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RÉDUCTION DES ENDOMORPHISMES Table des mati`eres 1 ...

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<strong>RÉDUCTION</strong> <strong>DES</strong> <strong>ENDOMORPHISMES</strong>OLIVIER DEBARRE<strong>Table</strong> <strong>des</strong> matières1. Espaces propres et espaces caractéristiques 12. Décomposition de Dunford 43. Structure <strong>des</strong> endomorphismes nilpotents et réduite de Jordan 54. Matrices à coefficients dans un anneau euclidien 85. Facteurs invariants 126. Matrices compagnons 157. Lien avec la réduction de Jordan 188. Quelques applications 218.1. Commutant et bicommutant 218.2. Sous-espaces stables 238.3. Endomorphismes simples et semi-simples 24Références 28Dans tout ce texte, u désigne un endomorphisme d’un espace vectoriel E dedimension s sur un corps k.1. Espaces propres et espaces caractéristiquesPour chaque λ ∈ k, on définit l’espace propre de u associé parE λ = Ker(u − λ Id E )C’est un sous-espace vectoriel de E sur lequel u est une homothétie de rapport λ.Un élément de E λ s’appelle un vecteur propre de u (pour la valeur propre λ). Pour<strong>des</strong> raisons techniques, on suppose souvent un vecteur propre non nul (de sorte quela valeur propre associée est bien déterminée). Les valeurs propres de u sont leséléments de k pour lesquelles existe un vecteur propre (non nul). Ce sont donc lesracines dans k du polynôme caractéristiqueχ u (X) = dét(X Id E −u) ∈ k[X]un polynôme unitaire de degré s. On donne <strong>des</strong> définitions analogues pour <strong>des</strong> matricescarrées à coefficients dans k. On aura souvent besoin de considérer <strong>des</strong> valeurs1


2 OLIVIER DEBARREpropres dans un corps plus grand que k, ou <strong>des</strong> vecteurs propres à coeffficientsdans un corps plus grand que k (par exemple, lorsque k = R, dans le corps <strong>des</strong>complexes). Il est alors plus facile de raisonner avec <strong>des</strong> matrices.Exercices 1. (1) Montrer qu’une matrice carrée M à coefficients dans k esttrigonalisable dans k (c’est-à-dire semblable à une matrice triangulaire supérieure)si et seulement si son polynôme caractéristique est scindé sur k.(2) Soit M une matrice carrée à coefficients dans k dont le polynôme caractéristiqueest scindé. Soit P ∈ k[X]. Si λ 1 , . . . , λ m sont les valeurs propres deM, les valeurs propres de P (M) sont P (λ 1 ), . . . , P (λ m ).(3) On dit qu’une matrice carrée M d’ordre s est nilpotente s’il existe unentier r > 0 tel que M r = 0. Montrer que M est nilpotente si et seulement siχ M (X) = X s .(4) Montrer qu’une matrice M ∈ M s (C) est nilpotente si et seulement si lamatrice nulle est dans l’adhérence de la classe de similitude C M = {P MP −1 | P ∈GL s (C)}.Les espaces propres sont en somme directe, mais leur somme directe n’est E quesi u est diagonalisable. Par exemple, la seule valeur propre de la matrice carrée⎛⎞0 1 0 · · · . . . 00 0 1 0 . . . 0. . .. . .. . .. .(1) U s =⎜... ... . 0⎟⎝0 · · · · · · · · · 0 1⎠0 · · · · · · · · · · · · 0est 0, et l’espace propre associé est de dimension 1.L’espace vectoriel End(E) <strong>des</strong> endomorphismes de E étant de dimension finies 2 , la famille {Id E , u, u 2 , . . . , u s2 } est liée. Il existe donc un polynôme non nul P (dedegré au plus s 2 ) tel que P (u) = 0. En d’autres termes, le morphisme d’anneauxk[X] −→ End(E)Q ↦−→ Q(u)n’est pas injectif. Son noyau est donc engendré par un polynôme unitaire uniquementdéterminé, que l’on appelle le polynôme minimal de u, et que l’on notera µ u .Remarques 1. (1) Le polynôme minimal de l’homothétie λ Id E est X − λ ; enparticulier, le polynôme minimal de l’endomorphisme nul est X (sauf si E = 0,auquel cas le polynôme caractéristique de tout endomorphisme de E est 1 !).(2) On définit de façon analogue le polynôme minimal d’une matrice carrée Mà coefficients dans k. Notons que le polynôme minimal de M reste le polynôme


<strong>RÉDUCTION</strong> <strong>DES</strong> <strong>ENDOMORPHISMES</strong> 3minimal de la matrice M vue comme matrice à coefficients dans n’importe quelcorps contenant k. Cela résulte du fait que le degré du polynôme minimal est lerang de la famille {M r } r∈N .Lemme 1. Les valeurs propres de u sont exactement les racines (dans k) de sonpolynôme minimal.Démonstration. Soit λ ∈ k ; en substituant u à X dans la division euclidienneµ u (X) = Q(X)(X − λ) + µ u (λ), on obtient(2) 0 = µ u (u) = Q(u) ◦ (u − λ Id E ) + µ u (λ) Id ESi λ est valeur propre de u, on a u(x) = λx pour un vecteur propre (non nul) x. Sion applique l’égalité (2) à x, on obtient0 = Q(u) ( (u − λ Id E )(x) ) + µ u (λ)x = µ u (λ)xde sorte que µ u (λ) = 0.Inversement, si µ u (λ) = 0, on a Q(u) ◦ (u − λ Id E ) = 0 grâce à (2). Comme Q estde degré strictement inférieur à µ u , on a Q(u) ≠ 0, donc u − λ Id E n’est pas bijectif :λ est bien valeur propre de u.□Supposons que le polynôme minimal de u soit scindé sur k ; il se décomposedonc en produit de facteurs linéairesµ u (X) = ∏ λ∈k(X − λ) q λavec q λ ∈ N.On définit alors l’espace caractéristique associé à λ parE ′ λ = Ker(u − λ Id E ) q λIl contient bien sûr l’espace propre E λ et est stable par u. Comme, par définition,µ u (u) = 0, le lemme ci-<strong>des</strong>sous entraîne que les espaces caractéristiques sont ensomme directe, et que leur somme est toujours E :E = Ker µ u (u) = ⊕ λKer(u − λ Id E ) q λ= ⊕ λE ′ λDe plus, chaque projection E → E λ ′ ⊂ E est un polynôme en u, ce qui nous serviraplus tard.Lemme 2 (Lemme <strong>des</strong> noyaux). Soient P 1 , . . . , P m <strong>des</strong> polynômes premiers entreeux deux à deux. On pose P = P 1 · · · P m .1) On a Ker P (u) = Ker P 1 (u) ⊕ · · · ⊕ Ker P m (u).2) Les projections Ker P (u) → Ker P i (u) ⊂ Ker P (u) relatives à cette décompositionen somme directe sont <strong>des</strong> polynômes en u.


4 OLIVIER DEBARREDémonstration. On procède par récurrence sur m. Il suffit donc de traiter le casm = 2. Le théorème de Bézout entraîne l’existence de polynômes A 1 et A 2 tels que1 = A 1 P 1 + A 2 P 2Si x ∈ Ker P 1 (u) ∩ Ker P 2 (u), on a P 1 (u)(x) = P 1 (u)(x) = 0, d’oùx = A 1 (u)(x)P 1 (u)(x) + A 2 (u)(x)P 2 (u)(x) = 0D’autre part, Ker P i (u) est contenu dans Ker P (u). Si x ∈ Ker P (u), on ax = P 1 (u) ( A 1 (u)(x) )+ P 2 (u) ( A 2 (u)(x) )} {{ } } {{ }∈Ker P 2 (u)∈Ker P 1 (u)donc E = Ker P 1 (u)+Ker P 2 (u). Ceci montre 1). De plus, la projection sur Ker P 1 (u)est, sur Ker P (u), égale à (A 2 P 2 )(u), et celle sur Ker P 2 (u) à (A 1 P 1 )(u), ce qui prouve2). □Proposition 1. Les propriétés suivantes sont équivalentes :(i) l’endomorphisme u est diagonalisable sur k ;(ii) il existe un polynôme scindé à racines simples dans k qui annule u ;(iii) le polynôme minimal de u est scindé à racines simples dans k ;(iv) pour chaque λ, on a E λ = E ′ λ .Démonstration. Il est clair que l’on a les implications (i)=⇒(ii)⇐⇒(iii)=⇒(iv).L’implication (iv)=⇒(i) résulte de l’égalité E = ⊕ λ E′ λ , conséquence du lemme <strong>des</strong>noyaux 2.□Exercices 2. (1) Soient M une matrice inversible complexe et k un entier strictementpositif tel que M k soit diagonalisable. Montrer que M est diagonalisable.(2) Montrer qu’une matrice M ∈ M s (F q ) est diagonalisable sur F q si etseulement si M q = M.(3) Montrer qu’une matrice M ∈ M s (C) est diagonalisable si et seulement sisa classe de similitude C M = {P MP −1 | P ∈ GL s (C)} est fermée dans M s (C).(4) Soit M une matrice complexe carrée. Montrer que la série ∑ +∞n=0 M nn!converge. On appelle sa limite l’exponentielle de la matrice M et on la note exp(M)ou e M . Montrer dét(exp(M)) = exp(Tr(M)). Montrer qu’il existe un polynômeP ∈ C[X] tel que e M = P (M).


