Le commentaire de texte - Lycée Claudel
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Catherine AguillonTerminales – Lycée Clau<strong>de</strong>l24 février 2013Page2refrain. On la retrouve quatre fois en anaphore au début <strong>de</strong> chaque strophe dans le passageétudié (v. 1, 5, 9, 14). De plus, cette formule est un vers parfait, formé <strong>de</strong> cinq dactyles ; elle aune valeur insistante. D’autre part, le champ lexical <strong>de</strong> l’incantation contient les polyptotes dunom carmen (carmina x 2, carminibus – qui a donné le mot « charme ») ainsi que le verbecantare (au gérondif à l’ablatif cantando). Cela montre que la pratique magique s’exerce enchantant <strong>de</strong>s mots, notamment le nom <strong>de</strong> la personne visée – ici, Daphnis (Daphnim nommécinq fois). <strong>Le</strong> nom <strong>de</strong> la « cible » est fréquemment cité dans <strong>Le</strong>s Bucoliques, puisqu’il y a unDaphnis inventeur <strong>de</strong> la poésie pastorale dans l’églogue V, et un beau berger nommé Daphnisdans les églogues II, III, VII, VIII et IX. C’est un nom grec, comme celui <strong>de</strong> tous les personnagesmentionnés dans ce poème. Dans les vers suivants, la magicienne évoque le pouvoir prodigieux<strong>de</strong>s mots : l’allusion à la lune (lunam), au vers 2, est due au fait qu’elle « était surtoutapparentée à la déesse grecque Hécate (apparentée à Artémis, Séléné et Perséphone) qui, àl’origine, dispensait les richesses et est <strong>de</strong>venue maléfique : c’est la déesse suprême <strong>de</strong> laMagie et <strong>de</strong> la Sorcellerie […] <strong>Le</strong>s anciens Grecs attribuaient aux magiciennes <strong>de</strong> Thessalie ungrand pouvoir sur la Lune, notamment celui <strong>de</strong> la faire <strong>de</strong>scendre à leur gré sur terre » (<strong>Le</strong> Livre<strong>de</strong>s Superstitions, coll. Bouquins, p. 1021).Mais comment interpréter l’action <strong>de</strong> la magicienne censée faire <strong>de</strong>scendre (<strong>de</strong>ducere)cet astre - phénomène auquel les Anciens accordaient foi ? Il s’agit probablement d’un jeu <strong>de</strong>miroirs. <strong>Le</strong> vers 2, avec trois coupes, est parfait – ce qui insiste sur le prodige décrit. Au vers 3 -parfait également avec ses trois coupes - est évoqué l’archétype <strong>de</strong>s magiciennes : Circé (déjàmentionnée supra). Après avoir fait boire un philtre aux compagnons (socios) d’Ulysse (Ulixi), elleles transforma (mutavit) en pourceaux ; mais sa magie fut inopérante à l’égard du héros,protégé par l’herbe Moly donnée par Hermès. Ulysse la contraignit à redonner forme humaineà ses hommes, mais séduit, consentit à séjourner dans son île pendant une année, donc futdétourné <strong>de</strong> son projet <strong>de</strong> rentrer dans sa chère patrie, Ithaque ! Quant au vers 4, il confirme lepouvoir prodigieux <strong>de</strong> l’incantation, capable <strong>de</strong> réduire un serpent (anguis) en morceaux(rumpitur). Or la mythologie grecque a associé le serpent au don <strong>de</strong> prophétie : « Cassandre etTirésias obtinrent la faculté divinatoire par l’effet <strong>de</strong> leurs rapports avec le serpent, quesymbolisèrent plus tard le python et la pythonisse considérés comme les dépositaires <strong>de</strong> tousles oracles <strong>de</strong> la sagesse ». Et, outre la divination (pratique proche <strong>de</strong> la magie), le serpentreprésente l’attribut d’Esculape, dieu grec <strong>de</strong> la Mé<strong>de</strong>cine ; il a le « pouvoir <strong>de</strong> ressusciter lesmorts (d’où le serpent sur le caducée) » (<strong>Le</strong> Livre <strong>de</strong>s Superstitions, coll. Bouquins, p. 1627-1628). C’estdonc un animal exceptionnel, protégé chez les Grecs comme chez les Romains. Qu’il soit réduiten morceaux est un autre prodige.En résumé, la première strophe crée une atmosphère menaçante et surnaturelle.