de l’enfant,la vulnérabilité est énormément accentuée chez l’enfant lorsqu’il vit hors d’un cadre familial ou dans un cadrefamilial non protecteur. Les enfants vivant hors d’un cadre familial sont peu nombreux mais sont exposésà de très hauts risques. Il s’agit des enfants de la rue, des enfants placés dans des institutions d’accueil(orphelinats etc.), des enfants séparés ou non accompagnés lors des déplacements de populations,des enfants dans les groupes armés (actuellement de nombre diminué) et des enfants détenus dans lesinstitutions policières et pénales.Une étude en 2007 a dénombré 15 330 enfants de la rue dans les villes d’Abidjan, Bouaké, Korhogo,Daloa, Yamoussoukro, Man et Abengourou (MEMPD et <strong>UNICEF</strong>, 2008). La majorité de ces enfants étaientanalphabètes (trois sur cinq) et se consacraient à des activités de petit commerce. Environ 200 enfantssont détenus dans les prisons, selon des données datant de 2007 (MJDH et al, 2007). En plus du fait quequelques-uns de ces enfants ne sont pas séparés des prisonniers adultes, ils sont à risque de sévices etabus sexuels, d’une faible prise en charge éducative et de difficultés éventuelles de réinsertion sociale etéconomique (MEMPD et <strong>UNICEF</strong>, 2008). En ce qui concerne les orphelinats, ces institutions fonctionnentsouvent sans avoir l’agrément requis par la loi et font rarement l’objet d’un suivi et de contrôles. Malgré lesdéficiences d’information relative à ces institutions, la qualité du service est réputée être loin des normes enla matière (MFFAS, 2010g).Un nombre beaucoup plus large d’enfants sont à risque élevé malgré le fait qu’ils vivent dans un cadrefamilial. Ce sont les enfants maltraités à la maison. La situation globale de ces enfants est très peu connue.Cependant, on peut s’inquiéter en particulier de la vulnérabilité des enfants vivant dans des familles ensituation de haute précarité économique ou en rupture, ainsi que des enfants qui sont confiés à d’autresfamilles ou à des parents distants, soit parce qu’ils sont orphelins, soit à cause de la situation économiquede la famille. Sur 9 millions d’enfants de moins de 18 ans, on compte environ 729 000 orphelins (8,1%)toutes causes confondues et 324 000 orphelins (3,6%) du fait du SIDA, d’après l’EIV de 2005. La MICS de2006 a trouvé que 8,5% des enfants sont orphelins, mais seulement 1,1% sont orphelins des deux parents.Par contre, 20,7% des enfants ne vivent avec aucun parent biologique, ce qui montre que le phénomènede placement (ou confiage) est très répandu. Bien que le système traditionnel de confiage des enfants soitcensé améliorer les opportunités, notamment de scolarité, il peut aussi conduire à des abus, mettant l’enfantà haut risque de maltraitance, d’exploitation (comme travailleur domestique ou dans le petit commerce) et denon scolarisation. Dans les pires des cas, il y a une zone grise avec le fléau de la traite. L’Enquête Nationalesur le Travail des Enfants, réalisée en 2005, a estimé qu’il y avait environ 33 450 enfants de 5-17 ans victimesde traite sur le territoire ivoirien (cité dans MEMPD et <strong>UNICEF</strong>, 2008).Source : MJDH et al, 2007 ; MEMPD et <strong>UNICEF</strong>, 2008 ; MFFAS, 2010g.Le chômage est un des plus importants risques pour les jeunes, en plus des risques duVIH/SIDA et des IST et, pour les jeunes femmes, des risques de mariage et de grossesseprécoce, qui amplifient les risques plus larges de santé reproductive. Pour les jeunes, lesdifficultés d’insertion professionnelle deviennent une grande préoccupation, notamment en milieuurbain, bien que la distribution des jeunes par décile soit l’inverse de celle des enfants de moinsde 15 ans (Tableau 3.6). Environ 66,3% des chômeurs sont dans la tranche d’âge de 15 à 29ans selon l’ENV de 2008. Le début de la vie sexuelle expose les jeunes à des risques d’infectionssexuellement transmises, parmi lesquelles le VIH/SIDA, qui sont exacerbés par le manque deconnaissances des risques et des moyens de les réduire, par le faible accès aux méthodesmodernes de contraception, et par la pauvreté et les relations inégales dans la négociation desrelations sexuelles entre hommes et femmes. En plus, selon l’EIS de 2005, 29,4% des femmesâgées de 20 à 24 ans ont déjà eu une première naissance avant l’âge de 20 ans, dont 5,7%avant l’âge de 15 ans, et la moitié des femmes sont déjà en union à l’âge de 19 ans.Les risques de chômage (et de sous-emploi), de VIH/SIDA et de mortalité maternelle restentélevés à l’âge adulte. Environ 32% des chômeurs en 2008 étaient dans la tranche d’âge de 30à 59 ans. Cependant, comme pour les jeunes, la distribution des adultes par décile est l’inversede celles des enfants. Le taux de prévalence du VIH atteint ses niveaux les plus élevés pour cette24


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoiremême tranche d’âge (10,4% pour les personnes âgées de 30 à 34 ans en 2005). Les femmes enâge de procréation sont sujettes aux risques de la mortalité maternelle (543 décès pour 100 000naissances vivantes).Les personnes âgées n’ont souvent pas de support familial et sont sujettes aux risquescroissants de maladies et de handicaps, avec des besoins importants en médicamentset consultations médicales. Comme les enfants, les personnes âgées de plus de 65 ans, quiconstituent 2,7% de la population, sont plus fortement concentrées dans les premiers déciles deconsommation. L’absence de pensions sociales de vieillesse et la nature payante de presque tousles services sanitaires les rendent particulièrement vulnérables.3.2.4 La vulnérabilité liée au genreLe statut de subordination de la femme dans la culture prédominante, la division traditionnelledu travail, les discriminations de genre (notamment par rapport à la scolarité) et le lourd fardeaudu rôle reproductif de la femme mettent les filles et les femmes dans une situation globalementdésavantageuse par rapport aux garçons et aux hommes et les rendent plus vulnérables à touteune série de risques.Les risques de non scolarisation ou d’abandon scolaire sont plus élevés pour les filles quepour les garçons. Selon le <strong>Rap</strong>port d’Etat du Système Educatif Ivoirien (RESEN), en 2009, une fillea 66% de chances d’avoir accès à la première année de l’école primaire (CP1) contre 76% pourun garçon. Ces inégalités s’accentuent tout au long du système d’enseignement. Dans le secondcycle du secondaire, les garçons sont deux fois plus nombreux que les filles (Tableau 3.7).A l’âge adulte, beaucoup moins de femmes que d’hommes savent lire ou écrire. En 2008, selonl’ENV, le taux net d’alphabétisation (pour la population âgée de 15 ans et plus) était 56,1% chez leshommes et seulement 36,8% chez les femmes.Tableau 3.7 Disparités filles/garçons dans le système d’enseignement (%), 2009AccèsPrimaireAchèvementprimaireAccèsSecondaire IAchèvementSecondaire IAccèsSecondaire IIAchèvementSecondaire IIGarçons 76 52 44 30 28 21Filles 66 39 31 16 14 9<strong>Rap</strong>portgarçons/filles1,15 1,33 1,42 1,88 2,00 2,33Source : RESEN 2009.Les femmes ont également moins d’opportunités professionnelles et économiques que leshommes. Il y a une prédominance des hommes travaillant dans l’agriculture d’exportation (cacao,café, coton, anacarde, palmier), où ils sont sept fois plus nombreux que les femmes, selon l’ENVde 2008. Les femmes se consacrent davantage à l’agriculture vivrière (17% contre 13% pour leshommes). Le chômage touche plus les femmes de condition pauvre que les hommes pauvres (10%contre 8%), et la part des inactifs est presque deux fois plus élevée chez les femmes que chez leshommes (23% contre 13%). Il y a une différence fondamentale dans l’accès à la terre et au créditselon le genre. Dans l’ensemble, les ménages ayant un homme comme chef ont globalement plusde chance d’avoir accès à la terre que leurs homologues femmes chefs de ménage, bien que l’écartsoit plus accentué dans le Centre Ouest, le Nord et le Sud. La propriété foncière étant souvent unecondition d’accès au crédit, les femmes ont également moins d’accès au crédit.Bien que les taux de pauvreté soient similaires que les ménages ayant un homme ou unefemme comme chef, les chefs de ménages qui sont veuves ont connu un accroissement plusrapide de la pauvreté que les autres femmes chefs de ménages (Banque Mondiale, 2010a). Il est25


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoireà noter que 43% des chefs de ménages de sexe féminin sont veuves et que, comme il a déjà étésignalé dans la section 3.1.2, les veuves sont très souvent dépossédées de leurs biens, notammentdans les sociétés matrilinéaires.Les autres risques encourus par les femmes, tels que l’excision, les violences conjugales, les abussexuels et l’exploitation sexuelle, ont aussi été mis en relief dans la section 3.1.2 et ne seront pasrépétés ici.3.2.5 La vulnérabilité et le capital humainLe capital humain est l’ensemble des capacités qu’un individu acquiert par l’accumulationdes connaissances et de savoir-faire. Le capital humain exprime ainsi l’idée d’un stock decapacités imputé à une personne et pouvant être accumulé, par l’instruction ou par d’autres moyensmoins formels. Le manque d’instruction ou un faible niveau d’instruction est ainsi une source devulnérabilité des individus car il les rend moins capables d’éviter, d’atténuer ou de s’adapter auxdifférents risques, qu’ils soient de nature économique, sanitaire ou socioculturelle. L’investissementdans l’éducation, y compris par des mesures de protection sociale qui facilitent l’accès des pluspauvres à l’école, est ainsi une stratégie de choix pour réduire la vulnérabilité à long terme. Lasensibilisation, par exemple sur la nutrition ou la protection contre le VIH/SIDA, joue aussi un rôleimportant dans la réduction de certains risques.L’augmentation de la pauvreté a frappé surtout les ménages ayant les chefs les moinsinstruits. L’analyse de la pauvreté réalisée par la Banque Mondiale (2010a) a montré que l’incidencede pauvreté a augmenté le plus pour les ménages ayant des chefs avec moins de sept ansd’instruction (+300% de 1985 à 2008). Pour les ménages dont les chefs ont 15 ans d’instruction,l’incidence de pauvreté n’a guère changé.Le niveau d’instruction a aussi des impacts sur d’autres risques sociaux, tout en étantgénéralement moins déterminant que le niveau de richesse. Par exemple, plus la mère estinstruite, plus son enfant a de chances de fréquenter l’école. Le taux net de scolarisation primaireest deux fois plus élevé pour les enfants de mères ayant atteint le secondaire ou plus (92,2%) quepour les enfants de mères non instruites (48,6%). Ce taux est 75,8% pour les enfants de mère ayantfréquenté le primaire. Selon des analyses de régression logistique (Banque Mondiale, 2010b), unefemme ayant fréquenté l’enseignement secondaire ou supérieur aurait un ratio de probabilité (oddsratio) deux fois supérieur d’accoucher avec l’assistance de personnel qualifié qu’une femme sansaucune instruction (1,3 fois plus dans le cas d’une femme ayant l’enseignement primaire). C’estdonc un facteur important même si le facteur économique est de loin le plus important, le ratio deprobabilité Q5/Q1 étant de 15,2.3.2.6 Maladies chroniques, dont le SIDA, et handicapsLes maladies chroniques, telles que le SIDA, la tuberculose et la lèpre, rendent les ménagesplus vulnérables, diminuant leur capacité productive et augmentant leurs besoins médicaux. En2009, l’ONUSIDA a estimé à 164 000 le nombre de personnes qui ont besoin d’ARV, dont 14 000enfants de moins de 15 ans (CNLS, 2011). Ces personnes, déjà malades du SIDA, constituent34% des personnes vivant avec le VIH et environ 0,01% de la population. Même si ce dernier chiffreparaît très faible, il sera en hausse dans les prochaines années, compte tenu du taux de prévalencedu VIH, avec des conséquences graves pour la capacité productive et le bien-être des personnesconcernées et des autres membres de leurs ménages. Une étude en 2000 a montré que, parmi unéchantillon de PVVIH connaissant leur statut et consultant pour des soins, 30% avaient perdu leursemplois (Juillet et al, 2001, cité dans Banque Mondiale, 2010b). Une enquête ménage réalisée en2007, avant l’introduction des ARV, auprès de 1 451 adultes séropositifs a trouvé que 68% desménages ayant des PVVIH faisaient face à des dépenses catastrophiques 13 .13 Selon la définition de l’OMS : plus de 40% des dépenses non alimentaires.26


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireL’introduction de la gratuité des ARV aurait réduit ces dépenses. Cependant, le fait que la majoritédes PVVIH ayant besoin d’ARV et d’autres médicaments pour les infections opportunistes ne soientpas encore bénéficiaires de ces services suggère que les impacts, surtout en termes de perte deproductivité et de revenus, restent importants. Le nombre de personnes sous ARV a été estimé àenviron 52 000 en 2007-2008 (CNLS, 2011). En outre, les estimations de l’ONUSIDA portent à 430000 le nombre d’orphelins et enfants rendus vulnérables du fait du SIDA.Les personnes qui vivent avec un handicap 14 semblent représenter l’un des groupes lesplus vulnérables, souffrant de toute une série de désavantages, allant des barrières d’accès àl’enseignement et aux emplois jusqu’aux contraintes à leur pleine participation dans la vie socialeet culturelle. Cependant il est difficile de quantifier ces désavantages, compte tenu du manque dedonnées statistiques fiables sur les personnes handicapées. Selon le recensement général de lapopulation et de l’habitat de 1998, il y avait cette année-là 85 517 personnes handicapées, soit0,6% de la population, dont 29,4% d’enfants âgées de moins de 15 ans et 22,9% d’enfants en âgede scolarisation. Ces chiffres semblent avoir sous-estimé l’importance réelle de cette catégorie dela population, qui a généralement un poids plus élevé dans les pays en voie de développement.La répartition par types de handicap est la suivante : 36% de handicaps physiques, 30% de surdimutité,19% de cécité et 16% d’autres handicaps (MFFAS, 2010j). Selon l’ENV de 2008, l’incidencede pauvreté est légèrement plus élevée chez les personnes handicapées (51,4%) par rapport auxnon-handicapées (48,9%). Selon le Ministère chargé des affaires sociales, la plupart des enfantshandicapés ne jouissent pas du droit à la scolarité, en raison de la très faible capacité des institutionsd’enseignement spécialisé, ainsi que de la faible mise en œuvre de la politique intégratrice qui doitfavoriser l’intégration des enfants handicapés à l’enseignement ordinaire.14 L’OMS définit la personne handicapée comme étant « un sujet dont l’intégrité physique ou mentale est passagèrement ou définitivementdiminuée, soit congénitalement, soit sous l’effet de l’âge, d’une maladie ou d’un accident, en sorte que son autonomie, son aptitude àfréquenter l’école ou à occuper un emploi s’en trouvent compromises ».27


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoire4 Programmes existants et défis de renforcementde la protection sociale4.1 La protection sociale informelleLes mécanismes informels apparaissent prédominants dans le système de protection tel qu’ilfonctionne actuellement en Côte d’Ivoire. Lors des études de cas menées dans le cadre d’unerécente cartographie du système de protection de l’enfant, les groupes de discussions (enfants,adolescents, femmes ou hommes) organisés au niveau communautaire n’ont fait référence qu’àl’aide communautaire disponible auprès de leurs familles, de leurs voisins et des notables de lacommunauté. Aucun groupe de discussion n’a fait mention de l’existence d’offre de services fournispar les structures publiques ou les ONG (MFFAS, 2010g).Les modèles traditionnels de protection sociale regroupent une diversité de mécanismes endogènesde nature familiale, communautaire et associative fondés essentiellement sur le capital social desmembres (la solidarité) et sur la réciprocité dans la jouissance des prestations. Par ailleurs, le droitcoutumier et les chefferies continuent de jouer un rôle fondamental dans la vie des communautés,constituant des mécanismes de protection plus présents sur le terrain et plus sollicités que lesinstances de l’Etat (Encadré 4.1).Encadré 4.1 Le droit coutumier et la protection de l’enfantTant en zones urbaines que rurales, les autorités traditionnelles continuent de jouer un rôle fondamental dansla vie des communautés. La reconnaissance officielle, par les autorités administratives, du rôle auxiliaire queles autorités traditionnelles jouent, formalise de facto ce rôle. En cas de problème ne pouvant se résoudreau niveau de la famille nucléaire, la famille élargie ou le voisinage, les familles se tournent en premier lieu versles autorités traditionnelles, considérées comme légitimes et en général puissantes avec un bon contrôle deleur territoire.Il est ainsi ressorti des études de cas menées dans le cadre de la cartographie du système de protectionde l’enfant, réalisée en 2009-10, que nombre de personnes perçoivent les systèmes communautairescomme suffisants pour résoudre les problèmes de protection de l’enfant. En cas d’abus au sein de la famille,l’assistance se fait en plusieurs étapes. Dès le signalement d’un cas de protection, c’est la cellule familiale quiest sollicitée. Si aucune solution n’est trouvée dans le cadre familial, il est pris en charge par la famille élargieet/ou les voisins puis par les autorités coutumières. Elle ne passe à l’étape des structures étatiques que sielle ne peut se régler par les autorités coutumières.La logique des communautés donne priorité à la cohésion sociale et à une résolution à l’amiable desproblèmes. Ces mécanismes traditionnels peuvent montrer des limites. Par exemple, dans le cas de laprotection de l’enfant, les enfants victimes d’abus ne sont en général pas impliqués dans le processusde résolution familiale ou communautaire, et certaines pratiques peuvent se révéler opposées aux droitsde l’enfant et nuisibles à son développement harmonieux. Il n’en reste pas moins que l’existence demécanismes traditionnels de résolution des problèmes bien établis et reconnus par les populations constitueune opportunité importante à prendre en considération dans le développement d’un système national deprotection sociale, notamment pour son volet de prévention et protection contre les violences.Source : MFFAS, 2010g.Les familles étendues sont les premiers soutiens lorsqu’il s’agit de la prise en charge desménages et individus en difficulté, y compris les appuis aux handicapés, aux personnes âgées,aux orphelins et veuves, et aux personnes déplacées. Tout en commençant par les parents proches(père, mère, frères et sœurs, oncles et tantes), la solidarité aux personnes vulnérables impliqueégalement de façon significative le lignage et les beaux-parents. Les grands-parents en particuliersont très impliqués dans la prise en charge des orphelins et autres enfants vulnérables (OEV).Néanmoins, la nature des obligations familiales diffère de façon significative selon que le système28


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoirede filiation est patrilinéaire ou matrilinéaire, notamment en ce qui concerne les obligations envers lesveufs, les veuves et les orphelins (Soko, 2010) 15 . En outre, le sentiment d’appartenance familialeet les obligations qui en découlent sont à la base des importants transferts intra et interfamiliaux.Ces transferts constituent environ 7% des revenus des ménages selon les données de l’ENV 2008(Banque Mondiale, 2010a). Les parents et les amis sont aussi les principales sources de crédit, loindevant les structures financières formelles (banques et institutions de microfinance).Au-delà de la famille étendue, les structures associatives remplissent une fonction d’entraide.Soko (2010) a décrit les mécanismes de protection, sous forme d’entraide ou de mutualisationinformelle des risques, établies par toute une gamme de structures : les « associations ethniquesen ville », qui ont été les premiers soutiens des populations déplacées internes dans les villes,notamment pour l’hébergement et les premiers secours en vivres et en non vivres ; les « associationsau village », souvent des groupes homogènes de femmes ou de jeunes qui épaulent les parentsdans la prise en charge des personnes vulnérables ; les églises, les mosquées et les associationsreligieuses, qui par leurs œuvres sociales apportent des aides aux populations déplacées, appuientles OEV (notamment en recherchant des « familles d’accueil ») et viennent également en aide auxhandicapés et aux personnes âgées ; les associations de retraités de la fonction publique oudu secteur privé ; les associations de personnes handicapées ; les associations de populationsdéplacées ; les sociétés funéraires, qui mutualisent les dépenses liés aux décès 16 ; et les « grenierssemenciers » ou « banques de céréales », qui gèrent des stocks en nature au niveau villageois ouinter-villageois qui peuvent être vendus ou prêtés au moment de la période de soudure.Le système de protection sociale informelle est donc largement dominé par : (1) les obligationsd’entraide intra et interfamiliale, caractérisée par des transferts entre parents, amis, enfants,voisins et familles à l’étranger et la prise en charge d’individus vulnérables (orphelins, personneshandicapées et personnes âgées) au sein de la famille (étendue) ; et (2) par l’assurance mutuelleinformelle, c’est-à-dire la réciprocité de prestations au sein de structures communautaires telles queles associations, les sociétés funéraires, les banques de céréales et les tontines. Ces dernièresoffrent des prestations sociales diverses aux membres affiliés en termes d’assistance financière,matérielle et morale en cas d’événements malheureux ou heureux : décès, maladies, cérémoniesrituelles (naissance, initiation, etc.), dot, mariage, scolarisation, soudure, etc. Les associations depersonnes déplacées se sont constituées afin de faire face aux problèmes spécifiques découlantdes déplacements, y compris pour le retour et la réinsertion dans les zones d’origine.Ces systèmes d’assurance mutuelle informelle, qui sont bien ancrés dans les cultures del’Afrique de l’Ouest, ont l’avantage d’être des initiatives avant tout endogènes, c’est-à-direinitiées par les réseaux sociaux bénéficiaires et proposant des paquets de prestations ancrées dansles logiques et réalités sociales de leurs communautés respectives. Mongbo (dans Hodges et al,2010) note que leur mode d’organisation, de fonctionnement et de gestion est généralement moins15 Selon Soko (2010, pp. 13-14) : « Dans les sociétés où le système de filiation patrilinéaire prévaut (Korogho, Daloa, San Pédro et Bondoukou),la règle veut que l’enfant appartienne au groupe du père. Au moment du mariage, la dot de la femme est offerte à la famille de son époux, et lesenfants qui naîtront de cette union s’inscriront dans la lignée paternelle dont ils porteront le nom. Au décès de l’époux, et afin que les enfantspuissent rester près de leur mère tout en continuant d’appartenir à la lignée paternelle, un frère du mort est désigné pour épouser la veuve.C’est la logique du lévirat. Si pour une raison ou pour une autre, la veuve retourne vivre chez ses parents, les enfants sont alors confiés à unetante paternelle qui s’en occupe […] Dans ce système, les enfants héritent de leur père, et c’est l’oncle paternel qui est chargé d’administrer leurpatrimoine jusqu’à ce qu’ils deviennent adultes. Lorsque le père se retrouve veuf, les enfants devenus orphelins de mère sont élevés par uneautre épouse du père ou par une sœur de ce dernier ». Par contre, « dans les sociétés matrilinéaires (Aboisso, Yamoussoukro), les enfants sontaffiliés à la famille de leur mère. Ils sont placés sous la responsabilité directe du frère aîné de leur mère : l’oncle maternel qui est le père socialdes enfants […] Lorsqu’un père meurt, ses héritiers sont ses neveux, ce qui a pour effet de soustraire la veuve et les enfants au droit d’hériter.Ces derniers héritent de leur oncle et ne peuvent pas s’opposer à la restitution des biens du défunt à sa famille. Ses sœurs et leurs enfants sontles bénéficiaires traditionnels de l’héritage […] Le rôle parental de l’oncle maternel, caractéristique majeure de l’organisation familiale matrilinéaire,reste à l’heure actuelle un aspect fonctionnel dans certaines sociétés et il est observable à travers les stratégies de survie des parents vivant avecle VIH. [… Cependant] dans le système matrilinéaire, surtout à Aboisso, lorsque qu’un père meurt, la famille de celui-ci peut estimer qu’elle n’aplus rien à voir avec la veuve et ses enfants, et les chasser. Dans ce cas, par exemple, la femme doit donner tous ses biens à sa belle-famille,pour en sortir libérée et pouvoir se remarier. Théoriquement, la veuve doit retourner dans sa famille et garder avec elle ses enfants. Après le décèsdu père, et davantage encore dans le cas du SIDA, les biens sont confisqués par la belle-famille, les enfants et elles sont chassés de la parcelle,accusés d’avoir ‘mangé’ l’époux père en sorcellerie. »16 Soko (2010) affirment que les zones de Daloa, de San Pédro, d’Aboisso et d’Abidjan sont les zones de prédilection des sociétés funérairesChaquemembre cotise au niveau d’au moins 500 FCFA par mois. Avec cette somme, la société funéraire garantie que si un membre de la famille duparticipant meurt dans l’année (à l’exclusion des nourrissons et des jeunes enfants), la famille reçoit 100 000 FCFA du fonds.29


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoirecontraignant que la mutualisation formelle, étant fondé sur des contrats implicites et des compromiset règles flexibles qui sont généralement admises et respectées par tous en raison de leur ancragesocioculturel et des utilités que leur procurent les prestations offertes. Soko (2010) met en relief lesmêmes atouts : l’obligation morale tacite (« chacun se sentant redevable à l’autre »), la confiancedans les relations, la sûreté et la rapidité des prestations.Toutefois, les mécanismes traditionnels d’entraide sont peu adaptés aux chocs à largeéchelle qui affectent des communautés et régions entières et requièrent des réponses bienau-delà des ressources disponibles au niveau des familles et des structures communautaireset associatives. Les communautés ayant des risques plus élevés (et souvent des ressources pluslimitées) doivent supporter une charge plus importante. Par ailleurs, la multiplicité, la gravité et ladurée des chocs en Côte d’Ivoire, surtout des chocs économiques et politiques de nature collectiveou covariante, ont exacerbé l’insécurité à laquelle font face les ménages. L’appauvrissement desfamilles les rend de moins en moins capables d’assumer leurs obligations familiales traditionnelles,par exemple pour la prise en charge des orphelins et des veuves, et la crise sociopolitique a entrainél’effondrement de quelques filets de sécurité familiaux et communautaires dans les zones les plustouchées par l’insécurité et les déplacements de populations.En outre, les migrations et déplacements, l’urbanisation et la modernisation compromettent lemaintien des traditions de solidarité. Soko (2010, p. 22) constate l’émergence d’un « processusd’individualisation au sein des familles » et affirme que la crise économique et sociopolitique etses conséquences ont fragilisé les solidarités familiales, « en favorisant des comportements plusindividualistes chez les chefs des ménages les moins pauvres. […] Outre un recentrage sur lafamille proche, un arbitrage s’oppose souvent au profit des parents plus créanciers : On aide quiaide, on aide qui a aidé ou on aide qui pourra aider. L’individu ne rompt donc pas totalement deslogiques et devoirs de la solidarité familiale, mais il les renégocie sur la base d’un donnant-donnantet d’un arbitrage en fonction des nouvelles exigences propres au couple et de sa progéniture. »Les personnes socialement exclues auront encore plus de difficultés à accéder à ces mécanismesfondés sur la réciprocité. La nature horizontale de la réciprocité se reflète, semble-t-il, dans lemanque de progressivité des transferts privés et le fait que seulement 20% des destinataires setrouvent dans la moitié la plus pauvre de la population, selon l’ENV 2008 (Banque Mondiale, 2010a).On voit ainsi clairement la nécessité de construire un système plus formel de protection sociale desménages ivoiriens dans un contexte de vulnérabilité profonde et de risques multiples.4.2 L’assurance socialeLes régimes d’assurance sociale ont un impact minime en matière de protection de lapopulation générale contre les risques sociaux. A peine 6% de la population vit dans un ménageayant au moins une personne qui bénéficie de pensions de retraite ou d’autres assurances. Laproportion de ménages ayant au moins une personne qui bénéficie de pensions de retraite oud’autres assurances est légèrement plus élevée en milieu urbain (8%) qu’en milieu rural (3%)(Banque Mondiale, 2010a). L’assurance sociale se limite essentiellement aux travailleurs du secteurformel, c’est-à-dire aux employés de l’administration publique et des grandes entreprises privéeset paraétatiques, ainsi qu’à leurs ayants droit. L’écrasante majorité de la population qui dépend del’agriculture familiale et d’autres branches du secteur informel se trouve exclue. En fait, à peine 2%des personnes de 15 ans et plus vivant dans les ménages pauvres en 2008 exerçaient dans lessecteurs formels public ou privé (MEMPD/INS, 2008a).Le système d’assurance sociale est constitué essentiellement des deux caisses de sécurité sociale etdes mutuelles professionnelles. Les caisses fournissent des pensions de retraite et quelques autresprestations sociales, et les mutuelles professionnelles s’occupent principalement de l’assurancemaladie. Les deux caisses sont la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS) pour le secteurprivé et la Caisse Générale de Retraite des Agents de l’Etat (CGRAE) pour le secteur public. Lesprincipales mutuelles sont la Mutuelle Générale des Fonctionnaires de Côte d’Ivoire (MUGEFCI),le Fonds de Prévoyance Militaire (FPM) et le Fonds de Prévoyance de la Police Nationale (FPPN).30


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireCes mécanismes de sécurité sociale ne couvrent qu’une petite minorité de la population,et de plus, la CNPS et la CGRAE sont toutes deux en situation de déséquilibre financier,ce qui nécessite des subventions coûteuses de la part du gouvernement, met en péril leur pérennitéet exige des réformes profondes pour assurer leur survie.4.2.1 La Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS)La CNPS, qui a été créée en 1968 17 et à laquelle a été conféré son statut actuel d’institutionde prévoyance sociale (IPS) en 2000 18 , gère le régime obligatoire de la prévoyance socialedes travailleurs salariés du secteur privé. Les prestations servies par la CNPS sont regroupéesen trois branches :• les pensions (assurance vieillesse, invalidité et survivants) qui vise à assurer un revenu deremplacement adéquat ;• les prestations familiales 19 , qui visent à aider les travailleurs à faire face à leurs charges defamille et à promouvoir la protection maternelle et infantile ainsi que l’éducation des enfants ;• les prestations en cas d’accidents du travail ou de maladies professionnelles.Les pensions de retraite sont financées par les cotisations des employeurs et des salariés : lessalariés paient par mois 3,2% de leur salaire et leurs employeurs 4,8%, soit 8% au total. Lesdeux autres cotisations sont exclusivement à la charge de l’employeur, à raison de 5,75%, pourles prestations familiales et d’un taux variable de 2 à 5% pour les accidents du travail et maladieprofessionnelle (en fonction du risque que présente l’activité exercée).Au 31 décembre 2010, la CNPS comptait 21 872 employeurs immatriculés et les salariés affiliésétaient au nombre de 515 156 personnes. La pension de retraite bénéficiait à 95 752 retraités àcette date. Dans l’ensemble, la CNPS a dépensé 91 milliards de FCFA pour les prestations payéesen 2010, dont 81 milliards de FCFA au titre de la retraite (Traoré, 2011). Ces données indiquentque 89% du montant des prestations dépensées a été consacré aux pensions de retraite et 11%aux non retraités, ce qui correspond à des dépenses annuelles de 19 415 FCFA par non retraité et845 935 FCFA par retraité (Tableau 4.1). Il y a lieu de noter ici qu’à la retraite (actuellement à l’âge de55 ans) l’assuré perçoit l’équivalent de 30 à 40% de son salaire.Le système de sécurité sociale géré par la CNPS est confronté à toute une série de faiblessesde fonds (Traoré, 2008 et 2011) :• son faible niveau de couverture de la population ;• le nombre limité de prestations et surtout l’absence de couverture du risque maladie, mis àpart la prise en charge des victimes d’accidents du travail ou maladies professionnelles etdes femmes en couche 20 ;• l’ignorance des droits aux prestations (de la part des assurés) et la mauvaise foi de certainsemployeurs qui ont tendance à se soustraire de la règlementation sociale ;17 Loi n° 68-595 du 20 décembre 1968.18 Décret n° 2000-487 du 12 juillet 2000.19 Celles-ci incluent des allocations pour enfants (1 500 FCFA par mois et par enfant de 1 à 13 ans), des allocations prénatales (13 5000 FCFApayés en 3 tranches pendant les 9 mois de la grossesse), des allocations de maternité (18 000 FCFA payés en 3 tranches pendant 1 anaprès l’accouchement), les allocations aux foyers (18 000 FCFA versés à la naissance de chacun des trois premiers enfants), les indemnitésjournalières de maternité (l’intégralité du salaire pendant 14 semaines) et le remboursement des frais d’accouchement et des soins médicauxliés à la grossesse.20 Pour ceux qui bénéficient de la couverture médicale en entreprise (voir la section 4.2.3), leur usufruit ne vaut que lorsqu’ils sont en activité.31


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoire• la déclaration du mariage civil comme préalable aux prestations familiales, qui fait en sorteque la vaste majorité des épouses et des enfants ne jouissent pas de ces prestations,compte tenu du taux très élevé de concubinage et de la non déclaration (ou la déclarationtardive) des mariages civils à la CNPS (seuls 3% des salariés inscrits à la CNPS en 2006avaient déclarés des mariages à la Caisse) ;• le faible montant des allocations familiales (1 500 FCFA par enfant) qui n’a pas augmentédepuis 1980 et qui représente à peine 4% du salaire minimum interprofessionnel garanti(SMIG) ;• le déficit structurel du régime de retraite de base, géré en répartition, qui pour des raisonséconomiques et démographiques n’est plus viable en termes financiers, même si le régimeparaît relativement peu généreux pour les retraités ;• le non-paiement de cotisations de la part de quelques employeurs, notamment de l’Etat(dans le cas de ses agents employés dans les établissements publics à caractère industrielet commercial, qui sont inscrits à la CNPS) et un niveau élevé d’arriérés de paiements dedettes de l’Etat.Tableau 4.1Répartition des dépenses selon les catégories d’assurés de la CNPS,2010Catégoriesd’assurésNombre d’assurés(au 31 écembre)Montant desdépenses enmilliards FCFAPoids financiersde chaquecatégorie en%Dépensesmoyennes parassuré en FCFASalariés affiliés 515 156 10 11 19 415Retraités 95 752 81 89 845 935Total 610 908 91 100Source : Traoré (2011) et calculs des auteurs.En effet, un audit actuariel du régime de retraite de base a proposé des réformes profondespour garantir la survie de la Caisse. Selon le responsable de la Cellule Etudes et Développementde la CNPS, « face au déséquilibre structurel du régime de retraite arrivé à maturité, et dansl’expectative de la mise en vigueur de la réforme de l’assurance vieillesse, la maîtrise des dépenseset l’optimisation des ressources sont le souci permanent de la CNPS pour la préservation de sesacquis » (Traoré, 2011). Pour ce faire, les mesures suivantes ont été adoptées pour viabiliser lerégime de retraite de base: l’augmentation du taux de cotisation de 8 % à 12 %, puis à 14% quatreans après, et l’augmentation de l’âge de la retraite de 55 ans à 60 ans.En complément du régime de base fonctionnant par répartition, la CNPS envisage aussi decréer un régime de retraite géré par capitalisation qui permettrait aux travailleurs de disposer àla retraite d’un revenu de remplacement représentant 70% de leur revenu moyen au terme d’unecarrière complète. Compte tenu du fait que la grande majorité de la population reste en dehorsdu champ d’application des régimes d’assurance sociale, la CNPS propose aussi de mettre enplace une couverture sociale à l’endroit des travailleurs indépendants, c’est-à-dire des personnesexerçant à titre personnel une activité artisanale, commerciale, agricole, industrielle ou libérale, ainsique certains dirigeants ou associés de société (Traoré, 2011).Outre ces mesures relatives à la retraite, il serait souhaitable d’introduire d’autres réformesen vue de mieux protéger les femmes et les enfants. Il s’agit de l’amélioration des montants desprestations familiales, ainsi que l’allègement de la condition du mariage civil comme préalable à cesprestations.32