<strong>RÉDUCTION</strong> <strong>DES</strong> <strong>ENDOMORPHISMES</strong> 52. Décomposition de DunfordOn décompose un endomorphisme en une partie « facile », car diagonalisable,et une partie nilpotente.Proposition 2 (Décomposition de Dunford). Supposons le polynôme minimal de uscindé. Il existe une décompositionunique telle que1) d est diagonalisable ;2) n est nilpotent ;3) dn = nd.De plus, d et n sont <strong>des</strong> polynômes en u.u = d + nDémonstration. Comme ∑ π λ = Id E , on écritu = ∑ uπ λ = ∑ λπ λ + ∑ (u − λ Id E )π λ} {{ } } {{ }dnet on a toutes les propriétés cherchées.Montrons l’unicité. Si l’on a une autre décomposition u = d ′ + n ′ vérifiant lespropriétés 1), 2) et 3), les endomorphismes d ′ et n ′ commutent à u, donc à toutpolynôme en u, donc à d et n. Donc les endomorphismes diagonalisables d et d ′diagonalisent dans une même base et d − d ′ = n ′ − n est diagonalisable et nilpotentdonc est nul.□Dans le cas où le polynôme minimal de u n’est pas scindé, on peut toujours seplacer sur un corps de décomposition de µ u . Il faut alors bien sûr, dans l’énoncé dela proposition, comprendre que d est diagonalisable dans une extension convenablede k. Il n’est cependant pas toujours vrai que d et n sont « définis sur k » (il estplus facile de penser en termes de matrices) : il faut supposer le corps k parfait (cf.définition 1 et Théorème 5).Lorsque k = R, on peut procéder ainsi : comme u = d + n, on a u = ū = ¯d + ¯net les endomorphismes ¯d et ¯n vérifient encore les propriétés 1), 2) et 3) (de nouveau,il est plus prudent de raisonner avec <strong>des</strong> matrices, cela évite d’expliquer de quelespace vectoriel ū est un endomorphisme). Par unicité, on a ¯d = d et ¯n = n, doncd et n sont réels. De plus, si P est un polynôme complexe tel que d = P (u), on ad = Re(d) = Re(P (u)) = (Re P )(u) et idem pour n.Exercices 3. (1) Soit M = D + N la décomposition de Dunford d’une matricecarrée. À quelle condition M est-elle semblable à D ? Si M est inversible, montrerque D l’est aussi.


6 OLIVIER DEBARRE(2) Soient M une matrice inversible complexe et n un entier strictement positif.Montrer qu’il existe un polynôme P ∈ C[X] tel que P (M) n = M (on pourrad’abord traiter le cas M = λI + N, avec λ ≠ 0 et N nilpotente, en utilisant undéveloppement en série entière de n√ 1 + x).(3) Soit M une matrice complexe carrée. Montrer qu’il existe un polynômeP ∈ C[X] tel que e P (M) = M (procéder comme en (2) ; voir exercice 2(4) pour ladéfinition de l’exponentielle d’une matrice). Si M est réelle, peut-on trouver untel polynôme dans R[X] ?(4) Soit M une matrice réelle inversible. Montrer qu’il existe une matriceréelle A telle que M = e A si et seulement si il existe une matrice réelle N telleque M = N 2 .(5) Soit M une matrice réelle inversible telle qu’il existe une matrice réelle Ntelle que M = N 2 . Montrer que pour tout entier k ≠ 0, il existe une matrice réelleP telle que M = P k .3. Structure <strong>des</strong> endomorphismes nilpotents et réduite de JordanSur chaque espace caractéristique E λ ′ , l’endomorphisme u est somme de l’homothétiede rapport λ et d’un endomorphisme nilpotent. Nous allons montrer que dansune base convenable, la matrice d’un endomorphisme nilpotent est diagonale parblocs du type U r défini en (1). En conclusion, si le polynôme minimal est scindé, onaura trouvé une base dans laquelle la matrice de u est diagonale par blocs du typeλI r + U r .Attention, le même λ peut intervenir plusieurs fois, comme dans la matrice⎛⎞0 1 0 0 0 00 0 0 0 0 00 0 0 1 0 0⎜0 0 0 0 0 0⎟⎝0 0 0 0 0 0⎠0 0 0 0 0 1On considère donc un endomorphisme nilpotent u de l’espace vectoriel E dedimension s.Soient e 0 un vecteur de E et r le plus petit entier positif tel que u r (e 0 ) = 0. Onpose e i = u i (e 0 ). Les vecteurs (e 0 , . . . , e r−1 ) forment une famille libre. Montrons-lepar récurrence sur r. C’est évident pour r = 0. Si r ≥ 1 et que l’on a une combinaisonlinéaire nullea 0 e 0 + · · · + a r−1 e r−1 = 0on applique u et on obtienta 0 e 1 + · · · + a r−2 e r−1 = 0


<strong>RÉDUCTION</strong> <strong>DES</strong> <strong>ENDOMORPHISMES</strong> 7Comme le plus petit entier r ′ tel que u r′ (u(e 0 )) = 0 est r − 1, l’hypothèse derécurrence dit que la famille (e 1 , . . . , e r−1 ) est libre. On a donc a 0 = · · · = a r−2 = 0,puis a r−1 = 0 car e r−1 ≠ 0. On a donc en particulier r ≤ s. Si r = s, on obtient ainsiune base de E dans laquelle la matrice de u est U s .Dans le cas général, on note p le plus petit entier tel que u p = 0 et N i = Ker u i .On vérifie que l’on a une chaîne d’inclusions strictes{0} = N 0 N 1 · · · N p = EEn particulier, dim(N i ) ≥ i pour 1 ≤ i ≤ p, de sorte que p ≤ s. On va construirepar récurrence <strong>des</strong>cendante sur i ∈ {0, . . . , p} <strong>des</strong> sous-espaces vectoriels M i de Etels queN i = N i−1 ⊕ M ivérifiant u(M i ) ⊂ M i−1 . On a doncN⏐i = N⏐i−1 ⊕ M⏐iu↓u↓↓ uN i−1 = N i−2 ⊕ M i−1ainsi queE = M 1 ⊕ · · · ⊕ M } {{ } i ⊕M i+1 ⊕ · · · ⊕ M pN iLa construction se fait de la manière suivante. On prend pour M p n’importe quelsupplémentaire de N p dans E. Si M i (i ≥ 2) est construit, on remarque queu(M i ) ⊂ N i−1 car u(N i ) ⊂ N i−1u(M i ) ∩ N i−2 = {0} car M i ∩ N i−1 = {0}Il suffit de prendre pour M i−1 un supplémentaire de N i−2 dans N i−1 contenantu(M i ). Remarquons enfin que la restriction de u à M i est injective pour i ≥ 2,puisque M i ∩ N 1 = {0}.


