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DISSERTATION SUR L'ANTIMOINE Par LAMY, Docteur en ...

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<strong>DISSERTATION</strong> <strong>SUR</strong> <strong>L'ANTIMOINE</strong><strong>Par</strong> <strong>LAMY</strong>, <strong>Docteur</strong> <strong>en</strong> Médecine de la Faculté de <strong>Par</strong>isChez Lambert RoullandA PARIS,Impr. Libr, ordin. de la Reine, rue, S. Jacques,aux Armes de la Reine.M. DC LXXII.Avec approbation & Permission


Quand à la forme, ils prét<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t faire finir le Procès, & pour cela ils font unnouvel incid<strong>en</strong>t mille fois plus difficile à Juger que le fonds & qui sera lasource d'une infinité d'autres. A-t-on jamais vu que le nombre des incid<strong>en</strong>tsavançait la décision des procès ? Ne reconnaiss<strong>en</strong>t-ils pas maint<strong>en</strong>ant que l<strong>en</strong>otre serait fait sans leur interv<strong>en</strong>tion ?Ils, tâch<strong>en</strong>t de persuader qu'ils agiss<strong>en</strong>t pour le bi<strong>en</strong> de la paix, quand ilsdéclar<strong>en</strong>t la guerre à leur Faculté, ou du moins à la plus grande partie deleurs Confrères, & une guerre qui ne finira jamais si le <strong>Par</strong>lem<strong>en</strong>t n'y donneordre par sa prud<strong>en</strong>ce, <strong>en</strong> remettant les choses <strong>en</strong> l'état qu'elles étai<strong>en</strong>tavant les Requêtes, & <strong>en</strong> déf<strong>en</strong>dant aux mutins d'<strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ter de nouvellessous une grave peine. En v<strong>en</strong>té, Messieurs, les Interv<strong>en</strong>ants qui connaiss<strong>en</strong>tMonsieur Blondel depuis si longtemps, ne devai<strong>en</strong>t pas se laisser sifacilem<strong>en</strong>t surpr<strong>en</strong>dre à ses artifices.Quand au fonds, voici pour moy<strong>en</strong> de leur interv<strong>en</strong>tion qu'elle est laremontrance qu'ils font à la Cour. Ils lui représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t, Qu'on abandonnela doctrine d'Hippocrate & de Gali<strong>en</strong> pour suivre desnouveautés inutiles ou périlleuses qui leur font appréh<strong>en</strong>derque dans peu de temps, c'est-à-dire quand ils seront morts, il n'y aitplus de Médecins capables d'exercer cette profession. Bon Dieuquel zèle prophétique de Messieurs les interv<strong>en</strong>ants? De quoi se souci<strong>en</strong>t-ilsquand ils feront morts? Serai<strong>en</strong>t-ils pas mieux de se bi<strong>en</strong> préparer à cettemort durant leur vieillesse que de troubler le repos de notre vie par dessoins si superflus ? Quels grands miracles font-ils plus que les autres pourfaire appréh<strong>en</strong>der par avance que la Médecine ne meure avec eux ? Où sontles morts qu'ils ont ressuscités par leurs antiquités tant de fois rebattues ?Quels malades avons nous fait mourir par nos prét<strong>en</strong>dues nouveautéspérilleuses ? En vérité c'est une témérité criminelle, & une calomniepunissable de jeter contre nous des soupçons injurieux dans l'esprit desjuges & des peuples par leur téméraire & fausse prophétie ; s'ils sont sihabiles comme ils le veul<strong>en</strong>t persuader aux autres, que ne mett<strong>en</strong>t-ils lamain à la plume & ceux de la profession serai<strong>en</strong>t nos Juges, sans noustraduire au <strong>Par</strong>lem<strong>en</strong>t qui ne peut décider nos différ<strong>en</strong>ts, & qui par saprud<strong>en</strong>ce les r<strong>en</strong>voie toujours devant nous même pour les terminer.En effet comm<strong>en</strong>t veut-on que le <strong>Par</strong>lem<strong>en</strong>t décide sur la question prés<strong>en</strong>te.On dit qu'on abandonne dans nos écoles la doctrine d'Hippocrate & deGali<strong>en</strong>. Nous répondons, sauf correction, que cela n'est pas vrai. Que pour


Nous ne pommes donc pas les destructeurs de la Médecine & l'on ne doitpas appréh<strong>en</strong>der qu'elle périsse dans nos mains, mais il y a un très justesujet de craindre que la Faculté ne soit dans peu de temps, détruite par lesbrouilleries & les divisions dangereuses que Monsieur Blondel y cause, carau lieu que tous les <strong>Docteur</strong>s devrai<strong>en</strong>t s'unir contre lui, comme contre un<strong>en</strong>nemi commun qui trouble notre repos, il s'est fait trois partis, l'un deceux qui favoris<strong>en</strong>t Monsieur Blondel dans son interv<strong>en</strong>tion qui sont <strong>en</strong>petit nombre & qui diminu<strong>en</strong>t tous les jours, parce qu'ils reconnaiss<strong>en</strong>tqu'on les a surpris, & qu'ils ne croyai<strong>en</strong>t pas que la chose fût de si grandeconséqu<strong>en</strong>ce. L'autre de ceux qui s'oppos<strong>en</strong>t à Monsieur Blondel, & quiveul<strong>en</strong>t empêcher la ruine de la compagnie qu'il tâche de r<strong>en</strong>verser ; Letroisième de ceux qui pour paraître plus sages que les autres ne pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>taucun parti & revi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t point aux assemblées. Qu'arrivera-t-il dans lasuite. Ceux qui s'oppos<strong>en</strong>t à Monsieur Blondel se lasseront d'essuyer seschicanes, & abandonneront le tout pour vivre <strong>en</strong> repos. Cet événem<strong>en</strong>t nelui déplaira pas, le cœur lui tressaillira de joie, quand il verra que touteschoses s'y achemin<strong>en</strong>t. & comme autrefois il v<strong>en</strong>ait tous les jours de la portesaint D<strong>en</strong>is à nos Ecoles pour <strong>en</strong>seigner un seul Ecolier. Il fera souv<strong>en</strong>t lemême chemin pour t<strong>en</strong>ir des assemblées, & faire d'admirables décrets dontil fera le Maître, parce qu'il sera presque tout seul.Ce n'est pas pour faire tort à la compagnie que je publie ceci. Au contrairec'est pour l'exciter à repr<strong>en</strong>dre son lustre, c'est pour réveiller ceux qui sontassoupis dans leur indiffér<strong>en</strong>ce, c'est pour les avertir que les MédecinsEtrangers triomph<strong>en</strong>t de nos désordres, ne pouvant d'eux mêmes nousdonner aucune atteinte; ils voi<strong>en</strong>t avec plaisir que nous procurons notreperte. Aussi j'espère que tous ces Messieurs y feront réflexion & pourterminer nos maux, ils s'uniront pour <strong>en</strong> extirper la racine, après quoi nouspourrons vivre les uns avec les autres dans une heureuse tranquillité, nouspourrons conv<strong>en</strong>ir <strong>en</strong>tre nous de ce qu'on devra mettre dans nos Thèses &<strong>en</strong>seigner dans nos Ecoles, <strong>en</strong> telle sorte que les <strong>Docteur</strong>s ai<strong>en</strong>t une libertéhonnête de dire leurs s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts, & ne pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pas aussi un effort quipourrait les égarer.C'est à ce dessein que j'ai fait cet avis au Lecteur qui pour être trop long nesera peut-être pas trop <strong>en</strong>nuyeux. Je le finis par le témoignage dereconnaissance que je dois à Monsieur Martel Maître Apothicaire à <strong>Par</strong>is, &très bon Artiste <strong>en</strong> Pharmacie <strong>en</strong> Chimie. C'est lui qui m'a fait un grandnombre d'opérations dont j'ai eu besoin pour m'éclaircir de mes doutes, &pour ne ri<strong>en</strong> avancer que je n'eusse vu moi-même.


Approbation de Monsieur Fagon premier Médecin de laReine.LA manière dont Monsieur Lamy explique dans ce petit traité la nature del'Antimoine, & la cause de son principal effet, est aussi probable qu<strong>en</strong>ouvelle. La raison, l'usage de ce minerai, & la Chimie souti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t sonopinion par des preuves presque incontestables ; & la force de sonraisonnem<strong>en</strong>t, l'exactitude de ses expéri<strong>en</strong>ces, & la justesse de son stylejustifi<strong>en</strong>t avec tant de bonne foi cet important remède, dev<strong>en</strong>u égalem<strong>en</strong>tsuspect par les calomnies ou les louanges excessives de ceux qui <strong>en</strong> avai<strong>en</strong>técrit, que je suis persuadé qu'on ne peut ri<strong>en</strong> dire de plus utile ni de plusagréable sur ce sujet.A Versailles ce sixième Juin 1682FAGON.Approbation de Monsieur Moreau premier Médecin deMadame la Dauphine.IL y a bi<strong>en</strong> des années qu'<strong>en</strong> se servant de l'Antimoine toute la Médecine areconnu que l'on le pouvait mettre <strong>en</strong> usage aussi innocemm<strong>en</strong>t,qu'utilem<strong>en</strong>t. Monsieur Lamy dans cet ouvrage qu'il donne au public,ajoutant de nouvelles, mais de très bonnes raisons tirées des principes de ceminerai a une expéri<strong>en</strong>ce si bi<strong>en</strong> établie fait qu'il ne doit plus rester aucunedifficulté à l'esprit pour continuer à l'estimer un de nos meilleurs remèdes.Ainsi je ne puis m'empêcher de louer & d'approuver son travail, & de croirequ'il sera reçu avec une satisfaction publique.Faits Versailles ce sixième Juin 1682MOREAU.Approbation de Monsieur Bonnet Médecin ordinaire dela Reine.Les raisons de Monsieur Lamy pour prouver l'innoc<strong>en</strong>ce & l'utilité del'Antimoine sont si naturelles & si fortes, les expéri<strong>en</strong>ces des plus habilesMédecins de l'Europe & celles qu'il a fait lui-même sur ce minerai sont bi<strong>en</strong>établies & si convaincantes, qu'il n'y a nulle appar<strong>en</strong>ce qu'il se trouve


désormais personne qui puisse après avoir lu son Livre douterraisonnablem<strong>en</strong>t de la bonté de cet excell<strong>en</strong>t remède.Faits Versailles ce 7.Juin 1682BONNET.Avis au Lecteur sur le chapitre douze de la premièrepartie.Quelques uns de mes amis pour qui j'ai beaucoup de défér<strong>en</strong>ce m'onttémoigné que l'on pourrait mal interpréter ce que je dis dans le Chapitredouze de ce Livre, touchant les personnes qui se port<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>, & qui parconséqu<strong>en</strong>t ne doiv<strong>en</strong>t point faire de remèdes. Ils prét<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t que celapourrait nuire à ceux qui <strong>en</strong> ont besoin pour s'empêcher de dev<strong>en</strong>irmalades. Ce n'est pas assurém<strong>en</strong>t mon dessein, je blâme seulem<strong>en</strong>t ceux quipr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t des remèdes sans aucune nécessité & sans avoir un sujetraisonnable de craindre une maladie, ce qui laisse la liberté à tous lesMédecins d'<strong>en</strong> ordonner à ceux qu'ils gouvern<strong>en</strong>t toutes les fois qu'ils letrouveront à propos.Approbation de Monsieur Cressé, <strong>Docteur</strong> <strong>en</strong> Médecinede la Faculté de <strong>Par</strong>is.L'Expéri<strong>en</strong>ce n'avait jusqu'à prés<strong>en</strong>t que trop fait voir l'innoc<strong>en</strong>ce del'Antimoine, mais on n'avait point <strong>en</strong>core découvert les raisons physiquespar lesquelles on la peut prouver. C'est de quoi l'Auteur me parait s'êtreadmirablem<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> acquits dans cet ouvrage, que personne à mon s<strong>en</strong>s nepourra lire avec toute l'att<strong>en</strong>tion qu'il mérite, sans être obligé de reconnaîtrede bonne foi qu'il n'y a ri<strong>en</strong> dans ce remède qui se ress<strong>en</strong>te de la nature dupoison. L'on lui <strong>en</strong> est d'autant plus redevable qu'il a bi<strong>en</strong> voulu y travailler& le r<strong>en</strong>dre public <strong>en</strong> un temps auquel quelques personnes étai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tréesdans le pernicieux dessein de nous troubler <strong>en</strong>core sur ce sujet, & de fairerevivre un doute détruit depuis un assez longtemps par le cons<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>tunanime de tout ce qu'il y a de Médecins dans l'Europe. Je finirai cejugem<strong>en</strong>t sincère que je porte du Livre de Monsieur Lamy <strong>en</strong> disant quel'on le doit d'autant plus estimer qu'il est tout nouveau d'un bout à l'autre,& qu'au lieu que la plus part des autres ouvrages que nous voyons ne sontqu'un amas de vieilles p<strong>en</strong>sées mille fois rebattues, ailleurs, l'on peutassurer que celui-ci se doit tout <strong>en</strong>tier à la personne qui s'est bi<strong>en</strong> vouludonner la peine de le composer.


CRESSE.<strong>DISSERTATION</strong> <strong>SUR</strong> <strong>L'ANTIMOINE</strong>PREMIERE PARTIEDe la nature de l'Antimoine & de ses effets.CHAPITRE I.L'Antimoine est un minéral composé d'un soufre à peuprés semblable au commun, & d'une substancemétallique.Tous les corps qui s'<strong>en</strong>g<strong>en</strong>dr<strong>en</strong>t par coagulation dans les <strong>en</strong>trailles de laterre, & qui s'augm<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t par une addition extérieure de parties s<strong>en</strong>sibles &de même nature, s'appell<strong>en</strong>t minéraux qui sont simples ou composés. Lessimples sont ceux qui ne sont point composés d'autres minéraux, quoiqu'ilssoi<strong>en</strong>t composés d'autres corps qui sont leurs principes, comme le Selgemme, l’Alun, le Soufre. Les minéraux composés sont ceux dans qui l'ontrouve deux ou plusieurs minéraux simples ; comme le Cinabre naturel, quiest composé de Soufre commun, & de Mercure, que l'on peut aisém<strong>en</strong>tséparer l'un de l'autre.Les minéraux simples peuv<strong>en</strong>t se réduire sous quatre g<strong>en</strong>res ; Les pierresqui font précieuses, ou communes; Les Sels, comme l'Alun, le Vitriol, leNitre ; les minéraux inflammables, comme le Soufre & les Bitumes ; & lesmétaux, comme l'Or & l'Arg<strong>en</strong>t. On peut douter à la vérité si les métaux nesont point composés d'autres minéraux ; mais comme on n'a <strong>en</strong>core pujusqu'ici les détruire, ni faire voir de quoi ils sont composés, ce n'est pas unegrande faute de les mettre au nombre des minéraux simples, d'autant plusque, quelques-uns d'eux, comme le Mercure, <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t dans la compositiond'autres minéraux.On doit mettre au nombre des minéraux composés les Marcassites, leCinabre & l'Antimoine. On pourrait peut-être y ajouter les Vitriols, puisqueplusieurs prét<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t qu'ils sont composés d'un sel, & de quelque métal, soitfer ou cuivre ; mais ceci n'étant point absolum<strong>en</strong>t de mon sujet, je ne m'yarrêterai pas.Je dirai seulem<strong>en</strong>t qu'il n'y a qu'à examiner les diverses préparations del'Antimoine, pour connaître clairem<strong>en</strong>t qu'il est composé d'un soufre assez


semblable au soufre commun, & d'une substance métallique plus admirablepour ses effets que toutes les autres, quoiqu'elle ne soit pas la plusprécieuse.Sans rapporter ici toutes les diverses préparations d'Antimoine, je mecont<strong>en</strong>terai, pour prouver ce que j'avance, de faire remarquer de quellemanière on fait le Régule & le Cinabre.Pour faire le Régule d’Antimoine, on pulvérise de l'Antimoine, du Tartrecrû, & du Salpêtre raffiné, que l'on mêle exactem<strong>en</strong>t, & que l'on jette <strong>en</strong>suitepar cuillerées dans un creuset rougi <strong>en</strong>tre les charbons. Il se fait à chaquefois une détonation, c'est-à-dire un bruit semblable à celui que fait lapoudre à canon quand on la jette dans le feu : or ce bruit arrive par l'uniondu Tartre, du Nitre & du Soufre de l'Antimoine, qui <strong>en</strong> s'<strong>en</strong>flammant leproduis<strong>en</strong>t, de la même manière que dans la poudre fulminante, qui estcomposée de Nitre, de Sel de Tartre, & de Soufre commun : & c'est par cemoy<strong>en</strong> que la substance métallique de l'Antimoine est débarrassée d'unepartie de son Soufre. Mais comme il <strong>en</strong> reste <strong>en</strong>core, afin d'avoir un réguleplus pur, on pulvérise le Régule fait par cette première préparation, on lefait fondre dans un creuset, & l'on y jette un peu de Salpêtre qui s'<strong>en</strong>flamme; ce qui n'arriverait pas, s'il n'y avait <strong>en</strong>core du Soufre dans ce premierRégale, qui par ce moy<strong>en</strong> est <strong>en</strong>levé : car le Salpêtre ne s'<strong>en</strong>flamme jamaissans le mélange d'un Soufre, soit minéral, soit végétal.On connaît manifestem<strong>en</strong>t par cette préparation, qu'il y a dans l'Antimoineun Soufre & une substance métallique, dont on est <strong>en</strong>core plus parfaitem<strong>en</strong>tconvaincu par la manière de faire le Cinabre d'Antimoine <strong>en</strong> même tempsqu'on <strong>en</strong> fait le beurre.Lorsque l'on veut faire le beurre d'Antimoine , on se sert ou d'Antimoinecrû, ou de son Régule, que l'on mêle avec du Sublimé corrosif ; & dansl'opération le Mercure du Sublimé, par l'action du feu, est contraint dequitter les esprits acides du Sel & du Vitriol, qui sont plus fixes que lui, &qui s'uniss<strong>en</strong>t à la substance métallique de l'Antimoine, d'où provi<strong>en</strong>t lebeurre ou l'huile glacial., Or il faut remarquer que quand on se sertd'Antimoine crû, le Mercure s'embarrassant dans le Soufre de l'Antimoine,& se joignant avec lui, forme le Cinabre : mais quand on emploie le Régulepour faire le beurre d 'Antimoine, on retire un Mercure coulant, & point deCinabre, parce que le Régule se fait, comme nous v<strong>en</strong>ons de dire, par laséparation du Souffre de l'Antimoine d'avec sa substance métallique ; ce quifait que n'y ayant plus de Soufre dans ce Régule, ou pour le moins n'y <strong>en</strong>ayant pas assez, le Mercure dans cette préparation, demeure coulant sans


