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Entretien avec le docteur de Medeiros

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<strong>Entretien</strong> <strong>avec</strong> …Le <strong>docteur</strong> Narcisse <strong>de</strong> Me<strong>de</strong>iros, membre du GroupeConsultatif <strong>de</strong> Projet (PAG)Le <strong>docteur</strong> <strong>de</strong> Me<strong>de</strong>iros est coordinateur <strong>de</strong>s programmesUNICEF au Togo<strong>Entretien</strong> réalisé <strong>le</strong> 11 juil<strong>le</strong>t 2006 à Bamako (Mali)lors <strong>de</strong> l'atelier <strong>de</strong>s investigateurs.Tous <strong>le</strong>s entretiens dans cette série sont disponib<strong>le</strong>s sur <strong>le</strong> sitehttp://www.meningvax.org/francais/fr-press-reports.htmDocteur <strong>de</strong> Me<strong>de</strong>iros, si vous <strong>de</strong>viez vous présenter en quelques mots, que diriez-vous ?Je suis un homme qui a plusieurs passions, et je suis romantique, parce que mon parcoursprofessionnel et personnel est émaillé <strong>de</strong> hasards et <strong>de</strong> nécessités mais toujours mu par uncertain romantisme. Je suis coordinateur <strong>de</strong>s programmes UNICEF au Togo et j’ai exercépendant huit ans comme conseil<strong>le</strong>r régional pour <strong>le</strong>s 24 pays d’Afrique <strong>de</strong> l’Ouest et duCentre en matière <strong>de</strong> communication pour <strong>le</strong>s programmes <strong>de</strong> l’UNICEF. Ma formation <strong>de</strong>base est la mé<strong>de</strong>cine. J'ai ensuite fait une maîtrise en santé communautaire et un doctorat encommunication.Pourquoi la mé<strong>de</strong>cine ?Ma famil<strong>le</strong> compte 17 mé<strong>de</strong>cins et c'est peut-être une question d'exposition. Mon père étaitun <strong>de</strong>s premiers mé<strong>de</strong>cins formés à l'éco<strong>le</strong> William Ponty à Dakar. C'était pendant lapério<strong>de</strong> colonia<strong>le</strong> et la plupart <strong>de</strong>s intel<strong>le</strong>ctuels <strong>de</strong>s pays colonisés par la France sortaient <strong>de</strong>Ponty. Mais peut-être n'ai-je pas vraiment choisi <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir mé<strong>de</strong>cin parce que quandj’étais en termina<strong>le</strong>, j’avais envie <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir pilote d’avion, à une époque où on proposaitaux meil<strong>le</strong>urs élèves <strong>de</strong> termina<strong>le</strong> technique <strong>de</strong> passer <strong>le</strong> concours pour <strong>de</strong>venir pilote.J'étais interne dans un lycée <strong>de</strong> Porto-Novo et <strong>de</strong>s camara<strong>de</strong>s <strong>de</strong> classe et moi avons pris <strong>le</strong>car pour al<strong>le</strong>r passer <strong>le</strong> concours à Cotonou, à une trentaine <strong>de</strong> kilomètres. On nous a donnénos rations du midi et quand on est arrivé à Cotonou, <strong>le</strong> chauffeur a voulu passer par lacorniche, <strong>le</strong> long <strong>de</strong> la marina, et longer la mer. Et moi, il y a un rêve que j’ai toujours eu etque je n’avais jamais pu réaliser, c’est <strong>de</strong> voir la pluie tomber sur la mer. Or il p<strong>le</strong>uvait, et jesavais qu’il p<strong>le</strong>uvait sur la mer que je savais à une centaine <strong>de</strong> mètres environ dans <strong>le</strong> bascôté<strong>de</strong> la rue. J’ai <strong>de</strong>mandé au chauffeur d’arrêter, ce qu’il a fait croyant que j’avais unbesoin pressant à satisfaire. J'ai <strong>de</strong>mandé au responsab<strong>le</strong> <strong>de</strong> me donner mon sandwich, et jelui ai dit : « Je veux <strong>de</strong>scendre pour al<strong>le</strong>r à la plage. Je veux voir la pluie tomber sur lamer. » J’ai pris <strong>le</strong> sandwich et j'ai laissé <strong>le</strong> car partir. J’ai traversé la rue et je suis allém’asseoir à la plage, tout seul. Je voyais la pluie tomber sur la mer... J’étais heureux commeun enfant. Et c’est ainsi que j’ai raté <strong>le</strong> concours <strong>de</strong> pilote d’avion. Quand je suis rentré à lamaison <strong>le</strong>s gens m’ont <strong>de</strong>mandé ce qui s’était passé. J’ai expliqué ce que j’avais fait. Ilss’en étaient plutôt réjouis car il y avait tout <strong>de</strong> même <strong>de</strong>s chances que je réussisse, alorsqu’ils me voyaient déjà en fac <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine. Donc, après la termina<strong>le</strong>, j’ai passé <strong>le</strong> concours<strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine. J'ai réussi, et j’ai continué. Peut-être que s’il ne p<strong>le</strong>uvait pas ce jour-là,aujourd’hui je serais pilote et non mé<strong>de</strong>cin…<strong>Entretien</strong> MVP <strong>avec</strong> <strong>le</strong> <strong>docteur</strong> <strong>de</strong> Me<strong>de</strong>iros – Juil<strong>le</strong>t 2006 – Page 1 sur 8


