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FOUILLES ET PERQUISITIONS - Barreau du Québec

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<strong>FOUILLES</strong> <strong>ET</strong> <strong>PERQUISITIONS</strong> : EN SAISIRL’AMPLEURM e Martin Vauclair ∗ TABLE DES MATIÈRESINTRODUCTION..........................................................................29I.– LA GARANTIE CONSTITUTIONNELLE ...........................30A. La nature et l’éten<strong>du</strong>e de la protection ...............................30B. La renonciation à la protection ou le consentement à lafouille ..............................................................................35C. La mécanique de la protection ..........................................37II.–LES <strong>FOUILLES</strong> <strong>ET</strong> LA PROCÉDURE CRIMINELLE.........39A. Les fouilles sans mandat ..................................................391. La fouille incidente à l’arrestation et à la détention ..392. L’objet bien en vue ...............................................41B. Le mandat de droit commun..............................................43C. Le mandat élargi ..............................................................46D. Les prélèvements corporels ..............................................471. Les empreintes digitales .......................................472. Les prélèvements en matière d’alcool au volant .....483. Le prélèvement de l’ADN ......................................51E. Le prélèvement d’ADN après la condamnation...................53F. La surveillance électronique ..............................................571. L’écoute électronique et la Charte .........................572. L’écoute électronique non consensuelle.................593. L’interception consensuelle ...................................63∗Avocat chez Desrosiers, Turcotte, Marchand, Massicotte, Vauclair avocats.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 284. L’écoute électronique chez l’avocat .......................655. Les autres formes de surveillance électronique ......67III.– L’ENQUÊTE DANS UN CADRE RÉGLEMENTAIRE .........67IV.– LE RÉGIME DES PRODUITS DE LA CRIMINALITÉ .........71A. La saisie des pro<strong>du</strong>its de la criminalité...............................72B. L’ordonnance de blocage..................................................73C. La confiscation des biens ..................................................75V.–VI.–LE CAS PARTICULIER DES <strong>PERQUISITIONS</strong> CHEZL’AVOCAT ......................................................................84LE CAS PARTICULIER DES <strong>PERQUISITIONS</strong> CHEZ L<strong>ET</strong>IERS INNOCENT ...........................................................88VII.– LES MESURES DE SAUVEGARDE .................................89VIII.– LA CONTESTATION PAR L’ACCUSÉ OU LES TIERS .....90A. L’accès aux renseignements.............................................90B. La restitution des biens dans les cas de saisies légales ......951. Les règles de droit commun..................................952. En matière de pro<strong>du</strong>its de la criminalité .................98C. L’attaque et le remède....................................................101D. L’article 24 de la Charte..................................................1081. Le lien entre la violation et l’obtention de lapreuve ...............................................................1112. Le discrédit pour l’administration de la justice.......112CONCLUSION...........................................................................119


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 29INTRODUCTION1 Le présent texte cherche à brosser le tableau, dans lecontexte <strong>du</strong> droit criminel, des principaux pouvoirs policiers enmatière de perquisition, fouille et saisie, des procé<strong>du</strong>res derestitution, de confiscation et, enfin, des recours qui endécoulent 1 .2 Cet exercice est forcément incomplet. S’intéresser auxperquisitions, c’est discuter des articles 8 et 24 de la Chartecanadienne des droits et libertés 2 . Toutefois, les incursionsdans ces aspects <strong>du</strong> droit ont des ramifications importantes quine seront pas abordées dans le présent texte. On penseimmédiatement à la relation entre l’article 8 et les autres protectionsde la Charte, comme en matière de non-incrimination.On pense aussi aux nombreuses lois spécifiques qui prévoientdes mécanismes similaires au Code criminel ou encore aux loisprovinciales qui renvoient, elles, au Code de procé<strong>du</strong>re pénale<strong>du</strong> <strong>Québec</strong> 3 . De plus, le Code criminel prévoit des dispositionsspécifiques en matière de terrorisme, de pornographie juvénileou de jeux qui ne seront pas traitées. Autant de sujets fascinantsqui mériteraient sans doute un examen plus attentif.3 En exposant les principes à la base de la protectionconstitutionnelle d’une part, et d’autre part, à la mécaniquesous-jacente aux pouvoirs policiers et à leur contestation, jesouhaite alimenter la réflexion sur ce qui peut être considérécomme le dénominateur commun en la matière.4 Dans un premier temps, il sera question d’exposer lesprincipes qui gouvernent la protection constitutionnelle contreles fouilles et les saisies et de réaliser toute l’importance decette garantie. Les principales dispositions <strong>du</strong> Code criminel enmatière de perquisition et d’écoute électronique serontexpliquées, de même que quelques situations particulières eneffleurant les perquisitions dans le domaine des activités123Ce texte est tiré, en grande partie, <strong>du</strong> Traité de procé<strong>du</strong>re et de preuvepénales que j’ai le plaisir d’écrire, et de rééditer annuellement aux ÉditionsThémis avec mon coauteur, l’honorable juge Pierre Béliveau, j.c.s. Des ajoutset des modifications auront permis, je crois, de l’adapter pour les fins de laprésente.Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de1982 [annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (1982, R.-U., c. 11)], ci-aprèsla « Charte ».L.R.Q., c. C-25.1.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 30réglementées et fiscales, dans les cabinets d’avocats et chezles tiers innocents. Enfin, la contestation et les recours àl’encontre de ces pouvoirs policiers seront examinés avec uneinsistance particulière sur l’application <strong>du</strong> paragraphe 24(2) dela Charte.5 Alors qu’il n’y a pas si longtemps encore, les corpspoliciers réclamaient plus de pouvoir d’enquête, force est deconstater que l’attirail policier en impose.I.–LA GARANTIE CONSTITUTIONNELLE6 [Art. 8] Chacun a droit à la protection contre lesfouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.A. La nature et l’éten<strong>du</strong>e de la protection7 Au fil de ses décisions, la Cour suprême <strong>du</strong> Canada aconclu que la protection accordée par l’article 8 de la Charteenglobe un large éventail de réalités que l’on ne considère passpontanément comme constituant des fouilles, des perquisitionsou des saisies, chacune de ces réalités étant viséepuisqu’il peut y avoir une fouille ou perquisition sans saisie etsaisie sans fouille ou perquisition 4 .8 Dans l’arrêt Borden, le juge Iacobucci a rappelé que lagarantie trouve application à « chaque fois que l’État prend,sans le consentement d’un citoyen, quelque chose qui luiappartient et au sujet <strong>du</strong>quel il peut raisonnablement s’attendreà ce qu’on préserve le caractère confidentiel » 5 .9 Les efforts pour circonscrire l’action autorisée par laCharte s’expliquent sans doute parce que l’article 8 participe àla protection et à la préservation de la vie privée, une valeur aucœur de toute démocratie 6 . La Cour a maintes fois invoqué456Thomson Newspapers Ltd. c. Canada, [1990] 1 R.C.S. 425, 493 (juge Wilson,dissidente), 505 (juge LaForest)R. c. Borden, [1994] 3 R.C.S. 145, 160, en référant à R. c. Dyment, [1988] 2R.C.S. 417, aux pages 432 et 435.Dans l’arrêt R. c. Dyment, [1988] 2 R.C.S. 417, aux pages 427 et 428, le jugeLaforest s’exprimait comme suit: « [… ] la société a fini par se rendre compteque la notion de vie privée est au cœur de celle de la liberté dans un Étatmoderne [… ] Fondée sur l'autonomie morale et physique de la personne, lanotion de vie privée est essentielle à son bien-être. Ne serait-ce que pourcette raison, elle mériterait une protection constitutionnelle, mais elle revêt


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 31l’interprétation large et généreuse avec laquelle les tribunauxdoivent définir la garantie 7 .10 Cette protection, qui est personnelle et qui ne dépendpas d’un droit de propriété quelconque 8 , n’est cependant pasabsolue. Les tribunaux arrivent à dégager le pouvoir d’actionde l’État en pondérant l’expectative de vie privée, d’une part, etla nécessité de faire appliquer et respecter la loi, eu égard àtoutes les circonstances 9 , d’autre part.11 Cependant, comme l’avait souligné le juge Dicksondans l’arrêt Hunter, «[l]a garantie de protection contre lesfouilles, les perquisitions et les saisies abusives ne vise qu’uneattente raisonnable » 10 . Il y aura donc une fouille au sens de laCharte uniquement lorsqu’un gouvernement 11 fait intrusion7891011aussi une importance capitale sur le plan de l'ordre public. L'interdiction quiest faite au gouvernement de s'intéresser de trop près à la vie des citoyenstouche à l'essence même de l'État démocratique. »R. c. Dyment, [1988] 2 R.C.S. 417, 426. Voir également l’arrêt Aubry c. Vice-Versa, [1998] 1 R.C.S. 591 dans lequel la Cour conclut, dans un cadred’analyse fondé sur l’article 5 de la Charte québécoise, que le droit à l’imagefait partie dorénavant <strong>du</strong> concept de vie privée, le tout correspondant àl’interprétation large donné à ce concept notamment dans l’arrêt Dyment.Dans l’arrêt R. c. Plant, [1993] 3 R.C.S. 281, à la page 291, le juge Sopinka aécrit : « L'article 8 a pour objet de protéger les particuliers contre l'intrusion del'État dans leur vie privée ». Les limites de l'action étatique sont déterminéesen pondérant le droit des citoyens au respect d'une attente raisonnable enmatière de vie privée et le droit de l'État d'assurer l'application de la loi. VoirHunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145, aux pages 159 et 160. L'article 8protège les personnes et non la propriété. Il est, par conséquent, inutiled'établir un droit de propriété sur la chose saisie. Voir Hunter, précité, à lapage 158; R. c. Dyment, [1988] 2 R.C.S. 417, le juge La Forest, aux pages426 et 427; Katz c. United States, 389 U.S. 347 (1967). À cet égard, je doisdire que je ne partage pas l'avis de la Cour d'appel qui s'est fondée surl'absence d'un droit de propriété de l'appelant sur les données informatiques.R. c. Plant, [1993] 3 R.C.S. 281, 291 et à la page 293, le juge Sopinka formulequelques considérants : « L'examen de facteurs tels la nature des renseignements,relations entre la partie divulguant les renseignements et la partieen réclamant la confidentialité, l'endroit où ils ont été recueillis, les conditionsdans lesquelles ils ont été obtenus, la gravité <strong>du</strong> crime faisant l'objet del'enquête, pondérer les droits sociétaux à la protection de la dignité, del'intégrité et de l'autonomie de la personne et l'application efficace de la loi ».Voir aussi R. c. Edwards, [1996] 1 R.C.S. 128; R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, par.70.Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145, 159 (les italiques sont dansl’original).Au sens de l’article 32 de la Charte. Sur cette question, voir notamment l’arrêtSchreiber c. Procureur général <strong>du</strong> Canada, [1998] 1 R.C.S. 841, par. 31 et 32.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 32dans une sphère, qu’elle soit de nature spatiale, physique ouinformationnelle 12 , à l’égard de laquelle l’indivi<strong>du</strong> peut raisonnablemententretenir une expectative de confidentialité. Il enrésulte donc que l’article 8 de la Charte ne s’applique pas etque la personne ne jouit d’aucune protection constitutionnelles’il n’existe aucune expectative raisonnable de vie privée 13 .12 Nous savons que l’article 8 de la Charte garantit àchacun une protection contre les fouilles abusives, que cettepersonne soit accusée ou non 14 , mais la protection offertevariera selon les activités exercées 15 .13 La Cour suprême ayant décidé que cette dispositionprotège les personnes et non les lieux, on a considéré queconstituaient des fouilles, perquisitions ou saisies le fait : deprendre les empreintes digitales lorsque l’arrestation est illégale16 , de procéder à l’enregistrement vidéo d’une personne 17 ,de procéder à un prélèvement corporel 18 , d’obtenir desdossiers médicaux sans mandat 19 , de détenir un indivi<strong>du</strong> dansune « salle d’évacuation de drogues » 20 , d’intercepter descommunications privées 21 , de pouvoir tirer des copies dedocuments ou d’inspecter les lieux 22 , d’accéder à des dossiersinformatiques lorsqu’ils revêtent un caractère personnel etconfidentiel 23 , de frapper à la porte d’une résidence 24 ou depénétrer sur un terrain 25 dans le but de recueillir des éléments1213141516171819202122232425R. c. Dyment, [1988] 2 R.C.S. 417, 436.Schreiber c. Canada (Procureur général), [1998] 1 R.C.S. 841, par. 17, 19(juge Lamer); repris dans R.Cc. M. (M.R.), [1998] 3 R.C.S. 393, par. 31-32.Michaud c. <strong>Québec</strong>, [1996] 3 R.C.S. 3, 72.Thomson Newspapers Ltd. c. Canada, [1990] 1 R.C.S. 425, 506; R.C.M.(M.R.), [1998] 3 R.C.S. 393R. c. Feeney, [1997] 2 R.C.S. 13, par. 60.R. c. Wong, [1990] 3 R.C.S. 36.R. c. Dyment, [1988] 2 R.C.S. 417; R. c. Stillman, [1997] 1 R.C.S. 607, par.42.R. c. Dersch, [1993] 3 R.C.S. 768R. c. Monney, [1999] 1 R.C.S. 652, par. 47.R. c. Duarte, [1990] 1 R.C.S. 30.Comité paritaire de l’in<strong>du</strong>strie de la chemise c. Potash, [1994] 2 R.C.S. 406,416.R. c. Plant, [1993] 3 R.C.S. 281, 293.R. c. Evans, [1996] 1 R.C.S. 8.R. c. Kokesh, [1990] 3 R.C.S. 3.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 33de preuve contre son occupant 26 , comme pour détecter unepossible odeur de marijuana 27 ou de passer un paquet auxrayons X 28 .14 Dans le même sens, un lieu peut être constitutionnellementprotégé, même s’il ne sert qu’à des activités criminelles.C’est ce qu’on peut inférer de l’arrêt Wong de la Cour suprême<strong>du</strong> Canada 29 où le juge La Forest a déclaré que l’expectativede vie privée d’une personne ne peut être liée à la question desavoir si cette personne commet des gestes illégaux.15 Cela signifie également qu’une personne peut avoir uneexpectative de vie privée dans le cas où elle se trouve chezune tierce personne ou utilise un lieu qui ne lui appartient pas.Il faut alors évaluer l’expectative de vie privée suivant uncertain nombre de facteurs 30 .16 Parmi ceux-ci, mentionnons la présence de l’accuséchez le tiers au moment de la perquisition 31 , la possession ou262728293031Dans l’arrêt R. c. Cotnoir, [2000] R.J.Q. 2488, la Cour d’appel <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> aindiqué qu’il n’y a pas atteinte à l’article 8 lorsqu’un agent de la paix pénètresur la propriété d’autrui sans avoir l’intention de recueillir de la preuve contrel’occupant, par exemple pour prévenir une intro<strong>du</strong>ction par effraction à samaison ou pour lui porter secours parce qu’il aurait un malaise. Cela ne vapas au-delà de l’invitation implicite faite à des tiers. Voir aussi R. c. Godoy,[1999] 1 R.C.S. 311, quoique la question n’ait pas été étudiée sous l’angle del’article 8.Dans l’arrêt R. c. Evans, [1996] 1 R.C.S. 8, par. 16, la Cour suprême aindiqué que cela va au-delà de l’invitation implicite faite à toute personne defrapper à la porte d’une maison pour communiquer avec son occupant.Toutefois, dans l’arrêt R. c. Vu, (1999) 133 C.C.C. (3d) 481, la Cour d’appelde la Colombie-Britannique a décidé que la perquisition est vraisemblablementraisonnable lorsque l’agent de la paix, dans le but de procéder àl’identification d’une personne dont il a des motifs raisonnables de croire êtrel’auteur d’une infraction, frappe à la porte de cette dernière.R. c. Fry, (2000) 142 C.C.C. (3d) 166, par. 22 (C.A.T.-N.).R. c. Wong, [1990] 3 R.C.S. 36. Au même effet, voir R. c. Asencios, [1987]R.J.Q. 540 (C.A.). Dans l’arrêt R. c. Lee, (1995) 98 C.C.C. (3d) 326, 330(C.A.C.-B.), on a décidé que c’est le cas de l’indivi<strong>du</strong> qui occupe un véhiculevolé.R. c. Edwards, [1996] 1 R.C.S. 128.Dans l’arrêt R. c. Khuc, (2000) 142 C.C.C. (3d) 276, la Cour d’appel de laColombie-Britannique a indiqué que le seul fait de visiter la demeure d’amis<strong>du</strong>rant leur absence ne suffit pas pour conférer une expectative de vie privée(par. 10, 27-28).


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 34le contrôle <strong>du</strong> bien ou <strong>du</strong> lieu, sa propriété 32 , l’usage historique<strong>du</strong> bien, l’habilité à régir l’accès au lieu, l’existence subjectived’une attente en matière de vie privée et le caractèreraisonnable (objectif) de cette dernière 33 . Le statut d’« invitéprivilégié » ne suffit pas pour conférer une expectative de vieprivée sur les lieux 34 , ni le fait d’être un simple passager dansune automobile 35 .17 Ainsi, un policier, comme tout membre <strong>du</strong> public, peut,sauf directive expresse au contraire, aller frapper à la ported’une résidence pour communiquer avec son occupant 36 ouentrer sur son terrain s’il soupçonne raisonnablement que lepropriétaire ou son occupant est victime d’un crime 37 . Demême, les cas où un accusé ne peut prétendre à uneexpectative raisonnable de vie privée sont nombreux 38 .32333435363738Dans l’arrêt R. c. Fry, (2000) 142 C.C.C. (3d) 166, la Cour d’appel de Terre-Neuve a indiqué qu’on ne doit normalement pas appliquer ces critères lorsquela personne contrôle l’accès à l’immeuble à titre de possesseur, gardienne oupropriétaire (par. 35-40).R. c. Edwards, [1996] 1 R.C.S. 128, 145 et 146, repris dans R. c. Belnavis,[1997] 3 R.C.S. 341, par. 20.Dans l’arrêt R. c. Edwards, [1996] 1 R.C.S. 128, l’accusé avait les clés del’appartement de la personne qu’il fréquentait et il y laissait quelques effetspersonnels. Par analogie, dans l’arrêt R. c. Lauda, (1999) 136 C.C.C. (3d)358, par. 74, 75, 93, la Cour d’appel de l’Ontario, rejetant la doctrine del’« open field doctrine » (voir infra), a jugé que le locataire à long terme d’unterrain possède une expectative de vie privée, quoique d’une importancemoindre.R. c. Belnavis, [1997] 3 R.C.S. 341, par. 22 et 23. Un simple passager n’a pasd’expectative de vie privée, sous réserve, notamment, d’une preuve decontrôle ou d’utilisation <strong>du</strong> véhicule ou d’une relation particulière avec lapropriétaire ou la con<strong>du</strong>ctrice. Le juge Cory a cependant indiqué que cepourrait être le cas <strong>du</strong> conjoint <strong>du</strong> propriétaire ou de deux personnes quiferaient ensemble un long voyage en partageant la con<strong>du</strong>ite et les dépenses.R. c. Evans, [1996] 1 R.C.S. 8, par. 13-15. Il ne peut toutefois recourir à cetteinvitation pour aller enquêter.R. c. Mulligan, (2000) 142 C.C.C. (3d) 14, par. 25-27 (C.A.O.).À l’égard d’un champ de marijuana en culture au grand jour sur un terrain quine lui appartient pas : R. c. Boersma, [1994] 2 R.C.S. 488; R. c. Lauda, [1998]2 R.C.S. 683. Des appareils de jeu illégaux présents dans un commerceaccessible au grand public : R. c. Fitt, [1996] 1 R.C.S. 70. Des renseignementscontenus dans les dossiers informatisés d’une société de servicespublics démontrant une consommation anormale d’électricité et qui étaientsusceptibles d’être vérifiés par le public : R. c. Plant, [1993] 3 R.C.S. 281. Dessacs d’or<strong>du</strong>res ou d’un autre objet abandonné : R. c. Stillman, [1997] 1 R.C.S.607, par. 62; R. c. Law, 2002 CSC 10.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 35B. La renonciation à la protection ou le consentementà la fouille18 L’indivi<strong>du</strong> peut renoncer à la protection de son droit à lavie privée. En matière de renonciation à un droit constitutionnel,la Cour suprême a déjà souligné qu’elle doit être claire,non équivoque et faite en connaissance des conséquencesjuridiques 39 . Ces exigences strictes, visant la renonciation àdes protections de natures procé<strong>du</strong>rales 40 , s’appliquent afortiori dans le cadre de droits constitutionnels 41 . Il appartient àl’État de prouver un consentement valide 42 .19 Dans l’arrêt Wills 43 , le juge Doherty a indiqué que lapersonne qui consent doit savoir qu’elle n’est pas tenue derenoncer à la protection que lui offre l’article 8. La Coursuprême l’a confirmé dans l’arrêt Borden 44 . En conséquence, àmoins que la personne connaisse ses droits, il faut qu’on luidise qu’elle n’est pas tenue à une telle renonciation 45 . Il fautdonc que la personne qui s’apprête à consentir connaissed’une manière générale sa situation à l’égard de la police,c’est-à-dire si elle est accusée, suspecte, cible de l’enquête ousimple témoin. Sauf dans cette dernière hypothèse, il fautqu’elle comprenne d’une manière générale la nature del’accusation qui peut lui être reprochée, ainsi que la possibilitéqu’on utilise contre elle les éléments de preuve découverts 46 .20 L’accusé doit donc être en mesure d’empêcher la policed’effectuer la fouille, la perquisition ou la saisie 47 . En d’autrestermes, il faut que son refus puisse être efficace; la soumissionne constitue pas un consentement 48 . Ce serait notamment lecas si une personne détenue illégalement consentait à donner39404142434445464748R. c. Lee, [1989] 2 R.C.S. 1399, 1410 et 1411.Korponay c. Procureur général <strong>du</strong> Canada, [1982] 1 R.C.S. 41.R. c. Clarkson, [1986] 1 R.C.S. 383; R. c. Lee, [1989] 2 R.C.S. 1399, 1410.R. c. Mellenthin, [1992] 3 R.C.S. 615, 624; R. c. Stillman, [1997] 1 R.C.S. 607,par. 60.R. c. Wills, (1992) 70 C.C.C. (3d) 529 (C.A.O.).R. c. Borden, [1994] 3 R.C.S. 145.R. c. Clement, [1996] 2 R.C.S. 289; R. c. Lewis, (1998) 122 C.C.C. (3d) 481,par. 12 (C.A.O.).R. c. Wills, (1992) 70 C.C.C. (3d) 529 (C.A.O.).R. c. Stillman, [1997] 1 R.C.S. 607, par. 60.R. c. Knox, [1996] 3 R.C.S. 199, par. 4.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 36un échantillon d’urine alors qu’on l’a avisée qu’on la détiendraittant qu’elle ne s’y soumettrait pas 49 . Si la personne estdétenue, il faudra en plus l’aviser de son droit de consulter unavocat avant que ne soit effectuée une fouille qui nécessite sonconsentement 50 . Si la personne détenue a consulté sonprocureur, elle assumera le fardeau de démontrer que sonconsentement n’était pas éclairé 51 .21 On peut également renoncer à son expectative de vieprivée en abandonnant un bien au sujet <strong>du</strong>quel on possèdeune telle expectative, quoiqu’on ne saurait exclure, selon lescirconstances, qu’il conserve une attente rési<strong>du</strong>elle en lamatière 52 .22 La Cour suprême a déjà souligné que le consentementne vaut que dans les limites fixées par l’auteur de larenonciation 53 . Dans l’arrêt Arp 54 , la Cour suprême a décidéqu’en l’absence d’une restriction formulée par les policiers ou ledétenu, rien n’interdisait la conservation et l’utilisation dans uneenquête qui n’était pas prévue au moment où le consentementa été donné 55 .49505152535455R. c. Monney, (1998) 120 C.C.C. (3d) 97, par. 96 (C.A.O.), infirmé pourd’autres motifs à [1999] 1 R.C.S. 652.R. c. Debot, [1989] 2 R.C.S. 1140; R. c. Borden, [1994] 3 R.C.S. 145.R. c. Williams, (1993) 76 C.C.C. (3d) 385 (C.S.C.-B.). Par analogie, voir R. c.W.(W.R.), (1992) 75 C.C.C. (3d) 525, où la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a décidé qu’un détenu doit savoir qu’il a le droit de garder silence,et qu’il y a une présomption de connaissance de ce droit si celui-ci a consultéun avocat. Au même effet, voir R. c. Goodine, (1989) 97 A.R. 102 (C.A.).Dans l’arrêt R. c. Law, 2002 CSC 10, on a toutefois mentionné que « la simplerécupération par la police de biens per<strong>du</strong>s ou volés ne suffit pas pour conclureque le propriétaire a volontairement renoncé à son attente à la préservationde leur caractère confidentiel » (par. 17). On a alors jugé que le propriétaired’un coffre-fort qui en dénonce le vol à la police conserve une attenterési<strong>du</strong>elle de vie privée quant à son contenu (par. 18).R. c. Smith, (1998) 126 C.C.C. (3d) 62, par. 8-10 (C.A.A.). On a jugé que lespoliciers, à qui on avait permis d’entrer dans une maison pour vérifier l’étatd’une personne qui avait appelé le service 911, ont violé l’article 8 de laCharte en allant au sous-sol, ayant cru déceler une odeur de marijuana.R. c. Arp, [1998] 3 R.C.S. 339.R. c. Arp, [1998] 3 R.C.S. 339, par. 89. Cela confirme l’arrêt R. c. Clement,[1996] 2 R.C.S. 289, alors qu’on avait jugé suffisante la demande de fouillerun véhicule dans le cas où on avait indiqué au prévenu qu’un problème dedrogue existait et que la preuve démontrait que ce dernier était au courant deson droit de ne pas consentir à la fouille.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 3723 Enfin, il est évident que la personne qui consent à laperquisition d’un lieu doit être celle qui possède l’expectativede vie privée. Ainsi, le propriétaire ne peut consentir à la place<strong>du</strong> locataire, et un tel consentement n’atténue nullement lagravité de la violation 56 .C. La mécanique de la protection24 L’article 8 de la Charte offre une protection préventivecontre les fouilles et les perquisitions et, en principe, il ne peutle faire efficacement qu’en s’inscrivant dans un systèmed’autorisation préalable 57 . Si cette dernière n’est pas toujoursnécessaire, l'existence de motifs raisonnables, elle, est lagarantie minimale <strong>du</strong> caractère raisonnable requis par laConstitution 58 .25 Pour la Cour suprême, le juge Lamer a déclaréqu’« [u]ne fouille ne sera pas abusive si elle est autorisée par laloi, si la loi elle-même n’a rien d’abusif et si la fouille n’a pas étéeffectuée d’une manière abusive » 59 . La première étape pourdéterminer le caractère abusif ou raisonnable d’une fouille,d’une perquisition ou d’une saisie en vertu de la Charteconsiste donc à déterminer si elle était autorisée par la loi ou lacommon law 60 . Si les autorités ne peuvent s’autoriser d’aucunerègle de droit ou si les exigences y formulées n’ont pas étérespectées, la fouille sera jugée abusive et, par conséquent,contraire à la Charte. Comme l’a dit le juge Lamer dans l’arrêtDyment, « [l]e fait que la saisie est illégale […] répond à laquestion de savoir si la fouille était abusive » 61 .565758596061R. c. Feeney, [1997] 2 R.C.S. 13, par. 78.Hunter c. Southam, [1984] 2 R.C.S. 145, 155-160; R. c. Edwards, [1996] 1R.C.S. 128, 139-140.R. C. M. (M.R.), [1998] 3 R.C.S. 393, par. 43-44.R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 265, 278. La Cour a fréquemment cité cepassage dans des décisions ultérieures portant sur l’article 8. Voir notammentR. c. Debot, [1989] 2 R.C.S. 1140, 1148; R. c. Kokesch, [1990] 3 R.C.S. 3, 15;R. c. Wiley, [1993] 3 R.C.S. 263, 273; R. c. Evans, [1996] 1 R.C.S. 8; R. c.Stillman, [1997] 1 R.C.S. 607, par. 25; R. c. Caslake, [1998] 1 R.C.S. 51, par.10; R. c. Golden, [2001] 3 R.C.S. 679, par. 44.R. c. Caslake, [1998] 1 R.C.S. 51, par. 12.R. c. Dyment, [1988] 2 R.C.S. 417, 441. Au même effet, voir R. c. Wiley,[1993] 3 R.C.S. 263; R. c. Kokesch, [1990] 3 R.C.S. 3, 18; R. c. Evans, [1996]1 R.C.S. 8; R. c. Caslake, [1998] 1 R.C.S. 51, par. 12.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 3826 Par ailleurs, le fait que les exigences de la loi aient étérespectées ne règle pas pour autant la question. Encore faut-ilque la loi sur laquelle on s’est fondé pour procéder à la fouillesoit conforme aux exigences constitutionnelles établies dansl’arrêt Hunter 62 . En principe, la loi qui permet la fouille serajugée constitutionnelle si elle prévoit un mécanisme d’autorisationpréalable (un mandat) par une personne agissant judiciairement(habituellement un juge) se fondant sur l’existence demotifs raisonnables et probables, établis sous serment 63 , decroire qu’un crime a été commis ou est commis et que la fouillepermettra de découvrir des éléments de preuve particuliers.27 Le degré de respect exigé par les tribunaux dépendraaussi <strong>du</strong> caractère plus ou moins intrusif de la fouille (unefouille rectale est plus intrusive que la palpation desvêtements 64 ), de la méthode de surveillance employée (lasurveillance à l’aide d’un dispositif de localisation 65 constitueune intrusion mineure; la surveillance vidéo et l’écoute électroniqueappellent par contre un respect strict des exigences 66 )et de l’expectative plus ou moins importante de vie privée quepeut entretenir la personne visée par la fouille 67 (un indivi<strong>du</strong>entretient une plus grande expectative d’être laissé en paix par626364656667Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145.Dans l’arrêt Commission de la Construction <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> c. Pierre LandryÉlectrique Inc., J.E. 2001-179, la Cour d’appel <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> a décidé quel’assermentation peut avoir lieu avant ou après la lecture de la dénonciationpar le juge de paix (par. 20).Cloutier c. Langlois, [1990] 1 R.C.S. 158, 185 : « La fouille sommaire [aumoment de l’arrestation] constitue à cet égard un mécanisme relativementpeu intrusif ». Aucune autorisation préalable n’est exigée pour procéder à unetelle fouille. Voir aussi R. c. Greffe, [1990] 1 R.C.S. 755, 795, où la Cour citele passage suivant de l’arrêt R. c. Simmons, [1988] 2 R.C.S. 495, 517 : « [I]lest évident que plus l’empiétement sur la vie privée est important, plus sajustification et le degré de protection constitutionnelle accordée doivent êtreimportants. »R. c. Wise, [1992] 1 R.C.S. 527.R. c. Wong, [1990] 3 R.C.S. 36; R. c. Duarte, [1990] 1 R.C.S. 30.R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 R.C.S. 627, 649 : « Plus grande estl’atteinte aux droits à la vie privée, plus il est probable que des garantiessemblables à celles que l’on trouve dans l’arrêt Hunter seront nécessaires .»Voir aussi 143471 Canada Inc. c. Procureur général <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, [1994] 2R.C.S. 339, 380.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 39l’État lorsqu’il se trouve dans sa maison que lorsqu’il passe auxdouanes 68 ).28 L’impossibilité de se conformer à l’exigence d’unmandat pourra aussi justifier que l’on s’écarte de cetteexigence dans la mesure où la loi le prévoit 69 lorsque, parexemple, l’urgence de la situation et la nécessité d’empêcher ladestruction de la preuve rendraient l’obtention d’un mandatimpraticable. Dans le contexte d’une fouille en milieu scolaire,la Cour suprême a reconnu que le personnel de l’école devaitrépondre rapidement aux problèmes de sorte qu’aucun mandatn'est requis pour la fouille d’un élève. L'absence de mandatdans ces circonstances n'entraîne pas une présomption defouille abusive 70 .II.–LES <strong>FOUILLES</strong> <strong>ET</strong> LA PROCÉDURE CRIMI-NELLEA. Les fouilles sans mandat1. La fouille incidente à l’arrestation et à la détention29 Le Code criminel ne prévoit pas, en principe, de pouvoirde perquisition sans mandat. La common law reconnaît qu’unagent de la paix peut fouiller une personne qu’il met en état686970Dans les arrêts R. c. Monney, [1999] 1 R.C.S. 652, R. c. Jacques, [1996] 3R.C.S. 312 et R. c. Simmons, [1988] 2 R.C.S. 495, on a indiqué qu’unepersonne qui se présente à la douane n’a aucune expectative de vie privéequant à la fouille routinière à laquelle elle peut être assujettie. Par ailleurs, dessoupçons raisonnables suffisent pour justifier une fouille à nu sans examen decavités, rayons X ou autres types d’empiétements. La détention d’un indivi<strong>du</strong>aux fins d’évacuation de drogues de l’intestin, sans provocation de ladéfécation, constitue une fouille visée par cette catégorie (R. c. Monney,[1999] 1 R.C.S. 652, par. 39, 45-47). Dans l’arrêt R. c. Monney, (1998) 120C.C.C. (3d) 97, infirmé pour d’autres motifs à [1999] 1 R.C.S. 652, la Courd’appel de l’Ontario a jugé qu’on ne peut, sans motifs raisonnables, effectuerune fouille corporelle interne d’un indivi<strong>du</strong> qui se présente à la douane. Demême, dans l’arrêt R. c. Carpenter, (2001) 151 C.C.C. (3d) 205, la Courd’appel de la Colombie-Britannique a décidé qu’un examen aux rayons X estabusif s’il n’est pas effectué raisonnablement (par. 49-52, 62).Ce pouvoir d’agir en situation d’urgence est maintenant prévu au Codecriminel à l’article 487.11, sans pour autant que ce concept y soit défini. Voirles arrêts R. c. Grant, [1993] 3 R.C.S. 223, et R. c. Silveira, [1995] 2 R.C.S.297 où il est question notamment de prévenir la destruction de la preuve.R. c. M. (M.R.), [1998] 3 R.C.S. 393, par. 45.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 40d’arrestation. Cette dernière doit être légale sinon la fouille seraabusive, même si elle a été effectuée raisonnablement 71 .30 La fouille accessoire à l’arrestation vise trois objectifsprincipaux, soit « d’assurer la sécurité des policiers et <strong>du</strong>public, d’empêcher la destruction d’éléments de preuve par lapersonne arrêtée ou d’autres personnes, et de découvrir deséléments de preuve qui pourront être utilisés au procès de lapersonne arrêtée » 72 . À cet égard, la Cour suprême a préciséque « si la raison d’être de la fouille est la découverted’éléments de preuve, il doit y avoir des chances raisonnablesde trouver des éléments de preuve de l’infraction pour laquellel’accusé est arrêté » 73 .31 Elle permet, en principe, une fouille sommaire. Bienqu’elle puisse accommoder une fouille à nu, elle ne le permetqu’à certaines conditions très strictes 74 . La fouille accessoiren’autorise pas le prélèvement d’une substance corporelle,puisqu’une fouille aussi envahissante est attentatoire à ladignité humaine 75 . Par contre, rien n’empêche qu’on fouille uneautomobile qui ne suscite aucune atteinte accrue en matière devie privée 76 .32 Dans l’arrêt Caslake, la Cour suprême en a réitéré lesconditions de légalité. Dans cette affaire, la fouille de l’automobile<strong>du</strong> détenu, à des fins d’inventaire, avait été effectuée sixheures après l’arrestation. Des stupéfiants ont été trouvés.Dans un contexte de fouille accessoire, il n’y a pas d’exigenced’avoir des motifs raisonnables comme c’est le cas normalement.La fouille sera justifiée si son but est lié à l’arrestation.717273747576R. c. Caslake, [1998] 1 R.C.S. 51, par. 13; R. c. Stillman, [1997] 1 R.C.S. 607,par. 27.R. c. Caslake, [1998] 1 R.C.S. 51, par. 19-21.R. c. Caslake, [1998] 1 R.C.S. 51, par. 22 (les soulignés ont été omis).R. c. Golden, [2001] 3 R.C.S. 679, au par. 47 où les juges Iacobucci et Arboury ont défini la fouille à nu comme l’« action d’enlever ou de déplacer en totalitéou en partie les vêtements d’une personne afin de permettre l’inspectionvisuelle de ses parties intimes, à savoir ses organes génitaux externes, sesfesses, ses seins (dans le cas d’une femme) ou ses sous-vêtements ».R. c. Stillman, [1997] 1 R.C.S. 607, par. 39; R. c. Golden, [2001] 3 R.C.S. 679,par. 76R. c. Caslake, [1998] 1 R.C.S. 51, par. 15. Dans l’arrêt R. c. Polashek, (1999)134 C.C.C. (3d) 187, par. 25-26 (C.A.O.), on a indiqué que l’agent de la paixpeut également fouiller le coffre arrière de l’automobile si les conditions sontréunies.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 41En d’autres termes, l’agent de la paix doit avoir des motifsd’agir comme il le fait. Cette croyance doit satisfaire à un critèreà la fois objectif et subjectif 77 . En l’espèce, on a jugé que lalongueur <strong>du</strong> délai écoulé avant d’effectuer la fouille ne larendait pas abusive. Toutefois, l’élaboration d’un inventairen’est pas un des objectifs visés par la règle de common law.Ces principes reprenaient ceux énoncés dans l’arrêt Cloutier cLanglois 78 .33 Dans l’arrêt Golden, la Cour a examiné la question <strong>du</strong>droit d’effectuer une fouille à nu accessoirement à une arrestation.D’entrée de jeu, les juges Iacobucci et Arbour ont pris actequ’une telle procé<strong>du</strong>re est fondamentalement humiliante etavilissante, de sorte qu’on ne peut y recourir d’une façonroutinière ou systématique 79 . Non seulement doit-elle entretenirun lien avec les motifs de l’arrestation, il faut aussi des motifsraisonnables supplémentaires qui la justifient et, sauf circonstancesd’urgence également établies par des motifs raisonnables,elle devra avoir lieu au poste de police et non sur les lieuxde l’arrestation. La seule possibilité qu’une personne cache surelle une arme ou un élément de preuve ne suffit pas 80 .2. L’objet bien en vue34 La règle de common law de l’objet bien en vue 81 (plainview) permet à un agent de la paix de saisir tout objet visiblequi peut raisonnablement être relié à une activité criminelle 82ou à un élément de preuve, soit parce qu’il est illégal ou encores’il peut servir à la perpétration d’un crime.35 La jurisprudence a indiqué que cette doctrine de l’objetbien en vue comporte trois exigences 83 . Parce qu’elle confère77787980818283R. c. Caslake, [1998] 1 R.C.S. 51, par. 19. Voir aussi R. c. Stillman, [1997] 1R.C.S. 607, par. 35-38; Cloutier c. Langlois, [1990] 1 R.C.S. 158, 182.Cloutier c. Langlois, [1990] 1 R.C.S. 158, 186, repris dans R. c. Caslake,[1998] 1 R.C.S. 51, par. 14.R. c. Golden, [2001] 3 R.C.S. 679, par. 90, 95, 97. Pour une application <strong>du</strong>principe, voir R. c. Flintoff, (1998) 126 C.C.C. (3d) 321 (C.A.O.).R. c. Golden, [2001] 3 R.C.S. 679, par. 92-94, 98, 102.Cette terminologie française a été utilisée par la Cour suprême dans l’arrêt R.c. Thompson, [1990] 2 R.C.S. 1111, alors qu’elle traitait de la validité de laclause des endroits fréquentés dans une autorisation d’écoute électronique.R. c. Spindloe, (2001) 154 C.C.C. (3d) 8, par. 41 (C.A.S.).R. c. Smith, (1998) 126 C.C.C. (3d) 62, par. 13 (C.A.A.); R. c. Belliveau,(1987) 30 C.C.C. (3d) 163, 174 (C.A.N.-B.).


