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plus la chance de rencontrer des personnes commeça qui témoignent de <strong>le</strong>ur vécu et qui nous <strong>le</strong> relateavec tel<strong>le</strong>ment d’énergie.Car il est clair que <strong>le</strong>s livres d’histoire neremplaceront pas <strong>le</strong>s paro<strong>le</strong>s vivantes. C’estdommage que certains jeunes ne percutent pas…Pour ma gouverne, grâce à cette personne miraculée,j’ai eu <strong>le</strong>s réponses à pas mal de questions. Qu’el<strong>le</strong>vive encore très longtemps ! Même au‐delà s’il <strong>le</strong>faut.Matthieu TrouslardAu Mémorial de la ShoahNous sommes allés au Mémorial de la Shoah. Uneguide du mémorial nous a montré tous <strong>le</strong>s noms desdéportés de 1942 à 1944 (76 000), <strong>le</strong> Mur des Justes,puis nous avons visité une crypte au sous‐sol où desbouquets avaient été déposés. C’est une sorte de lieude recueil<strong>le</strong>ment. Après cette visite, nous avons étéau musée : la guide nous a expliqué l’histoire desdéportés. Ce que j’ai retenu particulièrement : larobe d’une fil<strong>le</strong>tte de 7 ans avec l’étoi<strong>le</strong> de Davidcousue, trois grandes photos prises en cachetteaffichées à un mur où l’on voit des gens qui ont étébrûlés, qui étaient nus avant d’al<strong>le</strong>r dans la chambreà gaz. Cela m’a particulièrement touchée et émue. Ceque j’ai retenu aussi, c’est une petite maquette dughetto de Varsovie. La guide nous a expliqué que dughetto (sorte de village enfermé) personne n’avait <strong>le</strong>droit de sortir et personne n’avait <strong>le</strong> droit d’entrer.Petit à petit, <strong>le</strong>s habitants mouraient de faim.Après cette visite, nous avons rencontré SarahLichtsztejn‐Montard, une femme qui a été déportée àAuschwitz lorsqu’el<strong>le</strong> avait 16 ans. El<strong>le</strong> nous atémoigné de son histoire très touchante, commentel<strong>le</strong> s’est échappée à la suite de la raf<strong>le</strong> du Vel d’HivLes apprentis avec Sarah Lichtsztejn‐Montard, rescapéed’Auschwitz. Un moment très fort en compagnie d’untémoin. Photo : Anne Grossardavec sa mère. Comment sa mère l’a sauvée du typhusau camp d’Auschwitz, etc.J’ai beaucoup aimé son témoignage, cela m’aénormément marquée. J’avais l’impression d’avoir étéavec el<strong>le</strong> lorsqu’el<strong>le</strong> parlait.Le voyage au Mémorial de la ShoahAudrey JoubertJ’ai beaucoup apprécié <strong>le</strong> voyage à Paris au Mémorialde la Shoah, <strong>le</strong>s documents, <strong>le</strong>s photographies, <strong>le</strong>svêtements des détenus, tout cela était à la fois trèsimpressionnant et émouvant. On imagine <strong>le</strong>ssouffrances dues au froid, à la cha<strong>le</strong>ur, la soif, la faim.La peur, l’angoisse continue qu’éprouvent <strong>le</strong>sdétenus ont dû <strong>le</strong>s marquer à vie, <strong>le</strong>s passages àtabac qu’on <strong>le</strong>ur faisait, <strong>le</strong>s tortures…Le témoignage de Sarah Lichtsztejn‐Montard m’abeaucoup ému, el<strong>le</strong> explique de façon très réel<strong>le</strong> <strong>le</strong>ssouffrances et on arrive faci<strong>le</strong>ment à <strong>le</strong>s imaginer.Son courage et son envie de vivre m’ont beaucoupimpressionné. Je pense à ces criminels qui ont <strong>le</strong>courage de nier l’évidence de l’exterminationplanifiée des Juifs durant la Seconde Guerre mondia<strong>le</strong>et la persécution d’autres communautés comme <strong>le</strong>sTziganes et <strong>le</strong>s homosexuels par exemp<strong>le</strong>.Il ne faut pas non plus oublier que nous Français nousavons participé à l’extermination des Juifs de Franceavec <strong>le</strong>s collaborations, et la raf<strong>le</strong> du Vel d’Hiv.Je témoigne, j’écris pour que mon passé, monprésent et mon futur continuent de dire, dedémontrer, qu’il y a seu<strong>le</strong>ment 70 ans plus de 6millions de personnes juives ont péri à cause d’uneidéologie, d’un homme…Liberté Ô Liberté, je n’aspire qu’à la Liberté.Gökhan Capmai 2013 La Voix des Apprentis ……4


Et d’autres impressionsencore…J’ai trouvé cette intervention de Sarah très touchanteet courageuse car il faut du courage pour raconterdes choses qui nous ont vraiment touchés et font trèsmal. Ce témoignage m’a ouvert encore plus <strong>le</strong>s yeuxsur ce qui s’est passé et c’est vraiment important quecela ne se reproduise plus.Aude VerdierSarah m’a beaucoup touchée en parlant de tout ce quis’est passé, cela a dû être dur, quand on sait que desfemmes enceintes se faisaient embarquer et que dès<strong>le</strong>ur accouchement, <strong>le</strong>s nazis prenaient <strong>le</strong>s bébés et <strong>le</strong>stuaient directement. Des bébés étaient même jetésvivants dans <strong>le</strong> feu.Magali BrenderA l’entrée du Mémorial de la Shoah. L’impressionnantmonument où figurent <strong>le</strong>s noms des camps nazis.Photo : Anne GrossardLa visite guidée au Mémorial de la Shoah était trèsintéressante du fait que l’on a pu apprendre plusd’informations et de façon immersive avec <strong>le</strong> muséeainsi que la guide. Ce qui m’a particulièrement touchéc’est <strong>le</strong> recensement des Juifs par ordre alphabétique, etl’implication de l’Etat français de Vichy dans ladéportation des Juifs. Le Mur des noms était aussiimpressionnant à l’entrée du Mémorial (voir ci‐contre etencadré).L’interview avec Sarah Lichtsztejn‐Montard étaitpoignante, malgré ses 28 ans de témoignages on ressentencore sa peine d’avoir vécu cette douloureuseexpérience. Les détails de son histoire nous rapprochentd’el<strong>le</strong>. Ce qui m’a marqué c’est son tatouage, qui nousconfronte à la réalité des faits.Mikaël GrangladenLe Mur des noms« Sur ce mur ont été gravés <strong>le</strong>s noms des 76 000 Juifs, parmi eux 11 000 enfants,déportés de France dans <strong>le</strong> cadre du plan nazi de la destruction des Juifs d'Europe, avecla collaboration du gouvernement de Vichy. Pour la plupart, ils ont été assassinés àAuschwitz‐Birkenau, <strong>le</strong>s autres dans <strong>le</strong>s camps de Sobibor, Lublin Maidanek et Kaunas /Reval, entre 1942 et 1944.Quelque 2 500 personnes seu<strong>le</strong>ment ont survécu à <strong>le</strong>ur déportation. Ce mur restitue uneidentité à des enfants, des femmes et des hommes que <strong>le</strong>s nazis ont tenté d'éradiquer dela surface de la terre. Leurs noms gravés dans la pierre perpétuent <strong>le</strong>ur souvenir. »http://www.memorialdelashoah.org/index.php/fr/decouvrir‐<strong>le</strong>‐memorial/<strong>le</strong>‐mur‐desnoms/<strong>le</strong>‐mur‐des‐nomsmai 2013 La Voix des Apprentis ……5


A Auschwitzmai 2013 La Voix des Apprentis ……6


mai 2013 La Voix des Apprentis ……7


Auschwitz II‐BirkenauC’est un camp de concentration et d’extermination qui a été mis en service début 1942. Il se situe dansun vaste espace de 175 hectares avec à l’origine 175 baraquements. Les activités criminel<strong>le</strong>sprincipa<strong>le</strong>s étaient : l’extermination dans <strong>le</strong>s chambres à gaz des Juifs et des Tziganes, <strong>le</strong>s exécutions àla seringue dans <strong>le</strong> Revier (l’infirmerie), <strong>le</strong> travail forcé, <strong>le</strong>s pendaisons publiques et la sous‐alimentationchronique. Le camp comportait aussi des fosses et des bûchers d’incinération. Des fours crématoirespermettaient de brû<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s corps des personnes gazées. Il convient donc de distinguer l’assassinatimmédiat dans <strong>le</strong>s chambres à gaz, de la mort suite à la présence dans <strong>le</strong> système concentrationnaire.La tristement célèbreentrée du camp vue del’intérieur. Photo : KSUn lieu où la liberté ne signifieabsolument plus rien.Auschwitz II‐Birkenau est <strong>le</strong> plusgrand camp construit par <strong>le</strong>snazis. Photo : KSAuschwitz IIIIl comprend <strong>le</strong> camp de Monowitz, ouvert en octobre1942 et une quarantaine de camps‐satellites implantés àproximité d’installations industriel<strong>le</strong>s. Sa fonction était <strong>le</strong>travail forcé dans <strong>le</strong>s usines de la Buna (I.G. Farben :usine de caoutchouc synthétique) et dans <strong>le</strong>sKommandos annexes, la sous‐alimentation chronique,<strong>le</strong>s pendaisons sur la place d’appel, <strong>le</strong>s injectionsmortel<strong>le</strong>s au Revier (infirmerie) et <strong>le</strong>s expéditions dedéportés vers <strong>le</strong>s chambres à gaz d’Auschwitz II.Luigi Ciottimai 2013 La Voix des Apprentis ……9


Des traces d’identitéA Auschwitz II‐Birkenau nous avons pu voir des murs recouverts de photos. Ce sont desphotos personnel<strong>le</strong>s, des photos de famil<strong>le</strong> apportées par <strong>le</strong>s déportés. Photo : KSSi l’on considère que 90 % des Juifs de Pologne ont été assassinés, i<strong>le</strong>st fort probab<strong>le</strong> que la majorité des personnes sur ces photos l’aéga<strong>le</strong>ment été, à Auschwitz ou ail<strong>le</strong>urs.Ces photos font penser à notre visite au Mémorial de la Shoah, oùnous avions éga<strong>le</strong>ment vu l’émouvant Mémorial des enfants avecquelque 3000 photos d’enfants juifs déportés de France. Ils étaientremplis d’avenir. Mais la barbarie a tout cassé…mai 2013 La Voix des Apprentis ……12