l'anthropologie et la communication. J'ai assuré cette coordination jusqu’au transfert duprogramme en Afrique. Le défi pour moi était <strong>de</strong> réussir <strong>le</strong> transfert d'un programme montéen Occi<strong>de</strong>nt dans un contexte très favorab<strong>le</strong> et <strong>de</strong> voir comment il allait se greffer dans uneuniversité africaine, en l'occurrence à l'université Cheikh Anta Diop <strong>de</strong> Dakar. Je suis rentréen Afrique en 1995. En 1996, l'OMS m'a <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> renforcer <strong>le</strong> curriculum <strong>de</strong>s centres <strong>de</strong>santé publique <strong>de</strong> Lomé et <strong>de</strong> Cotonou. J'ai ensuite obtenu une position <strong>de</strong> conseil<strong>le</strong>rrégional en communication pour <strong>le</strong>s programmes à l'UNICEF.Vous êtes <strong>de</strong>venu membre du Groupe Consultatif <strong>de</strong> Projet ("PAG") en 2004. Etiez-voussurpris que l'on vous propose <strong>de</strong> joindre <strong>le</strong> PAG ?Surpris? Non, parce que je connais la scène africaine en matière <strong>de</strong> communication et jecrois que mes compétences sont reconnues dans ce domaine. Quand on m'a dit que monnom avait été proposé, cela m'a intéressé parce que <strong>de</strong>puis 1997 j'avais beaucoup travaillé àmonter la plupart <strong>de</strong>s équipes qui travail<strong>le</strong>nt dans <strong>le</strong> domaine <strong>de</strong> la vaccination. Le regainpour <strong>le</strong> PEV [ndlr: Programme Élargi <strong>de</strong> Vaccination] et la polio date <strong>de</strong> cette époque-là eton a beaucoup formé <strong>le</strong>s gens en communication, donc cela ne m'a pas du tout surpris.Que pouvez-vous apporter au projet en tant que membre du PAG ?Le PAG est un panel <strong>de</strong> conseil<strong>le</strong>rs <strong>de</strong>vant <strong>le</strong>quel MVP ou ses collaborateurs viennentprésenter <strong>le</strong>s résultats <strong>de</strong> ce qu'ils font. Les membres du panel donnent <strong>le</strong>ur avis et <strong>le</strong>sinterpel<strong>le</strong>nt. Je pense que c'est à l'honneur du MVP parce que ce n'est pas habituel <strong>de</strong>soumettre ce que l'on fait à l'attention d'un panel d'experts qui est souvent très critique – caron n'est pas <strong>de</strong>s plaisantins. On questionne comme <strong>de</strong>vant un par<strong>le</strong>ment pour comprendre,pour conseil<strong>le</strong>r et dire : « Faites attention à ceci et à cela. » Dans <strong>le</strong> groupe, je suis <strong>le</strong> seu<strong>le</strong>n matière <strong>de</strong> communication et je pense que mon rô<strong>le</strong> consiste à m'assurer que dans <strong>le</strong>sapproches qui sont adoptées et dans la façon dont <strong>le</strong>s choses sont faites, <strong>le</strong>s dispositionssont prises pour faciliter l'atteinte <strong>de</strong>s résultats attendus par <strong>le</strong> projet dans <strong>le</strong> respect ducontexte culturel. Le respect du contexte culturel permet d'assurer une certainepérennisation qui peut, à long terme, renforcer l'acceptation <strong>de</strong>s services santé.Est-il arrivé que <strong>de</strong>s collègues mé<strong>de</strong>cins et <strong>de</strong>s scientifiques « purs et durs » vous prennentpour un hurluberlu, un fanfaron à cause <strong>de</strong> l'importance que vous accor<strong>de</strong>z à lacommunication ?Au début, oui. Mais quand j'étais en 6 e année <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine, mes émissions étaient <strong>de</strong>venuestrès populaires, j'étais <strong>de</strong>venu une sorte <strong>de</strong> ve<strong>de</strong>tte au Bénin et <strong>le</strong>s professeurs qui résistaientau tout début me faisaient la cour pour venir sur <strong>le</strong> plateau <strong>de</strong>s émissions que j'animais. À lafin, quand ils avaient <strong>de</strong> grands messages à faire passer au public, ils passaient par moi.J'étais <strong>de</strong>venu un homme <strong>de</strong> pouvoir qui pouvait marchan<strong>de</strong>r, négocier pour dire : « Oui, jefais passer <strong>le</strong> message » ou « Non, je ne <strong>le</strong> fais pas passer. » J'étais <strong>de</strong>venu plutôt trèsrespecté dans ce mon<strong>de</strong>-là. Beaucoup <strong>de</strong> gens <strong>de</strong> la santé à partir <strong>de</strong> cet instant ont pensé às'approcher un peu plus <strong>de</strong>s médias et <strong>le</strong> dialogue a été un peu plus faci<strong>le</strong>. Cela a été un <strong>de</strong>seffets non planifiés <strong>de</strong> mon passage dans <strong>le</strong>s médias.Comment est-ce que cela se traduit sur <strong>le</strong> terrain, quand on est à mi-chemin entre <strong>le</strong>sscientifiques et <strong>le</strong> grand public – <strong>de</strong>s personnes qui n'ont pas nécessairement reçu uneéducation ?Les gens ren<strong>de</strong>nt témoignage quotidiennement. Faire ce virage-là [<strong>de</strong> la mé<strong>de</strong>cine à lacommunication] est peut-être la plus gran<strong>de</strong> expérience <strong>de</strong> ma vie. D'abord parce que je suis<strong>le</strong> 17 e mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> ma famil<strong>le</strong> et dans la formation que l'on nous donne, c'est juste si on nenous dit pas que nous sommes <strong>de</strong>s <strong>de</strong>mi-dieux… On se prend vraiment pour <strong>le</strong> nombril du<strong>Entretien</strong> MVP <strong>avec</strong> <strong>le</strong> <strong>docteur</strong> <strong>de</strong> Me<strong>de</strong>iros – Juil<strong>le</strong>t 2006 – Page 3 sur 8