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoire4.2.2 La Caisse Générale de Retraite des Agents de l’Etat (CGRAE)La CGRAE a été créée en 1997 21 pour prendre en charge la gestion des pensions de retraitedes agents de l’administration publique, gérés auparavant (de 1964 à 1977) par le Ministère desAffaires Economiques et du Plan. Elle est sous la double tutelle du Ministère d’Etat, Ministère d’Etat,Ministère de l’Emploi, des Affaires Sociales et de la Solidarité (tutelle technique) et du Ministère del’Economie et des Finances (tutelle financière). Comme dans le cas de la CNPS, la CGRAE gère unrégime de retraite de base qui est obligatoire et par répartition.La population cible de la CGRAE comprend les fonctionnaires de l’Etat actifs et pensionnés. Lescotisations de retraite sont constituées de 12% du salaire de l’agent versés par l’employeur et de 6%prélevés sur le salaire de l’agent, soit un niveau de cotisation de 18%. Au 31 décembre 2010, ondénombrait 123 structures affiliées au régime de retraite de la CGRAE, environ 170 000 cotisants etenviron 70 000 bénéficiaires de prestations (Niankan, 2011).Les différentes prestations offertes aux assurés de la CGRAE sont de deux types : les prestationsviagères échelonnées dans le temps et les prestations à paiement unique. Les prestations viagèresdécoulent du régime obligatoire des pensions et sont payées mensuellement aux bénéficiaires. Ondistingue la pension d’ancienneté, la pension proportionnelle, les allocations viagères et les pensionsde réversion (du conjoint survivant, des orphelins mineurs et des ascendants). A l’exception de lapension temporaire d’orphelin qui s’éteint avec la majorité de l’enfant bénéficiaire, toutes les autresprestations sont viagères. Les prestations à paiement unique sont des prestations réglées en uneseule fois. Il s’agit du capital décès (allocations accordées aux ayants cause de fonctionnairesdécédés en activité), des indemnités de départ volontaire, du remboursement des cotisations à6% versées par les employés (dans le cas où les agents cessent leurs fonctions avant d’obtenirune pension) et des invalidités temporaires. Le régime du CGRAE inclut aussi des prestations auxfamilles sous forme d’allocations familiales (fixées au niveau très faible de 2 500 FCFA par enfant etpar mois) et de majorations familiales.A l’instar de la CNPS, la CGRAE est devenue structurellement déficitaire en raison denombreux facteurs, parmi lesquels : les tendances démographiques (notamment la croissancerapide du nombre de retraités et l’augmentation de l’espérance de vie) ; l’augmentation du montantde la rente moyenne ; les prestations non contributives ; les arriérés de paiements de cotisations parcertaines entreprises et institutions publiques ; le gel des effets financiers des avancements dans lafonction publique (en vigueur depuis les années 80), qui gèle aussi automatiquement le niveau decotisation ; et le paramétrage incohérent du régime. Selon l’étude actuarielle de la CGRAE, le ratiode dépendance démographique (prise en charge d’un pensionnaire par 2,44 actifs) est largementinférieur à la norme de 4 à 5 actifs par bénéficiaire pour assurer l’équilibre du régime, et le délaide récupération des cotisations versées au régime de retraite ressort à seulement 3,8 années,comparé à l’espérance de vie au départ en retraite, qui est de 16 ans pour les hommes et 19 anspour les femmes (cité par Gueu Yra, 2008). Au cours de l’exercice 2010, les différentes prestationsexécutées se chiffraient à 121,5 milliards de FCFA mais le niveau de cotisations n’était que de 75milliards de FCFA (Niankan, 2011). Il se dégage de ces données un déficit d’environ 46,5 milliardsde FCFA. Selon la même source, en l’absence de réforme, ce déficit atteindra le niveau de 266milliards de FCFA, soit 1% du produit intérieur brut (PIB), en 2050.La CGRAE propose donc une réforme en profondeur du régime par répartition. Cette réforme,qui n’est pas encore validée par l’Etat, consisterait à corriger les paramètres suivants du régimede retraite de base : augmentation de l’âge de la retraite ; augmentation du taux des cotisations ;réduction des pensions de réversion ; révision du salaire de référence pour le calcul des pensions ;changement du mode de revalorisation des pensions ; suppression des majorations pour famillenombreuse ; et réduction du montant des prestations ou rentes à servir. La CGRAE propose aussides réformes institutionnelles en vue de se doter d’un statut d’institution de prévoyance sociale,jouissant d’une réelle autonomie administrative et financière.21 Ordonnance n° 77-206 du 5 avril 1977.33


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireMalgré la cohérence des raisons économiques et financières justifiant ces mesures deredressement, elles impliquent une détérioration du niveau de vie de la majorité des retraités.C’est pour faire face à cette réalité que la CGRAE envisage aussi de mettre en place un régimede retraite complémentaire par capitalisation, pour compenser la baisse des prestations ou rentesoccasionnée par une réforme paramétrique du régime par répartition (Niankan, 2011). Toutefois, leplan de réforme inclut aussi certaines mesures qui prennent le contre pied de la vision humaniste dela protection sociale et devraient être l’objet d’une réflexion plus approfondie. Il s’agit notamment dela réduction des pensions de réversion, de la réduction du taux d’annuité et de la suppression desmajorations pour famille nombreuse.Certaines autres dispositions règlementaires existantes ont besoin de modification pourmieux protéger les droits des femmes et des enfants, notamment en ce qui concerne la levéede la condition de mariage civil pour permettre un plus large accès aux allocations familiales et auxpensions de réversion aux veuves et aux orphelins (Gueu Yra, 2008).4.2.3 Les « mutuelles » professionnellesLes mutuelles professionnelles sont relativement nombreuses en Côte d’Ivoire, mais ellesne couvrent également qu’une infime minorité de la population exerçant dans le secteurformel, principalement le secteur public, où elles sont responsables de l’assurance maladie. Lesplus anciennes, actives et connues sont : la Mutuelle Générale des Fonctionnaires de Côte d’Ivoire(MUGEFCI), le Fonds de Prévoyance Militaire (FPM) et le Fonds de Prévoyance de la Police Nationale(FPPN). Ces structures ont en commun la couverture des risques sanitaires et sociaux des membreset de leurs ayants droits. Ce ne sont pas de vraies « mutuelles », l’adhésion étant obligatoire pourles employés dans les institutions concernées. Avant la création de la MUGEFCI, les fonctionnairesdes administrations et établissements publics administratifs de l’Etat en activité ou à la retraite ainsique les membres de leurs familles (épouses et enfants à charge) avaient droit à la gratuité desconsultations, des soins médicaux et dentaires, et des médicaments dans les formations sanitairespubliques. 22 Lorsque cette gratuité des soins de santé accordée aux fonctionnaires et agents del’Etat a été supprimée, la Mutuelle Générale des Fonctionnaires et Agents de l’Etat (MGFAE) a étémise en place pour compenser la perte de cet avantage. Créée par le Président de la Républiqueen 1973, la Mutuelle était gérée par une Direction du Ministère de la Fonction Publique. 23 Mais 16ans plus tard, en 1989, l’Etat se désengage de la MGFAE et confie sa gestion aux organisationssyndicales des fonctionnaires. Ainsi est né la MUGEFCI comme institution de droit privé.La MUGEFCI se distingue des deux autres mutuelles professionnelles par le fait qu’elle aplus d’adhérents, offre une gamme variée de prestations et est la plus ancienne. Elle gère troisrégimes, tous selon le système de tiers payant : un régime de base (avec environ 240 000 cotisantset 600 000 bénéficiaires) et deux régimes complémentaires, Ivoir’Santé et Ivoir’Prévoyance, qui,en raison de leurs niveaux de cotisation relativement élevés, ont peu d’adhérents. A son assembléegénérale d’août 2011, la MUGEFCI a présenté un bilan financier excédentaire. Les difficultés de laMUGEFCI sont essentiellement liées à la fraude. En effet, de nombreux cas de fraudes sont constatésau niveau de l’utilisation des cartes de la mutuelle : certains assurés font bénéficier frauduleusementleurs proches non assurés des prestations offertes par la MUGEFCI (Gueu Yra, 2008).Le FPM a été créé pour toutes les catégories d’agents des Forces Armées Nationales ayantle statut de militaire. L’adhésion à ce fonds est obligatoire, par conséquent systématique pourtout militaire. Malgré l’existence de l’Hôpital Militaire d’Abidjan, ce fonds offre des prises en chargepour la couverture gratuite des frais de soins médicaux dans les autres hôpitaux publics et dans lesecteur privé. Le fonds prend en charge la totalité du coût des soins des militaires (hospitalisation,médicament, examens) et de leurs épouses et enfants.22 Article 32 du Décret n° 65-195 du 12 juin 1965 portant règlementation sur la rémunération et les avantages matériels divers alloués auxfonctionnaires.23 Sur rapport conjoint des Ministres de la Fonction Publique, de la Santé Publique et de la Population, de l’Economie et des Finances, et du Travailet des Affaires Sociales, le Président Félix Houphouët-Boigny prit le Décret n° 73-176 du 27 avril 1973, portant création de la Mutuelle Généraledes Fonctionnaires et Agents de l’Etat (MGFAE).34


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireA l’image du FPM, le FPPN a été créé pour fournir des prestations de couverture sanitaire et de prévoyancesociale aux agents de la Police Nationale, pour lesquels l’adhésion est obligatoire et donc systématiquepour tout policier. Le FPPN dispose d’un hôpital offrant des prestations sanitaires gratuitement à tous lespoliciers (hospitalisation, médicament, examens), à leurs épouses (à condition qu’elles soient légalementmariées) et à leurs enfants. Cependant, les soins ambulatoires restent à la charge du policier.Tableau 4.2Les mutuelles professionnellesMUGEFCI FPM FPPNAnnée de création 1973 1985 1994Cotisants 1 240 000 10 000 12 000Bénéficiaires 600 000 n.d. 96 000Taux decotisation3% du salaire de base (pour lerégime de base) ; 15 000 FCFApour Ivoir’SantéPrestationsRégime de base : Remboursementdes frais de produitspharmaceutiques,soins et prothèses dentaires,verres correcteurs.Ivoir’Santé : soins médicauxambulatoires et hospitalisationIvoir’Prévoyance : capital décès,capital invalidité et frais funéra iresPrise en charge des fraisde soins médicaux(hospitalisation,médicaments, examens),remboursement du capitalépargn éPrise en charge desfrais de soins médicaux(hospitalisation,médicaments,examens),remboursement ducapital épargnéNiveau decouverturesanitaire70% pour les produitspharmaceutiques ; 80% auprivé et 100% au public pourles soins médicaux100% 100%Source : Gueu Yra, 2008 ; Bamba et al, 2004.Dans le secteur privé formel, la couverture médicale des employés est prise en chargepar les employeurs selon le système de « médecine d’entreprise ». Le Code du travail 24 faitobligation à tout employeur ayant plus de 100 salariés de disposer d’un service médical.Une étude en 2004 a dénombré 82 entreprises possédant un service médical avec un médecinà plein temps et a constaté que de nombreux employeurs ne respectaient pas les prescriptionslégales en la matière (Bamba et al, 2004). Une enquête menée auprès des entreprises dansle cadre de l’exercice 2007-2008 des comptes nationaux de santé (MSHP, 2010) a constaté que52% des 298 entreprises enquêtées avaient leurs propres centres de santé.4.3 Les transferts sociauxLes programmes de transferts sociaux restent extrêmement limités à l’exception de l’aidehumanitaire. Mis à part les programmes d’urgence, les programmes de plus long terme visent àsoutenir l’accès à l’éducation (cantines scolaires, kits scolaires, bourses, etc.), à assister les personneshandicapées et les indigents, à prendre en charge les chômeurs (prestations de chômage ettravaux à HIMO) et à appuyer les agriculteurs (distribution d’intrants par l’Office Nationale deDéveloppement du Riz). Cette section se focalise sur les divers transferts sociaux qui existentactuellement en Côte d’Ivoire, à l’exception des transferts liés au travail (les programmes HIMO),qui sont discutées dans la section 4.4, et des transferts spécifiques aux secteurs de l’éducationet de la santé, qui sont discutés dans les sections 4.6 et 4.7 respectivement.24 Loi n o 95-15 du 12 janvier 1995.35


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireDe plus, des transferts implicites ou indirects existent sous forme de subventions ouexonérations fiscales pour certains biens et services comme l’eau, l’électricité et les produitspétroliers (voir l’encadre 4.2 ci-dessous).Encadré 4.2 Les subventions croisées dans le secteur de l’eau potable :protègent-elles les plus pauvres en pratique ?Les subventions à la consommation ou les exonérations fiscales pour alléger les prix sont une forme indirectede transfert qui bénéficie aux consommateurs des biens et services concernés. En Côte d’Ivoire, il existedes exonérations fiscales sur l’essence et le gasoil, introduits à la suite d’émeutes à Abidjan, qui ne sont pasdu tout progressives, malgré leur objectif déclaré de protéger le niveau de vie des populations, puisque cesproduits sont consommés principalement par les ménages les plus aisés.Par contre, la tarification de l’eau potable est censée spécifiquement protéger les ménages les plus pauvrespar le biais d’un système de subventionnement croisé appliqué à ceux qui sont connectés au réseau de laSociété de Distribution d’Eau de la Côte d’Ivoire (SODECI). Cependant, même dans ce cas, ce système desubventionnement croisé a peu d’impact sur les ménages les plus pauvres, qui dans leur écrasante majoriténe sont pas connectés au réseau.Pour ceux qui sont branchés au réseau de la SODECI, la tarification est progressive selon le volume deconsommation (ONEP, 2010). La tranche dite « sociale », qui consomme jusqu’à 18 m 3 par mois, ne paieque 235 FCFA par m3, comparé a une moyenne de 425 FCFA pour l’ensemble des quatre tranches. L’étatsubventionne aussi le branchement initial aux ménages qui ont moins de 4 robinets, à un prix de 19 000FCFA au lieu du prix normal de 169 000 FCFA. Environ 10 000 ménages sont branchés au réseau chaqueannée à ce prix subventionné.D’ailleurs, les zones urbaines subventionnent les zones rurales à travers les taxes prélevées en faveur duFonds National de l’Eau (environ 10 % du prix de vente TTC), utilisé pour rembourser les prêts concessionnelsaccordés par les bailleurs de fonds pour les investissements dans l’approvisionnement de l’eau potable enmilieu rural. En milieu urbain, les résidents d’Abidjan subventionnent implicitement les consommateurs d’eaudans les autres villes, puisque les coûts de production sont plus faibles à Abidjan et la tarification est égaledans toutes les villes.Néanmoins, la plupart des ménages pauvres en milieu urbain paient plus que les ménages aisés, pour lasimple raison qu’ils ne sont pas branchés au réseau de la SODECI. Selon le MICS de 2006, bien que dansl’ensemble 38,6 % de la population ait accès à l’eau de robinet, cette proportion est à peine 3,2 % dans lepremier quintile de bien-être économique et 8,3 % dans le second quintile (MEMPD/INS et <strong>UNICEF</strong>, 2007).En milieu urbain, les pauvres obtiennent l’eau des bornes fontaines, des vendeurs privés et des propriétairesde leurs logements à des prix beaucoup plus élevés. Le tarif appliqué aux bornes fontaines est de 500 FCFApar m3, dont 250 FCFA sont pour la rémunération du gestionnaire, soit un tarif deux fois plus élevé quecelui appliqué aux ménages de la première tranche de consommation branché au réseau. Le prix de ventepratiqué par les vendeurs privés (25 FCFA par cuvette de 30 litres) est trois fois et demie plus élevé.Il est à noter que la Côte d’Ivoire n’a pas encore établi de larges programmes de transfertssociaux en espèces tels que les pensions de vieillesse non contributives, les allocations familiales(hors des régimes de sécurité sociale du secteur formel) ou les transferts ciblés aux ménagespauvres ou ultra-pauvres (voir Chapitre 2). Quelques projets pilotes de transferts sociaux en espècesont été récemment lancés et, bien que très ponctuels, ces projets pourraient amener desenseignements intéressants quant à l’opportunité et la faisabilité de la mise en place d’unprogramme large de transferts en espèces comme instrument de lutte contre la pauvreté à longterme (Encadré 4.3).36


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireEncadré 4.3Les projets pilotes de transferts en espècesLa Côte d’Ivoire n’a pas encore établi de larges programmes de transferts en espèces visant à renforcerla capacité des pauvres et à leur permettre de sortir de leur situation de vulnérabilité de manière durable.Ces types de programmes, très répandus en Amérique Latine et de plus en plus mis en place en Afrique,notamment dans le Ghana voisin, requièrent des transferts réguliers et prévisibles sur le moyen ou long termeafin de permettre aux bénéficiaires non seulement d’augmenter leur consommation courante mais aussid’épargner, d’acheter des intrants agricoles ou de lancer des AGR, d’augmenter leur productivité et d’investirdans leurs enfants (améliorations nutritionnelles, accès aux services sanitaires et meilleure fréquentation etperformance scolaire).En Côte d’Ivoire, plusieurs ONG ont lancé à titre expérimental de petits projets de transferts en espèces aulieu des transferts en nature plus habituels dans le contexte humanitaire. Cependant, ce sont des projets detrès courte durée et très localisés, plutôt que des programmes qui peuvent réellement transformer à termela situation des bénéficiaires. Ce sont en effet des projets humanitaires conçus dans un contexte d’urgence.Suite à une étude de faisabilité en mai 2011, le PAM a lancé un projet pilote de transferts en espèces dansdeux quartiers d’Abidjan parmi les plus affectés par la crise postélectorale, Abobo et Yopougon. Justifié parla situation précaire des populations de ces quartiers, ainsi que par le bon fonctionnement des marchés,qui rend la modalité de transfert en espèces faisable et plus flexible pour les bénéficiaires que les rationsalimentaires, ce projet est aussi de nature ponctuelle. Le projet a fourni des transferts (de 33 000 FCFApar ménage et par mois) à 10 444 ménages soit 52 220 bénéficiaires pendant deux mois, à la suite d’unprocessus de ciblage à la fois géographique (au niveau commune puis au niveau quartier) et catégoriel,donnant la priorité aux ménages dirigés par des femmes sans autres membres actifs et avec des enfants demoins de 5 ans, ainsi qu’aux ménages dépendants de la solidarité communautaire, identifiés sur base d’uneenquête de ménage (PAM, 2011a, 2011b). Selon le Questionnaire de suivi post distribution (PDM) réaliséauprès des bénéficiaires, 64 pour cent de la somme perçue par les ménages a été utilisée dans l’achat denourriture. Selon la même source, cette assistance financière a amélioré la situation alimentaire des ménagesbénéficiaires. En effet, la part des dépenses alimentaires dans le revenu des ménages a connu une baissesignificative, passant de 41 à 35 pour cent.Une intervention ponctuelle de ce type ne peut que donner des résultats mitigés et à un coût très élevé,étant donné l’importance des investissements requis pour le mettre sur pied (étude préliminaire, recherchede partenaires opérationnels, enquête auprès des ménages, sélection et enregistrement des bénéficiaires,création de systèmes de gestion, paiements via la téléphonie mobile, suivi et évaluation). Le projet se justifieprincipalement par l’opportunité d’apprentissage en matière de transferts en espèces, notamment en ce quiconcerne les mécanismes et critères de ciblage et l’expérience de la modalité de paiement des transferts enpartenariat avec la compagnie de téléphonie mobile MTN. Les leçons tirées de cette expérience pourraientcontribuer à la réflexion en Côte d’Ivoire sur l’opportunité et la faisabilité de mettre en place un programmelarge de transferts en espèces comme instrument de lutte contre la pauvreté à long terme.4.3.1 L’aide humanitaireLes programmes humanitaires, financés essentiellement par l’aide extérieure, ont été de largeéchelle en 2011 compte tenu de la gravité de la situation humanitaire déclenchée par la crisepostélectorale. Le Programme Alimentaire Mondial (PAM) a augmenté la distribution alimentairegénérale dans l’ouest et le nord du pays, ainsi que dans quelques quartiers d’Abidjan, pourrépondre aux besoins alimentaires des centaines de milliers de personnes déplacées du fait de lacrise postélectorale. Cette aide a bénéficié à plus de 250 000 personnes (272 000 en août 2011).Chaque ménage de cette population devait recevoir des rations complètes (riz, haricots, CSB,huile et sel) pour 5 personnes. Cependant, la mise en œuvre a été perturbée par des rupturesde stocks dans la chaine d’approvisionnement du PAM, de sorte que le PAM se trouve parfoisobligé de réduire les rations d’une partie des bénéficiaires. Ce programme devrait en principeprendre fin lorsque les déplacés auront réussi à se rétablir dans leurs zones d’origine et àrelancer leurs activités productives. Bien que ce processus soit déjà en cours, il ne sera pasentièrement achevé avant au moins quelques mois encore compte tenu des pertes de biens subiespar les déplacés, y compris en intrants et équipements agricoles, et du climat d’insécurité quiprévaut toujours dans certaines zones, notamment dans l’Ouest.37


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoire4.3.2 Transferts alimentaires dans le cadre de programmes nutritionnelsDes transferts alimentaires ciblés à des groupes vulnérables sont effectués dans le cadrede programmes nutritionnels. Comme dans le cas de l’aide alimentaire générale, la plupart desprogrammes nutritionnels sont limités dans l’espace (ciblage géographique sur les zones dedéplacement ou de forts taux de malnutrition) et limités dans le temps. Ces programmes sontégalement dépendants du niveau de ressources mobilisées par les pays donateurs. Les principauxprogrammes de ce type visent à prévenir ou à répondre à la malnutrition chez les groupesparticulièrement vulnérables comme les enfants de moins de cinq ans, les femmes enceintes ouallaitantes, les personnes âgées et les patients atteints du VIH/SIDA.• Cantines pour groupes déplacés à risques (enfants, femmes et personnes âgées).Dans le cadre de l’action humanitaire, le PAM et l’ONG française Action Contre la Faim (ACF)organisent, depuis avril 2011, à titre préventif, des cantines dans les sites de déplacementdans l’ouest accessibles aux femmes enceintes et allaitantes, aux enfants de 0 à 59 moiset aux personnes âgées. Un repas chaud (CSB+, huile) a été fourni une fois par jour à environ17 000 personnes par mois. L’activité était prévue jusqu’au 24 septembre 2011, mais a étérenouvelée. Selon l’enquête SMART réalisée mi-2011, le taux de malnutrition aiguë globaledans la zone d’intervention est de 4%, alors que ce taux atteint 7% dans certaines autreszones. Le PAM est ainsi en discussion avec les autorités pour éventuellement rediriger leprogramme vers les zones où les taux de malnutrition sont les plus élevés.• Prise en charge des enfants malnutris. Un protocole national existe pour la prise encharge de la malnutrition infanto-juvénile. Alors que l’<strong>UNICEF</strong> et ses partenaires assurentla prise en charge de la malnutrition aiguë sévère, le PAM et ses partenaires (plus de60 ONG) assurent la prise en charge de la malnutrition aiguë modérée, dont le nombred’enfants atteints est estimé à 159 000. Toutefois les activités ne couvrent pas encorel’ensemble du pays, faute de centres nutritionnels. La mise en place ou le renforcement deces centres, rattachés aux centres de santé, nécessite des formations, de l’équipement etdes intrants. L’OMS et l’<strong>UNICEF</strong> ont proposé d’appuyer un plan de formation (dans le cadredu Cluster humanitaire sur la nutrition). Actuellement le PAM et ses partenaires fournissentdu Plumpy’Sup à un total de 8 000 à 9 000 enfants de 6 à 59 mois en malnutrition aiguëmodérée dans quelques sites dans le nord et l’ouest. Ce programme est en place depuisavril 2011 et a été assuré jusqu’en décembre 2011.• Transferts alimentaires aux personnes accompagnant les enfants hospitalisés enmalnutrition aiguë sévère. Le PAM fournit une ration d’appui à ces personnes pour réduire lerisque de départ précoce des enfants sous traitement.• Transferts alimentaires aux femmes enceintes malnutries. Les femmes bénéficiairessont identifiées au niveau des centres de santé sur base du périmètre brachial (selonle protocole national). Le PAM et ses partenaires leur fournissent une ration individuellede CSB+ et d’huile chaque semaine ou quinzaine jusqu’à l’accouchement. Plus de 10 000femmes bénéficient de cette assistance (dans les mêmes centres nutritionnels que pourle traitement de la malnutrition aiguë modérée).• Transferts alimentaires aux patients sous ARV malnutris. Le PAM et ses partenairesfournissent une ration individuelle (CSB+, huile) aux patients atteints du VIH/SIDA soustraitement antirétroviral (ARV) malnutris pendant 3 ou 6 mois afin d’assurer la réussitedu traitement.4.3.3 Les secours aux indigentsLes secours aux personnes démunies existent depuis des années mais sont devenusquasi inexistants. L’aide aux personnes démunies, qui est régie par le décret n° 67-524 du28 novembre 1967 portant réglementation de l’octroi des secours, est de très petite envergure,voire presque dérisoire par rapport à l’ampleur de la pauvreté dans le pays. Il s’agit de l’octroi de38


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoirequelques aides ponctuelles chaque année par le ministère chargé des Affaires Sociales à unepoignée de bénéficiaires (au maximum quelques centaines par an) selon des procédures fortementcentralisées, lourdes et sans critères d’éligibilité clairs. Une commission nationale se réunit une foispar an à l’initiative de la Direction de la Protection Sociale (DPS) afin de sélectionner les bénéficiairesparmi les demandes reçues des centres sociaux via les directions régionales. La sélection se faitsur base des informations d’une enquête sociale menée par le Centre Social du lieu de résidencedu demandeur. Les demandes appuyées ont souvent trait à la promotion économique notammentpour les femmes, et parfois à des aides médicales. Pour l’année 2011, à la date du 19 août, la DPSn’avait reçu que 101 demandes d’aide (78 pour des activités génératrices de revenus et 23 pourdes aides médicales) pour un montant total de 81 millions de FCFA (MEMEASS, 2011a). 25 Lors desvisites aux centres sociaux, l’équipe de recherche a eu l’impression que les secours aux indigentsétaient vus par les assistants sociaux sur le terrain comme un mécanisme d’aide qui avec le tempsest devenu quasi inexistant, faute de moyens.4.3.4 Les allocations chômageLe traitement social du chômage bénéficie à une petite minorité des chômeurs. L’Agenced’Etudes et de Promotion de l’Emploi (AGEPE), établissement public sous la tutelle technique duMinistère chargé de l’Emploi, gère un programme d’indemnisation du chômage, qui bénéficieà quelques licenciés des entreprises privées. Seule une petite minorité de chômeurs inscrits àl’AGEPE sont concernés. Selon les données disponibles pour l’année 2007, l’AGEPE a examiné1825 dossiers, dont 1547 ont été agréés. Au cours de cette même année, le nombre de paiementsd’allocations chômage effectués (150 000 FCFA par trimestre) a oscillé entre 471 et 1454 (GueuYra, 2008). Compte tenu de l’ampleur du chômage en Côte d’Ivoire (17,5% au niveau national,35,7% en milieu urbain et 50% à Abidjan selon les données de l’ENV 2008), on est très loin d’unecouverture significative des millions d’ivoiriens en quête de travail. Un nouveau programme d’appuiau traitement économique du chômage (PATEC) a été adopté en 2010.4.3.5 Les transferts aux OEVQuelques transferts bénéficient aux OEV du fait du VIH/SIDA. En plus des services, quelquestransferts sont effectués dans le cadre du programme national de prise en charge des orphelinset autres enfants rendus vulnérables du fait du VIH/SIDA (PN-OEV), appuyé par le PEPFAR, laBanque Mondiale, le Fonds Mondial et d’autres partenaires techniques et financiers. Les modalitésde prise en charge des OEV du fait du VIH/SIDA sont établies dans les documents du PN-OEV,développés avec l’appui du PEPFAR. Le concept d’OEV désigne généralement les orphelins etautres enfants qui sont plus exposés aux risques que leurs pairs. Mais en Côte d’Ivoire le conceptd’OEV a été interprété de manière plus étroite (« du fait du VIH/SIDA »). 26 Cette approche exclutdonc de fait d’autres groupes d’OEV tels que les enfants de la rue, les enfants victimes de la traite,les enfants affectés par les conflits armés ou les enfants qui tout simplement vivent dans desménages très pauvres. On estime à 430 000 le nombre d’OEV du fait du VIH/SIDA. Le planstratégique national de prise en charge des OEV 2007-2010 prévoyait la prise en charge de162 000 d’entre eux (MFFAS, 2007a).Un paquet minimum a été défini, comprenant sept grands domaines : soutien psychosocial ; soutienà l’éducation et à la mise en apprentissage ; soutien pour l’abri et les soins ; soutien à la protection ;soutien pour la sécurité alimentaire et la nutrition ; soutien pour le renforcement économique ; etsoutien aux soins de santé. Il inclut ainsi des services, des transferts et des microcrédits. Cependant,il semble que les transferts ne constituent qu’une petite composante de cette panoplie d’appuis.25 Selon les informations reçues de la DPS, la subvention maximale est de 200 000 FCFA par demande. Le décret n° 67-524 stipule que lemontant des secours immédiats, éventuels ou temporaires ne peut en aucun cas dépasser 100 000 FCFA pour un même bénéficiaire aucours d’une même année. Les secours de maladie sont cumulables avec les secours éventuels ou temporaires, et, sauf exception, ne peuventdépasser un montant de 90 000 FCFA par trimestre.26 L’assistance est ainsi restreinte aux enfants ayant perdu au moins un parent du fait du VIH/SIDA (orphelins du fait du VIH/SIDA), les enfantsinfectés par le VIH, les enfants dont au moins un parent vit avec le VIH/SIDA, les enfants vivant dans un ménage affecté économiquement parle VIH/SIDA (où vit déjà une personne infectée), les enfants vivant dans un ménage qui accueille un orphelin ou enfant affecté du fait du SIDA etles enfants vivant dans une situation qui les rend vulnérables au VIH (MFFAS, 2009b)39


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoirePar exemple, il n’y a eu que 27 bénéficiaires de bourses d’études secondaires ou supérieures en2009-10, selon les informations reçues du Ministère d’Etat, Ministère d’Etat, Ministère de l’Emploi,des Affaires Sociales et de la Solidarité. En 2009, environ 500 femmes bénéficiaient de microcréditspour le financement d’activités génératrices de revenu (AGR) dans le cadre du Fonds National« Femmes et Développement », qui fait partie du volet économique du PN-OEV (MFFAS, 2008a).4.4 Les programmes à haute intensité de main d’œuvre (HIMO)et la promotion de l’emploiLes programmes de travaux publics à haute intensité de main d’œuvre (HIMO) sont un desprincipaux instruments à la disposition des autorités publiques pour faire face aux taux élevésde chômage et ainsi accroître les revenus des plus pauvres. La Côte d’Ivoire a déjà une expérienceen la matière, bien que les programmes existants restent à petite échelle par rapport à l’ampleurdu chômage. Deux institutions nationales sont actuellement impliquées dans des programmes dece type, en partenariat avec les collectivités locales. Il s’agit de l’AGEPE, au Ministère d’Etat, Ministèrede l’Emploi, des Affaires Sociales et de la Solidarité, et de l’Agence de Gestion Routière (AGEROUTE).4.4.1 Le programme HIMO de l’AGEPEL’AGEPE a mis en œuvre des projets à caractère HIMO à petite échelle depuis 2006. Sesprojets ont été financés par le Fonds de Soutien à l’Emploi par les Travaux d’Utilité Publique àHaute Intensité de Main d’œuvre (FSE-THIMO), crée en 1994 27 . Le Fonds s’adresse aux collectivitéslocales (communes, départements et districts) pour occuper les jeunes désœuvrés et les femmesdémunies à la réalisation des travaux d’utilité publique, essentiellement des travaux de salubritépublique et des travaux de construction, réhabilitation et entretien d’infrastructures publiques(MFPE et MEMEF, n.d.). Le Fonds est doté d’une cellule technique logé au sein du Ministèred’Etat, Ministère de l’Emploi, des Affaires Sociales et de la Solidarité, qui reçoit les demandes definancement (provenant des collectivités locales), instruit les demandes conformément au manueld’exécution, transmet les dossiers après instruction à la Banque Nationale d’Investissement (BNI),qui gère le compte du Fonds et coordonne et supervise les interventions sur le terrain.Les travailleurs sont recrutés dans le cadre de « groupements » sur la base de conventions annuellespassées avec des superviseurs proposés par les communes pour les travaux de salubrité. Dans lecas des travaux d’infrastructure, ils sont recrutés par des entreprises conventionnées, qui reçoiventdes transferts du Fonds pour le paiement des salaires. Les travailleurs sont payés au niveau du SMIG,qui est de 36 607 FCFA pour 40 heures de travail hebdomadaire (niveau 2011) et les groupementssont encouragés à ouvrir des comptes d’épargne dans les banques ou institutionsde microfinanceafin de constituer un petit capital pour le lancement d’activités génératrices de revenus.Le Fonds n’est devenu opérationnel qu’en 2006, suite à l’octroi de sa première (et jusqu’à présentsa seule) allocation budgétaire de 4,95 milliards de FCFA par l’Etat. Compte tenu de ses ressourcestrès limitées, le Fonds a établi un plafond de 20 à 30 bénéficiaires par commune, selon la taillede sa population, ce qui montre l’échelle très réduite de ce programme. En fait, entre 2006 et 2009,le Fonds n’a embauché que 2 564 travailleurs dans 93 communes. En plus de la création de cesemplois temporaires, le projet a eu un impact environnemental positif en matière de salubrité dansles communes bénéficiaires. Depuis 2009, les activités du Fonds sont suspendues, en raison desperturbations au niveau des mairies pendant la crise politique de 2010-2011, ainsi que del’épuisement des ressources octroyées en 2006 : à peine 600 millions de FCFA restent dans lecompte du Fonds à la BNI.27 Décret n o 94-217 du 20 avril 1994.40


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoire4.4.2 Les projets HIMO de l’AGEROUTEL’Agence de Gestion des Routes (AGEROUTE) a également acquis de l’expérience dansla gestion de projets HIMO. Société d’Etat sous la tutelle du Ministère chargé des infrastructurespubliques, l’AGEROUTE a obtenu sa première expérience de l’approche HIMO en 2002-04dans le cadre du programme d’ajustement sectoriel des transports (CI-PAST), financé parla Banque Mondiale. Une composante de « transport rural » du CI-PAST a mis sur pied un projetpilote qui envisageait de réhabiliter 400 km de routes rurales à partir des approches à HIMOdans les départements de Soubré, Ferké, Dabakala et Abengourou, tout en renforçant les capacitésde petites et moyennes entreprises (PME) du secteur à la maîtrise des techniques HIMO et enorganisant des comités villageois d’entretien routier (CVER) dans le but d’impliquer les populationsdans le choix des routes à réhabiliter et dans l’entretien après les travaux. Le projet était vucomme particulièrement prometteur vu les besoins énormes de réhabilitation de routes ruraleset le nombre énorme de jeunes désœuvrés. La mise en œuvre du projet a été fortementhandicapée par les évènements politiques de septembre 2002 et la division du pays en deux,qui a fait de sorte que le projet n’a pu être exécuté que dans les départements de Soubré etAbengourou. Les travaux se sont finalement poursuivis sur seulement 70 km, employant environ250 jeunes pendant sept mois (AGEROUTE, 2005).L’AGEROUTE a mené un deuxième projet pilote de type HIMO en 2007-08 dans le butd’expérimenter un cadre de réinsertion économique des ex-combattants et jeunes à risques.Ces jeunes ont été organisés en brigades d’entretien et de réhabilitation de 206 km de routesbitumées dans les départements de Bouaké, Korhogo, Daloa, Guiglo et Aboisso.Ces expériences ont conduit la Banque Mondiale à inclure un volet HIMO dans son Projetd’Assistance Post-Conflit (PAPC), approuvé à la suite des accords de Ouagadougou en mars2007. L’objectif de ce projet de 120 millions de dollars est de renforcer la réinsertion économiqueet l’accès aux services sociaux des populations affectées par le conflit déclenché en 2002,d’appuyer le redressement économique du pays et de construire une paix durable. La composantede réinsertion économique, qui cible des jeunes ex-combattants et d’autres « jeunes à risques »,comprend des projets HIMO de réhabilitation de routes rurales et d’entretien de routes bituméeset de travaux de salubrité, gérés par l’AGEROUTE et des collectivités locales, ainsi que des« plateformes » d’appui à l’emploi (formation, conseil, services techniques, etc.), notamment pourle lancement d’AGR et de micro-entreprises. Le projet avait prévu d’embaucher 9 000 jeunesdans les projets HIMO et de créer 1,2 millions de jours de travail (Banque Mondiale, 2007).Jusqu’en décembre 2010, 16 741 jeunes avaient déjà bénéficié des activités de réinsertionéconomique et plus de 2 300 km de routes nationales, urbaines et rurales avaient été réhabilitées.Le volet HIMO a été élargi et il a été décidé mi-2011 d’embaucher 5 000 jeunes pour des travaux devoirie dans la ville d’Abidjan et le district voisin d’Anyama.4.4.3 Forces et faiblesses de l’expérience HIMOL’approche HIMO s’est avérée efficiente et a contribué à améliorer le niveau de vie desbénéficiaires. En termes économiques, les projets ont été efficients pour les types de travauxconcernés (la réhabilitation et l’entretien de routes et les travaux de salubrité), qui n’ont pas besoinde travaux mécanisés. Dans le projet pilote de l’AGEROUTE en 2002-04, le coût moyen deréhabilitation d’un kilomètre de route rurale a été estimé à 8 millions de FCFA en comparaison àenviron 10 millions de FCFA pour des travaux mécanisés (AGEROUTE, 2005). En termes d’impactsocial, les projets ont accru les revenus de jeunes désœuvrés, qui ont été embauchés pendantune période assez longue (environ 6 mois dans les projets d’AGEROUTE et 1 an dans le casde l’AGEPE) et payés au niveau du SMIG, qui est bien plus élevé que le salaire du marché pourla main d’œuvre non qualifiée. Quelques participants dans ces projets ont aussi pu épargnerune partie de leurs revenus et créer des AGR à la suite des projets (AGEROUTE, 2008). En outre,les travaux de salubrité ont eu des effets environnementaux positifs.41


