LA GERBE Revue d'Art décoratif et de Littérature - Université Libre ...

UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES, UNIVERSITÉ D'EUROPEDIGITHÈQUEUniversité libre de Bruxelles___________________________La Gerbe, 1 ère année [+2 numéros], Bruxelles, 15 février 1898–Juillet 1899 (n°1-5 ; n°1 ; n°1).___________________________En raison de son ancienneté, cette œuvre littéraire n’estvraisemblablement plus soumise à la législation belge enmatière de droit d’auteur.S’il s’avérait qu’une personne soit encore titulaire de droit sur l’œuvre,cette personne est invitée à prendre contact avec la Digithèquede façon à régulariser la situation (email : bibdir(at)ulb.ac.be)Elle a été numérisée dans le cadre du Plan de préservation etd’exploitation des patrimoines (Pep’s) de la Fédération Wallonie-Bruxelles, en collaboration avec le service des Archives&Bibliothèques de l’Université libre de Bruxelles et l’Action deRecherche Concertée « Presse et littérature en Belgiquefrancophone » menée sous la direction du professeur Paul Aron. Lesrègles d’utilisation de la présente copie numérique de cette œuvresont visibles sur la dernière page de ce document.L'ensemble des documents numérisés par les Archives &Bibliothèques de l'ULB sont accessibles à partir du sitehttp://digitheque.ulb.ac.be/

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1 r e A N N E E . N° 1 15 FEV R IE R - 1898SOMMAIRE:L A D IR E C T IO N : Notre but.E . H . : Concours de couverture.P R O S P E R R O ID O T : Une très courte histoir ed'amour.G IS B E R T G O M BA Z : Notes sur la faune aupoint de vue décoratif.E U G È N E H E R D IE S : A la Dame a u x Irènesd'or.T . R IA U : Travaux d'art moderne.G EO R G E S R A M A E K E R S : Des origines religieusesde l’architecture.JE A N D R È V E : Chanson d'aimer,P O L A M : Corporation d’architecture et d 'a nappliqué.P , R. : Concours de boites aux lettres.LÉON BOCHOM S : Note sur l'ameublement,A . V . W . : Concours pour la construction d’uneécole à-Etterbeck.Chronique musicale — Les Livres, — Les Revues.ILLUSTRATIONS .de M M . P a u l H a n k a r , A d o lp h e Cre spinLéon G o v a e r t s , L é o n B o chom sA rm a n d V a n W a e s b e r g h eE l i c R o id o t, G u s ta v e S t r a u v e uL o d e w ijk S t e ya r tP a u l H a me s se , W i l l e m H o l sA le x is C r a p sCE NUMERO CONTIENT QUATRE HORS-TEXTEde P a ul H a n k a r , L é o n G o v a e r t s , A d o l p h e C resp in , É l ie R o id o tLe numéro : 1 franc

L A G E R B ER e v u e d 'A r t d é c o r a tif e t d e L itté r a tu r eS o m m a i r e

LA GERBERevue Mensuelle d’Art Décoratif et de LittératureDirecteur : P r o s p e r ROIDOT, 2 1 2, Chaussée de Waterloo.Secrétaire de Rédaction : E u g è n e HERDIES, 3 1, Rue delaCommuneB R U X E L L E SCOMITÉ DE DIRECTION :LEON B o c h o m s . — E u g è n e H e r d i e s . — G e o r g e s R a m a e k e r s . — P r o s p e r R o idonG u s t a v e S t r a u v e n . — A r m a n d V a n W a e s b e r g h e .PRINCIPAUX COLLABORATEURS :LEONB o c h o m s . — M.-J. C a n e e l . — M a r i e C o l l e t t e . — G i s b e r t C o m b a z — E r n s t D e LTE— J e a n D r è v e . — A l b e r t D u e s b e r g . — H e n r i G é h o n . — L é o n G o o v a e r t s . — PAULG e o r g e s H a m e s s e . — P a u l H a n k a r . — H e n r i H e n g e . — E u g è n e H e r d i e s . — WiH o ls . — G e o r g e s M a r l o w . — Louis M a s u r e . — P a u l M u s s c h e . — E d . NEDE . P e l s e n e e r . — G e o r g e s R a m a e k e r s . — E l i e et H e n r i R o id o t . — P r o s p e r Roidot— F r it z S e e l d r a y e r s . — L o d e w i j k St e y a e r t . — G u s t a v e St r a u v e n . — ERNESTVa n d e r o o s t . — A r m a n d V a n W a e s b e r g h e . — A im é V a n W a e s b e r g h e .Po u r q u o ifonder une Revue d’Art décoratif?Parce que, en ce temps de renouveau pour l’Art décoratifénergique affirmation d un Art nouveau, original, nous croyons qu'un organe:-une, actif, épris de compréhensions modernes, confiant en son avenir,tison d’être, sa mission, qu’il comblera une lacune véritable, surtout dansuncomme le nôtre, où sans cesse se révèlent des talents nouveaux, etun artisan utile de l’Œuvre régénératrice d’Art, tentée au nom de la Beautétique si longtemps oubliée.Le siècle qui finit, nous le répétons, fut un siècle d’indifférencearchitectural et décoratif ; la Laideur semblait érigée en principe, en conditionsinequa non de l’Architecture ; et l’on finissait par croire que tout avait étéditla matière, qu’il n’y avait plus rien à faire, rien à tenter, et que l'on devaitestimer très heureux d’avoir d’illustres devanciers à piller. Nos villes atrocesfaçades plâtrées, nos monuments platement pastichés, tout annonçaidécrépitude, l’impuissance finale et irrémédiable.Chose étrange : des Ecoles se créaient et polémiquaient à savoir: copier, plagier le plus servilement telle ou telle Architecture, et nulait que ces anciens, si justement admirés, avaient pour grand principeavant tout, pour être artiste, il faut être créateur. Ce siècle aura eu de bonses peut-être, mais pas ou presque pas d'artistes.Mais heureusement, il s’en va, tout cahotant, vers sa fin, prendre piteauprès de ses grands aînés, qui auront peut-être la charité de le faireoublier, caché qu' il sera par la grande ombre de leurs Merveilles d’ArtEt déjà des artistes vrais se révèlent, s’orientent, secouent le fatrasconventions, et, confiants en l’avenir, sachant bien qu’en Art il n’y a pas

P. L. MOLITOR, Editeurla Lutte36, Rue de Longue-Vie, BRU XELLESR e v u eC a t h o l i q u e d ’A r tDirecteur: G eorges RAMAEKERS, 114, Rue Franklin.Secrétaire de Rédaction : E do uard N E D . 34, rue du Conseil.B R U X E L L E SP r o s p e r R o i d o tAUBES & CREPUSCULES(P o è m e s )Beau volume in-12 carré, sur papier fort, avec titre et frontispice par Elie R oidotP r i x : 2 F R A N C SOn souscrit chez l'Auteur : 212,Chaussée de Waterloo, B R U X E L L E SA r t & D écor a t io nRevue mensuelle d’Art moderne, 13, rue Lafayette, PARISL ’E ffortR E V U E M E N S U E L L E D'ARTD irecteur : J E A N VIOLLIS3, RUE SAINTE-GERMAINE, TOULOUSELA PROVINCE NOUVELLEDirecteur: L A U RENT SA V IGN YRUE DE PARIS, 43, AUXERREL ’EIRMITAGERue Sommerard, 16, P arisDirecteur : EDO UARD D U C O T É

formules définitives, fermement convaincus que l’on peut rêver encore ajoutéune pierre au grandiose monument de l’Art, cherchent, retournent aux sourcesvives de l'Inspiration, la Nature, créent des oeuvres fortes, émeuvent et s’imposentà l’admiration.A ceux-là, L A G E R B E sera fière, toujours, de crier son admiration etses bravos.Puisse sa clameur enthousiaste couvrir les grognements jaloux des pontifesobèses, dérangés dans leur laborieuse digestion de théories apprises et d’originalitétoute faite.Donc, et pour nous résumer, nous dirons que : Grouper, soutenirencourager les jeunes talents, quels qu’ils soient, donner un organe actif, véritablelibre tribune de notre renouveau d’Art décoratif, à nos jeunes décorateursarchitectes, isolés et si complètement livrés à leurs propres forces et initiativesalors qu’un organe les renseignant sur tout événement les concernant leur seraitde si profonde utilité, unir tous les Arts et non seulement en parler, maisfaire les éléments mêmes de la revue ; grouper ainsi les nombreux mouvementsmodernes d’Arts différents, se les faire connaître mutuellement en même terqu’au public, en un mot, faire Gerbe, tel est et sera toujours le but de la revueL A G ER BE étendra son programme à tous les domaines de l’Artarchitecture, ameublements, poterie, vitrail, ferronnerie, dessin uniquement d(croquis, paysages, études), sculpture et, en partie importante, littérature. Il seraparlé de tout, tout sera annoncé, discuté, présenté.L A G ER BE contiendra annuellement, outre ses 32 pages mensuelles de testeplus de 200 planches et illustrations, dans et hors texte, accompagnant et expliquantles articles, reproduisant des oeuvres originales et inédites de nos meilleurs artisteslesoeuvresausid'artistesétrangersdonteles'asureralacolaboration belges par les procédés les plus artistiques, et. quoique s’occupant surtout d’ArtN.-B. Le prix de l’abonnement sera réduit à 8 francs pour tout abonementsouscrivant avant le 1er février 1898.BULLETIN DE SOUSCRIPTION (1)Je soussigné............................................................ ,..............................................déclare souscrire à un abonnement de un an à la revue L A G E R B E ,p r ix de 8 francs (*), payables après réception de la 1re livraison., le.................. 189 .SIG N ATU R E E T AD R ESSE :( 1 ) P r iè r e de re n v o y e r ce p résen t b u lle tin ch e z M . R o id o t, 212, C h a u s s é e d e W a te rlo o , S t-G ille s.( Après l apparition du 1 er numéro, le prix de l 'abonnement sera porté à 10 f r a n c s .

MAISONS AVENUE LOUISE, 365-367, A BRUXELLES. P a u l H a n k a r .

LA GERBER E V U E D ’A R T D É C O R A T IF & D E L IT T É R A T U R ENotre butCE que nous disions clans notre m an i­feste, nous le répétons ici :« Grouper, soutenir, encourager» les jeunes talents, quels qu’ils soient,» donner un organe actif, véritable libre» tribune de notre renouveau d’art décoratif,» à nos jeunes décorateurs et architectes,» isolés et si complètement livrés à leurs» propres forces et initiatives, alors qu’un» organe les renseignant sur tout événement» les concernant leur serait de si profonde» utilité, unir tous les arts et non seulement» en parler, mais en faire les éléments même» de la revue ; grouper ainsi les nombreux» mouvements modernes d’a r t, se les faire» connaître mutuellement en même temps» qu’au public, en un mot faire gerbe, tel est» et sera toujours le but de la revue. »C ’est dire nettem ent notre intention de nepas nous spécialiser. Bien au contraire, à L aGerbe, l’art, proprement dit, coudoiera fraternellement l’art décoratif et appliqué ; lalittérature — ainsi que l’indique le sous-titrede la revue — y aura sa place marquée etimportante, comme aussi la musique, dansdes proportions forcément moindres, maisqu’il nous sera permis sans doute, dans lasuite, de rendre plus vaste.Peut-être nous reprochera-t-on de vouloirunir ainsi des arts qui n ’ont que faire ensemble,et l’on nous criera au « casse-cou ».Très peu nous importera. L ’art est universelet homogène, il n’est pas susceptible despécialisations intempestives et brutales. Lapeinture et la sculpture s'unissent naturellementà l’architecture en un même but esthétique;la musique et la poésie doivent éleverl’âme de l’artiste, lui donner, complète, laconception du beau.Certains, peut-être, nous traiteront d’iconoclastes;imputation d’impiété envers les grandsmaîtres passés nous sera faite sans doute.Nous le dîmes déjà dans notre manifeste :N ous croyons être plus respectueux et plusadmiratif des maîtres en nous imprégnant duprincipe même qui les rendit grands et qu’onlit si clairem ent dans leurs œuvres : Pourêtre artiste, il fa u t être créateur ; plutôt queceux qui les copient, les pastichent — maladroitementsouvent — et feraient volontiersprendre en grippe les belles choses léguées,par ceux-là même qu’ils veulent défendre.Nous admirons et nous vénérons ces beauxchênes vigoureux - toujours — mais ne faudrat-ilpas d’autres chênes pour peupler les forêtsnouvelles.c o u v e r t u r eL A D IR E C T IO N .P a u l H a m e s s e

2 LA GERBEConcours de couvertureStrauven et Van W aesberghe. L e sujet étaitbien à la portée de tous les membres de laCorporation, qui, d’ailleurs, ont réussi audelàde toute attente.Après toutes les belles œuvres des Anglais,des Français, il était difficile, presqu’im pos­sible de produire du neuf, l’art moderneétant très restreint de composition (nousLa G e r b e a mis au concours un disaient quelques stationnaires). C ’est uneprojet de couverture. Quelques erreur, l’art moderne est un art jeune, etmembres de la « Corporation d’A r­ tout art jeune fait souvent abus des motifschitecture» y ont participé. Ce sont convenus. M essieursHamesse, Canneel, H ols, Seeldrayers, Chacun a réussi à styliser la fleur, l’avenirde la décoration, touten gardant sa propretonalité, son originalité, ses ap titudes,quoique les ennemisdu néo-style en veulentvoir l’originalitépersonnelle impossible.Ce concours en estun dém enti. M . VanW aesberghe (projetexécuté ) interprèteune gerbe de perceneige; belle stylisationdans les tiges,qui s’élancent entrelacées,avec une belleharm onie.M . H am esse sty ­lise peut-être trop peul'iris, qui, dans sonprojet, est d’une jo ­lie grâce. L ’ensem bleprésente une belle ligne.L es silhouettes ombréesbien réussies,mais le soleil du fondun peu vieux.J’insiste surtout surde ravissants nénupharsqui em plissentla bande du bas etqui, sans nul doute,n’ont pas été remarqués.M . Strauven interprèteune gerbe auxc o u v e r t u r eG u s t a v e S t r a u v e nlignes belles, hardies,et bien modernes, quinous semble plutôt destinée à la ferronnerie;j ’admire l’envolée gracieuse de la gerbe qui,sans interpréter une fleur quelconque, acependant pris l’âme de la fleur.M . S eldrayers s’inspire du bluet. D e belleslignes, mais, comme M . H am esse, manque de

REVUE D’ART ET DE LITTÉRATURE 3stylisation; il s’est pourtant distingué, commece dernier, par l’élancem ent de ses tiges. D egracieux ornements aux côtés, de bien belleslignes, et surtout de simples mais joliesfeuilles terminant chaque m ot du titre.M . M .-J. Canneel présente un projet manquantd’ensemble, certaines lignes d’élancement gracieux font presque oublier ce défaut.M . Canneel a stylisé les soleils, les iris etles roses trém ières, ces motifs sont peut-êtreun peu usés, mais certaines fleurs et feuillesne m anquent pas de beauté.N ous croyons que M . Canneel, qui estd’ailleurs un des plus jeunes membres de laCorporation, n'a pas assez étudié nos grandsdécorateurs antiques et la décoration.M . H ols présente un projet d’une beautéremarquable et assez peu remarqué, sonprojet ayant été présenté inachevé. Je l’admirepar sa beauté de ligne et surtout parson interprétation de composition toute personnelle.Son projet a une portée d’art, jedirais peut-être philosophique.A droite, M . H ols nous montre le mauvaisgoût sous la forme de monstres batraciens,auxquels il a réussi à donner une expressionde hideur, tels les gothiques avilissant lediable en le représentant dans leurs gargouillessous des formes grotesques eteffrayantes.L e m auvais goût écrase l’art, représentépar des colonnes d’ordre dorique, égyptien,mauresque et assyrien.A gauche, s’élève une nouvelle florescenced’art, des pétales s’entrem êlent avec grâce,et il en sort une femme au buste puissant etbien campé : « L ’A rt nouveau ».A u m ilieu du projet se dessinent des flûtesd’orgues, d’où sortent de fines lignes barréesde nuages légers représentant l’harmonie,sans la finesse et le fouilli de détails (ce quin ’est pas un défaut, mais ce qui est peupropice à le faire servir de couverture).J’admire le projet de M . H ols et le trouvesupérieur à tout autre, en dessin, et surtouten composition.E . H .Une très courte histoire d’amourI. P R IN T E M P SA N S la très vieille allée, sous lessapins, l’allée verte de mousse.Il fait bon ; du soleil et des chansons,et des senteurs bonnes de résines quipleurent leurs larmes claires, et des refrainsd’oiseaux, et des bruissements dans les hautesfeuil l ées.Le long des arbres rigides et roux le soleilm et des coulées d’or, qui rayonnent et où desinsectes aux ailes vertes et claires tourbillonnent,atomes enivrés de soleil...Tu fus très belle, d'une beauté étrange, glorieuseet superbe dans tout ce soleil qui allumait tes cheveux d’or sur tes épaules, commesi des rayans de soleil y étaient emmêlés ; trèsbelle avec tes yeu x clairs, bleu-vert, reflet dec iel et de verdure, et des fleurs en tes mainsblanches, et des fleurs en tes cheveux, et desrires à tes lèvres, avec ta marche de féelégère et le reflet d'or de ta chevelure à tonfront pur, oh! tu me fus un éblouissementsans pareil.E t ce me fut une fête très simple et trèsdouce de marcher en ton sillage, de me sentirfrôler par la brise très légère qui te frôlais, desuivre le sentier que tu suivais, et aussi det’être inconnu, et rêvant presque de restertoujours même, pour ne jam ais avoir la tristessede te savoir trop femme, après t’avoirtrop rêvé fée et de ne plus pouvoir t’aimer !T ’aimer? t’aimais-je déjà? ou n’aimais-jeen toi que la synthèse de printemps et derêves que tu étais en cette belle matinée desoleil; t’aimais-je à travers le voile diaphanedes illusions éternelles, ou t’aimais-je parceque tu étais femme et que m on cœur s’éveillait?je ne sais, mais cela était doux et frêle,et je fus heureux en cette heure-là.T u allais toujours, légère et souple, dans lechemin creux, sous la voûte d’ombre et defraîcheur verte, entre les deux talus où descoulées de sable d’or éblouissaient entre destraînées de mousses dorées et fraîches, où dehautes graminées balançaient leurs épis frêles,jaunes, roses, violets et vert?, que des m ouches,toutes petites et som bres, laisaientployer, où de larges parterres de véroniquesétalaient l’azur de leurs fleurs, où des grillonscachés stridaient leurs chansons métalliques,claires et frêle s; on eut dit deux rayons de

6 LA GERBEanimaux son amour de la belle forme et desbelles proportions, comme il le faisait pour lafigure humaine, et cela lui a réussi pour certainsanimaux, comme le cheval, dont leslignes harmonieuses et souples peuvent lutteravec celles de la figure humaine.Pendant la période du m oyen âge la décorationdes édifices religieux et civils comporteune variété infinie d’animaux le plus souventfantastiques. Toutefois, « ces animaux, ditViolet-le-D uc, tout en sortant de la natureont cependant une physionom ie à eux, quelquechose de réel qui frappe l’im agination :c’est une histoire naturelle à part dont tousles individus pourraient être classés par espèces...Ils sont tous empreints d’un sentimentd’observation de la nature très remarquable.Les membres de ces créatures bizarres sonttoujours bien attachés, rendus avec vérité :leurs contours sont simples et rappellent lagrâce que l’on ne peut se lasser d’admirerdans les animaux de la race féline, dans lesoiseaux de proie, chez certains reptiles. »A partir de la Renaissance, les artistes n ’ontplus qu’un objectif : rendre la nature de lafaçon la plus com plète, sans y mettre l’accentque l’art réclam e impérieusement. Perdantde vue le but de la décoration, ils n’ont plusguère représenté que les animaux qui par leurcôté sym bolique, par leurs attaches avec lam ythologie, devaient paraître dans leurscompositions.U n art qui peut nous servir d’exem ple aupoint de vue de l’interprétation décorative dela faune, c ’est l’art japonais : l’artiste japonaisest-il en quête d’un sujet, sans nul soucide sym bolism e, il regarde autour de lui etbien souvent il le trouve à ses pieds. Jamaisnos artistes n ’oseraient tirer parti des bestiolesqui grouillent autour de nous et qu’ilsignorent totalem ent, comm e si les eaux necontenaient pas de poissons, les herbes necachaient pas d’insectes, les arbres n ’abritaientpas d’oiseaux.Tous ces animaux les japonais les ont interprétéssvec une science profonde de leuranatomie, de leurs mouvements, avec un réelsouci de rendre leur allure et leur caractéristique,et l’ont peut dire qu’ils ont créé desmodèles en cette matière. A rebours de cequ’on fait les artistes européens, ce sont lespetits animaux qu’ils ont étudié avec le plusd’amour, au point qu’il semble que leur observationcroit en raison inverse de la grandeurdes êtres. Les grands animaux classiquespour nous, ne sont presque pas représentéset certes ce n’est point au artistes du N ipponque l’on pourra adresser le reproche de pauvretédans leurs m otifs décoratifs.Il y a donc là un vaste cham p d’étude quivaut la peine d ’être défriché : et le m ouvement d’art décoratif en Belgique déjà siapprécié à l’étranger, pourrait y trouver unenouvelle source d'inspiration pour la décorationextérieure et intérieure de nos édifices,pour l’ornem entation des objets usuels, pourtout ce qui, de près ou de loin, peut charmernos yeu x par le rappel de la Vie.v i t r a i l d ’a p p a r t e m e n tG IS B E R T C O M B A Z .L o d e w i j k S t e y a e r t

CARTON POUR UN ENCADREMENT DE FOYER ENSGRAFFITO EXÉCUTÉ DANS L ’HABITATION DEDE M. R ., RUE DE LA LOI, 128.A d o l p h e C r e s p i n .

REVUE D’ART ET DE LITTÉRATURE 9APPAREIL D’ÉCLAIRAGE PUBLICG u s t a v e S t r a u v e nsont remarquables. L e fer forgé est d’un excellenttravail.M . Van W aesberghe, dans ses projets, serévèle artiste, enthousiaste des visées nouvelles.D eux cartes de visite. — Dans cette chosesi simple, si puérile, dirait-on, M M . H ols etVan W aesberghe ont su interpréter de charmantsmotifs.M . Van W aesberghe s’inspire de l’iris, qu’ilinterprète gracieusement. Ensem ble et détailsont beaucoup de charme.M . H ols a su mettre dans l’étroit cartonune recherche de composition inattendue.Pourtant, et au risque de nous répéter, nousdirons que nous aurions aimé lui voir interpréterplus scrupuleusement la flore, qu’il aévidemment choisie ici comme principe décoratif.Ce principe une fois admis, il auraitfallu logiquem ent l’observer.U n projet de jardinière de M . Van W aesberghenous prouve une bonne connaissancedu fer forgé. D e très jolis détails y abondentsans nuire à l’ensemble.

PROJET DE MAISON POUR LA RUE COURBE(MONTAGNE DE LA COUR) BRUXELLESA r m a n d V a n W a e s b e r g h e

REVUE D ART ET DE LITTERATURE 11CARTE DE V ISITETrès personnels, les meubles de M. LéonBochom s sont simples et pourraient avantageusement remplacer les meubles habituels,si parfaitement laids en général. La com positionest des plus heureuse et prouve chezM . Bochom s une connaissance approfondiedu bois et de ses ressources.L ’influence anglaise ne s’y fait-elle passentir? pas assez pourtant pour qu’on nepuisse espérer en M . Bochoms, dans unavenir rapproché, une personnalité marquanteparmi nos architectes d’ameublement.D e M . E lie Roidot, nous reproduisons enhors texte le titre et le frontispice d’unvolum e de poésies : Aube et crépuscule ( 1).L e titre est remarquablement dessiné etcompris. L e m otif principal est d’une bellevigueur : de beaux arbres s’érigent en grandeslignes fortes et magnifiquement enlacées surla face du lac, sous un ciel assombri. — Unebelle impression crépusculaire en ressort.Plus bas, le lys pur sym bolise la beauté duRêve, et une délicate stylisation de la penséeest ingénieusem ent utilisée.L e frontispice est d’un délicieuxsym bolisme : l'A ubenaïve et pure, le regard clairementlevé, voit, sans se soucier,le jour, qu’elle espèreclément, venir vers elle ; tandis que le Crépuscule s’alanguit,les yeux clos, lasse, lescheveux dénoués et flottantslui faisant un nym be d’ombre.E t non seulement ces com ­positions sont biensenties et bien interprétées,mais encorele dessin enest absolument remarquableau pointde vue purementtechnique, et prouveune profondec o n n a is s a n c e etune sûreté sanségale.M. A lexis CrapsW i l l e m H o l s nous envoie uneaffichette annonçantune exposition du cercle 1’ « Aube »(anciennement Cercle des Elèves et anciensélèves), dont M . Craps est président.La figure est intéressante, d’une belle puretéde lignes. L e fond, qui nous fait penser à ceux,si jolis, de M . Puvis de Chavannes, est d'unebelle simplicité.Naus aurions aimé pourtant moins de largeuraux épaules et plus de fermeté à lamain.D u reste, nous aurons à reparler prochainement de M. Craps et de 1’ « Aube », dont l’expositions’annonce pour avril.D e M . Gustave Strauven encore, un projetde façade d’une élégante conception, où rienpourtant de la solidité ou du confortable n’estsacrifié à l’esthétisme. Au point de vue del’exécution, tout est parfaitement pratique.Les fers forgés m éritent une toute spécialemention.Pourtant, que M. Gustave Strauven prennegarde aux influences; nous croyons que cellede M . Horta se fait sentir dans son intéressantprojet. T . r i a u .( 1) V ien t de paraître chez Schepens,Société belge de librairie.(2 fr.) CARTE DE VISITE A r m a n d V a n W a e s b e r g h e

PROJET DE MAISON POUR LA NOUVELLE RUE COURBE(MONTAGNE DE LA c o u r ) BRUXELLESG u s t a v e S t r a u v e n

MAISON BOULEVARD BISCHOFFSHEIM, 5,A BRUXELLES.L é o n G o v a e r t s .

R E V U E D’A R T E T DE L IT T É R A T U R E 13La maison de M. Govaerts (BoulevardBischoffsheim), comparée à celle de M . H ankar,est encore une raison à opposer auxennemis de l’art moderne, qui en voientl’originalité impossible.A vec une simplicité de lignes presque géométriqueM . Govaerts a su produire uneœuvre d’une logique et d’une élégance rares.Les panneaux s’harmonisant avec l’architecture.*L a cheminée de M . Crespin est de grandeoriginalité, il s’est inspiré de la flamme avecun colorisme très beau, l’éloge n’en est pas àfaire.Des origines religieusesDE L’ARCHITECTUREI.D E L 'E D E N A B A B E Lj a r d i n i è r eA . V a n W a e s b e r g h eNous reproduisons les deux maisons deM . Hankar, situées avenue Louise.Quelle beauté et quelle pure harmonie delignes, surtout dans les grilles.On ne peut m ieux travailler le fer, au pointde vue constructif comme au point de vued’art, surtout dans la maison aux briques grisesornée par les panneaux de M . Crespin qui,dans son travail, a harmonisé son œuvreavec celle de M . Hankar.L a corniche surtout, tant négligée par nosarchitectes passés, est d’une élégance et d’unélancement gracieux.Un plus long éloge serait fastidieux. Nousne croyons pas d’ailleurs que la beautéesthétique de ces œuvres soit discutable.AU X premiers jours de l’Homme, laTerre fut à son innocence un paradis.Roi des rois règne, il ignorait sachair et la douleur ; rien n'existait que poursa joie.Il ne labourait pas la terre, car la terreoffrait, innombrables, à ses lèvres, les fruitsspontanés et suaves de sa m erveilleusefécondité.Ses mains n’avaient façonné aucune arme,car les fauves lui étaient soumis et venaientlécher les pieds de leur maître.Il ne s’était bâti aucune demeure, car lesintempéries des saisons ne faisaient pas souffrirsa nudité candide, et le ciel seul formaitun dôme à la basilique terrestre dont il étaitle prêtre impassible et très pur.T elle fut la vie bienheureuse de l’Hommeau temps de l'amitié de Dieu.Mais depuis l’instant de la chute, la créationest devenue hostile à son roi détrôné etc ’est la création qui va venger sur lui l’offenseau Créateur.Les éléments, les plantes et les bêtes, seferont à travers les siècles les ministres deschâtiments divins pour les enfants du bannide l’Eden.

14L A G E R B EBUFFET (SALLE A MANGER)La terre ne produira plus désormais quesous l’âpre labeur de l’homme, les fruitsnourriciers de sa maternité rebelle, et pour sepréserver de la férocité des bêtes, de larigueur et de la rage des éléments l’hommedevra se construire un abri.Ainsi c’est du besoin de s’abriter, pouréchapper aux périls du dehors, c’est desnécessités matérielles auxquelles le premierpéché a condamné la vie humaine qu’est néela construction.Mais ne serait-il pas naïf tout au moins deprétendre — or on l’a prétendu — que l’obligationfaite à l’homme de se construire unedemeure ait donné naissance à l’architecture.L ’A rt architectural est à la construction ceque sont la façon, la coupe et la dentelle, auvêtem ent.Comme on peut se vêtir sans elles, on peutse construire un abri sans le concours del’Art.L ’homme du passé eût donc pu se borner— comme dix-huit siècles après Jésus, son trèscivilisé descendant d’un siècle progressite —à se bâtir une demeure totalem entdépourvue de valeur artistique.Les vraies causes sont donc ailleursqui de bâtir on fait un art,un art puissant jusqu’au sublime,un art générateur de deux autresarts : l’art du sculpteur et l'art dupeintre.C ’est la recherche de ces causesque l’auteur s’est proposée en écrivantces pages et son espoir estde prouver, par l’exposé de cetterecherche même que l’architectureet les deux arts nés d’elle, ont pourcause de leur origine les deux préoccupationsdominantes de l’H u­m anité :Son besoin de contem plati o n etsurtout sa croyance en la D ivinité.En leur parlant — avec quelleslarmes! — de toutes les beautésqui au jardin d’Eden, avaient émerveilléses yeux, mais qu’avaitéclipsée pourtant, durant ces jourstrop tôt passés de. son bonheur,l’ineffable vision de D ieu, Adamcommuniqua sa douleur à ses filset le regret cruel du paradis perdun’a plus cessé depuis, d’aiguillonnerles hommes.La plupart, mais en vain, ont supplié lachair et l’or d’abreuver enfin de bonheur laLÉON BOCHOMSDRESSO IR (S A L L E A M AN G ER)L. B OCHOMS

REVUE D’ART ET DE LITTÉRATURE15fièvre ardente de leurs âmes — égoïstes etavilies.Quelques-uns seulement, dont les yeuxclairs semblent avoir gardé le souvenir lointaindes visions édéniques, sont montés àl’assaut, ainsi que des guerriers blessés, sontmontés sans relâche, et, m algré ces blessures,à l’assaut de l’inaccessible Idéal.Ceux-là du moins, pour consoler l’humanitéde son exil, ont su lui rendre par lesArts, un peu de cette contemplation qui étaitla joie de l’Eden, et permettre à ces yeuxpour qui reste voilé le ciel, d’entrevoir, àtravers la beauté des chefs - d’œ uvre, laBeauté sans borne de Dieu!Tandis que le poète et le musicien élèventaux pures joies de l’extase son intelligence etson cœur, voici que l’architecte, aidé de sescompagnons d’art : le sculpteur et le peintre,va faire à l’homme une demeure qui, parl’harmonie de ses lignes et la magie de sesdécors, puisse le consoler un peu de n’êtreplus le roi du jardin magnifique !Si les grandes eaux du déluge ont engloutidans leur formidable débâcle jusqu’au dernierdes monuments des générations adamiques,la tradition se perpétue et l’histoire garde letém oignage de leurs proportions gigantesques.Ainsi des esprits ignorants et superficielsestimeront-ils seuls pour fable de poète, cesvers du grand H ugo dans son poème la Conscience,qu’on admire au début de la Légendedes siècles :encore réservée. A yant bâti si belle une maisonpour l’homme, ils bâtiront plus belle unemaison pour Dieu.M ais hélas! avant que d’accomplir cettemission sacrée, avant de glorifier Dieu par lasplendeur des temples, ils feront encore deleur art un instrument de blasphème à saToute-Puissance.Seul, sous les cataractes diluviennes, quiont tout submergé, n’a pas sombré l’orgueildes générations englouties.Dans la descendance de N oé il leur asurvécu.... Henoch dit : « Il faut faire une enceinte de tours.Bâtissons une ville avec sa citadelle,Bâtissons une ville et nous la fermerons.A lors Tubalcaïn, père des forgeronsConstruisit une ville énorme et surhumaine.... L e granit remplaça la tente aux murs de toile,O n lia chaque bloc avec des nœuds de ferE t la v ille semblait une ville d’enfer.L ’ombre des tours faisaient la nuit dans les campagnes?Ils donnèrent aux murs l’épaisseur des montagnes.Sur la porte on grava : « Défense à Dieu d’entrer! »Puisque les enfants de Caïn maudit ontobligé les pierres et les métaux à dressercontre Dieu qui les avait créés, leur sacrilègeorgueil, peut-être aussi dès le commencement du siècle la majesté du temple somptueuxsurmontait-elle déjà l’humble bûcherd’Abel. Car du génie de l’architecte, du peintreet du sculpteur, la plus noble mission esta f f i c h eA l e x is C r a p sE t telle fut de nouveau l'énormité de ceorgueil, qu’il effaça bientôt de la mémoiredes hommes l’effroi du châtiment terrible.Alors les peuples se réunirent, afin de bâtirune tour qui élevât jusqu’au Très-H aut ledéfi de la terre !Les peuples s’étaient réunis contre Dieu,mais Dieu les divisa et le temps ne nous alégué par suprême ironie que d’informesdébris de la tour gigantesque, nous laissantignorer les principes architectoniques qui

16 LA GERBEavaient guidé le délire orgueilleux deshommes dans l’élaboration du projet colossal.M algré cette ignorance, quel argumentpuissant apporte cependant l’épopée de Babelà l’appui de la thèse que je défends ici :« C ’est la croyance en la divinité qui adonné à l’art décoratif son véritable essor. »La révolte contre Dieu n ’a-t-elle pas, eneffet, comme la prière, un acte de foi ?On ne se révolte pas contre le néant.Défier Dieu c’est croire en Dieu : Babel estun acte de foi. Or jamais un agresseur nerend plus éclatant tém oignage à la puissancede son ennem i, qu’en déployant pour l’assaillirtoutes les forces dont il dispose.En rassemblant tous les peuples du mondepour la tentative insensée de Babel, le vieilorgueil humain faisait donc ainsi cet aveu quece n’était pas trop, selon lui-même, de l’humanitétout entière pour s’essayer à vaincreDieu.Pour nous, nous connaissons que vraimentce n’était pas assez. Mais ce qui surtout estdigne de remarque, c’est qu’en projetant,surhumaine et jusqu’au ciel, la Tour de leurorgueil, les architectes de Babel s'inspiraientforcément des attributs du Dieu qu’ils voulaientvaincre : L a Majesté, la Puissance etl’Immensité.Ainsi le premier monument que l’histoire anommé, par cela même qu’il fut le monumentde la révolte humaine contre Dieu, estné de la croyance en Lui et c’est la D ivinitémême telle que la concevait l’humanitéd’alors, qui fut le vrai modèle inspirateur deson architecture.II.D E B A B E L A JÉSU SN e pouvant achever l’œuvre de la démence,l’humanité se dispersa; les races s’isolèrent etchacune d’elles eût bientôt fait de transformerà son caprice, selon son génie propreet son tempéramment distinct, la traditionvéridique des origines de l’univers et d’altérerla croyance en l’unité de Dieu.L a Lumière surnaturelle obscurcie déjà partous les péchés dont avait fait justice le délugen’éclaira plus que comme une lueur lointaineaux crépuscules d’hiver, la terre coupable,Dieu ne se manifesta plus qu’au peuple qu’ils’était choisi. Les H ébreux seuls m archaientencore dans sa clarté et le polythéism e triom ­phant environnait de toutes parts le peupleélu d’une muraille de ténèbre.Instrument du péché d’Adam , la natureavait été maudite avec lu i; instrument dupéché de Babel, l’architecture fut frappée,elle aussi, de la m alédiction divine.Tandis que des tem ples s’édifiaient à lagloire des faux dieux sur tous les points dumonde habité, le vrai Dieu seul n’eût pas detemple.A yan t bravé la vérité, l’art glorifia lemensonge !Quelqu’un d’irréfléchi tirerait peut êtreargument de mes propres paroles pourinfirmer ce qu’ici même j ’ai entrepris dedémontrer et me ferait l’objection selon luipéremptoire : « Comment, devant ces faitsque l’histoire reconnaît et que vous admettezpouvez-vous encore prétendre que « l'originede l’architecture est religieuse ? »A celui-là je répondrais :« Loin de donner un démenti à ma thèseces faits la corroborent avec une évidencecomplète et sans réplique :E n dépit de toutes les déformations quesubissaient alors parmi les hommes la véritéoriginelle et le concept du divin, n’était-cepas toujours , erronée , mais vivace, lacroyance religieuse en la divinité qui bâtissaitles temples de l’A ssyrie, de la M édie etde l’H ellade, connus plus tard et jusqu’à nosjours les pagodes de l’Inde et celles de laChine ?N ’était-ce pas toujours la hantise del’impénétrable au-delà qui peuplait de sym ­boles religieux la terre des Pharaons inhospitalièreau vrai Dieu ?A u XIXe siècle revient l’honneur d’avoirressuscité, pour le plus grand profit de laVérité et de l’A rt dans l’avenir, ces m erveillesarchitecturales et religieuses d’un passé silointain, et de nous avoir par là révélé àquelle beauté m ultiple et fastueuse l’universellecroyance en la divinité éleva le géniedes architectes d’Orient dans les créations deleur art.Comme chaque nation depuis B abel possédaitsa langue et sa religion nationale, chaquenation posséda son style en architecture.Car les dogmes particuliers et les ritespropres à chacune de ces religions, inspirèrentdiversem ent les architectes des siècles

FRONTISPICEE l i e R o id o t

REVUE D’ART ET DE LITTÉRATURE 17païens, pour qui l’idée religieuse était la première,si pas l’unique inspiratrice.Il ne faut pas s’étonner si les palais desrois et tous les autres édifices du passés’offrent à l’examen de l’archéologue moderneavec un aspect de grandeur cultuel pareil àcelui des tem ples élevés aux dieux du pays.Mandataires et descendants de ces dieuxmêmes aux yeux de la crédulité populaire,les potentats orientaux s’environnaient d’ailleursd’un tel appareil cérémonial que lamajesté de leur règne inspirait aux constructeursde ces palais une architecture identiqueen sa magnificence à celle qu’inspirait à leurfoi la majesté même des dieux.Pour quiconque n’est pas totalem ent ignorantde l’histoire de l’antiquité, c’est donc unfait indéniable que la croyance religieuse enla divinité fut la cause primordiale, et lasource véritable des architectures païennescomme elle le fut aussi de tous les autres arts,source dont l’eau sans doute avait perdudepuis Babel sa limpidité édénique, sourcequi ne reflétait plus la pureté du ciel, maisqui, m algré les boues morbides des idolâtriesmonstrueuses sut pourtant fertiliser la terredurant des siècles au point d’y faire fleurirtant de styles m erveilleux !Revenons maintenant au peuple d’Israël.« Pour imprimer dans les esprits l’unité de Dieu etla parfaite uniformité qu’il demandait dans son culte,dit Bossuet (1), Moïse répète souvent que, dans la terrepromise, ce Dieu unique choisirait un lieu dans lequelseul se feraient les fêtes, les sacrifices et tout le servicepublic. En attendant ce lieu désiré, durant que le peupleerrait dans le désert, Moïse construisit le Tabernacle,temple portatif, où les enfants d’Israël présenteraientleurs vœ ux au Dieu qui avait fait le ciel et laterre, et qui ne dédaignait pas de voyager, pour ainsidire, avec eux et de les conduire Ainsi. « L ’arched’alliance bâtie par Moïse, où Dieu reposait sur leschérubins, et où les deux tables du Décalogue étaientgardées n’avaient pas de place fixe Mais. « QuandDavid eût défait tous ses ennemis et qu’il eût pousséles conquêtes du peuple de Dieu jusqu’à l’Euphrate,paisible et victorieux, il tourna toutes ses pensées àl'établissement du culte divin ; et sur la même montagneoù Abraham, prêt à immoler son fils unique, futretenu par la main d’un ange, il désigna par ordre deDieu, le lieu du temple.Il en fit tous les dessins; il en amassa les riches etprécieux m atériaux; il y destina les dépouilles despeuples et des rois vaincus. Mais ce tem ple qui devaitêtre disposé par le conquérant, devait être construit parle pacifique. Salomon le bâtit sur le modèle du Taber-( 1 ) B o s s u e t . Discours sur l'histoire universelle.Deuxièm e partie. Suite de la religion.nacle. L ’autel des holocaustes, l’autel des parfums, lechandelier d’or, les tables des pains, de proposition,tout le reste des meubles sacrés du temple, fut pris surdes pièces semblables que Moïse avait fait faire dans ledésert. Salomon n’y ajouta que la magnificence et lagrandeur.L ’arche que l’homme de Dieu avait construite, futposée dans le saint dessaints, lieu inaccessible, symbolede l’impénétrable majesté de Dieu, et du ciel interditaux hommes, jusqu’à ce que Jésus-Christ leur en eûtouvert l’entrée par son sang. Au jour de la dédicacedu temple, Dieu y parut dans sa majesté. Il choisit celieu pour y établir son nom et son culte, Il y eutdéfense de sacrifier ailleurs. L ’unité de D ieu fut démontréepar l’unité du temple, Jérusalem devint une citésainte, image de l’E glise où Dieu devait habiter commedans son véritable temple, et du ciel où il nous rendraéternellem ent heureux par la manifestation de sagloire.Après que Salomon eût bâtit son temple, il bâtitencore le palais des rois, dont l’architecture était digned’un si grand prince. Sa maison de plaisance, qu’onappela le Bois du Liban, était également superbe etdélicieuse. L e palais qu'il éleva pour la reine fut uneautre décoration à Jérusalem.Tout était grand dans ces édifices, les salles, les vestibules,les galeries, les promenoirs, le trône du roi etle tribunal où il rendait sa justice; le cèdre fut le seulbois qu’il employa dans ces ouvrages. Tout y reluisaitd’or et de pierreries. Les citoyens et les étrangersadmiraient la majesté des rois d’Iraël. L e reste répondaità cette magnificence : les villes, les arsenaux, leschevaux, les chariots, la garde du prince. L e commerce,la navigation et le bon ordre, avec une paixprofonde, avaient rendu Jérusalem la plus riche villede l ’Orient. L e royaume était tranquille et abondant :Tout y représentait la gloire céleste. »H élas! c ’est sur ce temple magnifique,bâtit par Salomon le Sage, que devait s’exercerun jour, selon la prédiction et malgré leslarmes de son Fils, la colère terrible de Dieu.Par Titus, fils de Vespasien fut exécutée lasentence et le temple dont le voile s’étaitdéchiré, à l’instant même où les Juifs perpétraientle crime infini du Calvaire, le templeoù Dieu n’habitait plus et qu’il avait maudit,fut mangé par les flammes. L a tentativeinsensée de sa reconstruction par Julienl’Apostat, qui voulait démentir la prophétiedu Christ, la confirma plus tard par son avortement.Du temple de Jérusalem il ne resta pluspierre sur pierre et le récit de sa splendeurest seul parvenu jusqu’à nous.Mais lorsque l’empereur renégat tombaitmortellement frappé par les armes du roiSaphor, et projetait vers le ciel le sang de sablessure en proférant l’aveu de sa défaite, letriomphe des basiliques chrétiennes s’élevaitdéjà dans les airs !