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 42aux agents de la paix le pouvoir de saisir et non de perquisitionner84 , la présence initiale sur les lieux doit être légale 85 ; àdéfaut, la saisie effectuée en vertu de cette doctrine seraabusive 86 . Ensuite, l’objet doit être découvert par inadvertance;on ne doit pas prévoir sa présence sur les lieux. Enfin, l’objetdoit être apparent en ce sens que le saisissant doit croire, pourdes motifs raisonnables, qu’il constituera un élément de preuvede la commission d’une infraction 87 . Par ailleurs, le saisissantn’est pas autorisé à effectuer une fouille supplémentaire,comme par exemple aller dans le sous-sol d’une résidencealors qu’il n’avait eu que l’autorisation de pénétrer dansl’entrée 88 . Cela étant, la jurisprudence a reconnu que cettedoctrine s’applique également dans le cas de toute fouille ouperquisition, même si elle n’est pas visée par le paragraphe489(1) C.cr. 8936 Cette disposition, dont on a reconnu la constitutionnalité90 , codifie la doctrine de l’objet bien en vue. Placé dans lasection traitant <strong>du</strong> mandat de droit commun en matièrecriminelle, il précise que l’agent saisissant, outre ce qui estmentionné dans le mandat, peut saisir toute chose qu’il croit,pour des motifs raisonnables, avoir été obtenue au moyend’une autre infraction, avoir été employée à la perpétration84858687888990R. c. Spindloe, (2001) 154 C.C.C. (3d) 8, par. 49 (C.A.S.), repris dans R. c.Fawthorp, (2002) 166 C.C.C. (3d) 97, par. 30 et 34 (C.A.O.).Dans l’arrêt R. c. Spindloe, (2001) 154 C.C.C. (3d) 8 (C.A.S.), on a décidéque la saisie d’objets bien en vue dans un endroit où le public est invité, enl’occurrence un commerce, répondra à ce critère malgré un mandat vicié(par. 42).R. c. Smith, (1998) 126 C.C.C. (3d) 62, par. 13 et 24 (C.A.A.); R. c. Ruiz,(1992) 68 C.C.C. (3d) 500 (C.A.N.-B.); R. c. Belliveau, (1987) 30 C.C.C. (3d)163, 174 (C.A.N.-B.).R. c. Law, 2002 CSC 10, par. 27; Paré c. Kami-Mark (Marketing) Inc., [1997]R.D.F.Q. 63 (C.A.); R. c. 2952-1366 <strong>Québec</strong> Inc., (2000) 146 C.C.C. (3d) 571(C.A.Q.).R. c. Smith, (1998) 126 C.C.C. (3d) 62, par. 19 (C.A.A.); R. c. Fawthorp,(2002) 166 C.C.C. (3d) 97, par. 30-32 (C.A.O.).Paré c. Kami-Mark (Marketing) Inc., [1997] R.D.F.Q. 63, 72 (C.A.); R. c.Grenier, (1991) 65 C.C.C. (3d) 76 (C.A.Q.); R. c. Longtin, (1983) 5 C.C.C. (3d)12 (C.A.O.).Solvent Petroleum Extraction Inc. c. M.N.R., (1989) 50 C.C.C. (3d) 182(C.A.F.); Kourtessis c. M.N.R., (1989) 50 C.C.C. (3d) 201 (C.A.C.-B.), infirmépour d’autres motifs à [1993] 2 R.C.S. 53.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 43d’une telle infraction ou pouvant servir à prouver une telleperpétration 91 .B. Le mandat de droit commun37 Le Code criminel prévoit, à l’article 487, la procé<strong>du</strong>re deperquisition de droit commun. Cette disposition s’applique àtoutes les infractions créées par le Parlement fédéral, que la loicréatrice de l’infraction contienne ou non des dispositionsrelatives aux perquisitions et aux saisies, sauf si le Parlement aédicté des règles spécifiques qui en excluent expressémentl’application 92 .38 L’article 487 prévoit qu’en principe, une perquisition nepeut s’effectuer qu’avec l’autorisation d’un juge de paix qui,saisi d’une dénonciation faite sous serment, ordonne quecertains biens liés à la commission d’une infraction soientapportés devant lui. Dans sa dénonciation, le dénonciateur 93doit indiquer les motifs qui lui permettent raisonnablement decroire que l’émission <strong>du</strong> mandat est justifiée. Il doit aussidécrire avec précision l’endroit où doit s’effectuer la perquisitionet la ou les choses qui doivent être saisies, sauf, dans cedernier cas, s’il n’est pas raisonnablement possible de cefaire 94 . Cette exigence est importante, car, en principe, lemandat ne doit laisser aucune discrétion à l’officier saisissant,91929394Le paragraphe 489(2) <strong>du</strong> Code ajoute qu’un agent de la paix ou un fonctionnairepublic chargé de l’application d’une loi fédérale, nommé ou désigné parune loi fédérale ou provinciale, qui se trouve légalement dans un lieu en vertud’un mandat ou pour l’accomplissement de ses fonctions, peut saisir sansmandat toute chose qu’il croit, pour des motifs raisonnables, avoir été obtenueou avoir été utilisée pour la perpétration d’une infraction à une loi fédérale.Plusieurs lois particulières prévoient des mécanismes spécifiques. Ainsi, laLoi réglementant certaines drogues et autres substances permet à un agentde la paix, dans certaines circonstances, de procéder à une fouille sansmandat. Si l’application <strong>du</strong> Code criminel n’est pas exclue, la perquisition peuts’effectuer en vertu des deux dispositions. Voir R. c. Multiform ManufacturingCo., [1990] 2 R.C.S. 624. Dans l’arrêt R. c. Grant, [1993] 3 R.C.S. 223, 249, laCour suprême a indiqué qu’il s’agit alors de deux régimes alternatifs octroyantaux policiers des pouvoirs différents. Ceux-ci peuvent choisir le régime quileur convient, mais ils doivent respecter les restrictions et conditions qu’ilcomporte.Il est soit un agent de la paix ou un fonctionnaire spécifiquement désigné parla loi, contrairement à la version précédente qui prévoyait qu’une« personne » pouvait présenter une dénonciation.Re Church of Scientology and The Queen, (1987) 31 C.C.C. (3d) 449, 515 et516 (C.A.O.).


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 44afin que la perquisition ne se transforme pas en « expédition depêche ». Cela étant, la Cour suprême a indiqué que cetaffidavit doit être complet et sincère ainsi que clair et concis.Autant que possible, il doit être préparé par des personnes quiont une connaissance directe des faits en cause 95 .39 Enfin, le dénonciateur doit alléguer que la perquisitionpermettra de trouver soit une chose à l’égard de laquelle a étécommise une infraction, soit une chose 96 qui est de nature àfournir une preuve touchant la perpétration d’une infraction oude nature à révéler l’endroit où se trouve l’auteur <strong>du</strong> crime, soitune chose qui porte à croire qu’elle servira à une infractionpour laquelle une personne peut être arrêtée sans mandat,soit, enfin, un bien qui se révèle infractionnel au sens del’article 2 <strong>du</strong> Code 97 . Un mandat de perquisition émis pour toutautre motif est illégal. On notera par ailleurs que la preuve decommission de l’infraction ne se limite pas à celle que lapoursuite doit faire valoir; elle comprend tous les éléments quipourraient jeter la lumière sur les circonstances d’un événementqui paraît constituer une infraction, y compris la mise enéchec d’une défense possible 98 .40 Le juge de paix doit, sur la foi des seuls renseignementsqui y sont allégués, décider s’il y a lieu d’autoriser laperquisition. Le Code précise que cette procé<strong>du</strong>re a lieu exparte. Même si l’article 8 de la Charte exige que le juge agissejudiciairement, le huis clos et la procé<strong>du</strong>re ex parte se justifientpar les exigences d’une administration efficace de la justice 99 ,le processus d’enquête ne devant pas être indûment affectépar des exigences procé<strong>du</strong>rales et des procé<strong>du</strong>res interlocutoires100 . Dans l’arrêt Commission de la Construction <strong>du</strong>9596979899100R. c. Araujo, [2000] 2 R.C.S. 992, par. 46, 48.Cette chose peut être une donnée informatique. Voir art. 487(2.1) et (2.2)C.cr.Art. 487(1)a)-c.1) C.cr.Notamment l’absence d’éléments pouvant soutenir une défense de diligenceraisonnable : CanadianOxy Chemicals Ltd. c. Procureur général <strong>du</strong> Canada,[1999] 1 R.C.S. 743, par. 15.Procureur général de la Nouvelle-Écosse c. MacIntyre, [1982] 1 R.C.S. 175,187, g.R. c. F.(S.), (2000) 141 C.C.C. (3d) 225, par. 40-41 (C.A.O.). Au même effet,voir R. c. Feeney, (2001) 152 C.C.C. (3d) 390, par. 31-40 (C.A.C.-B.); R. c.B.(S.A.), (2001) 157 C.C.C. (3d) 510, par. 42-62 (C.A.A.).


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 45<strong>Québec</strong> c. Pierre Landry Électrique Inc. 101 , on a jugé qu’il n’estpas contraire à la Charte d’émettre un mandat sans permettreà la cible de se faire entendre lorsque les biens à saisir sontdéjà entre les mains <strong>du</strong> saisissant, une première saisie ayantété annulée, et qu’il n’y avait en conséquence aucun risque dedestruction de la preuve. La Cour d’appel <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> atoutefois indiqué qu’il est préférable qu’une audition soit tenue.41 Exceptionnellement, le juge de paix peut permettre,expressément et par écrit, que la perquisition ait lieu de nuitdans la mesure où les motifs raisonnables de l’exécuterpendant cette période apparaissent à la dénonciation déposéepour l’obtention <strong>du</strong> mandat 102 .42 Si la perquisition est autorisée, un agent de la paix outoute autre personne visée dans le mandat a le pouvoir del’effectuer ainsi que celui d’utiliser les équipements informatiquesqui se trouvent sur les lieux afin d’en recueillir lesdonnées 103 .43 L’article 487.1 <strong>du</strong> Code criminel prévoit, quant à lui, uneprocé<strong>du</strong>re au terme de laquelle l’émission d’un mandat deperquisition peut être faite par téléphone ou par tout autremoyen de télécommunication. En plus des allégués propres àtoute dénonciation, la « dénonciation téléphonique » doiténoncer les circonstances qui rendent peu commode laprésentation en personne de l’agent de la paix devant le jugede paix.44 Celui qui exécute le mandat de perquisition est tenu del’avoir sur lui, si la chose est possible, et de le pro<strong>du</strong>ire surdemande 104 .101102103104Commission de la Construction <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> c. Pierre Landry Électrique Inc.,J.E. 2001-179, par. 25 (C.A.).R. c. Sutherland, (2001) 150 C.C.C. (3d) 231, par. 23-25 (C.A.O.). L’article488 C.cr. le prévoit et l’article 2 <strong>du</strong> Code précise que la nuit commence à neufheures <strong>du</strong> soir et s’achève à six heures <strong>du</strong> matin.Art. 487(2.1) C.cr.Art. 29 C.cr. Dans le cas d’un télémandat, il doit présenter un fac-similé (art.487.1(7) C.cr.) ou afficher ce dernier si les lieux sont inoccupés (art. 487.1(8)C.cr.). La contravention à cette exigence rend la perquisition illégale etabusive. Voir R. c. Bohn, (2000) 145 C.C.C. (3d) 320, par. 46 (C.A.C.-B.); R.c. B.(J.E.), (1990) 52 C.C.C. (3d) 224 (C.A.N.-É.).


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 46C. Le mandat élargi45 L’article 487.01 <strong>du</strong> Code criminel permet à un juged’une cour provinciale ou d’une cour supérieure d’autoriser toutacte qui constituerait une fouille, une perquisition ou une saisieabusive à l’égard d’une personne ou d’un bien, s’il est convaincuqu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’uneinfraction a été ou sera commise, que cela servirait l’administrationde la justice et qu’il n’existe pas d’autres procédésidentiques prévus au Code criminel ou dans une autre loifédérale 105 .46 En adoptant cette disposition, le législateur satisfait àl’exigence constitutionnelle d’une autorisation légale pour touttype d’intrusion dans la vie privée qui n’est ou ne serait passpécifiquement réglementée. Elle doit recevoir une interprétationlarge 106 . À titre d’exemples, soulignons que cette dispositionpermet la surveillance vidéo 107 , l’émission d’un mandat paranticipation, c’est-à-dire pour saisir des biens qui se trouverontplus tard dans un lieu 108 , l’entrée dans des lieux pour les placersous surveillance 109 et l’obtention d’informations pertinentes àune enquête 110 . Le juge peut fixer des modalités afin d’assurerle caractère raisonnable de la fouille ou de la saisie 111 .47 Le paragraphe 487.01(2) précise que l’on ne peutl’invoquer pour porter atteinte à l’intégrité physique d’unepersonne; elle pourrait néanmoins constituer l’assise légalenécessaire pour ordonner des prélèvements biologiques nonviolents sur une personne.48 Signalons enfin que les paragraphes 487.01(5.1) et(5.2) C.cr. prévoient qu’un mandat de perquisition émis en105106107108109110111L’article 487.01(7) <strong>du</strong> Code prévoit qu’un tel mandat peut être obtenu partélémandat aux termes de l’article 487.1.R. c. Noseworthy, (1997) 116 C.C.C. (3d) 376, par. 9-11 (C.A.O.). La Cour aindiqué qu’on ne doit pas appliquer la règle ejusdem generis à l’égard del’expression « accomplir tout acte » et en limiter la portée à ce qui estanalogue à « utiliser un dispositif ou une technique ou une méthoded’enquête ».Les paragraphes 487.01(4) et (5) envisagent cette hypothèse.R. c. Noseworthy, (1997) 116 C.C.C. (3d) 376, par. 9-11 (C.A.O.).R. c. Lauda, (1998) 122 C.C.C. (3d) 74, par. 24 et 25 (C.A.O.), confirmé pourd’autres motifs à [1998] 2 R.C.S. 683.R. c. Noseworthy, (1997) 116 C.C.C. (3d) 376, par. 9-11 (C.A.O.).Art. 487.01(3) C.cr.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 47vertu de ces dispositions peut, avec l’accord <strong>du</strong> juge de paix,permettre que la perquisition soit effectuée secrètement, sujetà ce que la cible en soit avisée dans un délai qui ne peutexcéder trois ans.D. Les prélèvements corporels1. Les empreintes digitales49 En droit canadien, le principe veut que l’indivi<strong>du</strong> nepuisse être astreint à subir des épreuves corporelles, nipendant l’enquête policière 112 , ni pendant le procès 113 .50 Bien que le principe général veuille que la personne soitinviolable, l’article 2 de la Loi sur l’identification des criminelsprécise qu’une personne légalement 114 sous garde 115 , qu’ellesoit accusée d’un acte criminel 116 ou qu’elle en ait été reconnuecoupable, peut être soumise, par ceux qui en ont la gardeou en vertu de leurs ordres, aux mensurations, procédés etopérations exécutés d’après la méthode d’identification descriminels.51 Dans l’arrêt Beare, la Cour suprême <strong>du</strong> Canada a examiné,à la lumière de l’article 7 de la Charte, la constitutionnalitéde la prise d’empreintes digitales en rapport avecl’expectative de vie privée que peut avoir un citoyen. La Cour apris soin de souligner que les commentaires qu’elle faisait ausujet de l’article 7 valaient à l’égard de l’article 8, qui garantit la112113114115116R. c. Borden, [1994] 3 R.C.S. 145, 160.R. c. Charlebois, [2000] 2 R.C.S. 674, par. 32-33.Dans l’arrêt R. c. Feeney, [1997] 2 R.C.S. 13, 60, la Cour suprême a déclaréque, lorsque l’arrestation est illégale, la prise d’empreintes digitales <strong>du</strong> détenuconstitue une fouille abusive au sens de l’article 8 de la Charte.Les paragraphes 501(3) et 509(5) <strong>du</strong> Code prévoient qu’une personne remiseen liberté par un agent de la paix ou assujettie à une sommation émise par unjuge de paix sera présumée légalement sous garde au moment <strong>du</strong> bertillonnages’il lui est ordonné de se soumettre à l’identification judiciaire.Dans l’arrêt Lapointe c. Lacroix, [1981] C.A. 497, 501, la Cour d’appel <strong>du</strong><strong>Québec</strong> a décidé que le prévenu accusé d’une infraction mixte peut êtresoumis à l’identification, et ce, même s’il est accusé par voie sommaire. Dansl’arrêt R. c. Connors, (1998) 121 C.C.C. (3d) 358 (C.A.C.-B.), la Cour a décidéque la loi ne permet pas de prendre les empreintes d’une personne légalementarrêtée mais qui n’a pas encore fait l’objet d’une accusation. Les policiersne peuvent que l’inviter à s’y soumettre sans quoi elle devra revenir plustard, à la date fixée dans une citation ou un engagement à comparaître, oulorsqu’une sommation aura été émise.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 48protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisiesabusives 117 . Le juge La Forest a déclaré qu’un indivi<strong>du</strong> arrêtén’a pas d’expectative de vie privée à l’égard de ses empreintesdigitales. Il a ajouté que le processus d’identification judiciairene porte que très faiblement atteinte à l’intégrité physique. Àcet égard, le juge La Forest a souligné que « [r]ien n’est intro<strong>du</strong>itdans le corps et il n’en est prélevé aucune substance » 118 .52 Dans l’arrêt Bourque, la Cour d’appel <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> alaissé entendre que la rétention des empreintes digitales prélevéesillégalement serait contraire à l’article 8 de la Chartedans certaines circonstances 119 . Dans l’arrêt Connors 120 , laCour d’appel de la Colombie-Britannique a décidé qu’à défautde législation empêchant la rétention des empreintes, rienn’interdit aux corps policiers de conserver ces informations quipeuvent tout autant disculper une personne que l’incriminer.Enfin, la Cour d’appel de l’Ontario a conclu que la rétentionmotivée des empreintes digitales obtenues conformément à laloi, ne contrevient pas à l’article 8 de la Charte si l’accusé n’ena pas demandé la destruction à l’issue favorable de sa causequi était à l’origine <strong>du</strong> bertillonnage 121 .2. Les prélèvements en matière d’alcool au volant53 Les paragraphes 254(2) et (3) <strong>du</strong> Code criminelprévoient des prélèvements d’échantillons d’haleine ou de sangdans le but de déterminer l’alcoolémie d’une personne quicon<strong>du</strong>it ou a la garde ou le contrôle d’un véhicule à moteur enmouvement ou non 122 .117118119120121122R. c. Beare, [1988] 2 R.C.S. 387, 414.R. c. Beare, [1988] 2 R.C.S. 387, 413.R. c. Bourque, [1995] R.J.Q. 2573, 2582 (C.A.). Cela aurait été le cas si lelaps de temps avait été plus considérable entre l’obtention techniquementillégale des empreintes et leur utilisation subséquente.R. c. Connors, (1998) 121 C.C.C. (3d) 358 (C.A.C.-B.).R. c. Dore, (2002) 166 C.C.C. (3d) 225 (C.A.O.). Dans l’arrêt Beaudoin c.Procureur général <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, [1984] C.S. 152, la Cour avait ordonné ladestruction d'empreintes digitales suite au prononcé d'une absolution inconditionnelle,déclarant que leur rétention violait le droit à la vie privée. Voir aussiLaplante c. Procureur général <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, (1983) 32 C.R. (3d) 94 (C.S.Q.),alors qu'on avait ren<strong>du</strong> une semblable ordonnance dans le cas d'unacquittement, la Cour concluant qu'il y avait violation de l'article 7.Le paragraphe 254(2) s’applique aux con<strong>du</strong>cteurs d’un bateau, d’un aéronefou de matériel ferroviaire, ou à leurs aides.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 4954 Le paragraphe 254(2) permet à l’agent de la paix qui ades raisons de soupçonner la présence d’alcool dans le sangde cette personne, de lui ordonner de lui fournir, immédiatement,l’échantillon d’haleine qu’il estime nécessaire pourl’analyser à l’aide d’un appareil de détection approuvé, et de lesuivre, si nécessaire, pour permettre de prélever cet échantillon.Le refus d’obtempérer constitue une infraction 123 .55 Un test positif peut, selon les circonstances, suffire àconférer à l’agent de la paix des motifs raisonnables 124 d’exigerque le con<strong>du</strong>cteur soumette un échantillon d’haleine ou desang, prévu au paragraphe 254(3) C.cr., dont l’analyse pourraêtre déposée en preuve.56 En effet, le paragraphe 254(3) stipule qu’un agent de lapaix peut ordonner à cette personne de lui fournir immédiatementou dès que possible un échantillon d’haleine ou, si celaest impossible, un échantillon de sang pour déterminer sonalcoolémie. Il doit, pour ce faire, se former 125 des motifs raisonnablesque, dans les trois heures précédentes, cette mêmepersonne a con<strong>du</strong>it ou eu la garde ou le contrôle d’un véhiculeavec les facultés affaiblies par l’alcool ou avec une alcoolémieexcessive, donc de croire à la commission de l’infraction 126 . Lerefus d’obtempérer constitue également une infraction 127 .57 L’exigence de l’autorisation préalable n’étant pas rencontrée,un problème peut se poser notamment dans le cas dela prise de sang effectuée en vertu de l’alinéa 254(3)b). Dans lamesure où elle peut être faite sans autorisation préalable, on asoutenu qu’elle viole l’article 8 de la Charte. La Cour <strong>du</strong> Bancde la Reine de la Saskatchewan a conclu à sa validité eninvoquant l’article premier 128 . La Cour d’appel <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> atrès brièvement conclu à l’absence de violation parce que « lelégislateur a encadré la demande d'un échantillon de sang123124125126127128Art. 254(5) C.cr.Dans l’arrêt R. c. Bernshaw, [1995] 1 R.C.S. 254, par. 51, le juge Sopinka aindiqué que l’exigence de motifs raisonnables, au paragraphe 254(3) <strong>du</strong>Code, est aussi une exigence constitutionnelle au sens de l’arti cle 8 de laCharte. Cette dernière disposition requiert qu’on fasse la preuve de cesmotifs; on ne peut les présumer.R. c. Deruelle, [1992] 2 R.C.S. 663.R. c. Pavel, (1990) 53 C.C.C. (3d) 296 (C.A.O.).Art. 254(5) C.cr.R. c. Pelletier, (1989) 50 C.C.C. (3d) 22 (C.B.R.S.).