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireNéanmoins, ces projets démontrent quelques faiblesses :• Le nombre de bénéficiaires est très réduit par rapport à l’ampleur du problème duchômage, qui est de nature structurelle. Les projets HIMO n’ont pas encore été misà l’échelle, bien que les besoins de travaux adaptés à l’approche HIMO soient immenses(des dizaines de milliers de routes à réhabiliter et entretenir, d’énormes défis d’assainissementurbain, des besoins de reboisement et d’autres travaux de protection environnemental,surtout dans le Nord). Les programmes HIMO n’ont pas encore été utilisés pouraccroître les revenus des populations rurales pauvres pendant la période de soudureet d’insécurité alimentaire dans les zones de savane aride, à l’instar des programmes HIMOdans des pays comme l’Ethiopie et Madagascar. De plus, la participation des femmesa été relativement faible (25% dans les projets AGEROUTE et 38% dans le cas duFSE-THIMO) par rapport aux autres pays.• La part des salaires (transferts) dans les coûts totaux est faible. Dans le cas du projetpilote de l’AGEROUTE en 2007-08, ce ratio était de 23% (AGEROUTE, 2008), ce qui esttrès faible par rapport à la moyenne en Afrique subsaharienne, estimée à 46% (McCordet Slater, 2009), et à 78% dans le cas du PSNP en Ethiopie, qui montre les avantagesd’un programme jouissant de larges économies d’échelle (Banque Mondiale, 2009).Le ratio est probablement plus élevé dans les travaux de salubrité. Cependant, il serait possibled’augmenter considérablement la part des salaires dans un programme à large échelle.• Les méthodes de ciblage semblent peu développées. L’utilisation du salaire au niveaudu SMIG comme moyen d’auto-sélection semble insuffisant, compte tenu de l’ampleur duchômage et du fait que le salaire du marché pour la main d’œuvre non qualifiée estbien en dessous du SMIG. Dans tous les projets, la demande d’emploi s’est avérée trèsforte (souvent 3 à 4 fois plus élevée que le nombre de places disponibles) et la sélectiona soit été faite sur la base du principe « premier venu premier servi » ou d’une sorte detirage au sort (AGEROUTE), soit laissée à la discrétion des maires (FSE-THIMO).• Les activités de formation et conseil pour des emplois durables ont été reléguéesau second plan, aussi bien dans le FSE-THIMO que dans le cadre du PAPC. Cet aspectsera au centre d’un nouveau projet en cours de préparation par la Banque Mondiale,le programme d’emploi des jeunes.• Les mécanismes de suivi et évaluation sont faibles, notamment dans le cas duFSE-THIMO, ce qui rend difficile l’analyse de l’efficience et de l’efficacité des programmes.Le développement futur de l’approche HIMO en Côte d’Ivoire pourrait envisager la mise en placede stratégies différentes en milieu urbain et rural. Le volet rural pourrait être conçu essentiellementpour faire face aux risques saisonniers de baisse de revenus et d’insécurité alimentaireen période de soudure par des emplois de courte durée (de 3 à 5 mois selon les zones), touten s’adressant aux besoins d’amélioration des infrastructures et de protection environnemental enmilieu rural, surtout dans les zones de savane au Nord. Par contre, le volet urbain donneraitune réponse à large échelle au défi du chômage urbain, surtout parmi les jeunes, par des emploisà plus long terme dans le cadre de projets à HIMO et avec un accent renforcé sur la formationdes bénéficiaires, la promotion de l’épargne et la facilitation de l’accès des bénéficiaires auxopportunités de microcrédit auprès des établissements de micro-finance en vue de leur insertionéconomique à plus long terme.4.4.4 Autres programmes de promotion de l’emploiPlusieurs autres programmes de promotion de l’emploi existent mais sont tous de petiteenvergure. Les principaux programmes actuellement en place, sous l’égide de l’AGEPE, sontle Programme d’Aide à l’Embauche (PAE) et le Programme de Développement des InitiativesGénératrices de Revenus (PRODIGE). D’autres programmes de l’AGEPE comme le ProgrammeSpécial d’Insertion des Femmes et des Jeunes Ruraux, le Programme de Maintien de l’Emploi et42


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoirede Reconversion Professionnelle et le Programme de Création de Micro Entreprise ne sont plusen activité.• Le PAE, établi en 1991 et financé par le Fonds de Promotion d’Aide à l’Emploi, vise àaméliorer l’employabilité des jeunes diplômés primo demandeurs d’emploi par le biais dufinancement de stages d’apprentissage de 12 mois et d’activités de formation. Selonl’AGEPE, le taux d’insertion post-stage est assez élevé, oscillant entre 30 et 60% (Bossoet Bassa, 2011). Le nombre de stagiaires est cependant très faible : à peine 658 de 1995à 2002 (Gueu Yra, 2008).• Le PRODIGE a été mis en place dans sept localités de l’ouest du pays très affectéespar la crise militaro-politique pour appuyer le retour des populations locales déplacées,la réinsertion des jeunes et le relèvement du tissu économique local. Le projet a appuyéla mise en œuvre de 98 projets et a créé environ 2000 emplois, selon le Ministère chargéde l’Emploi (Bosso et Bassa, 2011).D’autres programmes, notamment ceux appuyés par l’Agence Nationale de Formation Professionnelle(AGEFOP), promeuvent l’accès à l’emploi par la formation, y compris pour les groupesles plus vulnérables. Il est important à noter également le rôle des Instituts de Formation etd’Education Féminine (IFEF), du Ministère de la Famille, de la Femme et de l’Enfant, qui donnentaccès à une formation qualifiante à moindre coût pour les filles déscolarisées, non scolariséesou analphabètes). Ces structures sont en forte représentation sur le territoire national (100 dont75 fonctionnelles en 2011) et accueillent 50 filles en moyenne par année.4.5 Les services d’action socialeCette branche de la protection sociale inclut une large gamme de services qui visent àprévenir et répondre aux risques d’abus, de violences, de maltraitance, d’exploitation, dediscrimination ou d’exclusion auxquels de nombreux ivoiriens sont exposés, notamment les enfants(surtout ceux vivant en dehors de la protection d’un cadre familial sain), les femmes, les personnesâgées, les personnes handicapées et les déplacés. Il s’agit, d’une part, de mesures derenforcement des capacités des groupes ou individus les plus vulnérables à ces risques, ainsi quedes familles et des communautés notamment au travers de programmes de communication,d’éducation et de conseil, et, d’autre part, de mesures d’intervention, allant du secours aux victimesà l’appui psychosocial et à la réinsertion sociale ou économique.Dans l’ensemble, ces services semblent bénéficier à une frange limitée des nombreusesfamilles et individus vivant dans une situation à haut risque. Lors de l’étude de cartographiedu système de protection de l’enfant en 2009-10, aucun des répondants consultés au niveaucommunautaire n’a fait référence aux services offerts par les travailleurs sociaux, tant étatiquesque non gouvernementaux (MFFAS, 2010g). Comme indiqué précédemment (section 4.1),les communautés ne se réfèrent que rarement aux structures formelles en cas de violences enversdes enfants par exemple.En Côte d’Ivoire ces services sont très faibles pour de nombreux raisons, parmi lesquelles :la diversité des types de risques ; le grand nombre d’acteurs étatiques et non étatiques (CentresSociaux du Ministère chargé des Affaires Sociales, services sociaux d’autres ministères et descollectivités locales, ONG et confessions religieuses) ; l’absence de cadre politique complet etcohérent pour orienter et prioriser les actions ; le faible niveau de coordination inter et intrasectorielle ; l’insuffisance des ressources financières ; la dépendance à l’aide extérieure ; et lesdifficultés d’assurer la pérennisation des programmes et projets. On trouve donc un grand nombrede petits projets éparpillés, mal coordonnés et limités dans le temps et dans l’espace, quiensemble ne constituent pas véritablement un « système » de services d’action sociale. Les facteursinstitutionnels et financiers qui sous-tendent ces faiblesses sont abordés dans le Chapitre 5.43


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireLa plupart des ONG, qui sont les principales destinataires du financement extérieur, ne fournissentpas de services directs aux familles, selon l’étude de cartographie du système de protection del’enfant. 28 Elles se consacrent plutôt à la formation, au plaidoyer et à la coordination (MFFAS,2010g). Dans le cas des Centres Sociaux du Ministère chargé des Affaires Sociales, on noteégalement une dispersion de leurs ressources limitées. Ceci est dû notamment au fait que leurresponsabilité s’étend à la prestation de certains services socio-sanitaires (vaccinations, surveillancepondérale, éducation nutritionnelle) qui recouvrent des fonctions des structures de santéet détournent le personnel des Centres Sociaux de leurs responsabilités principales.Les services existants semblent largement orientés vers un nombre réduit de problèmesspécifiques en raison des incitations du financement extérieur. L’aide des partenairestechniques et financiers (PTF) est concentrée de manière déséquilibrée sur des programmescloisonnés en faveur des OEV (dans le cadre d’un programme conçu de manière étroite etrestrictive pour prendre en compte uniquement les enfants rendus vulnérables en raison duVIH/SIDA), sur le travail des enfants dans les plantations de cacao et café, et sur les violencesbasées sur le genre (VBG). Dans l’absence d’un cadre politique de protection sociale, qui établitdes priorités nationales, et sans financements internes significatifs pour répondre aux besoinsplus larges, ces flux de fonds externes incitent les structures étatiques, notamment les CentresSociaux, et les ONG à orienter la plupart de leurs propres ressources (cadres et travailleurssociaux) à ces programmes au lieu de construire des systèmes plus intégrés et équilibrés. Commeil a été constaté par un Directeur Régional du Ministère chargé des affaires sociales, cité dans lerapport de la cartographie (MFFAS, 2010g, p. 73) : « Le travail des OEV prend pas mal de temps.En principe on devrait traiter toutes les vulnérabilités, mais les OEV sont une cible spécifique au VIH.On n’arrive pas à s’occuper des autres aspects. » L’étude de cartographie a tiré la conclusion quela prédominance des approches ciblées sur des problématiques précises réduit le temps d’interventiondes travailleurs de première ligne (étatiques comme non gouvernementaux) et limite leurcapacité à conformer leurs prestations aux réalités des communautés dans lesquelles ilsinterviennent. La cartographie a constaté, d’ailleurs, que « les problématiques de protectionabordées par les acteurs formels ne correspondent pas forcément aux besoins ressentis parles communautés », parmi lesquels le problème le plus souvent cité dans les groupes dediscussion a été celui de la maltraitance d’enfants (MFFAS, 2010g, p. 101).4.5.1 La prise en charge des OEV du fait du VIH/SIDALe Programme National de prise en charge des Orphelins et autres Enfants rendusVulnérables du fait du VIH/SIDA (PN-OEV) est le programme le mieux financé, impliquantun grand nombre d’acteurs et mobilisant une large partie du temps des travailleurs sociaux.Rattaché au Ministère d’Etat, Ministère d’Etat, Ministère de l’Emploi, des Affaires Sociales et de la Solidarité(MEMEASS), il est largement appuyé techniquement et financièrement par les Etats-Unis à traversle programme PEPFAR. D’autres appuis aux OEV sont financés par la Banque Mondiale, l’<strong>UNICEF</strong>et le Gouvernement ivoirien.Les Centres Sociaux sont responsables de la coordination des 32 plateformes de coordinationlocale des acteurs impliqués dans le PN-OEV et, dans le cas des « Centres Sociaux Restructurés »(voir la section 5.2), ils sont particulièrement impliqués dans le suivi et l’évaluation des activités.Comme indiqué dans la section 2.2.2, le « paquet minimum » des services qu’un OEV devrait recevoir,selon les « standards » établis par le PN-OEV, a été défini selon sept catégories : la nutrition(les vivres, les formations nutritionnelles) ; la santé ; l’éducation (les kits scolaires, les kits d’apprentissage,la formation technique et professionnelle) ; le renforcement économique (le microcrédit,les dons, les activités récréatives) ; le logement (le loyer, les familles d’accueil, les kits hygiéniques,les vêtements) ; l’appui psychosocial (le conseil, l’appui spirituel, les consultations psychologiques) ;et la protection (les documents légaux, l’identification des risques, la promotion de la Conventiondes Droits de l’Enfant, l’éducation sur la maltraitance) (MFFAS, 2009b).28 Seules 6 des 27 ONG interrogées lors de la récente cartographie du système de protection de l’enfant offraient des services directs (MFFAS,2010g).44


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireCette gamme de services est fournie par des ONG, qui sont financées directement par lespartenaires extérieurs. Ceci pose, d’une part, la question de la dépendance des prestations àla présence ou non des ONG dans la zone, et d’autre part, la question de la pérennisationdes activités. Cette approche « projet » et sa forte dépendance aux compétences spécifiquesde chaque ONG partenaire entrainent une fragmentation de la prestation des aides sociales.Par ailleurs, l’accent mis sur la fourniture de kits laisse passer au second plan le soutien socialaux familles et enfants (travail de médiation, détection et réponse aux situations de maltraitance,etc.).4.5.2 La prévention et la prise en charge des violences baséessur le genreLa lutte contre les violences basées sur le genre (VBG) a conduit à une forte mobilisationinstitutionnelle à la fois des structures publiques, des agences des Nations Unies et des ONGnationales et internationales. Dès le déclenchement de la crise politico-militaire en Côte d’Ivoireen 2002, le Ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique a mis en œuvre (avec l’appui du FNUAP)la première action dans le domaine de la prévention des violences sexuelles et de la prise encharge des victimes. Au niveau interministériel, le Comité National de Lutte contre les Violencesfaites aux Femmes et aux Enfants (CNLVFE) est chargé de la prévention et de la prise en chargedes victimes des violences basées sur le genre et à l’égard des enfants. Au niveau du Ministèrede la Famille, de la Femme et de l’Enfant, ce rôle incombe à la Direction de l’Égalité et laPromotion du Genre (DEPG) créée en 2006. De nombreuses ONG nationales sont impliquéesdans la prévention et la prise en charge des violences basées sur le genre. 29 Plusieurs agencesdes Nations Unies (notamment le FNUAP, le PNUD, l’UNIFEM, l’<strong>UNICEF</strong> et le HCR) et des ONGinternationales 30 sont également très actives dans le domaine (MFFAS, 2008c).Sur le terrain, les activités de lutte contre les VBG consistent en la prévention et l’assistanceaux survivant(e)s. Les séances de sensibilisation de masse, de proximité ou interpersonnellemobilisent selon les cas des animateurs communautaires, des pairs éducateurs, des responsablescommunautaires, des psychologues, des médecins et autres personnes ressources. Elless’accompagnent souvent par la mise en place de mécanismes communautaires visant notammentà la détection et à la prise en charge des victimes de violences et de maltraitance, ainsi qu’àla prévention des pratiques traditionnelles néfastes (mutilations génitales féminines, mariagesprécoces et/ou forcés). La prise en charge intégrée prévoit un volet psycho-social (écoute,visites à domiciles, enquêtes sociales, orientations assistées, réintégration et réhabilitationfamiliales, référence et contre référence), un volet médical (assistance médicale), un volet juridique(assistance juridique et judiciaire), et un volet socio-économique (appui aux AGR, placementchez les maîtres artisans et dans les IFEF).En matière d’assistance psycho-sociale, les premiers bureaux d’écoutes ouverts en 2000 au seindes mairies ont montrés de très bons résultats. Toutefois, certains ne disposent d’aucun localou d’outil pour la prise en charge des victimes des VBG, et l’accueil des victimes se faitparfois sans confidentialité. À Abidjan, plusieurs ONG nationales 31 disposent de salles d’écoute,de psychologues et/ou d’assistants sociaux et autres personnes ressources, pour mettre enœuvre les différentes actions de prise en charge psychologique (écoute, conseil et visitesà domicile). Des salles d’écoute ont également pu être construites dans plusieurs Centres Sociaux(à Yamoussoukro, Daloa et Duékoué avec l’appui de l’IRC). Les Centres Sociaux offrent de réellesopportunités pour la prévention et la prise en charge des violences basées sur le genredu fait d’une part, de la tenue de plusieurs activités connexes qui ne favorisent pas lastigmatisation des victimes, et d’autre part, des capacités techniques des agents qui sont en29 Dans les neuf villes couvertes par une étude sur les VBG menée en 2007 (MFFAS, 2008c), 58 ONG nationales œuvrant dans le domaine de lalutte contre les VBG ont été recensées (basées à Abidjan pour 40% d’entre elles).30 Parmi elles, on compte notamment CARE International, IRC (Comité International de Secours), Amnesty International, Enfance MeurtrieSans Frontière, BICE (Bureau International Catholique de l’Enfance), Save the Children UK et Save the Children Suède (MFFAS, 2008c).31 Parmi elles, on compte notamment Monde Sain, AIECA, ODAFEM, FIFEM-OFEF, ONEF, SOS Violences Sexuelles et Manne du Jour (MFFAS,2008c).45


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoiregénéral formés à l’Institut National de Formation Sociale (MFFAS, 2008c). Le CNLVFE coordonnequant à lui un réseau de 14 bureaux d’écoute (8 à l’intérieur du pays et 6 à Abidjan) appuyés parles Centres Sociaux. En 2009-2011, ces bureaux ont accueilli plus de 6500 femmes et enfantsvictimes de violences (Tableau 4.3).Tableau 4.3 Activités du CNLVFE, 2000-20112000-2004 2005-2008 2009-2011Ecoute, entretien conseil, soutien psychologique 1 127 2 035 6 558Visites à domicile, enquêtes sociales 123 139 86Orientations assistées 115 122 191Appui à la prise en charge scolaire 10 7 13Source : Cellule de Coordination du CNLVFE.En ce qui concerne l’assistance médicale, une étude menée en 2007 a montré que, sur 58 ONGconcertées, seules 14 disposaient de structures capables d’apporter une réelle assistance médicaleaux victimes de VBG (MFFAS, 2008c).Au regard de l’assistance juridique et sécuritaire, des dispositions légales existent mais lesvictimes de violences ont très peu recours aux structures juridico-administratives, par méconnaissancemais aussi et surtout par craindre des implications sur leur vie future. Peu d’ONG nationalesproposent une assistance juridique aux victimes (12 sur 58 concertées en 2008). Les conseillersjuridiques peuvent appuyer les victimes qui le désirent pour l’obtention de certificats médicaux etle cas échéant, la saisie des structures juridiques. Certaines structures 32 proposent égalementune assistance sécuritaire lorsque l’intensité et la fréquence de la violence subie nécessite d’isolerla victime. Cette dernière est soit hébergée par l’ONG elle-même, soit référée à une famille oucentre d’accueil, ou à une structure spécialisée comme une pouponnière.Enfin, l’assistance socio-économique s’impose du fait que le dénuement socio-économique peuts’avérer à la fois comme la cause et la conséquence du mauvais traitement subi. La majoritédes ONG offrent aux victimes qui s’adressent à elles une aide matérielle ponctuelle. Plusieursstructures s’investissent également dans l’autonomisation des victimes par le soutien à la mise enœuvre par celles-ci d’AGR.D’une manière générale, les actions dans le domaine des VBG sont, dans une large mesure,menées par les ONG. Elles reposent ainsi plus sur de simples structures associatives (dont lesactions sont souvent circonstancielles) que sur un réel dispositif institutionnel. Cette multiplicitéd’expériences en matière d’approche et de stratégie de lutte contre les VBG est de natureà entraîner une dispersion des ressources. Dans le contexte de crise, la lutte contre les VBGs’est principalement développée comme une réponse humanitaire mettant l’accent sur la priseen charge des victimes. Des circuits locaux de référence ont été mis en place sous l’impulsiondes acteurs humanitaires avec parfois des ONG dans le rôle central. Du fait du manqued’implication des Centres Sociaux, ces circuits locaux échappent au contrôle direct de la DEPG,qui a pourtant, entre autres missions, de coordonner l’action de lutte contre les VBG. La faiblessedes capacités techniques et matérielles des intervenants constitue une autre limite à l’efficacitédes actions. Malgré ces diverses contraintes, quelques expériences prometteuses existent.L’Encadré 4.4 présente quelques-unes d’entre elles qui mériteraient d’être approfondies.32 Renaissance Santé de Yamoussoukro, OIS Afrique de Bouaké, ANAED de Korhogo, SILOE de Danané, ODAFEM et IDE-Afrique de Man.46


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireEncadré 4.4Quelques expériences prometteuses dans la lutte contre les VBGBien que les VBG ne constituent pas les activités primordiales des Centres Sociaux, ces derniers offrent deréelles opportunités pour la prévention et la prise en charge des VBG. Là où ces actions sont vulgarisées,on observe un véritable engouement. D’une part, la tenue de plusieurs activités connexes ne favorise pasla stigmatisation des victimes. D’autre part, les agents de ces centres, tous formés à l’Institut National deFormation Sociale, possèdent de réelles compétences techniques.Les résultats obtenus dans les bureaux d’écoute (bureaux, centres ou salles d’écoute) sont très positifs,d’autant plus lorsque le bureau d’écoute est intégré au sein d’une mairie ou, mieux, d’un Centre Social.En 2000, l’Association des Femmes Juristes de Côte d’Ivoire (AFJCI) a mis en place le projet de cliniquejuridique dans le but de promouvoir les droits humains, principalement ceux de la femme et de l’enfant.Le nombre de demandeurs a augmenté au fil des années, notamment avec le déclenchement de la crise.En 2006, 323 demandes ont été reçues pour bénéficier des services dans le domaine du contentieuxmatrimonial, du divorce et de la séparation de corps, de la garde d’enfants, du droit du travail, et des violencesconjugales. Bien que le rôle joué par la clinique juridique soit indéniable, elle dispose malheureusement depeu de moyens humains, matériels et financiers pour un fonctionnement efficient. Et, même si cela était inscritdans les objectifs du projet initial, l’AFJCI n’est pas encore parvenu à créer d’autres structures à l’intérieur dupays et surtout à mieux vulgariser l’existant.Le Comité de Coordination Locale de prévention et de prise en charge des violences sexistes et sexuellesde Duékoué mis en place en juillet 2005 a contribué à améliorer la détection et la prise en charge des cas deVBG. Ses performances, largement dues à son caractère pluri-institutionnel, pourraient encore être accruesen intégrant la société civile.Le Centre d’Excellence des Femmes de Man (CEFM) a été créé en 2006 à l’initiative de l’ONG IFS(International Friendship Service). Le centre, situé sur la voie principale de la ville, vise à promouvoir les droitsde la femme et de la jeune fille, appuyer et soutenir les femmes démunies du fait de la guerre et appuyer auplan organisationnel les groupements de femmes par un soutien matériel et financier et la formation aux AGR.Depuis 2008, la DEPG met en place une expérience pilote avec la création d’une structure de prise encharge holistique dénommée Centre de Prévention et d’Assistance aux Victimes des Violences Sexuelles(Centre PAVVIOS) avec l’implication d’autorités locales (mairie) et d’autres structures étatiques (services desanté, police, etc.) dans la commune d’Attécoubé dans le district d’Abidjan.Au titre du programme de sortie de crise, la DEPG, avec l’appui du FNUAP, initie un projet pilote de mise enplace d’un Centre d’Excellence à Bouaké dont l’objectif est de favoriser une prise en charge holistique dessurvivant(e)s de VBG au sein d’une même structure.Par ailleurs, des plateformes de lutte contre les VBG sont également mises en place impliquant les CentresSociaux qui en assurent la coordination technique, des ONG et d’autres professionnels (services de santé,police, etc.) intervenant dans la protection et la prise en charge. Ces plateformes ont pour objectif dedévelopper un mécanisme de prise en charge intégrée de la victime à travers un système de référence et decontre-référence. Le CNLVFE prévoit en 2011-2012 la redynamisation des plateformes ainsi que des relaiscommunautaires.Source : MFFAS, 2008c ; MFFAS, 2010g.4.5.3 Les actions de lutte contre la traite et le travail des enfantsLe troisième domaine dans lequel les services sont mieux financés et plus développés estla lutte contre la traite et le travail des enfants, notamment dans les plantations de cacaoet de café. En septembre 2001, la Côte d’Ivoire a signé le protocole Harkin-Engel visant à lutterde manière transparente contre les pires formes du travail des enfants dans les plantations decacao et de café. Le 25 août 2003, le pays a signé un mémorandum d’accord avec le BureauInternational du Travail (BIT) dans le cadre du Programme International pour l’Abolition du Travaildes Enfants (IPEC), étendant ainsi le champ du programme d’élimination des pires formes47


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoiredu travail des enfants à l’ensemble du territoire national et à tous les secteurs d’activités.Aujourd’hui, les actions dans le domaine sont guidées par le Plan national de lutte contre la traiteet les pires formes de travail des enfants adopté en Conseil des Ministres le 20 septembre 2007.Elles bénéficient entre autres de l’appui technique et financier du BIT (initiatives IPEC-LUTRENAet IPEC-WACAP), de l’<strong>UNICEF</strong>, de l’Organisation Internationale de Migration (OIM), de la coopérationallemande (projet LTTE de la GIZ), de la Fondation de l’Initiative Internationale sur le Cacao (ICI),de l’Agence Danoise pour le Développement International (DANIDA) et des Ministères américainsdes Affaires Etrangères (USDOS) et du Travail (USDOL). Outre des activités d’étude de la situation,de renforcement du cadre juridique, institutionnel et réglementaire et de renforcement des capacitésdes acteurs nationaux de différents niveaux, diverses actions sont menées auprès des communautés: actions de sensibilisation communautaire contre la traite et le travail des enfants ; mise enplace d’alternatives au travail des enfants dans certaines zones du pays (alphabétisation,renforcement de l’accès à l’école, formation professionnelle) ; et identification, prise en chargetransitoire et réinsertion des enfants victimes de traite et d’exploitation.Les actions de prévention consistent d’une part en des activités de sensibilisation, et d’autrepart, en des activités plus vastes de lutte contre la pauvreté dans les zones les plus sujettesau travail dangereux des enfants (programmes d’alphabétisation et de formation professionnelle,réhabilitation de pistes rurales, construction de centres de santé, etc.). Au niveau des structuresétatiques, des actions de sensibilisation communautaire sont menées par le Comité Nationalde Lutte contre l’Exploitation et la Traite des Enfants (CNLTEE), la Direction Générale du Travail(DGT) et le Service Autonome de la Lutte contre le Travail des Enfants (SALTE). Le BIT, lacoopération allemande (GIZ), l’Initiative Internationale sur le Cacao, l’<strong>UNICEF</strong> et leurs ONGpartenaires sont également directement impliqués dans les efforts de sensibilisation. Au total,entre 2002 et 2009, les actions de sensibilisation sont estimées avoir touché plus de 528 000personnes vivant dans les zones de production de cacao (RCI, 2011). Chaque acteur intervientavec son modèle d’intervention propre. Le modèle développé par le CNLTEE semble positif etgagnerait sans doute à être mieux analysé (Encadré 4.5).Les services de sécurité ainsi que les ONG et les comités de vigilance et de protectionjouent un rôle primordial dans l’identification des cas d’enfants victimes de traite et depires formes de travail. Il est estimé qu’entre 2002 et 2009, les actions menées dans ledomaine ont permis de retirer 3668 enfants des plantations. Parmi eux, 974 ont pu intégrerl’école, 1625 ont bénéficié d’une formation professionnelle et 1069 ont été réintégrés en famille.De juin 2006 à juin 2009, les services de la police nationale ont identifié et intercepté 321 enfantsvictimes de traite (dont 124 cas de traite transfrontalière) dans la zone de production de cacao,et ont procédé à l’arrestation de 48 auteurs présumés de traite et d’exploitation d’enfants.Les comités de vigilance et de protection mis en place par les ONG contribuent égalementà l’identification et à la référence des enfants victimes. (RCI 2011)Encadré 4.5L’expérience prometteuse des comités de veille et de protection desenfantsLe CNLTEE a mis en place 38 comités communautaires appelés « Comités de Veille et de Protection desEnfants » dans deux régions productrices de cacao (le Haut Sassandra et la Marahoué) et une régionfournisseuse de main d’œuvre domestique aux grandes villes (région du Zanzan). Ces comités mènent desactions de sensibilisation de proximité sur les conséquences de la traite et du travail dangereux des enfantsainsi que sur la protection de l’enfant afin d’acquérir l’engagement des communautés et prévenir le phénomène.Deux niveaux d’organisations communautaires (villageois et régionaux) impliquent les communautés (y comprisla notabilité), les préfets, les policiers, les gendarmes et les services sociaux pour la mise en œuvre desprogrammes de lutte contre la traite et le travail dangereux des enfants. Ce modèle qui parvient à impliquer lescommunautés, les autorités et les services sociaux a produit des résultats intéressants. Qui plus est, certainsdes comités mis en place continuent de fonctionner malgré la fin des projets qui les finançaient.Source : MFFAS, 2010g.48


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireLa prise en charge des victimes relève de la responsabilité du CNLTEE, avec l’appui des ONGet des PTF. Le rôle du CNLTEE est : i) d’apporter l’assistance médicale, psychosociale et alimentaireaux enfants victimes ; ii) de pourvoir, le cas échéant, à l’hébergement temporaire des enfants ;iii) de procéder à la recherche des familles et à la médiation familiale pour la réintégration desenfants ; iv) de procéder à la réintégration familiale effective des enfants ; et v) d’assurer le suivipost réintégration des enfants. Un manuel de prise en charge a été élaboré afin de fixer lesnormes nationales en la matière. Entre 2002 et 2009, le CNLTEE a apporté une assistanceet procédé à la réintégration de 319 enfants victimes. Plusieurs ONG 33 sont sollicitées parles services de police et le CNLTEE pour l’assistance aux enfants victimes. Elles ont participé àla prise en charge transitoire d’au moins 400 enfants victimes de traite ou de travail dangereux.Le CNLTEE a également pu mettre en place 38 familles d’accueil volontaires (avec l’appui du BIT).L’<strong>UNICEF</strong>, l’OIM et leurs partenaires appuient également des actions de réintégration. L’appuide l’<strong>UNICEF</strong> au programme de prévention, démobilisation et réintégration des enfants associésaux groupes armés a permis de prendre en charge 2813 enfants associés aux mouvementsarmés. Parmi eux, 1300 ont pu retourner à l’école formelle et les autres ont suivi une formationdans l’agropastoral ou le secteur informel urbain. (RCI 2011)En matière de réinsertion, l’appui des PTF aux structures publiques est également primordial.Les ONG jouent un rôle important en matière de recherche de familles et de médiation familialepour le retour des enfants, de formation alternative et d’insertion professionnelle. A titre d’exemple,l’action du BIT a permis, entre 2002 et 2009, d’apporter des services d’éducation scolaire et deformation professionnelle à 24 961 enfants vulnérables, travailleurs ou victimes de traite, dont 38%de filles. (RCI 2011)4.5.4 La prise en charge des enfants privés de protection parentaleQuelques services étatiques et non gouvernementaux s’adressent aux besoins de protectiondes enfants privés de protection parentale, mais les capacités d’intervention sont très limitées.A part les orphelins, ces enfants à haut risque incluent les enfants « confiés », les enfants de larue et les enfants dans les prisons. La Direction de la Protection Sociale (DPS) du Ministèrechargé des Affaires Sociales supervise directement huit pouponnières (dont quatre publiques),cinq orphelinats (dont deux publics) et deux villages d’enfants SOS (conventionnés). Les pouponnièresoffrent une prise en charge institutionnalisée pour enfants de 0 à 5 ans. Les cibles sont lesorphelins, les enfants abandonnés et les cas sociaux. Les orphelinats offrent une prise en chargeinstitutionnelle pour les enfants orphelins de 6 à 15 ans avec la possibilité de prendre en charge lesenfants et jeunes handicapés. Les deux orphelinats publics que compte le pays captent à euxseuls près de 15% du budget du Ministère chargé des Affaires Sociales (MFFAS, 2010g). En 2010,on comptait environ 400 enfants en pouponnières et orphelinats publics (Lida, 2010). Les enfantsissus de ces institutions peuvent être proposés en adoption lors des sessions du Comité dePlacement Familial. Outre les enfants placés dans les institutions d’accueil et d’hébergementd’enfants, d’autres catégories d’enfants sont privés de protection parentale. C’est le casnotamment des enfants de la rue, et des enfants en situation de placement ou de « confiage ».Au niveau des structures publiques, ce sont les Centres d’Education Spécialisée (CES) qui sont àmême, du moins dans leur mandat, de venir en aide à ces catégories d’enfants. Une vingtained’ONG sont aussi impliquées dans l’appui aux enfants de la rue à Abidjan et sont organisées enréseau. Dans la réalité, si l’intention est là, les moyens demeurent extrêmement limités, que ce soitpour venir en aide aux enfants de la rue ou pour identifier et prendre en charge des enfants« confiés » victimes de maltraitance au sein des familles. Qui plus est, l’offre d’hébergementtransitoire est très limitée et souffre d’un manque de cadre et de supervision.33 Parmi lesquelles on compte notamment le Bureau International Catholique pour l’Enfance (BICE), le Village Marie-Dominique, ASA, la DélégationFondation Akwaba, la Fondation Amigo Doumé, Enfance Meurtrie Sans Frontière, ANAED et CIP.49


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireIl existe également de nombreuses institutions privées (orphelinats, centres d’accueil pour les enfantsde la rue, etc.). Toutefois celles-ci n’ont pas encore fait l’objet d’un recensement exhaustif.Bien que l’ouverture de ces institutions soit en principe réglementée par une inspection de la DPSet un agrément du Ministère chargé des affaires sociales, en pratique ces institutionsfonctionnent sans avoir nécessairement l’agrément. Agréées ou non, elles font rarement l’objet d’unsuivi et d’un contrôle. Il n’y a ainsi pas d’information centralisée relative aux enfants placés eninstitutions privées, alors qu’il faut déplorer une offre de service loin d’être conforme aux normesen la matière (MFFAS, 2010g).En ce qui concerne la protection des enfants dans les prisons, autre catégorie d’enfants à trèshaut risque, un programme financé par l’Union Européenne depuis quelques années a contribuéà améliorer leur situation, notamment par la création de sections de mineurs dans les prisonset la formation des gardes pénitentiaires, policiers et magistrats. Il est à noter que les structuresjudiciaires et pénitentiaires ont recruté un nombre important d’assistants sociaux.4.5.5 Les services spécialisés pour enfants et adultes handicapésUne toute petite minorité de personnes handicapées reçoivent les appuis requis poursurmonter les obstacles à leur inclusion sociale et assurer leur accès à l’éducation, à laformation et à l’insertion économique. Selon le recensement de 1998, environ 0,6% dela population nationale, dont environ 29% sont des enfants de moins de 15 ans, souffrent d’unhandicap physique ou mental. Toutefois, comme il a déjà été noté dans la section 3.2.5,le recensement a probablement sous-estimé l’importance de cette catégorie de la population,qui a généralement un poids plus élevé dans la population des pays en voie de développement.Il existe des structures spécialisées publiques (Institut National Ivoirien pour la Promotion desAveugles, Ecole Ivoirienne pour les Sourds) et privées (Centre d’Eveil et de Stimulation del’Enfant Handicapé, école intégratrice Grain de Soleil, etc.) d’encadrement des enfants et adulteshandicapés. Des ressources humaines qualifiées pour l’encadrement des personnes handicapéessont en place, mais la couverture des institutions spécialisées demeure largement insuffisante.En milieu ouvert, c’est aux Centres d’Education Spécialisée (CES) qu’il incombe en principed’apporter une éducation spécialisée aux jeunes handicapés. Malheureusement, ces structuressont peu nombreuses et ont des ressources humaines, financières et matérielles extrêmementlimitées. On ne compte actuellement que 20 CES dans tout le pays. Par ailleurs, les CES ont unemission vaste qui inclut non seulement la protection des enfants porteurs de handicap, maiségalement l’encadrement, la protection et la réinsertion des enfants et jeunes en situation difficile(enfants de la rue, toxicomanes, etc.) ainsi que la protection des personnes âgées. L’AGEFOP,quant à elle, a mis en place un Projet d’Accès et d’Appui des Personnes Handicapées àla Formation Professionnelle (PAAPHF), qui a formé 618 personnes handicapées de 1999 à 2007(Gueu Yra, 2008). Comme ces chiffres l’indiquent, les services spécialisés sont comme une goutted’eau dans la mer. Au niveau de la société civile, plusieurs organisations de ou pour personneshandicapées sont également en place 34 , et un réseau d’institutions pour enfants handicapés a étécréé. Mais elles aussi n’ont que des moyens limités. 35 Comme alternative aux institutions spécialisées,une politique d’école intégratrice a été adoptée au niveau du Ministère de l’Education Nationalemais sa mise en œuvre effective pose problème (voir section 4.6). Il faut rappeler qu’à la différencede certains pays où l’éducation de tous les enfants relève du Ministère de l’Education Nationale,en Côte d’Ivoire, la prise en compte scolaire des enfants handicapés est déléguée au Ministèrechargé des affaires sociales en collaboration avec celui de l’Education Nationale (MFFAS, 2010k).34 Ces organisations incluent la Fédération des Associations pour Personnes Handicapées (FAHCI), l’Organisation Chrétienne d’Aide aux PersonnesHandicapées (OCAPH), l’Association Nationale des Sourds de Côte d’Ivoire (ANASOCI), l’Association Ivoirienne des Sourds pour la Promotionet la Défense (AISPD), l’association Handicap Alliance Internationale (HAI) créée par des personnes sourdes et des interprètes en langagegestuel (et active dans la promotion du langage gestuel, la promotion des droits des personnes sourdes à l’information et à la communication,l’éducation des sourds et la lutte contre le SIDA dans le milieu des personnes handicapées), et l’association Society Without Barriers (SWB) quidéfend les droits des personnes handicapées en Côte d’Ivoire en relation avec la Convention relative aux Droits des Personnes Handicapées.35 Les aides matérielles et financières aux personnes handicapées accordées par le Ministère chargé des affaires sociales sont limitées. En2005 et 2006, la part du budget national affecté à la prise en compte des personnes handicapées tournait autour de 0,0135%, soit un budgetd’environ 240 millions de FCFA (MFFAS, 2010j).50


