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Traduire les sciences humaines et sociales au Proche-Orient

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Lorsqu’il s’agit de publier une traduction, il importe véritablement d’inclure <strong>les</strong>processus de révision dans le travail éditorial. Celui-ci perm<strong>et</strong> de repérer <strong>les</strong> lacunes, <strong>les</strong>oublis, <strong>les</strong> problèmes de transcription <strong>et</strong> de langue, mais <strong>au</strong>ssi de garantir le respect du texteoriginal (par exemple, la traduction du Deuxième sexe, de Simone de Be<strong>au</strong>voir, est marquépar <strong>les</strong> contresens, le remaniement arbitraire de certains passages, <strong>et</strong>c…)Pour la Jordanie, Rami Daher (qui intervient en anglais) insiste d’abord sur ladétérioration de la culture écrite dans le monde arabe, comme ailleurs dans le monde, maisde façon plus grave. Il souligne ensuite que la plupart des choses qui sont traduites relèventde la Politique (avec un grand P), y compris la religion, <strong>les</strong> grandes questions, mais que peude choses sont traduites dans le domaine de la politique (avec un p<strong>et</strong>it p), à savoir <strong>les</strong>questions d’environnement, de ville, <strong>les</strong> recherches anthropologiques, <strong>et</strong>c. Peu de chosessont traduites, <strong>et</strong> lorsqu’on a des traductions, il s’agit surtout d’œuvres du 18 ème <strong>et</strong> du 19 èmesièc<strong>les</strong>. Le contemporain ne trouve pas sa place. On a très peu de choses sur <strong>les</strong> vil<strong>les</strong>, ledéveloppement urbain, <strong>et</strong>c. Enfin, une grande quantité des recherches publiées en Jordanieen allemand, français ou arabe n’est pas traduite vers l’anglais, ce qui affecte la circulation desidées, des savoirs. En ce qui concerne <strong>les</strong> éditeurs, <strong>et</strong> en se référant à la Jordanian Union ofPublishers, même <strong>les</strong> maisons d’édition <strong>les</strong> plus connues se concentrent plutôt sur <strong>les</strong>manuels scolaires, universitaires. On ne peut pas dire qu’il y a une production florissante enJordanie, car la Jordanie dépend, en matière éditorial, de ce qui se passe à Beyrouth ou <strong>au</strong>Caire. Soulignons enfin en Jordanie le rôle problématique des organisations internationa<strong>les</strong>,en matière de traduction. Par exemple, USAID promeut <strong>et</strong> finance depuis 10 ou 15 ans <strong>les</strong>traductions de l’anglais vers l’arabe sur <strong>les</strong> questions tel<strong>les</strong> que « Democracy », « WomenIssues », « Politics », « Freedom », « Free trade » (démocratie, femmes, politique, liberté,libre-échange). C’est très limité <strong>et</strong> très dangereux. Mais ce type de proj<strong>et</strong> rencontre l’avaldes institutions gouvernementa<strong>les</strong>…La situation relative à ce qui est traduit est très proche de la situation syrienne. Destraductions sont soutenues par la municipalité d’Amman (des romans, des livres sur lareligion, sur la Jordanie). Les problèmes de censure existent, avec la difficulté pour <strong>les</strong> livrespubliés à atteindre le marché en Arabie Saoudite. Plus largement, la censure touche <strong>au</strong>ssi lacirculation des livres jordaniens vers <strong>les</strong> <strong>au</strong>tres langues <strong>et</strong> pays. Ainsi, il existe des romanstrès interessants sur Amman qui ne sont pas traduits vers <strong>les</strong> langues de l’UE.Dans la discussion qui a suivi ces trois interventions, Franck Mermier a tout d’abordsouligné <strong>les</strong> problèmes de piratage en Syrie, du fait que le pays n’a pas signé la convention deBerne sur <strong>les</strong> droits d’<strong>au</strong>teurs. Il existe certaines maisons d’édition syriennes qui ne paientpas <strong>les</strong> droits <strong>au</strong>x éditeurs, si bien que des traductions peuvent être faites simultanémentdans plusieurs pays sans que l’on en sache rien. Par ailleurs, il f<strong>au</strong>t souligner qu’en France ontraduit surtout de la littérature arabe. Il existe un problème de légitimité des langues <strong>et</strong> dessavoirs. L’intérêt du comité euro-arabe mentionné par Taher serait à la fois de donner unec<strong>au</strong>tion scientifique <strong>au</strong> proj<strong>et</strong> <strong>et</strong> de coordonner <strong>les</strong> initiatives. Ce comité pourrait égalementlancer des appels de fonds.Pour Marlène Nasr, il serait important de collecter des données, pour savoir ce qui esttraduit. Il f<strong>au</strong>t des listes, des bases de données, des bibliographies. Il f<strong>au</strong>t aider <strong>les</strong> <strong>au</strong>teurs <strong>et</strong>chercheurs arabes à traduire <strong>et</strong> encourager <strong>les</strong> aides à la publication.4


spécialistes en laissant le temps jouer son rôle pour voir comment se stabilisent <strong>les</strong>concepts. En lien avec son programme de traduction, l’OAT mène un travail sur ledéveloppement des concepts, depuis dix ans, avec toujours deux équivalents pour un mêmeconcept. Aujourd’hui, 2000 à 3000 concepts ont été développés. L’OAT proj<strong>et</strong>te de réunirdes traducteurs pour évaluer cela.Mais, pour Hassan Abbas, il f<strong>au</strong>t prendre garde à la canonisation des mots, desvocabulaires. Il f<strong>au</strong>t un peu de désordre, de mouvement dans la langue.En écho <strong>au</strong>x différents problèmes évoqués, Ghislaine Glasson Desch<strong>au</strong>mes rappellequelques points complémentaires :- la question de l’accès <strong>au</strong>x données bibliographiques est une difficulté fondamentale de l’étatdes lieux ; <strong>les</strong> bases existantes sont parcellaires <strong>et</strong> souvent incomplètes. Transeuropéennesespère que l’état des lieux formulera des propositions <strong>et</strong> donnera lieu à une mise encohérence des initiatives en matière de bases de données. Dans le cadre du proj<strong>et</strong>« <strong>Traduire</strong> en Méditerranée », la Escuela de Traductores de Toledo s’engage dans la créationd’une base de donnée pour la traduction des livres des langues officiel<strong>les</strong> de l’Espagne versl’arabe <strong>et</strong> le turc, <strong>et</strong> de ces dernières vers <strong>les</strong> langues de l’Espagne. C<strong>et</strong>te base prend modè<strong>les</strong>ur celle développée par la Fondation du Roi Abdul Aziz à Casablanca. Desrecommandations seront également proposées pour le renouvellement de la baseTradarabe. Il f<strong>au</strong>t savoir enfin que différentes initiatives, dont celle de M. Barake, celle duCentre national de la traduction à Tunis, existent également. Mais la collecte est difficile,compte-tenu de l’hétérogénéité des cadres institutionnels <strong>et</strong> de leurs pratiques en matièrede dépôt légal.- <strong>les</strong> bases d’une plate-forme électronique (proj<strong>et</strong> évoqué à différents moments de ladiscussion) sont d’ores <strong>et</strong> déjà posées, sur le site www.transeuropeennes.eu (proj<strong>et</strong>« <strong>Traduire</strong> en Méditerranée »), portail qui pourra ultérieurement être dissocié de celui de larevue Transeuropéennes. C’est un espace ouvert <strong>et</strong> très souple, qui pourra facilementrépondre <strong>au</strong>x besoins d’un groupe de travail comme celui qui a été évoqué.En outre, elle souligne le caractère fondamental de la légitimité <strong>et</strong> des processus delégitimation des savoirs, <strong>et</strong> la nécessité de développer c<strong>et</strong>te question dans le cadre de l’étatdes lieux.En conclusion de c<strong>et</strong>te première partie, Elisab<strong>et</strong>h Longuenesse a souligné la coupureradicale, qui ressort des discours des personnes présentes, entre ce qui est produit en arabe(sans intérêt ? trompeur ?) <strong>et</strong> ce qui est produit dans <strong>les</strong> langues dites « occidenta<strong>les</strong> » (maisavec l’absence totale de certaines langues, comme l’italien, par exemple.) D’une discipline àl’<strong>au</strong>tre, le paysage est très différent. Les langues d’usage ne sont pas <strong>les</strong> mêmes selon <strong>les</strong>types de savoirs qui circulent. En novembre dernier, lors de la première réunion,Mohammed Sghir Janjar avait souligné que la montée en puissance de la productionintellectuelle <strong>et</strong> scientifique en langue arabe <strong>au</strong> Maroc avait entraîné une r<strong>et</strong>raditionnalisationdes <strong>sciences</strong> <strong>humaines</strong> <strong>et</strong> socia<strong>les</strong>.II. Traduction <strong>et</strong> production des savoirs6