mon<strong>de</strong>. C'est en virant vers la communication que j'ai appris la vraie humilité, l'empathie, àreconsidérer <strong>le</strong>s choses, à comprendre vraiment. Quand je me retrouvais sur <strong>le</strong> terrain <strong>avec</strong>ma blouse blanche, mon stéthoscope, ou à l'hôpital où j'étais affecté, c'était très respectueux,<strong>le</strong> public me prenait pour un <strong>de</strong>mi-dieu et c'était comme si <strong>le</strong>ur vie dépendait <strong>de</strong>s choix quej'allais faire. Quand je n'étais plus mé<strong>de</strong>cin, je me fondais, je <strong>de</strong>venais un peu celui quiapprenait beaucoup plus à faire l'effort <strong>de</strong> comprendre ce que <strong>le</strong>s gens voulaient pourpouvoir relayer ces <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s vers <strong>de</strong>s sphères décisionnel<strong>le</strong>s. J'ai appris à être beaucoupplus à l'écoute. Quand on est assis dans sa sal<strong>le</strong> <strong>de</strong> consultation et <strong>le</strong>s mala<strong>de</strong>s viennent, lafaçon dont on se comporte, c'est un peu comme si la personne qu'on voit est un objet quiporte la maladie qui nous intéresse. C'est un support <strong>de</strong> paramètre qui nous intéresse et sur<strong>le</strong>quel nous questionnons. On ne fait pas <strong>de</strong> communication sur <strong>le</strong>s bancs <strong>de</strong> l'université <strong>de</strong>mé<strong>de</strong>cine ; on ne nous apprend pas à écouter.C'est à partir du terrain que j'ai su que la dimension spirituel<strong>le</strong> et religieuse est undéterminant majeur <strong>de</strong>s comportements que <strong>le</strong>s gens adoptent, y compris <strong>le</strong>s comportements<strong>de</strong> santé. Et c'est extrêmement important dans <strong>le</strong> contexte africain. Personne n'est venu àl'éco<strong>le</strong> <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine pour nous par<strong>le</strong>r <strong>de</strong>s religions, <strong>de</strong>s pratiques traditionnel<strong>le</strong>s. On nous aparlé <strong>de</strong>s pratiques néfastes, <strong>de</strong> la mutilation génita<strong>le</strong>, du gavage… mais il y a tel<strong>le</strong>mentd'autres pratiques traditionnel<strong>le</strong>s que <strong>le</strong>s gens font soit par ignorance soit par convictionreligieuse ou culturel<strong>le</strong>, et que l'on peut exploiter parce que la motivation première est lasurvie.Vous pouvez donner un exemp<strong>le</strong> concret ?Je suis allé dans un milieu où un enfant faisait une rougeo<strong>le</strong> compliquée. Si on ne soignaitpas cette enfant, il allait mourir. La mère <strong>de</strong> famil<strong>le</strong> donnait à manger au fétiche dans lamaison – en tout cas el<strong>le</strong> versait <strong>de</strong> l'hui<strong>le</strong> sur <strong>le</strong> fétiche parce qu'ils pensaient que l'enfantétait mala<strong>de</strong> à cause du fétiche. Le personnel médical essayait <strong>de</strong> convaincre la mère <strong>de</strong>faire traiter l'enfant et <strong>de</strong> faire vacciner un autre, mais el<strong>le</strong> ne voulait rien entendre parceque c'était gaspil<strong>le</strong>r son argent. Il a fallu que je fasse un travail <strong>avec</strong> <strong>le</strong> personnel <strong>de</strong> santé et<strong>avec</strong> la mère qui a consisté, d'abord, à ai<strong>de</strong>r la mère à acheter <strong>le</strong> type <strong>de</strong> vivres qu'el<strong>le</strong>mettait sur <strong>le</strong> fétiche. On a mis <strong>le</strong>s vivres sur <strong>le</strong> fétiche et on lui a <strong>de</strong>mandé d'expliquer d'ouvenait cette pratique. El<strong>le</strong> a expliqué qu'el<strong>le</strong> voulait sauver l'enfant. On a essayé <strong>de</strong> trouverdans la communauté un proverbe équivalant à « Deux solutions va<strong>le</strong>nt mieux qu'une. » Onl'a emmenée au centre <strong>de</strong> santé où on lui a fait voir <strong>de</strong>s enfants qui faisaient <strong>le</strong> même type<strong>de</strong> maladie et on a expliqué que pour d'autres catégories <strong>de</strong> gens, qui ont une culturedifférente, <strong>le</strong> vaccin est un peu comme ce qu'el<strong>le</strong> verse sur <strong>le</strong> fétiche. On a vu que <strong>le</strong>senfants du centre n'étaient pas mala<strong>de</strong>s parce qu'ils avaient reçu ce médicament-là. On a<strong>de</strong>mandé à la mère si el<strong>le</strong> connaissait <strong>le</strong> proverbe « Deux chaussures ou <strong>de</strong>ux