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TEM 2011 Turc-grec Hakan ÖZKAN - Transeuropéennes

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Traduire en MéditerranéeETUDE SUR LA TRADUCTION DE LITTERATURETURQUE VERS LE GREC (1990-<strong>2011</strong>)Dans le cadre de l’état des lieux de la traduction en Méditerranée, co-produitpar la Fondation Anna Lindh et Transeuropéennes en <strong>2011</strong>Collecte des données, analyse et rédaction<strong>Hakan</strong> Özkan© Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - <strong>2011</strong>1


IntroductionCette étude est une analyse quantitative et qualitative des ouvrages traduits du turc et publiés enGrèce au cours des 21 dernières années (1990-<strong>2011</strong>). Elle se compose d’un inventaire quantitatif deslivres traduits classés par année et d’une analyse des tendances de la traduction ainsi que de leurexplication, lorsque cela est possible. Les ouvrages pris en compte appartiennent au domaine de lalittérature et des sciences humaines et sociales (histoire, anthropologie, linguistique, philosophie etc.).Le mot littérature doit être conçu dans un sens large, incluant tous les livres et les écrits et passeulement la littérature au sens de belles lettres.Cette recherche s’appuie sur les sources suivantes : la plupart des informations concernant les livresde littérature turque traduits en Grèce provient d’une interview que j’ai faite avec Ali Çokona le 17août <strong>2011</strong> et de son article publié dans un journal turc spécialisé dans les études sur la traduction,Çevirmenin Notu 1 . Une étude complète sur la traduction de littérature turque en <strong>grec</strong> publiée sur lesite Pili a fourni des informations supplémentaires sur l’histoire de la traduction d’ouvrages delittérature turque vers le <strong>grec</strong> 2 . La rubrique de Xristos Siafkou publiée dans le quotidienΕλευθεροτυπία le 8 janvier 2006 s’est révélée très utile pour cette recherche parce que l’auteur ainterviewé des directeurs de publication en Grèce que je n’ai pas pu rencontré, faute de temps et dedisponibilité financière. 3En ce qui concerne les statistiques sur le marché du livre <strong>grec</strong>, la base de données accessiblepubliquement qui se trouve sur le site internet du Centre National du Livre de Grèce (EKEBI) s’estrévélée convenable et riche. 4En ce qui concerne la bibliographie de titres publiés, cette recherche se base sur : les donnéesfournies par Ali Çokona dans son article mentionné ci-dessus ; une liste préparée par MariaXarisiadou et Thanos Zaragkalis 5 ; ainsi qu’une bibliographie de traductions <strong>grec</strong>ques d’ouvrages turcs(1933-2005) fournie par Ekaterini Kayadelen dans son étude sur la littérature <strong>grec</strong>que en Turquie. 6De plus, j’ai examiné les entrées des bases dedonnées d’EKEBI, de l’Index Translationum del’Unesco et des librairies virtuelles, telles que www.protoporia.gr, www.ebooks.gr et1 Ari Çokona, Yunancaya Çevrilmiş Türk Edebiyatı (tr. Littérature turque traduite vers le <strong>grec</strong>) En: Çevirmenin Notu, 7(1999), 73-88.2 Λογοτεχνικές Μεταφράσεις προς την Νέα Ελληνική (tr.Traductions de literature vers le <strong>grec</strong>). http://www.greeklanguage.gr/greekLang/literature/bibliographies/to_greek/introduction.htmlconsulté le 7 août <strong>2011</strong>.3 Siafkou ‘Ελλας Τουρκία λογοτεχνία (tr. Littérature <strong>grec</strong>que et turque)http://archive.enet.gr/online/online_text/c=113,dt=08.01.2006,id=68971544 consulté le14 août <strong>2011</strong>.4 http://www.ekebi.gr/frontoffice/portal.asp?cpage=NODE&cnode=299 consulté le 9 août <strong>2011</strong>.5 Maria Xarisiadou, Thanos Zaragkalis, Μεταφράσεις τουρκικής λογοτεχνίας στα τουρκικά, 1940-2000. En: Τουρκικήλογοτεχνία – Τούρκοι λογοτεχνές του εικοστού αιώνα, Athènes 2007, 249-260.6 Ekaterini Kayadelen, Greek Fiction Translated into Turkish 1990-2006, Boğaziçi University 2007, Appendix F, 338-345.© Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - <strong>2011</strong>3