former un Cinabre. C'est donc une chose évid<strong>en</strong>te & incontestable qu'il y adans l'Antimoine une substance métallique, & un Soufre que l'on juge être àpeu prés semblable au Soufre commun, par la ressemblance de leur odeurquand on les brûle, & parce qu'il réduit, comme le commun, le Mercure <strong>en</strong>Cinabre.CHAPITRE II.Des vertus de l'Antimoine cru.Il n'y a point, que je sache, de Médecins avant <strong>Par</strong>acelse, qui ai<strong>en</strong>t donnéintérieurem<strong>en</strong>t l'Antimoine, ni qui par conséqu<strong>en</strong>t ai<strong>en</strong>t connu ses vertusadmirables, & ses effets surpr<strong>en</strong>ants. La Chimie n'était point <strong>en</strong>core v<strong>en</strong>ueau secours de la Médecine, ou pour le moins s'il est vrai qu'il n'y ait ri<strong>en</strong> d<strong>en</strong>ouveau sous le Soleil, & que les choses qui nous paraiss<strong>en</strong>t nouvelles,ag<strong>en</strong>t déjà été dans des siècles éloignés de nous ; il est constant que laChimie n'a point été connue des Médecins durant très longtemps. Orcomme c'est par son moy<strong>en</strong> que l'on a découvert que l'Antimoine est unexcell<strong>en</strong>t remède pour faire sortir hors du corps les humeurs qui le r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>tmalade, il ne faut pas s'étonner si les Médecins des siècles passés, faiblesfaute de ce secours, ne s'<strong>en</strong> sont point servis comme d'un médicam<strong>en</strong>t qu'onpût employer au dedans. Il n'<strong>en</strong> a pas été de même pour le dehors ; Ils l'ontrecommandé comme très salutaire pour empêcher les excroissances dechair, pour cicatriser les ulcères, & <strong>en</strong> particulier pour nettoyer & guérirceux qui arriv<strong>en</strong>t aux yeux. C'est le témoignage qu'<strong>en</strong> donne Dioscoride, &Gali<strong>en</strong> après lui, qui l'a toujours fort fidèlem<strong>en</strong>t suivi dans tout ce qu'il a ditdes vertus des médicam<strong>en</strong>ts simples.On se sert maint<strong>en</strong>ant de l'Antimoine cru <strong>en</strong> décoction, & l'on prét<strong>en</strong>d quecette décoction est sudorifique ; ce qui ne parait pas assez bi<strong>en</strong> prouvé parl'expéri<strong>en</strong>ce, pour l'assurer, ou pour <strong>en</strong> demeurer d'accord : au contraire, ilsemble que l'eau commune ne peut dissoudre ni le Soufre de ['Antimoine,ni sa substance métallique ; mais toujours il est certain que cette décoctionest <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t innoc<strong>en</strong>te, & qu'elle n'a pas d'effets plus méchant que l'eautoute simple. Il faut pourtant remarquer que si avec l'eau, <strong>en</strong> faisant ladécoction, on mêlait quelque chose d'acide, elle pourrait dev<strong>en</strong>ir vomitive,parce que cette liqueur acide serait capable de dissoudre quelquesparticules de la substance métallique de l'Antimoine. Je fais cetteobservation pour détromper ceux qui croi<strong>en</strong>t que l'Antimoine à besoin depréparation pour être vomitif. J'ai été autrefois moi-même dans cettep<strong>en</strong>sée, m'imaginant que la substance métallique de l'Antimoine cru nepouvait être dissoute : ni par l'acide de l'estomac, ni par celui du vin & des


autres sucs acides des plantes, à cause de la grande quantité de Soufre quipouvait faire obstacle à leur action. Mais comme je me défie toujours demes raisonnem<strong>en</strong>ts aussi bi<strong>en</strong>s que de ceux des autres, quelque justes qu'ilsme paraiss<strong>en</strong>t, quand ils ne sont pas confirmés par l'expéri<strong>en</strong>ce, ayant faitdessein d'écrire de' cette matière, j'ai voulu m'<strong>en</strong> éclaircir. Pour cet effet, jefis mettre <strong>en</strong> digestion durant quelques heures, de l'Antimoine crû dans duvin, dont je donnai quatre onces à un Malade que je jugeais avoir besoind'émétique. Il vomit assez considérablem<strong>en</strong>t, fut à la selle, guérit fortheureusem<strong>en</strong>t d'une fièvre double tierce qu'il avait depuis neuf mois. J'aifait pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong>core deux ou trois fois depuis de ce même vin, qui a toujoursfait la même chose que celui qui est préparé avec le crocus ou le verred'Antimoine.CHAPITRE III.Des vertus de l'Antimoine préparé.Toutes les préparations de l'Antimoine t<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t à développer & augm<strong>en</strong>tersa vertu vomitive & purgative, ou à l'assoupir & le r<strong>en</strong>dre Diaphorétique &ainsi l'Antimoine préparé est vomitif & purgatif, ou seulem<strong>en</strong>tdiaphorétique.Il y a plusieurs manières de préparer l'Antimoine vomitif, ou émétique. On<strong>en</strong> fait un Régule, comme j'ai dit ci-devant; & dans cette même préparationon trouve le Soufre doré <strong>en</strong> faisant bouillir dans l'eau commune les scoriesqui se r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t au-dessus du régule, & précipitant par le vinaigre qu'ony jette, ce qui a été dissout dans l'eau bouillante. On fait <strong>en</strong>core un autreRégule avec le mars ou le fer qui a la même vertu que le premier. Le verred'Antimoine se fait sans addition par une longe calcination, & <strong>en</strong>suite l'onfait fondre cet Antimoine calciné avec un feu très viol<strong>en</strong>t, & on le laisse <strong>en</strong>fusion jusqu'à ce qu'on ait reconnu par le moy<strong>en</strong> d'une verge de fer qu'ontrempe dedans, que la matière est transpar<strong>en</strong>te alors on la verse sur unmarbre bi<strong>en</strong> chauffé, & le verre se congelé. Le foie & le crocus d'Antimoine,qui sont à peu prés la même chose, se font avec parties égales de Nitre &d'Antimoine pulvérisés exactem<strong>en</strong>t mêlés <strong>en</strong>semble, qui après y avoir misle feu, s'<strong>en</strong>flamm<strong>en</strong>t avec un grand bruit. Le feu <strong>en</strong>suite étant éteint, & lamatière refroidie, on trouve des scories au-dessus, & le foie d'Antimoine audessus,qui s'appelle Crocus quand on l'a plusieurs fois mêlé avec de l'eautiède. Tous ces Antimoines ainsi préparés sont vomitifs <strong>en</strong> substance ; maison se sert plus communém<strong>en</strong>t du vin, du sirop, ou du Tartre émétique quel'on fait ordinairem<strong>en</strong>t avec le verre, & <strong>en</strong> effet ils sont plus commodes.


On fait <strong>en</strong>core des fleurs d'Antimoine qui sont sa partie la pus volatile, oula moins fixe qui s'élève par l'action du feu ; & cela nous fait connaître quel'Antimoine ti<strong>en</strong>t le milieu <strong>en</strong>tre le Mercure qui s'élève tout <strong>en</strong>tier parl'action du feu, & la plupart des autres métaux qui sont si fixes, que l'actiondu feu n'<strong>en</strong> peut ri<strong>en</strong> sublimer.La poudre d'Algaroth, qui se fait avec le beurre d'Antimoine, n'estproprem<strong>en</strong>t que le régule de ce minéral dissout par les acides, dont on lesépare par le moy<strong>en</strong> de plusieurs lotions faites avec de l'eau tiède qui secharge de ces acides, & que pour cela, on appelle Esprit de vitriolphilosophique. Les fleurs d'Antimoine & la poudre d'Algaroth sont depuissants vomitifs.L'Antimoine diaphorétique se fait avec trois parties de Nitre & uned'Antimoine pulvérisées, & exactem<strong>en</strong>t mêlées, que l'on jette cuillérée àcuillerée dans un creuset rougi <strong>en</strong>tre les charbons : & quand toute lamatière est dans le creuset, on l'y laisse p<strong>en</strong>dant deux heures, <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>anttoujours un feu très viol<strong>en</strong>t : <strong>en</strong>suite on la jette dans de l'eau, on l'on lalaisse durant quelques heures , après quoi on la lave <strong>en</strong>core plusieurs fois,ou même on s'<strong>en</strong> sert, & plus à propos, comme je dirai autre part, <strong>en</strong> l'étatqu'elle est au forcir du creuset.On peut, <strong>en</strong> faisant cet Antimoine diaphorétique, faire aussi des fleurs, maiscela ne fait pas que dans cette opération l'Antimoine diaphorétique soitdiffér<strong>en</strong>t du premier.Le Bézoard minéral est aussi un Antimoine diaphorétique, dont je feraim<strong>en</strong>tion dans un chapitre particulier.Il était nécessaire à mon dessein de parler <strong>en</strong> peu de mots de cespréparations pour faire concevoir <strong>en</strong> quelle substance de l'Antimoineconsist<strong>en</strong>t principalem<strong>en</strong>t ses vertus. Mais aussi il était inutile d'<strong>en</strong> diredavantage, puisqu'on trouve ces préparations fort bi<strong>en</strong> décrites dansplusieurs Auteurs, à quoi a l'on peut avoir recours.CHAPITRE IV.Les vertus de l'Antimoine consist<strong>en</strong>t principalem<strong>en</strong>tdans la substance métallique.J'ai dit que l'Antimoine est composé d'un Soufre à peu prés semblable aucommun, & d'une substance métallique ; comme le Cinabre est composé de


Soufre & de Mercure ; & la mixtion des deux substances n'est qu'imparfaitedans l'un & dans l'autre de ces minéraux ; de sorte qu'il est aussi facile dedépouiller de son soufre la substance métallique de l'Antimoine d'<strong>en</strong> faireun Régule assez pur, que de réduire le Cinabre <strong>en</strong> Mercure coulant <strong>en</strong>divisant le Soufre & le Mercure qui le compos<strong>en</strong>t. C'est à quoi l'on s'attacheprincipalem<strong>en</strong>t dans toutes les préparations qui développ<strong>en</strong>t ou quiaugm<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t la vertu vomitive & purgative de l'Antimoine.On distingue pour l'ordinaire deux sortes de Soufre dans l'Antimoine crû :l'un externe, semblable au commun, facile à séparer, & qui n'est point del'ess<strong>en</strong>ce de la substance métallique : L'autre interne ess<strong>en</strong>tiel à ce métal, &que l'on ne peut séparer des autres principes qui le compos<strong>en</strong>t. Maiscomme cette p<strong>en</strong>sée touchant le Soufre interne de l'Antimoine est appuyéesur des conjectures assez incertaines, & que je ne veux ici ri<strong>en</strong> avancer donton puisse douter, & qui ne soit démontré par l'expéri<strong>en</strong>ce, je ne décideraipoint si dans le régule ou la substance métallique de l'Antimoine il y a unSoufre qui soit un de ses principes ess<strong>en</strong>tiels. Ce qui me fait garder cettemodération, est que l'on ne peut résoudre l'Antimoine <strong>en</strong> des corps plussimples, non plus que les autres métaux, & que dans toutes les préparationsqui le déguis<strong>en</strong>t, la substance métallique ne se détruit jamais, & l'on peuttoujours lui redonner sa première forme. C'est donc seulem<strong>en</strong>t du Soufreexterne & s<strong>en</strong>sible de l'Antimoine que je parle, & dont je dis qu'on dépouillel'Antimoine dans toutes les préparations qu'on <strong>en</strong> fait pour développer ouaugm<strong>en</strong>ter sa vertu vomitive & purgative.Il est constant que lorsqu'on fait le Régule avec le Tartre, le Nitre &l'Antimoine, la détonation ou le bruit qui se fait, arrive comme j'ai dit, par lemélanges du Soufre qui se sépare de l'Antimoine, & qui s'unissant avec cessels, s'<strong>en</strong>flamme & fait le bruit. Il est <strong>en</strong>core manifeste que le Nitre qu'onajoute une seconde fois à ce premier Régule, ne s'<strong>en</strong>flammerait pas dans lecreuset, s'il ne trouvait <strong>en</strong>core, du Soufre dans ce Régule, qui par ce moy<strong>en</strong><strong>en</strong> est débarrassé. Car le Nitre seul sans mélange de Soufre ne s'<strong>en</strong>flammepoint. Le verre d'Antimoine est un Régule vitrifié ; & par conséqu<strong>en</strong>t <strong>en</strong>coreplus dépouillé de son Soufre. Le foie & le Crocus, qui ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t le milieu<strong>en</strong>tre le Régule & le verre, ont un peu moins de Soufre que le Régule, &davantage que le verre ; & il est évid<strong>en</strong>t qu'ils <strong>en</strong> sont dépouillés par lemoy<strong>en</strong> du Nitre qu'on mêle, comme j'ai dit, à l'Antimoine <strong>en</strong> dose égaledans cette préparation, & qui s'<strong>en</strong>flammant avec ce Soufre l'<strong>en</strong>lèv<strong>en</strong>écessairem<strong>en</strong>t. Il faut ajouter à cela que le verre est le plus viol<strong>en</strong>t de tousles vomitifs qui se tir<strong>en</strong>t de l'Antimoine, parce qu'il n'y reste point ou peude Soufre qui empêche, quand il se r<strong>en</strong>contre, les acides de le bi<strong>en</strong>dissoudre.


De tout ceci il faut conclure que c'est la substance métallique dans quiconsiste la qualité vomitive & purgative de l'Antimoine; & il n'est pasdifficile aussi de prouver que s'il y a dans l'Antimoine diaphorétique unevertu d'atténuer, de fondre & de faire sortir les humeurs par transpiration,elle se trouve dans la substance métallique dont la vertu vomitive a étéassoupie par le Nitre <strong>en</strong> triple dose, ou par l'esprit de Nitre, comme nousdirons dans le Bézoard.Il est certain que dans la préparation de l'Antimoine diaphorétiqueordinaire, le Soufre est <strong>en</strong>levé par une partie du Nitre qu'on y mêle, & s'il<strong>en</strong> reste, son action est empêchée par le Nitre fixe qui demeure, & dans lapréparation du Bézoard minéral qui se fait avec le régule, il cil constant ques'il a quelque action, ce n'est pas au Soufre qu'on doit l'attribuer, qui n'estqu'<strong>en</strong> très petite quantité dans le Régule.On peut objecter que le Souffre doré d'Antimoine est vomitif, & que parconséqu<strong>en</strong>t cette vertu ne se r<strong>en</strong>contre pas seulem<strong>en</strong>t dans la substancemétallique, mais il est aisé de répandre que dans le Soufre doré il y a desfleurs d'Antimoine mêlées, & que le Soufre d'Antimoine sans aucunmélange de substance métallique n'est point vomitif ; puisque celui qu'onretire du Cinabre d'Antimoine ne l'est aucunem<strong>en</strong>t. Ce n'est pas une simpleconjecture qu'il y ait du Régule d'Antimoine dans le Soufre doré, puisque sion le met <strong>en</strong> fusion avec les Sels réductifs, on trouve après l'opération, duRégule dans le creuset, c'est une expéri<strong>en</strong>ce que j'ai faite.Après avoir montré que les principales vertus de l'Antimoine consist<strong>en</strong>tdans sa substance métallique, il fut examiner si elle est capable seule deproduire les effets que nous voyons, ou s'il et besoin qu'elle soit unie àquelque Sel, qui les produis<strong>en</strong>t conjointem<strong>en</strong>t avec elle, & qui seul seraitincapable de les causer.CHAPITRE V.Les métaux n'ont aucune action que quand ils sont unisavec Sels. L'Antimoine est diaphorétique par son unionavec le Sel fixe su Nitre.Tous les métaux, excepté le mercure, ne peuv<strong>en</strong>t seuls & par eux mêmesavoir aucune action sur nous que celle de leur pesanteur. Pour <strong>en</strong> êtreconvaincu il faut distinguer dans les métaux comme dans tous les autres


corps deux sortes de parties, les unes semblables, & les autresdissemblables.Les parties semblables sont de même nature <strong>en</strong>tre elles & avec le tout. Ainsitoutes les gouttes d'une pinte de Lait, sont les parties semblables de ce Lait.Les parties dissemblables sont celles qui diffèr<strong>en</strong>t de nature <strong>en</strong>tre elles & dutout qu'elles compos<strong>en</strong>t le petit lait par exemple, le beurre & le fromagesont les parties dissemblables du lait ; les premières ne sont pointess<strong>en</strong>tielles, on peut <strong>en</strong> ôter une ou plusieurs sans détruire la nature du toutqui reste, les secondes au contraire sont ess<strong>en</strong>tielles, & on ne peut lesséparer les unes des autres sans que le tout périsse.Il est facile de faire voir les parties semblables des métaux, parce qu'on peutles diviser <strong>en</strong> petites particules de même nature comme l'expéri<strong>en</strong>ce lemontre. Mais on n'a pu trouver le moy<strong>en</strong> d'<strong>en</strong> séparer les partiesdissemblables & ess<strong>en</strong>tielles, puisqu'on n'a pu jusque ici les détruire.Personne pourtant ne nie qu'ils ne soi<strong>en</strong>t composés de différ<strong>en</strong>ts principessi étroitem<strong>en</strong>t liés <strong>en</strong>semble, qu'il est difficile ou peut être impossible de lesdésunir. Or les parties semblables des métaux qui sont tous solides, exceptéle mercure sont toutes <strong>en</strong> repos les unes auprès des autres, comme il est aiséà connaître par l'expéri<strong>en</strong>ce & par la nature des corps solides qui consiste<strong>en</strong> ce que les parties qui les compos<strong>en</strong>t soi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> repos.Les parties ess<strong>en</strong>tielles & dissemblables sont aussi nécessairem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> repos,car si elles se mouvai<strong>en</strong>t séparém<strong>en</strong>t elles serai<strong>en</strong>t faciles a désunir ce quiest contraire à l'expéri<strong>en</strong>ce, & de plus les parties semblables étant <strong>en</strong> repos,c'est une nécessité que les dissemblables qui les compos<strong>en</strong>t y soi<strong>en</strong>t aussi,car si ces dernières avai<strong>en</strong>t du mouvem<strong>en</strong>t, elles le communiquerai<strong>en</strong>t auxpremières.Toutes les parties des métaux tant semblables que dissemblables étant <strong>en</strong>repos, sont absolum<strong>en</strong>t sans action, puisqu'on ne peut agir sansmouvem<strong>en</strong>t, & ainsi tous les métaux solides comme j'ai dit aucomm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t de ce Chapitre, ne peuv<strong>en</strong>t avoir aucune action sur nousque celle de leur pesanteur, quand leurs parties ess<strong>en</strong>tielles serai<strong>en</strong>t desSels ou des Soufres fort actifs, ce qu'on ne sait pas, il est certain qu'étantcomme ils font mutuellem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>chaînés, & par leur union presqueconfondus <strong>en</strong> un même corps, ils ne le font aucunem<strong>en</strong>t s<strong>en</strong>tir. Ainsi nousvoyons que l'or & l'arg<strong>en</strong>t quand on <strong>en</strong> avale pass<strong>en</strong>t de l'estomac dans lesintestins, & ressort<strong>en</strong>t avec les excrém<strong>en</strong>ts sans produire aucun effet durantleur séjour, les autres métaux passerai<strong>en</strong>t de même s'ils ne s'unissai<strong>en</strong>t dans


