12.07.2015 Views

Propriétaire d'une cabane en bois à Charron (1) - Le Conservatoire ...

Propriétaire d'une cabane en bois à Charron (1) - Le Conservatoire ...

Propriétaire d'une cabane en bois à Charron (1) - Le Conservatoire ...

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

<strong>Conservatoire</strong> de l'estuaire de la GirondeDécembre 1999, ouragan sur Port <strong>Charron</strong>29 décembre 1999, au lieu dit <strong>Charron</strong>, sur la rive Saintongeaise de l’estuaire. Autrem<strong>en</strong>t dit, lebout du monde. Et c’est précisém<strong>en</strong>t le “bout du monde” qu’a choisi un trio de pyréné<strong>en</strong>s pourcélébrer les fêtes de fin d’année.Propriétaire d’une <strong>cabane</strong> <strong>en</strong> <strong>bois</strong> à <strong>Charron</strong> (1) , sur la commune de Saint-Thomas-de-Cônac,Claudio, son épouse Jany et Jacques, un oncle, avai<strong>en</strong>t décidé de v<strong>en</strong>ir fêter Noël et le passage àl’an 2000 dans le cadre idyllique et reposant de ce lieu isolé. Surtout <strong>en</strong> cette fin d’année. Ce 29décembre, Serge – un pêcheur du cru – se trouvait là, accompagné de son épouse et d’un ami :Michel.La tempête s’annonceMalgré l’isolem<strong>en</strong>t du site et la vétusté des <strong>cabane</strong>s, les victuailles pour le réveillon de “l’an 2000”sont nombreuses, et particulièrem<strong>en</strong>t alléchantes.En fin de matinée, le calme et la reposante solitude des lieux, fir<strong>en</strong>t place à un v<strong>en</strong>tparticulièrem<strong>en</strong>t agressif. La tempête se levait. Plus le temps s’écoulait et plus la tourm<strong>en</strong>te pr<strong>en</strong>aitdes allures préoccupantes.Secoués par un v<strong>en</strong>t viol<strong>en</strong>t comme ils n’avai<strong>en</strong>t jamais vu auparavant, apeurés puis terrifiés,angoissés face à une montée anormale des eaux de l’estuaire, Jany et Jacques pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t peur.Terriblem<strong>en</strong>t peur. Malgré le vif désir de fêter l’an 2000 <strong>en</strong>semble, malgré les affres d’une telleséparation, Jany et Jacques repart<strong>en</strong>t se mettre à l’abri dans leur Béarn.Claudio se retrouve seul. Pour rompre sa solitude, il va rejoindre le couple de pêcheurs et l’ami.Vers 19 heures, le quatuor décide de se mettre à table. Au dehors, la tempête se transforme <strong>en</strong>ouragan, dans un bruit véritablem<strong>en</strong>t effrayant. Effrayant et réellem<strong>en</strong>t préoccupant. L’inquiétudede tous grandit. On s’interroge…<strong>Le</strong>s apéritifs, le vin vieux de derrière les fagots et le m<strong>en</strong>u : soupe de poisson, foie gras, pibales,fromage… vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t partiellem<strong>en</strong>t dérider l’ambiance. On trinque ! Dehors, le v<strong>en</strong>t atteint desvitesses que les locaux n’ont jamais vues.L’arrivée de l’eauÀ 19h30, alors que la nuit est particulièrem<strong>en</strong>t d<strong>en</strong>se, l’eau fait irruption dans la <strong>cabane</strong>. L’heurede la pleine mer est <strong>en</strong>core loin, c’est sûr qu’il va y avoir des dégâts. Adieu pibales et foie gras ! <strong>Le</strong>mobilier léger et les objets fragiles sont juchés <strong>en</strong> hauteur, là où c’est possible. <strong>Le</strong>s deux chi<strong>en</strong>s etles deux chats sont placés sur une table d’où ils veul<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> évidemm<strong>en</strong>t desc<strong>en</strong>dre. Étant<strong>en</strong>t<strong>en</strong>du qu’un chat apprécie l’eau boueuse et salée autant qu’un lapin aime la myxomatose,l’ambiance n’est pas au beau fixe pour personne.Mais il n’y a pas que les animaux à surveiller. En se baissant, à cause d’exceptionnelles rafales dev<strong>en</strong>t, les trois hommes mouillés sort<strong>en</strong>t, afin de choquer et doubler les amarres de l’embarcationdu pêcheur. Trop tard ! <strong>Le</strong> bateau, l’outil de travail, a sombré. Il faut vite rev<strong>en</strong>ir à l’abri. Si l’on peutdire !Même baissé, le triovacille sur la route quisert de digue. <strong>Le</strong> v<strong>en</strong>tsemble vouloir toutemporter. C’est à quatrepattes que s’effectuedésormais la progression,afin de bénéficier deplusieurs points d’appui.Dans la <strong>cabane</strong> inondée,les chi<strong>en</strong>s et les chatsaffolés sont récupérés.Hommes et bêtes seréfugi<strong>en</strong>t alors dans unanci<strong>en</strong> wagon de chemin1 / 4