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoire4.6 La protection sociale dans le secteur de l’éducationLe <strong>Rap</strong>port d’Etat du Système Educatif Ivoirien (RESEN) a mis en évidence « un problèmesérieux d’accès à l’école » et alerté sur les risques élevés de non scolarisation déjà mentionnésdans la section 3.1.2. Cette étude approfondie a montré, sur la base des données de l’enquêteMICS de 2006, que la probabilité de la génération d’âge scolaire d’aller une fois à l’école n’a étéque de l’ordre de 70%. « En effet, si 70% d’une génération a un jour accédé à l’école (certains d’entreeux pouvant d’ailleurs la quitter prématurément), cela signifie qu’il y a environ 30% desenfants qui n’y sont jamais allés » (RCI, 2009c, p. 32). Le RESEN a montré en outre que la probabilitéd’accéder à chaque classe successive du système d’enseignement général diminue, en raison deforts taux de déperdition, de 70% en première année (CP1) à 46% en dernière année du cycleprimaire (CM2). Ainsi, environ un enfant sur trois qui a accès au primaire n’atteint pas la fin du cycle.La majorité de ces enfants, ainsi que ceux qui n’ont jamais eu accès à l’école, serontanalphabètes à l’âge adulte. La probabilité d’accès continue à diminuer au secondaire, dû à uneperte de 12 points de pourcentage dans la transition primaire-secondaire et à des taux élevésde déperdition à l’intérieur de chacun des deux cycles du secondaire.Cette situation sombre a encore empirée ces dernières années du fait de la crise postélectorale.Le conflit a conduit à la fermeture et au pillage des écoles et à la migration de milliersd’enseignants des zones les plus touchées. Au plus fort de la crise, environ un million d’enfants ontété déscolarisés (MEN et al, 2011).L’accès à l’enseignement est marqué aussi par de fortes inégalités, surtout selon le niveaude richesse familiale. Le RESEN a constaté que le système éducatif ivoirien était l’un des moinséquitables d’Afrique. En plus de disparités significatives selon le genre, l’analyse a montré desdisparités selon le milieu de résidence et surtout selon les quintiles de richesse d’une intensitéencore plus forte. La Figure 4.1 montre l’évolution de ces disparités en termes de taux d’accèset d’achèvement selon le niveau d’enseignement. Tandis que le ratio filles/garçons diminue de0,87 (accès primaire) à 0,43 (achèvement secondaire), le ratio rural/urbain tombe beaucoup plusprécipitamment, de 0,82 à 0,17. Les disparités d’offre scolaire peuvent en partie expliquer lesdisparités géographiques, notamment au niveau secondaire. Les disparités régionales sont aussiimportantes dès l’accès au primaire, où on peut constater des taux variant de 84% à Abidjan etdans les régions du Sud et du Centre-Ouest à seulement 35% dans la région Nord et 41% dansle Nord-Ouest.51


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireFigure 4.1Disparités des taux d’accès et d’achèvement scolaire selon le genre,le milieu de résidence et le niveau de richesse, 2006Source : RESEN 2009, à partir des données du MICS 2006 (RCI, 2009c).Cependant, ce sont les disparités selon le niveau de richesse des ménages qui sont de loin les plusfrappantes. Le taux d’accès au primaire des enfants du premier quintile n’est que 51%, par rapportà 89% pour les enfants du cinquième quintile, ce qui donne le ratio de 0,57 indiqué dans laFigure 4.1. Les ratios Q1/Q5 diminuent à 0,33 pour l’achèvement du primaire, 0,29 pour l’accès aupremier cycle du secondaire et 0,12 pour l’achèvement du premier cycle du secondaire. Lesenfants vivant dans des ménages appartenant au quintile le plus pauvre n’ont pratiquement aucunechance d’achever le deuxième cycle du secondaire (1 sur 100). Cette analyse montre clairementl’importance du facteur économique au niveau des ménages dans l’accès des enfants à l’écoleet ainsi la pertinence de mesures de protection sociale qui visent à réduire les barrières financières.Les frais liés à la scolarisation restent élevés. Le RESEN a estimé que, en 2007, les dépensessupportées par les familles (inscription, frais de scolarité, fournitures, uniforme, etc.) représentaient27% des dépenses totales (publiques plus privées) au primaire, 46% au collège et 44% au lycée.Les dépenses familiales annuelles par élève augmentent rapidement selon le niveau des études, de28 037 FCFA au primaire à 97 914 FCFA au collège et 146 762 FCFA au lycée. Il est à noter quele préscolaire, dominé par le secteur privé, est presque trois fois plus coûteux aux familles(75 292 FCFA par enfant) que le primaire, ce qui explique en grande partie pourquoi seulement1,3% des enfants scolarisés à ce niveau appartiennent au quintile le plus pauvre. Le niveau dedépense familiale est beaucoup plus élevé en milieu urbain et parmi les plus riches. Selon desestimations de 2002, présentées dans le RESEN, la dépense familiale moyenne par élève auprimaire augmente de 14 751 FCFA dans les deux premiers quintiles, à 19 677 FCFA dans lestroisième et quatrième quintiles et à 54 274 FCFA dans le cinquième quintile.En plus de ces frais directs, il faut tenir compte du fait que, pour les ménages les plus pauvres,la scolarisation implique également des coûts d’opportunité. Pour ces ménages en effet, lascolarisation entre en concurrence avec le travail des enfants. Selon l’enquête MICS de 2006,35,3%des enfants âgées de 5 à 14 ans travaillent, et 51,9% de ces enfants travailleurs ne fréquentent pasl’école. 3636 Ces données sont basées sur la définition suivante d’enfant « travailleur » utilisée dans l’enquête MICS : tout enfant âgé de 5 à 11 ans quieffectue au moins une heure de travail rémunéré ou 28 heures de corvées ménagères par semaine ; et tout enfant âgé de 12 à 14 ans quieffectue au moins 14 heures de travail rémunéré ou 28 heures de corvées ménagères par semaine (MEMPD/INS et <strong>UNICEF</strong>, 2007).52


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireLe Plan d’Actions à Moyen Terme du secteur de l’éducation prévoit de renforcer les mesuresvisant à réduire les charges de la scolarisation et à inciter la demande. Ce plan, réviséà la suite de la crise postélectorale pour couvrir la période de 2012 à 2014, prévoit, selon unmodèle de simulation, d’atteindre un taux d’achèvement primaire de 62,6% en 2014 et de81% d’ici à 2020, contre un taux actuel estimé à 53,2% en 2008-2010. En plus des mesurespour restaurer le système éducatif dans les zones les plus affectées par la crise de 2010-2011 et pour améliorer l’offre et la qualité de l’enseignement, notamment dans le primaire etle premier cycle du secondaire, ce plan « entend développer ses actions à nature de stimulerla demande de scolarité des enfants pour lesquels la fréquentation scolaire ne sera pas acquisedu seul fait du développement des capacités d’accueil » (MEN et al, 2011, p. 20). Le plan inclutainsi des mesures ciblées en faveur des populations les plus pauvres ou les plus éloignées del’école. Il propose d’introduire des mécanismes de ciblage géographique pour identifier des zonesprioritaires, fortement marquées par la pauvreté, la vulnérabilité et de faibles taux d’accès etd’achèvement, tout en évitant un ciblage individuel des enfants au sein des écoles afin de ne passtigmatiser les bénéficiaires. Il est à noter que le plan met aussi un accent fort sur l’évaluation desactions sociales dans le secteur. Les outils principaux retenus dans ce plan en vue de stimuler lademande scolaire sont : les subventions versées aux écoles pour assurer la gratuité effective del’enseignement primaire ; le programme de cantines scolaires ; la distribution gratuite de kits scolaires ;la distribution de rations alimentaires sèches aux jeunes filles ; et la suppression des obstaclesà l’inscription à l’enseignement primaire liées au manque de possession d’extraits d’actes denaissance (MEN et al, 2011).La politique de la gratuité a conduit à l’abolition des frais d’inscription au primaire et aupréscolaire depuis 2001 mais n’est pas encore totalement effective. La Loi n° 95-696 du 7septembre 1995 relative à l’enseignement a institué le principe de la gratuité de l’enseignementdans les établissements publics, tout en faisant quelques exceptions importantes par rapport auxdroits d’inscription, aux prestations sociales et aux charges relatives aux manuels et autresfournitures scolaires (telles que stipulées dans l’article 2 de la dite loi). Un pas important versune gratuité plus large a été franchi en 2001 avec la suppression des frais d’inscription auprimaire et au préscolaire. En outre, depuis 2002, des subventions de fonctionnement sontoctroyées à quelques 3 000 écoles primaires publiques en compensation de la perte des fraisd’inscription afin de rendre effective la gratuité de l’enseignement.Cependant, ces subventions sont limitées aux sous-préfectures présentant des taux descolarisation faibles et ayant un comité de gestion (COGES) fonctionnel et titulaire d’un compteen banque, ce qui n’est pas toujours le cas, surtout dans les zones les plus vulnérables.Par ailleurs, selon Razafindramary et de Galbert (2010, p. 20) le décaissement partiel et tardifdes crédits budgétaires aux COGES « a pour effet de priver les écoles de leurs frais de fonctionnement». Par ailleurs, des détournements de fonds sont quelquefois dénoncés dans la presse(MEN et al, 2010). En outre, des cotisations informelles continuent, pénalisant les enfants de ménagesvulnérables. En conséquence, la gratuité de l’enseignement primaire est loin d’être effective, cequi a un impact négatif sur la demande et se traduit par les faibles taux d’accès et d’achèvementobservés.Tout en reconnaissant que la résolution du problème de fonds requiert à long terme la réformedes circuits officiels de décaissement des crédits budgétaires, le Plan d’Actions à Moyen Termedu secteur de l’éducation propose de trouver une solution de court à moyen terme dans lecontournement de ces circuits par l’octroi de subventions à 300 écoles prioritaires payéesdirectement sur les financements du Fonds Catalytique de l’Initiative de Mise en ŒuvreAccélérée de l’Education Pour Tous (IMOA-EPT). Les 300 écoles sélectionnées, qui bénéficierontaussi du renforcement de la capacité de gestion des COGES, seront celles localisées dansles zones les plus vulnérables, identifiées par un ciblage géographique portant sur des critèresde pauvreté et les taux d’accès et d’achèvement.53


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireLa gratuité n’a pas encore été étendue au premier cycle de l’enseignement secondaire,où seulement quelques bourses sont octroyées pour faciliter l’accès. Le défi de l’extension dela gratuité reste entier au premier cycle du secondaire, où le taux de transition primaire-secondaireest faible et les taux d’abandon scolaire élevés, au détriment surtout des enfants des ménages lesplus pauvres.Des cantines scolaires sont fonctionnelles dans la moitié des écoles primaires. La Côted’Ivoire a une longue expérience dans la mise en œuvre de cantines scolaires qui visent à améliorerl’accès et la rétention scolaire ainsi que la capacité d’apprentissage des élèves. L’expérience acommencé par des « cantines spontanées » à la fin de la période coloniale avant de se transformeren programme national après l’indépendance, initialement avec l’appui de l’<strong>UNICEF</strong> de 1962à 1969 (N’da et Tebi, 1998). Repris en main par l’Etat ivoirien, le programme a connu desdifficultés de financement, surtout à partir des années 80 (période de crise économique etd’ajustement structurel), malgré l’introduction de la contribution financière des bénéficiaires.Devant une déscolarisation inquiétante à la fin des années 80, l’Etat a établi un nouveaupartenariat avec le PAM en 1989 qui a permis d’étendre les cantines scolaires à une largeéchelle. Vers la fin des années 90, les cantines scolaires fonctionnaient dans environ 2 000écoles (soit 25% des écoles primaires publiques) au service de plus de 200 000 élèves(N’da et Tebi, 1998). Le désengagement progressif du PAM, à partir de 1998, a conduit àl’établissement par le Ministère de l’Education Nationale du Programme Intégré de Pérennisationdes Cantines Scolaires (PIPCS). Géré par la Direction Nationale des Cantines Scolaires, avecdes appuis du PNUD et de l’Union Européenne, ce programme vise à aider les communautésrurales et périurbaines à s’approprier progressivement la gestion et l’approvisionnement de leurscantines par la production vivrière, en faisant de celles-ci un vecteur de développement local.Entre-temps, les crises politiques des dernières années ont conduit le PAM à retenir et renforcerson appui aux cantines, notamment dans les zones Nord, Ouest et Centre, où la scolarisation a étéparticulièrement perturbée.En conséquence, le nombre d’écoles et d’élèves couverts a augmenté considérablement.En 2009-10, on dénombrait 5 278 cantines avec 863 637 rationnaires, dont 276 851 relevaient dugouvernement et 586 786 du PAM (Tableau 4.4). En 2010-2011, le nombre de cantines aaugmenté à 5 615, couvrant ainsi 53% des 10 564 écoles primaires publiques du pays et lescantines étaient présentes dans toutes les 26 Directions Régionales de l’Education Nationale(DREN). L’existence des cantines a aussi incité la création de 1 209 groupements de productionde vivres, surtout à Bouaké, Bondoukou et Man dans le cadre du PIPCS, et a créé 35 000emplois, en grande partie féminins, selon le Ministère de l’Education Nationale. Cependant,l’éclatement de la crise après l’ouverture de l’année scolaire 2010-2011 a gravement affecté lescantines scolaires, dont environ 1 900 ont été fermées (MEN et al, 2011).Tableau 4.4 Couverture des cantines scolaires, 2009Zones et programmes Nombre de cantines Nombre de rationnairesGouvernement Cantines régulières 2 109 220 754PIPCS 241 49 333Collèges 23 6 764Total Gouvernement 2 373 276 851PAM Zones Centre, Nord et Ouest 1 028 288 406Zone Sud 1 877 298 380Total PAM 2 905 586 786Ensemble 5 278 863 637Source : MEN.54


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireEn termes d’impact, une étude comparative des écoles avec cantines et des écoles sans cantinessur la période de 1999 à 2002 suggère des effets positifs des cantines sur la scolarisation et laréussite scolaire. Il y a eu un taux d’accroissement moyen des enfants scolarisés de 12,5% dansles écoles avec cantines contre -1,4% dans les écoles sans cantines, un taux d’abandon moyenannuel de 3% contre 5,9% et un taux moyen de réussite au Certificat d’Etudes PrimairesElémentaires (CEPE) de 66,6% contre 61,2% (PNUD, 2003, cité dans MEN, n.d. b).Cependant, le Ministère de l’Education Nationale est conscient de quelques faiblesses descantines. Les rations envoyées aux cantines par le Ministère fournissent actuellement en moyenne40 repas sur 100 jours scolaires par année (celles du PAM fournissent entre 60 et 100 repasselon la disponibilité des vivres) en raison des perturbations déclenchées par le conflit.En outre, la pratique actuelle de prélèvement de 25 FCFA par repas, appelée contribution financièrecommunautaire (CFC), qui s’applique dans toutes les cantines quelles que soient leur sourced’appui, pourrait aller à l’encontre de l’objectif d’alléger la pression du coût de l’éducation sur lesménages pauvres. Comme il a été observé par N’da et Tebi dans leur étude approfondie sur lescantines en Côte d’Ivoire : « Si l’on n’y prend garde, la sélection se fait en fonction de l’argentet donc de ceux qui peuvent payer quotidiennement et qui ne sont peut-être pas parmi les enfantsqui avaient besoin de la cantine pour se présenter comme égaux devant l’école » (1998, p. 86).Dans quelques zones, des élèves identifiés comme étant issues de familles très démuniesbénéficient d’exemptions du paiement de la CFC. Le Plan d’Actions à Moyen Terme dusecteur de l’éducation prévoit le renforcement du programme de cantines scolaires comme unedes mesures clées pour inciter la demande scolaire. Il s’agit surtout de l’extension des cantinesde 40 à 100 jours scolaires par année, surtout dans les zones ayant les niveaux les plus élevésde pauvreté et les taux d’accès et d’achèvement les plus faibles. En ce qui concerne le prélèvementde 25 FCFA par repas, une étude est prévue par le Service National des Cantines Scolairesdu MEN en vue de comprendre mieux si celui-ci constitue une barrière pour les plus pauvreset ainsi de déterminer l’opportunité de maintenir cette contribution financière.La distribution de manuels et kits scolaires est mise en œuvre à l’échelle nationale, mais sonefficacité est quelquefois compromise par les retards de livraison aux écoles. En réduisantle coût de la scolarisation, ce programme d’envergure nationale et universelle (donc non ciblée)vise à améliorer l’accès, la rétention et l’apprentissage des élèves. La distribution des kits (cahiers,stylos, crayons, gomme blanche, etc.), qui sont légèrement différents selon les cycles du primaire(CP, CE et CM), bénéficient à environ 2 millions d’enfants dans plus de 9 000 écoles primairespubliques. En 2010, 2,2 millions de kits ont été achetés, à un coût de 3,4 milliards de FCFA.Les manuels sont prêtés aux enfants à raison de 250 FCFA par manuel pour l’année scolaire.Des études ont démontré le coût-efficacité de ces interventions (Razafindramary et de Galbert, 2010).Cependant, l’arrivée tardive des ouvrages dans les écoles, qui a été constatée par exempleen 2010, combinée aux taux élevés de déperdition, contribuent à réduire l’impact sur les résultatsscolaires.Des mesures de petite envergure ont été prises en faveur de la scolarisation des OEV.Des actions ciblées à cette catégorie d’enfants sont menées par les structures de proximitéétablies par la Direction de la Mutualité et des Œuvres Sociales en Milieu Scolaire (DMOSS) duMinistère de l’Education Nationale (voir ci-dessous), en liaison avec le Ministère de la Santé etde la Lutte contre le VIH/SIDA et en partenariat avec le PN-OEV. De 2008 à 2011, les structureslocales de la DMOSS ont distribué 1833 kits scolaires en faveur des OEV. Le Plan d’Actionsà Moyen Terme du secteur de l’éducation propose d’élargir la distribution de kits à 10 000 OEVpar an. Le PN-OEV a mis en place en 2008 un programme d’octroi de bourses aux OEV dufait du VIH/SIDA, les candidatures étant soumises par les « plateformes » de coordination localedu PN-OEV. Cependant, le nombre de bénéficiaires est extrêmement réduit. Selon la Sous Directiondes Actions Sociales en Milieu Scolaire du DMOSS, seules 70 bourses ont été octroyées auxélèves du secondaire et de l’enseignement technique avec l’appui des ONG entre 2008 et 2011.55


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireL’éducation intégratrice est encore à l’état embryonnaire et nombre d’enfants handicapésrestent exclus. Quelques initiatives sont en place pour assurer l’accueil et l’encadrement desenfants handicapés dans les écoles ordinaires, mais elles restent très isolées. 37 Un programmeplus ambitieux d’éducation intégratrice devait être lancé en 2011 (MFFAS, 2010k) mais reste enattente, faute de financement notamment. L’insuffisance de personnel qualifié demeure égalementl’une des difficultés majeures pour assurer convenablement l’intégration des enfants et adolescentshandicapés dans le système éducatif.Des actions spécifiques promeuvent la scolarisation des filles, mais ne sont pas bienintégrées dans la planification sectorielle. La plupart des mesures et initiatives susmentionnéescontribuent indirectement à promouvoir l’égalité des chances entre filles et garçons, notammentau primaire. Il existe aussi un Plan stratégique de l’éducation des filles (UNGEI et al, 2007), maisce plan semble peu pris en compte dans la planification sectorielle plus large, malgré la prisede quelques décisions visant en particulier les filles : le maintien d’internats pour des filles ausecondaire et une proposition récente (incluse dans le nouveau Plan d’actions à moyen termeet pour financement du Fonds Catalytique) de distribution de rations sèches à 5 000 filles inscritesau niveau CM du primaire dans les zones rurales ayant des taux de scolarisation fémininetrès faibles.Des mesures sont proposées pour lever les obstacles à l’accès liés à l’état civil. Environ15 000 enfants par an voient leur inscription à l’école refusée par manque d’acte de naissance(acte requis pour l’inscription au CP1). Les 15 212 refus d’inscription pour ce motif à la rentrée2008 ont représenté environ 17% des 89 809 enfants de 6 ans n’ayant pas eu accès au CP1cette année-là, selon les données de l’Observatoire du CP1 (un outil de collecte d’informationsrelatives aux difficultés d’accès à la première année du primaire, appuyé par le PNUD) (MEN et al,2010). Pour lever cet obstacle, le Ministère de l’Education Nationale a demandé aux directeursdes écoles de ne plus faire obstacle à l’inscription des enfants au CP1 pour défaut d’actede naissance, tout en établissant des relations avec le projet de modernisation de l’état civilen Côte d’Ivoire (MECCI) de façon à explorer des solutions pratiques à long terme. Cependant,la mise en application dépend de la bonne volonté des directeurs des écoles, ainsi que dunombre de places disponibles à la rentrée scolaire. Le problème se pose avec acuité lors desexamens du CEPE, pour lequel l’acte de naissance est requis, conduisant à l’exclusion de milliersd’enfants chaque année et contribuant ainsi aux taux élevés de déperdition scolaire.La libéralisation de la tenue scolaire a été renversée en septembre 2011. Le port de l’uniformea été libéralisé en septembre 2002 dans le but d’alléger les charges financières des parentsd’élève. Cependant, cette mesure n’a pas été respectée partout, au détriment des ménagespauvres, et le 7 septembre 2011, le Ministère de l’Education Nationale a pris le pas de restaurerle port obligatoire de l’uniforme. L’arrêté n’a pas expliqué la raison de ce changement de politique.Selon des cadres du Ministère, cette mesure a été adoptée dans un souci de réduction desécarts sociaux. Cependant, aucune mesure d’accompagnement, comme la mise sur pied d’unprogramme de distribution gratuite d’uniformes aux enfants de ménages pauvres (à l’instar de cequi existe au Ghana, par exemple) a été adoptée.D’autres mesures protectrices ont été prises, notamment l’interdiction des punitions physiqueset la mise en place d’un réseau de travailleurs sociaux en milieu scolaire. L’interdiction despunitions physiques et humiliantes à l’endroit des élèves des établissements scolaires « sousquelque forme que ce soit » a été établie par l’Arrêté n° 0075/MEN/DELC du 28 septembre 2009.Il est à noter que cet arrêté apporte aussi d’autres protections aux élèves, en interdisant derenvoyer un élève de l’école, du collège ou du lycée pour non paiement des cotisations du COGESou « de toutes autres formes de cotisation », ou pour manque de matériel, et en insistant que« le recouvrement des cotisations doit être fait avec la collaboration des parents d’élèves touten préservant l’intérêt supérieur de l’enfant d’aller à l’école ».37 On peut noter par exemple l’initiative du Centre d’Education de Formation et d’Insertion des Aveugles de Toumodi, le cas de Sikensi (deuxinitiatives soutenus par le Gouvernement), ainsi que l’aménagement de certains établissements scolaires dans neuf Directions Régionales del’Education Nationale (en collaboration avec l’Alliance Save the Children).56


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoirePar ailleurs, la DMOSS, à travers sa Sous-Direction des Actions Sociales en Milieu Scolaire, a créédes structures de proximité animées par des travailleurs sociaux et d’autres agents spécialiséspour mener des actions de politique sociale et sanitaire en milieu scolaire. Des Centresd’Ecoute ont été établis dans les 26 DREN, et des cellules sociales créées dans 75 écolessecondaires publiques. Des correspondants ont été désignés au sein de chaque Inspectionde l’Enseignement Primaire (IEP) pour promouvoir l’action sociale au niveau des établissementsprimaires. Par contre, les enseignants eux-mêmes, qui sont le premier point de contact desélèves, ne reçoivent aucune formation en matière d’action sociale. Mis à part des actions enfaveur du corps enseignant, ce travail social se focalise sur la gestion de cas, notamment l’appuiaux élèves présentant des difficultés d’ordre psychologique, médical ou social et la recherched’appuis pour la prise en charge scolaire d’OEV et d’élèves issus de milieux défavorisés, ainsi quela sensibilisation des élèves sur la santé de la reproduction et le VIH/SIDA, et d’autres activitésde promotion et de surveillance sanitaires. Les structures déconcentrées entreprennent aussi desdémarches pour la facilitation des procédures de délivrance de documents administratifs pourles enfants non déclarés à l’état civil. Cependant, aucune étude n’a été faite pour évaluer l’impactde ces interventions.4.7 La protection sociale et l’accès aux services de santéL’abandon de la gratuité des services sanitaires à la suite de la crise économique desannées 80 a eu des retombées graves sur l’accès des populations aux soins. La périodedu « miracle » économique en Côte d’Ivoire (1960-1980) avait vu la manifestation d’unevolonté politique forte d’assurer l’accès de tous aux soins de santé. Dans le système public desanté, les médicaments et les soins étaient gratuits et entièrement pris en charge par le budgetde l’Etat. Après ces moments de prospérité, la Côte d’Ivoire a connu la crise économique dela décennie 80. L’Etat a abandonné l’option de la gratuité et a instauré un système derecouvrement des coûts des actes de santé et des médicaments à partir des années 90,dans le cadre de la mise en œuvre de l’Initiative de Bamako. Le recouvrement des coûts s’estgénéralisé en 1994 dans tous les établissements publics de santé. Depuis lors se pose avecacuité le problème de l’accessibilité financière des populations aux soins, qui a été amplifiéentre temps par l’appauvrissement de larges couches de la population. La revue sectorielle de lasanté a ainsi noté que « cette initiative, n’ayant été accompagnée ni de mesures adéquates pourla prise en charge des indigents ni d’un système de partage du risque maladie et de financementcommunautaire, a souvent abouti à une baisse de l’accessibilité des démunis aux soins desanté » (Banque Mondiale, 2010b, p. 67). Le système du recouvrement des coûts est resté envigueur jusqu’à la déclaration de la gratuité exceptionnelle des services sanitaires publics en avril2011 à la fin du conflit postélectoral. Cette gratuité a couvert la population générale jusqu’en janvier2012, en attendant l’adoption de nouvelles mesures à long terme pour rendre les soins de santéfinancièrement accessibles et en garantir la soutenabilité par l’Etat (voir ci-dessous).Quelques rares cas de gratuité, financés essentiellement par l’aide extérieure, ont faitexception à la règle. C’est notamment le cas des vaccinations lors des campagnes du PEV,financées principalement par l’<strong>UNICEF</strong> et le GAVI. Le traitement de la tuberculose est depuislongtemps partiellement gratuit. Une participation financière est toujours demandée aux patientstuberculeux. Cette participation se fait par l’achat de timbres antituberculeux émis par le ComitéNational de Lutte contre la Tuberculose pour un montant de 5 000 FCFA pour la durée dutraitement. Cette somme d’argent, qui ne représente qu’une proportion très faible du coût réeldes médicaments, est demandée avant la mise sous traitement. Le malade a la possibilité de payercette contribution en plusieurs fois, et les malades indigents sont quelquefois exonérés depaiement sous recommandation du service social dans les hôpitaux (Msellati et Blibolo, 1996).A partir de 2008, les traitements en ARV des malades du SIDA, qui sont entièrement financéspar les bailleurs de fonds, sont devenus gratuits malgré des problèmes épisodiques de rupturesde stock de ces médicaments. Le Ministère de la Santé et de la Lutte contre le SIDA appuiela prise en charge médicale des OEV du fait du VIH/SIDA et de leurs familles. Le PN-OEV a signéune convention avec les services de santé scolaire et universitaire (54 centres en milieu urbain)57


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoirepour fournir des consultations gratuites aux OEV du fait du VIH/SIDA et pour leur fournir desmédicaments essentiels à coût préférentiel.Un système d’exemptions des frais médicaux en faveur des indigents existe mais reste deportée très limitée. Certaines structures sanitaires, surtout les hôpitaux, disposent de travailleurssociaux qui servent d’interface avec les Centres Sociaux pour les usagers des structures sanitairesnécessitant une assistance sociale. Ces services sociaux de santé sont chargés principalementde poser le diagnostic de l’indigence et d’accorder l’exemption de paiement aux malades indigentsqui en font la demande dans les établissements sanitaires publics (Blibolo, 2010). Les forces deces services se situent à plusieurs niveaux : ils sont reconnus dans les établissements de santécomme les mieux indiqués pour reconnaître les vrais indigents et leur apporter assistance, ils sontanimés par des fonctionnaires spécialement formés pour assister les indigents, et ils disposentdorénavant de critères simples pour le ciblage des indigents. En effet, depuis 2010, il existeun guide d’utilisation des critères d’exemption aux malades indigents dans les établissementsde santé. Ces critères d’exemption ont été implantés dans les différents services sociaux de santédu district autonome d’Abidjan et y sont en principe utilisés (MSHP et MFFAS, 2010). Cependant,ce dispositif présente également de nombreuses faiblesses : les services sociaux de santé sonttrès peu connus du public ; ils disposent souvent de peu de moyens (voire aucun) pour aiderles malades indigents ; et seuls les services sociaux de santé d’Abidjan ont commencé à appliquerles critères de ciblage. Selon une étude récente, « dans la pratique, la portée de ce dispositif estquasi nulle, faute d’un budget d’aide sociale disponible pour les malades indigents » (MFFAS,2010g, p. 65).Compte tenu de la politique de recouvrement des coûts et de la faible offre de servicespublics, le financement de la santé s’est reposé principalement sur les dépenses desménages. Les Comptes Nationaux de la Santé (CNS), élaborés en Côte d’Ivoire pour lapremière fois pour les années 2007 et 2008 (MHP, 2010), fournissent des données essentiellespour l’analyse du financement du système de santé. Cette source indique que les dépensestotales de santé (DTS) en 2008 étaient de 613,4 milliards de FCFA, soit 5,7% du PIB ouencore 29 827 FCFA (66 dollars américain) par habitant. Bien que ce niveau de dépensespar tête soit le troisième plus élevé en Afrique de l’Ouest, après le Cap Vert (152 dollars en2008) et le Nigéria (73 dollars) 38 , la répartition des dépenses est très régressive. En effet, selonles données des CNS pour 2008, les ménages effectuent 68,9% des DTS, par rapportà seulement 16,6% pour le secteur public, 12,9% pour les PTF et 1,6% pour le secteur privé(hors ménages). Ainsi, les ménages dépensent sept fois plus pour la santé que ne le font lesPTF et quatre fois plus que ne le fait l’Etat (Figure 4.2). Les dépenses publiques de santé sontparmi les plus faibles dans la région ouest africaine en pourcentage du PIB (0,9%) et enpourcentage des dépenses publiques totales (4,7%) 39 , et sont affectées principalement auniveau tertiaire du système de santé (69% entre 2000 et 2009) et dans une moindre mesure auniveau secondaire (24%), au détriment du niveau primaire (7%). La faiblesse de la contributiondu financement public aux DTS, surtout au niveau primaire, limite énormément le rôle potentielde l’Etat dans la redistribution des dépenses de santé des plus riches vers les plus pauvres.En outre, le faible niveau de mutualisation des risques maladie implique que la quasitotalitédes dépenses des ménages sont effectuées directement au moment de la prestationde service. Moins de 4% des dépenses des ménages, soit 2,6% des DTS, sont prépayées,c’est-à-dire effectuées au travers de cotisations aux établissements d’assurance. Commeil a déjà été discuté dans la section 4.2, l’assurance maladie est limitée dans les faits à une infimeminorité d’ivoiriens employés dans le secteur public et dans quelques grandes entreprises, et àleurs ayant-droits. Selon les CNS de 2008, 1,8% des dépenses des ménages affectés àla santé passent par la MUGEFCI, 1,2% par d’autres mutuelles du secteur public, 0,5 % par la38 Ces données proviennent de la base de données (World Development Indicators) de la Banque Mondiale. En ce qui concerne la part de la santédans le PIB, la Côte d’Ivoire est dépassée en 2008 par le Burkina Faso (5,9%), le Ghana (7,8%), la Guinée Bissau (6,0%), le Libéria (11,9%), laSierra Leone (13,3%) et le Togo (5,9%).39 En effet, selon les World Development Indicators de la Banque Mondiale, seules la Guinée et la Sierra Leone présentent des dépenses encoreplus faibles : respectivement 0,7% et 0,9% du PIB.58


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireCNPS et 0,3% par les compagnies d’assurance privée. Il est à noter que, dans le cas de la CNPS,l’assurance maladie se limite à la prise en charge des frais de soins médicaux liés à l’accouchement(sous la branche des prestations familiales) et des frais relatifs aux accidents de travail et auxmaladies professionnelles. Les mutuelles communautaires sont très peu développées en Côted’Ivoire, en comparaison des pays comme le Bénin, le Mali et le Sénégal. La Côte d’Ivoire est ainsiun des pays de la sous-région où la contribution des paiements directs des ménages (ou « out ofpocket payments ») aux DTS est la plus élevée. Parmi les pays de la CEDEAO, seules la Guinéeet la Sierra Leone présentaient une contribution des ménages plus importante selon les donnéesde la Banque Mondiale de 2008 (Figure 4.2). Selon l’ENV de 2008, à peine 8% des ménagesont bénéficié d’une prise en charge partielle ou intégrale de leurs frais de santé, que ce soit parune assurance, des parents, l’Etat, une ONG ou autre. Par ailleurs, cette prise en charge est trèsinégalitaire : elle ne bénéficie qu’à 5,2% des ménages appartenant au quintile le plus pauvre contre13,5% des ménages du quintile le plus riche (Banque Mondiale, 2010b).Figure 4.2 Dépenses de santé par sources de financement (%), 2008Sources : CNS 2007-2008 (MSHP, 2010); Banque Mondiale, World Development Indicators, pour les autres pays.Les taux d’utilisation des services de santé sont faibles. La revue sectorielle de la santé a montréque le taux de fréquentation des services sanitaires publics reste un des plus faibles d’Afriquede l’Ouest. Pour les consultations curatives dans les établissements publics, tous âges confondus, lamoyenne de fréquentation a varié de 0,16 à 0,21 entre 2001 et 2008, alors que l’OMS recommandeun taux de 1, c’est-à-dire en moyenne un contact par an par habitant. Ce taux de fréquentationvarie énormément d’une région à l’autre, de 0,006 dans la Région des Montagnes (2001) à 0,58dans la Région du N’Zi Comoé (2003), en raison probablement des inégalités dans la répartitiongéographique des établissements sanitaires et du personnel de santé, ainsi que des disparités dansles taux de pauvreté par régions (Tableau 3.4). Le Chapitre 3 a déjà mis en relief les faibles taux detraitement des maladies chez les enfants, notamment pour le paludisme, qui est la première causede mortalité infanto-juvénile, ainsi que les faibles taux d’accouchement en établissements sanitaires.Environ 66% des dépenses de santé des ménages s’effectuent dans les officines (pharmaciesprivées, vendeurs informels, etc.). Cela confirme que les ménages dépensent leur argent plutôtdans les pharmacies, et moins dans les structures de santé publiques, qui restent peu utilisées.La faible qualité des services publics se caractérise notamment par les ruptures de stocksde médicaments qui obligent les patients à recourir aux pharmacies privées beaucoup plus chères.Tout le système public d’acquisition et de distribution de médicaments a connu des perturbationsdu fait des dettes des établissements sanitaires à l’égard de la Pharmacie de Santé Publique (PSP)59