Quel<strong>les</strong> sont <strong>les</strong> langues de production de ces savoirs ? Quel<strong>les</strong> sont <strong>les</strong> spécificitésthématiques de la production en langue arabe ? Les lieux d’excellence en termes deproduction en arabe sont-ils <strong>au</strong>ssi des lieux de traduction ?Pour la philosophie, Ghanem Hana prend l’exemple du sort de Kant, ignoré <strong>et</strong>maltraité partout dans le monde arabe. La philosophie dans le monde arabe est dans unecrise. Elle mène un combat d’existence L’enseignement secondaire philosophique est plutôtcorruptif que constructif. La philosophie, en outre, est toujours mise en opposition parrapport à la religion. Les professeurs sont mal formés en philosophie. L’accès à la philosophiepour un pays comme la Syrie où tout doit être arabisé est difficile.La pensée philosophique des 18 ème <strong>et</strong> 19 ème sièc<strong>les</strong> reste incompréhensible sans ce qui aprécédé. La philosophie arabe n’a pas atteint le degré de développement nécessaire à notreépoque. Certains veulent faire de la philosophie arabe classique, Averroès <strong>et</strong> Avicenne, unephilosophie moderne. C’est catastrophique. On en voit <strong>les</strong> eff<strong>et</strong>s désastreux chez desphilosophes comme Hanafi, Tizini, Al Jabiri, <strong>et</strong>c.). La pratique de la philosophie n’existe pas.Mieux v<strong>au</strong>t ne rien faire que faire quelque chose qui nuit.Pour <strong>les</strong> traductions, ce qui nuit est l’incapacité des traducteurs à pouvoir rendre l’idée duphilosophe. Descartes est mal interprété, même en France. L’idée du comité est bonne, ellepourrait perm<strong>et</strong>tre de construire la continuité dans la pensée philosophique, aboutissant ànotre pensée actuelle. La traduction jouera un rôle <strong>au</strong> moment où des traductions sérieusesseront lues <strong>et</strong> comprises.Pour Georges Zainaty, le fait que la philosophie grecque ait été introduite par <strong>les</strong> Arabes<strong>au</strong> Moyen-Age est important, cela offre une mine de mots, mais c’est <strong>au</strong>ssi un piège, car <strong>les</strong>mots ont changé. Il est difficile d’en rester <strong>au</strong>x anciennes traductions des 9 ème ou 10 èmesièc<strong>les</strong>. Or si on ne traduit pas comme <strong>les</strong> Abbassides, on est regardé de travers ! Parailleurs, il existe le problème des discontinuités dans <strong>les</strong> traductions. En 1980, quand on avoulu traduire Fouc<strong>au</strong>lt, Derrida, Ricoeur, il a fallu fabriquer de nouve<strong>au</strong>x termes. Mais surquelle base ? On s’était arrêté, pour la traduction, à Bergson <strong>et</strong> Sartre ! Enfin, quand il y a denouve<strong>au</strong>x termes, de nouve<strong>au</strong>x concepts, si on ne <strong>les</strong> utilise pas, ils tombent dans l’oubli. Etl’effort est perdu.Pour l’histoire, Candice Raymond indique que be<strong>au</strong>coup d’historiens libanais écriventen anglais <strong>et</strong> en français, même en allemand. Il y a <strong>au</strong>ssi be<strong>au</strong>coup d’<strong>au</strong>to traduction. C’est lecas de l’histoire ottomane. Selon elle, rares sont ceux, parmi <strong>les</strong> plus intéressants, quiécrivent en arabe. Certains font le choix explicite des langues étrangères pour échapper <strong>au</strong>xcontraintes socia<strong>les</strong> libanaises. Par ailleurs, il y a be<strong>au</strong>coup d’<strong>au</strong>teurs de la diaspora qui nesont pas traduits en arabe.En outre, le champ de savoir est fragmenté entre anglophones <strong>et</strong> francophones.Il f<strong>au</strong>t <strong>au</strong>ssi penser <strong>au</strong>x <strong>au</strong>teurs extraeuropéens : hispanophones (sud américains), ducontinent indien (<strong>les</strong> post-colonial <strong>et</strong> subaltern studies), dont <strong>les</strong> problématiques concernentla région.Tahar Labib souhaite rectifier la perception de la production de l’histoire <strong>au</strong> Liban. Il necroit pas que la production la plus importante se fait en anglais ou en français. Certes, il y a7