nos corps avec quelques Sels qui s'y attach<strong>en</strong>t, le fer y devi<strong>en</strong>t apéritif decette manière, & il y a lieu d'assurer que la chose est ainsi par les principesque je vi<strong>en</strong>s d'établir & par la préparation Chimique des métaux. Si L'orfulminant est Diaphorétique, c'est par le moy<strong>en</strong> des Sels de l'eau régale qui<strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t dans sa composition. Les cristaux d'arg<strong>en</strong>t ou de Lune sontpurgatifs ou plutôt corrosifs par l'union de l'arg<strong>en</strong>t avec le Sel acide duVitriol ou du Nitre, la pierre infernale est caustique pour la même raison.Le mercure devi<strong>en</strong>t corrosif quand on le sublime avec le Sel commun & leVitriol, & ainsi du reste.Le Régule & le verre d'Antimoine n'acquièr<strong>en</strong>t vraisemblablem<strong>en</strong>t aucunevertu dans leur préparation, mais étant par ce moy<strong>en</strong> séparés du Soufre quise r<strong>en</strong>contre dans l'Antimoine cru, ils devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t mieux disposés à s'uniravec les acides, soit dedans, soit dehors l'estomac. Or ces métaux ontdiffér<strong>en</strong>tes unions suivant la diversité des Sels qui les détermin<strong>en</strong>t,l'Antimoine est vomitif avec l'acide du Vin ou du Tartre, comme nousdirons, & il est diaphorétique avec le Se fixe du Nitre, comme on peut leconnaître <strong>en</strong> examinant sa préparation, qui se fait par mélange de troisparties de Nitre avec une d'Antimoine, que l'on jette cuillerée à cuilleréedans un creuset <strong>en</strong>touré de charbons bi<strong>en</strong> allumés, & toute la matière yétant, on l'y laisse durant deux heures avec un feu très viol<strong>en</strong>t qu'on a soind'<strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ir. <strong>Par</strong> ce moy<strong>en</strong> le Soufre de l'Antimoine & l'esprit de Nitres'exhal<strong>en</strong>t, de manière qu'il ne reste que le Régule d'Antimoine & le Nitrefixe dont une partie demeure exactem<strong>en</strong>t mêlée avec l'Antimoine, & l'autr<strong>en</strong>'y est que superficiellem<strong>en</strong>t attachée, puis qu'on l'<strong>en</strong> sépare par les lotionsqu'on l'<strong>en</strong> retire <strong>en</strong> les faisant évaporer.Mais il faut remarquer <strong>en</strong> passant qu'on ne fait pas bi<strong>en</strong> de laverl'Antimoine diaphorétique qui ne parait avoir aucune vertu, étant prive duNitre fixe qui y est superficiellem<strong>en</strong>t attaché avant qu'on le lave : car aprèsces lotions il ne reste qu'une chaux morte qui ne ferm<strong>en</strong>te point avec lesacides, au lieu que celui qui n'est point lavé y fait une effervesc<strong>en</strong>ceconsidérable, ceux qui ont éprouvé l'un & l'autre, <strong>en</strong> le donnant par labouche ont reconnu la vérité de ce que je dis, & ceux qui voudront l'essayerdans la suite, s'apercevront aisém<strong>en</strong>t de cette différ<strong>en</strong>ce.Ce font donc les Sels qui donn<strong>en</strong>t aux métaux la vertu d'agir, & c'est laChimie qui a trouvé le moy<strong>en</strong> de les joindre : & il faut remarquer que cesSels ont beaucoup, plus de force quand ils sont unis avec les métaux quelorsqu'ils sont seuls, comme on le reconnaît dans le sublimé corrosif qui sefait avec le Mercure, le Vitriol, & le sel commun. On peut pr<strong>en</strong>dre dans unverre d'eau huit ou dix gouttes d'esprit de Sel ou de Vitriol avec un bon


succès, ou du moins sans <strong>en</strong> être incommodé, & l'on n'oserait pas pr<strong>en</strong>dredeux grains de sublimé de Mercure dans une pareille quantité d'eau.CHAPITRE VI.Pourquoi l'Antimoine diaphorétique n'est point vomitif.Ceux qui p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t que l'Antimoine est vomitif à cause d'un Soufre ess<strong>en</strong>tiel& interne qui <strong>en</strong>tre dans sa composition prét<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t que les Sels alcali fixessont capables de détruire ce Soufre, & que les acides au contraire ont lepouvoir de le dissoudre & de le séparer des autres principes qui compos<strong>en</strong>tl'Antimoine, & ainsi quand on a incorporé beaucoup de sel fixe avecl'Antimoine, comme il arrive dans la préparation du diaphorétique minéral,le Soufre étant par ce moy<strong>en</strong> détruit, il n'y a plus de qualité émétique. Maisoutre, comme j'ai déjà dit qu'il n'y a que des conjectures fort incertainespour prouver qu`il y ait dans l'Antimoine un Soufre interne & ess<strong>en</strong>tiel, ils'<strong>en</strong> suivrait que ce métal pourrait être aisém<strong>en</strong>t détruit, soit par les alcalifixes, soit par, les acides ; car si le Sel fixe détruit le Soufre interne del'Antimoine, & si l'esprit acide l'<strong>en</strong> sépare, l'Antimoine n'est plus ce qu'ilétait auparavant, puisque dans l'une dans l'autre manière il a perdu un deses principe ess<strong>en</strong>tiels : sans donc nous arrêter à cette explication qui esttrop incertaine & trop obscure, il faut dire conformém<strong>en</strong>t au principe établidans le Chapitre précéd<strong>en</strong>t, que l'Antimoine étant diaphorétique par lemoy<strong>en</strong> du Sel fixe du Nitre, il est impossible qu'il soit vomitif, parce qu'il nepeut être dissout par l'acide de l'estomac donc l'action est empêchée parleSel fixe du Nitre qui se ferm<strong>en</strong>tant avec cet acide lui ôte la vertu dedissoudre la substance métallique de l'Antimoine, & quand lediaphorétique est lavé, il n'est pas non plus vomitif, d'autant que ce quireste de Nitre fixe est si intimem<strong>en</strong>t uni à la substance de l'Antimoine quel'acide de l'estomac ne peut la pénétrer ni par conséqu<strong>en</strong>t la dissoudre & s'yunir.CHAPITRE VII.Pourquoi l'Antimoine diaphorétique étant longtempsgardé peut dev<strong>en</strong>ir vomitif.Quelques Chimistes assur<strong>en</strong>t que l'Antimoine Diaphorétique gardé troplongtemps devi<strong>en</strong>t vomitif, & ceux qui souti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t que l'Antimoine estvomitif par son Soufre interne qu'ils croi<strong>en</strong>t avoir été détruit par le Nitrefixe sont fort embarrassés pour expliquer comm<strong>en</strong>t cela peut se faire. Ils


dis<strong>en</strong>t pourtant qu'il y a dans l'air un esprit universel, qui se joignant àdiverses matières <strong>en</strong> fait l'âme, la forme ou le principal principe ? Que cetesprit forme différ<strong>en</strong>ts corps & à diverses actions, suivant la diversité desmatières auxquelles il se joint, que s'unissant à certaine matière, il fait levitriol, à une autre il produit le Nitre, & ainsi du reste. Or ils assur<strong>en</strong>t quel'Antimoine diaphorétique qui a été privé de son Soufre interne ou de sonesprit, <strong>en</strong> acquérant un autre par succession de temps, qui est une portionde celui de l'air qui s'insinue dans ses pores, il devi<strong>en</strong>t tel qu'il étaitauparavant, & par conséqu<strong>en</strong>t émétique, comme ils prét<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t de mêmeque, le Colcotar de Vitriol exposé à l'air se charge & se remplît d'un nouvelesprit de Vitriol, & qu'on peut <strong>en</strong> le distillant <strong>en</strong> tirer un esprit semblable àcelui qu'on avait tiré dans la première distillation. Je laisse à chacun laliberté d'<strong>en</strong> croire ce qu'il lui plaira, & je dis sans tant d'embarras que s'il estvrai que l'Antimoine diaphorétique devi<strong>en</strong>ne vomitif pour avoir été troplongtemps gardé, cela arrive vraisemblablem<strong>en</strong>t par la résolution du Selfixe du Nitre qui empêchait l'acide de l'estomac de dissoudre la substancemétallique de l'Antimoine, &, cette résolution arrive peu à peu parl'humidité de l'air ; de la même manière que nous voyons le Sel de Tartre serésoudre <strong>en</strong> une liqueur qu'on appelle improprem<strong>en</strong>t huile de Tartre.CHAPITRE VIII.Du Bézoard minéral & pourquoi il n'est point caustiqu<strong>en</strong>i vomitif.Le Bézoard minéral ressemble assez bi<strong>en</strong> à l'Antimoine Diaphorétique lavéquoiqu'il soit préparé <strong>en</strong> manière bi<strong>en</strong> différ<strong>en</strong>te ; il le fait guère mieuxs<strong>en</strong>tir sur la langue, il ne ferm<strong>en</strong>te point avec les acides, & on lui attribuedes vertus semblable & <strong>en</strong>core plus grandes, à quoi pourtant après avoirexaminé la chose, on n'ajoute pas beaucoup de foi.


Le Bézoard minéral se fait avec le beurre d'Antimoine que l'on fait fondre,& quand il est fondu on jette dessus de l'esprit de Nitre goutte à goutte,jusqu'à ce qu'il soit <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t dissout, <strong>en</strong>suite on fait l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t évaporerla dissolution au feu de sable, tant qu'il ne reste plus qu'une matière sèche& blanche qu'on laisse refroidir, après quoi on jette <strong>en</strong>core dessus de l'espritde Nitre pour le faire évaporer de la même manière, <strong>en</strong>fin on y <strong>en</strong> met<strong>en</strong>core une troisième fois, on l'évapore comme auparavant , après onaugm<strong>en</strong>te le feu, & on calcine la matière durant demie heure.Il y a sujet de s'étonner que ce Bézoard étant fait de beurre d'Antimoinequi est vomitif & caustique à cause des esprits acides du Sel & du Vitrioln'ait ni l'une ni l'autre de ces qualités ; car il semble au contraire qu'elles ydevrai<strong>en</strong>t être plus fortes par l'addition de l'esprit de Nitre, mais si l'on faitréflexion à tous ce qui se passe dans cette opération, on n'aura pas de peineà concevoir comm<strong>en</strong>t cela arrive.Il se fait d'abord une effervesc<strong>en</strong>ce très considérable, dans laquelle uneportion des esprits qui r<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t le beurre d'Antimoine corrosif s'évapore<strong>en</strong> fumée, qui à cause de cela est fort nuisible, & que l'artiste tâche toujoursd'éviter. La même chose continue dans les nouvelles additions &évaporations de l'esprit de Nitre & durant qu'on calcine la matière blanchequi reste après la dernière évaporation ces esprits se détach<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core, car ilfaut remarquer qu'il arrive la même chose à ce composé d Antimoine &d'esprits corrosifs qu'au Vitriol qu'on calcine jusqu'à rougeur, & au Tartrequ'on calcine pour <strong>en</strong> avoir le Sel fixe. Comme dans ces opérations le Vitriol& le Tartre perd<strong>en</strong>t leurs esprits acides & piquants, ainsi l'Antimoine réduit<strong>en</strong> beurre dans la ferm<strong>en</strong>tation qui se fait avec l'esprit de Nitre dans lesévaporations qui la suiv<strong>en</strong>t, & <strong>en</strong>fin dans la calcination est dépouillé de laplus grande partie de ses esprits acides & corrosifs : & ceux qui y rest<strong>en</strong>tpr<strong>en</strong>ant un autre arrangem<strong>en</strong>t avec les parties de l'Antimoine, s'adouciss<strong>en</strong>t& perd<strong>en</strong>t leur corrosion comme les fruits d'acides ou d'austères qu'ilsétai<strong>en</strong>t étant vers, devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t doux par la maturation. Or cette matièrecomposée de la substance métallique de l'Antimoine & du Sel fixé dedanspar l'action du feu est r<strong>en</strong>due si compacte que les parties métalliques nepeuv<strong>en</strong>t être séparées ni dissoutes par l'acide de l'estomac ni par les acidesvégétaux ; & c'est ce qui fait qu'il n'est point vomitif ni <strong>en</strong> substance, ni mis<strong>en</strong> digestion dans le vin, dans le suc de coing, de ribés, ni dans d'autressemblables qui devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pourtant vomitifs avec le régule d'Antimoine oule verre.CHAPITRE IX.


La substance métallique de l'Antimoine devi<strong>en</strong>tvomitive, par son union avec les acides.La substance métallique de l'Antimoine comme nous avons dit ne pourraitagir d'elle même que par sa pesanteur, mais comme elle peut se joindreavec les Sels, elle acquiert dans cette union de nouvelles vertus & de mêmequ'elle est fondante & diaphorétique avec le Sel fixe de Nitre, elle estvomitive avec les acides. Or comme les acides sont minéraux ou végétaux,& que les acides végétaux sont beaucoup plus doux que les acidesminéraux elle est simplem<strong>en</strong>t vomitive avec les premiers, & elle est avec lesderniers tout <strong>en</strong>semble vomitive & caustique. L'expéri<strong>en</strong>ce prouveclairem<strong>en</strong>t ce que j’avance, le beurre d'Antimoine fait avec les acidesminéraux du Sel commun & du Vitriol est vomitif & caustique. LesChimistes convi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t qu'il est un vomitif très puissant, & il y a sujet de lecroire, puisqu'il doit par sa corrosion exciter le vomissem<strong>en</strong>t. Personneaussi ne peut douter qu'il ne soit caustique, son usage particulier étantd'être employé pour ronger les chairs baveuses qui se r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t dans lesulcères : C'est pour cette raison qu'il ne faut jamais s'<strong>en</strong> servirintérieurem<strong>en</strong>t.Quelqu'un pourra s'étonner de ce que je mets l'esprit de Sel au nombre desacides minéraux, il ne faut pourtant pas <strong>en</strong> être surpris ; puisque le Selmarin dont on le tire, est un véritable minéral <strong>en</strong>g<strong>en</strong>dré dans la terre, &dissout par l'eau de la mer, qui pour cette raison est salée & dont on retire leSel commun par cristallisation, ou par évaporation.Les acides des végétaux unis à l'Antimoine, étant comme j'ai dit plus douxle r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t simplem<strong>en</strong>t vomitif sans aucune qualité caustique, ce qui fait quele Vin, le Tartre ni les sucs acides des plantes dans lesquels on fait infuserou bouillir le verre d'Antimoine ne rongerai<strong>en</strong>t pas les chairs baveuses desulcères, comme fait le beurre ou l'huile glaciale, & ce sont aux les émétiquesles plus doux & les plus innoc<strong>en</strong>ts donc que l'on doit employerpréférablem<strong>en</strong>t à tous les autres quand on <strong>en</strong> à besoin.L'acide qui se r<strong>en</strong>contre dans l'estomac, & qui dissout la substancemétallique de l'Antimoine quand on la donne <strong>en</strong> poudre, fait aussi <strong>en</strong>s'unissant avec elle un simple vomitif qui n'est pas caustique ; parce que cetacide est aussi doux que celui des végétaux. Pour concevoir ce que j'avance,il faut observer que l'acide de l'estomac provi<strong>en</strong>t des alim<strong>en</strong>ts que nouspr<strong>en</strong>ons & que ces alim<strong>en</strong>ts sont tirés des plantes ou des animaux, lesminéraux étant absolum<strong>en</strong>t incapables de nous nourrir. Le Sel commun à la


v<strong>en</strong>te est mêlé dans tous nos ragoûts ; mais il n'est point décomposé dansnotre estomac on le retire tout <strong>en</strong>tier des urines, sans qu'il soit altéré <strong>en</strong>aucune manière.CHAPITRE X.Comm<strong>en</strong>t le vomissem<strong>en</strong>t est excité par l'Antimoine, &comm<strong>en</strong>t il purge par les selles.La substance métallique de l'Antimoine unie à l'acide de l'estomac ou àquelque acide tiré des végétaux cause sans corrosion, comme nous avonsdit, une espèce d'irritation dans les fibres du v<strong>en</strong>tricule, qui fait que le fondsse porte vers, les deux orifices & plus fréquemm<strong>en</strong>t vers l'orifice supérieur.Lorsque le fonds se porte seulem<strong>en</strong>t vers l'orifice supérieur, ceux qui ontpris l'Antimoine vomiss<strong>en</strong>t sans aller à la selle, quand il se porte vers lesdeux orifices, & qu'une partie passe dans les intestins, le vomissem<strong>en</strong>tprécède & les selles vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong>suite, par ce que le fond du v<strong>en</strong>tricules'élevant, le chemin est beaucoup plus droit & plus court depuis là jusqu'àla bouche, que jusqu'à la l'anus. Enfin quand l'Antimoine n'agit point surles fibres de l'estomac, ou qu'il n'y agit que comme les purgatifs ordinaires,& qu'il pr<strong>en</strong>d le même chemin, & excite les mêmes mouvem<strong>en</strong>ts dans leshumeurs, il purge seulem<strong>en</strong>t par les selles, ce que j'ai vu arriver plusieursfois dans les mêmes personnes.J'ai vu aussi mais plus rarem<strong>en</strong>t l'Antimoine n'avoir aucune action dans desconjonctures tout à fait contraires, je l'ai donné à des personnes trèsrobustes qui n'ont point vomit, & qui n'ont point été à la Selle, & je l'ai vudonner à des personnes très faibles & prêtes à mourir qui ne l'ont r<strong>en</strong>du <strong>en</strong>aucune manière ; cela arrive <strong>en</strong> effet par des raisons <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t opposées.Dans les corps robustes où il ne fait ri<strong>en</strong>, c'est que les fibres de l'estomac &des intestins sont si fortes, qu'elles ne s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t point l'action de l'Antimoinequi est trop douce pour les émouvoir ; comme nous voyons arriver dans leschevaux que le Crocus d'Antimoine fait seulem<strong>en</strong>t suer, & dans lespersonnes qui vont mourir, elles sont trop faibles pour la s<strong>en</strong>tir & pour s'<strong>en</strong>émouvoir: De façon que c'est employer l'Antimoine aussi inutilem<strong>en</strong>t danscette occasion, que de le faire couler dans l'estomac d'un mort pour leressusciter.Or il ne faut pas s'imaginer que l'Antimoine fasse sortir seulem<strong>en</strong>t, soit parle vomissem<strong>en</strong>t, soit par les selles, les ordures qui sont déjà épanchées &cont<strong>en</strong>ues dans le v<strong>en</strong>tricule & dans les intestins ; mais <strong>en</strong>core celles qui