Une vie, une identitéL'identité est ce qui permet de différencier,sans confusion possib<strong>le</strong>, une personne, unanimal ou une chose des autres.Ces informations permettentd'individualiser quelqu'un : nom, prénom,filiation, date et lieu de naissance,empreinte digita<strong>le</strong>, empreinte génétique,etc.Une des choses <strong>le</strong>s plus invraisemblab<strong>le</strong>s estque toutes <strong>le</strong>s personnes qui sont mortes àAuschwitz ou dans <strong>le</strong>s autres camps avaientune vie, une famil<strong>le</strong> un travail, comme tous<strong>le</strong>s humains sur Terre ils avaient uneidentité bien propre, qu’ils ont dû mettre decôté à <strong>le</strong>ur arrivée même dans <strong>le</strong>s camps.Humiliés, traités comme des animaux, ilsont parfois mis <strong>le</strong>ur humanité de côté pourpouvoir survivre.Et seu<strong>le</strong>ment à Auschwitz et pour laminorité apte au travail, comme seu<strong>le</strong>appartenance un numéro vulgairementtatoué sur <strong>le</strong>ur avant‐bras, qu’ils devaientdire quand il <strong>le</strong> fallait.Tous <strong>le</strong>s Juifs de l’époque vivaient une vieplutôt paisib<strong>le</strong> et norma<strong>le</strong> par rapport à cequi <strong>le</strong>s attendait. Une enfance heureuse,insouciante mais une enfance marquéeaussi ensuite par l’antisémitisme, la peur del’autre et l’exclusion jusqu’à la mort.Céci<strong>le</strong> Jacquot et Laurianne Rieffel‐KastDe gauche à droite, <strong>le</strong>s personnes dont on mentionne la déportation… ne sont pas revenues :1. Chaja et Joseph Melzak posant dans la rue avec ungarçon non identifié. France, 1937‐1942. Chaja Melzak estdéportée de Pithiviers à Auschwitz par <strong>le</strong> convoi 14 <strong>le</strong>03/08/1942. Joseph Melzak est déporté de Drancy versAuschwitz par <strong>le</strong> convoi 21 <strong>le</strong> 19/08/1942. Mémorial de laShoah/Coll. Serge Klarsf<strong>le</strong>d2. Portrait d'Amalie Wasserman. France, vers 1942.Arrêtée sur dénonciation à Lyon (Rhône) <strong>le</strong> 15/10/1943,el<strong>le</strong> est déportée sous l'identité de Made<strong>le</strong>ine Wasseur deDrancy vers Auschwitz par <strong>le</strong> convoi 61 du 28/10/1943.Mémorial de la Shoah/Coll. Jean‐François Wasserman3. Photographie de mariage de Fortunée Zilbermann néeBehar et Bernard qui pose avec l'étoi<strong>le</strong> jaune, à la mairiedu XII e , 1942. Tous trois sont arrêtés et internés à Drancy.Fortunée enceinte accouche d'une petite Claudine àl'hôpital Rothschild en avril 1943. 6 mois plus tard ils sontdéportés. Seul Bernard a survécu. Mémorial de la Shoah/Mémoire juive de Paris4. Portrait de la famil<strong>le</strong> Fizycki. France, années 1930.Monsieur Fizycki est décédé lors d'une hospitalisationpendant l'occupation. Marie Fizycki et ses trois enfantsSamuel, Evelyne et Ernestine ont été déportés de Drancy <strong>le</strong>06/11/1942 par <strong>le</strong> convoi 42. Mémorial de la Shoah/Coll.Wolf Sokolowski5. Portrait de Ju<strong>le</strong>s Wasserman. France, vers 1942. Arrêtésur dénonciation à Lyon (Rhône) <strong>le</strong> 15/10/1943, il estdéporté sous l'identité de Ju<strong>le</strong>s Wasseur de Drancy versAuschwitz par <strong>le</strong> convoi 61 du 28/10/1943. Mémorial de laShoah/Coll. Jean‐François Wasserman6. Portrait de Laja Brafman, Paris. France, 1939. El<strong>le</strong> a étédéportée en 1943. Née <strong>le</strong> 18/10/1876 à Jedrzejowmai 2013 La Voix des Apprentis ……13


(Pologne), el<strong>le</strong> épouse Jacob Szmul Brafman à Varsovie en1899. En décembre 1929, el<strong>le</strong> précède son époux à Paris.El<strong>le</strong> est arrêtée chez el<strong>le</strong>, 82 rue Rebéval, Paris XIX earrondissement, avec son mari lors d'une raf<strong>le</strong> <strong>le</strong>11/02/1943. Ils sont internés à Drancy, et déportés versAuschwitz (ou Maïdanek) <strong>le</strong> 02/03/1943 par <strong>le</strong> convoi 49.Mémorial de la Shoah/Coll. Georges Lévy7. Jacques Dahan en uniforme et son neveu GuyChicheportiche posant chez <strong>le</strong> photographe, avant ladéportation de Guy. France, avant‐guerre. Guy est né <strong>le</strong> 5décembre 1935 à Paris XX e et a été déporté par <strong>le</strong> convoin° 61 <strong>le</strong> 28 octobre 1943. Aucune trace de Jacques n'a ététrouvée dans <strong>le</strong> fichier déportés. Mémorial de laShoah/Coll. Myriam Chicheportichedomici<strong>le</strong> de la famil<strong>le</strong> se situait au 305, rue de Vaugirard àParis XV e . Mémorial de la Shoah/Coll. Daniel<strong>le</strong> Lechapt9. Ruchla Popower, posant avec sa sœur, son fils Armandet sa petite‐fil<strong>le</strong> Micheline Mizes. France, 27/06/1942.Ruchla est arrêtée lors de la raf<strong>le</strong> du Vel d'Hiv, internée àDrancy el<strong>le</strong> est déportée par <strong>le</strong> convoi 11 parti <strong>le</strong>27/07/1942. Mémorial de la Shoah/Coll. Micheline Mizes10. Portrait d'Ar<strong>le</strong>tte Dreyfus, France, sans date. El<strong>le</strong> estnée <strong>le</strong> 10/03/1925 à Habsheim (Haut‐Rhin). El<strong>le</strong> estdéportée avec ses parents à la fin de l'année 1943 depuisMontbéliard puis de Drancy vers Auschwitz par <strong>le</strong> convoi69 <strong>le</strong> 07/03/1944. Mémorial de la Shoah/Coll. SergeKlarsfeld8. Char<strong>le</strong>s Leimsider posant chez <strong>le</strong> photographe, avant sadéportation. Paris, juin 1931. Il est né <strong>le</strong> 18 août 1932 àParis et a été arrêté avec ses parents (Isaac et Cyla) àAngoulême avant d'être déporté par <strong>le</strong> convoin° 30 <strong>le</strong> 9 septembre 1942. Le <strong>dernier</strong>L’identité bafouéeAvant l’arrivée d’Hit<strong>le</strong>r au pouvoir, <strong>le</strong>sJuifs ont une vie comme tout <strong>le</strong> monde.Ces lois vont changer <strong>le</strong>ur quotidien etporter atteinte à <strong>le</strong>ur personne.L’antisémitisme, c’est la haine des Juifs. Ilse caractérise par la mise en place demesures qui visent à <strong>le</strong>s exclure. Lespersécutions antijuives débutent avecl’arrivée d’Hit<strong>le</strong>r au pouvoir en janvier1933. Pour <strong>le</strong>s nazis, <strong>le</strong>s Juifs ne sont pasdes êtres humains, mais des « parasites »qu’il faut exclure de la société al<strong>le</strong>mande.Ils sont exclus de la fonction publique,chassés peu à peu des professionslibéra<strong>le</strong>s, de l’armée, de la justice, des métiers de laculture et de la presse. Les magasins juifs sontboycottés. En 1935 <strong>le</strong>s lois de Nuremberg privent <strong>le</strong>sJuifs de la citoyenneté al<strong>le</strong>mande et interdisent <strong>le</strong>smariages et <strong>le</strong>s relations sexuel<strong>le</strong>s entre Juifs et non‐Juifs. Ils sont privés de <strong>le</strong>urs droits et dépouillés de<strong>le</strong>urs biens. Le 17 août 1938, en Al<strong>le</strong>magne, <strong>le</strong>s Juifsont pour obligation de faire apposer un tampon« Juif » sur <strong>le</strong>s papiers d’identité. En Al<strong>le</strong>magne, àpartir du 1 er septembre 1941, <strong>le</strong>s Juifs doivent porterune large étoi<strong>le</strong> jaune avec <strong>le</strong> mot « Jude » (« Juif »).En France, à partir de juil<strong>le</strong>t 1941 en zone occupéeune nouvel<strong>le</strong> loi dépossède <strong>le</strong>s Juifs de toutes <strong>le</strong>ursentreprises et de <strong>le</strong>urs biens et immeub<strong>le</strong>s. Il y a aussi<strong>le</strong>s interdictions de voyager, de sortir du domici<strong>le</strong>Avant la déportation, <strong>le</strong>s enfants juifs sont privés des activités de<strong>le</strong>ur âge. Cette photo montre un parc à jeux interdit aux Juifsaménagé dans Paris, en novembre 1942. © LAPI/Roger Viol<strong>le</strong>tentre 20 heures et 6 heures, de posséder une radio,une bicyc<strong>le</strong>tte, un téléphone, d’entrer dans un jardinpublic, dans un théâtre, un cinéma, une piscine, desbains‐douches, de changer de résidence. Leurs piècesd’identité sont marquées du tampon « Juif ». A partirdu 7 juin 1942, suite à l’ordonnance al<strong>le</strong>mande du 29mai, l’étoi<strong>le</strong> jaune doit aussi être portée en France enzone occupée avec la complicité des autoritésfrançaises.L’étau se resserre sur <strong>le</strong>s Juifs d’Europe. Avant <strong>le</strong>sdéportations massives.Erwan Ménagermai 2013 La Voix des Apprentis ……14