béquil<strong>le</strong>sva<strong>le</strong>nt mieux qu'une », et si cela la gênerait d'appliquer l'autre solution en même tempsqu'el<strong>le</strong> continue <strong>de</strong> nourrir <strong>le</strong> fétiche. El<strong>le</strong> a accepté qu'on traite l'enfant et l'enfant a guéri.Pendant <strong>le</strong>s premiers mois, el<strong>le</strong> a continué <strong>de</strong> croire que c'est parce qu'on a donné aufétiche, mais la relation entre <strong>le</strong> personnel <strong>de</strong> la santé et cette maison-là, qui était trèsmauvaise parce que <strong>le</strong> personnel <strong>de</strong> santé avait <strong>de</strong>s préjugés, s'est rapi<strong>de</strong>ment améliorée.Les personnes dans la maison sont <strong>de</strong>venues non seu<strong>le</strong>ment beaucoup plus à l'écoute,participatives aux activités <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> santé mais el<strong>le</strong>s sont <strong>de</strong>venues <strong>de</strong>s partenaires,<strong>de</strong>s porte-paro<strong>le</strong> <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> santé.Je ne peux pas dire aujourd'hui que <strong>le</strong>s pratiques loca<strong>le</strong>s ont disparu, mais grâce à cela, on aréussi à <strong>le</strong>s convaincre que la solution « étrangère » peut contribuer à sauver <strong>le</strong>urs enfants…parce qu'ils veu<strong>le</strong>nt sauver <strong>le</strong>urs enfants. L'attitu<strong>de</strong> du personnel médical est un ref<strong>le</strong>t <strong>de</strong> cequ'on apprend sur <strong>le</strong>s bancs <strong>de</strong>s éco<strong>le</strong>s <strong>de</strong> formation technique en mé<strong>de</strong>cine : Il y a <strong>de</strong>s<strong>Entretien</strong> MVP <strong>avec</strong> <strong>le</strong> <strong>docteur</strong> <strong>de</strong> Me<strong>de</strong>iros – Juil<strong>le</strong>t 2006 – Page 4 sur 8


pratiques qui sont nocives ; il n'y a qu'une vérité, c'est <strong>de</strong> donner <strong>le</strong> vaccin, <strong>de</strong> soigner. Lereste, tout <strong>le</strong> reste, c'est nul. Or, la mère qui nourrit <strong>le</strong> fétiche se réfère à une réalité qu'el<strong>le</strong>va utiliser pour interpréter d'autres aspects <strong>de</strong> sa vie. Même si on lui dit : « Arrête », etqu'el<strong>le</strong> arrête, el<strong>le</strong> va utiliser la même chose pour donner du sens à d'autres événements <strong>de</strong>sa vie. Donc lui dire « Arrête, cela ne sert à rien, il faut laisser tomber », ce n'est passeu<strong>le</strong>ment dire « Ton enfant va mourir si tu continues cela »; c'est dire que toutes <strong>le</strong>s autresdimensions <strong>de</strong> sa vie n'ont pas <strong>de</strong> sens. A l'éco<strong>le</strong> <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine, nous n'avons pas appris àfaire ce type d'analyse. Nous n'avons pas appris à écouter <strong>le</strong>s gens expliquer pourquoi ilsfont tel<strong>le</strong> ou tel<strong>le</strong> chose, qui peut semb<strong>le</strong>r absur<strong>de</strong>, mais que l'on peut exploiter pour <strong>le</strong>sai<strong>de</strong>r. C'est en faisant ce virage-là que j'ai compris à être très, très humb<strong>le</strong>, à écouterbeaucoup plus que je ne <strong>le</strong> faisais et que ma socialisation professionnel<strong>le</strong> ne me permettait<strong>de</strong> <strong>le</strong> faire. Et je peux dire que sincèrement, c'est par hasard que je suis venu là mais si onme <strong>de</strong>mandait d'abandonner cela et <strong>de</strong> retourner dans la mé<strong>de</strong>cine pure, je dirais non.Quels sont <strong>le</strong>s plus grands défis en matière <strong>de</strong> communication que MVP va rencontrer <strong>avec</strong>la phase II et ensuite <strong>avec</strong> l'introduction du vaccin ?La difficulté n'est pas inhérente à la phase-même ni au vaccin mais est inhérente à un certainnombre <strong>de</strong> pratiques qu'ont ceux chargés <strong>de</strong> faire l'expérimentation. Si <strong>le</strong> personnel médicaln'était pas suffisamment à l'écoute du public, <strong>de</strong>s parents qui vont amener <strong>le</strong>s enfants… s'ilsn'écoutaient pas ce que <strong>le</strong>s gens disent et <strong>le</strong>s inquiétu<strong>de</strong>s qu'ils expriment parce qu'ils sontoccupés à prendre <strong>de</strong>s notes et remplir <strong>de</strong>s formulaires, l'idée que <strong>le</strong>s gens vont retenir, c'estl'expérimentation. Cela nous met dans une posture qui <strong>de</strong>vrait nous appe<strong>le</strong>r, et ce encoreplus que lorsqu'on veut seu<strong>le</strong>ment donner <strong>de</strong>s soins, à écouter, à être très attentifs, à êtredisponib<strong>le</strong>s pour pouvoir ai<strong>de</strong>r, gui<strong>de</strong>r <strong>le</strong>s gens, rég<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s problèmes <strong>avec</strong> eux. Donc, jepense qu'il faudra surtout qu'on encourage <strong>le</strong>s techniciens et <strong>le</strong>s gens qui vont être en rapport<strong>avec</strong> <strong>le</strong>s