www.captainbook.gr; ces données ont été comparées avec celles présentées par les sourcesmentionnées ci-dessus.1- Bref aperçu historique sur la traduction de livres turques en Grèce(jusqu’en 1989)De traductions de littérature turque sont apparues pour la première fois pendant la deuxième partiedu XIX siècle dans plusieurs magazines littéraires qui étaient publiés en dehors de la nation <strong>grec</strong>que(Istanbul : 68 magazines, Alexandrie : 49, Le Caire : 19, Izmir : 19) 7 . Dans les magazines littérairesd’Athènes, la littérature turque n’était pas représentée du tout. 8 Parmi les auteurs traduits on peuttrouver par exemple l’écrivain-politicien Namık Kemal (1840-1888), dont la traduction a été publiéedans le magazine Kήρυκς qui existait dans l’Istanbul des années 1890 ; le poète du Divan appelé Bâki(1526-1600) publié dans le magazine Σµυρναϊκόν Ηµερολόγιον qui sortait à Izmir en 1907 ; et lepoète de Servet-i Fünûn, Tevfik Fikret (1867-1915), publié dans le magazine Γrάµµατα qui était ludans l’Alexandrie de 1911. 9Le premier livre à être traduit du turc a été celui du poète symboliste Ahmet Haşim en 1933 10 .Fragko Karaoglan (Siafkou <strong>2011</strong>) remarque qu’à la suite de la fondation de la République turque en1923, l’Istanbuliote Avraam N. Papazoglu, directeur de publication du magazine littéraire ΒαλκανικοίΟρίζοντες, dédia un numéro spécial en 1938 à la littérature turque. Papazoglu écrivit de nombreusescritiques sur la littérature turque dans le magazine athénien Νέα Εστία, bien qu’ils n’aient pas encoreété traduits en <strong>grec</strong>. Ceci est très intéressant parce qu’il montre que les lecteurs <strong>grec</strong>s (trèsprobablement les nombreux Grecs turcophones ou bilingues qui ont été envoyés en Turquie à lasuite de l’échange de population avec la Turquie survenu en 1923) s’intéressaient à la littératureturque. 11 Il est important de souligner que Papazoglu n’était pas actif seulement sur le front de ladiffusion de la littérature turque en Grèce, mais qu’il a également traduit le premier livre du <strong>grec</strong> versle turc. Il s’agissait de l’extrait d’un roman de Startis Mirvilis publié par le magazine littéraire Varlık en1933. En outre, il a traduit 20 autres textes <strong>grec</strong>s dans plusieurs magazines littéraires turcs.L’exemple de Papazoglu, qui vécut et travailla à Istanbul, montre que la communauté <strong>grec</strong>qued’Istanbul était très influente dans les relations diplomatiques entre les deux pays. Bien que lacommunauté <strong>grec</strong>que d’Istanbul en soit sortie affaiblie par l’oppression et différents pogroms au7 Çokona 2009:748 Voir Episkopoulos (1894) et Karaoglou (1996).9 Çokona 2009:7410 Ahmet Haşim, Ποιήµατα (Şiirleri), treaduit par Vasilis Xasapakis, Istanbul, 1933.11 Par exemple sa critique du livre du poète inconnu Ercüment Behzat (b. 1903, d. 1984): “Ercüment Behzad: S.O.S.”. En:Νεα Εστία 11,127 (April 1932), 380.© Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - <strong>2011</strong>4