suivante. Pour <strong>les</strong> enseignants, plus de 70% des enseignants ont une maîtrise d’<strong>au</strong> moins deuxdes trois langues. La demande en traduction est donc limitée. Marlène Nasr l’estime à 30%des enseignants (universitaires).Pour <strong>les</strong> étudiants, plus de 50% des étudiants libanais ne peuvent pas bien comprendre unouvrage en français ou en anglais. Soit ces étudiants limitent leur recherche à ce qui existe enarabe, soit ils font appel <strong>au</strong>x ouvrages traduits. Il existe donc un besoin de traduction. Maisl’accès <strong>au</strong>x ouvrages traduits est difficile. D’où l’importance de la collecte, de la constitutiondes fonds, dans <strong>les</strong> bibliothèques. De plus, ce qui se traduit dans le monde arabe ne circulepas…La production de sociologie <strong>au</strong> Liban est en arabe. Certains très bons <strong>au</strong>teurs font traduireeux-mêmes leurs trav<strong>au</strong>x en arabe. Et be<strong>au</strong>coup d’enseignants s’obligent à écrire en arabepour exister.Il y a un besoin de méthodologie. Au nombre des pistes de travail, Marlène Nasr a proposéque l’on aide certains enseignants à produire un manuel spécialisé, avec des textesfondament<strong>au</strong>x <strong>et</strong> des éléments méthodologiques, mais qui soit en lien avec le terrain arabe,<strong>au</strong> Liban.Pour Tahar Labib, il est clair qu’il existe une géographie arabe du savoir. Il est de traditionde reconnaître que <strong>les</strong> <strong>sciences</strong> politiques <strong>et</strong> économiques se sont plutôt développées, par lepassé, il y a vingt ou trente ans, en Egypte. Au Maghreb dominent l’épistémologie, l’analysedu discours, des concepts, <strong>et</strong>c. Il y a des <strong>sciences</strong> <strong>au</strong>xquels <strong>les</strong> Arabes sont attachés, <strong>et</strong>notamment l’histoire. Même quand il est chercheur, l’Arabe est un animal historique.On ne peut pas travailler dans le monde arabe en termes de paradigmes. Les classifications,catégories tel<strong>les</strong> que pratiquées en Europe de sont pas vraiment possib<strong>les</strong>…Sur le plan des études urbaines, de l’urbanisme, Rami Daher explique que la plupart desétudes se concentrent sur la ville islamique traditionnelle, avec <strong>les</strong> exemp<strong>les</strong> classiques (Fès,<strong>et</strong>c…). Cela donne lieu à be<strong>au</strong>coup de généralisations, avec une orientation orientaliste. Parcomparaison, d’<strong>au</strong>tres vil<strong>les</strong> « controversées », comme Amman, Mascat, <strong>et</strong>c. sont sousétudiées.Il existe très peu de choses publiées ou traduites sur des questions comme laproduction de l’espace, l’espace public, <strong>les</strong> schémas migratoires, l’<strong>et</strong>hnographie urbaine,l’histoire urbaine, <strong>les</strong> constructions contemporaines, <strong>les</strong> rése<strong>au</strong>x <strong>et</strong> centres informels,l’informel dans l’urbain, <strong>et</strong>c. Le travail de l’IFPO sur ces questions est important. Leschercheurs allemands font également un travail important sur Amman, mais très peu dechoses sont produites sur la transformation des grandes vil<strong>les</strong>. Enfin, lorsqu’on pens<strong>et</strong>raduction, on pense toujours en termes de production de livres. Mais il ne f<strong>au</strong>t pas oublierl’importance des revues, notamment des revues de recherche.Pour Mousbah Rajab, il f<strong>au</strong>t tout d’abord prendre en compte le fait que l’urbanisme estmultidisciplinaire, ce qui complexifie la situation. Au Liban, on préfère souvent lire unouvrage dans sa langue d’origine. Se pose d’abord, entre pays voisins, par exemple, leproblème des sources : certains ont principalement des sources arabes, alors que <strong>les</strong>urbanistes libanais ont surtout des sources occidenta<strong>les</strong>. Et, pour be<strong>au</strong>coup de nos collèguesdes pays arabes, qui dit production « occidentale » dit production impérialiste.Un <strong>au</strong>tre problème qui se pose s<strong>et</strong> celui de la publication des diplômes dans différenteslangues. Nous rencontrons souvent ce problème à l’Université Libanaise. Par exemple, le9


mot « paysage », figurant dans le titre d’une thèse, a nécessité une réunion convoqué par ledoyen de l’université : comment traduire « paysage » ?Aujourd’hui, <strong>les</strong> étudiants en urbanisme sont de plus en plus anglophones, car <strong>les</strong> références<strong>et</strong> <strong>les</strong> pratiques dominantes dans ces disciplines sont <strong>les</strong> pratiques anglo-saxonnes.Quand on traduit des textes sur l’urbanisme, on ne traduit pas des mots, mais desprocédures, des processus. Nous avons mené avec l’IAURIF 1 un travail sur l’aménagement duterritoire, <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te notion même d’aménagement, qui renvoie à une procédure française,était difficile à traduire. Nous avons traduit notre étude avec l’IAURIF en arabe, <strong>et</strong> nousavons élaboré un glossaire commun à tous <strong>les</strong> collègues. Sur <strong>les</strong> questions d’urbanisme, ilexiste be<strong>au</strong>coup de dictionnaires égyptiens, ainsi qu’un dictionnaire trilingue.Rami Daher souligne cependant que, de ce point de vue, <strong>les</strong> différences entre l’anglais <strong>et</strong> lefrançais ne sont pas si marquantes, qu’on a tendance à forcer le trait. Pour lui, par ailleurs, leplus important n’est pas tant <strong>les</strong> dictionnaires que le moment <strong>et</strong> le temps d’explicitation.Pour la linguistique, Bassam Barake a expliqué que la linguistique est montée enpuissance avec le structuralisme, <strong>et</strong> que c’est dans c<strong>et</strong>te période même qu’elle est entréedans le monde arabe. Lui-même, diplômé de langue <strong>et</strong> linguistique française, a dû enseigner lalinguistique en arabe à son r<strong>et</strong>our <strong>au</strong> Liban. Le premier dictionnaire de linguistiquearabe/français date de 1985. Un <strong>au</strong>tre dictionnaire a été fait à Tunis à la même époque.Aujourd’hui, il existe dans le monde arabe plus d’une vingtaine de dictionnaires delinguistique. Au début de ce développement, il existait une trentaine de traductions en arabepour le mot « linguistique ». Aujourd’hui, il n’y en a plus qu’un, qualifié par l’usage. L’usageest fondamental pour fixer un terme, un concept.A l’Organisation arabe pour la traduction, où Bassam Barake est responsable de laCommission linguistique, terminologies, l’objectif est de diversifier à la fois <strong>les</strong> langues depuis<strong>les</strong>quel<strong>les</strong> on traduit <strong>et</strong> <strong>les</strong> disciplines (Florian Coulmas, The Handbooks of Sociolinguistics,Danica Se<strong>les</strong>kovitch <strong>et</strong> Marianne Lederer, Interpréter pour traduire, Franck Neveu, Dictionnairedes <strong>sciences</strong> du langage), Jakobson, Benvéniste…Pour <strong>les</strong> problématiques touchant la religion (notamment dans sa dimensionpolitique), Olfa Lamloum a indiqué que la plupart des textes traduits le sont depuisl’anglais ou le français, avec, pour l’anglais, de jeunes chercheurs traduits en arabe, ce ui n’estpas le cas pour <strong>les</strong> <strong>au</strong>teurs français (ce sont <strong>les</strong> plus reconnus que l’on traduit : Burgat,Kepel, Roy…Le livre de Kepel sur le Jihad a déjà été traduit <strong>et</strong> publié en arabe.En termes de production des savoirs, il existe une nouvelle génération de chercheurs,essentiellement égyptiens, écrivant en arabe. Mais ils ne sont pas traduits. Il f<strong>au</strong>t unemédiation reconnue (ou un médiateur) <strong>au</strong>x jeunes chercheurs écrivant en arabe, pour êtr<strong>et</strong>raduits en français. Des livres importants sur le Hezbollah paraissent en arabe <strong>au</strong> Liban, maisrien de tout cela n’est traduit.Par ailleurs, en ce qui concerne la sociologie des organisations, <strong>les</strong> mouvements soci<strong>au</strong>x, rienn’est traduit vers l’arabe, il n’existe pas d’ouvrage méthodologique en arabe sur cesquestions, alors que cela pourrait être précieux.1 Institut d’aménagement <strong>et</strong> d’urbanisme Ile-de-France, voir l’étude sur le Liban : http://www.i<strong>au</strong>idf.fr/fileadmin/Etudes/<strong>et</strong>ude_394/cahiers144_01.pdf10