L’identite perdueVoix croiséesSarah Lichtsztejn‐Montard, qu’évoque pour vousl’identité perdue au cours de votre déportationà Auschwitz ?Puis la guerre a éclaté en septembre 1939.La vie est devenue dure. On nous a donnés desmasques à gaz que l'on nous a appris à mettre. Ilfallait <strong>le</strong>s transporter partout avec nous dans descylindres en métal garnis d'une bandoulière. Seuls <strong>le</strong>spetits des éco<strong>le</strong>s maternel<strong>le</strong>s étaient dispensés duport des masques à gaz, cela aurait été trop lourdpour eux. On nous a donné éga<strong>le</strong>ment des cartes deravitail<strong>le</strong>ment et <strong>le</strong>s gens d'une même famil<strong>le</strong> serelayaient pour faire la queue devant <strong>le</strong>s magasinspendant des heures quand une denrée étaitannoncée. Les avions al<strong>le</strong>mands survolaient Paris et<strong>le</strong>s sirènes se mettaient à hur<strong>le</strong>r ; c'était l'a<strong>le</strong>rte et ilfallait descendre dans <strong>le</strong>s abris (caves ou métro)jusqu'à ce que <strong>le</strong>s sirènes sonnent la fin de l'a<strong>le</strong>rte.En juin 1940, <strong>le</strong>s Al<strong>le</strong>mands entraient à Paris etoccupaient toute la France du Nord. A partir de là, <strong>le</strong>sexactions ont commencé. Des réclames antisémitesont paru dans <strong>le</strong>s journaux, on a supprimé desmanuels d'histoire dont l'un des auteurs était juif, <strong>le</strong>smagasins juifs devaient peindre sur <strong>le</strong>ur vitrinel'étoi<strong>le</strong> de David et prendre un gérant non‐juif.Le Maréchal Pétain avait pris <strong>le</strong> pouvoir, transforméla III e République française en l'Etat français et promisaux citoyens qu'il ferait en sorte de <strong>le</strong>ur adoucirl'occupation al<strong>le</strong>mande. En fait, il est allé au‐devantdes demandes des Al<strong>le</strong>mands, publiant un premierstatut des Juifs en octobre 1940 par <strong>le</strong>quel tous <strong>le</strong>sprofesseurs, instituteurs, postiers étaient exclus de lafonction publique. A ce premier statut a succédé undeuxième en juin 1941 qui radiait <strong>le</strong>s Juifs desprofessions libéra<strong>le</strong>s : médecins, avocats,infirmières... En octobre éga<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong>s Juifsétrangers ont dû se déclarer dans <strong>le</strong>s mairies et <strong>le</strong>scommissariats ; on a établi des fiches qui ont permisde convoquer <strong>le</strong>s hommes déclarés, de <strong>le</strong>s arrêter etde <strong>le</strong>s interner dans <strong>le</strong>s camps du Loiret : Pithiviers etBeaune‐la Rolande en mai 1941.Et nous arrivons en janvier 1942 où une conférence aeu lieu dans une banlieue de Berlin au cours delaquel<strong>le</strong> a été organisée la « Solution fina<strong>le</strong> » pour <strong>le</strong>sJuifs, c'est‐à‐dire l'extermination. Les premièresapplications ont été <strong>le</strong> port de l'étoi<strong>le</strong> jaune enSarah Lichtsztejn‐Montard, avec l’étoi<strong>le</strong> portée en France et sonmatricu<strong>le</strong> d’Auschwitz. Photo : Ouest‐France / Daniel FourayFrance occupée et <strong>le</strong>s mesures draconiennesafférentes. Puis <strong>le</strong> 16 juil<strong>le</strong>t 1942, la raf<strong>le</strong> du Veld'Hiv', avec l’arrestation massive de femmes,d'enfants et de vieillards.Jusque‐là, mon identité juive était évidente, imposéemême par <strong>le</strong>s nazis qui traitaient <strong>le</strong>s Juifs de soushommes.Ma mère et moi avons été arrêtées ce 16 juil<strong>le</strong>t 1942et emmenées au Vélodrome d'Hiver. Nous noussommes évadées <strong>le</strong> soir même et cachées dans Paris,mais deux ans après, on nous a dénoncées et on nousa déportées à Auschwitz.Et là, ce fut une autre histoire !Après un terrib<strong>le</strong> voyage de trois jours et demi ettrois nuits en wagons à bestiaux, entassés à plus decent par wagon, avec un baril d'eau et un baril pour<strong>le</strong>s déchets humains, <strong>le</strong> train s’est arrêté. Nous étionsarrivés à Auschwitz II‐Birkenau. Les portes ont étédéverrouillées, des hommes, en pyjama rayé avec surla tête un béret rayé éga<strong>le</strong>ment, ont grimpé dansnotre wagon et nous ont dit de laisser nos valises :nous <strong>le</strong>s retrouverions plus tard. C'était unmensonge, nous ne <strong>le</strong>s avons jamais retrouvés. Ilsnous ont aussi dit, plus bas et en yiddish de laisser <strong>le</strong>spetits enfants aux vieil<strong>le</strong>s femmes : ils allaient entrerau camp dans des camions. Autre mensonge ; lorsquenous sommes entrés dans <strong>le</strong> camp, nous avons vuque <strong>le</strong> portail d'entrée était à cinquante mètres àpeine de la rampe d'arrivée. Les mères auraient puporter <strong>le</strong>urs bébés, et <strong>le</strong>s enfants qui marchaientauraient pu faire <strong>le</strong> parcours à pied.A la descente du train, on a séparé <strong>le</strong>s femmes deshommes qui ont rejoint <strong>le</strong> camp des hommes,Auschwitz I, à 3,5 km de là. Notre fi<strong>le</strong> de femmesavançait et se trouva devant un officier en grandetenue, très beau (j'ai su après la guerre que c'était <strong>le</strong>fameux docteur Menge<strong>le</strong>, <strong>le</strong> bourreau d'Auschwitz),qui, d'un geste de sa badine en cuir, nous dirigeaitvers la gauche ou la droite.Puis, on nous a fait entrer dans une baraque où desjeunes Polonaises bien habillées nous ont d'abord faitmai 2013 La Voix des Apprentis ……15


mettre nues ‐ une première humiliation ‐, ensuiteel<strong>le</strong>s ont vérifié nos noms sur une liste, et nous ontdonné un calicot (un morceau de toi<strong>le</strong> de 8 cm delong sur 4 de large) sur <strong>le</strong>quel figuraient une petiteétoi<strong>le</strong> et un numéro que nous devions plus tardcoudre sur notre vêtement. « Ici, vous n'avez plus denom », nous ont‐el<strong>le</strong>s dit, en nous tatouant ce mêmenuméro sur <strong>le</strong> bras gauche. Après la désinfection, desfil<strong>le</strong>s nous ont rasées : tête, aissel<strong>le</strong>s, pubis. Puis onnous a distribué des hardes dépareillées. Par la suite,à chaque interpellation, nous devions indiquer notrenuméro de matricu<strong>le</strong> en al<strong>le</strong>mand. Cel<strong>le</strong>s qui neparlaient pas al<strong>le</strong>mand étaient battues à mort. Nousn'étions plus que des « Stücke », des pièces.De toute façon, nous étions battues sans arrêt,traitées comme des esclaves, comme des soushommes.Nous n'avions plus d'identité et pourtant,ils nous traitaient de « sa<strong>le</strong>s juives ». Donc, nousavions bien une existence mais nous étions destinéesà être écrasées comme des insectes nuisib<strong>le</strong>s, à êtreexterminées.Après plusieurs mois à trimer comme des bagnards, àsouffrir de la faim, du froid, et à nous battre pour unecuil<strong>le</strong>rée de soupe, nous étions bien déshumanisées.Les nazis avaient presque atteint <strong>le</strong>ur but.Qu’évoque pour nous apprentis,l’identité perdue à Auschwitz?Les Juifs sont transportés dans des wagons à bestiaux de80 à 120 personnes. Pendant des jours, ils viventensemb<strong>le</strong>, sans air, sans nourriture et avec un seau d’eau.Ils doivent faire <strong>le</strong>urs besoins dans un seau devant tout <strong>le</strong>monde. Le seau est vite p<strong>le</strong>in, cela sent mauvais. Quand ilsarrivent, <strong>le</strong>s nazis <strong>le</strong>ur ôtent <strong>le</strong>urs biens et <strong>le</strong>s marquentcomme du bétail. Ils perdent <strong>le</strong>ur identité. D’êtreshumains, <strong>le</strong>s Juifs deviennent des objets. Du prénom ilspassent aux chiffres. Tous entrent par la porte et doiventressortir par la cheminée des fours une fois qu’ils ne sontplus uti<strong>le</strong>s. Et il y a ceux qui sont gazés immédiatement etbrûlés tout de suite : c’est <strong>le</strong> sort des plus nombreux.Zora Bu<strong>le</strong>jak et Besnike JasariEt puis quand <strong>le</strong>s nazis ont déporté <strong>le</strong>s Juifs à Auschwitz, ilsont perdu <strong>le</strong>ur identité car ils ont été maltraités, séparésde <strong>le</strong>ur famil<strong>le</strong>, on <strong>le</strong>ur a en<strong>le</strong>vé <strong>le</strong>urs affaires personnel<strong>le</strong>s.Ceux qui étaient sé<strong>le</strong>ctionnés pour <strong>le</strong> travail, on <strong>le</strong>s a misnus, on <strong>le</strong>s a fouillés jusqu’aux orifices <strong>le</strong>s plus intimes, on<strong>le</strong>s a rasés sur tout <strong>le</strong> corps (cheveux, aissel<strong>le</strong>s, pubis…), on<strong>le</strong>ur a tatoué un numéro sur <strong>le</strong> bras qu’ils devaientapprendre par cœur et réciter en al<strong>le</strong>mand au risque de sefaire battre, punir. Et on <strong>le</strong>s a fait passer à la douche pour<strong>le</strong>s désinfecter. Les Juifs étaient humiliés, battus pour unrien, ils n’étaient plus considérés comme des humains. Ledéporté était désigné comme un « Stück » c’est‐à‐dire une« pièce », un « morceau ». Il était déshumanisé, devaitA Auschwitz, <strong>le</strong>s gens n’avaient plus d’identité. SarahLichtsztejn‐Montard nous montre son matricu<strong>le</strong> A‐7142.Photo : Mélany Gerber« A Birkenau, notre vie, si l’on peut appe<strong>le</strong>r cela une vie,se déroulait au rythme des appels, du travail, de ladistribution de nourriture, <strong>le</strong> tout agrémenté de coups etde cris. Une vie d’esclaves. »Sarah Lichtsztejn‐Montard, Chassez <strong>le</strong>s papillons noirs(2011)porter une étoi<strong>le</strong>. Certains devenaient affreusementmaigres à cause de la faim, on <strong>le</strong>s appelait <strong>le</strong>s« musulmans » car quand il tombait à genoux, ilsressemblaient à des personnes en prière. Ceux qui n’ontpas été sé<strong>le</strong>ctionnés pour <strong>le</strong> travail (<strong>le</strong>s plus nombreux) – àsavoir, <strong>le</strong>s femmes avec de jeunes enfants, <strong>le</strong>s personnesâgées, <strong>le</strong>s personnes jusqu’à 15 ans ou toute autrepersonne n’ayant pas <strong>le</strong> « profil » pour travail<strong>le</strong>r – ont étéexterminés nus dans <strong>le</strong>s chambres à gaz et brûlés pourqu’il n’y ait plus aucune trace d’eux sur Terre.Eva KoerperArrivés au camp, <strong>le</strong>s Juifs sont devenus de simp<strong>le</strong>snuméros. Du moins pour ceux qui pouvaient rester en vie.Les Al<strong>le</strong>mands ont supprimé <strong>le</strong>ur identité naturel<strong>le</strong>. Ilsdevenaient des esclaves tatoués au service des nazis pourtravail<strong>le</strong>r dans des usines de munitions, faire des routes…Et puis il y a ceux qui ont dû subir <strong>le</strong>s terrib<strong>le</strong>s expériencesmédica<strong>le</strong>s des médecins nazis (stérilisation des femmes,changement de la cou<strong>le</strong>ur des yeux et bien d’autreshorreurs…). Et puis il y a eu ceux qui ne sont restés quequelques heures en vie après <strong>le</strong>ur descente du train. Ilssont ressortis par la cheminée après avoir été gazés.Priscilia HodelL’enfer attendait <strong>le</strong>s gens qui arrivaient à Auschwitz. Letravail dur et <strong>le</strong>s conditions de vie misérab<strong>le</strong>s attendaienttoutes ces personnes innocentes qui ne demandaient qu’àvivre une vie norma<strong>le</strong>, comme des gens normaux. Il y avaitune réel<strong>le</strong> envie de déshumaniser l’individu.Gökhan Cap et Morgane Gschwindmai 2013 La Voix des Apprentis ……16