18 LA GERBELes premiers architectes chrétiens donnèrentaux églises l’aspect que l’Eglise catholiqueelle-même offrait alors au monde :l’aspect de la résistance et de la victoire.A vec ses pleins cintres et ses muraillesmassives, qu’il avait hérité de l’art païen deRome — dont il n’était d’ailleurs que la transfigurationbaptismale, le style inspiré par lareligion de Jésus, répétait admirablementl’âme de l’époque.L a jeune âme du nouveau monde chrétienétait belliqueuse ; toute frisonnante encoredes épopées barbares elle ne concevait lamaison d e Dieu que semblable à une forteresse,dressée comme un défi devant les dernièresidoles.Bientôt pourtant l’élan de la prière chrétienneexhaussa vers le ciel les tours crucifèreset dès le XIe siècle, l’ogive remplaçantle plein cintre, porte, majestueuse et tout à lafois suppliante, la voûte des nefs ecclésialesà des hauteurs qui font songer à Dieu.La doctrine civilisatrice du Crucifié duCalvaire s’était répandue par le monde. L epaganisme était bien mort, et les âmes chantaient,maintenant, la rédemption du genrehumain et célébraient la création rachetéeelle aussi par le sang divin.Les bâtisseurs chrétiens perpétuèrent dansdes chefs-d’œuvre sans pareil, cette exaltationde la foi et de la vie. Les pierres descathédrales gothiques sont éloquentes commeles cantiques du ciel, les pierres ont des voixet semblent clamer par dessus les prosternementsdes foules les adorations, les espoirs etles allégresses des âmes.Les pierres des cathédrales gothiques sontvivantes, les pierres palpitent comme descœurs humains et les mêmes vérités éternellessont gravées dans les cœurs des hommes etdans les pierres des cathédrales.Les polychrom ies des églises sont plusopulentes de tons que les fresques les plussuperbes des temples d’Orient, et les sym ­boles mystiques que ces polychrom ies représententsurpassent les symboliques païennesde toute la supériorité poétique des dogmeset des mystères chrétiens.La tradition, la Bible et l’Evangile, lesrites somptueux du culte catholique et lesineffables légendes des grands héroïsmeschrétiens, telle est la mine inépuisable oùpeintres et sculpteurs puiseront désormais lessujets de leurs œuvres.Mais il est cependant une autre sourceencore, inépuisable aussi celle-là, où iras’abreuver, et fréquemment, leur art :A vec autant de grâce ingénue, de fraîcheuret de joie vivante qu’ils surent mettre de douleurssublimes dans les flagellations et lescrucifiements, et de réalisme brutal dans lessupplices des m artyrs et les grimaces hideusesdes démons, les artistes du m oyen âge surentinterpréter la création de Dieu.Toute une végétation luxuriante et fleurie,peuplée de bêtes et d’oiseaux m onte le longdes murs et des pilliers, s’épanouit aux chapiteauxet suit jusqu’au sommet le geste adorantdes vous soirs.L ’église entière s’anime ainsi, remémorantau visiteur ému l’Eden d’où fut banni l’Adamcoupable, mais que la miséricorde du Pèrerouvrira pour les hommes après la fin dessiècles, grâce au sang de l’Adam nouveau. E tvoici que tout un art m erveilleux, un art jusqu’alorsinconnu, l’art du vitrail, a pris naissancedans les églises catholiques.O ! l es verrières du m oyen âge et leursprismes éblouissants comme des bouquets delumière fait avec des joyau x fleuris.Ce qui apparaît encore admirable en cessiècles d’art e t de foi, c’est comment les architectessurent conserver aux cloîtres, aux habitationsparticulières et aux autres monumentsleur caractère propre sans pourtant leur ôtercette grandeur m ystique en si com plète harmonieavec l’âme contem poraine, toujourslumineuse des clartés célestes jusque dans lesmoindres soucis de la vie.Taine lui même le reconnaît : « On diraitque les âmes du m oyen âge veulent atteindreen même temps, écrit-il, l’infini dans la grandeuret l’infini dans la petitesse. »C ’est que les âmes du m oyen âge se rem é­moraient eux, l’Artiste Infini qui apparaîtaussi grand quand il donne la vie auxinsectes les plus infimes, que quand il jettedans l’espace des mondes innombrables.Il en fut ainsi jusqu’au jour où la foi de cem oyen âge périclita sous l’action dissolvanteet néfaste des hérésies.Car les hérésies et les satanismes dansl’ombre, avaient inoculé leur virus fidéicideaux générations catholiques et tenté, à plusieursreprises, la restauration des cultespaïens.Les Albigeois, les Cathares et les Patarins,les partisans de Tanclulin, les partisans de

Jean Huss, de Jean Ziska et de W icleff,autant de foules à l’assaut de la cité de D ieu !autant de brèches qui permettront un jour auxlettrés de Pizance chassés vers l’Occidentchrétien par les armes de Mahomet II, d’yfaire pénétrer l’engouement en faveur del’antiquité romano-grecque et d’y perpétuelletriomphe des reconstitutions païennes,quinze siècles après le Golgotta !D e la décadence gothique, M . Léon Souguenet a retracé en son exorde sur le Paradisde Van E y ck un très véridique tableau :« L a Grèce et l’Italie, écrit-il, vont reconquérirl’Europe, imposeront le culte desformes à ceux qui avaient le culte des idées.C ’est le retour triomphal des dieux de l’Olym pe,des rayonnants mensonges qui renouvellerontleurs efforts charmants pour draper de joie lalaideur des réalités. L ’exode commence.L e temps de la foi splendide et simples’éloigne.Tours et flèches ne jaillissent plus d’un jet,ce n ’est plus l’indication sublime de la flècheérigée au croisement des nefs, au-dessous del’autel, ou le geste de m ains jointes du clocherdom inant le portail. Comme l’inspirationva par saccades, la tour monte par platesformessuccessives. T elle flèche petite duX Ie siècle, indique un point plus haut del’azur que telle tour altière du XVme.Ailleurs l’art se sent blessé, mais veutencore prier.Pourtant les lances, aux d eu x dardées, desfenêtres s’émoussent ; les rosaces ne sertissentplus un soleil de pierreries, mais des dessinsbizarres que créa le caprice ou la rêveried’artistes fatigués et non la foi aveuglante.L e nombre trois disparait ; le flamboyant ades aspirations découragées. D u sommet desvoûtes ogivales, a u point suprême de l’angle,là où l’artiste de jadis captait un peu de l’infini,descend un pendentif. C ’est une retombéevers la terre à l’instant le plus divin de l'oraison.C ’est toute l’explosion criante d’une âmequi s’affaise. »REVUE D’ART ET DE LITTÉRATURE 19L ’architecture, qui succombait ainsi devantle renouveau des formes de l’antique, avaitatteint, durant des siècles, à une expressionsi parfaite, si complète et si haute, de l’âmecatholique, elle avait fait chanter par la matièresi merveilleusement les louanges duDieu Créateur, que plusieurs, maintenant,parmi ceux de ma foi, n’éprouvent que répugnanceet dégoût à voir les œuvres et leschefs-d’œuvre dont l’A rt est redevable à d'autresstyles, nés ou régénérés, ceux-là aussipourtant, grâce au génie chrétien !Que l’art miraculeux du moyen âge soitdésormais le style élu de l’enseignementarchitectural dans les pays chrétiens du Nord,voilà qui apparaît m ille fois plus logique etd’un choix vraiment plus heureux que l’enseignementdes vieux styles païens du Midi,pourvu, bien entendu, que les principes architectoniquesde ce style du passé serve de base,en nos contrées, aux libres recherches d’unstyle nouveau et non pas à quelque tentativedénuée de renaissance gothique.Car si la renaissance gothique devait succéderquelque jour à la renaissance païenne,la routine, ce jour-là, n'aurait fait que changerde rouePour les styles comme pour les idées, la loine sait pas la pitié, et tout se transforme icibas,tout se modifie sur la terre. C ’est la conditionde la vie. D e sa rigueur universelle, laloi n’excepte pas ni l’art ni la beauté. LaVérité elle-même, immuable en ses dogmes,progresse incessamment en élevant, toujourspar des dogmes nouveaux, le phare illuminéde la Révélation.E t ceux-là sont stériles, aveugles et injustesqui se dépensent de la sorte en très vaincslamentations sur les ruines d’un passé, quelqueglorieux qu’il fut.L ’Eglise, qui avait transfiguré le stylepaïen de Rom e aux premiers jours de sa victoire,s’empara des formes païennes de laRenaissance pour m ieux glorifier devant lesiècle épris de ces formes païennes, les m ystères,le Christ et les saints. Sans doute l’absencede science archéologique fit commettredans le Nord, par les artistes et les ouvriersde la Renaissance, d’irréparables profanations.Mais le crucifix de Van D yck qu’onadmire au Musée d’Anvers, et l’œuvre deM ichel-Ange et de Raphaël en sont-ils moinschrétiens et moins admirables à cause decela? E t l’Eglise catholique n’est-elle pas endroit de revendiquer la plus grande part dansla beauté de ces chefs-d’œuvre dont elle inspirales sujets ?Ces artistes furent tellem ent puissants queleur personnalité se révolte et se manifestesans cesse dans leurs travaux, en dépit de lavolonté qui s’abuse et veut astreindre l’imaginationà la copie des formes grecques. Mais

20 LA GERBEpour les artistes plus nombreux dont le talentne posséda pas la puissance dominatrice deces génies, la Renaissance, sans doute, futautrement néfaste et pas mortelle, hélas !N é de la religion des peuples, sous ceuxd'Athènes et de Rome, les styles païensavaient là-bas, avant la venue du Christ-Dieu,une incontestable beauté.Mais transplanté, quinze siècles après savenue, de l’Orient ensoleillé sous le cielnuageux du Nord et dans un sol tout imprégnédu sang chrétien, non plus jailli du cerveaude l’artiste, mais cultivé par la volontédes archéologues, ces styles sont devenus,depuis M ichel-Ange, le grotesque anachronismequi fait la honte d’aujourd’hui.Les temples que les sauvages les plusabrutis construisent à leurs fétiches révèlentun sens esthétique incontestablem ent plusélevé que les « temples » construits par le protestantisme,et les froides géométries destemples païens d’Athènes sont autrementgrandioses que ces salles de conférences désespérémentnues et dépourvues de toutearchitecture, c’est-à-dire dépourvues de toutreflet de Dieu, où un monsieur quelconque enredingote noire, où un monsieur quelconquequi n’a reçu sa mission de personne, se permetd’interpréter selon les lumières de son intelligencepersonnelle les paroles éternelles decelui qu’il appelle encore Christ, mais sansnous affirmer si ce Christ est seulement ungrand prophète ou s’il est vraiment Dieu.« L e protestantisme a abandonné l’im aginationde l’homme. Il n’a pas permis au DieuRédempteur de s’en emparer. Il a oublié quele Dieu Créateur avait fait les couchers desoleil et avait chargé les nuits resplendissantesde dire à l’homme un mot de sa splendeur» ( 1).L e protestantisme, en effet, n’est pas unereligion, mais la négation des dogmes fondamentauxde la vraie religion. E t c’est pourquoi,en architecture, il n’a produit que lenéant.Or, à la fin du XVIIIe siècle, ce « siècle duprotestantisme sans la Bible » et le plus petitde tous les siècles, pleine de ces lourdes conceptionspaïennes qu'elle avait fait renaître,l’Europe estima qu’elle avait atteint l’âge dela raison ; l’Europe déifia cette raison etvoulut lui faire fête.E lle la fêta, en effet.(1) Hello. L'Homme.M essieurs! vous connaissez la fête, vousconnaissez le décors et la saturnale, vous connaissezles sacrifices humains célébrés sansnombre en son honneur sur l’autel de laguillotine... Passons !Passons!... mais souvenons-nous que lephilosophisme voltairien acheva, contre labeauté, la conspiration protestante, et quec’est lui qui a livré aux fureurs du sansculotismeles chefs-d’œuvre de l’art chrétien !L e temps, qui n’épargne rien, semble avoirépargné pourtant leurs débris sacro-saints deces profanations inéluctables, et la créations’est complue à revêtir de la beauté de sesverdures et de ses fleurs les ruines des abbayeset des églises saccagées par les brutes sanglantesdes révolutions !Nous qui assistons, à présent, au déclin duXIXe siècle, nous avons devant nous, accusateuret sans réplique, l’ouvrage abominable detant d’impiété.Ce siècle qui fut élevé selon les principesathées de 1793, à quelle architecture a-t-ildonné naissance? Quel style nouveau a-t ildonc fait fleurir ? Quels monuments sont leschefs-d’œuvre qu’il a bâti pour révéler àl’ém erveillem ent de l’avenir les aspirationsde son âme et la puissance de son génie ?A ces questions, M essieurs, je n ’ai pas àrépondre, la réponse c’est la ville moderne, laréponse est autour de vous.N on content d’être le siècle nul, improductifet m ort au point de vue des arts architecturaux,le XIXe inventa, plus redoutable etplus détestable, oh ! bien plus ! que la ragesaccageante des émeutes populaires, le « vandalismepacifique ».C ’est contre ce « vandalisme pacifique » quedans une lettre fameuse à V ictor H ugo, lecomte de M ontalem bert s’insurgea avec toutela véhém ence de son ardent amour de l’art etde la foi, que ce vandalisme outrageait :« T out le monde doit reconnaître, s’écria-til,que le vandalisme moderne se divise endeux espèces bien différentes dans leursmotifs, mais dont les résultats sont égalem entdésastreux.» On peut les désigner sous le nom de vandalismedestructeur et de vandalisme restaurateur.»I. Vandalisme destructeurPremière catégorie : L a liste civile et legouvernenent.

R E V U E D 'A R T E T DE L IT T É R A T U R E 21Deuxièm e catégorie : Les maires et lesconseils municipaux.Troisièm e catégorie : Les propriétaires.Quatrième catégorie : Les conseils de fabriqueet les curés.En cinquième lieu et à une très grande distancedes précédents : l’émeute.II.Vandalisme restaurateurPremière catégorie : L e clergé et les conseilsde fabrique.D euxièm e catégorie : L e gouvernement.Troisièm e catégorie : Les conseils municipaux.Quatrième catégorie : Les propriétaires.L ’émeute a au moins l’avantage de ne rien« restaurer ».E t M ontalembert ajoutait :« Que les gouvernements et les municipalitéstraitent brutalement les monumentsque le malheur des temps leur a livré, etinscrivent là comme ailleurs, l’histoire de leurincapacité profonde, cela n’a rien ni de surprenantni d’inconséquent avec le reste deleur déportement.» O n en gém it, on s’en indigne, mais onn’en est point, grâce au ciel, responsable,tandis que voir l’église s’associer avec unepersévérance si cruelle au triomphe du jouganti-chrétien qui date de l’époque où ellemêmea été dépossédée peu à peu de sa popularitéet de sa puissance; la voir renier lesinimitables inspirations du symbolisme desâges catholiques pour introniser dans les basiliquesles pastiches d’un paganisme réchaufféet bâtard, la voir enfin chercher à cacher sanoble pauvreté, ses plaies glorieuses sousd’absurdes replâtrages, c’est un spectacle faitpour navrer une âme qui veut le catholicismedans sa sublime et antique intégrité, le catholicismeroi de l’imagination, comme de laprière, de l’art comme de l’intelligence ! »Il y a trois quarts de siècle que le comte deM ontalembert criait ainsi son indignation aunom de la Beauté qu’il savait en péril; il y atrois quarts de siècle de cela et les vandalesdétruisent e t « restaurent » toujours !Mais le paganisme des derniers siècles n’apas arrêté là sa besogne anti-artistique.(A continuer).G E O R G E S R A M A E K E R S .Chanson d’aimerN O S R Ê V E SL e soir superbe et doux,Le beau soir plein de rêves,Le soir descend sur nous.E t nos rêves se lèventAvec les chansons brèvesDes gais grillonsDans les sillons.Nos rêves sont très vagues,Comme le brouillard clairQui s'élève en le vagueCalme et berceur de l’air.Nos rêves chantent l'airQue dit la briseA u x feuilles grises.Comme en les myosotisTous bleus auprès de l'ondeNos rêves sont jolis,Nos rêves, oh ! ma blonde,Sont les plus beaux du monde,Nos rêves bleusComme tes y e u x .T E S Y E U XM a belle infiniment douce,L'eau claire sur la mousseA de moins beaux refletsQue tes y e u x de rieuse,Que tes y e u x si gaisA u x clartés merveilleuses.Tes jo lis y e u x , tes y e u xSont le reflet des deux,Quand le matin d'or pâle,Comme un sourire doux,Apparaît clair et pâleEn de grands contours flous.

22 LA GERBEE t quand vers moi tu lèvesTes jolis y e u x de rêves,N ous voyons H orta, H ankar, Govaerts etbien d’autres encore, sortir de la funesteTes y e u x , tes y e u x chantantsornière de la compilation pour créer desœuvres absolument personnelles. Ce m ouvement régénérateur s’accuse de plus en plus.Sont comme deux étoilesD'une nuit de printemps...Bon nombre de jeunes gens, une génération— De joie mon cœur s'étoile. —JEAN DRÈVE.future d’architectes, s’engagent courageusement dans cette voie nouvelle et marchentbravement sur les traces des audacieux pionniersde l’art dont nous venons de citer troisnoms.Anim és d’un noble enthousiasme, quelquesunsde ces jeunes architectes viennent deCorporation d’Architectureformer dans notre ville un cercle sous lenom de « Corporation d’Architecture etET D’ART APPIQUÉ d’A rt appliqué ». Ceux-ci se sont posés cettequestion : Qu’ont fait les architectes de nosAl o r s que le XIXe siècle, ce grand jours ? N ’ont-ils pas été uniquement l’échozéro pour l’Architecture et l’A rt (et parfois quel écho !) de nos ancêtres ?appliqué, ce siècle d’une nullité Sans scrupule aucun, ne se sont-ils pascomplète, en est arrivé à ses derniers contentés ans, de copier, de m êler tout ce qu’avaitun nouveau mouvement artistique se dessineclairement. D evant le déplorable état danslequel languit l'Architecture contemporaine,des hommes de talent ont été pris d’un hautproduitdes siècles de gloire et de personnalité?L ’Antique, le Gothique, les Renaissancesfrançaise, flamande et italienne ont été lesle-cœur bien compréhensible, et nous pouvonsproies sur lesquelles se sont jetés avidemsuivre, sans même sortir de notre petitpays, les intéressantes phases de la résurrectionde l’Architecture.ent les architectes de ce siècle et, sans sedonner la peine de créer eux-mêmes, ontreproduit ce que d’autres avaient conçu. E tCARTE DE CONVOCATIONA r m a n d V a n W a e s b e r g h e

R E V U E D ’A R T E T D E L IT T É R A T U R E 23ces plagiaires ont élevé, à part quelquesexceptions, ces pots-pourris architecturaux,ces ramassis de tous les styles qui enlèvent ànos villes tout leur cachet.L es membres de la Corporation se basantsur ce principe : Il n’y a pas d’art sans personnalité,ont résolu d’abandonner les règlesdu convenu.Tout en professant une grande admirationpour les styles passés et pour les artistespleins de personnalité qui les créèrent, cesjeunes enthousiastes dédaignent de reproduireles chefs-d’œuvre d’antan.Ils veulent faire de l’architecture et nonde l’archéologie, ils veulent être des artisteset non des fureteurs de vieux bouquins. Lanature éternellem ent belle est leur uniquemodèle, leur unique source d’inspiration.Cette immuable beauté leur présente ceslignes pleines d’élégances, ces lignes gracieusementcourbées qui forment en quelque sortela base de cet art nouveau, car la ligne n’estellepas la dominante de toute œuvre d’art ?Les nouvelles découvertes industriellessemblent leur venir en aide pour la mise enœuvre de leur projet.L e fer, l’acier, avec leur résistance inconcevable,seront asservis à leur audace, lesglaces immenses et de formes variées, laisserontentrer la lumière et, par conséquent,la joie dans leurs bâtisses que décoreront desproduits nouveaux.T out sera bouleversé : la disposition intérieure,la décoration, les meubles, tout recevral’empreinte des idées nouvelles. Voilàce qu’espère en grande partie la jeunesseartistique et voilà surtout ce que se promettent les membres de la « Corporationd’Architecture et d’A rt appliqué. »Mais combien de temps devront-ils lutterencore contre les idées dix-huit cent trentièmes?L e bon proprio, le propriétaire non artiste,ne veut-il pas à tout prix son salon toujoursLouis X V et sa salle à m anger éternellem entflamande ?L ’architecte actuel ne luttera-t-il pas désespérémentcontre les idées nouvelles quiannulent les poncifs qu’il livre continuellement au mauvais goût du public.Néanmoins les membres de la Corporationont foi dans l’avenir, foi que nous partageonsentièrement. Il est impossible qu’on se contenteà jamais de ces répétitions des tempsanciens, il est impossible que l'Architecture,ce bel et grand art, ne regagne sa splendeurde jadis.POLAM.Concours de boîtes aux lettresLa « Corporation d’architecture », enmême temps que son intéressantconcours de couverture, dont ilvient d’être parlé, proposait à ses membresun concours de projets de boîtes aux lettres,dont un à faire exécuter pour son utilitépropre.Ce concours a donné d’excellents résultats;les concurrents, M M . H ols, Strauven,Bochoms, Van W aesberghe, Hamesse etSeldrayers, ces derniers en collaboration,présentent des projets déjà remarquables parla diversité de composition, l’originalité. Eneffet, les concurrents ne s’étant basé suraucun principe vieillem ent établi, ne se sontrencontrés en rien, résultat déjà appréciableet bien en faveur de l’art nouveau.Certes et quoique l’objet mis au concourssemble d’importance secondaire, ceci est unindice excellent de vitalité.M . H ols nous présente un projet aux lignesBO ITE AUX L E T T R E SW i l l e m H O L S

24LA GERBEsouples et gracieuses, harmonieuses et logiques.L ’aspect général est des plus heureux.L ’auteur a bien compris qu’il n’y avait paslieu ici de se laisser emporter par l’imagination;il a fait simple et a su répondre parfaitementà ce qu’on était en droit d’attendre.L e projet de M. H ols sera exécuté.M. Strauven s’est surtout préoccupé dupoint de vue constructif. Disons, entre parenthèses,que ceci n’est pas toujours assezprésent à l’esprit de nosjeunes architectes.La vue de côté est parfaite,à ce point de vue.M . Strauven est d’ailleursle seul qui se soit assez préoccupéde ce point, pourtantde première utilité.M . Bochoms présentedeux projets très originaux,parfaitement compris égalementau point de vueconstructif. U n peu delourdeur — aux coins particulièrement— serait àreprocher.L a ferrure, très sobre,nous plaît. Nous aimonsmoins les montants quisont pourtant très heureusementenlacés à la base.M. Van W aesberghe, aqui nous devons déjà ledessin de notre couverturenous donne un joli projet,avec le m otif de papierpeint que nous reproduisonscomme fond.On remarquera la gracieusestylisation des iris,comme aussi la souplessedes ferrures et des lignesen généralM. Seldrayers donne unbon projet à exécuter en chêne clair et enbois laqué vert.Une heureuse harmonie des teintes estainsi obtenue.Enfin, M M . Hamesse et Seldrayers présententen collaboration 3 projets. Ils nous ontsemblé hâtifs et, par conséquent, peu étudiés.M ême remarque pour le projet présenté parM . Hamesse seul; une jolie courbe de lignepourtant. P . R.BO ITE AUX L E T T R E SNotes sur l’ameublementBie n peu se préoccupent de la bellerénovation d’art qu’il y aurait à tenterdans l’ameublement. Considéré souventcomme chose secondaire dans l’architecture,l’ameublement est négligé, mis àpart; à peine s’il entre en ligne de compte,lorsqu’il s’agit de composer l’intérieur, ceA r m a n d V a n W a e s b e r g h equi produit, au point de vue esthétique, deseffets déplorables.Bruxelles et Liège sont à peu près les seulesvilles où l’on marche dans la voie du progrès,si intéressant cependant pour toute personnequi s’occupe de notre art.Il y a quelque années encore, l’ameublementétait livré à un abandon sans goût,dénué de toute recherche artistique et sousla dépendance malheureuse de marchands et

REVUE D’ART ET DE LITTÉRATURE 25de camelots incapables, qui, n’ayant aucunenotion des idées artistiques que l’on peutréaliser dans un intérieur, mêlaient les styles,les époques, reproduisaient d’une façon absurdeles jolis modèles que nous ont léguésles anciens. Incapables de comprendre cesépoques, voire même de les imiter, nous nousdemandons actuellem ent quelles idées deproductions nouvelles pouvaient fournir depareils cerveaux de boutiquiers.Beaucoup de clients, à notre époque, s’occupentde leur propre intérieur, alors quecelui-ci devrait être étudié par une personnecompétente, qui, laissée absolument libre decomposer, d’après les idées émises par leclient, arriverait à satisfaire ce'ui-ci, tout enproduisant une harmonie d’ensemble quiplaise aux yeux et ne nuise en rien au confort.Certaines personnes vont chez un marchandde meubles quelconque, y choisissentquelques modèles, se rendent ensuite chez ledécorateur, qui, se heurtant à une cacophoniede goûts et de teintes, se voit incapable decomposer quoi que ce soit.Nous voyons apparaître heureusement l’aurored’un jour nouveau ! U n m ouvement seproduit, s'accentue de jour en jour, instruit leclient lui-même, qui finit par comprendre,oh! m iracle, qu’on peut faire somptueux etriche sans faire nécessairement laid et qu’avecde médiocres ressources on fera plus beaum aintenant, qu’auparavant en prodiguantsans compter. Je conseillerais volontiers àcertains tapissiers de vendre du meuble sanss’occuper d’ameublement proprement dit, carils se heurteront bientôt aux exigences del’ère nouvelle, qui s’annonce et s’accentuetoujours.Il est à remarquer aussi que beaucoup d’architectesconnaissent peu les règles à observerpour préparer un intérieur confortable etartistique à l’habitation. A mon avis, il doitêtre intime et conforme aux idées, aux goûtset aux mœurs de son destinataire. L e plussouvent possible, s’il y a lieu, il doit être préparépour les occupations de l’habitant, cequi a été rarement observé en ces dernierstemps.V oici la chambre à coucher, par exem ple:où rien ne doit exhorter au plaisir, au travail;l’ensemble invitera au repos ; le sommeil oula nuit y seront représentés d’une nuance originalement sym bolisés. L à je supprimeraisces abominables chiffons de mauvais goûtqui, en réalité, nuisent à l’hygiène de nosappartements. L ’espace qu’ils occupent seraitplus utilement remplacé par l’air, si nécessaireet si rare dans nos grandes villes.Laissons ces ramasse-poussière malsainset utilisons l’argent qui y fut autrefois destinéà l’exécution de l’ameublement et à ladécoration artistique des choses environnantes.Certains architectes construisent de ceshabitations banales, où les places carrées sereprésentent à chaque étage, n’ayant aucunedestination précise ou possible et se terminanttoutes par l’éternel plafond. Dans de pareillesconditions, il est évident que l’on ne pourraintroduire que difficilement, peut-être jamais,un effet artistique quelconque.BOITE AUX LETTRESLÉON BOCHOMSEn province surtout, tout le monde se mêled’architecture : l’entrepreneur, le maçon, certainsem ployés mêmes. Ici encore le clients’est habitué à se charger de la commandodes travaux nécessaires à la disposition intérieure.Pour combattre le mauvais goût et leschaos malsains de fantaisies burlesques, nousavons heureusement, en Belgique, de grandsarchitectes, qui comprennent la décorationintérieure en l’appropriant aux mœurs denotre époque et aux nécessités de nos occupationsjournalières.M M . Horta, Hankar, Serrurier-Bovy etbeaucoup d’autres encore, s’en occupentdepuis quelques années et ont déjà obtenuchacun des effets très étonnants et qui, jel’espère, aideront à constituer un art nouveauqui sera essentiellement local.Tous les arts puisent leur caractère en nes’écartant jamais du principe qui les subjugue,

26 LA GERBEà l’inspiration dans la nature, et c’est chez elleque nous trouverons, j ’en suis sûr, les élémentsles plus sains, les plus vrais, qui nousmèneront toujours à un résultat esthétique.L É O N BO CH O M S.Concours pour la constructiond’une école à EtterbeekCE concours a donné un résultat déplorabletant au point de vue des façadesque des plans de la plupart desprojets. L e projet primé, d’une renaissancesoi-disant flamande, est d'une valeur médiocre.Les façades déplaisent à tout homme de goût,parce qu’elles ne sont point de style pur, lesplans sont peu logiques; des classes éclairéesà deux mètres d’un mur de clôture ! Pas depréau couvert alors qu’il n ’existe aucune salleà Etterbeek pouvant convenir pour distributionsde prix aux élèves des écoles communales.Dans l’axe d’une des façades s’élèvepiteusement un pignon maigre. Dans quelvieux bouquin a-t-on été décalquer ce morceaud’architecture baroque ?L ’un des auteurs (ils sont deux) de ce projet,est un ancien prix de Rome! Huit annéesd’études à l’académie et trois années de promenadesdans la ville éternelle ont suffitpour produire ce chef-d’œuvre d’école quisera bientôt élevé à Etterbeek.2e prime : Projet de M. Low . Jolie façade.Nous regrettons de devoir constater queM. L ow ne se lance pas dans le m ouvement« ferme ».2e prime : Projet de M. Van Beesen. Façadebien simple. Plans très logiques.3e prime : (Charlem agne). Façade naïve.Bon à exécuter dans une boîte de constructionà l’usage des enfants.3e prime : (Orientation). Jolie façade. Plansbien étudiésClio. Belle façade. Plans assez défectueux.Vos. Façades d’une naïveté désolante.Union. Façades peu esthétiques. Plans biencompris.(A) dans un rond. Bonnes façades classiques.Plans pratiques.H y giène et confort. Façades assez bien.Classes éclairées des deux côtés.Progrès. Façades naïves surmontées d’unimmense drapeau national.Excelsior. Pas si excelsior que cela. Façadesassez nulles et plans peu commodes.(C) dans un rond. Façades trop uniformes.Ce projet est rendu avec art et l’aquarelle estd ’un coloris superbe.Lum ière. Enfin, voici un projet conçu parun jeune, dédaignant de s’envelopper dans lapoussière des vieux bouquins. Les façades,d’une composition assez simple, produisentun certain effet d’élégance. Plans assez bien.Classes éclairées des deux côtés.Pour la commune. M êm e auteur que pour leprojet précédent. Façades d’une compositionoriginale, un peu inspirées de l’architecturede M H orta, dont M . Gustave Strauven,auteurs des projets portant pour devises :« Lum ière » et « Pour la commune »; estélève. Les plans sont très bien compris, avecpréau couvert, escaliers placés dans le fonddu préau et recevant ainsi un éclairage parfait.A u premier étage, les galeries servent de dégagement, celles-ci pourraient être avantageusementutilisées en cas de fêtes.A. v. w.Les E gyptiens élevaient des tem plesau bœ uf Apis, les H ébreux au Veaud’or, les Grecs à Jupiter, A p p olon etVénus. Les Romains érigèrent le Capitole.Oh ! Belgique soit fière ! une de tes villes lesplus importantes a vu surgir un tem ple élevéà l’art, cette fois!L ’ange qui préside aux destinées des chosesavait marqué cette place pour faire fleurirdans un coin ignoré toutes les beautés del’idéal. Verviers a son tem ple de l’art.L ’œuvre est enfin enfantée. Considéronsl’ensemble du bâtiment. L ’harmonie qui s’endégage impose à l’âme.D e même que l’on enduit à la campagne lesréservoirs d’une couche de cim ent pour lesrendre imperméables, nous voyons ici unecouche de même matière voiler aux yeu x desindiscrets l’architecture éternellem ent cachéede ce tem ple monumental.Aussi, si les favoris de l’art s’avisent devenir un jour à Verviers pour contem plerl’édifice en question, nous leur conseillonsfort d’emporter avec eux un télescope, afin depouvoir découvrir à travers ce plâtrage leslignes majestueuses du monument.

R E V U E D ’A R T E T D E L IT T É R A T U R E 27C O U VER TU RE DE LIV R EE l i e R o i d o t

28 LA GERBEtes ainsi dans sa chanson légère et invoquant par sonrythme la chanson naïve de la flûte...Des gouttes de cristalTombent de la flû te,Berger naïf,E t parm i les ifsD e la montagne bruteS'envolent pâles,Ou claires,E t légères,Tombent et s'envolent,Folles...Ou graves ou d’or,Berger naïf, chante, encor.Son verger, d’un beau rythm e, a toujours cettemélancolie du rêve :Fleuris le verger de ton âmeFleuris le rire de tes yeuxQue je croie voir une aube en flammeMonter belle dans toi connu en les deux. .Cette chanson d’enfant qui évoque une ronde enfantineen sa naïveté...Les LivresA U B E S E T C R É P U S C U L E S . — P r o s p e r R o i-d o t . (Collection de la Lutte.) — Editeurs: SociétéBelge de librairie. — Office de publicité.Beau bouquin, titre et frontispice d’E lie Roidot —Belle couverture et surtout délicieux frontispice.Comme l’artiste a bien compris son frère poète,comme son aube est bien jeune, douce et un peu mélancolique; son crépuscule triste et si las.A h, ce vague, cette tristesse calme et résignée, tousces rêves en blancs et en bleus, tous les espoirs ettoutes les déceptions du poète, comme ils sont chantésdans son livre, tous ces sentiments subtiles, tristessesvoilées en symboles vagues, comme lorsqu’il nous ditson cœur lassé, car c'est bien son cœur qu’il chantedans l'Heure triste.Cependant la pendule est même toujours.Elle dresse comme jadis.Sa longue caisse à souvenirs.Son cadran regarde toujoursA travers les carreaux poussiéreuxLes forêts lointaines et les horizons bleus,Mais l’âme est partie,Avec le dernier tintement,Avec le dernier rêve.Surtout son liminaire d’une m élancolie infinie etd’une si douce tristesse, presque sanglot...« Comme en les pétales épars d’une naïve fleur desbois, l’on rêve parfois à toute la forêt aimée, j ’ai rêvéà tant de choses fanées, douces et lointaines, à tantd’espoirs flétris, h tant, tant de songes vivants ou ensevelisen la fleur pure de l’aube en celle fanée du crépuscule.»Prosper Roidot à su rythm er le vers libre avec undilletentism e qui est presque un défi aux anti-verlibrisSous les pommiersSommes allésSous les pommiersC'était très beauSommes allés...E t son « R êve simple », qui me semble être la plusbelle de ses aubes et, qui dépasse en tendresse grise,en m élancolie calme, tous ces autres vers.Ce rêve est celui du poète ; toujours le désir de pouvoiraller sans contrainte, dédaigneux des heures, dansles bois, de pouvoir aimer l’attendue, oh oui, l'attendue,celle qui serait de beauté idéale, presqu’im m atérielle...Mon rêve simple, mon rêve doux ?Voici...E n un sentier perdu sous bois,Parm i l'ombre et les chansons,Voir apparaître l’attendue,La voir simple et frêleE l belle ;L u i voir de grands yeux clairsUne chevelure de sainte auréoléeSur son front p urE t les lèvres mélancoliques.Ses crépuscules : « A celle qui ne sait pas. » Il l’a vueou il l’a vécue en songe, celle qui ne sait pas. Peut-êtrest-elle trop femme, peut-être trop rêve, et sa plaintes’exhale :Mes rêves à celte qui ne sait pasSont ainsi conçus, de lourdes tristessesE t d'espoirs vagues murmurés tout basE n un rythme de frissons de détresse...E t cette «heure d’aim er», ce silence qui attriste,qui fait songer, pleurer et ressouvenir, comme il soufre bien sa plainte :Il fa it doux et vague en mon cœur,Il fa it vague...

On dirait une fin d'étéOui serait toute mouilléeP a r une pluie déjà d’automne,I l fa it automne en mon cœur...Chose naïve, bien naïve : prière du poète qui ne saitplus prier, et qui, après toutes les amertumes, cherchel’appui dans l’au-delà.Priez, bonnes, bonnes vieilles,Pour moi qui ne sait plus,Presque plusPrierE t qui voudrait tant savoirTant...Quelquefois, comme dans Vers l'aube, il s’efforced’être doucement joyeux, et c’est une chanson, tristequand même par ce seul désir inexhaussé de bonheurà deux, qui est presqu’une ironie.Oh viens, allons chanter avec la vie naissanteAllons chanter avec les sources riantesAllons nous éperdre dans les forêts...Dans ses derniers vers, après toutes ces chansons, ilexhale toute la tristesse de ses rêves, ses espoirs déçus,et ses espoirs nouveaux :I l ne m'est plus resté pour soleilQu’une toute petite lampeCelle de l’espoirOui ne s’éteint pas...Garde-la, pauvre poète, garde ta lampe, elle brillerasans espoirs réalisés, le rêve pour le poète ne suffit-ilpas, et le rêve pour lui, n’est-ce pas la vie ?E u g è n e H e r d i e s .E N S O U V E N IR . — P a u l M u s s c h e . (Collectionde la Lutte.) — Surtout bien douce et un peu grave ladédicace de l’auteur à G eorges Ramaekers.En souvenir, oui en souvenir du clair pays de Hal,a u x dévotions fermes, aux grands prés verts, aux boissi doux et aimés où l’on rêve de longues heures, ensouvenir de bonnes ballades en pleins champs.O n devine en l’auteur un grand épris de la nature ;et son verbe choisi et coloré, sa phrase bien brabançonnepeint délicieusement. « Mais bientôt voici lacampagne, la grande plaine aux futures récoltes doucementremuees par le vent, des champs de colzas d’oret de trèfle incarnat où butinent fiévreusement lesa b e i l l e s . De clairs appels de coqs se répondent dansl ’ a i r sonore et, dans les prairies grasses et fleuries demaguerites, des vaches broutent l’herbe tendre. »Sa foi pure et forte l ’auteur nous la dit en proclamantcelle des pèlerins « la foi sublime des pèlerinséclatant en cet hymne que les générations redisentà travers le temps, saluant en Marie, pleine de grâce,mère de Dieu, sa virginale m aternité; Etoile du matin,T our d’ivoire! maison d’or!E u g è n e H e r d i e s .Livres reçus : E d g a r B a e s : Cantique de Spectres.—E d o u a r d N e d : Mon jardin fleuri. — V i e r s e t : Versles lointains. — P a u l J a s p a r : D u vieux, du neuf. —G e o r g e s R a m a e k e r s : L 'Hymnaire du printemps.REVUE D’ART ET DE LITTÉRATURE 29Chronique musicaleU n m o t s u r W a g n e r . — Certes, de toute œuvremusicale produite jusqu’à ce jour, celle de W agner estcelle qui a atteint le plus haut degré de perfection d’art;c ’est pourquoi nous prenons W agner comme type del’artiste parfait. Aussi, affirmons-nous que son œuvrerestera certainement im m ortelle, dans l’esprit des intellectuels,dans le cœur de tous ceux qui possèdent unpeu de sentiment; et, surtout dans l’âme des poètes.L ’œuvre du réformateur est conçue, on le sent, d’uneâme entière (chose essentielle pour une œuvre d’art);et sans préjugés de lois absurdes et fabriquées par leshommes, mais se laissant aller au libre cours de sesinspirations, qui chez lui étaient énergiques et pleinesde vie. En artiste parfait il les dirigeait avec une volontéremarquable vers le plan de la conception de son idée.C e n’est pas une œuvre faite pour montrer que l’onconnait ses règles d’harmonie; ou même, qu’on les méconnaît,comme certains auteurs — parmi lesquels il ya incontestablement des hommes de science — quiperdent leu r tem ps et leu r esprit à chercher, en musique,les effets les plus burlesques et qui en arrivent il produiredes œuvres incohérentes et souvent ridicules.Il y en a tant de ces ouvriers harmonistes ! Combiende jeunes gens croient qu’on parvient, en même tempsqu’à son premier prix de composition, à fournir desœuvres d’art ? Ils paraissent ignorer que sans inspirationil n’y a pas d’art et que sans âme il n’y a pas devie, pas plus que sans idée ni volonté il n’y a acte.Que de gens croyent que pour produire une œuvred’art il suffit que la volonté mette à exécution les projetsenfantés par l’idée; ou qu’il suffit d’être intelligentpour devenir artiste, et, abstraction faite de l’inspirationque l’on peut traduire, en reproduisant par n’importequel moyen, de purs sentiments que seul possède lepoète.Pour être missionnaire de l’art (de l’art en général),il faut avant tout avoir un cœur qui sente, doublé d’uneintelligence assez grande pour comprendre ce que lecœur sent, et enfin une volonté assez forte pour mettreà exécution le travail, fruit de l’intelligence qui a pourracine le cœur ou le sentiment.T el était W agner, et tels doivent être tous ceux quiveulent être créateurs d’une œuvre d’art.Il faut sentir par le cœur, pouvoir par l'intelligenceet agir par la volonté He n r y He n g e .ASamedi, 22 janvier, une intéressante soirée donnéepar le cercle artistique « L ’aube » (section III).Très bon programme : des œuvres de Bach, Chopin,Berlioz, W agner, Vincent d’Indy, Schubert.M. A rloti-E rcole nous a, comme toujours, étonnépar son brio, insoucieux de sentiments; M. Schw artzaeu un jeu savant et expressif en exécutant du Schubertet du Chopin. M. Verboom a une voix bien timbrée etsympathique — de la dureté dans la diction, peut-être.Nous l’avons aimé dans le magnifique P r eislied desMaîtres Chanteurs.Enfin M me Feltesse-Oscombre, de son admirable voixde soprano, nous a détaillé trois charmantes choses :Printemps trouvé, à la Violette, Absence qu’elle a ditavec un charme pénétrant et surtout une berceuse (nonportée au programme) dont elle a fait une absolue

30 LA GERBEm erveille de sentiments délicats, de tendresse et desollicitude aimante.Bonne soirée donc et de bel intérêt artistique.*Il va paraître à Berlin une publication intéressante :plusieurs mélodies pour carillon du maître J. S. Bach,mélodies recueillies par le directeur de musique de lacour de Pressau.*Une manifestation de sympathie en l’honneur deJoseph Dupont, aura lieu au mois de mai, après laclôture des concerts populaires.A l a G r a n d e H a r m o n ie . — Exécution à la soiréedu 17 janvier, d’une œuvre de Henri Henge (tableaumélodique) où pleurent harmonieusement les chants dupoète qui s’en va rêveur, tandis que les anges chantentpour lui leurs doux cantiques à la V ierge.L a mélodie est douce, conçue dans un sentiment depiété calme ou suppliante, comme dans la belle prièreJésus d'anges et de MarieE n robes d’étoiles fleuriesSouriez-moi...qui est d’une belle envolée émotionante.De beaux passages aussi pour orgues, violons etflûtes dont les ressources, bien comprises, produisentdes effets souvent délicieux.En somme, une œuvre bonne et fertile en promesses.p . R.Les RevuesT H E A R T IS T . — Dans son numéro de janvier 1898publie des œuvres de M. W illiam H yde, paysagistede grand talent. MM. Jean Baffier, M ucha, Carabin,Fantin-Lacour, Lucien Monod, sont bien représentésdans ce numéro.Les panneaux décoratifs de M. Patten W ilson sonttraités avec vigueur et ses figures laissent une impressionfort bonne.Dans l’article consacré au « M ouvement pré-raphaéliste», à noter les œuvres de M M. J.-E . M illais,A rthur Hughes et surtout celles de Dante GabrielRossetti.Remarquons encore, dans ce numéro, les dessins deMM. D. J. Cameron, Rosa W allis.A relever dans le numéro de février 1898 de TheArtist, de remarquables reproductions des toiles deM. A rthur Hacker. Des illustrations de M. E. RocherDeux panneaux décoratifs absolument beaux de LouisRhead. Des œuvres de MM. Dammonse, Valère Bernard,Patten W ilson, F ix Massau. De jolies chosesd’art appliqué dues à M M . E. W ennerberg, A lf. W a l­lander, P. Krohn, C. Block, S. G iöbel Co, A . L in degren,J.-A. H allin, M . Michelsen, G .-F . Carlm anV. Christesen, G . Gandermak, A . Buli, tous artistesS can d in aves.A noter encore, dans cette livraison, des paysagesde M. W allace Rim ington, des illustrations de livresde M. Laurence Housman, une couverture de revuedue à M. Muchu.M M. Rocoe, M ullins, M ary T ow good, J. Y oungHunter, E .-G . E llis, A lfred T urner, J.-S. Eland,M .-E . Thom pson, B. Clem ens, S. A ttkin et D .-R .Claque sont bien représentés.S T U D IO . — La livraison de janvier est absolumentremarquable.Dans un article consacré au peintre G érald Moiral’on admire de superbes planches, reproductions dequelques œuvres de ce grand artiste.De charmantes façades et un intérieur d’un cottagedû à l’architecte de talent A rnold M itchell.Les dessins de ferronnerie de M. H .-S. Pepper noussemblent un peu rococo.De belles lithographies du maître Steinlein.U ne étude remarquable de Forain.Dec œuvres de M M. J.-E . James, M ax K oner,W ako B uko v a c , Han s T h o m a , Charles SpraguePearce, W ilhelm M üller, M ax Pietschm ann, V irgin ieBreton, Per Husselberg, Fernand Khnopff, A lf. W allander,A . Anderson, M lle Bonnier, D .-Y . Cameron,H .-R . W yse.*L A L U T T E nous donne un numéro de N oëlravissant. U n joli ex-libris sur la couverture, undélicieux croquis de Georges Ramaekers, de bonsvers et de bonnes proses.Albert-Jounet : Nativité, des vers de belle envoléeGeorges Virrès : Un beau conte. Des vers de G eorgesRodenbach, dont nous reproduisons ceux-ci :L e soir tombe, prions pour les pauvres malades.J e songe à ceux des salles d’hôpitaux,Pâles sur l'oreiller de leurs lits sans rideaux,Qu'on n’appelle plus que d’un numéro.U n conte intéressant de Pol D emade. D ’EdoüardN ed, de beaux vers. U ne curieuse étude de MauriceDullaert. Un conte de Georges Oudinot, où flotte lanostalgie de ses Noëls lointains. L a Prière des Inquiets,d’A lbert Berthel, évocatrice et bien suppliante. Unconte d’un beau colorisme, d’Eugène Herdies. Uneprose à portée sociale, de Georges Ramaekers.*M E R C U R E D E F R A N C E . — Etude de LéonB loy, sur les lieux communs, étude profonde, originaleet toujours traitée avec son engueulem ent spirituel.Bons vers de Em ile M étrol. Masques, par Vallontonet R em y de Gourmont, de : Vallette, M ax Elskam p,M ozel, Marcel Schwob et l’auteur de la Tête d’or.*L 'A U B E . — Des vers parnassiens de CharlesViane, qui sont d’un bon poète, et de l’excellenteprose du maître Cam ille Lem onnier.*L A P L U M E . — De belles reproductions de cartesde visite illustrées, et quelques vers assez bons deGeslain.

R E V U E D’A R T E T DE L IT T É R A T U R ES P E C T A T E U R C A T H O L IQ U E . — Q uelquesbeaux v ers bien ch rétie n s de L o u is D enise e t deV icto r K in o n . In tére ssa n te étu d e de C harles M oricesu r la foi du p o ète V erlaine.Çà et làJu le s M o n tig n y , l’exce lle n t p e in tre p aysagiste e tanim alier, v ien t de re m p o rte r une m édaille d ’o r à l’expo sitio n de P aris, sectio n des beaux-arts.L a Réforme re p ro d u it le croquis du p ro jet de m édaillep o u r n o tre ex p o sitio n d éfu n te ; b elle conceptio n , dueau ta le n t é v id ent de M . L agae.M . O m e r C o ppens a com posé, en sty lisan t de ravissan ts soleils, la délicieuse affichette du cercle « P o u rl’A rt », d o n t nous p arlero n s e t donnero n s des re p ro ­d u ctio n s dans n o tre second num éro.D eux arch ite c te s v ien n e n t d ’ê tre décorés com m eau teu rs des p lan s de c o n stru ctio n s élevées en staf àl ’expositio n de B ru x elles 1897.C opions et co n stru iso n s en p apier m âché !L e salon de la « L ib re esth étiq u e » s’o u v rira, com m eles an n ées p récéden tes, v ers la fin de février, dans lesg aleries du M usée m oderne de p e in tu re.C e salon s’annonce com m e d evan t ê tre un des p lu sin téressan ts de la saison.D es envois o n t é té faits de F ran ce, de H o llan d e , d ’A n­g le te rre e t d ’A llem agne. Ces d ern iers su rto u t p ré ­se n te n t un grand in té rê t, en ce sens que les artistesallem ands d ’avan t garde so n t à peu p rès des inconnusp o u r nous.A u C e r c l e A r t i s t i q u e . — T rès in téressante ex p o ­sitio n de M M . W eig ers, V erdussen, Janssen s e t M ignot.Q u a tre jeunes qui nous d o n n e n t des oeuvres d ’unin té rê t m arqué.M . D ésiré W eig ers a d ’e x cellen ts m orceaux. U nSaint M ichel (iv o ire) qui, d ’un beau g este en th o u siaste,terra sse le d ragon. — L es Rameaux, sim ple groupe,p ris su r le v if ; u n e fillette, le to rse lég èrem ent re n ­v ersé, se rran t contre elle un poupon qui som m eille, etten d a n t une b ranch e de buis.R em arq u é sp écialem en t u n bas-relief : u n e vieillefem m e courbée sous son fagot et m archan t p én ib lement. M . W eig ers sym bolise en elle la Souffrance.M . V erdussen a de bons paysages, quoique un peum assifs, p o u rtan t, e t m an q u ant parfois d'air.Son Etang en Brabant est d ’une belle v enue; l’eauen est bien rendue, m ais les lo in tain s bleus so n t exagérés d ’in ten sité. U n Lever de lune est dans une n otedouce e t rep o san te.M . Janssen s a une ex p o sitio n très rem arq u ab le, ta n tp a r le n o m b re que par la q u alité.De bons p o rtraits, e n tre au tres ceux du sc u lp teurW eig ers e t de M. M ath ieu. P o u rta n t, je p réfère sesin té rieu rs d ’églises, si pleins d e m y stère et de recu eillement, et ses v ieu x logis pitto resq u es.E nfin M. M ignot expose des croquis sp iritu els et desp ro jets d ’affiches aux lignes b izarres que nous lui connaissons.H . r .A p rès l’exposition de M M . W eigers, V erdussen,Janssen s et M ignot, le « C ercle A rtistiq u e » nousm o n tre des œ u v res de M me Je n n y B ern ier-H o p p e,M M . G eo B ernier et E d o u ard E lle.M me B ern ier-H o p p e a un tem p é ra m en t de co lo riste ;ses iris so n t d ’une belle couleur v ib ran te e t d ’une pâtegrasse e t ferm e.M . B e rn ie r expose de fo rt bonnes toiles.Sou Quadrige brabançon est de to u te beauté. Q u atrechevaux, co n d u its p ar de rudes p a le fren ie rs,s’élancenten p lein soleil, se d étach ant avec v ig u eu r su r un fondde feuillage som bre.L a Rue de l ’Equarisseur est aussi une bonne toile,dans un sentim ent triste.C itons égalem ent le Taureau e t l'Attelage brabançon.Q u ant au p o rtrait du capitaine-com m andant de R ...,nous au rio n s certain e m e n t p référé ne pas le voir.L es aquarelles de M . E d. E lle sont bien lavées,q uoique un peu tro p poussées dans la n o te v io lette etbleue.Il est certain e m e n t p lu s facile de m ettre un to n fran ­ch em en t bleu ou violet, que d ’en rech erch er to u te lafinesse, to u t l’indécis.H . R.D epuis q u elq u e tem ps, n o tre belle capitale se pared ’un caractère e ssentiellem ent nouveau.D e b elles co n stru ctio n s e t de grands m agasinsm o n tre n t déjà com bien c ette belle renaissance de l’a rte st avancée. N o u s som m es h eureu x d ’ap p lau d ir lesno v ateurs, M M . H o r ta e t H ankar.S eulem ent, beaucoup d ’arch itectes et d ’e n tre p re ­n eurs co p ien t à p leines m ains et ne réussissen t q u ’àim ite r p ite u se m en t ces belles œ u vres.N o u s supplio n s ces m essieurs de bien v o u lo ir cherch er ailleu rs e t de nous éparg n er le triste spectacled ’une copie m al faite. C haque fois q u ’il nous serad o n n é de c o n stater un cas nouveau, nous ne nousferons pas faute de le sig n aler. P e u t ê tre le zèle p la ­g ieu r de ces m essieurs en sera-t-il dim inué.*Façades de la ru e C ourbe (m o n tagne de la C o u r).B ien des reg ard s o n t été attirés ces d ern iers tem p s parun plan -ty p e exposé dans cette d ern ière ru e ; p ré sen tép ar un arch ite c te ou e n tre p ren e u r (le d e rn ie r m otserait, je crois, p lu s lo g iq u e) qui n ’a pas daigné sig n erson œ u v re — je p arle ici des planches.O n y rem arq u e en grandes lettre s : P lan p o u v antco n v en ir à une des m aisons a y an t 7m50 de façade.V raim ent, il serait à lui co n seiller de ne pas d o n n ersuite à son plan.Ce devis, nous le savons bien, e st de b onne te c h ­n iq u e; aussi bien ne prétendons-nous n u lle m en t quece soit questio n secondaire, m ais il y a ici certain s

32 LA GERBEmotifs d’art qui, vraim ent, dans les plans sontpitoyables.Ce qui convient de faire, c ’est d’élever dans cette ruenouvelle des constructions en concordance avec lestemps nouveaux.Quel triomphe pour l’architecture moderne, quellebelle palme de compréhension et d’initiative à décerneraux dirigeants, si l ’on pouvait faire de ce quartier unevraie conception d’architecture nouvelle, une centralisationd’art à la rue, une popularisation.Puissent nos architectes modernes y faire briller leuroriginalité, la logique de leur construction, la beautéde leurs conceptions.Nous espérons ne pas voir remplacer les maisons dejadis par d’autres qui les surpasseraient en... horreur.Pourquoi dém olir alors ? restaurons !N ul doute que l’exquise ?! décoration extérieure duRadjah (nous ne dirons rien de l’intérieur, trop prudentque nous sommes pour nous y être aventuré) n’attireen foule nos aimables mondains et mondaines. On saitque, pour plaire à ce milieu raffiné, il faut faire laid,roccoco, et plus platement quelconque qu’on ne pourraitle supposer.L ’auteur de ce lourd morceau n’a que trop bienréussi.A propos du Radjah encore, cela nous a été une surpriseagréable de voir la charmante affichette qu’HenriMeunier composa pour cette honorable maison.Tous nos lecteurs auront apprécié comme nous lecharme distingué de la fumeuse indienne, à l’exquiseindolence, et, comme nous, auront applaudi au talentdu jeune maître.Il y a des gens étonnants !Non contents de posséder une infecte maisonplâtrée et bête au possible, ils s’ingénient encore àl’enlaidir — si possible, toutefois.Exem ple, ce brave homme qui vient d’imaginer deplaquer à sa façade je ne sais quels longs serpentins debois, tordus d’agréable façon et qui, soigneusementpeinturlurés, produisent le plus hilarant effet. Pouradmiration conforme, voir rue Jean Stas, près avenueLouise.Il est vrai, malheureusement, que semblable illoismese rencontre un peu partout, à Bruxelles.C ’est très bien de vouloir faire moderne et décoratif,mais encore ne faut-il pas pour cela faire un horriblemélange de style, de mauvaises compréhensions et demodernités.Comme, par exemple, la « Maison de Blanc », où lamajolique, belle vraim ent, s’étale sur une constructiondisproportionnée, à l’entrée lourde, œuvre d’un architectede bon vouloir, peut-être, mais aussi par tropcommerçant.Inauguration bientôt (24 avril 98), d’une statue enmémoire d’Eugène D elacroix, à Charenton-Saint-Maurice.Vu, boulevard Anspach, une regrettable vitrine depapeterie ; pour faire beau, l’auteur a négligé de faireconstructif et n’a réussi qu’à produire, chose inévitable,une œuvre absolument illogique.A propos de la miniature de l’abbaye de Villers, quisera placée sous peu au musée du Cinquantenaire, unephrase à méditer, d’un des membres de la commissionspéciale chargée d’inventorier les fouilles pratiquées àV illers :« Q uelle chose plus grandiose, en effet, que cette» admirable église, pouvant servir n e v a r i e t u r pour» les monuments à construire dans l'avenir, ou du moins» d’inspiration pour les architectes. »Pourquoi pas le plagiat pur et simple ?Il existe des règlem ents qui interdisent aux em ­ployés d’administrations publiques d’élaborer desplans pour les particuliers.Or, de nombreuses constructions sont élevées d’aprèsdes plans dressés par ces messieurs. Inutile d’ajouter,n est-ce pas, que ces architectes d’occasion ne présententau public que des œuvres sans art et aussi illo ­giques que possible.C eux à qui incombe le soin de faire observer cesrèglem ents seraient-ils assez bons pour nous dire lem otif de cette étrange complaisance, si désastreusepour nos jeunes architectes épris d’art nouveau etluttant pour leur idéal ; et messieurs les fonctionnairesn'auraient-ils pas l’extrême obligeance de laisser là deschoses auxquelles ils s'entendent aussi bien qu’unsourd à faire de la musique.