sont dans toutes les artères qui aboutiss<strong>en</strong>t dans ces parties, & qui ydécharg<strong>en</strong>t des excrém<strong>en</strong>ts de diverse nature, d'où vi<strong>en</strong>t que souv<strong>en</strong>t onvomit & l'on va à la selle par plusieurs fois à une assez grande distancel'une de l'autre, & cela se fait parce que l'Antimoine agit non seulem<strong>en</strong>t surles fibres de ces parties, mais <strong>en</strong>core sur l'extrémité des artères qu'il excite àse dégorger des liqueurs impures & nuisibles quelles conti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t, quicoul<strong>en</strong>t plutôt dans l'estomac & dans les intestins que le sang avec qui ellessont mêlées pour les raisons que j'ai dires dans mes discours Anatomiques.Peut être aussi que l'Antimoine & les autres purgatifs se mêl<strong>en</strong>t dans lamasse du sang, & y excit<strong>en</strong>t une ferm<strong>en</strong>tation qui le dégage de sesimpuretés. Mais soit que ces remèdes agiss<strong>en</strong>t de l'une ou de l'autre de cesdeux manières ou de toutes les deux <strong>en</strong>semble, Il est constant quel'Antimoine purge toute la masse du sang quand il fait aller plusieurs fois àla selle, & quand il fait simplem<strong>en</strong>t vomir, il dégage le v<strong>en</strong>tricule &quelques parties voisines des ordures qu'elles conti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t, & quicorrompant le Chyle, <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t les maladies.CHAPITRE XI.De l'utilité du vomissem<strong>en</strong>t, & de l'avantage d'avoir unvomitif presque toujours sûr.En parlant dans mes discours Anatomiques de la situation des deux orificesdu v<strong>en</strong>tricule à l'égard de son fonds, j'ai fait remarquer l'utilité duvomissem<strong>en</strong>t dans beaucoup de maladies qui doiv<strong>en</strong>t leur première origineaux ordures qui se r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t dans le fonds du v<strong>en</strong>tricule, & que lespurgatifs ne peuv<strong>en</strong>t détacher ni emporter. Mais pour <strong>en</strong> être persuadé plusparfaitem<strong>en</strong>t, il faut remarquer que la plupart des malades s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t deslangueurs, perd<strong>en</strong>t l'appétit, ont même de l'aversion pour les alim<strong>en</strong>ts, &beaucoup se plaign<strong>en</strong>t d'<strong>en</strong>vie de vomir de maux de cœur dont ils s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>tmanifestem<strong>en</strong>t qu'ils serai<strong>en</strong>t soulagés s’ils avai<strong>en</strong>t vomit ce qui lesincommode. L'événem<strong>en</strong>t prouve dans la plupart que leur press<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>test véritable, car s'ils vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à vomir, soit naturellem<strong>en</strong>t, soit parl'émétique, ils se trouv<strong>en</strong>t aussitôt soulagés, & quelque fois tout à faitguéris. Tous les Médecins qui emploi<strong>en</strong>t l'émétique convi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t de bonnefoi de ces effets admirables, & chacun d'eux pourrait produire un grandnombre de malade qui avouerai<strong>en</strong>t sincèrem<strong>en</strong>t qu'ils doiv<strong>en</strong>t leur vie, oudu moins leur santé à ce remède salutaire. En effet si l'on pr<strong>en</strong>d garde auxsymptômes que vi<strong>en</strong>s de dire, & qui apparti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à l'estomac, ondemeurera d'accord qu'ils ne peuv<strong>en</strong>t être produits que par un amasd'ordures épanchées dans sa capacité, ou cont<strong>en</strong>ues dans les artères


dispersées dans sa substance. Ce sont ces impuretés qui affaibliss<strong>en</strong>t ou quiéteign<strong>en</strong>t le levain naturel qui excite la faim & qui fait la dissolution desalim<strong>en</strong>ts, ce sont elles qui embarrass<strong>en</strong>t les esprits qui doiv<strong>en</strong>t s'écouler <strong>en</strong>abondance dans cette partie par le grand nombre de nerfs qui <strong>en</strong> <strong>en</strong>tour<strong>en</strong>tl'orifice ; c'est par ce moy<strong>en</strong> qu’arriv<strong>en</strong>t les maux de cœur, les défaillances &les syncopes. Les bouillons & les autres alim<strong>en</strong>ts que l'on donne auxmalades se corromp<strong>en</strong>t par leur contagion ; & caus<strong>en</strong>t tous les désordresqui arriv<strong>en</strong>t dans le reste du corps, <strong>en</strong> infectant la masse du sang danslaquelle, elles se mêl<strong>en</strong>t. C'est donc épuiser la source des maux <strong>en</strong> beaucoupde r<strong>en</strong>contres, quand on fait vomir un malade, & c'est par ce moy<strong>en</strong>principalem<strong>en</strong>t que l'on décharge la nature de l'importun fardeau quil'accable.L'expéri<strong>en</strong>ce nous montre que non seulem<strong>en</strong>t le vomissem<strong>en</strong>t est utile dansles maladies qui sont accompagnées des symptômes que j'ai décrits ; mais<strong>en</strong>core dans beaucoup d'autres où ils ne se r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t pas, & ou il semblequ'il n'y a aucune indication manifeste de le procurer. Il se trouve desMédecins qui l'excit<strong>en</strong>t dans les Rhumatisme, dans la Goûte, dansl'Hydropisie ; <strong>en</strong> un mot dans la plupart des maladies longues rebelles, &souv<strong>en</strong>t avec un heureux succès. Il ne serait pas même difficile d'<strong>en</strong>rapporter une raison assez vraisemblable, <strong>en</strong> attribuant la plupart desmaladies au vice du levain qui fait la dissolution des alim<strong>en</strong>ts dans lev<strong>en</strong>tricule, & au chyle mal conditionné qui <strong>en</strong> procède : il y a quelquesMédecins qui sans balancer assur<strong>en</strong>t qu'elles <strong>en</strong> naiss<strong>en</strong>t toutes. Mais jetâche de ne ri<strong>en</strong> avancer dans ce traité qui puisse recevoir une contestationraisonnable & qui ne soit appuyé sur des expéri<strong>en</strong>ces qu'on ne peut nier.De tout ceci il faut conclure que puisque le vomissem<strong>en</strong>t est très salutairedans beaucoup de maladies, c'est un très grand avantage d'avoir desvomitifs qui soi<strong>en</strong>t presque toujours sûrs, tels que sont ceux que l'onprépare avec l'Antimoine & la Médecine est très redevable à la Chimie quilui donne ce puissant secours.CHAPITRE XIIDe la prud<strong>en</strong>ce qu'il faut avoir dans l'usage des vomitifs& des autres remèdes.Quoique tous les vomitifs tirés de l'Antimoine soi<strong>en</strong>t d'excell<strong>en</strong>ts remèdes,il ne faut pourtant pas les donner <strong>en</strong> toutes sortes de r<strong>en</strong>contres, ni les fairepr<strong>en</strong>dre sans nécessité. Le vomissem<strong>en</strong>t de quelque cause qu'il provi<strong>en</strong>ne


est toujours fâcheux & difficile à supporter parce que c'est un mouvem<strong>en</strong>tcontre nature qui fait de la peine à tout le monde, & qui fatigue quelque foisétrangem<strong>en</strong>t. Il est de la prud<strong>en</strong>ce du Médecin de n'exciter jamais dans lecorps des mouvem<strong>en</strong>ts extraordinaires quand il peut guérir aussipromptem<strong>en</strong>t & aussi sûrem<strong>en</strong>t par des remèdes qui ne font aucuneviol<strong>en</strong>ce. Ce que je dis ici ne diminua <strong>en</strong> ri<strong>en</strong> l'excell<strong>en</strong>ce de l’Antimoine,puis qu'il faut avoir la même prud<strong>en</strong>ce pour tous les remèdes dont on sesert, & quiconque pêche contre cette loi ne mérite point le nom de Médecin.On n'apporta pas assurém<strong>en</strong>t tant de précaution pour une saignée ou pourles simples laxatifs ; on s'<strong>en</strong> sert quelque fois de gaîté de cœur & sans êtremalade ; mais c'est une erreur qui pour être passée <strong>en</strong> coutume, ne laissepas d'erre dommageable. Il ne faut se faire aucuns remèdes quant on seporte bi<strong>en</strong>, & qu'on ne s<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> dans soi-même qui puisse faireraisonnablem<strong>en</strong>t appréh<strong>en</strong>der de dev<strong>en</strong>ir malade : On doit même négligerles petits maux quand on prévoit qu'ils n'auront pas de fâcheuses suites,nous connaissons trop peu la nature de l'homme pour savoir précisém<strong>en</strong>tce qui lui manque ou ce qui la surcharge dans ces petits désordres, & l'ondoit craindre d'augm<strong>en</strong>ter ses dérèglem<strong>en</strong>ts au lieu de la redresser. Quandon prescrit un remède, quelque innoc<strong>en</strong>t qu'il paraisse, il faut avoir uneraison pour l'ordonner, non pas a la vérité démonstrative & convaincantecomme <strong>en</strong> Mathématique, mais suffisante pour persuader un homme sage& de même poids que celles qui nous font agir dans les affaires civiles,quand on sait certainem<strong>en</strong>t qu'on a des <strong>en</strong>nemis, il faut se mettre <strong>en</strong> état dese déf<strong>en</strong>dre ; mais quand on ri<strong>en</strong> a point, ou qu'on n'a que de légersoupçons d'<strong>en</strong> avoir. Ce serait folie de marcher toujours armé, & de coucheravec son Epée. Ce n'est pas la connaissance des remèdes ni des secretsparticuliers qui font le Médecin, c'est uniquem<strong>en</strong>t la prud<strong>en</strong>ce & la bonneconduite qui dans beaucoup d'occasions consiste à ne ri<strong>en</strong> fais & c'estquelque fois un très excell<strong>en</strong>t remède de n'<strong>en</strong> point faire du tout. Mais quelmoy<strong>en</strong> de persuader cela aux hommes, qui font pour la plupart prév<strong>en</strong>usqu'on ne peut guérir sans remèdes, & que quand un Médecin n'<strong>en</strong> ordonnepas, sa visite est inutile. On ne peut leur faire compr<strong>en</strong>dre que les maladiesdoiv<strong>en</strong>t avoir une certaine durée, & qu'il est bon quelque fois d'att<strong>en</strong>dre depeur de tout gâter. Cette fausse opinion du peuple est cause que quelquesMédecins s'abandonn<strong>en</strong>t à une lâche condesc<strong>en</strong>dance, & il ne s'<strong>en</strong> trouvepas tant que je souhaiterais qui acquièr<strong>en</strong>t & qui conserv<strong>en</strong>t chez lesmalades le crédit & l'empire qu'ils devrai<strong>en</strong>t avoir.SECONDE PARTIEDe la nature des poisons que l'Antimoine n'est point de leur nombre.


CHAPITRE ICe que c'est que poison.Ce que j'ai dit de la nature de l'Antimoine & de ses effets dans la premièrepartie de cette Dissertation devrait assurém<strong>en</strong>t suffire pour détromper ceuxqui jusqu'ici ont eu quelque appréh<strong>en</strong>sion de ce remède, & prév<strong>en</strong>us d'unefausse opinion, ont soupçonné qu'il y a dans l'Antimoine une qualitémaligne, & capable d'empoisonner: Aussi je suis persuadé que les Médecinsqui font leur principal Livre de la nature, & qui sans préoccupations'appliqu<strong>en</strong>t beaucoup plus à l'étudier qu'à lire les Livres des Auteurs,tomberont d'accord avec moi sans qu'il fois besoin d'autres preuves, quel'Antimoine n'approche <strong>en</strong> aucune manière de la nature des poisons.Cep<strong>en</strong>dant pour persuader plus parfaitem<strong>en</strong>t & pour tâcher s'il est possiblede déraciner de l'esprit de quelques-uns qui sont <strong>en</strong>tres petit nombre lap<strong>en</strong>sée qu'ils ont que non seulem<strong>en</strong>t l'Antimoine est un poison, mais aussique la Chimie ne saurait <strong>en</strong> ôter la malignité. Je parlerai <strong>en</strong> peu de motsdans cette seconde partie de la nature & de la différ<strong>en</strong>ce des poisons, & jedémontrerai que l'Antimoine ne peut être rapporté à aucune des espècescont<strong>en</strong>ues sous ce g<strong>en</strong>re.Pour comm<strong>en</strong>cer, il faut faire clairem<strong>en</strong>t connaître et quoi consiste l'ess<strong>en</strong>ce& la nature du poison, & comm<strong>en</strong>t il diffère des alim<strong>en</strong>ts & desmédicam<strong>en</strong>ts altératifs ou purgatifs.L'alim<strong>en</strong>t est tout ce qui peut être dissout par le levain de l'estomac ou parla chaleur naturelle & changé <strong>en</strong> Chyle, pour après dev<strong>en</strong>ir sang & réparerla dissipation qui se fait continuellem<strong>en</strong>t des particules de toutes les partiesqui nous compos<strong>en</strong>t.La nature des médicam<strong>en</strong>ts ne s'accommode point avec la notre & elle esttelle qu'ils sont salutaires aux malades quand ils sont donnés bi<strong>en</strong> à propos; plus ou moins nuisibles quand on <strong>en</strong> use mal, suivant la force de leuraction & la conjoncture plus ou moins fâcheuse, quelque fois trèspernicieux, même mortels si on les donne aux malades tout à fait àcontretemps, comme si l'on faisait pr<strong>en</strong>dre un viol<strong>en</strong>t purgatif dans unevéritable Dys<strong>en</strong>terie ou de l'Opium dans une Léthargie, <strong>en</strong>fin ils seratoujours nuisibles à ceux qui se port<strong>en</strong>t parfaitem<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>, & qui n'ontaucun sujet d'appréh<strong>en</strong>der de dev<strong>en</strong>ir malades, & ils le sont plus ou moinssuivant la force ou la faiblesse de leur action, mais ils ne le force jamaisassez pour faire mourir & la nature d'un homme <strong>en</strong> santé <strong>en</strong> demeuretoujours victorieuse.


Le poison est <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>nemi de la nature de l'homme, il ne fait jamaisde bons effets, le choix des conjonctures & du temps ne peuv<strong>en</strong>t le r<strong>en</strong>dresalutaire, dans h combat qu'il livre quelque santé qu'on ait, il demeurepresque toujours victorieux & son action ne cesse qu'après une <strong>en</strong>tièredéfaite, à moins qu'on ne donne à la nature un secours assez fort & assez àtemps pour s'y opposer ; <strong>en</strong> un mot comme le mouvem<strong>en</strong>t de l'alim<strong>en</strong>t setermine à <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ir notre vie & a nous conserver, celui du poison setermine à diminuer la durée de nôtre vie ; à nous détruire, & à nous tuer.Je ne sais pas si tous les Auteurs convi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t avec moi sur ceci, je ne lispoint leurs Livres <strong>en</strong> écrivant ! Mais par la sérieuse réflexion que je fais farles choses dont je parle, je suis convaincu que les caractères dont je me serspour, faire connaître <strong>en</strong> quoi diffèr<strong>en</strong>t les alim<strong>en</strong>ts, les médicam<strong>en</strong>ts, & lespoisons sont très véritables, & il me paraît difficile d'<strong>en</strong> donner demeilleurs.CHAPITRE II.De combi<strong>en</strong> de manières les poisons peuv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>trer dansle corps.Le plus inévitable de tous les poisons est celui qui peut quelquefois ser<strong>en</strong>contrer dans l'air, comme <strong>en</strong> temps de peste & <strong>en</strong> certains lieux d'ou ilfort une vapeur empoisonnée : Car comme c'est une nécessité de respirer demom<strong>en</strong>t <strong>en</strong> mom<strong>en</strong>t, le poison s'insinue nécessairem<strong>en</strong>t avec l'air dans lesPoumons ; & se r<strong>en</strong>contrant proche le cœur qui est le principe de la vie, &d'ou sort le sang qui se distribue dans toutes les parties, il fait s<strong>en</strong>tir trèspromptem<strong>en</strong>t ses pernicieux effets. Il <strong>en</strong>tre aussi par transpiration avec l'airqui incessamm<strong>en</strong>t nous pénètre, & se mêlant parmi le sang & parmi lesesprits, il détruit <strong>en</strong> peu de temps l'union & l'harmonie des principes quinous compos<strong>en</strong>t.Le poison peut <strong>en</strong>cor <strong>en</strong>trer dans le corps, par le moy<strong>en</strong> d'une plaie, quiquoi que légère & peu considérable <strong>en</strong> elle-même, ne laisse pas d'êtremortelle, à cause du poison qui s'est insinué lorsqu'on la reçue. Ainsi lesflèches empoisonnées, & les Animaux v<strong>en</strong>imeux qui mord<strong>en</strong>t ou quipiqu<strong>en</strong>t comme le Chi<strong>en</strong> <strong>en</strong>ragé, la Vipère, L'aspic, le Scorpion, nous fontmourir par une blessure souv<strong>en</strong>t assez légère.Enfin le poison peut <strong>en</strong>trer dans le corps par la bouche soit <strong>en</strong> buvant, fois<strong>en</strong> mangeant, & c'est la manière ordinaire dont se serv<strong>en</strong>t lesempoisonneurs;