Le coup de grâce est donnédans la fosse commune.Il existe encore bien desimages terrib<strong>le</strong>s sur ce quel’on appel<strong>le</strong> la « Shoah parbal<strong>le</strong>s »…Compte rendu de la conférence de Wannsee, <strong>le</strong> 20 janvier 1942. Les nazis ont pris la décision de mettre àexécution la « Solution fina<strong>le</strong> de la question juive ». Cette expression codée était employée par <strong>le</strong>s nazis pourdésigner la destruction tota<strong>le</strong> des Juifs en Europe tout en maintenant <strong>le</strong> secret absolu concernant ce projet. Ontrouve dans <strong>le</strong> tab<strong>le</strong>au ci‐dessus <strong>le</strong> calcul exact du nombre de Juifs prévus pour être exterminés avec l’indicationdes régions concernées, soit en tout 11 millions de personnes.mai 2013 La Voix des Apprentis ……18Audrey Joubert et Jennifer Liske


L’extermination de l’identité dans <strong>le</strong>s chambres à gazL’extermination en masse des Juifs est une prioritéabsolue pour <strong>le</strong>s nazis et organisée de manièreindustriel<strong>le</strong> dans de véritab<strong>le</strong>s abattoirs humains. LeKrematorium (ou crématoire) désigne souvent àAuschwitz‐Birkenau <strong>le</strong>s installations associantchambres à gaz et fours crématoires. Les dessins cidessoussont de David Olère qui faisait partie duSonderkommando (commando spécial). Il estconstitué d’un groupe de détenus juifs chargé devider <strong>le</strong>s chambres à gaz et d’incinérer <strong>le</strong>s corps. Ilsdevaient aussi arracher <strong>le</strong>s dents des victimes, <strong>le</strong>ursbijoux en or, tondre <strong>le</strong>urs cheveux, entretenir <strong>le</strong>sfours, etc. Témoin direct de l’extermination, <strong>le</strong>Sonderkommando était voué à une mort certaine.Le crématoire III en activité. On voit <strong>le</strong>s gens arriver et se diriger vers <strong>le</strong>s chambres à gaz. Une voiture avecune croix rouge (pour rassurer <strong>le</strong>s gens !) apporte <strong>le</strong> Zyklon B pour gazer <strong>le</strong>s gens. Au fond, à droite, uncamion est chargé de la récupération des affaires des victimes. Dessin de 1945 : David Olère, L'Œil du témoin.Dans la sal<strong>le</strong> de déshabillage du crématoire III. Les SS faisaient croire aux personnes qu’el<strong>le</strong>s allaientprendre une douche et qu’el<strong>le</strong>s pourraient récupérer <strong>le</strong>urs affaires suspendues aux portemanteaux. Ilsdisaient de faire attention aux numéros pour retrouver plus faci<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s affaires. Tout était fait pourtromper <strong>le</strong>s gens et donner l’illusion d’un banal vestiaire. Dessin de 1946 : David Olère, L'Œil du témoin.mai 2013 La Voix des Apprentis ……21


Ce dessin présente la sal<strong>le</strong> des fours du Krematorium III. Au fond, <strong>le</strong> monte charge des corps et dans <strong>le</strong>prolongement, la rigo<strong>le</strong> avec de l’eau où <strong>le</strong>s corps étaient tirés. Une fois <strong>le</strong>s corps brûlés, <strong>le</strong>s cendres étaientéparpillées à l’extérieur. El<strong>le</strong>s pouvaient aussi servir à devenir de l’engrais par exemp<strong>le</strong>. Les corps pouvaientservir à faire du savon. Avant l’incinération, <strong>le</strong>s tatouages pouvaient être découpés afin d’être col<strong>le</strong>ctionnés.Dans <strong>le</strong> livre de David Olère on voit une gardienne qui fait des abat‐jour avec des tatouages ! Dessin de 1945 :David Olère, L'Œil du témoin.Plan de coupe du crématoire III. Ce dessin nous montre bien l’organisation d’un Krematorium. Quand<strong>le</strong>s fours ne suffisaient pas, <strong>le</strong>s SS brûlaient <strong>le</strong>s corps dans des fosses à l’extérieur. Aucune trace nedevait rester. Les SS exécutaient aussi des gens devant des fosses, lançaient des bébés vivants dans <strong>le</strong>feu… Dessin de 1946 : David Olère, L'Œil du témoin.mai 2013 La Voix des Apprentis ……24


Schlomo Venezia, un des rares rescapés des Sonderkommandos témoigne dans sonlivre Sonderkommando. Dans l’enfer des chambres à gaz. Voici un extrait de ce livreà lire absolument !« Une fois déshabillées, <strong>le</strong>s femmes entraient dans la chambre à gaz et attendaient,pensant être dans une sal<strong>le</strong> de douches, avec des pommeaux au‐dessus de <strong>le</strong>ur tête.El<strong>le</strong>s ne pouvaient pas savoir où el<strong>le</strong>s se trouvaient en réalité. Il est arrivé qu’unefemme, prise de doute en ne voyant pas arriver l’eau, ail<strong>le</strong> voir un des deuxAl<strong>le</strong>mands qui se trouvaient devant la porte. El<strong>le</strong> recevait immédiatement des coupsvio<strong>le</strong>nts, la contraignant à retourner à sa place ; l’envie lui passait de poser desquestions.Puis <strong>le</strong>s hommes étaient fina<strong>le</strong>ment, eux aussi, poussés dans la chambre à gaz. LesAl<strong>le</strong>mands ont pensé qu’en faisant entrer en <strong>dernier</strong> une trentaine d’hommes forts,quand la sal<strong>le</strong> était déjà p<strong>le</strong>ine, ils pourraient, avec <strong>le</strong>ur force, pousser <strong>le</strong>s autres. Eneffet, poussés par <strong>le</strong>s coups qui <strong>le</strong>s massacraient comme des animaux, ils n’avaientpas d’autre solution que de pousser fort pour entrer et éviter <strong>le</strong>s coups. (…) Une foisque <strong>le</strong> gaz était versé, cela durait entre dix et douze minutes, puis fina<strong>le</strong>ment onn’entendait plus un bruit, plus une âme vivante. (…) Puis, fina<strong>le</strong>ment, on pouvaitentrer et commencer à extraire <strong>le</strong>s cadavres de la chambre à gaz. Une terrib<strong>le</strong> odeurâcre envahissait la pièce. On ne pouvait pas distinguer ce qui re<strong>le</strong>vait de l’odeurspécifique du gaz et ce qui provenait de l’odeur des personnes et des déjectionshumaines. »Crémation en p<strong>le</strong>in air photographiée clandestinement par des détenus du Sonderkommandodepuis l’intérieur de l’une des chambres à gaz du Krematorium V à Auschwitz II‐Birkenau en août1944. Les fours ne suffisaient pas toujours pour faire face aux nombres de personnesexterminées. (Coll. Mémorial de la Shoah/CDJC)mai 2013 La Voix des Apprentis ……25


SS jetant des enfantsvivants dans une fosseincandescente (bunker2/V) Dessin de 1945 :David Olère, L'Œil dutémoin.Malgré <strong>le</strong>s apparences, il s’agitbien d’une chambre à gaz et defours crématoires auKrematorium IV. Photo : SS,1943. Auschwitz‐Birkenau StateMuseum Archives. Source :www.auschwitz.orgLes nazis ont essayé, en <strong>le</strong>sdynamitant, de détruire <strong>le</strong>straces des chambres à gaz etdes fours crématoires àAuschwitz II‐Birkenau.Photo : Céci<strong>le</strong> Jacquotmai 2013 La Voix des Apprentis ……26