III. La diffusionGhislaine Glasson Desch<strong>au</strong>mes a brièvement présenté <strong>les</strong> enjeux de c<strong>et</strong>te session. Pour<strong>les</strong> éditeurs: pourquoi publier des <strong>sciences</strong> <strong>humaines</strong> <strong>et</strong> socia<strong>les</strong> ? Quel marché ? Quelleperception par la critique? Quelle actualité par rapport à un champ de savoir (pourreprendre le terme employé par Mohamed Sghir Janjar) ? Quel tirage (en moyenne)? Quelleréception par le public ? Quels problèmes de censure ? Quelle place des <strong>sciences</strong> <strong>humaines</strong><strong>et</strong> socia<strong>les</strong> traduites dans <strong>les</strong> librairies ?Pour <strong>les</strong> bibliothécaires : quelle visibilité des œuvres traduites dans le catalogue (signalementdes titres origin<strong>au</strong>x, des langues d’origine, des noms des traducteurs, <strong>et</strong>c) ? quelle présenceréelle (intérêt des bibliothèques pour ce type d’œuvres ? politique d’achat ?) quelleformation des bibliothécaires par rapport à l’achat <strong>et</strong> la diffusion d’œuvres traduites ?Michel Choueiri a présenté son point de vue en tant que libraire à Beyrouth. Sa librairie(librairie al-Bourj) est trilingue. Mais <strong>les</strong> livres y sont classés thématiquement, <strong>et</strong> non parlangues. En général, <strong>au</strong> Liban, <strong>les</strong> libraires sont à l’aise dans <strong>au</strong> moins deux langues. Engénéral, <strong>les</strong> lecteurs libanais préfèrent la langue d’origine à la traduction. Pour traduire enarabe, l’éditeur se pose nécessairement la question de savoir à qui il va vendre le livre, est-cequ’il va vendre dans <strong>les</strong> pays arabes. Ensuite, il y a toujours le passage de la censure, quicomplique <strong>les</strong> choses. Les questions de diffusion ne <strong>les</strong> simplifient pas non plus. Les éditeursarabes ne maîtrisent pas la diffusion, la distribution. Ils n’informent pas <strong>les</strong> libraires à l’avancesur leurs parutions, ils ne sont pas professionnels. Les libraires sont informés trois mois àl’avance de la sortie d’un livre en français ou en anglais, 6 mois après, de la sortie d’un livreen arabe.Pour <strong>les</strong> traductions, <strong>les</strong> éditeurs comptent sur <strong>les</strong> financements extérieurs, car la traductioncoûte cher. Ils ne prnnent pas d’initiative.Les éditeurs publient pour <strong>les</strong> salons <strong>et</strong> le marché arabe, pas pour le Liban. Les Libanaisattendent toujours <strong>les</strong> foires du livre pour ach<strong>et</strong>er leurs livres. Il existe un besoin deprofessionnalisation des métiers du livre <strong>au</strong> Liban, d’où le master créé par l’USJ de formation<strong>au</strong>x métiers du livre. Les éditeurs <strong>et</strong> <strong>les</strong> libraires ne connaissent pas leurs métiers respectifs.C’est dramatique.Elsa Zakhia a présenté son point de vue sur la place de la traduction dans <strong>les</strong> bibliothèquesde recherche. [Son intervention ayant fait l’obj<strong>et</strong> d’une note écrite, nous reproduisonsintégralement celle-ci.]Dans <strong>les</strong> outils actuels des bibliothécaires (SIGB perm<strong>et</strong>tant de gérer un catalogue <strong>au</strong>xnormes Marc21 ou Unimarc) il y a deux façons de faire des liens entre <strong>les</strong> versions traduites<strong>et</strong> <strong>les</strong> versions origina<strong>les</strong>.- <strong>les</strong> titres : Dans <strong>les</strong> notices bibliographiques, il existe dans <strong>les</strong> champs marc des zones pour<strong>les</strong> lien avec <strong>au</strong>tres versions : « Traduit de » <strong>et</strong> « A pour traduction » (blocs 4XX).11


- <strong>les</strong> <strong>au</strong>teurs : Dans <strong>les</strong> notices <strong>au</strong>torités <strong>au</strong>teurs, on peut m<strong>et</strong>tre <strong>les</strong> différentes formes denom de l’<strong>au</strong>teur (arabe <strong>et</strong> latine). Dans <strong>les</strong> notices bibliographiques, zone pour <strong>les</strong>traducteursCes champs sont facultatifs <strong>et</strong> chaque bibliothèque <strong>au</strong>ra un nive<strong>au</strong> d’exigence différentselon <strong>les</strong> ressources <strong>humaines</strong>, d’une part, <strong>et</strong> le manuel de catalogage, lequel dépend dupublic de la bibliothèque.Le bibliothécaire est censé prendre <strong>les</strong> informations du livre (titre original notamment). Nous[bibliothèque de l’IFPO] qui sommes une « p<strong>et</strong>ite bibliothèque de recherche », nousessaierons de faire l’effort de trouver l’information hors de l’ouvrage, si besoin est. Mais cene sera pas le cas des bibliothèques universitaires ou des rése<strong>au</strong>x de bibliothèque.Aussi, si on avait une demande à faire <strong>au</strong>x éditeurs, ce serait de signaler le plus exactementpossible <strong>les</strong> informations sur l’édition originale (souvent on trouve des erreurs, ex. la traductionarabe de Saad-Ghorayeb: حزب Cela éviterait <strong>au</strong>ssi <strong>les</strong> trop nombreusestraductions pirates.السياسة والدينOn note <strong>au</strong>ssi des difficultés concernant la traduction des thèses ? On a vu une thèse de laSorbonne, par exemple, jamais éditée en français, mais traduite <strong>et</strong> éditée en arabe.R<strong>et</strong>rouver ces liens est plus difficile car on passe par un champ de notes. Il f<strong>au</strong>t <strong>au</strong>ssisoulever le problème des ouvrages dont plusieurs éditions linguistiques paraissent ensemb<strong>les</strong>ans que l’on sache quelle est la langue d’origine (cas assez fréquent <strong>au</strong> Liban).Elsa Zakhia a ensuite présenté <strong>les</strong> résultats de quelques prospections dans quelquescatalogues de bibliothèques universitaires <strong>au</strong> Liban :À l’AUB (American University of Beirut) : Si on fait une recherche sur CORM Georges, onne trouve pas <strong>les</strong> livres en arabe. Si on fait une recherche sur قرم جورج on trouve <strong>les</strong>publications dans toutes <strong>les</strong> langues, avec pour <strong>les</strong> ouvrages traduits une note avec le titreoriginal (sans <strong>les</strong> accents). lien dans un seul sens (notices <strong>au</strong>torités <strong>au</strong>teur). Mais si on faitune recherche sur TRABOULSI Fawwaz (prof à l’AUB), on trouve tous ces livres (arabes <strong>et</strong>anglais), mais si on fait une recherche sur طرابلسي on‏.فواز ne trouve que <strong>les</strong> livres enarabe.Si on fait une recherche titre sur « Le <strong>Proche</strong>-<strong>Orient</strong> eclate » on tombe sur le livre enfrançais <strong>et</strong> sur la version traduite en arabe. Il y a donc bien lien. Par contre si on fait « Leproche-orient éclaté » [avec accentuation] on ne trouve pas (déf<strong>au</strong>t de catalogage).LAU (Lebaneses American University)Idem que pour l’AUB s<strong>au</strong>f qu’en plus :- Recherche par Corm Georges, on tombe <strong>au</strong>ssi sur <strong>les</strong> versions en arabe (donc lien dans <strong>les</strong>2 sens. Notices <strong>au</strong>torités <strong>au</strong>teur).- ça marche lorsqu’on fait une recherche sur le titre accentué « Le proche-orient éclaté ». Ily a lien entre titre original <strong>et</strong> titre traduit.Pas de version arabe des livres de Patrick Seale ou Fawwaz Traboulsi.USJ (Université Saint-Joseph) :Auteur=CORM Georges <strong>les</strong> seuls titres en français12