8 OLIVIER DEBARREOn construit alors une base de E de la façon suivante :M pu↩→ Mp−1u↩→ · · ·u↩→ M1e p,1 u(e p,1 ) u p−1 (e p,1 )...e p,mp u(e p,mp ) u p−1 (e p,mp )e p−1,mp+1u p−2 (e p−1,mp+1)..e p−1,mp−1 u p−2 (e p−1,mp−1 ).e 1,m2 +1..e 1,m1avec m i = dim M i . La famille <strong>des</strong> vecteurs qui apparaissent dans ce tableau formeune base de E que l’on ordonne en partant du coin supérieur droit avec u p−1 (e p,1 ),en lisant la première ligne vers la gauche, puis la seconde ligne aussi vers la gaucheet ainsi de suite jusqu’à la dernière ligne, qui est donc le seul vecteur e 1,m1 .La matrice de u dans cette base est diagonale par blocs de type U r , avec m pblocs de type U p , puis m p−1 − m p blocs de type U p−1 et ainsi de suite jusqu’àm 1 = dim(Ker u) blocs de type U 1 (c’est-à-dire la matrice carrée d’ordre 1 nulle !).Nous avons donc démontré l’existence de la forme réduite de la matrice d’unendomorphisme nilpotent annoncée au début de ce numéro. On peut montrer qu’unetelle décomposition est unique à l’ordre <strong>des</strong> blocs près. C’est facile une fois qu’on aréalisé que chaque bloc de taille r donne lieu à min(r, i) vecteurs libres de N i . Si n rest le nombre de blocs U r , on a doncdim N i =i∑rn r + ir=1s∑r=i+1Nous avons montré que si le polynôme minimal d’un endomorphisme u de l’espacevectoriel E est scindé, il existe une base de E dans laquelle la matrice de u estdiagonale par blocs du type λI r + U r . C’est ce qu’on appelle la réduction de Jordande l’endomorphisme u. Il existe bien d’autres approches de la réduction de Jordan.Nous en présentons une dans les numéros suivants basée sur le fait que l’anneauk[X] est euclidien.n r


<strong>RÉDUCTION</strong> <strong>DES</strong> <strong>ENDOMORPHISMES</strong> 9Exercice 1. Soient M ∈ M s (k) et t ∈ k {0}. Montrer que si M est nilpotente,M est semblable à tM. Réciproquement, si t ∈ k n’est pas une racine de l’unitéet que M et tM sont semblables, montrer que M est nilpotente.4. Matrices à coefficients dans un anneau euclidienOn sait qu’une matrice M (pas nécessairement carrée) de rang r à coefficientsdans un corps est équivalent à la matrice par blocs( )Ir 00 0On a une version de ce résultat pour les matrices à coefficients dans un anneaueuclidien.Théorème 1. Soit M une matrice à coefficients dans un anneau euclidien A. Ilexiste <strong>des</strong> matrices inversibles P et Q à coefficients dans A telles que⎛⎞d 1 . . . 0dP MQ =r 0⎜⎟⎝ 0.. . ⎠0avec d 1 | · · · | d r . Les d i sont uniquement déterminés (à multiplication par une unitéde A près).Cet énoncé est encore vrai lorsque A est un anneau qui n’est que principal (onutilise en particulier pour la démonstration le résultat de l’exercice 4.2) ci-<strong>des</strong>sous).En revanche, on va voir dans la démonstration que lorsque A est euclidien, on peutchoisir P et Q (qui ne sont pas uniquement déterminées !) produits de matrices dutype I + aE i,j avec i ≠ j et a ∈ A ; en d’autres termes, on peut arriver à la formeréduite de M par <strong>des</strong> opérations élémentaires 1 sur ses lignes et ses colonnes (il existemême un algorithme). Il existe <strong>des</strong> anneaux principaux pour lesquels cette propriétén’est pas vérifiée.1 Par « opération élémentaire » sur les lignes (resp. sur les colonnes), on entend uniquement« ajouter un multiple d’une ligne (resp. d’une colonne) à une autre ».Avec de telles opérations, on peut aussi échanger deux lignes, l’une d’elles étant changée en sonopposé :( ) ( ) ( ) ( )Li Li−Lj −Lj−→−→−→L j L i + L j L i + L j L i(on ne peut pas juste échanger deux lignes, puisque le déterminant est inchangé par nos opérationsélémentaires).


10 OLIVIER DEBARREDémonstration. Soit ϕ : A → N le stathme euclidien, avec la convention ϕ(a) =0 ⇔ a = 0 2 .On procède tout d’abord par récurrence sur le nombre de lignes + le nombre decolonnes de M = (a i,j ). On pose ϕ(M) = min ai,j ≠0 ϕ(a i,j ) si M ≠ 0 et ϕ(0) = 0 et,pour une taille fixée, on fait une seconde récurrence sur ϕ(M).Si ϕ(M) = 0, on a M = 0 et c’est terminé.On suppose que l’on a ϕ(M) > 0. Par <strong>des</strong> échanges de lignes et de colonnes, onamène un coefficient non nul avec ϕ minimal dans le coin en haut à gauche. On fait ladivision a i,1 = a 1,1 q i + r i , pour i > 1. Si r i ≠ 0, on fait une opération élémentaire surles lignes qui remplace a i,1 par r i et on applique l’hypothèse de récurrence. Si r i = 0,la même opération élémentaire remplace a i,1 par 0. Il reste donc à considérer le casoù tous les coefficients de la première colonne, sauf le premier, sont nuls. Faisantpareil avec <strong>des</strong> opérations élémentaires sur les colonnes, on peut aussi supposer quetous les coefficients de la première ligne, sauf le premier, sont nuls. On obtient ainsiune matrice de la forme⎛⎞⎜⎝a 1,1 0 · · · 00. N0On applique l’hypothèse de récurrence (sur la taille) à N et on obtient une matricedu type⎛⎞a 1,1 00 d 2 0.. . d r 0⎜⎝. ⎟0.. ⎠0⎟⎠avec d 2 | · · · | d r . Si l’on ajoute la 2ème ligne à la première, le même raisonnementque ci-<strong>des</strong>sus montre qu’on peut appliquer l’hypothèse de (la seconde) récurrence,sauf si a 1,1 divise d 2 , auquel cas la démonstration de l’existence est terminée.2 Cela signifie que pour tout a ∈ A et b ∈ A {0}, il existe un unique couple (q, r) dans A 2 telque a = bq + r et ϕ(r) < ϕ(b).Remarquons que si u est une unité de A, la division de u par u est u = u × 1 + 0, donc comme,pour tout a ∈ A, on a u = u × (1 − u −1 a) + a, l’unicité de la division entraîne ϕ(a) ≥ ϕ(u). On endéduit ϕ(u) = ϕ(1) = min a∈A {0} ϕ(a) > 0.Inversement, si ϕ(u) a cette valeur, la division de 1 par u donne 1 = uq + r et nécessairementr = 0, de sorte que u est inversible dans A.


<strong>RÉDUCTION</strong> <strong>DES</strong> <strong>ENDOMORPHISMES</strong> 11Pour l’unicité, c’est plus compliqué. Le plus rapide est de considérerδ k (M) = pgcd(k × k mineurs de M)et de montrer que δ i (M) divise δ i (P M). Lorsque P et Q sont inversibles, on a alorsδ k (M) = δ k (P MQ) = d 1 · · · d kce qui exprime les d k en fonction d’entiers qui ne dépendent que de M (à multiplicationpar une unité de A près). Pour démontrer cette propriété, si l’on appelle L k ile k-vecteur formé <strong>des</strong> k premiers coefficients de la ième ligne de M et que l’on noteP = (b i,j ) 1≤i,j≤p , le premier k × k mineur de P M estdét(b 1,1 L k 1 + · · · + b 1,p L k p, . . . , b k,1 L k 1 + · · · + b k,p L k p)qui est une combinaison linéaire <strong>des</strong> k × k mineurs extraits <strong>des</strong> k premières colonnesde M. Il est donc divisible par δ k (M).□Exercice 2. Soit G un sous-groupe de Z n .1) Montrer qu’il existe un entier r ∈ {0, . . . , n} et <strong>des</strong> vecteurs x 1 , . . . , x r deZ n tels que G = Zx 1 ⊕ · · · ⊕ Zx r (on pourra raisonner par récurrence sur n etconsidérer G ∩ (Z n−1 × {0})).2) Montrer qu’il existe <strong>des</strong> vecteurs e 1 , . . . , e n ∈ Z n et <strong>des</strong> entiers strictementpositifs d 1 , . . . , d r vérifiant d 1 | · · · | d r tels que Z n = Ze 1 ⊕ · · · ⊕ Ze n et G =Zd 1 e 1 ⊕ · · · ⊕ Zd r e r (appliquer le théorème 1 à la matrice n × r dont les colonnessont les (composantes <strong>des</strong>) vecteurs x 1 , . . . , x r ).3) Montrer que les entiers r, d 1 , . . . , d r ne dépendent que du groupe G (considérerle rang du Q-sous-espace vectoriel de Q n engendré par G, puis compter le nombrede points de l’image de G dans (Z/NZ) n pour <strong>des</strong> entiers N bien choisis).Les mêmes métho<strong>des</strong> permettent de montrer que si A est un anneau principal,• tout A-sous-module M de A n est libre, engendré par au plus n éléments, c’est-àdirequ’il existe un entier r ∈ {0, . . . , n} et <strong>des</strong> éléments x 1 , . . . , x r de A n tels queM = Ax 1 ⊕ · · · ⊕ Ax r ;• tout A-module de type fini est isomorphe à une somme A s ⊕ A/d 1 A ⊕ · · · ⊕ A/d r Aoù d 1 , . . . , d r sont <strong>des</strong> éléments de A vérifiant d 1 | · · · | d r ; les entiers s et r et lesidéaux d 1 A, . . . , d r A sont uniquement déterminés.Mais il vaut mieux ne pas parler de modules à l’oral d’agrégation...Bien que ce ne soit pas utile ici, il est important de remarquer qu’une démonstrationanalogue donne le résultat suivant.Théorème 2. Soit M une matrice carrée d’ordre s inversible à coefficients dans unanneau euclidien A. Il existe une matrice inversible P à coefficients dans A, produit