Ces trois manières différ<strong>en</strong>tes dont le poison peut <strong>en</strong>trer dans nos corpssont connues des Médecins, & presque même de tout le monde, on pourrait<strong>en</strong> ajouter d'autres, mais j'aime beaucoup mieux paraître moins exact danscette matière, que de fournir aucune occasion aux méchants de mieuxcacher leurs maléfices. Ce serait imprud<strong>en</strong>ce d'<strong>en</strong> user autrem<strong>en</strong>t, & c'estpour cette raison que dans ce traité le m'absti<strong>en</strong>drai de nommer des poisonsqui ne sont pas connus de tout le monde.CHAPITRE III.De la manière d'agir des poisons qui <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t parrespiration ou transpiration.Les poisons qui <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t dans le corps par respiration ou par transpirationsont mêlés avec l'air naturellem<strong>en</strong>t ou par artifice. Ainsi quand l'air estconsidérablem<strong>en</strong>t corrompu par les cause qu'on nome générales, ou par lesvapeurs qui sort<strong>en</strong>t de terre <strong>en</strong> certains <strong>en</strong>droits ou <strong>en</strong> certains temps, estun poison naturellem<strong>en</strong>t mêlé dans l'air qu'on ne peut éviter si l'on nechange de lieu , ou si l'on n'évite les <strong>en</strong>droits particuliers, où les vapeurs ser<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t. Le poison se trouve au contraire dans l'air par artifice,lorsqu'on réduit quelque poison <strong>en</strong> vapeurs. Ainsi ceux qui travaill<strong>en</strong>t surL'ars<strong>en</strong>ic pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t un grand soin d'<strong>en</strong> éviter les vapeurs, ce qui n'empêchepas qu'il n'y <strong>en</strong> ait quelques-uns qui s'y soi<strong>en</strong>t trompé. Tach<strong>en</strong>ius fait uneHistoire de lui même sur ce sujet, & rapporte qu'il eut bi<strong>en</strong> de la peine à seguérir des accid<strong>en</strong>ts que lui causa une vapeur d'ars<strong>en</strong>ic, qui avait paru àson goût fort agréable.Or les poisons qui se trouv<strong>en</strong>t dans l'air y agiss<strong>en</strong>t d'une manière différ<strong>en</strong>te,suivant leur différ<strong>en</strong>te nature & celle des corps d'où ils part<strong>en</strong>t ; & c'estpour cela qu'on <strong>en</strong> voit de différ<strong>en</strong>ts effets. Toutes les pestes ne seressembl<strong>en</strong>t pas, la vapeur qui sort des lieux communs de nos maisonsquand on les vide est suffocante, si on l'inspire de près dans toute sa force :Les Ouvriers qui ont ce misérable emploi, & qui n'y sont pas accoutuméstomb<strong>en</strong>t dans une maladie qu'<strong>en</strong>tre eux ils appell<strong>en</strong>t le plomb, & quiressemble assez par ses symptômes à l'Apoplexie. Ils <strong>en</strong> meur<strong>en</strong>t s'ils nesont promptem<strong>en</strong>t secourus <strong>en</strong> vomissant. La peur d'ars<strong>en</strong>ic causa àTach<strong>en</strong>ius comme il le rapporte lui même une douleur & une contractiondans l'estomac, avec une difficulté de respirer, une convulsion générale, desdouleurs de Colique, & des Urines pleines de sang, qui causai<strong>en</strong>t dans laVessie une douleur incroyable : De manière que des poisons qui se trouv<strong>en</strong>tdans l'air & qui <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t dans le corps par transpiration & <strong>en</strong> respirant les un


corromp<strong>en</strong>t le sang & les humeurs commue la peste ; les autres <strong>en</strong>chaîn<strong>en</strong>tpour ainsi dire les esprits, & <strong>en</strong> empêch<strong>en</strong>t le mouvem<strong>en</strong>t comme la vapeurqui fort quand on vide les lieux communs de nos maisons. Les autresattaqu<strong>en</strong>t les nerfs & les parties nerveuses comme la vapeur de L'ars<strong>en</strong>ic, &ainsi du reste.Mais quoique l'air puisse être empoisonné de ces manières & de plusieursautres, je ne crois pourtant pas qu'on puisse faire une Encre empoisonnéedont on écrive une Lettre, ou qu'on puisse mettre sur l'écriture une poudred'où il sorte une vapeur qui fasse mourir celui qui ouvrira la Lettre ; car dequelle précaution se servirait l'empoisonneur pour s'exempter d'un telpoison qu'il préparerait à un autre, & s'il s'<strong>en</strong> pouvait exempter, comm<strong>en</strong>tce poison si subtil incommoderait-il point le porteur de Lettre : C'est uneerreur qui a peut être pris naissance de ce que quelques g<strong>en</strong>s sont mortssubitem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> lisant des Lettres, ce qui leur fût arrivé <strong>en</strong> même manière &<strong>en</strong> même temps quand ils ne les euss<strong>en</strong>t pas lues.CHAPITRE IV.De la manière d'agir des poisons qui <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t dans lecorps par une plaie.Il n'y a ri<strong>en</strong> de plus surpr<strong>en</strong>ant que la manière d'agir des poisons qui sontcommuniqués par la morsure ou par la piqûre des animaux v<strong>en</strong>imeux. Lablessure souv<strong>en</strong>t est superficielle & légère, à peine peut on s'<strong>en</strong> apercevoir,cep<strong>en</strong>dant si on la néglige on <strong>en</strong> ress<strong>en</strong>t les funestes effets : Et ce qu'il y a<strong>en</strong>core de remarquable : C'est que les symptômes ne paraiss<strong>en</strong>t quelquefois, qu'assez longtemps après la blessure, comme dans la morsure duChi<strong>en</strong> <strong>en</strong>ragé, & quelque fois les divers accès de ces symptômes sont fortéloignés les uns des autres, comme dans la piqûre de la Tar<strong>en</strong>tule.Pour avoir une idée générale de la manière dont ces poisons agiss<strong>en</strong>t, il fautles concevoir comme des levains qui corromp<strong>en</strong>t le sang & les humeursplus ou moins promptem<strong>en</strong>t, suivant leur nature & qui par conséqu<strong>en</strong>tdonn<strong>en</strong>t plutôt ou plus tard des marques de leur malignité.Or la nature des Levains & leur manière d'agir ne peuv<strong>en</strong>t vraisemblablem<strong>en</strong>t s expliquer que dans les principes des anci<strong>en</strong>s Philosophescomme on peut voir que je l'ai fait dans un petit traité <strong>en</strong> Latin sur cettematière. Je veux cep<strong>en</strong>dant ici <strong>en</strong> dire, quelque chose <strong>en</strong> peu de mots, <strong>en</strong>faveur de ceux qui ignor<strong>en</strong>t cette langue.


Le levain comme il paraît à tout le monde est un corps fort petit dans samasse, & très puissant dans son action & cette vertu si extraordinaire & sisurpr<strong>en</strong>ante vi<strong>en</strong>t de ce qu'il n'est que la cause occasionnelle des effets qu'ilproduit, & que les principes du corps sur lequel il agit <strong>en</strong> sont la causeprincipale, c'est à dire que le Levain donne occasion à ces principes de semouvoir autrem<strong>en</strong>t qu'ils ne faisai<strong>en</strong>t de pr<strong>en</strong>dre un autre arrangem<strong>en</strong>tqu'ils n'avai<strong>en</strong>t dans le corps contre qui il tourne son action ; de manièrequ'il est cause des effets qu'on lui attribue, comme celui qui ouvre les portesd'une Ville aux <strong>en</strong>nemis est cause des meurtres & des viol<strong>en</strong>ces qu'ils ycommett<strong>en</strong>t. La salive du Chi<strong>en</strong> <strong>en</strong>ragé, par exemple <strong>en</strong>trant par la morsuredans le sang de l'animal qui est mordu y excite une ferm<strong>en</strong>tation l<strong>en</strong>te parlaquelle les diverses liqueur, amères, acides, salées & dont il est composé,perd<strong>en</strong>t l'union qui était nécessaire pour la santé, caus<strong>en</strong>t un dérèglem<strong>en</strong>tdans les esprits, d'où s'<strong>en</strong>suiv<strong>en</strong>t les fausses imaginations, les fureurs & lescraintes qui tourm<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t les <strong>en</strong>ragés. C'est donc de cette sorte qu'agiss<strong>en</strong>tles poisons de tous les animaux qui piqu<strong>en</strong>t ou qui mord<strong>en</strong>t & leurdiversité provi<strong>en</strong>t de ce que les divers monum<strong>en</strong>ts & les différ<strong>en</strong>tes figuresdes petits corps, qui les compos<strong>en</strong>t, excit<strong>en</strong>t les principes du sang à semouvoir diversem<strong>en</strong>t, & à pr<strong>en</strong>dre des liaisons diverses, mais toutescontraires à celle qui est nécessaire pour la santé pour l'économie de toutesl'es fonctions.CHAPITRE V.De la manière d'agir des poisons qui <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t par labouche.Tous les, poisons qui <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t par la bouche agiss<strong>en</strong>t ou sur les parties, ousur les humeurs ou bi<strong>en</strong> n'agiss<strong>en</strong>t ni sur les unes ni sur autres ils bouch<strong>en</strong>tpar succession de temps quelqu'un des intestins, de manière que lesliqueurs, ou les matières qui doiv<strong>en</strong>t y passer, s'arrêt<strong>en</strong>t par la r<strong>en</strong>contre decet obstacle, qui par ce moy<strong>en</strong> donne la mort. Je n'apporterai aucunexemple de ces poisons, de peur de les faire connaître à ceux qui lesignor<strong>en</strong>t. Je n'expliquerai pas non plus comm<strong>en</strong>t ils vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à boucher parsuccession de temps un intestin <strong>en</strong> quelque <strong>en</strong>droit, de crainte qu'on ne lesdevine ; les Médecins les connaiss<strong>en</strong>t cela suffit. Je dirai seulem<strong>en</strong>tqu'<strong>en</strong>core que ceux qui les donn<strong>en</strong>t soi<strong>en</strong>t punissables comme desempoisonneurs, ce ne sont pourtant pas proprem<strong>en</strong>t des poisons, puisqu'ilsn'ont aucune action.


Il faut donc pour notre dessein réduire seulem<strong>en</strong>t à deux g<strong>en</strong>res les poisonsqui <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t par la bouche, & dire qu'ils font mourir, ou parce qu'ils ulcèr<strong>en</strong>t& pourriss<strong>en</strong>t le v<strong>en</strong>tricule, les intestins & quelques autres parties, & ce sontles poisons corrosifs, comme le Mercure sublimé & l'ars<strong>en</strong>ic ou parce qu'ilscorromp<strong>en</strong>t le Chyle & le Sang, sans laisser dans le v<strong>en</strong>tricule & dans lesintestins des marques s<strong>en</strong>sibles de leur poison, comme la Ciguë & laJusquiame ceux ci n'ont point de nom commun que je sache qui puisse lesexprimer.Les poisons corrosifs agiss<strong>en</strong>t sur les parties par le moy<strong>en</strong> de leurs Sels quirong<strong>en</strong>t le v<strong>en</strong>tricule, les intestins & les autres parties : De sorte qu'après lamort on trouve les marques funestes de leur passage. Outre ces Selscaustiques, il y a dans l'ars<strong>en</strong>ic un Soufre <strong>en</strong>core aussi méchant qui nonseulem<strong>en</strong>t ulcéré, mais pourrit les parties qu'il touche, quand il se dissout,& c'est ce qui le r<strong>en</strong>d un des plus mortels poisons que nous connaissons.Les poisons qui agiss<strong>en</strong>t sur le sang se mêl<strong>en</strong>t sans être détruits avec leChyle, & coul<strong>en</strong>t avec lui dans le sang, qu'ils corromp<strong>en</strong>t <strong>en</strong> diversesmanières, suivant la diversité de leur nature les uns sont capables de lecoaguler, les autres de rompre ses fibres, les autres de détruire <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>tla liaison des principes qui le compos<strong>en</strong>t. Et comme le sang est pour ainsidire l'âme s<strong>en</strong>sible qui vivifie toute, les parties, dès le mom<strong>en</strong>t, qu'il estcorrompu & qu'il n'est plus que le cadavre d ce qu'il était auparavant, c'estune nécessite inévitable de mourir.Or durant qu'il s'achemine par l'action du poison, cette corruption <strong>en</strong>tièreachevée ; on remarque dans les empoisonnés différ<strong>en</strong>ts accid<strong>en</strong>ts, suivant ladiverse nature du poison qui corrompt le sang d'une manière différ<strong>en</strong>te.Ainsi par certains poisons les hommes meur<strong>en</strong>t dans une espèce deLéthargie & sans douleur, d'autres excit<strong>en</strong>t des convulsions effroyables, il y<strong>en</strong> a qui caus<strong>en</strong>t d'insupportables chaleurs, des fureurs & des rêveries, &ainsi du reste ; Ce qui est fort facile à compr<strong>en</strong>dre à ceux qui sont élevésdans la belle Doctrine des anci<strong>en</strong>s Philosophes, & qui suivant leurs tracess'appliqu<strong>en</strong>t à étudier la nature.CHAPITRE VI.L'antimoine ne peut être mis au nombre des poisons quitu<strong>en</strong>t par la respiration ou par une plaie.Tout ce que j'ai dit dans ce traité de la nature des poilons & de leursdiffér<strong>en</strong>ces suivant leur manière d'agir n'est que pour faire concevoir plus


aisém<strong>en</strong>t que l'Antimoine n'approche point de leur nature, & n'est point deleur nombre. Ce qui est fort aisé si l'on se ressouvi<strong>en</strong>t de ce que j'ai faitobservé touchant la nature du poison <strong>en</strong> général dans le premier Chapitre ;car l'Antimoine n'est point, comme le poison, <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>nemi de lanature de l'homme, il fait toujours de bons effets quand on le donnejudicieusem<strong>en</strong>t, & les indications de le donner ne sont pas difficiles àconnaître ; la nature <strong>en</strong> demeure victorieuse comme des autres purgatifs,sans qu'on lui donne aucun secours, & il n'a ri<strong>en</strong> qui t<strong>en</strong>de à nous détruire,mais pour une plus ample conviction, je veux faire voir qu'il ne peutempoisonner, ni par la respiration ni par une plaie, ni pris par la bouche quisont les trois manières que j'ai décrites, dont les poisons nous peuv<strong>en</strong>tattaquer.Premièrem<strong>en</strong>t il ne sort point d'odeur de l'Antimoine, si on ne le brûle, &quand on le brûle ce qui <strong>en</strong> fort n'est autre chose que son Soufre, dont à lavérité l'odeur n'est point agréable non plus que celle du Soufre commun àqui il ressemble, & dont avec le Mercure, comme j'ai dit, dans la premièrepartie, on fait un Cinabre, comme avec le Soufre commun. On peut aussicomme j'ai fait remarquer, pr<strong>en</strong>dre ce Soufre d'Antimoine par la bouchesans qu'il soit nuisible & sans même qu'il fasse vomir. Il ne sort donc ri<strong>en</strong>de l'Antimoine soit naturellem<strong>en</strong>t soit par l'action, du feu qui puisseinfecter l'air, & <strong>en</strong> l'inspirant nous faire mourir.En second lieu je ne p<strong>en</strong>se pas que l'on veuille dire qu'on puisse avecl'Antimoine empoisonner des flèches, puisque mis dans les plaies il peutarrêter le sang & les cicatriser, & qu'on l'emploie dans les Collyres pour lesulcères des yeux, ce qui a été pratiqué depuis longtemps, comme on peur leconnaître par le témoignage de Gali<strong>en</strong> & de Dioscoride.Il reste donc seulem<strong>en</strong>t à prouver qu'il n'est point un poison lorsqu'on lepr<strong>en</strong>d par la bouche, & qu'il n'y à ri<strong>en</strong> dans sa substance qui mérite cetinfâme nom, ce que je ferais voir dans le Chapitre suivant.CHAPITRE VII.L'Antimoine pris par le bouche n'est point un poison quipuisse faire mourir <strong>en</strong> bouchant les Intestins, & paroccasion de la pilule perpétuelle.J'Ai fait observer que les poisons que l'on pr<strong>en</strong>d par a bouche nous fontmourir, ou <strong>en</strong> bouchant par succession de temps la cavité de l'intestin <strong>en</strong>


quelque <strong>en</strong>droit, ou <strong>en</strong> corrompant le sang de diverse manière, suivant ladiversité de leur nature, où <strong>en</strong>fin <strong>en</strong> ulcérant le v<strong>en</strong>tricule les intestins ouquelques autres parties. Il est certain que l'Antimoine ne peut faire mourir<strong>en</strong> bouchant la cavité de l'intestin, on le donne ordinairem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> tellemanière que sa substance est imperceptible, comme il parait dans le Vin oudans le Sirop émétique : mais lorsqu'on le donne <strong>en</strong> quantité considérable,comme quand on forme des Pilules du régule, tant s'<strong>en</strong> faut qu'il bouche lacavité de l'intestin, qu'au contraire il purge, & la Pilule ressort sans qu'ilparaisse qu'elle ait <strong>en</strong> ri<strong>en</strong> diminué de sa grosseur ; & avec la même on peutpurger une infinité de fois, ce qui fait qu'on la nomme Pilule perpétuelle. Ilne faut pourtant pas s'imaginer qu'elle ne perd ri<strong>en</strong> le sa substance, carautrem<strong>en</strong>t elle n'agirait pas, puisqu'il n'y a jamais d'action sansmouvem<strong>en</strong>t, & que la Pilule de régule n'a autre mouvem<strong>en</strong>t que celui de sapesanteur qui ne suffit pas pour purger ; autrem<strong>en</strong>t les Pilules d'or &d'arg<strong>en</strong>t purgerai<strong>en</strong>t de la même manière, ce qui est faux : il s'<strong>en</strong> dissoutdonc à chaque fois quelques parties imperceptibles par le Sel acide desintestins grêles qui est de même nature que celui de l'estomac, & par cetteunion avec ce Sel, la substance métallique devi<strong>en</strong>t purgative <strong>en</strong> picotantdoucem<strong>en</strong>t les fibres des intestins & des petites artères qui y aboutiss<strong>en</strong>t.Elle serait aussi émétique, si elle séjournait assez longtemps dans l'estomac,& qu'il s'<strong>en</strong> peut un peu dissoudre ; mais comme d'ordinaire elle <strong>en</strong> fortpromptem<strong>en</strong>t, à raison de sa figure qui la r<strong>en</strong>d propre à être poussée, &qu'elle séjourne plus longtemps dans les intestins à cause de leurscirconvolutions, elle purge très souv<strong>en</strong>t sans faire vomir. Si l'on veut êtreconvaincu davantage qu'il se dissout dans les intestins une partie de lasubstance de la Pilule, que l'on fasse réflexion à ce qui arrive au Vin que l'onlaisse quelque temps dans une tasse faite du même régule, il est vomitifcomme le Vin émétique ordinaire, ce qui n'arriverait pas s'il ne détachaitquelques parties imperceptibles de sa substance, & comme la Pilule aprèsavoir été prise plusieurs fois ne purge plus si on ne la fait refondre, demême le Vin qu'on met dans une tasse de régule dont on s'est servibeaucoup de fois pour cet usage ne devi<strong>en</strong>t plus émétique si on ne la refondpour <strong>en</strong> refaire une pareille, ce qui fait voir que la même chose arrive à laPilule dans les intestins par l'action de leur Sel acide, qu'à la tasse de régulepar l'action du Vin, & quand l'une & l'autre ont été rongées plusieurs foisleur surface devi<strong>en</strong>t si inégale quoi qu'imperceptiblem<strong>en</strong>t, que le Sel acidede l'intestin ni le Vin n'y peuv<strong>en</strong>t plus mordre, & c'est ce qui cause lanécessité de les refondre. Car on ne peut pas dire que le feu redonne aurégule la substance qu'il avoir perdue, puisque le régule n'a point perdu parl'action des Sels aucune de ses parties ess<strong>en</strong>tielles, mais seulem<strong>en</strong>t quelquesunes de ses parties intégrantes, & de même nature que lui, autrem<strong>en</strong>t il ne