Auteur جورج قرم:‏ <strong>les</strong> seuls titres en arabeIl n’a pas de versions traduites. Apparemment l’USJ n’achète pas <strong>les</strong> versions traduites. Pasde lien entre <strong>les</strong> formes <strong>au</strong>teurs. Par contre lien entre <strong>les</strong> formes <strong>au</strong>teur pour GhassanTuéni. Rien de Fawwaz Traboulsi.Si on cherche KHOURY Elias ouvrages dans <strong>les</strong> 2 langues.Si on cherche « La p<strong>et</strong>ite montagne » Indication de traduction, mais pas d’indication de laversion originale.En sommes, il n’y a pas nécessairement de systématisme dans <strong>les</strong> liens entre <strong>les</strong> versions, il ya des efforts qui sont faits dans <strong>les</strong> cas importants pour chaque bibliothèque.Politiques d’acquisitionLa Politique d’acquisition des ouvrages traduits dépend de :- la mission de chaque bibliothèque (recherche, gd public) ;- <strong>et</strong> de son public <strong>et</strong> de ses compétences linguistiques.- De son budg<strong>et</strong> <strong>et</strong> surface de stockageElle devrait figurer dans la charte documentaire, mais rares sont <strong>les</strong> bibliothèques quicommuniquent leur charte.En ce qui concerne la bibliothèque de l’IFPO, on donne la priorité <strong>au</strong>x versions origina<strong>les</strong>,car notre public est censé être parfaitement trilingue. Or en pratique, mis à part quelqueschercheurs chevronnés en langue arabe, le reste des chercheurs préfère <strong>les</strong> versionsfrançaises <strong>et</strong> anglaises, même s’il s’agit de traduction de l’arabe. Quant <strong>au</strong>x traductionsarabes de versions françaises ou anglaises, nous n’en faisons l’acquisition que lorsque laversion arabe contient une introduction ou une véritable mise à jour <strong>au</strong>gmentée par rapportà la version originale (<strong>et</strong> c<strong>et</strong>te information on l’a en général par <strong>les</strong> chercheurs eux-mêmes.).Idéalement, on devrait ach<strong>et</strong>er <strong>les</strong> traductions arabes (ex. cas d’un chercheur qui travailleraitsur la pensée d’<strong>au</strong>teurs libanais arabophones).Donc, si la version originale est en arabe, on achète l’arabe (en sachant qu’elle ne sera peutêtrepas très consultée, mais par conscience professionnelle, on m<strong>et</strong> à disposition l’œuvreoriginale). On achète la traduction quand elle sort (français de préférence à l’anglais)Si la version originale est en français ou en anglais, on achète la version originale, mais onn’achète pas la traduction arabe (s<strong>au</strong>f cas exceptionnel, voire en fin d’année si le budg<strong>et</strong> leperm<strong>et</strong>).Si <strong>les</strong> deux versions paraissent en même temps sans que l’on sache quelle est la versiond’origine (publications loca<strong>les</strong> en général), on fait <strong>au</strong> cas par cas.Pour l’USJ-FLSH (infos prises <strong>au</strong> téléphone) :13


Pour <strong>les</strong> romans, la bibliothèque essaie d’acquérir systématiquement <strong>les</strong> versions dans <strong>les</strong> 2langues (traduction dans <strong>les</strong> 2 sens) ; pour le reste, pas d’acquisition de version arabe desessais traduits du français.OIB (infos prises <strong>au</strong> téléphone) :Évitent <strong>les</strong> traductions, s<strong>au</strong>f exception pour certains essais arabes traduits en anglais.Dans la foulée de l’intervention de Elsa Zakhia, Jamel Chehayed rêve d’une bibliothèque pour<strong>les</strong> traducteurs, avec chaque livre dans sa version originale <strong>et</strong> toutes ses versions traduites.Toutes <strong>les</strong> traductions de P<strong>au</strong>l <strong>et</strong> Virginie, <strong>et</strong>c… Les catalogues en ligne ne résolvent pas laquestion de l’accessibilité…Pourquoi ne pas numériser tout cela ?Farès Sassine, éditeur, convient du fait qu’il y a, en général, peu d’effort de traduction dans<strong>les</strong> <strong>sciences</strong> <strong>humaines</strong> <strong>et</strong> socia<strong>les</strong>, si ce n’est sur des livres qui marchent bien <strong>au</strong> Liban,comme <strong>les</strong> livres sur l’histoire (Dominique Chevalier,<strong>et</strong>c). Ghassam Salame est traduit enarabe, c’est un best seller. On vend bien <strong>les</strong> livres d’histoire ou d’actualité libanaise.Jamel Chehayed, précise <strong>les</strong> conditions de l’édition en Syrie. La censure continued’œuvrer en Syrie. Plusieurs instances oeuvrent à la censure : l’administration, l’union desécrivains, <strong>les</strong> lecteurs secr<strong>et</strong>s. Un éditeur qui craint la censure fait publier son livre <strong>au</strong> Liban.Il f<strong>au</strong>t deux types d’<strong>au</strong>torisation :Autorisation à la publication ; <strong>au</strong>torisation à la diffusion. Mais la diffusion des livres deBeyrouth à Damas doit également faire l’obj<strong>et</strong> d’un visa. Mais <strong>les</strong> livres publiés à Beyrouthentrent clandestinementlV. Les traducteursGhislaine Glasson Desch<strong>au</strong>mes a rappelé <strong>les</strong> grands enjeux de la réflexion sur <strong>les</strong>traducteurs. Tout d’abord, depuis le lancement de l’état des lieux, on se rend compte quepartout se pose la question du statut des traducteurs, ou plutôt de son absence de statut. Ily a une constante d’Alger à Istanbul, de la Grèce à l’Egypte. Parallèlement <strong>au</strong>x questions dereconnaissance <strong>et</strong> de rémunération se pose plus généralement la question des conditions d<strong>et</strong>ravail par <strong>les</strong> éditeurs, <strong>les</strong> organismes aidant à la traduction, <strong>et</strong>c. La question de la censuresemble également devoir être posé – censure officielle, mais <strong>au</strong>ssi mécanismes del’<strong>au</strong>tocensure, <strong>au</strong>quel le traducteur, travaillant seul, peu soutenu, est souvent exposé. Ilarrive <strong>au</strong>ssi que <strong>les</strong> traducteurs aient à ce point intériorisé la censure qu’ils se livrent euxmêmesà une censure sur le texte traduit. Qu’en est-il <strong>au</strong>jourd’hui de ces questions, pour <strong>les</strong><strong>sciences</strong> <strong>humaines</strong> <strong>et</strong> socia<strong>les</strong>, <strong>et</strong> <strong>au</strong> <strong>Proche</strong>-<strong>Orient</strong> ?La question de la formation spécifique des traducteurs en shs semble également devoir êtreposée, sans <strong>au</strong>cun doute avec le souci non pas d’opposer <strong>les</strong> points de vue, mais de dégagerdes visions communes, voire d’imaginer des proj<strong>et</strong>s communs.14