12 OLIVIER DEBARREde matrices élémentaires, telle que⎛1 0P M = ⎜⎝. ..10 dét MOn rappelle qu’une matrice carrée à coefficients dans un anneau A est inversiblesi et seulement si son déterminant est une unité de A.Démonstration. On suit la démonstration du théorème 1 : on fait d’abord unerécurrence sur la taille de la matrice, puis une deuxième récurrence sur min ai,1 ≠0 ϕ(a i,1 )(les éléments de la première colonne ne peuvent pas être tous nuls). On arrive ainsi,avec uniquement <strong>des</strong> opérations élémentaires sur les lignes, à une matrice de la forme⎛⎞⎜⎝a 1,1 a 1,2 . . . a 1,s0. N0Comme dét M = a 1,1 dét N est une unité, a 1,1 est une unité et N est inversible.On applique l’hypothèse de récurrence (sur la taille) à N et on obtient une matricediagonale⎛⎞a 1,1 a 1,2 · · · · · · a 1,s0 1 0 · · · 0⎜.. .⎟⎝ 0 1⎠dét(M)/a 1,1puis à la matrice diagonale⎛a 1,1 1 0.⎜ ..⎝ 0 1⎟⎠⎞⎟⎠⎞⎟⎠dét(M)/a 1,1La séquence suivante d’opérations élémentaires( ) ( ) ( ) ( ) ( )a 0 0 b 1 b 1 b 1 0−→ −→ −→ −→0 b −a 0 −a 0 0 ab 0 aboù a et b sont <strong>des</strong> unités, permet de conclure.□


<strong>RÉDUCTION</strong> <strong>DES</strong> <strong>ENDOMORPHISMES</strong> 13Corollaire 1. Soit A un anneau euclidien. Le groupe SL s (A) est engendré par lesmatrices élémentaires.Exercices ( ) ( 4. (1))Montrer que le groupe SL 2 (Z) est engendré par les matrices1 1 1 0et .0 1 1 1(2) Soient A un anneau principal et a 1 , . . . , a s <strong>des</strong> éléments de A. Montrerqu’il existe un matrice carrée d’ordre s à coefficients dans A dont la premièreligne est (a 1 , . . . , a s ) et dont le déterminant est le pgcd de a 1 , . . . , a s (lorsque Aest euclidien, cela résulte facilement du théorème 1 appliqué à la matrice ligne(a 1 , . . . , a s )).5. Facteurs invariantsIl ressort du théorème 1 qu’étant donnée une matrice M carrée d’ordre s àcoefficients dans le corps k, il existe <strong>des</strong> matrices P (X) et Q(X) à coefficients dansk[X], inversibles donc à déterminant dans k ∗ , telles que⎛⎞p 1 (X) 0P (X)(XI s − M)Q(X) = ⎝ . .. ⎠0 p s (X)où les p i (X) sont <strong>des</strong> polynômes unitaires vérifant p 1 | · · · | p s . Les p i sont uniquementdéterminés par la donnée de M. On les appelle les facteurs invariants de M(en général, on ne considère que ceux qui sont différents de 1). Remarquons queχ M (X) = dét(XI s − M) = dét P (X)(XI s − M)Q(X) = p 1 (X) · · · p s (X)Cette définition très abstraite ne semble pas très utile pour la réduction <strong>des</strong> matrices,problème pour lequel on cherche <strong>des</strong> matrices semblables à M. La propositionsuivante montre que c’est tout le contraire !Proposition 3. Des matrices carrées M et N à coefficients dans k sont semblables(dans M s (k)) si et seulement si les matrices XI − M et XI − N sont équivalentes(dans M s (k[X])).Démonstration. Il est clair que si M et N sont semblables, XI − M et XI − Nsont semblables, donc équivalentes.Supposons inversement que l’on aitc’est-à-direP (X)(XI − M)Q(X) = XI − NP (X)(XI − M) = (XI − N)Q(X) −1


14 OLIVIER DEBARREIl le faut le justifier, mais ce n’est pas difficile de voir qu’on peut effectuer les divisionsP (X) = (XI − N)P 1 (X) + P 0Q(X) −1 = ˜Q 1 (X)(XI − M) + ˜Q 0avec P 0 et ˜Q 0 dans M s (k) (la difficulté provient du fait qu’on n’est pas dans unanneau commutatif). On obtient en remplaçantou encore((XI − N)P 1 (X) + P 0 )(XI − M) = (XI − N)( ˜Q 1 (X)(XI − M) + ˜Q 0 )(XI − N)(P 1 (X) − ˜Q 1 (X))(XI − M) = (XI − N) ˜Q 0 − P 0 (XI − M)Le membre de gauche est donc de degré au plus 1 en X, ce qui n’est possible que siP 1 (X) = ˜Q 1 (X). On a donc (XI − N) ˜Q 0 = P 0 (XI − M). L’égalité <strong>des</strong> coefficientsde X donne ˜Q 0 = P 0 , celle <strong>des</strong> coefficients constants donne N ˜Q 0 = P 0 M. Il reste àmontrer que ˜Q 0 est inversible. On refait une divisionet on écritI = Q(X) −1 Q(X)Q(X) = Q 1 (X)(XI − N) + Q 0= ( ˜Q 1 (X)(XI − M) + ˜Q 0 )Q(X)= ˜Q 1 (X)(XI − M)Q(X) + ˜Q 0 Q(X)= ˜Q 1 (X)P (X) −1 (XI − N) + ˜Q 0 (Q 1 (X)(XI − N) + Q 0 )= ( ˜Q1 (X)P (X) −1 + ˜Q 0 Q 1 (X) ) (XI − N) + ˜Q 0 Q 0De nouveau, comme ˜Q 0 Q 0 est constant, le facteur de XI − N est nul et ˜Q 0 Q 0 = I,d’où la conclusion.□On obtient ainsi les facteurs invariants comme invariants de similitude, mais pasencore de forme réduite pour M.On verra plus tard (cor. 3) que le polynôme minimal de M est le « plus grand »<strong>des</strong> facteurs invariants. Le polynôme minimal d’une matrice carrée M à coefficientsdans k reste le polynôme minimal de la matrice M vue comme matrice à coefficientsdans n’importe quelle extension de k (rem. 1.(3)). Plus généralement, les facteursinvariants de M restent aussi les mêmes, que M soit vue comme matrice à coeffcientsdans k ou comme matrice à coefficients dans une extension de k. Cela résulte duthéorème 1.Corollaire 2. Soit K un corps contenant k. Deux matrices dans M s (k) sont semblablesdans M s (k) si et seulement si elles sont semblables dans M s (K).


