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Une approche du conte de « SAMBA SEYTANE » par l'étude des ...

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<strong>Une</strong> <strong>approche</strong> <strong>du</strong> <strong>conte</strong> <strong>de</strong> <strong>«</strong> <strong>SAMBA</strong> <strong>SEYTANE</strong> <strong>»</strong> <strong>par</strong> l'étu<strong>de</strong><strong>de</strong>s personnages et <strong>de</strong> leurs fonctions<strong>par</strong> Mor Talla DIALLORésuméIl s'agit d'un récit qui reprend le thème bien connu <strong>de</strong> <strong>«</strong> l'enfant terrible <strong>»</strong>, quenotre étu<strong>de</strong> interroge en suivant l'itinéraire <strong>du</strong> <strong>«</strong> super initié <strong>»</strong> (l'enfant terrible) qui peutse permettre <strong>de</strong> transgresser tous les interdits. A travers l'intrigue, il y a la mortinitiatique et la résurrection. Enfin, un <strong>de</strong>rnier méfait, Samba, <strong>par</strong> ses qualitésguerrières, conquiert la chefferie <strong>de</strong> son propre village, tandis que son frère, le preux, lebon <strong>«</strong> Amary Djilit <strong>»</strong> <strong>de</strong>vient aveugle et mendiant.Intro<strong>du</strong>ctionLe <strong>conte</strong> Samba Seytané reprend le thème bien connu <strong>de</strong> l'enfant terrible qui sesingularise <strong>par</strong> l'itinéraire d'un enfant transgressant les interdits. Dans ce <strong>conte</strong>, enl'occurrence, les interdits familiaux, les règles <strong>de</strong> la morale et <strong>de</strong> l'éthique sociales ontété violées <strong>par</strong> Samba Seytané grâce à ses qualités guerrières et sa témérité.En effet, il arrive triomphant <strong>de</strong> son périple, après avoir commis d'innombrablescrimes et délits à côté <strong>de</strong> son paisible frère qui, pourtant bon enfant, respectueux <strong>de</strong>srègles <strong>de</strong> la bonne con<strong>du</strong>ite, revient aveugle et pauvre, même s'il n'a cessé <strong>de</strong> leraisonner et <strong>de</strong> l'éloigner <strong>de</strong>s dangers qui se dressèrent au travers <strong>de</strong> leurs <strong>par</strong>cours.


Les repères spatio-temporels, <strong>de</strong> même que le choix <strong>du</strong> bestiaire tantôt<strong>«</strong>adjuvant<strong>»</strong> tantôt <strong>«</strong> opposant <strong>»</strong>, s'inscrivent dans <strong>de</strong>s univers magiques et socialestypiques. Les cadres en sont : la maison, la brousse, les airs. Les repères temporels sontfournis <strong>par</strong> opposition <strong>du</strong> jour et <strong>de</strong> la nuit.Samba Seytane arrive à vaincre le roi, la lionne, l'aigle, le lièvre, tous symboles<strong>de</strong> la puissance suprême <strong>de</strong> la société, <strong>de</strong> la brousse, et <strong>de</strong>s airs.Les noms <strong>de</strong>s personnages auraient suffi pour apercevoir le message religieux etle <strong>conte</strong>xte <strong>de</strong> pro<strong>du</strong>ction <strong>de</strong> ce <strong>conte</strong> ouolof.En effet, Seytané est le nom <strong>de</strong> Satan dans la religion musulmane. Amary portele nom Djulit signifiant <strong>«</strong> musulman <strong>»</strong> en langue ouolof. Samba symboliserait en effetle Tiédo[1] animiste, rebelle aux règles <strong>de</strong> la morale et <strong>de</strong> la religion et dont la seulepréoccupation serait la conquête <strong>du</strong> pouvoir.Ainsi, contrairement à la tradition <strong>du</strong> <strong>conte</strong> où le bon serait le plus souventrécompensé, ici c'est Samba qui arrive auréolé <strong>de</strong> gloire et sauve son frère atteint <strong>de</strong>cécité.Ce <strong>conte</strong> est intéressant à plus d'un titre dans la société ouolof où coexistentanimisme et religion musulmane. Il existe dans cette société un syncrétisme<strong>par</strong>faitement réussi, dans lequel les forces <strong>du</strong> mal arrivent tout <strong>de</strong> même, sur terre, àprendre le <strong>de</strong>ssus sur la religion, tout en considérant que les récompenses <strong>de</strong>s bonnesactions se feront dans l'au-<strong>de</strong>là.Par ailleurs, il nous offre un intérêt pédagogique certain, en présentant trèsnettement les fonctions <strong>de</strong>s personnages à travers le récit.C'est pourquoi nous allons, après l'avoir analysé, proposer une exploitationpédagogique en étudiant les personnages et leurs fonctions.