cours des années 1950 et 1960, il y a toujours des membres de cette communauté qui exercent lafonction de médiateurs. La force incomparable d’un personnage charismatique comme Papazoglu estencore loin d’être égalée.Au cours des dernières décennies, la traduction de livres turcs a suivi la situation politique en Grèceet l’état des relations diplomatiques entre la Turquie et la Grèce. Alors qu’au cours des années 19404 traductions ont été publiées, elles étaient 3 en 1950 et une seule en 1960, à cause de l’oppressionde la junte militaire <strong>grec</strong>que. Avec la chute de la junte en 1974, les traductions du turc ontconstamment augmenté : 22 dans les années 1970 et 41 dans les années 1980.Les 4 livres traduits dans les années 1940 sont une anthologie de poésie turque entre 1919 et 1939,une de prose turque, une pièce de théâtre de Nazım Hikmet et une nouvelle du romancier RefikHalit Karay.Dans les décennies suivantes, les éditeurs ont privilégié les travaux du poète Nazım Hikmet (18titres), de l’humoriste Aziz Nesin (16 titres), du romancier Yaşar Kemal (9 titres), et du romancierNecati Cumali (3 titres), qui a écrit sur la côte égéenne (par exemple Acı Tütün, traduit Bitter Tobacco,par Petros Markaris, publié par Themeliora en 1979).Dans le domaine des sciences humaines, les livres turcs n’étaient pas du tout représentés en Grèce.C’est seulement en 1976 que le premier livre concernant la politique turque, intitulé Turkey in aDead-End, a été publié. 12 A la suite de la chute de la junte militaire en 1974, le nombre de traductionsdans le domaine des sciences humaines n’a pas cessé d’augmenter.2- Publications2.1 Traductions publiées depuis 1990Si l’on compare avec les 71 publications parues depuis le premier livre traduit du <strong>grec</strong> vers le turc, onpeut remarquer le nombre important d’ouvrages traduits du turc vers le <strong>grec</strong>, qui s’élève à 191 livresau cours de la période 1990-<strong>2011</strong>. 45 titres parmi eux appartiennent au domaine des scienceshumaines.Les romans constituent le groupe le plus important dans le domaine des belles lettres, avec 99 titres.La poésie est présente avec 11 titres, les nouvelles avec 12 titres, les mémoires avec 8 titres, lalittérature de jeunesse et les pièces de théâtre avec 2 titres pour chaque genre et les anthologies deprose et de poésie avec 2 titres, les anthologies de poésie avec 6 titres et les anthologies de12 Bekir Kamuran Harputlu, Η Τουρκία σε αδιέξοδο. Traduit par Monika Vlaxu, Athènes 1976.© Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - <strong>2011</strong>5


nouvelles avec 2 titres. Si l’on compare avec la période qui précède les années 1990, les traductionsde poésie sont moins représentées en termes relatifs et absolus. Au cours de cette période, 22 titresde poésie ont été publiés. Ce chiffre représente plus que 30% de toutes les traductions qui ont étépubliées entre 1933 et 1989 – un nombre étonnamment élevé si on le compare avec les 11 titres depoésie publiés entre 1990 et <strong>2011</strong> (5,7 % de toutes les traductions). Si on partage en deux cesdonnées sur les deux décennies, on a 40 titres pour les belles lettres pour les années 1990 et 105titres pour les années 2000.2.1.1 Thèmes prédominants en sciences humainesLe sujet préféré dans les sciences humaines et sans doute l’histoire avec 22 titres. Il est suivipar un sujet qui lui est proche, celui des sciences politiques, avec 12 titres. A part ces deuxdomaines, les éditeurs <strong>grec</strong>s ont montré leur intérêt pour la littérature (5 titres), la cuisineet la gastronomie ottomane (2 titres), l’agriculture (1 titre), l’anthropologie (1 titre), lamusique (1 titre) et le journalisme (1 titre).Si l’on regarde les titres appartenant aux deux groupes les plus importants, à savoir l’histoireet les sciences politiques, les sujets les plus traités sont ceux qui concernent les relationsgréco-turques, la situation des minorités en Turquie (autant historique que contemporaine),le rôle géopolitique de la Turquie et son aspiration à devenir une puissance dans la région,les Kurdes, le nationalisme, Chypre, l’échange de populations en 1923, le Kémalisme et leNéo-Ottomanisme.Il est intéressant de constater que les livres de sciences humaines représentent un quart deslivres traduits du turc vers le <strong>grec</strong>. Dans l’étude sur les mouvements de traduction <strong>grec</strong>-turc,j’avais noté que les ouvrages de sciences humaines abordaient rarement la politique actuelle.En revanche, il apparaît que les Grecs s’intéressent davantage aux questions politiquesactuelles en Turquie. Ari Çokona explique cette disparité de la manière suivante : pour la Turquie,la Grèce est un voisin parmi d’autres, alors que pour la Grèce, la Turquie est le pays voisin le plusintéressant et le plus important, avec sa population multi ethnique socialement et culturellementdiversifiée, ainsi que son armée puissante. De plus, le conflit autour de l’Egée est toujours vif et laquestion qui concerne Chypre n’est pas réglée. La Grèce essaye de comprendre les questions quiconcernent la Turquie, d’abord à cause de son intérêt pour son voisin le plus important et ensuiteparce que la Turquie est perçue comme une menace.© Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - <strong>2011</strong>6