parents à cette écoute-là, à faire vraiment attention. Il y a aussi <strong>de</strong>s ennemis, <strong>de</strong>sjaloux, etc., et il faut donc s'attendre au problème <strong>de</strong>s rumeurs, et il faudra être prêt à <strong>le</strong>scontrô<strong>le</strong>r. Les <strong>de</strong>ux défis majeurs en matière <strong>de</strong> communication sont au niveau <strong>de</strong>s rumeurset du fait que c'est un nouveau vaccin.Même dans <strong>le</strong> cas <strong>de</strong>s activités <strong>de</strong> vaccination courante, quand on fait <strong>de</strong>s briefingstechniques pour préparer <strong>de</strong>s campagnes <strong>de</strong> vaccination, quand on abor<strong>de</strong> l'aspectcommunication, <strong>le</strong>s responsab<strong>le</strong>s <strong>de</strong> la vaccination disent qu'ils ont une approchecommunautaire et l'habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> par<strong>le</strong>r <strong>avec</strong> <strong>le</strong>s <strong>le</strong>a<strong>de</strong>rs. Pour eux, cela va <strong>de</strong> soi. Lacommunication, dans tout ce qu'on fait au niveau <strong>de</strong> la vaccination, dans tous <strong>le</strong>s pays, tantqu'il n'y a pas <strong>de</strong> problème, c'est « ce qui va <strong>de</strong> soi ». On pense qu'on a communiqué parcequ'on mène une action d'information, une action <strong>de</strong> sensibilisation auprès <strong>de</strong>s <strong>le</strong>a<strong>de</strong>rscommunautaires. On pense a priori que c'est une chose pour laquel<strong>le</strong> on n'a pas besoin <strong>de</strong>briefing particulier. Ce n'est pas exact. C'est quand la crise survient qu'ils s'affo<strong>le</strong>nt etréalisent qu'il y a <strong>de</strong>s facteurs auxquels ils n'ont pas fait attention et qui sont déterminantsdans la situation à laquel<strong>le</strong> ils sont confrontés.La jalousie et <strong>de</strong>s rumeurs, c'est si courant que cela ?Ce que j'ai compris en travaillant dans ce domaine en Afrique, c'est que tout est occasionpour mettre en va<strong>le</strong>ur <strong>de</strong>s jeux <strong>de</strong> pouvoir, que ce soit au niveau du personnel <strong>de</strong> santé, auniveau <strong>de</strong>s différentes directions qui doivent collaborer, ou au niveau <strong>de</strong>s <strong>le</strong>a<strong>de</strong>rs, y compris<strong>de</strong>s <strong>le</strong>a<strong>de</strong>rs communautaires ou religieux. Tout est occasion pour jouer ou obtenir plus <strong>de</strong>pouvoir soit parce qu'on projette qu'on peut l'utiliser après, soit parce qu'on veut rég<strong>le</strong>r <strong>de</strong>scomptes. Toutes <strong>le</strong>s occasions sont bonnes. Je connais assez bien l'histoire <strong>de</strong>s relationssocia<strong>le</strong>s, intercommunautaires et politiques qui marquent <strong>le</strong>s pays <strong>de</strong> notre région et je peux<strong>Entretien</strong> MVP <strong>avec</strong> <strong>le</strong> <strong>docteur</strong> <strong>de</strong> Me<strong>de</strong>iros – Juil<strong>le</strong>t 2006 – Page 5 sur 8


dire qu'il y a beaucoup d'acteurs qui sont impliqués, à différents niveaux et <strong>de</strong> différentescatégories, et qui utilisent cela comme jeu <strong>de</strong> pouvoir. C'est encore plus évi<strong>de</strong>nt dans <strong>le</strong>srégions où il y a <strong>de</strong>s minorités, <strong>de</strong>s injustices et où <strong>le</strong>s gens voient <strong>le</strong> pouvoir, que ce soit enmatière d'argent ou en matière socia<strong>le</strong> ou politique.Quel<strong>le</strong>s sont <strong>le</strong>s différences majeures entre <strong>le</strong> métier <strong>de</strong> communicateur en Afrique et celui<strong>de</strong> communicateur au Canada ou en Europe ?L'approche est différente parce qu'en Europe, à moins <strong>de</strong> s'intéresser à <strong>de</strong>s minorités loca<strong>le</strong>sou <strong>de</strong>s populations émigrées, il y a <strong>de</strong>s aspects sur <strong>le</strong>squels on ne se serait pas attardé etauxquels, ici, on ne peut pas échapper. Si MVP faisait un essai en Europe, par exemp<strong>le</strong>,dans la plupart <strong>de</strong>s cas, je fais l'hypothèse que <strong>le</strong>s gens comprendraient plus faci<strong>le</strong>ment quece type d'expérimentation puisse être fait parce qu'ils comprennent que si <strong>le</strong>ur société a fait<strong>de</strong>s pas en avant jusque là, c'est sur la base <strong>de</strong> ce type d'expérimentation, que ce soit auniveau industriel ou à d'autres niveaux. Dans <strong>le</strong>ur culture, dans <strong>le</strong>s informations qui <strong>le</strong>urparviennent quotidiennement, beaucoup <strong>de</strong> choses <strong>le</strong>s préparent à accepter cela sans penserqu'il peut y avoir un problème magico-religieux qui va jouer parce que vos sociétés ontparcouru <strong>le</strong>ur histoire et el<strong>le</strong>s sont à un niveau assez différent <strong>de</strong> ce qui se passe ici.Comment <strong>le</strong>s prélèvements sanguins vont-ils être perçus par la