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 50prévu à l'alinéa 254(3)b) <strong>du</strong> Code criminel de garantiesprocé<strong>du</strong>rales qui assurent le respect de l'intégrité physique dela personne » 129 .58 À ce titre, on note que le paragraphe 254(4) précisequ’un échantillon de sang ne peut être prélevé que par unmédecin qualifié ou sous sa direction et à la condition qu’il soitconvaincu qu’il n’y a pas de risque pour la vie ou la santé de lapersonne 130 . Dans l’arrêt Knox, la Cour suprême a indiqué quel’administration de la justice ne sera pas susceptible d’êtredéconsidérée si on a effectivement respecté les garantiesprévues au paragraphe 254(4) <strong>du</strong> Code 131 .59 Enfin, dans le cas d’un accident de la route, le paragraphe256(1) <strong>du</strong> Code criminel prévoit qu’un mandat peutautoriser un agent de la paix à exiger d’un médecin qualifiéqu’il prélève, ou fasse prélever par un technicien qualifié soussa direction, les échantillons de sang nécessaires à uneanalyse convenable permettant de déterminer l’alcoolémie decette personne. L’obtention de ce mandat doit donc rencontrerles exigences de l’arrêt Hunter 132 .60 De plus, d’une part, l’agent de la paix doit avoir desmotifs raisonnables de croire qu’une personne a commis, aucours des quatre heures précédentes, une infraction prévue àl’article 253 <strong>du</strong> Code, que cette personne est impliquée dansun accident ayant causé des lésions corporelles ou la mort, etque, d’autre part, un médecin qualifié est d’avis que cettepersonne ne peut consentir au prélèvement de son sang enraison de son état. Le juge de paix doit également avoir desmotifs raisonnables de croire que le prélèvement d’un échantillonde sang ne risquera pas de mettre en danger la vie ou lasanté de cette personne.61 Le paragraphe 258(2) <strong>du</strong> Code précise par ailleurs quenul n’est tenu de fournir un échantillon d’urine ou d’une autresubstance corporelle pour analyse, à l’exception des échan-129130131132R. c. Maillé [1995] A.Q. no 706 (C.A.)Dans l’arrêt R. c. Green, [1992] 1 R.C.S. 614, la Cour a expliqué que lepolicier qui exige un échantillon de sang devra accompagner son ordre d’unavertissement reprenant en substance les garanties <strong>du</strong> paragraphe 254(4)C.cr. afin de ne laisser aucun doute quant au motif réel de refus de sesoumettre au prélèvement.R. c. Knox, [1996] 3 R.C.S. 199, par. 18.Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 51tillons d’haleine et de sang visés à l’article 254; aussi, la preuvequ’une personne a fait défaut ou a refusé de fournir cet échantillon,ou la preuve que l’échantillon n’a pas été prélevé, n’estpas admissible. Cet article dispose de plus qu’un tel défaut ourefus ou le fait qu’un échantillon n’ait pas été prélevé ne sauraitfaire l’objet de commentaires par qui que ce soit au cours desprocé<strong>du</strong>res.3. Le prélèvement de l’ADN62 Tel que souligné plus haut, le concept d’expectative devie privée comporte des aspects qui ont trait à la personne et àla protection de son intégrité physique, posant ainsi leproblème de la constitutionnalité des prélèvements corporels.63 Il est clair, à la lumière de plusieurs arrêts de la Coursuprême 133 , qu’on ne peut procéder à un prélèvement corporelinterne impliquant une méthode violente et le paragraphe487.01(2) semble confirmer la jurisprudence en posant commelimite à toute perquisition, fouille ou saisie, le fait de porteratteinte à l’intégrité de la personne.64 En ce qui concerne les prélèvements internes quin’impliquent pas une méthode violente, il faut se rappeler quela Cour suprême <strong>du</strong> Canada, dans les arrêts Dyment 134 etPohoretsky 135 , a déclaré qu’un prélèvement interne ne peut sejustifier que si la loi l’autorise. Aussi, le législateur a apportédes modifications au Code pour autoriser des prélèvements àdes fins d’analyse génétique. Cela étant, il a prévu que de telsprélèvements peuvent être exécutés lors de l’enquête relative àla commission d’une infraction ou après une condamnationdans le but de constituer une banque de données aux finsd’enquêtes futures.65 Les articles 487.04 à 487.06 <strong>du</strong> Code criminelpermettent à un juge de la cour provinciale d’émettre unmandat 136 pour prélever sur une personne détenue relative-133134135136R. c. Dyment, [1988] 2 R.C.S. 417; R. c. Stillman, [1997] 1 R.C.S. 607. Anoter que dans l’arrêt R. c. Monney, [1999] 1 R.C.S. 652, la Cour suprême adécidé que la détention d’une personne en vue de recueillir ses substancesfécales ne constitue pas un prélèvement corporel (par. 44).R. c. Dyment, [1988] 2 R.C.S. 417.R. c. Pohoretsky, [1987] 1 R.C.S. 945.Le paragraphe 487.05(3) <strong>du</strong> Code rend possible l’utilisation <strong>du</strong> télémandataux termes de l’article 487.1.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 52ment à certaines infractions, des cheveux 137 , des poils, descellules épithéliales à l’intérieur de la bouche et des échantillonsde sang lorsque de telles substances corporelles ont ététrouvées dans le cadre de l’enquête policière. Le paragraphe487.08(1) précise que le prélèvement ne vaut que pourl’analyse génétique dans le cadre de l’enquête sur l’actecriminel spécifique à l’origine <strong>du</strong> mandat. Il en est de mêmedes résultats de l’analyse 138 .66 D’ailleurs, le Code prévoit, sous réserve de certainesmodalités et exceptions, la destruction de l’échantillon et desrésultats de l’analyse lorsqu’il est démontré que la substancene vient pas de la cible, que cette dernière est définitivementacquittée de l’infraction reprochée et de toute autre reliée ouqu’un an s’est écoulé suite à sa libération à l’enquête préliminaire,à une perte de compétence ou à un arrêt des procé<strong>du</strong>res139 . Le paragraphe 487.09(2) autorise le juge de la courprovinciale à ordonner le report de la destruction pour unepériode qu’il estime appropriée.67 Dans l’arrêt F.(S.), la Cour d’appel de l’Ontario a concluà la validité constitutionnelle de ces dispositions. Dans unpremier temps, le juge Finlayson a indiqué qu’un tel prélèvementne porte pas atteinte au principe de non-incrimination, desorte que l’analyse devait se limiter à sa conformité à l’article 8de la Charte. À cet égard, il a pris acte que cette procé<strong>du</strong>repoursuit un objectif valide, soit l’application <strong>du</strong> droit criminel,qu’elle constitue une intrusion minimale, qu’elle est brève etpeu ou pas inconfortable et qu’elle est de nature à substantiellementaméliorer la recherche de la vérité 140 .137138139140Dans les arrêts R. c. Hodge, (1993) 80 C.C.C. (3d) 189 (C.A.N.-B.), et R. c.Paul, (1995) 95 C.C.C. (3d) 266, 272 et 273 (C.A.N.-B.), ren<strong>du</strong>s avantl’adoption de ces dispositions, on a jugé que le prélèvement d’échantillons decheveux violait les articles 7 et 8 de la Charte.Art. 487.08(2) C.cr.Art. 487.09(1) C.cr. Dans l’arrêt R. c. Arp, [1998] 3 R.C.S. 339, on a concluque l’obligation de détruire l’échantillon ne vaut pas à l’égard de celui obtenuavec le consentement de la personne, sauf le cas où sa portée est restreinte.R. c. F.(S.), (2000) 141 C.C.C. (3d) 225, par. 27-28 (C.A.O.). En premièreinstance, le juge Hill avait décidé que les prélèvements de cheveux étaientinconstitutionnels puisqu’ils ne permettent pas de recueillir d’ADN chez 5 % à10 % de la population [R. c. F.(S.), (1998) 120 C.C.C. (3d) 260(C.O.Div.Gén.)]. La preuve soumise en appel a démontré que cela étaitinexact. Le juge Finlayson a indiqué que ce facteur n’aurait de toute manièrepas suffi à rendre le prélèvement inconstitutionnel (par. 38).


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 5368 Enfin, l’article 487.092 <strong>du</strong> Code criminel autorise unagent de la paix ou une personne agissant sous son autorité,s’il est muni d’un mandat, à accomplir tout acte qui est mentionnédans ce mandat pour obtenir les empreintes d’une partie<strong>du</strong> corps d’une personne, notamment des mains, des doigts,des pieds et des dents. Le juge doit être convaincu qu’il existedes motifs raisonnables de croire qu’une infraction à une loifédérale a été commise, que des renseignements relatifs àl’infraction seront obtenus grâce à ces empreintes et que ladélivrance <strong>du</strong> mandat servirait au mieux l’administration de lajustice.69 Par ailleurs, rappelons que le paragraphe 487.01(1) <strong>du</strong>Code prévoit, par sa formulation générale, l’autorisationlégislative et la procé<strong>du</strong>re nécessaires qui pourraient validerd’autres types de prélèvements corporels externes.70 S’il a été obtenu contrairement aux droits constitutionnellementgarantis à l’accusé, un prélèvement corporel, commetoute autre preuve, pourra être exclu de la preuve par laprocé<strong>du</strong>re prévue au paragraphe 24(2) de la Charte.E. Le prélèvement d’ADN après la condamnation71 Le Code prévoit, suite à une déclaration de culpabilité,la possibilité de prélever, dans certains cas, des échantillonscorporels dans le but de constituer une banque de données enmatière d’ADN. À cet égard, la Loi sur l’identification par lesempreintes génétiques crée une banque nationale de donnéesgénétiques composée d’un fichier de criminalistique et d’unfichier de condamnés 141 . Le premier contient des donnéesgénétiques établies par l’analyse de substances corporellesretrouvées sur les scènes de crime tandis que le secondrassemble des données génétiques obtenues conformémentaux dispositions <strong>du</strong> Code criminel 142 . Lorsqu’un tel profil estentré dans ce dernier fichier, il est comparé à ceux figurantdans le fichier criminalistique et dans le cas d’un recoupement,les renseignements pertinents sont communiqués aux enquêteurs143 . En principe, les renseignements et les échantillonsutiles de substances corporelles sont conservés pour une141142143Loi sur l’identification par les empreintes génétiques, art. 5.Loi sur l’identification par les empreintes génétiques, art. 5(3) et (4).Loi sur l’identification par les empreintes génétiques, art. 6(1).


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 54période indéterminée, sauf, comme nous l’avons vu, le casd’un acquittement ou d’une absolution 144 .72 D’entrée de jeu, soulignons que, comme dans le casdes empreintes digitales, ces prélèvements ne sont pas assujettisà la démonstration de motifs raisonnables qu’ils pourrontservir de preuve de la commission d’un crime. La Cour d’appelde l’Ontario, prenant acte que l’expectative de vie privée estmoindre lorsqu’une personne a été déclarée coupable d’uncrime, a jugé que cela ne viole pas l’article 8 de la Charte 145 .En fait, les dispositions <strong>du</strong> Code à cet égard sont conformes àcette dernière disposition en ce que les prélèvements sontautorisés par la loi, qu’ils sont assujettis à une autorisationjudiciaire et qu’ils sont effectués d’une manière raisonnable 146 .73 Cela étant, l’alinéa 487.051(1)a) prévoit que lorsqu’unepersonne est déclarée coupable de certaines infractions, ditesprimaires et définies à l’article 487.04, le juge doit en principeordonner un prélèvement d’échantillons de substances corporelles.Cette disposition vise les principaux crimes contre lapersonne. Cependant, le Code précise que le juge ne doit pasrendre l’ordonnance si l’intéressé établit que cela aurait sur savie privée et la sécurité de sa personne un effet nettementdémesuré par rapport à l’intérêt public en ce qui touche laprotection de la société et la bonne administration de lajustice 147 . L’alinéa 487.051(1)b) prévoit que le juge peut, dansle cas des infractions dites secondaires et définies à l’article487.04, rendre une telle ordonnance s’il est convaincu 148que cela servirait au mieux l’administration de la justice. Cettedisposition vise plusieurs autres infractions concernant directementla personne ou susceptibles de porter atteinte à sasécurité. Le juge doit alors tenir compte <strong>du</strong> casier judiciaire de144145146147148Loi sur l’identification par les empreintes génétiques, art. 9 et 10.R. c. Briggs, (2001) 157 C.C.C. (3d) 38, par. 26-27, 33-34 (C.A.O.).R. c. Harrington, (2001) 155 C.C.C. (3d) 285, par. 18-27 (C.S.J.O.).Art. 487.051(2) C.cr. Voir R. c. Jordan, (2002) 162 C.C.C. (3d) 385, par. 12,24, 28 (C.A.N.-É.). Dans l’affaire R. c. Harrington, (2001) 155 C.C.C. (3d) 285,la Cour supérieure de justice de l’Ontario a décidé que ce renversement <strong>du</strong>fardeau de la preuve ne viole pas l’alinéa 11d) de la Charte puisque la présomptiond’innocence ne s’applique plus à l’étape de la sentence (par. 28-30).Dans l’arrêt R. c. Hendry, (2002) 161 C.C.C. (3d) 275, la Cour d’appel del’Ontario a décidé qu’il appartient à la poursuite de présenter une preuveprépondérante à cet effet (par. 9-11).


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 55l’accusé 149 , de la nature de l’infraction et des circonstances desa perpétration, de même que l’effet sur la vie privée del’intéressé et sur la sécurité de sa personne. Il doit motiver sadécision 150 . Dans l’arrêt Hendry, la Cour d’appel de l’Ontario aindiqué qu’il y aura lieu de rendre l’ordonnance dans la quasitotalitédes cas 151 .74 Dans l’arrêt Grenier, la Cour d’appel <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> s’estpenchée sur l’application de ces critères alors que l’accuséavait reconnu sa culpabilité à un vol à main armée commisavec l’aide de complices et muni d’un déguisement. Le juge depremière instance avait refusé de rendre l’ordonnance auxmotifs que l’accusé s’était bien con<strong>du</strong>it depuis l’année et demiequ’il était en libération conditionnelle et qu’une querellefamiliale l’aurait fait rechuter. D’entrée de jeu, la Cour a prisacte que l’atteinte à la vie privée est moins grande lorsqu’unepersonne purge une peine d’emprisonnement suite à un verdictde culpabilité. Cela étant, elle a conclu que la présence denombreux antécédents en semblable matière ne laissait pas dedoute sur le risque sérieux que l’accusé représentait pour lacollectivité 152 . La Cour d’appel de l’Ontario est revenue surcette question dans l’arrêt Hendry. Le juge Rosenberg aindiqué qu’il ne faut pas perdre de vue que de tels prélèvementsne sont pas aussi routiniers que la prise d’empreintesdigitales. Toutefois, il a indiqué qu’il y aura généralement lieude les ordonner 153 .75 Le paragraphe 487.052(1) précise que le juge peutrendre l’ordonnance même si l’infraction a été commise avantl’entrée en vigueur des nouvelles dispositions s’il est convaincu154 que cela servirait au mieux l’administration de la justice.Le critère applicable est celui qui prévaut dans le cas d’une149150151152153154Dans l’arrêt R. c. Briggs, (2001) 157 C.C.C. (3d) 38, la Cour d’appel del’Ontario a indiqué que le juge peut tenir compte des infractions subséquentesà celle qui a fait l’objet de la déclaration de culpabilité. Une telle ordonnancene fait pas partie <strong>du</strong> processus de sentence (par. 71).Art. 487.051(3) C.cr.R. c. Hendry, (2002) 161 C.C.C. (3d) 275, par. 22 (C.A.O.).R. c. Grenier, J.E. 2001-1311, par. 15-18 (C.A.).R. c. Hendry, (2002) 161 C.C.C. (3d) 275, par. 22-25 (C.A.O.).Dans l’arrêt R. c. Hendry, (2002) 161 C.C.C. (3d) 275, la Cour d’appel del’Ontario a décidé qu’il appartient à la poursuite de présenter une preuveprépondérante à cet effet (par. 9-11).


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 56infraction secondaire 155 . La décision prise peut faire l’objet d’unappel, quoique cela ne fasse pas obstacle à la prise <strong>du</strong>prélèvement 156 . La Cour d’appel ne devra intervenir que si lejuge de première instance a commis une erreur de droit ou deprincipe 157 ou une erreur manifeste dans l’appréciation de lapreuve 158 .76 Un juge de la cour provinciale peut également ordonnerle prélèvement d’échantillons dans le cas d’une personne qui,avant l’entrée en vigueur de la loi, a été déclarée délinquantdangereux ou déclarée coupable de plusieurs meurtrescommis à différents moments ou de certaines infractions denature sexuelle 159 . Il doit tenir compte de l’effet que cela auraitsur la vie privée de l’intéressé et la sécurité de sa personne, deson casier judiciaire, de la nature de l’infraction et des circonstancesde sa perpétration. Il doit motiver sa décision 160 .77 Le paragraphe 487.06(1) précise qu’on peut alorsprélever des cheveux, des poils, des cellules épithéliales àl’intérieur de la bouche ainsi que <strong>du</strong> sang à la surface de lapeau. Le tribunal peut fixer des modalités d’exécution desprélèvements 161 . Cela ne signifie pas que l’accusé a le choix àcet égard. Toutefois, le juge peut tenir compte d’une oppositionraisonnable de l’accusé à un type de prélèvement et faire droità sa demande si cela s’avère raisonnable dans les circonstances162 . Cela étant, l’agent de la paix peut égalementprendre les empreintes digitales de l’intéressé 163 . Les données155156157158159160161162163Art. 487.052(2) C.cr.Art. 487.054, 487.056(1) C.cr. Dans l’arrêt R. c. Hendry, (2002) 161 C.C.C.(3d) 275 (C.A.O.), on a indiqué que, conformément aux règles générales,l’appel a lieu devant la Cour d’appel de la province si l’infraction reprochéeétait un acte criminel et devant la Cour supérieure de juridiction criminelle si laprocé<strong>du</strong>re a été instituée par voie sommaire. Le juge Rosenberg n’a toutefoispas décidé si, dans ce dernier cas, la partie qui succombe peut subséquemmentse pourvoir devant la Cour d’appel de la province en vertu del’article 839 (par. 5).R. c. Hendry, (2002) 161 C.C.C. (3d) 275, par. 6-8 (C.A.O.); R. c. Murrins,(2002) 162 C.C.C. (3d) 412, par. 7 (C.A.N.-É.).R. c. Jordan, (2002) 162 C.C.C. (3d) 385, par. 13 (C.A.N.-É.).Art. 487.055(1) C.cr.Art. 487.055(3.1) C.cr.Art. 487.06(2) C.cr.R. c. Grenier, J.E. 2001-1311, par. 25-26 (C.A.).Art. 487.06(3) C.cr.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 57et échantillons prélevés doivent être transmis au commissairede la Gendarmerie royale <strong>du</strong> Canada. On ne peut utiliser lessubstances recueillies à des fins autres que des analysesgénétiques et les résultats à des fins autres que dans le cadred’une enquête relative à une infraction désignée 164 .F. La surveillance électronique78 Le Code criminel prévoit un véritable régime pour l’utilisationdes divers types de dispositifs de surveillance électronique,tant pour l’écoute que la surveillance en tant que telle.Comme nous l’avons mentionné, il s’agit d’une législation quidécoule largement de la jurisprudence suscitée par l’entrée envigueur de l’article 8 de la Charte.79 Les dispositions qui régissent l’interception des communicationsprivées se trouvent à la partie VI <strong>du</strong> Code, parmicelles qui créent les infractions. Cela s’explique par le fait qu’ona créé une infraction punissable par cinq ans d’emprisonnement<strong>du</strong> fait d’intercepter des communications privées aumoyen d’un dispositif électromagnétique, acoustique, mécaniqueou autre 165 . Cela vise les cas où il y a interception, doncintervention d’un tiers entre deux personnes qui communiquententre elles et ce, au moyen d’un dispositif technique 166 .1. L’écoute électronique et la Charte80 La Cour suprême s’est penchée sur la question de lavalidité constitutionnelle des dispositions <strong>du</strong> Code crimineltraitant de l’écoute électronique dans l’affaire Duarte 167 et dansl’affaire Thompson, où elle a affirmé qu’il n’y a « aucun douteque la surveillance électronique constitue “une fouille, uneperquisition ou une saisie” au sens de l’article 8 de laCharte » 168 . La Cour a cependant reconnu, dans l’arrêt Duarte,qu’avec le mécanisme d’autorisation préalable prévu auxarticles 185 et 186 <strong>du</strong> Code, « le législateur a su satisfaire à la164165166167168Art. 487.071, 487.08 C.cr.Art. 184(1) C.cr.Le paragraphe 184(2) <strong>du</strong> Code prévoit un certain nombre de situations où uneinterception électronique d’une communication privée ne constitue pas uneinfraction : cas reliés à l’exploitation des services téléphoniques; les cas oùune autorisation judiciaire valide a été préalablement obtenue; cas où l’un desinterlocuteurs a préalablement consenti à l’interception de la communication.R. c. Duarte, [1990] 1 R.C.S. 30.R. c. Thompson, [1990] 2 R.C.S. 1111, 1136 et 1137.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 58norme élevée fixée par la Charte » 169 en matière de protectioncontre les fouilles, perquisitions et saisies abusives. L’interceptiond’une communication privée effectuée en vertu d’uneautorisation valide (légalement autorisée) est donc conformeaux exigences constitutionnelles.81 Il faut noter en sus que le fait pour les policiers d’êtremunis d’une autorisation valide sur les plans légal et constitutionnelne suffit pas à garantir la constitutionnalité de l’interception.La Cour suprême a établi, dans l’arrêt Thompson, que,lorsque le juge qui accorde l’autorisation n’est pas informé <strong>du</strong>fait que le lieu où les policiers se proposent d’intercepter descommunications privées est un lieu accessible au grand public,les policiers devront minimiser eux-mêmes l’atteinte à la vieprivée des utilisateurs de ce lieu en n’interceptant que lescommunications à l’égard desquelles ils ont des motifsraisonnables et probables de croire qu’elles émanent depersonnes visées par l’autorisation 170 .82 Dans un tel cas, bien que légalement et, par conséquent,constitutionnellement autorisée, l’interception d’unecommunication sera donc contraire à la Charte si elle esteffectuée sans motifs raisonnables de croire qu’elle émaned’une personne visée par l’autorisation. Il en serait ainsi, parexemple, si les policiers, se fondant sur une autorisation validemais imprécise quant au lieu où l’interception peut êtreeffectuée, interceptaient dans une cabine téléphonique descommunications à l’égard desquelles ils n’entretiennent pas demotifs raisonnables de croire qu’elles proviennent de personnesvisées par l’autorisation. Toutefois, dans l’arrêt Garofoli, laCour a indiqué que, sauf circonstances exceptionnelles, laminimisation n’est pas nécessaire lorsque l’interception a lieudans un domicile où résident des personnes qui ne sont pasdes cibles 171 .83 En ce qui concerne l’écoute électronique dans des lieuxprivés, le juge Sopinka a affirmé, dans l’arrêt Thompson, que :84 [L]’autorisation devrait au moins mentionner précisémentchaque endroit qui est une résidence privée etpréciser le ou les types de dispositifs qui peuvent être169170171R. c. Duarte, [1990] 1 R.C.S. 30, 45.R. c. Thompson, [1990] 2 R.C.S. 1111, 1142 et 1146.R. c. Garofoli, [1990] 2 R.C.S. 1421, 1466 et suiv.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 59employés. En l’absence de mention expresse d’unerésidence privée dans l’autorisation, et donc de cetteprotection minimale, […] l’entrée clandestine dansune habitation privée est, à mon avis, abusive etcontraire à l’art. 8 de la Charte. 17285 Le juge Sopinka a conclu que toute interceptioneffectuée dans une maison privée après y avoir pénétré sansautorisation expresse constitue une fouille, perquisition ousaisie abusive. Dans un tel cas, c’est donc le fait de l’entréesans autorisation dans le lieu privé qui est source de violationde la Charte et non pas le fait de l’interception elle-même.L’autorisation d’intercepter des communications privées estlégalement et constitutionnellement valide, mais l’entrée dansle domicile pour y installer un dispositif d’écoute est abusive,entraînant le caractère abusif des interceptions effectuées aumoyen de ce dispositif.86 Enfin, l’article 184.4 <strong>du</strong> Code criminel permet l’interceptiond’une communication privée par un agent de la paix, sansautorisation préalable, si l’urgence de la situation est tellequ’une autorisation ne peut être obtenue, si l’agent a des motifsraisonnables de croire que l’interception immédiate est nécessairepour empêcher la perpétration d’un acte illicite qui causeraitdes dommages sérieux à une personne ou un bien et siune des parties à la communication est la victime ou l’auteurpotentiel de l’acte.2. L’écoute électronique non consensuelle87 Les articles 185 et 186 <strong>du</strong> Code indiquent la procé<strong>du</strong>rede droit commun à suivre afin d’obtenir l’autorisation judiciairede procéder à l’interception électronique d’une communicationprivée. En vertu de ces articles, lus en conjonction avec ladéfinition <strong>du</strong> terme « infraction » à l’article 183, cette procé<strong>du</strong>rene peut être utilisée qu’à l’égard de certains crimes prévus auCode.88 Ces dispositions prévoient que la demande doit êtreprésentée ex parte et par écrit à un juge et être signée par leprocureur général de la province où la demande est présentée,par le solliciteur général <strong>du</strong> Canada ou par un mandataire172R. c. Thompson, [1990] 2 R.C.S. 1111, 1152 (les italiques sont de nous).


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 60dûment autorisé 173 . La demande doit être accompagnée d’unedéclaration assermentée d’un agent de la paix ou d’unfonctionnaire public 174 . Cette déclaration doit indiquer les faitssur lesquels le déclarant se fonde pour justifier l’autorisationainsi que les détails de l’infraction alléguée. L’affiant doit viserune infraction précise et indiquer en quoi l’autorisationpermettra d’en recueillir la preuve 175 .89 La déclaration doit aussi indiquer le genre de communicationsprivées qu’on se propose d’intercepter, tout renseignementconnu relativement aux personnes dont on veutintercepter les communications, une description générale deslieux de l’interception et, enfin, une description générale de lafaçon dont on se propose de procéder à ladite interception.Des renseignements relatifs au nombre de cas où une telledemande d’interception a été faite et où elle a été retirée ourefusée, à la période pour laquelle l’autorisation est demandéeainsi que des informations relativement aux autres méthodesd’enquête utilisées doivent aussi être fournis 176 .90 L’autorisation sera accordée si deux conditions sontremplies. Premièrement, le juge doit être convaincu que l’octroide cette autorisation servira au mieux l’administration de la173174175176Dans l’arrêt R. c. Bujold, [1987] R.L. 197, 203, la Cour d’appel <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> adécidé, invoquant la définition de l’expression « procureur général » àl’article 2 <strong>du</strong> Code, que tout substitut <strong>du</strong> procureur général de la province peutprésenter une demande d’interception de communications privées, même s’iln’est pas spécialement mandaté à cette fin, car la partie intro<strong>du</strong>ctive <strong>du</strong>paragraphe 185(1) autorise le procureur général de la province à agir. Lesubstitut <strong>du</strong> procureur général <strong>du</strong> Canada devra être mandaté par le solliciteurgénéral <strong>du</strong> Canada ou le sous-solliciteur <strong>du</strong> Canada car cette disposition nevise pas le procureur général <strong>du</strong> Canada.Dans les arrêts Dersch c. Procureur général <strong>du</strong> Canada, [1990] 2 R.C.S.1505, et R. c. Durette, [1994] 1 R.C.S. 469, la Cour suprême a jugé qu’unaccusé a droit d’obtenir copie des documents présentés à l’appui de lademande, sous réserve <strong>du</strong> pouvoir <strong>du</strong> juge de rayer certaines informations quis’y trouvent dans le but de protéger les informateurs de police ou lesméthodes d’enquête policière. Cette procé<strong>du</strong>re a été codifiée à l’article 187 <strong>du</strong>Code.R. c. Grant, (1999) 130 C.C.C. (3d) 53, par. 12 et 21 (C.A.M.). Dans l’affaireR. c. Boucher, J.E. 2002-652 (C.S.), on a décidé que l’autorisation peut êtreaccordée pour localiser l’auteur de l’infraction qui fait l’objet de l’enquête.Le paragraphe 185(1.1) <strong>du</strong> Code dispose que cette dernière exigence souffred’une exception lorsque la demande vise l’enquête relative à une infractionreliée à une organisation criminelle au sens <strong>du</strong> Code criminel.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 61justice 177 . Notons que la Cour suprême a décidé, dans l’arrêtDuarte, que cette condition « comporte tout au moinsl’exigence que le juge donnant l’autorisation soit convaincu del’existence de motifs raisonnables et probables [178 ] de croirequ’une infraction a été commise ou est en voie de l’être et quel’autorisation sollicitée permettra d’obtenir une preuve de saperpétration » 179 .91 Deuxièmement, le juge auquel la demande est présentéedoit être convaincu que d’autres méthodes d’enquêteont été essayées et ont échoué ou ont peu de chances desuccès, ou que l’urgence de la situation est telle qu’il ne seraitpas pratique de mener l’enquête relative à l’infraction enn’utilisant que les autres méthodes d’enquête 180 . C’est cequ’on appelle communément la « nécessité pour fins d’enquête». La Cour d’appel de l’Ontario a précisé que ce critères’apprécie à l’égard de l’enquête en général et non de chacundes indivi<strong>du</strong>s visés 181 . Il faut se demander s’il existe une autreméthode raisonnable dans les circonstances de l’enquête encause 182 . Cela étant, il ne suffit pas de démontrer que l’écouteélectronique est un moyen d’enquête plus efficace 183 .92 L’autorisation ne peut être accordée pour une périodeexcédant 60 jours 184 , sauf en ce qui concerne les enquêtesrelatives à une infraction reliée à une organisation criminelle ausens <strong>du</strong> Code, auquel cas elle peut valoir pour une périoded’au plus un an 185 . Le paragraphe 186(5.1) précise que l’auto-177178179180181182183184185Art. 186(1)a) C.cr.Il n’est toutefois pas nécessaire que l’affiant allègue que de tels motifsexistent; il suffit que l’affidavit les démontre. Voir R. c. Cheung, (1998) 119C.C.C. (3d) 507, par. 52 et 53 (C.A.C.-B.); R. c. Shayetesh, (1997) 111 C.C.C.(3d) 225, 244 et 245 (C.A.O.).R. c. Duarte, [1990] 1 R.C.S. 30, 45, repris dans R. c. Araujo, [2000] 2 R.C.S.992, par. 20. Il s’agit de l’exigence de validité d’une fouille, perquisition ousaisie, formulée dans l’arrêt Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145. Voiraussi R. c. Garofoli, [1990] 2 R.C.S. 1421.Art. 186(1)b) C.cr. Le paragraphe 186(1.1) <strong>du</strong> Code écarte cette exigencelorsque l’enquête vise une infraction reliée à une organisation criminelle ausens <strong>du</strong> Code criminel.R. c. Tahirkheli, (1999) 130 C.C.C. 19, par. 4 (C.A.O.).R. c. Araujo, [2000] 2 R.C.S. 992, par. 29, 37.R. c. Araujo, [2000] 2 R.C.S. 992, par. 37-39.Art. 186(4)e) C.cr.Art. 186.1 C.cr.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 62risation est présumée permettre l’installation secrète d’undispositif d’interception, son entretien et son enlèvement. Sil’autorisation est expirée, le juge peut en accorder unedeuxième pour permettre l’enlèvement <strong>du</strong> mécanisme dans lapériode d’au plus soixante jours qu’il détermine 186 .93 Le paragraphe 186(4) <strong>du</strong> Code prévoit que l’autorisationdoit indiquer l’infraction relativement à laquelle des communicationsprivées pourront être interceptées, leur genre et l’identitédes personnes en cause, c’est-à-dire les cibles. Elle doit deplus contenir une description des lieux où se fera l’interceptionet en énoncer les modalités. Il n’est toutefois pas nécessairequ’elle mentionne les téléphones cellulaires visés, car un telappareil n’est ni une personne ni un lieu. L’autorisation d’intercepterune personne comprend celle de le faire sur sontéléphone cellulaire 187 . Elle peut aussi permettre l’interceptionde communications de personnes inconnues ainsi que decommunications dans des lieux fréquentés par les ciblesconnues.94 La Cour suprême a posé certaines limites à ce pouvoird’interception de personnes inconnues ou dans des lieuxinconnus. Premièrement, le juge ne peut autoriser l’interceptionde communications de personnes inconnues dans des lieuxfréquentés par celles-ci 188 . Deuxièmement, la Cour a décidé,dans l’arrêt Chesson 189 , qu’on ne pouvait, en vertu de la clausedes personnes inconnues, intercepter les communicationsd’une personne qui était connue au moment de la demande 190 .Troisièmement, on ne peut, en se fondant sur la clause dite« des lieux fréquentés », intercepter des conversations dansdes lieux qui étaient connus lors de l’émission de l’autorisation191 . Enfin, dans l’arrêt Thompson 192 , le juge Sopinka a186187188189190191192Art. 186(5.2) C.cr.R. c. Robillard, [1996] A.Q. n° 3747, par. 155-156 (C.A.).R. c. Grabowski, [1985] 2 R.C.S. 434.R. c. Chesson, [1988] 2 R.C.S. 148.Dans l’arrêt R. c. Gray, (1999) 132 C.C.C. (3d) 565 (C.A.N.-B.), on a décidéqu’on peut, dans une autorisation, permettre l’interception de personnes alorsinconnues qui deviendront connues pendant la période d’autorisation. Maisvoir R. c. Mooring, (1999) 137 C.C.C. (3d) 324, par. 43-44 (C.A.C.-B.).R. c. Moore, (1993) 81 C.C.C. (3d) 161 (C.A.C.-B.), confirmé à [1995] 1R.C.S. 756.R. c. Thompson, [1990] 2 R.C.S. 1111.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 63déclaré qu’il faut interpréter la clause des endroits fréquentéscomme ne permettant une interception dans un lieu nondésigné expressément que s’il existe des motifs raisonnablesde croire qu’il a été ou sera fréquenté par la cible connue.Cette preuve peut évidemment découler d’une écoute antérieureà l’interception, comme c’est le cas lorsque la personnevisée indique qu’elle doit se rendre à un certain endroit.95 L’article 189(5) prévoit que le contenu d’une communicationprivée, obtenue au moyen d’une interception conformeaux exigences <strong>du</strong> Code criminel, ne peut être admis en preuveque si le prévenu a reçu <strong>du</strong> poursuivant un préavis raisonnablede son intention de pro<strong>du</strong>ire cette communication. Cetteexigence s’applique même si la poursuite ne veut utiliser lescommunications qu’aux fins de contre-interroger l’accusé pourattaquer sa crédibilité 193 ou si un coaccusé veut les mettre enpreuve 194 .96 Cet avis doit être accompagné, entre autres, de latranscription de la communication ainsi que d’une déclarationrelative à l’heure, à la date, au lieu de celle-ci et aux personnesy ayant pris part, si elles sont connues 195 .3. L’interception consensuelle97 Le Code criminel envisage également l’interceptiond’une communication privée lorsque l’une des parties y a préalablementconsenti. Comme nous le mentionnions plus haut,cette interception est légale, même en l’absence d’uneautorisation judiciaire. Ce consentement à l’interception, prévuà l’alinéa 184(2)a) <strong>du</strong> Code criminel, n’est soumis à aucunecondition particulière, sinon qu’il doit nécessairement interveniravant que l’interception ne soit effectuée. Un tel consentementrend l’interception tout aussi légale que si elle avait été judiciairementautorisée. L’interception consensuelle par l’État, bienque légale, n’est cependant pas conforme aux exigences del’article 8 de la Charte. La Cour suprême <strong>du</strong> Canada a en effetdécidé, dans l’arrêt Duarte, que l’enregistrement (et, à plusforte raison, l’interception) d’une communication privée« devrait être considéré comme une fouille, une perquisition ou193194195R. c. Nygaard, [1989] 2 R.C.S. 1074.R. c. Proudfoot, (1996) 102 C.C.C. (3d) 260, 264 (C.A.A.).R. c. Montoute, (1991) 62 C.C.C. (3d) 481 (C.A.A.); R. c. Morello, (1988) 40C.C.C. (3d) 278 (C.A.A.).