2.1.2 Thèmes et auteurs prédominants en littératureCertains auteurs qui étaient traduits au cours des années 1970 et 1980 n’ont pas reçu lamême attention dans les décennies suivantes. Seulement 4 travaux d’Aziz Nesin - qui étaitavec le poète Nazim Hikmet l’un des auteurs les plus traduits au cours des années 1970 et1980 - ont été traduits dans les années 1990. Dans les années 2000, aucune traduction deNesin n’a été publiée. De même pour Yaşar Kemal, dont on avait traduit des romans notammentdans les années 1980 et 1990. Les travaux de Nazım Hikmet, au contraire, ont été republiés (poésieset pièces de théâtre). 10 parmi ses travaux ont été traduits pendant les années 1990 et 2000.Il a déjà été mentionné que la traduction de poésie a diminué sensiblement pendant les années 1990et 2000. Ceci s’est produit à cause des décisions prises par les éditeurs, qui se sont rendu compteque la poésie ne se vendait pas assez. Parallèlement, la poésie turque est toujours traduite et publiéedans les magazines littéraires <strong>grec</strong>s, tels que Δέντρο, Ελλέβορος, Η Λέξη et Τοµές par exemple, quiont aussi publié des numéros spéciaux sur la littérature turque. 13Parmi les écrivains qui sont devenus célèbres dans les années 1990 et 2000 on trouve Orhan Pamuk(10 titres dont la majorité a été publiée dans les années 1990), mais aussi d’autres romanciers commeMurathan Mungan (7 titres, tous parus dans les années 2000), Nedim Gürsel (3 titres dans les années1990 et 3 dans les années 2000) et Duygu Asena (3 titres dans les années 1990, 3 dans les années2000).Les sujets les plus abordés sont l’amour et la ville d’Istanbul (Κωνσταντινούπολη,Konstantinoupoli) ou les deux ensemble. Istanbul semble être l’héroïne de plusieurs romans : SonIstanbul ou Το τέλος της Πόλης de Murathan Mungan (La fin d’Istanbul) est l’un des nombreuxexemples. Il arrive même que les éditeurs demandent aux traducteurs de chercher dans le marchédes romans qui traitent de l’amour et de La Ville (Πόλη, Poli), nom que le Grecs donnent toujours àIstanbul.Les éditeurs ont aussi tendance à mettre en évidence les mots d’Istanbul ou de Bosphore dans lestitres des livres dans leur version <strong>grec</strong>que, même si ces mots ne sont pas cités dans le titre de laversion originale, comme par exemple dans le roman de Zülfü Livaneli Engereğin Gözündeki Kamaşma(Les yeux éblouis de la vipère) qui en <strong>grec</strong> a été traduit par Ο µεγάλος ευνούχος τηςΚωνσταντινούπολης (L’eunuque de Constantinople). Cette tendance est aussi présente dans lechoix des couvertures de livres, qui illustrent souvent des monuments importants ou des aperçus de13 Çokona 2009: 75.© Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - <strong>2011</strong>7


la ville, comme par exemple dans le livre de Sergün Ağar Aşkın Samatya’sı Selanik’te kaldı (L’amour deSamatya est resté à Salonique, Samatya étant un quartier d’Istanbul), ce qui est traduit en <strong>grec</strong> parΦίλησα µια φορά την Ευδοξία (Une fois j’ai embrassé Eudoksia). Il est intéressant de remarquerque dans la version <strong>grec</strong>que, ni Samatya ni Istanbul ne sont mentionnées. Cependant, sur lacouverture on peut voir les yeux d’une femme au dessus de Sainte Sophie, le symbole le plusimportant de la présence byzantine ou <strong>grec</strong>que dans la ville :La couverture de la version originale turque ne fait aucune allusion à la ville d’Istanbul, mais illustreune femme du passé assise sur un canapé avec des motifs floraux :A part Istanbul, d’autres régions turques ayant des relations passées ou présentes avec la Grècefigurent parmi les sujets les plus traités dans les romans traduits : Izmir et la Mer Noire orientalesont les exemples les plus répandus. Plusieurs livres concernant Crète ou Chypre sont promptement8 © Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - <strong>2011</strong>