population ?Il y a un ouvrage sur l'anthropologie du sang en Afrique qui montre que dès qu'on touche ausang en Afrique, c'est du sacré. On n'en a pas toujours conscience, et ce n'est pas sur <strong>le</strong>sbancs <strong>de</strong> la faculté <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine que tu vas lire cela. Tout va dépendre <strong>de</strong> la qualitérelationnel<strong>le</strong>, la qualité <strong>de</strong> l'interaction entre <strong>le</strong> technicien et <strong>le</strong>s gens. La façon dont <strong>le</strong>s gensvont interpréter ce sang qui va être touché, pré<strong>le</strong>vé va être beaucoup déterminée par <strong>le</strong><strong>de</strong>gré <strong>de</strong> confiance qui va s'établir entre l'infirmier et la maman ou la population. Il ne fautsurtout pas oublier que l'infirmier, avant d'être infirmier, il est africain. Il vient <strong>de</strong> quelquepart. Ses croyances <strong>de</strong> base peuvent être là et il faut en tenir compte. Ce n'est pas parce qu'i<strong>le</strong>st dans <strong>le</strong> projet MVP qu'il va occulter tota<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> fait que pour lui, dans sa culture et sacommunauté, <strong>le</strong> sang est sacré. Ce n'est pas seu<strong>le</strong>ment la population qu'il va falloir mettreen confiance. C'est aussi l'infirmier.Lors <strong>de</strong> la réunion <strong>de</strong>s investigateurs, vous avez utilisé l'image du triang<strong>le</strong> et vous avezparlé du rô<strong>le</strong> essentiel que jouent <strong>le</strong>s vaccinateurs. Pouvez-vous en dire quelques mots ?Le triang<strong>le</strong>, c'est l’idée que <strong>le</strong>s techniciens doivent veil<strong>le</strong>r à ce que dans <strong>le</strong>urs façons d'agiret <strong>le</strong>urs déclarations, ils ne nuisent pas à trois choses : au site clinique ; à travers <strong>le</strong> siteclinique, à l’ensemb<strong>le</strong> <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> vaccination ; et au projet MVP. Je sais qu'ils n'ont pasété formés en ce sens, mais il est important <strong>de</strong> développer une qualité d’interaction positive<strong>avec</strong> <strong>de</strong>s mères qui amènent <strong>le</strong>urs enfants prendre un vaccin, et dans ce cas-ci encore plusparce qu’il s’agit d’un vaccin qu’on est en train d’expérimenter. Le travail que nous,communicateurs, <strong>de</strong>vons faire en direction <strong>de</strong>s vaccinateurs, c’est <strong>le</strong>ur faire prendreconscience que la personne qui rend vraiment service dans ce contexte-ci, c'est la mamanqui amène son enfant. Ce n'est pas <strong>le</strong> vaccinateur. On a besoin <strong>de</strong>s parents, on a besoin quela femme amène son enfant. Cela doit nous rendre plus humb<strong>le</strong>s, à écouter, à êtredisponib<strong>le</strong>s et cela impose une attitu<strong>de</strong> que <strong>le</strong>s vaccinateurs n’ont pas l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>déployer dans <strong>le</strong>s autres formes <strong>de</strong> relation qu’ils ont <strong>avec</strong> la population. Il faut qu'unecomplicité se crée entre <strong>le</strong> personnel médical et la population ; il faut qu'ils sachent qu'ilsdépen<strong>de</strong>nt l’un <strong>de</strong> l’autre. Si <strong>le</strong> site parvient à établir un climat <strong>de</strong> confiance propice audéveloppement du projet jusqu’à son terme, il pourra en tirer bénéfice plus tard.<strong>Entretien</strong> MVP <strong>avec</strong> <strong>le</strong> <strong>docteur</strong> <strong>de</strong> Me<strong>de</strong>iros – Juil<strong>le</strong>t 2006 – Page 6 sur 8


On a reproché à MVP que <strong>le</strong> vaccin est produit par une compagnie indienne, et que <strong>le</strong>projet est financé par <strong>de</strong>s américains. Est-ce que cela peut vraiment poser problème danscertains milieux africains ?Il faut faire la part <strong>de</strong>s choses et situer cela dans son contexte global. Je pense que BillGates est l’un <strong>de</strong>s principaux bail<strong>le</strong>urs du fonds global qui a apporté ces <strong>de</strong>rnières années<strong>le</strong>s plus grosses subventions pour <strong>le</strong> sida, la tuberculose et <strong>le</strong> paludisme. Jusqu’à récemmenton reprochait aux Occi<strong>de</strong>ntaux et particulièrement aux Américains <strong>de</strong> ne pas chercher às’impliquer parce que cela ne décime pas <strong>le</strong>ur population. Donc, pour une fois qu’on aquelqu’un qui met <strong>de</strong> l’argent pouvant ai<strong>de</strong>r à combattre <strong>de</strong>s maladies, il est injuste <strong>de</strong> luiprêter <strong>de</strong> mauvaises intentions. Il ne faudrait pas que Bill Gates retire sa subvention. Il fautsavoir ce qu’on veut. Mais il y a <strong>de</strong>s populations qui peuvent poser la question <strong>de</strong> savoirpourquoi ce sont <strong>de</strong>s Américains, et il faut simp<strong>le</strong>ment expliquer que c’est <strong>de</strong> l’argentdonné pour lutter contre <strong>de</strong>s