<strong>Conservatoire</strong> de l'estuaire de la Girondede fer, qui était utilisé comme remise. <strong>Le</strong> wagon est situé sur un point haut et son poids devraitl’empêcher de dériver.Durant ce transfert nocturne, les hommes remarqu<strong>en</strong>t deux véhicules qui dériv<strong>en</strong>t parmi unemultitude d’OFNI (objets flottants non id<strong>en</strong>tifiés). Ce sont leurs voitures qui, bi<strong>en</strong> que “noyées”,sont poussées par l’eau de la Gironde qui déferle dans un bruit dev<strong>en</strong>u assourdissant. La mers’est formée sur ce qui était un havre de paix, et le petit village de pêcheurs est maint<strong>en</strong>ant frappépar les vagues. Des <strong>cabane</strong>s aux toits arrachés s’affaiss<strong>en</strong>t. C’est désormais dans 1,20 m d’eaufroide que les trois sinistrés transis et glacés pouss<strong>en</strong>t leurs véhicules afin de les faire échouerderrière une <strong>cabane</strong>, sur une partie haute. C’est sur une dépanneuse qu’ils repartiront quelquesjours plus tard.Un quartier dévasté.L’eau, qui grimpe toujours, inonde le village dévasté. Poussé par un v<strong>en</strong>t viol<strong>en</strong>t et des vaguesdev<strong>en</strong>ues énormes, un chalutier v<strong>en</strong>ant d’on ne sait où, est projeté par-dessus la digue de terre.Dans sa dérive, il percute des <strong>cabane</strong>s <strong>en</strong>core debout et il les couche, avant de terminer sa coursedans la haie d’une prairie inondée. <strong>Le</strong>s charlatans qui avai<strong>en</strong>t prévu la fin du monde au passagede l’an 2000 aurai<strong>en</strong>t-ils vu juste ?Dans l’obscurité du wagon, ce n’est pas l’ambiance des grands jours. <strong>Le</strong>s g<strong>en</strong>s grelott<strong>en</strong>t, tandisque les animaux transis et terrorisés, manifest<strong>en</strong>t leur désarroi. Puis l’eau fait son apparition sousla porte. Horreur ! Ce n’est pas possible ! <strong>Le</strong>s sinistrés se demand<strong>en</strong>t s’ils ne sont pas filmés pourun film d’Hitchcock. <strong>Le</strong> liquide boueux se répand sur le sol et comm<strong>en</strong>ce à grimper. Un lit de1,40 m est surélevé et c’est sur cet espace restreint mais resté sec que le quatuor surveille lamontée de l’eau. Si elle persiste à progresser de la sorte, il est conv<strong>en</strong>u de se réfugier sur le toit duwagon, <strong>en</strong> att<strong>en</strong>dant le desc<strong>en</strong>dant qui ne devrait plus tarder.2 / 4


<strong>Conservatoire</strong> de l'estuaire de la GirondeÀ chat perchéPuis, le jusant tant att<strong>en</strong>du se fait s<strong>en</strong>tir. Merveilleux petit jusant ! À cinq heures, dans la nuit noire,les quatre “robinsons” hagards se risqu<strong>en</strong>t à affronter p<strong>en</strong>dant un instant le v<strong>en</strong>t pour jeter un coupd’œil et constater l’ét<strong>en</strong>due des dégâts. <strong>Le</strong>s chi<strong>en</strong>s gémiss<strong>en</strong>t, tandis qu’un chat se réfugie sur unarbre resté debout. Il sera récupéré dans l’après-midi, au prix d’une inénarrable pati<strong>en</strong>ce et aprèsplusieurs heures d’efforts.Dès potron-minet, le quatuor désemparé, abruti par la fatigue, le sommeil, le v<strong>en</strong>t, l’angoisse et lesévènem<strong>en</strong>ts, observe un spectacle de désolation . Tous se demand<strong>en</strong>t où sont les priorités. Parquoi faut-il comm<strong>en</strong>cer ? Ils sont seuls, sans moy<strong>en</strong>s de communication, sans eau potable. Ilsresteront ainsi durant 48 heures. Sur les 22 <strong>cabane</strong>s qui composai<strong>en</strong>t l’anci<strong>en</strong> village de pêcheursde “créacs”, la moitié sont détruites et toutes les autres abîmées. Toutes les embarcations quin’ont pas coulé, ont quitté le ch<strong>en</strong>al ; certaines ont disparu, d’autres sont échouées au gré desdérives. Tous les carrelets ont été arrachés et emportés. La route est ravinée, jonchée de troncsd’arbres, d’épaves, de roseaux et d’une multitude de débris. Des tonnes de chasse v<strong>en</strong>ues duMédoc, <strong>en</strong>combr<strong>en</strong>t ce qui fut une chaussée. <strong>Le</strong>s deux véhicules sont hors d’usage, bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du.Il n’est plus possible de fuir.Un spectacle de désolationDans les Pyrénées, Jany est folled’inquiétude <strong>en</strong> appr<strong>en</strong>ant qu’il y a eudes morts <strong>en</strong> Saintonge. Son épouxétant gradé chez les pompiersbénévoles, elle appelle vainem<strong>en</strong>tdiverses casernes ainsi que des militaires.Sur le secteur, les communicationssont coupées et l’intrépideépoux, qui a pris des allures declochard, n’est pas prioritaire. On nesait pas ce qu’il est dev<strong>en</strong>u. Janycontinue d’appeler avec une anxiétécroissante. Elle t<strong>en</strong>te de passer parPau, Mont<strong>en</strong>dre, Saint-Ciers-du-Taillon, Mirambeau, Cazaux… <strong>Le</strong>s lignes téléphoniques sont ausol, les voies d’accès à l’estuaire sont <strong>en</strong>combrées par des dizaines de tonnes de débrishétéroclites ; on n’a pas de nouvelles des sinistrés de <strong>Charron</strong>. Un hélicoptère passe, à deuxreprises, sans apercevoir les signaux pourtant conv<strong>en</strong>tionnels que lui adresse Claudio.3 / 4