traduits vers le <strong>grec</strong>, tel le roman de Saba Altınsay Kritimu, Girit’im Benim (Ma Crète). Saba Altınsay estdescendant de musulmans <strong>grec</strong>s de Crète et a reconstruit la vie crétoise au temps de ses ancêtres.Son livre a été un succès puisqu’il a vendu plus de 8000 copies en quelques mois 14 . Les journaux lesplus importants ont publié une critique de ce roman et la question de la conception du déracinementdes musulmans est devenue un sujet de dispute entre les Crétois et les Grecs. 15L’échange de prisonniers qui suivit la fondation de la République turque en 1923 est l’un des sujetsles plus présents non seulement dans le domaine de l’Histoire mais aussi de la littérature qui setraduit du turc : le roman de Kemal Anadol Büyük Ayrılık, (Ο µεγάλος χωρισµός ou La grandeséparation) ou celui de Ahmet Yorulmaz Savaşın Çocuklar (Τα παιδιά του πολέµου ou L’enfant de laguerre) son deux exemples de cette tendance.Un développement récent qui concerne la traduction de livres turcs en Grèce est la hausse detraduction de romans d’espionnage qui sont maintenant très répandus dans ce pays. Parmi les auteursles plus célèbres on trouve Ahmet Ümit et Esmahan Aykol, qui sont aussi célèbres en Turquie qu’àl’étranger. Il est intéressant de constater que le traducteur, Thanos Zaragkalis, a choisi le même titrepour sa traduction <strong>grec</strong>que du livre d’Aykol Savrulanlar (The scattered) que le traducteur de la versionallemande : il donne au roman traduit le titre Αντίο Ιστανµπούλ (Au revoir Istanbul, publié en2010), de la même manière que dans la version allemande le livre est sorti avec le titre GoodbyeIstanbul (publié en 2007). La seule différence entre les deux titres est que dans la version allemandeon a donné un titre en langue anglaise, alors que dans la version <strong>grec</strong>que on le garde en langue<strong>grec</strong>que. Il faut aussi remarquer que dans les deux versions les éditeurs ont insisté sur l’importancede garder le mot Istanbul dans le titre. Il est donc évident qu’Istanbul est un argument de vente.2.2 Maisons d’éditionLe pourcentage d’ouvrages de littérature traduits en Grèce est élevé (41,5 % de tous les livrestraduits). Dans le domaine des belles lettres ce pourcentage est plus élevé : 47,9%. Pour les romansil atteint 61,3%. Le turc est la septième langue de traduction après l’anglais, le français, l’allemand,l’italien, l’espagnol et le russe. 16 Les petites maisons d’éditions avec moins de 20 publications sont lesplus importantes parmi les 730 maisons d’éditions actives en Grèce. Les éditeurs <strong>grec</strong>s qui publientdes livres de littérature turque ne consacrent pas de programme ni de série spéciaux à la littératureturque, comme Belge le fait en Turquie pour les livres de littérature <strong>grec</strong>que avec la sérieMarenostrum.Il est important de souligner que 70% des lecteurs <strong>grec</strong>s sont des femmes. Ce fait joue un rôle14 Rigopoulou, 2009.15 A voir par exemple la critique de Manolis Pimplis (2008) et Dimitris Rigopoulou (2009).16 Çokona 2009, 74.© Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - <strong>2011</strong>9