Méthodologie.Population.Notre recherche s'est effectuée au collège Ste Marie <strong>de</strong> Hann (banlieuedakaroise) auprès <strong>de</strong> 60 élèves <strong>de</strong> cinquième ré<strong>par</strong>tis dans <strong>de</strong>ux classes avec un effectif<strong>de</strong> trente élèves chacune.Samba SeytanéEn annexe (1), page 15-21, nous repro<strong>du</strong>isons la version <strong>du</strong> <strong>conte</strong> <strong>de</strong> SambaSeytané. Il est conseillé <strong>de</strong> lire ce récit avant <strong>de</strong> poursuivre la lecture <strong>de</strong> notre texte.Présentation <strong>de</strong>s épreuvesNous avons <strong>de</strong>mandé aux enfants <strong>de</strong> remplir le tableau ci-<strong>de</strong>ssous en tenantcompte <strong>de</strong>s définition <strong>de</strong>s fonctions suivantes :en mission.01- Le Destinateur est le mandateur qui pousse le héros à agir, celui qui l'envoie02- Le Sujet est celui qui accomplit l'action, celui qui accomplit la quête.03- L'Objet est ce que cherche le sujet ou ce qu'il doit accomplir.04- Le Destinataire est le bénéficiaire <strong>de</strong> l'action <strong>du</strong> sujet.05- L' Opposant nuit au sujet et l'empêche d'agir.06- L' Adjuvant est la personne (ou l'objet) qui vient en ai<strong>de</strong> au sujet, luipermettant <strong>de</strong> surmonter les épreuves auxquelles il se trouve confronté.Destinateur sujet Objet Opposant(s) Adjuvant(s) Destinataire


Il s'agissait ensuite <strong>de</strong> répondre aux questions suivantes :1- Qui est le personnage central <strong>de</strong> cette histoire ? En quoi sa quête consiste-telle?2- Par qui ce héros est-il envoyé en mission ? Qui en sera le bénéficiaire ?3- Dites qui s'oppose à lui et qui lui vient en ai<strong>de</strong>.Analyse <strong>de</strong>s fonctions <strong>de</strong>s personnages et commentaire <strong>de</strong>s résultatsGrille d'analysePersonnages Caractères Actions Lieu Temps Cause ConséquencePèreAmary DjulitVieilhomme,prévoyantDocilePacifiquePré<strong>par</strong>e le baptêmeDonne <strong>de</strong>s ordres pour pré<strong>par</strong>erle baptême (la mère et lajument)Part en voyage-Revient <strong>de</strong> voyage- Attends-Amary Djouli arrive et trouvela maison vi<strong>de</strong>.Accompagne son père-Revient <strong>de</strong> voyage et interrogeS.S-Convainc son père qu’il doitrester <strong>de</strong>vant la concession.-S’enfuit <strong>de</strong> la maison avec sonfrère-Apprend que S.S. a coupé lesbourses <strong>du</strong> cheval royalS’enfuit <strong>du</strong> village.-Promet <strong>de</strong> s’exécuter-Egorgea le bouc pour lajument-Puisa le grenier et pré<strong>par</strong>a <strong>du</strong>DomicilefamilialDevant laconcessionDomicilefamilialVillage <strong>de</strong>AïssaDiagarIndétreminé-un jourLa nuitfemme àterme.Voyageurgent ;AbsenceSur la<strong>de</strong>man<strong>de</strong><strong>du</strong> pèreAbsent <strong>de</strong> laMaisonAbsent <strong>de</strong> laMaison.Disloque lafamille-Devientmarabout, roimais aveugle àl’arrivée et