serait plus Antimoine, Or le feu ne conti<strong>en</strong>t pas des parties intégrantes derégule, & par conséqu<strong>en</strong>t il n'<strong>en</strong> peut donner. On ne doit pas dire non plusque sa vertu émétique & purgative provi<strong>en</strong>ne du feu, puisqu'on peut fairedu Vin émétique avec l'Antimoine tel qu'il est chez les Epiciers sans aucunepréparation Chimique.On fait de ce régule non seulem<strong>en</strong>t des Pilules de la grosseur des ordinaires; mais <strong>en</strong>core des balles d'une grosseur plus considérable que l'on fait avalerdans le Miféréré, & ces bales poussées dans l'intestin qui r<strong>en</strong>tre dans soimême <strong>en</strong> cette maladie, font sortir par le moy<strong>en</strong> de leur grosseur & de leurpesanteur la partie r<strong>en</strong>trée, redonn<strong>en</strong>t a l'intestin la constitution qu'il doitavoir, & sont <strong>en</strong>suite jetées dehors par l'anus comme les Pilules.De tout ceci l'on doit conclure que l'Antimoine loin de pouvoir boucher lesintestins les débouche & r<strong>en</strong>d leur passage libre, & que par conséqu<strong>en</strong>t il nepeut être mis au nombre des poisons qui tu<strong>en</strong>t, par l'obstacle qu'ils mett<strong>en</strong>tdans ces chemins.CHAPITRE VIII.L'antimoine ne peut être mis au nombre des poisons quicorromp<strong>en</strong>t le sang.L'Antimoine ne peut pas non plus être mis au nombre des poisons quicorromp<strong>en</strong>t le sang & infect<strong>en</strong>t les esprits, puisque étant un corps solidedont les parties sont liées & <strong>en</strong> repos ; il n'a point de lui-même d'autremouvem<strong>en</strong>t que celui de sa pesanteur qui ne peut <strong>en</strong> aucun manière altérer,& <strong>en</strong>core moins corrompre le sang ; & quand il est joint avec l'acide del'estomac ou des intestins, il fait vomir ou il purge, & par conséqu<strong>en</strong>t sortdu corps avec les excrém<strong>en</strong>ts qu'il chasse sans <strong>en</strong>trer dans les veines, nidans les artères : mais quand il y <strong>en</strong>trerait comme vraisemblablem<strong>en</strong>t il y<strong>en</strong>tre dans les personnes robustes qui après l'avoir pris ne vomiss<strong>en</strong>t point& ne sont point purgées, il n'y causerait aucun mauvais effet, n'ayantcomme j'ai dit aucune action de soi-même ; & n'acquérant par les acidesavec qui il se joint aucun pouvoir d'agir sur les humeurs dans lesquelles ilse dissout & se sépare facilem<strong>en</strong>t des Sels qui lui donnai<strong>en</strong>t le pouvoird'ébranler les fibres de l'estomac des intestins & des artères qui yaboutiss<strong>en</strong>t à quoi toute la force de son action se borne, <strong>en</strong> effet on n'ajamais vu dans ceux qui ont pris l'Antimoine aucun des symptômes queproduis<strong>en</strong>t les poisons qui corromp<strong>en</strong>t le sang, lorsqu'on la donné hors desfièvres malignes, dans lesquelles ces symptômes de poison se r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t


par eux-mêmes sans y être excités par l'Antimoine ; car le sang des maladesqui ont ces fièvres est dans les mêmes dispositions, & t<strong>en</strong>d à une corruption<strong>en</strong>tière & achevée par la ferm<strong>en</strong>tation qu'excite la cause de leur maladie,comme le sang de ceux qui ont pris les poisons dont je parle dans ceChapitre. C'est pourquoi il n'y a pas sujet de s'étonner si dans ceux qui sontempoisonnés de la sorte & dans ceux qui ont une fièvre maligne, onremarque des accid<strong>en</strong>ts semblables, & ce n'est pas assez observer les chosesou n'avoir pas assez de candeur & de bonne foi, que d'attribuer àl'Antimoine les effets de la maladie, qui loin de les causer, les empêche oules arrête très souv<strong>en</strong>t comme l'expéri<strong>en</strong>ce le montre. Cette grossière erreurest pardonnable aux amis du malade qui étant ignorants & fâchésdécharg<strong>en</strong>t leur chagrin contre les Médecins qu'ils accus<strong>en</strong>t presquetoujours injustem<strong>en</strong>t.Si l'on avait vu quelquefois un malade dans une fièvre intermitt<strong>en</strong>te &ordinaire peu de temps après avoir pris l'émétique, tomber dansl'assoupissem<strong>en</strong>t dans les convulsions & dans les rêveries & y mourir ;certainem<strong>en</strong>t on aurait sujet de douter de son effet, & si cela était arrivéplusieurs fois on aurait sujet de rebuter l'Antimoine comme un poison, maisc'est ce qui n'est jamais arrivé, & ce ne peut arriver. Soit donc que l'onexamine la nature de l Antimoine <strong>en</strong> elle-même comme j'ai fait, soit qu'on laconnaisse seulem<strong>en</strong>t par ses effets, il ne peut jamais être mis au nombre despoisons gui tu<strong>en</strong>t <strong>en</strong> détruisant la nature du sang.CHAPITRE IX.L'antimoine ne peut être mise au nombre des poisonscorrosif.Il ne me reste plus qu'a faire voir que l'Antimoine ne peut être mis aunombre des poisons corrosifs tels que sont l'Ars<strong>en</strong>ic & le Sublimé deMercure, ce qui n'est pas fort difficile <strong>en</strong> montrant que les deux substancesdont il est composé ni séparém<strong>en</strong>t, ni jointes <strong>en</strong>semble, ne sont capablesd'aucune corrosion.Le Soufre pur d'Antimoine <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t séparé de la substance métalliqu<strong>en</strong>'a selon ma p<strong>en</strong>sée aucune action, mais ceux qui lui <strong>en</strong> donn<strong>en</strong>t prét<strong>en</strong>d<strong>en</strong>tseulem<strong>en</strong>t qu'il est sudorifique, & sur cette idée ils <strong>en</strong> donn<strong>en</strong>t dix ou douzegrains dans les maladies de Poitrine, & l'on ne remarque dans ce Soufreaucune corrosion ni sur la langue ni dans l'estomac, ni dans les intestins.


La substance métallique ne peut pas non plus être corrosive parce qu'il n'ya dans la nature d'autres corrosifs que les Sels séparés des autres principesou <strong>en</strong> si grande abondance dans le composé corrosif, qu'ils font les Maîtres& les plus puissants pour agir.Or cela ne se r<strong>en</strong>contre dans aucune substance métallique pure & séparéedes Sels qui s'y peuv<strong>en</strong>t joindre naturellem<strong>en</strong>t ou par artifice ; parce quesupposé que les substances métalliques soi<strong>en</strong>t ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t composéesdes mêmes principes actifs & passifs que les autres mixtes : Il est constantpar l'expéri<strong>en</strong>ce qu'on ne peut les séparer comme dans ceux-ci, & leurliaison est si étroite que de quelque manière qu'on déguise les métaux par lemoy<strong>en</strong> du feu & des dissolvants propres, on ne peut jamais les détruire &on leur redonne, quand on veut, leur première forme par le moy<strong>en</strong> des Selsréductifs.L'antimoine cru qui conti<strong>en</strong>t le Soufre & la substance métallique ne peutpas plus être corrosif, puisque la substance métallique qui ne l'est pointd'elle-même, ne peut être r<strong>en</strong>due telle par son union avec le Soufre, il àpoint de métal plus disposé à dev<strong>en</strong>ir corrosif que le Mercure, comme onverra dans la suite, & cep<strong>en</strong>dant quand il est joint avec le Soufre del'Antimoine, & qu'il fait un Cinabre, il n'acquiert aucune vertu corrosive, &l'on <strong>en</strong> fait pr<strong>en</strong>dre quinze ou vingt grains par la bouche qui ne font autrechose qu'exciter quelquefois des sueurs. Il est donc constant que le Soufre &la substance métallique de l'Antimoine ni séparém<strong>en</strong>t ni jointes <strong>en</strong>sembl<strong>en</strong>'ont aucune vertu corrosive.L'expéri<strong>en</strong>ce répond aux raisons que je donne & qui sont tirées de la naturemême de l'Antimoine pour prouver qu'il n'est point corrosif. On ne se sertpoint de corrosifs pour les collyres & pour cicatriser ulcères, & l'on emploiecep<strong>en</strong>dant fort utilem<strong>en</strong>t l'Antimoine cru pour cet usage. Ses plus déclarés<strong>en</strong>nemis n'oserai<strong>en</strong>t dire qu'il nuise extérieurem<strong>en</strong>t, ni qu'il ait pour lesulcères aucuns effets qui approch<strong>en</strong>t de ceux de l'ars<strong>en</strong>ic ou du sublimé demercure.Les Pilules ou les bales de régule que l'on fait avaler sans qu'elles caus<strong>en</strong>t nidans le v<strong>en</strong>tricule, ni dans les intestins aucune corrosion, sont une preuveconvaincante qui est exempt de cette mauvaise qualité, & qu'on ne peut pasdire que l'Antimoine est comme l'ars<strong>en</strong>ic, qui dans une très petite quantiténe fait qu'exciter le vomissem<strong>en</strong>t, & tue infailliblem<strong>en</strong>t dans une plusgrande. S'il y avait quelque conformité <strong>en</strong>tre ces deux minéraux, & qu'ils nedifférass<strong>en</strong>t que du plus & du moins, <strong>en</strong> donnant l'Antimoine dans unedose aussi forte que celle qui se r<strong>en</strong>contre dans une bale de régule & qui


surpasse, plus de vingt fois celle d'ars<strong>en</strong>ic qui peut faire mourir ; le malad<strong>en</strong>e devrais jamais <strong>en</strong> réchapper, cep<strong>en</strong>dant cette pilule ne fait que purger, &fut-elle vingt fois plus grosse, elle n'aurait point d'autre effet, pourvu quellepu passer par les intestins & sortir hors du corps.On dira peut être, que la Pilule de régule d'Antimoine ne se dissout pasdans l'estomac comme L'ars<strong>en</strong>ic & le Sublimé corrosif ! je l'avoue, c'est <strong>en</strong>cela qu'il n'y a point de rapport <strong>en</strong>tre l'Antimoine & ces poisons, & puisquel'Antimoine <strong>en</strong> quelque dose qu'on le donne ne se dissout jamais qu'<strong>en</strong>sorte qu'il fasse vomir & aller à la Selle, & que L'ars<strong>en</strong>ic & le Sublimé deMercure tu<strong>en</strong>t plus promptem<strong>en</strong>t plus la dose est grande, il est évid<strong>en</strong>t quel'Antimoine est un excell<strong>en</strong>t remède émétique & purgatif, & que les deuxautres comme tout le monde <strong>en</strong> demeure d'accord sont de véritablespoisons.CHAPITRE X.Les métaux peuv<strong>en</strong>t dev<strong>en</strong>ir corrosifs par leur unionavec les Sels acides.J'ai fait remarquer dans les Chapitres précéd<strong>en</strong>ts que les métaux à la réservedu Mercure qui est liquide ont leurs parties intégrantes fixes <strong>en</strong> repos lesunes auprès des autres, & qu'ils ne peuv<strong>en</strong>t par conséqu<strong>en</strong>t agir sur nous <strong>en</strong>cet état, n'y ayant jamais d'action sans mouvem<strong>en</strong>t. J'ai fait remarquer<strong>en</strong>core que leurs parties ess<strong>en</strong>tielles ou principes tels qu'ils puiss<strong>en</strong>t être ontune liaison si parfaite qu'on n'a pu jusqu'ici les séparer par la Chimie & quetous leurs déguisem<strong>en</strong>ts ne détruis<strong>en</strong>t point leur nature ; d'où il est aisé deconclure qu'ils ne sont jamais corrosifs par leur propre substance, puisquela corrosion v<strong>en</strong>ant comme j'i dit & comme l'expéri<strong>en</strong>ce le montre, de laforce des Sels séparés des autres principes ou qui ont tellem<strong>en</strong>t le dessusqu'ils sont absolum<strong>en</strong>t les Maîtres, ceux des métaux, s'ils <strong>en</strong> ont, sonttellem<strong>en</strong>t embarrassés & <strong>en</strong> repos par leur exacte mixtion & leur étroiteliaison avec les autres principes qu'ils ne peuv<strong>en</strong>t agir <strong>en</strong> aucune manière ;mais il est certain qu'ils peuv<strong>en</strong>t tous agir sur nous quand ils s'uniss<strong>en</strong>t avecles Sels acides, & que le Mercure & l'arg<strong>en</strong>t devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t par ce moy<strong>en</strong> trèscorrosifs & de véritables poisons.Or ils se peuv<strong>en</strong>t unir avec des Sels acides ou dans le corps quand on lespr<strong>en</strong>d toujours par la bouche, ou hors du corps par le moy<strong>en</strong> de la Chimie.L'or le plus parfait & le plus précieux de tous les métaux ne se dissout pointdans nos corps, & ne s'unit point par conséqu<strong>en</strong>t aux acides qui s'y


<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t, aussi n'<strong>en</strong> voyons nous aucuns effets, & il est inutile de ledonner. L arg<strong>en</strong>t de même n'est ni nuisible ni salutaire ; on ne donne guèresni l'Etain ni le Plomb, mais i l est vraisemblable qu'ils n'aurai<strong>en</strong>t ni bon nimauvais effet non plus que l'or & l'arg<strong>en</strong>t, par une raison toute contraire carl'or & l'arg<strong>en</strong>t n'ont point d'action parce qu'ils sont trop solides, & que lesacides de l'estomac & des intestins n'y peuv<strong>en</strong>t mordre & y rester attachés,l'étain & le plomb, parce qu'ils sont d'une structure trop lâche, & que lesacides de notre corps s'y <strong>en</strong>seveliss<strong>en</strong>t. Le cuivre est pernicieux parce qu'ilse change <strong>en</strong> verdet & devi<strong>en</strong>t corrosif par son union avec les acides, le feravec l'acide de l'estomac, qui le dissout & qui s'y unit, forme un Sel apéritifà peu près semblable à celui qu'on fait <strong>en</strong> Chimie, & qu'on nomme Sel deMars. Le Mercure y devi<strong>en</strong>t corrosif, quelque fois si viol<strong>en</strong>t qu'il fait mourir; comme il parait par les ulcères qu'il produit quand il excite le flux debouche, & par les cruelles douleurs qu'il cause dans les intestins lorsqu'aulieu de se sublimer il se précipite.J'ai dit assez au long dans les Chapitres précéd<strong>en</strong>ts que l'Antimoine s'ydissout & devi<strong>en</strong>t vomitif & purgatif.L'or fulminant prépare par la Chimie à ce qu'on prét<strong>en</strong>d est sudorifique, s'ila cette action il <strong>en</strong> doit la vertu à L'acide de l'eau régale avec quoi on le fait.Les Cristaux de Lune & la pierre infernale qu'on fait avec l'arg<strong>en</strong>t & l'espritde Nitre sont caustiques par cette union. On fait aussi une pierre infernaleavec le cuivre, qui pour la même raison est caustique : il se fait <strong>en</strong>cored'autres préparations avec le cuivre & les acides comme les Cristaux deVénus dont on ne doit jamais se servir intérieurem<strong>en</strong>t. Le Sel de Jupiter faitavec l'Etain & le Vinaigre dessèche & n'est point corrosif non plus que le Selde Saturne qui se fait avec le Vinaigre & le Plomb, & qui est astring<strong>en</strong>t. Iln'y a point de Sel caustique d'Antimoine, mais un beurre ou huile glacialefaite avec l'Antimoine & l'es acides, du Sublimé corrosif qui ont quitté leMercure. Tous les précipités de Mercure sont corrosifs par leur jonctionavec les acides, & le sublimé est beaucoup plus viol<strong>en</strong>t que tous lesprécipités & même que les Cristaux de Lune.De tous ces faits constants & incontestables il est manifeste que les métauxn'ont aucune action sur nous que par le moy<strong>en</strong> des acides à qui ils sejoign<strong>en</strong>t & que dans quelques uns cette union est salutaire, comme dans lefer & dans les préparations d'Antimoine que l'on pr<strong>en</strong>d par la bouche : dansles autres, au contraire elle serait pernicieuse & funeste si on pr<strong>en</strong>aitintérieurem<strong>en</strong>t le composé qui <strong>en</strong> résulte, comme on voit dans le sublimécorrosif.