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 64une saisie dans toutes les circonstances, à moins que tous lesparticipants à la conversation n’aient expressément consenti àce qu’elle soit enregistrée » 196 .98 À défaut <strong>du</strong> consentement de tous les interlocuteurs,l’État ne pourra constitutionnellement intercepter une communicationprivée qu’en vertu d’une autorisation judiciaire préalable.Le Code prévoit deux types d’interceptions consensuelles :celle qui vise à recueillir une preuve et celle qui vise la protectiond’un agent d’infiltration. Le premier cas est prévu à l’article184.2 <strong>du</strong> Code criminel, qui énumère également les conditionspour l’émission <strong>du</strong> mandat. En effet, le juge doit être convaincuqu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infractionau Code criminel ou à une autre loi fédérale a été ou seracommise, qu’une des parties à la communication a consenti àl’interception et que des renseignements relatifs à cette infractionseront obtenus. Contrairement à la procé<strong>du</strong>re de droitcommun, le juge n’a pas à examiner la question des méthodesd’enquête alternatives 197 . De plus, l’article 184.3 <strong>du</strong> Codecriminel permet l’obtention de l’autorisation à l’aide d’un moyende télécommunication, soit l’équivalent <strong>du</strong> télémandat.99 Par ailleurs, l’article 184.1 <strong>du</strong> Code criminel permet untype d’interception dont le but est d’assurer la protection desagents d’infiltration. En effet, un agent de l’État 198 peut intercepterune communication privée si l’une des parties à lacommunication y a consenti, si l’agent a des motifs raisonnablesde croire qu’il existe un risque de lésions corporelles pourla personne qui a consenti à l’interception et si ladite interceptionvise à empêcher les lésions corporelles. Cependant, lecontenu de la communication ainsi interceptée sera inadmissibleen preuve, sauf dans les procé<strong>du</strong>res relatives à l’infliction, àla tentative ou aux menaces de lésions corporelles 199 . Cette196197198199R. c. Duarte, [1990] 1 R.C.S. 30, 57 (les italiques sont dans l’original).R. c. Guttman, (2000) 145 C.C.C. (3d) 81, par. 77, 108 (C.A.Q.), infirmé pourd’autres motifs à [2001] 1 R.C.S. 363. Dans l’arrêt R. c. Bordage, (2000) 146C.C.C. (3d) 549 (C.A.Q.), on a décidé que cela ne viole pas l’article 8 de laCharte. La Cour a indiqué que ce type d’autorisation n’est assujetti qu’auxseuls critères de l’arrêt Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145. Elle aajouté que la possibilité que l’autorisation vise une infraction future ne contrevientpas à la Constitution (par. 37-42).Pour les fins de cet article, « agent de l’État » est défini comme un agent de lapaix ou une personne qui collabore avec un agent de la paix ou qui agit sousson autorité : art. 184.1(4) C.cr.Art. 184.1(2) C.cr.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 65disposition n’exigeant pas d’autorisation judiciaire préalable,elle ne rencontre pas a priori toutes les exigences constitutionnelles.Sa validité constitutionnelle devra donc faire l’objet d’undébat en vertu de l’article premier de la Charte, mais on peutcroire que cette dérogation ne va pas plus loin que ce qui estnécessaire à l’objectif poursuivi, c’est-à-dire la protection desagents d’infiltration. Par ailleurs, si l’interception s’avère inutileou superflue compte tenu <strong>du</strong> dénouement de la situation,l’article 184.1(3) <strong>du</strong> Code criminel prévoit que les enregistrementset les transcriptions doivent être détruits.100 Enfin, on peut envisager un troisième cas, non prévu auCode, qui est celui où l’agent de l’État enregistre sa propreconversation avec un tiers. La définition légale d’une « interception» requiert un certain degré d’intrusion ou d’interposition,une intervention externe qui ne peut être le fait que d’untiers. L’enregistrement d’une conversation par l’un de sesauteurs ne constitue donc pas une « interception » au sens <strong>du</strong>Code criminel, mais plutôt ce que la Cour suprême a appelé,dans l’arrêt Duarte, de la « surveillance participative » 200 . Or,comme le dit le juge La Forest dans cette affaire, « [c]ontrairementaux dispositions générales visant la surveillance électronique,le Code n’impose aucune restriction à la surveillanceparticipative » 201 . La Cour a néanmoins décidé que « la constitutionnalitéde la surveillance participative devrait se déciderpar l’application de la même norme que dans le cas de lasurveillance par un tiers » 202 , c’est-à-dire la norme del’autorisation préalable énoncée dans l’arrêt Hunter 203 . Lasurveillance participative sans mandat, bien qu’elle ne soit pasillégale, est donc inconstitutionnelle. Il faudra donc obtenir unmandat en vertu de l’article 487.01 <strong>du</strong> Code criminel poursatisfaire aux exigences de la Charte.4. L’écoute électronique chez l’avocat101 Dans le cas où la demande viserait le bureau ou larésidence d’un avocat, le juge doit refuser d’accorder l’autorisationà moins d’être convaincu qu’il existe des motifsraisonnables de croire que l’avocat, un autre avocat qui exerce200201202203R. c. Duarte, [1990] 1 R.C.S. 30.R. c. Duarte, [1990] 1 R.C.S. 30, 46.R. c. Duarte, [1990] 1 R.C.S. 30, 57.Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 66le droit avec lui ou un de leurs employés est partie à l’infractionou s’apprête à le devenir. S’il l’accorde, il lui faudra insérer desmodalités pour protéger les communications confidentielles 204 .102 Cela étant, un problème se pose dans le cas del’interception d’une conversation impliquant un avocat dans unautre endroit. Dans l’arrêt Taylor, alors que l’autorisation visaitun tiers et comportait l’interdiction d’intercepter dans le bureaude tout avocat, les policiers, en surveillant le téléphone cellulairede la cible, ont intercepté une communication entre cettedernière et l’avocat qui était dans son bureau. La Cour d’appelde la Colombie-Britannique a décidé que le paragraphe 186(2)ne s’appliquait pas puisque l’interception n’avait pas eu lieudans le cabinet <strong>du</strong> procureur. En obiter, la juge Huddart aindiqué que dans un tel cas, les agents de la paix n’ont pasl’obligation de faire de l’écoute continue (monitoring) afin depouvoir débrancher le système d’enregistrement dans le cas oùla conversation serait visée par le privilège avocat-client. LaCour suprême, sans discuter de la confidentialité de ce type decommunications, a confirmé cette décision, déclarant souscrirepour l’essentiel aux propos de cette dernière 205 .103 Par contre, la Cour d’appel <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, sans référer àcette dernière décision, a déclaré, dans l’arrêt Robillard, qu’ilfaut faire une distinction entre le droit à la confidentialité, quiprotège le caractère confidentiel de la communication et de cefait interdit l’interception, et le privilège, qui interdit sa mise enpreuve. Il en résulte, selon le juge Proulx, qu’une conversationentre un avocat et un client ne peut être interceptée et que sielle l’est involontairement, elle ne peut être écoutée et doit êtremise sous scellée 206 .104 Cela étant, il est clair, quelle que soit la solution, que lacommunication sera inadmissible en preuve si elle est privilégiée.En effet, le Code prévoit explicitement, au paragraphe189(6), qu’une information normalement privilégiée obtenuepar une interception est inadmissible en preuve à défaut <strong>du</strong>consentement <strong>du</strong> détenteur <strong>du</strong> privilège 207 .204205206207Art. 186(2) et (3) C.cr. L’article 183 précise pour sa part que, dans la provincede <strong>Québec</strong>, « avocat » signifie un avocat ou un notaire.R. c. Taylor, (1997) 86 B.C.A.C. 224, confirmé à [1998] 1 R.C.S. 26.R. c. Robillard, [2001] R.J.Q. 1, par. 32 et 49 (C.A.).On a jugé qu’une communication entre époux ne peut être mise en preuve :R. c. Lloyd, [1981] 2 R.C.S. 645; R. c. Jean, [1980] 1 R.C.S. 400.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 675. Les autres formes de surveillance électronique105 L’article 487.01(5) <strong>du</strong> Code criminel intro<strong>du</strong>it l’interceptiondes communications privées par la surveillance vidéo. Eneffet, rappelons que l’article 487.01 <strong>du</strong> Code criminel permetd’obtenir l’autorisation d’utiliser un moyen d’enquête non prévuau Code ou dans une autre loi fédérale. Son paragraphe (4)mentionne expressément l’utilisation de la surveillance vidéo etle juge qui émet l’autorisation doit, dans ce cas, énoncer desmodalités d’exécution afin d’assurer, autant que possible, lerespect de la vie privée des personnes.106 Le Code criminel prévoit également des cas où l’agentde la paix peut obtenir une autorisation pour la surveillanceélectronique d’une personne. Ainsi, il pourra obtenir l’autorisationde surveiller une personne au moyen d’un dispositif delocalisation 208 ou d’un enregistreur de numéro de téléphone 209 .Dans les deux cas, le juge doit être convaincu qu’il existe desmotifs de soupçonner qu’une infraction au Code criminel ou àune autre loi fédérale a été ou sera commise et que des renseignementsutiles à l’enquête relative à cette infraction pourraientêtre obtenus. Le législateur a suivi les remarques émises par laCour suprême dans l’arrêt Wise, d’après lesquelles certainesméthodes d’enquête peu intrusives pourraient exiger moinsque des motifs raisonnables, la Cour suggérant des motifs« solides » 210 .III.– L’ENQUÊTE DANS UN CADRE RÉGLEMEN-TAIRE107 Nous savons maintenant que l’article 8 de la Chartetrouve application dans de multiples contextes puisque le termeperquisition ne saurait être limité à celles de naturecriminelle 211 .108 La fouille ou la saisie dans le contexte d’applicationd’une loi administrative ou réglementaire, par opposition à208209210211Art. 492.1 C.cr. Le paragraphe 492.1(5) prévoit que le juge de paix peutrendre une ordonnance permettant l’enlèvement <strong>du</strong> dispositif dans la périoded’au plus soixante jours qu’il détermine.Art. 492.2 C.cr.R. c. Wise, [1992] 1 R.C.S. 527.Comité paritaire de l’in<strong>du</strong>strie de la chemise c. Potash, [1994] 2 R.C.S. 406,441.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 68pénale, se trouve balisée par des exigences atténuées del’article 8 de la Charte 212 . C’est le cas lorsque la loi exige latenue de registres et de documents dans l’exercice d'activitésréglementées ou, plus particulièrement dans le contexte deslois fiscales, lorsqu’elles se fondent sur des principes d'autocotisationet d'autodéclaration 213 . En fait, « [p]lus l'on s'éloignera<strong>du</strong> domaine <strong>du</strong> droit criminel, plus la façon d'aborder lanorme <strong>du</strong> caractère raisonnable sera souple. Le recours à unefaçon moins rigide d'aborder les fouilles, perquisitions etsaisies dans le contexte administratif ou réglementaire estconforme à une interprétation fondée sur l'objet de l'art. 8:Thomson Newspapers » 214 .109 Récemment saisie de deux pourvois en matièrefiscale 215 , la Cour suprême s’est prononcée sur un certainnombre de questions relativement à l’application des articles 7et 8 de la Charte. Ayant déjà déclaré que la protectionconstitutionnelle de l’article 8 était variable, cela créait leproblème de déterminer si une loi était de nature réglementaireou de nature criminelle. Si parfois cette qualification ne laisseplace qu’à peu de doute, d’autres lois n’offrent pas la mêmelimpidité d’interprétation.110 La Cour a donc réaffirmé qu’en matière d’application dela Charte, les valeurs en jeu dans un contexte donné supplantentla forme et les étiquettes 216 . Lorsque « la dispositionprésente les caractéristiques formelles de la législationcriminelle, à savoir des interdictions assorties de peines… celane signifie pas que pour l'application de la Charte cesinfractions sont "purement" de nature criminelle » 217 . Toutefois,il est maintenant clair que la Charte offrira une protection différente,dans le cadre d’une même loi, selon l’objet recherchépar la disposition causant la brèche 218 .212213214215216217218Michaud c. <strong>Québec</strong> (Procureur général), [1996] 3 R.C.S. 3, 45-46; BritishColumbia Securities Commission c. Branch, [1995] 2 R.C.S. 3, 35; R. c.McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 R.C.S. 627, 645.R. c. Jarvis, 202 CSC 73, par. 72.British Columbia Securities Commission c. Branch, [1995] 2 R.C.S. 3, 35.R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, R. c. Ling, 2002 CSC 74.R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, par. 61.R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, par. 59-60 (souligné dans le texte).R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, par. 61-62.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 69111 On se rappellera que l’enseignement de la Coursuprême, quant aux strictes exigences de l’article 8, a débutéavec l’arrêt Hunter c. Southam Inc. 219 . Or, cet arrêt traitait del'ancienne Loi relative aux enquêtes sur les coalitions qui a étéqualifiée, de manière générale, comme un système deréglementation économique complexe 220 , d’où la <strong>du</strong>alité destandard pour une même loi. Ainsi, comme l’a rappelé la Cour,« la LIR ferait entrer en jeu une plus grande protection en vertude l'art. 8 si les agents <strong>du</strong> fisc devaient pénétrer dans lapropriété d'un particulier pour y faire une fouille, une perquisitionou une saisie pour l'application de la Loi, plutôt que forcerla pro<strong>du</strong>ction de ces mêmes documents au moyen de demandespéremptoires » 221 .112 En résumé, les pouvoirs de vérifications en matièrefiscale, pouvant donner lieu à des avis de cotisations, côtoientdes pouvoirs d’enquête pouvant donner lieu à des accusationscriminelles 222 . Le corollaire est de savoir à quel moment cesseles uns pour laisser place aux autres. Sur cette question, laCour a souligné qu’il s’agit d’une question mixte de fait et dedroit donnant ouverture à l’appel 223 . Or, de l’aveu même de laCour, il n'existe pas de méthode claire pour décider si l'objetprédominant de la démarche des autorités est de natureréglementaire ou criminelle 224 .113 Pour trancher la question, il faudra établir le moment oùil se crée une relation de nature contradictoire entre l'État et leparticulier, c’est-à-dire le moment où l’État voudra s’approprier219220221222223224Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, 61, citant General Motors of Canada Ltd. c. CityNational Leasing, [1989] 1 R.C.S. 641, 676; R. c. Nova Scotia PharmaceuticalSociety, [1992] 2 R.C.S. 606, 648-649 et Thomson Newspapers Ltd. c.Canada, [1990] 1 R.C.S. 425.R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, 62.R. c. Jarvis, 2002 CSC 73. La Cour s’exprime ainsi au par. 84 : « Le contribuableet l'ADRC ont des intérêts opposés à l'étape de la vérification, maislorsque l'ADRC exerce sa fonction d'enquête, ils se trouvent dans une relationde nature contradictoire plus traditionnelle en raison <strong>du</strong> droit à la liberté quiest alors en jeu. Dans les présents motifs, c'est ce dernier type de relation quenous appelons la relation de nature contradictoire. Il s'ensuit qu'il doit existerune certaine séparation entre les fonctions de vérification et d'enquête au seinde l'ADRC. […] »R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, par. 100.R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, 88.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 70des documents pré-constitués pour enquêter sur des actesfautifs 225 .114 La Cour a tout de même donné quelques lignes directrices,s’empressant d’ajouter qu’aucun des critères n’était en soidéterminant :115 a) Les autorités avaient-elles des motifs raisonnablesde porter des accusations ? Semble-t-il, au vu <strong>du</strong>dossier, que l'on aurait pu prendre la décision deprocéder à une enquête criminelle ?116 b) L'ensemble de la con<strong>du</strong>ite des autorités donnaitelleà croire que celles-ci procédaient à une enquêtecriminelle ?117 c) Le vérificateur avait-il transféré son dossier et sesdocuments aux enquêteurs ?118 d) La con<strong>du</strong>ite <strong>du</strong> vérificateur donnait-elle à croirequ'il agissait en fait comme un mandataire desenquêteurs ?119 e) Semble-t-il que les enquêteurs aient eu l'intentiond'utiliser le vérificateur comme leur mandataire pourrecueillir des éléments de preuve ?120 f) La preuve recherchée est-elle pertinente quant à laresponsabilité générale <strong>du</strong> contribuable ou, aucontraire, uniquement quant à sa responsabilitépénale, comme dans le cas de la preuve de la mensrea ?121 g) Existe-t-il d'autres circonstances ou facteurssusceptibles d'amener le juge de première instance àconclure que la vérification de la conformité à la loiétait en réalité devenue une enquête criminelle ? 226225226R. c. Fitzpatrick, [1995] 4 R.C.S. 154. La Cour suprême a élaboré davantagesur la nature contradictoire de la relation entre l’indivi<strong>du</strong> et l’État notammentdans les arrêts R. c. White, [1999] 2 R.C.S. 417 et R. c. Calder, (1995) 92C.C.C. (3d) 97 (C.A.O.), confirmé pour d’autres motifs à [1996] 1 R.C.S. 660mais dans le contexte de la protection contre l’auto-incrimination, un conceptintimement relié, dans ces cas, à la « saisie » de renseignements et que lelecteur pourra avantageusement consulter.R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, 93-94.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 71IV.– LE RÉGIME DES PRODUITS DE LACRIMINALITÉ122 Adoptée en 1989 pour combattre plus efficacement lacriminalité organisée en privant les organisations criminelles <strong>du</strong>fruit de leurs activités illicites 227 , la partie XII.2 <strong>du</strong> Code criminela créé des pouvoirs importants en matière de saisie et deconfiscation, pouvoirs qui risquent d’affecter les droits detierces parties de bonne foi. Ces pouvoirs ne touchent que les« pro<strong>du</strong>its de la criminalité » 228 et leur remploi 229 . En outre, ilsse distinguent <strong>du</strong> régime de droit commun, lesquels ne permettentpas la saisie de biens intangibles 230 .123 L’objectif principal est d’éliminer les profits reliés à lacriminalité organisée. Le Code prévoit des mesures conservatoiresen vue d’une confiscation pour mettre en échec lesmanœuvres de dilapidation des biens illégalement obtenus queserait tenté d’entreprendre l’indivi<strong>du</strong> poursuivi 231 .124 Ces mesures sont de deux ordres : la saisie etl’ordonnance de blocage. La première vise les biens meubleset tangibles, comme les véhicules, tandis que la secondeaffecte les immeubles et les biens intangibles, comme lescomptes de banque 232 . Ces mesures peuvent affecter, commenous le constaterons, des biens sur lesquels des tiers inno-227228229230231232<strong>Québec</strong> (Procureur général) c. Laroche, 2002 CSC 72, par. 25. Le juge LeBelfaisait remarquer que la partie XII.2 <strong>du</strong> Code comporte « une stratégie quicible davantage les pro<strong>du</strong>its de la criminalité que les criminels eux-mêmes ».Dans l’affaire Oerlikon Aerospatiale Inc. c. Ouellette, [1989] R.J.Q. 2680, 2687(C.A.), le juge Baudouin, avec l’appui <strong>du</strong> juge Rothman, déclarait que lesnouvelles dispositions <strong>du</strong> Code criminel sur les pro<strong>du</strong>its de la criminalité« viennent renforcer l’idée que, en matière notamment de crimes économiques,le délinquant ne doit pas pouvoir profiter de ceux-ci. Le législateur, parces diverses mesures, entend en quelque sorte signaler au public que lajustice ne saurait tolérer que le crime tourne ou même paraisse tourner àl’avantage économique, même provisoire, <strong>du</strong> délinquant ».Art. 462.3(1) et (2) c.cr. Quant aux autres droits de propriété, voir la définition<strong>du</strong> terme « biens » à l’article 2.Voir l’affaire R. c. Gagnon, (1993) 133 A.R. 348 (C.B.R.), dans laquelle lesrevenus tirés de l’utilisation d’une machinerie volée ont été considérés comme« pro<strong>du</strong>its de la criminalité ».Re Banque Royale <strong>du</strong> Canada and The Queen, (1985) 18 C.C.C. (3d) 98(C.A.Q.).<strong>Québec</strong> (Procureur général) c. Laroche, 2002 CSC 72, par. 26.<strong>Québec</strong> (Procureur général) c. Laroche, 2002 CSC 72, par. 26.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 72cents ont des droits. Le Code exige donc que le procureurgénéral prenne des engagements en prévision de dommageset de frais éventuels que pourrait entraîner la prise de l’ordonnanceà l’égard de biens situés au Canada ou à l’étranger ainsique l’exécution <strong>du</strong> mandat relativement à ceux situés auCanada. Le juge doit exiger et évaluer cet engagement avantd’accéder à la demande <strong>du</strong> procureur général 233 .A. La saisie des pro<strong>du</strong>its de la criminalité125 La saisie est prévue à l’article 462.32 <strong>du</strong> Code. Sonutilité s’apparente à la saisie avant jugement en droit civilpuisque son objectif est de préserver les biens qui feront l’objetd’un jugement à venir, la confiscation.126 Comme l'indiquait la Cour suprême dans l'arrêt <strong>Québec</strong>(Procureur général) c. Laroche 234 , la procé<strong>du</strong>re à suivre pourobtenir le mandat spécial de perquisition est similaire aurégime de droit commun si ce n'est que le procureur généraldoit faire une demande écrite à un juge de la Cour supérieureou de la Cour <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> 235 qui pourra l’entendre ex parte 236 .Pour émettre le mandat, le juge doit avoir des motifs raisonnablesde croire que des biens se trouvent dans un lieudéterminé et qu’ils pourraient faire l’objet d’une ordonnance deconfiscation prévue au Code parce qu’ils sont liés à une infractiondésignée commise dans la province 237 . Si tel est le cas, lejuge permettra alors à une personne désignée ou à un agentde la paix de perquisitionner et de saisir les biens énumérés aumandat. L’officier saisissant peut aussi saisir d’autres biens quise trouvent sur les lieux, s’il a des motifs raisonnables de croireque ceux-ci pourraient faire l’objet d’une ordonnance deconfiscation. Enfin, le paragraphe 462.32(3) permet, comme endroit commun, la possibilité de viser le mandat pour qu'il puisseêtre exécuté partout dans la province 238 .233234235236237238Art. 462.32(6) et 462.33(7) C.cr.<strong>Québec</strong> (Procureur général) c. Laroche, 2002 CSC 72, par. 29.Pour les fins de la partie XII.2 <strong>du</strong> Code, le juge, au <strong>Québec</strong>, est soit un jugede la Cour supérieure, soit un juge de la Cour <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>.Art. 462.32(2) et (5) C.cr.Art. 462.32(1) C.cr.Le mandat peut être exécuté partout au Canada et les articles 462.32(2.1) et(2.2) C.cr. prévoient les cas où l’exécution <strong>du</strong> mandat amènerait les agents à