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoireet des dettes de celle-ci auprès de ses fournisseurs. Selon la revue sectorielle, seulement 20% desmédicaments proviennent de la PSP et donc du secteur public, et en janvier 2009, le taux derupture de médicaments était de 35% (Banque Mondiale, 2010b).Les coûts constituent une importante barrière à l’accès, surtout pour les plus pauvres.L’importance du facteur coût est mise en évidence par des données de l’ENV de 2008 quimontrent que la part des ménages du premier quintile ayant eu des dépenses sanitaires dans lestrois mois précédant l’enquête (56,5%) était moindre que celle du cinquième quintile (69,3%).Notons que globalement, environ 70% des dépenses de santé des ménages sont consacrées àl’achat de médicaments, quelque soit le quintile. Compte tenu des ruptures de stocks dans lesstructures sanitaires publiques, les patients, y compris les plus pauvres, sont obligés de recouriraux pharmacies privées (en moyenne 42% plus chères), aux vendeurs de la rue ou aux guérisseurstraditionnels (les médicaments traditionnels constituant 13% des dépenses de santé des ménages).En ce qui concerne les consultations médicales, l’ENV a trouvé que les plus riches (du cinquièmequintile) consultaient plus que les plus défavorisés du premier quintile (16% contre 11%). Parmi ceuxqui ne consultent pas, 58% attribuent ceci au coût estimé trop élevé, 9% à l’éloignement, et 14%au fait que la consultation n’est pas jugée nécessaire. Par ailleurs, les plus pauvres ont davantagerecours aux guérisseurs traditionnels que les plus riches (18% contre 6%) et se rendent beaucoupmoins chez le médecin (27% contre 52%). Les données de la MICS de 2006 confirment que lespauvres ont une fréquentation des services de santé généralement plus faible comparée au quintilele plus riche. Par exemple, pour les infections respiratoires aiguës, les enfants des ménages lesplus pauvres ont trois fois moins de chance de recourir à une consultation par rapport aux enfantsdu quintile le plus riche.De plus, la distribution géographique des ressources, concentrées dans les villes, aboutit àun système de soins particulièrement défavorable aux pauvres, qui sont concentrés dans leurécrasante majorité en milieu rural. Le personnel de santé est fortement concentré dans lesgrandes villes, avec 60% du personnel dans la seule région des Lagunes (Abidjan), régionqui abrite également 13% des structures sanitaires publiques, dont 11 des 13 établissementspublics nationaux. Tandis qu’il y a un médecin pour 5695 habitants au niveau national, cette ratioest d’un médecin pour 20 000 habitants en excluant Abidjan. Seulement 44% de la populationvit à moins de 5 km d’un établissement sanitaire, tandis que 27% vit à une distance de 5 à 15 km,et 29% à plus de 15 km (Banque Mondiale, 2010b).Selon l’ENV de 2008, environ 18% des ménages ont subi des dépenses dites « catastrophiques »,définies par l’OMS comme des dépenses en santé supérieures à 40% des dépensesnon-alimentaires (ou de subsistance). La proportion des ménages confrontés à des dépensesde santé catastrophiques est beaucoup plus élevée parmi les ménages les plus pauvres(Figure 4.3). De même, le pourcentage des ménages ayant eu des dépenses catastrophiquesen santé varie en fonction de la provenance géographique (par exemple, les dépenses catastrophiquesconcernent presque 40% des ménages en Moyen Cavally et autour de 8% dansla Région des Lacs), de la présence d’une personne âgée (28,75% des ménages avec personneâgée ont eu des dépenses catastrophiques), et du sexe du chef de ménage (35 % des ménagesgérés par une femme ont été affectés par des dépenses catastrophiques contre 14% des ménagesdont le chef est un homme).Tous ces constats démontrent le manque de protection sociale contre le risque maladie.Lorsque les ménages doivent soudainement faire face à un besoin de financement qui excèdeleur capacité financière (de part leurs propres ressources, avec des appuis de parents ou amis,ou via des emprunts supportables), ils atteignent alors un niveau de dépenses catastrophique,qui risquent de les appauvrir. La fréquence des dépenses catastrophiques et l’importance desdépenses directes des ménages au point de prestation des services (96% de toutes les dépensesde santé des ménages) indiquent le faible niveau de protection sociale contre le risque maladie.En effet, les mécanismes d’assurance et de prépaiement bénéficient à une partie infime de lapopulation, limités essentiellement aux fonctionnaires, aux employés du secteur privé formel et en60


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoiregénéral, à la partie la plus riche de la population, laissant la masse de la population et les pluspauvres notamment sans protection.Figure 4.3 Dépenses catastrophiques par quintile de richesse, 2008Sources : ENV 2008 et analyse BMLa mise en place d’un système d’assurance maladie universelle, envisagée en 2001, visait àoffrir une protection contre les risques maladie basée sur la solidarité. Conscient du fait quele système de recouvrement des coûts avait conduit à une situation de fortes inégalités dansl’accès aux soins de santé (en l’absence d’un système étendu de solidarité), le Ministère dela Santé, en collaboration avec des PTF, avait lancé plusieurs études au milieu des années 90pour tenter d’élaborer une stratégie de financement de la santé qui soit davantage basée surles solidarités. Cette problématique était déjà présente dans le Plan National de DéveloppementSanitaire (PNDS) 1996-2005. Plusieurs expériences pilotes ont été tentées, mais elles n’ont pasabouti à une mise en œuvre concrète et à l’échelle. Toujours est-il qu’un régime d’AssuranceMaladie Universelle (AMU) a été créé juridiquement en octobre 2001 par la promulgation dela Loi n° 2001-636 du 9 octobre 2001 portant institution, organisation et fonctionnement de l’AMU.• Dans ses objectifs, l’AMU visait à « améliorer l’état de santé des populations en assurant sansexclusion l’accessibilité financière de tous aux soins de santé », réduire les disparitésrégionales et économiques, « réaliser une meilleure solidarité nationale » et instituer à termeun système de sécurité sociale couvrant l’ensemble des risques sociaux étendus à l’ensemblede la population.• L’AMU reposait sur quelques principes de base, parmi lesquels la solidarité nationale(cotisation par tous et pour tous, et gestion collective des risques liés à la maladie et à lamaternité), l’affiliation obligatoire, et la couverture de tous les réSIDAnts (ivoiriens commeétrangers), ainsi que, dans certaines conditions, des ivoiriens résidents à l’extérieur. Unecouverture obligatoire de base serait assurée par des caisses nationales, ayant le statutd’institutions de prévoyance sociale et dotés de l’autonomie financière, tandis que lesmutuelles de santé et les compagnies d’assurance privée seraient responsables demécanismes d’assurance complémentaire. Tous les individus seraient assurés sociauxà part entière (pas de notion d’ayant droit) et à ce titre seraient assujettis au versementd’une contribution (à l’exception des enfants de moins de 5 ans). L’AMU serait baséesur le principe du tiers-payant avec tickets modérateurs.• La couverture obligatoire de base assurerait la prise en charge des consultations, desexamens de laboratoire, des actes chirurgicaux, des hospitalisations, des médicamentset des soins dentaires. Les grandes endémies et certaines maladies chroniques et coûteusesseraient prises en charge plutôt dans le cadre des politiques et programmes nationaux delutte contre ces maladies.61


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoire• En termes d’architecture institutionnelle, la loi a prévu deux régimes distincts (le régimeAMU du secteur agricole et le régime AMU des autres secteurs) et deux caisses correspondantes: la Caisse Sociale Agricole (CSA), à laquelle seraient affiliés les exploitants agricoles,les pêcheurs et les éleveurs ; et la Caisse Nationale d’Assurance-Maladie (CNAM), quiciblerait les salariés du secteur privé, les fonctionnaires et agents de l’Etat, les travailleurs dusecteur informel, les élèves et étudiants, et toutes les autres catégories de la population,incluant les « demandeurs sociaux » (les enfants en circonstances extrêmement difficiles,les handicapés, les personnes âgées, etc.). Chaque caisse devrait effectuer l’identificationet l’immatriculation des bénéficiaires, assurer la gestion collective des risques liés à lamaladie et à la maternité, veiller au maintien de l’équilibre financier de son régime, assurer lecontrôle médical en matière de soins et l’application de la tarification établie, et contribuer auxactions de prévention, d’éducation et d’information de nature à améliorer l’état de santé desaffiliés. Une troisième structure, le Fonds National de l’AMU (FNAMU), serait en charge durecouvrement, de la gestion et du placement des ressources financières de chacun desdeux régimes obligatoires, ainsi que du paiement des prestations. Autrement dit, il assureraitla gestion de trésorerie des deux régimes, tout en conservant l’individualisation des comptabilitésde chacune des deux caisses. L’Etat devrait conclure des conventions d’objectifs etde gestion avec les caisses et le FNAMU pour des périodes minimales de trois ans.• La loi a répertorié diverses sources de financement du système, parmi lesquelles : lescotisations ; les revenus des placements ; les dons et legs ; les emprunts ou obligations ; et« éventuellement des contributions exceptionnelles au titre du budget général de l’Etat »,mais en fournissant peu d’informations plus détaillées (taux, modalités, etc.), renvoyées àdes arrêtés ultérieurs.L’AMU n’a pas pu aboutir dans la pratique. Les principaux textes fondateurs ont été adoptés,à savoir, la Loi n° 2001-636 du 9 octobre 2001, ainsi que des décrets établissant les troisinstitutions prévues : le Décret n° 2002-193 du 2 avril 2002 portant création de la CSA ; leDécret n° 2002-194 du 2 avril 2002 portant création de la CNAM ; et le Décret n° 2002-195 du2 avril 2002 portant création du FNAMU. Les modalités de fixation et de recouvrement descotisations du secteur agricole ont été définies (Décret n° 2002-357 du 24 juillet 2002) et uncomité de pilotage de l’AMU a été établi (Décret n° 2004-95 du 29 janvier 2004). Des projetspilotes de mise en œuvre avaient été envisagés. Mais l’AMU n’a jamais vu le jour dans les faits,sauf à titre pilote dans quatre zones agricoles. La Loi n° 2001-636 du 9 octobre 2001 est toujoursen vigueur, mais n’a pas été mise en pleine application.Le PNDS 2009-2013 a donné peu d’attention aux défis de l’accessibilité financière auxsoins. Toute en reconnaissant que « la baisse de l’utilisation des services de santé s’expliqueen partie par la faible accessibilité financière des populations aux services de santé due,entre autres, aux coûts élevés des prestations des services et au faible pouvoir d’achat dela majorité de la population », le Plan National de Développement Sanitaire 2009-2013 (MSHP,2008) a proposé peu d’actions concrètes ou nouvelles pour s’adresser à ce défi. Ce plan asimplement répété l’engagement du secteur de la santé « d’appuyer la mise en œuvre de l’assurancemaladie universelle », dont la mise en œuvre « relève du Ministère en charge des Affaires Sociales »,sans donner plus de détails. En fait, c’est le Ministère en charge des Affaires Sociales plutôtque le Ministère en charge de la Santé qui dirige les préparatifs du système d’assurance maladie :d’abord AMU et ensuite, depuis 2011, le projet de « couverture maladie universelle » (CMU).Le PNDS a aussi proposé de garantir des coûts de prestations sanitaires économiquementabordables pour les populations, par une révision de la tarification des actes des professionnels dela santé et des hospitalisations, de promouvoir le développement d’un secteur sanitaire privé plusaccessible, de « développer des mécanismes de solidarité » et de « prendre en charge les indigents ».62


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireEncadré 4.6 Le dossier technique de l’AMU était-il bien conçu ?La force indiscutable du projet de l’AMU a été son caractère opportun : tout le monde reconnaissait que pouraméliorer le problème de l’accès pour tous aux soins il fallait une couverture maladie universelle. Le fait quel’AMU n’ait pas pu aboutir est généralement attribué à la situation politique. Cependant, on peut se demanderpourquoi, à la suite de la création du Comité de Pilotage en 2004 et malgré les accords de Ouagadougouen 2005, les préparatifs se sont effectivement ralentis.Mis à part les questions de nature politique ou de gestion du projet, il faut reconnaître la nature ambitieusede l’initiative et l’existence de quelques défis majeurs, notamment en ce qui concerne le financement dusystème et la mise en œuvre administrative dans un pays où le secteur informel est largement prépondérant.Jusqu’ici, malgré des tentatives similaires dans plusieurs pays, seuls deux pays d’Afrique subsaharienne, àsavoir le Ghana et le Rwanda, ont réellement réussi à mettre en place des systèmes nationaux d’assurancemaladie, avec des taux de couverture de la population d’environ 76 % au Rwanda en 2007 (OPM, 2011b)et 62% au Ghana en 2010 (Andoh-Adjei, 2011). Dans le cas du Rwanda, ce succès est souvent attribué àun fort élément de dirigisme politique, qui est difficile à répliquer ailleurs, tandis que dans le cas du Ghanades facteurs clef ont été le fort niveau d’engagement politique, dans un contexte de concurrence électorale(Agyepong et Adjei, 2008) et une capacité technique relativement bien développée.Un autre facteur déterminant dans le cas ghanéen a été le niveau très élevé de subventionnement de l’Etat, àtravers une taxe spéciale, le « National Health Insurance Levy » (ajoutée à la TVA au taux de 2,5%), qui en 2010a contribué 65% des ressources du système national d’assurance maladie (NHIS) ghanéen. Les cotisationsdans le secteur informel ont contribué à à peine 4,4% des ressources, le reste venant essentiellement desfonds transférés par le système de sécurité sociale du secteur formel, ainsi que des intérêts sur les fondsplacés (Andoh-Adjei, 2011).Cette forte contribution de la fiscalité a permis l’introduction d’exemptions de cotisations à large échelle. Sontexonérés de paiements de cotisations les femmes enceintes, les enfants de moins de 18 ans, les personnesâgées de 70 ans et plus, les indigents et les pensionnaires du système de sécurité sociale. Les affiliés dansces catégories, donc exemptés des paiements de cotisations, constituaient 64,4% des 18 millions adhérentsau NHIS en 2010. Ces exemptions ont probablement contribué à réduire les inégalités constatées au coursdes premières années dans les adhésions au NHIS, qui selon une enquête nationale de 2008 (NDPC, 2009),étaient plus de deux fois plus élevées dans le cinquième quintile (64%) que dans le premier quintile (29%).Dans le cas de l’AMU, les mécanismes de financement n’ont jamais été clairement définis. Cependant, leprincipe de « cotisation par tous et pour tous », retenu comme un des principes de base de l’AMU, et lefaible accent mis sur les financements de l’Etat, vu comme des « contributions exceptionnelles », laissentà croire que l’AMU, comme elle a été conçue, aurait eu d’énormes difficultés à faire adhérer et cotiserles millions d’ivoiriens pauvres, compte tenu de leur faible capacité contributive. En outre, l’importance dusecteur informel, où le prélèvement à la source est impossible, aurait rendu très lourd le fardeau administratifd’un modèle basé sur le paiement régulier de cotisations. En fait, la petite expérience pilote de l’AMU dansquatre zones agricoles pilotes a mis en évidence les difficultés liées au recouvrement des cotisations.Une approche basée sur le développement de mutuelles de santé communautaires sembleencore moins prometteuse que celle d’un système d’assurance maladie nationale. En ce quiconcerne le développement de mécanismes de solidarité, le PNDS 2009-2013 s’est axé en partiesur l’appui au « développement des mutuelles communautaires de santé », vu comme axe complémentaireau développement de l’AMU de sorte à maximiser la proportion de population couverte.Comme il a déjà été mentionné, les mutuelles de santé communautaires sont très peu développéesen Côte d’Ivoire. Elles se heurtent aux mêmes problèmes de faible capacité financière despopulations pauvres et de barrières socioculturelles à la pratique de l’assurance contre les risquesmaladies (Bamba et al, 2004). Les micro-assurances ne permettent qu’une mise en commun desrisques limitée du fait de leur petite taille et des faibles cotisations. De plus, elles peuvent engendrerune charge proportionnellement plus difficile à supporter pour les personnes les plus pauvreslorsque les cotisations sont uniformes, c’est-à-dire non progressives (non liées au niveau durevenu), ce qui est généralement le cas dans les mutuelles. Ces structures souffrent également du63


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoirepourcentage du PIB et en pourcentage des dépenses publiques totales) ; la résolution desproblèmes du système d’approvisionnement et de distribution des médicaments (de la PSP) ; et lerenforcement des ressources humaines.Figure 4.4 Utilisation des services sanitaires publics, mai 2010 et mai 2011Source : MSLS (2011).65


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoire5 Contexte politique, institutionnel et financierPOUR le renforcement de la protection sociale5.1 Le cadre politiqueLa Stratégie de Relance du Développement et de Réduction de la Pauvreté (SRDRP), adoptéeen 2009 pour orienter les actions du Gouvernement sur la période 2009-2015, a donné uneplace importante à la protection sociale. Cette stratégie a comme objectif ambitieux la réductionde l’incidence de pauvreté de 48,9% en 2008 à 33,6% en 2013 et 16% en 2015, afin d’atteindrel’OMD 1 relatif à l’élimination de la pauvreté extrême et de la faim. Parmi les trois « impacts » attendusde la Stratégie, l’impact 3 a porté sur « un bien-être social pour tous », dans le but d’inverserles tendances de dégradation de la plupart des indicateurs sociaux et de permettre à la Côte d’Ivoired’atteindre les OMD. La protection sociale a été retenue comme une des composantes de cet axede la Stratégie (RCI, 2009a). Depuis l’adoption de la SRDRP en 2009, la situation économique etsociale s’est encore gravement détériorée en raison de la crise postélectorale et la Stratégieest actuellement en cours d’actualisation. La réduction de la vulnérabilité des populations estencore plus urgente et prioritaire et les mesures de renforcement de la protection sociale devraientpar conséquent trouver une place de choix dans la nouvelle version de la Stratégie.La SRDRP a pris position pour « étendre la protection sociale à l’ensemble de la populationet singulièrement aux couches les plus vulnérables » (RCI, 2009a, paragraphe 800). Cette prisede position implique un renforcement radical du dispositif de protection sociale, par rapportà la situation actuelle de très faible couverture décrite dans le Chapitre 4. Plus spécifiquement,cette partie de la SRDRP a prévu « la mise en place d’un dispositif de sécurité sociale efficaceen vue d’assurer la prise en charge des personnes vulnérables ayant un faible pouvoir d’achat ».Bien que les mesures spécifiques envisagées ne soient pas précisées, on peut supposer qu’ils’agit de l’extension de la sécurité sociale au secteur informel, secteur dans lequel exercentla plupart des ivoiriens les plus vulnérables. D’autres mesures prévues, très générales,s’appliquent à des groupes vulnérables spécifiques, notamment les personnes handicapées 41 ,les personnes âgées 42 , les enfants vulnérables (enfants de la rue, enfants victimes de traite,enfants victimes d’exploitation et/ou astreints à des travaux dangereux, enfants vivant avec unhandicap) et les personnes déplacées. Les autres mesures concerne le renforcement institutionnel,la ratification des instruments juridiques internationaux (et l’harmonisation des textes nationauxavec ceux-ci) et la prise en compte du genre dans tous les programmes et projets de développement.Mais ces engagements n’ont pas été reflétés dans l’octroi des ressources. Le but d’étendrela protection sociale « à l’ensemble de la population » ne s’est malheureusement pas traduit enfinancement conséquent dans les estimations des coûts de la mise en œuvre de la SRDRP, ce quia rendu cette composante de la Stratégie effectivement caduque dans les faits. Il est étonnant de voirque, malgré la nature assez ambitieuse des engagements exprimés, les coûts relatifs à la protectionsociale prévus sur la période 2009-2015 se sont élevés à seulement 6,86 milliards de FCFA,soit 980 millions par an en moyenne ou 0,04% des coûts totaux de la Stratégie qui se sontélevés à 17 645 milliards de FCFA (RCI, 2009a).41 A cet égard il est à noter que la Côte d’Ivoire a adopté une loi d’orientation en faveur des personnes handicapées (loi n o 98-594 du 10 novembre1998), qui incluent des dispositions relatives à l’éducation et à la formation, à l’emploi et à la vie sociale des personnes handicapées. LaDéclaration de Politique Nationale en Faveur des Personnes Handicapées reconnait toutefois que cette loi « ne connait pas de manifestationréelle dans les faits » (MFFAS, 2010j, p. 12) (voir également la section 4.5.5 de ce rapport). Le but de cette Déclaration de Politique est celuid’« œuvrer pour la prise en compte du handicap dans tous les secteurs de la vie publique et privée en vue de susciter la pleine participation detous les ivoiriens à la construction du pays ». Elle a cinq axes d’intervention : (1) la protection sociale et les droits des personnes handicapées(notamment par l’élimination de la discrimination et de l’exclusion à l’égard des personnes handicapées) ; (2) l’éducation et la formation (surtoutpar l’approche de l’éducation « intégratrice ») ; (3) la santé (y compris la prévention des handicaps et la facilitation de l’accès des personneshandicapée aux services sanitaires) ; (4) l’emploi (notamment des mesures d’incitation et de quotas, appuyées par des fonds de soutien) ;et (5) l’environnement et le cadre de vie (y compris des mesures de facilitation de l’accès physique aux services publics, aux logements, auxtransports et aux sports, loisirs, activités culturelles et médias). La politique dans ce domaine est davantage développée dans le Plan Stratégiquedu Programme National de Réadaptation à Base Communautaire (PN-RBC), qui s’inscrit dans un cadre de développement communautaire pourla réadaptation, l’égalisation des chances et l’intégration socioéconomique des personnes handicapées (MEMEASS, 2011d).42 Un processus d’élaboration d’une Politique Nationale en Faveur des Personnes Agées est en cours depuis quelques années (voir MFFAS,2007d). La SRDRP prévoit des mesures (non identifiées) « dans le cadre de la redistribution des richesses nationales », allusion possible àl’adoption éventuelle d’un régime de pensions sociales de vieillesse.66


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireLa nature vague de la plupart des engagements traduit le fait qu’il n’y a pas de cadre politiquecohérent de la protection sociale fixant des priorités claires qui seraient liées à la planificationbudgétaire par une approche programmatique et à moyen terme. Le document de cartographieet analyse du système de protection de l’enfant a remarqué que l’Etat ivoirien ne disposeactuellement d’aucune politique cadre pour orienter l’aide sociale en direction des enfants etde leurs familles. Les politiques ne clarifient pas quelle aide doit être fournie ni dans quellescirconstances. Selon cette analyse, « ce manque de politique cadre crée un vide qui est investipar des projets et des initiatives disjointes, opérant de façon indépendante » (MFFAS, 2010g, p. 56).Il s’agit notamment des projets qui drainent la plupart des financements externes, tels que :le PN-OEV, conçu de manière étroite pour se focaliser uniquement sur les enfants rendusvulnérables du fait du VIH/SIDA en excluant la majorité des enfants vulnérables en raison d’autresfacteurs ; les projets VBG ; et les initiatives dans le cadre de la lutte contre la traite et les piresformes de travail des enfants. Le document de cartographie et analyse mentionne le commentairejuste que « l’ensemble de ces interventions destinées aux enfants vulnérables devient la politiquenationale de facto, mais elle ne constitue en aucune manière une politique concertée, cohérenteet stratégique. » (MFFAS, 2010g, p. 56) Le processus d’élaboration d’un document cadre nationalen matière de protection de l’enfant, dont le démarrage est prévu en novembre 2011, devraitrépondre à ce défi. Cependant, le problème soulevé par cette analyse s’applique à l’ensemblede la protection sociale et pas uniquement à la protection de l’enfant. A l’exception de quelquessecteurs spécifiques (notamment celui de l’éducation), il n’existe actuellement aucun cadrepolitique holistique et cohérent qui définisse les priorités de la protection sociale, établisseles lignes directrices des actions à entreprendre et oriente l’octroi des ressources à traversle Cadre des Dépenses à Moyen Terme (CDMT) et le budget de l’Etat. C’est la nécessité mêmede relever ce défi qui justifie le processus d’élaboration de la Stratégie Nationale de ProtectionSociale actuellement en cours.La politique éducative a mis en relief les actions de type « protection sociale » pour promouvoirl’accès à l’école et la rétention des enfants pauvres. La SRDRP prévoit le renforcement dela gratuité des manuels scolaires, la promotion de la sensibilisation des parents à la scolarisationde la petite fille, l’extension de la mise en œuvre du Programme Intégré de Pérennisation des CantinesScolaires afin de couvrir tous les élèves, la mise en œuvre de la politique d’éducation intégratrice,et le renforcement du système d’état civil. Ces mesures, qui visent à réduire les charges de lascolarisation et à inciter la demande, complémentant ainsi les mesures envisagées du côté del’amélioration de l’offre et de la qualité de l’enseignement, ont été reconduites et davantagedéveloppées dans la Lettre de Politique Educative adoptée le 3 juin 2010, ainsi que dansle Plan d’Actions à Moyen Terme du secteur de l’éducation, révisé à la suite de la crisepostélectorale pour couvrir la période 2012-2014. Comme il a déjà été discuté dans la section4.6 de ce rapport, le Plan propose de renforcer les mécanismes de subventionnement desécoles pour assurer la gratuité effective de l’enseignement primaire, de renforcer le programme decantines scolaires, de poursuivre la distribution gratuite de kits scolaires, d’introduire la distributionde rations alimentaires sèches aux jeunes filles (comme moyen d’incitation au maintien des fillesà l’école), et de supprimer les obstacles à l’inscription à l’enseignement primaire liés au manque depossession d’extraits d’acte de naissance. Le plan propose d’introduire des mécanismes de ciblagegéographique pour identifier des zones prioritaires, fortement marquées par la pauvreté, lavulnérabilité et de faibles taux d’accès et d’achèvement, tout en évitant un ciblage individueldes enfants au sein des écoles afin de ne pas stigmatiser les enfants bénéficiaires (MEN et al, 2011).La SRDRP a proposé de doubler la part des dépenses publiques allouées à la santé et ainclus quelques mesures de renforcement de l’accessibilité aux soins et de protection sociale,notamment en ce qui concerne le VIH/SIDA. Dans sa section sur le renforcement du systèmede santé et de la lutte contre les maladies, la SRDRP a inclus principalement des mesures derenforcement de l’offre des services sanitaires, ainsi que des systèmes d’approvisionnementen eau et d’assainissement. La Stratégie prévoit également d’augmenter la part des dépensespubliques de santé de 5% en 2008 à 10% en 2013. Ce taux, s’il était effectivement atteint, aideraità rééquilibrer les contributions publiques et privées au financement de la santé, qui reste jusqu’ici67


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoirefortement à la charge des ménages. La SRDRP intègre aussi quelques mesures du côté del’accès financier et de la protection. C’est notamment le cas de la sous-section concernant lepassage à échelle des services de prise en charge des personnes infectées et/ou affectéspar le VIH/SIDA, comprenant notamment le traitementpar les ARV, rendus gratuits depuis 2008et le soutien nutritionnel et socioéconomique. Ces mesures sont davantage développées dansle Plan Stratégique National de Lutte contre l’Infection à VIH, le SIDA et les IST 2011-2015(CNLS, 2011), dans le Plan Stratégique National de Prise en Charge des OEV 2007-2010 (MFFAS,2007a) et dans le Document de Politique Nationale pour les Soins et Soutien aux Orphelinset Autres Enfants Rendus Vulnérables du Fait du VIH/SIDA et leurs Familles en Côte d’Ivoire(MFFAS, 2010b). Dans la SRDRP, l’Etat s’engage aussi à « poursuivre sa politique sociale de l’eaupotable en maintenant la péréquation du prix de l’eau afin de permettre aux populations les plusdémunies de s’abonner au réseau SODECI » (paragraphe 796). Cet engagement est traduit dansle projet de Politique Nationale de l’Eau Potable (ONEP, 2010 dans lequel l’Office National del’Eau Potable affirme qu’il « doit notamment veiller à ce que les tarifs de l’eau potable demeureadaptés au niveau de vie des populations et que la tranche sociale de la structure tarifairesoit maintenue », ainsi que des mesures du côte de l’offre (voir l’encadré 4.2 sur cette question dansle Chapitre 4).Cependant, des incertitudes persistent en ce qui concerne les approches à retenir pourassurer une protection sociale efficace dans le secteur de la santé. Dans le seul courtparagraphe concernant l’amélioration de l’accessibilité financière aux soins de santé, la SRDRPne fait que répéter l’engagement de mise en œuvre de l’AMU, restée lettre morte depuisla législation de 2001-2002, à travers « une proposition de recadrage et de redéfinition desmécanismes de soutien et de financement de l’AMU », qui permettrait « d’assurer un minimumde couverture sociale aux couches les plus vulnérables et surtout de mettre en place dessystèmes de prévoyances des risques » (RCI, 2009a, paragraphe 801). Le Plan National deDéveloppement Sanitaire 2009-2013, déjà discuté dans la section 4.7, a été encore plusvague, en répétant l’engagement du secteur de la santé « d’appuyer la mise en œuvre del’assurance maladie universelle », ainsi que des mesures (peu détaillées) visant à garantir des coûtsde prestations sanitaires économiquement abordables pour les populations, promouvoir ledéveloppement d’un secteur sanitaire privé plus accessible, « développer des mécanismes desolidarité » au niveau communautaire et « prendre en charge les indigents » (MSHP, 2008).Comme vu précédemment dans la section 4.6, la politique à l’égard de l’accessibilité financière dessoins et du financement du système sanitaire a pris un tournant radical à la suite de la crise postélectoraleavec l’annonce de la gratuité universelle des soins de santé dans les établissementspublics. Introduite en avril 2011 comme mesure exceptionnelle et de courte durée, la gratuité a étéprorogée jusqu’en janvier 2012. Mais, dans l’absence de fortes mesures d’accompagnement pourassurer le financement adéquat du système, les ressources humaines requises et la résolution desproblèmes systémiques de l’acquisition et de la distribution des médicaments par la PSP, le systèmede santé s’est révélé peu capable de répondre à l’énorme hausse de la demande déclenchée parla gratuité généralisée. Le pays attend la prise de décisions politiques définitives dans ce domainecrucial pour le bien-être des populations. La première ébauche de la nouvelle Politique Nationale deSanté énonce comme une de ces priorités celle d’« améliorer l’accessibilité financière et l’utilisationdes services de santé » mais ne clarifie pas comment le faire. Elle se limite à dire qu’il s’agit dedévelopper et de mettre en place, à l’échelle, la couverture du risque maladie, qui « doit faire l’objetd’une étude » mais « pourrait être un dispositif national d’assurance ou un appui aux mutuelles desanté ou encore la création d’un filet de sécurité pour les plus pauvres (Fonds d’Equité Sanitaire ougratuité de certains soins) » (MSLS, 2011b, p. 29).5.2 L’architecture institutionnel et la capacité administrativeDifférents ministères interviennent dans le domaine de la protection sociale et leur coordinationdemeure limitée, comme en attestent les approches sectorielles et cloisonnées décrites dansla section précédente. La protection sociale est de nature multisectorielle et sa mise en œuvre68


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoireimplique nécessairement plusieurs ministères du gouvernement. La protection sociale est aucœur du mandat du Ministère chargé des Affaires Sociales 43 , qui prend appui sur un totalde 283 structures de base. 44 Celles-ci sont sous la supervision de 16 Directions Régionaleset sont inégalement réparties sur l’ensemble du territoire national avec une forte concentrationdans la région des Lagunes, notamment à Abidjan. Mais plusieurs autres ministères coordonnentdes initiatives sociales d’importance. C’est le cas, par exemple, du Ministère de l’Education Nationalequi gère le programme de cantines scolaires, ou encore du Ministère de la Santé et de la Luttecontre le SIDA qui assure la gratuité de certains services sanitaires (et la gratuité généraliséeen vigueur depuis avril 2011). Le Ministère de la Famille, de la Femme et de l’Enfant s’occupe decertains programmes de promotion féminine. 45 Malheureusement, les mécanismes de coordinationintersectorielle au niveau central restent très limités.Il y a des chevauchements dans les mandats des diverses structures de base, résultant desremaniements ministériels successifs et des faiblesses de coordination. Les affaires sociales,par exemple, ont été caractérisées par une grande instabilité institutionnelle qui s’est répercutéesur le mandat actuel des Centres Sociaux notamment. Tantôt rattachées au Ministère de la Santé,tantôt ministère à part entière, les affaires sociales sont, depuis juin 2011, réparties entre d’unepart, le Ministère d’Etat, Ministère d’Etat, Ministère de l’Emploi, des Affaires Sociales et dela Solidarité, et d’autre part, le Ministère de la Famille, de la Femme et de l’Enfant. 46Les Centres Sociaux continuent ainsi de fournir des prestations à caractère socio-sanitaire,perpétuation de services organisés du temps où les affaires sociales étaient sousla responsabilité du Ministère de la Santé. Il s’agit notamment de la pesée des nourrissons,de la démonstration diététique et de la vaccination des enfants qui en théorie devraient être desmoyens d’identification des problèmes sociaux et familiaux. Dans le domaine de la petite enfanceégalement, plusieurs structures visant au développement du jeune enfant ont été développées,sous l’impulsion de différents ministères ou d’initiatives privées (Encadré 5.1). Les structures duMEMEASS offrent ainsi, en parallèle des initiatives du MEN, des services d’éveil et dedéveloppement pour la petite enfance. Outre des chevauchements de mandats entre diversesinitiatives publiques, le manque de politique cadre et de directives sur les services à fourniraux différents groupes cibles engendre également des systèmes de détection et de référencesouvent défaillants (MFFAS, 2010g).Le processus de prise de décision dans le domaine de la protection sociale reste encoretrès centralisé, laissant peu d’autonomie aux structures de base. Toutes les décisions, quece soit par rapport aux stratégies, plans d’actions, personnel, budget, ou même pour l’approbationde demande de secours social, sont prises au niveau central. Les structures de base, toutcomme les Directions Régionales, ont une autonomie décisionnelle réduite. Ainsi, même si l’analysedu milieu relève du mandat des centres sociaux par exemple, cela bien souvent n’influence pasl’élaboration d’un plan d’action local (MFFAS, 2010g).Faute de cadre politique et de moyens, les activités des structures de base sont en pratiquelargement influencées par les PTF. Les services d’action sociale tels qu’initialement imaginés parles autorités nationales devraient offrir un large éventail de services d’action sociale visantune vaste population cible. Toutefois, dans la pratique, la réalité de l’offre de services est éparseet de portée très réduite. A titre d’exemple, plus d’un département sur deux n’a pas de centre social(MFFAS, 2010g).43 Au sein du MEMEASS, on compte, outre la Direction de la Planification, des Etudes et de la Documentation (DPED) et la Direction des AffairesAdministratives et Financières (DAAF), les directions suivantes : la Direction Générale de l’Emploi (DGE) ; la Direction de la Sécurité Sociale et dela Mutualité (DSSM) ; la Direction de la Santé et de la Sécurité au Travail ; la Direction de la Protection Sociale (DPS) ; la Direction de la Promotiondes Personnes Handicapées (DPPH) ; la Direction de la Solidarité ; et la Direction de la Lutte contre le Travail des Enfants. Par ailleurs, deuxprogrammes y sont rattachés, à savoir, le PN-OEV et le Programme de Protection des Enfants et Adolescents Vulnérables (PPEAV).44 Ces structures incluent 85 Centres d’Action Communautaire pour l’Enfance (CACE), 79 Centres Sociaux (CS), 70 Centres de Protection dela Petite Enfance (CPPE) dont 43 publics, 17 Centres d’Education Spécialisée (CES), 20 Complexes Socio-Educatifs (CSE), 11 Garderies etCrèches dont 2 publiques, 10 Institutions Spécialisées dont 3 publiques, 5 Orphelinats dont 2 publics, 7 pouponnières dont 4 publiques, et 2Villages d’enfants SOS (MFFAS, 2010g).45 Le MFFE, bien qu’ayant le mandat de protection de l’enfant, a rétrocédé la gestion de toutes les structures ayant trait à l’enfant (orphelinats,pouponnières, CACE, etc.) au MEMEASS, et seules les 110 Institutions de Formation et d’Education Féminine (IFEF), dont 95 sont publiques,restent de sa responsabilité.46 Décret n° 2011-101 du 1 er juin 2011 portant nomination des membres du 13 ème gouvernement de la 2 ème République.69