SambaSeytanéJumentTêtu.TéméraireMéchantautoritairecouscous ;-Tua la jument et enfourcha lepoulain et le tue ;-Sert <strong>de</strong>s boyaux et lesentrailles <strong>du</strong> bouc à la mère quivient d’accoucher.- S’enfuit <strong>de</strong> la maison avecson frère-Poursuit le chemin avec sonfrère- Meurt pendant trois jours- Ressuscité <strong>par</strong> le lièvre-Deman<strong>de</strong> au lièvre <strong>de</strong> ne pasressusciter S.S.-Deman<strong>de</strong> au lièvre <strong>de</strong>s’échapperRetourne à la maison <strong>par</strong> lavoie pacifique.-Tua la mère et le bébé-Ra<strong>conte</strong> ses bêtises à S. S.-Coupa les bourses <strong>du</strong> chevalroyal-S’enfuit <strong>du</strong> village.-Dit à la lionne qu’il a tué samère, le cheval <strong>de</strong> son père etcelui <strong>du</strong> roi-Il tua les lionceauxpoursuit son chemin-Enfourcha un bâton dans lecul <strong>de</strong> l’aigle.-Meurt jeté dans les airs <strong>par</strong>l’aigleTue le lièvre et le mangea-Tue le vieux qui lui indique leremè<strong>de</strong> et le mangea.-Retourne à la maison <strong>par</strong> lavoie <strong>du</strong> carnage.-Il <strong>de</strong>venait roi ;-Iil reconnut la voix <strong>de</strong> A.D.qui mendiaitIl le bastonna avec <strong>de</strong>s fibres<strong>de</strong> tamarinier jusqu’à ce qu’ilretrouva la vue-Mets bas un poulain Ne peutsupporter S. Seytané--Meurt pendant trois joursDomicilefamilialVillage <strong>de</strong>AïssaDiagarbrousseDomicilefamilialLa nuitPour seréchauffermendiait-Devient leresponsable <strong>de</strong>lafamille.- Désobéit à sonpère-S. S. eut <strong>de</strong>smaux <strong>de</strong> ventre.-Guérit aprèsavoir mangé levieux.Est tuée avecson poulain quivient <strong>de</strong> naître<strong>par</strong> S.S..La mère - Accoucha Domicile Est tuée avec


Le roi-Protesta contre le repas qu’onvient <strong>de</strong> lui servir.-MeurtEnvoie ses guerriers à leurfamilialson avec sonbébé qui vient<strong>de</strong> naître <strong>par</strong>S.S..poursuite- Ils renoncent à la poursuite en<strong>Une</strong> lionneapercevant les lionsDeman<strong>de</strong> les raisons <strong>de</strong> la fuitebroussePour lesS.S. tue ses- poursuit S. S. et A. D.protégerenfantsL’aigle- les rattrape.S’envola avec les enfants et leslionceauxLe lièvreLe vieildéposa au faîte d’un rônierCourt pour échapper à S.S.- Prescrit un remè<strong>de</strong> pourmeurthommeguérir les maux <strong>de</strong> ventre <strong>de</strong>Samba.Etu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s personnagesL'analyse <strong>du</strong> tableau nous permet d'obtenir une vision synoptique <strong>de</strong>s fonctions<strong>de</strong>s personnages dans le récit.Samba SeytanéIl est présenté comme personnage central dans le récit, <strong>«</strong> le sujet <strong>»</strong> effectuant laquête <strong>du</strong> pouvoir qui seul, permet à l'homme <strong>de</strong> s'accomplir pleinement.Téméraire et très soucieux <strong>de</strong>s normes sociales, il a détruit la cohésion sociale <strong>de</strong>sa famille en sa mère et le bébé qui venait <strong>de</strong> naître, a désobéi à son père, entraînant sonfrère vers une périlleuse aventure qui les mènera en brousse avant <strong>de</strong> revenir conquérirle trône royal.La situation initiale semble sceller le <strong>de</strong>stin <strong>du</strong> héros. En effet son père, absent<strong>de</strong> la maison, le responsabilise, mais il exercera son autorité contre les volontés <strong>de</strong> celuici,si bien qu'au retour <strong>de</strong> voyage, il retrouvera une <strong>de</strong>meure où nulle âme ne vit. C'estalors qu'Amary Djulit lui propose <strong>de</strong> s'enfuir.Toutefois il a pu franchir toutes les épreuves, dont nous retiendrons la