Bassam Barake a introduit <strong>les</strong> problèmes touchant à la formation <strong>et</strong> <strong>au</strong> statut destraducteurs, non sans avoir mentionné l’existence persistante d’une pratique du « nègre », l<strong>et</strong>raducteur « officiel » qui fait travailler un nègre dont le nom n’apparaît pas.La question de la formation se pose à l’évidence. L’expérience de l’OAT comme debe<strong>au</strong>coup de maisons d’édition est que ce sont <strong>les</strong> spécialistes des disciplines qui sont <strong>les</strong>mieux placés pour traduire dans c<strong>et</strong>te discipline. Cela n’est pas contradictoire avec uneformation à la traduction, mais il f<strong>au</strong>t d’abord être formé dans la discipline puis se former à latraduction.L’Union des traducteurs arabes, dont Bassam Baraké est secrétaire général, propose desformations à la traduction spécialisée. On traduit un ou deux livres ensemble, dans le cadrede stages professionnels. En ce qui concerne le statut des traducteurs, force est de constaterque <strong>les</strong> traducteurs ne sont pas unis dans un corps professionnel tel qu’ils pourraientdéfendre ensemble leurs intérêts. Au Liban existe un syndicat des traducteurs, <strong>et</strong> un syndicatdes traducteurs assermentés. Nous poussons à la création de syndicats ou d’associations d<strong>et</strong>raducteurs dans <strong>les</strong> pays arabes.D’ailleurs, on peut se demander si la traduction est réellement un métier…Un traducteur nepeut vivre de son métier <strong>au</strong> Liban. Il existe, sur le plan des rémunérations, des décalagesincroyab<strong>les</strong>. Un traducteur peut être payé entre 2$ <strong>et</strong> 20$ la page (15$ à l’OAT, pour leformat français de page). On l’a dit be<strong>au</strong>coup dans la discussion, <strong>les</strong> outils de travail sontmanquants. Les pratiques de recours à l’<strong>au</strong>teur ne sont pas systématiques, alors mêmequ’el<strong>les</strong> sont précieuses.Enfin, en ce qui concerne l’<strong>au</strong>tocensure, on ne peut nier qu’elle existe. Elle touche desquestions comme Israël, mais <strong>au</strong>ssi tout ce qui touche le prophète, le livre saint. Il f<strong>au</strong>tpenser <strong>au</strong>x lecteurs, <strong>et</strong> faire en sorte qu’il ne soit pas choqué.Un débat vif sur l’<strong>au</strong>tocensure du traducteur s’est ensuivi, entre <strong>les</strong> tenants de l’édulcorationdu texte <strong>au</strong> bénéfice du lecteur, <strong>et</strong> <strong>les</strong> tenants d’un strict respect du texte original. PourGhanem Hana, il arrive bien évidemment que l’on ait conscience des difficultés que latraduction de tel ou tel passage de Kant ou d’un <strong>au</strong>tre c<strong>au</strong>sera pour le lecteur. Dans ce caslà, la seule possibilité pour le traducteur n’est pas de modifier le texte, mais d’indiquer dansune note le contexte historique du propos susceptible de faire problème, voir le sens dumot dans le contexte. Pour Jamel Chehayed, cependant, il f<strong>au</strong>t veiller à l’emploi decertains mots. Modification n’est pas <strong>au</strong>tocensure. Il arrive que la traduction de certainsmots soit trop connotée <strong>et</strong> qu’il faille <strong>les</strong> modifier légèrement.Pour Nadine Meouchy, le traducteur doit s’adapter parfois à son lecteur <strong>et</strong> <strong>au</strong> contexte depublication <strong>et</strong>, sans censurer le texte, en adapter la transmission en arabe. Ghanem Hanas’oppose à c<strong>et</strong>te vision, <strong>au</strong> nom de la fidélité due par le traducteur à l’original.Bassam Barake invoque le lecteur <strong>et</strong> la nécessité de lui faciliter l’accès <strong>au</strong> texte, l’essentielétant pour lui, in fine, l’appropriation par un lecteur, un groupe de lecteurs, la société, del’œuvre traduite. Mais c<strong>et</strong>te vision soulève, pour Rami Daher, la question de savoir pour quil’on traduit : <strong>les</strong> chercheurs ? le public général ? C<strong>et</strong> élément doit être davantage débattu.Pour Jamel Chehayed, le lecteur arabe n’est pas mineur, il doit être considéré comme unlecteur adulte.Sortant de ce débat, Georges Zainati a conclu sur la nécessité d’encourager, dans laproduction des trav<strong>au</strong>x des étudiants, un mémoire parallele à la thèse ou <strong>au</strong> master en shs,qui serait la traduction d’un chapitre ou d’un livre, comme cela était le cas avant.15