" L A L U T T E " revue catholique d’artDirecteur: G. RAMAEKERS,114 rue Franklin Secrét. de rédaction : Edouard NED, 34,rue du Conseil, BruxellesparaîtA RT & DÉCORATIONLa livraison : 2 francs Revue mensuelle d’Art moderne Un a n : 20 francsD i r e c t e u r : T h i é b a u t - S isson, 13, rue Laf a yette, P a risTHE STUDIO Revue anglaise d’Art et deDécorationLa livraison 1 f r . 50. — Un an 18 frs.5, Henrietta Street, Covent Garden, L O N D R E STHE ARTISTRevue anglaise d'Art & de Décoration. — La livraison, 1.50 f r .; un an, 18 francs.2, Withehall Gardens, L O N D R E S — 1, Boulevard des Capucines, PA R ISDEKORATIVE KUNSTRevue allemande d’Art décoratif moderne, éditée à MunichDeut s c heK u nst und Dekor atio nRevue d’Art décoratif allemand, éditée à Darmstadt.ONS’ABONNEACES RÉVUESCHEZMM. DIETRICH & Cie, Editeurs d’ArtMON T A G N ED E LA COU R B R U X E L L E SL’EffortREVUE MENSUELLE D’ART. — DIRECTEUR : JEAN V I O L L IS3, Rue Sainte-Germaine, P A R IS .La Province Nouvelled i r e c t e u r : L a u r e n t SAVIGNY. 43, r u e d e p a r is , Au x e r r eL’ŒuvreREVUE MENSUELLE D'ART. — DIRECTEUR : JULES NADI, VALENCE-SUR- RHONEDe Vlaam sche S choolr e v u e m e n s u e l l e d ’a r t e t DE LITTÉRATURE. — Directeur : POL DE MONTRempart de la P o rte du Rhin, A N V E R SVient de ParaîtreAUBES ET CRÉPUSCULESpar PROSPER ROIDOTP r ix : 2 francsBeau volume in-12 carré sur papier fo r tavec titre et frontispice par E lie R O ID O TE N V E N T E C H E Z L E S P R I N C I P A U X L I B R A IR E S

P .- L . M OLIT O R * IM P R IM E U R -É D IT E U R * R U E LO N G U E VIE 3 6 *B R U X E L L E S

1r e A N N E E . 2 Ma r s 1898SOMMAIRE:E D G A R B A E S : Les sources dé c or a t iv e sH. R. : Les expositions.B . L. : Notes sur l'ameublement.T . R IA U : Travaux d'art moderne.G E O R G E S R A M A E K E R S : D es o r ig in e s r e l i­g ieuses de l'archi t ecture.E L IE ROIDOT : De la décoration du li v r eE U G È N E H E R D IE S : L a c h a n s o n du. vieuxlie r r e .JE A N D R È V E : Le cimetière.PR O SPE R R O I DOT : Une très courte histoired'amour.P A U L M USSCHE : Révolte.P A U L H U B I N : Sonnet,Les livres. — Les revues. — Cà et là.IL L U S T R A T IO N Sde MM. E . P elseneer, L. Bocho msA .V an W a esberghe, A. C raps, IL R oidotE. M. M ooreA. C A S T ILL E , F. BO BERGÉ . R o i d o t , P. J a s p a r . P. B r a ü t z k y. G . S t r a u v e n , H. B a i l l i s S c o t tETC.D IR E C T IO N :2 12, C h a u s s é e d e W a te r lo o , S t - G i l l e s - B r u x e l le sA D M I N IS T R A T IO N :3 8 , R u e d e I o n g u e - V ie , l x e l l e s - B r u x e l l esCe numéro : 1 franc

LA GERBERevue mensuelle d’Art décoratif & de IiittératopeDirecteur :Prosper ROIDOT, 212, Chaussée de Waterloo.Secrétaire de Rédaction : Eugène HERDIES, 31, Rue de la Commune.BRUX ELLESCOMITÉ DE DIRECTION :LÉON Eochoms, rue de la Pépinière, 7. — E u g è n e HERDIES. — GEORGES RAMAEke rs, rue Franklin, 114 . — P ro sp e r R o id o t. — G u s t a v e S tr a u v e n , chausséede Louvain, 304. — Arm and V a n W a e sb e rg h e , rue d’ Irlande, 99.B R U X E L L E SPRINCIPAUX COLLABORATEURS :A n t k n o r Al l a r d . — E d g a r B a e s . — F irm in B a e s . — A l b e r t B e r t h e l . — P ie r r eB r a e c k e . — A l b e r t C a s t il l e . — A l b e r t C ia m b e r l a n i. — M a r ie C o l l e t t e . —G isb er t C om baz — Q m e r Go p p e n s. — A l e x is C r a p s . — P o l C r a p s. — A d o l p h eC r e s p in. — E rn st D e l t e n r e . — D e V r ie s. — Je a n D r è v e . — A l b e r t D u e s b e r g .— O m er D ie r ic k x . — G. F ic h e f e t . — M a u r ic e G oossens — L é o n G o v a e r t s . —A. G r o o t h a e r t . — Pa u l et G e o r g e s H a m e s s e . — P a u l H a n k a r . — A l e x a n d r eH a n n o t ia u . — H e n r y H e n g e . — W illem H o l s. — J. Ja c o b i. — P ie r r e K e s s e l.— G e o r g e s L e m m e n . — G e o r g e s M a r l o w . — L o u is M a s u r e . — O c t a v e M a u s .— P a u l M ussche. — E d o u a r d N ed. — H e n ri O t t e v a e r e . — E. P e ls e n e e r , —E d g a r R ich au m e.— E lie et H e n ri R o id o t. — A r t h u r R o giers. — F r it z S e e l­d r a y e r s . — S t r e b e lle . — L o d e w ijk S t e y a e r t . — Louis S tru ys. — E r n e s tV a n d e ro o st. — A rm and V an W a e sb e rg h e . — F é l i x V e r s c h a v e . — V ia n ­d ier. — Ju les D e s tr é e . — P a u l Jaspar. — E d o u a r d T o u r te a u . — C h a r le sB e r n a r d . — L éo n Sneyers, — J. du Jardin. — J. M id d e le e r . — Jean D e l v i l l e .ABONNEM ENTSBELGIQUE: Un an, 10 francs. — ETRANGER : Le port en sus.A dresser les abonnements à la Direction de la R evue, 212, chaussée de W aterloo, Bruxelles.ADM INISTRATIONToutes les communications concernant le service de la revue (règlem ents, changements d’adresse, etc.)doivent être adressées à l’éditeur, M . P . L . M O L IT O R , 36, R u e L o n g u e - V ie , B r u x e lle s .RÉDACTIONT outes les communications concernant la Rédaction de la revue (rectifications, manuscrits, docum ents,dessins, photographies) doivent être adressées à la Direction, 212, ch au ssée de W a te r lo o , B r u x e lle s . —Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus. — Il sera donné un compte rendu de tout ouvrage dont unexem plaire parviendra à la Direction.REPRODUCTION D’A R T IC L E S & DE G RAVU R ESLa reproduction des articles, dessins et gravures est absolument interdite, même avec indication desource de provenance, à moins d’une autorisation de la Direction.N . B . — Les auteurs sont seuls responsables de leurs écrits.PUBLICITÉPour les annonces, réclames, etc., à insérer dans la Revue, demander les tarifs spéciaux et renseignementsà l'Editeur, M. P .-L . MOLITOR, 3 6 , rue L ongue-V ie, Bruxelles.

LA GERBER E V U E D ’A R T D É C O R A T IF & D E L IT T É R A T U R ELes Sources décorativesUN étroit esprit de clocher ou de systèmene saurait être le propre desartistes vrais. L ’ornementation surtout,est de nature cosmopolite. Les polémiqueset les interminables discussions qu’àfait naître soit l’origine obscure d’un maître,soit l'inconstance de ses pérégrinations, sontle fait d ’épilogueurs, de trop savants fureteursd’archives, qui soulèvent souvent, avecla poussière de leurs documents, le cœur dupoète à la poursuite d'idéal.Mais, est-ce à dire qu’il ne soit point depatrie pour les artistes, et que leur armée nesoit qu’une internationale bigarrée ? Eh non !l’artiste est de son temps, de sa race, de sonpays, mais il est avant tout un être humain,soumis à toutes les vicissitudes, et même plusque son prochain le plus vulgaire. Il est émotifen même temps qu’intellectuel ; il sentvivem ent tout ce qui le touche, germe oudébris, rétrospectif ou futur, exotique ounational. Tout se rapporte à l’art, la natureentière est tributaire de l’inspiration de l’artiste,et même, s’il éprouve un contact surnaturel,s’il se jette à corps perdu dans le rêve,cramponné au cou de la chimère, c’est encorele sentiment de l’art, son vrai guide, qui lui permettrade coordonner ses visions, de les relieraux objets réels et d’en faire un tout homogène.Jamais plus qu’en ces dernières années dusiècle, il n ’a été nécessaire de mettre del’ordre dans ses sensations. La névrose guetteceux qui se laissent flotter à la dérive, il fautcôtoyer, se ressaisir et ne pas perdre de vueles assises de fondation des grandes œuvres.Des sources nombreuses et très diversessont à notre portée, nous amenant un flotd’éléments. A toutes, il est permis de puiser :il est même charmant de voir l’imaginationde l’artiste s’y abreuver dans la liberté absolue,mais il est nécessaire de ne pas s’égareravec lui et de rester possible.Nous voulons étudier quelques-unes de cessources décoratives et rechercher ce qu’ellespeuvent apporter au style qui se forme.Aucune d’elles ne vaut la nature, très certainement.Mais la nature ne livre pas volontiersses secrets, et plutôt que l’imiter banalement,sans initiative et sans malice, il estcent fois préférable de chercher ailleurs ducharme, du caractère, de l’artistique enfin.N otre art moderne est une orchidée, unevrille exotique déconcertante, en comparaisonde la froide et pénible correction des prédécesseurs.Mais il est artificiel et factice,et de temps à autre un bain de nature, desoleil et de rosée ne lui fait pas de mal.Il n’est pas mauvais non plus de remonterparfois à l’examen des sources.Pourquoi n'oserait-on plus regarder cesGrecs et ces Romains, si corrects et si com ­passés, mais qui furent plus près que nous dela nature, malgré leur idéalisme ? Nous avonsvu à la bibliothèque ambrosienne de Milan,des miniatures napolitaines représentant desscènes rustiques, des décors de jardins, desarabesques finement tracées, d’une véritéfrappante, et d ’une tonalité toute moderne.Quelques jours après nous avons retrouvé,vivantes, ces scènes sous le soleil de la campagnedes Abruzzes et l’illusion était tellequ’on pouvait se croire transporté à dix-huitcents ans en arrière.Dans une crypte sous l’église de Saint-Clém ent à Rome se trouvent des fresquesnaïves, sauvagement brossées, sans doute pardes esclaves barbares. L es unes sont déjàinspirées par la vue des belles œuvres deRome, d’autres aussi primitives, aussi intéressantesque les peintures des manuscritsirlandais du British Muséum, ou qu’une illustrationparfaite de la Princesse M aleine deM aeterlinck.

34 LA GERBECroit-on qu’il n’y ait pas là ample matière,non à poncif, mais à étude pour l’artisteéclectique qui cherche son bien où il peut letrouver ?Il n’y a rien de nouveau sous le soleil, estune pensée fausse ou mal exprimée.L ’art, qui est une apparence, se transformeéternellement, et avec les m êm es élémentsreforme les mirages les plus variés et les pluscontradictoires : ainsi, le kaléidoscope, lesjeux d’optique et de giroiem ent amènent toujoursdes figures nouvelles, combinaisons dequelques éléments simples.De pareilles combinaisons et nuancesforment l’originalité décorative, car il ne fautpas prétendre à créer de toutes pièces unechose sans rapport avec des objets déjà vus :il s’agit seulement d’imprimer à des créationsfactices un cachet spécial qui étonne et faitoublier tous les souvenirs.Sous ce rapport Raphaël a été un novateurdans ses fresques tirées pourtant des Thermesde Titus.Raphaël est mort depuis longtemps ! MaisBoticelli est mort cinq ans avant lui et on nese lasse pas de le pasticher : pourquoi ? Parcequ’il est moins classique, plus ignorant, plusinégal ?...Mais le profit que peut tirer l’art d’aujourd’huide la décoration antique n’est point lacorrection des formes, l’aspect classique oum ythologique, la noblesse ou la perfectiontechnique. Certes, tout cela s’y trouve, maisc’est antipathique à la fantaisie actuelle!Ce qu’il y a encore à en tirer, c’est le sens,la signification des motifs et cette préoccupationdevrait s’insinuer dans l’art nouveau.Tout objet (et le progrès nous en fournitd’autres tous les jours), peut être utilisé parnos architectes et nos ornemanistes. Maisc’est une erreur que de grouper tous cesdocuments en vue d’un simple effet, et decroire que tout soit dit, quand ce décor nesuggère rien au spectateur, parce qu’il n’apoint été en contact avec la pensée del’artiste.Disons-le bien haut : Pas de froide et prétentieuseallégorie classique, pas d’idée anciennedans l’art neuf. C ’est pour avoir oubliéce point que les Allem ands sont restés silongtemps en retard sur Paris.Sans une levée de boucliers contre leromain, le néo-grec, la Renaissance italienne,contre tout style compassé et soumis à deslois strictes, on ne pourrait obtenir de l’original,du jeune, du neuf.Mais la décoration jeune ou vieille ne doitpas être seulement un régal pour les yeux,une amusante mosaïque, il lui faut un prétexte,un m otif général autour duquelviennent se grouper les idées.La différence est grande, comme valeurpsychique entre un simple amas d’accessoires,et ces mêmes objets reliés par une idée ou unsentiment : supposons une guirlande defleurs, deux tourterelles voletant, un carquoiset des flêches entrelacées dans les fleurs, oubien un tableau de nature morte où sontréunis sans but des fleurs, des armes, desoiseaux. D eux toiles peintes, certes, mais oùsera le m otif décoratif ?M ettra-t-on un sujet pieux dans un boudoir,un sujet grivois dans une église ?E h bien, m algré les apparences, il est certainque les décorateurs de l’antiquité (sautà la mauvaise époque où les esclaves semirent à barbouiller les murs au gré de leurcaprice), eurent toujours à la pensée cetensemble né d’une pensée. Ce m ot d’ordreles retenait dans les lois de l’harmonie. Il estsuffisant pour garantir contre l’absurdité aumilieu de la liberté.C ’est tout pour l’art gréco-romain au pointde vue actuel.Après ce principe de pensée, et un examenattentif de la façon spéciale dont les ancienscomprenaient l’agencem ent de leurs lignes,le choix et les contrastes des motifs importantsavec leurs liaisons, il n’y a rien à luiprendre sans porter atteinte au caractèredécoratif moderne.Cependant il y eut une époque de licencedécorative analogue à la nôtre.A l’époque des empereurs, la décorationque les Romains appelaient scénographieprit, surtout dans l’A sie M ineure, une directionfantastique, se moquant de toutes lesrègles de l’architecture, associant étrangement des formes végétales dans des aspectsaériens et transparents.Les qualités les plus saillantes de l’art decette époque sont : la profusion, le génie d’inventioninépuisable même dans l’art le plusdégénéré, de riches et capricieuses arabesques,des voûtes de feuillage, des oiseaux, desfigures de danseuses, de bacchantes, de centauresplanant librement et se balançant dansles airs.

REVUE D’ART ET DE LITTÉRATURE 35Mais pourrait-on rajeunir un art pareil ?Sans faire de cliché ou de poncif, un artistecontemporain ne peut-il faire de l’art enornant une place ou un édifice en style classique,de motifs conçus à la façon antique, enarabesque par exem ple où il introduirait desobjets réels, modernes?Il suffit pour répondre à cette objection,d’examiner par exem ple l’œuvre de JeanStradan, ou les dessins d’orfèvrerie et deciselure de H olbein, de Jean de Mabuse, deLancelot Blondeel, de Lucas de Leyde, etc.Tous ont modernisé à la flamande ou à l’allemandele goût antique, et ont négligé trop decontem pler leurs travaux de variété exubérante.Les Burae Jones, Rossetti, W alter Craneet tant d’Anglais, ont bien su aller planterleur chevalet à Florence et ils ont produitpourtant de l’art anglais.En somme, la caractéristique de notre finde siècle, de notre décadence si l’on veut,(mais combien excitante et intensément raffinée)c’est l'abondance, la cohue, la luttevertigineuse. Ce qui lui fait défaut pouratteindre la puissance créatrice d’œuvresdurables, c’est la cohésion, l'harmonie detous ces éléments hétérogènes qui s’enchevêtrent,s’insinuent et se poursuivent commedes couleuvres ou des sangsues, qui étonnentet laissent rêveur, sans permettre ce sérieuxexamen qui signale l’œuvre d’avenir.C ’est donc à l’harmonie que doit s’attacherl’art contemporain, non à cette déessesereine, symétrique et marmoréenne de jadis,mais à celle de la vie qui unit les contrastesles plus saisissants pour (à force d’émotionset de passions multipliées), laisser dans l’â m ece profond sentiment d’admiration qui noussoulève au-dessus de toutes les quotidiennesbanalités!EDGA R BAES.Pour l’Artdont il dépeint admirablement les instinctsbrutaux et fatalistes. On sent qu’il les a étudiésavec un acharnement calme et tenace,(6e E x p o s i t i o n )Le cercle « Pour l’A rt » prouve, parsa 6e exposition, qu’il continue samarche en progrès.Tous ces artistes sont personnels, ce quin’est pas une mince qualité. Il n’y a pas detendance spéciale dans ce cercle, chacun estlibre de suivre son inspiration comme ill’entend.C ’est ainsi que nous voyons en sculptureM M . R o u s s e a u et S p r i n g a e l , absolumentopposés l’un à l’autre. Autant l'un est doux,plein de rêves élevés, autant l’autre est fougueux,terrible parfois même, nous montrantles plaies qui rongent l’humanité. M . Springaelpose une thèse sociale.En peinture, nous avons par exemple :M M . C IAM BERLANI, O M E R D I ERICK X ,qui idéalisent toutes choses ; et, d’autre part,M . E u g è n e L a e r m a n s , lé peintre despaysans, des malheureux asservis à la terre,A N V E R SO ISE . A l e x . H a n n o t i a u .

36 LA GERBEqu’il a fouillé ces cerveaux, cesintelligences bornées.L ’on est saisi d’un émoi soudaindevant ces pages de vieréelle, où l’artiste a mis à nul’âme de ces rustiques. Ainsidans le tableau intitulé : K ermesse.Dans tout ce monde quis’agite en danses folles, surtoutes ces faces brillent le déchaînementdes sens. Quelleconvoitise dans la figure de cepaysan qui a renversé le torsed’une paysanne et qui s’approchepour l’embrasser. Evidem ­ment, le dessin de cette femme est un peuhardi, je doute que l’on puisse prendre cemouvement. Mais cela n’est qu’un faible détailqui se perd dans les qualités de cettesuperbe composition.L a nuée. Quelle belle toile ! comme c’estbien cela : L e soleil brille, la joie est partout,les travailleurs rassemblent un tas de foin.Soudain à l’horizon, derrière le petit village,dont l’église coupe la ligne monotone, unenuée sombre, apparaît, jetant l’ombre surla campagne. Les paysans s’acharnent, travaillentavec ardeur, rassemblent le foinavant la grêle; d’autres, fatalistes, regardentla nuée grossissante qui s’approche.E t comme ces gens sont bien campés,comme cela est bien le paysan.Dans le Chemineau, nous voyons biendépeint les instincts de méfiance et de brutalitédes villageois.Citons aussi l’ E a u songeuse et le Coup detonnerre.LES PRENEURS DE MÉSANGES.COIN d e b r u y è r e .A d o l p h e H a m e s s e .Pourtant, je crois que M . L a e r m a n sexagère la terreur que peut produire sur cesâmes simples l’effet de la foudre.M . O MER C o p p en s. Quelle vibrance decouleur dans ses effets de soleil, qui troublentpar leur violence. A citer: Vieux quai ; D uneau soleil, qui est très juste d’effet. M ais oùl’artiste excelle, c’est dans ses effets de lune,d’une impression juste et grande, d’unepoésie rêveuse et douce. N u it lunaire est untableau de toute beauté. L ’artiste n’a pasbesoin d’accrocher la lune dans le ciel, oh !non, comme on le sent, l’astre rêveur quijette ses rayons sur un groupe de maisons,comme c’est cela ; la couleur des tuiles etdes murs est d’une justesse étonnante.La Maison du vieux pêcheur est égalem entun tableau d’une grande simplicité poétique,une vieille maison que la lune éclaire, avecun vieux pêcheur assis, le dos contre le muret songeant, tranquille, tout en fumant sapipe. C ’est d’un effet calme et reposant.M . A l e x a n d r e H a n n o ­t i a u semble se complairetout spécialement dans lam ystique Bruges, la vieilleville aux rues calmes et sonores,aux habitants tranquilles,aux femmes en mantes noires,qui semblent glisser,silencieuses et recueillies, surles vieux trottoirs.A ses peintures, pourtantbonnes, mais d’un colorissans intérêt, je préfère debeaucoup ses fusains, d’undessin juste et ferme : Lespreneurs de mésanges est unepetite scène de la rue où lesA l e x . H a n n o t i a u .

R E V U E D’A R T E T DE L IT T É R A T U R E37types sont d’un observateur consciencieux etfin. Le calvaire, les commères sont également de simples scènes prises sur le vif,dans lesquelles on revoit la vie de la vieilleville avec les mœurs et coutumes de seshabitants.D e M . O m e r D i e r i c k x , il faut citer l'âged’or, un beau panneau décoratif, d’un dessintrès juste, d’une couleur douce et blonde, quicharme infiniment par le sentiment de tendressedont il est empreint; et ces deuxamants enlacés sont vraiment chastes. Lafamille, le soir, semble quelque peu inspiréede Puvis de Chavanne.M . Jo s é D i e r i c k x a des tab leaux richesde couleur.M . A d o l p h e H a m e s s e nous ravit parses fusains. Ils sont tous àciter, car il s’en dégage uneffet poétique charmant. Lesvêpres, la gardeuse d’oies,dans leur effet du soir, sontd’une justesse frappante. Rienn’est dur dans ces fusains,tout est enveloppé, tout est àsa place.Les peintures de M . H a­messe sont bonnes, quoiquenous préférions ses dessins.Citons surtout Nocturne, dansune belle note calmante, denuit lunaire.M . F ir m in B a e s est unexcellent peintre II présenteune toile très importante, lestrèfles, enveloppée dans unecouleur violette, et le village,tableau très réussi. La paysanneest fort juste comme expression campagnardeet le village est bien à son planderrière elle. L'arc-en-ciel, et surtout le clairde lune, noyé de lumière lunaire, sont deuxexcellents fusains.M . A l b e r t C i a m b e r l a n i a une couleurfort curieuse; à vrai dire, ce n’est pas unecouleur, c’est bien plutôt un dessin à labrosse. L e jeune homme endormi produitune belle impression de rêve. Dans Tantaleet Sisyphe, il semble que Tantale fait peud’efforts musculaires pour pousser le rocher.Pourtant, ce tableau est une belle composition,qui fait honneur à l’artiste.M. R e n é J a n s s e n s a, comme toujours,d’excellents portraits. L e portrait de sa mèreest dans une gamme un pou grise, mais ilest très bon de dessin. Ce qu’il faut surtoutcontempler, je dirais plus, rêver, c’est unpetit tableau : Entrée d’église, d’un charmediscret, d’une poésie pénétrante et douce.Comme l’on sent le calme régner entre cesvieux murs.M . H e n r i O t t e v a e r e est un poète,épris du charme pénétrant des parcs solitaires,dans ses tableaux : Poésie des parcs.Ecoutez ces jolis titres : Promenade dans lecalme, Minuit, Où frissonnent les jours bruitl’eau qui chemine. N e dirait-on pas quelquestitres de poésies tendres et vagues ?E t ce sont, en effet, des poèmes qu’il nous apeints, de beaux poèmes qui nous charmentet nous reposent l’âme.N U IT LU N A IR E. O m e r C O P PEN S.M. A l f r e d V e r h a e r e n se m ontre,comme toujours, l’excellent coloriste qu’ilest, dans deux natures mortes, enlevées etvibrantes. C’est un pur flamand.M. V i a n d i e r n’a cette fois-ci que deuxfusains, travaillés avec conscience et trèspoussés. Son Ravin surtout est une belleœuvre.La Poésie lyrique de M. E m ile F a b r yest un beau panneau décoratif, traité avecl’autorité de quelqu’un sûr de son dessin.Citons aussi du même une tapisserie : Retourd’explorateur.M . P r o s p e r C o l m a n a d e n o m b reu sesœ u v res d ’un m é rite assez d ifféren ts. S esfigu res so n t p e u t-ê tre un peu e x a g é ré e s de

38 LA GERBEpourtant il émeut puissamment, il arrête, carc’est une œuvre point banale, énergique etd’une fougueuse exécution.D e M . P i e r r e B r a c k e . Citons un christen croix, désolé, d ’un m ouvement curieux.H . R .A u C e r c l e A r t i s t i q u e .Exposition Anna de Weert, Edg. Farasyn, F r. Marécha l.— M lle De W eert peint d’une façon bien féminine; ses tableaux, d’une couleur claire et tendre,plaisent à l ’œil, m ais le souci de faire nature nela préoccupe peut-être pas autant qu’il le faudrait.A citer : Meule dans le brouillard, et brouillard dumatin, qui sont cependant très justes d'effet.M. Farasyn peint dans une pâte ferme et grasse,avec un souci constant de la nature.Son clair de lune, est une excellente toile qui donnefort bien l’impression lunaire.A citer : E n Flandre, sous bois, crépuscule, toutestoiles pleines de qualités.M. Maréchal expose de forts bons dessins et eauxfortes.p r o m é t h é e ( v i t r a i l ) . H e c t o r T h e y s .forme. Sa peinture est évidemment inspiréedes anciens et le bitume y joue un grandrôle. A citer : Méditation, Songeuse et Jeunefemme au chapeau, qui sont de forts bonsdessins. Il y a aussi deux cadres de bonscroquis.M me C l é m e n c e L a c r o i x peint avecgrâce de jolis paysages, dans une note claireet agréable.M . L é o n D a r d e n n e a d e b o n s p a y s a g e s ,a ssez ju ste s d ’effet, m ais u n p eu rap id esd ’e x é c u tio n .Citons aussi M . F i c h e f e t avec de bonnestoi les, entre autre l'Automne; H e n r i D u h e m ,H e c t o r T h y s , W i l l i a m J e l l e y , qui semontrent peintres consciencieux.La sculpture est égalem ent fort bienreprésentée à cet intéressant salon. M . V i c ­t o r R o u s s e a u , le jeune artiste talentueux,expose nombre de belles œuvres : Vers lasérénité, d’une forme irréprochable, estconçue d’une façon calme et grande; dureste, tout ce qu’il expose serait à citer, tantpour le haut sentiment que pour la formevraiment remarquable.M . S p r i n g a e l , n ’est c e rte s p as u n rê v e u r,c ’est un c o m b a tta n t, il d é p e in t l ’âpre d o u le u rd u p e u p le sou ffran t, il d it la m irè se a ffreu sed e c e u x q u i o n t fa im . S o n g ro u p e l 'Accablemente st p e u t-ê tre un peu th é â tra l, m aisExposition Evariste Carpentier, Hubert Bellis etMercquart. — M. Carpentier peint d’aimables sujetsavec d’aimables couleurs; ses toiles sont habiles etplairont certainement;M. Bellis est toujours le bon peintre de naturesmortes et de fleurs que nous connaissons, sa couleurest parfois un peu criarde.M. Mercquart peint fougueusement, dans une bellegamme chaude et ferme, c’est un coloriste puissant.Peut-être, a-t-il parfois un peu de lourdeur.Exposition Frédéric et A lice Ponner.— M. Frédéric estun peintre très personnel, ses tableaux, fort poussés,L A PO É SIE LYRIQ U E . E m i l e F a BR Y.

R E V U E D ’A R T E T DE L IT T É R A T U R E 39sont d’une charmante naïveté, et en même tempsd’une technique étonnante.Sa couleur claire charme, quoique parfois elle soitun peu crayeuse.A citer : L a vie de Saint François, une série depetites toiles vraim ent remarquables. Cela est étudiésans petitesse.L'arc-en-ciel est aussi une charmante composition.— Les fleurs qui chantent, un groupe de fillettes fleurieschantant un chœur.M. Frédéric expose aussi quelques paysages, d’unevision personnelle et juste.M lle A lice Bonner expose des natures mortes intéressantes,et quelques études d’animaux, tigre, lion,dromadaire.La tète de lion est bien peinte, mais l’artiste n’a guèredonné l’expression de fière férocité qu'on aurait pus’attendre à voir.N o t e s s u r l ' a m e u b l e m e n t .L A SA L LE A M ANGERL a s a lle à m a n g e r e s t d e n o s h a b ita ­tio n s la s a lle la p lu s h a b ité e e t so u ­v e n t la p lu s s p a c ie u s e . N o s g ra n d e ss a lle s g o th iq u e s e t fla m a n d e s té m o ig n e n tc o m b ie n c e tte p iè c e é t a it im p o r tan te a u tr e ­fo is, ta n t p a r so n a r c h ite c tu r e , q u e p a r laExposition Mme K äthi, Gilsoul et Léon Rotthier.— Debelles aquarelles, vibrantes de couleur. Les fleurs sonttraitées largement, tantôt dans une gamme violente,tantôt assourdie en des violets veloutés et doux.Les intérieurs, paysages et marines, sont toujoursd’une belle coloration forte.M. Léon Rotthier expose une grande toile, Lesfusillés de Matines, d’une belle com position, mais encorebien académique. Ses portraits sont bien préférables,on y sent bien mieux la personnalité de l’artiste, et lam étier acquis.Heureuse mère, est une belle symphonie de rouge.A citer : les portraits de M lle Quinaux, de M me R ,et de M. Desvachez.Exposition Henry Cassiers, Pieter Stobbaerts, Mlle deB ièvre, Albert Sohie. — M. Cassiers, expose une vingtained’aquarelles charmantes.Elles se font, comme toujours, remarquer par leurdistinction, leur finesse, et l’heureux choix des sujets.L ’artiste a rapporté de Venise, de Hollande etd’Allem agne de douces impressions poétiques.M. Stobbaerts a de beaux paysages dans une tonalitéchaude, et bien flamande; ils sont étudiés avecconscience et vigueur.M lle De Bièvre a de jolies fleurs, distinguées etfines de couleur.Quand à M Sohie, il n’en est encore qu’à la périodedes tâtonnements.C o n c o u r s e t E x p o s i t i o n . — L a société de l’art précieuxde France inaugurera son exposition le 1er avril1898, à la galerie Georges Petit.M EUBLE D’A T E L IE RL É O N BOCHOMS.L e 23 avril, à Barcelone, exposition des beaux-artset des industries artistiques.Réception des œuvres du 15 au 20 mars.B e r l i n .— Verein des Kunstlerinnen und kunstfreundinnen(S té des femmes peintres et des amis de l’art)ouverture en mars 1808.richesse des meubles, des tentures et d esautres objets qu’elle contenait.D e nos jours cette pièce est devenue pourbeaucoup do personnes une sorte de refugeoù des bibelots divers, sans aucune valeurartistique s’am oncellent, s’entrechoquent,dans un chaos aussi indescriptible qu’irraisonné.Q uant aux meubles, ils sont en acajou ou

40 L A G E R B Een noyer poli ; ces bois sont très pauvresd’effet, quand ils sont mal em ployés, et peupratiques à la fois. Cirés, ces mêmes boisconviendraient parfaitement dans certainsstyles et donneraient comme effet d’ensemblede bien meilleurs résultats.L e siège, cela va sans dire, se ressent dumauvais goût manifesté partout. La boiseriesouvent grossière, est pourvue d’une garnitureaffreuse. Rien n’est observé, pas mêmele choix des étoffes, chose élémentaire pourtant.L ’architecture et la décoration intérieuressont un ramassis incohérent de motifs malchoisis ; les lambris, les moulures, les ornements— tous en plâtre — sont de stylesmélangés, choisis presque au hasard. Dansces conditions un simple plafonnage seraitsouvent préférable.Au plafond quelques moulures barioléesremplacent les beaux gitages d’autrefois.Les salles à m anger de nos jours font penserà des salles de ventes où le tapissier seserait efforcé de fournir force marchandises.Tout cela tend à disparaître et le particulier,heureusement, apporte déjà dans son choixplus de goût, d’harmonie et de discernement.La salle à manger, comme toute autreplace, peut être conçue pour toutes les fortunes; il suffit pour cela d’étudier les matièresà y em ployer et d’en faire un emploi intelligent,une construction simple et pratiqueà la fois, répondant plus aux besoins etaux usages qu’à un fiévreux désir d’entasser,de faire preuve de richesse, plus que debon goût.Prenons comme première matière le bois.Le chêne est le plus beau, celui qui répondle mieux aux usages auxquels estdestinée une salle à manger.Pour l’architecture de la place,de même que pour les meubles, —buffets, dressoirs, tables, chaises,etc. — il est préférable de laisserla construction aussi apparente quepossible, chose très logique dureste. L ’ébène avec le chêne peutêtreem ployé pour les tenons d’assemblages.Ce qui serait très décoratif.Dans ces derniers temps certainsébénistes se sont avisés de teindrele bois d’une couleur verdâtre. Lesplus belles teintes ne valent pascelle du bois naturel. Nous lesacceptons cependant pour certaines fantaisiesde serres, mais nous les bannissons form ellementde la salle à manger.La quantité de meubles à y introduiredépendra de la grandeur de la pièce, car nossalles à m anger modernes sont souvent dedimensions assez restreintes et ne peuventcontenir que le buffet et le dressoir commemeubles proprement dit.Après le choix fait du bois nous arrivons àla décoration. Celle-ci, à quelque exceptionprès, n’est pas assez scrupuleusement étudiée.Nous puiserons nos idées dans la nature,si féconde pour le choix de nos sujets Certainesplantes, certains fruits feraient merveillesdans la décoration d’ensemble. Despanneaux décoratifs représentant des scènesdes champs, les saisons, les heures et tantd’autres sujets laissant de l’espace à l’im aginationsaine et forte.Pour ces panneaux décoratifs et pour ladécoration en général, l’artiste doit styliserles sujets. Adoptant la grande ligne, en évitantd’y introduire une ressemblance tropexacte de la nature qui pourrait nuire à l’aspectdécoratif, en enlevant l’unité ou l’harmoniede l’ensemble. Les couleurs vivesdoivent être — selon nous — autant que possibleécartées, car elles nuisent à l’harmonie.L ’aspect d’une salle à m anger peut êtregai ou sévère selon le caractère et le goût dechacun. En règle générale, il faut y laisserabonder le plus de lumière possible ; certainstapissiers garnissent les fenêtres de draperiesqui n’ont aucun but utile et sont au pointde vue décoratif d’un effet abominable. Sil’on préfère une lumière moins abondante,T A B L E D ’A TELIE R L é o n B o c h o m s .

REVUE D’ART ET DE LITTÉRATURE 41nous pourrons la modérer avec des vitraux degoût artistique et non pas de ces atroces gravuressur verres qui encombrent aujourd’huila plupart des habitations bourgeoises, voirmême des habitations luxueuses.Soyons plus soucieux de nous composerun intérieur confortable et apportons dans lechoix des choses qui le composent plus derecherche et plus de conscience du Beau.Nous arriverons ainsi à détruire la détestableinfluence des travaux ineptes, véritable camelotefaite jusqu’à nos jours et qui amènent laruine, qui découragent les esprits les mieuxdisposés au travail, enrichissent des marchandspeu consciencieux et complètementinaptes à comprendre un souci d’art.Travaillons, inspirons le vrai luxe qui ne sesatisfait guère d’imitations, mais est désireuxde constantes créations. L ’artiste compétentet sincère vivra de son travail et le cam elots’en retournera à ses articles à deux sous.B . L .fil, est d’un symbolisme d’impression reposante.Le lys et l'auréole de sainteté encadrebellem ent le profil et accentue la sensationde candeur.Ecce Homo. C ’est un Christ serein quecelui de M . Craps.Beaucoup, représentant le Christ, ontappuyé à l’excès sur l’expression douloureusementhumaine de la Passion, alors queTravaux d’art moderneL é o n B o c h o m s : Meubles. — A r m a n d V a n W a e s ­b e r g h e : Vitrail d’appartement, — A l e x i s C r a p s :Bas-relief, tapisserie. — E l i e R o i d o t et A r m a n dV a n W a e s b e r g h e : Lettrines ornéesN O S H O R S - T E X T E : A . G r o o t h a e r t : Façade. —E d o u a r d T o u r t e a u : Décoration de plats. —E . P e l s e n e r : Façade. — L é o n B o c h o m s : Fumoir.— H e n r i R o i d o t : Paysage.LES meubles de M. Bochoms sont bientraités. Leur originalité de bon aloin’a rien d’étrange ou de grotesque etne nuit en rien à l’utilité ni à la destinationde l’objet, pas plus d ’ailleurs qu’elle n’oublieles lois de la construction. On leur reprocherapeut-être des angles par trop saillants, commeaussi quelqu’influence anglaise.M. Van W aesberghe nous donne un vitraild’appartement où est ingénieusement styliséle cyclam en.D e M . A lexis Craps nous reproduisonsdeux jolis bas-relief, Innocence et Ecce Homosobrement conçus dans une note délicate etsincère qui nous plaît beaucoup.Son Innocence, d’une belle pureté de provi t r a i l d ’a p p a r t e m e n t . A . V a n W a e s b e r g h e .l’expression de bonté et de douceur est laplus vraie, puisque l’œuvre tout entière duChrist est conçue en ce sens, que sa natureétait essentiellement miséricordieuse et qu’ilmourut avec des paroles de pardon. C ’est ceque M . Craps a compris. Son Christ est bienle doux prophète des béatitudes.Tapisserie. La figure principale, gracieuseet d’un beau dessin, s’érige sur un fond dis­

42 LA GERBEtingué et d’une jolie simplicité de composition;mais n’est-elle pas sensiblement tropLes quelques culs-de-lampes — petitspaysages d’une jolie stylisation aussi, — sontœuvrettes d e M . H enri Roidot.De M. Strauven un joli programme auxlignes distinguées et harmonieuses.NOS H O R S -T E X T ELa façade de M A . Groothaert est d’unvraiment bel aspect (1).Pourtant le reproche que nous lui feronsI n n o c e n c e ( b a s - r e l i e f ) . A . C r a p s .courte ? A part cette erreur la tapisserie deM . Craps nous plaît infiniment.Les lettrines ornées de figures expressivesou grotesques, œuvre de M . Elie Roidot,b a s -r e l i e f . E s t h e r M . M o o r e .(Accident; l'architecture 1897 II)e c c e Ho m o ( b a s -r e l i e f ) . a . C r a p s .sont d un beau dessin, ferme et bien conçudans le genre ornemaniste. Celles de M. VanW aesberghe nous donnent de jolis motifs defleurs stylisées.en premier lieu c’est de s’être trop souvenude la Renaissance flamande.Nous craignons fort, quant à nous, cesm élanges de style; et l’œuvre de M . Groothaertdénote assez de qualités pour que nousespérions le voir marcher franchement dansla voie nouvelle qu’il s’est tracée.(1 ) Un accident survenu au cliché nous oblige àremettre au prochain numéro la parution de cetteœuvre importante.

REVUE D’ART ET DE LITTÉRATURE43nuisant à la nature constructive dumeuble.La façade de M. Pelseneer (avenueBruggman) est vraiment remarquableSimple, sans recherches excessivesdo cette originalité quiaboutit si souvent à l'extravaganceou à l’illogisme, elle prouve uneferme compréhension des théoriesnouvelles et fait montre de personnalité.Nous aimons particulièrementles grilles de balcon , quidéveloppent de belles lignes décoratives.En somme, une excellenteœuvre, bien conçue, dénotant unvrai tempérament d’artiste.D e M. E lie Roidot, une bellelithographie, E lu d e , remarquablementdessinée dans une note douce,qui nous plaît beaucoup. M. ElieRoidot a de remarquables qualitésde dessinateur.De M. C astille, une jolie affichette,très distinguée de lignes. Lacomposition est agréable et soignée,les ornements élégants, la stylisationdes objets ingénieuse.L ’influence de Privat - Livem ontest ici trop manifeste pourtant. Plusde personnalité serait à souhaiter.PROGRAM ME. G . S t r a u v e n .M . Henri Baes a apporté le concours de sadécoration aisée et d'un beau travail. Nousaimons spécialement les tympans de fenêtres,traités de belle manière.M. Edouard Tourteau nous donne desdécorations de plats où la flore surtout estbellement stylisée. Les figures, d’un bondessin pourtant, nous plaisent moins, saufla dernière, qui est d’une jolie naïveté.D e M . Henri Roidot, un paysage, Sapinièreau soir, qui dénote une belle compréhensionde la nature et dont nous aimons lalarge façon d’exécuter, comme aussi la sensationde poésie crépusculaire qui en ressort.D e M . Bochoms un très bon intérieur,bien compris, logique en tout et très esthétique.Nous aimons chez M . Bochoms unebelle simplicité de ligne unie à un goût sûrqui lui fait éviter des écarts d’imagination A F F IC H E T T E . A . C a s t i l l e .

44LA GERBEDes origines religieusesD E L ’A R C H IT E C T U R E(Suite et fin .)L e peintre et le sculpteur, depuis la Renaissance,s’appliquaient eux aussi à pasticher laGrèce, « la Grèce qui arracha l’art du sanctuaireoù l’avait posé l’Orient, et le plaça surle petit autel de la beauté humaine, exclusivement représentée par la beauté » (1).E t ses deux arts si étroitem ent liés à l’architecturefurent entraînés dans sa décadence.Aussi quant s’ouvre le XIXe siècle la peintureet la sculpture ont-elles cessé d’être décorativeset sont-elles devenues la copie servilede la réalité.L e matérialisme a désorienté la peinture etla sculpture en leur faisant oublier leur véritableobjet : qui est de décorer les monumentsselon le style que leur a donné l’architecte.Au XIXe siècle il n ’y a plus d’architectureet partant plus de style. E t l’artiste, peintreou sculpteur, n'interprète plus la création,comme l’ont fait dans le passé toutes lesgrandes époques d’art; n’ayant pas autour delui de monuments dont le style traduise lesaspirations de son époque sans Dieu, il ne sait( 1 ) H e l l o L ’homme ( p. 3 1 8 ) .L A PE IN T U R E (T A P IS S E R IE ). A . C R A P S .même plus qu’un tableau ou qu’une statuedoit être stylée, puisque ces œuvres d’art ontpour destination la décoration d’un édifice,totalem ent dépourvu de style. L a grande loide l’harmonie est absente de son esprit.D evant un si navrant spectacle, se pose ets’impose la question :« Pourquoi le XIXe siècle n’a-t-il pas eu destyle ? »A cette question, dont l’importance estcapitale (car la réponse qu’elle appelle, enindiquant le mal nous dira le remède), à cettequestion un collaborateur de L a Lutte à donnérécemment cette trop véridique réponse :« Parce que le XIXe siècle ne sait ce qu’ilpense — l’église d’antan exprim ait la suprêmepensée d’un peuple — il est trop savant.« Il est grec, il est romain, oriental,m oyen âgeux, tout, excepté lui-même. D égagezde ce cahos la vraie pensée du siècle : foiou haine. E t du sol jaillira, naturellem entalors, le monument radieux ou terrible.» M oins de science n’est-ce pas ? Je croisque l’architecte de génie pourrait être leplus ignorant des hommes. L a technique luisuffirait.» Pourvu qu’il soit un sincère réceptacledes idées qui rodent. Songez que cet hommea le plus effroyable des devoirs : il doitmarier le rêve à la réalité...» Pourtant qu’il vienne le héros qui traduiraen pierre nos aspirations vers l’infini,nos chutes, nos désespoirs, et le cri d’angoisepoussé vers le ciel, par la souffrance et couvertpar le sifflet des locom otives et les orchestresdes bastringues et des expositions.» Dans deux m ille ans les savants fouillantle sol de nos patries y retrouveront des monumentsassyriens, grecs, gothiques, de tousâges, mais rien — je vous assure que la tourEiffel ne durera pas — ne leur rappelleranotre siècle triomphant. Ces hommes doctess’inquiéteront-ils de cette lacune ?» Peut-être alors retrouveront-ils cettechose très frêle : un cadavre.» Bossuet jadis persista dans son cercueilpour montrer aux hommes la suprême figuredu XVIIe siècle.» Les académiciens sans doute découvrirontcelui qui synthétise à m erveille notre époque.» En son cercueil dûment zingué, plombé,capitonné, les mains sur le ventre, vêtu d’unhabit noir, béat, auguste, ils verront Tribulat-Bonhom et homme savant.