<strong>RÉDUCTION</strong> <strong>DES</strong> <strong>ENDOMORPHISMES</strong> 15Exercices 5. (1) Démontrer directement le corollaire ci-<strong>des</strong>sus dans le cas où lecorps k est infini (si M et N sont semblables dans M s (K), il existe une matriceinversible P ∈ M s (K) telle que P M = NP ; on pourra écrire P = e 1 P 1 +· · ·+e r P r ,où (e 1 , . . . , e r ) est une base de K sur k et P i ∈ M s (k), et montrer que pourλ 1 , . . . , λ r convenables dans k, la matrice λ 1 P 1 + · · · + λ r P r est inversible).(2) Montrer qu’une matrice carrée à coefficients dans k est semblable à satransposée.Exemples 1. (1) Les facteurs invariants de la matrice λI s sont tous égaux à X − λ(ce sont d’ailleurs les seules matrices carrées d’ordre s qui ont s facteurs invariantsnon constants). En particulier, les facteurs invariants de la matrice nulle sont touségaux à X.(2) Si λ 1 , . . . , λ s sont <strong>des</strong> scalaires distincts deux à deux, la matrice diagonale dediagonale (λ 1 , . . . , λ s ) a pour seul facteur invariant non constant (X−λ 1 ) . . . (X−λ s ).(3) Les facteurs invariants de la matrice⎛⎝ λ 0 0⎞0 λ 0⎠0 0 µ(où λ ≠ µ), sont(X − λ) , (X − λ)(X − µ)6. Matrices compagnonsPar ce qui précède, il suffit pour prouver que deux matrices sont semblablesqu’elles ont mêmes facteurs invariants. Nous allons pour chaque polynômeP (X) = X s + a s−1 X s−1 + · · · + a 0construire une matrice de facteur invariant P . Il s’agit de la matrice carrée d’ordres⎛⎞0 · · · · · · 0 −a 01 0 · · · 0 −a 1C P =0.. ... . . .⎜⎝ .. .. . ⎟.. 0 . ⎠0 · · · 0 1 −a s−1dite « compagnon » de P (la matrice compagnon du polynôme constant 1 est doncvide).Proposition 4. 1) Le seul facteur invariant (non constant) de C P est P .2) Le polynôme minimal de C P est P .


16 OLIVIER DEBARREDémonstration. On a remarqué à la fin de la démonstration du théorème 1 quel’on ap 1 (X) . . . p k (X) = pgcd(k × k mineurs de XI − M)On vérifie que pour C P , on a pour chaque k < s un tel mineur triangulaire supérieuravec <strong>des</strong> 1 sur la diagonale. On a donc p 1 (X) = · · · = p s−1 (X) = 1 et p s (X) =χ CP (X) = P (X). Cela montre 1).Soit maintenant u l’endomorphisme de k s de matrice C P dans la base canonique(e 1 , . . . , e s ). Cette base n’est autre que (e 1 , u(e 1 ), . . . , u s−1 (e 1 )), de sorte que Q(u)(e 1 )n’est nul pour aucun polynôme de degré < s. Le polynôme minimal est donc dedegré au moins s. Comme P (u)(e 1 ) = 0, on a P (u)(u i (e 1 )) = u i (P (u)(e 1 )) = 0 doncP (u) = 0 et P = µ u . Cela montre 2).□Maintenant que l’on sait réaliser un facteur invariant, on montre comment enréaliser n’importe quel nombre.Proposition 5. Soient P et Q <strong>des</strong> polynômes. Les facteurs invariants de la matricepar blocs(CP 0sont pgcd(P, Q) et ppcm(P, Q).0 C Q)Démonstration. Vu la proposition 4, il suffit de calculer les deux facteurs invariantsdans k[X] de la matrice 2 × 2( )P (X) 00 Q(X)Comme on l’a rappelé ci-<strong>des</strong>sus, le premier est le pgcd <strong>des</strong> coefficients, et le produit<strong>des</strong> deux est le déterminant, c’est-à-dire P (X)Q(X).□Corollaire 3. Soient M une matrice carrée à coefficients dans k et p 1 | · · · | p r sesfacteurs invariants (non constants). La matrice M est semblable à la matrice parblocs⎛⎞C p1 0⎝ .. . ⎠0 C prLe polynôme minimal de M est p r .


<strong>RÉDUCTION</strong> <strong>DES</strong> <strong>ENDOMORPHISMES</strong> 17Démonstration. D’après la proposition 5 (par récurrence sur r), les facteurs invariantsde cette matrice sont ceux de M. Elles sont donc semblables.Posons⎛⎞C p1 0C M = ⎝ . . . ⎠0 C prSi Q est un polynôme, on a⎛⎞Q(C p1 ) 0Q(C M ) = ⎝ . . . ⎠0 Q(C pr )Cette matrice est nulle si et seulement si Q est divisible par le polynôme minimalde chaque C pi . Par la proposition 4.2), cela est équivalent à p r | Q. Le polynômeminimal de M, qui est celui de C M , est donc p r .□Corollaire 4 (Hamilton–Cayley). On a χ M (M) = 0.Démonstration. En effet, χ M = p 1 · · · p r .□Exemple 2. Les matrices compagnons qui interviennent dans la forme réduite dela matrice λI s sont d’ordre 1, égales à (λ).D’un point de vue plus intrinsèque, le fait que la matrice d’un endomorphismeu d’un espace vectoriel E soit semblable à une matrice par blocs du type ci-<strong>des</strong>sussignifie qu’il existe une décomposition de E en somme directe(3) E = E ′′1 ⊕ · · · ⊕ E ′′rde sous-espaces vectoriels stables par u, tels que la restriction de u à chaque E i′′ soitcyclique de polynôme minimal p i .Qu’est-ce qu’un endomorphisme cyclique ? Un endomorphisme u d’un espacevectoriel E est dit cyclique s’il existe un vecteur e ∈ E tel que la famille (u m (e)) m∈Nengendre E.Faisons une petite remarque. Soit x un point de E. On désigne par E x le pluspetit sous-espace vectoriel de E contenant x et stable par u. C’est le sous-espacevectoriel de E engendré par la famille (u m (x)) m∈N .Lemme 3. Soit r le plus grand entier tel que la famille (x, u(x), . . . , u r−1 (x)) soitlibre. Cette famille est une base de E x .


18 OLIVIER DEBARREDémonstration. Il suffit de montrer que cette famille engendre E x . Par définitionde r, le vecteur u r (x) est combinaison linéaire <strong>des</strong> vecteurs de cette famille et onvoit facilement, par récurrence sur m, qu’il en est de même pour tous les u m (x). □Le lemme 3 entraîne que si u est cyclique, (e, u(e), . . . , u s−1 (e)) est une base deE. Dans cette base, la matrice de u est une matrice compagnon. La réciproque étantévidente, on voit qu’un endomorphisme est cyclique si et seulement si sa matricedans une base convenable est une matrice compagnon.Proposition 6. L’endomorphisme u est cyclique si et seulement si χ u = µ u .Démonstration. Si u est cyclique, sa matrice dans une base convenable est unematrice compagnon, donc son polynôme caractéristique et son polynôme minimalsont égaux (proposition 4.2)).Inversement, si χ u = µ u , l’endomorphisme u a un seul facteur invariant, χ u . Elleest donc semblable à C χu (corollaire 3) et u est cyclique. □⎛Exemples 3. (1) Tout endomorphisme de E de matrice ⎝ 2 1 0⎞0 2 0⎠ dans une base0 0 1(e 1 , e 2 , e 3 ) est cyclique : son polynôme caractéristique et son polynôme minimal sont(X − 2) 2 (X − 1). Il est engendré par n’importe quel vecteur qui n’est dans aucunsous-espace stable à part E, comme par ⎛exemple e 2 + e 3 .(2) Un endomorphisme de matrice ⎝ 2 1 0⎞0 2 0⎠ n’est pas cyclique : son polynôme0 0 2caractéristique est (X − 2) 3 , son polynôme ⎛ minimal ⎞(X − 2) 2 .1 1 0 0(3) Un endomorphisme de matrice ⎜0 1 0 0⎟⎝0 0 1 0⎠ n’est pas cyclique : son polynômecaractéristique est (X − 1) 4 , son polynôme minimal (X − 1) 20 0 1 1.7. Lien avec la réduction de JordanLe lien entre la réduction sous forme de matrice par blocs de type « compagnon »obtenue au corollaire 3 et la réduction de Jordan expliquée au §3 sous forme dematrice par blocs du type λI+U n’est pas clair. Notons que la réduction du corollaire3 ne nécessite pas que le polynôme minimal soit scindé, alors que la réduction deJordan, c’est vraiment nécessaire, puisque celui de la forme réduite l’est.