CHAPITRE XI.Le Mercure est le plus dangereux de tous les métaux.Les sels fixes & volatiles ne devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t point corrosifsavec les acides comme les métaux.Tous les métaux comme j'ai dit ; excepté le Mercure n'ont aucune action s'ilsne font joints avec quelques Sels, & ils peuv<strong>en</strong>t être innoc<strong>en</strong>ts, salutaires oudangereux quand on les pr<strong>en</strong>d par la bouche <strong>en</strong> substance, suivant qu'ils sejoign<strong>en</strong>t plus ou moins avec les acides qui se r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t dans nos corps;mais le Mercure étant liquide & s'élevant facilem<strong>en</strong>t par la chaleur, peutnuire par lui même <strong>en</strong> interrompant le mouvem<strong>en</strong>t des esprits, &affaiblissant les nerfs, qu'il ébranle par le mouvem<strong>en</strong>t continuel de sesparties. Il est <strong>en</strong>core plus à craindre <strong>en</strong> ce qu'il s'unit avec facilité aux Selsacides, & qu'il ne les quitte que malaisém<strong>en</strong>t. Aussi le Sublimé corrosif deMercure est le plus grand poison qu'on puisse faire avec les métaux, & nousvoyons par expéri<strong>en</strong>ce qu'il ne quitte pas facilem<strong>en</strong>t les Sels minéraux qui ler<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t corrosif comme fait l'Antimoine. Le beurre ou l'huile glacialed'Antimoine qui est le seul corrosif que l'on fasse avec ce métal qu'on nepr<strong>en</strong>d point par la bouche ; étant fondu & jeté dans de l'eau tiède se détruitaussitôt, parce que les sels acides du sel Marin & du Vitriol qui formai<strong>en</strong>t cebeurre avec le régule d'Antimoine, se délayant dans l'eau s'<strong>en</strong> détach<strong>en</strong>tpromptem<strong>en</strong>t, & l'on voit que ce régule se précipite <strong>en</strong> poudre qu'on lave<strong>en</strong>core plusieurs fois pour achever d'<strong>en</strong> séparer les Sels, & c'est ce qu'onnomme la poudre d'Algaroth. Il n'<strong>en</strong> va pas de même du sublimé deMercure qui est r<strong>en</strong>du fortem<strong>en</strong>t corrosif parles mêmes Sels, il les reti<strong>en</strong>ttoujours, quoiqu'on le lave plusieurs fois, & ces lotions ne serv<strong>en</strong>t de ri<strong>en</strong>pour l'adoucir. L'antimoine donc pris intérieurem<strong>en</strong>t ne doit pas êtr<strong>en</strong>uisible comme le Mercure, puisque dans le corps il ne peut dev<strong>en</strong>ircorrosif comme lui : au contraire il est très utile, puisque c'est, comme nousavons dit, un remède presque toujours sûr pour exciter le vomissem<strong>en</strong>tdont <strong>en</strong> a besoin dans beaucoup de maladies.Or il faut remarquer soigneusem<strong>en</strong>t qu'<strong>en</strong>core que métaux s'uniss<strong>en</strong>t &ferm<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t avec les acides, comme font les Sels lixiviaux des plantes & lesvolatiles des animaux, ils ne diminu<strong>en</strong>t pourtant pas leur force comme ceuxci, qui loin de dev<strong>en</strong>ir corrosifs par leur union avec les Sels acides, lesadouciss<strong>en</strong>t considérablem<strong>en</strong>t, comme on peut observer dan l'union de laCrème de Tartre qui est acide, avec le Sel du même Tartre qui est fixe alcali.On observe la même chose dans l'union des Sels volatiles de Vipère & decorne de Cerf, avec les Sels acides du Vitriol ou du Sel Marin qui les fix<strong>en</strong>t.


Au contraire ces acides joints avec les métaux ont une action plus fortecomme il parait dans le sublimé corrosif & dans le Vin, le Sirop émétiquefait avec un acide de plantes telles que sont ceux de Coing de Berberis. LesSels acides de Vitriol & de Sel commun dissous dans l'eau ne causerai<strong>en</strong>tpas le même désordre que le Sublimé corrosif, l'acide du Vin & du Coin, neferai<strong>en</strong>t pas vomir seuls comme ils le font avec l'Antimoine. On pourraitconfirmer ceci par une infinité d'expéri<strong>en</strong>ces qui sont connues dans laChimie, & que je m'absti<strong>en</strong>s de rapporter de peur d'<strong>en</strong>nuyer ceux qui lessav<strong>en</strong>t, & d'embarrasser trop ceux qui les ignor<strong>en</strong>t.CHAPITRE XII.Le nom de poison ne conv<strong>en</strong>ant point à l'Antimoine,c'est un véritable purgatif qui a l'effort du vomissem<strong>en</strong>tpris, n'est pas plus dangereux que le Séné, & estbeaucoup moins à craindre que la Coloquinte.Tous les Médecins quine font point préoccupés avec opiniâtreté contrel'Antimoine, & qui se r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t aux raisons appuyées sur des expéri<strong>en</strong>cesincontestables, ne craindront plus qu'il y ait aucun poison caché dansl'Antimoine ; quand ils auront bi<strong>en</strong> médité sur ce que j'ai dit de sa nature &de celles des poisons. Tous ceux même qui le donn<strong>en</strong>t communém<strong>en</strong>t quisont convaincus par leur propre expéri<strong>en</strong>ce, que c'est un bon remède & nonpas un poison ; auront de la satisfaction d'être confirmés dans leur p<strong>en</strong>séepar la connaissance de sa nature & de sa manière d'agir, que j'ai démontréesavec autant d'évid<strong>en</strong>ce de certitude qu'on est capable d'<strong>en</strong> avoir <strong>en</strong>Physique. Il faut maint<strong>en</strong>ant faire voir qu'on le doit mettre au nombre despurgatifs aussi bi<strong>en</strong> que le S<strong>en</strong>é & la Scammonée.Je n'examinerai point ici si les médicam<strong>en</strong>ts qui sont mis au nombre despurgatifs par tous les Médecins, comme la Manne, la Rhubarbe & le S<strong>en</strong>é,purg<strong>en</strong>t par la conv<strong>en</strong>ance de leur substance avec celle de l'humeur qu'ilsfont sortir, & si par ce moy<strong>en</strong> ils purg<strong>en</strong>t une humeur plutôt que l'autre, ous'ils les purg<strong>en</strong>t toutes indifféremm<strong>en</strong>t. Je dirai seulem<strong>en</strong>t ce qu'il faut<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre, parce qu'on appelle médicam<strong>en</strong>t purgatif <strong>en</strong> Médecine suivant lebon s<strong>en</strong>s l'opinion reçue de tout le monde.On doit <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre par médicam<strong>en</strong>t purgatif tout ce qui pris par la boucle neveut être changé <strong>en</strong> notre substance, & qui sans ulcérer le v<strong>en</strong>tricule & lesintestins & sans exciter dans le sang une ferm<strong>en</strong>tation qui le puisse<strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t corrompre fait vomir & aller à la selle, <strong>en</strong> telle sorte que donner


i<strong>en</strong> à propos les malades soi<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t guéris, ou du moins soulagés.Car s'il pouvait se changer <strong>en</strong> notre substance, ce serait un alim<strong>en</strong>t, s'ilulcérait les parties ou corrompait le sang, ce serait un poison s'il ne faisaitvomir ni aller à la selle, il ne serait point purgatif. Mais il n'est pasnécessaire afin qu'il soit tel d'<strong>en</strong> voir toujours de bons effets, & jamais demauvais, quoi qu'il fois donné mal à propos. Il serait à souhaiter que leschoses fuss<strong>en</strong>t autrem<strong>en</strong>t & qu'on eût des purgatifs qui ne fiss<strong>en</strong>t pointvomir ni aller à la selle, ceux qui se port<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> ou qui n'<strong>en</strong> ont pas besoinpour la guérison de leurs maladies, mais c'est ce que nous n'avons point, &ce que nous ne devons pas même espérer ; & ainsi on doit demeurerd'accord que le médicam<strong>en</strong>t purgatif ne doit pas avoir d'autres qualités quecelles que j'ai marquées, & il importe peu de savoir comm<strong>en</strong>t il agit : peutêtre même que toutes les idées qu'on se fait de sa manière d'agir sontabsolum<strong>en</strong>t fausses, & qu'on ne connaît point la véritable.Or l'Antimoine ne se change point <strong>en</strong> notre substance ; Il fait vomir & allerà la selle sans ulcérer l'estomac ni les intestins, & sans exciter dans le sangune ferm<strong>en</strong>tation qui le corrompe comme je l'ai prouvé dans les Chapitresprécéd<strong>en</strong>ts. Quand on le donne bi<strong>en</strong> à propos les malades <strong>en</strong> sont toujourssoulagés, & souv<strong>en</strong>t guéris beaucoup plus visiblem<strong>en</strong>t que par tous lesautres purgatifs comme l'expéri<strong>en</strong>ce le montre à tous ceux qui ne ferm<strong>en</strong>tpas les yeux de peur de le voir. Je puis ajouter même que son action estbeaucoup plutôt finie que celle du S<strong>en</strong>é, de la Manne, de la Scammonée,quoi qu'elle soit plus viol<strong>en</strong>te cause du vomissem<strong>en</strong>t qu'il excite, & si l'onpouvait l'empêcher d'être vomitif quand on le veut & faire qu'il purgeâtseulem<strong>en</strong>t par les selles, je le préférerais à la Manne qui dégoûte beaucoupde g<strong>en</strong>s & au S<strong>en</strong>né qui outre le dégoût cause des tranchées fortdouloureuses. La coloquinte dont se serv<strong>en</strong>t ceux qui blâm<strong>en</strong>t <strong>en</strong>coreaujourd'hui l'Antimoine est incomparablem<strong>en</strong>t plus dangereuse parl'acrimonie excessive du Sel qu'elle conti<strong>en</strong>t qui la r<strong>en</strong>d si amère. AussiMathiole fort éclairé dans la connaissance des médicam<strong>en</strong>ts simplesquoiqu'il n'eut qu'une fort légère teinture de Chimie met l'Antimoine aunombre des excell<strong>en</strong>ts purgatifs & la Coloquinte au nombre des poisonsmais sans <strong>en</strong>trer dans cette contestation, il me suffit d'avoir évidemm<strong>en</strong>tprouvé qu'il a toutes les marques qui distingu<strong>en</strong>t les purgatifs des alim<strong>en</strong>ts& des poisons.CHAPITRE XIII.Réponse aux objections tirées des effets de l'Antimoine.


J'ai parcouru quelques Livres faits contre l'Antimoine qui m'ontextraordinairem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>nuyé. J'y ai trouvé beaucoup d'invectives, de fadesrailleries, d'histoires hors du sujet & des raisons <strong>en</strong> petit nombre, si faiblesqu'elles me font croire que ceux qui s'<strong>en</strong> sont servis n'ont pas voulu sedésabuser. Elles sont tirées des effets de l'Antimoine des principes qui lecompos<strong>en</strong>t, & de l'autorité de deux ou trois Chimistes des plus anci<strong>en</strong>s.Pour comm<strong>en</strong>cer par celles que l'on tire des effets de l'Antimoine, il estévid<strong>en</strong>t qu'elles ne peuv<strong>en</strong>t être que très mal fondée, puisque ceux qui lesallègu<strong>en</strong>t ne connaiss<strong>en</strong>t point les effets de ce remède, car comm<strong>en</strong>tpourrai<strong>en</strong>t-ils les connaître, puis qu'ils ne s'<strong>en</strong> serv<strong>en</strong>t pas. On dira peut êtrequ'il n'est pas nécessaire de se servir d'un poison pour le connaître, & qu<strong>en</strong>ous-mêmes nous condamnons L'ars<strong>en</strong>ic comme un poison très dangereux,sans pour cela que nous nous <strong>en</strong> servions. Il est vrai ; mais l'expéri<strong>en</strong>ce detous ceux qui l'ont pris, fait qu'on leur ait donné malicieusem<strong>en</strong>t, soit qu'ilsl'ai<strong>en</strong>t avalé par méprise, fait clairem<strong>en</strong>t connaître & confesser à tout lemonde que c'est un poison. C’est tout le contraire à l'égard de l'Antimoine.Tous les Médecins de notre compagnie s'<strong>en</strong> serv<strong>en</strong>t comme d'un bonremède, & il ne relie plus qu'un seul <strong>Docteur</strong> qui se récrie contre, il <strong>en</strong> attire<strong>en</strong>core à la vérité deux ou trois à son parti nous <strong>en</strong> savons les raisons, &nous sommes bi<strong>en</strong> persuadés que c'est par une pure complaisance, maisquand ils serai<strong>en</strong>t sérieusem<strong>en</strong>t de cet avis, il ne serait pas meilleur pourcela. L'expéri<strong>en</strong>ce des bons effets de l'Antimoine confirmée par letémoignage de toutes les facultés de Médecine de l'Europe doit assurém<strong>en</strong>tprévaloir, & si ce <strong>Docteur</strong> était capable de douter de son opinion, & devouloir s'éclaircir de son doute, il n'y aurait ri<strong>en</strong> de plus aisé je ne luiproposerais pas de donner l'émétique, le Ciel m'<strong>en</strong> préserve, il off<strong>en</strong>seraitDieu dans la p<strong>en</strong>sée qu'il a que c'est un poison. Je souhaiterais seulem<strong>en</strong>tcomme il est pati<strong>en</strong>t & laborieux qu'il voulût bi<strong>en</strong> pour deux ou trois moischanger l'objet de sa pati<strong>en</strong>ce & de son travail, & au lieu de s'appliquercomme il fait à la lecture des Livres surtout des anci<strong>en</strong>s, qu'il prit la peinede choisir celui des Médecins de l'Hôtel Dieu qu'il croirait pouvoir donnerl'émétique plus souv<strong>en</strong>t & plus contre son gré, qu'il observât ceux quipr<strong>en</strong>drai<strong>en</strong>t ce remède, & qu'il <strong>en</strong> remarquât le succès, il avouerait dumoins <strong>en</strong> lui même que jusqu'ici il a eu tort. C'est un vœu toute fois que j<strong>en</strong>'ose absolum<strong>en</strong>t faire, de crainte de fatiguer le Ciel inutilem<strong>en</strong>t. Il n'y apourtant pas moy<strong>en</strong> de s'éclaircir autrem<strong>en</strong>t sur des faits comme ceux-ci, &je suis tellem<strong>en</strong>t porté pour ces sortes d'éclaircissem<strong>en</strong>ts, qu'<strong>en</strong>core que jefois convaincu que L'ars<strong>en</strong>ic est un poison sur le témoignage de tous lesMédecins, & sur l'exam<strong>en</strong> que j'ai fait de sa nature : Si un Médecin savant &de probité m'offrait de me faire voir par expéri<strong>en</strong>ce que L'ars<strong>en</strong>ic est un bon


emède, je quitterais toutes mes affaires pour m'ôter du doute qu'il m'auraitfait naître.Pour achever ce Chapitre il faut distinguer les véritables effets del'Antimoine, de ceux qu'on lui attribue faussem<strong>en</strong>t, & pour cela il le fautconsidérer durant son action & après qu'elle a cessé.Durant son action le malade est assurém<strong>en</strong>t fatigué par l'effort qu'il fait <strong>en</strong>vomissant mais il ne l'est pas davantage qu'il le serait, s'il avoir vominaturellem<strong>en</strong>t & sans remède : & comme il y a des malades qui vomiss<strong>en</strong>tplus difficilem<strong>en</strong>t que les autres, ils se trouv<strong>en</strong>t aussi plus mal qu'euxdurant l'action de ce remède, mais ces fatigues telles qu'elles puiss<strong>en</strong>t être,peuv<strong>en</strong>t aisém<strong>en</strong>t être prév<strong>en</strong>ues & empêchées, <strong>en</strong> emplissant toujours lev<strong>en</strong>tricule du malade de bouillon ou d'eau tiède ; quand même on ne feraitri<strong>en</strong> pour les adoucir, elles sont de peu de durée, puisque, pour l'ordinaireaprès trois ou quatre heures au plus le vomissem<strong>en</strong>t cesse.J'ai interrogé avec beaucoup de soin & d'exactitude tous les malades à quij'ai donné l'émétique sur ce qui leur est arrivé durant son opération & deplus de mille à qui je l'ai donné, quoique je n'<strong>en</strong> sois pas prodigue, & que j'yapporte toutes les précautions nécessaires, je ne me souvi<strong>en</strong>s que d'un seulqui m'ait dit être tombé <strong>en</strong> faiblesse, mais quand cela arriverait plussouv<strong>en</strong>t, faudrait-il le condamner ? Combi<strong>en</strong> voyons nous de maladestomber <strong>en</strong> défaillance <strong>en</strong> r<strong>en</strong>dant un Lavem<strong>en</strong>t, ou quand on les Saignées ?Y a t-il cep<strong>en</strong>dant ri<strong>en</strong> de plus usité <strong>en</strong> Médecine que les Lavem<strong>en</strong>ts & laSaignée.Il arrive aussi fort rarem<strong>en</strong>t que les malades ress<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t durant l'opérationde ce remède une chaleur extraordinaire comme on dit, & une soifinsupportable, j'ai eu le soin d'<strong>en</strong> aller voir plusieurs a qui je n'ai trouvéaucune agitation dans le pouls, & qui n'avoi<strong>en</strong>t point de soif.Je n'ai jamais non plus remarqué aucunes convulsions, ni <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du lesmalades se plaindre d'<strong>en</strong> avoir eu, si ce n'est dans les fièvres malignes ouelles se r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t indép<strong>en</strong>damm<strong>en</strong>t de ce remède, & cess<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t parses bons effets.Voila <strong>en</strong> homme d'honneur ce que j'ai observé durant l'action del'Antimoine, tant aux malades à qui je l'ai ordonné qu'à d'autres a qui je l'aivu pr<strong>en</strong>dre à l'Hôtel Dieu durant cinq ou six ans avant que je fusseMédecin. C'était alors principalem<strong>en</strong>t que j'observais avec exactitude l'effet


des remèdes, & que je hasardais ma santé <strong>en</strong> m'expos<strong>en</strong>t presque tout lejour à ce mauvais air pour m'<strong>en</strong> éclaircir.Quand l'action de l'Antimoine cesse, le malade est plus tranquille, & il setrouve souv<strong>en</strong>t mieux dès le jour même, & guérît parfaitem<strong>en</strong>t dans lasuite. Quelque fois aussi le mal augm<strong>en</strong>te & le malade meurt. Mais y à t-ilun remède quelque innoc<strong>en</strong>t qu'il soit, <strong>en</strong>suite de qui cela ne soit arrivé c<strong>en</strong>tmille fois. Je pardonne au peuple d'attribuer toujours la mort à ce qu'on afait ou à ce qu'on n'a pas voulu faire, quoi que sa sottise <strong>en</strong> ce point comme<strong>en</strong> beaucoup d'autres nous faite de la peine ; mais cela est inexcusable dansun Médecin qui ne doit jamais dire qu'un remède fait mourir le malade,quand d'elle même la maladie est mortelle, à moins que le malade ne soitvisiblem<strong>en</strong>t mort par l'action du remède. Or je suis convaincu que jamaismalade ne peut mourir par l'action de l'émétique ; s'il ne meurt dans unepurgation excessive causée par son moy<strong>en</strong> ; ce qui est si rare que je ne l'aijamais vu arriver, quoique j'ai vu donner l'émétique dans des maladies àqui il ne conv<strong>en</strong>ait à mon avis aucunem<strong>en</strong>t, comme dans des Pleurésies &des inflammations de Poumon, & j'avoue franchem<strong>en</strong>t que ceux qui sontmorts après l'avoir pris n'ont pas été tués par ce remède, puisqu'ils ne sontpoint morts durant son action, ni plutôt ni d'une autre manière qu'on nemeurt dans ces sortes de maladies, sans avoir pris l'émétique.Je p<strong>en</strong>se aussi que ceux qui ont été guéris n'avai<strong>en</strong>t pas ni de véritablesPleurésies ni de véritables inflammations de Poumon, il faut un granddiscernem<strong>en</strong>t pour ne s'y pas tromper.On doit <strong>en</strong>core moins accuser l'émétique quand on le donne à la dernierextrémité, quoi que très mal à propos, lors que le malade n'a plus de force &que l'émétique lui demeure dans le corps sans ri<strong>en</strong> faire.C'est une marque qu'il n'y a plus d'acide dans l'estomac, & que les forcessont éteintes. En un mot pour finir ce chapitre, tout ce qu'on dit audésavantage de l'Antimoine à l'occasion de la mort qui le suit quelquefois,se peut dire avec autant de raison d'un bouillon ou de l'eau de casse &toutes les histoires des méchants effets de l'Antimoine sont fausses &malicieusem<strong>en</strong>t inv<strong>en</strong>tées, puisqu'il agit maint<strong>en</strong>ant comme au tempspassé, & qu'on ne voit point à prés<strong>en</strong>t les fâcheuses suites qu'on lui àattribuées par malice ou par ignorance.CHAPITRE XIV.