<strong>Conservatoire</strong> de l'estuaire de la GirondeÀ <strong>Charron</strong>, avec l’arrivée du jour, les rescapés retrouv<strong>en</strong>t peu à peu le moral. Disons quel’angoisse devi<strong>en</strong>t moins oppressante. <strong>Le</strong>s dégâts sont énormes (<strong>cabane</strong>s, bateau, véhicules)mais les g<strong>en</strong>s ne craign<strong>en</strong>t plus pour leur vie. Ils s’organis<strong>en</strong>t comme ils peuv<strong>en</strong>t, avec les moy<strong>en</strong>sdu bord. La <strong>cabane</strong> de Claudio est détruite ; il rassemble des objets présumés être récupérables :lit, évier, quelques meubles. <strong>Le</strong> wagon servira de QG. Un réfrigérateur non ouvert est rempli estdécouvert. Quelle aubaine ! on s’alim<strong>en</strong>tera avec son cont<strong>en</strong>u. Foie gras, bûche, champagne,fir<strong>en</strong>t partie de l’ordinaire p<strong>en</strong>dant prés de deux jours.Dans ce spectacle de désolation, où l’<strong>en</strong>traide devrait régner, il ne faut pas passer sous sil<strong>en</strong>ce laprés<strong>en</strong>ce de charognards. Alors que des charognards à deux ailes se r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t utiles, <strong>en</strong> participantau nettoyage de l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t, d’autres charognards, au volant de véhicules 4×4 et defourgons, ont précédé les secours et emporté tout ce qui pouvait l’être. Honte à eux ! Claudio, dontle réfrigérateur a disparu avec notamm<strong>en</strong>t un bocal cont<strong>en</strong>ant un kilo de foie gras, aimerait bi<strong>en</strong>que ceux qui ont dégusté le cont<strong>en</strong>u lui rapport<strong>en</strong>t le bocal. Il était consigné.Témoignage recueilli par Claude Businelliauprès de Claudio Laborde(1) Annexe : Port <strong>Charron</strong> et… Port <strong>Charron</strong>« Depuis des déc<strong>en</strong>nies est <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ue la confusion sur la dénomination dusite souv<strong>en</strong>t dit Port-<strong>Charron</strong> (point P sur le plan). <strong>Le</strong> “vrai” Port-<strong>Charron</strong>est situé à la naissance d’un ch<strong>en</strong>al sur la commune de Saint-Sorlin.“Notre” Port-<strong>Charron</strong> est l’aménagem<strong>en</strong>t réalisé autour de la grandeécluse depuis les années cinquante, sur la commune de Saint-Thomas. <strong>Le</strong> petit port qui existe aujourd’hui avec ses baraquem<strong>en</strong>ts <strong>en</strong><strong>bois</strong>, sur la zone dénommée officiellem<strong>en</strong>t “Grange d’Allouet”, n’est doncpas Port-<strong>Charron</strong> (situé un peu plus au sud). En fait, jusqu’à ce jour cepetit port sur la commune de Saint-Thomas n’a toujours pas de nom, c’estpourquoi il n’est pas nommé sur les cartes actuelles (laissé comme siteinexistant). <strong>Le</strong>s pêcheurs professionnels sur l’estuaire l’ont parfois appelé“Port Neuf” ; mais d’autres le nomm<strong>en</strong>t “<strong>Le</strong>s Nouvelles Écluses”. Il fautbi<strong>en</strong> le nommer... »Extrait de Saint-Thomas-de-Cônac, une histoire <strong>en</strong> bord d’estuaire, Dominique Rousseau, autoédition4 / 4

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!