EXPOSITION DE STOCKHOLM 1897. — PALAIS DE L ’ART. FERDINAND BOBERG, a r c h i t e c t e .[Academy architecture 1897 II)

4 6 L A G E R B E» Alors ceux qui prieront, pleureront, aimeront,sur la terre, à notre place, comprendrontpourquoi se sont suicidés ces peuples qui survivaientà la beauté. »L a navrance d’une telle constatation excuseral’ironique scepticisme de ces paroles.Mais nous, messieurs, nous comprenonsque ce serait un crime de nous laisser abattre.Loin de permettre aux découragements deparalyser notre énergie, nous aurons foidans la pérénité d’un art dont 0n ne peutrésumer l’historique sans parcourir en mêmetemps toute l’histoire de l’humanité.Vers la voix du passé nous tournerons notreattention respectueuse afin de profiter de sesenseignements. Pour moi j ’ai été attentif à sesenseignements. Ce qu'il m ’a dit touchantl’art de bâtir, je vous l’ai dit ce soir. E t de cequ’il m ’a dit telle est ma conclusion : Quandles artistes sauront de nouveau prier, quandl’architecture sera retournée vers la sourceéternelle et seule vraim ent féconde de sesinspirations, quand elle aura compris, commeautrefois, toujours, que Dieu est son modèleinfiniment parfait et infiniment beau .Quand elle aura compris qu’il lui faut allierle m oyen âge à la Renaissance, la grâcepaïenne à l’idéalisme chrétien, la joie aurepentir, l’ange à la bête, alors un art nouveaunaîtra comme au printemps la forêt verdoyante.E t c’est avec les yeu x illum inés dusemeur qui espère en la moisson future quel’architecte, alors, osera regarder du côté duLevant, du côté du Calvaire, se lever radieusel’aube des temps nouveaux !G E O R G E S R A M A E K E R S .De la décoration du livreIl ’i l l u s t r a t i o np r è s u n e lo n g u e p ériodede tâ to n n em en ts, de co p ieou d ’in d ifféren ce, le livrev ie n t en fin d ’entrer dansu n e p ériode de progrèsau p o in t d e v u e d e laform e artistiq ue, d e lad écoration in térieu re ete x té r ie u r e , e t ten d dep lu s en p lu s à p rendre u n e p h y sio n o m iep ropre, bien en rapport avec le g o û t de n otreép oq u e pour l’asp ect d écoratif d es ob jets.L e m o m en t n ous sem b le d on c opportun d ’ycon sacrer q u elq u es c o lo n n es d e n otre revue,d ans laq u elle, selo n son program m e, tous lesarts, tou tes le s ten d a n ces trou veront h osp italité.L e livre, d ’ailleurs, n ’o ccu p e-t-il pas u nep la ce d e p rem ière im p ortan ce d ans la v iem odern e ? V éh icu le de la p en sée, traducteurd es co n cep tio n s g én ia le s et d es asp iration sd es p eu p les, n e m érite -t-il p as m ieu x q ue lepapier à ch a n d elle e t la grossière im p ressionauxquels l’indifférence générale l’avait habitué?L es anciens l’avaient bien compris, et dèsles commencements de l’imprimerie ils s’ingénièrentà donner au livre un cachet d’œuvred’art tel, que dès les premiers essais ilatteignit la perfection.Depuis, fidèle reflet de la physionom ied’une époque, édité avec soin et décoré avecart aux époques artistiques, le livre redevenaitquelconque ou décoré lourdement auxépoques de décadence.AC ’est au commencem ent du XVe siècle quefurent imprimés les premiers livres, à l’aidede planches xilographiques. Ces xilographes,bois dans lesquels étaient taillés les caractères,ne passaient pas sous la presse, encoreinconnue, mais étaient imprimés au frotton,comme on le fait encore m aintenant quandon veut obtenir une épreuve d’une gravure.C ’est alors que Gutenberg parvint, aprèsbien des peines et des déboires, à fondre descaractères mobiles et à adapter la presse àl’imprimerie.La première pièce imprimée en caractèresmobiles parut en 1454, et à la fin de 1455 étaitterminée, en caractères mobiles gothiques, laBible de Schœffer et Fust.L a nouvelle découverte se répandit rapide­

REVUE D’ART ET DE LITTÉRATURE47T ête de chapitre de R u d n i c k i , dessinée pour l’A rt dans la décoration extérieure des livrespar O. U z a n n e , publié chez H . M a y .ment de par le monde, et le manuscrit futabandonné, laissant sans occupations les copistes,calligraphes, miniaturistes, lesquelscherchèrent naturellement à occuper leurstalents en dessinant les caractères pour l’impressionet des motifs décoratifs pour l’illustrationdu livre imprimé.N commença pardécorer à la maindes livres imprimés; ce n’est queplus tard, en 1467,que fut publié àRome un livreorné de gravuressur bois : c’étaitles Méditations deTorquemada. En1470 parut à Parisle premier livre imprimé en caractères romainset orné de lettrines, et en 1476 étaitpublié à Venise le frontispice du Calendario,premier titre orné connu.L ’impulsion était donnée ; les artistesallaient rivaliser d'invention et d’habiletédans la décoration du livre, qui allait véritablement devenir œuvre d’art.Déjà on em ployait la gravure au burin,importante innovation, mais qui obligeait àdeux tirages, les caractères en relief ne pouvantêtre imprimés en même temps que lagravure en creux. Aussi n’abandonnait-onpas la gravure sur bois pour l’illustration dulivre.Alors parurent, en France, les H eures deSimon Vostre et Philippe Pigonchet, impriméesen caractères gothiques et décorées domagnifiques encadrements gravés sur bois,gravés en relief sur métal, assurent d’autres,tant le dessin est fin, d’un trait serré et élégant.Ces encadrements, exécutés en quatreplanches indépendantes, représentaient desdanses macabres, des ornements, des guirlandesde plantes et d’animaux grotesques.En 1491 était publiée en Italie une éditiondu Dante ornée, par le Véronèse, d’une g ra ­vure par chant. En 1498 Albert Dürer publiaitson Apocalypse, qui n’était pas, à vrai dire,un livre illustré, mais un album do planchessur bois sans texte.Enfin, en 1499 Aide Manuce publiait àVenise le Songe de Poliphile, livre curieux,sorte de roman développant toutes les idéesdu temps sur l’esthétique et véritable œuvred’art au point de vue de l’illustration.A Paris, l’illustre libraire français AntoineVérard, introduisait l’usage de tirer des exem ­plaires de luxe de chaque livre publié chezlui : ces exemplaires étaient ornés de miniatureset de décorations manuscrites.A vec le X V I e siècle commençait donc unepériode magnifique pour les arts du livre.Venise brillait au premier rang avec seslibraires nombreux et érudits, ses artistes degrand talent, ses graveurs habiles. A Milanse publiaient des ouvrages illustrés par lesmaîtres de l’école de Léonard de Vinci, et FraLuca Pacioli attribue à Léonard lui-même la

48 LA GERBEgravure sur bois de son livre D e Divina P ro ­portione.En Allem agne, c’était le célèbre A lbertDürer et ses élèves qui continuaient à décorerle livre de bois magnifiques, planches,lettres ornées, titres.A Paris, c ’est G eoffroy T ory, graveur etimprimeur, qui orna les livres d’heures d’encadrementsm erveilleux.Vers le m ilieu du siècle tout était m otif àdécoration du livre : frontispices, lettresornées, portraits, blasons, emblèmes, planchestopographiques. Les bois se repassaientà cette époque, et c’est ainsi que l’on voitplusieurs planches de la N e f des fous, dede Brandt, orner une édition de Y E loge de lafo lie, d’Erasme, publiée à Paris.L a Belgique occupait une honorable placedans l’industrie du livre et, dans la secondemoitié du X V I e siècle, elle exposait plus de1,200 ouvrages aux foires de Francfort et deLeipzig.Christophe Plantin, né à Tours, établi àAnvers comme relieur et maroquinier en1549, et comme imprimeur en 1555, était leplus célèbre imprimeur belge. C ’est lui quigénéralisa l’emploi de la gravure en creux,au burin, à l’eau-forte, pour l’illustration dulivre. Les frontispices de l'officine plantinienne,en passe-partout, gravés au burin,devinrent à la mode et furent imités un peupartout.Rubens ne dédaigna pas de donner desdessins pour la décoration du livre; il dessina,entre autres, le frontispice des A c tasanctorum, le fameux recueil des bollandistes,dont la publication se continue et qui formeactuellem ent soixante-quatre volumes infolio.A la fin du X V I e siècle la décadence italienneamena la mode des emblèmes, allégoriesde tous genres, scènes m ythologiques, ete livre suivit l’engouem ent.A vec le X V I I e siècle le goût change et seporte vers les décorations de style architectural.Les livres sont généralem ent ornés defrontispices à colonnades et frontons. U n graveurfrançais, Léonard Gaultier, inventa desfrontispices de ce genre, dans lesquels ilgroupait un grand nombre de figures allégoriquesou de saintes et des personnages de sontemps.Mais l’illustration intérieure du livre devenaitr are et le frontispice en constituait alorspresque toute la décoration. Il y avait, dureste, une tendance générale à publier desvolum es de petit format, laissant peu de placeà l’illustration.LETTRINEA . V A N W AESBERGHELa gravure sur bois était bien tombée,morte pour ainsi dire : tous ces titres se gravaientau burin. E n H ollande, l’atelier desElzevier était dans toute sa célébrité : leurspetits in-12 étaient des bijoux au point de vuetypographique ; m ais, sauf le titre gravél’illustration était abandonnée.Mais alors survint Callot, qui releva enFrance l’illustration du livre. Qui ne connaîtses pittoresques et satiriques vignettes ? Puisvint Abraham Bosse, l’artiste fécond, quiaborda tous les genres et étendit considérablement la décoration du livre.A la fin du X V I I e siècle, le livre était ornéd’une profusion de titres, en-têtes, lettresornées, vignettes, fleurons.A u X V IIIe siècle, la vignette était danstoute sa vogue. Les moindres livres, les pluspetits formats se couvraient d'illustrations.l e t t r i n eE . R o id o tL ’eau-forte était le procédé le plus em ployé.L a coquetterie, le joli, le pim pant régnaient

SAPINIÈRE AU SOIR. D’après le tableau de M. H e n r i R o i d o t .La Gerbe (mars 1898)

Reproduction du trait d’un dessin de C a r l o z S c h w a b e pour L'Évangile de l'Enfance de Noire-Seigneur,mis eu français par C a t u i l e M e n d è s e t publié chez C o l i n .

50 LA GERBEen maîtres, W atteau, Boucher, donnant leton.Dans des encadrements ravissants, gravésavec une grande finesse, se déroulaient desguirlandes de fleurs, des rinceaux, supportantdes amours joufflus. Les lettres ornées devenaientdes compositions charmantes.L ’œuvre la plus complète de cette époqueest la fameuse édition des Contes de L a Fontaine,dite « des fermiers généraux », dont leshors-texte, les motifs décoratifs, les lettrines,etc., s’harmonisent avec une impressionm erveilleusement claire et en font le chefd’œuvredu genre.NOUS voici à l’entréedu X I X e siècleet aux compositionsh é r o ïq u e sdes artistes del’école de David.La gravure surbois, négligée depuissi longtemps,reprend faveur.Cela s’expliquepar la grande économieet la facilitédu tirage, le bois, taillé en relief permettantde tirer en même temps la gravure et letexte.M ais l’art dans l’illustration du livre tombeen décadence. L e livre se démocratisant, onvise surtout au bon marché ; de là ces impressionsgrossières sur papier à chandelle, avecune illustration extravagante.LETTRINE DE RUDNICKI.Cependant Curmer, le grand éditeur parisien,travaille avec ardeur au relèvem ent dulivre, secondé par des artistes de talent,Devéria, Meissonier, dont les dessins correctssont taillés dans le bois d’une façon m erveilleuse.C ’est alors qu’apparaît Gustave Doré, leplus prodigieux illustrateur du siècle D ouéd’une imagination extraordinaire, d’une verveintarissable, possédant une science du dessinqui le fait se jouer de toutes les difficultés,voyant grand, il a traduit les œuvres les plussublimes de la pensée avec supériorité, sefaisant, à côté de l’auteur, une place m émorable.Il débuta avec Rabelais, dans une grossièreédition qui le fit cependant tout de suiteremarquer.Les Contes drolatiques de Balzac suivirent,et l’année 1860 marque son triomphe avecY E n fer, du D ante, triomphe magnifique,étant donné le génie de l’immortel auteur del e t t r i n e E . R o i d o t .la Divine comédie, l’ampleur écrasante dusublime poème.Mais Doré, avec son imagination fantastique,sa vision grandiloquente, était bien l’artistequ’il fallait pour horrifier la souffrancehumaine, inspirer l’effroi du ténébreux séjour,et son œuvre restera une des productionsmarquantes de ce siècle.En même temps que Y E n fer, il terminaitl’illustration des Contes de Perrault, danslesquels, il faut bien l’avouer, il n’a pas sum ettre tout le charme naïf que réclamait lesujet.Il attacha son nom à plusieurs autres œuvresimportantes : le Purgatoire et 1e Paradis,du Dante, A ta la , de Châteaubriant, le DonQuichotte, de Cervantes, œuvre difficile à traduire,peut-être à cause de sa popularitém êm e, mais où il a été supérieur, et, nousn’hésitons pas à le dire, qui est un de sesmeilleurs ouvrages.

Après Don Quichotte vint la Sainte Bible,deux volumes in-folio, en collaboration avecGiacomelli, qui fut chargé de la décorationdes pages de texte.Dans la Chanson du vieux marin, de Coleridge,Doré a su dramatiser son sujet à telpoint que l’auteur est totalement oublié : cen’est plus un poème illustré, c’est devenu untexte qui explique l’illustration. Cet ouvrage,publié d’abord en Angleterre et plus tard enFrance avec un texte français, est malheureusementun des moins connus de Doré.Gustave Doré a évidemment marqué uneétape dans l’histoire de la décoration du livre,et la gravure surbois lui est redevabled’une nouvellet e c h n iq u econsistant à fairerendre au relief ceq u e , jusqu’alors ,on ne demandaitqu’à la gravure encreux : il s’appliqua,en effet, àtraduire par le boisces étonnants effetsde lumière quisont la caractéristiquede sa manière.A côté de GustaveDoré, il fautfaire une place àpart pour un excellentartiste, moinsfécond, sans doute,et d’imaginationmoins fantastique,mais qui a illustré un des plus beaux livresmodernes : nous avons nommé Bida, qui adonné l’illustration des Evangiles, de W allon.Ici, c’est à l’eau-forte qu’on a demandé lareproduction des belles compositions de l’artiste; les lettrines, têtes de chapitres, le frontispicede l’ouvrage, sont gravés au burin; letexte encadré d’un simple filet. L ’ensembleest parfait.REVUE D'ART ET DE LITTÉRATURE 51L a lithographie est un des procédés lesmoins em ployés dans l’illustration du livre,mais qui eut une grande vogue dans les journauxillustrés, grâce à la rapidité d’exécutionet à la facilité du métier.C'est par la lithographie que Charlet,Raff et, Gavarni, Daumier conquirent leurcélébrité, les deux premiers faisant revivre,avec une verve endiablée allant jusqu’à l’épique,l’épopée napoléonienne; Gavarni, spirituelobservateur des petits travers de sescontemporains (et contemporaines) dessinant,infatigable, pour l'E clair, pour le Charivari,etc. ; Daumier enfin, qui exécuta environsix m ille lithographies, dont la fameusesérie des « Robert Macaire », dans le Charivari.Cet excellentprocédé, bien tombéen désuétudepar suite de nom ­breuses applicationsphotographiquesrécemmentdécouvertes, n’estcependant pas complètement abandonnéet Robida,dans ses m agnifiquesvolumes del'Ancienne France,nous donne unesuite de très beauxdessins lithographiques.Il faut cependantreconnaîtreque la photographieet les diversprocédés qui en dérivent: photogravure,phototypie,B o is d e D a n i e l V i e r g e , p o u r le Cabaret des Trois Vertusp a r S a i n t -J u i r s , p u b lié p a r T a l l a n d i e r .zincographie, similigravure,ont amené une véritable révolutiondans la décoration du livre et complètementchangé son aspect.D e nouvelles tendances se font jour, le sensdécoratif se développe, de nouvelles formulessont proclamées, adoptées, et, comme toujours,le livre suit le mouvement.La flore, la faune, stylisées, apparaissentdans la décoration intérieure comme dans ladécoration extérieure du livre. Dos artistesde talent, dans chaque pays, s’appliquent àorner le livre, à donner à sa décoration unsens, un caractère en harmonie avec le caractèredu livre. Des frontispices symbolisent

52 L A G E R B El’idée de l’auteur dans des compositions souventcompliquées et un peu obscures, desencadrements au trait, délicates stylisations,Mais ne nous attardons pas à ces tristesproductions qui se condamnent d’elles-mêmeset considérons le magnifique renouveau d'artdu livre actuel, si plein de promesses, soutenupar les nombreuses revues françaises, anglaises,allemandes, belges, qui, hantées duseul souci d’art, cherchent à grouper lesjeunes talents, à diriger les efforts vers la conquêted’un seul but : Le Beau !É L IE R O ID O T .LETTRINEA . V AN W AESBERGHEornent chaque page et donnent au livre actuelun cachet d’art, souvent original et bien particulier.Enfin, le tirage en couleur, monochromeou polychrom e, tend aussi à segénéraliser, surtout dans les livres pourenfants, qui, illustrés par des artistes de premierordre, tels que Boutet de M onvel, Jobet tant d’autres, sont arrivés à une perfectionartistique qu’ils n’avaient jamais atteinte.Les nouveaux procédés d’illustration permettent de donner aux plus petits formatsune décoration merveilleuse, témoins les collectionsGuillaume, dont les livres lilliputiensdeviennent de véritables joyaux.D e très malheureux essais d’illustrationpar la photographie ont aussi été faits : nousne pouvons que déplorer cette grossièreerreur qui consiste à faire simplement poserune scène par des personnages, plus ou moinsCUL D E-LAM P E D E R U D N IC K I.bons comédiens, et à reproduire le cliché telquel. Dans cette condition, les attidudes sontfausses et guindées, les expressions grotesques,le nu ignoble et obscène.Chanson du vieux lierreA J. et E. C a n n e e l .LE vieux jardin estmort, les automnesvenus, la pluie grinceet crie sa plainteg r is e , là -b a s a u xgrands poiriers quip r é s e n t e n t a u xvents, leurs corpsvidés , crevassés ,bruns et nus de sénilité; les larmescoulent dans leursbras tordus commela souffrance.Il est m ort le vieux jardin.Oh! la pluie grise au vent d’automne, ah !les frissons qui secouent les vieux.Ils iront plus tard se tordre de rouges douleursde volupté, sous les baisers ardents dela flamme, puis un jour ils s'éparpilleront enpoudre fine, sous la poussière d’or des soleils.Ils auront vécu.Les plaines sont chauves comme des crânesde vieillards.Les murs se sont couverts de lèpres éternelles,et restent avec leurs plaies qui se sontfermées.Les vignes se tissent sur leur mur, avecleurs nœuds bruns, et l’on dirait quelquegigantesque araignée qui aurait œuvré satoile sous la garde du temps.L a mousse a envahi les terres brunes etgrasses, de leurs peluches vertes et glissantes,et le rosier qui germe sans produire, s’affaissetranquillement, et quitte son pan de mur.Là-bas, les lilas, avec leurs branches forteset vieilles laissent pourrir leurs fleurs rousses,sous un rayon pâle et phthisique, promessem ensongère de jours bleus et d’or.

Les chevelures du lierre avec leurs petitestètes vertes, se bercent doucement au ventglacé, avec des frissonnements inquietsd’espoir, pour les choses du passé, claires etdouces, pour celles de maintenant, froides etdécolorées.C ’est la chanson du vieux lierre qui chuchottelà bas, comme la source gaie ; leslarmes brillent aux fronts des têtes vertes.E t c’est la chanson du vieux lierre quipleure son harmonique douleur, et le lierrechante en accords comme le vent dans lescordes d’or, des harpes éoliennes.E t il chante pour tous ; pour les vieux troncslà-bas qui affaissent leurs corps nus sous letemps, pour le mur qui s’émiette, pour la viequi se dessèche, et pour les lilas qui se meurentdoucement comme de pâles anémiques,sous l’averse............................................................REVUE D’ART ET DE LITTÉRATURELes étés ne sont plus, les rires sont éteints,les chansons se sont tues, il y a longtemps lejardin était d e jo ie et d’or; à l’avril les poiriersbruns se paraient de neige comme un bouquetpour de blanches fiançailles.Ils étaient robustes, leurs flancs donnaientde beaux fruits lourds, bruns et dorés que desenfants blonds sont venus ravir.Les murs étaient de couleur gaie, blanchecomme la neige des poiriers, et les vignesbrunes débordaient de sève impétueuse,portaient de beaux fruits, de belles paruresmauves et sévères, avec des tons d’or brun,dont les oiseaux aux ventres d'argent terni,sont venus s’enivrer, en troupes gaies, avecdes froissements de becs d’argent et d’ailesbrunes.Il y avait longtemps, dans l’irréel peut être,l’herbe était grasse, verte, et serrée sur lesterres grasses.Puis les enfants sont revenus aux cheveuxor et brun, avec leur chevelure dans le soleilpur et fort, sous le bleu du ciel beau et limpide.Ils avaient des cris doux, et des chansonsnaïves.Des fleurs rouges, bleues, des mauves, deslys blancs à cœur orange, des roses rouges,dégageaient des brises pures et sereines.Les lilas embaumaient, enivraient de leurstouffes mauves qui s’exhalaient au vent, quirythmaient leurs têtes, des enivrements d’odorancespures et rêveuses.L e vieux lierre se tut un instant, la briseavait cessé, et sa chanson reprit :Les enfants sont partis, puis ils sont revenus,longtemps, après; oui, ils étaient forts,beaux, ils aimaient, et ils savaient.L ’enfant brun a murmuré à l’enfant blondedes paroles douces et enchanteresses, commel’enivrement des lilas, leurs branches se sontscellées, et les couples enlacés comme deslianes vertes, se sont crispés de volupté,comme les branches du chêne au ventd’automne.Les hivers sont venus, les poiriers ont péris;les lilas sont morts de stérilité, les allées sontgrasses et marécageuses, les roses trémièresse meurent sur leurs tiges.................................E t c’est la chanson du vieux lierre qui chuchotelà-bas, comme la source gaie ; la vien’est plus.Les larmes brillent aux fronts des têtesvertes...EUGÈNE HERDIES.53SE M I-D E TA CH E D HOUSES (ILE DE M A N )(Acaderny Architecture 1897 II)M. H. BA IL L IE SCOTT, ARCH ITECTE

54 LA GERBELe CimetièreILe cimetière dort, car le soir doux descendE t seule, à l'horizon, une ligne de sangSubsiste encore et pose une note éclatanteEntre les peupliers tristes qui se lamentent.Poussons la grille en bois, qui s'ouvre en gémissant,Entrons dans le silence et la p a ix endormanteE t n'aie pas peur du vent qui sanglote en grinçantDans le f e r des tombeaux couverts de fleurs charmantes.Pourquoi frissonnes-tu? nous sommes protégésP ar le geste béni du vieux clocher légerQui monte dans le ciel sa douceur d'accalmie.E t puis ne crains donc point; tous ceux qui dorment là,Parm i la senteur vague et douce des lilas,Sourient à notre amour. Prions pour eux, amie.IIPour dormir l'éternel sommeil,Dans ma maison de quatre planches,Sous les fleurs d'or et les fleurs blanches,Jusqu'à l'heure du grand réveil.Je voudrais être où le soleilFrappe et scintille entre les branches,E t répand une gaîté fra n cheComme un rire d'enfant vermeil.J'aimerais entendre, à l'église,Sonner la pâle chanson griseQui pénètre et parle d'espoir.Je voudrais bien qu'un oiseau fr ê leFasse dans ma croix son nid grêlePour chanter du matin au soir.IIIJe voudrais aussi qu'une fem m eToute courbée, aux cheveux blancs,A ma tombe vienne, en tremblant,Y prier de toute son âme.

REVUE D’ART ET DE LITTÉRATUREE t ce serait toi, ma mignonne,Dont les grands y e u x clairs sont si doux;Tu prierais pour le pauvre fo uQui dort son sommeil monotone.55Tu prierais bien doucementE t de tes y e u x encor aimants,Une larme tomberait claire.Sur mon cœur elle descendrait,Légère et douce, et me fera itTressaillir dans ma tombe austère.JEAN DRÈVE.Une très courte histoire d’amour(Suite)A U T O M N E .De s feuilles mortes partout, de grandstourbillons qui s’envolent dans leslarges allées, luisantes et claires despluies tombées tous ces jours, les allées tristeset solitaires, et si bonnes, comme amies, denos ballades d’amoureux.Des feuilles mortes, de la tristesse partout...et de la joie plein mon cœur.O! cette forêt aux arbres silencieux etdroits dans le gris du ciel, ces horizons sansfin, bleus et violets, couleur de nuage et couleurde tes yeux, comme il y fait bon n’est-cepas, et quelle douce chanson n’a-t-elle paspour rythm er nos paroles.Nos paroles..., simples et vieilles etredites... Regarde ces initiales gravées auxflancs des hêtres, toutes elles nous disent lesmêmes choses en mêmes paroles... redites?O ! oui, mais combien belles et bonnes etvibrées, tout près l’un de l’autre, frileux à labise déjà froide, et si heureux d’être à deuxet de ne plus songer à autre chose, à rienautre.N os paroles... elles furent très simples pourdire notre idylle neuve..., simples pour direque tu étais jolie comme un rêve, et simplespour te dire aim ée... simple et très doucemusique, berceuse exquise et lente pour noscœurs.E t comme tes yeux étaient beaux en cejour de fin d’automne. Il semblait que l’automneétait en tes regards, tes regards bleussombres, comme des soirs, aux reflets violets,parfois, comme si des nuages passaient soudaindans l’iris de tes larges prunelles.T e s yeux étaient si beaux, si beaux, et...fo lie... je croyais y voir le reflet de to n âm e...,une âme blanche comme un lys... cela esttrès vieux à dire et à penser... âme de lys...et pourtant cela me semblait très doux queton âme fut un lys... cette belle et blanchefleur, où l’or des étamines rayonne, dansl’exquise blancheur de la corolle, ainsi que dosregards. Mais soudain j ’ai eu froid au cœur ensongeant à un grand lys que j ’avais vu sebalancer sur une tom be... une pauvre tombeabandonnée, dans un coin de cimetière, unetombe sans croix, sans couronne, où la fleurblanche, radieuse et ensoleillée apparaissaittrès belle... comme un reproche pour ceuxqui oubliaient.O ! que jamais le lys de ton âme ne s’élèvesur une tombe, car celle-là, qui se creuseraitentre nous deux, serait celle de notre amour.Mais pourquoi songer à cette chose triste,lorsque tes yeux jolis, me regardent, lorsqueton rire argentin dit de joyeuses chansons?...Je ne sais, mais voici qu’une feuille morte,détachée d’une branche, s’est mise à tourbillonnerdans la subite lumière d’un rayon desoleil, qui la rendait d’or, et tout près de la

56 LA GERBEterre humide et jonchée d’autres feuilles, ilsembla qu’elle eut peur du sol noir, du cim e­tière éternel, et m ollement, comme un grandpapillon blessé, d’un dernier coup d’aile, s’estenvolée sur ma poitrine, à gauche, près demon cœur.Est-ce un présage? m ’as-tu demandé,mignonne, un présage? peut-être, mais sitriste que je ne veux pas te l’expliquer.L E B A N C .Il est très vieux ce banc, dans l’allée solitaireet éloignée, très vieux et vermoulu.Les feuilles mortes s’étaient amassées toutautour en un grand tas fauve qui le recouvraitpresque et ce nous fut une joie m élancoliquede les voir se disperser sous nos pas,lasses, et lourdes d’eau, et fleurant uneétrange senteur humide et si bonne, si bonne.D evant nous c’était encore l’horizon violetde la forêt, les grands arbres sans feuilles,blancs et rigides.... comme des cierges, disais-tutoute rêveuse.Oui, comme des cierges, des cierges qu'unrayon de soleil semblait allumer pour le servicefunèbre de la nature d’automne, tandisque la brise et les feuilles sourdinaient unplein-chant, très triste et pourtant très douxà entendre, et si beau.Oh, l’heure bonne que nous eûmes là,n ’est-ce pas, à être deux sans presque parler.Car — pourquoi parler? des paroles vieilleset lassantes à dire, des paroles que l’on prononceavec la tristesse — toujours — de nepouvoir leur faire dire toute la chanson quel’on a dans l’âme, et de se savoir — souvent,n’être pas compris. — Oui, m ieux vaut nerien dire, n’est-ce pas?E t puis, éternel enfantillage d’amoureux, cefurent les deux lettres que l’on grave au dossierdu banc, entre d’autres initiales, dont l’uneest zébrée d’un coup de canif, et qui racontetoute une histoire de désillusion ... les deuxlettres entrelacées tout près l’une de l’autre,comme l’on rêve de vivre, toute la vie... lesdeux lettres qui resteront là, longtemps, longtemps,jusqu’à ce que le vieux banc deviennesi vieux qu’on le brise pour en faire du feu, desflammes claires.E t nous songions à tout cela, rêveurs heureux,tandis que l ’ombre descendait déjà,sans crépuscule presque; à peine entre lesarbres une lointaine barre d’or pâle, quiscintillait et m ettait du sang aux feuillesmortes.C ’était l’heure du retour... et nous eûmesun dernier regard pour le vieux banc, levieux banc qui restera toujours inséparablement lié dans notre souvenir, à nos quelquesbonnes heures d’errances en forêt.Nous nous en allâmes, le long des sentiersnoyés d’ombre bleue, les beaux sentiersglissant sous les voûtes des hautes branches,les sentiers qui semblaient des ruisseaux defeuilles mortes que la bise faisait frémircomme de l’eau remuée.E t la lune très blanche et très amie, planaitson grand regard blanc au-dessus deshautes cimes chanteuses, et une lumière argentineerrait en les sentes, comme des feux-follets, des feux-follets qui m ontrent lechemin du bonheur... ai-je dit.F olie, il ne mène qu’à la nuit et à la réalité...et c’est toi qui l’a dit...Puis, soudain, au détour du chemin, l’étangnous apparut, endormi et calm e, au fond dela vallée, sa grande flaque, claire et verte àla lumière lunaire, comme un grand œil douleureuxdans un visage saignant.Nous restâmes à le regarder — longtemps— à voir la blanche lumière errer à chacundes frissons de l’eau et faire des zébruresd’argent et des taches lumineuses, à voir leslourds nuages passer en reflets énormes,argentés aux bords, semblables à de grandscorbeaux endeuillés et lamés d’argent.Nous restâmes à écouter l’eau pleurer enfrappant le bord, pleurer sa plainte assourdie,mystérieuse, toujours même, et grandissantesoudain à des rafales de vent, à voir lesfeuilles tombées dans l’eau, frémir comme detout petits oiseaux noyés, dont on ne verraitplus qu’une aile, qui battrait désespérémentet tout cela était si triste, si triste.V ien s... partons — allons notre route, il mesemble que l’étang est une voix qui menace,et j ’ai peur d’elle, partons...E t puis ce fut, à l’horizon, bien vite, tropvite, le grand regard sanglant de la ville, quijetait sa lueur blême, dans l’ombre sainte,vers la clarté triste de la lu n e; c’est fini...rentrons.

Phototypie Liorel & Cie, Bruxelles.MAISON A VEN U E BRUGM AN, 5 1.E . P e l s e n e e r .La Gerbe (mars 1898).

REVUE D’ART ET DE LITTÉRATURE 57H IV E R .De la neige, de la neige, de la neige, et dela solitude. L a forêt a mis son voile d’épousée,un grand voile triste, tout blanc, d’oùles arbres jaillissent noirs et crispés, commedes bras dressés d’un linceul.D e la solitude e t d e la tristesse. C ’est seul etsongeur, que je m’en vais maintenant par lessentiers blancs .... seul?. . O h! c’est l’éternellehistoire, la très vieille et très triste desdésillusions ; c’est l’histoire des feuilles quimeurent, de la lumière qui s’éteint, del’ombre qui vient.C’est la nôtre aussi, un peu de soleil, unrêve, puis la nuit. Je suis seul, notre trèscourte histoire d’amour est finie... Celle-làqui la conta avec moi, a eu peur de la neigesans doute.C ’est froid, rentrons bien vite près du poêleronflant... A dieu... les bois me font peur, ettes rêves sont tristes, toujours, et moi j ’aimele rire qui sonne la oie !O! mignonne, comment se fait-il que tonâme soit si petite, si petite?Tiens, j ’ai pitié de toi, mais oui, pitié, pitiéde voir ainsi mentir tes yeux, pitié de ta peti ­tesse, et je souris, je te regarde de bien haut,comme je regarderais une belle poupée, à terre,sur le tapis, en souriant de songer que les toutpetits peuvent s’amuser de cela... Je souris,cela empêche de pleurer.E t maintenant, avant de partir, d’un coupde canif, je fais disparaître les initiales quimentent... une désillusion de plus, à côté del’autre, la très vieille, et c’est fini.Mais mon coup de canif a fait surgir de laneige une feuille morte collée au banc... et laneige autour de moi, me fait penser encoreau grand lys du cimetière.O ! petites et belles choses de la nature, quevous fûtes sages prophètes, et combien plussages que moi ; car elle est creusée la tombede notre amour, et déjà les feuilles mortesl’ont comblées.P R O S P E R R O ID O T .Révolte( f r a g m e n t )Oui, la révolte armait le bras des prolétaireset les clairons d'airain, sonnant le branle-bas,groupaient les opprimés pour le futur combatautour du clair défi des tragiques bannières.Le peuple effervescent, guidé par les meneursexaltant sa fu reu r en phrases violentes,voulait rompre et briser la puissance accablantedes hauts barons, des grands vassaux et des seigneurs.Entre des poings crispés, il brandissait des haches;il était fier d’audace et cambré dans l'orgueilde conquérir les libertés à p rix de deuil,les fo rts et les vaillants encourageant les lâches.

5 8 L A G ER B EMais tous étaient venus vers la ville aux rempartsde pierre, les forçats et laboureurs de glèbe,les bûcherons prêts à cogner, ceux de la plèbe :les meurts-de-faim, les va-nus-pieds et les pillards.Ils s’en venaient de la montagne et de la plaineoù le travail est dur et le labeur ingratsous la schlague et le fouet des rudes potentats,ils arrivaient, le cœur fielleux de larges haines.Varlets, batteurs en grange armés de lourds fléaux,mais qui levaient la tête en attendant l'aurore;forgerons velus, vieux à poitrine sonorecherchant l'enclume des têtes pour leurs marteaux.E t le flot déferlant, lorsqu'il bat les falaises,n'a pas de chocs pareils à celui des manantsqui se jetaient, avec des gestes de forbans,au f o l assaut des murs que les gardes délaissent.......PAU L M USSCH E.SonnetQu'importent aux rêveurs l'opulente richesse,Les voluptés d'amour, les vaniteux désirs?Bannissons loin de nous ces énervants plaisirs.A mis, exilons-nous au sein de la tristesse.Que nos doigts, frémissant d’une sainte allégresse,A la lyre sacrée arrachent des soupirsQue nos vers, défiant les sombres avenirs,Aillent verser partout des flots de douce ivresse.E t sans nous reposer aux haltes du chemin,Gravissons à pas sûrs la pente du Destin,Nous trouverons là-haut l'éclatante Victoire.Nous aurons accompli les volontés du Sort,Fiers, nous nous coucherons, quand passera la Mort,Dans les plis du linceul de l'immortelle Gloire.PAU L H U BIN .

REVUE D’ART ET DE LITTÉRATURE 59EXPOSITION DE STOCKHOLM . — P A L A IS DE L ’A R T . F e r d in a n d B o b e r g , a rc h ite c te .(Academy Architecture 1897 II)m a i s o n d ’é t é. a s p a . — 1896.(Du Vieux, du Neuf.)P a u l J a s p a r .

R A TH A U S ZU JA U E R ISCH LES.Deutsche K unst und DekorationA r c h . F . B r a n t z k y , C o l o g n e .

INTERIEUR DE FUM OIR.La Gerbe (mars 1898)L éon B o c h o m s .

REVUE D’ART ET DE LITTÉRATURE6 lLes Livres« V e r s les L o in ta in s ». A u g u s t e V i e r s e t . Couvertured 'H e n r i M e u n i e r . — Il y a de bons vers dansce livre, certains sont d’une belle vigueur et ont toutenotre sympathie. Ceux-ci notamment :Mes beaux cygnes de songe au col libre de rênesM'ont à leur gré guidé vers les pays lointainsOù les brises sont sœurs de rires enfantinsE t les fécondes nuits, mères d'aubes sereines.D ’autres :Je songe à l'aromal frisson des roseraies,A u x barcarolles monotones des épis,A u rire d'une source en les près assoupis,A u bruit vague de l'herbe, aux gazouillis des haies.Comme on le voit par ces citations, M. Vierset estun parnassien amoureux de vers bien ciselés, et touteson admiration est acquise à José Maria de Hérédia àqui est dédié ce livre Il manie du reste fort bien sonvers et son alexandrin est presque toujours souple etharmonieux.Mais nous lui reprocherons le manque de cohésiondans la conception, et le peu de cas qu’il semble fairedu fond dans l’œuvre d’art, le sujet le plus subtil luiétant sujet à versifier.*« C an tiq u e de S p ectres ». E d g a r B a e s . ( P a u lL a c o m b le z , é d ite u r ) .— N o u s n e p a rta g e o n s , c e rte s pase t en m a in t e n d r o it, le s th é o r ie s p h ilo s o p h iq u e s ouh u m a n ita ire s d e M . E . B a es, s u rto u t lo r s q u ’il nousp a rle d e la s e c te d es Skoptzi, m ais n o u s a im o n s, danssa p r o s e , la p h ra se fo r te , le v e r b e ch o is i, m is au se rv ic ed ’u n e im a g in a tio n ric h e , é tr a n g e p a rfo is et so u v e n tsé d u isa n te c o m m e d an s la Plainte de Vierge, q u i é m e u ts in g u liè r e m e n t.Parmi les vers, que nous aimons moins pourtant quela prose, beaucoup nous plurent.Ceux-ci entre autres que nous citons pour leur piétéconfiante et moyen âgeuse :Lys pur de l î le verdoyante,Princesse dont la fo i vaillanteRepoussa son indigne époux !Qui méprisa le diadème,Qui souffris pour le dieu suprêmeE t planta la croix parmi nous,Guéris les fous.Et puis ces autres, largement rythmés :C ’est un rude semeur plié sous les années.Ses rides lentement au vent se sont tannées,E l son regard perdu sous des sourcils velusVers les hommes nouveaux ne se relève plus.L ivre intéressant et sans aridité malgré la subtilitédes idées émises.E. H.*« L ’H y m n a ire du P rin te m p s ». G e o r g e s R a m a e ­k e r s . (C ollection de la Lutte). — Nous venons bientard, sans doute, pour parler du livre de M. GeorgesRamaekers.Disons toutefois que nous n’en pensons que du bien,que nous aimons ses vers juvénils, enthousiastes etheureux — qui ne veulent voir dans la nature et dansla vie que la joie — que les pensées sont délicates, lesfigures choisies, l’observation fine, profonde souvent,qu'enfin il produit une belle impression de poésie etde nature printanière, que c’est là une œuvre pleinede bonnes promesses pour l’avenir.« Nuits subversives ». G e o r g e s L e b a c q . — Auservice d’idées étranges et souvent morbides, l'auteurmet une langue riche, imagée et artiste qui rend séduisantela lecture de son ouvrage.Q’on en juge par cet extrait, empreint d’harmonieuseet vague poésie, qui donne la note juste du livre, faitde symboles subtils et de charme de style :« Une douce harmonie chantait autour de moi — le» vent, longuement parmi les cèdres. Mon âme passait» dans un doux paysage de lune; la brise caressait mon» front blême d’une pensive songerie; il n’y avait qu’une» étoile au ciel, douce comme tes larmes et pâle comme» l’espoir vague qui m’entraînait par des sentiers perduset silencieux où je n’entendais point mes pas. Je» glissais; moins encore mon clair manteau d’argent» s’éployait derrière moi et me portait : je volais, âme» voyageuse... un rossignol chantait, éperdument dans» les nues — ton amour. »P. R.*« La Philosophie de Saint François ». E d g a rR ic h a u m e . (T iré à part de la Lutte). — Bonne étudesur la philosophie de St François qu’une langue châtiéerend intéressante.L'auteur nous décrit l’admirable vie de renoncementdu Saint Poète, et préconise son humilité, son espritde pauvreté et d’amour comme remède à l’effervescencede la crise sociale.Cette opinion est peut-être bien optim iste et candide,mais la plaquette est vraiment jolie à lire.P. r .« Mon jardin fleuri ». E d o u a r d N e d . (C o lle c tio nde la Lutte). — C ’est là un beau liv r e v ra im e n t, autantp a r la co n c e p tio n q u e p a r l ’e x é c u tio n e t q u e nousso m m e s h e u r e u x d e tr o u v e r en co n sid é ra b le p ro g rèssu r u n e p rem iè re œ u v r e de M. N e d , Les poèmes catholiques.Le vers est souple, harmonieux; sa belle aisance meten lumière la délicatesse des pensées.Le poète nous résume ainsi son livre, dans son liminaire:Lassé des misères et des stupiditésQue la vie en souffrance éternellement clame,Fuyant l’horreur des mauvaises réalitésJe suis descendu seul et triste dans mon âme.Et il a trouvé dans ce jardin intime des fle u rs délicateset mélancoliques qu’il nous dit en symboles clairs etreposés, d'une belle pureté, parfumés de piété, commesi elles étaient cueillies dans un calme jardin de cloître,

62 LA GERBECitons quelques vers, que nous aimons surtout :Mon âme est claire ainsi d'une douce clarté,Comme d'un rayon gris d’un printemps chimérique.Fusant par un vitrail de Rêve et de BontéDans le mystère aimé d'une église gothique.E t ceux-ci, d’une tristesse résignée et songeuse :Mais un jour que l’hiver pleurait sur les vendangesE t chantait sa chanson de pluie et de brouillard,E lle partit vers le lointain pays des angesE t des roses riaient au coin du corbillard.Ces brèves citations et cette courte notice suffirontellespour donner à beaucoup le désir de lire le livreentier ? C ’est bien sincèrement que nous le souhaitonsà l’auteur.L e Deutsche Kunst und D ekoration nous envoie réunisen un volume de bel aspect ses numéros déjà parus.L ’art allemand est remarquablement représenté —affiches, ameublements, panneaux décoratif de grandeallure, tableaux, vitraux, y abondent, formant un toutadmirable.Il serait impossible de détailler toutes les œuvres —si nombreuses — qui ont attiré et arrêté notre attention;en général, dirons-nous plutôt que les artistes du DeutscheKunst sont de m erveilleux stylisateurs, qu’ils sontremarquables par leur étude profonde et consciencieusede la nature dont ils mettent en lumière le caractère,la synthèse, et que leur imagination, souvent large etélevée, est toujours ingénieuse et pratique.Tout d’abord et dès les premières pages ce nous futune joie d’admirer les délicieux petits paysages et lesdélicates stylisations de fleurs de M. Berhn. W enig misen tête de page et qui sont œuvre d’artiste et de poète.Puis de M. O tto Eckm an des panneaux décoratifs(exposés actuellem ent au salon annuel de la Libre Esthétique).Nous avons surtout admirés ses cygnes glissantsur une rivière et son marais au clair de lune, œuvresde toute beauté, une frise décorative de M. K . Cagels oùla faune est habilement stylisée.Des vitraux de grand intérêt de M M. Carlule, BernardW einig, M elchior L echter.De ce dernier, des reproductions de meubles qui nousplaisent. De même ceux de M M . H .E . Van Berlepselet L . H ohlw ein.M G eorg. H uile a su utiliser remarquablement lecuir; ses compositions sont dignes d’intérêt et d’admiration.M . A ngelo Janck et O tto Fischer, de très bellesaffiches, surtout celles de M. Janck.De M. Hans Stubenrach une composition émotionnante,Judas, et de M . F ritz E rler, D er Koningssolmund die Seerauber,où la figure principale est bien conçue.Des poteries très ingénieuses aussi de M E rler etenfin une composition très poétique et très douce,Orphèus, de M. O tto T raggy.Quelques noms encore spécialem ent remarqués :M M . Lefebre, avec son Faim und Nymphe, maxim vonHeider et sohn, dont nous aimons les Antilopen, d’unbeau style, Osk. Schwindrazheim, Rud. M ayer, O ttoRohloffe, Fried. Brodauf, Fr. W iese, M . Langer, avecune très belle affichette, K ellner, Heinz. W etzel, biend’autres encore dont nous aurons sans doute à parlerultérieurement. De bons articles accompagnent lesplanches.P . R.M. Paul Jaspar, achitecte à L iège, vient de faire éditerune plaquette pleine de goût intitulée : D u vieux,D u neuf, contenant de ravissantes reproductions de sesœuvres principales exécutées durant ces dernièresannées.Notons un buffet original bien approprié à sonusage, une cheminée d’un bel aspect ; nous aimonsles cottages reproduits dans cet opuscule, la W itheHouse à Spa est remarquable dans sa sim plicité rustique,de même la Maison d’été. L es maisons à T ilff noussemblent un peu monotones et la maison à S t Nicolaslez-Liégeest fortem ent influencée de Renaissance,nous préférons les maisons de rapport, quai de la B o­verie à Liège; les grilles de balcon de deux de ces habitationsmodernes sont réellem ent belles.De bonnes pensées, tirées des auteurs, accompagnentchaque œuvre reproduite dans ce superbe livret. Beaucoupsont assez remarquablement choisies pour quenous en citions :» Mon ami, quand on a fait ce qu’on peut, du mieuxque l’on peut, il ne faut pas reculer devant la critique. »V IO L L E T -L E -D U C .( Histoire d’une maison : Conseils à M. Paul).« L ’architecture n’est point ignorée des animaux : le» trou du ver, les galeries de la fourmi, la ruche de l’abeille,le nid de l’épinoche ou de l’oiseau, la tannière» du loup, le terrier du renard et du lapin, le village du» castor, la hutte du gorille, la maison, le donjon, le» tem ple et le palais répondent au même besoin diversifiéà l’infini.» U ne loi commune s’en dégage, la loi d’appropriation.L ’utilité est le f ond de l'esthétique architecturale »AN DR É L E F È V R E .« Après une longue gestation pleine d’incertitudes,» de marasmes, de crises douloureuses, une société» nouvelle va venir au monde. Que les architectes se» pénètrent de son génie, s’inspirent de ses mœurs, de» ses droits, de ses espérances; et leur œuvre conçue à» son image, qu’ils y appliquent les élém ents accessoiresfournis par leur science incontestable, maisrenouvelés p a r l’esprit de leur temps. E t dans un âge» lointain il restera d’eux peut-être quelque pan de» mur, quelque ruine, où l’observateur démêlera et» reconnaîtra l’empreinte de leur race, de leur époque» et de leur personnalité. "A N DR É L E F È V R E .» Il y a le style; il y a les styles.» Les styles sont les caractères qui font distinguer» entre elles les écoles, les époques...» Q u’est-ce donc que le style? C ’est, dans une œuvre» d’art, la manifestation d’un idéal établi sur un principe...» Quand une œuvre d’architecture indique clairementl’usage auquel on la destine, elle est bien près» de posséder le style...»V IO L L E T -L E -D U C .Dictionnaire de l'Architecture Française 1868.a. v. w.

« L a p la n te e t ses ap p licatio n s orn em en tales ».(E . L y o n - C l a e s e n , éditeur, Bruxelles). Publié sous ladirection et précédé d’une préface de M. E u g è n e G r a s ­s e t . — Cet ouvrage, petit in-folio, se compose de72 planches toutes coloriées à la main avec le plus grandsoin. De ces 72 planches, 24 sont consacrées à l’étudede la plante et les 48 autres à ses applications ornementales.L a plante est représentée dans cet ouvrage sous tousses aspects. On y voit comment, de l’étude de la nature,le travail peut être charmant et logiquement appropriéà sa destination et selon les ressources constructives dela matière. Nous conseillons vivem ent aux décorateurset aux architectes d’étudier ce beau recueil.«N eubauten». ( E . A . S e e m a n , éditeur à L eip zig.)—Superbe recueil de maisons particulières, maisons decommerce, villas, monuments publics, religieux et civilsconstruits durant ces dernières années et dus au talentdes meilleurs architectes allemands. Cette belle revued’architecture, publiée sous la direction de MM. N eumeistere t Hâberle, architectes et professeurs à Carlsruhe,est éditée avec un soin tout spécial par M. E . A.Seemann, éditeur à Leipzig. L ’ouvrage paraît depuis1894 en douze livraisons annuelles. Toutes lesreproductions sont faites d’après photographies accompagnéesdes dessins de la construction, coupes, plans,commandes des pierres, profils, détails, le tout clairementdessiné et permettant d’étudier avantageusementl’art de bâtir.REVUE D’ART ET DE LITTÉRATURE 63Les livraisons 1 à 15 contiennent des documentsréellement beaux.M M . Boklund, D üchting et Janish, Hanser, A . Weber,Prof. Bischoff, Schomburgh et W inkler, Jacques Grôs,Sachse, Stôrmer, Hanser, Schwerdtfever et Schmüser,Schenk, Seeling, Richter, Curjel e t Moser, Puttfarckenet Janda, L udw ig et Hülssner, Peter et un grandnombre d’autres architectes de talent ont leurs œuvresarchitecturales reproduites dans cette magnifique publication.Il serait trop long d’énumérer les noms de tous lesartistes qui collaborent à ce bel ouvrage, qui s’adressenon seulement aux architectes mais aux élèves et àtous ceux qui s’intéressent h l’architecture.Ce travail met en relief les nombreux spécimens del’architecture moderne d’Allem agne. A ceux qui ignorentla valeur artistique et la beauté des conceptionsd’architectes allemands nous conseillons cet ouvragedans lequel ils trouveront des reproductions d’églises,banques, gares, maisons urbaines, villas, etc , édifiéesen Germanie et témoignant la plupart d’une certaineoriginalité.Nous parlerons dans un prochain numéro des livraisonspostérieures à la 150.Prix d’une livraison de Neubauten 1.80 mark; abonnementannuel (12 livraisons) 15 marks.E. A . Seemann éditeur, Gartenstrasse, 15, Leipzig.a . v. W.L iv re s reçus : C h a r l e s B e r n a r d : La belle douleur.Lucanie. F r a n ç o is L a t t a r d : Le sortilège de vivre.WHITE 1IOUSE, A SPA (1898).(Du Vieux, du NeuJ)PAU L JASPAR.

64 LA GERBELes Revues« L ’Œ u v re » (de janvier) consacre un numéro spécialà un poète complètement inconnu, — E lie Lupano— et qui certes mérite l’hommage des jeunes poètesValentinois.Une note de Jules N adi nous dit rapidement l’œuvrede Lupano, puis Paul Marius André, dans un courtarticle, mélancolique et de grand charme, nous contela vie triste du poète, mort à 31 ans, dans un hôpitalde Valence.Suivent alors des œuvres de Lupano, vers remarquablessouvent, ceux-ci entre autres...I l descend, il descend dans cette mer immenseComme un lys de douleur nu milieu des flots grisT u te rappelleras que là-bas il reposeSur un lit de varech et de sable argenteE t qu’il n'a même pas, tremblante et demi-close,Une fleur pour charmer son immobilité.(L a tombe du petit mousse.)Oui, nous avons assez de vieillards de vingt ansOui vont pâles et froids par les jours de printemps,L e long des ruelles infâmes,Alors qu’au plus profond des bois les amoureuxEchangent des serments dans les sentiers ombreux,E t sentent tressaillir leur âme !Oui, nous en avons assez des vendeuses d’amourQui se montrent la nuit et qui dorment le jourDans des lassitudes étranges,Quant aux seuils des couvents se traînent à genouxDes vierges qui n'ont pas de passe-temps plus douxQue d’être amoureuses des anges.( Sursum Corda.)« L e M ercure de F ra n c e » (numéro de février).— U n conte naïf: Le Triomphe de la Laideur, étrangeet impressionnant d’Alexandre U lur. — Des balladesde Paul F ort. Une intéressante étude sur W alter Pater,critique et littérateur, d’Arthur Sym ons (traduit parG . Knoff) Des notes mordantes de Rem y de G ourmont.Nous y relevons aussi l’annonce d’une nouvelleœuvre de G . Rodenbach sur Alphonse Daudet: L 'E lite.Dans la Revue des Palais une étude de Cam ille M auclairsur le Roman de Demain, dont notamment il ditdans sa définition :« Elevons le Roman de l’émotion nerveuse à l’émotionintellectuelle, écoutons battre le cœur du monde» et qu’il règle les nôtres. E t surtout que l'hom ogénéitédu discours, du style et du ton ne leur soit plus» une loi. — L es âmes sont comme les places publiquesoù l’on dresse l’échafaud d’un roi, où l’on décrète» une ère nouvelle à l’endroit même où hier les marchandsvendaient leurs légum es: le roman,mémorial» de l’âme collective, doit,com m e elle, accueillir toutesles formules. »Et il semble décréter le roman d’aventures, reprispar les intellectuels, comme étant celui-là.« L ’A u b e » ( 1er février). — Un bon conte d ’A lbertBerthel : L a Parabole de l'amour déçu.Vers d’Em ile Jomeaux et de G. Josse. Un Conte deNoël (de Gabriel de Sart), agréable à lire et très jo limentterminé par une belle figure de style." D u re n d a l. " Important numéro de N oël, avecune nouvelle couverture, composition de M. GisbertCombaz. Des vers de Severin, Franz A nsel, ChristinaRosseti. Des pages inédites d’Ernest H ello, Barbeyd’A urevilly, O ctave Pirmez.« L ’E rm ita g e » (février) — Une excellente critiqued’André Gide à propos des Déracinés, de Maurice Barrés.La Fin des Borgia. Intéressante adaptation de Jacquesdes Gâchons.De jolis vers de Ramaekers, où ces deux-ci que nousremarquons :Toute vie pour naître a dû germer dans l'ombre,Comme germe un poème en l'ombre du cerveau.de M. Edmond Jaloux, Octobre, d’une délicate et finemélancolie ; Marc Lafargue, Edmond Pilon et A lbertJ. Brandenbury ont aussi de bons poèmes. D'intéressanteschroniques et quelques dessins dont un portraitdu poète Paul Fort.*« L a L u tte » consacre son numéro de février àl’apologie de l’esthétique franciscaine.U n article d’Edgar Richaum e : L a Philosophie deSt-François, des vers intéressants de Georges Ramaekers,de bonne prose d’Edouard Ned, M aurice D ullaert,A lbert Berthel, Pol Demade, etc.Ce numéro est en outre orné de deux hors texte, lastatue de St-François d’Assise, par Sacharie A strug(d ’après A lonzo Cano), statue qui se trouve exposéedepuis longtemps déjà chez Christofle, à Bruxelles, etla mort de St-François d’Assise, d’après une fresquede G iotto.L ’esthétique franciscaine est ardemment présentée etdéfendue par les artistes chrétiens de la Lutte.« L ’E ssor. » — Num éro spécial consacré à Em ileZola, où des opinions diverses se coudoient, la plupartfavorables à Zola d’ailleurs.« L e S illo n . » — Une bonne monographie d’A l­phonse Daudet par Jacques Cor, qui l’apprécie commenaturaliste aimable et styliste brillant.De la bonne prose traduite de Rudyard R ip lin g unecurieuse étude : Une vieille hérésie, d’André Dareau.« L e M agasin L itté r a ir e . » — Au numéro de jan ­vier de l’intéressante prose de M . Berthel: L'EffroyableSeconde. Des vers gracieux de Jean Drève, quelquesautres de Prosper Roidot qui nous plaisent.« R e v u e de P a ris. » — Des lettres inédites de V ictorH u go. Etude sur le poète D ’Annunzio et son œuvre.