maladies qu’on ne finance pas du tout, et si ces maladies sontchez nous, c’est tant mieux si on nous donne <strong>de</strong>s ressources pour <strong>le</strong>s combattre. Oncollabore, il y a <strong>de</strong>s Africains, <strong>de</strong>s intel<strong>le</strong>ctuels africains <strong>de</strong> toutes confessions religieusesqui participent à cette expérience et si <strong>le</strong> vaccin est mis sur <strong>le</strong> marché et tous <strong>le</strong>s paysafricains <strong>de</strong> la ceinture méningitique en bénéficient, on n’oubliera pas qu’il a été testé auMali et en Gambie en premier, et cela c’est une référence dont <strong>le</strong> pays aussi peut profiter.De quels atouts dispose-t-on pour que <strong>le</strong> projet accomplisse sa mission ?On dispose aujourd’hui d’un bassin <strong>de</strong> <strong>le</strong>çons apprises sur la gestion <strong>de</strong>s rumeurs, sur <strong>le</strong>défi <strong>de</strong> la vaccination dont on peut tirer profit. L’expérience vient à un moment où il y abeaucoup d’opportunités en matière <strong>de</strong> <strong>le</strong>çons apprises sur la connaissance <strong>de</strong>scommunautés, la façon dont el<strong>le</strong>s réagissent, sur l’approche communicationnel<strong>le</strong> et sur <strong>le</strong>sdifficultés qu’on peut rencontrer en matière <strong>de</strong> vaccination. Ceci dit, on peut avoir <strong>de</strong>s<strong>le</strong>çons et ne pas <strong>le</strong>s utiliser. Je trouverais dommage que, <strong>avec</strong> tout ce que l’on saitmaintenant, on commence l'étu<strong>de</strong> en pensant : « Non, au début, on n’a pas besoin <strong>de</strong> lacommunication ici parce qu’on sait comment communiquer », car c’est ainsi qu’après, onest vraiment confronté aux problèmes liés à une mauvaise communication.Étiez-vous sceptique au début concernant <strong>le</strong>s chances <strong>de</strong> succès du projet ?Au début, j’ai vu une expérience que l’OMS voulait faire. Je n’ai pas vu <strong>le</strong> projet MVP.J’avoue que mes premières participations ont été plus pour m’informer. L'OMS a déjàappuyé <strong>de</strong>s tentatives <strong>de</strong> monter <strong>de</strong>s vaccins contre <strong>le</strong> paludisme. Je sais qu'il faut passer parlà. Si on veut faire <strong>de</strong>s progrès, il faut commencer quelque part, et l’OMS, l’organisationqui s’en occupe, est crédib<strong>le</strong> pour moi et avait <strong>le</strong> mandat, donc je n'ai pas eu <strong>de</strong> doute.Ensuite j’ai reçu plus d’informations, et el<strong>le</strong>s m’ont paru transparentes dans <strong>le</strong> sens où MVPa dit là où cela a marché, là où il y a <strong>de</strong>s biais. Là où <strong>le</strong> petit scientifique en moi met unpoint d’interrogation, c’est que <strong>le</strong> vaccin a été testé chez <strong>de</strong>s adultes et maintenant il va êtretesté chez <strong>le</strong>s enfants, mais, quand ils l’ont comparé au méningo C qui a été testé et qui estutilisé en Gran<strong>de</strong>-Bretagne, ils ont dit que cela peut marcher. Donc la question, est : « Estceque cela peut marcher ici aussi ? » Mais c’est juste par rapport à la population visée quej’ai cette incertitu<strong>de</strong>-là. C’est bizarre, mais plus je suis <strong>le</strong>s réunions du PAG ou <strong>le</strong>s réunionscomme cel<strong>le</strong>-ci [ndlr : réunion <strong>de</strong>s investigateurs <strong>de</strong> juil<strong>le</strong>t 2006], plus j’ai la certitu<strong>de</strong> quecela va marcher.Il y a <strong>de</strong>s maladies qui tuent plus que la méningite. Que faut-il dire aux gens qui disent quela méningite ne <strong>de</strong>vrait pas être une priorité par rapport au sida, au paludisme, etc. ?Il faut voir l'impact <strong>de</strong> la maladie à travers <strong>le</strong> temps. A force <strong>de</strong> vouloir comparerl’importance <strong>de</strong>s maladies simp<strong>le</strong>ment par <strong>le</strong> nombre <strong>de</strong> personnes qu’el<strong>le</strong>s affectent, on<strong>Entretien</strong> MVP <strong>avec</strong> <strong>le</strong> <strong>docteur</strong> <strong>de</strong> Me<strong>de</strong>iros – Juil<strong>le</strong>t 2006 – Page 7 sur 8


peut vous accuser <strong>de</strong> faire un exercice qui n’est qu’un luxe parce que lorsque l’OMS par<strong>le</strong><strong>de</strong> santé pour tous, lorsque l’UNICEF par<strong>le</strong> <strong>de</strong> droit à la santé, c’est <strong>le</strong> droit <strong>de</strong> tous à lasanté. Al<strong>le</strong>r <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à une personne qui souffre <strong>de</strong> la méningite ou <strong>de</strong> la drépanocytose, sicela vaut la peine <strong>de</strong> traiter. C'est faci<strong>le</strong> <strong>de</strong> dire cela pour une personne qui vit là où il n'y apas d'épidémies <strong>de</strong> méningite. Si cette personne était née ici, si son enfant avait laméningite et si on lui <strong>de</strong>mandait s’il faut développer <strong>de</strong>s vaccins pour traiter, je pense quecette