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 73127 La procé<strong>du</strong>re prévoit qu’une attention particulière doitêtre portée aux droits des tiers. Aussi, le juge peut exiger quesoient avisées les personnes qui semblent avoir un droit sur leou les biens visés par les procé<strong>du</strong>res, de même qu’il peutdemander de les entendre 239 . Il refusera de les aviser s’il estconvaincu que l’avis mettra en péril les biens ou provoqueraleur disparition 240 . Une fois cette demande accordée et lesbiens saisis ou soumis à une ordonnance de blocage, ledétenteur d’un droit sur ces biens conserve des recours enrévision 241 où les parties seront enten<strong>du</strong>es 242 .B. L’ordonnance de blocage128 L’ordonnance de blocage permet de geler les actifsd’une personne dans la mesure où ils sont assimilés à despro<strong>du</strong>its de la criminalité 243 . Cette deuxième mesure complètela première en ce que l’ordonnance de blocage vise des biensqui se prêtent difficilement à une saisie, tel un immeuble. Ellen’est toutefois pas limitée à des biens immeubles. On peut égalementrendre une ordonnance de blocage à l’égard d’un biensitué à l’étranger en faisant les adaptations nécessaires 244 .129 Tout comme en ce qui concerne le mandat de perquisition,la demande doit provenir <strong>du</strong> procureur général et elle estprésentée à un juge de la Cour supérieure ou de la Cour <strong>du</strong><strong>Québec</strong> 245 . Elle se fait par écrit et peut être enten<strong>du</strong>e ex239240241242243244245pénétrer dans une propriété située à l’intérieur d’une autre province. Il faudraalors que le mandat soit confirmé par un juge ayant juridiction sur ce territoire.Art. 462.32(5) et 462.33(5) C.cr. La Loi réglementant certaines drogues etautres substances ne comporte aucune disposition équivalente.Art. 462.32(5) et 462.33(5) C.cr.Art. 462.34 C.cr.Art. 462.34(4) C.cr. Le juge peut exiger que d’autres personnes soient aviséeset enten<strong>du</strong>es si, à son avis, elles semblent avoir un droit dans les biens (art.462.34(2) C.cr.). Le procureur général doit recevoir un avis de deux joursfrancs, mais il peut consentir à un délai plus court (art. 462.34(2) C.cr.).Art. 462.33 C.cr. En anglais : « restraint order ». La Loi réglementant certainesdrogues et autres substances prévoit un régime similaire aux articles 14et suivants. Enfin, les articles 490.8 et 490.9 <strong>du</strong> Code énoncent les règlesapplicables au cas des biens infractionnels au sens de l’article 2 <strong>du</strong> Code.Art. 462.33(3.1) C.cr.<strong>Québec</strong> (Procureur général) c. Laroche, 2002 CSC 72, par. 31.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 74parte 246 , étant enten<strong>du</strong> qu’il est prévu que les personnesintéressées doivent être avisées si le juge l'estime approprié.130 Contrairement à la demande d’un mandat de saisie,cependant, les exigences pour l’émission d’une ordonnance deblocage sont plus précises. Le Code prévoit notamment que lademande doit être accompagnée d’un affidavit <strong>du</strong> procureurgénéral 247 . Cet affidavit fait état de la désignation de l’infractionou de l’objet de l’enquête, de la personne que l’on croit en possession<strong>du</strong> bien visé, de la description <strong>du</strong> bien, ainsi que desmotifs de croire qu’une ordonnance de confiscation pourraitêtre ren<strong>du</strong>e 248 . Si le déclarant doit avoir simplement des motifsde croire qu’une ordonnance de confiscation pourrait êtreren<strong>du</strong>e, le juge, lui, devra être convaincu que ces motifs sontraisonnables avant d’émettre l’ordonnance de blocage 249 .131 L’ordonnance interdit à toute personne de se départirdes biens qui y sont mentionnés ou d’effectuer des opérationssur les droits qu’elle détient sur ceux-ci. L’interdiction peut êtretotale ou partielle 250 . Le législateur s’est assuré <strong>du</strong> respect decette interdiction en édictant que toute personne à qui a étédûment signifiée 251 l’existence de l’ordonnance et qui contrevientà ses dispositions est coupable d’un acte criminel ou246247248249250251Art. 462.33(2) C.cr.Art. 462.33(2) C.cr. L’article précise que l’affidavit peut être présenté par uneautre personne, qui, en pratique, pourrait être l’enquêteur.Art. 462.33(2) C.cr. Le juge Ewaschuck, dans l’affaire Serrano c. Canada,(1992) 73 C.C.C. (3d) 437, 442 (C.O.Div.Gén.), a déclaré que ces termesréfèrent à la possibilité de rendre une telle ordonnance, et non aux motifs pourlesquels l’ordonnance pourrait être ren<strong>du</strong>e.Art. 462.33(3) C.cr. Dans l'arrêt <strong>Québec</strong> (Procureur général) c. Laroche, 2002CSC 72, la Cour suprême indiquait que le juge doit alors prendre en considérationla question de savoir si l'ordonnance de confiscation sera ren<strong>du</strong>e aumoment d'une déclaration de culpabilité en vertu <strong>du</strong> paragraphe 462.37(1) oudans les circonstances prévues au paragraphe 462.38(2), car le fardeau depreuve qui justifie la confiscation, est différent (par. 37). Cela étant, uneordonnance ren<strong>du</strong>e en se fondant sur le paragraphe 462.37(2) est, aux fins<strong>du</strong> paragraphe 462.33(3), ren<strong>du</strong>e en vertu <strong>du</strong> paragraphe 467.37(1). Il enrésulte qu'un mandat de saisie peut être émis même si le bien ne constituepas un pro<strong>du</strong>it de la criminalité obtenu par la commission de l'infractionalléguée si par ailleurs, il s'agit d'un pro<strong>du</strong>it de la criminalité (par. 56-62).Art. 462.33(3) C.cr. L’ordonnance est signifiée à la personne concernée, c’està-direla personne en possession <strong>du</strong> bien (art. 462.33(8) C.cr.), et peut mêmeêtre enregistrée aux diffé rents registres établis par la province (art. 462.33(9)C.cr.).Le paragraphe 462.33(3.01) permet la signification dans une autre province.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 75d’une infraction sommaire 252 . La <strong>du</strong>rée de l'ordonnance est lamême que dans le cas d'une saisie 253 . Cela étant, la Coursuprême a indiqué qu'une telle ordonnance constitue unesaisie au sens de l'article 8 de la Charte 254 .C. La confiscation des biens132 Suite à une saisie ou une ordonnance de blocage, laconfiscation des pro<strong>du</strong>its de la criminalité 255 peut intervenir àdeux étapes des procé<strong>du</strong>res : au moment de la sentence etlorsque la personne accusée décède ou s’esquive 256 . Dans lesdeux cas, elle peut viser des biens situés à l’étranger en faisantles adaptations nécessaires 257 . Cela étant, on notera, vu ladéfinition <strong>du</strong> terme « bien » à l’article 2 <strong>du</strong> Code, qu’un bienobtenu au moyen d’un pro<strong>du</strong>it de la criminalité, comme lebénéfice d’une assurance-hypothèque dont les primes ont étépayées avec des fonds découlant de la commission d’un crime,est lui-même un pro<strong>du</strong>it de la criminalité 258 . L’ordonnance deconfiscation est exécutoire partout au Canada et le Codeprévoit un mécanisme d’homologation 259 .133 Nous aurons compris que les mesures conservatoirestouchent une grande variété de biens, même en l’absence de252253254255256257258259Art. 462.33(11) C.cr. Puisqu’aucune peine n’est prévue, il faut s’en remettreaux dispositions générales en matière de peine, qui prévoient, à l’article 743C.cr., une peine maximale d’emprisonnement de cinq ans pour un acte criminelet, à l’article 787 C.cr., une peine maximale de 2 000 $ d’amende ou sixmois de prison ou les deux pour une infraction sommaire. L’infraction potentiellesuit essentiellement la vie de l’ordonnance qui la crée (art. 462.33(10)C.cr.).Art. 462.35 C.cr.<strong>Québec</strong> (Procureur général) c. Laroche, 2002 CSC 72, par. 51-54.Dans l’arrêt Re Stone Estate, (2001) 155 C.C.C. (3d) 168, la Cour d’appel dela Nouvelle-Écosse a décidé qu’une fraction d’un bien, en l’espèce les versementshypothécaires effectués au moyen de fonds obtenus illégalement alorsque le paiement initial provenait d’une source légitime, peut constituer unpro<strong>du</strong>it de la criminalité (par. 27-29).Les articles 462.37(1) et 462.38(2) C.cr. prévoient la confiscation au profit deSa Majesté. Les articles 16 et suivants de la Loi réglementant certainesdrogues et autres substances énoncent le régime applicable à cette loiparticulière. Enfin, les articles 490.1 à 490.7 <strong>du</strong> Code visent le cas des biensinfractionnels au sens de l’article 2.Art. 462.37(2.1) et 462.38(2.1) C.cr.Re Stone Estate, (2001) 155 C.C.C. (3d) 168, par. 36 (C.A.N.-É.).Art. 462.371 C.cr.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 76preuve qu’ils sont des pro<strong>du</strong>its de la criminalité. À l’étape de laconfiscation, le législateur a prévu un mécanisme d’avis préalableà toute ordonnance de confiscation et qui a pour but de protégerles droits des tiers affectés par les actions <strong>du</strong> procureurgénéral. L’article 462.41(1) <strong>du</strong> Code exige <strong>du</strong> tribunal qu’ilavise toute personne qui, à son avis, semble avoir un droit surle bien.134 Considérons tout d’abord le cas où la personne fuit oudécède. Le Code criminel ne lui permettra pas de jouir desprofits obtenus de la perpétration d’infractions désignées oud’en faire profiter ses ayants droit. Aussi, une audition seratenue dans le but de déterminer si les biens saisis ou bloquéssont effectivement des pro<strong>du</strong>its de la criminalité et, si tel est lecas, ils seront confisqués. Le Code criminel demeure partiellementsilencieux quant aux règles qui doivent régir l’audition,celle-ci pouvant même survenir sans qu’il n’y ait eu de verdictde culpabilité 260 . Il semble toutefois accepté que la preuve <strong>du</strong>caractère de l’accusé puisse être admise, puisqu’une tellepreuve amène le juge au cœur de la question visée parl’audition, qui est de savoir si l’accusé — qui s’est esquivé ouqui est mort — était le genre de personne impliquée dans desactivités criminelles 261 .135 Avant de prononcer l’ordonnance de confiscation viséepar l’article 462.38(2) <strong>du</strong> Code, le juge doit être convaincu queles trois conditions énumérées à cet article sont réunies 262 .Comme première condition, le procureur général doit prouverque les biens visés par l’ordonnance sont des pro<strong>du</strong>its de lacriminalité, quoiqu’il ne soit pas nécessaire qu’ils aient étéobtenus au moyen de l’infraction spécifiquement alléguée 263 .Sur ce point, le texte est clair et il exige une preuve hors detout doute raisonnable 264 , alors que la prépondérance depreuve sera satisfaisante pour les deuxième et troisième260261262263264R. c. Clymore, (1992) 74 C.C.C. (3d) 217, 237 (C.S.C.-B.). Le tribunal a mêmesuggéré que le procureur général n’avait pas à prouver qu’un crime spécifiqueavait été commis.R. c. Clymore, (1992) 74 C.C.C. (3d) 217, 240 (C.S.C.-B.).Art. 462.38(2)a), b) et c) C.cr.<strong>Québec</strong> (Procureur général) c. Laroche, 2002 CSC 72, par. 36 ; Re StoneEstate, (2001) 155 C.C.C. (3d) 168, par. 13 (C.A.N.-É.).<strong>Québec</strong> (Procureur général) c. Laroche, 2002 CSC 72, par. 36 ; Dans l’affaireR. c. Clymore, (1992) 74 C.C.C. (3d) 217 (C.S.C.-B.), le tribunal a relevéqu’une preuve circonstancielle sera tout aussi valable.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 77conditions 265 . La deuxième condition demande que le ministèrepublic démontre que des procé<strong>du</strong>res ont été entreprises àl’égard d’une infraction désignée reliée à ces biens 266 . Latroisième condition exige la démonstration <strong>du</strong> décès ou de lafuite <strong>du</strong> principal intéressé. Pour en faire la preuve, le procureurgénéral profite d’une présomption d’après laquelle unepersonne est réputée s’être esquivée lorsqu’un mandat d’arrestation,fondé sur une dénonciation à l’effet que cette personnea commis une infraction désignée, ne peut être exécuté dansles six mois qui suivent sa délivrance, malgré des effortsraisonnables 267 . Dans le cas d’une personne se trouvant àl’extérieur <strong>du</strong> Canada, le procureur général devra démontrerqu’il a été impossible de l’amener dans le ressort <strong>du</strong> tribunal àl’intérieur de ce délai.136 Sous réserve de l’intervention d’un tiers 268 , le jugeconfisquera les biens au profit de Sa Majesté, et toutepersonne qui s’estime lésée par une telle ordonnance pourrainterjeter appel devant la Cour d’appel 269 .137 La confiscation peut également intervenir au stade de lasentence. À ce moment, il semble bien que les règles de l’auditionsur sentence reçoivent application 270 , puisque l’ordonnancede confiscation est considérée comme une peine au265266267268269270R. c. Clymore, (1992) 74 C.C.C. (3d) 217, 238 (C.S.C.-B.).Dans l’affaire R. c. Clymore, (1992) 74 C.C.C. (3d) 217, 243 (C.S.C.-B.), lejuge Wilkinson a conclu que les procé<strong>du</strong>res étaient commencées en sefondant sur plusieurs facteurs : (i) les accusés ont été arrêtés en possessionde l’argent faisant l’objet de la confiscation; (ii) une dénonciation a été déposéeet des mandats de perquisition ont été émis; enfin, (iii) les agissementsdes accusés sont liés aux procé<strong>du</strong>res intentées.Art. 462.38(3)b) C.cr. Cette disposition prévoit la délivrance d’une sommationdans le cas d’une personne morale. Le paragraphe (3) précise également, infine, que la présomption entre en jeu le dernier jour de cette période de sixmois.Art. 462.38(2) C.cr.Art. 462.44 C.cr.R. c. Clymore, (1992) 74 C.C.C. (3d) 217, 237 (C.S.C.-B.). Voir R. c. Gardiner,[1982] 2 R.C.S. 368.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 78sens <strong>du</strong> Code 271 . En outre, une fois l’ordonnance prononcée, lejuge est functus officio et il ne peut plus la modifier 272 .138 Le Code prévoit donc que, lorsqu’une personne estreconnue coupable 273 d’une infraction désignée 274 , le juge esttenu d’ordonner la confiscation, au profit de Sa Majesté, desbiens dont il est convaincu selon la prépondérance desprobabilités 275 qu’ils constituent des pro<strong>du</strong>its de la criminalitéobtenus 276 en rapport avec cette infraction 277 . Il s’agit d’uneconclusion de fait qu’une cour d’appel hésitera à modifier 278 . Laconfiscation se réalisera, sous réserve de l’intervention d’untiers 279 . La preuve d’un lien entre l’infraction et les biensobligera le juge à les confisquer; en l’absence d’un tel lien, laconfiscation demeure toutefois possible, puisque l’article462.37(2) <strong>du</strong> Code prévoit que le juge peut confisquer desbiens dont il est convaincu hors de tout doute raisonnable qu’ilsproviennent d’une infraction désignée autre que celle dontl’accusé a été trouvé coupable 280 .139 La preuve que des biens sont des pro<strong>du</strong>its de lacriminalité n’est pas sans poser quelques difficultés. À cetégard, le législateur a voulu faciliter la tâche <strong>du</strong> ministère publicen prévoyant un principe de preuve circonstancielle, qui repose271272273274275276277278279280Dans l'arrêt <strong>Québec</strong> (Procureur général) c. Laroche, 2002 CSC 72, la Coursuprême prenait acte que l'article 673 <strong>du</strong> Code le reconnaît explicitement (par.33).R. c. Sterling, (1992) 71 C.C.C. (3d) 222, 224 (C.S.C.-B.). Voir également R.c. Pawlyk, (1991) 65 C.C.C. (3d) 63, 66 (C.A.M.).Pour les fins de cet article, est déclarée coupable la personne qui bénéficie del’absolution suivant l’article 730 <strong>du</strong> Code criminel.Quant à la notion d’« infraction de criminalité organisée », voir R. c. Hape,(2001) 148 C.C.C. (3d) 530, par. 24 (C.S.J.O.).La Cour suprême a pris acte de ce fardeau de preuve dans l'arrêt <strong>Québec</strong>(Procureur général) c. Laroche, 2002 CSC 72, par. 36.Dans l’arrêt R. c. Lore, [1997] R.J.Q. 1561, 1573, la Cour d’appel <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>a décidé que des biens utilisés pour la commission de l’infraction, comme del’argent ayant servi à l’achat de stupéfiants, ne sont pas « obtenus » aux finsde cette disposition.Art. 462.37(1) C.cr.R. c. Tortone, [1993] 2 R.C.S. 973, 986.L’article 462.37(1) C.cr. renvoie en effet à l’article 462.41 C.cr. qui permet aujuge de procéder à la restitution des biens avant qu’il ne prononce laconfiscation. Voir R. c. Wilson, (1994) 25 C.R. (4th) 239, 244 (C.A.O.).<strong>Québec</strong> (Procureur général) c. Laroche, 2002 CSC 72, par. 56-66.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 79sur l’augmentation de la valeur <strong>du</strong> patrimoine de l’accusé aprèsla perpétration de l’infraction 281 .140 Cependant, pour confisquer les biens, encore faut-il queceux-ci soient disponibles, et il appartient au procureur généralqui réclame la confiscation de démontrer prima facie la disponibilitédes biens en question 282 . Dans les cas où les biens nesont pas disponibles 283 , le juge peut 284 imposer une amendeéquivalente à leur valeur. S’il le fait, le tribunal est tenud’imposer une peine consécutive d’emprisonnement à défautde paiement d’amende, peine dont la <strong>du</strong>rée, par ailleurs prévueau Code, variera selon le montant de l’amende 285 . Évidemment,l’accusé ne pourra profiter des mesures de travauxcompensatoires prévues au Code et généralement disponiblesaux personnes condamnées à une amende qui se retrouventdans l’incapacité de l’acquitter 286 . Cette disposition constitueen quelque sorte une alternative à la confiscation des biens 287 .141 Dans tous les cas de confiscation, le législateur a prévuun mécanisme qui permettra au juge d’annuler certaines transactionsdouteuses effectuées dans le but de rapatrier les281282283284285286287Art. 462.39 C.cr. Dans l’affaire R. c. Clymore, (1992) 74 C.C.C. (3d) 217, 251(C.S.C.-B.), le juge a conclu que la common law permettait ces mêmesinférences dans les cas où aucune infraction spécifique n’a été prouvée.Art. 462.37(3) C.cr. Voir R. c. Gagnon, (1993) 133 A.R. 348, 351 (C.B.R.).Dans l’arrêt R. c. Rosenblum, (1999) 130 C.C.C. (3d) 481, par. 35, 42, la Courd’appel de la Colombie-Britannique a décidé que le seul fait que le bien ait ététransféré à un tiers ne le rend pas non disponible au sens de l’alinéa462.37(3)b) <strong>du</strong> Code. Il faut en sus que ce dernier ne puisse être retracé, desorte qu’il soit impossible de lui signifier l’avis prévu au paragraphe 462.41(1).Dans l’hypothèse contraire, le juge ordonnera la confiscation quitte à ce quele tiers demande, dans les 30 jours, la protection de son droit en vertu del’article 462.42.Le paragraphe 734(2) prévoit que le juge n’a pas à vérifier la capacité depayer de l’accusé, écartant la conclusion de la Cour d’appel <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> dansl’arrêt R. c. Savard, (1998) 126 C.C.C. (3d) 562. On avait décidé que le mot« peut », au paragraphe 462.37(3), accorde une discrétion au juge. On alaissé entendre le contraire dans l’arrêt R. c. Garoufalis, (1999) 131 C.C.C.(3d) 242, par. 19-20 (C.A.M.).L’article 462.37(4) C.cr. prévoit les équivalences suivantes : moins de 9 999 $6 mois, maximum; de 10 000 à 20 000 $ de 6 à 12 mois; de 20 001 à50 000 $ de 12 à 18 mois; de 50 001 à 100 000 $ de 18 à 24 mois; de100 001 à 250 000 $ de 2 à 3 ans; de 250 001 à 1 million $ de 3 à 5 ans; plusde 1 million $ de 5 à 10 ans.Cette interdiction est prévue à l’article 462.37(5) C.cr.R. c. Wilson, (1994) 25 C.R. (4th) 239, 246 (C.A.O.).


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 80pro<strong>du</strong>its de la criminalité dont l’accusé se serait départi 288 .Avant d’ordonner la confiscation des biens, le juge pourraannuler toute cession de biens survenue après la saisie oul’ordonnance de blocage 289 . Bien sûr, le Code prévoit que lestransactions effectuées de bonne foi, pour contrepartie, à unepersonne qui ignorait l’origine criminelle des biens 290 , nepourront être annulées 291 . Curieusement, cependant, aucunedisposition <strong>du</strong> Code n’accorde au juge le pouvoir de confisquerla contrepartie reçue <strong>du</strong> tiers de bonne foi, ce qui serait conformeà l’objectif de la loi. Si le juge décide de ne pas écarter latransaction, les biens ne sont plus disponibles pourconfiscation 292 .142 Une personne ayant des droits 293 dans les biens viséspar une ordonnance de confiscation peut se manifester à deuxoccasions : avant que la confiscation ne soit prononcée et dansles 30 jours suivant la confiscation. Comme la Cour d’appel <strong>du</strong><strong>Québec</strong> l’a expliqué 294 , il s’agit là de deux recours distincts. Leparagraphe 462.41(3) permet l’intervention d’un tiers 295 dans leprocessus de sentence, dans un litige qui se déroule entre laCouronne et l’accusé et dont l’objet est de déterminer s’il doit yavoir confiscation. Par contre, l’article 462.42 prévoit la288289290291292293294295Art. 462.4 C.cr.Art. 462.4 C.cr. Dans le cas d’une ordonnance de blocage, ce même articleexige que celle-ci ait été signifiée conformément à l’article 462.33(8) C.cr.,c’est-à-dire à la personne en possession <strong>du</strong> ou des biens visés parl’ordonnance.Un tiers qui a reçu un avis de la saisie ou de l’ordonnance de blocage nepourra évidemment pas soutenir qu’il ignorait l’origine criminelle des biens :voir R. c. Wilson, (1994) 25 C.R. (4th) 239, 247 (C.A.O.).Ainsi, dans l’arrêt R. c. Canadian Imperial Bank of Commerce, (2001) 151C.C.C. (3d) 439 (C.A.O.), on a décidé qu’un tiers, en l’espèce une banque,pouvait légalement détenir une garantie, à savoir l’argent déposé dans uncompte bancaire, qui se révèlera être un pro<strong>du</strong>it de la criminalité (par. 6-7).R. c. Wilson, (1994) 25 C.R. (4th) 239, 247 (C.A.O.). Le juge pourra toutefoisimposer une amende, conformément à l’article 462.37(3) C.cr.Dans les arrêts R. c. Dodon, J.E. 99-1888 (C.A.), et Villeneuve c. Canada,(2000) 140 C.C.C. (3d) 564 (C.A.Q.), on a jugé qu’un droit sur un bien peutêtre créé après l’émission d’une ordonnance de blocage, notamment parl’inscription d’une hypothèque légale suite à un jugement reconnaissant unecréance ordinaire, puisqu’il s’agit d’un droit réel.R. c. 170888 Canada Ltée, [1999] R.J.Q. 1008 (C.A.).Dans l’arrêt R. c. Thomas, (2001) 153 C.C.C. (3d) 94, la Cour d’appel del’Ontario a décidé que le procureur de l’accusé et le service d’aide juridiquepeuvent présenter une demande en vertu de cette disposition.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 81demande <strong>du</strong> tiers contre la Couronne alors que la confiscationest prononcée, sans que l’accusé ne soit partie à la demande.En fait, la confiscation demeure à l’égard de l’accusé, mais letiers demande une atténuation des effets à son égard. Cettedemande n’est pas présentée au juge <strong>du</strong> procès, mais à unjuge aux termes de l’article 552 296 qui peut ordonner larestitution de tout ou partie <strong>du</strong> bien ou l’indemnisation del’intéressé 297 .143 Avant de rendre une ordonnance de confiscation àl’égard d’un bien, le juge a l’obligation d’aviser toute personnequi, à son avis, semble avoir un droit sur ce bien 298 . L’avisdevra être signifié de la façon et à l’intérieur des délais fixéspar le tribunal, mentionner l’infraction désignée et décrire lesbiens visés par la confiscation 299 . Le tribunal refusera d’ordonnerla restitution <strong>du</strong> bien si le demandeur est une personneaccusée d’une infraction désignée ou s’il a obtenu son droit surle bien dans des circonstances desquelles le juge peut raisonnablementinférer qu’il s’agissait d’une manœuvre intentionnelle300 pour soustraire le bien à une confiscation éventuelle.Toutefois, si le demandeur est le propriétaire légitime <strong>du</strong> bienou s’il détient sur celui-ci un droit réel, en vertu d’un titre oud’une décision judiciaire 301 , et qu’il semble innocent de toutecomplicité à l’égard d’une infraction désignée, le juge peutaccorder la restitution <strong>du</strong> bien. Il appartient à la personne quiréclame son droit de démontrer au tribunal qu’elle rencontre lesconditions de l’article 302 . Cela étant, il s’agit là d’un pouvoir296297298299300301302Sauf au <strong>Québec</strong>, il s’agit d’un juge d’une cour supérieure. Au <strong>Québec</strong>, lademande peut être présentée à un juge de la Cour <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>. Dans l’arrêt R.c. 170888 Canada Ltée, [1999] R.J.Q. 1008 (C.A.), on a refusé de décider s’ilest possible de présenter la demande à un juge de la Cour <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>lorsque la sentence a été prononcée par un juge de la Cour supérieure.Art. 462.42(6) C.cr.Art. 462.41(1) C.cr. Considérant l’arrêt Lumen Inc. c. Procureur général <strong>du</strong>Canada, (1998) 119 C.C.C. (3d) 91 (C.A.Q.), il n’est pas nécessaire que lescréanciers ordinaires reçoivent l’avis.Art. 462.41(2) C.cr.R. c. Gagnon, (1993) 133 A.R. 348, 354 (C.B.R.); Villeneuve c. Canada,(2000) 140 C.C.C. (3d) 564 (C.A.Q.).Lumen Inc. c. Procureur général <strong>du</strong> Canada, (1998) 119 C.C.C. (3d) 91(C.A.Q.).Villeneuve c. Canada, (2000) 140 C.C.C. (3d) 564 (C.A.Q.); R. c. Gagnon,(1993) 133 A.R. 348, 354 (C.B.R.)