<strong>RÉDUCTION</strong> <strong>DES</strong> <strong>ENDOMORPHISMES</strong> 19Pour relier les deux réductions, décomposons chaque facteur invariant en produitde polynômes irréductiblesp i = π q i,11 · · · π q i,mm(souvent appelés diviseurs élémentaires) sont premiers entre euxComme les π q i,jjdeux à deux, la proposition 5 entraîne que la matrice compagnon C piest semblableà la matrice par blocs⎛⎞C q π i,1 01⎜(4)⎝..⎟ . ⎠0 C q π i,mmC’est particulièrement utile lorsque µ M est scindé, puisque chaque π j est alors dedegré 1, c’est-à-dire de la forme X − λ. On est donc amené à étudier les matricesC (X−λ) n.On vérifie que le seul facteur invariant non constant de la matrice λI n + U n est(X − λ) n . On a ainsi bien redémontré l’existence d’une forme réduite de Jordan.Inversement, il est utile de savoir passer de la forme de Jordan aux facteursinvariants. La forme de Jordan est composée de blocs du type λI r + U r . À chaquetel bloc est associé le polynôme (X − λ) r . Pour chaque valeur propre λ, on classeen ordre décroissant les blocs qui apparaissent, et on écrit en colonne les polynômescorrespondants(X − λ 1 ) q 1,1(X − λ 2 ) q 1,2· · ·(X − λ 1 ) q 2,1(X − λ 2 ) q 2,2· · ·..avec q i+1,j ≤ q i,j . On lit alors sur les lignes (en partant de la dernière) les facteursinvariants p 1 , p 2 , etc.Exemples 4. (1) Les diviseurs élémentaires de la réduite de Jordan⎛⎞λ 1 0 0 0 00 λ 0 0 0 00 0 λ 1 0 0⎜0 0 0 λ 0 0⎟⎝0 0 0 0 λ 0⎠0 0 0 0 0 µ(où λ ≠ µ), sont(X − λ) 2 (X − µ)(X − λ) 2(X − λ)Les facteurs invariants sont donc(X − λ) , (X − λ) 2 , (X − λ) 2 (X − µ)


20 OLIVIER DEBARRE⎛(2) Si M = ⎝ 0 4 2⎞−1 −4 −1⎠, on a0 0 −2⎛⎞X −4 −2XI − M = ⎝ 1 X + 4 1 ⎠0 0 X + 2Faisons <strong>des</strong> opérations élémentaires selon l’algorithme plus ou moins décrit dans ladémonstration du théorème 1 :⎛⎞⎛X −4 −2L⎝ 1 X + 4 1 ⎠1 ↔L−−−−→2⎝ 1 X + 4 1⎞X −4 −2 ⎠0 0 X + 20 0 X + 2⎛L 2 →L 2 −XL−−−−−−→1⎝ 1 X + 4 1⎞ C 2 →C 2 −(X+4)C 1 ⎛C0 −4 − X(X + 4) −2 − X⎠3 →C 3 −C 1−−−−−−−−−→ ⎝ 1 0 0⎞0 (X + 2) 2 −2 − X⎠0 0 X + 20 0 X + 2⎛L 2 →L 2 +L−−−−−−→3⎝ 1 0 0⎞C 1 ↔C 2 ⎛0 (X + 2) 2 L0 ⎠1 ↔L 2−−−−−−→ ⎝ 1 0 0⎞0 X + 2 0 ⎠0 0 X + 20 0 (X + 2) 2⎛Les facteurs invariants sont donc X + 2 et (X + 2) 2 et la réduite de Jordan est⎝ −2 1 0⎞0 −2 0 ⎠. Un endomorphisme de matrice M n’est pas cyclique.0 0 −2⎛⎞3 1 0 0(3) Si M = ⎜ −4 −1 0 0⎟⎝ 6 1 2 1⎠ , on obtient comme réduite pour XI − M la−14 −5 −1 0matrice⎛⎞(X − 1) 2 0 0 0⎜ 0 (X − 1) 2 0 0⎟⎝ 0 0 1 0⎠0 0 0 1Les ⎛ facteurs⎞invariants sont (X − 1) 2 et (X − 1) 2 et la réduite de Jordan est1 1 0 0⎜0 1 0 0⎟⎝0 0 1 1⎠ . Un endomorphisme de matrice M n’est pas cyclique.0 0 0 1(4) Un endomorphisme est cyclique si et seulement si, pour chaque valeur propre,il n’y a qu’un seul bloc de Jordan.


<strong>RÉDUCTION</strong> <strong>DES</strong> <strong>ENDOMORPHISMES</strong> 21Certains arguments employés dans la méthode ci-<strong>des</strong>sus semblent peu naturels.Ils ne prennent tout leur sens que lorsqu’on utilise le langage <strong>des</strong> modules. Le pointde départ est le suivant :1) l’endomorphisme u permet de munir le k-espace vectoriel E d’une structurede k[X]-module en posantX · x = u(x)2) tout k[X]-module de type fini dans lequel tout élément est de torsion (c’està-direqu’il existe un polynôme non nul avec lequel la multiplication donne 0)est isomorphe à une somme directek[X]/(p 1 ) ⊕ · · · ⊕ k[X]/(p r )où les p i sont <strong>des</strong> polynômes unitaires vérifiant p 1 | · · · | p r . Ils sont uniquementdéterminés 3 .Ces polynômes sont bien sûr les facteurs invariants de u tels qu’ils ont été définisplus haut, et la décomposition de E en somme directe de sous-espaces vectorielscorrespondant à l’isomorphismeE ≃ k[X]/(p 1 ) ⊕ · · · ⊕ k[X]/(p r )est la décomposition (3) en somme de sous-espaces stables cycliques. On retrouveainsi la forme réduite du corollaire 3.Le lemme chinois donne ensuitek[X]/(p i ) ≃ k[X]/(π q i,11 ) ⊕ · · · ⊕ k[X]/(π q i,mm )On obtient ainsi la forme réduite décrite en (4). Le passage à la réduite de Jordanproprement dite est similaire : dans le sous-espace vectoriel de E image de k[X]/(X−λ) r , on prend comme base e, image de 1, puis (u − λ Id)(e), . . . , (u − λ Id) r−1 (e).Au prix d’un peu plus d’abstraction, on obtient donc de façon plus naturelleles résultats précédents. Bien sûr, il faut démontrer le théorème de structure <strong>des</strong>modules de type fini de torsion sur un anneau euclidien (on peut le déduire duthéorème 1 mais ce n’est pas trivial). La méthode précédente a aussi l’avantage defournir un algorithme pour la recherche <strong>des</strong> facteurs invariants.8. Quelques applications8.1. Commutant et bicommutant. PosonsCom(u) = {v ∈ End(E) | uv = vu}P(u) = {P (u) | P ∈ k[X]}3 La notation (p) désigne l’idéal de k[X] engendré par un polynôme p, c’est-à-dire l’ensemble <strong>des</strong>mutliples de p.