qualifiante.En effet après avoir franchi les innombrables obstacles qui se sont dressés surleur chemin, Samba continue <strong>de</strong> choisir le chemin <strong>de</strong> retour le plus périlleux.Il semble, <strong>par</strong> les faits guerriers qu'on lui a attribués dans son itinéraire, qu'il aitbénéficié d'une extraordinaire initiation qui lui aurait procuré <strong>de</strong>s capacités humainessupérieures à celui <strong>du</strong> commun <strong>de</strong>s mortels.Si dans la société Ouolof[2], après la pénétration <strong>de</strong> l'Islam, les comportements<strong>du</strong> Tiédo[3] semblaient être bannis, ne se retrouvait-on pas pour convenir qu'ils étaient<strong>de</strong> vaillants héros qui ont résisté à la pénétration coloniale, sous toutes ses formes.Cet intérêt serait également perçu dans les actions guerrières <strong>du</strong> héros <strong>par</strong> lesenfants à l'écoute <strong>du</strong> <strong>conte</strong>.Le déroulement <strong>de</strong>s faits est rythmé <strong>par</strong> les exploits sans cesse renouvelés <strong>de</strong>Samba Seytané, malgré les conseils que lui laissent entendre son frère Amary Djoulit.Amary DjulitDocile et pacifique, il se présente comme l'opposé <strong>de</strong> son frère, Il joueprincipalement une fonction <strong>«</strong> mandateur <strong>»</strong> dans le récit car, après chaque péripétie,c'est lui qui ordonne à son frère <strong>de</strong> poursuivre le chemin, et aux adjuvants <strong>de</strong> prendrecertaines précautions à l'endroit <strong>du</strong> téméraire, jusqu'à leur retour.Cependant, la manière dont il poursuit sa quête est différente <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> SambaSeytané. Pour lui, le pouvoir doit arriver <strong>par</strong> la grâce <strong>de</strong> Dieu et dans la paix ; alors queSamba conquiert en s'imposant même au prix <strong>de</strong> la violence et <strong>de</strong> l'ingratitu<strong>de</strong>.Le roiTantôt adjuvant lorsqu'il offre l'asile aux <strong>de</strong>ux frères il <strong>de</strong>vient un opposant <strong>par</strong>


l'intermédiaire <strong>de</strong>s guerriers à la poursuite <strong>de</strong> Samba Seytane qui vient <strong>de</strong> couper lesbourses <strong>de</strong> son cheval sous prétexte qu'il doit se protéger contre le froid.La LionneLe comportement <strong>de</strong> la lionne est com<strong>par</strong>able à celui <strong>du</strong> roi. En effet après avoiroffert sa protection, Samba s'est permis <strong>de</strong> tuer les lionceaux qu'elle avait laissés avecles <strong>de</strong>ux frères. Ainsi elle les poursuivit au point <strong>de</strong> les rattraper.L'AigleC'est l'aigle qui sauva les frères <strong>de</strong>s griffes <strong>de</strong> la lionne, en les emportant dans lesairs pour les déposer sur le faîte d'un rônier avant <strong>de</strong> subir à son tour les offenses <strong>de</strong>Samba qui enfourche un bâton dans son cul rouge ! L'aigle les emporta dans les airs etles tua en les laissant tomber <strong>du</strong> ciel.Le LièvreLa baguette magique <strong>du</strong> lièvre ressuscita les <strong>de</strong>ux frères, Amary d'abord quiavertit le lièvre <strong>de</strong> ne pas réveiller Samba qui une fois sur pied égorge le sauveur pour lerôtir et le manger contre la volonté d'Amary.Le vieil hommeIl prescrit à Samba un remè<strong>de</strong> contre le mal <strong>de</strong> ventre qu'il aurait en mangeant lelièvre. Il lui faut manger lui dit-il quelque chose <strong>de</strong> noir. C'est ainsi que Samba le tua<strong>par</strong>ce que pour lui, rien n'est plus noir que le vieil homme !Il va s'en dire que les personnages dans le <strong>conte</strong> <strong>de</strong> Samba Seytané ont uneimportance capitale dans la transmission <strong>de</strong>s valeurs en conformité avec la mentalitéenfantine. Ces valeurs risquent d'être <strong>de</strong>s perspectives vi<strong>de</strong>s si elles ne sont pas vécues,proposées <strong>par</strong> <strong>de</strong>s êtres qui ont les faveurs <strong>de</strong>s enfants et leur sympathie, <strong>par</strong> <strong>de</strong>s êtresré<strong>du</strong>its la plu<strong>par</strong>t <strong>du</strong> temps à <strong>de</strong>s schémas <strong>de</strong> con<strong>du</strong>ite simplifiés : <strong>«</strong> A jouer ainsi avec