Mais on peut encore voir desfours crématoires à Auschwitz Ià proximité d’une chambre àgaz. Il s’agit d’une reconstitution(avec <strong>le</strong>s matériaux d’origine).L’identité finissait en cendres.Photo : Céci<strong>le</strong> JacquotChambre à gaz à Auschwitz I. Cettepièce est l’ancienne morgue.Le premier gazage homicide a eu lieudans <strong>le</strong> sous‐sol du block 11 suite àune expérimentation effectuée <strong>le</strong> 3septembre 1941 sur 600 prisonnierssoviétiques et 250 détenus polonaismalades. Les premiers gazages àAuschwitz II‐Birkenau ont lieu en1942. Photo : Gen Baugher, courtoisieScrapbookpages.comLa Lagerstrasse àAuschwitz II‐Birkenauqui menait <strong>le</strong>s déportésvers l’extermination par<strong>le</strong> gaz… Un des chemins.Et toujours cetteimpression d’immensitéet d’oppression danscette usine de la mort.Photo : KSAudrey Joubertet Jennifer Liskemai 2013 La Voix des Apprentis ……27


Le ZentralsaunaLes Juifs qui ne sont pas sé<strong>le</strong>ctionnés pour <strong>le</strong>schambres à gaz (ils sont minoritaires par rapport à lamasse sé<strong>le</strong>ctionnée pour la mort immédiate) sontconduits au Zentralsauna où ils sont rasés,désinfectés et où ils reçoivent un numéro dematricu<strong>le</strong> qui <strong>le</strong>ur est tatoué sur la peau. Leprocessus de déshumanisation mène <strong>le</strong>s déportés àl’esclavage. Déshumanisés dès <strong>le</strong> transport, <strong>le</strong>processus de la perte d’identité continue pour <strong>le</strong>svivants. Les déportés sont dénudés, fouillés dans <strong>le</strong>sparties <strong>le</strong>s plus intimes, rasées sur tout <strong>le</strong> corps(cheveux, aissel<strong>le</strong>s, pubis), tatoués, désinfectés. On<strong>le</strong>ur distribue des vêtements dépareillés, deschaussures qui ne sont pas toujours <strong>le</strong>s mêmes, ilssont ridicu<strong>le</strong>s, humiliés. Ensuite ils sont affectés vers<strong>le</strong>s baraques de la « quarantaine », où ils restentenfermés plusieurs semaines avant d’être affectésdans des équipes de travail, <strong>le</strong>s Kommandos.« Désormais, chacune ne sera plus appelée que par <strong>le</strong>numéro qu’el<strong>le</strong> porte sur l’avant‐bras. Denise Holsteindevient A 16 727 (sechzen sieben siebenundzwanzig). Nousvoici donc tatouées, numérotées comme du bétail. Nouscomprenons vite qu’aux yeux de nos gardiens nous nesommes plus des êtres humains. Nous sommes privés denotre nom, de notre identité. Nous ne sommes pluspersonne, nous n’avons plus aucune individualité. Oui,nous ne sommes plus que du bétail et tout est fait, avec unsens terrifiant de l’organisation, pour nous <strong>le</strong> faire sentir.»Denise Holstein, « Je ne vous oublierai jamais, mesenfants d’Auschwitz… » (1995)« Ils nous ont tatouées puis ils nous ont dit : "A partir demaintenant, c’est votre nom." Moi, je m’appelais A‐5143.Votre nom, c’était votre numéro. J’avais l’impression de neplus être un être humain. Ils nous avaient rasé la tête,j’avais honte et, quand ils nous ont demandé de nousdéshabil<strong>le</strong>r, on a eu l’impression d’être des animaux. Leshommes se promenaient parmi nous en riant et en nousregardant. J’aurais voulu que <strong>le</strong> sol s’ouvre sous mes piedset m’engloutisse. »Lily Malnick« Plus rien ne nous appartient : ils nous ont pris nosvêtements, nos chaussures, et même nos cheveux ; si nousparlons, ils ne nous écouteront pas, et même s'ils nousécoutaient, ils ne nous comprendraient pas. Ils nousenlèveront jusqu'à notre nom : et si nous voulons <strong>le</strong>conserver, nous devrons trouver en nous la forcenécessaire pour que derrière ce nom, quelque chose denous, de ce que nous étions, subsiste. »Primo Levi, Si c’est un homme (1947)L’espace où arrivaient <strong>le</strong>s déportés au Zentralsauna.Photo : OB« Qu'on imagine maintenant un homme privé nonseu<strong>le</strong>ment des êtres qu’il aime, mais de sa maison, de seshabitudes, de ses vêtements, de tout enfin, littéra<strong>le</strong>mentde tout ce qu'il possède : ce sera un homme vide, réduit àla souffrance et au besoin, dénué de tout discernement,oublieux de toute dignité : car il n'est pas rare, quand on atout perdu, de se perdre soi‐même ; ce sera un hommedont on pourra décider de la vie ou de la mort <strong>le</strong> cœurléger, sans aucune considération d'ordre humain, si cen'est, tout au plus, <strong>le</strong> critère d'utilité. On comprendra alors<strong>le</strong> doub<strong>le</strong> sens du terme "camp d'extermination" et ce quenous entendons par l'expression " toucher <strong>le</strong> fond ".Häftling* : j'ai appris que je suis un Häftling. Mon nom est174 517 ; nous avons été baptisés et aussi longtemps quenous vivrons nous porterons cette marque tatouée sur <strong>le</strong>bras gauche. »*Détenu (mot al<strong>le</strong>mand).Primo Levi, Si c’est un homme (1947)« Puis <strong>le</strong>s kapos nous ont fait <strong>le</strong>ver et mettre en rang, parordre alphabétique, et nous sommes passées l’une aprèsl’autre devant des déportés qui nous ont tatouées.Aussitôt m’est venue la pensée que ce qui nous arrivaitétait irréversib<strong>le</strong> : "On est là pour ne plus sortir. Il n’y aaucun espoir. Nous ne sommes plus des personneshumaines, seu<strong>le</strong>ment du bétail. Un tatouage, c’estindélébi<strong>le</strong>." C’était sinistrement vrai. A compter de cetinstant, chacune d’entre nous est devenue un simp<strong>le</strong>numéro, inscrit dans sa chair ; un numéro qu’il fallait savoirpar cœur, puisque nous avions perdu toute identité. »Simone Veil, Une vie (2007)« Les mères qui se trouvaient là devaient subir pour lapremière fois <strong>le</strong> regard de <strong>le</strong>urs fil<strong>le</strong>s sur <strong>le</strong>ur nudité.C’était très pénib<strong>le</strong>. Quant au voyeurisme des kapos, iln’était pas supportab<strong>le</strong>. El<strong>le</strong>s s’approchaient de nous etnous tâtaient comme de la viande à l’étal. On aurait ditqu’el<strong>le</strong>s nous jaugeaient comme des esclaves. »Simone Veil, Une vie (2007)Rémy Viau<strong>le</strong>smai 2013 La Voix des Apprentis ……28


Les triang<strong>le</strong>sLa perte d’identité passait aussi par ces signes que <strong>le</strong>s déportés devaient porter… Le triang<strong>le</strong> faisait office denouvel<strong>le</strong> identité tout comme <strong>le</strong> matricu<strong>le</strong>. Ces triang<strong>le</strong>s concernent <strong>le</strong> système concentrationnaire : ils neconcernent pas <strong>le</strong>s Juifs non sé<strong>le</strong>ctionnés pour <strong>le</strong> travail et immédiatement gazés à Auschwitz II‐Birkenau.RougeRougeRouge pointe enbas, jaune pointeen hautNoir Marron LilasB<strong>le</strong>u Vert Rosemai 2013 La Voix des Apprentis ……29Kubilay Ayna et Hélène Brender


Les restes d’identitéAu musée d’Auschwitz on a pu voir ce qui restait des déportés une fois qu’ils étaient morts ou esclaves. Le« Kanada » était l’endroit où <strong>le</strong>s nazis entreposaient <strong>le</strong>s effets personnels des déportés.Des montagnes de cheveux des personnes gazées pour <strong>le</strong>s entreprises al<strong>le</strong>mandes. Ilsdeviennent du tissu, des bas… Ces images renvoient à une intimité, à une identitéperdue. Photo : Pawel Sawicki www.auschwitz.orgCe qui restait des cheveuxd’êtres humains devenaitdu tissu. Et c’est effrayant.Photo : Jarko Mensfeltwww.auschwitz.orgmai 2013 La Voix des Apprentis ……30


Des montagnes de chaussuresqui renvoient à tant de viesperdues. Derrière chacun de cessouliers, il y avait pourtant unêtre, une vie, un pas. Photo :Céci<strong>le</strong> JacquotDes montagnes de bagagesavec <strong>le</strong>s noms des personnesdéportées. On a aussi vu destas de lunettes, de lavaissel<strong>le</strong>… Photo : OBN’oublions jamais quederrière tous <strong>le</strong>s objetsque l’on peut voir aumusée d’Auschwitz, il ya des visages.Portrait des membresd’une famil<strong>le</strong> juivehongroise. Ils furentdéportés et tués àAuschwitz peu aprèsque cette photo a étéprise. Kapuvar, Hongrie,8 juin 1944.US Holocaust MemorialMuseumwww.ushmm.orgmai 2013 La Voix des Apprentis ……31


Toutes cesprothèses quirenvoient à tant depas perdus. Et desvies encore…réduites en cendres.Photo : OBDes restes d’enfance. Tant d’enfantsqui n’ont pas pu grandir et qui sontmorts dans <strong>le</strong>s chambres à gaz.216 000 enfants juifs sont assassinésdans <strong>le</strong>s chambres à gazimmédiatement après <strong>le</strong>ur arrivée(Source : Mémorial de la Shoah).Photo : OBObjets personnels de déportés.Photo : Pawel Sawickiwww.auschwitz.org« Une montre, une bague, toutest posé sur la tab<strong>le</strong> ; mon sacque je n’avais pas voulu jeter sur<strong>le</strong> tas, je dois l’abandonner etmes plus chers souvenirs, je doism’en séparer. »Maria Lichtsztejn dans Chassez<strong>le</strong>s papillons noirs (2011), SarahLichtsztejn‐Montard,Gökhan Cap et Laura MayrP. 33 photos : OB et KS (encadré)mai 2013 La Voix des Apprentis ……32


« Ceux qui ne peuvent se rappe<strong>le</strong>r <strong>le</strong> passé sont condamnés à <strong>le</strong> répéter. »George Santayana (1863‐1952)mai 2013 La Voix des Apprentis ……33