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 82discrétionnaire 303 . Si sa demande est rejetée, elle ne peut sepourvoir en appel puisque l’article 462.44 ne permet un telrecours que lorsqu’une ordonnance est ren<strong>du</strong>e 304 .144 Une fois les biens confisqués au profit de Sa Majesté,toute personne dispose de 30 jours pour demander la protectionde ses droits. Cette demande écrite est présentée par unepersonne qui n’est pas accusée d’une infraction perpétrée enrelation avec ces biens ou qui n’a pas acquis son droit sur lesbiens dans des circonstances desquelles le juge peut raisonnablementinférer qu’il s’agissait d’une manœuvre pour soustrairele bien à une confiscation éventuelle 305 . Le juge qui reçoit unetelle demande doit fixer une date d’audition, laquelle ne peutavoir lieu moins de 30 jours après le dépôt de la demande 306 .Une fois la date fixée, le demandeur la fera signifier, ainsiqu’une copie de la demande, au procureur général au moins 15jours avant la tenue de l’audition 307 . Après avoir enten<strong>du</strong> lesparties et s’il est convaincu que le demandeur est « innocentde toute complicité et de toute collusion 308 » à l’égard del’infraction désignée qui a donné lieu à la confiscation, le jugepeut 309 « rendre une ordonnance portant que le droit <strong>du</strong>demandeur n’est pas modifié par la confiscation et déclarant lanature et l’éten<strong>du</strong>e de ce droit » 310 . La décision <strong>du</strong> juge doittenir compte de l’objectif <strong>du</strong> législateur, qui est d’empêcher une303304305306307308309310Ainsi, dans l’arrêt R. c. Canadian Imperial Bank of Commerce, (2001) 151C.C.C. (3d) 439 (C.A.O.), la Cour a refusé de rendre une ordonnance enfaveur d’une banque qui détenait de bonne foi des sommes d’argentdéposées en garantie par l’accusé, alors que ces sommes provenaientd’épargnants qui avaient été fraudés (par. 14).R. c. 170888 Canada Ltée, [1999] R.J.Q. 1008 (C.A.). On a décidé que lapersonne peut présenter une demande en vertu de l’article 462.42.Art. 462.42(1) C.cr.Art. 462.42(2) C.cr.Art. 462.42(3) C.cr.Dans l'arrêt Procureur general <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> c. Larochelle, J.E. 2003-19, la Courd'appel <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> rappelait que la complicité et la collusion sont deuxconcepts différents, la deuxième visant l'entente dans le but de tromper uneou plusieurs personnes ou d'atteindre un objectif illégal (par. 9). La personnequi fait preuve d'aveuglement volontaire peut ne pas être complice mais fairepreuve de collusion.R. c. Wilson, (1994) 25 C.R. (4th) 239, 250 (C.A.O.).Art. 462.42(4) C.cr. in fine. Cette décision peut être portée en appel devant laCour d’appel en vertu de l’article 462.42(5) C.cr.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 83personne de tirer profit des pro<strong>du</strong>its de la criminalité 311 . Pourprocéder à la restitution, le juge doit donc décider que l’intérêt<strong>du</strong> tiers innocent supplante l’objectif <strong>du</strong> législateur 312 .145 Enfin, nous ne pouvons passer sous silence l’article462.43 <strong>du</strong> Code, qui tient lieu de mécanisme rési<strong>du</strong>aire deconfiscation. Il peut arriver que des biens 313 saisis ou faisantl’objet d’une ordonnance de blocage deviennent inutiles. Pourquelque raison, il se peut que ces biens ne soient finalementpas confisqués, qu’ils ne servent plus d’éléments de preuve ouqu’ils ne soient plus nécessaires à une enquête. Dans ces cas,le procureur général, toute personne ayant un intérêt dans cesbiens ou le juge lui-même, peut initier la procé<strong>du</strong>re prévue, quioblige le juge, convaincu de l’inutilité des biens, à libérer ceuxcide toute contrainte relative à une ordonnance de blocage ouà les remettre à celui qui était leur possesseur légitime aumoment de la saisie. Advenant le cas où cela est impossible, lebien sera confisqué au profit de Sa Majesté 314 .146 Les biens confisqués sont placés sous la responsabilité<strong>du</strong> ministre des Approvisionnements et Services lorsque leprocureur général <strong>du</strong> Canada assume la responsabilité de lapoursuite, et sous celle <strong>du</strong> procureur général de la provincelorsque ce dernier intente les poursuites 315 . En outre, leministre assumera les tâches d’administration des bienssaisis 316 lorsque cela est requis d’après l’ordonnance d’un jugeet suivant les conditions que ce dernier estime indiquées 317 .C’est également cette loi qui prévoit les procé<strong>du</strong>res de partageou d’aliénation des biens saisis ainsi que la manière de311312313314315316317R. c. Wilson, (1994) 25 C.R. (4th) 239, 255 (C.A.O.).R. c. Tatarchuck, (1992) 4 Alta. L.R. (3d) 300 (C.B.R.), cité dans R. c. Wilson,(1994) 25 C.R. (4th) 239 (C.A.O.).Le paragraphe 462.43(2) précise que cette procé<strong>du</strong>re vaut également pourles biens situés à l’étranger.Art. 462.43(1) C.cr. Notons que toute personne qui s’estime lésée par unetelle décision peut interjeter appel devant la Cour d’appel (art. 462.44 C.cr.).Loi sur l’administration des biens saisis, art. 3; Loi sur le ministère de laJustice, art. 32.11-32.17.Loi sur l’administration des biens saisis, art. 4; le paragraphe 7(2) prévoitl’aliénation des biens périssables. Voir aussi Loi sur le ministère de la Justice,art. 32.12.Loi sur l’administration des biens saisis, art. 6 et 8.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 84disposer des amendes imposées en vertu des différentes loisfédérales 318 .V.–LE CAS PARTICULIER DES <strong>PERQUISITIONS</strong>CHEZ L’AVOCAT147 Un problème se pose dans le cas où une perquisitionconcernerait un document qui peut être visé par un privilège deconfidentialité entre un avocat et son client. À cet égard, leParlement a édicté, à l'article 488.1, une procé<strong>du</strong>re visant àconcilier les intérêts de l’État et le secret de la communication.Bien que la Cour suprême ait déclaré ces dispositions inconstitutionnelles319 , il faut néanmoins en expliquer les grandeslignes pour bien comprendre le droit à cet égard. Ainsi, le Codeprévoit que lorsqu’un fonctionnaire agissant sous l’autorité <strong>du</strong>Code criminel ou de toute autre loi <strong>du</strong> Parlement est sur lepoint d’examiner, de copier ou de saisir un document en lapossession d’un avocat 320 qui prétend qu’un de ses clients,nommément désigné, jouit <strong>du</strong> privilège des communicationsentre client et avocat en ce qui concerne ce document, lefonctionnaire doit, sans examiner le document ni le copier, lesaisir et en faire un paquet qu’il doit convenablement sceller. Ildoit ensuite identifier et confier le paquet à la garde <strong>du</strong> shérif<strong>du</strong> district ou <strong>du</strong> comté où la saisie a été effectuée ou, s’ilexiste une entente écrite désignant une personne qui agira enqualité de gardien, à la garde de cette dernière 321 . Par ailleurs,le paragraphe 488.1(8) précise qu’on ne peut saisir ou examinerun document sans donner aux intéressés une occasion318319320321Loi sur l’administration des biens saisis, art. 10 et 11 : ce partage peut avoirlieu entre les services chargés de l’application des lois qui ont participé à lasaisie, mais également avec des services étrangers; Loi sur le ministère de laJustice, art. 32.20.Lavallee, Rackel & Heintz c. Procureur général <strong>du</strong> Canada; White,Ottenheimer & Baker c. Procureur général <strong>du</strong> Canada; R. c. Fink, 2002 CSC61. (ci-après « Lavallee »).L’article 488.1(1) C.cr. précise que le terme « avocat » comprend, au <strong>Québec</strong>,un notaire. Dans les autres provinces, la profession de notaire n’existe pas,les avocats effectuant également les tâches dévolues aux notaires.Art. 488.1(2) C.cr.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 85raisonnable de formuler une objection fondée sur le privilègedes communications avocat-client 322 .148 Au <strong>Québec</strong>, la pratique consiste à ce qu’avant l’exécution<strong>du</strong> mandat, le policier, qui est en général l’officier saisissant,appelle le syndic <strong>du</strong> <strong>Barreau</strong> pour l’aviser de la saisie,l’inviter à l’accompagner sur les lieux de celle-ci, lui confier latâche de saisir les documents sur le plan pratique et de lesmettre sous scellés 323 .149 Dans un tel cas, le procureur général, le client oul’avocat (au nom de son client) peuvent, dans les 14 jours,demander à un juge de la Cour supérieure de rendre uneordonnance fixant la date et l’endroit où sera décidée, à huisclos, la question de savoir si le document doit être communiqué324 . À défaut de requête, le juge doit ordonner de leremettre au saisissant ou à toute personne que peut désignerle procureur général 325 . Si une demande est présentée, le jugepeut, lors de l'audition, examiner le document et permettre auprocureur général d'en faire autant. Il peut aussi, s’il juge celautile, permettre au procureur général et à toute personne quis’objecte à la communication <strong>du</strong> document de lui présenterleurs observations 326 .150 Le juge doit trancher la question de façon sommaire et,s’il est d’avis que le document ne doit pas être communiqué,s’assurer que celui-ci est remballé et scellé, et ordonner saremise à l’avocat qui a allégué le privilège. Dans le cascontraire, il doit ordonner sa remise au fonctionnaire qui aprocédé à la saisie, sous réserve des restrictions et conditionsqu’il estime appropriées. Le juge motive brièvement sa décisionen décrivant la nature <strong>du</strong> document, sans toutefois en révélerles détails 327 . Notons que, si le juge décide qu’un privilège decommunication entre client et avocat existe, le documentdemeure privilégié et inadmissible en preuve, sauf si le client y322323324325326327Dans Lavallee, 2002 CSC 61, la Cour suprême a indiqué que le termeintéressé vise l'avocat et non le client (par. 40).Leblanc c. Maranda, [2001] R.J.Q. 2490, par. 34-35 (C.A.). Il arrive mêmequ’on nomme le syndic gardien des documents saisis. Dans l'arrêt Lavallee,2002 CSC 61, la Cour suprême a pris acte de cette pratique (par. 41).Art. 488.1(3) et (10) C.cr.Art. 488.1(6) C.cr.Art. 488.1(4)a), b) et c) C.cr.Art. 488.1(4) C.cr.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 86consent 328 . Le Code ne prévoit aucun droit d’appel relativementà la décision <strong>du</strong> juge de la Cour supérieure, de sorte quela partie qui désire se pourvoir devra s’adresser à la Coursuprême en vertu de la loi constitutive de ce tribunal 329 .151 Lorsqu'elle a conclu à l'inconstitutionnalité de l’article488.1 <strong>du</strong> Code 330 , la Cour suprême a, dans un premier temps,rappelé que même si le secret professionnel de l'avocat n’estpas absolu, sera abusive et contreviendra à l'article 8 de laCharte toute disposition qui lui porte atteinte plus que ce qui estabsolument nécessaire. En d'autres termes, l'atteinte auprivilège doit être minimale 331 .152 Au nom de la Cour, la juge Arbour a conclu que l'article488.1 contrevient de trois manières à l’article 8 de la Charte,qui protège le secret professionnel <strong>du</strong> client de l’avocat.Premièrement, elle impose à l’avocat l’obligation de faire valoirle droit à la confidentialité <strong>du</strong> client, alors que seul ce dernier,qui en est le propriétaire, peut y renoncer directement ou parson consentement éclairé. Il peut donc perdre son droit parl’inaction de son procureur. La juge Arbour a égalementrappelé qu'une perquisition dans un cabinet d'avocat peutmettre en cause un conflit d'intérêts entre le procureur et leclient ou entre ce dernier et d'autres clients <strong>du</strong> bureau. Elle apris acte que l'absence totale d'obligation d'aviser le dépositaire<strong>du</strong> privilège implique qu'il est possible que le client nesache même pas que son privilège est menacé 332 .153 Deuxièmement, la Cour suprême a indiqué qu'est fatalel'absence de discrétion <strong>du</strong> juge qui doit, aux termes <strong>du</strong>paragraphe 488.1(6), ordonner la remise <strong>du</strong> document ausaisissant ou à la personne désignée par le procureur généralen l'absence de demande d'audition. La juge Arbour a déclaréque cette disposition impérative fait prédominer de façoninjustifiable la forme sur le fond 333 .328329330331332333Art. 488.1(5) C.cr.R. c. Wilder, (1997) 110 C.C.C. (3d) 186 (C.A.C.-B.); R. c. King, (1992) 74C.C.C. (3d) 191 (C.A.Î.-P.-É.).Lavallee, 2002 CSC 61.Lavallee, 2002 CSC 61, par. 36.Lavallee, 2002 CSC 61, par. 39-40, 42.Lavallee, 2002 CSC 61, par. 43.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 87154 Troisièmement, elle a indiqué que le fait que le procureurgénéral puisse prendre connaissance des documents lorsde l'audition est une atteinte injustifiable au privilège. À cetégard, la Cour a rejeté la prétention qu'on doive présumer quele ministère public n'abusera pas de cette prérogative 334 . Celaétant, la Cour suprême n'a pas statué sur un autre argumentqui avait été évoqué par les cours d'appel dans les arrêtsqu'elle a alors confirmés, à savoir que l'article 488.1 est inconstitutionnelen ce qu'il exige la divulgation <strong>du</strong> nom <strong>du</strong> client,information qui est également privilégiée 335 . Cette question doitêtre tranchée lors <strong>du</strong> pourvoi à l'encontre d'une décision de laCour d'appel <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> qui a statué au contraire 336 .155 En disposant de l'affaire, la Cour suprême a refusé,comme l'avait fait la Cour d'appel de Terre-Neuve 337 , deremédier aux lacunes de l'article 488.1 en recourant à uneinterprétation réparatrice de cette disposition, c'est-à-dire en laréécrivant d'un point de vue pratique 338 . La juge Arbour a plutôtjugé opportun d'énoncer les principes qui doivent guider lelégislateur et les juges de paix en matière de perquisition dansles bureaux d'avocats.156 Après avoir rappelé qu'on ne saurait décerner unmandat relativement à des documents reconnus comme privilégiés,elle a indiqué qu'il faut que le juge de paix soit convaincuqu'il n'existe aucune solution de rechange raisonnable avantd'autoriser une telle procé<strong>du</strong>re. Aussi, le juge de paix doit êtrerigoureusement exigeant pour conférer la plus grande protectionpossible à la relation avocat-client. Par ailleurs, sauf si lemandat l'autorise expressément, les documents doivent êtremis sous scellés avant d'être examinés ou enlevés. Lesaisissant doit en sus faire tout effort possible pour communiqueravec l'avocat et le client lors de l'exécution de laperquisition et permettre à un représentant <strong>du</strong> <strong>Barreau</strong> desuperviser l'opération si cette démarche est infructueuse. Dans334335336337338Lavallee, 2002 CSC 61, par. 44-45.R. c. Fink, (2001) 149 C.C.C. (3d) 321, par. 39 (C.A.O.); White, Ottenheimer &Baker c. Attorney general of Canada, (2000) 146 C.C.C. (3d) 28, par. 21-23(C.A.T.-N.); Lavallee, Rackel and Heintz c. Canada (Attorney General), (2000)143 C.C.C. (3d) 187, par. 50-61 (C.A.A.).Leblanc c. Maranda, [2001] R.J.Q. 2490.White, Ottenheimer & Baker c. A.G. Canada, (2000) 146 C.C.C. (3d) 28,par. 23, 34-37 (C.A.T.-N.).Lavallee, 2002 CSC 61, par. 47-48.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 88une telle hypothèse, la personne qui a exécuté la saisie doitrendre compte de ses démarches au juge de paix qui doit alorsdonner l'occasion raisonnable au détenteur <strong>du</strong> privilège deformuler une objection et le cas échéant, de la faire trancher.S'il s'avère impossible d'aviser ce dernier, l'avocat gardien desdocuments ou un autre nommé par le <strong>Barreau</strong> ou par la Courdoit examiner les documents et avoir une occasion raisonnablede faire valoir le privilège. Le procureur doit à ce moment avoirl'occasion de faire des représentations, mais sans avoir lapossibilité de consulter le matériel saisi 339 .VI.– LE CAS PARTICULIER DES <strong>PERQUISITIONS</strong>CHEZ LE TIERS INNOCENT157 Dans l’arrêt Société Radio-Canada c. Lessard 340 , laCour suprême a rappelé qu’une fois les conditions <strong>du</strong> Codecriminel remplies, le juge de paix conserve toujours son pouvoirdiscrétionnaire d’octroyer ou de refuser d’émettre le mandat deperquisition 341 . Dans cette affaire, le problème se posait dansle contexte d’une perquisition effectuée dans les locaux d’uneentreprise de presse, tiers non impliqué dans l’affaire; toutefois,la Cour suprême a rappelé que ses commentaires demeuraientpertinents pour tout genre de perquisition 342 .158 Avant d’émettre un mandat, le juge de paix doitnotamment pondérer les intérêts des parties en cause, soitceux de l’État de poursuivre les criminels et ceux de l’autrepartie, par exemple <strong>du</strong> tiers innocent qui, en l’espèce, avaitintérêt à ce que soit assurée la confidentialité des renseignementsobtenus par les médias dans le cadre de la collecte et ladiffusion de l’information. La Cour a également rappelé quedevraient généralement être portés à l’attention <strong>du</strong> juge l’existenced’autres sources d’information disponibles et les effortsraisonnables qui ont été déployés pour les consulter. La Cour339340341342Lavallee, 2002 CSC 61, par. 49.Société Radio-Canada c. Lessard, [1991] 3 R.C.S. 421.Société Radio-Canada c. Lessard, [1991] 3 R.C.S. 421, 445. Dans l’arrêtBaron c. Canada, [1993] 1 R.C.S. 416, on a jugé que le législateur ne peut,sans contrevenir à l’article 8 de la Charte, retirer cette prérogative au juge quiémet l’autorisation.Société Radio-Canada c. Lessard, [1991] 3 R.C.S. 421, 444. La Cour l’affirmeplus clairement dans une affaire connexe : Société Radio-Canada c.Procureur général <strong>du</strong> Nouveau-Brunswick, [1991] 3 R.C.S. 459, 480.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 89suprême a toutefois précisé qu’il ne s’agissait pas d’une exigenceconstitutionnelle 343 . Enfin, le juge de paix peut toujoursassortir le mandat de conditions relatives à son exécution 344 .VII.– LES MESURES DE SAUVEGARDE159 En cas de saisie illégale et contraire à l’article 8 de laCharte, il est permis au citoyen dont l’intimité a été violée dedemander, à titre de réparation en vertu de la Charte, larestitution des objets illégalement saisis.160 La jurisprudence reconnaît en sus, lorsqu’une saisie estcontestée, que le requérant peut obtenir une ordonnanced’entiercement, à titre interlocutoire, jusqu’à la fin de l’auditionportant sur cette contestation. Le but recherché étant depréserver la confidentialité des effets saisis, l’État ne pourraprendre connaissance des fruits de la perquisition, souvent desdocuments de nature privée, et ainsi irrévocablement porteratteinte à son droit à la vie privée. Dans l’arrêt 143471 CanadaInc. 345 , la Cour suprême a indiqué qu’il faut appliquer lesmêmes critères qu’en cas d’injonction interlocutoire <strong>du</strong>rant lacontestation d’une loi, tel que développé dans l’arrêtMetropolitan Stores 346 .161 Il faut donc se demander (i) si une question de droitsérieuse est soulevée, (ii) si le refus de l’ordonnance interlocutoirecausera au requérant un préjudice irréparable et (iii) dequel côté penche la balance des inconvénients 347 .343344345346347Société Radio-Canada c. Lessard, [1991] 3 R.C.S. 421, 445.Société Radio-Canada c. Lessard, [1991] 3 R.C.S. 421, 445. C’est ainsi qu’ilpeut, en matière d’interception de communications privées, prévoir une clausede minimisation. Voir R. c. Thompson, [1990] 2 R.C.S. 1111.143471 Canada Inc. c. Procureur général <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, [1994] 2 R.C.S. 339.P.G. Manitoba c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110.143471 Canada Inc. c. Procureur général <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, [1994] 2 R.C.S. 339,376, a-d.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 90VIII.– LA CONTESTATION PAR L’ACCUSÉ OU LESTIERSA. L’accès aux renseignements162 Une attaque des autorisations judiciaires supposegénéralement que soient communiqués au requérant lesdocuments qui ont été soumis au juge ayant autorisé lemandat.163 Parce que des tiers ou des cibles innocentes peuventêtre lésés simplement par l’existence d’un mandat de perquisition,certaines règles les protègent contre une publicité précoce.Ainsi, la Cour suprême a affirmé, dans Procureur généralde la Nouvelle-Écosse c. MacIntyre, que « [l]a protection del’innocent à l’égard d’un préjudice inutile […] l’emporte sur leprincipe de l’accès <strong>du</strong> public dans les cas où l’on effectue uneperquisition sans rien trouver » 348 . Il en résulte qu’en commonlaw le public n’a accès aux informations concernant les perquisitionsque lorsque celles-ci se sont avérées fructueuses.164 Le législateur a voulu modifier cette règle avec l’article487.2 <strong>du</strong> Code criminel en créant une infraction le fait depublier ou diffuser, sans consentement, des informations sur laperquisition, mais sans succès puisque l’infraction est contraireà la Charte 349 . On doit donc conclure que la règle de commonlaw continue de valoir.165 Par ailleurs, l’article 487.3 prévoit que le juge peutinterdire l’accès aux informations et leur diffusion aprèsl’instigation des procé<strong>du</strong>res. En effet, confronté aux exigencesqu’opposent les droits constitutionnels des accusés et descibles des perquisitions ainsi que les droits des médias parrapport aux impératifs d’enquête, le législateur a créé unrégime législatif visant à pondérer les intérêts en cause.348349Procureur général de la Nouvelle-Écosse c. MacIntyre, [1982] 1 R.C.S. 175,187.Les tribunaux ont déclaré cette disposition inopérante car contraire à la libertéde presse garantie à l’alinéa 2b) de la Charte et non justifiable aux termes del’article premier : Girard c. Demers, [2001] R.J.Q. 579 (C.A.); CanadianNewspapers Co. c. Procureur général <strong>du</strong> Canada, (1987) 29 C.C.C. (3d) 109(H.C.O.); Canadian Newspapers Co. c. Procureur général <strong>du</strong> Canada, (1987)28 C.C.C. (3d) 379 (C.B.R.M.).


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 91166 Ainsi, cet article exige <strong>du</strong> juge qu’il soupèse les intérêtsde la justice et ceux de l’accès à l’information, afin de s’assurerque les premiers l’emportent sur les seconds. Il pourra par lasuite émettre une ordonnance totale ou partielle de mise sousscellé des informations relatives à un mandat de perquisitionou, tout en permettant l’accès, en interdire la communication,notamment par les médias 350 . La demande visant à obtenircette ordonnance pourra être présentée à même la dénonciationinitiale ou par la suite.167 Le Code énumère des situations où les intérêts de lajustice l’emportent : c’est le cas lorsque l’accès aux informationspeut compromettre l’identité d’un informateur, les enquêtesen cours ou des techniques d’enquête secrètes susceptiblesd’être utilisées de nouveau, lorsque l’accès risque deporter atteinte à un innocent ou pour tout autre motif suffisant351 . La Cour doit donc, vu son obligation de protéger l’identitéd’un informateur, réviser un document pour y supprimertoute information de nature à permettre de la découvrir.168 C’est donc dire que la cible d’une fouille ou d’une saisiepourrait voir retarder le moment où elle prendra connaissancedes documents présentés à l’appui <strong>du</strong> mandat. À l’inverse, cesdispositions peuvent agir comme protecteur d’un procès justeet équitable en refusant que soient divulguées des informationsd’enquête dont, d’une part, la fiabilité est douteuse et, d’autrepart, l’effet préjudiciable est sérieux 352 . En s’inspirant desprincipes formulés dans l’arrêt Garofoli 353 , la Cour pourraordonner la préparation d’un résumé judiciaire des élémentsretranchés 354 .169 En matière d’écoute électronique, le paragraphe 187(1)<strong>du</strong> Code prévoit que tous les documents relatifs à unedemande d’interception, sauf l’autorisation elle-même, sontplacés dans un paquet scellé par le juge et gardés dans un lieuoù le public n’a pas accès. Le paragraphe 187(1.3) permet à unjuge d’une cour supérieure, à un juge au sens de l’article 552 età un juge d’une cour provinciale d’ordonner que le paquet soit350351352353354R. c. Flahiff, (1998) 123 C.C.C. (3d) 79 (C.A.Q.).Art. 487.3(2)a)i)-iv) et b) C.cr.MacDonnell c. Flahiff, [1998] R.J.Q. 327 (C.A.)R. c. Garofoli, [1990] 2 R.C.S. 1421, 1461.487.3(3) C.cr. Hélie-<strong>Québec</strong> Inc. c. Sous-ministre <strong>du</strong> Revenu <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>,[2000] J.Q. n° 1441 (C.S.).


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 92ouvert et son contenu, communiqué au requérant. Lorsqu’unjuge est saisi d’une demande d’ouverture <strong>du</strong> paquet, il peutévidemment en examiner le contenu en privé 355 .170 À cet égard, les règles varient selon que la demandeest présentée par un accusé ou par une cible qui n’a pas faitl’objet d’inculpation. La Cour suprême a refusé de reconnaîtreau demandeur non inculpé la parité des droits avec un accusé,d’autres considérations trouvant application 356 .171 Dans l’arrêt Michaud, la Cour suprême a étudié l’impactde l’entrée en vigueur de la Charte sur le droit d’une cibled’obtenir la communication <strong>du</strong> paquet scellé et donc, lesinformations à la base de l’autorisation d’écoute. Le juge Lamera indiqué que le législateur a voulu que la confidentialitédemeure la règle 357 . Le pouvoir discrétionnaire <strong>du</strong> juge d’ouvrirle paquet ne doit alors s’exercer « qu’après la présentation d’unélément de preuve que les autorités chargées de l’applicationde la loi ont recouru à la fraude ou ont caché volontairementcertaines choses afin d’obtenir l’autorisation » 358 ou qu’elle aété obtenue illégalement 359 . Il s’agit de la règle qui s’appliquaitaux demandes faites par l’accusé avant l’entrée en vigueur dela Charte; la Cour a toutefois indiqué qu’il peut exister d’autrescas où le juge pourra exercer son pouvoir discrétionnaire 360 .L’accès total au paquet scellé dont bénéficie l’accusé sefondant sur le droit à la défense pleine et entière 361 , et ce droitn’a pas d’application lorsque la personne ne l’est pas. Laconfidentialité doit prévaloir.172 Pour ce qui est des transcriptions et enregistrements,leur communication ne pose évidemment aucune difficultédans le cas où la cible est accusée, les règles <strong>du</strong> droit à lacommunication de la preuve et le paragraphe 189(5) prévoyantleur communication. Dans l’arrêt Dersch 362 , le juge Sopinka adéclaré qu’il fallait ordonner l’ouverture <strong>du</strong> paquet scellé dans355356357358359360361362Michaud c. Procureur général <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, [1996] 3 R.C.S. 3, par. 28.Michaud c. Procureur général <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, [1996] 3 R.C.S. 3.Michaud c. Procureur général <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, [1996] 3 R.C.S. 3, par. 3 et 25.Michaud c. Procureur général <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, [1996] 3 R.C.S. 3, par. 4.Michaud c. Procureur général <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, [1996] 3 R.C.S. 3, par. 55.Michaud c. Procureur général <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, [1996] 3 R.C.S. 3, par. 30 et 39.Dersch c. Procureur général <strong>du</strong> Canada, [1990] 2 R.C.S. 1505.Dersch c. Procureur général <strong>du</strong> Canada, [1990] 2 R.C.S. 1505.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 93le cas où l’accusé en fait la demande et ce, sans que l’accuséait à faire la preuve d’une con<strong>du</strong>ite répréhensible de l’affiant.Dans l’arrêt Garofoli 363 , le juge Sopinka a élaboré uneprocé<strong>du</strong>re de révision judiciaire de l’affidavit afin de pouvoirconcilier le droit de l’accusé à une défense pleine et entière etla nécessité de protéger l’identité des informateurs de policeainsi que le secret des enquêtes en cours :173 1. Au moment d’ouvrir le paquet, si le ministère publics’oppose à la divulgation de l’une ou l’autre despièces, il devrait, dans une demande, indiquer lanature des éléments à supprimer et les raisons de lefaire. Seul le substitut <strong>du</strong> procureur général aural’affidavit à cette étape.174 2. Le juge <strong>du</strong> procès devrait ensuite réviser l’affidavitcomme l’a proposé le substitut <strong>du</strong> procureur de laCouronne et fournir une copie ainsi préparée àl’avocat de l’accusé. Il faudrait ensuite entendre lesarguments de l’avocat de l’accusé. Si le juge <strong>du</strong>procès est d’avis que l’avocat de l’accusé ne serapas en mesure d’apprécier la nature des élémentssupprimés selon les recommandations <strong>du</strong> substitut<strong>du</strong> procureur général et l’affidavit ainsi pro<strong>du</strong>it, unesorte de résumé judiciaire quant à la nature généraledes éléments supprimés, devrait être fourni. 364175 3. Après avoir enten<strong>du</strong> les arguments de l’avocat del’accusé et la réponse <strong>du</strong> ministère public, le juge <strong>du</strong>procès devrait prendre une décision finale quant à larévision des documents, sans oublier qu’il faut lalimiter au minimum et appliquer les facteurs précités.176 4. Une fois la décision prise selon l’étape (3), lespièces <strong>du</strong> paquet devraient être remises à l’accusé.177 5. Si le ministère public peut justifier l’autorisation surle fondement des pièces révisées, l’autorisation estconfirmée.178 6. Cependant, si le texte révisé ne permet plus dejustifier l’autorisation, le ministère public peut alors363364R. c. Garofoli, [1990] 2 R.C.S. 1421, 1452.Dans l’arrêt R. c. Leipert, [1997] 1 R.C.S. 281, la Cour suprême a décidé quelorsqu’il s’agit d’un informateur anonyme, il y a lieu de supprimer toutes lesinformations reçues car on ne peut savoir laquelle peut être susceptible dedivulguer son identité (par. 28). Le contenu <strong>du</strong> résumé judiciaire doit donctenir compte de ce principe.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 94demander au juge <strong>du</strong> procès de tenir compte deséléments supprimés dans la mesure nécessaire pourjustifier l’autorisation. Le juge <strong>du</strong> procès ne devraitaccéder à cette demande que s’il est convaincu quel’accusé est suffisamment conscient de la nature deséléments écartés pour les contester dans sa plaidoirieou par la preuve. À cet égard, un résumé judiciairedes éléments écartés devrait être fourni s’ilpeut remplir cette fonction. Il va sans dire que si leministère public est en désaccord sur l’éten<strong>du</strong>e de ladivulgation et estime que l’intérêt public en subira unpréjudice, il peut retirer la preuve recueillie parl’écoute électronique. 365179 Suite à cette décision, le législateur a amendé l’article187 <strong>du</strong> Code pour prévoir le droit de l’accusé à l’ouverture <strong>du</strong>paquet scellé et une procé<strong>du</strong>re de révision de l’affidavitconforme à l’opinion de la Cour suprême 366 .180 Dans le cas d’une cible non accusée, après avoir rappeléque le Code ne prévoit aucun moyen pour elle d’obtenir ladivulgation des enregistrements, le juge Lamer a indiqué quel’accès au paquet scellé n’emporte pas l’accès aux enregistrements.Le requérant n’a normalement pas besoin des transcriptionspour contester la légalité de l’autorisation. Toutefois, si lacible démontre l’illégalité de l’autorisation, elle aura droitd’accès à toute communication pour déterminer l’éten<strong>du</strong>e desdommages subis, que ce soit l’accès aux enregistrements euxmêmes,aux transcriptions ou aux sources équivalentes 367 .181 Si l’autorisation est considérée valide, le requérant peutvouloir démontrer que les conversations n’ont pas été interceptéesconformément aux limites qui étaient fixées dans l’autorisation.Vu le nombre élevé de conversations qui peuvent êtrepertinentes et la possibilité de porter atteinte à la vie privée decertains autres interlocuteurs, un droit d’accès indirect suffira. Ilsuffira de présenter au tribunal une demande d’examen. Il estimpossible de fixer un seuil plus élevé, vu l’impossibilité pour lacible de connaître les méthodes de surveillance de l’État.L’intimé devra alors déposer des affidavits suffisamment précispour permettre de vérifier si chacune des conditions énumé-365366367R. c. Garofoli, [1990] 2 R.C.S. 1421, 1461.Art. 187(1.4) et (2)-(7) C.cr.Michaud c. Procureur général <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, [1996] 3 R.C.S. 3, par. 62-65, 103et 107.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 95rées dans l’autorisation a été respectée. Le juge pourrapermettre le contre-interrogatoire de l’affiant et, exceptionnellement,ordonner l’accès aux enregistrements, s’il s’agit <strong>du</strong> seulmoyen de contester la légalité de l’interception. Si le tribunalconclut à l’illégalité de l’interception, la cible aura alors accèsaux enregistrements 368 .B. La restitution des biens dans les cas de saisieslégales1. Les règles de droit commun182 En principe, les documents et les objets saisis par lespoliciers doivent servir à établir la preuve de la commissiond’une infraction par le suspect. Le Code prévoit, aux articles490 et 490.1, des modalités de restitution des biens saisis.Celles-ci ne s’appliquent pas lorsque des procé<strong>du</strong>res ont étéinstituées et qu’une pièce ou un objet a été déposé en cour.Dans un tel cas, il appartiendra au juge <strong>du</strong> procès d’endisposer en se guidant sur les règles de common law et lesrègles de pratique de la cour 369 .183 L’agent de la paix qui a saisi des biens en vertu d’unmandat doit remettre les biens dans les plus brefs délaispossibles à la personne qui a droit à la possession légitime deceux-ci et faire rapport au juge de paix qui a décerné le mandats’il est convaincu qu’il n’y a aucune contestation possible quantà la possession légitime des biens et s’il est persuadé que leurdétention continue n’est pas nécessaire pour les fins d’uneenquête, d’un procès ou d’autres procé<strong>du</strong>res 370 .184 Dans les autres cas 371 , les biens saisis doivent êtrerapportés au juge de paix qui a émis le mandat ou gardés parle saisissant. Celui-ci doit alors en faire rapport au juge depaix 372 . Lorsque le propriétaire légitime ou la personne qui adroit à la possession légitime des choses saisies est connu, lejuge de paix doit ordonner que les choses saisies lui soientremises, à moins que le poursuivant, l’agent de la paix ou le368369370371372Michaud c. Procureur général <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, [1996] 3 R.C.S. 3, par. 66 et 110-113.R. c. Spindloe, (2001) 154 C.C.C. (3d) 8, par. 114, 115, 119, 160 (C.A.S.).Art. 489.1(1) C.cr.Le cas particulier des biens périssables est prévu à l’article 490.01 <strong>du</strong> Code.Art. 489.1(1)b) C.cr.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 96gardien ne le convainque que la détention des choses saisiesest nécessaire aux fins d’enquête, d’enquête préliminaire, <strong>du</strong>procès ou de toute autre procé<strong>du</strong>re 373 . Notons que la personnequi établit qu’elle était en possession des biens au moment dela saisie est présumée en avoir la possession légitime de sortequ’il appartiendra au ministère public de faire la preuve del’illégalité ou de la nature criminelle de cette possession 374 .185 Lorsque le poursuivant démontre que la détention estnécessaire, le juge de paix doit retenir la chose ou en ordonnerla rétention, en prenant raisonnablement soin d’en assurer laconservation jusqu’à la conclusion de l’enquête, de l’enquêtepréliminaire, <strong>du</strong> procès ou de toute autre procé<strong>du</strong>re 375 . Si desprocé<strong>du</strong>res sont instituées, la détention peut se continuerjusqu’à leur conclusion 376 .186 Dans l’hypothèse contraire, sauf avec le consentementécrit <strong>du</strong> propriétaire légitime des biens saisis ou de leurpossesseur légitime 377 , rien ne doit être retenu <strong>du</strong>rant unepériode excédant trois mois après la date de la saisie ou del’ordonnance de détention 378 , à moins qu’on ne se soit adresséà un juge de paix pour obtenir une prolongation de cettepériode 379 . Ce dernier, comme le juge de la Cour supérieurelorsqu’il est saisi d’une demande semblable, bénéficie d’unecertaine discrétion pour accorder ou refuser la demande. Lejuge de paix peut, après audition, prolonger la détention pour lapériode qu’il estime justifiée et il peut émettre de nouvellesordonnances à cet effet, mais la <strong>du</strong>rée totale de rétention des373374375376377378379Art. 490(1)a), (4) C.cr.R. c. Mac, (1995) 97 C.C.C. (3d) 115, 125 (C.A.O.). On a également déclaréque la même règle s’applique dans le cas d’une demande faite en vertu <strong>du</strong>paragraphe 490(9) <strong>du</strong> Code.Art. 490(1)b) C.cr.Art. 490(2)b) C.cr.Art. 490(3.1) C.cr.Art. 490(2) C.cr.Dans l’arrêt Procureur général <strong>du</strong> Canada c. Mandate Erectors and WeldingLtd, (1995) 99 C.C.C. (3d) 187, 191, h (C.A.N.-B.), on a décidé qu’il n’est pasnécessaire que l’ordonnance soit ren<strong>du</strong>e dans ce délai; il suffit que lademande de prolongation soit présentée dans les trois mois. Cette solutionest conforme au libellé <strong>du</strong> Code.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 97choses saisies ne doit pas dépasser un an à compter de lasaisie ou de l’ordonnance de détention 380 .187 Lorsqu’un délai d’une année est atteint et que desprocé<strong>du</strong>res n’ont pas été intentées 381 , on doit remettre lesbiens à moins qu’avant l’expiration de ce délai, une demandeait été faite à un juge de la Cour supérieure ou un juge visé parl’article 552 <strong>du</strong> Code criminel. Lors de l’audition, le requérantdevra démontrer que la complexité de l’enquête en cours justifiela prolongation de cette rétention ou que des procé<strong>du</strong>res aucours desquelles la chose retenue peut être requise n’ont pasencore été instituées 382 . Dans l’arrêt Moyer, on a rappelé qu’ilne fallait pas confondre « complexité » et « éten<strong>du</strong>e » del’enquête; les policiers devront donc déployer les ressourcesnécessaires pour l’analyse des biens saisis lorsque leur quantitéest importante mais qu’elle ne rend pas nécessairementl’enquête complexe 383 .188 Lorsque la période de détention est expirée, le poursuivantou le gardien doit s’adresser au tribunal qui avait autoriséla prorogation <strong>du</strong> délai et ce dernier devra ordonner la restitution<strong>du</strong> bien à son propriétaire à moins qu’on lui démontre quel’intérêt public en exige la rétention 384 . La situation estidentique dans le cas <strong>du</strong> possesseur légitime 385 . Ils peuventégalement demander la restitution avant l’expiration <strong>du</strong> délai si,dans le cas <strong>du</strong> poursuivant ou <strong>du</strong> gardien, ils en viennent à laconclusion que la chose n’est plus requise pour des procé<strong>du</strong>resou si, dans le cas <strong>du</strong> possesseur, il subit un préjudicesérieux 386 . Enfin, le propriétaire <strong>du</strong> bien ou un ayant droit peuten tout temps présenter une demande de restitution à un jugede paix, sauf si la détention a été ordonnée par un juge de laCour supérieure ou un juge visé par l’article 552, auquel cas ilfaut s’adresser à ce dernier 387 . Si la chose visée est undocument, le procureur général, l’agent de la paix ou le gardien380381382383384385386387Art. 490(3) C.cr. in limine.Art. 490(3)b) C.cr.Art. 490(3) C.cr.Re Moyer, (1995) 95 C.C.C. (3d) 174 (C.O.Div.Gén.)Art. 490(6), (9) et (9.1) C.cr.Art. 490(7), (9) et (9.1) C.cr.Art. 490(5) et (8) C.cr.Art. 490(10) C.cr.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 98pourra en faire une copie avant de le restituer 388 . Par ailleurs, ilfaut noter qu’en tout temps, une personne intéressée peuts’adresser à un juge de la Cour supérieure ou à un juge visépar l’article 552 <strong>du</strong> Code pour être autorisée à examiner lachose aux conditions que celui-ci estime nécessaires 389 .2. En matière de pro<strong>du</strong>its de la criminalité189 En matière de pro<strong>du</strong>its de la criminalité, le juge pourranommer un administrateur des biens saisis ou bloqués, cedernier étant, à la demande <strong>du</strong> procureur général, le ministredes Approvisionnements et Services 390 . Il prendra charge detout ou partie des biens et il les administrera conformément auxdirectives <strong>du</strong> juge 391 . L’ordonnance peut également exigerqu’un bien en possession d’un tiers soit remis à l’administrateurdésigné par le juge 392 . Dans tous les cas, le juge peut assortirl’ordonnance de conditions raisonnables 393 . Cela étant, leCode prévoit des mécanismes de remise des biens à leurlégitime propriétaire ainsi que leur contravention par descontrevenants.190 Le Code prévoit des mécanismes de remise des biens,tant au légitime propriétaire qu'au tiers qui prétend avoir desdroits sur eux. Aussi, dans le cas d'une saisie, l’officier saisissantest tenu de détenir ou de faire détenir les biens et il doit enplus pro<strong>du</strong>ire un rapport dans les sept jours de la saisie 394 . Leparagraphe 462.32(4.1) lui permet, s’il est dûment autorisé parle procureur général à cet effet, de restituer les biens aupossesseur légitime avant la pro<strong>du</strong>ction <strong>du</strong> rapport s’il estconvaincu qu’il n’y a aucune contestation à cet effet et que ladétention n’est pas nécessaire aux fins d’une confiscation. Parailleurs, la détention des biens saisis ou bloqués est valable388389390391392393394Art. 490(13) C.cr.Art. 490(15) et (16) C.cr.Art. 462.331(1) et (2) C.cr. Le paragraphe (8) prévoit que la nomination vautjusqu’à remise des biens en vertu de la loi ou de leur confiscation.Art. 462.331(1)a) C.cr. Les paragraphes (3) à (7) prévoient une procé<strong>du</strong>repour la vente de biens périssables ou se dépréciant rapidement et une pour ladestruction des biens de peu de valeur.Art. 462.331(1)b) C.cr.Art. 462.33(4) C.cr. Le paragraphe 462.331(9) permet l’annulation ou lamodification d’une condition, sauf la nomination de l’administrateur des biens.Art. 462.32(4)b) et c) C.cr. Le juge peut remettre une copie de ce rapport àune personne qui lui semble avoir un droit dans les biens saisis.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 99pour une période de six mois, à moins que, dans ce délai, onintente des procé<strong>du</strong>res 395 à l’égard des biens susceptibles deconfiscation ou que le procureur général ne démontre à lasatisfaction <strong>du</strong> juge 396 que les biens feront l’objet d’une ordonnancede confiscation ou qu’ils sont nécessaires soit pourl’enquête, soit comme éléments de preuve dans d’autresprocé<strong>du</strong>res 397 . De même, le juge peut ordonner la restitutiondes biens si on lui démontre que leur rétention n'est plus utileet que le requérant en est le possesseur légitime 398 . Enfin, ledétenteur d'un droit dans l'objet saisi peut, en vertu de l'article462.34, demander d'en obtenir la restitution.191 À cet égard, mentionnons que la révision judiciaire de lasaisie ou de l’ordonnance de blocage ne s’applique pas àtoutes les situations et le juge n’y accédera que dans trois casprécis 399 . Le premier se présente lorsque le bien n’est plus utile— que ce soit pour l’enquête ou à titre d’élément de preuvedans d'autres affaires —, que le demandeur est le propriétairelégitime <strong>du</strong> bien — ou détient des droits légitimes sur celui-ci —et qu’il semble innocent de toute complicité à l’égard d’uneinfraction désignée 400 . Si le demandeur est également unepersonne accusée d’une infraction désignée ou qu’il a obtenuson droit sur le bien dans des circonstances où le juge peut395396397398399400Dans l’affaire R. c. Hape, (2001) 148 C.C.C. (3d) 530, la Cour supérieure dejustice de l’Ontario a jugé que le paragraphe 462.35(2) n’exige pas lacontinuation des procé<strong>du</strong>res engagées dans les six mois, mais l’existencedepuis ce temps de procé<strong>du</strong>res pouvant mener à la confiscation. Aussi, iln’est pas pertinent que le poursuivant retire une accusation portée selon laprocé<strong>du</strong>re régulière pour la remp lacer par un acte d’accusation direct(par. 18). Par ailleurs, le juge saisi d’une demande de restitution doit la rejetersi des procé<strong>du</strong>res ont été intentées, sans vérifier la suffisance de la preuve àcharge (par. 22-23).Dans l’affaire R. c. Hape, (2001) 148 C.C.C. (3d) 530, la Cour supérieure dejustice de l’Ontario a indiqué que le requérant assume le fardeau de la preuve(par. 28).Art. 462.35 C.cr. Le Code reste muet sur la question de la <strong>du</strong>rée de la périodede renouvellement. Dans les affaires R. c. Toupin, [1999] J.Q. n° 5635 (C.S.),et R. c. Ouellette, C.S., n° 500-36-000207-954, 21 juin 1995, j. Viau, on a jugéque le juge n’est pas tenu d’aviser le propriétaire <strong>du</strong> bien avant de prolongerl’ordonnance, quoiqu’il puisse évidemment le faire.Art. 462.43(1) C.cr.<strong>Québec</strong> (Procureur général) c. Laroche, 2002 CSC 72, par. 42-44.Telle est la teneur de l’article 462.34(4)b) C.cr. Une fois qu’il accède à lademande, l’article 462.43 C.cr. semble obliger le juge à ordonner la restitution<strong>du</strong> bien.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 100raisonnablement inférer qu’il s’agissait d’une manœuvre poursoustraire le bien à une confiscation éventuelle, le jugeaccordera la demande de révision seulement s’il y a eu erreurdans la délivrance <strong>du</strong> mandat spécial ou de l’ordonnance deblocage et que l’un ou l’autre n’aurait pas dû être ren<strong>du</strong> 401 .192 Dans l'arrêt <strong>Québec</strong> (Procureur général) c. Laroche, laCour suprême a indiqué que dans cette deuxième hypothèse,le juge réviseur ne doit pas, comme en matière de révisiond'une autorisation d'écoute électronique ou d'émission d'unmandat de perquisition, se limiter à déterminer si l'ordonnancepouvait être émise. Il doit décider s'il l'aurait lui-même émise.Le requérant assume le fardeau de présenter une preuveprépondérante à cet égard et il peut soumettre des élémentsde preuve à cet égard auxquels le ministère public peutrépondre, sauf pour remédier aux vices fondamentaux del'autorisation 402 . La Cour a ajouté que le juge peut également,dans le cadre d'une telle requête, examiner la validité demandats de perquisition qui ont permis la saisie de biens quiont éventuellement permis d'obtenir l'émission de l'ordonnancede saisie ou de blocage. Le juge LeBel a indiqué que la règleinterdisant l'attaque collatérale des jugements ne saurait faireobstacle à une demande en ce sens 403 .193 Le deuxième cas est celui où le demandeur offre unegarantie au tribunal pour le recouvrement <strong>du</strong> bien saisi. Ledemandeur s’engage alors d’un montant, avec ou sans caution,qui sera fixé par le juge. Ce dernier peut également ordonner ledépôt d’une somme d’argent ou d’une autre valeur 404 .194 Enfin, le Code prévoit un troisième cas de révision, defaçon à permettre au détenteur des biens au moment de lasaisie ou de l’ordonnance de blocage, ou à toute personne qui,de l’avis <strong>du</strong> juge, a un droit valable sur ces biens, de préleverdes sommes raisonnables pour rencontrer ses engagementsenvers des personnes à charge, pour payer ses dépensescourantes et ses frais juridiques ou pour son cautionnement 405 .401402403404405Art. 462.34(4)b) et (6) C.cr.<strong>Québec</strong> (Procureur général) c. Laroche, 2002 CSC 72, par. 63-68.<strong>Québec</strong> (Procureur général) c. Laroche, 2002 CSC 72, par. 69-79.Art. 462.34(4)a) C.cr.Art. 462.34(4)c) C.cr. Dans l’affaire R. c. Trang, (2002) 161 C.C.C. (3d) 210,la Cour <strong>du</strong> Banc de la Reine de l’Alberta a indiqué que cette procé<strong>du</strong>re neporte pas atteinte au droit de l’accusé de ne pas s’incriminer. Par ailleurs, la