essentiel dans le choix des livres à publier. 17 Lorsque les éditeurs choisissent les livres à publier, ils sereposent souvent sur le conseil des traducteurs. 18 Ils analysent aussi les marchés européen etaméricain; dès qu’un titre de littérature turque apparaît dans l’un des magazines littéraires de cespays, les éditeurs <strong>grec</strong>s s’intéressent aux travaux de l’écrivain en question. Katia Lempesi de lamaison d’édition Kedros - qui a publié des ouvrages d’Ahmet Ümit, Mehmet Coral, et Ayşe Kulin -soutient que les éditeurs <strong>grec</strong>s choisissent les titres « les plus intéressants » sans se préoccuper dece qu’« intéressant » signifie. 19 A cause de la pénurie d’agences littéraires, les éditeurs <strong>grec</strong>s prennentdirectement contact avec leurs homologues turcs, notamment grâce au fait qu’ils se rencontrent lorsdes grandes foires du livre, comme celle de Francfort. Un événement catalyseur a été la foire du livrede Francfort de 2008 puisque la Turquie en était l’invité d’honneur. 20 Les éditeurs ne se servent pasde l’aide des correcteurs qui peuvent vérifier la qualité de la traduction en se référant à la versionoriginale. Seule la version traduite est contrôlée. La seule exception remarquable est Kastaniotis,chez lequel la célèbre traductrice de littérature turque Stella Xristidou est aussi correctrice.3- Diffusion et disponibilitéLes librairies <strong>grec</strong>ques les plus importantes, telle que Πρωτοπορία à Salonique, ont dans leurs rayonsles auteurs turcs les plus vendus (Orhan Pamuk, Murathan Mungan, Nazım Hikmet). Cette librairieest aussi disponible en ligne, ce qui permet d’acheter des livres et de se les faire livrer en quelquesjours. D’autres librairies en ligne qui offrent des titres turcs sont : www.greekbooks.gr,www.ebooks.gr et www.captainbook.gr. Certaines parmi ces librairies, comme par exemplewww.ebooks.gr, offrent des moteurs de recherche qui permettent de limiter le champ aux ouvragesde littérature ou d’histoire, etc. en langue turque. Le prix moyen de vente des romans turcs ou deslivres de sciences sociales varient entre 15 et 25 euros.4- Media et critiquesLes quotidiens principaux, tel que Τα Νέα, Το Βήµα, Καθηµερινή et Ελευθεροτυπία ont dessuppléments littéraires dans lesquels des critiques littéraires sont publiées. En général, ces critiquessont de haute qualité et font souvent référence à la traduction et à sa qualité. 21 Les magazineslittéraires, comme Δέντρο et Η Λέξη, offrent aussi des critiques littéraires des ouvrages qui sonttraduits du turc.17 ibid.18 Çokona 2009, 76.19 Siafkou 2006.20 Çokona 2009: 77.21 Çokona <strong>2011</strong>.© Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - <strong>2011</strong>10


5- Subventions et aidesA partir de 2005 les subventions ont été octroyées surtout par TEDA, le projet de traduction turc.TEDA, qui est un projet de traduction financé par le gouvernement turc, a subventionné 28 titres(40%) parmi les 70 publiés entre 2005 et <strong>2011</strong>. Bien que ce programme aie influencé positivement lestraductions, il est difficile d’apprécier quantitativement l’impact de ce programme sur les traductionsdu turc vers le <strong>grec</strong>, puisqu’elles ont constamment augmenté jusqu’à la moitié des années 2000,période de la création de TEDA. En outre, tous les éditeurs <strong>grec</strong>s ne s’aventurent pas dans lelabyrinthe (surévalué) de la bureaucratie lié au processus de candidature. 22 Si l’on regarde lesouvrages de belles lettres dans les années 2000, hormis les livres subventionnés par TEDA, lenombre total de livres traduits a presque doublé, passant de 48 titres dans les années 1990 à 78titres dans les années 2000. Il n’est pas possible de lier le fait qu’Orhan Pamuk aie gagné le prixNobel de la littérature à l’impact sur les publications de livres de littérature turque depuis 2006. Ence qui concerne Orhan Pamuk, du moins, le fait qu’il ait gagné le prix Nobel n’a pas eu d’influence surla traduction de ses livres en Grèce, puisque la majorité d’entre eux avait déjà été traduite avant laremise du prix.Par conséquent, on ne peut pas affirmer que les livres traduits avec l’aide de TEDA auraient étépubliés de toute manière et on ne peut pas analyser d’une façon satisfaisante le rôle de TEDA dans lapromotion des traductions d’ouvrages turcs vers le <strong>grec</strong>.Les données qui concernent les publications dans le domaine des sciences humaines n’aident pas àclarifier ce point. Alors que dans les années 1990 les titres publiés dans ce domaine étaient aunombre de 9, ils ont atteint le nombre de 36 dans les années 2000. Puisque TEDA a participé aufinancement de 3 livres seulement, on peut affirmer que sa contribution dans la promotion de ceslivres n’a pas été considérable.Les traductions du turc vers le <strong>grec</strong> peuvent être financées grâce à des subventions de l’UE (AgenceExécutive pour l’Education, l’Audio-visuel et la Culture) 23 . D’après Ari Çokona, les ouvrages qui ontété traduits du turc vers le <strong>grec</strong> n’ont pas reçu de subventions par cette Agence.22 Ibid23 Le rôle de TEDA et le processus de décision est terrain de dispute puisqu’il a été signalé que certaines candidaturesavaient été rejetées pour des raisons politiques (Çokona <strong>2011</strong>).© Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - <strong>2011</strong>11