L’esclavageL’extermination naturel<strong>le</strong> par <strong>le</strong> travail : <strong>le</strong>s gens sé<strong>le</strong>ctionnés ne doivent pas vivre longtemps, condamnés à mourirà cause du travail ou dans <strong>le</strong>s chambres à gaz après des « sé<strong>le</strong>ctions », sous <strong>le</strong>s coups… La « sé<strong>le</strong>ction » se faisaitaussi dans l’enceinte du camp de manière régulière pour éliminer <strong>le</strong>s détenus devenus « inaptes au travail ».L’appel pouvait durer des heures, <strong>le</strong> matin dès 3 heures et <strong>le</strong> soir. Il était interdit d’al<strong>le</strong>r aux toi<strong>le</strong>ttes à ce moment.Et <strong>le</strong>s journées de travail duraient douze heures. Et <strong>le</strong>s Kapos et <strong>le</strong>s chefs de Blocks, étaient brutaux. Un Kapo était<strong>le</strong> responsab<strong>le</strong> d’un Kommando de travail.Ces femmes sont conduites au travail dans l’une des usines voisines ou travail<strong>le</strong>nt dans <strong>le</strong>camp. D’autres déportés travaillaient dans des carrières, dans <strong>le</strong> camp, etc. Photo, 1944, deL’Album d’Auschwitz.« Construction des crématoires à Birkenau en 1943, pauvres fil<strong>le</strong>s. » (Il s’agitdu crématoire III). Dessin de 1945 : David Olère, L'Œil du témoin. Le butétait d’épuiser <strong>le</strong>s détenus, de <strong>le</strong>s annihi<strong>le</strong>r psychologiquement etphysiquement. Ils étaient placés dans des conditions qui conduisaientdirectement et délibérément à la maladie, aux b<strong>le</strong>ssures et à la mort.mai 2013 La Voix des Apprentis ……34


Voici l’entrée d’Auschwitz I avecson terrib<strong>le</strong> « Arbeit macht frei »(« Le travail rend libre »). Dans<strong>le</strong> camp, être un travail<strong>le</strong>ur,c’était être un esclave. Au retour<strong>le</strong> soir, <strong>le</strong>s déportés mangeaienttrès peu et <strong>le</strong> matin aussi. Lanourriture quotidienne avait uneva<strong>le</strong>ur de 900 à 1000 calories.Photo : VDAGauthier Lehmann et EloyMathisL’intimité perdue au quotidienLes latrines à Auschwitz II.L’intimité n’existait plus, nul<strong>le</strong>part. Même ici <strong>le</strong>s déportéspouvaient subir des coups desgardiens. Photo : Paweł Sawickiwww.auschwitz.org« Il me semb<strong>le</strong> que nous n’étions plus capab<strong>le</strong>s de penser ni d’envisagerl’avenir. Quant au passé, il était presque effacé. Les nazis avaient réussi :nous n’étions plus des êtres humains. »Sarah Lichtsztejn‐Montard, Chassez <strong>le</strong>s papillons noirs (2011)mai 2013 La Voix des Apprentis ……35


Une baraque tel<strong>le</strong> qu’on peut la voiraujourd’hui où <strong>le</strong>s personnes dormaiententassés dans la promiscuité.Photo : OBSi à Paris nous avons pu rencontrer Sarah Lichtsztejn‐Montard, à Auschwitz nous avons eu la chance d’écouterGinette Kolinka, une autre rescapée d’Auschwitz, qui nous aparlé de la déportation. El<strong>le</strong> compte sur <strong>le</strong>s jeunes pourtransmettre et ne jamais oublier… Photo : KSFemmes dans <strong>le</strong>s baraques lors de la libération du camp d'Auschwitzpar l'Armée Rouge. Pologne, 27/01/1945. Mémorial de la Shoah.Les déportés étaient serrés dans ces lits de cauchemar. Lespersonnes qui étaient en dessous devaient subir <strong>le</strong>s excréments quicoulaient d’en haut. Beaucoup de détenus souffraient de la diarrhée.Rémy Viau<strong>le</strong>smai 2013 La Voix des Apprentis ……36


Les corps qui changentJeunes déportés souffrant de malnutrition et des expériences médica<strong>le</strong>s, camp d'Auschwitz. Pologne, 1945.Mémorial de la Shoah.L’objectif des SS est d’obtenir la déshumanisation tota<strong>le</strong> des détenus. Rasés, tatoués, mal nourris, épuisés par <strong>le</strong>travail, ils devenaient des sque<strong>le</strong>ttes ambulants. Il était diffici<strong>le</strong> de distinguer l’identité sexuel<strong>le</strong>. Les nazis avaientl’idée que <strong>le</strong>s détenus étaient des sous‐hommes et très vite <strong>le</strong> corps et <strong>le</strong> comportement confirmaient cette idéede départ.Les détenus souffraient du typhus, de dysenterie…Et puis à force de s’affaiblir ils devenaient dans la terminologiedu camp des « musulmans », car quand ils tombaient en avantils ressemblaient à des personnes en prière. Ils sont tel<strong>le</strong>mentamaigris qu’on voit <strong>le</strong>urs os. Le professeur Waitz qui travaillait àl’infirmerie d’Auschwitz écrit : « Le poids d'un homme normaltombe à 40 kilos. On peut observer des poids de 30 et de 28kilos. »L’écrivain Primo Levi en par<strong>le</strong> dans son livre Si c’est un homme(1947) : « Ils peup<strong>le</strong>nt ma mémoire de <strong>le</strong>ur présence sansvisage, et si je pouvais résumer tout <strong>le</strong> mal de notre temps enune seu<strong>le</strong> image, je choisirais cette vision qui m’est familière :un homme décharné, <strong>le</strong> front courbé et <strong>le</strong>s épau<strong>le</strong>s voûtées,dont <strong>le</strong> visage et <strong>le</strong>s yeux ne reflètent nul<strong>le</strong> trace de pensée. »A Auschwitz, <strong>le</strong>s expériences médica<strong>le</strong>s étaient multip<strong>le</strong>s etterrib<strong>le</strong>s : expériences de stérilisation sur des femmes parinjections intra utérines, expériences pour changer la cou<strong>le</strong>urdes yeux, expérience de stérilisation sur des hommes et desfemmes au moyen de rayons X, expériences sur <strong>le</strong>s jumeaux,expériences à l’aide de brûlures, expérience sur la malaria, etc.Enfants ayant subi des mutilations àAuschwitz. www.auschwitz.orgEva Koerper et Léonie Frelinmai 2013 La Voix des Apprentis ……37


Les punitionsQue cela soit à Auschwitz I, Auschwitz II ou Auschwitz III, <strong>le</strong> détenu pouvait être puni pour n’importe quel<strong>le</strong>raison : un regard, avoir travaillé trop <strong>le</strong>ntement, avoir omis de se découvrir devant un SS… Voici des espacesterrib<strong>le</strong>s que nous avons vus à Auschwitz I.Auschwitz I. Les détenus pouvaient êtresuspendus à un poteau <strong>le</strong>s bras tordusderrière <strong>le</strong> dos. Photo : DRAuschwitz I. Sous‐sols du « Bloc de la Mort ». Cachotsde 90 cm sur 90 cm dans <strong>le</strong>squels on enfermait debout<strong>le</strong>s prisonniers par quatre. Certains mouraientd’épuisement. Des détenus pouvaient aussi êtreenfermés dans des cellu<strong>le</strong>s et être condamnés àmourir de faim et de soif. Le « Mur de la Mort » àproximité, était <strong>le</strong> lieu où <strong>le</strong>s prisonniers nus étaientexécutés d’une bal<strong>le</strong> dans la tête. Outre <strong>le</strong>sbastonnades par exemp<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s SS pouvaient donnerlibre cours à <strong>le</strong>ur imagination pour <strong>le</strong>s punitions enfaisant exécuter très vite des exercices : ramper sur <strong>le</strong>scoudes et <strong>le</strong> bout des orteils, se rou<strong>le</strong>r sur la terrecouverte de gravier et de briques pilées, tourner enrond, <strong>le</strong>s mains <strong>le</strong>vées, etc. Photo : DRZora Bu<strong>le</strong>jak, Mélanie Gerber et Maxime Rittermai 2013 La Voix des Apprentis ……38


Le bilan d’AuschwitzLe nombre des victimes, <strong>le</strong>s méthodes employées et la dimension continenta<strong>le</strong> du massacre font de la Shoah uncrime qui n’a pas d’équiva<strong>le</strong>nt dans l’histoire de l’Humanité.Cadavres photographiés lors de la libération du camp d'Auschwitz par l'Armée Rouge. Pologne,27/01/1945. Mémorial de la Shoah.Voyage d’étudeAuschwitz ‐ Livretd’accompagnementAdultes, Mémorial de laShoah, octobre 2012.Au moins 1,3 million de personnes ont été déportées à Auschwitz. Parmi el<strong>le</strong>s, 1,1 million ont été assassinés dont 1million de Juifs.En ce qui concerne <strong>le</strong>s Juifs, ce tab<strong>le</strong>au nous informe que 865 000 personnes non‐enregistrées ont été gazéesimmédiatement. Puis 100 000 Juifs sur 200 000 enregistrés sont morts par la suite (mauvais traitement, fatigue,froid, faim, gazage postérieur…). Les « marches de la mort » concernent 58 000 détenus qui ont été jetés sur <strong>le</strong>sroutes par un froid glacial <strong>le</strong> 18 janvier 1945 pour rejoindre d’autres camps à l’approche de l’Armée rouge. Le 27janvier 1945, <strong>le</strong>s premiers soldats russes arrivent à Auschwitz et découvrent 7000 détenus, incapab<strong>le</strong>s demarcher, abandonnés par <strong>le</strong>s SS.Sur 76 000 Juifs déportés de France dont 11 000 enfants, environ 2500 sont revenus, soit 3 %.Le bilan de la Shoah est terrifiant : près de 6 millions de Juifs ont été assassinés dont 1,5 million d’enfants.mai 2013 La Voix des Apprentis ……39