« H u m an ité N o u v e lle . » — Des vers traduits del’allemand de Julius von den Traum :Les cygnes s'envolentD u lac verdoyantE t de leur plumage mille larmesS'épendirent en larmes fines.REVUE D'ART ET DE LITTÉRATUREEtude d’E lie R eclus sur les religions et les superstitions.U ne délicieuse nouvelle de Van d e Putte: J'aime.« R e v u e d ’a rt dram atiq u e. » — Une enquête surla question sociale du théâtre avec des opinions deplusieurs littérateurs. T rois actes d’une pièce inéditede Lucien Besnard.« Cosm opolis. » — Tom . Une petite nouvelle deJacques Armand. V ictor Barch : Etude sur Hoen etGeorges Sand.« K u n s t » nous envoie ses trois derniers numérosdes 5,9, 21 février. Nous y avons lus de bons articleset des vers intéressants. Quelques jolis croquis ornentle texte. Toute notre sympathie à cette vaillante revue.« In n s n -D e k o ra tio n . » ( A l e x a n d e r K o c h , éditeur,Darmstadt). — B elle publication d’architectureet de décoration intérieure.Les livraisons de janvier, février et mars 1898 contiennentdes œuvres réellement belles, qui nous donnent lavaleur véritable de l ’ameublement d’Allem agne, quel’on accuse trop souvent de lourdeur.Très curieux les meubles en gothique tyrolien deMM. Anton Lochner et H. Kirchm ayr, architectes.Cette belle publication donne aussi des œuvres desartistes anglais, autrichiens, etc., de sorte qu’elle formeun organe sérieux de l'ameublement contemporain.MM James A . Morris, architecte à A y r (Ecosse),A . Messel et M ex. N. Paterson sont représentés dansInnen-Dekoration par des ameublements modernespleins de goût.Nous regrettons que la place nous fasse défaut pourénumérer toutes les belles choses publiées dans les. trois premières livraisons de cette année.Nous conseillons cette superbe publication à tousles architectes belges qui, pour la plupart, l'ignorent.« L ’E stam p e e t l ’A ffic h e . » (D irecteur: C l é m e n tJ a m i n ; Rédacteur en chef: A n d r é M e l l e r i o ; Rédactionet administration : 50, rue Ste Anne, Paris.) — Leslivraisons de janvier et février 1898 sont bien conçueset remarquables par l’excellence, la diversité et lenombre des illustrations qu’elles contiennent.Comme le dit fort exactem ent le programme del'Estampe et l ’Affiche, cette revue continue ses étudesde fond sur les artistes en vue, en s’efforçant égalementde mettre en lumière ceux dont le talent réel est encorepeu connu. E lle publie avec exactitude les nouveautésparues chaque mois, non seulement chez les éditeurset les marchands, mais aussi chez les artistes, que larevue aidera ainsi à se faire connaître, en toute indépendance.Livraison de janvier 1898 (n° 1, 2e année). — Uneétude de fond sur un artiste en vue, C. F. Gaillard.Notons de fort belles reproductions d’œuvres de cemaître graveur.Des affiches et estampes remarquables de MM. Forain,Grün, J. Faverot, Georges Redon, H. S. Ibels,W histler, Cézanne, H. P. Dillon.Un délicieux frontispice, de l’artiste belge HenryMeunier, pour les contes de Mlle Blanche Rousseau.Livraison de février 1898 (n° 2, 2° année). — Articleconsacré au maître Fantin-Lacour. Reproduction denombre de ses travaux.Suite de l’article consacré à C. F. Gaillard.Des affiches et estampes remarquables de MM. EugèneCarriès, Mucha, H. S. Ibels, Peské, Nocq, Pal,Charpentier, Maurin, Odilon Redon.Des médailles de MM. Chaplain, Patey, Delove,J. P. Droz, Rupert Carabin, Henry Nocq. a . v.w .« T h e A rtis t. » — Cette superbe revue a pris uneimportance considérable.La livraison de mars 1898 est fort belle.Article intitulé : A Modem Memling, consacré hnotie compatriote Edmond Van Hove, qui prend unebelle place parmi les peintres mystiques de notreépoque.Ses meilleures toiles: Mater Amabilis, Tempus,Legenda, Historia, Une sorcière, St-Jean, St-Luc, LaVierge, sont reproduites dans ce numéro.Reproduction d’une œuvre remarquable d’un autreBelge, A lbert Baertsoen: Vieux port en ville morte.Des œuvres de MM. John W . Alexander, des compositionsfantaisistes de Steinlein: Le Chat et la Grenouilleet Ça brûle. Vers la Sérénité, sculpture deM. Rousseau, exposée au récent salon de «Pour l’Art»à Bruxelles.Un article consacré au portraitiste Archibald StuartW ortley et à la «Portraits Pointers Society».Quelques pages dues à M. A . Horsley Hintou etconsacrées à la photographie. De belles applicationsde M. DemachayUne maison à Surrey, œuvre de M. W illiam A . Pi te,nous préférons les applications décoratives de MM. H.et J. Cooper.Un bel hors-texte : The Swimming de J. (1. Millais.Des dessins et croquis du même artiste.Notons encore les œuvres de Miss Andrey T revelyan.Miss Hilda, M. Pemberton, Ethel W right, M. L.Hankley, Cecil J. Hobson, K . A . Béherma, Miss M.J. Gibson, Miss W . H. Thomson, A lyn Williams,E. W . Andrenos et M. Deuvent Wood.« L es M aîtres de l’A ffich e» (numéro de mars 1898).— Une prime de Steinlein pour les abonnés. Quatreaffiches de M M. Chéret, Lautrec, Réalier-Dumas,Woodburg.« T h e Studio. » — Livraison de février 1898.Une superbe planche hors-texte en couleur MElan gde Ménil de M. Fernand Knopff. Article : l'Œ uvre deE . B arough-Johnson par A . L . Baldry, accompagné deplusieurs planches fort belles.Nous aimons les vitraux de MM. Oscar Paterson etHarry Thomson pour leur composition originale etleur technique irréprochable.De jolies études du peintre Nico Jungmann. Adm i­65

66 LA GERBErons surtout la superbe planche en couleur de cetartiste intitulée du nom naïf Neeltje Tuyp.Six pages consacrées au célèbre caricaturiste françaisCaran d A ch e .Des œuvres de M M . Eleanor F. Brickda, F. D erwent W ood, Alfred Turner, Mary Tow goost, H .Hughes-Stanton et T albot H ughes, H. C . Fehr, MissM. R . H ill Burton, Joseph Stevens, Heinrich Vogeler,Henrique Bernardelli, Charles Keene.« A c a d e m y A r c h ite c tu r e an d A rc h ite c tu ra lR e v ie w . » — C ette belle publication d’architectureet de sculpture reproduit,dans son numéro de 1897, desœuvres multiples, variées et remarquables dues à desarchitectes et sculpteurs de talent. L es Anglais sontbien représentés dans cette livraison et se révèlentartistes novateurs par leurs cottages pleins de charmes.Citons les habitations rustiques dues à M M . W im periset Arber, Basteman, Thom as W . Cutler, M. H.B aillie Scott, Ernest G eorges et Yates, A rthur Keen,Percy E. Newton, James Ransome, W . Frank Bright.Nous aimons surtout les Semi-Detached Houses àDouglas (Ile de Man) de M. H . B aillie Scott.M. Franken-W illem aers de Bruxelles est représentédans ce numéro par la Villa, Mon Caprice, à Court-St-Etienne. Cette construction accuse une certaine originalité; son élégance plaît.De M. Ferdinand Boberg, de Stockholm , un monumentoriginal et de bon goût, le Palais de l’A rt à l ’E x ­position de Stockholm 1897.C ’est une œuvre grande, majestueuse, dont les moindresdétails sont traités avec recherche.L e relief (sculpture) d e M. Esther M. M oore est detoute beauté.Relevons les noms des grands artistes dont les sculpturesparaissent dans ce numéro :M M . Esther M. Moore, E lla R . Courtois, K ellockBrown, Pittendrigh M acgillivray, John H ughes, C.W . Jew itt, Cuno von U chtritz, Ernest Seger, FritzHeinemann, Walter Schott, W ilhelm Haverkamp,Hennann Kokolsky, H . Uberbacher, O tto G lauflügel,H einrich Günther-Gera, Fritz Hausmann, V ictor Seif-­fert, Johannes G ö tz et A . Bosch.Academy Architecture and Architectural R eview estéditée avec un soin tout spécial par M. A lex. Koch,architecte à Londres (1).*« A r t et D éco ration . » — Num éro de janvier 1898.A rticle remarquable de M . Gustave Soulier, consacréà l’œuvre de M . Lévy-D hurm er, peintre de grand talent.L es œuvres de cet artiste, que publie A r t et Décoration,sont à retenir, citons L a Bourrasque, Frise desTritons, Portrait de M . Raraisson-Mollien, Circé, Portraitde M . Georges Rodenbach, Eve et Etude de Châtaignier.De belles applications d’étoffes de M M . M .-P. V erneuil,Mme De Rudder, G . De Feure.L es jardinières en fer forgé de M M . Charles Bourillonet de M lle M. Henning nous paraissent peu logiques,nous préférons les projets de M M. Adrien Bruneauet A lbert Vanderplancke.A« T h e A rc h ite c tu ra l R e v ie w (1 ). » — L es troispremières livraisons de la nouvelle année de TheArchitectural Review, ont parus et sont éditées avecgrand luxe.Notons dans ces trois livraisons de remarquablesreproductions de sculptures accompagnant un articleconsacré à la vie et à l’œuvre de Jean Carriès, le célèbresculpteur français.« L a R e v u e p o p u la ire d e s B e a u x -A r ts » annoncedans son numéro du 5 mars un concours. d’affichepour la Socité populaire, avec un prix de 300 francs,divers objets d’art et divers abonnements.Pour tout renseignement s’adresser au secrétariat,13, rue G range-B atelière. Dernier délai d’envoi :1er mai 1898.« L a F é d é ra tio n A rtis tiq u e » du 6 mars contientun excellent article d’Edgar Baes : Les lois du pittoresque.« D e k o ra tiv e K u n s t. » — L e n° 3 (janvier 1898) dela revue Dekorative Kunst est de toute beauté. Plusieursplanches coloriées font de ce numéro unelivraison exceptionnelle. Notons de superbes poteriesde la Manufacture royale de Porcelaine de Copenhague.Des reliures de M. T.-J. Cobden-Sanderson. Desœuvres de M M . Burne-Jones. miss M ary N ew ill,A rnold B öcklin, M. V. Schwind., C. U le, R. Evaldre,H . Christiansen, M. Roth, R. Hesse, Eugène Grasset,P . Vuillard, Roussel. Un article consacré à l’architecturefrançaise. M M . K ögel, Schumacher, JordM adox Brown sont bien représentés dans ce numéro.N° 4 (février 1898).— Des reproductions de monumentscommémoratifs dûs à M. Bruno Schm itz, architecte.Un article élogieux consacré à l’architectureintérieure en Belgique. De forts belles planches deM M . G . Serrurier-Bovy, V andi V elde, Van R ysselbergheet Paul Hankar. De beaux projets de lampesde M M . E . v. Oppolzer, Konrad Goschwend, V ictorBatteux et H ugo Leven. Des affiches de M M. Th.Heine, Hans U nger, A . R oller. L a suite de l’articleconsacré à l’architecture française moderne.Cette livraison contient encore un grand nombred’autres documents intéressants, parmi lesquelsnotons le portail de l’usine d'électricité à Stockholm ,par Ferdinand Boberg, architecte.a. v. w.(1). Parait un volume en juin et décembre. Prix 6 frs. En vente chez (1). L a livraison 0.80 tr. Vente et abomement chez MM. DietrichM. E . Lyon-Claesen, éditeur, 8, rue Berckmans, Bruxelles. et Cie, Bruxelles.

REVUE D’ART ET DE LITTÉRATURE67Çà et làT u r i n . — Exposition rétrospective d’art chrétien,en mai 1898.V i e n n e . — Exposition internationale des beaux-arts,au Künstlerhaus. — D ’avril à juin 1898.B e r c k e l e y (Californie). — Concours internationalpour la construction d'une université.Pour tous renseignements s’adresser au conseil d’administrationde l ’Université, 217, rue Sansome (San-Fran cisco.Les artistes suivants ont été promus et nommés dansl’Ordre de Léopold.Officiers : MM. Blomme, architecte, à Anvers ; Dela Censerie, id., à Bruges ; Devaux, artiste-peintre, àBruxelles ; Drion, directeur de l’Académie des Beaux-Arts, à Gand.Chevaliers : M M. Charlet, artiste-peintre, à Bruxelles; de la Hoese, id., id. ; Desvachez., graveur, id. ;De Vreese, statuaire, id. ; Gilsoul, artiste-peintre, id. ;Hamesse, id., id.; Heins, id., à G and; Joors, id., àAnvers; Lagae, statuaire, à Bruxelles; Lambotte,secrétaire de l’Exposition des Beaux-Arts ; Lauwers,graveur, à Anvers ; Leempoels, artiste-peintre, à Bruxelles; L icot, architecte, id. ; Marchand, id., à Gand;Mertens, artiste-peintre, à A nvers; Motte, id., à Bruxelles; Naert, architecte, à Bruges; Seghers, artistepeintre,à Bruxelles ; Van den Bussche, professeur àl’Académ ie royale des Beaux-Arts, à Anvers ; Van derLinden, statuaire, à Louvain ; Van Hove, artiste-peintre,à Bruges ; Verhaert, Pierre, artiste-peintre, àAnvers.T o u t ceci à simple titre de renseignement, car nousne voyons pas quelle joie un artiste peut bien éprouverà se voir autoriser à fleurir sa boutonnière d ’un boutde ruban.C o n g r è s l i t t é r a i r e d e B r u x e l l e s . — Séance dusamedi 19 février. C ’est à la vaillante pléiade des poètesde la Lutte qu’est due toute l’initiative de l’organisationdu Congrès littéraire qui s'est ouvert samedi àquatre heures au Palais des Académies (salle de marbre)sous la présidence de M. de H aulleville.Public nombreux et d’ailleurs attentif.M. Georges Virrès délimite le terrain des débats :Toute question philosophique, comme base d’esthétiqueétant écartée, des quatre en présence ( L ’A rtpour l’A rt — L 'A r t social — L e Naturisme — L 'A r tpour Dieu — ) quelle est la formule la plus propice auxcréations d’art ?M. Valère G ille , dans un discours chaleureux etécouté avec sympathie, présente et défend : l’art pourl’art, et déclare que l’art, rien que l’art, doit préoccuperle poète ou l’écrivain, c’est-à-dire la forme.M. Edouard Ned (secrétaire du Congrès) combat,dans une riposte serrée, les argumentations deM. G ille.Séance du dimanche 20 février. — A u début de laséance M. Montfort donne lecture d’une lettre deM. Saint-Georges de Bouhélier (qui devait présenterl’esthétique des Naturistes) par laquelle il s’excuse dene pouvoir assister au congrès, de graves intérêts leretenant à Paris.Il développe ensuite ses théories, séduisantes d’ailleurs,mais peu solides et dont son contradicteur _Edgar Richaume — attaque les bases dans une causeriespirituelle.M. Picard, ensuite, parle, lui, brillamment, non pasde l’art social, mais bien plutôt de l’art socialisé, etdéclare ne pas se soucier d’école, ni de système en art,pourvu qu’une impression esthétique ressorte d’uneoeuvre.M. Paul Mussche, dans la séance de l’après-midi, luireproche en substance de se préoccuper trop de l’impressionproduite au détriment de celle à produire. Il semontre orateur chaleureux et se fait longuementapplaudir.M. Charles Bernard monte ensuite à la tribune etdénie au chrétien le pouvoir d’être aussi complètementartiste que le panthéiste, déclarant, entre autre, quel 'art n’est pas sans immoralité. Heureusement il nousprévient — était-ce bien utile ? — que c’est là un paradoxe.MM. Edouard Ned et Nilis répondent.Georges Ramaekers enfin, présente l’Art pour Dieu.Sincère et expressive, sa parole charme; à plusieursreprises les applaudissements l’interrompent. Il démontre,en résumé, que l’art pour Dieu est la véritableinterprétation de la devise dont nul ne se seraitétonné : L ’art pour le beau, et que l’esthétique chrétiennedépasse et résume toutes les autres.M. Mecislas Golberg met ensuite, dans une véhémenteimprovisation, l’individualisme en art, au-dessusde toute esthétique.Enfin, les débats sont clos par la lecture d’une lettrede A . Jounet, directeur de la Résurrection, qui sedéclare en parfaite concordance d’idée avec les poètesde la Lutte.Exposition de l’union des femmes peintres et sculpteurs,du 8 au 31 mars, à la galerie Georges Petit, à Paris.M. Georges Thurner, le peintre alsacien, connu etapprécié, a réuni dernièrement toutes scs œuvres desdernières années en une exposition.Notre confrère la Revue populaire des beaux-artsdéclare que des œuvres de M. Thurner ressort unepersonnalité remarquable et applaudit aux efforts dusympathique artiste.A Anvers une grande vente aura lieu, paraît-il. Lesœuvres contenues en le musée Kins vont être misesaux enchères.Parmi les œuvres des Corot, des Delacroix, desDiaz, des M illet, des Meissonier, des Leys. Parmi lesmaîtres anciens : Van Dyck, G uyp, M em ling. Teniers,Rembrandt, etc.A l a G r a n d e H a r m o n ie (16 février).— L e concert,donné par M. Jansens, le pianiste déjà connu et apprécié,nous a permis d’applaudir encore à ses nombreusesqualités de virtuose. La ballade en sol de Chopin et lecarnaval de Schumann, ont été particulièrement brillantsd’exécution.

68 LA GERBEMadame M iry-M erck, comme toujours, nous a délicieusementcharmé dans ses quatre chansons de G rieget de Brams; sa diction est tout simplement m erveilleuse.M. Josz (violoniste), lui aussi, a été remarquabledans l’allégro de la sonate en la de César Franck, d’unbeau sentiment, exécuté avec âme, et dans le concertode M ax-Brug, enlevé avec une virtuosité surprenante.Soirée remarquable donc et succès mérité aux troisartistes. Nous les félicitons, pour terminer, du choixjudicieux des oeuvres exécutées, qui mirent en lumièrele génie de ces maîtres respectés.H. H.Un nouveau périodique allemand a vu, depuis peu,le jour. Das Narrenschif (La Barque des fous) est unepublication dans le genre du Jugend, illustrée de caricaturesen noir et en co u le u r.Paraîtront prochainement, deux oeuvres de hautintérêt : Les Aubes, drame lyrique d’E m ile Verhaerenet Le mendiant ingrat, de Léon B loy, le magnifiqueauteur de La femme pauvre.U ne commission vient d’être formée à Spa pourrecueillir, en un musée, les spécimens anciens de tousles produits de l’industrie locale, connus sous le nomde « Boites de Spa ».A ppel est fait aux détenteurs de ces bibelots ancienspour qu’il consentent à s’en dessaisir au profit dumusée.L es objets porteront la mention des donateurs.( S ’adresser : A lbin Body à Spa).L e sculpteur Van der Stappen est invité par l’académiedes arts de Berlin, à réunir une vingtaine de sesdernières œuvres en un salon spécial qui fera partie del ’exposition d’art national allemand s’ouvrant à B erlinle 1er mai 1898.L ’éditeur A rthur Botte, vient de publier les 85, 86 et87me livraisons de son grand ouvrage L ’A rt Flamand.Ces dernières livraisons sont consacrées aux lithographes,miniaturistes, dessinateurs et paysagistes del’école 1830 — un texte intéressant de Jules du Jardin.On vient de placer dans le salon carré du Palais desBeaux-A rts (salle des gothiques), une Descente deCroix de l'anversois Henri de Clerk qui, assez visiblement,s’inspire du tableau de Rubens, et un Rosaire deDe Crayer, très mal placé, soit dit en passant.M. Jules Vanden H erde, le jeune architecte gantois,vient de remporter le prix du concours de Gand.«A c a d é m i e r o y a l e d e B e l g i q u e . — Classe desBeaux-Arts. P r0gramme du concours pour 1898. Partielittéraire. Première question. Q uelles sont les analogiesou les différences qui existent entre l’allégorie et lesym bole? Etablir et caractériser, par des exem plesempruntés à l’histoire de la peinture, les élém entsessentiels qui rapprochent ou distinguent ces deuxconceptions esthétiques.Deuxième question. Faire l’histoire de la céramiqueau point de vue de l’art, dans nos provinces, depuis leXVe siècle jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.Troisième question. Ecrire l’histoire des édifices construitsplace de l’H ôtel de V ille à Bruxelles, après lebombardement do 1695. Exposer les faits, donner uneappréciation esthétique des bâtiments et faire connaîtreleur importance au point de vue de l'histoire dustyle architectonique auquel ils appartiennent.Quatrième question. Faire l’historique de la partiespécialement musicale de la chanson flamande (originedes mélodies et des formes rythm iques), depuis le hautmoyen âge jusqu’aux temps modernes.L a valeur des médailles d’or présentées comme prixsei'a de huit cents francs pour la première question, demille francs pour la deuxième, pour la troisième et pourla quatrième question.L es mémoires envoyés en réponse à ces questionsdoivent être lisiblem ent écrits et peuvent être rédigésen français, en flamand ou en latin. Ils devront êtreadressés, francs de port, avant le 1er juin 1898, à M. leSecrétaire perpétuel, au Palais des Académies.A rt appliqué. Gravure en taille-douce. On demande leportrait en buste, gravé en taille-douce, d’un B elgecontemporain, ayant une notoriété reconnue dans ledomaine politique, administratif, scientifique, littéraireou artistique.L e prix sera de 800 francs.Sculpture. On demande un bas-relief (à figures deminature)représentant la Belgique recevant les Nationsétrangères à l’occasion de l’Exposition internationalede Bruxelles.L e prix sera de 800 francs.L a commune de H uyssinghen-lez-Hal ouvre un concourspour la construction d’une école de garçons. Onpeut se procurer le programme et le plan du terrain àl’Administration communale de Huyssinghen. Rem isedes projets avant le 1er avril 1898.Une exposition de peintres néo-impressionnistess’ouvrira en septembre prochain, à Berlin, sous lesauspices du comte de Kessler.M . Van Rysselberghe est invité en outre à réunir unensem ble de ses œuvres du Künsterhaus de Viennequi sera inauguré au commencement de l’hiver.Jeudi 25 février, s’ouvrait au musée, la quinzièmeexposition de la L ibre Esthétique. A u prochain numéronous donnerons un compte-rendu de cette intéressanteexposition. A u prochain aussi la reproduction del’affichette — très remarquée et si jolie de couleur —de M. Gisbert Combaz.

" LA LUTTE " revue catholique d’art Directeur: G. RAM AEKERS,114r u e F r a n k l i n S e c r é t . d e r é d a c t i o n : E d o u a r d N E D , 3 4 , r u e d uConseil, paraîtm Bruxelles ensuellem entA R T & D É C O R A T I O N L al i v r a i s o n : 2 f r a n c s R e v u emensueled’Artmoderne Directeur:Thiébaut-Sison,13,rueLafayete,ParisTHESTUDIORevueanglaised’ArtetdeDécorationLalivraison1fr.50.—Unan18frs.5,HenrietaStret,CoventGarden,LONDRESTHEARTISTRevueanglaised'Art&deDécoration.—Lalivraison,1.50fr.;unan,18francs.2,WithehalGardens,LONDRES— DEKORATIVEKUNSTRevuealemanded’Artdécoratifmoderne,éditéeàMunichDeutscheKunstundDekorationRevued’Artdécoratifalemand,éditéeàDarmstadt.ONS’ABONEACESRÉVUESCHEZM.DIETRICH&Cie,Editeursd’ArtMONTAGNE L’EfortREVUEMENSUELED’ART.—DIRECTEUR:JEANVIOLIS3,RueSainte-Germaine,PARIS.LaProvinceNouveledirecteur:LaurentSAVIGNY.43,ruedeparis,AuxereL’ŒuvreREVUEMENSUELED'ART.—DIRECTEUR:JULESNADI,VALENCE-SUR-RHONEDeDELACOURBRUXELES1,BoulevardesCapucines,PARISUnan:V l a a m s c h e S c h o o lr e v u e me n s u e l l e d ’ a r te tD E L I T T É R A T U R E . —D i r e c t e u r: P O L D E M O N TR e m p a r t d el a P o r t e d u R h i n ,ANVERS Vientd eP a r a î t r e A U B E S E TC R É P U S C U L E Sp a r P R O S P E RR O I D O T B e a uv o l u m e i n - 1 2 c a r r és u r p a p i e r f o r t P r i x : 2f r a n c s a v e ct i t r ee t f r o n t i s p i c ep a r E l i eEN VENTE CHEZ LES PRINCIPAUX LIBRAIRES

P.-L. MOLITOR IMPRIMEUR-EDITEUR * RUE LONGUE VIE 36BRUXELLES

1re ANNÉE. N° 3 .LA GERBER e v u e d 'A r t d é c o r a t if e t d e L it t é r a t u r eSOMMAIRE :E D G A R B A E S : Ondulations et volutes.S . PE LSEN EEK : Léopold Van Strydonck.P A U L H A M ESSE : Le Salon d'A rt idéaliste.P A U L H A M ESSE : Au Cercle Artistique.G. R .:Le Salon de la Libre Esthétique.Les livres. — Les revues. — Cà et là.Chronique musicale.IL L U S T R A T IO N Sd e M M . L é o p o l d V a x S t k y d o n c kF r i t z R e n t s c hCO NSTANTIN M EUNIER, GUSTAVE STRAUVENI. et C. B r in c k m a n nB in g e t G R ö n d a l h , J. d e V r ie sP a u l H a n k a r , e t c .P. L. MOLITOR * IMPRIMEUR-ÉDITEUR * R U E LONGUE VIE 36 BRUXELLESCe numéro : 1 franc

LA GERBERevue mensuelle d’Art décoratif &de LittératurePRINCIPAUX COLLABORATEURS ;Jo h n W . A l e x a n d r e . — A n t é n o r A l l a r d . — A l b e r t B a e r t s o e n . — E d g a rB a e s . — A l b e r t B e r t h e l . — P i e r r e B r a e c k e . — F e r d i n a n d B o b e r g . — I d a e tC a r l o t t a B r i n c k m a n n . — A l b e r t C a s t i l l e . — A l b e r t C i a m b e r l a n i . — E m i l eC l a u s . — M a r i e C o l l e t t e .— G i s b e r t C o m b a z .— O m e r C o p p e n s . — A l e x i s C r a e s .— P o l C r a p s . — A d o l p h e C r e s p i n . — J e a n - G u i l l a u m e D e V r i e s . — A l b e r tD u e s b e r g — O m e r D i e r i c k x . — G e o r g e s F i c h e f e t . — M a u r i c e G o o s s e n s . —L é o n G o v à e r t s . — A . G r o o t h a e r t . — K a r l G r ô s s .— A d o l p h e , P a u l e t G e o r g e sH a m e s s e . — P a u l H a n k a r . — A l e x a n d r e H a n n o t i a u . W i l l e m H o l s . —Ja c q u e s Ja c o b i . — R . E v a l d r e . — L é o n F r é d é r i c . — P i e r r e K e s s e l . — G e o r g e sL e m m e n . — L o u i s M a s u r e . — O c t a v e M a u s . — P a u l M u s s c h e .— O t t o E c k m a n n .H e n r i O t t e v a e r e . - G e o r g e s R a m a e k e r s . - E . Pe l s e n e e r . — E l i e e t H e n r iR o i d o t . — A r t h u r - R o g i e r s . — F r i t z S e e l d r a y e r s . S t r e b e l l e . — L o d e w i j kS t e y a e r t . — L o u i s St r u y s . — F r i t z R e n t s c h . — T h é o V a n R y s s e l b e r g h e . —B i n g e t G r ô n d a l h . . — C o n s t a n t i n M e u n i e r . — A r m a n d V a n W a e s b e r g h é . —F é l i x V e r s c h a v e . — J u l e s D e s t r é e . — P a u l Ja s p a r . — E d o u a r d T o u r t e a u .— L é o n S n e y e r s . — J u l e s d u Ja r d i n . — J o s e p h M i d d e l e e r . — Je a n D e l v i l l e . —L é o p o l d V a n S t r y d o n c k . — E d m o n d M o d a v e .A B O N N E M E N T S .B E L G IQ U E : Un an, 10 francs. — E T R A N G E R : Le port en sus.Adresser les abonnements à l’Administration de la Revue.ADM INISTRATIONToutes les communications concernant le service de la revue (règlements, annonces, abonnements,ventes, dépôts, changements d’adresse, etc.) doivent être adressées à l’éditeur, M. P -L . MOLITOR, 36,Rue L ongue-V ie, B ruxelles.RÉD ACTIONToutes les communications concernant la Rédaction de la revue (dessins, manuscrits, photographies,rectifications, etc.) doivent être adressées à l’une des adresses suivantes:7, Rue de la P ép in ière — BRUXELLES - Rue d'IrlandeLes manuscrits non insérés ne sont pas rendus. — Il géra donné un compte rendu de tout ouvrage dont unexemplaire parviendra à la Direction.REPRODUCTION D ’A R T IC L E S & DE G R AVU R ESLa reproduction des articles, dessins et gravures est absolument interdite, même avec indication desource de provenance, à moins d’une autorisation de la Direction.N .B . — Les auteurs sont seuls responsables de leurs écrits.PUBLICITÉPour les annonces, réclames,, etc., à insérer dans la Revue, demander les tarifs spéciaux et renseignementsà l’Éditeur, M. P .-L . MOLITOR', 36, rue L ongue-V ie, Bruxelles.

LA GERBEREVUE D’ART DÉCORATIFOndulations et volutesDa n s chaque style décoratif, il y atoujours certains détails spéciauxqui, à première vue, le caractérisentmieux que ses éléments les plus importants.C ’est de ces accessoires caractéristiques ques’emparent les pasticheurs ou les caricaturistespour faire tomber les meilleures initiatives.En toute œuvre il y a le fond et laforme, pour mieux dire : le squelette ou l’ossature,et les fleurs dont on l’embellit. (N eparlons pas de muscles, ils servent aujourd’huià autre chose qu’à l’art.)Depuis que la liberté est venue jeter labride sur le cou de l’inspiration moderniste,les fioritures ont gagné en importance, mêmesur cette ossature qui est l’échafaudage indispensable,et plus d’un ne paraît pas songerque c ’est du bloc de marbre que l’on faitjaillir les créations fantaisistes et que l’on nesaurait bâtir sur le Rêve.N os Flam ands de la Renaissance, commtous nos devanciers, n’admirent jamais laforme sans le fond et dans les compartimenta,les luxuriantes arabesques, les rocailles, lesfantaisies du rococo, toujours l’architecture fila loi aux arts du décor, à la sculpture qufait corps avec elle, comme à la peinture qula supplée, ou la cache, ou l’égaye.A la suite de l'art anglais qui a puisé dansla calligraphie, la miniature, l’aquarelle aumoins autant que dans ses formes architectoniquesanciennes, le goût qui nous composeinsensiblement un style, nous oublions peu àpeu cette prépondérance de l’art de construire,et c’est même cet oubli (qui est uneétourderie au point de vue classique) quidonne aux créations nouvelles ce cachetd’originalité téméraire et fantaisiste que nousregretterions de voir se perdre. On veut duneuf, en effet, aujourd’hui, avant même quele récent ait cessé de plaire; mais cette ornementationsinueuse, entortillée et capricieusedans ses enroulements, qui s'unit si harmoniquementavec les rêveries de Thorn Prikkercomme avec les illustrations de W alter Crâneou les motifs outrés de nos affiches, semblesi bien approprié aux exigences ultra modernes,si amusante en notre spleen, qu’il faudraitun m otif rigoureux pour la rejeterdéjà.Or, ce motif, nous le voyons poindre àl’horizon! Cette aimable fantaisie sera éphémèresi l’on ne se rend pas un compte exactdes nécessités architecturales ; car on a prisl’ornementation à rebours, et jamais la broderiene pourra imposer ses caprices à l’étoffequi doit la supporter.Déjà nous avons remarqué que l’idée raisonnéedoit être la source de tout effort décoratif,fût-il libre, licencieux, désordonné enapparence. De grands exemples sont là poulieprouver.C ’est que la licence n’est qu’une ruse d’artiste,un artifice auquel le spectateur se laisseprendre, mais qui couvre la réflexion et lavolonté.Or, c’est de la licence que cette avalanchede volutes, de lianes, de spirales d’orchidées,de serpentins aux mille formes enchevêtréesque l’art contemporain lance, en guise deconfetti sur notre génération aux aspirationsun peu carnavalesques ! C ’est charmant, maisà une condition : celle de signifier quelquechose de plus qu’un gracieux amalgame de

70 LA GERBElignes et de déliés à main levée, à la façonjaponaise. Cette signification sera bientôtindispensable, car déjà, à Paris par exem ple,on tente d’étudier par espèces, analytiquement,chaque élément du décor : le s animaux,les plantes, etc. C ’est donc encore de Parisque nous viendra la lumière. Il s’ensuivranaturellem ent la tendance à traduire uneidée, une passion, une intention d’ensemble,par ces éléments une fois connus. A u lieu delignes ou de rubans calligraphiques, on verrala sangsue, la couleuvre, le tœnia même, etune foule d’êtres bizarrement vrais, renforcerl’aspect à la fois plastique et psychique desfleurs exotiques, des cobées, des lianes, et cesgroupes seront voulus, répondront à unpourquoi qui n’ôtera rien à leur charme. U nchiffre de majuscules entrelacées, qui estm otivé, n ’est-il pas aussi intéressant qu’unevolute de hasard ? Evidem m ent, il seraitabsurde d’exiger qu’un art qui date à peinede quelques années soit com plet et répondeà tous les désirs !N otre période décorative en est évidemmentencore à ce qu’on nomme en botanique :les cotylédons, apparence embryonnaire de laplante vivace qui se couvrira bientôt d’unedurable floraison. Aussi, en constatant ici quele type d’architecture moderne auquel doits'appliquer intim ement le décor nouveaun’est pas encore définitivem ent trouvé, ilfaudra que nous y ajoutions comment il sefait que l’école naissante sera forcém entpourvue d’une double formule architecturale,ce que nous essayerons de démontrer prochainement.E D G A R B A E S .A FFIC H E A N G LA ISE.(Extrait de Das Moderne Plakat.)L é o n a r d R a v e x - H II I .

R E V U E D ’A R T D É C O R A T IF 71GROUPE DE SIX MAISONS POUR ZURICH.G u st a v e S t a u v e n , a r c h it e c t e , B r u x e l l e s .

72 LA GERBEAu Cercle ArtistiqueRe p r o d u c t i o n d e f r e s q u e sd ’ a p r è s l e s m a î t r e s i t a l i e n sDU X I V e E T DU X V e S È IC L E , P A RG . g u f f e n s . — Ces fresques italiennes dontG. Guffens nous présente d’intéressantesreproductions doivent certainem ent gagner àêtre vues dans les superbes palais italiens.Transportées dans l’étroite salle du « CercleArtistique », accolées les unes aux autres, ellesparaissent écrasées. Néanm oins on peutadmirer la belle composition, l’ensembleparfait de la fresque de Giotto. L a fu ite enEgypte, exécutée dans la chapelle de l’arénaà Padoue.D ’après B otticelli, plusieurs to ile s nousmontrant le dessin caractéristique du grandmaître italien: Une Fem m e portant un fa g ot,un groupe de six têtes, un enfant, deux têtes,fragment de la fresque L a vie de M oïse. U netête d’homme. Ces peintures sont exécutéesd’après les fresques qui ornent la chapellesixtine au Vatican.D ’une allure superbe sont les portraits deLuca Signorelli et de Fra A ngelico, fragm entde la fresque L ’ A nte-Christ, exécutée parSignorelli dans la chapelle San-Brizio, audôme d’Orvieto.Citons égalem ent la parabole des aveugles,qui contraste étrangement au milieu des fresquesitaliennes,, par sa vie, son impressionnanteréalité ; toutefois la couleur ne nousrappelle pas du tout l’incomparable richessede ton de Breughel.pluie, la nuit, le soleil éclatant, tout celafrappe cet artiste et dans ses toiles il exhaltetoute son admiration pour la nature.L e Coup de vent est une œuvre de maître ;le ciel roule de gros nuages, les arbres setordent sous le souffle puissant du vent, lesbranches cassent, les feuillent et les herbessont balayées par la rafale. Ce spectacle estémouvant.Em ouvante aussi cette N u it toute im périeuseet romantique. L ’eau qu’argente unrayon de lune reflète les lourds chalandsendormis. On se trouve vivem ent impressionnédevant cette grande sérénité.D ans la matinée et le Repos sont deuxtoiles d’une richesse de tons incomparable;c’est la nature étalée dans toute sa débordantefécondité, c ’est le soleil perçant lavoûte des feuilles. Derniers rayons est unetoile impressionnante pleine de maîtrise. Letroupeau rentre harassé tandis que les dernièreslueurs du soleil incendient l’horizon.Les ombres de la nuit se m ontrent déjà.Citons encore parmi les œuvres de cetteintéressante exposition le Coup de collier, d’unbeau m ouvement ; A marée base ; drèvedes hêtres, le Retour à la ville, Dernièreslueurs. P A U L H A M E S S E .E x p o s i t i o n F r a n s C o u r t e n s . — D enombreuses toiles du sympathique paysagisteornent la grande salle du « Cercle », plusieursont déjà été vues et admirées, mais on aimeles revoir, on aime subir à nouveau cetteenivrante impression du plein air.Courtens est un artiste inné. L a naturel’émeut puissamment ; avec m aîtrise il traduitson émotion, sans théorie aucune !N e cherchez pas dans ses œuvres des penséesélevées, de hautes conceptions ; seulsl’enthousiasme et la fougue y dominent. L event, les bourrasques de neige, l’aurore, laCO U VER TU R E DE L IV R E

R E V U E D ’A R T D É C O R A T IF 73b ijo u x . L é o p o l d V a n S t r y d o n c k , B ruxelles.

74 LA GERBELéopold Van StryclonckUN jeune, celui-là, un vrai, aux tentativesnouvelles et hardies de lapensée et de la forme. Nous nousexpliquons : ces arts si délicats, si charmants,de l’orfèvrerie et de la joaillerie suivent legrand m ouvement moderne, la grande évolutionartistique actuelle.Il serait oiseux, croyons-nous, de refaireici l’historique com plet du bijou : nous pourrionsrappeler toutefois son développem enten un large essor après la Terreur, mais abandonnédès lors, malheureusement, en desmains peu scrupuleuses, dont le seul souciconsistait à enchâsser le plus de pierres possibleafin de satisfaire un appétit de lucre etsans nul souci de donner au bijou son véritablecaractère qui est d’om er, d’enjoliver ou derehausser d’une manière caractéristique etartistique en même temps, la beauté, la grâcede la personne qui le porte.A voir les différents bijoux exposés au« Cercle artistique et littéraire », on assistevraim ent à la renaissance d’un art où nosancêtres ont excellé il y a quelques siècles.Van Strydonck assimile le travail rationel àl'im agination; nul détail n’est abandonné àl'im prévu et il se dégage de l’ensemble uncharme exquis. L e but de l’artiste ici est defaire de chaque pièce une œuvre d’art : lapierre n’est qu’un accessoire qui sert à faireressortir la tonalité générale du bijou où elleest em ployée et à donner de l’importance àun détail. D es patines m erveilleuses sontobtenues, qui ne donnent pas les duretésqu’on évite rarement en em ployant lesémaux, car les contours obligés pour la délimitation de ces matières donnent des duretésqui font bien souvent tort ou qui nuisent àl’effet final: mais ceci est un champ de discussionsdont nous laisserons juges les maîtresen la matière.Regardez dans la broche les M asques, l’expressionde douleur des têtes dans leur minusculegrandeur, le travail largem ent traité del’ensemble et la patine faisant ressortir tousles détails ; l’emploi de la pierre, qui a uneraison d ’être, suspendue dans la bouche grim a­çante d’un des masques.Cette Nymphe délicatem ent ciselée et formantun si jo li ensemble avec le feuillagegrim pant autour d’un ornement à caractère.V oyez cette Chimère à tête d’oiseau deproie, dont la queue se contourne en produisantune ligne dont le côté pratique n ’est pasnégligé.Van Strydonck est un jeune qui, avec lesLalique, les M ayer, les H irzel et d’autresencore, a connu les difficultés que rencontrenttous ceux qui, se sentant quelque chosedans le cerveau, ont cherché à vaincre lesbarrières d’égoïsm e auxquelles se sont heurtéstant d’autres artistes; il est de ceux quiréclam ent le plus chaudement un art nouveauqui ne soit pas la copie ou le pâle reflet dupassé : il appartient à la jeune élite qui innoveet qui réussit.E D . P E L S E N E E R .Chronique musicaleJE U D I 31 mars 1898 a eu lieu, à la salleRavenstein, la 4me séance de musiquede chambre du « Quatuor Zinnner ».Programme très intéressant, surtout leconcerto pour deux altos de J.-S. Bach, parM M Léon Van H out et N estor Lejeune.Ces deux artistes ont interprété cette belleœuvre avec un grand souci d’art.Trio à cordes en sol majeur, op. 9, et quatuoren si bémol majeur, op. 130, de L . vonBeethoven, deux belles œuvres du maître.En un mot, soirée très intéressante et bonneexécution.Nous présentons nos vœ ux les plus sincèresau jeune quatuor.M algré la belle rénovation architecturaleactuelle en Belgique, la ville de Verviers vase doter d’une nouvelle école de musique(bâtiments infects).L es plans de cette vulgaire maison sontm ieux conçus pour une fabrique que pourtout autre chose.Comment le Conseil communal a-t-il eul’abberration d’adopter pareil monstre?L . B.

REVUE d ’a r t d é c o r a t i f 75CAN D É LABRES. L é o p o l d V a n S t r y d o n c k , B r u x e lle s .

75 L A G E R B EPO R TRAIT.(The Artist.)J o h n W . A l e x a n d e r .

R E V U E D 'A R T D É C O R A T IF 77TA PISSE R IE .F ritz R e n t s c h , D r e s d e .

78LA GERBEMAISON POUR L A P L A C E COLLIGNONA SCH A ERBEEK-BRU X E LLESA. G r o o t h a e r t , arch., Bruxelles.

REVUE D’ART DÉCORATIF 79MAISON RUE L E B E A U , A BR UXELLES.P a u l H a n k a r , a r c h ., B r u x e l l e s .

80 LA GERBELe salon de la « Libre Esthétique »banales et de leurs plats fleuris, les noblesblancheurs des neiges septentrionales, le bleufoncé des eaux marines et le gris cendré desciels morts. E t pourtant leurs poteries sontd’un aspect qui les fait enviables.L’a f f i c h e annonciatrice de ce salon Mais toutes ces choses sont bien coûteusesoù dans le gracieux caprice d’un et bien distantes du populaire. A quand doncdécor fleuri un paon majestueux « l’A rt pour les petits ? », l’ art socialiséétalait l’orgeuil de son plumage, me fit augu­qu’Edmond Picard eût grand raison de pré­rer un réel progrès chez Gisbert Combaz.Son envoi à la « Libre Esthétique » outre passacette espérance... Comment ne pas aimerGrasset lorsqu’on aime Oukousaï? Com ­ment ne pas aimer Oukousaï quand on aimeGrasset? M . Combaz nous fit trop devinerjadis ses affections. Mais à présent sa personnalitése dégage des influences, sa volontés’affirme d'être lui. Les céramiques qu’ilexposa, et dont une frise est ici reproduite,ont l’opulence des polycrom ies orientales,mais on y sent la louable tendance à lamodernité.Brodeur expert en son art autant que coloristeexquis, M. Fritz Rentsch dessina luiaussi un paon au chatoyant plumage, maisc’est, ici, dans la candeur des lys, que seperche l’oiseau fastueux et fier... J’admireencore les Iris et les Pavots du même artiste.Dans la tapisserie de M . Eckm ann (deBerlin) c’est la simple blancheur des cygnesqui descendent sous le bois calme, par leruisseau que l’ombre assombrit. Cet artisteexposa en outre des cuivres et ses deux chandeliersde fer (ne pas lire chancelier de fer 1)sont d’heureuses interprétations de plantes,aux recourbes harmonieuses. D e M lles Ida etCarlolta Brinckmann (de Hambourg), destapisseries dont j ’aimai surtout D igitale blancheet des broderies où se reconnait la délicatesseminutieuse des doigts féminins. Lesexcellents sculpteurs danois qui travaillent lacéramique pour la maison Bing et Groëndahlet pour la manufacture royale de porcelainesde Copenhague semblent affectionner dans lecoloris de leurs vases, aux élégances pointconiser récemment, au Congrès littéraire deBruxelles ?...J’allais oublier dans la salle d’art décoratif,les beaux vitraux de M . Evaldre et c’eût étécrime. Ses papillons sont m erveilleux delumières colorées. Mais le visage de la Junonmanque de style, et discorde dans le décor.La peinture de chevalet à laquelle, il tauttrop souvent reprocher l’insouci du style,m’apparut plus faible que les années précédentes.Des envois importants, tels ceuxde Van Rysselberghe et le tryptique deFrédéric s’imposèrent à l’attention. Je ne suispas ennemi du « pointilisme » qui donna nésimpressions très savantes parfois, mais lescrudités de M . Van Rysselberghe font mal àla rétine. Son dessin est très étudié, très préparé,mais c’est dans le paysage que ses donsse révèlent le plus heureusement. Ses portraitsson exécutés avec brio ; hélas ! lecoloris abrège toute contemplation.Dans la Nature de Frédéric, l’ensemblefait tort aux détails. Les plis de ses étoffesrappellent étonnenment ceux de Botticelli.Trop de fleurs! vraim ent! Trop de fleurs!Mais quelle science! Léon Frédéric est unnoble peintre qui signa de plus belles œuvresque celle-ci. L e portrait peint par JohnW . Alexander charme par sa m élancolierêveuse. Robert Picard a quelques lointainesaffinités avec H enry de Groux.L a Femme se grattant de Georges M o­renne me semble un « sujet » peu pictural.Quant à notre glorieux sculpteur ConstantinM eunier il se fit admirer une fois de plus.R. G.

L ES TRAVAILLEURS DE LA M ER.La Gerbe (mai 1898)C o n s t a n t in M e u n i e r .

R E V U E D’A R T D É C O R A T IFSiPO T ERIES DANOISES.B i n g e t G r o n d a h l , C o p e n h a g u e .l a n a t u r e (Panneau central). L éon F r é d é r i c , Bruxelles.

82 LA GERBEBRODERIEIda et C a r l o t t a B r i x c k m a n n , Hambourg.

REVUE D’ART DÉCORATIF «St a p i s s e r i e .F r i t z R e n t s c h , Dresde.