En outre, il a souligné à quel point il n’existe <strong>au</strong>cun lien entre le traducteur <strong>et</strong> l’avenir dulivre qu’il vient de traduire. Il n’existe pas d’article critique sur <strong>les</strong> ouvrages traduits, lelecteur arabe existe, mais on ne fait rien pour attirer son attention.Dès lors, une des questions qu’il f<strong>au</strong>t se poser, selon Rami Daher, est celle de l’avenir de laculture écrite. Comment promouvoir à nouve<strong>au</strong> la culture écrite ? C’est un immense défit,qui va de pair avec la nécessité d’élever <strong>les</strong> standards pour <strong>les</strong> <strong>sciences</strong> socia<strong>les</strong> dans lemonde arabe. Puisque nous sommes ici dans le cadre d’un proj<strong>et</strong> euro-méditerranéen, leproj<strong>et</strong> « <strong>Traduire</strong> en Méditerranée », nous pouvons signaler le sévère déficit de production<strong>et</strong> publications sur l’Euromed <strong>et</strong> <strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> formes de coopération. C’est vraiment unequestion de dialogue, avant d’être une question de financement.Pour Hassan Abbas, <strong>les</strong> questions touchant la traduction, la circulation virtuelle des textes,<strong>et</strong>c. ne doivent pas faire oublier l’importance de la mobilité des chercheurs, des artistes, desintellectuels. Or <strong>les</strong> politiques de visa vers l’Europe d’une part, <strong>les</strong> difficultés de circuler dansla région, d’<strong>au</strong>tre part, rendent <strong>les</strong> échanges très compliqués. Il serait fondamental dedévelopper des séjours scientifiques pour <strong>les</strong> traducteurs, chercheurs, <strong>et</strong>c.Dans <strong>les</strong> <strong>au</strong>tres propositions lancées en fin de réunion, Mousbah Rajab insiste sur le besoind’une <strong>au</strong>torité intellectuelle <strong>et</strong> scientifique qui pourrait valider <strong>les</strong> équivalencesterminologiques. Mais, pour Farès Sassine, la traduction ne sera jamais valable tant qu’onn’<strong>au</strong>ra pas un dictionnaire arabe-arabe, comme <strong>les</strong> Arabes l’avaient fait <strong>au</strong> XIIIème siècle.Aujourd’hui, pour l’éditeur, on lit sans cesse de la langue traduite. Si on lit <strong>les</strong> journ<strong>au</strong>x, on litde la langue traduite, si on lit des poètes d’<strong>au</strong>jourd’hui, c’est comme si on lisait des poètestraduits ; on a un arabe de basse qualité, un arabe de traduction. Il f<strong>au</strong>t avoir un <strong>et</strong>erminologie unifiée, <strong>et</strong> pas seulement sur Kant <strong>et</strong> Spinoza.Il manque <strong>au</strong>ssi un débat <strong>au</strong>tour des traductions, un travail critique. Pour chaque traductionnouvelle d’œuvres déjà traduites, il f<strong>au</strong>t exposer <strong>les</strong> termes employés, expliquer <strong>les</strong> choix enregard des versions antérieures, bref, faire un travail critique !Ghanem Hana, après avoir souligné l’intérêt qu’il y <strong>au</strong>rait à traduire Alexis Philonenko <strong>et</strong>son Jean-Jacques Rousse<strong>au</strong> <strong>et</strong> la pensée du malheur, insiste sur la nécessité de traduire <strong>les</strong> livresécrits par des Arabes sur la Pa<strong>les</strong>tine <strong>et</strong> la question pa<strong>les</strong>tinienne. Toutes <strong>les</strong> connaissancesqui circulent viennent des <strong>au</strong>teurs israéliens ou pro-israéliens.Nadine Meouchy se demande quel sens cela a de traduire si la formation dans <strong>les</strong>universités ne suit pas. Quelle est l’utilité, sur un terrain comme la Syrie, de traduirebe<strong>au</strong>coup s’il n’y a pas de politique de formation ?Dans la foulée, Lotfi Nia suggère de procéder comme le fait le Centre international depoésie de Marseille, c’est-à-dire de procéder sur le mode d’un échange entre chercheurs <strong>et</strong>traducteurs d’un pays <strong>et</strong> de l’<strong>au</strong>tre (poètes/traducteurs, pour le CIPM). Il insiste égalementsur la nécessité de développer des lexiques communs, utilisab<strong>les</strong> pour <strong>les</strong> traducteurs.Randa Baas pense qu’il est important <strong>et</strong> utile que <strong>les</strong> traducteurs publient leur lexique enannexe de l’ouvrage qu’ils ont traduit. Elle insiste <strong>au</strong>ssi sur la nécessité de clarifier le lien16


entre le traducteur <strong>et</strong> le relecteur. Le relecteur doit proposer des changements, mais il nedoit pas <strong>les</strong> imposer. Il f<strong>au</strong>t construire un échange, dans le processus de révision.Martine Gill<strong>et</strong> suggère de ne penser à m<strong>et</strong>tre en place un processus de légitimation desbonnes traductions.Jamel Chehayed, saluant le caractère fructueux de c<strong>et</strong>te journée, a insisté sur l’importancede valoriser <strong>les</strong> <strong>au</strong>teurs, <strong>les</strong> écrivains, <strong>et</strong> pas seulement <strong>les</strong> traducteurs. Il a également insistésur l’importance d’une valorisation collective des bonnes traductions (processus delégitimation)En conclusion de la journée, Ghislaine Glasson Desch<strong>au</strong>mes souligne que c<strong>et</strong> état deslieux va être un état des lieux des différences, de l’hétérogénéité des situations, mais qu’il nef<strong>au</strong>t jamais perdre de vue la compréhension des tendances lourdes, à partir desquel<strong>les</strong> onpourrait imaginer des efforts collectifs, conçus dans l’esprit de réciprocité, <strong>et</strong> non du « sensunique ». L’idée c’est <strong>au</strong>ssi qu’à un certain moment, dans c<strong>et</strong>te optique de réciprocité, onpuisse imaginer des processus de formation, notamment des traducteurs, qui perm<strong>et</strong>tentd’allier plusieurs langues <strong>au</strong>tour d’un concept commun. C’est moins une formationlinguistique qu’une mise à jour, dans la discipline elle-même. Les <strong>sciences</strong> évoluent <strong>et</strong> untraducteur qui traduit depuis 10 ans l’histoire ou la sociologie a peut-être besoin, à unmoment donné, d’une remise en contexte. Cela n’exclut pas la formation méthodologique àla traduction, elle <strong>au</strong>ssi importante. De la discussion sur l’édition, la diffusion, elle note qu’ilimporte de réfléchir de manière méthodique, sous forme de corpus, ce qui n’est pas traduit,tous <strong>les</strong> manques, tous <strong>les</strong> blancs (ex : absence ou faible présence du contemporain). Ellerelève en outre un problème qui touche à la structuration des métiers du livre, en tous cas<strong>au</strong> Liban. On voit que, d’un certain point de vue, la tendance générale à privilégier <strong>les</strong> foiresdu livre plutôt que <strong>les</strong> <strong>au</strong>tres modes de diffusion peut avoir un eff<strong>et</strong> plus déstructurant questructurant. Il existe également une nécessité, pour <strong>les</strong> éditeurs <strong>et</strong> <strong>les</strong> libraires, de travaillerdavantage ensemble. Les œuvres traduites souffrent <strong>au</strong>ssi de l’absence d’une chaînecohérente des métiers du livre – y compris jusqu’à la lecture critique dans <strong>les</strong> médias. Unenouvelle fois, la réflexion sur le rôle des bibliothèques dans la valorisation <strong>et</strong> la diffusion desœuvres traduites se révèle be<strong>au</strong>coup plus complexe qu’il n’y paraît de premier abord. Seposent la question des politiques d’achat <strong>et</strong> de constitution de fonds dans <strong>les</strong> bibliothèques,mais <strong>au</strong>ssi de manque de cohérence dans <strong>les</strong> catalogues <strong>et</strong> dans <strong>les</strong> bases de données <strong>et</strong>,enfin, de la présence même d’<strong>au</strong>teurs étrangers dans <strong>les</strong> bibliothèques.En ce qui concerne <strong>les</strong> traducteurs enfin, il ne f<strong>au</strong>t pas seulement se demander quel type destructuration serait nécessaire pour renforcer le statut, la visibilité, l’<strong>au</strong>torité du traducteur,mais se demander <strong>au</strong>ssi quelle déontologie doit <strong>les</strong> guider. On voit qu’il n’y a pas de visioncommune concernant ce dernier point. C’est un débat à peine amorcé mais c’est un débattrès concr<strong>et</strong>, lié à des réalités, des textes, des contextes, des moments de l’actualité.Constant que la réunion n’a pas permis, f<strong>au</strong>te de temps, d’avancer sur la formation destraducteurs <strong>et</strong> du lien entre recherche <strong>et</strong> traduction, elle rappelle pour mémoire queTranseuropéennes a c<strong>et</strong>te idée (en partenariat avec d’<strong>au</strong>tres membres du rése<strong>au</strong> « <strong>Traduire</strong>en Méditerranée ») de voir si, sur <strong>les</strong> SHS, un travail collectif réunissant des traducteurschercheursou des traducteurs-praticiens qui pourrait contribuer à une production collectivede savoirs – non pas de dictionnaires mais plutôt de notes de traduction. Enfin, nous <strong>les</strong>avons, <strong>les</strong> <strong>sciences</strong> <strong>humaines</strong> <strong>et</strong> socia<strong>les</strong> sont concernées par <strong>les</strong> enjeux de la lecture17