personne dirait « oui, bien sûr ! » Parfois <strong>le</strong>s gens ne sont pas objectifs parce que nouspouvons avoir la même posture ici, en Afrique, lorsque nous regardons la télé, et qu’on voiten Europe <strong>de</strong>s sommes faramineuses qui sont dépensées pour comprendre <strong>de</strong>s maladiescongénita<strong>le</strong>s qui ne touchent qu’une très infime portion <strong>de</strong> personnes… c’est vrai que c’est<strong>le</strong>ur argent, mais quand on voit cela, par rapport à ce qu'on vit ici, nous aussi on peut seposer <strong>de</strong>s questions. L’attitu<strong>de</strong> la plus raisonnée, la plus humaine, n’est pas <strong>de</strong> dire : « Maispourquoi vous vous attaquez à la méningite ? » Tant que cela concerne <strong>de</strong>s dizaines <strong>de</strong>milliers, sinon <strong>de</strong> millions <strong>de</strong> personnes, et que c’est une maladie qui est invalidante parcequ'el<strong>le</strong> peut donner <strong>de</strong>s séquel<strong>le</strong>s et retar<strong>de</strong>r <strong>le</strong> développement, on ne peut pas dire qu’il y atrop <strong>de</strong> sacrifices pour l’éliminer. Cela aurait pu être d’autres maladies. C'est cel<strong>le</strong>-là. Jen’ai pas d’a priori par rapport à cela parce que quand on vit ici, quand on voit l’impactsocial, psychologique sur <strong>le</strong>s individus qui en souffrent, sur <strong>le</strong>ur environnement, sur <strong>le</strong>développement du pays, on ne peut pas se passer du vaccin et faire <strong>de</strong> tels calculs.Le mot <strong>de</strong> la fin ?J’ai appris à découvrir ce que la communication peut ai<strong>de</strong>r à faire, ce que j’aurais pu faireencore plus dans <strong>le</strong> passé si j’avais été initié ou exposé plus tôt à la communication. Parceque ce sont ces questionnements qui m’ont amené là où je suis aujourd’hui. C'est cetteopportunité que j’ai eue <strong>de</strong> faire la navette entre <strong>le</strong> mé<strong>de</strong>cin travaillant en zone rura<strong>le</strong> et <strong>le</strong>journaliste qui retournait dans la zone rura<strong>le</strong> pour recueillir <strong>de</strong>s questions tota<strong>le</strong>ment« étrangères » qui m’ont mis en face d’une réalité que je ne comprenais pas tota<strong>le</strong>ment. Cequestionnement m’a conduit, et il ne faut surtout pas l’oublier, à me redécouvrir commesimp<strong>le</strong> citoyen et non un « <strong>de</strong>mi-dieu », et il m’a apporté <strong>le</strong>s plus gran<strong>de</strong>s va<strong>le</strong>urs que j’aiaujourd’hui, c’est-à-dire cette capacité que j’ai à écouter et à essayer <strong>de</strong> comprendre, parceque je ne l’avais pas appris à l'éco<strong>le</strong> <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine. C’est une richesse énorme et quand jevois <strong>le</strong> chemin que j’ai parcouru, je comprends que <strong>de</strong>s gens qui ont parcouru d’autreschemins ne perçoivent parfois pas l’importance <strong>de</strong> ce que nous sommes en train <strong>de</strong> faire, <strong>de</strong>ce que nous sommes en train <strong>de</strong> dire. Mais n’est-ce pas là aussi <strong>le</strong> défi qui est <strong>le</strong> nôtre, <strong>de</strong><strong>le</strong>s amener à partager ce que nous vivons ? Il faut veil<strong>le</strong>r à ne pas se décourager. J’ai vu <strong>le</strong>chemin qu’on a parcouru <strong>de</strong>puis 1997-1998, lorsqu'on a commencé à redonner son blason àla lutte contre <strong>le</strong>s maladies transmissib<strong>le</strong>s, la prévention par la vaccination, etc., etaujourd’hui, quand je regar<strong>de</strong> en arrière, je sens que <strong>le</strong>s choses bougent et qu'el<strong>le</strong>s bougentdans <strong>le</strong> bon sens et cela ne peut que al<strong>le</strong>r dans ce sens-là car on réalise <strong>de</strong> plus en plus quela communication est un élément majeur, un déterminant comportemental sur <strong>le</strong>quel <strong>le</strong>sgens tentent désespérément d'agir. Je pense personnel<strong>le</strong>ment que <strong>le</strong> projet MVP va réussir etj’espère qu’au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s résultats du projet, <strong>le</strong>s relations que <strong>le</strong> projet aura permis <strong>de</strong> tisser et<strong>le</strong>s <strong>le</strong>çons que cela apporte, seront perçues comme une très gran<strong>de</strong> contribution à toute cettedimension <strong>de</strong> la communication pour <strong>le</strong> développement à laquel<strong>le</strong> beaucoup <strong>de</strong> genss’attel<strong>le</strong>nt aujourd’hui. Je suis sûr que l’impact du projet va se situer aussi à ce niveau-là, si<strong>le</strong>s gens nous permettent <strong>de</strong> travail<strong>le</strong>r p<strong>le</strong>inement dans notre domaine.-30-<strong>Entretien</strong> MVP <strong>avec</strong> <strong>le</strong> <strong>docteur</strong> <strong>de</strong> Me<strong>de</strong>iros – Juil<strong>le</strong>t 2006 – Page 8 sur 8

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