84 LA GERBEVITRAIL D’APPARTEMENT.R. E v a l d r e , Bruxelles.

REVUE D’ART DÉCORATIF85Çà et làUne société anonyme « L ’Entreprise » présente unprojet de grande artère reliant le bas de la ville deBruxelles à la place Poelaert.L ’idée est digne d'intérêt, mais de grâce, que l’onn’exécute pas les façades qui déshonorent ce projet.Un des plus vilains quartiers de Bruxelles est certes lequartier de Ten-Bosch, sis à Ixelles. A peine y remarque-t-onquelques maisons dont la façade est passable,presque toutes les rues sont composées de maisons horribles,abominablement plâtrées.Toute la faute incombe à la « Ligue des intérêts matérielsde Ten-Bosch » qui compte dans son sein un tasd’entrepreneurs-maçons qui se mêlent de construiresans le concours d’architectes capables. Ces affreusesbicoques décorent les rues du Bailli, de l'Aqueduc, laplace du Châtelain, la rue Simonis, etc. S'il fallait choisirentre les huttes des Hottentots et les baraques de Ten-Bosch, nous opterions volontiers pour les huttes.L a rue Lebeau, à Bruxelles, possède deux maisonsbien dignes d’attention ; l’une émane du talentueuxarchitecte Victor Horta et l’autre est conçue par legrand artiste Paul Hankar. C ’est cette dernière quenous reproduisons dans ce numéro. L a façade, d’unegrande simplicité de lignes, est une œuvre pleine degoût; l'ensemble forme un tout harmonieux et les détailsingénieusement traités selon les lois de la constructiondonnent à cette œuvre un cachet d’originalité.Peu d’architectes utilisent le fer avec autant derecherche et de logique que Paul Hankar. Les troisbalcons superposés de lamaison rue Lebeau en sont unepreuve évidente.Adolphe Crespin a décoré au sgraffito plusieurs panneauxde cette façade et a parfaitement réussi à collaborerdignement à l'ensemble architectural.Nous reproduisons un groupe de maisons à construireà Zurich par le jeune architecte belge Gustave Strauven.Les six bâtiments sont destinés à des maisons decommerce. Ce groupe de maisons forme un bon ensembleet les détails dénotent une profonde recherche. Lesplates-formes de la toiture permettront aux locatairesde jouir du magnifique spectacle que la nature offre ence séjour délicieux qui a nom Zurich.Le porte-montre, composé également par GustaveStrauven, est fort intéressant. Il est rare de voir unobjet en bois découpé traité avec plus d'originalité et delogique.forme des arcs mi-plein-cintre, mi-ogive est fort élégante.M. A. Groothaert est un artiste plein d’avenirqui ne manquera de doter Bruxelles de nombre de constructionsde bon goût, du genre de celle que nous reproduisonsde lui.Belle stylisation dans le papier-peint de Jean-Guillaumede Vries. Peut-être peut-on lui reprocher un peutrop de fouilli, mais c’est là une opinion personnelle.Les tons employés, le rose, le bleu et le vert donnent uneffet harmonieux.Les Livres« Das M oderne P la k a t (1) » par L ou is S p o n s e l .(Gerhard Kühtm ann, éditeur à Dresde). — Dans notrepays nous sommes habitués à voir les livres édités enFrance mais nous ignorons les belles publicationsque produit la Germanie moderne. Munich, Darmstadt,Leipzig, Berlin et Dresde possèdent un grandnombre de maisons d’éditions d'art publiant des livressomptueux, nous révélant le vouloir de faire beau.Un des plus renommés éditeurs d’Allem agne, M G erhardKühtmann, à Dresde, vient d’éditer en un superbevolume le bel ouvrage dû à. la plume de M. LouisSponsel et intitulé Das Moderne Plakat ( l'AfficheModerne).Les plus remarquables œuvres des artistes affichistesde tous pays, sont reproduites en ce livre d'art.A ux premières pages s'admire l'affiche japonaise.Suivent de savantes études sur l’affiche moderne enFrance, Belgique, Angleterre, Amérique, Allem agneet Autriche-Hongrie, Suède et Norvège, Hollande,Espagne et Italie.Remarquez les célèbres affiches de Chéret Les troisMousquetaires, La Terre et nombre d’autres du mêmeartiste.Des affiches signées Pal (Jean de Paléologue).Bien caractéristiques les affiches reproduites en couleur,sur papier lort et en hors-texte, de MM. JulesChéret, Henri Guérard, Henri de Toulouse-Lautrec,Caran d’Ache, Théophile-Alexandre Steinlein, LucienM étivet, Eugène Grasset et Victor Mucha que noussommes étonnés de voir figurer parmi les Français, luiBohémien.L ’affiche belge y tient un noble rang, étant réprésentéepar des affichistes tels que MM. H. Cassiers,E . Duyck et Crespin, Privat-Livem ont, Léon Dardenne,Victor Mignot, Fernand Toussaint, AugusteDonnay, etc., etc.Quoique influencée de Renaissance, la façade destinéeà la place Collignon, à Schaerbeek-Bruxelles et due àM. Groothaert, ne manque pas de cachet moderne. La(1) Das Moderne Plak at est en vente chez MM. Dietrich et C ie,éditcurs-libraires, Montagne de la Cour, Bruxelles. Pri x de l'ouvragecomplet : 60 M ark t.

86 LA GERBEHuit affiches belges sont reproduites en couleur surpapier fort et en hors texte, elles sont signées AdolpheCrespin, Théo Van Rysselberghe, Henri Meunier,Em ile Berchmans, Gisbert Combaz, Armand Rassenfosse.L ’Angleterre est bien représentée et nous remarquonsavec quelle grâce les artistes britanniques stylisentla figure, la faune et la flore.Presque toutes les affiches américaines sont dues àMM. Louis J. Rhead, Edward Penfield, W ill H .Bradley.M. Laeuger est certes un des meilleurs affichistes ducontinent, parmi les autres artistes allemands dontles œuvres paraissent dans Das Moderne Plakatcitons M M . Nikolaus Gysis, Otto Fischer, O tto E ckmann,A ngelo Jank, Hans Christiansen, Hans Unger,etc., etc.Énum érer toutes les fraîches affiches reproduitesdans le bel album qu’est Das Moderne Plakat, albumque tout artiste, et que tout amateur voudra posséder,serait fastidieux. Publié par livraisons, cet ouvrage estvenu maintenant à parution complète. On y compte52 planches en couleurs sur papier fort et hors-texte etjusqu’à 266 reproductions en photo-gravure.A .V .W .Les Revues« S tu d io ». — Numéro de mars 98. Plus de centillustrations. Trois planches en couleur de MM. Granville-Fell,Alexandre Charpentier et F . Aubert, FrançisJourdain.Une magnifique lithographie de Joseph Pennell.Très intéressante biographie de T . C. Goth, un peintrede talent; ses œuvres sont pleines de sentiments, d'unetechnique irréprochable et dénotent un puissant assautvers l’Idéal.PORTE-MONTRE EN BOIS DÉCOUPÉ. G u s t a v e S t r a u v e n , B ru x e lle s.

REVUE D’ART DÉCORATIF87The work o f Charles Keene publié chez M. T. FisherU n vin, éditeur à Londres, est encore à signaler en cefascicule, l'un des plus remarquables parmi ceux queStudio, la revue d'art par excellence, a fait paraîtrejusqu’à ce jour.« Deutsche Kunst und Dekoration ». (AlexanderKoch, éditeur, Darmstadt.) Numéro de mars 1898.—Pleine d'intérêt cette livraison consacrée presqu'entièrementà la potterie de Théo Schmiz-Baudiss, Max L äuger,Meissen, manufacture royale de Copenhague, Binget Grondhal.- Ce numéro contient encore nombre d'autres documentsremarquables.« Dekorative Kunst». (J. Bruckmann, éditeur àMunich). — Livraison de mars consacrée à l'artisteanglais C.-F.-A . Voysey, architecte et décorateur derenom. Ses cottages sont forts enviables et plaisent parune élégance unie à la simplicité. Nous aimons surtoutle projet d’habitation destiné à l'artiste lui-même.Outre les nombreuses reproductions d'œuvres architecturalesil nous faut admirer ses meubles et tapisseriesd'une décoration sobre et du goût le plus exquis.« Innen-Dekoration ». (Alexander Koch, éditeur,AFFICHE ALLEMANDE.H. CHRISTIANSENParis.(Das Moderne P lakat.)Des œuvres de Ch. Plumet.qui— très distant de VictorHorta — ne s'en montre pas moins architecte novateurdans ses compositions d'ameublement, de Tony Selmersheim,Henry de Groux, Paul Berthou, qui marchebrillamment à la suite de son maître Eugène Grasset,Miss Birkenruth, Miss Annie Macdonald, etc., etc.Pleines de goût les illustrations de Eleanor F . Brickdale.De M. E. Vikström se remarque un buste, œuvre desculpture expressive : Invocation.M. Schmuz-Baudiss accuse une vive originalité dansla composition de ses potteries, il semble connaître à fondles ressources constructives des matériaux dont se sertle pottier.Un beau croquis de Charles K eene, extrait du livrep a p i e r P e i n t . J. G. D e V r i e s , G r o n i n g u e ,

8 8 LA GERBEDarmstadt.)— L a livraison de mars nous vient avec debelles études d'ameublement dûs aux architectes Hartmannet Ebert, des croquis de meubles de H . Friedel.Nous aimons les conceptions pleines de vigueur deWilhelm Michaël, qui traite avec recherche ses meublesoù s'accuse parfois quelque lourdeur.Dans le luxueux salon reproduit en cette même livraisonet dû à M. Wilhelm Michaël, jusqu’aux moindresdétails d'ameublement, tout y est adéquat, original etbeau.« J u gen d ». — Nullement dépourvu d’art — bien queparfois satirique — l'hebdomadaire allemand qui s'intitule: Jugend.Chaque semaine s’enrobe d’une couverture signée parles meilleurs peintres de Germanie; voilà qui nous consoleun peu de trop d'estampes et d'affiches qui déshonorentles livres et les revues.Le n° 14 de Jugend renferme des dessins et croquisde toute beauté dus à MM. Julius Diez, Walther Püttner,Fritz Erler, Félix Hollenberg, Adolf Miinzer,Bernhard Pankok, Otto Greiner, etc.Le n° 15 se vêt d’une couverture dont le dessin est depur art allemand, délicieuse œuvre de M. J. Carben.Signalons en ce fascicule : Un motif de décoration delivre de M. Peler Bauer où la figure et la fleur sontharmonieusement stylées.Vraiment belles les compositions de Fritz Hegenbart,Julius Diez et Fritz Erler.Un coin de paysage de Fritz Rehin toujours interprétédécorativement. Du G . E. Dodge, figuriste detalent.Une décoration de Hans Christiansen, l’artiste allemandtrès apprécié pour ses chatoyants cartons devitraux dont quelques-uns ont paru dernièrement dansDeutsche Kunst und Décoration et dans DekorativeKunst.Nous nous reprocherions de terminer ces quelquesnotes sans citer Angelo Jank, E. L . Hoess, Max Hagenet M. Feldbauer dont les dessins illustrent le n° 15A .V .W .U ne mer calme, un paysage reposant pleinde style s’étoile à l’horizon. Platon parle, sesdouze disciples écoutent le maître.Tout cela est d’un ensemble parfait, le nuest idéalisé ; ce n’est pas du nu vulgaire, dunu qui semble plutôt du déshabillé; c’est dunu noble et serein.Les attitudes de Platon et de ces disciplessont majestueuses. Sans recherche, ces hommessemblent être des dieux, tout est idéalement beau.D e M. Rion le Chant du Cygne, une toileimpressionnante et d’une pensée très élevée,un cigne sanglant se traîne au milieu desronces qui le déchirent tandis qu’éclate sonchant d’éternel adieu.P A U L H A M E S S E .Le “ Salon d’Art Idéaliste „Mi e u x que les théories les plusdéveloppées, mieux que les polémiquesles plus acerbes, le tableaude Jean D elville : l'E cole de Platon exhaltele but triple de « l’A rt Idéaliste », la Beautéspirituelle, la Beauté plastique, la Beautétechnique.D evant cette œuvre vraiment belle du jeuneartiste, tous, même ses détracteurs, sont forcésd'y reconnaître un art supérieur.AFFICHE ALLEMANDE.N IKOLAUS G YSIS.(Das Moderne P la ka t.)

LA LUTTE revue catholique d ’artDirecteur: G . R ama e k e r s , 114, rue Franklin. Secrét. de rédaction : E d o u a r d N e d, 34, rue du Cons e il BruxellesparaitART & DÉCORATIONLa livraison: 3 francs Revue mensuelle d’Art moderne Un an : 20 francsD i r e c t e u r : T h i é b a u t - S i s s o n , 13 , rue Lafayette, ParisTH E S T U D I O Revue anglaise d’A rt et de DécorationLa livraison 1 fr. 50. — Un an 18 frs.S, Henrietta Street, Covent Garden, L O N D R E S■Revue anglaise d'A rt & de Décoration.TH ELa livraison, 1 .50 f r .; un an, 18 f rancs.AR2, W ithehall Gardens, L O N D R E S — 1, Boulevard des Capucines,'PARISDEKORATIVE KUNSTRevue allemande d’Art décoratif moderne, éditée à MunichDeutsc h e K u n s t u n d Dekor at ionRevue d'Art décoratif allemand, éditée à Darmstadt.ONS'ABONNEACES REVUESCHEZMM. DIETRICH & Cie, Editeurs d’ArtM O N T A G NE D E L A CO U R , B R U X E L ES

En vente chez tous les L ibraires on chez GERHARD K UHTMANN. Éditeur à DRESDED A SMODERNE P L A K A Tp a r Je a n - L o u is SPONSELA v e c 52 lith o g ra p h ie s en c o u le u r et 266 re p r o d u c tio n s d a n s le textePrix : 60 Mark; relié en parchem in : 15 M arkGeschichte des JapanischenF arbenholzschnittsp a rW . VON SEIDLITZA v e c 95 reproductions. — Prix : 18 M ark ;M .PflanzenformenVorbildliche B eispielezur E inführung indas ornementale Studium der Pflanze.85 PLANCHES avec texte détail l éP rix : en carton, 68 M arkM E U R E Rrelié : 20 Mark.Etudes VégétalesAPPLICABLES A L ORNEMENTATIONà l’usage des architectes, décorateursdessinateurs, etc.Sera p u b l i é p a r l iv r a i s o n s d e 10 p la n c h e s c h a c u n ep a r a is s a n t à é p o q u e s in d é t e r m in é e s(6 liv r a is o n s m is e s e n v e n t e ) -P r ix : la L iv r a is o n ,6 m arkENSEIGNESCARTOUCHES. CADRESÉ D lT é PARl’E cole spéciale allemande pourTourneurs et SculpteursA L E IP Z IG45 Planches. — Prix : 30 Mark

1ère ANNÉE, N° 4 NOVEMBRE 1898G E R B EL AR e v u e d 'A rt D é c o ra tif B e lg e .SOM M AIRELes Toitures Modernes.E d g a r B a e sPaul Kuhstohs . . . E d . M o d a v eL ’A rt de l’Am eublem ent .E d g a r B a e sCrespin et son Atelier . . M a u r i c e S u l z h k r g e rRevues.Cà et là.Illustrations. — Tableaux. — Ameublements.Décorations.D IRECTIO N : 7, R U E DE LÀ PÉPINIÈRE, BRUXELLESC E N U M E R O : 1,50

L A GERBER e vu e mensuelle d’A r t décoratif belgeDirection : 7, rue de la Pépinière, BruxellesABONNEMENTS.Belgique: Unan, 16 francs aucomptant.. —Par trimestre, 4.50francs.Étranger leport ensus.Adresser les abonnements àlaDirection, 7, rue de la Pépinière, à Bruxelles.RÉDACTION.Toutes lescommunications concernant larédactiondelarevue, rectifications,manuscrits, documents, dessins, photographies, doivent êtreadressés àlaDirection,7, rue de la Pépinière, à Bruxelles.Les manuscrits nesont pasrendus. —Il seradonnéuncompterendu detout ouvragedont trois exemplaires parviendront àlaDirection.REPRODUCTIOND’ARTICLESETDEGRAVURES.Lareproductiondes articles, dessins et gravures est absolument interditemêmeavecindicationdesourcedeprovenance, àmoins d’uneautorisationdelaDirection.N. B. —Les auteurs, sont seuls responsables deleurs écrits.PUBLICITÉ,Pour lesannonces, réclames, etc., àinsérer dans larevue, demander les tarifsspéciauxàlaDirection, 7, rue de la Pépinière, à Bruxelles.

L A G E R B EREVUE D’ART DÉCORATIFLES TOITURES MODERNESLa d ern ière p artie de notre sièclem ouvem enté a été caractérisée parun reto u r vers l’esthétique u rb ain eq u i, d u ran t une lo n gue période, avait été,non pas n égligée, m ais absolum en t m alcom p rise par des gens sans doute dépourvusd’un sens a rtistiq u e q u elconque, et qui nerecu laien t pas devant un van d alism e sansnom , pour rem p lacer par des constructions(com m odes p eut-être, m ais ignobles), lesplus b eau x m otifs laissés par nos ancêtressi p lein s de goût. F aut-il com m e sim p lerap p el, in d iq u e r ici la m u n icip alité deM alines q u i, sous les H ollan dais, avaitconstitué un concours p o u r la d ém olitiondes m aisons goth iq u es entourant Saint-R om bau t et dont quelques-unes en effetont été rem p lacées p ar ce que nous yvoyons actu ellem en t ?Mais il est in u tile de récrim in er ; il s’agitde faire m ie u x , de faire b ien et surtou t dene pas tolérer que, sous prétexte provisoire,on érige encore de ces cassines (économiques ou non) q u i, une fois établies,restent com m e des chan cres in curables, etanéantissent le courage de ceux qui vou ­draient élever de b elles choses dans leu rentourage. En un m ot, le goût m oderne aenfin p ris u ne d irectio n . Il m arch e, com m ela vérité, d it-o n , c’est-à-d ire lentem ent.Le P ourquoi, n’est sans doute pas difficileà trouver. C’est qu’il n’y a pas d’entente,de vues d’ensem ble, de direction nette, etcela parce q u ’il n’y a pas de p rin cip es ; l’artm oderne est fondé su r la lib erté, com m entpourrait-on lu i im p oser des lois ?Mais on peut chercher ses faiblesses, sesdéfauts, ém ettre des vœ u x, p révoir lesnécessités futu res, et surtout étudier lesquestions de goût, qui sont du dom ainegénéral et qui devraient dom in er toujoursdans toute entreprise, parce que toujoursle goût véritab le s’harm onise avec l’u tile,et le durab le. A quoi bon dépenser dessom m es plus ou moins m odestes à édifier desconstructions suffisantes pour le m om en tsur des plans opportunistes, en se disant :« la génération suivante abattra si elle veut,reconstruira selon ses n écessités; ceci noussuffit aujourd'hui » ! Tous les jours, on voitque ce qui nous suffisait h ier, nous dérangedéjà le len dem ain , par l’exigu ïté, la parcimonie, le défaut de prévoyance quiont présidé à l’entreprise. T out le m ondes’étonne à l’aspect du développem ent p ro ­d ig ie u x et continu de tout ce qui sert ànotre p rogrès m oderne, et on ne sauraitconcevoir trop en grand désorm ais, souspeine de se vo ir, dans quelques années,dépassé, a n n ih ilé par un voisin plus hardidans la lu tte de la civilisatio n . N otre vieilleE urop e, déjà, fait l’effet d’une douairièrecaduque en présence des jeunes et auda­

2 LA GERBEcieuses souveraines à m oitié sauvages qui sedressent dans les autres parties du m ondepour n ou s réduire à une sorte d'effacem entet de m isère! Il faut donc repousser lam esq u in erie, et faire p réd o m in er l’A rt dansnos ten tatives; celu i-ci sera plus tard notreégide. C’est dans nos contrées q ui furentdes m usées à ciel ou vert, p o u r ainsi d ire,que les civ ilisatio n s nouvelles devraien tven ir ch erch er les germ es de leu r em b ellissemen t et cela nous est possible, dans lalièvre de p roduction a ctu elle et dans l’abondanced’élém ents q ui nous entourne.P o u r le m om en t, nous ne donneronsq u ’un exem p le p ratiq u e de ce que laréflexion u n ie à une observation dégagéede p arti-p ris p o u rra it p ro d u ire dans l'esthétiqu e de nos v ille s, q ui se tran sfo rm en tsous le jo u g ad m in istra tif, c’est-à-d ire to u ­jo u rs sous la protection de S ain te-R o u tin e,et que deu x in n ovation s (bien sim p les enapparence) p o u rraien t ren o u veler com m easpect, de façon à p erm ettre l'essor de ladécoration m odern e, d’un style abso lu m en tnouveau.P lu sie u rs de nos arch itectes (in utile deles nom m er ici, car il fau d rait en m êm etem p s passer à l’exam en d étaillé de leursconcep tions, ce qui m èn erait trop loin),co m p ren n en t p arfaitem en t et p ar in tu itio net; par scien ce, cette rénovation qui s’im posetou s les jo u rs p lu s â p rem e n t. Des p lan s dev ille m oderne, de constructions o rigin a leset rép ondant à nos désirs et à nos m œ ursd’a u jo u rd 'h u i, ont été exposés (réalisésçà et là, avec le bon v o u lo ir rare d’un p a r­tic u lie r, non d ’un pouvoir constitué) etles exp o sitio n s u n iverselles se succèdent,d ém ontrant tour à to u r p ar q u elq u e monumentép h ém ère, ce que p ourraien t devenirnos cités, ce qu’elles d evien d ront p lu s tard ,sû rem en t.M ais après com bien de p érép ities, deretard s, d’op p o sitio n s? Et ne serait-il paslo giq u e autant que p itto resq u e de favorisercette tran sfo rm atio n en s’attach an t d abordaux points les p lu s difficiles à o b ten ir, àceux q u ’on n églige par routin e, et auxp ro blèm es dont la solu tion seule p o u rra itdéjà o u v rir une écla ircie su r l’esth étiqu ea rch itectu rale fu tu re, ressu sciter le p itto ­resque dans nos villes qui deviennen t degrandes u sin es, et favoriser la création devéritables paysages u rb a in s?G énéralem en t les co n stru cteu rs, dansn otre pays su rtou t, n’ont q u ’une idéequand il s’agit de co u v rir un édifice : sedéfen dre du m ie u x p ossib le et avec lem oin s de frais contre les intem p éries.Un type banal a été adopté depuis quel’ardoise est dém o d ée; c’est la tu ile, q ui adonné lieu à ces affreu x trian gles tou jou rsles m ê m es q ui co n stitu en t la coupe de nostoits. D epuis la m ise en usage du zin c, il ya eu q ueIques écarts à cette règle d’autantp lu s gén érale que le calcu l en était facile aup rem ier m açon ven u , et le ch arp en tier lu i-m êm e peut em p lo yer au squelette d’un toitde m aison de ren tier de sim p les appren tis :cela m arch e com m e su r des roulettes.Ce n’était pas ain si que nos ancêtresen tendaient la ch arp en te, et l’on est saisid’ad m iratio n parfois dans un vétuste g re ­n ier de couven t ou de m asagin en voyantl’in génieuse et solide disp o sitio n de leursferm es et de leu rs arb alétriers. O r, on saitque la charpente a été le germ e des p lu sm agn ifiq u es édifices des G recs et toutautant des constructeu rs du m oyen âge.C’est l'économie des constructions b o u r­geoises qui a donc influ é su r le type desto itu res et par suite su r l’asp ect gén éral desv ille s qui sont vra im en t désagréables àco n tem p ler du h au t d’un m o n u m en t etencore p lu s de la n acelle d’un b allo ncap tif. L ’an passé, des p h otograp h ies deB ru x e lle s ont été prises du b allo n del’E xp osition et, en toute sin cérité, il y avaitde quoi être honteu x d’être B elge ! — Led ern ier tableau de P u v is de C havannesreprésente sain te G eneviève veilla n t su r lacité, c’est-à-d ire au-dessus des toitu res

REVUE D’ART DÉCORATIF 3d’une ville idéale. Le p eintre s’est biengardé d’y m ettre ce type veule de nosm aisons couvertes en tu iles, de m êm e qu’iln’eût jam a is consen ti, s’il avait fait partiede notre conseil co m m u n al, à laisser édifierl’h o rrib le m aison qui dépare tout le panorama de la place du C ongrès. Riais l’esthétiqu e des ville s n’est pas une questiond’adm in istratio n , hélas !Q ue l’on veu ille bien rem arqu er que danstous les p ays, vo ire les p lu s sauvages, lanote p itto resq u e est tou jou rs déterm inéep ar les toitu res : huttes, w ig w a m s, tentes,ruch es, dôm es, terrasses, tou rs et tou relles,toits à q u atre pan s, gables aigu s, tout cequi se découpe su r le ciel, tout ce qui p ro ­voque une lig n e arrêtée au-dessus de nousest in téressan t, attire notre attention etcom m ande l’aspect général d’un paysage.C ’est ainsi q u ’une flèche d 'église, q u ’unem assive to u r ou un cloch er villa g eo is estnécessaire de tem ps à autre dans une vuede cam pagn e. C’est ainsi égalem en t q u ’unea gglom ération qui serait dépourvue devariété dans les to itu res serait écœ urante,aussi m onstrueu se que certaines villes descolon ies, ou de l’A m ériq u e m ercantile,aussi triste que la v ille en zinc dont parlaitdernièrem ent un exp lo rateu r africain :S ierra Leone, si notre m ém oire est fidèle !Le b âtim en t le p lu s o rd in aire est aussitôtrelevé p ar une o rigin a lité de toitu re. C’estle chan gem ent dans le degré de pente pourl’écoulem en t des eaux qui a p ro d u it dansnos F la n d re s les variétés du goth iq u e, dela R en aissan ce, du style esp agnol, et encoreles tran sform ation s étaient anodines.Il est évid ent q u e pas un architecte, àm oin s d’être un Y an kee, n’oserait se risq u erà co u v rir un édifice p u b lic, un m onum entim p o rtan t de la m êm e façon que les en trepreneurs de m aisons bourgeoises s’y p ren ­nent chez nous dep u is près d’un siècle.Cette b an alité absurde révolte tellem entle goût, d ep u is q u ’une m in im e préoccupationesth étiqu e s’in filtre dans les esprits,que les m aisonnettes à hou m arché m êm estendent déjà parfois à co n q u érir une sorted’aspect de villas, que des lu carn es, desm orceaux de pign ons étagés, des ch em i­nées spéciales com m encent, çà et là, àm odifier q uelqu e peu cette u n ifo rm itéennuyeuse (com m e dit le proverbe).Mais ce m ouvem ent devrait se gén éraliseret la réform e devenir radicale pour p ro ­duire un résultat appréciable au point devue du goût m oderne. C ar il faut se rendrebien com pte d’une chose qu'on négligetrop : c’est la m asse des constructions particulièreset non quelques édifices p ublicsqui donne un caractère spécial à une cité,un style à une époque. Ce sont donc lesbâtisseurs et propriétaires de m aisons, lesarchitectes chargés de leu r fo u rn ir les plansqui peuvent, par le nombre, in flu er surl'aspect esthétique, au lieu de s’en rem ettreaux p ouvoirs p ublics. Mais ces dernierssont en m esure, par leurs règlem ents, decontrib u er à cette m odification de 1a silhouettedes couronnem ents d’édifices b o u r­geois, tout autant q u ’ils le font à proposde façades, de balcons, de saillies, et m êm ede construction m itoyenne et intérieure.L’Espagne a dû ses gables aigus, sespignons élancés à des artistes flam ands;m ais elle nous donna les toits form és devoûtes en plate-form e, des plates-form esflanquées de tou relles à crén eaux, des toituresen terrasse com m e à l’hôtel de Pitthemà B ruges. Le pignon historié fut letriom p h e de l 'école flam ande de la R enaissance; les gables aigus donnèrent à F lo riset à De V ries l’occasion de chefs d'œ uvred’ingéniosité et de goût et ils furent suivispar les A n glais, les D anois, les A llem ands.M a is ces gables dataient du règne de l'ogive.N ous pouvons trouver autre chose.A u jo u rd ’h ui, avec le décor m oderne quisem ble devoir influer su r l'architecture aup oint de lui im poser des form es nouvellesen rapport avec les élém ents d’ornem entationo rigin ale qui naissent tous les jo u rs,

4 LA GERBEtous ceux q u i se p réoccu pen t de co n stru c­tions, et su rto u t dans les v ille s, ne sedoiven t-ils pas à eu x-m êm es de rech erch ersin cèrem en t des types q ui p o u rra ien t devenir populaires, économiques et so rtir enm êm e tem ps des habitudes adoptées etconservées p ar in soucian ce ? Ne pourrionsnousvo ir enfin du caractère et un aspectartistiq u e au co u ro n n em en t de nos rangéesde m aisons, et q uand nous som m es écœ u­rés et dégoûtés de ce que nous voyons dansla ru e, 11e d evrion s-n ou s pas p o u voirrep oser le regard su r des lig n es découpantp ittoresq u em en t le ciel?E d g ar B aes.P A U L K Ü H S T O H SN ous avons été d o u lo u reu sem en tsu rp ris en ap pren an t la m ortim p révu e d’un de nos jeu n esartistes les m ieu x doués, P au l K u hstoh s,en levé à vin g t-h u it an s, au m om en t où seréalisaien t les gran d es espérances q u ’ild o n n ait à l ’E co le B elg e d ep u is les q u elq u ed ix ans que ses envois étaient régu liè re ­m ent rem arq u és, tant à nos salons q u ’àceux de P a ris et de l’étran ger.T ou s les q u o tid ien s ont sign alé avecém otio n cette m o rt prém atu rée. T ous lesp ério d iq u es d’A rt ont tenu à retracer lacarrière de l’artiste et à ex p rim er desp aro les de regret su r cette tom b e trop tôtou verte.A notre to u r, nous estim on s que notreje u n e R evue d o it à ses lecteu rs une analysede ce beau talen t, an alyse que notre cadre,p lu s vaste, nous p erm ettra de d on n er pluscom p lète.Né en 1870, P au l K u h stoh s se sent, dèsl’âge de q uatorze ans, irrésistib lem en tattiré par l’A rt. Il dessine et p ein t sansrelâch e, tan tôt seul, tantôt sous la d irectionde P la sk y , quand bien tô t, sa vocationirrévocab lem en t fixée, il va tro u v er C o u r­tens, dont il a d m irait profon dém en t letalen t, et lu i m ontre ses élu d es.De p rim e abord , le m aître p ressen tit enl’en fan t une vérita b le n atu re d’artiste, untem p éram en t de robuste F lam an d , b ien faitp o u r lui p la ire , et il se l’attacha d ésorm aiscom m e élève.C ourtens avait vu ju ste , car dès l’annéesuivante, u n e to ile de K u h stoh s était adm iseà la trien n a le de G and. J’entends encore àce p ropos le R o i, faisan t l’o u vertu re duS alon , to u t étonné de v o ir un si p etit jeu n eh om m e être l’au teu r d’une œ uvre si im p o r­tante déjà, lu i d ire avec un fin so u rire, eten p ortan t le regard successivem en t de l’unà l’autre, com m e p o u r en faire resso rtir lad isp ro p o rtio n : « C om m ent, c’est vous, M onsieur, qui avez fait ce gran d ta b leau? » ...D epuis cette ép oque, K u h stoh s fu t unré g u lie r de toutes nos trien n a les, où l’onrem a rq u a it sa m an ière bien flam ande,vig o u reu se et larg e, encore que trop apparentéep eut-être à celle de son m aître, dontil avait la pâte grasse et p lein e. Mais quoid é to n n a n t q u ’à cet âge, la p erso n n alité nese fû t pas encore dégagée co m p lètem en t?C eux q u i ont suivi de près les effortsde K u h stoh s savent du reste, q u ’en cesd ern ières années, un pas énorm e avait étéfait vers ce but, qu’il a lla it défin itivem en tatteindre.P aysagiste et m arin iste, K u hstoh s étaitavant tout un co lo riste, rech erch an t leseffets p lu tô t que la form e, p eign an t p ourp ein d re, tan tôt u n couch er de so leil, tan tôtune tem p ête, tan tôt un sous-bois ou unpaysage h o llan d ais, p arce q u ’il a im a it laco u leu r p o u r elle-m êm e et q u ’un ciel defeu , une aube rose, un autom n e doré, uneb e lle h arm o n ie rouge et verte de p ra irie etde to itu res h o llan d aises, le faisaien t vib rerd’en th ousiasm e.

L 'OCÉAN.La Gerbe, revue d'Art décoratif belge, n° 4P aul K i h s t o h s .

REVUE D’ART DÉCORATIF 5CEUX DES CÔTES. P a u l K u h s t o h s .LES VIEUX.P a u l K u h s t o h s .

6 L A G E R B ET ra v a ille u r in fatig a b le, il produisit, denom breuses to iles de ce gen re, dont chacunse rap p elle avo ir vu les riches et savoureusesco lo ratio n s. C ependant, à l’étroit surnos côtes, d’où il ne p ou vait étu d ier que lesvagues d éferlan t, rageuses ou calm es, su rla p lage de sab le, ce vrai m a rin is te p rofilad’un voyage en A m ériq u e p o u r fixer à sonretour, en sa toile la p lu s im p ortan te,« l’O céan » , l’im p ression ressentie p ar l’im ­m ensité des Ilots. N ous rep rod uisons celleœ uvre h ors te x te ; on rem arq u era la b elleordon nance de lig n es et la noblesse de stylede cette im p o san te et h ard ie synthèse.Mais peu à peu, le p ein tre se tran sform e,com m e l’a si bien exp rim é L eem p o els, dansle bel éloge fun èb re q u ’il a p rononcé su r satom be : « ... Les gourm es sont je té e s; la» com p réh en sion esth étiqu e de K uhstohs» se développe et la tech n iqu e tem pérée» p ar le sen tim en t et la p oésie s’assagit ;» car le p ein tre dans une h eure h eureu se» et par une fréq u en tation assidue de la» n atu re en surp ren d le m u rm u re m y stérieu x , l’in exp rim a b le, l 'âme enfin, que» désorm ais il s’efforcera de tran sp o rter» vib ran te su r la t o ile ; l’h arm onie s’est» acco m p lie entre l’esp rit vivifian t et la» m a tiè r e , entre le cerveau et la m ain ; dès» ce jo u r P au l K u hstoh s p rit ran g p arm i» les p aysagistes de race. »Il ne p o u vait suffire, en effet, à l’idéal deK uhstohs, de se b o rn er à la représentationu n iq u e du paysage et de la m arin e. Lafigu re h u m a in e, la p lu s noble expressionde l’A rt, d evait le so lliciter; aussi p rend-elledans ses dern ières œ uvres une im p o rtan cecapitale. M ais il n e l’étu d iera q u ’enve lo p p éede lu m ière, en plein a ir, dans l’atm osphèream b ian te des p rés et des plages q ui l’onttoujours- attiré.C ’est à cette époque de tra n sfo rm atio n ,tou te récente, q u e nous devons les œ uvresles p lu s com p lètes de l’artiste. N ous enavons ch oisi q uelq u es-u n es des p lu s typ i­ques, que nous rep ro d u iso n s.V o ici d’abord (1890) un gro u p e dep écheu rs attendan t su r la p lage le reto u rdes b a te au x . Une b arq u e est revenue d éjà ;les autres sont proch es et la vente dupoisson va b ien tô t com m en cer. Les p ersonnagesont bien le u r caractère, et sont enp arfaite h arm o n ie avec le m ilie u où les aplacés l’artiste. C ’est la vie calm e et p a i­sible des H ollandais des c ô te s; à ch aquem arée ils revien n en t là, ch erch er le produitde la pèche q u o tid ien n e, et, ch aq u e fois,grâce aux m ille aspects q u ’offre la m er, lespectacle est nouveau.Voici m ain ten an t « Les V ieux » (1897)que le Roi d’Italie a acq u is à la dern ièreexp osition de V enise. Un in ten se sen tim en tde poésie se dégage de cette œ uvre. Le soirto m b e ; la lu n e, pâle en core, m ontre déjàsa lu e u r fa ib le ; l’heure est bien choisiep o u r le vieu x m arin de q u itte r sa ch au ­m ière et de s’ach em in er vers la d u n e , afind’y revivre ses so u ven irs en regard an tl’horizon . Sa vieille com p agn e su rv e ille sespas ch an celants tandis que lui déjà ne vo itp lu s que la m er, au lo in , q ui l’attire detoute son irré sistib le séd u ction .Il est h eu reu x que K u h stoh s ait eu lajo ie de celle a cq u isitio n qui honore nonseu lem en t l'artiste, m ais aussi l’école flamande dont il contrib u e ainsi à p o rter lerenom en Ita lie .N ous voudrio n s an alyser encore p lu sieu rsdes œ uvres d ern ières de K u h stohs, m aisforce nous e st de nous b o rn er à la re p ro ­d u ction de la p lu s im p o rtan te de sesto iles exposées au d ern ier salon de P a ris.Q u o iq u e les procédés g rap h iq u es ne p u is ­sent [tas ren d re l’effet de co u ch er de so le il,si bien réussi dans cette scène des côtes,nous cro yons intéressan t d’en d on n er larep ro d u ctio n q ui attestera tous les p rogrèsacco m p lis par le vailla n t artiste, tan t aup o in t de vu e de la co m p o sitio n q u ’à celuide la rep ro d u ctio n de la figure h u m a in e.Le p au vre défunt avait m is en cette to iletou t son e sp o ir; il l’avait à p ein e sign ée

R E V U E D ’A R T D É C O R A T IF 7PÊCHEURS DANS L ATTENTE.P aul K u h s t o h s .

L A G E R B E R E V U E D ’A R T D É C O R A T IF 9quand la m o rt est venue le su rp ren d re, aum o m en t où il escom p tait p o u r son œ uvrele lé g itim e succès que nous som m es persuadéslu i v o ir o b ten ir.A vec son talen t, son savoir, son opiniâtrep ersévéran ce, K u hstoh s s’était déjà fait unnom à l’âge où la p lu p a rt des autres artistestâtonnent encore et ch erch ent leu r voie.Il eut sans cesse développé, élargi lesbornes de son art. Il eu t b rillé parm i lesp rem iers d’entre ceux qui représentent enB elgiq u e les traditions de notre vie ille écoleflam ande.C’est pourquoi nous déposons tristem entsu r sa tom be une gerbe de regrets.E d . M o dave.L’ART DE L’AMEUBLEMENTFRISE DÉCORATIVE POUR SALLE A MANGER. —VERVIERS. — FOND GRI S JAUNE. — FORMEVERT, BRUN ET JAUNE.L éon B ochomsARCHITECTE D' AMEUBLEMENTBRUXELLES.Ilest abso lu m en t im p ossib le en l ’étatactuel (tout em bryonnaire) de l’A rt quisera celu i du X X e siècle, de se fondersu r des dogm es, d 'étab lir son esthétiquesur des p rin cip es.Ceci ne veut p oin t d ire q u ’il n’y en aurapas p lu s tard , ni que les artistes soientp arfaitem en t lib res de se liv re r à une fantaisieéchevelée ; la science est pour euxplus nécessaire que jam ais, q uoique lecritiq u e et l’am ateur ne puissent plus invoqu er ni règles, ni canon, ni exem ples dejadis, en faveur de leurs opinions. Ce n'estpoint ici le m om ent de discuter si B afaë llia été dans le vrai en disant que nous avonsun goût inné, un sentim ent esthétique qui

10 L A G E R B EMEUB LE FORMANT CHEMINEE SURMONTED’ UNE ARMOIRE. — CHENE.— SALLEA MANGER DE MM C. K.— VERVIERS.— e x é c u t i o n H o l s - D e v ri e s e t CO .— BRUXELLES.L é o n B o c h o n sa r c h i t e c t e d 'a m e u b l e m e n tBRUXELLES.rép u gn e à la convention et à l’abso lu , etque les form es et les vo lu m es qui ne sontpas naturels sont a n ti-artistiq u es ! Il noussuffit aujo u rd ’hui de constater que l’A rtje u n e , fru it de tem p éram ents affinés (etin d ép en d an ts, pourtant), se laisse g u id erp lu tô t p ar le sen tim en t que par des lois etq ue le ch arm e éclip se désorm ais la froidecorrection !On a vo u lu un m ot d’ord re, un b u t, et ilen fau dra un p lu s tard.On a cru se baser su r l'utile, su r l'inspiralion de la nature, su r le sen tim en t oup lu tô t la liberté du caprice. Cette fo rm u le ,cette idée p récon çu e est p rém atu rée, tantque l'A rt je u n e n ’aura pas fait école, queson style ne sera pas déterm in é, c’est à-diretant que l’artiste vou d ra jo u ir de sa lib erté.Mais il y a cependant en tout des loisgénérales d’h arm onie que l’on confond avecl’in stin ct, et tous les hom m es de goûts’u n issen t aisém en t dans la lo u an ge d’uneb elle chose ou dans la rép robation d’uneœ uvre absu rd e. Il y a en eu x un m élan gede raison, de scien ce, de gén ie et d’in stin ctn atu rel q u i les em pêche de tran sgressercertaines lim ites.V o ilà ce que l’A rt actuel doit a vo ir envu e, et non pas l’in d iv id u a lism e à o u tran ceq ui n ’adm et p o u r beau que ce qui est personnel.— L a p erso n n alité est une q u a lité,non le but de l’A rt.L a d écoration , com m e l’am eu b lem en t,doit le p lu s souvent u tilise r des form esdéjà connues, m ais les m o d ifier, les m étamorp h oser. On ne p eut so rtir souventd’une don née, d'un squelette in d isp en sab leà l’usage ou à la solid ité. Il faut m an ier cesq u elette, le m o d eler, le fle u rir ...P o u r en don n er un exem p le bien sim p le,une table de b ureau ne se p rête q u e difficilemen t à la form e ro n d e; il y a p erte dep lace, les p apiers et liv res carrés dépassentde partout et risq u en t de to m b er ; l’ordrep eut à peine y être conservé, parce que lecarré appelle le carré, et que la q u ad ratu redu cercle est encore un p ro b lèm e !

R E V U E D ’A R T D É C O R A T I F 1 1R ien n’em pêch erait un écrivain cap ricieux de se créer un bureau circu la ire :affaire de g o û t; m ais, en gén éral, la form ecarrée est celle q ui attire le plus im périeusem en t l’attention.M aintenant, p artan t de cette donnée d’uneta b le carrée, ob lo n gu e si l'on veu t, cettepièce de bois peut être découpée, ornéedans ses a n gles, tant q u ’elles ne gênent pasl’écrivain assis ; m ais le plat de la tablettedoit être u n i, sans ornem ents en re lie fsous peine d’être excessivem ent in com ­m ode. Q u’on y m ette de la m arq ueterie,de l’in cru statio n , du cu ir encadré, soit,m ais la fan taisie ne doit pas a ller ju sq u ’àem pêch er de déposer d’aplom b livres oup apiers. En to u t objet d'am eu b lem en t, desem b lab les conditions se présentent. Lesen frein d re, c’est a gir à peu près com m el’arch itecte qui fait une b elle m aison, enou b lian t l’escalier.N ous p ouvons ap peler cette préoccupationp rem ière et pratique : l'idée raisonnée.E lle se confond en beaucoup d’esprits avecla doctrine de l'utile qui est fausse ou plutôtin com p lète en art.L’u tile est presque toujours le m obile quifait agir un artiste industriel et q u i lui p rocurela com m ande ou les débouchés. Maissi l’on se bornait à cette form ule, on p o u r­rait faire abstraction d’im agin ation , degoût, d’esthétique en fin ! L’en crier de cornede nos ancêtres était u tile à condition d’êtreglissé dans un trou du pupitre ou d’êtrependu à la ceinture. Des récipients, cre u ­sets ou pots en étain ou en plom b faisaientencore m eilleu r usage, com m e éq u ilib re.Un vu lg a ire vase de nuit est utile, m aisil n’est pas beau cl l’on p o u rrait em ployertout autant un vase ayant une autre form eet des ornem ents. T ou t cela s’éloigne del’art, qui n’a besoin que d’un prétexte pourélab o rer scs créations.Ce prétexte est l’u tilité (sous le rapport -TABLE A ALLONGES. — c h ê n e . — SALLE A MANGERDE M M . C. K . — VERVIERS. — EXÉCUTIONH o l s-D e vr ie s e t C ie. — Br u x e l l e s .L éon B o c homsa r c h ite c t e d'a m eu b le m entBRUXELLES.

12 LA GERBESALON DE COIFFURE. — LA HAYE. —W ILHEM HOLSENCADREMENT DE GLACE AVEC-ARCHITECTE BRUXELLES.SUPPORT. — SAPIN VERNI. —EXÉCUTION H o l S - D e v r i e s ET C ie.— BRUXELLES.pratique), la pensée (sous lerap p ort théorique).L ’usage auquel est destinéun objet d’am eu blem ent peutfaire n aître tout un m onded’idées. Dès que cet usage estassuré en fait, dès que l’objetrépond à sa destination sansêtre in com m ode ou absurde,la fan taisie de l’artiste peut sed on n er lib re cours afin de fairede cet objet une œ uvre d igned’être adm irée p ar des gens deg o û t, m ê m e s’ils ne se p réoccupentpas le m oin s dum onde de l’em ploi de l’objet.L e susdit vase n octu rn e ornépar un P a lissy ou un B . C ellin iserait déposé dans une v itrin edu M usée de C lu n y , que p ersonne p arm i les visiteu rs nesongerait aux b ien faits h y g i­éniques q u ’il a pu p ro cu rer :0n y verra it l’œ uvre d’art, riende plus.De m êm e dans l’art p u re ­m ent industriel (si l’on peuts’exp rim e r ainsi) dans lesform es de fab ricatio n qui p ermettent de jeter su r le m arch écom m ercial un g ra n d n om b red 'exem plaires du m êm e m o ­dèle, on songe un peu à l’u tilité,m ais su rto u t aux condition s de fab ricatio n , à la fa cilitéd 'e m b a lla g e , à l’économ ie du tra vail. A in sides casseroles à bec sont le p lu s souventnotre tem ps de régén ération p ar la scien ce,qui d o m in era tout p roch ain em en t.incom m odes p our verser les liq u id es, L ’artiste se tro u ve p lu s que jam ais enu n iq u em en t parce que un bec p lu s allo n géserait fragile, gén érait pour les exp éd itions,p o u r g lisse r les pots l’un dans l’autre, etc.Intérêt de fab rican t.L aissons donc de côté l’u tilité com m e butau to rita ire du travail artistiq u e, fût-ce dansla sphère co m m erciale.présen ce d’un p ro b lèm e, dès q u ’il se disposeà œ u vrer :Il doit p a rtir d’une donnée: Des term esdu p ro b lèm e, il doit dégager l’in co n n u e q uiest l’in sp iratio n d’art. Il a p o u r facteu rs : lapensée, le goût, l’adresse, et le talen t.L a pensée n’est pas de la littératu re. C’estIl y a une chose à consid érer, surtout en une réflexion profon de à ce q u ’il peut

REVUE D’ART DÉCORATIF1 3SALON DE COIFFURE.— LA HAYE. —MEUBLE TOILETTE. — SAPINVERNIS.WILHEM HOLSarchitecte BRUXELLES.exister d'im m atériel re la tif àl'œ uvre m atérielle désirée.Il faut que cette œ uvre nesoit point bête et ne dénote pasun artiste in in telligen t ou peucultivé.Le goût n’est pas un in stin cttout personnel. Il se co m p liq u ede savoir, de com paraisons,de raisonnem ent et d’étudeautant des m aîtres que de lanature.L ’adresse n’est pas seu lement m an uelle : beaucoupd’artistes esquivent les difficu l­tés par un tou r de m ain, m aisl’œ uvre reste sans caractère ;il faut la ruse, l'artifice qui usede resources, qui s’autorise delicences et de caprice pourdétourner le spectateur duthèm e p rim itif, souvent banal ;pour agrém enter un sujet ord i­naire, brutal ou peu attrayant.Enfin le talen t est, de touteévidence, nécessaire p o u r l'exécutiond ’une œ uvre m oderne.Si nous contem plons avec in térêtune production naïve,enfantine, des sauvages duCongo ou de l’époque p réhistorique, on serait m al accueillisi l’on venait nous im poserau jo u rd ’hui des travaux m aladroitset grossiers sous p rétextede nouveauté.Il faut renouveler l ’a rt p ar l ’esprit de sonlo u p s, a d it avec raison A n d ré L efèvre, cequi exp liq u e fort bien le sens obscu r de sonautre phrase : l’utilité est le fond de l ’esthétiquearchitecturale. C’est le fond, ou i, m aisnon pas la form e. S u r le thèm e u tile, ilfaut éch afau d er ses variation s q ui font parfoisd isp araître en tièrem en t le m o tif sim p leet p rim itif. Utile du lc i!Q ue de choses ch arm an tes ne découvrons-nouspas dans ces vieu x m eubles deB o u le, dans ces cabinets, ces droguiers, cesbuffets en bois de rose à m arqueterie, ceschiffonnières à tiroirs dont nous nous dem andonsparfois le m o tif ou l’usage absolum entfantaisiste? Ces cassettes en laque du Japon,à peintures en or su r fond n oir, avec tiroirssimules et couvercle avec tiro ir en dôm eh istorié, où reconnaître l’u tilité en cesornem entations?

14 L A G E R B EMais p artout on retrouve ences œ uvres d’autrefois un soucid’h arm onie, de ch arm e, so u ­vent une idée traduite en a llé ­g o rie, tel un garde-feu frisonque nous avons vu, rep résen ­tant l’H iver (un garçon ap portantdu b o is, un autre se ch au f­fant). Ce que nous pouvonsrep roch er à leurs auteu rs,c’est d’avoir souvent substituél’étude des m aîtres à l’in sp ira ­tion d irecte de la natu re. Ilest o b lig ato ire de reven ir àcelle-ci au jo u rd ’h u i, à causem êm e de la m asse in n o m ­b rab le de d ocu m en ts éparsau to u r de nous, qui ont rendule ju gem en t de l’am ateu r pluslin , p lu s su r et p lu s désireuxd ’o rigin a lité.Mais jam a is cependant uneim itatio n servile de la naturene sera favorab le à l’o rn em en ­tation ; il faut su b o rd o n n e rala syn thèse ou de l’œ uvre, oude son m ilie u , ce d ésir devérité q u i ém eut souvent l’ar-SALON d e COIFFURE. — LA HAYE. —EXÉCUTION H OL S -D e v r i e s ET Cio.— BRUXELLES.W ILHEM H OLSA RCHITECTE BRUX ELLES.CÉRAMIQUE.GISBERT COMBAZ.

REVUE D'ART DÉCORATIF 1 5FRISE CÉRAMIQUE G isb ert C o m baz .MEUBLE d’ATELIERP au l H a messeARCHITECTE BRUXELLES.SALON DE COIFFURE. — LA HAYE. —MEUBLE CASIER. — SAPIN VERNI. —EXÉCUTION H o l S -D eVRIES ET C ie.W ILHEM H OLSARCHITECTE BRUXELLES.

16LA GERBEI N D I C A T E U RP H I L A T É L I Q U EINDICATEUR ET AFFICHETTE.GISBERT COMBAZ.liste (levant des créations n atu relles q u ’iladm ire.S ’il d oit se retrem p er souvent dans unvéritab le bain de natu re, c’est p o u r y découvrir le caractère, la fraîch eu r de nouveauté,le m ouvem en t, la vie. Il y m ettra encoredu sien p ro p re s’il est a rtiste; et le reste, ille trouvera p a r la science.M ais su rto u t, que la rép robation s’étendesu r tout ce q u i, sous le couvert de l’art,n’est que du m ercan tilism e.L ’écueil de tout ce q ui doit être exécutéin d u striellem en t ou em p ru n ter des éléments à l’in d u strie, c’est la perte du caractèreet de l’im p révu . Il fau t donc s’attacherp lu s q u e jam a is à ces d eu x q u a lités, les exagérers’il le fau t, afin que l’exécution ou larep ro d u ctio n (m êm e p ar des m anœ uvres) nepuisse les d étru ire tout à fait. E d g ar B aes.