publique <strong>et</strong> par ceux de l’espace public, en général. C<strong>et</strong>te dimension doit être intégrée à nostrav<strong>au</strong>x.Pour conclure, Elisab<strong>et</strong>h Longuenesse a souhaité revenir sur ce qu’a dit Rami Daher àpropos de l’« état de la culture ». L’état des lieux que nous <strong>au</strong>rons d’ici l’<strong>au</strong>tomnedemandera à être compris de manière plus globale : il f<strong>au</strong>t avoir à l’esprit le problème del’état de la culture. Ce n’est pas seulement une question d’oral <strong>et</strong> d’écrit, c’est <strong>au</strong>tour de laquestion des types de savoirs, <strong>et</strong>c. Aujourd’hui dans le monde arabe, il y a unesurvalorisation de ce qui est gestion, finances, <strong>et</strong>c. Il y a 15 ou 20 ans c’était unesurvalorisation des études scientifiques. Cela veut dire qu’il y a une dévalorisation - encoreplus que chez nous – de tout ce qui est SHS. A notre nive<strong>au</strong>, nous n’y pouvons sans doutepas grand-chose mais c’est un élément de contexte essentiel. La question des conflits dans larégion <strong>et</strong> de la nature des régimes politiques ne doit pas être oubliée. .En ce qui concerne la question « Qui sont <strong>les</strong> traducteurs ? », elle s’est demandé si <strong>les</strong> bonstraducteurs viennent toujours de la discipline traduite. Il peut y avoir des traducteursamateurs, mais qui se sont formés, des scientifiques de formation qui se dirigent versd’<strong>au</strong>tres disciplines, comme la sociologie. Le paysage est plus complexe que ce qu’on peutimaginer à priori.Enfin, il f<strong>au</strong>t souligner la question centrale de la circulation des gens. Peut-être que nous,Européens, <strong>au</strong>rions quelque chose à dire. On a des étudiants qui demandent un visa qui leurest refusé, alors qu’ils doivent aller voir leur directeur de thèse en France. C<strong>et</strong>te questiondoit <strong>au</strong>ssi être dans nos préoccupations.Les deux organisatrices ont donné rendez-vous à tous <strong>les</strong> participants, ainsi qu’à ceux quin’ont pu être présents, pour une <strong>au</strong>tre journée d’étude qui <strong>au</strong>rait lieu à Amman, en Jordanie,pour perm<strong>et</strong>tre notamment un travail avec <strong>les</strong> <strong>au</strong>tres collègues jordaniens <strong>et</strong> <strong>les</strong> collèguespa<strong>les</strong>tiniens, sans doute en septembre 2010.Paris/Beyrouth 12 mai 201018


ParticipantsAhmad Beydoun, historien, Université LibanaiseArn<strong>au</strong>d Chabrol, arabisant <strong>et</strong> sociologue, Ifpo/Iremam (Aix en Provence)Bassam Baraké, linguistique, traduction, Université Libanaise (Tripoli), Union des TraducteursArabes,Candice Raymond, historienne, IfpoCarla Eddé, histoire, Université Saint-JosephElisab<strong>et</strong>h Longuenesse, sociologue, IfpoElsa Zakhia, bibliothécaire, IfpoFarès Sassine, éditeur, Dar An Nahar, BeyrouthFranck Mermier, anthropologue, CNRS, ParisGeorge Kattoura. Philosophe, Université LibanaiseGeorges Zainaty, philosophe, traducteur (français), Université LibanaiseGhanem Hana, philosophe <strong>et</strong> sociologue, traducteur (allemand), Université de Damas,Ghislaine Glasson Desch<strong>au</strong>mes, TranseuropéennesHassan Abbas, professeur d’arabe, essayiste, Ifpo DamasHenri Awaiss, professeur de traduction, directeur de l’ETIB, Université Saint-JosephJamal Chehayyed, spécialiste de littérature comparée, traducteur (vers le français) <strong>et</strong>professeur d’arabe, IfpoLotfi Nia, traducteur (arabe français)Marlène Nasr, sociologue, Université LibanaiseMartine Gill<strong>et</strong>, Bure<strong>au</strong> du Livre, Services culturels de l’Ambassade de France à BeyrouthMichel Choueiri, librairie al-Burj, BeyrouthMousbah Rajab, urbaniste, Université LibanaiseNadine Meouchy, historienne, responsable des Presses de l’IfpoOlfa Lamloum, politologue, Ifpo , Beyrouth19


Rami Daher, urbaniste, AmmanRanda Baas, traductrice (français), DamasStefan Leder, philosophe, islamologue, <strong>Orient</strong> Institut BeirutTaher Labib, sociologue, traducteur, Organisation Arabe de la TraductionThomas Schefler, historien, politologue, <strong>Orient</strong> Institut, BeirutInvités n’ayant pas pu venirFrançois Burgat, IFPO, DamasFawaz Trabulsi, historien, Lebanese American UniversityHayssam Kotob, Union des traducteurs arabesHazem Saghiyé, journaliste, al-HayatIrène Labeyrie, architecte, Université du Qalamoun (Syrie)Maher Charif, historien, traducteur, IfpoManal Nahhas, journaliste, traductrice, al HayatMaroon Ni'ma, éditeur, Librairie orientaleMona Harb, urbaniste, American University Beyrouth (AUB)Mohamed Sghir Janjar, Fondation du Roi Abdul-Aziz, CasablancaMoussa Wehbé, philosophie, Université LibanaiseNabil Zouheiri, linguiste, traducteur (français)Nader Srage, linguiste, traducteurRichard Jacquemond, IREMAM/MMSH, Aix-en-ProvenceSari Hanafi, sociologue, AUB, Revue Idâfât20

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