Réponse aux objections tirées des principes quicompos<strong>en</strong>t l'antimoine, & de ce que dans la terre il estvoisin d'autres poisons.Si les raisons que l'on tire des effets de l'Antimoine pour prouver que c'estun poison ne sont pas mal aisées à rejeter, telles que l'on fonde sur lesprincipes qui le compos<strong>en</strong>t sont <strong>en</strong>core plus faciles à détruire. On l'accusede cont<strong>en</strong>ir un Soufre ars<strong>en</strong>ical, qui n'est pas dit-on si nuisible que celui del'Ars<strong>en</strong>ic même, & qui pourtant approche fort de sa nature. On pourraitconnaître la fausseté de cette proposition, par ce que j'ay déjà dit de lanature de l'Antimoine ; mais pour l'éclaircir davantage & faire voir qu'elleest avancée sans aucun fondem<strong>en</strong>t ; il faut observer que les Chimistesdistingu<strong>en</strong>t dans l'Antimoine deux sortes de Soufre, l'un externe qu'on peutaisém<strong>en</strong>t séparer, & l'autre interne qui est un de ses principes ess<strong>en</strong>tiels. Lepremier est manifeste, & l'on ne peut dire qu'il soit ars<strong>en</strong>ical, c'est celuiqu'on retire du Cinabre d'Antimoine quand on le réduit <strong>en</strong> Mercure coulant; Il ne fait pas même vomir, lorsqu'on l'<strong>en</strong> sépare de la sorte : mais dans lapréparation du régule on tire des scories un Soufre doré qui est vomitif,parce qu'il se trouve m<strong>en</strong>é avec quelques parties de régule, d'où il fautconclure que le Soufre externes d'Antimoine tout pur n'est point ars<strong>en</strong>ical ;& lorsqu'il se trouve <strong>en</strong>core chargé de quelques parties de réguled'Antimoine, il est seulem<strong>en</strong>t vomitif comme ce régule.On dit que les vapeurs <strong>en</strong> sont désagréables, que les artistes tâch<strong>en</strong>t de leséviter, je l'avoue; celles du Soufre commun qui n'est pas un poison ne sontpas moins fâcheuses D'ailleurs dans les préparations de l'Antimoine fortsouv<strong>en</strong>t on mêle du Nitre dont les vapeurs sont fort méchantes ; mais <strong>en</strong> unmot les fumées qui sort<strong>en</strong>t des plantes, & des animaux quand on les brûlesont fâcheuses, & même nuisibles, quoique ces plantes & ces animaux nousserv<strong>en</strong>t de nourriture, & ainsi la mauvaise odeur d'un corps que l'on brûler,n'est pas une marque suffisante pour assurer que c'est un poison.Pour ce qui est du Soufre interne de l'Antimoine il n'est pas facile deprouver qu'il, <strong>en</strong> ait. Il y a quelques conjectures pour cela qui ne sont pasassez certaines. Mais supposons que l'Antimoine est composé de Sel deSoufre & de Mercure ; comme ces principes ne peuv<strong>en</strong>t être séparés les unsdes autres, on ne peut connaître leur nature & liés étroitem<strong>en</strong>t comme ilssont, ils demeur<strong>en</strong>t <strong>en</strong> repos, & n'ont aucune action. De sorte que par le Sel,par le Soufre, ni par le Mercure de l'Antimoine, supposé qu'il y <strong>en</strong> ait, on nesaurait prouver que c'est un poison, puisque ces principes, si on les séparaitserai<strong>en</strong>t peut être fort innoc<strong>en</strong>ts & même salutaires.


Les <strong>en</strong>nemis de l'Antimoine l'ont <strong>en</strong>cor blâmé de ce qu'il conti<strong>en</strong>t desesprits ars<strong>en</strong>icaux, mais je crois que ces esprits sont du nombre de ceux quirevi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t la nuit que je n'ai jamais pu voir quelque recherche que j'<strong>en</strong> aifaite. En vérité les esprits des Chimistes ne sont pas invisibles &impalpables comme ceux dont on parle <strong>en</strong> Théologie, & que nous neconnaissons que par la foi, on peut les <strong>en</strong>fermer dans des fioles de lamanière qu'on les voit dans leurs Cabinets & dans leurs Boutiques, & ainsic'est <strong>en</strong> vain qu'on soupçonne dans l'Antimoine des esprits ars<strong>en</strong>icaux, puisqu'on ne peut <strong>en</strong> tirer, & qu'on ne peut par conséqu<strong>en</strong>t <strong>en</strong> montrer. Ontombe dans les visions de ceux qui cherch<strong>en</strong>t le grand œuvre, quand sansfondem<strong>en</strong>t on prét<strong>en</strong>d trouver dans les métaux ou dans d'autres corps deschoses qu'on n'y peut montrer. Il faut <strong>en</strong> Chimie qui pour cela est la pluscertaine de toutes les sci<strong>en</strong>ces, faire voir & toucher ce qu'on avance...Enfin c'est <strong>en</strong>core une plus grande faiblesse de sout<strong>en</strong>ir que l'Antimoine estun poison parce qu'on le trouve avec les poisons dans les <strong>en</strong>trailles de laterre, car si un poison comme L'ars<strong>en</strong>ic r<strong>en</strong>dait poison le corps qui letouche, tous les corps de la nature serai<strong>en</strong>t des poisons, parce qu'ils sonttous contigus les uns aux autres ; &il me semble aussi déraisonnable,supposé même que le fait soit vrai, de conclure que l'Antimoine est unpoison, d'autant qu'on le trouve dans les mines avec L'ars<strong>en</strong>ic & le Réalgar,que de vouloir qu'un Choux ou une Laitue soi<strong>en</strong>t un poison, parce qu'ilssont plantés dans un même jardin proche L'euphorbe ou Laconite.CHAPITRE XV.Réponse aux objections tirées de l'autorité de quelquesanci<strong>en</strong>s Chimistes.C'est une chose surpr<strong>en</strong>ante que le <strong>Docteur</strong> qui reste seul aujourd'hui dansnotre compagnie prév<strong>en</strong>u de la p<strong>en</strong>sée que l'Antimoine est un poison, aitrecours pour se déf<strong>en</strong>dre à l'autorité de Basile Val<strong>en</strong>tin, de <strong>Par</strong>acelse, & deVan Helmont, lui qui dans une autre occasion à plus d'horreur de ces nomsque de ceux des esprits malins, & qui parait plus scandalisé lorsqu'il les<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d prononcer avec un peu d'estime que ne ferait un Chréti<strong>en</strong> bi<strong>en</strong> zéléqui verrait sacrifier aux Idoles. C'est pourtant sur quoi il se fondeprincipalem<strong>en</strong>t, & parce que ces Auteurs ont mis l'Antimoine au nombredes poisons ; il ne doute pas que ce n' <strong>en</strong> soit un véritable ; mais commedans le fonds il ne les estime point ni pour leur doctrine, ni pour leurprobité, ne peut on pas lui dire avec raison ou qu'ils se sont trempés ouqu'ils ont voulu nous tromper : Car étant ignorants comme il <strong>en</strong> demeure


d'accord, ils ont pu se tromper, & étant fourbes & Charlatans comme ils lesappelle ils ont pu avoir le dessein de nous faire croire sur le fait del'Antimoine le contraire de ce qu'ils p<strong>en</strong>sai<strong>en</strong>t. L'antimoine est assurém<strong>en</strong>tle remède avec quoi ils ont fait les plus belles cures, & se sont distingués ducommun, ils <strong>en</strong> ont voulu dérober la connaissance, & feignant que c'était unpoison qu'ils avoi<strong>en</strong>t seuls l'art de corriger, faire peur aux Médecinsordinaires, les empêcher de s'<strong>en</strong> servir, & relever leur propre mérite <strong>en</strong>persuadant qu'ils pouvai<strong>en</strong>t changer les poisons <strong>en</strong> de bons remèdes !Chose assurém<strong>en</strong>t surpr<strong>en</strong>ante & capable de les faire admirer. En effet quoiqu'ils ai<strong>en</strong>t dit que c'est un poison, ils se sont vantés de le préparer <strong>en</strong> tellesorte qu'il fut le plus excell<strong>en</strong>t de tous les remèdes ; Surtout <strong>Par</strong>acelse quiassure qu'on y trouve de quoi r<strong>en</strong>ouveler toutes les forces & beaucoupd'autres bonnes qualités que je n'y crois pas, à la réserve de celles que j'aidites; & ainsi comme ce Douteur prét<strong>en</strong>d prouver par l'autorité de cesChimistes que l'Antimoine est un poison si on ne le prépare, il devrait aussiavouer sur ce même fondem<strong>en</strong>t que par la Chimie on peut <strong>en</strong> faire un bonremède, & c'est pourtant ce qu'il conteste depuis tant d'années.Mais c'est trop longtemps s'arrêter sur des autorités de si peu deconséqu<strong>en</strong>ce, il faut que ce Monsieur sache une chose qu'il devrait déjàavoir apprise depuis qu'il nous connaît, & il faut s'il se peut qu'il sedésabuse sur le fait des autorités. Il s'imagine que comme il défère <strong>en</strong> touteschoses à l'autorité d'Hippocrate & de Gali<strong>en</strong>, même au préjudice del'expéri<strong>en</strong>ce, nous nous attachons aussi à celle de <strong>Par</strong>acelse & de VanHelmont, mais assurém<strong>en</strong>t il se trompe, nous ne nous laissons persuaderqu'à la raison & à l'expéri<strong>en</strong>ce Nous pr<strong>en</strong>ons dans Hippocrate, dans Gali<strong>en</strong>,dans <strong>Par</strong>acelse, dans Van Helmont, & dans tous les autres Auteurs ce qu<strong>en</strong>ous y trouvons de conforme à ces deux flambeaux qui nous éclair<strong>en</strong>t & quinous conduis<strong>en</strong>t, & tout ce qui s'<strong>en</strong> éloigne nous l'évitons comme uneerreur. Si Hippocrate que nous estimons davantage comme le plus savant &le plus honnête homme de tous, & pour qui nous avons beaucoup dedéfér<strong>en</strong>ce appr<strong>en</strong>ait <strong>en</strong> l'autre monde que nous le suivissions <strong>en</strong> tout sansdiscernem<strong>en</strong>t, il aurait sans doute compassion de notre faiblesse, &revi<strong>en</strong>drait nous dire s'il pouvait, que pour nous montrer qu'il n'était pasinfaillible, il nous a sincèrem<strong>en</strong>t averti <strong>en</strong> quelques <strong>en</strong>droits de ses Livres,qu'il s'était trompé. Nous ne sommes donc pas comme ces Messieurs quifont gloire de s'abuser plutôt avec Hippocrate ; que de dire la vérité avec<strong>Par</strong>acelse ; Nous préférerions au contraire la v<strong>en</strong>té dans la bouche du plusméprisable de tous les hommes, à l'erreur dans laquelle serait tombé le pluscélèbre de tous les savants. Et ainsi ce <strong>Docteur</strong> doit croire dans la


disposition d'esprit ou nous sommes que nous ne préférerons pas les<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de Van Helmont & de <strong>Par</strong>acelse à notre propre expéri<strong>en</strong>ce.CHAPITRE XVI.Conclusion de l'ouvrage où l'on prouve aux personnesde bon s<strong>en</strong>s qui même n'ont point d'étude quel'Antimoine n'est pas un poison, mais un bon remède.Ce que j'ai dit dans les deux parties de cette dissertation doit convaincretous ceux qui font profession de Médecine, pourvu qu'ils ne soi<strong>en</strong>t pastellem<strong>en</strong>t préoccupés de leur opinion qu'ils refus<strong>en</strong>t d'examinersérieusem<strong>en</strong>t les choses que je propose. Ce sont de véritablesdémonstrations <strong>en</strong> Physique & <strong>en</strong> Médecine, puis qu'elles sont toutesappuyées sur des expéri<strong>en</strong>ces qu'on ne peur contester & sur des axiomesindubitables, comme de dire qu'il n'y a point d'action sans mouvem<strong>en</strong>t ;que les parties semblables de tous les métaux excepté du Mercure, sont <strong>en</strong>repos les unes auprès des autres ; Que leurs parties ess<strong>en</strong>tielles ou principessont si étroitem<strong>en</strong>t liés qu'ils ne peuv<strong>en</strong>t être séparés.J'ai évité à dessein de déterminer ces principes, parce qu'on ne peut les fairevoir, & ainsi il n'y a point de Médecin Philosophe de quelque secte qu'ilsoit, pourvu qu'il écoute la raison & l'expéri<strong>en</strong>ce, & qu'il réfléchisse sur lespréparations Chimiques de tous les métaux, qui ne tombe d'accord de ceque j'avance.Mais comme tout le monde à intérêt d'être désabusé de la défiance qu'on aeu de l'Antimoine par l'implication des Médecins, qui l'ont autrefoiscondamné sans s'<strong>en</strong> être servis, & sans l'avoir examiné, & par la chaleurexcessive qu'ils ont eu à le décrier comme une poison ; Je veux pour finir cetouvrage persuader par des raisons morales aux personnes de bon s<strong>en</strong>s quin'ont point d'étude ou qui ne se font pas appliquées à la Médecine & à laChimie, que l'Antimoine est un bon remède, & non pas un poison.Pour cela il faut qu'ils observ<strong>en</strong>t, que presque tous les Médecins du sièclepassé, & plusieurs du comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t de celui-ci, ont non seulem<strong>en</strong>t<strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t ignoré la Chimie, mais <strong>en</strong>core l'ont absolum<strong>en</strong>t condamnéecomme un art pernicieux dont tous les remèdes étai<strong>en</strong>t des poisons. Ilsn'ont pas eu de peine à prév<strong>en</strong>ir tout le monde sur ce sujet, parce quel'homme naturellem<strong>en</strong>t faible est plus sujet à la crainte quand on lui <strong>en</strong>donne quelque motif, qu'à la confiance quoiqu'on tâche de le rassurer. Il n'y


a point de Médecin qui n'éprouve chaque jour la vérité de ce que je dis,pourvu qu'il y fasse réflexion : c'est ce qui fait souv<strong>en</strong>t que les maladesrefus<strong>en</strong>t les-remèdes les plus innoc<strong>en</strong>ts.Cep<strong>en</strong>dant comme la vérité tôt ou tard se fait connaître, quelques Médecinssans préoccupation ayant vu des malades guéris par l'Antimoine qu'ilsavai<strong>en</strong>t abandonnés, ouvrir<strong>en</strong>t les yeux, & comm<strong>en</strong>cèr<strong>en</strong>t de l'employer <strong>en</strong>secret pour éviter la c<strong>en</strong>sure de leurs Confrères préoccupés & reconnaissanttous les jours ses bons effets, il acquît peu à peu, beaucoup de crédit, &plusieurs Médecins se déclarèr<strong>en</strong>t ouvertem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> sa faveur, <strong>en</strong>fin l'estimequ'on <strong>en</strong> fît s'est accrue à tel point que dans la faculté de Médecine de <strong>Par</strong>is& dans toutes celles de l'Europe <strong>en</strong>semble on aurait peine à trouver sixMédecins qui le condamnass<strong>en</strong>t & qui refusass<strong>en</strong>t de s'<strong>en</strong> servir.Or par ces progrès tout le monde peur reconnaître qu'il n'y a eu quel'implication ou les faux préjugés des Médecins qui l'ai<strong>en</strong>t fait rejeter & quela v<strong>en</strong>té a fait une espèce de viol<strong>en</strong>ce sur l'esprit des premiers qui ontreconnu ses bons effets, & qui s'<strong>en</strong> sont servis maint<strong>en</strong>ant que toute lafaculté de <strong>Par</strong>is l'approuve & l'emploie tous les jours avec tant de succès.Peut-on raisonnablem<strong>en</strong>t douter que ce soit un excell<strong>en</strong>t remède. Tantd'esprits éclairés qui la compos<strong>en</strong>t s'opiniâtrerai<strong>en</strong>t ils à s'<strong>en</strong> servir s'ils <strong>en</strong>voyai<strong>en</strong>t de méchants effets. Y <strong>en</strong> a t'il aucun parmi eux qui n'emploie tousses soins à guérir ses malades, ou pour le plaisir qu'il trouve dans laréussite, ou pour le crédit qu'il veut acquérir, & celui qui reste dans uns<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t contraire, devrait-il pas changer d'opinion, employer ce remèdebi<strong>en</strong> à propos pour guérir plus promptem<strong>en</strong>t & plus sûrem<strong>en</strong>t ses malades ;ou du moins s'il est immuable dans ses p<strong>en</strong>sées, devrait il pas prudemm<strong>en</strong>t& honnêtem<strong>en</strong>t faire la Médecine à sa fantaisie, & laisser agir les autrescomme bon leur semble, sans s'efforcer avec tant de chaleur de semer de ladéfiance contre leur conduite. Mais pour peu de réflexion qu'on fasse sur ceque je vi<strong>en</strong>s de dire sur son caractère d'esprit, sur le nombre des Médecinsqui approuv<strong>en</strong>t & donn<strong>en</strong>t l'Antimoine, au lieu de Cuivre ses s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts, &d'écouter ses conseils, on condamner a son <strong>en</strong>têtem<strong>en</strong>t.FIN.

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