22 OLIVIER DEBARREIl est clair que la dimension du sous-espace vectoriel P(u) de End(E) est le degrédu polynôme minimal de u. Plus généralement, on définit, pour toute partie A deEnd(E), le commutant de A comme étantCom(A) = ⋂ w∈ACom(w) = {v ∈ End(E) | ∀w ∈ A wv = vw}On a A ⊂ Com(Com(A)) et si A ⊂ B, on a Com(B) ⊂ Com(A).On a une autre caractérisation <strong>des</strong> endomorphismes cycliques.Proposition 7. L’endomorphisme u est cyclique si et seulement si Com(u) = P(u).Démonstration. Il est clair que P(u) est toujours contenu dans le commutantde u.Supposons u cyclique. Soit e un élément de E tel que E e = E. Si v commuteavec u, il est entièrement déterminé par v(e), puisque v(u m (e)) = u m (v(e)). Siv(e) = a 0 e + a 1 u(e) + · · · + a s−1 u s−1 (e), on a donc v = a 0 Id E +a 1 u + · · · + a s−1 u s−1 .Pour la réciproque, remarquons la chose suivante : s’il y a au moins deux facteursinvariants non constants, la projection sur le sous-espace vectoriel E 1 ′′ de E correspondantau premier (voir (3)) n’est pas un polynôme en u, bien qu’elle commuteavec u. En effet, si la projection s’écrit P (u), alors P (u) est nul sur E 2 ′′ , donc P estdivisible par le polynôme minimal de la restriction de u à E 2 ′′ , à savoir p 2 . De lamême façon, P (u) − u est aussi nul sur E 1 ′′ , donc p 1 divise P − 1, ce qui est absurdepuisque p 1 divise p 2 .□On a un résultat plus complet, mais plus technique, dont il est plus facile (maispas indispensable) de présenter la démonstration avec le langage <strong>des</strong> k[X]-modules.Proposition 8. La dimension du k-espace vectoriel Com(u) estr∑(2r − 2i + 1) deg p ii=1Démonstration. Un endomorphisme v de E est dans Com(u) si et seulement sile morphisme induitk[X]/(p 1 ) ⊕ · · · ⊕ k[X]/(p r ) −→ k[X]/(p 1 ) ⊕ · · · ⊕ k[X]/(p r )est un morphisme de k[X]-module. Or un tel morphisme est défini par lesv i,j : k[X]/(p i ) −→ k[X]/(p j )1 ↦−→ p i,javec p j | p i p i,j . Si i ≥ j, on a p j | p i et p i,j est quelconque, ce qui donne un espacevectoriel de dimension deg p j .


<strong>RÉDUCTION</strong> <strong>DES</strong> <strong>ENDOMORPHISMES</strong> 23Si i < j, on a p i | p j et p j /p i divise p i,j , ce qui donne un espace vectoriel dedimension deg p i . La dimension de Com(u) est doncr∑ ((r − i) deg p i +i=1i∑ )deg p jj=1ce qui donne le résultat.□Proposition 9. On a Com(Com(u)) = P(u).Démonstration. Par définition, P(u) ⊂ Com(Com(u)). Soit E = E 1 ′′ ⊕ · · · ⊕ E r′′la décomposition de E correspondant aux facteurs invariants (voir (3). Comme cessous-espaces sont stables par u, les projections sur les facteurs sont dans Com(u).Tout élément v de Com(Com(u)) commute avec ces projections donc laisse stablechaque E i ′′ . Comme la restriction de u à E i′′ est cyclique, il existe par la proposition7 un polynôme Q i tel que v| Ei = Q i (u| Ei ).Notons e i ∈ E i ′′ un vecteur tel que les (u m (e)) m∈N engendrent E i ′′ . Pour chaquej, on définit comme dans la démonstration de la proposition 8 un endomorphismev j de Com(u) en posant{0 si k ≠ rv j (e k ) =e j si k = rOn a alors v ◦ v j = v j ◦ v, c’est-à-direv ◦ v j (e r ) = v j ◦ v(e r )‖v(e j ) v j ◦ Q r (u)(e r )‖Q j (u)(e j ) Q r (u) ◦ v j (e r )‖Q j (u)(e j ) Q r (u)(e j )de sorte que Q j (u)| Ej = Q r (u)| Ej , c’est-à-dire v| Ej = Q r (u)| Ej . On en déduit v =Q r (u).□‖‖‖


24 OLIVIER DEBARRE8.2. Sous-espaces stables. On s’intéresse ici aux sous-espaces vectoriels de E stablespar u.Proposition 10. Si k est infini, les propriétés suivantes sont équivalentes :(i) u est cyclique ;(ii) χ u = µ u ;(iii) Com(u) = P(u) ;(iv) E n’a qu’un nombre fini de sous-espaces vectoriels stables par u .Démonstration. L’équivalence <strong>des</strong> propriétés (i), (ii) et (iii) a déjà été vue et estvalable en général, sans condition sur le corps k.Si u est cyclique, on a E ≃ k[X]/(µ u ). Les sous-espaces stables sont les k[X]/(P ),avec P unitaire divisant µ u : il n’y en a qu’un nombre fini.Inversement, s’il n’y a qu’un nombre fini de sous-espaces stables et si k estinfini, on peut prendre e hors de la réunion <strong>des</strong> sous-espaces stables autres que E etE e = E.□Exemples 5. Reprenons certains <strong>des</strong> exemples 3. ⎛(1) Les sous-espaces stables de la matrice (cyclique) ⎝ 2 1 0⎞0 2 0⎠ sont, en notant0 0 1(e 1 , e 2 , e 3 ) la base canonique,〈0〉 , 〈e 1 〉 , 〈e 3 〉 , 〈e 1 , e 2 〉 , 〈e 1 , e 3 〉 , 〈e 1 , e 2 , e 3 〉Ils correspondent aux diviseurs unitaires de son polynôme minimal (X − 2) 2 (X − 1),à savoir(X − 2) 2 (X − 1) , (X − 2)(X − 1) , (X − 2) 2 , (X − 1) , (X − 2) , 1⎛(2) Les sous-espaces stables de la matrice (non cyclique) ⎝ 2 1 0⎞0 2 0⎠ sont, en0 0 2notant (e 1 , e 2 , e 3 ) la base canonique,pour tout (λ, µ) ∈ P 1 k .〈0〉 , 〈λe 1 + µe 3 〉 , 〈e 1 , e 2 〉 , 〈λe 1 + µe 3 , e 2 〉 , 〈e 1 , e 2 , e 3 〉 ,8.3. Endomorphismes simples et semi-simples.Théorème 3. L’endomorphisme u est simple, c’est-à-dire que les seuls k-sousespacesvectoriels de E stables par u sont E et {0}, si et seulement si χ u estirréductible.


<strong>RÉDUCTION</strong> <strong>DES</strong> <strong>ENDOMORPHISMES</strong> 25Lorsque k est algébriquement clos, cela n’arrive qu’en dimension s = 1. Lorsquek = R, cela n’arrive qu’en dimension 1 ou 2 (c’est le cas par exemple <strong>des</strong> rotationsgénérales dans le plan).Démonstration. Si χ u est irréductible et que F ⊂ E est stable, on a χ u|F | χ udonc F =E ou {0}.Inversement, supposons u simple. Pour tout x non nul dans E, l’espace vectorielE x engendré par les (u m (x)) m∈N est stable donc égal à E. En particulier (lemme 3),pour tout polynôme P de degré < s, on a P (u)(x) ≠ 0. L’endomorphisme P (u) estainsi injectif, donc bijectif. Supposons χ u = QR. Le théorème de Hamilton–Cayley(corollaire 4) entraîne0 = χ u (u) = Q(u) ◦ R(u)de sorte que Q(u) et R(u) ne peuvent être tous deux bijectifs. L’un <strong>des</strong> polynômes Qou R est donc de degré ≥ s par ce qui précède, ce qui montre que χ u est irréductible.□Théorème 4. L’endomorphisme u est semi-simple, c’est-à-dire que tout sous-espacevectoriel de E stable admet un supplémentaire stable, si et seulement si µ u n’est pasdivisible par un carré non constant dans k[X].Démonstration. Supposons µ u = P 2 Q avec P non constant. Alors le sous-espacevectoriel F = Ker(P Q(u)) de E est stable. S’il admet un supplémentaire stable Gdans E, et si x ∈ G, on a P (u)(x) ∈ F ∩ G, donc P (u)(x) = 0. L’endomorphismeu est donc annulé ar P Q sur F , et par P sur G, donc par P Q sur E, ce qui estabsurde.Inversement, supposons µ u produit de facteurs irréductibles distincts π 1 , . . . , π m .Soit F un sous-espace vectoriel stable. La projection sur chaque F i = Ker(π i (u))étant un polynôme en u (lemme 2 <strong>des</strong> noyaux), on aF = ⊕ i(F ∩ F i )Mais µ u|Fi = π i étant irréductible, k[u| Fi ] ≃ k[X]/(π i ) est un corps. Les k-sousespacesvectoriels stables de F i sont exactement ses k[u| Fi ]-sous-espaces vectoriels.Ils admettent donc tous <strong>des</strong> supplémentaires.□Corollaire 5. L’endomorphisme u de E est semi-simple si et seulement s’il existeune décomposition E = E 1 ⊕ · · · ⊕ E m en somme directe de sous-espaces vectorielsstables par u telle que u induise par restriction un endomorphisme simple de chaqueE i .