L’identite retrouveeLe retour« Et puis, il nous a bien fallu apprendre à vivre"norma<strong>le</strong>ment". »Sarah Lichtsztejn‐Montard, Chassez <strong>le</strong>s papillons noirs,(2011)Les nazis ont essayé de détruire <strong>le</strong>s Juifs. Mais ils n’ont pas réussi. Ci‐dessous quelques photos de rescapés qui onttenté de se reconstruire malgré la terrib<strong>le</strong> expérience des camps. Il y a eu <strong>le</strong>s cauchemars, <strong>le</strong> sentiment deculpabilité éprouvés par <strong>le</strong>s survivants, la peur des chiens… la vision d’une cheminée qui fait penser aux fourscrématoires, <strong>le</strong>s wagons qui font penser au transport… Hermine Horvath une déportée tzigane se rappel<strong>le</strong> de cespersonnes qui ont été jetées vivantes dans <strong>le</strong> feu. El<strong>le</strong> a ensuite eu des crises d’épi<strong>le</strong>psie. C.B. qui a été castré parHorst Schuman lors d’expériences sur la stérilisation a vécu dans la honte.Ida Grinspan dit : « On ne vit pas après Auschwitz, on vit avecAuschwitz. » Sarah Lichtsztejn‐Montard nous a dit qu’el<strong>le</strong> « essaie detoujours penser au verre à moitié p<strong>le</strong>in plutôt qu’au verre à moitié vide ».Une bel<strong>le</strong> <strong>le</strong>çon de courage et de vie après de terrib<strong>le</strong>s épreuves.Portrait d'Ida Grinspan, née Fensterszab, photographiée sixsemaines après son retour de déportation, 1945. Mémorial de laShoah/Mémoire juive de ParisPortrait de Renée Eskenazi à 26 ans, après sa déportation.Je reviens d’un autre mondeFrance, 11/11/1952. El<strong>le</strong> avait été déportée par <strong>le</strong> convoi n°dans ce monde76 <strong>le</strong> 30/06/1944. Mémorial de la Shoah/Coll. Renéeque je n’avais pas quittéEskenaziet je ne sais<strong>le</strong>quel est vraidites‐moi suis‐je revenuede l’autre monde ?Pour moije suis encore là‐baset je meurslà‐baschaque jour un peu plusje remeursla mort de tous ceux qui sont mortset je ne sais plus quel est vraidu monde‐làde l’autre monde‐là‐basmaintenantje ne sais plusquand je rêveet quandje ne rêve pas.Portrait d'Israël et Made<strong>le</strong>ine Goldstein, survivants de la Shoah. 2002.On peut voir <strong>le</strong>s matricu<strong>le</strong>s tatoutés sur <strong>le</strong>s bras. Photo EvvyCharlotte Delbo, Une connaissance inuti<strong>le</strong> (extrait)Eisen/Mémorial de la Shoahmai 2013 La Voix des Apprentis ……40


Voix croiséesSarah Lichtsztejn‐Montard, qu’évoque pourvous l’identité retrouvée après votredéportation à Auschwitz ?Retour en France.On nous a rapatriées en wagons à bestiaux, mais dela pail<strong>le</strong> était étendue sur <strong>le</strong> sol et nous n'étionsqu'une vingtaine par wagon.En tête du train, <strong>le</strong>s wagons de voyageurs assisétaient occupés par <strong>le</strong>s prisonniers de guerre et <strong>le</strong>srésistants, et cela nous semblait normal ; après tout,nous n'étions que des Juives, donc, plus personne, etnous ne réalisions pas l'amp<strong>le</strong>ur de la tuerie dans <strong>le</strong>scamps de la mort.Ce n'est qu'à la frontière franco‐belge qu'on nous ainstallées dans des compartiments de voyageurs assiset nous sommes entrées en Gare du Nord à Paris,accueillies par un orchestre qui jouait la Marseillaise.Cela nous a tout de même un peu émues, mais nousétions des loques de dou<strong>le</strong>ur (ma mère pesait 35 kget moi 40).On nous a emmenées en autobus jusqu'à l'HôtelLutetia où l'on nous a fait passer une radio despoumons et, si vous n'aviez rien, on vous lâchait dansla nature, alors que nous aurions eu besoin sansdoute d'un psychologue à qui par<strong>le</strong>r.Après un bon repas dans la sal<strong>le</strong> à manger, on a gardé<strong>le</strong>s plus malades dans l'hôtel et on nous a répartiesdans <strong>le</strong>s différentes mairies de Paris. Ma mère et moiavons abouti à la mairie du XIX e , et couché dans deslits de camp.Ce n'est que <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain matin que je suis alléeseu<strong>le</strong>, ma mère étant trop faib<strong>le</strong> pour bouger, voirmon père et la famil<strong>le</strong>.Nous n'avions plus rien, pas de vêtements, plus delogement. La famil<strong>le</strong> nous a hébergées et nourries.Nous ne pouvions plus garder la nourriture dans nosestomacs rétrécis. On nous avait mises dans unechambre avec un grand lit, mais dès que la famil<strong>le</strong>quittait la pièce, nous descendions du lit et nous nouscouchions par terre.Nous n'étions plus rien et moi, je ne voulais surtoutplus être juive. J'avais <strong>le</strong> sentiment que la Francem'avait trahie en me vendant aux nazis qui m'avaientprivée de toute identité.En fait, j'aurais dû, comme de nombreux rescapés,partir en Pa<strong>le</strong>stine, devenue plus tard Israël. Là, jeserais devenue une citoyenne à part entière. Maisj'étais anéantie, comme paralysée, ne pouvant plusrien faire et je laissais <strong>le</strong>s autres disposer de ma vie.C'est mon père qui s'est acharné à me redonner uneconscience juive, en me faisant intégrer une troupede théâtre de marionnettes où <strong>le</strong>s pièces se jouaienten yiddish. C'était mon job d'étudiante pendant deuxans. Ensuite, j'ai rejoint une association pourl'éducation et la diffusion de la culture yiddish où j'aipris des cours de littérature, et fait des traductions.Mon mari, qui n'était pas juif, m'a beaucoupencouragée et aidée à retrouver mon identité. J'aiobtenu la nationalité française à 23 ans (la majoritéintervenant à 21 ans à l'époque), par naturalisation,alors que j'allais me marier à un Français.Et à présent, je suis une juive française, et jem'assume p<strong>le</strong>inement en témoignant devant desélèves de lycées et collèges, de ce que fut la Shoah,période de l'anéantissement et de la négation denotre être.« Je dis que notre vie, à nous <strong>le</strong>s déportés, ne peut de toute façon pas être norma<strong>le</strong>, même si el<strong>le</strong> <strong>le</strong>paraît, car <strong>le</strong> camp constitue la trame et cela jusqu’à notre mort. Même inconsciemment, toute notrevie s’est déroulée en confrontation avec cel<strong>le</strong> des camps. Nous ne sommes jamais sortis du camp. »Sarah Lichtsztejn‐Montard, Chassez <strong>le</strong>s papillons noirs (2011)mai 2013 La Voix des Apprentis ……41


Qu’évoque pour nousapprentis, l’identité retrouvéeaprès la déportation àAuschwitz ?Quand j’ai assisté au témoignage deSarah Lichtsztejn‐Montard, j’aiconstaté qu’el<strong>le</strong> était fière d’el<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> afait deux enfants pour signifier commeune sorte de « vengeance » à l’égarddes nazis qui ont voulu l’exterminer. Safil<strong>le</strong> se nomme Claire en hommage àune amie qu’el<strong>le</strong> a rencontrée au campet qui y est malheureusement restée.Léonie FrelinAprès la déportation, <strong>le</strong>s Juifs ont retrouvé <strong>le</strong>uridentité en se reconstruisant. Sarah Lichtsztejn‐Montard a mis au monde deux enfants, el<strong>le</strong> a dit quec’était comme une revanche face aux personnes quiont voulu l’éliminer. De nombreuses personnes ontécrit des livres et témoigné de <strong>le</strong>ur vécu. Il y a aussi <strong>le</strong>Mémorial de la Shoah à Paris pour nous rappe<strong>le</strong>rcette Histoire que beaucoup veu<strong>le</strong>nt oublier oumême ignorer.Eva KoerperEnfin ce cauchemar fini, il y a eu des survivants quiont eu beaucoup de mal à se reconstruire, àretrouver <strong>le</strong>ur identité après cette tragédie. Quelquessurvivants n’arrivaient pas à croire de s’en être sortiset qu’avec <strong>le</strong> temps on peut reconstruire une vie, unevraie…Priscilia HodelAprès la déportation, <strong>le</strong>s gens ont continué <strong>le</strong>urexistence en fondant une famil<strong>le</strong>, en essayant de sereconstruire, en retrouvant un travail…Zora Bu<strong>le</strong>jakAvoir un foyer, une famil<strong>le</strong>, trouver du travail. Pourdire au monde : « Vous nous avez brisés mais on esttoujours là. »Guillaume FeuermannLes gens qui font des cauchemars, qui n’arrivent pasà oublier ce qui s’est passé. Et la difficulté au retourde se faire croire par <strong>le</strong>s autres.Besnike JasariSortis de ce cauchemar, la vie ne pouvait plus être lamême pour <strong>le</strong>s anciens déportés. Les survivants sebattent pour que personne n’oublie l’exterminationDéportés libérés d’Auschwitz en 1945. Le diffici<strong>le</strong> retourvers <strong>le</strong> monde des vivants pour se reconstruire. Source :www.auschwitz.orgde 6 millions de Juifs pendant la Seconde Guerremondia<strong>le</strong> dont 1 million à Auschwitz. La questionreste toujours la même pour moi : « Comment unêtre humain peut‐il faire autant de mal à un autreêtre humain ? » Et d’autres questions encore : « Leshommes ne sont‐ils pas devenus libres et égaux ?L’identité a été perdue puis retrouvée, mais au fondces personnes n’ont‐el<strong>le</strong>s pas toujours étésimp<strong>le</strong>ment des êtres humains ? »Morgane GschwindCertaines personnes sont revenues d’Auschwitz etont pu retrouver <strong>le</strong>ur identité et <strong>le</strong>ur place dans lasociété. On a eu la chance de rencontrer deux damesqui sont revenues de cet enfer : Sarah Lichtsztejn‐Montard et Ginette Kolinka. El<strong>le</strong>s ont pu retrouver<strong>le</strong>ur vrai nom, mais el<strong>le</strong>s ont toujours ce fameuxtatouage avec ce numéro. La preuve que cecauchemar était une réalité.Hélène BrenderOui l’identité retrouvée : apprendre à vivre avec sescauchemars, avec <strong>le</strong>s souvenirs des proches qui ontété tués, la volonté d’affirmer l’existence du peup<strong>le</strong>juif avec l’Etat d’Israël qui a été créé en 1948…Gökhan CapLes personnes qui ont survécu à ce drame ont essayéde se reconstruire. Sarah et Ginette que nous avonsrencontrées sont devenues mères et ont de nouveauune famil<strong>le</strong>.Kristiana Kolajmai 2013 La Voix des Apprentis ……42