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 101Le caractère raisonnable des frais juridiques est examiné par lejuge à huis clos, hors la présence <strong>du</strong> procureur général 406 .Néanmoins, ce dernier peut présenter ses observations, <strong>du</strong>rantl’audience ou même avant ou après celle-ci 407 ; le juge doit parailleurs trancher en fonction des critères précisés par leCode 408 .195 Après avoir enten<strong>du</strong> les parties, le juge peut rendre troisdécisions. Il peut tout simplement ordonner la restitution, totaleou partielle, des biens au demandeur ou, dans le cas d’uneordonnance de blocage, il peut l’annuler ou la modifier de façonà lui soustraire certains biens. Par contre, le juge peut secontenter de rendre l’ordonnance de blocage sujette à desconditions qu’il estime nécessaires 409 .C. L’attaque et le remède196 Nous savons maintenant qu’il appartient au juge <strong>du</strong>procès de statuer sur l’admissibilité de la preuve en fonctiond’une violation possible de la Charte 410 ; il ne peut refuser de lefaire 411 . Le juge présidant l’enquête préliminaire ne possèdepas cette compétence 412 .197 Cependant, un juge de la Cour supérieure a une compétenceconcurrente lorsque le recours présente un caractèred’urgence parce qu’il vise la cessation ou la prévention d’uneviolation ou parce que la juridiction inférieure participe à laviolation 413 ou encore parce qu’aucune juridiction de procès nesera saisie de l’affaire 414 .personne qui reçoit cette somme d’argent ou un bien suite à cette ordonnancene peut pas être accusée de possession illégale de biens criminellementobtenus : art. 462.34(7) C.cr.406Art. 462.34(5) C.cr.407Art. 462.34(5.1) C.cr.408Art. 462.34(5.2) C.cr.409Art. 462.34(4) C.cr.410 R. c. Mills, [1986] 1 R.C.S. 863, 955 et 971; R. c. Garofoli, [1990] 2 R.C.S.1421, 1449, f.411 R. c. Garofoli, [1990] 2 R.C.S. 1421.412 R. c. Mills, [1986] 1 R.C.S. 863; R. c. Askov, [1990] 2 R.C.S. 1199, 1210 et1211; R. c. Hynes, [2001] 3 R.C.S. 623. Voir infra, par. 1518.413R. c. Mills [1986] 1 R.C.S. 863.414Michaud c. Procureur général <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, [1996] 3 R.C.S. 3.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 102198 Dans l’arrêt DeSousa, le juge Sopinka avait faitremarquer qu’en matière de contestations constitutionnelles, ilest préférable que les tribunaux ne décident pas sans unfondement factuel suffisant, mais que, parfois, « on gagne <strong>du</strong>temps en tranchant des questions constitutionnelles avantd'entendre la preuve au procès », notamment lorsque l’attaquene dépend pas des faits 415 .199 Dans le cas où un procès ne serait pas envisagé et quela saisie était légale, la procé<strong>du</strong>re de restitution des biens seprésente comme une façon de récupérer les choses saisies.Cela étant, il faut déterminer les critères qui doivent guider letribunal pour décider s’il doit ordonner la restitution dans le casoù on lui apporte la preuve de l’illégalité de la perquisition ousaisie. La chose ne pose pas réellement de problème lorsqu’onn’a porté aucune accusation; la restitution des biens doit alorsnormalement être ordonnée 416 , sauf s’il s’agit de biensillicites 417 . La Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a mêmedécidé que cette réparation est appropriée lorsqu’une perquisitiona été effectuée sans motifs raisonnables chez le requérantet qu’on y a saisi des objets déposés en preuve contre un autreaccusé, lesquels objets ont peu de valeur probante 418 .200 Lorsqu’un procès est prévu, cependant, la questionsoulève encore un débat. Évidemment, il n’y aura pas restitutionlorsque la possession des biens saisis est illicite 419 ouqu’ils seront vraisemblablement utilisés à des fins illicites 420 .Dans l’hypothèse contraire, la Cour d’appel de l’Ontario a415416417418419420R. c. Desousa, [1992] 2 R.C.S. 944, 954-955.Voir par exemple R. c. Carroll, (1989) 47 C.C.C. (3d) 263 (C.A.N.-É.). Voiraussi Baron c. Canada, [1993] 1 R.C.S. 416; Kourtessis c. M.R.N., [1993] 2R.C.S. 53; Procureur général <strong>du</strong> Canada c. Vincent, [1996] R.J.Q. 2128, 2131(C.A.). Dans l’affaire R. c. Yang, (1998) 121 C.C.C. (3d) 347, 352(C.O.Div.Gén.), on a décidé que, si le bien a été détruit, une compensationfinancière pourra être ordonnée.Procureur général <strong>du</strong> Canada c. Vincent, [1996] R.J.Q. 2128, 2136 (C.A.). LaCour a indiqué que la règle s’applique même si la substance illicite n’est pasintrinsèquement dangereuse, comme c’est le cas <strong>du</strong> tabac. Voir aussi R. c.Daley, (2001) 156 C.C.C. (3d) 225 (C.A.A.).R. c. Carroll, (1989) 47 C.C.C. (3d) 263 (C.A.N.-É.).Par exemple, lorsqu’il s’agit d’un stupéfiant. Voir R. c. Lajoie, (1984) 8 C.C.C.(3d) 353 (C.S.T.N.-O.).R. c. Spindloe, (2001) 154 C.C.C. (3d) 8, par. 164-171 (C.A.S.).


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 103décidé, dans un cas où la violation était sérieuse, qu’il fallaitordonner la remise des biens saisis 421 .201 En revanche, la Cour d’appel <strong>du</strong> Manitoba 422 a ordonnéla restitution de documents saisis avant l’adoption de la Charte,mais dont la détention était devenue abusive au moment deson adoption. Toutefois, la Cour a permis à la poursuite deconserver des photocopies aux fins de preuve. Selon letribunal, le paragraphe 24(1) ne doit pas permettre une restitutionqui équivaut à une ordonnance d’exclusion de la preuve,qui ne peut être accordée qu’en vertu <strong>du</strong> paragraphe 24(2).D’autres tribunaux ont adopté une position plus nuancée visantà protéger la preuve 423 .202 Si le recours en dommage demeure toujours uneavenue possible, il devient parfois le seul recours lorsque larestitution est impossible, comme en matière d’écouteélectronique 424 .203 Une conversation interceptée par écoute électroniquepeut toujours être exclue par le biais de l’article 24(2) de laCharte, lorsque la preuve a été obtenue en violation de l’article8 de la Charte 425 et que son utilisation serait de nature à421422423424425Re Chapman and The Queen, (1984) 6 C.C.C. (3d) 296 (H.C.O.), confirmé à(1984) 12 C.C.C. (3d) 1 (C.A.O.). Voir aussi Beauchamp c. Parent, J.E. 2002-2070 (C.S.).Re Blackwoods Beverages Ltd. and The Queen, (1985) 16 C.C.C. (3d) 363(C.A.M.).Si l’effet de la restitution est l’exclusion de la preuve, cela étant la seulepréoccupation de l’accusé : Re MacAusland and The Queen, (1985) 19C.C.C. (3d) 365 (C.S.Î.-P.-É.). Si les policiers ont agi de bonne foi : ReMandel and The Queen, (1986) 25 C.C.C. (3d) 461 (H.C.O.). Le juge peutpermettre des photocopies : Re Dobney Foundry Ltd. and The Queen (No. 2),(1985) 19 C.C.C. (3d) 465 (C.A.C.-B.), et Re Commodore Business MachinesLtd. and Director of Investigation and Research, (1988) 41 C.C.C. (3d) 232(C.A.O.). Le juge peut permettre un nouveau mandat valide après restitution :Re Hatzinicoloau and Minister of National Revenue, (1987) 34 C.C.C. (3d) 35(H.C.O.).Dans l’arrêt Michaud c. Procureur général <strong>du</strong> <strong>Québec</strong>, [1996] 3 R.C.S. 3, aupar. 42, le juge Lamer écrit : « La personne qui fait l'objet d'une telleinterception illégale a le droit d'intenter une action en dommages-intérêts envertu <strong>du</strong> Code civil <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> ou de la Loi sur la responsabilité civile de l'Étatet le contentieux administratif (contre la Couronne <strong>du</strong> chef <strong>du</strong> Canada), ouune action en dommages-intérêts en vertu <strong>du</strong> par. 24(1) de la Charte ».R. c. Thompson, [1990] 2 R.C.S. 1111, 1153 : «[T]outes les interceptionsillégales seront abusives mais toutes les interceptions abusives ne seront pas


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 104déconsidérer l’administration de la justice 426 . Cela étant, il fautdistinguer la preuve de la conversation de celle de son contenu.En effet, on a décidé que si le juge prononce l’exclusiond’une communication comportant un aveu, rien n’empêche lapersonne qui l’a reçu de témoigner à ce sujet si elle s’ensouvient indépendamment de l’interception 427 .204 Quand un citoyen ne recourt pas aux tribunaux avantl’utilisation en preuve des objets illégalement saisis ou si sarequête en restitution est rejetée, sa seule chance de limiter lesdégâts consistera à demander au tribunal, le moment venu,d’écarter cette preuve illégalement obtenue.205 En effet, le paragraphe 24(2) de la Charte prévoitl’exclusion de la preuve obtenue en violation des droits fondamentauxgarantis par la Constitution. Dans ce cas, nousl’avons vu, l’accusé devra franchir deux étapes. Premièrement,il devra faire la preuve que la saisie a été pratiquée illégalement,donc abusivement, ou, dans l’hypothèse où elle auraitété légale, qu’elle a été effectuée abusivement. Ensuite, ildevra convaincre le tribunal que l’admission en preuve desobjets ainsi saisis est susceptible de discréditer l’administrationde la justice.206 Dans le cas où elle a été effectuée en vertu d’unmandat 428 , cela implique notamment le pouvoir de déterminersi des motifs raisonnables en justifiaient l’émission. À cetégard, deux hypothèses doivent être envisagées. D’une part, ilest possible que l’accusé soutienne que les motifs allégués à ladénonciation étaient insuffisants à leur face même. Dans un telcas, le juge <strong>du</strong> procès ne doit pas substituer son opinion à celle<strong>du</strong> juge émetteur, mais plutôt se demander si l’émission <strong>du</strong>426427428illégales. Une fouille ou une perquisition peut être autorisée par une loi validemais porter malgré tout atteinte à l’art. 8. »Jusqu’en 1993, le paragraphe 189(1) prévoyait l’exclusion automatique de lacommunication interceptée illégalement. Cette disposition a alors étéabrogée. Dans l’arrêt R. c. Shalala, [2000] N.B.J. n° 14, la Cour d’appel <strong>du</strong>Nouveau-Brunswick a décidé que cela ne violait pas la Charte (par. 70).R. c. Fliss, 2002 CSC 16.Dans le cas où il s’agit d’une autorisation d’écoute électronique, la règle est lamême, car, comme nous l’avons déjà mentionné cette procé<strong>du</strong>re estassujettie à l’article 8 de la Charte.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 105mandat pouvait se justifier 429 . Cet examen se fait sans qu’il soitpossible d’ajouter à la preuve découlant de l’affidavit 430 .207 D’autre part, on peut concevoir que l’accusé démontreque l’autorisation a été émise suite à une fraude <strong>du</strong> dénonciateur,à ses divulgations trompeuses ou à ses non-divulgations.En principe, cette erreur, même frau<strong>du</strong>leuse, n’invalide pas lemandat dans la mesure où le reliquat est suffisant pour justifierson émission 431 . Toutefois, la fraude aura un tel effet si la Courconclut que les mesures prises en vue de son émission n’ontpas respecté le processus à un point tel qu’il faille annulerl’autorisation pour protéger l’intégrité <strong>du</strong> processus et le rôlepréventif <strong>du</strong> juge à l’égard de la vie privée 432 . S’il n’y a pas eufraude, le juge doit examiner le reliquat de la déclarationassermentée ainsi que les faits nouveaux alors soumis, ce quel’on désigne comme l’amplification, pour déterminer s’il étaitsuffisant pour justifier l’émission de l’ordonnance 433 .208 Dans l’arrêt Araujo, la Cour suprême a précisé quel’amplification ne saurait toutefois permettre de vider de sonsens l’exigence de l’autorisation préalable. Elle visera doncnormalement les erreurs sans grande importance ou techniquesqui se seraient glissées par inadvertance dansl’affidavit 434 . On a également décidé que l’amplification peutprovenir d’une preuve que peut soumettre la partie qui attaquela validité <strong>du</strong> mandat, par exemple par le contre-interrogatoirede l’affiant 435 . Enfin, la Cour suprême a indiqué que lapoursuite ne peut ajouter de preuve si l’accusé démontre unefraude de l’affiant 436 .429430431432433434435436R. c. Garofoli, [1990] 2 R.C.S. 1421, 1452, repris dans R. c. Araujo, [2000] 2R.C.S. 992, par. 51.R. c. Morris, (1999) 134 C.C.C. (3d) 539, 563-566 (C.A.N.-É.).R. c. Bisson, [1994] 3 R.C.S. 1097.R. c. Araujo, [2000] 2 R.C.S. 992, par. 54; R. c. Colbourne, (2001) 157 C.C.C.(3d) 273, par. 40 (C.A.O.).R. c. Garofoli, [1990] 2 R.C.S. 1421; R. c. Bisson, [1994] 3 R.C.S. 1097; R. c.Araujo, [2000] 2 R.C.S. 992, par. 52, 57; R. c. Couture, (1999) 129 C.C.C.(3d) 302 (C.A.Q.). Voir aussi R. c. Grant, [1993] 3 R.C.S. 223, 250.R. c. Araujo, [2000] 2 R.C.S. 992, par. 59.R. c. Morris, (1999) 134 C.C.C. (3d) 539, 568 (C.A.N.-É.).R. c. Araujo, [2000] 2 R.C.S. 992, par. 58. Voir aussi R. c. Morris, (1999) 134C.C.C. (3d) 539, 560 (C.A.N.-É.).


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 106209 Sous réserve <strong>du</strong> pouvoir de la Cour de protégerl’identité des informateurs, l’accusé a évidemment le droit deconsulter l’affidavit pour demander que la perquisition soitdéclarée nulle. Dans l’arrêt Garofoli, la Cour suprême a reconnuque l’accusé peut contre-interroger 437 l’affiant lorsque lejuge est convaincu que cela est nécessaire pour lui permettreune défense complète. Le juge Sopinka a en sus indiqué qu’ilfaut fixer des limites raisonnables à la longueur <strong>du</strong> contreinterrogatoire438 .210 Si on lui refuse le contre-interrogatoire, une courd’appel n’interviendra pas dans la mesure où le juge depremière instance a agi judiciairement et que l’accusé ne peutdémontrer qu’il pouvait, en y procédant, en arriver à établirl’absence de fondement de l’autorisation 439 . Ce contreinterrogatoirene saurait donc être une expédition de pêche 440 .Le refus sera également justifié si l’accusé a eu amplementl’occasion de contre-interroger au moment de l’enquête préliminaireet que la transcription est déposée lors <strong>du</strong> procès 441 .211 L’appréciation des motifs raisonnables est donc la tâche<strong>du</strong> juge réviseur qui doit pouvoir les contrôler judiciairement 442 .Le ouï-dire étant monnaie courante en la matière, la Coursuprême a tracé les limites de ce type de renseignements 443 .212 Dans l’arrêt Garofoli, la Cour suprême a résumé lesexigences concernant les motifs raisonnables et probablesformés à partir de renseignements obtenus de tiers :437438439440441442443Dans l’arrêt R. c. Dawson, (1998) 123 C.C.C. (3d) 385, par. 13 et 19 (C.A.O.),on a décidé que l’accusé peut contre-interroger l’affiant <strong>du</strong>rant l’enquêtepréliminaire, et non seulement <strong>du</strong>rant le procès.R. c. Garofoli, [1990] 2 R.C.S. 1421, 1464 et 1465.R. c. Mantha, (2001) 155 C.C.C. (3d) 301, par. 44-45 (C.A.Q.); R. c. Rendon,[1999] R.J.Q. 2281 (C.A.); R. c. Cheung, (1998) 119 C.C.C. (3d) 507, par. 57-62 (C.A.C.-B.); R. c. Starr, (1998) 123 C.C.C. (3d) 145 (C.A.M.), infirmé pourd’autres motifs à [2000] 2 R.C.S. 144.R. c. Dawson, (1998) 123 C.C.C. (3d) 385, par. 20 (C.A.O.).R. c. Rendon, [1999] R.J.Q. 2281 (C.A.).R. c. Perreault, [1992] R.J.Q. 1848; Future Électronique inc. c. La Reine,REJB 2000-21847, C.A.Q., par. 28.On ne saurait mieux dire que le juge Proulx, dans l’arrêt Future Électroniqueinc. c. La Reine, REJB 2000-21847, C.A.Q., par. 29: « Finalement, ce seraitbien méconnaître la pratique quotidienne <strong>du</strong> droit criminel que de sescandaliser <strong>du</strong> ouï-dire crédible et fiable à partir <strong>du</strong>quel un mandat deperquisition est décerné; c'est ce qui survient dans la plupart des cas ».


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 107213 (i) Les déclarations d’un informateur qui constituent<strong>du</strong> ouï-dire peuvent établir l’existence de motifsraisonnables et probables justifiant une fouille et uneperquisition. Cependant, en soi, la preuve provenantd’un informateur est insuffisante pour établir l’existencede motifs raisonnables et probables.214 (ii) La fiabilité <strong>du</strong> renseignement doit être évaluée enfonction de « l’ensemble des circonstances ». Iln’existe pas de formule structurée pour le faire. Aulieu de cela, la cour doit examiner divers facteursdont :215 a) le niveau de détail <strong>du</strong> renseignement;216 b) les sources de l’informateur;217 c) les indices de la fiabilité de l’informateur, commeson expérience antérieure ou la confirmation desrenseignements par d’autres sources.218 (iii) Les résultats d’une fouille ou d’une perquisitionne peuvent, ex post facto, apporter une preuve de lafiabilité des renseignements. 444219 Un policier peut cependant se fier à des renseignementsprovenant de ses collègues ou de ses supérieurs, cesinformations pouvant constituer des motifs raisonnables etprobables 445 . Il en va de même des renseignements que lepolicier obtient <strong>du</strong> service de renseignements de son corps depolice 446 . Toutefois, les informations provenant de servicespoliciers étrangers, sans plus, n’ont pas reçu le mêmeaccueil 447 .220 Une fouille autorisée conformément aux exigencesconstitutionnelles sera malgré tout déclarée contraire à laCharte si elle est effectuée d’une manière abusive. Dans unetelle situation, la loi elle-même n’a donc rien d’abusif; « [c]e qui444445446447R. c. Garofoli, [1990] 2 R.C.S. 1421, 1456 et 1457. Voir aussi R. c. Debot,[1989] 2 R.C.S. 1140, 1168 et R. c. Greffe, [1990] 1 R.C.S. 755.R. c. Debot, [1989] 2 R.C.S. 1140.R. c. Hinse, J.E. 95-1173 (C.A.).Future Électronique inc. c. La Reine, REJB 2000-21847, C.A.Q., par. 31-37.Dans cette affaire, outre le double ouï-dire qui meublait la dénonciation, lejuge Proulx affirme que rien n’explique pourquoi le policier canadien dénonciateurcroit le policier américain enquêteur (par. 33). Dans les circonstancesle juge Proulx aurait suggéré que le policier américain joigne également sonaffidavit (par 37).


