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XYZep n° 27 - Centre Alain Savary

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entretienNaissance d’une école populaire ?Au groupe scolaire Concorde de Mons-en-Barœul (59), l’inspecteur de la circonscription, les enseignants et leschercheurs nous ont longuement parlé d’une expérimentation pédagogique assez rare : depuis 2001, tous les enseignantsde ces deux écoles mettent en œuvre la pédagogie Freinet et les effets de leur travail sont évalués par une équipe dechercheurs en sciences de l’éducation de l’université Lille 3 (laboratoire THEODILE). Voici la synthèse que nous avonsfaite d’un passionnant échange avec eux. Pour en savoir plus, n’hésitez pas à vous plonger dans leurs différents écrits…Du côté de l’inspecteurde la circonscriptionIl est intéressant de faire connaître cetteexpérience parce qu’elle montre que l’expérimentationbien contrôlée – c’est-à-direlimitée dans le temps et évaluée – peut êtrebénéfique. Dans cette école expérimentale,la pédagogie Freinet est mise en œuvre,depuis la maternelle jusqu’au CM2, par desenseignants qui sont tous arrivés en mêmetemps, par dérogation au mouvement desprofesseurs d’école. C’est assez rare. C’estle résultat d’une ferme détermination et delongues négociations avec l’administration,avec les syndicats, avec les parents d’élèveset aussi avec l’ICEM Nord-Pas-de-Calais(Institut coopératif de l’école moderne).Dans ce quartier et dans cette école, la viescolaire s’était beaucoup dégradée, violenceet mauvais résultats scolaires. La situation dece secteur, ingrate, semblait sans issue. Nousavions donc déposé un projet d’expérimentationauprès de l’inspecteur d’académie. C’estbien l’institution qui a installé l’expérience etqui a souhaité une évaluation de la part d’uneéquipe de chercheurs. Au départ, les enseignants(proposés par l’ICEM) ne connaissaientpas les chercheurs qui, eux-mêmes, n’avaientpas de liens avec ce mouvement pédagogique.Pour ces enseignants militants il s’agissait d’unevéritable prise de risque. L’expérience montreque des militants peuvent entrer dans unedémarche institutionnelle et évaluative sansperdre leur âme !Comme la question était : « Est-ce qu’unepédagogie, comme la pédagogie Freinet,convient aux plus déshérités ? », il a fallu êtretrès vigilant pour garder les élèves du quartier.En effet, les pédagogies « alternatives » atti-Entretien réalisé avecSylvain Hannebique (enseignant)Marcel Thorel (enseignant)Pascale Calcoen (enseignante)Jean-Robert Ghier (inspecteur de l’éducation nationale)Yves Reuter (universitaire, responsable de la recherche)Cora Cohen (universitaire, didactique des sciences)Anne-Marie Jovenet (universitaire, clinicienne)Dominique Lahanier-Reuter (universitaire, didactique desmathématiques)rent prioritairement une population favoriséeou, au contraire, des élèves en très grandedifficulté envoyés par d’autres écoles qui n’arriventplus à faire face. De plus, ce genred’expérience inquiète les milieux populaires.Certains parents s’en sont émus. Ainsi, iln’était pas question, au départ, de modifier lastructure même de l’école et de rompre avecla forme classe, les parents avaient besoin deces points de repères.Ce type d’expérience est très fragile et ilfaut être attentif pour se faire accepter parle milieu au sens large : parents, collèguesdes autres écoles ou du collège, institution,mairie, etc. L’équipe enseignante a vraimentjoué le jeu aux différents niveaux.Aujourd’hui, en tant qu’inspecteur, j’ai desraisons d’être satisfait car les résultats sontinespérés au vu de la situation initiale (augmentationsdes acquisitions des élèves etréduction des actes de violence), de pluscette expérimentation a eu un effet dynamisantsur les écoles du secteur.Du côté des enseignantsPour nous enseignants, la pédagogie Freinetest une pédagogie de la rupture. En simplifianton peut dire que « la vie entre à l’école etque l’école va vers la vie ». Au quotidien, celasignifie que nous partons de l’expression desenfants, de leur vécu, de leurs productions etque nous les relions à la culture scolaire, auxprogrammes, au patrimoine culturel extérieur.Entre les productions des enfants et les savoirsscolaires, nous faisons des liens même si celareste toujours en tension. Ce qui est de l’ordrede la vie sociale de l’école, de la régulation desconflits passe en second et est toujours en lienavec la mise au travail des élèves, leur rapportau savoir et leurs apprentissages.Ces conceptions engagent de profondesmodifications des pratiques pédagogiqueset une certaine prise de risque. La postureest anxiogène : il faut un étayage fort pourpouvoir accueillir l’événement, ce qui vavenir, les productions des élèves. La miseen œuvre de ce type de pédagogie a étérendue possible par le travail d’équipe quiest très important ici. De la maternelle auCM2, nous sommes tous des professionnelsexpérimentés, avec un projet clair etune ferme volonté de travailler ensemble.Nous sommes également en recherche permanente,avec beaucoup de co-formationet de formation continue. Pour innover, laconfiance est essentielle : confiance dansl’équipe, confiance dans l’institution. Cesconditions sont réunies ici, ce n’est pas lecas partout. Nous revendiquons l’évaluationmême si ce n’est pas facile, et même si l’onpeut se demander pourquoi nous serionsplus évalués que les autres. Il semble quecette approche affective et sensible desapprentissages évite toute mise à l’écart degamins. Le creuset coopératif de l’école esttrès puissant. Cette pédagogie a transforméle rapport des enfants au travail, aux contenusscolaires et à l’école. Elle a aussi modifiéle rapport des familles à l’école.Du côté des chercheursPour nous chercheurs, le plus caractéristiquedans le travail fait ici, c’est la mise enœuvre d’un principe de base souvent évoquémais très rarement appliqué : « Nul ne peutapprendre à la place de l’élève ». Dans cetteécole, les enseignants ne cherchent pas àtransmettre des savoirs ou des savoir-fairemais véritablement à aider à apprendre etnous avons pu voir les effets tout à fait bénéfiquesde ce mode de travail pédagogique.On dit souvent qu’on ne sait pas grandchosedes effets des pédagogies alternatives.Aujourd’hui, nous avons cinq annéesde recherches, des données multiples qui,globalement, montrent que, s’il n’y a pas demiracle, il y a ces effets qui sont quand mêmeextraordinaires pour cette population d’élèveset c’est suffisamment rare pour être noté.Cette expérience montre qu’il n’y a pas nécessairementséparation et répartition dans letemps entre socialisation et apprentissages.Contrairement à nombre de discours courants,la centration sur les apprentissages a participéà la construction du calme, de la tranquillité.L’expérience montre aussi qu’il n’y a pas d’oppositionentre fonctionnement collectif etindividualisation des apprentissages. Les deuxsont articulés. Les mécanismes pervers que l’onretrouve souvent dans l’individualisation – miseà l’écart de certains élèves, accentuation desdisparités, etc. – ne s’observent pas ici. n <strong>XYZep</strong> | nUMÉRO <strong>27</strong> | mai 2007 |

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