26 OLIVIER DEBARREDémonstration. Si u est semi-simple, son polynôme minimal est produit de polynômesirréductibles distincts π 1 , . . . , π m . Posons E i = Ker(π i (u)). Le lemme <strong>des</strong>noyaux 2 entraîne E = E 1 ⊕ · · · ⊕ E m . Le polynôme minimal de l’endomorphisme u ide E i induit par u est π i , de sorte que u i est simple par le théorème 3. La réciproquedécoule aussi <strong>des</strong> théorèmes 3 et 4.□Remarque 2. En général, si on décompose le polynôme minimal µ u en produit defacteurs irréductiblesµ u = π q 11 · · · πmqmet que l’on poseE i ′ = Ker(π i (u) q i)(ce sont les espaces caractéristiques !), le lemme <strong>des</strong> noyaux donne une décompositionE = E 1 ′ ⊕· · ·⊕E m ′ en somme directe de sous-espaces vectoriels stables par u, chaqueprojection étant un polynôme en u. Le polynôme minimal de l’endomorphisme u ide E i ′ induit par u est π q ii .Corollaire 6. Si k est algébriquement clos, l’endomorphisme u est semi-simple siet seulement s’il est diagonalisable.Démonstration. Si u est diagonalisable, son polynôme minimal µ u est scindé àracines simples dans k (prop. 1) donc u est semi-simple par le théorème 4. Réciproquement,si k est algébriquement clos, le polynôme minimal de u est scindé sur k.Si u est de plus semi-simple, µ u est à racines simples par le théorème 4, donc u estdiagonalisable par la proposition 1. Ceci montre le premier point.□Pour avoir un énoncé valable sur <strong>des</strong> corps plus généraux que les corps algébriquementclos, on introduit la définition suivante.Définition 1. Un corps k est parfait s’il est soit de caractéristique 0, soit de caractéristiquep > 0 avec k p = k.Un corps algébriquement clos est parfait. Un corps fini est parfait. Un corpsparfait est aussi caractérisé par le fait que les racines de tout polynôme irréductiblede k[X] dans un corps de décomposition sont simples (si α ∈ k k p , le polynômeX p − α est irréducible dans k[X], mais a une racine de multiplicité p, dans un corpsde décomposition).Corollaire 7. Soit k un corps parfait. Une matrice M ∈ M s (k) est semi-simple siet seulement si elle est diagonalisable dans une extension finie de k. Elle est alorssemi-simple dans toute extension de k.


<strong>RÉDUCTION</strong> <strong>DES</strong> <strong>ENDOMORPHISMES</strong> 27Démonstration. Soit M ∈ M s (k) et soit K une extension finie de k sur laquelleµ M est scindé. Si la matrice M est semi-simple, µ M est produit de facteursirréductibles distincts dans k[X] (théorème 4), donc aussi dans K[X] puisque k estparfait. Comme le polynôme minimal de M sur K divise µ M 4 , il est scindé à racinessimples et M est diagonalisable sur K par la proposition 1.Réciproquement, si M est diagonalisable sur une extension K ′ de k, le polynômeminimal de M sur K ′ , qui est encore µ M , est scindé à racines simples sur K ′ doncn’a pas de facteur carré sur k. La matrice M est donc semi-simple par le théorème4. □Théorème 5 (Décomposition de Dunford sur un corps parfait). On suppose kparfait. Il existe une décompositionunique telle que1) d est semi-simple ;2) n est nilpotent ;3) dn = nd.De plus, d et n sont <strong>des</strong> polynômes en u.u = d + nDémonstration. La remarque 2 montre qu’il suffit de traiter le cas où le polynômeminimal de u est une puissance π q d’un polynôme π irréductible dans k[X].Dans un corps de décomposition K de π, on écrit π(X) = ∏ λ(X −λ) (où λ décritl’ensemble <strong>des</strong> racines (simples) de π dans K). La démonstration de la proposition2 montre que la décomposition de Dunford sur K est donnée pard = ∑ λλπ λ , n = u − dIl s’agit de montrer que d et n (il est plus sage de les considérer comme matrices)sont à coefficients dans k. Rappelons que les projections π λ avaient été obtenues viale lemme <strong>des</strong> noyaux comme polynômes en u, en partant du théorème de Bézout.Plus précisément, si on écrit(5) 1 = ∑ λQ λ (X) ∏ µ≠λ(X − µ) qavec Q λ ∈ K[X], alors π λ = Q λ (u) ∏ µ≠λ (u − µ Id)q et d = Q(u), où(6) Q(X) = ∑ λλQ λ (X) ∏ µ≠λ(X − µ) q4 Il lui est en fait égal par la remarque 1.(2).


28 OLIVIER DEBARREOr les équations (5) et (6) s’écrivent aussi1π(X) q = ∑ λQ λ (X)(X − λ) q ,Q(X)π(X) q = ∑ λλQ λ (X)(X − λ) qIl s’agit de montrer que Q est à coefficients dans k. Une façon de faire est d’introduire<strong>des</strong> indéterminées Y 1 , . . . , Y r et d’ecrire une décomposition1r∑ q∑(7)(X − Y 1 ) q · · · (X − Y r ) = F i,j (Y 1 , . . . , Y r )q (X − Y i ) jen éléments simples sur le corps k(Y 1 , . . . , Y r ). Par unicité de cette décomposition,on a pour toute permutation σ de {1, . . . , r}Si on écritr∑i=1i=1j=1F i,j (Y σ(1) , . . . , Y σ(r) ) = F σ(i),j (Y 1 , . . . , Y r )q∑j=1Y i F i,j (Y 1 , . . . , Y r )= Q(X, Y 1, . . . , Y r )(X − Y i ) j π(X) qavec Q ∈ k(Y 1 , . . . , Y r )[X], cela entraîne que Q est symétrique en Y 1 , . . . , Y r . Enparticulier, si on substitue les racines de π aux Y i , on obtient que les coefficients deQ sont <strong>des</strong> fractions rationnelles en les coefficients de π : ils sont en particulier dansk 5 .□5 Il vaut mieux vérifier que l’on n’obtient pas de dénominateur nul en faisant la substitution. Onpeut pour cela préciser la décomposition (7) : si on fait le changement de variables X ′ = X − Y 1et la division selon les puissances croissantes en X ′ à l’ordre m du polynôme 1 par le polynômeP = (X ′ − Y 2) ′ q · · · (X ′ − Y r ′ ) q , on obtient (par récurrence sur m)1 = P A m + X ′m B m(Y 2 ′ · · · Y r ′ ) mqoù A m et B m sont <strong>des</strong> polynômes en X ′ , Y 2, ′ . . . , Y r ′ à coefficients entiers, vérifiant deg X ′ A m < m.On en déduit1X ′q (X ′ − Y 2 ′)q· · · (X ′ − Y r ′ ) q = A q(X ′ , Y 2, ′ . . . , Y r ′ )X ′q (Y 2 ′ · · · Y + termes sans pôle en X ′ = 0r ′ ) q2En substituant X ′ = X − Y 1 et Yk ′ = Y k − Y 1 , on obtient1r∑ q∑∏ ri=1 (X − Y i) =A q,j (Y 1 − Y i , . . . , Y r − Y i )q (X − Y i ) ∏ j 1≤k≤r, k≠i (Y k − Y i ) q2i=1 j=1On voit ainsi que les F i,j de la preuve sont tels que F i,j∏1≤i


<strong>RÉDUCTION</strong> <strong>DES</strong> <strong>ENDOMORPHISMES</strong> 29[G][J][N]RéférencesGantmacher, F. R., Théorie <strong>des</strong> matrices. Tome 1 : Théorie générale. Traduit du russe parCh. Sarthou. Collection Universitaire de Mathmatiques 18, Dunod, Paris, 1966.Jacobson, N., Basic algebra. I. Deuxième édition. W. H. Freeman and Company, New York,1985.Newman, M., Integral matrices. Pure and Applied Mathematics 45. Academic Press, NewYork-London, 1972.————————————————Olivier DEBARREInstitut de Recherche Mathématique Avancée – UMR 7501UFR de Mathématiques et Informatique7 rue René DescartesUniversité Louis Pasteur67084 Strasbourg Cedex – Francee-mail : debarre@math.u-strasbg.fr

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