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireEn contraste, les projets soutenus par les PTF bénéficient de plus grands moyens et incitent l’appuides Centres Sociaux et des ONG. Ainsi, la plupart de ces derniers travaillent à la mise en œuvrede programmes nationaux financés par les PTF, tels que le PN-OEV, la lutte contre les VBG oula lutte contre la traite et le travail des enfants (voir la section 4.5).Encadré 5.1Les services spécialisés dans le développement du jeune enfantPlusieurs types d’institutions proposent des activités d’éveil et de stimulation des jeunes enfants. En2007/2008, pour les enfants de 3 à 5 ans, on comptait :• 913 écoles maternelles publiques et 411 écoles maternelles privées sous tutelle du MEN, accueillant76 441 enfants, dont 24 169 au privé ;• 71 Centres de Protection de la Petite Enfance (CPPE) et 62 structures privées sous tutelle duMEMEASS, accueillant un effectif total de 32 115 enfants.Grâce à leur contact avec la petite enfance, les CPPE, structures encadrées par des éducateurs préscolairesformés à l’Institut National de Formation Sociale (INFS), possèdent un grand potentiel de prévention et dedépistage dans le cadre de la protection de l’enfant. Mais leur présence très limitée sur le territoire ne permetpas un impact notoire. Dans la situation actuelle, les activités de préscolarisation (écoles maternelles, jardinsd’enfants et CPPE) ne concernent qu’une proportion assez limitée de la population.Des structures communautaires viennent compléter l’offre de services. En 2007/2008, on comptait ainsi :• 72 Centres d’Accueil et d’Encadrement du Jeune Enfant (CAEJE) sous tutelle du MEN, dont 53fonctionnels, accueillant 3 259 enfants ;• 85 Centres d’Action Communautaire pour l’Enfance (CACE) sous tutelle de MEMEASS, accueillant12 950 enfants, qui sont très similaires au CPPE mais créés et gérés par les communautés pourpalier la faiblesse de couverture géographique des CPPE sur le territoire national ;• 82 écoles communautaires, accueillant 7 875 élèves ;• 11 garderies et crèches, que le MFFE se propose de développer.Les CAEJE, CACE et les écoles communautaires sont des structures légères, implantées au sein descommunautés qui les gèrent. Elles ont pour mission d’assurer, par des activités de développement physique,sanitaire, moteur, intellectuel et socio-affectif, l’épanouissement et l’éveil des enfants de 0 à 6 ans. Malgré cela,le taux national d’accès à l’éveil ou éducation préscolaire n’est que de 6% (MEMPD/INS et <strong>UNICEF</strong> 2007).De plus, les bénéficiaires de ces services restent principalement des enfants issus de milieux socialement etéconomiquement favorisés. Ceci s’explique par le fait que, d’une part, l’implantation des écoles est presqueexclusivement urbaine (les deux DREN d’Abidjan accueillent plus de 60% du nombre total d’enfants inscritsdans le pays, et on estime qu’un enfant urbain, bien que ses chances de bénéficier de préscolarisation soientseulement d’environ 12%, a 10 fois plus de chances d’en bénéficier que son homologue réSIDAnt en milieurural), et d’autre part, les frais de scolarité demandés (même dans les structures publiques) sont trop élevéspour les familles modestes.Source : auteurs sur base de MEMPD/INS et <strong>UNICEF</strong> (2007) et d’informations fournies par le MEMEASS.Ainsi, les Centres Sociaux du MEMEASS, bien que chargés d’une mission très vaste, sont surinvestispar des projets dispersées (Encadré 5.2). Qui plus est, la coordination au niveau local entre toutesces initiatives sectorielles reste elle aussi limitée. Le PN-OEV et le programme de lutte contre lesVBG appuient la mise en place de plateformes impliquant les Centres Sociaux (qui en assurent lacoordination technique), des ONG et d’autres professionnels (services de santé, police, etc.) intervenantdans la protection et la prise en charge. Par contre, en ce qui concerne la traite et le travail des enfants,la coordination au niveau local est des plus faibles. Les initiatives impulsées par les structuresgouvernementales sont coordonnées par les préfets, tandis que celles mises en œuvre par lesONG et les communautés échappent à toutes formes de coordinations (MFFAS, 2010g).70


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireEncadré 5.2Les centres sociaux du MEMEASSCréés dans les années 50, les Centres Sociaux du Ministère chargé des Affaires Sociales ont aujourd’huipour missions : la surveillance socio-sanitaire et psychomotrice de la mère et de l’enfant de moins de 5 ans ;l’éducation familiale en faveur des femmes et des jeunes ; la prise en charge des problèmes spécifiquesdes jeunes et des personnes handicapées ; et l’amélioration des conditions de vie des groupes et descommunautés. Sa population cible est donc vaste et diverse, incluant toutes les personnes présentant desproblèmes sociaux (MFFAS, 2007c).Les Centres Sociaux fonctionnent soit de manière indépendante, soit au sein d’un Complexe SocioEducatif (CSE). Les CSE sont des structures regroupant trois services : le Centre Social (CS) ; le Centrede Protection de la Petite Enfance (CPPE) et le Centre d’Education Spécialisée (CES). La mise en place desCSE a été proposée dans le but de rationaliser les dépenses publiques et de renforcer l’identification desenfants. On compte aujourd’hui 79 CS (dont 19 dans la seule région des Lagunes) et 17 CES (dont 6 dansla région des Lagunes).Depuis 2007, un modèle de « Centre Social Restructuré » est en expérimentation (MFFAS, 2008). Ce modèle,développé sous l’impulsion du PN-OEV (et du PEPFAR), met un accent particulier sur le VIH/SIDA et sonimpact sur les enfants et la société, et prévoit notamment l’intégration d’un quatrième pôle d’activités autourdu suivi-évaluation et l’augmentation du personnel du centre. Il envisage ainsi le renforcement de l’actionsociale basée sur les ressources communautaires, de la documentation, de l’archivage et du suivi-évaluationdes interventions. Si le nombre de Centres Sociaux Restructurés a augmenté ces dernières années, cemodèle demeure toutefois dans une phase pilote à l’étude par le MEMEASS.Malgré un mandat très vaste, les activités des centres sociaux demeurent limitées du fait de leur faibleprésence, de l’insuffisance des moyens et des capacités, et de l’état de dégradation de certains d’entreeux. Faute de moyens financiers (et d’autonomie budgétaire), l’action des Centres Sociaux en dehorsdes interventions programmatiques soutenues par les PTF est très limitée. Faute de pouvoir décisionnel,les centres sociaux se retrouvent à mener des activités de routine et à accomplir les tâches relatives auxinitiatives nationales, parmi lesquelles, la mise en place et l’animation de plateforme de collaboration entreONG et structures déconcentrées. Par conséquent, les activités des centres sociaux dépendent bien plusdes incitations des PTF que des besoins spécifiques des groupes à risque dans leurs localités.Source : auteurs sur base de MFFAS (2007c, 2008, 2010g).Outre les centres sociaux placés sous la tutelle du Ministère chargé des Affaires Sociales,d’autres structures publiques ont développé leurs propres services sociaux avec plus oumoins de succès. Dans le cadre du processus de décentralisation, les autorités locales (communes,départements, districts) ont commencé à promouvoir et parfois gérer des services sociaux.Les initiatives d’action sociale des autorités décentralisées (notamment les communes) se situentprincipalement dans le secteur de l’éducation, et dans une moindre mesure pour venir en aideaux indigents (santé, etc.) ou appuyer des activités génératrices de revenus. Soko (2010) rapporteque les communes consacrent de 1 à 6% de leur budget à l’assistance sociale (coûts administratifsnon compris).Certains centres de santé, écoles et services de police et de justice ont également des servicessociaux. Ces services ne répondent d’aucune façon formelle aux directives du Ministère chargédes Affaires Sociales. Ainsi, plutôt qu’un renforcement de l’offre au niveau national, on observela mise en place de structures parallèles, ne répondant pas toujours aux normes nationales envigueur au niveau du Ministère chargé des affaires sociales.Créée en 2000, la Direction de la Mutualité et des Œuvres Sociales en milieu Scolaire (DMOSS)du MEN a impulsé l’installation de cellules sociales dans les lycées et collèges et de centresd’écoute dans les directions régionales et départementales Toutefois, bien que la DMOSS soitcensée s’occuper des problèmes de protection de l’enfant en milieu scolaire (problèmes detraitement au long cours, de difficultés scolaires, de violences sexuelles, de maltraitance, etc.),71


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoireson action est majoritairement centrée sur les questions de santé pour lesquelles un partenariatdynamique existe avec le PNSSU. La DMOSS ne semble pas participer à l’identification età la référence des cas de violation des droits de l’enfant au sein des établissements. Ainsi lapunition physique et humiliante continue d’être pratiquée, bien qu’un arrêté ministériel l’interdise etla question de l’exploitation sexuelle en milieu scolaire se pose également, même au niveau desécoles primaires (MEN/DMOSS 2010 cité dans Lida 2010, MFFAS 2010g).Au niveau de la société civile, de nombreuses ONG interviennent, mais de façon éparse. LesONG ont une forte concentration à Abidjan, à l’ouest et dans le sud-ouest. Les ONG internationalesont ainsi tendance à se concentrer dans des zones précises pour des critèresprogrammatiques de réponse à l’urgence et qui ne correspondent plus forcément à une vued’ensemble des réalités sur le plan national. Par ailleurs, les résultats de la cartographie du systèmede protection de l’enfant menée en 2009 posent la question de l’offre directe de servicespar les ONG. Seules 6 des 27 organisations interrogées offraient des services directs aux enfantset aux familles, et les actions principales menées par les ONG étaient la formation, le plaidoyeret la coordination. Face à ce constat, deux hypothèses ont été émises : soit l’essentiel du travaild’assistance directe est assurée par les ONG locales de petite taille qui n’ont pas été prisesen compte dans la recherche opérationnelle, soit l’offre directe des services aux enfants est trèsfaible sur le terrain (MFFAS, 2010g).Le défi actuel des services sociaux reste celui de la décentralisation et de l’animationcommunautaire. Comme déjà souligné dans la section 4.1, bien que la communauté soitreconnue comme étant au cœur de l’action sociale, les travailleurs sociaux ne parviennent pasà toucher les communautés et jouer leur rôle d’animation communautaire, sauf parfois lorsqu’ilsinterviennent dans le cas de projets soutenus par des PTF. Les activités des Centres Sociauxdu MEMEASS par exemple devraient être organisées autour de trois pôles : la protection familiale(protection du couple mère-enfant et de la famille) ; l’animation sociale (identification des problèmesauxquels font face les communautés et amélioration du cadre de vie des populations) ;et la réinsertion sociale des personnes défavorisées. Mais faute de moyens et de pouvoirdécisionnel, les services se limitent souvent à des activités routinières au détriment de véritablesstratégies de prise en charge matérielle ou psychologique, d’écoute, de référence et dedéveloppement (MFFAS, 2010g). Afin de remédier à cela, la formation de relais communautairesa été envisagée, notamment au sein du PN-OEV et du programme de lutte contre les VBG.L’absence de système de gestion de l’information et de suivi-évaluation constitue actuellementun handicap dans l’élaboration et la gestion des politiques publiques, ainsi que dans lagestion des cas sociaux. La planification de l’action sociale exige l’élaboration d’objectifs et larécolte d’information qui permettent l’évaluation des résultats. Or la collecte des données constitueun point faible de l’administration sociale. En l’absence d’un système approprié de collecteet de gestion de données, il est très difficile de savoir si les actions sociales ont réellementun impact, et dès lors de tirer des leçons apprises, de construire sur les expériences réalisées pourse doter de cadres d’orientations stratégiques. L’absence d’un système informatisé de gestiondes cas sociaux est aussi à regretter, constituant une contrainte importante pour le suivide la situation des ménages et individus concernés, la prestation de services et la recherchede services complémentaires dans des secteurs et institutions divers (état civil, écoles,établissements sanitaires, etc.).Dans le cadre de la gestion des données, plusieurs initiatives sectorielles sont entreprises.Le PN-OEV, par exemple, qui dispose déjà d’une base de données opérationnelle, travaille àla mise en place d’un système de suivi-évaluation soutenus par les Centres Sociaux Restructurés(Encadré 5.2). Des indicateurs et outils de collecte des données ont déjà été développés.Des efforts sont également en cours pour doter le MEMEASS d’un Système intégré de collecteet de gestion de données (SICGD) afin de mieux éclairer l’élaboration de politiques, l’exécutionde programmes et la recherche. Actuellement, les rapports des services déconcentrés duMEMEASS ne sont pas harmonisés et ne permettent pas un bon suivi de la gestion des services72


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoireofferts ou des problèmes sociaux au niveau national (MFFAS, 2010g). Enfin, des systèmes degestion de l’information ont également été développés par les agences humanitaires.L’existence d’un grand nombre de travailleurs sociaux qualifiés, sortis de l’INFS, constitueun atout du système de protection sociale. L’Institut National de Formation Sociale (INFS), quiest sous tutelle du Ministère chargé des Affaires Sociales, forme environ 500 travailleurs sociauxspécialisés. Ces formations durent de deux à trois ans, selon les programmes et recrutent leursétudiants au niveau du baccalauréat pour les assistants sociaux, éducateurs préscolaires et maîtresd’éducation spécialisés, et au niveau du BEPC (brevet d’études du premier cycle du secondaire)pour les « adjoints ». 47 Jusqu’en 2008, presque tous les diplômés de l’INFS entraient quasi automatiquementà la fonction publique, notamment aux Ministère chargé des Affaires Sociales, auMinistère de la Justice, au Ministère de l’Education Nationale, au Ministère de la Santé etde l’Hygiène Publique et aux collectivités locales. Mais, selon les informations reçues de l’INFS,à partir de 2009, le recrutement est devenu plus sélectif pour les assistants sociaux etassistants sociaux adjoints, et seulement 50 des 154 diplômés ont réussi le concours pour êtrerecrutés par la fonction publique.Les travailleurs sociaux sont fortement concentrés à Abidjan. En 2009, le Ministère chargédes affaires sociales disposait d’un effectif total de 3065 agents au nombre desquels figuraient2447 travailleurs sociaux. Cependant, ces ressources humaines sont inégalement réparties surl’ensemble du territoire avec une très forte concentration dans la région des Lagunes (Abidjan).Cette région comptait en moyenne 14,5 personnels spécialisés par structure, tandis que pourle reste du pays en comptait 4,4 en moyenne, portant la moyenne nationale à 6,9 personnelsspécialisés par structure sociale de base (MFFAS, 2010g).Par ailleurs, on assiste à une fuite des techniciens qualifiés et expérimentés du Ministèrechargé des affaires sociales, où les salaires sont moins élevés, vers d’autres ministères où leursnouvelles attributions n’ont pas nécessairement trait au travail social, ou vers des ONG ou structuresprivées.La Côte d’Ivoire est dotée du seul institut de formation en sécurité sociale en Afrique de l’Ouest.Par ailleurs, il existe un institut de formation des cadres de la sécurité sociale, dénommé Institutde Formation aux Métiers de la Sécurité Sociale (IM2S), qui appartient à la CNPS et dont lescycles de formation sont assurés en partenariat avec l’Ecole Nationale de Sécurité Sociale àSaint-Etienne en France. Ces cycles incluent la formation de cadres supérieurs (programmede troisième cycle conduisant au diplôme d’études supérieurs ou DES), ainsi que la formationde cadres moyens et techniciens de sécurité sociale. Etabli en 2009, l’IM2S a intégré le CentreIvoirien de Formation des Cadres de Sécurité Sociale (CIFOCSS), qui date de 1984. Jusqu’en2010, 841 personnes avaient été formées, principalement pour recrutement par la CNPS.Les programmes de formation souffrent de quelques faiblesses. Alors que le personnel des autresservices sociaux publics et des ONG ne sont pas toujours des travailleurs spécialisés, le personneldu Ministère chargé des Affaires Sociales reste largement issu de l’INFS. Toutefois, selon lacartographie du système de protection de l’enfant (MFFAS, 2010g), le curricula de cet institut crééen 1960 ne comporte pas de modules prenant en compte de façon globale la problématiquede la protection de l’enfant. La plupart des travailleurs sociaux manquent ainsi de connaissances enprotection de l’enfant (cas de maltraitance, etc.), et ont également une faible connaissance directedes communautés et un manque de maitrise des techniques de l’animation communautaire(Galeano Germain, 2010b). Il faut aussi reconnaître que les formations dispensées à l’INFS sont47 Dans l’année académique 2010/2011, 1500 étudiants étaient inscrits à l’INFS, dont 669 à son Ecole des Assistants Sociaux (formant desagents de service social pour la prise en charge polyvalente des individus, groupes et communautés), 493 à son Ecole des EducateursPréscolaires (formant des agents aptes à assurer la protection et l’éducation des enfants âgées de 0 à 6 ans) et 337 à son Ecole des EducateursSpécialisés (formant des agents qualifiés pour la prise en charge des personnes handicapées et des inadaptés sociaux). Pour la formation desassistants sociaux, des éducateurs préscolaires et des maîtres d’éducation spécialisée, le recrutement se fait au niveau du baccalauréat et laformation dure trois ans. Pour la formation des assistants sociaux adjoints et des éducateurs préscolaires adjoints, le diplôme exigé est le BEPCet la formation est de deux ans. Le programme de formation d’éducateurs spécialisés, qui dure deux ans, exige un niveau Bac+2 (baccalauréatet deux années d’études supérieures).73


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoireuniquement pour les « intervenants » sur le terrain. Sauf dans le cas de la formation des cadressupérieurs de la sécurité sociale au niveau de troisième cycle à l’IM2S, aucun établissementd’enseignement supérieur en Côte d’Ivoire forme des spécialistes en protection sociale ou enpolitiques sociales, nécessaires pour la conception des politiques, la planification et la recherche.Ce vide explique pourquoi les études sur les questions sociales n’existent guère en Côte d’Ivoire.Par ailleurs, le lancement de nouveaux types de programmes, comme les transferts sociaux,requerrait de nouvelles formations (recyclage des agents existants et adaptation des modulesd’enseignement initial à l’INFS) pour équiper les travailleurs sociaux avec les connaissancesrequises pour la mise en œuvre de tels programmes.5.3 Le financement de la protection socialeL’analyse des dépenses de protection sociale est rendue difficile par le fait qu’il n’existe pasune fonction « protection sociale » spécifique dans la nomenclature budgétaire. Une partieimportante de ces dépenses est classifiée sous les sous-fonctions relatives à l’action socialedans la fonction 6 (santé et action sociale), mais d’autres dépenses pertinentes se trouventdans d’autres fonctions, notamment la fonction 4 (enseignement, formation et recherche) dansle cas, par exemple, des cantines scolaires, des kits scolaires pour OEV et des bourses.Malgré ces difficultés, une analyse des dépenses exécutées de protection sociale en 2008-2010a été effectuée à partir de données mises à la disposition de l’équipe de recherche parla Direction Générale du Budget, du Ministère de l’Economie et des Finances. Il est à noter queces données se limitent aux dépenses de fonctionnement hors personnel puisqu’il est particulièrementdifficile d’attribuer les parts de la protection sociale dans les dépenses de personnel des différentsministères et agences concernés. Néanmoins, cette analyse donne une idée générale de l’importancerelative des dépenses de protection sociale dans les dépenses publiques, ainsi que de lacomposition de ces dépenses. Les données sont résumées dans le Tableau 5.1 et se trouventsous forme désagrégée dans le Tableau B.1 de l’Annexe B.Mise à part les subventions aux caisses de sécurité sociale et les bourses d’études, laprotection sociale reçoit actuellement une part relativement faible des dépenses publiques.A première vue, la part de la protection sociale dans les dépenses publiques courantes (horspersonnel) peut paraître assez élevée : environ 12% dans les années 2009 et 2010. Cependant,ces dépenses sont gonflées par l’inclusion des subventions effectuées par l’Etat à la CGRAE,pour combler ses déficits (voir la section 4.2 ci-dessus). Ces subventions, qui seraient difficilementvues comme de « véritables » dépenses de protection sociale (au profit des couches vulnérablesde la population) constituent la moitié des dépenses. En excluant celles-ci, les dépensesde protection sociale se réduisent à la fourchette de 5 à 6% des dépenses courantes totales horspersonnel. Il est intéressant aussi de constater l’importance des dépenses octroyées aux boursesd’études, principalement au niveau de l’enseignement supérieur, ce qui laisse à peine 3,8% desdépenses courantes hors personnel en 2010 pour l’ensemble des autres volets de la protectionsociale.74


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireTableau 5.1 Dépenses courantes de protection sociale (hors personnel), 2009-2010Milliards de FCFA% des dépenses courantestotales (hors personnel)2009 2010 2009 2010Subventionnement de la CGRAE 52,6 61,4 5,9 6,4Bourses 13,9 14,9 1,6 1,5Protection des jeunes 17,1 14,7 1,9 1,5Autre action sociale 8,9 8,9 1,0 0,9Cantines scolaires 9,8 9,2 1,1 1,0Autres 3,7 3,6 0,4 0,4Total, dépenses courantes deprotection sociale (hors personnel)106,1 112,6 12,0 11,7Sans CGRAE 53,4 51,2 6,0 5,3Sans CGRAE et bourses 39,5 36,4 4,5 3,8Total, dépenses courantes totales (hors personnel) 887,1 963,2 100,0 100,0Source : Calculs des auteurs à partir des données du Ministère de l’Economie et des Finances.Environ 4% du Programme d’Investissements Publics (PIP) est consacré à la protection sociale.Une analyse a été conduite sur le financement des projets de protection sociale dans le PIPpour 2010-2012 (Tableau 5.1). Il s’agit ici des dépenses programmées au lieu des dépenses réellementexécutées comme dans l’analyse précédente. Une partie importante des projets financésentièrement ou partiellement par les PTF sont répertoriés dans le PIP, bien qu’il soit reconnuque des flux importants de fonds externes restent hors du système de gestion des financespubliques, notamment en ce qui concerne l’exécution (hors Trésor) mais aussi au niveau dela budgétisation, surtout dans le cas de fonds externes gérés par les ONG. Tout en reconnaissantces limites, l’analyse montre que seulement 3,9% des dépenses programmées dans le cadre duPIP 2010-2012 sont attribuées aux projets de protection sociale. Les composantes les plusimportantes sont le Programme Intégré de Pérennisation des Cantines Scolaires, financés conjointementpar le gouvernement et le PAM, et le Projet d’Assistance Post-Conflit (PAPC), financéprincipalement par la Banque Mondiale, qui inclut un volet important de création d’emplois parl’approche HIMO.La relance de la croissance économique devrait augmenter l’ « espace budgétaire » pour lesdépenses de protection sociale. Bien que la situation économique s’est fortement détériorée parsuite de la crise postélectorale, le retour à la croissance à partir de la deuxième moitié de 2011devrait se renforcer en 2012 : un taux de croissance de 8,5% est prévu par le FMI, conduisantà une réduction du déficit global des finances gouvernementales à 3,8% du PIB (FMI, 2011b)(voir le tableau 5.2). La croissance du PIB et des recettes fiscales de l’Etat devraient conduiredans les prochaines années à une expansion progressive de l’espace budgétaire potentiel pourle financement soutenable de dépenses publiques additionnelles.La question de l’espace budgétaire est aussi politique que financière. La dimension politiqueconcerne la priorisation des dépenses selon les objectifs du développement économique etsociale du pays, et ainsi la place à être accordée à la protection sociale dans les dépenses.Compte tenu de l’importance accordée par le nouveau gouvernement à la réduction de lavulnérabilité des populations, ainsi que du rôle important de la protection sociale dans ledéveloppement d’une société plus équitable, la promotion d’une croissance inclusive, l’accèsaux services sociaux de base et l’atteinte des OMD, il est tout à fait raisonnable de proposerune réorientation des ressources publiques pour hausser le poids relatif des programmes deprotection sociale dans les dépenses publiques, tout en amélioration la composition des dépensesde protection sociale elles-mêmes, notamment à travers la réaffectation des ressources actuellementconsacrées au subventionnement de la CGRAE et de la CNPS.75


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireTableau 5.2Cadre macroéconomique et budgétairePrévisions2004-08 2008 2009 2010 2011 2012Croissance réelle du PIB (%) 1,6 2,3 3,8 2,4 -5,8 8,5Recettes publiques (sans dons)en% du PIB18,2 18,9 18,9 19,2 13,2 18,7Dépenses publiques en% du PIB 20,5 21,1 21,1 22,0 19,7 22,7Solde global des finances publiquesen% du PIB-1,3 -0,6 -1,6 -2,3 -6,4 -3,8Source : FMI, 2011b.76


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireTableau 5.3 Programmation des investissements de protection sociale, 2010-2012Millions de FCFA 2010-2012Ministère Programmes/projets 2010 2011 2012 Total Trésor PTFConstruction, réhabilitation et équipementd’infrastructures sociales1 381,0 274,1 0,0 1 655,1 1 655,1 0,0Famille, Femme etAffaires SocialesEducation NationaleLutte contre les violences basées sur le genre 740,0 775,0 715,0 2 230,0 660,0 1 570,0Programme National de Prise en Chargedes OEV du fait du VIH/SIDAProtection des enfants et adolescents(programme de coopération <strong>UNICEF</strong>)Programme Intégré de Pérennisationdes Cantines Scolaires875,0 975,0 945,0 2 795,0 470,0 2 325,01 991,4 1 686,4 1 152,0 4 829,8 155,0 4 674,83 030,5 9 541,3 11 342,0 23 913,8 19 290,0 4 623,8Primature Projet d’Assistance Post-Conflit (PAPC) 15 054,0 0,0 0,0 15 054,0 54,0 15 000,0Economie et FinancesFonds National de Solidarité pourla Promotion de l’Emploi des Jeunes125,0 1 500,0 1 750,0 3 375,0 3 375,0 0,0Fonction Publiqueet EmploiPlan National d’Action contre le Traiteet le Travail des Enfants637,0 869,0 0,0 1 506,0 1 506,0 0,0Santé et HygiènePubliqueProgramme National de Nutrition 418,6 1 810,0 190,0 2 418,6 2 418,6 0,0Programme National de Lutte contre la Cécité 117,8 907,2 693,6 1 718,6 1 718,6 0,0EnseignementTechnique et FormationProfessionnelleAppui à l’accès des personnes handicapéesà l’enseignement technique et à la formationprofessionnelleAGEFOP/programme de formation,d’apprentissage et d’insertion145,0 605,0 605,0 1 355,0 1 355,0 0,0450,1 890,0 900,0 2 240,1 2 240,1 0,0Autres programmes / projets 1 017,7 1 824,8 782,7 3 625,2 1 999,9 1 095,5Total, protection sociale 25 983,1 21 657,8 19 075,3 66 716,2 36 897,3 29 289,1Total, Programme d’Investissements Publics (PIP) 458 914,5 651 894,9 587 163,0 1 697 972,4 1 199 327,4 498 645,0Protection sociale en % du PIP 5,7 3,3 3,2 3,9 3,1 5,9Source : Calculs des auteurs à partir des données du PIP 2010-2012 (MEMPD, 2010).77


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoire6 Perspectives de renforcementde la protection sociale6.1 La future Stratégie Nationale de Protection SocialeLa réduction de la vulnérabilité de larges couches de la population est un des principaux défisdans le nouveau contexte post-crise. Les crises économiques et politiques successives ont laisséune partie importante de la population ivoirienne dans un état de vulnérabilité élevée. Cette populationvulnérable a aujourd’hui une capacité très réduite à faire face aux risques futurs sans recourir àdes stratégies d’adaptation qui réduiraient davantage leur capital et rendraient encore plus difficileleur sortie du cycle vicieux de la pauvreté et des privations. La moitié de la population était déjàau-dessous du seuil de pauvreté en 2008 et cette proportion a sans doute encore augmentéen conséquence des violences, des déplacements de population et des perturbations de la vieéconomique qui ont suivi les élections de 2010. De plus, une partie importante des non-pauvresse trouvent proches du seuil de pauvreté et sont à risque de basculer dans la pauvreté encas de nouveaux chocs, chocs qui sont malheureusement à prévoir dans le contexte actuel degraves incertitudes au niveau de l’économie mondiale.Le nouveau gouvernement s’est fortement engagé à réduire la vulnérabilité des populations,ce qui devrait donner un rôle de choix à la protection sociale dans la politique dedéveloppement. La fragilité de la situation sociale est devenue une forte préoccupation du nouveaugouvernement, qui a répondu par la prise rapide de décisions pour atténuer les difficultés despopulations, notamment par rapport à l’accès aux soins de santé. L’annonce de la gratuitéexceptionnelle des services sanitaires publics a confirmé la forte volonté politique de rendreplus facile l’accès aux soins et donc de renforcer la protection des populations contre les risques,mais la decision ait entraîné de sérieuxs problèmes opérationnels sérieux à court terme (voir lasection 4.7). Cet engagement est aussi fortement exprimé par l’inclusion de mesures pour alléger lescoûts, réduire les barrières d’accès et inciter la demande de scolarisation dans le nouveau Pland’Actions de Moyen Terme du Secteur de l’Education. Il est encore confirmé par le lancement duprocessus de développement de la Stratégie Nationale de Protection Sociale, en juin 2011 etla mise sur pied d’un Comité de Pilotage intersectoriel pour diriger ce processus.La stratégie devrait partir du constat que la pauvreté monétaire est la source principalede vulnérabilité à toute une gamme de risques. L’analyse dans ce rapport a montré la naturemultidimensionnelle de la vulnérabilité et des risques auxquels les ivoiriens sont confrontés.Cependant, c’est le facteur économique (la pauvreté monétaire) qui est prédominant commesource de vulnérabilité à la plupart des risques, même si celui-ci est accompagné ou renforcé pard’autres facteurs, tels que le lieu de résidence, le genre et le niveau de capital humain.Les pauvres sont principalement en milieu rural (même si les taux de chômage et de pauvretéont augmenté rapidement en milieu urbain ces dernières années) et dans quelques régionsdu Nord et de l’Ouest du pays. Ils exercent principalement dans le secteur agricole informel etont été fortement affectés par la chute des prix des cultures depuis les années 80 et, dans certaineszones, par les évènements politiques. La pauvreté est fortement corrélée aux risques sociaux, lesplus pauvres ayant des probabilités beaucoup plus élevées que les plus riches de malnutrition,de maladies et de non-utilisation des services sanitaires, de mortalité infanto-juvénile, de manqued’accès à des sources d’eau et des installations d’assainissement adéquates, de non-scolarisationou d’abandon scolaire, et de fléaux sociaux comme le travail des enfants. Les analyses disponiblesmontrent que, dans la plupart des cas, le niveau de bien-être (ou de richesse) économique desménages est plus important que la région de résidence ou le genre comme facteur déterminant dela vulnérabilité à ces risques.Cependant, la Stratégie devrait aussi prendre en compte que la vulnérabilité n’est pas unphénomène purement économique. Il est aussi social et même physique. Il faut aussi prendre encompte l’importante dimension du cycle de la vie qui rend les enfants physiquement plus vulnérables78


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoireaux risques de maladie, de malnutrition et de mortalité pendant les premières années de vie.Compte tenu de l’importance de la famille comme cadre de développement, de protection etd’épanouissement de la famille, l’analyse a aussi mis en relief la vulnérabilité accentuée chez lesenfants qui vivent hors d’un cadre familial ou qui, même au sein de la famille, sont exposésà de hauts risques de maltraitance, notamment dans le cas des nombreux enfants qui ne viventpas avec leurs parents biologiques. D’autres groupes, tels que les personnes âgées sont vulnérablesen termes de réduction de leurs revenus, risques accrus de maladies, handicaps et mortalité, etrisques de perte du soutien de leurs familles ou, dans le cas de nombreuses veuves, de maltraitanceet de spoliation de leurs biens. Les personnes handicapées ou affectées par des maladies chroniquessont aussi particulièrement vulnérables, en raison des barrières et discriminations multiples quiaffectent leur scolarisation, leurs chances d’emploi et leur participation dans la vie sociale.La vulnérabilité accentuée chez la femme est en partie due aux risques liés à son rôle procréatif(taux élevé de mortalité maternelle), en plus des risques découlant du statut subordonné dela femme (risques d’excision, de mariage précoce, de non-scolarisation ou d’abandon scolaire,de violences conjugales et d’exploitation sexuelle, parmi d’autres).La Stratégie devrait être holistique et transversale, tout en faisant des choix et établissantdes priorités claires pour un « socle » minimum de protection sociale. La stratégie devantêtre élaborée devrait prendre en compte la nature multidimensionnelle de la vulnérabilité etla multiplicité des types de risques auxquels les ivoiriens font face. Tout en répondant au problèmeprimordial de la précarité économique des populations, qui est le facteur principal à la base dela plupart des risques les plus sérieux (nutritionnels, sanitaires, scolaire, de mortalité, etc.), lesmécanismes et mesures de protection sociale doivent aussi répondre aux sources de vulnérabilitéet aux types de risques qui sont plutôt socioculturels, telles que la désarticulation familiale,les discriminations et les pratiques culturelles néfastes (excision, mauvais traitement des veuves,etc.). Il sera donc essentiel de concevoir une stratégie qui est holistique et équilibrée afin deprendre en compte toutes ces dimensions importantes de la vulnérabilité et les multiples types derisques, mais tout en reconnaissant qu’il ne sera pas possible de tout faire, au moins dans unpremier temps. Il sera par conséquent nécessaire de faire des choix en fonction de l’importancerelative des différents problèmes, de l’efficacité potentielle des différents types d’interventionpossible, et des contraintes de capacité financière et administrative. La stratégie devrait faire ceschoix dans le but d’établir un socle minimum de protection sociale et de planifier une miseen œuvre progressive et faisable, accompagnée de mesures de renforcement des capacités et demobilisation des ressources financières requises.Il est évident que le processus de développement de la Stratégie doit être participatif,impliquant tous les acteurs concernés : les ministères « macro », à savoir le Ministère d’EtatMinistère du Plan et du Développement et le Ministère de l’Economie et des Finances (en raison dela nature transversale de la protection sociale, de son rôle dans la lutte contre la pauvreté etl’atteinte des OMD, et des questions de financement) ; le Ministère d’Etat Ministère d’Etat, Ministèrede l’Emploi, des Affaires Sociales et de la Solidarité, comme institution gouvernementaleayant un mandat direct et explicite de gestion du système de protection sociale ; les autresministères sociaux qui ont aussi des responsabilités importantes de protection sociale dans leurspropres domaines (Education Nationale, Santé et Lutte contre le SIDA, parmi d’autres) ; lescaisses de sécurité sociale et les mutuelles ; d’autres agences et structures spécialisées (CNLS,ONEP, AGEPE, AGEROUTE, etc.) ; les acteurs engagés dans la mise en œuvre des programmes deprotection sociale au niveau décentralisé; les organisations de la société civile (ONG, confessionsreligieuses, associations) ; et les partenaires techniques et financiers intéressés à appuyer lerenforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoire. Le Comité de Gestion et son Comité Techniquesont les organes propices pour assurer la pleine participation des divers acteurs concernés.79