Notre retour…Avant d’al<strong>le</strong>r au campd’Auschwitz, je n’avais pas deressenti sur ce qu’il s’étaitréel<strong>le</strong>ment passé. Quand j’ai mis<strong>le</strong>s pieds à Auschwitz II‐Birkenau,et en écoutant <strong>le</strong>s gens raconterque des milliers de personnesinnocentes mouraient…Le plus dur était d’entendre quedes bébés se faisaient gazer dèsla naissance.Cette époque était vraimentdure.Arrivés à Auschwitz I, on a eu lachance de rencontrer uneancienne déportée, GinetteKolinka. El<strong>le</strong> nous a raconté sonhistoire, el<strong>le</strong> me donnait la chairde pou<strong>le</strong>.Ce voyage m’a vraiment faitréaliser que des milliers depersonnes ont perdu la vie, toutça à cause de <strong>le</strong>ur religion.Auschwitz II‐Birkenau m’a pluseffrayé qu’Auschwitz I car <strong>le</strong>sgens s’y faisaient gazer dès <strong>le</strong>urarrivée tandis qu’à Auschwitz I,ils travaillaient d’abord avant demourir à cause de <strong>le</strong>ur santé outués par <strong>le</strong>s nazis.Hélène BrenderLa journée en Pologne au camp de concentration etd’extermination d’Auschwitz était très émouvante.Quand on pense que 6 millions de Juifs ont été tués.Pendant la visite, on regarde, on découvre d’atroceschoses, on écoute <strong>le</strong>s explications de tout ce qui s’estpassé.Je suis triste, j’ai envie de p<strong>le</strong>urer.En rentrant dans <strong>le</strong> bus, on a <strong>le</strong> temps de réfléchir surtoutes <strong>le</strong>s horreurs qu’on a vues, dans notre tête <strong>le</strong>simages passent de tous ces enfants et personnesâgées que l’on a mis dans <strong>le</strong>s chambres à gaz.Je ressens du dégoût et une grande colère.Les Juifs sont des personnes comme nous, j’ai du malà croire que cela ait existé il y a seu<strong>le</strong>ment quelquesannées.La Fondation pour la Mémoire de la Shoah est bienpour ces voyages d’études car comme cela l’Histoirese transmet.Jennifer LiskeQuand je suis allé dans ce camp, je m’étais déjà faitune image du camp et de son fonctionnement.Il me manquait pour « visualiser » ce génocide <strong>le</strong>schiffres et <strong>le</strong>s détails.C’est un voyage qui est très bien et il faut que celacontinue.Le plus émouvant c’était la minute de si<strong>le</strong>nce et <strong>le</strong>sparo<strong>le</strong>s du monsieur qui a dit : « Aujourd’hui je viensici, en ce lieu, pour la première fois sur la tombe demon grand‐père et je suis <strong>le</strong> seul de la famil<strong>le</strong> qui soitvenu. »Je pense qu’il faut faire passer <strong>le</strong> message à nosenfants pour que cela ne recommence pas dans <strong>le</strong>futur.Rémy Viau<strong>le</strong>sLe camp d'Auschwitz est un lieu où <strong>le</strong>s hommes et <strong>le</strong>sfemmes ont été réduits et mis au même niveau que<strong>le</strong>s animaux, maltraités et soumis. Avant d'y al<strong>le</strong>r, onne se rend pas vraiment compte de l'amp<strong>le</strong>ur duphénomène. Auschwitz était une industrie de mise àmort pour <strong>le</strong>s humains. Quand je suis entrée dans <strong>le</strong>camp, j'ai ressenti ce nuage de tristesse. Nous avonspu voir <strong>le</strong>s horreurs que <strong>le</strong>s nazis ont pu commettre,<strong>le</strong>s fours crématoires où tant de Juifs ont été brûlés.afin de <strong>le</strong>s réduire en cendre. Auschwitz est LE campde la mort, <strong>le</strong>s Juifs ont souffert, des êtres humainscomme nous, qui avaient une famil<strong>le</strong>, victimes durégime nazi. Ce qui m'a <strong>le</strong> plus touché, c'était de voir<strong>le</strong>s valises, <strong>le</strong>s chaussures et <strong>le</strong>s objets retrouvés desJuifs morts dans <strong>le</strong> camp d'Auschwitz.Auschwitz est <strong>le</strong> plus grand cimetière du monde.Kristina KolajC'était ma seconde visite à Auschwitz. J'étais d'uncôté impatiente car je pouvais mettre des images sur<strong>le</strong>s histoires lues et de l'autre très effrayée par laperspective de mettre <strong>le</strong>s pieds dans un lieu où tantde gens ont souffert et sont morts.Dès <strong>le</strong> franchissement du porche principal, <strong>le</strong> si<strong>le</strong>ncese fait. J'ai en effet conscience d'entrer dans un lieuhors du commun et non pas dans un site touristiquequelconque.Dès lors, une certaine attitude s'impose, etl'atmosphère pesante qui règne dans ce lieu où tantd'hommes, de femmes et d’enfants ont trouvé lamort contribue à faire régner ce si<strong>le</strong>nce.Toute l'attention est tournée vers <strong>le</strong> guide qui nousexplique chaque lieu.Après la visite, je me suis posée de nombreusesquestions.mai 2013 La Voix des Apprentis ……43


Comment des hommes ont‐ils pu mettre en place etfaire fonctionner un tel système d'extermination ?Il ne reste certes plus beaucoup de traces deshommes et des femmes qui sont passés parAuschwitz mais cette visite m'a permis de concrétisermes connaissances sur <strong>le</strong>s camps, j'ai désormais uneimage précise des camps de concentration etd'extermination.Je terminerai en ajoutant qu'une visite comme cel<strong>le</strong>ciapporte quelque chose en plus que <strong>le</strong>s ouvrages et<strong>le</strong>s témoignages, mais el<strong>le</strong> ne peut se faire sans unepréparation préalab<strong>le</strong>. J'ai été contrarié par <strong>le</strong>comportement déplacé de certains visiteurs qui seprennent en photo devant la potence où a été penduRudolph Höss, commandant d'Auschwitz, commes'ils se trouvaient devant un monument touristique...Eva Koerper et Léonie FrelinLa Shoah c'était des photos un peu floues, c'était deslivres autobiographiques, des visages, des symbo<strong>le</strong>s,rien ne peut être aussi réel et éprouvant que depasser quelques heures sur <strong>le</strong>s lieux de souffrance, decris, de désespoir où l'on croit toujours sentir l'odeurperfide de la mort.La Shoah reste pour de nombreuses personnes etjeunes en particulier assez abstraite. Montrer, par<strong>le</strong>ravec des anciens détenus, partager ses idées, fairedes rencontres interculturel<strong>le</strong>s sont <strong>le</strong>s conditionspour ne pas oublier que plus de 6 000 000 depersonnes innocentes ont été massacrées.Gökhan CapSI C’EST UN HOMMEVous qui vivez en toute quiétudeBien au chaud dans vos maisons,Vous qui trouvez <strong>le</strong> soir en rentrantLa tab<strong>le</strong> mise et des visages amis,Considérez si c'est un hommeQue celui qui peine dans la boue,Qui ne connaît pas de repos,Qui se bat pour un quignon de pain,Qui meurt pour un oui pour un non.Considérez si c'est une femmeQue cel<strong>le</strong> qui a perdu son nom et ses cheveuxEt jusqu'à la force de se souvenir,Les yeux vides et <strong>le</strong> sein froidComme une grenouil<strong>le</strong> en hiver.N'oubliez pas que cela fut,Non, ne l'oubliez pas :Gravez ces mots dans votre cœur.Pensez-y chez vous, dans la rue,En vous couchant, en vous <strong>le</strong>vant ;Répétez-<strong>le</strong>s à vos enfants.Ou que votre maison s'écrou<strong>le</strong>,Que la maladie vous accab<strong>le</strong>,Que vos enfants se détournent de vous.Primo Levi dans Si c’est un homme (1947)La Voix des ApprentisDirecteur de la publication et de la rédaction : Olivier Blum (olivier.blum1@ac‐strasbourg.fr). Collaboration : HenriBass, Anne Grossard, Marie‐Claire Guth, Jasmine Prufer, Anne Szabo et Karim Sel<strong>le</strong>m. Equipe de rédaction : KubilayAyna, Zora Bu<strong>le</strong>jak, Hélène Brender, Magali Brender, Gökhan Cap, Maxime Cazeaux, Luigi Ciotti, Tuba Demirci,Timothy Driscoll, Guillaume Feuermann, Léonie Frelin, Mélany Gerber, Mikaël Grangladen, Morgane Gschwind,Priscilia Hodel, Céci<strong>le</strong> Jacquot, Besnike Jasari, Audrey Joubert, Eva Koerper, Kristiana Kolaj, Gauthier Lehmann,Jennifer Liske, Eloy Mathis, Laura Mayr, Erwan Ménager, Axel Minet, Laurianne Rieffel‐Kast, Maxime Ritter, FloraSchmitt, Matthieu Trouslard, Aude Verdier, Ludivine Verin et Rémy Viau<strong>le</strong>s. Impression : service de reprographiedu Lycée Jean Mermoz. Dépôt légal : Mai 2013. ISSN 1771‐4206 Remerciements : Mémorial de la Shoah, Fondationpour la Mémoire de la Shoah, Conseil Régional d’Alsace, Rectorat de l’Académie de Strasbourg, Ginette Kolinka,Sarah Lichtsztejn‐Montard, Mathias Orjekh du Mémorial de la Shoah et Jean‐Luc Schildknecht, directeur du CFA.Centre de Formation d’Apprentis du Lycée Jean Mermoz53 rue du Docteur Hurst ‐ BP 2368301 SAINT‐LOUIS CEDEXTél. : 03 89 70 22 71 Fax : 03 89 70 22 89 cfa.mermoz@ac‐strasbourg.frEt tous <strong>le</strong>s numéros du journal sur : http://cfa.lyceemermoz.commai 2013 La Voix des Apprentis ……44

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