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 108est abusif, c’est la manière dont les autorités l’ont appliqué[e]en l’espèce » 448 . Ce sera notamment le cas d’une fouille, d’uneperquisition ou d’une saisie « effectuée avec une violenceinutile » 449 . Ce sera aussi le cas d’une fouille qui, bien quefondée sur une autorisation légalement accordée, est effectuéed’une manière déraisonnable 450 . Par exemple, dans l’arrêtGenest, plusieurs policiers s’étaient ren<strong>du</strong>s au domicile del’accusé, munis d’un mandat de perquisition, et avaient enfoncéla porte au moyen d’un bélier sans donner d’avertissement etsans qu’on ait démontré ou tenté de démontrer qu’un tel degréde violence était nécessaire 451 .D. L’article 24 de la Charte221 [I]l faut interpréter l'art. 24 de façon à permettre laréalisation de son objet, qui est de protéger les droitsgarantis par la Charte en assurant des réparationsefficaces en cas d'atteintes à ceux-ci. Si la jurisprudencede notre Cour concernant le par. 24(1) peutêtre ré<strong>du</strong>ite à un thème, on peut dire que le par. 24(1)doit être interprété de manière à assurer une réparationcomplète, efficace et utile à l'égard des violationsde la Charte : Mills, précité, p. 881-882 (le jugeLamer), p. 953 (le juge McIntyre); Mooring, précité,par. 50-52 (le juge Major). Comme l'a indiqué le jugeLamer dans l'arrêt Mills, le par. 24(1) « fait <strong>du</strong> droit àune réparation la pierre angulaire de la mise enœuvre effective des droits accordés par la Charte »(p. 881). C'est l'établissement d'une voie de recourspar le par. 24(1) qui « avant tout fera de la Charte uninstrument éloquent et vigoureux de protection desdroits et des libertés des Canadiens ». (p. 881) 452222 Sur le plan procé<strong>du</strong>ral, il faut mentionner que le seul faitd’être accusé ne confère pas à une personne l’intérêt requispour présenter une requête afin que la preuve soit exclue. Il448449450451452R. c. Thompson, [1990] 2 R.C.S. 1111, 1146.R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 265, 279.R. c. Thompson, [1990] 2 R.C.S. 1111, 1142 et 1146, où la Cour traite <strong>du</strong>problème de la minimisation des interceptions de communications privéesdans une cabine téléphonique.R. c. Genest, [1989] 1 R.C.S. 59. Voir aussi R. c. West, (1998) 122 C.C.C.(3d) 218, par. 19 (C.A.C.-B.), où des journalistes avaient été invités à filmerune perquisition.R. c. 974649 Ontario Inc. [2001] 3 R.C.S. 575, par. 19.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 109devra démontrer l’existence d’une expectative raisonnable devie privée 453 .223 La Charte comporte deux règles d’exclusion de lapreuve. La première est explicite; il s’agit de la réparation,prévue au paragraphe 24(2) qui permet d’exclure une preuveobtenue en violation de la Charte 454 . La seconde est implicite;prononcée en vertu <strong>du</strong> paragraphe 24(1) 455 , elle est uneréparation qui vise à prévenir une violation des principes dejustice fondamentale garantis par l’article 7 et <strong>du</strong> droit de subirun procès équitable aux termes de l’alinéa 11d) 456 .224 Cette dernière a bien été expliquée dans l’arrêtHarrer 457 . Dans cette affaire, les actes ayant donné lieu à cequi était une violation de la Charte, n’avaient pas été posés pardes agents de la paix canadiens ou des mandataires de lapolice canadienne 458 , de sorte qu’il n’y avait pas eu action gouvernementaleau sens de l’article 32 de la Charte. Toutefois,les éléments de preuve ainsi recueillis auraient pu être exclussi leur utilisation dans un procès tenu au Canada avait étéinéquitable 459 . Suivant cette logique, telle est la conclusion àlaquelle parvient la Cour d’appel <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> dans une affaireimpliquant la fouille et la saisie de biens volés par des agentsde sécurité privés 460 .225 Quant à la procé<strong>du</strong>re d’exclusion de la preuve en vertu<strong>du</strong> paragraphe 24(2) de la Charte, elle est la même que celleapplicable pour une demande de réparation aux termes <strong>du</strong>paragraphe 24(1) de la Charte. En principe, l’accusé qui désire453454455456457458459460Schreiber c. Canada (Procureur général), [1998] 1 R.C.S. 841, par. 17, 19 (j.Lamer); repris dans R. c. M. (M.R.), [1998] 3 R.C.S. 393, par. 31-32.La Cour suprême a décidé que le paragraphe 24(2) prévoit la seule règled’exclusion dans un tel cas. On ne peut alors invoquer la dispositionréparatrice générale énoncée au paragraphe 24(1). Voir notamment R. c.White, [1999] 2 R.C.S. 417, par. 84-85.R. c. White, [1999] 2 R.C.S. 417, par. 86-89.Dans l’arrêt R. c. Harrer, [1995] 3 R.C.S. 562, par. 24, la Cour a déclaré quel’exclusion est alors ordonnée « afin d’empêcher qu’un procès soit dès ledépart inéquitable ». Voir aussi Schreiber c. Procureur général <strong>du</strong> Canada,[1998] 1 R.C.S. 841, par. 24 et 35.R. c. Harrer, [1995] 3 R.C.S. 562.R. c. Harrer, [1995] 3 R.C.S. 562, par. 11.R. c. Harrer, [1995] 3 R.C.S. 562, par. 18.R. c. Caucci, [1995] A.Q. no, 821 (C.A.) (Q.L.).


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 110qu’une preuve soit exclue doit en aviser la poursuite préalablement461 , quoique la Cour ne saurait invoquer ce motif pourrefuser de statuer sur une demande de réparation sérieuse apriori 462 .226 À ce stade, le juge se fonde sur les représentations desprocureurs pour décider si un voir-dire constitutionnel estrequis 463 . La preuve pourra se faire par exposé conjoint desfaits, témoignages et affidavits 464 . Si l’accusé témoigne, sontémoignage ne pourra pas cependant être utilisé pourl’incriminer à l’étape de la détermination de la culpabilité 465 .227 L’accusé assume le fardeau de présenter une preuveprépondérante de la violation. Toutefois lorsqu’une perquisitiona été faite sans mandat, il appartient à l’État de démontrerqu’on était justifié d’agir ainsi 466 . Dans l’arrêt Stillman, la Coursuprême a déclaré que cette règle vaut chaque fois que l’Étatallègue qu’une preuve obtenue en mobilisant l’accusé contrelui-même aurait été obtenue de toute manière 467 .228 La Cour suprême a reconnu qu’en des circonstancesexceptionnelles et rarissimes, une décision excluant la preuvepeut être révisée <strong>du</strong>rant le procès si un changement de461462463464465466467R. c. Tsiris, [2000] J.Q. n° 3121, par. 10 (C.A.); R. c. Godbout, [2001] J.Q.n° 16, par. 47 (C.A.); R. c. Howell, (1996) 103 C.C.C. (3d) 302, 321-323(C.A.N.-É.), confirmé à [1996] 3 R.C.S. 604; R. c. Feldman, (1994) 91 C.C.C.(3d) 256 (C.A.C.-B.), confirmé pour d’autres motifs à [1994] 3 R.C.S. 832; R.c. Kutynec, (1992) 70 C.C.C. (3d) 289, 300-302 (C.A.O.); R. c. Loveman,(1992) 71 C.C.C. (3d) 123, 125, c-e (C.A.O.); R. c. Dwernychuk, (1993) 77C.C.C. (3d) 385, 399 et 400 (C.A.A.); Nordyne c. Procureur général <strong>du</strong>Canada, J.E. 95-1340 (C.S.). De mê me, dans l’arrêt R. c. Dumont, (2001) 149C.C.C. (3d) 568, la Cour d’appel de l’Ontario a indiqué que la poursuite nepeut être empêchée de répondre à une demande d’exclusion <strong>du</strong> seul faitqu’elle n’aurait pas donné un avis exigé par les règles de pratique.R. c. Loewen, (1998) 122 C.C.C. (3d) 198, 205 (C.A.M.).R. c. Vukelich, (1996) 108 C.C.C. (3d) 193 (C.A.C.-B.).R. c. L.(W.K.), [1991] 1 R.C.S. 1091, 1103, f-h.R. c. Gordon, (1999) 130 C.C.C. (3d) 129, 146 (C.O.Div.Gén.).R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 265, 277, d-h. Au même effet, voir R. c. Caslake,[1998] 1 R.C.S. 51, par. 11. Dans l’arrêt R. c. Bartle, [1994] 3 R.C.S. 173, laCour a reconnu que le renversement de fardeau s’opère également lors d’uneviolation de l’alinéa 10b) de la Charte.R. c. Stillman, [1997] 1 R.C.S. 607, par. 119(2).


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 111circonstances le justifie 468 . Une cour d’appel aura un pouvoirlimité de révision de cette décision :229 Dans un arrêt où elle examinait l’application <strong>du</strong> par.24(2) de la Charte par une cour d’appel provinciale,notre Cour a clairement indiqué qu’en l’absenced’une erreur quant aux principes juridiques quidevraient guider une décision fondée sur le par.24(2), il n’appartient pas vraiment à notre Cour deréviser les conclusions des tribunaux d’instanceinférieure et de substituer sa propre opinion en lamatière à celle de la cour d’appel : R. c. Duguay,[1989] 1 R.C.S. 93, à la p. 98.230 De même, comme l’a souligné le juge Cory dansl’arrêt Mellenthin, […] en l’absence d’une erreur deprincipe analogue, une cour d’appel provinciale nedevrait pas modifier les conclusions tirées par le juge<strong>du</strong> procès lors <strong>du</strong> voir-dire. 469231 Cela étant, l’application et la portée <strong>du</strong> paragraphe24(2) de la Charte n’ont été établies que suite à une volumineusejurisprudence. Dans un premier temps, on a émis leprincipe selon lequel les éléments de preuve ne seront écartésque s’ils rencontrent deux conditions : (i) ils ont été obtenusdans des conditions qui violent la Charte et (ii) leur utilisation,compte tenu des circonstances, est susceptible de déconsidérerl’administration de la justice 470 .1. Le lien entre la violation et l’obtention de la preuve232 Pour donner ouverture à l’application <strong>du</strong> paragraphe24(2) de la Charte, le requérant (l’accusé) doit démontrer qu’ilexiste un lien temporel suffisant entre la violation et l’obtentionde la preuve, c’est-à-dire que la preuve a été recueillie dans468469470R. c. Calder, [1996] 1 R.C.S. 660, par. 35; R. c. Cook, [1998] 2 R.C.S. 597,par. 76. Cette règle est conforme au principe énoncé dans l’arrêt R. c. Adams,[1995] 4 R.C.S. 707, par. 30, reconnaissant que « toute ordonnance relativeau déroulement d’un procès peut être modifiée ou annulée s’il y a euchangement important des circonstances qui existaient au moment où elle aété ren<strong>du</strong>e ».R. c. Borden, [1994] 3 R.C.S. 145, 167 et 168.R. c. Therens, [1985] 1 R.C.S. 613, 648; R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 265,280.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 112des conditions qui portent atteinte aux garanties de laCharte 471 .233 Une preuve obtenue avant la survenance de la violationne peut faire l’objet d’une ordonnance d’exclusion 472 . Demême, dans l’arrêt Goldhart, la Cour suprême a décidé qu’unlien temporel et même causal n’est pas déterminant s’il estténu, c’est-à-dire éloigné. Dans cette affaire, la police avait, lorsd’une saisie abusive, procédé à l’arrestation d’une personnequi, malgré les conseils de son procureur, avait plaidé coupableet était venue témoigner contre l’accusé. Ce dernier ademandé l’exclusion de ce témoignage. Le juge Sopinka arefusé l’exclusion de cette preuve pour les motifs suivants :234 Pour conclure à l’existence d’un lien temporel, ce quiest pertinent c’est la décision de Mayer de coopéreravec le ministère public et de témoigner, et non passon arrestation. En fait, l’existence d’un lien temporelentre la perquisition illégale et l’arrestation de Mayerest quasiment sans importance. En outre, tout lientemporel entre la perquisition illégale et le témoignageest grandement affaibli par les événementsintermédiaires constitués par la décision spontanéede Mayer de coopérer avec la police, de plaidercoupable et de témoigner. L’application <strong>du</strong> facteur <strong>du</strong>lien causal va dans le même sens. Le lien entre laperquisition illégale et la décision de Mayer detémoigner est extrêmement ténu. 4732. Le discrédit pour l’administration de la justice235 L’autre débat concernant l’application <strong>du</strong> paragraphe24(2) a porté sur la question de savoir dans quels cas l’utilisationd’une preuve serait de nature à déconsidérer l’administrationde la justice. D’entrée de jeu, on peut mentionner que n’aaucune pertinence le fait que la poursuite veuille utiliser lapreuve dont on demande l’exclusion pour attaquer la crédibilité471472473R. c. Strachan, [1988] 2 R.C.S. 980, 1003-1006; R. c. Goldhart, [1996] 2R.C.S. 463; R. c. Burlingham, [1995] 2 R.C.S. 206;R. c. Belliveau and Losier, (1987) 30 C.C.C. (3d) 163 (C.A.N.-B.). Voir aussiR. c. Robillard, [2001] R.J.Q. 1, par. 18 (C.A.).R. c. Goldhart, [1996] 2 R.C.S. 463, par. 45.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 113de l’accusé lors de son contre-interrogatoire plutôt que lors desa preuve principale 474 .236 Pour décider, le juge doit prendre en considération troisgroupes de facteurs : les facteurs reliés à l’équité <strong>du</strong> procès,ceux qui se rapportent à la gravité de la violation et ceux quiconcernent l’effet de l’exclusion de la preuve 475 .237 La considération dont jouit le système judiciaire esttributaire de l’équité des procès. En principe, il en résultequ’une preuve qui porte atteinte à l’équité <strong>du</strong> procès seraécartée « sans examiner la gravité de la violation ni l’incidencede son exclusion sur la considération dont jouit l’administrationde la justice. Il doit en être ainsi puisqu’un procès inéquitabledéconsidérerait nécessairement l’administration de lajustice » 476 .(i)L’exclusion de principe en cas d’atteinte àl’équité <strong>du</strong> procès238 Ce principe s’applique peu importe la gravité de l’accusationreprochée. Dans l’arrêt Stillman, le juge Cory a indiquéque l’utilisation d’une preuve porte atteinte à l’équité <strong>du</strong> procèssi cette preuve a été obtenue en mobilisant l’accusé contre luimêmeet qu’elle n’aurait pu être découverte par un autremoyen. Alors que la défense assume le fardeau de démontrerle premier élément par une preuve prépondérante, il appartientà la poursuite, le cas échéant, de prouver le second 477 .239 Il y a deux manières de mobiliser l’accusé contre luimême,soit en l’amenant à créer une preuve qui n’existait pasavant la violation ou en l’amenant à participer à sadécouverte 478 .240 Une preuve créée peut être une preuve tangible,comme le résultat d’une parade d’identification 479 ou d’un test474475476477478479R. c. Cook, [1998] 2 R.C.S. 597, par. 78. Toutefois, une preuve exclue avantle début <strong>du</strong> procès peut devenir admissible aux fins de contre-interrogatoirelorsqu’est survenu un changement de circonstances.R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 265.R. c. Stillman, [1997] 1 R.C.S. 607, par. 119. Voir aussi les paragraphes 72,110 et 118.R. c. Stillman, [1997] 1 R.C.S. 607, par. 119. Voir aussi les paragraphes 74,102, 103, 107 et 110.R. c. Stillman, [1997] 1 R.C.S. 607, par. 75.R. c. Ross, [1989] 1 R.C.S. 3.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 114d’ivressomètre 480 ou encore le refus de se soumettre à un teltest 481 . Mais, plus fréquemment, il s’agit d’une confessionrecueillie suite à une violation <strong>du</strong> droit au silence <strong>du</strong> détenu 482et, surtout, de son droit garanti par l’alinéa 10b) de laCharte 483 , même si la déclaration est disculpatoire à sa facemême 484 .241 Plus directement relié à notre propos sont les exemplesoù la découverte d’un élément matériel résulte d’une violationde la Charte. Dans l’arrêt Mellenthin 485 , la Cour a confirmél’exclusion d’une preuve matérielle, des stupéfiants, découverteaprès que le policier, ayant questionné Mellenthin sur lecontenu d’un sac dans sa voiture, en est venu à le lui faireouvrir 486 . La Cour a jugé qu’en répondant aux questions despoliciers 487 , l’accusé avait participé à la découverte de lapreuve matérielle, précisant que cette dernière n’aurait jamaisété découverte n’eût été la fouille illégale pratiquée par lespoliciers 488 .242 Il faut bien comprendre que le seul fait que la preuven’aurait pu être obtenue sans violer les droits constitutionnelsde l’accusé ne porte pas atteinte à l’équité <strong>du</strong> procès. Il fautque l’accusé ait participé à sa découverte 489 .480481482483484485486487488489R. c. Bartle, [1994] 3 R.C.S. 173.R. c. Cobham, [1994] 3 R.C.S. 360.R. c. Hebert, [1990] 2 R.C.S. 151.R. c. Elshaw, [1991] 3 R.C.S. 24, 45. Voir aussi R. c. Burlingham, [1995] 2R.C.S. 206, 233.R. c. Cook, [1998] 2 R.C.S. 597, par. 71.R. c. Mellenthin, [1992] 3 R.C.S. 615.Dans l’arrêt R. c. Lewis, (1998) 122 C.C.C. (3d) 481, par. 7 et 36 (C.A.O.), ona jugé qu’il ne suffit pas que la personne remette l’élément de preuve aupolicier, mais il faut aussi qu’elle soit forcée de ce faire. De même, dans l’arrêtR. c. Daley, (2001) 156 C.C.C. (3d) 225, la Cour d’appel de l’Alberta a indiquéque ne suffit pas le seul fait d’avoir offert de montrer son sac à un policierquand on lui a demandé ce qu’il transportait (par. 44).Dans l’arrêt R. c. Murray, (1999) 136 C.C.C. (3d) 197 (C.A.Q.), on a jugé qu’iln’y a pas atteinte à l’équité <strong>du</strong> procès si les réponses données par l’accusén’ont eu aucun impact sur la décision d’exécuter la fouille.R. c. Mellenthin, [1992] 3 R.C.S. 615, 627. Au même effet, voir R. c.Burlingham, [1995] 2 R.C.S. 206.R. c. Law, 2002 CSC 10, par. 35.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 115243 Si la preuve a été obtenue en mobilisant l’accusé contrelui-même, il faut passer à une deuxième étape et déterminer sison utilisation rend le procès inéquitable. On devra alors sedemander si cette preuve avait été découverte sans lamobilisation illégale de l’accusé contre lui-même. Le fardeau dela preuve incombe alors à la poursuite 490 .244 L’équité <strong>du</strong> procès ne se trouvera pas menacée si lapreuve pouvait être tirée d’une source indépendante, nonfondée sur la mobilisation de l’accusé contre lui-même 491 ou sila découverte de la preuve était inévitable, qu’il s’agisse d’unepreuve tangible 492 ou d’une confession motivée par un désirirrépressible de se confesser 493 .245 Si la preuve obtenue en violation de la Charte ne mobilisepas l’accusé contre lui-même, elle est dite « matérielle »,au sens <strong>du</strong> paragraphe 24(2), c’est-à-dire une preuve qui a étédécouverte sans la participation de l’accusé. Il devient alorsinutile « d’examiner si la preuve aurait été découverte enl’absence de [n’eût été] la fouille ou perquisition illégale » 494 .246 Par contre, l’utilisation de la preuve dérivée obtenueillégalement peut aussi porter atteinte à l’équité <strong>du</strong> procès. Lapreuve dérivée d’une première, elle-même obtenue en violationde la Charte, sera qualifiée de « preuve dérivée obtenue enmobilisant l'accusé contre lui-même ». Ce sera le cas s’il étaitimpossible de l’obtenir n’eût été de la première mobilisation del’accusé contre lui-même et ce, que les moyens utilisés aientété ou non en violation de la Charte. Une fois cette qualificationdéterminée, il faut que la poursuite démontre qu’il était possiblede l’obtenir conformément à la Charte 495 .(ii)L’exclusion de la preuve matérielle247 De nombreuses décisions ont posé le principe selonlequel l’utilisation d’une preuve matérielle (au sens où la Coursuprême entend cette expression) obtenue en violation d’undroit garanti par la Charte n’affecte pas l’équité <strong>du</strong> procès,490491492493494495R. c. Stillman, [1997] 1 R.C.S. 607, par. 101, 102 et 107.R. c. Stillman, [1997] 1 R.C.S. 607, par. 102.R. c. Black, [1989] 2 R.C.S. 138.R. c. Harper, [1994] 3 R.C.S. 343.R. c. Stillman, [1997] 1 R.C.S. 607, par. 79.R. c. Feeney, [1997] 2 R.C.S. 13, par. 69 et 70.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 116contrairement à l’utilisation d’une preuve qui émane del’accusé 496 . Dans un tel cas, il faut se référer à deux critèresqui doivent être pondérés entre eux, soit la gravité de laviolation et l’effet qu’aurait l’exclusion de la preuve, paropposition à son utilisation, sur l’administration de la justice.248 La gravité de la violation — Le deuxième groupe defacteurs à prendre en considération « touche à la gravité desviolations de la Charte, qui ressort de la con<strong>du</strong>ite des autoritéschargées d’appliquer la loi » 497 . Les cas visés sont ceux où lagravité de la violation des droits garantis à l’accusé est telleque le tribunal doit, pour préserver la considération dont jouitl’administration de la justice, se dissocier de la con<strong>du</strong>ite desautorités qui ont commis cette violation 498 .249 Dans le cas d’une violation de l’article 8 de la Charte,qui est généralement mis en cause lorsque la preuve estmatérielle, il faut tenir compte de l’importance de l’atteinte à lavie privée 499 . Le fait qu’une preuve matérielle n’aurait pas puêtre découverte en l’absence de la violation d’un droit constitutionnelde l’accusé se présente alors comme un facteur496497498499Voir R. c. Simmons, [1988] 2 R.C.S. 495; R. c. Jacoy, [1988] 2 R.C.S. 548; R.c. Strachan, [1988] 2 R.C.S. 980; R. c. Kokesch, [1990] 3 R.C.S. 3; R. c.Patriquen, [1995] 4 R.C.S. 42; R. c. Evans, [1996] 1 R.C.S. 8, par. 26 et 27.R. c. Elshaw, [1991] 3 R.C.S. 24, 39.Dans l’arrêt R. c. Kokesch, [1990] 3 R.C.S. 3, aux pages 27 et 28, le jugeSopinka a tenu les propos suivants : « L’examen des facteurs relatifs à lagravité de la violation de la Charte a pour objet d’évaluer dans quelle mesurel’utilisation par les tribunaux d’éléments de preuve obtenus à la suite d’uneviolation grave de la Charte est susceptible de déconsidérer l’administrationde la justice. Notre Cour doit refuser l’absolution judiciaire d’une con<strong>du</strong>iteinacceptable de la police et s’en dissocier […]. Les facteurs pertinents à cetteétape de l’enquête fondée sur le par. 24(2) incluent les questions suivantes :La violation était-elle délibérée, volontaire ou flagrante ou a-t-elle été commisede bonne foi? A-t-elle été motivée par l’urgence de la situation ou la nécessitéde conserver la preuve? Y avait-il d’autres méthodes d’enquête? ». Voir aussiR. c. Law, 2002 CSC 10, par. 37.La violation plus grave si elle a lieu dans une maison d’habitation : R. c.Silveira, [1995] 2 R.C.S. 297, 367; R. c. Grant, [1993] 3 R.C.S. 223; R. c.Kokesch, [1990] 3 R.C.S. 3; R. c. Feeney, [1997] 2 R.C.S. 13, par. 73 et 77.Ou si la fouille est exécutée sans mandat alors qu’on aurait pu en obtenir un,ce qui démontre un mépris de la Charte : R. c. Law, 2002 CSC 10, par. 37-38;R. c. Pellerin, (1999) 132 C.C.C. (3d) 434, par. 14 (C.A.N.-B.). Ou si la fouilletouche l’intégrité corporelle de la personne : R. c. Greffe, [1990] 1 R.C.S. 755,793.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 117aggravant 500 . Par contre, l’inexistence de méthodes d’enquêtealternatives ne saurait justifier la violation 501 .250 La bonne foi <strong>du</strong> policier est également un facteuratténuant. Un agent de la paix est présumé être de bonne foilorsque, suite à une croyance subjective qu’il entretient 502 , ilagit en se fondant sur une disposition dont l’inconstitutionnalitén’a pas été prononcée 503 , sur une loi valide dont l’applicationtraditionnelle n’a pas été déclarée abusive 504 , sur un précédentjurisprudentiel subséquemment écarté ou nuancé 505 ou envertu d’une autorisation judiciaire postérieurement annuléepour des motifs qui ne sont pas liés à sa con<strong>du</strong>ite 506 ou en sefondant sur une procé<strong>du</strong>re établie 507 . Il en est de mêmelorsque « [l]a violation n’était aucunement délibérée, volontaireou flagrante » 508 . Cela étant, un policier ne peut être considéréde bonne foi lorsqu’il ignore des décisions de la Cour suprêmeren<strong>du</strong>es depuis de nombreuses années 509 ou qu’il fait preuved’insouciance à cet égard 510 ou quant aux droits <strong>du</strong> détenu 511 .Enfin, l’urgence que commande une situation peut atténuer lagravité de la violation 512 .251 L’effet de l’exclusion — Quant au troisième groupe defacteurs à prendre en considération, il concerne « la possibilitéque l’administration de la justice soit déconsidérée par500501502503504505506507508509510511512R. c. Kokesch, [1990] 3 R.C.S. 3, 29.R. c. Stillman, [1997] 1 R.C.S. 607, par. 123-125; R. c. Feeney, [1997] 2R.C.S. 13, par. 76.R. c. Feeney, [1997] 2 R.C.S. 13, par. 73. Dans l’arrêt R. c. Fry, (2000) 142C.C.C. (3d) 166, la Cour d’appel de Terre-Neuve, après avoir rappelé ceprincipe, a indiqué qu’à défaut de preuve, on devra normalement conclure quel’agent de la paix n’avait pas une telle croyance (par. 60-67).R. c. Grant, [1993] 3 R.C.S. 223, 259 et 260; R. c. Colarusso, [1994] 1 R.C.S.20; R. c. Goncalves, [1993] 2 R.C.S. 3.R. c. Duarte, [1990] 1 R.C.S. 30; R. c. Thompson, [1990] 2 R.C.S. 1111.R. c. Evans, [1996] 1 R.C.S. 8; R. c. Wijesinha, [1995] 3 R.C.S. 422; R. c.Simmons, [1988] 2 R.C.S. 495.R. c. Fliss, 2002 CSC 16, par. 84.R. c. Dewald, [1996] 1 R.C.S. 68.R. c. Belnavis, [1997] 3 R.C.S. 341, par. 41.R. c. Kokesch, [1990] 3 R.C.S. 3; R. c. Feeney, [1997] 2 R.C.S. 13, par. 74.R. c. Pellerin, (1999) 132 C.C.C. (3d) 434, par. 12 (C.A.N.-B.).R. c. Dyment, [1988] 2 R.C.S. 417; R. c. Genest, [1989] 1 R.C.S. 59.R. c. Silveira, [1995] 2 R.C.S. 297, 369, 374 et 376.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 118l’exclusion des éléments de preuve même s’ils ont été obtenusd’une manière contraire à la Charte » 513 . Cette question tireson importance <strong>du</strong> fait que l’exclusion d’une preuve matérielleaura très souvent pour effet de permettre l’acquittement d’unepersonne dont la culpabilité est incontestable, ce qui, en soi,est susceptible de discréditer l’administration de la justice. Parailleurs, l’utilisation d’une preuve obtenue en violation de laCharte est également en soi susceptible de déconsidérer l’administrationde la justice. Le tribunal saisi d’une requête fondéesur le paragraphe 24(2) devra donc déterminer quelle solutionoccasionne le plus de discrédit.252 Évidemment, l’exclusion sera moins susceptible dedéconsidérer la justice si la poursuite dispose d’une autrepreuve que celle qui fait l’objet de la requête 514 . Par contre, cesera l’inverse si l’essentiel de la preuve aurait été admissible,comme une déclaration illégalement enregistrée mais dont lepolicier peut témoigner de mémoire quant à l’essentiel 515 . Celaétant, ce troisième critère est généralement invoqué lorsquel’infraction est grave, comme dans le cas d’un meurtre, surtouts’il est particulièrement brutal et gratuit 516 , et en matière detrafic de drogues illégales 517 . L’exclusion de la preuve est évidemmentmoins susceptible de déconsidérer la justice lorsquel’infraction est sommaire ou de nature quasi criminelle 518 . Dansle cadre de ce troisième critère, il faut donc tenir compte del’intérêt qu’a la société à ce que les criminels soient poursuivisefficacement, de la fiabilité de l’élément de preuve en questionet de son caractère essentiel à la poursuite 519 .253 Toutefois, ces considérations ne sont pas nécessairementdéterminantes. À cet égard, dans l’arrêt Greffe le jugeLamer, a conclu que :513514515516517518519R. c. Elshaw, [1991] 3 R.C.S. 24, 39 (les italiques sont dans l’original).R. c. Broyles, [1991] 3 R.C.S. 595, 619, f. Voir aussi R. c. Simmons, [1988] 2R.C.S. 495, 534, d.R. c. Fliss, 2002 CSC 16, par. 86.R. c. Fliss, 2002 CSC 16, par. 86.R. c. Grant, [1993] 3 R.C.S. 223, 261; R. c. Evans, [1996] 1 R.C.S. 8; R. c.Caslake, [1998] 1 R.C.S. 51.R. c. Law, 2002 CSC 10, par. 39.R. c. Belnavis, [1997] 3 R.C.S. 341, par. 44 et 45; R. c. Caslake, [1998] 1R.C.S. 51, par. 35.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 119254 L’administration de notre système de justice seraitdavantage déconsidérée si notre Cour excusait […]la pratique <strong>du</strong> recours à une arrestation en vertu demandats relatifs à des infractions à la circulationcomme artifice pour faire subir un examen rectal à unaccusé au sujet <strong>du</strong>quel les policiers n’ont pas demotifs raisonnables et probables de croire qu’iltransporte de la drogue. 520CONCLUSION255 Le pouvoir de perquisitionner, de fouiller et de saisir estun élément fondamental de l’enquête policière. Compris dansson sens large, il devient difficile d’imaginer comment onpourrait mener à terme bon nombre d’enquêtes, de petites etde grandes envergures.256 Ces méthodes d’enquête, intrusives et parfois secrètes,touchent des secteurs d’activités où chacun entretient uneexpectative de vie privée. Non seulement touchent-elles descibles suspectes, mais également des tiers innocents, conséquenceinévitable d’un entrelacement évident entre l’activitécriminelle et l’activité économique quotidienne, mais aussi enraison de l’orientation bien arrêtée de l’État de s’intro<strong>du</strong>ire etd’agir dans des secteurs autrefois intouchables.257 Technologie et analyses scientifiques permettront sansdoute de repousser encore plus loin les limites actuelles de lasurveillance et des intrusions aux fins de combattre ce qued’aucuns conçoivent comme un mal à éliminer.258 Par ailleurs, la garantie constitutionnelle destinée àprotéger contre les abus de l’État dans ce domaine souffreactuellement d’une crise relative d’efficacité. En effet, l’orientationgénérale de la Cour suprême et des cours d’appel enmatière d’exclusion de la preuve « matérielle » manifeste unesouplesse qui pourrait devenir malsaine. La juge en chefMcLachlin a déjà affirmé qu’ « un droit, aussi éten<strong>du</strong> soit-il enthéorie, est aussi efficace que la réparation prévue en cas deviolation, sans plus » 521 .520521R. c. Greffe, [1990] 1 R.C.S. 755, 798.R. c. 974649 Ontario Inc. [2001] 3 R.C.S. 575, par. 20.


Fouilles et perquisitions : en saisir l’ampleur 120259 À ce sujet, on note que la considération de la gravité dela violation est un concept à géométrie très variable, sanscompter que le test de la preuve dérivée, dit <strong>du</strong> « n’eut été »,intro<strong>du</strong>it une dimension hypothétique et spéculative. Peu s’enfaut pour croire que l’efficacité de la protection offerte parl’article 8 est sérieusement handicapée.260 Il appartient aux tribunaux d’appliquer la Charte et dedemeurer vigilants afin que les garanties constitutionnellesjouent le rôle auquel on les destinait. Celui-ci n’est certes pasde bloquer la progression des enquêtes mais d’exiger qu’ellesse fassent dans le respect le plus strict des droitsfondamentaux.

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