REVUE D’ART DÉCORATIF1 7C R E S P I N E T S O N A T E L I E RA F F IC H E T T EDEL ’A R É O P A G EA D O L P H E C R E S P I NN ous vo u d rio n s consacrer quelquespages de ce recueil à caractériserles tendances et les m érites destravau x q u i, depuis ces dernières années,ont m is le nom d’A d o lp h e C respin en vedettedans la jeune école b elge d’art ornem ental.C irconstan ce précieu se p o u r un esprit ingénieux et ch erch eu r, le m om en t où la pleinepossession de scs m oyens artistiques allaitlui perm ettre une production plus active etp lu s abondante, coïncid ait avec une véritablerenaissance de l'art déco ratif; et parune heureuse fortune, qui devait peut-êtrem oins au hasard qu’à une clairvoyanteperspicacité, il s’était préparé de longuem ain à co llab o rer à cette rénovation. Rienque la quaran tain e n’ait pas encore sonnépour lu i, ses prem iers débuts datent d’il ya vin gt ans. Les peintres de chevalet se

1 8 LA GERBETYMPAN, CIMETIÈRE DE QUENASTconsacrent volo n tiers au jo u rd ’hui à destravaux d’art a p p liq u é, ju g ean t co m p la i­sam m ent que, pouvant le p lu s, ils p ourrontle m oins ; m ais alors il n’en était pas un quin’eût cru d éroger en dessinant une tentureou un tapis. Q uant aux d écorateurs,c’étaient tout b onnem en t, s a u f q u elqu esrares exception s, d’excellen ts com m erçantsq u ’une p roductive carrière dans la « p e in ­tu re u n ie » avait m is à m êm e d ’annexer unee n trep rise « artistiq u e » à leu r établissement : ils se conten taien t d’em bau ch erq uelq u es artisans q ui trouvaien t fortnaturel d 'in flig er une décoration L ouis XVà une salle R en aissan ce, et s’évertu aien t àrep ro d u ire, le plus fid èlem ent q u ’ils p o u ­vaien t, les co m p o sitio n s toutes faites dontfoisonnent les recu eils classiq u es. Au contraire, C respin p ensait q u ’une éducationartistiq u e générale n’est pas une superfétationpour qui se d estine à p ratiq u er les« arts m in eu rs », et tout en se livrant à destravau x courants chez des « patron s », su i­vait les cours de l’A cad ém ie de B ru x e lle s,don t les tendances, d’a illeu rs; lu i agréaien tm éd iocrem en t, passait, trop rap id em en tà son gré, p ar l’atelier de Léon B o n n at, etreven ait à B ru x e lle s su ivre les leçons deM. B lan c-G arin . Il exposa q u elqu es p o r­A. Crespin.traits q u i ne restèren t pas in aperçu s, m aisses p réd ilectio n s le p o rtaien t su rto u t v e r sla n atu re-m orte et la p ein tu re de fleurs. Onse so u vien t peut-être de son tableau lesM asques, q ui figura d’abord à l'Essor p uisà l’E xp osition u n iverselle de 1897 : la sym ­p ath ie passionnée de C resp in p o u r l’artjap o n a is, en m êm e tem ps q u e ses d isp o sitionsp o u r les tra vaux décoratifs, verslesq u els il était en train de b ifu rq u e r, sem arq u en t dans cette page o rig in a le p ar ladonnée et la disp osition : l’artiste y aaccroché, su r un fond de vie ille tapisserie,le visage de p lâtre d’une V énus a n tiq u e,a u to u r d u q u el sont susp en d us, grim açan tsou m éd itatifs, de v ie u x m asques jap o n aisde bois co lo rié.E n tre d eu x tab leaux de ch evalet, il co n ­tinuait à appren d re, p ar la p ratiq u e, le« m étier » de l’orn em en t, tra vailla n tnotam m en t chez G ustave Janlet, un desdécorateurs d ’alo rs q ui ju g e aie n t q u ’onpeut, dans cette profession , faire œ uvred’art.A l'E ssor, où C resp in exp osait ré g u liè ­rem en t, il se lia d ’am itié avec feu E douardD uyck, qui d evin t b ientôt son co llab o ra ­teu r. C’était vers 1887.. Jules C héret,créateu r d’un art nouveau , couvrait les

R E V U E D 'A R T D É C O R A T I F19FAÇADE JEUNE FRANCEMARCHÉ AUXBRUXELLES.POULETS,(P IIO T flG R A P IIIK ALEXANDRE)A. ClIESPIN, DÉCORATEUR,BRUXELLES.l’ Altllll.11, ARCHITECTE,llltUXELLKS.murs de Paris de compositions charmantes,où desdéités exquisement maniérées s’élançaient,ivres de joie, dans la gloire fanfarantedes couleurs. Les deux jeunes artistesse dirent qu'il y avait, dans la mesure deleurs forces, quelque chose d'analogue àtenter chez nous. Et comme le lithographeavait gâché le premier dessin qu’ils luiavaient confié, ils résolurent, à l’exemplede Chéret, de tracer dorénavant eux-mêmessur la pierre leurs « estampes murales ».C’est ce qu'ils liront à partir de 1800, etleur affiche pour l'inauguration de l'Abattoirde Cureghem est le premier échantillonbelge d'un procédé qui, introduit parCrespin et Duyck, fut. depuis, appliqué cheznous par nombre d’artistes, avec le plusgrand succès. Crespin et Duyck ont donnéensemble une trentaine d'affiches illustrées.On peut supposer que Duyck y était surtoutpour la grâce des ligures féminines, Crespinpour l'ordonnance et l'ornementation ; dumoins cette division apparaît vraisemblabledans la Fêle des Fleurs, par exemple, etdans le Vélodrome d'Hiver: une cyclewomanà l'attitude hiératique se détachant sur unfond dont les motifs sont ingénieusementchoisis parmi les éléments de la bicyclette.Il est superflu de décrire le Saint-Michelenarmuré et casqué des Fêles de Bruxelles;le Petit Belge, pimpant dans son uniformede « cosaque de la Meuse» et qui accourtsi joyeusement, en agitant les gazettesencore humides de la presse; le triodejeunes élégantes symbolisant, pour Nieuport-Bains,la promenade, la chasse et lapèche; le pêcheur en surouet, si crânementjuché sur son grand cheval de Flandre ;l'Alcazar, où, renonçant à la banale reproductiond’un tableau de la « revue » annoncée,le caprice des deux artistes s’est amuséà caser dans les loges, dans les fauteuils,un public de notabilités bruxelloises. Lacollaboration brusquement arrêtée par lamort, en plein talent, de son ami, Crespinreprenait seul le crayon lithographique. Decette période datent entre autres une affichetteallégorique gréco-moderne pour lechimiste Goldschmidt, et, pour l’architecte

20 LA GERBESCRAFETTI — WATERMAEL.A. CRESPIN.H ankar, une p laquette q u i, rep ro d u ite parla] p u b licatio n les M aîtres de l ’A ffiche, ySCRAFETTI — ÉTÉ — FLORIVAL.A. CRESPIN.supporte à m erv eille le voisin age des p lu srem arqu ables p ro d u ctio n s françaises etan glaises : l'h arm onie apaisée des teintesplates est essen tiellem en t d écorative, et leslignes sim p lifiées du p erson n age représentédebout d evan t sa tab le à dessin er, dansune atm osp h ère d’in tim ité et de tra v a il, legoût sobre et sig n ifica tif q ui a p résidé auch o ix com m e à la d isp osition des accessoires,em pru n tés à la p rofession d’a rch i­tecte , to u t contrib u e au sym b o lism efa m ilie r et p a rlan t de cette œ uvrettea b solu m en t réussie. R appelon s encorel'A réopage, q u ’on verra ci-contre, élégantecom b in aison de la grâce du visage fém in inet de la grâce des courbes géo m étriq u escap ricieu sem en t entrelacées, et sign alonsaux co llectio n n eu rs une cu rieu se piécettecoloriée, q u i, rep ro d u ite au « p och oir » àun certain n o m b re d’ex em p laires, n’a pasété im p rim ée : c’est l’annonce d’une R evueu n iversita ire de fin d’année : on retrouvedans cette am usan te im p ro visatio n u ne desq u alités p rin cip a les de C resp in , q ui est detro u ver p o u r la chose à e x p rim e r des a llé ­gories p itto resq u es, claires, sign ificatives,et de les agen cer su r un espace restrein t,p ierre lith o g ra p h iq u e ou tym p an d’arch i­tectu re, sans l’en com brer.L eur m érite m is à p art, ces productionslégères ne furen t sans d o u te pas in u tilesau d évelo p p em en t a rtistiq u e de C resp in :

R E V U E D ’A R T D É C O R A T IFcommelejournalismepour lelittérateur, lement : c'est enremontant auxprincipescestravauxcursifs obligent ledessinateur qui ont guidélesanciens, enlesappliquantet le peintreàassouplir leur verveà àsontour auxchosesdesontemps etdel’actualitéincessamment renouvelée, leur sonmilieuqu'onalachance, aprèsavoirdonnent uneprestesseplus vivante, un étéunchercheur, dedevenir untrouveur.tour demaindont bénéficient lesbesognes L’examendesmodesd’inventiondanslesplus importantes. Ainsi enfut-il encore styles historiques et spécialement dansledes dessins decostumes queCrespinet gothique, d’autre part une prédilectionDuyckexécutèrent par centaines pour plusieurspetits théâtres bruxellois. Rienn’est dosjaponais, l'habitudepeut-êtreaussi dedéjàanciennepour losprocédésdécoratifsindigned’unartisteconsciencieux:tous peindrela. fleur, ont amenénotreartisteàdeuxdépensèrent infiniment d’esprit et voir surtout dans l’œuvre ornementaled’inventiondans cescroquis rapides qui, l’applicationlogiqueet rationnelledesinépuisablesmotifs fournis par laflore, lainterprétés par lecostumier, allégorisaientsansbanalitéles «questions dujour »des faune, et leséléments naturels ongénéral.revues defind’année, oumettaient en Il vadesoi quel’emploi decesmotifsvaleur, parfois avecsi peuquerien, parfois supposeleur transformation:il s’agit deenneménageant ni lesbroderies ni les lesadapter aurôlequ’ils ont àremplir. Unétoffesdeprix, les lignes onduleuses d’un exemple. Qui n’aremarquédepuis quelquebataillondeballerines. Leshabitués de temps, aux vitrines des orfèvres, desl’Alcazar sesouviennent certainement du candélabres, enétainouenargent, représentantdesplantes presqueaussi méticu­ballet delaMode, duballet desJeuxdecartes, duballet duMariage, dudivertissementdel’Épée, tableauxcharmants qui, moulées sur nature?Cemétal consistant,leusement reproduites quesi elles étaientaurythmedesévolutions deladanse,déployaient, défaisaient, reformaient, dansundélicieuxbariolagedecouleurs, leursgroupes pittoresquement parés.Deplus enplus, Crespinconcentrait seseffortsdans ledomainedesapplicationsornementales. Depuis plusieurs annéesils’yest donnétout entier. Commeonl’avuplus haut, cen’était pasl’effet d’unerésolutionpriseauhasard.Il était préparéàlapratiquedecet art décoratif qui, tout enétant undépartement del’art engénéral,exige, avecledon, desqualités et desconnaissancesspéciales. Or, Crespinacegrandavantage d’avoir manié lepinceaudupeintredechevalet, cequi lui permetd’oser avec plus de liberté, et surtoutd’exprimer avecplus d’aisance. Familiariséaveclasuccessiondesstyles dupassé, illesaétudiés, il les connaît :onpeut direSCRAFETTIA. C R E S P I Nsans paradoxequec’est encorelameilleure BATIM ENT Z E G ER Smanièred’arriver ànepaslesimiter servi­B R U X E L L E S.2 I

22 L A GERBEPAPIER PEINTF. Verschave.TAPIS. S t r e b e l l e .TAPIS.F. V erschave.battuouciseléàl’exacteressemblanced’uneplante, étonnedésagréablement l’œil sansmêmerassurer sur lasoliditéduflambeau:oncraint devoir, lorsqu’onyplaceralesbougies, sedéchirer cescorolles façonnéesenbobèches, et s'affaisser latigequi lessupporte.Lesorfèvres dutemps deLouis XV,époquededécadencecependant, n’avaientgardedenégliger àcepoint l’accordentrelaformeet lamatièreemployée. C’est unefautequeCrespinnonplus necommettrapas. Qu’il ait à dessiner unetorchèred’après tel végétal, il nemanquerapasd’enstyliser laforme; lemétal travailléd’aprèssoncroquis nechercherapasàprovoquerl'illusiond’unebrancheavecsesfeuilles etscsbourgeons :l’idéedelaplanteinterviendratout juste pour, enrespectantl’aspect exigépar lasoliditédelamatière,étain, cuivreouargent, donner àlatorchèreuncharmeouunimprévudelignesrappelant levégétal qui enafourni leséléments. Demême, ayant àdécorer d’unsemis defleurs unemuraille, il segarderad’yfaireapparaître, avecleur relief véri-

REVUE D’ART DÉCORATIF 2 3tableet leurs formes exactes, unesériede àBruxelles. Signalons undétail intéressant: il s’est avisé, les fleurs vivantesbouquets, qui auraient l’air d’avoir étésuspendus lààriendutout, et d’yrester faisant souvent défaut l’hiver, d’emprunteralors sesmodèlesàunherbier; defait,commepar miracle. Loindechercher àinduireenerreur par untrompe-l’œil dont ladessiccationdonneauxplantes unaspectlespectateur neserait paslongtemps dupe, linéaire, trèsfavorableàl'applicationornementale.ASchaerbeekcommeàBruxellesil secontenteradedemander àlafleurl’inspirationdesaformeornementale, qui lecours adonnédesrésultats vraimentenévoqueral’idéesans prétendreendonner remarquables. Onenjugerapar lareproductiondedeuxspécimensdetravauxl’illusion; l’esprit neserapasoffusquéparuneinvraisemblance, et mêmepourra, d’élèves. Laplupart decesessaisont déjàdanscellecombinaisonpresqueimmatérielledelignesabstraites et deséléments jeunes gens, aulieud’êtreexercésàressas­quelquechosedepersonnel :c’est quecessimplifiés delafleur oudelafeuille, voir ser péniblement dugrécoromainouducommeunesortedeprojectiondesapropre rococo, sont, dèsledébut, instruits derêverie.quelques principes clairs et rationnels, et,C’est parcequeledécorateur dont nous unefoisqu'ils savent manier lecrayon,nous occupons s’est fait uneloi detransformerainsi, ou, si l’onveut, detransposer desrecueils, maisà«composer »c’est-à-apprennent, nonàsesouvenir desplanchesdansunmodespécial les donnéesnaturellesqui servent debaseàsacomposition, trèssimples, àdévelopper leur initiativedire, entravaillant sur desdonnéesd’abordqu’il fait de l’art essentiellement ornemental.C’est pour celaqu’il neperdjamaisencombinant et eninventant.devueladestinationdesesproductions,(A suivre.)Mauricequ’onnecraint pas, ens’avançant souslesS u lzeberger.plafonds qu’il adessinés, devoir sedétacherbrusquement quelque accessoiremalencontreux, pasplus qu’onneredoute,enfoulant sestapis, dedonner dupiedcontreunobstacle, oudeheurter uneformevivantetropservilement imitée.C’est pour celaencorequesondécor, quiaccompagneet soulignel’architecturesansjamais chercher àl’écraser, éveilleuneidéed'ordre, d’agrément, desymétrie, accuséepar l’emploi fréquent delarépétition, oudumêmemotif sedéveloppant dechaquecôtéd’unelignemédiane.L’excellencedelaméthodeest démontréepar cequ’ellepeut produirechezdesdébutants.En1891, nomméprofesseur àl’Ecolede dessinqui secréait àSchaerbeek,Crespinyinaugureuncours decompositiond’aprèslaplante; àlamort deDuyckil lui succédadansuncours analogue, àl’écoleprofessionnelledelarueduMarais,

24L AG E R B E R E V U E D ’A R T D É C O R A T IFLESREVUESCà et làTrès curieuse la polém ique engagée dans laL i g u e a r t i s t i q u e , entre MM. Jean Del ville etLevéque.D e u t s c h e - k u n s t u n d D e k o r a t i o n (octobre 1898).Presqu’entièrem ent consacré à M. H. von Berlepsch.Nombreuses planches intéressantes.T h e S t u d i o (octobre 1898).Numéro important.Désormais il sera joint à chaque livraison duS t u d i o un supplém ent en langue française.A r t e t D é c o r a t i o n (octobre 1898).Article consacré à l’œ uvre de notre com patrioteM. Fernand Knopff .Cette livraison contient un grand nombred’œuvres intéressantes.M. Chambon, le décorateur bien connu, estchargé d’exécuter d’importants travaux au Kursaald’Ostende.La commune d’Ixelles organise un concours defaçades destinées au hameau quartier St-Boniface.Nous supplions M. l’Échevin des Travaux publicsde la ville de Bruxelles d’avoir la bonté d’ouvrirsous peu les yeux aux bureaux communaux.Les m essieurs em ployés à la division des travauxcontinuent, sans être inquiétés, à fabriquer desplans pour les particuliers, m algré les fameuxrèglem ents leur interdisant la chose. Du reste, lespastiches exécutés par ces ronds-de-cuir constructeurssont absolum ent illogiques et sans aucun goût.CONCOURS DE L'A R T D É C O R A T I FL ' A r t d é c o r a t i f , dont le premier numéro paraîtaujourd’hui, est certainem ent la plus luxueuserevue d’art industriel publiée en France.Outre une foule d’illustrations magnifiques ennoir et en couleurs, cette nouvelle publicationannonce quatre prem iers concours auxquels sontattachés près de trois m ille francs de prix : unbureau et son fauteuil, un en-tête de papier àlettres, un jeu de cartes et, pour les photographesamateurs,la photographie d’une maison de cam ­pagne. Il y aura une exposition publique desprojets qui seront rendus à leurs auteurs, sauf leprem ier prix de chaque concours qui sera acquisà l'A r t d é c o r a t i f .La revue est en vente dans les principales librairiesde France, de Belgique et de Suisse. Le programmedes concours est envoyé franco et lenuméro d’octobre sera adressé contre bon de postede deux francs, aux bureaux de l'A r t d é c o r a t i f ,57-59, rue Pergolèse, à Paris.Le numéro d’octobre de l'A r t d é c o r a t i f estconsacré entièrem ent à Henri Van de Velde.N om breuses reproductions d’intérieurs, m eubleset autres, exécutés, en ces derniers temps, parl’artiste.EXPOSITIONCes derniers temps s’est ouverte, dans une dessalles du Musée moderne, l’exposition de l’Allianceartistique de Schaerbeck. Quelques belles toiles àm entionner, parmi lesquelles, Léon Hannay, VictorGilsoux, Julien Jos et Henri de Beuls, et des aquarellespleines de fraîcheur de M. Allard.Aucuns travaux d’art décoratif, ce que nousregrettons vivement.Samedi dernier, 22 octobre, à eu lieu au Vaux-Hall l’exposition des œuvres de notre regrettéÉdouard Duyck.Portraits, aquarelles, croquis y étaient exposés.A remarquer plusieurs croquis des enfants deMme Désirée, dessinés avec habileté incroyable.Le lendem ain, dimanche 25 octobre, avait lieul’inauguration du monument, à Uccle Calevoet, ensa m ém oire. L’œuvre est du sculpteur Samuel.Nous en donnerons dans notre numéro de décem brela reproduction. L. B.Au m ois de septem bre dernier a eu lieu àVerviers l’inauguration du monument Vieuxtemps.Bon m orceau de M. Rombaut.Le célèbre violoniste est représenté en pied unviolon à la main et appuyé sur un pupitre.Le socle et la grille sont de pauvre com position.Architecte Verelle.On aurait pu trouver autre chose.Le conseil communal de Verviers est-il maintenantsatisfait de rem placem ent, car très rude seraitla corvée de le transporter de nouveau ailleurs.B R U X E L L E S . — IM P R IM E R IE P O L L E U N IS E T C E U T E R IC K .

T H ESTUDIOR E V U E A N G L A I S E D ’A R T E T D E D É C O R A T I O NLa livraison 1 fr . 50. — Un an 18 fr s.Henriette Street, Covent Garden, LONDR ESART DÉCORATIFRevue d’Art décoratif moderne éditée à Munich.

MOMBEL-BOSSART ET FILS19, RUE DE BERLAIMONT, BRUXELLES3, RUE JAN VAN LIER, ANVERSU sine à Chercq-lez-Tour n aiCiments et chaux de toutes qualités, pierres de taille,Carreaux en ciment, trass-plâtre, etc., etc.MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION EN GÉNÉRALPavés lumière Hayward pour l'éclairage des sous-sols,caves et pièces obscures.Trous à charbon et ventilateurs Hay ward.Ciment blanc anglais super fin. Le plus riche produit pourfaçades, vestibules, etc.Grès vert de la Gileppe d ’une teinte superbe, le plus beaude tous les grès, employé dans les façades, églises, villas,châteaux et monuments importants.Carreaux de revêtement Civer, produit en verre-porcelainepour revêtement des murs, plafonds, vérandas, terrasses,etc. — Carreaux blanc de neige et teintes fines.Briques et plaques en liège agglomérées.Produits de qualité extra, p rix très avantageux.AVIS IMPORTANT. — La Maison Mombel-Bossart et Fils, a créé undépartement spécial qui se charge de rechercher à la demande de MM. lesarchitectes les articles et produits spéciaux de tous pays.Bruxelles. — lmp. Polleunis et, Ceuterick. rue des Ursulines, 37.

No 5 DÉCEMBRE 1898.LAGERBESOM M AIRE :Crespin et son AtelierM a u r i c e S u l z b e r g e rÉcole Bischoffsheim etÉcole de Schaerbeek .Expositions.Nos Concours.Cà et là.Revues. — Livres.Illustrations. — Architecture. — Sculpture.Décoration.D IRECTIO N : 7, R U E DE L A PÉPIN IÈRE, B R U X E LLE SCE NUMERO : 1 * 5 0

L AGERBER e v u e m ensuelle d’A r t décoratif belgeDirection : 7, rue de la Pépinière, BruxellesABONNEMENTS.Belgique:Unan, 16francs aucomptant. —Par trimestre, 4.50francs.Étranger leport ensus.Adresser les abonnements à laDirection, 7, rue de la Pépinière, à Bruxelles.RÉDACTION.Toutes les communications concernant larédactiondelarevue,.rectifications,manuscrits, documents, dessins, photographies, doivent êtreadressés àlaDirection,7, rue de la Pépinière, à Bruxelles.Les manuscrits nesont pas rendus. —Il seradonnéuncompterendudetout ouvragedont trois exemplaires parviendront àlaDirection.BEPBODUCTIOND'ARTICLESETDEGRAVURES.Lareproductiondesarticles, dessins et gravures est absolument interditemêmeavecindicationdesourcedeprovenance, àmoins d’uneautorisationdelaDirection.N. B. —Lesauteurs sont seuls responsables deleurs écrits.PUBLICITÉ.Pour lesannonces, réclames, etc., àinsérer dans larevue, demander les tarifsspéciauxàlaDirection, 7, rue de la Pépinière, à Bruxelles.

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L A G E R B EREVUE D’ART DÉCORATIFA NOSLECTEURSL a D irection se propose de donnertous les m ois, pour autant que la chosesoit possible, des reproductions d’arch i­tecture. A lo rs que la plupart des revuess’efforcent d’initier le public aux essaisde nos jeu n es artistes, dans le domainede l’ameublement et de la décorationintérieure, nous voudrions aussi et avanttout sign aler les très sérieux efforts denos architectes et m ettre nos lecteurs àmême d’apprécier la part im portanteprise par les artistes belges dans lem ouvem ent de Renaissance de ces dernièresannées.N ous nous proposons de donner lesreproductions de ce qu’on a fait dem ieux dans notre pays.N ous engageons vivem ent nos architectesde nous faire parvenir leurs tra ­vaux d’essais et comptons sur leurbienveillant concours à l’œ uvre.L a D i r e c t i o n .N O T E . — N otre prochain numéro sera entièrement consacré aux œuvres de notre grandm aître, Constantin Meunier.N ous prévenons le public qu’aussitôt le tirage épuisé, ce numéro se vendra 2 fr. 5o.

2 LA GERBEPROJET DE MAISON DE COMMERCE.LOUIS BERDEN, ARCHITECTE.N ous donnons ici la reproductiond’un projet de m aison de com m erce dûà M . B erd en , arch itecte.L ’ensem ble serait assez bien com prissi les boiseries du m agasin et de la ported’entrée n’étaient conçues sans aucunerecherche ; l’effet en est très pauvre.L ’auteur a pris pour enseigne, A u xtrois abeilles, sym bole du travail. L esdeux panneaux sculptés sont en pierresblanches représentant les travailleu rset travailleu ses pendant l’heure durepos.

R E VU E D’A R T D ÉCORATIF 3FAÇADE D E M . X .p l a c e J e a n - J a c o b s , B R U X E LLES.J u l e s B r u n f a u tA R C H IT EC TE ,B R U X E LLES.

L A GERBE R E VU E D’A R T D ÉCO RATIF 5MONUMENT D E M É R O D E .P a u l D u b o i s , B r u x e l l e s ,s o c l e d e H e n r y V a n D E V e l d e , B r u x e l l e s

L A G E R B E R E V U E D ’A R T D É C O R A T IF 7BAS-RELIEF, MONUMENT D UYCK , UCCLE-CALEVOET .C h a r l e s S a m u e l , Br u x e l l e s .

TYMPAN EN SGRAFFITI A LA FAÇADE D’UNE VILLA A CORTENBERG.A. CRESPIN.C R E S P I N E T S O N A T E L I E R(Suite)L E nom bre des décorations detoute espèce exécutées par A d o l­phe Crespin est considérable.F rises, plafonds, tapis, panneaux, tym ­pans, écoinçons, tentures, sgraffiti,accusent les qualités que nous avons dites.L a stylisation de la fleur et de la planteconstitue le caractère prédom inant, maisnullem ent in variab le de la com position,puisque celle-ci s’efforce, avant tout, des’harm oniser avec sa destination : c’estainsi que l’on a pu voir, dans le prem iernuméro de la Gerbe, un encadrem ent defoyer représentant un L ucifer dominantun m otif form é d’entrelacs et d’im bricationsoù la flam m e est interprétée dansle goût le plus heureux ; c’est ainsiencore qu’un sgraffito pour l’un des tym ­pans du cim etière de Quenast, avec rienque les rayons du soleil couchant s’irradiantà travers les nuages du soir,présente un sym bolism e aussi simplequ’expressif. Si passionné qu’il soit dela m odernité dans l’ornement, l'artistedont nous nous occupons ne serait paslogique avec lui-même s’il ne se laissait,avant tout, dicter son thème soit parl’affectation de la pièce à décorer, soitp a r le caractère de l’architecture; il restedans l’esprit gothique en décorant d’unefigure héraldique et d’une tapisseriearm oriée la salle de l’hôtel de Raven-

10 LA GERBEstein, il est classique en alternant lelion belgique et les g laives sur lesm urailles de l’auditoire de la Justice depaix d’A n d erlech t, en haut desquelles ilfait régn er une frise com posée de p lateauxde la balance de ju stice , reliés pardes gu irlandes. E xécu tée en collab orationavec D u yck , pour le M usée Congolaisde T ervu eren , sa grande frise àpersonnages se recom m ande non seu lement par le pittoresque et l’exactitude,m ais, ce qui est peut-être plus rareencore, par l’irrép rochable rapport dela dim ension des figures aux proportionsde la salle, par la teinte apaiséedes colorations, en un m ot par la parfaitecom préhension de l’effet décoratif,g râce à quoi les farouches boiseriesd’H an kar et la frise se font réciproquementvaloir.L e procédé du sgraffito, introduit enB elgiq u e par H enri B aes, a été reprisvers 1893 par Crespin, qui depuis cetteépoque a produit une grande quantité decom positions de tou t form at, écrites avecferm eté, et où il s’est affranchi de latim idité qu’on peut parfois, au point devue de la couleur, reprocher à ses décorationsd’intérieur. Ses sgraffiti relèven tpar leu r éclat et rehaussent de leurdessin vigoureusem ent indiqué, nom brede façades ; souvent ils en transform entcom plètem ent l’aspect : tel est le caspour la boulangerie de la chaussée deW a v re dont la décoration, exécutée parlui de concert avec H an kar, fut prim ée :on aurait peine à reconnaître la banalearch itecture d’une construction de rap ­p ort sous cette ornem entation in telligente, que com plète avec pittoresque,SGRAFFITI A LA FAÇADE D’UN BATIMENTde l ’architecte P. Hankar,AVENUE DUCPÉTIAUX, BRUXELLES.A. Crespin.

REVUE D’ART DÉCORATIF 1en gu ise d’enseigne, une pelle à enfourner.T rè s am usante, la façade de la JeuneF ran ce, avec ses deux m édaillons em ­pire, hussard de la grande arm ée et« jeu n e beauté » du tem ps de N apoléon,avec le paon servi dans ses plum es, etla grappe saignant dans le vidrecom e :et la ton alité, légèrem ent rehausséed’or, est gaie, fraîche et pimpante. Lesheures du jo u r et de la nuit, sym boliséespar des oiseaux, ont fourni le thème dessgraffiti de la dem eure de l’architecteH an kar, rue D efacqz; à rem arqueraussi le clair et charm ant feuillagis dela bretèque.L e hibou, le sablier, le flambeau renversé,traditionnelles allégories en quelquesorte rajeunies par le goût modernedu dessin, constituent les m otifs principauxde la décoration du cim etière deQ uenast, tenue, comme il convenait,dans la gam m e des couleurs austères.P o u r le château de F lo riv a l, Crespina représenté les Saisons en quatre panneaux,m élange d’huile et de sgraffito.N o tre num éro précédent en reproduitun, qui unit la sym étrie à l’im prévu, etla fantaisie à la précision des lignesgéom étriques : des parterres, un vasefleuri, des tournesols s’épanouissant aubout de leur tige infléchie, le soleil luimêmestylisé : c’est l'E té.Citons encore parm i les travaux deCrespin l’ornem entation de plusieursm agasins bruxellois am énagés par l’a r­chitecte H ankar, le décor en sgraffito,des chœ urs des trois églises de Lembecq,E verb erg et M eysse; une frise pourl’Institut agricole de Gem bloux ; panneauxet tym pans avenue D ucpétiaux,avenue de Cortem berg, square A m biorix ; à Gand, façade com plète d’unepharm acie, etc. Il achève en ce moment,à l’Institut S o lvay, au P arc Léopold, ladécoration de l’auditoire du cours deM . le D r H éger.Il y a deux ans, Crespin avait suggéré,lors d’un referendum organisé parun journal au sujet des attractions àfaire figurer à l’Exposition U niversellede 1897 à B ru xelles, la constructiond’un " Q uartier moderne ". On y auraitvu, ensem ble absolum ent nouveau, laville de demain et m êm e d’après-dem ain,avec ses édifices, ses théâtres, ses cafés,ses habitations, ses services publics etprivés. Un grand nombre de dessinsSGRAFFITI A LA FAÇADE DU DÉPÔT MORTUAIRE DU CIMETIÈRE DE QUENAST(architecte J. Barbier).A. Crespin.

12 LA GERBESGRAFFITI A CORTENBERG. A. CRESPIN.etaient déjà faits par Crespin etH an kar, bâtim ents de fer et de verre,trottoirs m ouvants em portant les p assantsdans leur courses, rues toituréesde verre où les piétons et les véhiculescirculeraien t à sec en dépit des averses,th éâtre incom bustible, m aison com m u­nale avec sa salle de fêtes et ses m ultiplesservices, vélodrom e, cité ouvrièrem odèle, bassin de natation, restauran tam énagé d’après le s ... futures découvertesde la science et où l’étincelleélectrique eût rem placé l’équipe desgarçons, tout cela, sans com pter laréalisation avant la lettre d’un coin desinstallations m aritim es, eût fait prévoiret voir ce que sera le p aysage urbaindans lequel se déroulera l’existence denos fils et de nos petits-fils. A joutez lescottages avec leurs jard in ets, les petitshôtels aux arch itectures fantasques etinnovatrices, buvant l’air et la lum ièrepar leurs bow-windows, les façades arborant,au m ilieu de la gaîté claire defaïences peintes et de sgraffiti, des b retèquesen bois du Congo ; les dem euresbourgeoises am énagées, m eublées etdécorées du haut en bas, où l’on eût pus’in staller dans des salons à la modede 1925.S u r les m urailles de cette capitaleen m iniature, sillonnée par des voituresélectriques et des om nibus autom obiles,les affiches aux couleurs claironnantes,les fleuronnem ents du fer forgé, les appareilsd’éclairage électrique eussent com ­posé un décor d’une saveur im prévue,continué jusqu’au-dessus des toits, lejour par l’arm ature capricieuse degigantesques lettres d’enseignes détachéesen arabesques sur le ciel, le soirpar les réclam es lum ineuses et m ouvantes,les lam pes à arc et à incandescence,faisant feu de toutes leurslum ières. N ous oublions de dire que,m ettant à profit une ingénieuse com binaisonfin an cière, les organisateursétaient décidés à construire en m atériauxdéfinitifs une partie des h ab itationsbourgeoises de cette ville du siècleprochain.Les inven teurs, les artistes, a rch i­tectes, décorateurs ou sculpteurs, quipoursuivent l’inédit, tous les apporteursde neuf, eussent été conviés à p articiperà l’exécu tion. Ce « quartierm oderne » devenant ainsi un champd’expérience pour le développem ent del’art décoratif, eût été autrem ent in té ­ressant que les faciles reconstitutionsdevenues l’accom pagnem ent obligé detoute W orld's f a ir . L e projet, qui donnalieu à une polém ique dont se sontoccupés les jo u rn au x de l’époque, ne putm alheureusem ent être réalisé. E vid em ­m ent il sera repris un jo u r; il serait àsouhaiter qu’il le fût dès à présent parles organisateurs de l’E xposition universellede 1900. Sa seule conceptionsuffit à faire honneur à l’esprit d’initiativede Crespin : elle dénote un artistetourné vers l’avenir et jalo u x de contribuer,dans la m esure de ses ressources,à l’avènem ent, peut-être m oins lointainqu’on ne cro it, d’un style nouveau, d’unstyle m oderne. M a u ric e S u lz b e r g e r .

COMPOSITION EXECUTEE A L ECOLE DE DESSIN DE SCHAERB EEK.P i e r r e KESSELÉCOLE BISCHOFFSHEIM ET ÉCOLE DE SCHAERBEEKN O us avons cru intéressant dereproduire ici quelques travauxdes élèves de Crespin. Cestravau x ont été faits, les uns à l'É coleprofessionnelle pour jeu n es filles (ÉcoleBischoffsheim ) que dirige M me K eld er,les autres à l’É co le de dessin et d’industriede Sch aerb eek, à la tête de laquellese trouve M . L icot, architecte aussiartiste qu’érudit, dont il suffit de rappelerla savante restauration de l’abbaye deV ille rs, actuellem ent en œ uvre. L ’écoleB ischoffsheim et l’école de Schaerbeeksont, avec des différences dans l’organisation,deux institutions égalem ent utiles:la prem ière form e les jeunes filles à tousles travau x de la femme, depuis l’activitém énagère jusqu’aux connaissances artistiquesdont la mise en pratique peutdem eurer une occupation de pur a grémentpour les jeunes filles fortunées, et,pour les autres, devenir un gagne-pain.L ’enseignem ent de l’école de Schaerbeek,pour jeunes gens, est plus spécialem entconsacré au dessin et au m odelage industriels; inspirée du même esprit que lesécoles sim ilaires de l’agglom érationbruxelloise, elle a pu profiter de l’expériencede celles qui l’ont précédée, etvise, moins qu’elles encore, à form er desartistes proprem ent dits ; les élèves, quisouvent y sont entrés sans connaître lesprem ières notions du dessin, en sortentau bout de trois ou quatre ans à même

14 L A G E R B Ede gagn er leu r vie dans un m étier d’artdécoratif, et capables, grâce à l’enseignement rationnel qu’on leur a donné, de faireœ uvre personnelle au lieu de ressasserles m odèles connus : c’est qu’on s’estefforcé, non de leur m eubler la m ém oirede form es invariables, m ais de lesm unir de principes clairs et logiquesqui les initient au m écanism e même dela com position inventive, et leur permettront d’appliquer en com binaisonssans nom bre leurs idées propres. L eprem ier, le plus fécond de ces principesest l’interprétation des élém ents naturels,et spécialem ent de la flore. C ’estcelui qui forme la base des coursde com position ornem entale que donneA dolphe Crespin dans les deux in stitu ­tions dont nous avons parlé. On nesaurait m ieux ju g e r des résultats obtenusque par les reproductions ci-contre.Il y a une o rigin alité réelle dans cestravau x dont les auteurs sont des débutants.L ’affiche de M. F é lix V ersch avepour l’É cole de Schaerbeek. est d’un goûtparfait, et répond absolum ent aux e x i­gences spéciales du genre : les cara c­tères ont l’im portance voulue, le m otifcentral, em prunté à l’orchidée, la fleurm oderne par excellence, le fond surlequel se détache l’hôtel com m unal deS ch aerbeek, l’encadrem ent, com poséde form es géom étriques assouplies, toutcela « écrit » avec autant de netteté quede sim plicité, sans accum ulations etsans surch arges, s’exprim e clairem ent.D’une grâce charm ante de lign es, etd’un aspect irréprochablem ent appropriéà la m atière à em ployer, la m osaïquede M . K essel ; très louable, du même,la frise dont le sujet est em pruntéaux objets de la table et aux plantesp otagères; il est évident que l’élève quia inventé cette petite com position n’auraguère de peine à im agin er, par la mêmem éthode, une com binaison très différentelorsqu’il aura à m ettre en œ uvred’autres élém ents. L e lam bris deMlle B o eyken s tém oigne d'un goût épuré,très sû r; nous en dirons autant de sesplats, que nous avons eu l’occasionde voir en exécution, et auxquels ilne m anque que l’audace de la couleurpour constituer des objets d’ornem entationvraim ent rem arquables. L e papierpeint de M . D ecoster est, ce qu’il fallait,d’un aspect à la fois rich e et contenu,et la lum ière aura des jo u rs im prévuset charm ants à travers les vitraux com ­posés par M lles B o eyken s et D ekort, avecun goût sobre, la rg e et éclatant.M . S ULZBERGER.

R E V U E D ’A R T D É C O R A T IF 15COMPOSITION DE PLATS EXÉCUTÉS A L’ ÉCOLEM lle B l ANCHE B OEYKENS.PROFESSIONNELLE BISCHOFFSHEIM.PAPIER PEINT, ÉCOLE DE DESSIN DE SCHAERBEEK.V i c t o r D e c o s t e r .

I 6L A G E R B EPLAT, ÉCOLE PROFESSIONNELLE BISCHOFFSHEIM.Mlle G e r m a in e B e c k e r sFRISE, ÉCOLE PROFESSIONNELLE BISCHOFFSHEIM. M lle L o u is e S u r l e m o n t .

R E V U E D ’A R T D É C O R A T IF 17VITRAIL, ECOLE PROFESSIONNELLE BISCHOFFSHEIM.M lle D ECORT.VITRAIL, ÉCOLE PROFESSIONNELLE BISCHOFFSHEIM.Mlle B lanche Boeykens.

1 8 L A G E R B EPAPIER PEINT, ÉCOLE DE DESSIN DE SCHAERBEEK. G u il l a u m e G i l i s .

R E V U E D ’A R T D É C O R A T I F 19LAMBRIS, ÉCOLE PROFESSIONNELLE BISCHOFFSHEIM. M lle B l a n c h e B o e y k e n s .FRISE, ÉCOLE PROFESSIONNELLE BISCHOFFSHEIM.M 11e A l ic e C o l l i n .

20 L A G E R B EPAPIER PEINT, ÉCOLE PROFESSIONNELLE BISCHOFFSHEIM. M lle G e r m a in e B e k e r s .

REVUE D’ART DÉCORATIF 2 1a f f i c h e p o u r l ’é c o l e d e d e s s i n d e s c h a e r b e e k .F é l i x V e r s c h a v e

2 2 L A G E R B ESGRAFFITI A UNE MAISON DE LA RUE DE P a RME A BRUXELLES. (ARCHITECTE J. BARBIER.) A. CRESPIN, BRUXELLES.

R E V U E D ’A R T D É C O R A T IF 23PANNEAU EN MOSAÏQUE, ÉCOLE DE DESSIN DE SCHAERBEEK. PIERRE K E S S E L .

24 L A G E R B E R E V U E D ’A R T D É C O R A T IFE X PO SIT IO N SUne exposition de quelque intérêt s’estouverte du 7 au 20 novembre au Cercle Artistiquede Bruxelles. — A citer avant toutM . Verdussen, F. Halkett et V. Keuler.La moitié de la salle est occupée par lesœuvres de M. Verdussen, qui doit avant toutveiller à dégager sa personnalité de l’influencede Gilsoul et de Blieclc qu’il rappelle un peutrop et s’inspirer plus directement de lanature ; à part cela de sérieuses qualités depeintre.M . Halkett nous arrive avec une série deportraits que nous croyons très ressemblants,mais où un brun juteux gâte singulièrementl’harmonie de ses toiles.Vidal Keuler, peintre de figure, étale unesérie de paysages faits de chic, et peu consciencieusementtraités. Quelle différence entreles panneaux décoratifs qu’il nous montraitautrefois. On s’attendait à mieux de sa part.En ce moment Herman Richir expose ungrand travail que tout le monde ira voir.Dans différents panneaux décoratifs il nousretrace les Champs Élysées, symbolisés pardes figures, des fleurs et des paysages d’unejolie finesse de couleurs, et d’un dessin correct.Son collègue Adolphe Crespin a été chargéde l’entourage de ces panneaux.Nous en donnerons la reproduction complètedans notre numéro de février.X.NOS C O N C O U R SLa Direction met au concours un dessin decouverture pour la revue La Gerbe.Les concurrents sont libres de choisir leursujet — sauf à intercaler le titre ci-dessous.Marque.LA G E R B ER E V U E B E L G E D ’A R T D É C O R A T I F .Sommaire.Direction : rue de la Pépinière, 7, Bruxelles.Ce dessin doit être exécuté au trait noirsur papier blanc.La place laissée pour la marque doit êtrede 7 centimètres et demi de diamètre.L ’ensemble du dessin est de 17 x 25.Envoyer les projets avant le 15 février, àla Direction, 7, rue de la Pépinière, Bruxelles.Le projet primé sera reproduit et auradroit tous les ans à un abonnement.Les 3 dessins primés seront reproduits etne seront pas rendus.La Direction ouvre un concours de lettrinesillustrées pour la revue La Gerbe.Le projet primé aura droit à un abonnementannuel.Les lettrines seront reproduites pendant6 mois et commenceront chaque article.Envoyer projets avant le 15 janvier à laDirection.Les dessins ne sont pas rendus.Le projet primé second sera reproduit unefois.Çà et làB R U X E L L E S . — Derrière le théâtre de laMonnaie, rue des Princes, 14, vient de s’ouvrirun nouvel établissement. Quel est l’auteurde cette ignoble construction ? Jamais tellechose ne s’est présentée. Aussi comment leConseil communal a-t-il permis d’élever unesemblable caisse en plein milieu de la capitale?X.R EVU ES. — L IV R E SNous tenons à signaler à nos lecteurs unlivre qui vient de paraître à l'Office de Publicité.Quoiqu’il n’ait rien de commun avec l’artdécoratif, il est de nature à intéresservivement tous ceux qui suivent les efforts dela pensée contemporaine vers la réalisationd’un idéal de liberté. Il traite d'un problèmede la plus haute importance dont les conséquencesrejaillissent sur tous les domaines del’activité humaine.Le titre : L ’Éducation au point de vuesociologique.L ’auteur : J. Elslander, un penseur d’unefière indépendance d’esprit.Sans même donner un bref aperçu decet important effort de la littérature belge,nous nous bornerons simplement à faireressortir la portée philosophique de l’œuvre.M. B.B R U X E L L E S . — IM P R IM E R IE P O L L E U N IS E T C E U T E R I C K .

ART DÉCORATIFRevue d’Art décoratif moderne éditée à Paris, rue Pergolèse.NOSCONCOURSLe deuxième numéro de l'A rt Décoratif estencore plus luxueux que celui du mois dernier.Une profusion d’images et de planches horstextedonnent une extrême variété à cettepublication internationale qui intéresse autantles gens du monde que les industriels. Il nousest impossible de citer tous les artistes reproduits,disons seulement qu’on y trouve desmobiliers hollandais, écossais et allemands,descéramiques françaises, hollandaises etallemandes, des bijoux hollandais et autrichiens,des métaux anglais et hollandais, despapiers et estampes français, des tentures,verreries et vitraux anciens et modernes.L 'A rt Décoratif a annoncé quatre premiersconcours auxquels sont attachés près de troismille francs de prix. Voici les dates définitivementarrêtées : jeu de cartes, 10 décembre;photographie d’une maison de campagne,10 décembre ; en-tête de papier à lettres,10 janvier; bureau et son fauteuil, 10 février.Il est recommandé aux concurrents d’envoyerles projets avant ces dates, aux bureaux del'A rt Décoratif, 37, rue Pergolèse, à Paris.L. BOCHOMSARCHITECTURE & DÉCORATIONS INTÉRIEURESHABITATIONS MODERNESAMEUBLEMENTS MODERNESDESSINS, DÉCORATIONS, VITRAUX, PAPIERS PEINTSFERRONNERIESAMEUBLEMENTS ANCIENS7, Rue de la pépinière, 7, BRUXELLES

N* i. JANVIER 1899.LA GERBERevue d'Art Décoratif Belge.Ce numéro est entièrement consacre auxœuvres du sculpteurCONSTANTIN MEUNIERBiographie de l’artiste, par Ray NYSTL e t i r a g e é p u i s é c e n u m é r o s e v e n d r a 2 f r . 5 0DIRECTION : 7, RUE DE LA PÉPINIÈRE, BRUXELLES.CENU ME R O : 1 . 5 0

L A G E R B ER e v u e m e n s u e l l e d ’A r t d é c o r a t i f b e l g eD ir e c t io n : 7 , r u e d e la P é p in iè r e , B r u x e lle sABO N N EM EN TS.B e lg iq u e : Un an, 16 francs au com p tan t.— P a r trim e stre , 4 .5 0 francs.É tra n ger le p o rt en sus.A d resser les abonnem ents à la D irectio n , 7, rue de la Pépinière, à Bruxelles.R É D A C TIO N .T outes les co m m u n ic a tio n s concern an t la rédaction de la revu e, rectifications,m an u scrits, d ocu m en ts, d essin s, p h o to grap h ies, d oiven t être adressés à la Direction7, rue de la P épinière, à B ru xelles.L es m an u scrits ne sont pas ren d u s. — Il sera d o n n éun com p te rendu deto u t o u vrage don t tro is exem p laires p a rv ien d ro n t à la D irectio n .R E PR O D U CTIO N D’A R T IC L E S E T D E G R A V U R E S.L a rep ro d u ctio n des articles, dessins et gravu res est abso lu m en t in terd ite mêmeavec in d icatio n de source de proven an ce, à m oin s d’une a u to risatio n de la Direction.N . B . — L es au teu rs sont seu ls respon sab les de leu rs écrits.P U B L IC IT É .P o u r les annon ces, récla m es, e tc ., à in sérer dans la revu e, dem an d er les tarifssp éciaux à la D irectio n , 7, rue de la P épin ière, à B ru x elles.

L A CLO CHEIMENT PO RTLAN DMATERIAUX DE CONSTRUCTION EN GÉNÉRALMOMBEL-BOSSARTE T F I L SBRUXELLES, 19, RUE DE BERLAIMONTANVERS, 3, RUE JAN VAN LIERU sine à C hercq-lez-TournaiCiments et chaux de toutes qualités, pierres de taille,Carreaux en ciment, trass-plâtre, etc., etc.Pavés lumière Hayward pour l’éclairage des sous-sols,caves et pièces obscures.TROUS A CHARBON ET VENTILATEURS HAYWARD.LA CLOCHECIMENT PORTLANDCiment blanc anglais super fin. Le plus riche produit pourfaçades, vestibules, etc.Grès vert de la Gileppe d ’une teinte superbe, le plus beaude tous les grès, employé dans les façades, églises, villas,châteaux et monuments importants.Carreaux de revêtement Civer, produit en verre-porcelainepour revêtement des murs, plafonds, vérandas, terrasses,etc. — Carreaux blanc de neige et teintes fines.Briques et plaques en liège agglomérées.Produits de qualité extra, prix très avantageux.A V IS IM PORTANT. — La Maison Mombel-Bossart et Fils, a créé undépartement spécial qui se charge de rechercher à la demande de MM. lesarchitectes les articles et produits spéciaux de tous pays.B ru x e lle s. — lm p . P u lleu n is e l G eu te r ic k , rue des U rsu lin e s ,37.