6- TraducteursDe nombreux traducteurs qui traduisaient ou traduisent des ouvrages de littérature turque vers le<strong>grec</strong> proviennent de la communauté <strong>grec</strong>que d’Istanbul. Ils sont bilingues et ils ont généralementfréquenté les écoles primaires et secondaires dans les différents quartiers d’Istanbul (Beyoğlu, Fener,Arnavutköy, Büyükada, and Karaköy). Parmi eux, il y a Panayot Abacı - qui a été le premier à traduireles ouvrages d’écrivains célèbres tels que le romancier Yaşar Kemal, le satiriste Aziz Nesin et leromancier Rıfat Ilgaz-, Stella Xristidou (qui a traduit Orhan Kemal et Murathan Mungan), PetrosMarkaris (Murathan Mungan) Herkül Millas (qui a traduit les poètes Can Yücel et Yunus Emre),Fragko Karaoglan (Zülfü Livaneli et Ahmet Hamdi Tanpınar) et Io Çokona (Mehmet Murat Somer).Certains d’entre eux traduisent aussi du <strong>grec</strong> vers le turc : Panayot Abacı, Fragko Karaoglan etHerkül Millas, pour en nommer quelques uns. Comme mentionné ci-dessus pour Avraam N.Papazoglu, les traducteurs appartenant à la communauté <strong>grec</strong>que d’Istanbul jouent un rôle majeurdans la médiation entre les deux pays.Les traducteurs de littérature turque ne peuvent pas vivre seulement de ce métier, mais pour laplupart des cas ils exercent d’autres professions. Les rémunérations sont généralement tellementdécourageantes que la traduction demeure un métier qu’on exerce par passion plutôt que pour unemotivation économique. D’après Ari Çokona, les rémunérations ne sont pas calculées en Grèce surla base du pourcentage par rapport au nombre de copies du livre imprimées, comme c’est l’usage enTurquie. 24 Les traducteurs perçoivent plutôt une rémunération convenue, qui peut varierconsidérablement. De plus, si le tirage du livre traduit augmente, ils n’ont pas le droit de demander lerenouvèlement du payement.7- Apprendre le <strong>Turc</strong> en Grèce et en TurquieLes universités <strong>grec</strong>ques qui offrent des cours de langue et de littérature turques sont les universitésd’Athènes, l’Université égéenne de Rhodes, l’Université de Macédoine à Salonique, l’Université deThrace à Komotini et l’Université ionienne à Corfou. Il y a aussi d’autres institutions qui enseignent lalangue et la littérature turques, tels que le Centre pour les langues et la culture orientales d’Athènes.A ma connaissance, il n’y a pas de département ou de filière spécialisés dans la traduction du turcvers le <strong>grec</strong> ou vice versa, ni des langues orientales en général vers le <strong>grec</strong>.Il y a d’autres institutions vouées à la recherche qui n’offrent pas de cours de niveau licence, mais quiproposent des programmes universitaires et des séminaires de niveau master en collaboration avec24 Çokona, <strong>2011</strong>.© Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - <strong>2011</strong>12


d’autres universités. Leur centre d’intérêt est la recherche sur la sphère politique, l’histoire, lalittérature et la culture turques. Ils diffusent leurs résultats à travers les journaux, les magazines, leslivres, l’organisation de séminaires et de conférences. Deux parmi ces institutions sont l’Institutd’Etudes sur les Balkans de Salonique et l’Institut pour les Etudes Méditerranéennes de Rethimno àCrète.En ce qui concerne l’apprentissage de la langue turque en Turquie, les Grecs d’Istanbul apprennent leturc en outre du <strong>grec</strong> à l’école primaire et secondaire, ces cours étant spécialement conçus pour euxpar le ministère de l’éducation. Plusieurs d’entre eux continuent leur éducation universitaire dans lesfacultés turques.© Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - <strong>2011</strong>13


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