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoire6.2 Un rôle plus large pour la protection sociale non contributiveUne des conclusions les plus saillantes de cette analyse est que la protection sociale estlargement limitée à sa branche contributive, c’est-à-dire à l’assurance sociale, mais que cellecia une couverture très faible. L’assurance sociale bénéficie uniquement aux travailleurs du secteurformel et à leurs ayant-droits, et donc à une minorité infime de la population. Selon l’ENV de 2008,seulement 6% de la population est concernée. La majorité écrasante des ménages, qui gagnent leurvie dans l’agriculture familiale et d’autres branches du secteur informel, en sont exclus.Un rôle beaucoup plus important devrait être accordé à la protection sociale non contributive,qui est jusqu’ici très peu développée. Les aides sociales aux indigents n’existent pratiquementplus et la Côte d’Ivoire n’a pas encore développé de programmes de transferts sociaux régulierset à large échelle tels que des allocations familiales, des pensions sociales de vieillesse ou destransferts en espèces aux ménages très pauvres. Les programmes de promotion de l’emploi,tels que les programmes de type HIMO, sont d’une échelle encore très réduite. Des servicesd’action sociale existent sous l’égide des Centres Sociaux, des collectivités locales, des ONGet des confessions religieuses, mais ils sont éparpillés et de couverture limitée sauf dans le casde quelques programmes fortement financés par des partenaires extérieurs et focalisés surdes problèmes spécifiques, tels que l’appui aux OEV, la lutte contre les violences baséessur le genre et la lutte contre la traite et le travail des enfants. Pour assurer une couverture plusimportante des couches les plus vulnérables et renforcer leur capacité à mieux gérer les risques,la future Stratégie Nationale de Protection Sociale devrait mettre l’accent principalement sur lerenforcement de la protection sociale non contributive sans mécanisme de subventionnementL’expansion de l’assurance sociale semble ne pas être une piste prometteuse de renforcementde la protection sociale des plus vulnérables. Les difficultés administratives d’élargir lacouverture de l’assurance sociale au secteur informel, la faible reconnaissance culturelle de lanotion d’assurance parmi les couches les plus pauvres et leur faible capacité contributive font desorte qu’une stratégie centrée sur l’expansion de l’assurance sociale serait probablement vouée àl’échec. Ces approches n’ont pas abouti à une couverture significative de la population exerçantdans le secteur informel ailleurs en Afrique, sauf dans les cas spécifiques (et sous des conditionsparticulières) de l’assurance maladie au Ghana et au Rwanda (voir la section 4.7).Néanmoins, des réformes profondes sont requises pour sauvegarder les acquis des caissesde sécurité sociale et libérer les ressources qui sont actuellement consacrées au subventionnementde leurs déficits structurels et pourraient être mieux employées en faveur des plusvulnérables. Bien que la priorité doive être accordée à la protection sociale non contributive, il estimportant d’assurer la pérennisation des caisses de sécurité sociale à travers les réformes déjàpréconisées. Ceci est nécessaire pour trois raison principales, pour ne pas mettre à risque lesacquis de protection (notamment les pensions de vieillesse) des travailleurs du secteur formel,ensuite pour permettre à l’Etat de réorienter les ressources importantes actuellement consacréesà subventionner les déficits structurels des Caisses vers des programmes de protection socialeplus pertinents aux ménages et individus les plus vulnérables et enfin pour développer un systèmeplus performant qui pourra complémenter les programmes non contributifs. Les droits des femmeset des enfants devraient être mieux protégés dans le cadre des réformes, notamment en ce quiconcerne la levée de la condition de mariage civil pour permettre un plus large accès aux allocationsfamiliales et aux pensions de réversion aux veuves et aux orphelins.6.3 Le rôle potentiel des transferts sociaux monétaireset des programmes de travaux publics à HIMOLes transferts sociaux monétaires ont joué un rôle important dans un grand nombre de paysen voie de développement dans la réduction de la pauvreté et de la faim, l’amélioration de l’accès auxservices sociaux de base, le renforcement du capital humain, le renforcement de la cohésion sociale etla promotion d’une croissance inclusive et favorable aux pauvres. Introduits plus tardivement en80


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireAfrique subsaharienne que dans d’autres régions (l’Amérique Latine et l’Asie), ces types de programmessont devenus de plus en plus présents ces dernières années. Les formes les plus répandues enAfrique subsaharienne sont, d’une part, les pensions sociales de vieillesse (c’est-à-dire de pensionsnon contributives et financées par l’Etat) dans plusieurs pays d’Afrique Australe (Devereux, 2008),et d’autre part, les transferts aux ménages ultra-pauvres (du premier décile ou premier quintile) dansdes pays comme le Ghana, le Kenya, le Libéria, le Malawi, le Mozambique, l’Ouganda, le Sénégal,la Sierra Leone, la Zambie et le Zimbabwe (Banque Mondiale, 2011).Un programme de transferts monétaires à large échelle aurait des impacts importants surla réduction de la pauvreté. Dans le cadre des préparatifs de la Stratégie Nationale de ProtectionSociale, une analyse de diverses options de programme de transferts sociaux monétaires a étéréalisée (Tome 2, Une première analyse du rôle, de l’ impact, des coûts et de la faisabilité dediverses options de programmes de transferts sociaux monétaires). Cette analyse, qui comprenddes simulations basées sur les données de l’ENV 2008 et des données démographiques etéconomiques, a comparé la pertinence, les impacts, les coûts et la faisabilité de sept options : desallocations familiales universelles pour enfants de moins de 15 ans ou pour enfants de moins de 5ans ; des pensions sociales universelles pour personnes âgées de 65 ans et plus ; des allocationsde maternité ; des transferts ciblés aux ménages du premier quintile ; des allocations familialesciblées aux enfants de moins de 15 ans du premier quintile ; et un programmes de travaux publicsà HIMO ciblant les jeunes chômeurs du premier quintile. Cette analyse a montré que les transfertsciblés aux ménages du premier quintile, sous leurs deux variantes (transferts à tous les ménagesdu premier quintile et transferts aux ménages du premier quintile ayant des enfants de moins de15 ans), seraient les options les plus efficaces à coût égal en raison du ciblage des ménagesles plus pauvres, et ce malgré des erreurs de ciblage (erreurs d’inclusion et d’exclusion).Leur impact sur la pauvreté serait fort pour les ménages bénéficiaires (réduction d’environ uncinquième de l’écart de pauvreté) et moyen par rapport à l’ensemble de la population pauvre (lesplus pauvres bénéficiant plus que les « pauvres modérés »). Ces options auraient aussi des impactspositifs mais modestes sur l’accès des enfants à l’école (accroissement d’environ 3,5% pourles enfants de 6 à 11 ans) et aux services de santé (+4% pour les enfants de moins de 5 ans).Compte tenu du coût d’un tel programme (1,5% à 1,8% du PIB), l’étude a suggéré de commencerpar un programme ciblant le premier décile (les plus pauvres des pauvres).Mais les défis opérationnels ne devraient pas être sous-estimés. L’analyse a souligné l’importancedes défis opérationnels, notamment ceux de la mise en application efficiente de méthodes de ciblagedes ménages les plus pauvres (au moyen d’un test de revenu par approximation (PMT) et/ou demécanismes communautaires), de la mobilisation des ressources budgétaires nécessaires et dudéveloppement des capacités administratives requises. Pour la mise en œuvre de n’importe quelleoption de transferts sociaux, l’étude a mis en relief la nécessité d’investir dans le développementde capacités en ressources humaines et systèmes administratifs, tout en reconnaissant quequelques fonctions opérationnelles, telles que le paiement des transferts aux bénéficiaires, pourraientêtre déléguées sous contrat à des opérateurs spécialisés.L’expansion de l’approche HIMO serait un moyen de réduire le chômage et le sous-emploi,notamment parmi les jeunes. Les programmes de travaux publics à HIMO sont un des principauxinstruments potentiels pour faire face aux taux élevés de chômage et ainsi accroître lesrevenus des ménages pauvres. Selon les données de l’ENV de 2008, 17,5% de la populationéconomiquement active est au chômage. Le phénomène est particulièrement concentré enmilieu urbain (35,7%) et parmi les jeunes (MEMPD et INS, 2008). En milieu rural, il y a unphénomène de sous-emploi à large échelle, notamment pendant la période de soudure dansles zones de savane du nord, où les défis en termes de sécurité alimentaire et d’améliorationde la nutrition sont particulièrement sérieux. Dans ce contexte, la revue et l’expansion des petitsprogrammes existants de travaux publics de type HIMO devraient en principe jouer un rôleimportant dans la réduction du chômage, notamment parmi les jeunes en milieu urbain et pendantla période de soudure en milieu rural. Ce type de programme se justifie aussi par les opportunitésque les programmes HIMO fournissent pour la formation des jeunes et surtout par l’impact81


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoireéconomique, social et quelquefois environnemental des travaux réalisés, qui vont de la réhabilitationet de l’entretien de routes à la construction d’infrastructures sociales, en passant par des travauxde protection environnementale comme le reboisement à large échelle.L’étude citée ci-dessus a simulé les impacts potentiels et les coûts d’un programme de typeHIMO à large échelle qui embaucherait près de 700 000 chômeurs âgés de 18 à 39 anspendant cinq mois de l’année au niveau du SMIG. Etant également ciblé au premier quintile etsupposant que les non-pauvres ne seraient pas attirés par ce type de programme (diminuantainsi les erreurs d’inclusion), cette option (sous les hypothèses retenues) aurait un impact fortsur l’écart de pauvreté au niveau des ménages bénéficiaires (-23%) et un impact moyen surl’écart de pauvreté au niveau de l’ensemble de la population (-15%), sans prendre en compteles impacts à long terme des infrastructures créées et des autres travaux réalisés. Un tel programmeaurait aussi des impacts positifs sur l’accès des enfants aux services de santé et surla fréquentation scolaire. Sous les hypothèses employées, les coûts du programme (2,7% du PIB)et les besoins en capacité administrative (de gestion d’un grand nombre de projets de travauxpublics) seraient assez élevés, et l’étude a ainsi suggéré un programme moins ambitieux dansle court à moyen terme. Pour qu’il joue pleinement sa fonction de protection sociale, il serait en effetcrucial de concevoir le programme de telle sorte qu’il assure le versement régulier et prévisible durevenu.6.4 Le renforcement des services d’action socialeIl convient de repenser le système de l’action sociale et de le doter d’un cadre politique clairafin qu’il puisse s’acquitter au mieux de son important mandat. Les services d’action socialeont un rôle primordial à jouer dans la prévention des risques et le renforcement des capacités desménages et individus les plus vulnérables. Mais l’approche projet actuelle, largement supportée parles PTF et focalisée sur l’atteinte d’objectifs thématiques ou sous-sectoriels à court terme, contribueà une fragilisation du système national d’action sociale et de son efficacité. Les principaux projetsdans lesquels les Centres Sociaux sont actuellement impliqués ne correspondent pas nécessairementaux préoccupations et besoins premiers des populations de leurs zones d’interventionet ne sont parfois que le reflet de problématiques appuyées par des PTF, souvent plus globalesmême que nationales. Il est donc primordial de développer un cadre politique clair (au sein de laStratégie Nationale de Protection Sociale) qui établisse sur la base des évidences du terrain (etdes enquêtes nationales) des priorités nationales, tout en laissant un marge de manœuvre important(appuyé par l’octroi de ressources) au niveau des directions régionales des affaires sociales etsurtout aux Centres Sociaux pour répondre de manière flexible aux besoins locaux.Les Centres Sociaux devraient pouvoir bénéficier de travailleurs sociaux mieux formés, d’unemeilleure autonomie budgétaire ainsi que d’un plus grand pouvoir décisionnel. Leur répartitionsur le territoire national devrait également être améliorée pour couvrir mieux le milieu rural et les régions(notamment dans le Nord) où les risques et les vulnérabilités sont les plus graves. Ceci pourrapermettre de mieux répondre aux problématiques spécifiques des populations, et autant que fairese peut, prévenir les risques et promouvoir les capacités plutôt qu’assister.Dès à présent, un important travail de renforcement du système d’accréditation, d’inspectionet de référencement doit être entrepris. Actuellement, nombre de structures d’action sociale(des orphelinats et des centres d’hébergement temporaire par exemple) ne répondent pas auxnormes nationales (et internationales) en vigueur. Par ailleurs, de nombreuses structures d’actionsociale coexistent sans travailler ensemble (Centres Sociaux du MEMEASS, services sociaux descommunes et ONG locales par exemple). Dresser une cartographie des acteurs de l’actionsociale (leur domaine d’intervention, leur capacité, leur respect des normes, etc.) dans chacunedes zones du pays permettrait d’une part, d’établir un système de référencement pour unemeilleure efficacité de l’action sociale, et d’autre part, de prendre les mesures nécessairesen cas de non-respect des normes en vigueur pour une meilleure protection des populations.Il faudra aussi renforcer les mécanismes d’inspection des établissements privés d’accueil82


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’Ivoire(d’orphelins, enfants abandonnés, personnes âgées, femmes victimes de violence, etc.)afin d’assurer le respect des normes en vigueur, en plus de créer des capacités d’accueilprovisoire, par exemple au niveau des centres sociaux, des enfants victimes de la traiteet des pire formes de travail des enfants.De nouvelles approches doivent être envisagées pour relever le défi de l’animation socialeet renouer le lien entre travailleurs sociaux et communautés. Il s’agit de réactiver les activitésd’animation communautaire dans les centres sociaux et de valider et vulgariser le manuel deprocédure de l’animation communautaire, actuellement en voie de finalisation, en vue d’unemeilleure application sur le terrain. Le protocole de diagnostic communautaire récemmentdéveloppé dans le cadre du renforcement du système de protection de l’enfant dans le BasSassandra (MFFE, 2011a) constitue une expérimentation intéressante sur laquelle construire.Afin de remplir leur mission d’animation communautaire, de détection et d’assistance aux plusvulnérables, les services sociaux doivent également s’engager dans des stratégies visant auchangement des normes sociales (par exemple, pour la lutte contre l’excision, le travail des enfants,la dépossession des veuves dans les sociétés ayant un mode de transmission des biens selonle système matrilinéaire, etc.). Les contacts avec les communautés pourraient par exemple êtremultipliés par le biais de programmes radio, avec l’appui de relais communautaires, ou avecla collaboration d’ONG dans une approche globale, plutôt que de manière dispersée et cloisonnéedans le cadre de programmes thématiques ou sous-sectoriels.6.5 Les mesures de promotion de l’accès de tous à l’enseignementLes mesures de stimulation de la demande et de réduction des barrières financières à l’accèsdevraient jouer un rôle critique en complément des mesures d’amélioration de l’offre et de laqualité de l’enseignement. Une série de mesures de cette nature sont déjà envisagées dans lePlan d’Actions à Moyen Terme du Secteur de l’Education pour la période de 2012 à 2014.En premier lieu, il est nécessaire de rendre l’enseignement primaire effectivement gratuit.Ceci requiert des réformes dans les procédures d’exécution budgétaire pour mettre fin à la situationactuelle de décaissement tardif et incomplet des subventions aux COGES des écoles primaires,qui laisse les écoles privées de fonds de fonctionnement et les incite à continuer à imposer descotisations informelles aux familles. La proposition du Plan d’Actions à Moyen Terme d’utiliser desaides extérieures (du Fonds Catalytique) pour effectuer des subventions directes à 300 écolesprioritaires (sur plus de 10 500 écoles primaires publiques) en contournant les mécanismes officielsd’exécution budgétaire ne peut être qu’une solution provisoire et partielle au problème. Toutes lesécoles primaires publiques devraient recevoir ces subventions, sans exception et dès le début del’année scolaire, afin de permettre la suppression définitive de toutes les cotisations informellesimposées aux familles. Elles devraient aussi recevoir les manuels et kits scolaires à temps pourdiminuer les autres frais à la charge des familles (et aussi assurer la qualité de l’enseignement).Deuxièmement, les évidences de l’impact des cantines scolaires sur la scolarisation et larétention des élèves justifient l’expansion de celles-ci. Le Plan d’Actions à Moyen Terme prévoitd’augmenter la prestation des repas afin de couvrir tous les jours de l’année scolaire et desupprimer le prélèvement de 25 FCFA par repas dans des zones géographiques prioritaires, cibléessur la base d’indicateurs de pauvreté et de scolarisation. Mais il faut reconnaître que l’on trouvedes enfants de ménages vulnérables partout, même dans les régions où ces indicateurs sontles meilleurs. En fait, le RESEN a clairement montré que la situation économique (ou de richesse)du ménage est un facteur beaucoup plus important que la région de résidence comme déterminantde l’accès, de la rétention et de l’achèvement dans les différents cycles de l’enseignement.Ceci suggère fortement que le ciblage géographique devrait jouer un rôle provisoire, en raisondes contraintes budgétaires à court ou moyen terme, au lieu d’être érigé comme principe.L’objectif à long terme devrait ainsi être d’élargir la couverture pour atteindre à terme toutesles écoles puisque seulement la moitié des écoles sont couvertes actuellement.83


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireUne étude d’évaluation des cantines (RCI et al, 2010) a estimé les coûts des cantines (12,8 milliardsde FCFA en 2005), lorsqu’il y avait un niveau de couverture équivalente à seulement 50%, commedes charges « que ni l’Etat, ni les partenaires financiers, ni à fortiori les seuls parents d’élèves, nepeuvent s’engager à supporter de façon pérenne ». Il est à noter, néanmoins, que ces dépensesconstituaient moins de 0,2% du PIB, ce qui suggère que la faisabilité budgétaire est plutôt unequestion de priorité politique. En outre, la stratégie entreprise par le PIPCS, qui promeut l’autonomisationdes cantines par la production vivrière communautaire, pourrait contribuer à soulagerles charges de l’Etat à long terme.Troisièmement, d’autres mesures de nature transversale (l’introduction de transferts monétaireset la suppression des obstacles à la scolarisation liés à l’état civil) devraient jouer un rôlecomplémentaire. Les simulations (Hodges et al, 2011) ont montré que des transferts sociauxmonétaires ciblées aux ménages les plus pauvres auraient des retombées positives sur lafréquentation scolaire. En ce qui concerne l’état civil, il faut assurer que les directeurs des écolesappliquent la directive du Ministère de l’Education Nationale de ne plus faire obstacle à l’inscriptiondes enfants au CP1 pour défaut d’extraits d’acte de naissance. A plus long terme, il faut renforceret rendre plus accessible le système d’état civil.Quatrièmement, il est difficile de comprendre la raison de la décision prise en septembre2011 de réinstaurer le port obligatoire de la tenue scolaire. Cette mesure semble aller à l’encontrede l’objectif de réduire les frais laissés à la charge des familles, notamment dans l’absence demesures d’accompagnement telles que la distribution ciblée d’uniformes gratuits (mesure miseen œuvre à large échelle dans le Ghana voisin) ou la détaxation des prix des tissus d’uniformes.Compte tenu des difficultés de ciblage déjà évoquées, il semble beaucoup plus simple d’annulerle port obligatoire de la tenue scolaire en vue de promouvoir la scolarisation primaire universelle.Cinquièmement, les mesures de promotion de l’accès à l’enseignement devraient inclure desactions spécifiques à l’endroit de la jeune fille. Cette attention accordée à la jeune fille inclutle maintien des internats pour filles, la multiplication des établissements scolaires spécialement pourfilles et la distribution gratuite de rations sèches aux filles ayant atteint un certain niveau scolaire.La gratuité du certificat médical de grossesse exigé par les écoles après un accouchement, quicouteactuellement 30 000 FCFA, pourrait aussi contribuer à faciliter la reprise des cours parde nombreuses jeunes filles mères.Sixièmement, il serait logique d’étendre les mesures de protection sociale au volet alphabétisation,compte tenu des taux élevés d’analphabètes, surtout parmi les femmes, et la relationimportante entre niveau d’instruction, niveau de vie et risques sociaux (voir la section 3.2.5).En plus des contraintes au niveau de l’offre (manque d’enseignants compétents, de matérieldidactique, etc.), l’alphabétisation n’est pas actuellement gratuite. La mise en place d’un programmenational d’alphabétisation ambitieux, gratuit et qui reprend à son compte les expérimentationsles plus réussies serait un moyen complémentaire pour atteindre l’éducation pour tous.6.6 Mesures pour assurer un accès abordable et équitableaux services de santéIl est urgent d’adopter une politique cohérente et réaliste pour assurer l’accessibilité financièreaux soins, surtout aux plus vulnérables : La première version du texte de la nouvelle PolitiqueNationale de Santé énonce comme une de ses priorités celle d’ « améliorer l’accessibilité financièreet l’utilisation des services de santé » mais ne clarifie pas comment le faire, se limitant à indiquer qu’ils’agit de développer et de mettre en place à échelle la couverture du risque maladie, qui« doit faire l’objet d’une étude » mais « pourrait être un dispositif national d’assurance ou un appuiaux mutuelles de santé ou encore la création d’un filet de sécurité pour les plus pauvres (Fondsd’Equité Sanitaire ou gratuité de certains soins) » (MSLS, 2011b, p. 29). En fait, il semble qu’onait peu avancé depuis les réflexions menées vers la fin des années 90 qui avaient conduità la création (juridique) de l’AMU en 2001.84


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireIl est crucial de tirer les lecons des experiences passées du pays. Le passage d’une exemptiongénéralisée à une approche d’exemption ciblée du paiement des soins visant les parturienteset les enfants de moins de cinq ans devrait constituer une porte d’entrée à la reforme plus globaledu système de santé pour progressivement tendre vers un système universel. La gratuité devraits’intégrer à terme dans une stratégie de Couverture Maladie Universelle (CMU) plus large,qui inclue des modalités d’exemption ciblée, un paquet subventionné pour les pauvres et unmécanisme d’assurance maladie contributif qui prend en compte les caractéristiques du pays,y compris l’étendue du secteur informel et la faible capacité contributive des personnes pauvreset vulnérables. Une leçon clef du Ghana voisin est l’importance d’une forte contribution financièrede l’Etat, dans ce cas au moyen d’une taxe spéciale, dans les pays ayant une proportionimportante de ménages pauvres avec une faible capacité contributive, afin de rendre les cotisationsabordables et aussi de financer des exemptions à large échelle. De telles mesures peuventrendre un système d’assurance plus équitable, mais l’expérience ghanéenne suggère qu’il y auratoujours des taux d’adhésion plus élevés parmi les plus aisés que parmi les plus pauvres, mêmes’il y a des exemptions à large échelle (au Ghana 64% des affiliés ne paient pas de cotisations).Par ailleurs, il est critique d’accompagner des mesures de gratuité, même si elles sont cibléesde cette manière, par des mesures de renforcement du financement, des ressources humaines etde l’approvisionnement en médicaments. Sans quoi, l’accroissement de la demande impulsé parla gratuité déborde la capacité d’accueil des établissements sanitaires, conduisant aux problèmesde surcharge du personnel et de ruptures de stocks de médicaments observés à la suite del’introduction de la gratuité exceptionnelle en avril 2011. Parmi les mesures les plus importantesseraient : (1) l’accroissement de la part de la santé dans les dépenses publiques totales (actuellementparmi les plus faibles d’Afrique de l’Ouest) ; (2) le rééquilibrage des dépenses en faveurdes soins de santé primaire et des urgences obstétricales, principalement dans les établissementssanitaires de premier contact (ESPC) et les hôpitaux de première référence ; (3) l’octroi de ressourcesbudgétaires adéquates aux ESPC, incluant les établissements sanitaires communautaires (ESCOM)qui jusqu’ici dépendent entièrement du recouvrement des coûts auprès des usagers ; (4) unemeilleure répartition géographique des ressources humaines, qui sont actuellement fortementconcentrées en milieu urbain et surtout à Abidjan ; et (5) la réforme de la PSP afin d’assurerl’acquisition et la distribution des médicaments en quantité suffisante pour répondre à la demande.Il est enfin crucial de mener une réflexion technique conjointe entre les différents acteurs engagéset de s’accorder sur une feuille de route adaptée pour la formulation et la mise en œuvre de lastratégie de CMU intégrée, qui inclue les leçons initiales du premier modèle d’exemption ciblée.6.7 Le renforcement du cadre institutionnel, des capacitésadministratives et du financement de la protection socialeIl convient d’adopter une approche à la programmation plus systémique et d’améliorer lacoordination intersectorielle et interinstitutionnelle. L’adoption de la Stratégie Nationale deProtection Sociale devrait fournir le cadre nécessaire pour orienter les actions des diversintervenants de manière plus cohérente, harmonisée et efficace. Mais en plus il faut une meilleurecoordination entre les divers acteurs étatiques et non étatiques concernés. Actuellement, lesquelques plateformes de coordination qui existent sont restreintes à certains secteurs spécifiques(notamment l’assistance aux OEV du fait du VIH/SIDA et la lutte contre les VBG). Même pources secteurs, il y a finalement peu de coordination entre les différents types d’intervenants(structures gouvernementales, bailleurs de fonds, ONG internationales et ONG nationales), chacungardant ses mécanismes propres. Par ailleurs, la forte centralisation du processus de prise dedécision ne permet pas aux acteurs de terrain, plus proches des préoccupations des populationsde leurs zones d’intervention respectives, d’influencer la conception des politiques et programmes.Le Comité de Gestion et son Comité Technique mis en place pour superviser la préparation dela Stratégie Nationale de Protection Sociale constituent des organes propices pour assurer lapleine participation des divers acteurs concernés et promouvoir le nécessaire dialogue intersectorielpendant ce processus de développement de stratégie globale. Il conviendra d’assurer la participationd’acteurs décentralisés afin de mieux prendre en compte les réalités du terrain.85


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireOn devrait envisager l’établissement d’un cadre de concertation et de coordination, probablementsous le leadership du Ministère d’Etat, Ministère de l’Emploi, des Affaires Socialeset de la Solidarité pour le suivi de la mise en œuvre de la Stratégie Nationale deProtection Sociale. Une telle structure pourrait prendre la forme d’un conseil mise en placepar le Président de la République ou d’un groupe thématique plus léger mais représentatifde tous les acteurs concernés (Ministères, caisses de sécurité sociale, agences spécialisées,société civile, PTF). Les décisions sur la nature de cette structure de concertation et coordinationdevraient être prises dans le cadre de la Stratégie Nationale de Protection Sociale.Il est souhaitable qu’une certaine stabilité institutionnelle soit assurée à l’avenir et que lesmandats des différentes structures de base soient revisités en fonction des avantagescomparatifs de chacune. Les chevauchements, l’éparpillement et la diversité dans les mandatsdes diverses structures de base, engendrés par le manque de coordination et les remaniementsministériels successifs, sont sources d’une déperdition de ressources. Comme indiqué dans lasection 5.2, des chevauchements existent par exemple entre les mandats de structures relevantdu Ministère chargé des Affaires Sociales d’une part, et celui chargé de la Santé (pour la peséedes nourrissons, la démonstration diététique et la vaccination des enfants) ou celui chargé del’Enseignement d’autre part (pour le développement du jeune enfant). Une meilleure répartition destâches et le développement de meilleures synergies sont à promouvoir entre les Centres Sociauxdu MEMEASS, les services sociaux des autres ministères sociaux et les services sociaux desautorités décentralisées. Tout ceci pourrait permettre une meilleure utilisation des ressources del’Etat pour des systèmes de détection, de référencement et d’assistance plus efficaces, pourla coordination de nouveaux programmes ayant des implications intersectorielles (comme lestransferts sociaux), et pour le développement de mécanismes en commun, notamment pourle ciblage, où il serait souhaitable d’éviter des mécanismes parallèles, coûteux et potentiellementcontradictoires. 48L’Institut National de Formation Sociale devrait renforcer ses formations initiales et offrir aussides formations courtes de recyclage. A l’avenir, les formations proposées sur deux ou trois ansdevraient permettre aux diplômés de maîtriser les questions de protection des personnes (droits desenfants, cas de maltraitance, etc.), les techniques de l’animation communautaire et les méthodesde mise en œuvre de programmes de transferts sociaux. L’INFS devrait également envisagerl’intégration de modules d’initiation et de perfectionnement portant sur la conception, la mise enœuvre, le suivi et l’évaluation de politiques de protection sociale. L’institut pourraient évaluerl’opportunité de mettre sur pied une formation de plus haut niveau (par exemple de troisièmecycle) pour répondre aux besoins de formation de cadres impliqués dans le développement depolitiques, la planification stratégique, le financement et l’évaluation de programmes dans le domainede la protection sociale. Des formations courtes sur ces thèmes devraient être proposées auxdécideurs et autres agents actuellement en poste qui ont besoin de recyclage et de renforcementdes connaissances.Par ailleurs, une stratégie devrait être élaborée pour assurer à terme une meilleure répartitiondes structures sociales et des travailleurs sociaux qualifiés sur l’ensemble du territoire.Une telle stratégie pourrait notamment se reposer sur la création de nouveaux centres sociaux dansles zones non couvertes et des mesures incitatives à la délocalisation (et à la rétention) des diplômésde l’INFS, et sur des mécanismes de certification et de collaboration/contractualisation d’autrestypes de travailleurs/services sociaux (privés ou de la société civile).La mise en place d’un système de gestion de l’information et de suivi-évaluation estprimordiale. Son absence constitue actuellement un handicap dans l’élaboration de cadres d’orientationsstratégiques. Plusieurs initiatives ont récemment été lancées dans ce sens, y compris parle PN-OEV et les acteurs humanitaires. Il convient d’assurer leur intégration au sein du systèmeintégré de collecte et de gestion de données (SICGD) actuellement envisagé par le MEMEASS.48 Au Ghana un processus de développement d’un mécanisme conjoint de ciblage est actuellement en cours afin d’harmoniser le ciblage desbénéficiaires du programme de transferts en espèces LEAP, de l’exemption des indigents de paiement des cotisations de l’assurance maladienationale (NHIS) et plusieurs autres programmes (voir MESW et al, 2011).86


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireTout en commençant par les programmes directement sous l’égide du Ministère chargé desAffaires Sociales, ce système devrait s’élargir progressivement pour devenir un système de gestionmultisectoriel, incluant par exemple les programmes gérés par le Ministère de l’EducationNationale, le Ministère de la Santé et de la Lutte contre le SIDA et le Ministère de la Famille, dela Femme et de l’Enfant, parmi d’autres. Ce système de gestion d’information devrait permettrela saisie et le suivi de données sur les bénéficiaires individuels de programmes, incluant parexemple les informations obtenues par les travailleurs sociaux lors d’enquêtes sociaux, lesinformations sur leur inscription dans des programmes spécifiques (par exemple de transfertssociaux) et les informations sur les mesures complémentaires prises (par exemple, obtention dedocuments de l’état civil, aides dans le cadre du PN-OEV, exemptions de frais dans lesétablissements sanitaires, etc.).Bien que limité à court terme, l’ « espace budgétaire » potentiel pour une expansion desdépenses publiques de protection sociale devrait augmenter à partir de 2012. L’espacebudgétaire disponible pour une expansion de la protection sociale semble limitée à courtterme en raison de la crise économique profonde déclenchée par le conflit postélectoral,qui a conduit à une baisse du PIB de 5,8% et l’aggravation du déficit global des financesgouvernementales à 6,4% du PIB en 2011, selon les estimations du FMI (2011b). Cependant,l’activité économique est déjà en train de se relancer et le FMI prévoit un rebondéconomique important en 2012 (taux de croissance de 8,5% et réduction du déficit des financesgouvernementales à 3,8% du PIB). Deux sources potentielles d’espace budgétaire devraientpermettre une expansion durable du financement de la protection sociale à long terme. Il s’agittout d’abord de la croissance des recettes fiscales, principalement en fonction de la croissancedu PIB (le ratio recettes/PIB étant déjà relativement élevé avant la crise postélectorale, tournantautour d’une moyenne de 18,3% entre 2004 et 2008) et ensuite de l’amélioration de l’efficacitédes dépenses par rapport aux priorités politiques.Un fort accent sur la réduction de la vulnérabilité des populations devrait favoriser uneaugmentation de la part des dépenses de protection sociale en vue d’accroître le niveaude consommation des ménages, améliorer l’accès aux services sociaux de base et stimulerune croissance inclusive et en faveur des pauvres dans le but de réduire la pauvreté monétaireet d’accélérer le progrès vers les OMD. Même au sein des dépenses dites de protectionsociale, il y a des opportunités d’atteindre une meilleure efficacité, notamment à travers les réformesprévues à la CGRAE et à la CNPS, qui devraient mettre fin au besoin de subventionnement deleurs déficits structurels et ainsi libérer des ressources publiques qui pourraient être consacrées àdes programmes de protection sociale au profit des couches les plus vulnérables de la population.87


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireBibliographie et annexes89


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireRÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUESAbbas, S. (2008) La pauvreté des enfants en Côte d’Ivoire : une analyse selon l’approche non monétaire,<strong>UNICEF</strong>, Abidjan, juillet.AGEROUTE (2005) Présentation des résultats au 15 août 2004 du projet pilote de réhabilitation des routesrurales par les méthodes HIMO, Agence de Gestion des Routes, Direction des Etudes et de la Gestion duRéseau, janvier.AGEROUTE (2008) Projet pilote de réparations localisées des routes par la méthode HIMO, rapport finald’exécution, Agence de Gestion des Routes, févrierAgyepog, I.A., et S. Adjei (2008) « Public social policy development and implementation: a case study of theGhana National Health Insurance System », Health <strong>Policy</strong> and Planning, n o 23, pp. 150-160.Aka, B.F., (2007) « Genre, accès à la propriété foncière et pauvreté rurale en Côte d’Ivoire ». International Journalof Applied Econometrics and Quantitative Studies, Vol. 4-1-3, pp. 105-125.Andoh-Adjei, F-X. (2011) Overview of Ghana’s National Health Insurance Scheme, présentation PowerPoint,National Health Insurance Authority, Accra, juin.Bamba, K., G.-A. Ouegnin, A.M. Yapi, I. Doucoure et P. Kouye (2004) La couverture du risque maladie enCôte d’Ivoire, Ministère de la Solidarité, de la Sécurité Sociale et des Handicapés, Comité de Pilotage del’Assurance Maladie Universelle, mars.Banque Mondiale (2007) Emergency project paper on a proposed pre-arrears clearance grant in the amount ofSDR 79.2 milllion (US$120 million equivalent) to the Republic of Côte d’Ivoire for a Post-Conflict AssistanceProject, rapport n o 40211-CI, 2 juillet.Banque Mondiale (2009) Project appraisal document on a proposed grant [...] in support of the third phase of theProductive Safety Net Program, report no. 48633-ET, 25 September, Washington, D.C.Banque Mondiale (2010a) Côte d’Ivoire, Inequality, Conflict and Poverty: A Poverty Assessment, Washington D.C., mai.Banque Mondiale (2010b) République de Côte d’Ivoire, Santé nutrition et population, <strong>Rap</strong>port analytique santépauvreté, rapport n o AAA56-CI, décembre.Banque Mondiale (2011) Cash transfer programs: the emerging safety net in Sub-Saharan Africa, draft, 28Washington, D.C., janvier.Blibolo, A.D., N. Bi-Tah, R. Fassassi et N. Koffi (2003) Recherches et plaidoyer pour l’amélioration de l’assistanceaux malades indigents dans les services de santé en Côte d’Ivoire, rapport final, ENSEA, Université deMontréal et CRD, décembre.Blibolo, A.D., G. Tapé, Y.G. Loukou, N. Bi-Tah, R. Fassassi et N. Koffi (2009), Identification des malades indigentsen Côte d’Ivoire: analyse d’implantation de critères standards dans les services sociaux de santé à Abidjan,rapport d’enquêtes final, ENSEA, Université de Montréal et CRDI, septembre.Mselati, P., A.D. Blibolo, C. Doulorou, M. Peyre, M. Traoré, L. Vidal et I.M. Coulibaly (1995), Stratégies de luttecontre les abandons de traitements anti-tuberculeux: étude épidémiologique et anthropologique d’unecohorte dans les CAT d’Abidjan, Côte d’Ivoire en 1995.Bosso, T.P., et A.C. Bassa (2011) Mesures de protection sociale dans le secteur de l’emploi en Côte d’Ivoire,présentation PowerPoint à l’atelier de Renforcement des connaissances en vue de l’élaboration de lastratégie nationale de protection sociale en Côte d’Ivoire, Ivotel, Abidjan, 24 et 25 août.CI-UE (2009) <strong>Rap</strong>port final d’analyse sectorielle d’identification et de formulation du projet santé 10 ème FED, rapportd’Eco Consulting pour l’Ordonnateur national du Fonds Européen de Développement et la Délégation de laCommission Européenne en République de Côte d’Ivoire, décembre.CLEISS (n.d.) Le régime ivoirien de sécurité sociale, Centre de liaisons Européennes et Internationales deSécurité Sociale, Paris.CNLS (2008) Estimation des flux de ressources et de dépenses nationales de lutte contre le SIDA (EF/REDES),Côte d’Ivoire 2006, 2007 et 2008, Conseil National de Lutte contre le SIDA, avril.CNLS (2010) <strong>Rap</strong>port national UNGASS 2010, Côte d’Ivoire janvier 2008 – décembre 2009, Conseil Nationalde Lutte contre le SIDA, mars.CNLS (2011) Plan stratégique national de lutte contre l’infection à VIH, le SIDA et les IST 2011-2015, ConseilNational de Lutte contre le SIDA, février.Coulibaly, N. (2008) Analyse de la pauvreté des enfants en Côte d’Ivoire, <strong>UNICEF</strong>, Abidjan, décembre.Devereux, S. (2008) “Social Pensions in Southern Africa in the 20th Century”, Journal of Southern AfricanStudies, vol. 33, no. 3, septembre.90