La Gerbe, janvier 1899.AD-CRESPIN 1898

L A G E R B EREVUE D’ART DÉCORATIF BELGELE SCULPTEUR CONSTANTIN MEUNIERU ne série d’œ uvres qui retracerontles labeurs de notre siècle, grandisju sq u ’au m artyre, et am plifiant l’hommeà la ta ille d’un form idable instrum ent.Constantin M eunier semble avoir étéfrappé de l’écart plastique qui existeentre le colossal ou tillage industrielet l’homme, créateu r et gouverneur.L ’homme chétif, usé aux besognes,déform é ju sq u e dans sa chair et sonsquelette par l’im placable appropriationaux terrib les nécessités du m étier, esttout entier repris, avec ses afflictionset ses tares, em porté d’une pièce àtravers le tem péram ent de l’artiste,d’où naît alors une créature nouvelle,plus harm onisée à la taille de sonlabeu r, plus im prégnée de résignationenvers ses souffrances, plus profondément m usclée pour la violence et pourla résistance, en un mot une figureathlétique du tra vaille u r m oderne, uneplaie victorieuse.Sans se préoccuper de la réalisationd’un type serein de la beauté, M eunierpoursuit la réalisation d’un type toutd’appropriation de l’homme à la machine,à la m ine, aux héroïques labeurs.C’est toujours, en même tem ps, laform e statuaire d’une beauté m orale,l’endurance et la persévérance deshum anités inférieures, la lutte sombrepour le salaire et la perdurationséculaire.Il est arrivé aussi que dépassantl’expression de la vertu de résignationet d'endurance têtue, M eunier ait relevéle travail de la terre et de la mined’un geste d’indépendance et d’avenir.Certains hauts-reliefs du m aître retracentdes m usculatures et des torses d’oùsemble ja illir l’éblouissem ent d’un tra ­vail divin, le sentiment du devoirhéroïque et de l’avènement du travaillibre et fraternel.Oh ! elle est révolutionnaire cettelongue suite d’œuvres d’un calm e grandartiste.Je dis révolutionnaire, et voici commentje n’exagère point, et comment lemot, justifié, nous dévoilera le senssocial de l’artiste, car il en a toujoursun, en dépit de toute préméditation.Constantin M eunier ne poursuitsciemment aucune revendication humaine, et son génie qui travaille endehors de toute école, de même croittravailler en dehors de tout parti. M aiscette liberté n’est pas humaine, touthomme est fatalem ent l’artisan d’un

2 L A G E R B Ep arti, et plus il individualise sincèrement son labeur, plus il arm e et dénoncesa m orale, sa ju stice , ses espoirs.L ’œ uvre de M eunier dénonce d’abordl’im m oralité de l’organisation m odernedu travail.Certes, il ne s ’a git pas d’une dém onstrationpolitique ni économ ique; lecœ ur seul de l’artiste est im prégné dehautes prédilections et le bronze derésignation et de souffrance que sapitié enfante est inconsciem m ent conçu,comme aux flancs d’une m ère gén é­reuse, dont le fils devient par hasardun vengeur.Ses prédilections de conscience etd’hum anité prennent parti dans le com ­bat social pour la classe des travailleu rsaux dures besognes.L a source des vigueu rs d’un artistedérive de causes si m ultiples qu’il resteraitcependant difficile de faire préciser,par l’artiste lui-m êm e, si sa prédom i­nance d’am our pour la classe laborieusea été inspirée par le cœ ur ou par lesy e u x , par le sentim ent de la souffranceou par la divination de la ressourcesculpturale.Cette classe a seule conservé l’activitécorporelle, la variété du m ouvem ent,l’o rigin alité du geste et des attitudes.E lle devait donc rester essentiellem entsculpturale. L e délabrem ent de la vêtureouvrière perm ettait seul d’éluder enpartie la d isgrâce du costum e m oderne,en même tem ps que la vétusté m isérabledes étoffes, portées longtem ps à traversle frottem ent de tous les labeurs, à tra ­vers l’im prégnation de toutes les atm osphères,faisait de cette vêture une plusétroite et plus fidèle enveloppe auxform es corporelles. Ces deux raisonsétaient déjà m ajeures pour influencerl’œ il et le jugem en t sûrs d’un m aîtrem agistral et héroïque, qui veu t conserverde chaque tem ps ce qu’il com ported’éternel.D eux grandeurs étaient en présence,et qu’il s’a gissait d’a llier : l’une, l’antiqueossature, im m ortel et prim ordialhéritage, et l’autre : l'effort industriel,cette form e m oderne des luttes contre lam ort.E t M eunier, sur l’étern ité corporellede l’homm e, im prim a les caractèresspéciaux de notre activité, une formesynthétique du travailleu r du x ix esiècle.M ais il avait fallu vaincre une p réalabledifficulté ; et c’est ici que se place undes plus ém inents triom phes du m aître.L ’activité industrielle m oderne s’a c ­cuse surtout par la m écanisation du tra ­vail.P lu s l'hom m e vient s’affaiblissant,plus la m achine va vers le form idable.Il naît de cet écart une désharm onieapparente.E lle ne pouvait subsister dans l’in tégrationsculpturale, où le corps hum aindevient à peu près l’exclu sif m oyen d’expression.F a ire de l’homme un prétexte à développements m usculaires, c’était trahir lavérité, sortir du caractère à établir ; lecopier fidèlem ent, c'était insuffisam m ents’en servir, puisque ce n’était rien é v o ­quer que l’usure et la souffrance, sansrappeler, pour les siècles, la légendehéroïque du com bat, d’où sort la vie etla victo ire des villes.Il y a vait pour un profond artiste desm oyens plus com plets et plus m ultiplesde réaliser ce p roblèm e: créer un êtrequi évoquât, en même tem ps que lepoids de la souffrance victorieuse, lespectacle des form idables créationsindustrielles, qui brassent nos civilisa ­tions ardentes et pressées. Il fallait ré a ­liser des homm es suscitant l’im pressiond’une atm osphère spéciale, faite de feret de flam m es, étudier des allures decalm es dom pteurs, de m âles dédaigneuxet pacifiques, ceu x qui laborent auxp érilleu x côtés des m onstres d’acierpour le salaire et la prospérité, ensomme inclure dans l’homme la g ig a n ­tesque usine.C’était réaliser une race de T itan s,m ais qui fut accablée cependant par tousles m alheurs hum ains, car ConstantinM eunier lui conféra une gran d eur quin’héroïse que la volonté, la ténacité, lepropre cham p funèbre de la lutte. Il nes’agissait pas de rédim er l’homme parl’am ertum e du labeur, m ais de le dém ontrerpatient m artyr de la souffrance quipèse sur la concurrence vitale industrielle.

REVUE D'ART DÉCORATIF 3Ces machines, pareilles à des monstresen lutte, qui rivalisent d’une usineà l’autre pour se dépasser dans la production! Ces triomphes réalisés tantôtà coups de capitaux métamorphosés enforce motrice, acquis sur le temps desouvriers, tantôt encore acquis au préjudicede leur santé ruinée par l’insalubritédes locaux ou des matières ! Etencore l’horreur des accidents : c’est aumilieu de ces luttes que le pain del’ouvrier se pétrit. La machine semblele maître, le dispensateur, dont la sournoiserieguette, d’une griffe formidable,et dont le labeur en même temps distribuele pain ; terrible tortionnairepour les moindres défaillances. A cettelutte, à cet écrasement, l’ouvrier nepeur, tenir tête que par la patience et larésignation aux éventuelles douleurs,par l’aliénation constante de sa liberté etde ses désirs, de ses joies et de ses repos.Inflexible comme l’engrenage de ferqu’il gouverne, l’engrenage social del’offre et de la demande refusera la nourrituresi l’effort de l’ouvrier se révolteou se néglige, s’affaiblit par l’âge, ou serésigne par l’impuissance.Et c’est pour résister à ces calamitésque Constantin Meunier créa le typed’une race de héros de l’endurance et dela patience, et le créa d’une telle allurequ’il institua cette race martyrologe etboulevard héroïque de la prospéritésociale.J’ai dit révolutionnaire l’œuvre dusculpteur Constantin Meunier.Une face nouvelle de cette œuvre feravoir tout le cerveau de l’artiste, maisà cette première partie de notre étudejoignons d’abord l’illustration des conceptionsqui s’y rattachent.Constantin Meunier fut, et est restépeintre. Les industries de la houille etdu fer, p ar leur âpreté et leur formidableoutillage, lui semblèrent résumer lesplus terribles travaux humains. Il retraçales scènes et les horizons tragiques du« pays noir » en lugubres et sincèrestableaux, jusqu’au moment où il se sentitla force de résumer tout un horizondans la seule attitude d’un personnagesculptural.Il ne considéra jamais le pinceau,je pense, que comme la nécessité d’avoirvu minutieusement ; et le peintre préparatoujours synthétiquement le sculpteur,comme encore à l’heure actuelle lepeintre élabore en l’artiste de nouveauxreliefs.Qui a vu ses mineurs, ses femmes demineurs, ses coins de mine, ses entrées,ses réseaux d’étançons, saisis par-cipar-là, se convaincra aisément du systèmede marche de ses conceptions.Dans un autre champ do vue, maisdans le même choix d’impressions, ilexiste quelque part une toile d’une puissanceextraordinaire : rien que la pierremoussue d’un brise-lames au pied d’uneestacade battue par le flot; le flot heurtaità peine au moment où l’artistecopiait la nature, mais ces trois choses,l’eau, le bois, la pierre, sont hausséesau degré d’une puissance inouïe derésistance ! Sans aucune exagérationdans la forme cependant, douées dansleur âme de choses, simplement.C’est encore une fois l’impression portéeà son comble, de la résistancehumaine et imprégnée jusque dans lapierre et le bois disposés par l’hommepour son salut et celui de ses œuvres.Que dire d’un artiste qui a cettegrandiose conception des multiples luttesde son temps, qui maintiennent le mondeet l’achèvent !Pour apprécier toute l’œuvre de ConstantinMeunier il faut subir son travailet saisir à nouveau les points où se nouela réalité à l’illusion de la matièrevivifiée.Revenant à son œuvre sculpturale,nous mentionnerons, dans la premièrecatégorie toujours, son décharné Chevalde mine ; les Puddleurs ; la Glèbe,horizon désolé, de bronze, où deuxhommes accouplés sous un attelagetirent péniblement une herse, fardeausymbolique de la misère physique etmorale qui durcit la terre ; le Semeur,le Faucheur, placés au Jardin Botaniquede Bruxelles; le Grisou, ce dramequi crie misère et douleur sur le péristyledu musée de Bruxelles. D’une souffranceplus générale encore : l'E nfantprodigue et le Père Damiens, deux couvresd’une paternité et d’une charité

4 L A G E R B Eardentes et évangéliques. Disons-enun travail,mot,cerveaudel’artistequiavant depasser àcelledesfacesdu avecunegloiretellequelespromettant justiceethumanitésliberté,exalteletravail oppriméess’yvoient enfinvictorieuseset enhéroïsel’indépendance.genouxversL’enfant prodiguesetraînesursonpèrequi lui relèveleles réellementplusquedesdieux,et invinciblement.commedeshommes,L ’Œuvre. —La Moisson. —Le Port.front. Et cettescènepoignanteest couléesansungeste,Trois hauts-reliefs, dont lepremiermoindreparoledéclamatoire!sanslevestigedela estretrouvonsexécutéplusgrandquerature. NousPère,Laseconde:lePèrejeune missionnaireDamiens,qui partitce mentsdanstousles trois les élé­premièrepartiedecetteétude.sculpturaux signalés dans lalaporterreligionauxles soinsetlépreux,laconsolationdeest représentédebout,lacroixenmain, pro­levéesMêmestypes, mêmeslabeurs.Maismaintenantet les gesteslestêtessont fiers.sontNoushauttégeantdénudé.sous sapèlerinelelépreux sommesenpenséeaudelàdesmisèresempreintesurLaferveur d’uneardenteprièreestsocialeslafiguredumissionnaire,C’est toujours,et les peuplesontoui, laloitriomphé.dutravail,par laplusfermeellerayonnelaénergiehumaine.foi, secouruemaisletravail est rétribué,l’effort nesont plusceuxdel’hommelelabeur etVoyons enfintrois œuvres essentiellestout l’artiste.qui vont nousservir àenvisagerl’inertieetcontrel’homme,les résistancesmaisdel’hommecontredelanature,verainetédelamatière. Uneatmosphèredesou­duIltempssent audelàdudouloureuxeffort hommes, habitantsemplit led’unsolpoumondecesoùlaprospéritédesfamillesconstituelaforcedeprésent s’acheminer unevictoire;de quelqueletravailchosemonteàl’assaut lanationjoyeuse.de glorieux; lemartyredenombreuseshumanitésdoitEt il merevient ici lamémoiredeacheter uneèred’indépendanceet decetteréponsefaiteàlaChambrebelgejustice.forter l’enduranceetIl sent quelquechoserécon­aucoursd’anciensdébats, àunreprésentantqui déniait l’honorabilitéàdesaudelàdusalaire.animer lavolonté, créatures qui neseraient pasdeDieu:Et aprèsavoir sculptél’âgegénéreux—L’humanitéest respectablepardusacrifice,vail joyeuxetillibre.prophétisel’âgedutra­elle-même!répliquaHector Denis.Quefait-il encela, sinonunemagnifiqueillustrationàelles,Sansqu’instinctivementdoutecesévidencesetnesesont,lentementet socialedesDenis,l’œuvrephilosophiqueSpencer, detousleshommesappliquésdesComte, destraitgroupées,plusenavantàmesurequelemaîtrepéné­danslacarrière;maischerchant àpréciser cettecarrière,heureuxetàlarecherchedel’ordresocialleplusfécond, et leplusleplusj’aiaprésidéàladirectiondecetteactivitévoulumontrer toutelavigueur quidignesurtout.Il dressel’âmeet laconclusiondeleuret l’admirablelogiqueàlaquelledoiventleurssouslesyeuxdetousceuxquiimmenseset généreuxtravaux,artiste.naissanceles œuvres d’ungrandnelisentpas,statue.les enseignant dugeste d’unegrandesJ’ai vouludireencorecombienlesœuvres et les grands labeurssont essentiellement humains.N’est-ellepasfermement révolutionnairel’œuvrequiclameleschartes duR a y NYST.

R E V U E D ’A R T D É C O R A T IF5LE CARRIERCONSTANTIN MEUNIER — BRUXELLES

6 L A G E R B ELES TRAVAILLEURS DE LA M ER CONSTANTIN MEUNIER — B R U X E LLES

R E V U E D ’A R T D É C O R A T IF 7LA G L È B E — B A S - R E L IEFCONSTANTIN MEUNIER — BRUXELLES

L A G E R B E R E V U E D ’A R T D É C O R A T I F 9ÉTUDE POUR LE G Rl S O UCONSTANTIN MEUNIER — BRUXELLES

L A G ER B E R E V U E D ’A R T D É C O R A T IF I IPUDDLEURS —BAS-RELIEFCONSTANTIN MEUNIER — BRUXELLES

LA GERBE REVUE D’ART DÉCORATIF 1 3MINEURCONSTANTIN MEUNIER — BR U X E LLES

L A GERBE REVUE D ’ART DÉCORATIF 15FEMME DU PEUPLECONSTANTIN MEUNIER — BRUXELLES

LA GERBE REVUE D’ART DÉCORATIF 17P É C HEUR BOULONNAIS CONSTANTIN M E U N IE R —B RUXELLE S

LA GERBE REVUE D’ART DÉCORATIF 19M IN EURSCONSTANTIN MEUNIER — BRUXELLES

LA GERBE REVUE D’ART DÉCORATIF2 IINTÉRIEUR DE C HA RBO NNAGE — P E I N T U RE CONSTANTIN ME UNIER — B RU X ELLES

LA GERBE REVUE D’ART DÉCORATIF 23MINEUR ACCROUPICONSTANTIN MEUNIER — BRUXELLES

24 LA GERBE REVUE D’ART DÉCORATIFL’EXPOSITION STÉVENSL ’exposition de M. Max Stévens à la Maisond’Art nous a montré le jeune artiste trèsen progrès. Ce progrès est surtout notableau point de vue de la technie. M. Slévensavait débuté en art avec de sérieuses qualitésd’élégance et de distinction, servies,malheureusement, par un métier fort insuffisant.On ne nous a que trop habitués ences dernières années à sacrifier aux dogmesd’esthétiques conventionnelles les plus élémentairesconditions du dessin et de la couleur.Nous sommes heureux de constater queles efforts de M. Stévens, dirigés aujourd’huivers la technie, lui ont valu de réels succès. Sison Annonciation, son Ravissement d’Andromède,et son Roi Harfagar témoignent d’unecertaine recherche de “ l’idée „ — un peutrop empruntée, cependant — elle est loinde compenser le dénuement de la “ formeCombien nous préférons à ces pastichesd’art ancien les œuvres plus récentes. Il y aen M. S tévens un artiste plein de goût et unpeintre qui donne de sérieuses promesses.Nous n’en voulons pour témoignage que lestrois esquisses pour des portraits et la petitetoile intitulée L a Robe. Elles ont ces qualitésd’accent et celte chaleur d’exécution quen’ont pas toujours les œuvres plus considérables.A mettre hors pair un portrait deMlle Marguerite de S. d’une facture châtiéeet ferme, le portrait de Mme J.-B. S., un desmieux peints; un Profil plein de style appartenantà M. Renson.Il y aurait à citer encore plusieurs œuvrespleines de mérites, mais bornons-nous àconstater que cette exposition est, pourM. Stévens, un témoignage intéressant deson talent et nous lui conseillons de persévérerdans la voie qu’il vient de se tracer.U r b a i n L a s s a l l e .N° D’ÉTRENNES DE “ L’ART DÉCORATIF "Pour le mois de décembre, l'Art Décoratifoffre à ses lecteurs un véritable numérod'Etrennes d’un luxe inconnu jusqu’à ce jour.Outre une merveilleuse série de planches encouleurs représentant les arts du verrier etleurs multiples applications chez les maîtresdu genre, nous avons trouvé plusieurs bellesreproductions d’œuvres de Puvis de Chavanneset un magnifique éventail par G. deFeure, aquarelle hors-texte, en douze couleurset susceptible d’être monté.Nous donnerons la prochaine fois les nomsdes lauréats du premier concours. Deuxrestent encore ouverts : l’en-tête de papier àlettres pour le 10 janvier, avec 250 fr. de prix;le bureau et son fauteuil pour le 10 février,avec 1600 fr. de prix. Il est recommandé auxconcurrents de ne pas attendre au dernierjour pour envoyer leurs projets aux bureauxde l'Art Décoratif, 37, rue Pergolèse, à Paris.ACADÉMIE ROYALE DEBRUXELLESP a r é s , m a s q u é s e t t r a v e s t isTous les esthètes,Tous les intellectuelssont conviés à participer aux ébats chorégraphiquesdes Rapins, au Théâtre Lyrique,le 21 janvier 1899, à 9 h. du soir.Il y aura des attractions de tout genre, concoursdivers, danses étrangères par d’authentiquesétrangers, bref on ne s’embêtera pas.B R U X E L L E S . — IM P R IM E R IE P O L L E U N IS ET C E U T E R I C K .

ART DÉCORATIFRevue d’A rt décoratif moderne éditée à Paris, rue Pergolèse.DEUTCHEKUNSTU N DD E C O R A T IO NA L E X A N D R E KOCK D A R M STADTSTUDIOH E N R IE T T E STR E E T LONDRESL. BOCHOMSA R C H IT E C T U R E & DÉCORATIONS IN TÉR IEU R ESH A B IT A T IO N S MODERNESA M E U B L E M E N T S MODERNESDESSINS, DÉCORATIONS, V IT R A U X , P A P IE R S PEIN TSFER R O N N ER IESA M E U B LEM E N T S A N CIEN S7 , Rue de la pépinière, 7, BRUXELLES

L A G E R B E est la seule revue d’A rt décoratif belge.L A G E R B E ne reproduit que les œuvres d ’artistes belges.L A G E R B E s’adresse aux décorateurs, ébénistes, métallurgistes,céramistes, verriers, orfèvres, fabricants de papiers peints, relieurs, fabricantsde tissus, imprimeurs sur tissus, imprimeurs-typographes, fabricants de cuirs décorés,e tc ., etc., en un m ot, à tous ceux dans l ’industrie desquels l’art appliqué joue unrôle.L A G E R B E sera pour ces industriels un document indispensable,les tenant au courant de toutes les innovations apportées ou tentées dansla décoration par les artistes belges.L A G E R B E sera pour les architectes le plus com plet desdocuments sur, l ’art décoratif belge.Le prix de l’abonnement est de 16 francs par an au comptant ;4 fr. 50 par trimestre.Adresser tout ce qui concerne l'administration et la rédaction à la Direction7, rue de la Pépinière, 7, à Bruxelles.B R U X E L L E S . — IM P R IM E R IE P O L L E UNI S E T C E U T E R IC K .

LE NUMÉRO 5 0 CENTIMESLA GERBEBR E V U EE L G E D'ART DECORATIFS O M M A IRE ST E X T E :Auguste B o d in ........................R a y N y s t .L’Art et le goût dans l’Industrie. E d g a r B a e s.Chronique..............................................G. Hamesse.Une Erreur....................................L. B.ILLUSTRATIO NS :RODIN, W OLFERS, ROUSSEAU, B OCHOMS.HORS T E X T E :Le Penseur d e A . R o d in .JUILLET 1899 N° 1DIRECTION BRUXELLES7 RUE DE LA PEPINIE RE 7IMPRIMERIE-PHOTOGRAVURE, L. VANDAMME ET C JETTE

LA GERBEREVUE MENSUELLE D'ART DÉCORATIFD I R E C T I O N : 7, Rue de la Pépinière, 7, à Bruxelles.M. Léon BO C H O M S, DirecteurCOMITÉ :MM. RAY-NYST, Edgar BAES,Adolphe CRESPIN, Georges HAMESSE.T o u t e s le s c o m m u n ic a tio n s c o n c e r n a n t laR é d a c tio n , r e c t ific a t io n s , m a n u s c r it s , d o c u m e n ts ,d e s s in s , p h o to g r a p h ie s , d o iv e n t ê t r e a d r e s s é e s à laD ir e c t io n , 7, Rue de la Pépinière.L e s m a n u s c r it s n e s o n t p a s r e n d u s .I l s e r a r e n d u c o m p te d e t o u t o u v r a g e , r e v u e ,liv r e s , d o n t u n e x e m p la ir e p a r v ie n d r a à la D ir e c t io n .Reproduction d’articles et de gravuresL a r e p r o d u c tio n d e s a r t ic le s , d e s s in s , e s t a b s o ­lu m e n t in t e r d it e , m ê m e a v e c in d ic a t io n d e s o u r c e d ep r o v e n a n c e , à m o in s d ’u n e a u to r is a t io n s p é c ia le .ADM INISTRATION :L. Vandamme & C°, Editeurs, à Jette-BruxellesABONNEMENTS :B E L G I Q U E : U n A n . . 6 francs. — S ix M ois. . 3 francsE T R A N G E R : » » . . 8 francs.PUBLICITÉ :P o u r les annonces, réclam es, etc., à in sérer dansla R évue, s’adresser aux E d iteu rs qui enverron t leta rif et tous les renseignem ents.P r iè r e de prendre noteAVIS IMPORTANTT ou tes les com m unications concernant la RÉDACTION doivent être adressées àM . L. B O C H O M S , DirecteurR U E D E L A P É P I N I È R E , 7, BRUXELLESP o u r les ABONNEMENTS, ANNONCES, RÉCLAM ATIONS, VENTES, DÉPÔTS,CHANGEMENTS D’ADRESSE, etc., etc., s’adresser àTÉLÉPHONE 4003L. Vandamme A. C°, Editeurs, Jette-B ruxelles

AUX lecteurs de la Gerbe.C hacun au jou rd 'hu i reco n n a ît com b ien d é sa str e u x a été le rô le de p rèsq u e to u t le X I X e siè c le d ans le s q u e stio n s d ’art d éco ra tif, de ce côtéde l’A rt qui a p a ssio n n é le s p lu s g ra n d s m a îtr es et qui sem b le d ev en ir,de p ar l’é v o lu tio n , l’e x p r e ssio n ad éq u ate d e l’état d’âm e d ans le s g én éra tio n sn o u v e lle s .L e m o u v e m e n t s ’a ccen tu e d éjà p artout au tou r de la B elg iq u e, p etit c e n ­tre p eu n é g lig e a b le p o u r ta n t, .car sa v ita lité n e s ’a ccom m o d e, point d ’unesim p le su jé tio n à d es m o ts d’o rd re v en u s de l’étran g er.S i n os a r tis te s s in sp iren t v o lo n tie r s aux so u rc es du B eau, d’où q u’e llesa fflu e n t, si n o u s a v o n s sa lu é avec jo ie l'ap p arition de revu es te lle s que leS tu d io , l’A r t d é c o r a tif, e tc . q ui n o u s p erm e tten t de fra tern iser avec d ’au tresa d m ir a te u r s de l’A rt v ra i, n o u s v o u lo n s éch a n g er a v ec ceux ci nos impressio n s, le u r m o n trer, m ê lé e s aux le u r s, d es œ u v r e s in éd ites de nos m aîtresqu' ils sa v e n t a p p r écier d éjà , et d es te n ta tiv e s de n o s tra v a illeu rs n ouveauxq u i m é r ite n t d’êtr e p r o je té e s à la lu m ière.L ’u n io n in tim e d ’un gro u p e fix é au sein de n o tre n ation peut seu le fairele v e r le s g e r m e s d es o r ig in a lité s v ér ita b les, si p récie u se s pour lu révolu tiond u g o û t e t q u i so u v en t n o u s se ro n t en v ié e s.A u ta n t La Gerbe sau ra ch o isir parm i le s œ u v r e s u tilem en t b elles den o s v o is in s e t le s p ro p o ser à l’étu d e d es B e lg e s, au tan t e lle s ’efforcerad ’é te n d r e en d eh o rs de n o s fr o n tiè r e s la r é e lle co n n a issa n ce d es r e sso u r c e sq u e n o u s o ffr en t n o s in d u str ie s en a p p lica tio n s o rn em e n ta les et d éco r a tiv es,d e tout ce q ui to u c h e à la fois à n o tre sé cu la ir e g é n ie a r tistiq u e et à n ôtrefié v r e u se e x p a n sio n d e tra v a il con tem p orain .E lle fera a in si, g râ c e aux co n co u rs de forces v a riées, œ u v r e in té r e s­sa n te m a is a u ssi p ro fita b le p our ceu x qui lui auront ap p orté leur p art,a r tis te s , e s th è te s , m o d ern es M écènes.A p r ès a v o ir dû su sp e n d re sa p u b lica tio n durant p lu sieu rs m ois, lesd é b u ts p é n ib le s son t in h é ren ts à p a r e ille s e n tr e p r ise s , La Gerbe vient rep ren ­d re sa p la ce e t se réclam e à nouveau au p rès du p u b lie a rtiste et am ateurd ’a rt qui p r é c ed ém m en t a v a it, ap plau di à l'in itia tiv e de la d irectio n .E ta n t d o n n ées les. b a se s n o u v e lle s, su r le sq u e lle s s'ap p u ie l'ad m in istrationp o u r co n tin u e r la p u b lica tio n du jo u rn a l, l’e x iste n c e de La Gerbe estd é so r m a is a ssu rée.C erte s n o tre form at e s t m o d e ste , m ais n ous a v o n s le ferm e esp oir, eug r o u p a n t le s b o n n es v o lo n té s et en coord on n ant to u s n os effo rts vers le butp o u r su iv i, d 'a rriv er b ien tô t à le d oubler, à le trip ler m êm e : n ous vou lonsfa ire d e La Gerbe un o rg a n e d’év o lu tio n a itis t iq u e ap pelé à d ém ontrer quel ’A r t B e lg e e st to u jo u rs v iv a c e et, q ue s ’il lui m an q u ait une tribune où ilp u is s e se p ro d u ire lib rem en t, c e tte lacu n e est com b lée.LA D IR E C T IO N .

MOMBEL-BOSSART ET FILS19, RUE DE BERLAIMONT, BRUXELLES3, RUE JAN VAN LIER, ANVERSU s i n e à C h e r c q - l e z - T o u r n a iCiments et chaux de toutes qualités, pierres de taille,Carreaux en ciment, trass-plâtre, etc., etc.M A TÉRIA U X DE CONSTRUCTION EN GÉN ÉRALPavés lumière Hayward pour l’éclairage des sous-sols,caves et pièces obscures.Trous à charbon et ventilateurs Hayward.Ciment blanc anglais super fin. Le plus niche produit pourfaçades, vestibules, etc.Grès vert de la Gileppe d’une teinte superbe, le plus beaude tous les grès, employé dans les façades, églises, villas,châteaux et monuments importants.Carreaux de revêtement Civer, produit en verre-porcelainepour revêtement des murs, plafonds, vérandas, terrasses,etc. — Carreaux blanc de neige et teintes fines.Briques et plaques en liège aggloméréProduits de qualité extra, prix très avantageux.A V IS IM P O R T A N T . — La M aison M om bel=Bossart et F ils, acréé un départem ent sp écial qui se charge de rechercher, à ladem ande de MM. les arch itectes, les articles et produits sp écia u xde tous pays.

L a G e r b eAu g u s t e Rodin.Je crois que la m atière d’art, demandeautant de précision dans l’examen,que la matière scientifique. Avantdonc de parler de Rodin, je crois utilede faire remarquer que c’est, exclusivement, desœ uvres qui furent exposées à « La Toison d’Or ”,qu’il est question.Cette exposition comprenait l’ensemble desouvrages qui se trouvaient en cours dans l’atelierde Rodin, lorsqu’on le décida à en faire uneexposition.Cet ensem ble peut donc, et doit donc seulementêtre considéré, avec toute l’intimité qu’aurait euune visite dans l’atelier du m aître, à Paris.Ceci n’est pas une étude sur Rodin, mais uneétude sur l’exposition Rodin, à Bruxelles. Je m ’ybornerai forcém ent, n ’ayant jamais vu une statuedéfinitive de Rodin, en place, ni un bronze, ni unmarbre, où que ce soit (*). Il ne faut pas d’équivoqueà ce sujet. Quand on parle d’un artisteaussi personnel et aussi varié, on ne saurait,trop nettem ent, préciser d’abord comment on leconnaît.Parler, d’après des plâtres en chambre, d’unsculpteur travaillant pour le marbre, le bronzeet surtout le plein air, sans doute ce seraitimprudent.Mais on peut se détourner de cette imprudence,et s’en tenir à ses impressions vives.Lorsqu’on arrive à l’Exposition Rodin, parmiles caisses et la paille du déballage, parmi lesplâtres sans ordre, sans socles, épars sur le plancher,ainsi que cela fut à “ La Toison d’Or "quand j’y arrivai, c’est une impression d’éblouissement lumineux qui se dégage en premièreligne.On sent nettem ent, cependant, que cet éblouissementn'a pas pour origine la blancheur duplâtre; que celui-ci, n’y est que pour peu; maisqu’il y a une autre cause. On ne sait encore,dans ce premier moment, au juste, quelle cause ;(1) - Il travailla à presque toute-la décoration de la Bourse avecle statutaire belge Van A elsbroeck et il m' a cite, parmi les morceauxdont il est l’auteur, deux des groupes qui décorent la cornichedu côté de la rue de la Bourse et toutes les cariatides quiornent l'intérieur.Outre les cariatides du Crédit Lyonnais et celles d' une maison duboulevard Anspach, aujourd’hui démolie, il est encore l'auteur dedeux des adm irables groupes qui décorent le mur du jardin desAcadémies, rue D u ca le: un torse brisé qui est tout a fait dans samanière définitive, et " l’Amour mesurant la terre ", dont la grâceopulente séduit tous ceux qui ont le goût de la belle statuaire. Rodina encore produit à Bruxelles un travail considérable et " les plusintéressant, que fort peu d'entre nous ont vu. C'est la série desneuf provinces qui se trouve placée dans le corridor du P alais royaldeBruxeles.Certes, ces diverses œuvres ne sont pas de celles qui marquerontdans la carrière de R odin : le maître ne s était du reste encore" tr o u v é " lui-même ( Le P etit B leu du J u in 1899.)simplement, on savoure l’éblouissement ; on goûte,avec une joie, cette lumière qui vient à vous.Puis, si l’on s’en va, jusqu’à attendre pourrevenir que toutes ces choses soient mises enplace, cette lumière ne s’oublie pas ; de largosformes irradiantes restent dans la mémoire, commeune essence qui se serait émanée de l’œuvre etresterait, sous forme d’impression immatérielle,toute légère, sans que le souvenir de la matièred’où elle s’est émanée, l’alourdisse.C’est le miracle de la lumière fouillant et, animantla substance.Et l’on revient.On retrouve avec volupté cette même lumière,prodigieusement irradiante, sur toutes ces chosesmises en place, et qui apparaissent comme desmoulages grecs, avec la sensation du doux ciellumineux par dessus, où il n’y a cependant quele vitrage du hall.C’est l’impression d'un allègem ent miraculeuxde la matière, qui s’accentue.Quelques détails intriguent :Un métier singulier en sa forme extérieure,insoucieux des brisures, et de l’encroûtement desretouches sur les surfaces, donnant un équivoque;aspect d’œuvres rongées par une lèpre du tem ps;les surfaces dessinant la ligne à travers leséclaboussures, impitoyablement moulées, de laglaise primitive, comme d’œuvres retrouvées dansun célèbre atelier, où quelque cataclysme ensevelissant,eut interrompu subitement le travail del’artiste, il y a doux mille ans.Voici les corrections du modelé, faites d’unesérie de boulettes plastiques, écrasées sans dissimulationsur le relief ; voici les cassures, mouléesavec la form e; enfin, le métier, surpris on pleinehésitation ; sa netteté, sa propreté, comme momentanémentnégligées, dans une ardeur d'inspiration,interrompue après consignation des points essentiels....Et puis, ces œuvres neuves, ces corps, cesattitudes, sans tête, sans bras, sans pieds, commemutilés !Pourquoi ?D’abord, on ne sait pas.Invinciblement, on sent ces choses brisées etrestées puissantes, étonnamment, voisiner avecses propres souvenirs îles plus belles statues ;assurément grecques, car la même lumière est,là, qui joue sur e lles de la même façon, quiirradie ; et la même impression de substanceallégée par cette lumière et par la vie.On s’en va, encore une fois sans bien comprendre,sentant naître un grand enthousiasme,— qui vous force de revenir.

2 La GerbeOn revient pour cette lumière ; on revient pourcette vie.Personnellem ent, il m ’a fallu tout ce tem ps làpour me détourner de ma prédilection pour labeauté calm e et harmonisée à un diapason moinsbruyant.Rodin, C’est la vie qui existe, qui lutte et quimeurt, — avec les tarés de la souffrance et despassions.Je ne crois pas que Rodin cherché jamais lab eau té; ce sont des formes réalisant une fortesomme de vie, qu’il cherche ; e t plus il a communiquéde vie à quelque statue, m êm e à quelquefragm ent, — (on m ’a assuré que l’embryon du«P en seu r » avait été un fragm ent de. gen ou ),--plus il a, pour lui, réalisé de beauté.Car, beauté, est un m ot froid et vague au sensabsolu ; il faut, pour l’entendre, toujours y ajouterun déterminatif : ne belle œuvre, ici, c’est uneœuvre fortement- organisée pour la vie statuaire.C’est la m aîtrise de Rodin.J’ai entendu dire, au cours d ’une conférencedonnée sur Rodin, par Judith Cladèl, puis aucours d’une seconde conférence donnée par CharlesMorice, que Rodin avait atteint à là beauté.J’avance que non ; et qu 'il ne l’a jamais poursuivie,la beauté, dans ce sens bref du mot.-l ’as plus que la nature ne la poursuit, elle quine vise qu’à la vie, mais cependant -réalise labeauté, par hasard.De même Rodin.C’est la représentation de l a v ie qu’il recherche;et notre admiration vient de ce qu'il l'obtienne.-Eh effet, c'est tout un miracle, de communiquerla vie à la substance !Nous som mes requis par ce miracle,- la vie,'communiquée à : la m atière primitivement inerted’un plâtre blanc.La m atière allégée jusqu'à remuer sous lalumière ! La m atière vivifiée, jusqu’à communieravec lé profond de nos sens ; jusqu'à nous parlerd’elle, dans le silence !Voilà un miracle de l’art, et le miracle deRodin !Regardez Falguières, avec sa tête de petittaureauardent, c'est hideux ; mais c'est puissantcomme de la Vie qui vous observe, et l’on souritd 'étonnement, devant ce miracle d'incarnation ! -Mettre autant de vie que possible, sur une surface,c ’est le tour de force !Vous eussiez peut-être oublié la tête de Falguièrespassant dans la rue: reprise par Rodin,vous ne l'oublierez plus jamais-, — ni sans douteaucun des plâtres exposés, si vous les avez regardéscinq minutes avec attention, — il a un art degrouper les caractères, sous la forme d’un gestede vie, haussé au centuple.Prom eneur attentif dans le hall Rodin, je medis ensuite :C’est la vie. Oui. Nettem ent. Mais, quelle vie ?Je n ’avais comme affirmation que le souvenirde cette phrase du sculpteur : “ Chacun interprètela nature dans le sens qu’il aime : J ’ai finipar m e préciser le mien ».C’était la m êm e question que celle que je mefaisais.M’en souvenir, m ’affirmait un seul point : quele sculpteur s’était précisé le sens de son amourpour la nature, et que sûrement les œuvres,autour de moi, contenaient avec précision, la.réponse.Mais, une réponse, enveloppée du mystère dela forme, c’est un peu comme le monde ; lemonde qui est là, vivant et admirable autour denous, et difficile à déchiffrer !A la fin, je m e dis :Il m e semble que Rodin saisit le momentessentiel de chaque être.Et je m ’explique :Chaque être a des états d’esprit qui caractérisentm ieux l’ensemble de son esprit que d’autresétats, à d’autres instants. C’est-à-dire que, parfois,on saisit m ieux l’esprit particulier d’unhomme, en une seconde propice, que si l’onavait vu cet homme durant , un an, en dehorsde cette précieuse seconde, am enée par des circonstancesparticulièrement favorables.Cela pour l’esprit.Chaque être, a aussi des, attitudes, où son corpsest p lu s, particulièrement, ..plus ; personnellement,,soi, que dans toute autre attitude. -Eh bien ! R o d in, me semble toujours rechercheret fixer le " moment "de l’esprit et le "moment "du corps..Et n’en faire qu’un seul moment, celui où lecorps, son geste reçoit, la pleine :saturation d’unesprit, dans so n g e s te , égalem ent.Cette conjonction de deux intensités, produitle m oment suprêmement expressif de chaque vie.Victor Hugo, au moment où il est le poète:au m om ent où il écoute et sur le champ transformeen poésie et en soi, ce qu’il entend.Balzac, au moment ou il agence et soupèse,évalue les caractères zoologiques des variétéshumaines. (Je parle de la petite esquisse n° 6).La Muse, au m oment où dans l’écroulem entde sa forme lasse, elle semble, épuiser vers lepoète toute sa vie.Roche fort, comme un homme qui voit le butde son élan, mais dont les paupières clignentdevant, les obstacles ; ce front qui va en proue,avec l’air de signifier qu’après lui, le reste arriveratoujours bien.La Mort, couverte de fleurs, pelotonnée sousform e d’une créature belle et forte, dans unepaix de sommeil ; des fleurs dégringolant sur sesépaules et serrées en grappes entre ses genoux;et, dans le sommeil, deux doigts en l’air ; deuxdoigts levés vers la vie, pour sentir ce qui sepasse dans la brise de la terre, — au-dessus de

3L e P e n s e u rR o d inLa Gerbe, Juillet 1899.

211. E ve.2 . Faunesse.3 . Faunesse.3AUGUSTE RODIN, PARIS

DemeterV . Rousseau BruxellesBibliothèque — L . Bochoms, BruxellesDessins de couverture, X iffe l, Bruxelles.

1231 . Agraffe : Chardons. Or ciselé. Améthystes sculptées.2. Boucle de Ceinture : Plume de paon. Or, opales et rubis,3 . Boucle or émaillé : Nénuphar. Opale sculptée et rubis.W OLFERS. — BRU XELLES.

R evue d’Art décoratif 7la mort, si ce n’est pas encore le printemps,pour renaître......Et enfin, une petite m erveilleuse Faunessedebout, qui étire sa chair et se regarde, la chevelureen torsade, faisant crinière d’animal fier et sensuel,sur le cou ; sur les m oelleux lisses du ventre,la lumière se concentre, c’est la vie, commepour glisser toute, en ondée d’aurore et de fraîcheur,vers le val d’un sexe pur et frais.La main de Dieu, quel cœur d’homme, Rodin,pour avoir fait cela : modeler une main, et yposer, oh ! tendresse ineffable, un morceau deterre !R a y N y s t .L’ART ET LE GOUT DANSL ’INDUSTRIE.La période actuelle est surtout industrielle,et le travail semble, tous les joursdavantage, répudier l’initiative de l’homme etfavoriser le machinisme. Il est inutile de songer,au nom de l’art, à protester contre une forcetelle que celle de peuples entiers, poussés, parun surcroît de population, à chercher l’activitélucrative qui leur parait un remède à leurpléthore. Mais il est permis d’observer que cem ouvement restreint le génie populaire, attenteaux véritables intérêts du progrès, dès qu’ilnéglige, dans l e travail industriel la préoccupationde l’art, c'est-à-dire, du beau, de l’intelligentet de l’agréable.La formule des trois huit a dû forcémentcomprendre le travail et le repos, mais aussi leplaisir ; car en tout, ce plaisir est utile, délassantet consolateur. Aucun objet, aucune tentativemoderne ne devrait exclure l’esthétique, etc’est dans L’industrie courante que le goût et lascience des artistes devraient trouver moyen des’exercer continuellement.Beaucoup d’industriels le comprennent vaguement; mais les affaires prédominent, et d’ailleurs,il y a u n e difficulté sérieuse à unir la fabricationcommerciale aux prescriptions du goûtartistique.Qu’appelle-t-on en langage usuel : camelote,sinon un ouvrage fait dans un but mercantile,sans souci de toutes les qualités qu’on a le droitd’exiger d’une marchandise d’usage ?Mais il y a encore une distinction à faire entrel’objet de bonne qualité, utile a l’emploi, et leproduit qu’on peut admirer comme beau.Est-ce donc si difficile de faire à la fois bonet beau, ou du moins, dans un simple fabrîcat,de ne pas heurter le sens esthétique chez ceuxqui sont exposés à devoir se servir de ces objetsfabriqués, ou à les rencontrer chez un voisin ?Dans l’industrie vulgaire, c’est la routine quirègne en souveraine. Un potier, un sabotier, unfaiseur de tuiles conserve des formes légendaireset grossières parce que des modèles nouveauxne lui sont pas fournis ou, surtout, parce qu’ilsne sont pas demandés par le commerce dedétail. Or, s’il y avait une tendance du public àrechercher certains modèles réellement esthétiques,si on en avait la vente, les types grossiersdisparaîtraient de la circulation.Il y a donc là une éducation à faire, du peuplecomme des travailleurs industriels, et la diffusiondes beaux modèles fera arriver un jour à unrésultat, de ce côté au moins.Il n’en est pas de même dans les industriesplus relevées, où souvent déjà, patrons, ouvrierset clients se piquent d’un souci d’art, que dominepourtant la préoccupation technique et commerciale.Là, vous voyez des céramiques, des poteriesde luxe, des foyers ouvragés, des lustres, descuivres tournés ou ciselés. On est obligé d’yreconnaître le désir, presque jamais réalisé, deproduire des œuvres d’art p ar les moyens mécaniques.C’est ceci, en effet, qui constitue ladifficulté.Le modèle le plus original, élaboré par unartiste de génie, se déforme dès qu’il doit passerdans des mains industrielles; il s'aveulit, devientlourd, confus, sans cachet ni esprit, et les meilleurstrucages, les meilleures Copies d'une œuvreancienne, par exemple, sont reconnaissables à cedéfaut de caractère, dès qu’ils ont du subir lecontact de l’ouvrier après celui de l’artiste.Beaucoup de gens se contentent ainsi d’un luxede mauvais aloi ; d’abord, parce qu’ils n 'y voientgoutte, ensuite, parce qu'ils ne trouvent pasautre chose dans l e , commerce, et qu’il ne leurvient ni l’idée de s’adresser, comme on le faisaitjadis; à un artiste, ni la Volonté d’y mettre lesfrais.Mais il s’agit d'industrie et non du travaildirect de l'artiste. L'industriel, comme intermédiaireentre l’auteur d’un modèle et le publicacheteur, n’a pas grand intérêt (peut-ê tre) à fairesoigner minutieusement la partie caractéristique!de ses produits ; il calcule la perte de temps, lesalaire d’un ouvrier-artiste, et préfère fairepasser tels quels, des Objets dont le public secontente.C’est un malheur, et peut-être même une sottise,car le fini d’une fabrication, et sa beauté,doivent certes entrer en ligne de compte, toutau moins pour les acheteurs doués de quelqueconnaissance et désireux de ne-pas se meublerà la façon du premier venu.Il est donc nécessaire, ici encore, de faire appelau goût général, de développer sainement renseignementde l’esthétique, d’inonder le public deformes choisies, e t de proscrire, à l’égal deschansons obscènes, la production de choses laides,ignobles ou banales.Tel serait le devoir le plus strict de touteadministration moderne, car un État ne peut sedésintéresser du progrès, du goût et de l'esthétiquedans les masses. Il y a là une missionmorale, une tâche d’assainissement, en même

123541. Le lys. Cristal gravé, monture vermeil.2 . Chrysanthèmes, Vase argent, Em aux opaques et transparents.3 . Orchidées. Cristal gravé, monture argent patiné d'or.64 . Plumes de paon : P eig n e noir et émaux à jour5 . Chauve-souris : Bague or émaillé et turquoise.6 . Pieuvre : Broche, or ciselé, et perle.WOLFERS. - BRUXELLES.

8 La Gerbetem ps que d’encouragement pour les efforts salu ­taires. Nous ajouterons même qu’à notre époqued’activité universelle, il y a là une nécessiténationale, et il est à espérer que tout le mondefinira par le comprendre.On a divisé jadis les arts en m ajeurs et mineurs.On considère comme majeur celui qui n’apour but que l’expression de l’artiste et sacommunion avec le public, sans utilité pratique,et comme mineur ou secondaire, celui qui sertà quelque chose, qui a son usage, qui est appliqué,en un mot. Cette distinction est sans doutefactice, car il peut se m ettre autant de science,d’adresse et de pensée en une œuvre destinée àun usage déterminé, que dans un travail desimple parade. Mais elle a dû naître spontanément dans le cerveau de ceux qui, les premiers,ont vu l’art ornemental ou décoratif, couvranttout simplement un objet usuel, sans intentionélevée, et qui ont comparé cet ouvrage à celuid’un artiste qui s’efforce de célébrer un problèmed’histoire, de religion ou de philosophie, ou labeauté idéale humaine.(à suivre) E d g a r B a e s .I L L U S T R A T I O N S" Demeter " par M. Victor Rousseau. — C’estcertainem ent une des œ uvres les plus marquantesdu jeune maître statuaire et qui lui valut ungrand succès au Salon de " Pour l’Art " où ellefût exposée." B ijou x et Vases "de M. Philippe W olfers. —Ces beaux spécimens d’orfévrerie artistiqueferont l’objet d’une notice spéciale dans notreprochain numéro." Meuble-Bibliothèque " avec vitrages mosaïqueset opales par M. L. Bochoms.G. H.CHRO NIQ UESExposition Van Dyck à Anvers. — Nous apprenonsavec plaisir que le comité Anglais travailleactivem ent à Londres en faveur de l’ExpositionVan Dyck.Non seulem ent S. M. la reine Victoria seraitdisposée à se dessaisir de quelques uns des chefsd’œuvres de Van Dyck qui figurent an Châteaude W indsor, mais le comité se serait assuré leconcours de grandes fam illes Anglaises, notam ­m ent les Strafford, les Northumberland et lesPortland, qui possèdent d’admirables portraits dumaître flamand.On cherche à obtenir un joyau doublementprécieux pour nous : le portrait de Rubens parVan Dyck, qui se trouve à la Nationnal Gallery.Le comité Anglais déploie autant d’ardeur ques’il s’agissait d’organiser une Exposition à Londres.Voici le programme des fêtes Van Dyck àAnvers :Samedi 12 Août, à 2 heures. Ouverture del’exposition Van Dyck, dans les locaux du nouveaum usée.A 8 heures. Réception des académiciens et desartistes étrangers, dans les locaux du cercleArtistique. Fête au jardin.Dimanche 13 Août à 10 heures. Inaugurationdes peintures exécutées dans la salle d’escalierde l’hôtel de Ville.A 1 heure, séance solennelle du corps académique.Lundi 14 Août, à 10 heures. Visite des académicienset artistes étrangers à l’exposition VanDyck et au m usée des Beaux-Arts.De 2 à 6 heures. Première sortie du grandcortège représentant : l’Art à travers les siècles.Mardi 15 Août à 10 heures. Visite des académicienset artistes étrangers au m usée Plantin,Moretus et autre m onuments communaux.De 9 à 11 heures. Fête à l’hôtel de Ville enl'honneur des académiciens et artistes étrangers.Mercredi 16 Août de 2 à 6 heures. Deuxièm esortie du cortège artistique.Dimanche 20 Août de 3 à 7 heures. Troisièmesortie du cortège, et Dimanche 27 de 2 a 6 h.Quatrième sortie du cortège. A 9 heures, àl’hôtel de Ville, distribution solennelle des prix ducortège artistique et du concours pour l’ornementationdes rues.Le m usée ancien de Bruxelles s’est enrichide toute une nouvelle série de tableaux ; citons :Gonzales Coques, portrait de Lucas. Faydherbe ;Koffermans, portrait de femme ; Inconnu, portraitd'homme ; Jacques Jordeans, Virgile devant AppiusClaudius ; Thomas De Keyser, portraitd'homme ; A. De Gelder, le Présent récompensé ;Théodore Van Thulden, A llég o rie ; AlexandreCoosemans, Vanitas ; J. de Riberra, Apollon écorchantM arsyas ; Martin Mellius, N ature m orte;Joachim Beuckelaer, l'Enfant prodigue ; JohannesLingelbach, le Campo Vaccino à Rome ; G. VanTilborgh. Les cinq sens, et tout dernièrement unsuperbe portrait par Van Dyck.Georges H a m e s s e .U n e r e v e n d i c a t i o n . — A remarquer dans lenuméro de Mai de l'A rt D écoratif un articleintitulé " Les Modernistes dans l'Architecture ".Dans la nomenclature des architectes de cettecatégorie le nom de Horta est, comme à regret,cité le dernier.En toute justice, il eût été désirable, à toutle moins, de voir associer les noms de MM. Horta& Hankar, les novateurs du m ouvem ent modernistebelge, — dont s’inspirent souvent maintsarchitectes français —.Nous croyons ne pas être trop exigeants enrevendiquant pour MM. Horta & Hankar uneclassification plus équitable.L. B.

BECKER & C°Photographie Artistiqueprix Modérés97, Chaussée de Wavre, 97

L’ILLUSTRATIONpar les procédésLe plus complet des établissementsgraphiques de la Belgique.Typ o g r a p h i q u e sPhotogravureImprimerieateliers Spéciauxpour l’exécution desC lich és su r zinc & cuivre(Gravure au traitSimiligravureAutotypieJP r i x - C o u r a n t s illustrésC atalogues „ournauxRevuesPrix à forfait, gravure et impressionMATÉRIEL SPÉCIAL POUR L'IMPRESSION DES SIMILIGRAVURESd e g r a n d l u x eL.Vandamme & C°, EditeursJette-BruxellesTÉLÉPHONE 40032 5 , C H A U S S É E D E D IE L IG H E M

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