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireDidier Sevet, C. (2010) Les pratiques d’assistance sociale et formation en travail social, Afrique de l’Ouest,Afrique centrale, Mission d’étude et propositions en vue d’une harmonisation des cadres d’intervention,des approches et des formations en travail social, <strong>UNICEF</strong>, Bureau Régional de l’Afrique de l’Ouest et duCentre, mars.Ellis, F., S. Devereux et P. White (2009) Social Protection in Africa, Edward Elgar Publishing, Cheltenham, UK.FMI (2010) Côte d’Ivoire: Second Review under the Three-Year Arrangement under the Extended Credit Facility,Country report n o 10/228, Fonds Monétaire International, juillet.FMI (2011a) Regional Economic Outlook: Sub-Saharan Africa, Sustaining the Expansion, Fonds MonétaireInternational, octobre.FMI (2011b) Cancellation of the Extended Credit Facility Arrangement and Request for Disbursement under the<strong>Rap</strong>id Credit Facility, Fonds Monétaire International, juin.Galeano Germain, L. (2010a) Cadre conceptuel d’appui au développement du système de protection de l’enfanten République de Côte d’Ivoire, draft 1, septembre.Galeano Germain, L. (2010b) Développement du système de protection de l’enfant en République de Côted’Ivoire. <strong>Rap</strong>port de mission du 16 septembre au 27 octobre 2010.Grosh, M., C. del Nino, E. Tesliuc et A. Ouerghi (2008) For Protection and Promotion, The Design andImplementation of Effective Safety Nets, Banque Mondiale, Washington, D.C.Gueu Yra, A. (2008) La protection sociale du secteur public de Côte d’Ivoire, <strong>UNICEF</strong>, juillet.Hodges, A., D. Mèdédji, J.-J. Mongbo et C. O’Brien (2010), Etude sur l’état des lieux et les perspectives deprotection sociale au Bénin, rapport pour <strong>UNICEF</strong>, <strong>Oxford</strong> <strong>Policy</strong> <strong>Management</strong>, mai.Hodges, A., C. O’Brien, L. Tiberti, N. Riemenschneider et C. Cherrier (2011) Cadre de développement dela Stratégie Nationale de Protection Sociale en Côte d’Ivoire, Contribution à la stratégie : rôle, impacts,coûts et faisabilité de diverses options de programme de transferts sociaux monétaires, <strong>Oxford</strong> <strong>Policy</strong><strong>Management</strong>, novembre.INS (2008) Enquête Niveau de Vie des Ménages ENV 2008, Manuel de l’Agent, Institut National de la Statistique,mai.Juillet, A., P. Msellati, M. Souville, J. Prudhomme, H. Aka-Dago et J.P. Moatti (2001) L’accès aux traitements despatients vivant avec le VIH/SIDA en Côte d’Ivoire : une enquête quantitative, ONUSIDA et Ministère de laSanté Publique.Lida, S. (2010) Revue documentaire sur la protection de l’enfant en Côte d’Ivoire, Abidjan : <strong>UNICEF</strong>.Martin, F. (2010) Consultancy to Support the Strengthening of National Monitoring and Evaluation Systems forthe Protection, Care and Support of Orphans and Vulnerable Children (OVC) Living in a World with HIV andAIDS, OVC M&E system assessment report and work plan developed for M&E technical support, Côted’Ivoire Report, IDEA International Institute for <strong>UNICEF</strong> Abidjan, décembre.McCord, A., et R. Slater (2009) Overview of public works programmes in Sub-Saharan Africa, OverseasDevelopment Institute, Londres, 30 septembre.MEMEASS (2011a) Note de présentation des activités de la Direction de la Protection Sociale, Direction de laProtection Sociale, Ministère d’Etat, Ministère d’Etat, Ministère de l’Emploi, des Affaires Sociales et de laSolidarité, août.MEMEASS (2011b) Programme de retour volontaire des personnes déplacées internes, Draft, Direction de laSolidarité, Ministère d’Etat, Ministère d’Etat, Ministère de l’Emploi, des Affaires Sociales et de la Solidarité.MEMEASS (2011c) Plan de rapatriement des réfugiés ivoiriens des pays limitrophes, Draft, Direction de laSolidarité, Ministère d’Etat, Ministère d’Etat, Ministère de l’Emploi, des Affaires Sociales et de la Solidarité.MEMEASS (2011d) Plan stratégique de réadaptation à base communautaire (PN RBC), Direction de la Solidarité,Ministère d’Etat, Ministère d’Etat, Ministère de l’Emploi, des Affaires Sociales et de la Solidarité.MEMEASS (2011e) Programme d’Education Parentale, Draft 1, dernière révision faite en février 2011, Ministèred’Etat, Ministère d’Etat, Ministère de l’Emploi, des Affaires Sociales et de la Solidarité, février.MEMPD (2008a) Evaluation du DSRP-I, Ministère d’Etat, Ministère du Plan et du Développement, DirectionGénérale du Plan, Direction du Développement, draft final, juin.MEMPD (2008b) Droits des Enfants et des Femmes en Côte d’Ivoire, Analyse de la situation en 2008, Versionfinale, Ministère d’Etat, Ministère du Plan et du Développement, Direction Générale du Plan, novembre.MEMPD (2010) Programme d’Investissements Publics 2010-2012, Ministère d’Etat, Ministère du Plan et duDéveloppement, Direction Générale du Plan, Direction de la Programmation des Investissements, août.91


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireMEMPD (2011) Atelier de renforcement des connaissances en vue de l’élaboration de la Stratégie Nationale deProtection Sociale, Abidjan-Plateau, Hôtel Ivotel, les 24 et 25 Août 2011, rapport, Ministère d’Etat, Ministèredu Plan et du Développement, Direction Générale du Plan.MEMPD/INS (2008a) Enquête sur le niveau de vie des ménages (ENV 2008), Ministère d’Etat, Ministère du Planet du Développement, Direction du Développement, Institut National de la Statistique, octobre.MEMPD/INS (2008b) Enquête Nationale sur le Travail des Enfants 2005, Institut National de la Statistique,Ministère de la Fonction Publique et de l’Emploi, Direction Générale du Travail, mars.MEMPD/INS et <strong>UNICEF</strong> (2007) Enquête par grappes à indicateurs multiples Côte d’Ivoire 2006, Ministère d’Etat,Ministère du Plan et du Développement, Institut National de la Statistique, et <strong>UNICEF</strong>, mars.MEN (2009a) Arrêté N°0074/MEN/CAB/SAA du 23 septembre 2009 modifiant et complétant l’arrêté N°0093/MEN/CAB/SAA du 02 décembre 2005 portant création et réglementation des centres d’éducationcommunautaire (CEC), Ministère de l’Education Nationale.MEN (2009b) Arrêté N°0074/MEN/DELC du 28 septembre 2009 portant interdiction des punitions physiques ethumiliantes à l’endroit des élèves des établissements scolaires, Cabinet, Ministère de l’Education Nationale.MEN (2011) Mesures de protection sociale en place ou planifiés dans le secteur de l’Education/Formation enCôte d’Ivoire : la protection sociale et la scolarisation des enfants, présentation PowerPoint à l’atelier deRenforcement des connaissances en vue de l’élaboration de la stratégie nationale de protection sociale enCôte d’Ivoire, Ivotel, Abidjan, 24 et 25 août.MEN (n.d. a) DMOSS et ses structures déconcentrées, Direction de la Mutualité et des Œuvres Sociales enMilieu Scolaire, Ministère de l’Education Nationale.MEN (n.d. b) Généralités sur les cantines scolaires, Service National des Cantines Scolaires, Ministère del’Education Nationale.MEN, METFP et MESRS (2010) Plan d’actions à moyen terme du secteur de l’éducation, 2010-2013, Ministèrede l’Education Nationale, Ministère de l’Education Technique et de la Formation Professionnelle, et Ministèrede l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, juin.MEN, METFP et MESRS (2011) Plan d’actions à moyen terme – PAMT secteur de l’éducation : 2012-2014Ministère de l’Education Nationale, Ministère de l’Education Technique et de la Formation Professionnelle,et Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, 12 septembre.MESW, MoH, MoE, MoFA, MLGRD (2011) Common Targeting Mechanism : Report on Pretesting of DataCollection Instrument, Ministères ghanéeens de l’Emploi et des Affaires Sociales, de la Santé, de l’Education,de l’Alimentation et de l’Agriculture, et de Gouvernement Local et de Développement Rural, avril.MFFAS (2007a) Plan stratégique national de prise en charge des OEV en Côte d’Ivoire 2007-2010, Programmenational de prise en charge des orphelins et autres enfants rendus vulnérables du fait du VIH/SIDA, Ministèrede la Famille, de la Femme et des Affaires Sociales, novembre.MFFAS (2007b) Plan d’Action National pour l’Enfant – P.A.N.E. 2008 à 2012, Ministère de la Famille, de laFemme et des Affaires Sociales, décembre.MFFAS (2007c) Cartographie Nationale des Structures Sociales : un outil d’aide à la prise de décision, Edition2006-2007, Projet carte sociale, Direction de la planification, des études et de la documentation, Ministèrede la Famille, de la Femme et des Affaires Sociales.MFFAS (2007d) Elaboration de la politique nationale en faveur des personnes âgées, Ministère de la Famille, dela Femme et des Affaires Sociales.MFFAS (2008a) Guide de bonnes pratiques pour la mise en œuvre d’activités génératrices de revenus endirection des OEV et de leurs familles, Programme National de Prise en charge des Orphelins et autresEnfants rendus Vulnérables du fait du VIH/SIDA, Ministère de la Famille, de la Femme et des AffairesSociales, République de Côte d’Ivoire, juin.MFFAS (2008b) Document concept du Centre Social « Restructuré », Ministère de la Famille, de la Femme etdes Affaires Sociales, Inspection Générale, juillet.MFFAS (2008c) Crise et violences basées sur le genre en Côte d’Ivoire, Résultats des études et principaux défis,Ministère de la Famille, de la Femme et des Affaires Sociales, octobre.MFFAS (2009a) Organisation de la prise en charge des OEV en Côte d’Ivoire, Document Cadre, ProgrammeNational de Prise en charge des Orphelins et autres Enfants rendus Vulnérables du fait du VIH/SIDA,Ministère de la Famille, de la Femme et des Affaires Sociales, République de Côte d’Ivoire, avril.MFFAS (2009b) Standards pour l’amélioration de la qualité des services offerts aux OEV, Programme nationalde prise en charge des orphelins et autres enfants rendus vulnérables du fait du VIH/SIDA, Ministère de laFamille, de la Femme et des Affaires Sociales, octobre.92


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireMFFAS (2009c) Les OEV – Orphelins et Enfants Vulnérables – Des enfants comme les autres, ProgrammeNational de Prise en charge des Orphelins et autres Enfants rendus Vulnérables du fait du VIH/SIDA,Ministère de la Famille, de la Femme et des Affaires Sociales, République de Côte d’Ivoire.MFFAS (2009d) <strong>Rap</strong>port d’activités 2009 et plan d’action 2010, Direction Régionale des Savanes, Ministère dela Famille, de la Femme et des Affaires Sociales, République de Côte d’Ivoire, décembre.MFFAS (2010a) Comment améliorer le bien-être des enfants rendus vulnérables par le SIDA, Programme Nationalde Prise en charge des Orphelins et autres Enfants rendus Vulnérables du fait du VIH/SIDA, Ministère de laFamille, de la Femme et des Affaires Sociales, mars.MFFAS (2010b) Document de Politique Nationale pour les Soins et Soutien aux Orphelins et autres Enfantsrendus Vulnérables du fait du VIH/SIDA et leurs familles en Côte d’Ivoire, Programme National de Prise encharge des Orphelins et autres Enfants rendus Vulnérables du fait du VIH/SIDA, Ministère de la Famille, dela Femme et des Affaires Sociales, septembre.MFFAS (2010c) Protection des droits des orphelins et autres enfants rendus vulnérables du fait du VIH/SIDAdans la législation ivoirienne, Recueil des textes juridiques, Programme National de Prise en charge desOrphelins et autres Enfants rendus Vulnérables du fait du VIH/SIDA, Ministère de la Famille, de la Femmeet des Affaires Sociales, septembre.MFFAS (2010d) De la nécessité d’un système national de protection de l’enfant en Côte d’Ivoire : élémentssommaires de cartographie et d’analyse, Ministère de la Famille, de la Femme et des Affaires Sociales,Direction de la Planification, des Etudes et de la Documentation, avec <strong>UNICEF</strong>, Child Frontiers et Save theChildren, novembre.MFFAS (2010e) Cartographie des structures sociales par région, répertoire, Ministère de la Famille, de la Femmeet des Affaires Sociales, Direction de la Planification, des Etudes et de la Documentation, décembre.MFFAS (2010f) Répertoire des structures sociales et organisations communautaires impliquées dans les soins etsoutien aux OEV et leurs familles, Programme National de Prise en charge des Orphelins et autres Enfantsrendus Vulnérables du fait du VIH/SIDA, Ministère de la Famille, de la Femme et des Affaires Sociales.MFFAS (2010g) Cartographie et analyse du système de protection de l’enfant en Côte d’Ivoire, Ministère dela Famille, de la Femme et des Affaires Sociales, avec l’appui scientifique de Child Frontiers, décembre.MFFAS (2010h) <strong>Rap</strong>port d’activités 2009 de la Direction Régionale du Fromager, Ministère de la Famille, de laFemme et des Affaires Sociales, République de Côte d’Ivoire, mars.MFFAS (2010i) Document de politique nationale pour une approche intégrée du développement holistique dujeune enfant, ébauche du 14 décembre 2010, Ministère de la Famille, de la Femme et des Affaires Sociales.MFFAS (2010j) Déclaration de politique nationale en faveur des personnes handicapées, Projet, Direction dela Promotion des Personnes Handicapées, Ministère de la Famille, de la Femme et des Affaires Sociales.MFFAS (2010k) Les exemples concrets et les bonnes pratiques dans la mise en œuvre des articles 11, 19 et24 de la convention 106 relative aux droit des personnes handicapées, Direction de la Promotion desPersonnes Handicapées, Ministère de la Famille, de la Femme et des Affaires Sociales.MFFAS et <strong>UNICEF</strong> (2010) Plan d’Action National pour l’Enfant – P.A.N.E. 2008 à 2010, Ministère de la Famille,de la Femme et des Affaires Sociales et <strong>UNICEF</strong> Abidjan, janvier.MFFE (2011a) Renforcement du système de protection de l’enfant dans le Bas Sassandra, Diagnosticcommunautaire en matière de protection de l’enfant, Guide de l’intervenant, Ministère de la Famille, de laFemme et de l’Enfant, Direction de la Protection de l’Enfant, juillet.MFFE (2011b) La protection sociale : Cadre normatif de protection des enfants, Ministère de la Famille, de laFemme et de l’Enfant, présentation PowerPoint à l’atelier de Renforcement des connaissances en vue del’élaboration de la stratégie nationale de protection sociale en Côte d’Ivoire, Ivotel, Abidjan, 24 et 25 août.MFPE et MEMEF (n.d.) FSE-THIMO, Fonds de Soutien à l’Emploi par les Travaux d’Utilité Publique à HauteIntensité de Main d’œuvre : Manuel d’exécution, Ministère de la Fonction Publique (Direction Générale del’Emploi et Agence d’Etudes et de Promotion de l’Emploi) et Ministère d’Etat, Ministère de l’Economie et desFinances (Banque Nationale d’Investissement).MJDH, <strong>UNICEF</strong> et ONUCI (2007) Actes de la Table ronde sur la Justice Juvénile en Côte d’Ivoire, Abidjan, 22novembre 2007, Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme en collaboration avec l’<strong>UNICEF</strong> et lasection Etat de droit de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire.MLS, INS, Projet RETRO-CI et ORC Macro (2006) Côte d’Ivoire, Enquête sur les Indicateurs du SIDA, Ministèrede la Lutte contre le SIDA, Institut Nationale de la Statistique, Projet RETRO-CI et ORC Macro, Calverton,Maryland, USA, décembre.93


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireMPJSC (2011) Politique Nationale de la Jeunesse 2011-2015, Ministère de la Promotion de la Jeunesse et duService Civique, juin.MSHP (2008a) Surveillance sentinelle du VIH et de la syphilis chez les femmes enceintes en Côte d’Ivoire, rapportde l’enquête 2008, Direction de l’Information, la Planification et de l’Evaluation, Ministère de la Santé et del’Hygiène Publique.MSHP (2008b) Plan National de Développement Sanitaire 2009-2013, Ministère de la Santé et de l’HygiènePublique, décembre.MSHP (2010a) Données de population 2010, Direction de l’Information, e la Planification et de l’Evaluation,Direction Générale de la Santé, Ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique.MSHP (2010b) Politique Nationale de Nutrition, Ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique.MSHP (2010c) Comptes nationaux de la santé, exercices 2007, 2008, Ministère de la Santé et de l’HygiènePublique, septembre.MSHP et MFFAS (2010) Critères et taux d’exemption au profit des malades indigents ou cas sociaux dansles établissements sanitaires en Côte d’Ivoire, Guide de l’utilisation, Ministère de la Santé et de l’HygiènePublique, Ministère de la Famille, de la Femme et des Affaires Sociales, janvier.MSHP, PNN, PAM et <strong>UNICEF</strong> (2010) <strong>Rap</strong>port d’Enquêtes Nutritionnelles basées sur la méthodologie SMART,Ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique, Programme National de Nutrition, Programme AlimentaireMondial et <strong>UNICEF</strong>.MSLS (2011a) Gratuité des soins de santé en Côte d’Ivoire (16 avril au 30 mai 2011), rapport d’évaluation,Ministère de la Santé et de la Lutte contre le SIDA, Direction Générale de la Santé, Direction de l’Information,de la Planification et de l’Evaluation.MSLS (2011b) Document de Politique Nationale de Santé, draft 1, Ministère de la Santé et de la Lutte contrele SIDA, Octobre.MSP et MFFAS (2010) Critères et taux d’exemption au profit des malades indigents ou cas sociaux dans lesétablissements sanitaires en Côte d’Ivoire, Ministère de la Santé Publique et Ministère de la Famille, de laFemme et des Affaires Sociales, janvier.N’da, P., et A. Tebi (1998) Identification des éléments qui font fonctionner une cantine efficacement, RéseauOuest et Centre Africain de Recherche en Education, avril.NDPC (2009) 2008 Citizens Assessment of the National Health Insurance Scheme, National DevelopmentPlanning Commission, May.Niankan, E. (2011) Communication de la GRAE, présentation PowerPoint à l’atelier de renforcement desconnaissances en vue de l’élaboration de la stratégie nationale de protection sociale en Côte d’Ivoire,Ivotel, Abidjan, 24 et 25 août.ODI et <strong>UNICEF</strong> (2009a) Strengthening Social Protection for Children, West and Central Africa, OverseasDevelopment Institute, Londres, et <strong>UNICEF</strong>, Bureau Régional pour l’Afrique de l’Ouest et de Centre, Dakar.ODI et <strong>UNICEF</strong> (2009b) Maternal and Child Health : The Social Protection Dividend, West and Central Africa,Overseas Development Institute, Londres, et <strong>UNICEF</strong>, Bureau Régional pour l’Afrique de l’Ouest et deCentre, Dakar.OIF, CNDJ et RFDD (2009) Les droits de l’enfant en Côte d’Ivoire, Organisation Internationale de la Francophonie,Centre National de Documentation Juridique et Réseau Francophone de Diffusion du Droit.ONEF (2010a) Répertoire des points focaux de lutte contre les violences faites aux enfants e aux femmes dansles commissariats de police et brigades de gendarmerie du district d’Abidjan, Organisation Nationale pourl’Enfant, la Femme et la Famille.ONEF (2010b) Répertoire des structures de prise en charge psychosociale et médicale des femmes et desenfants (filles et garçons) survivantes de violences dans le district d’Abidjan, Organisation Nationale pourl’Enfant, la Femme et la Famille.ONEP (2010a) Modèle financier du secteur de l’eau potable, Office Nationale de l’Eau Potable.ONEP (2010b) Projet de Politique Nationale de l’Eau Potable en Côte d’Ivoire (PNEP), Office National de l’EauPotable, janvier.ONU (2009) The Global Financial Crisis and its Impact on the Work of the UN System, UN System ChiefExecutives Board for Coordination, avril.ONU/CDC (2001) Observations finales du Comité des Droits de l’Enfants: Côte d’Ivoire, 07/09/2011, NationsUnies, Comité des Droits de l’Enfant, CRC/C/15/Add.155, 9 juillet.OPM (2011a) Cadre de développement de la Politique Nationale de Protection Sociale, <strong>Rap</strong>port de démarrage,<strong>Oxford</strong> <strong>Policy</strong> <strong>Management</strong>, juillet.94


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireOPM (2011b) L’assurance maladie au Rwanda, présentation PowerPoint à Brazzaville, Congo, <strong>Oxford</strong> <strong>Policy</strong><strong>Management</strong>, mars.PAM (2011a) Concept note : transfert monétaire inconditionnel à Abidjan, EMOP N°200255, ProgrammeAlimentaire, Côte d’Ivoire.PAM (2011b) Plan d’Opération : transfert monétaire inconditionnel à Abidjan du 27 juin au 15 septembre 2011,EMOP N°200255.PAM (2011c) Marchés et réponses humanitaires en Côte d’Ivoire, juin 2011, Programme Alimentaire Mondiale.PAM, FAO et PNUD (2011) Evaluation de la Sécurité Alimentaire en Situation d’Urgence, Programme AlimentaireMondial, FAO et Programme de Nations Unies pour le Développement, Abidjan, juin.PNUD (2010) Côte d’Ivoire : les objectifs du millénaire pour le développement 5 ans avant l’horizon 2015, PNUDCôte d’Ivoire, mars.Razafindramary, T. et P. de Galbert (2010) Evaluation de la requête au Fonds Catalytique de l’Initiative de Mise enŒuvre Accélérée de l’Education pour Tous de la Côte d’Ivoire, janvier.RCI (2009a) Stratégie de relance du développement et de réduction de la pauvreté, République de Côte d’Ivoire,janvier.RCI (2009b) Cadre de politique éducative sectorielle de la Côte d’Ivoire pour l’horizon 2020, République de Côted’Ivoire, 14 mai.RCI (2009c) <strong>Rap</strong>port d’état du système éducatif ivoirien : Comprendre les forces et les faiblesses du systèmepour identifier les bases d’une politique nouvelle et ambitieuse, République de Côte d’Ivoire, mai.RCI (2011) <strong>Rap</strong>port national sur les actions de lutte contre les pires formes de travail des enfants en Côte d’Ivoire2000-2009, Service Autonome de la Lutte contre le Travail des Enfants, République de Côte d’Ivoire, juin.RCI, UE et PNUD (2010) Projet d’Appui au Programme Intégré de Pérennisation des Cantines Scolaires, ProjetCIV 00036501, <strong>Rap</strong>port narratif final, novembre 2006 – mai 2009.RCI, FAO, PAM, USAID, ASDI et CE (2011) Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC),Sixième Cycle d’Analyse, avril-juin 2011, rapport de synthèse, République de Côte d’Ivoire, août.Réveillon, M., et A. Diabagate (2011) Etude sur l’accessibilité aux soins et le financement de la santé, Etape 2 :couverture maladie – gratuité des soins : état des lieux et pistes pour le futur, rapport provisoire 24 octobre,Agence Européenne pour le Développement et la Santé, Bruxelles.Rousseau, S. (2003) Capabilités, risques et vulnérabilités, C3ED, Université de Versailles-St-Quentin-en-Yvelines, France.Samson, M., I. van Niekerk et K. MacQuene (2006) Designing and Implementing Social Transfer Programmes,Economic <strong>Policy</strong> Research Institute, Cape Town.Save the Children (2009) Ça-là, c’est difficile : L’exploitation du travail des enfants en Côte d’Ivoire, Abidjan.Sery, J.-P. et al (2004) La couverture du risque maladie en Côte d’Ivoire, Colloque sur la couverture du risquemaladie en Afrique francophone, WBI-IMA, Paris, 26-30 avril.Soko, C. (2010) Etude socio-économique des filets de sécurité sociale informels (FSI) en Côte d’Ivoire, BanqueMondiale, juin.Traoré, A. (2008) La protection sociale du secteur privé de Côte d’Ivoire – Quelle place pour la femme et l’enfant?, Caisse Nationale de Prévoyance Sociale et <strong>UNICEF</strong>, juillet.Traoré, A. (2011) Présentation de la CNPS et ses projets majeurs, présentation PowerPoint à l’atelier deRenforcement des connaissances en vue de l’élaboration de la stratégie nationale de protection sociale enCôte d’Ivoire, Ivotel, Abidjan, 24 et 25 août.UA (2008) Cadre de politique sociale africaine. Première session de la Conférence des ministres en charge dudéveloppement social, 27-31 octobre 2008, Windhoek (Namibie). Document CAMSD/EXP/ 4(I), Rev. 1,Union Africaine, Addis-Abeba.UEMOA (2009) Règlement No 07/2009/CM/UEMOA portant règlementation de la mutualité sociale au sein del’UEMOA, Conseil des Ministres de l’Union Economique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouest, Dakar, 26 juin.95


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireAnnexe AListe des personnes rencontréesOrganisation Nom PositionPrimatureCabinet Mr AHOUANZI Latte N.L. Conseiller SpécialMme HACCANDY Thérèse Conseiller Technique SantéMinistère d’Etat, Ministère du Plan et du Développement (MEMPD)CabinetMr SEKA Pierre-RocheDirecteurMr KOUAME Kouatou Lacina Directeur AdjointDirection Général du Plan Mr NIAMIEN Kadjo Directeur de la PlanificationDirection de la Programmationdes Investissements PublicsMr GONNE Louh JeannotDirecteurMinistère de l’Economie et des Finances (MEF)DCPE Mr Abou TOURE DirecteurDirection du Budget Mr DIABA Roger DirecteurMinistère d’Etat, Ministère d’Etat, Ministère de l’Emploi, des Affaires Sociales et de la Solidarité(MEMEASS)Cabinet Mr KONE Kipéya Brahima Directeur de Cabinet AdjointMme TANAH Ebah Monique Sous-directeur des EtudesDirection des Affaires Administrativeset Financières (DAAF)Mr Adama TOUREDirecteurDirection de la Protection Sociale (DPS) Mr OBA Boussou Ernest Sous-directeurDirection de la Promotion des PersonnesHandicapées (DPPH)Service Autonome de la Lutte contrele Travail des Enfants (SALTE)Programme de Protection des Enfantset des Adolescents Vulnérables (PPEAV)Programme National de Prise en chargedes Orphelins et autres Enfants rendusVulnérables du fait du VIH/SIDA (PN-OEV)Mr N’DRI Koffi EugèneMr SIGUI Mokié HyacintheMr AGOH Ake Eben-EzerMr ANGAMAN KASSY RogerSous-directeurDirecteurCoordonnateurResponsable Suivi,Evaluation et RechercheDirection de la Solidarité Mr TRAORE Mamadou DirecteurDirection de la Sécurité SocialeMr BAMBA KarimMr YANGNI JoëlDirecteurSous-directeur Réglementationet de la Mutualité (DSSM)Mme KONE Karidja épouseBAMBASous-directeur MutualitéDirection Générale de l’Emploi (DGE) Mr BOSSO Tayoro PaulDirecteur des Stratégieset des Programmes d’EmploiAgence d’Etudes et de Promotionde l’Emploi (AGEPE)Mme BASSA CatherineSous-directrice desProgrammes d’EmploiDirection de la Santé et dela Sécurité au Travail (DSST)Mr KAMARA MamadouSous-directeurDirection Régionale des Affaires Sociales Mme OULE Katiama Mariame Chef du Service PlanificationDirection Régionale des Affaires SocialesComplexe Socioéducatif de Port BouëtCentre Social Treichville / HabitatMme KOUE PaulineMme DIABLEMme CHIDJO YolandeMr YAO Amani ThierryMme AKPA Anne Agatheépouse AGNIMELChef du Service des ProjetsSociaux et du Suivi desComplexesDirectriceResponsable du Centred’Education SpécialiséeAssistant social responsabledu service suivi évaluationAssistante Sociale / Directrice96


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireOrganisation Nom PositionCellule de Coordination du ComitéNational de lutte contre les violencesfaites aux femmes et aux enfantsInstitut National de Formation Sociale (INFS)Mme COULIBALY FantaMr N’Guettia Kouakou KraMartinMr KONAN Kouakou SeraphinDirecteurChef Service ScolaritéMinistère de la Famille, de la Femme et de l’Enfant (MFFE)Mme COFFIE Goudou RaymondMinistreCabinet Mme Edith Clariss KOUASSY Directeur de Cabinet AdjointDirection de Protection de l’Enfance (DPE)Ministère de l’Education Nationale (MEN)Mme Chantal KONEMme KRAIDY SandrineMr KOUADIO Kra HervéInspectriceCabinet Mr KABRAN Assoumou DirecteurComité de Suivi de la Préparation du PlanSectoriel de l’Education/FormationMr KONE RaoulMr BINEY John FrancisDirecteur AdjointCoordonnateurMinistère de la Santé et de la Lutte contre le SIDACabinet Pr EHILE DirecteurCellule de Prospective et de Stratégie Pr SAMBA Mamadou ChefAgence de Gestion des Routes (AGEROUTE)Cellule de Coordination du ProjetHIMO-PAPCMr KOUADIO POKOU MariusOffice National de l’Eau Potable (ONEP)CoordonnateurDDET Mr DAGNOGO Sidi Braima DirecteurMr KOUADIO RolandSPEDHRPMr IDO AdamaMr BINI KoussounouDREMme KONE SaramatouPartenaires Techniques et Financiers (PTF)<strong>UNICEF</strong> Mr Hervé DE LYS ReprésentantMme Christina DE BRUINMr Stefano VISANIMme Laetitia BAZZIMme Joyce Patricia BHEEKAMr RAMAMONJISOA EliMr KONAN Kouamé JeanMr Thomas MUNYUNZANGABOMr KOTY RaoulMme Fiorella POLOMr ROSSI MassimilianoReprésentant AdjointChef, Politiques SocialesChef, Protection de l’EnfantChef, EducationChef, Survie de l’EnfantSpécialiste VIH/SIDAChef VIH/SIDAChef d’OpérationsSpécialiste eau etassainissementSpécialiste eau etassainissement97


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireOrganisation Nom PositionMr KOUKOUI Basile JanvierSpécialiste NutritionProgramme Alimentaire Mondial (PAM) Mme Ellen KRAMER Chef de ProgrammeMme PIERRE RachelChargé de programme,cantines scolaireMr KODJO Niamke Etoua Chargé de nutrition et VIHMme Nora HOBBSChargé de nutrition et VIHMr SOUBEIGA JonasChargé de programme TDYMr SADIO JospehChargé de programme TDYMr TOURE MoustaphaMr N’ZUE MuehNational VAM OfficerAssistant de programmeProgramme des Nations Unies pour leDéveloppement (PNUD)Mr TSASSA CélestinConseiller Economique/Economiste PrincipalMs DAYMON CarolineMr BAGUIA AllassaneFonds Monétaire International Mr Wayne W. CAMARD ReprésentantMr Agou GOMEZEconomiste résidentBanque MondialeMr Yannick GORANI (partéléphone)Organisations Non Gouvernementales (ONG)Bureau International Catholique del’Enfance (BICE)Mr KOUKOUI Désiré GilbertDirecteur des actions etprojetsTerre des Hommes Italia (TdH) Mr Alessandro RABBIOSI Délégué Côte d’Ivoire98


Etat des lieux, défis et perspectives de renforcement de la protection sociale en Côte d’IvoireAnnexe BDépenses publiques de protection socialeTableau B.1 Dépenses publiques courantes de protection sociale (hors personnel) :exécution, 2008-2010 (FCFA)2008 2009 2010Assistance médicale aux indigents 279 627 901 280 000 000 320 000 000Aide alimentaire hôpitaux 162 602 988 182 638 154 180 068 920Autres aides alimentaires 447 283 269 1 019 327 235 753 541 637Administration de la protection sociale 43 797 941 121 021 588 52 446 067Orphelinats 77 103 232 90 451 151 292 182 500Pouponnières 78 695 816 173 482 048 237 723 629Centres handicapés, aveugles,sourds muets53 295 183 133 296 649 91 778 890Centres sociaux 202 890 728 467 198 751 779 614 507Formations personnel social 1 263 242 539 1 733 378 311 1 930 580 175Prévoyance maladie 0 6 383 800 4 369 225Pensions et retraites 186 183 984 194 938 939 582 944 091Prévoyance chômage 675 000 000 682 400 000 682 400 000Protection des jeunes 22 575 163 015 17 125 854 130 14 698 217 815Famille et protection de la femme 555 569 243 990 392 381 1 178 630 177Administration générale de la solidarité 5 190 457 722 2 725 243 662 1 834 528 519Aides aux victimes de catastrophes 81 250 000 50 000 000 75 000 000Autres affaires assistance et solidarité 488 963 937 505 085 824 412 198 861Caisse Générale de Retraite des Agentsde l’Etat (CGRAE)51 344 807 773 52 638 131 699 61 403 544 177Caisse Nationale de PrévoyanceSociale (CNPS)324 281 183 290 929 894 272 659 374Cantines scolaires (MEN) 5 300 228 293 9 801 924 113 9 160 886 459Kits scolaires pour OEV (MEN) 7 500 000 11 500 000 15 500 000Bourses MEN 1 723 659 000 800 000 800 000Bourses Min Enseignement Techniqueet Formation Professionnelle (METFP)800 000 2 731 783 000 3 618 316 000AGEFOP (METFP) 1 807 100 758 2 039 880 788 1 762 494 480Bourses enseignement supérieur 11 232 672 521 11 212 199 021 11 233 359 521AGEPE (Ministère d’Etat, Ministère de l’Emploi) 664 604 215 729 197 677 752 808 948IFEF 86 899 542 137 182 294 300 214 245Total 104 853 680 783 106 074 621 109 112 626 808 217Source : Ministère de l’Economie et des Finances99


La protection sociale, longtemps considérée comme un coût que les pays en développement nepouvaient se permettre d’engager, est de manière croissante reconnue comme un investissementdans le capital humain, nécessaire à toute étape de développement, et sans lequel un pays ne peutcroître de manière soutenable.Plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest, comme par exemple le Ghana, le Burkina Faso, et le Sénégal,se sont déjà engagés dans le développement de politiques nationales de protection sociale et dansl’extension de leur système.Le Gouvernement de la République de Côte d’Ivoire envisage à son tour l’élaboration d’une PolitiqueNationale de Protection Sociale. L’objectif est de se doter d’un cadre global pour l’orientation,l’encadrement, le renforcement et la coordination de programmes de protection sociale sur la based’objectifs clairement définis et de priorités objectivement établies.Ce document de stratégie constituera un élément essentiel du processus d’extension qui participeraà la mise en œuvre d’un système cohérent et coordonné, qui assure la complémentarité et la synergieentre les différents programmes. Il contribuera ainsi à opérationnaliser l’engagement de la Côted’Ivoire à « étendre la protection sociale à l’ensemble de la population, et singulièrement aux couchesles plus vulnérables » (Stratégie de Relance du Développement et de Réduction de la Pauvreté(SRDRP) 2009-2015).Cette publication est le premier volet d’une analyse menée au courant de l’année 2011 par un grouped’experts nationaux (gouvernementaux et non-gouvernementaux) et internationaux (<strong>Oxford</strong> <strong>Policy</strong><strong>Management</strong>), avec le soutien de l’<strong>UNICEF</strong>, suite à la demande du Gouvernement de Côte d’Ivoire.Le présent volume (Tome 1) fournit des données et analyses préliminaires de la situation en protectionsociale dans le pays. Le deuxième volet de l’étude, présenté dans un autre volume, présente uneanalyse comparative de sept options de transferts sociaux monétaires identifiées sur base de l’étudediagnostique et de la réflexion conjointe des acteurs engagés dans les différentes étapes de l’étude.Cette analyse constitue un outil d’aide à la prise de décision et permet d’engager un dialogue éclairé surles priorités à donner à la Stratégie de Protection Sociale.Kipeya KoneDirecteur de Cabinet AdjointMinistère d’Etat Ministère de l’Emploi,des Affaires Sociales et de la SolidaritéBP 93 AbidjanTel : (225) 20 32 25 36Fax : (225) 20 32 26 43Contacts :<strong>UNICEF</strong> Section Politiques Sociales04 BP 443 Abidjan 0418 Rue Pierre et Marie Curie, Zone 4CAbidjan, Côte d’IvoireEmail : abidjan@unicef.orgTel/Fax : (225) 21 21 18 50/52www.unicef.org/cotedivoire

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!