<strong>de</strong>s personnages simplifiés, note Jean Château, l'enfant gagne en quelque sorte à sortir<strong>de</strong> lui, puis à entrer chez les autres. Et la connaissance <strong>de</strong> con<strong>du</strong>ites différentes <strong>de</strong>scon<strong>du</strong>ites ordinaires lui permet <strong>de</strong> commencer à construire les perspectives d'autrui, à<strong>par</strong>tir d'éléments simples <strong>»</strong>.[4]Ce sont là les premières humanités <strong>de</strong> l'enfant, en ce sens qu'il prend contactavec d'autres êtres que ceux <strong>de</strong> son entourage, plus accordés avec sa sensibilité, quimeubleront sa conscience encore trop solitaire.Quels types <strong>de</strong> personnages évoluent dans le <strong>conte</strong> <strong>de</strong> Samba Seytané ? Quelintérêt y portent les enfants ? Comment expliquer cet intérêt ?Les personnages <strong>du</strong> <strong>conte</strong> se ré<strong>par</strong>tissent dans un groupe qui correspond, noussemble-t-il, aux éléments indispensables à la stylisation d'une histoire : ceux quiaccomplissent <strong>de</strong>s exploits ou en sont les bénéficiaires.Ces personnages ne connaissent pas <strong>de</strong> barrières biologiques, géographiques,sociales, temporelles ou mystiques. Ils sont ré<strong>du</strong>its à une simplification telle qu'ilsvivent sans s'émouvoir dans un mon<strong>de</strong> ou règne une sorte <strong>de</strong> causalité magique. Ils n'ontni souffrance, ni vie intérieure. Ils agissent mécaniquement, comme pour inviter ceuxqui les écoutent ou les suivent, à leur communiquer leurs propres sentiments. Ils sont lesupport <strong>de</strong> l'être qui imagine où qui recrée son propre mon<strong>de</strong>. Et c'est en ce sens,croyons nous qu'ils sont adaptés à la mentalité <strong>de</strong>s enfants.Etu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s fonctionsAprès avoir analysé les rôles <strong>de</strong>s personnages il est possible d'i<strong>de</strong>ntifier plusaisément les fonctions <strong>de</strong> chaque personnage conformément aux définitions <strong>de</strong>sfonctions indiquées plus haut :


Ces définitions apprises aux élèves ont permis <strong>de</strong> tester les niveaux <strong>de</strong>compréhension <strong>du</strong> <strong>conte</strong>.L'analyse <strong>de</strong>s résultats trouvés <strong>par</strong> les élèves révèle que tous les élèves ont pui<strong>de</strong>ntifier le sujet : SambaAmary Djoulit est considéré comme opposant (58 élèves/60) or, en aucunmoment, Amary n'a nuit à son frère et n'a pu l'empêcher <strong>de</strong> commettre ses crimes.L'objet est perçu <strong>par</strong> la gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s élèves qui ont compris qu'il s'agit <strong>de</strong>la conquête <strong>du</strong> pouvoir <strong>par</strong> la cruauté.Les adjuvants pour certains élèves sont bien i<strong>de</strong>ntifiés, tandis que d'autres, sesont simplement <strong>conte</strong>nté d'en i<strong>de</strong>ntifier un seul <strong>par</strong>ticulièrement le lièvre et Amary.L'i<strong>de</strong>ntification <strong>du</strong> <strong>de</strong>stinateur semble poser plus <strong>de</strong> difficultés.L'écrasante majorité <strong>de</strong>s élèves attribue à Satan le rôle <strong>de</strong> <strong>de</strong>stinateur, même siquelques uns l'attribuent au père.Le rôle <strong>du</strong> <strong>de</strong>stinataire est donné le plus souvent à Samba Seytané ousimplement à Satan.Il semble que dans l'inconscient <strong>de</strong>s élèves, Satan habite tellement le héros qu'onpeut les assimiler.Il convient à l'issue <strong>de</strong> ce texte <strong>de</strong> préciser les fonctions d'opposant et <strong>de</strong><strong>de</strong>stinateur tout en leur indiquant que ces fonctions peuvent être représentées <strong>par</strong>plusieurs personnages.Un simple survol <strong>du</strong> <strong>conte</strong>, suffit pour comprendre qu'il contient une certainedose <strong>«</strong> d'immoralisme <strong>»</strong> dans le jeu opposant l'un ou l'autre <strong>de</strong>s personnages. La moraleproposée n'est jamais hors d'une situation <strong>de</strong> vie qui comporte un jeu d'ombre et <strong>de</strong>


lumière, <strong>de</strong> lutte et d'inquiétu<strong>de</strong>. Il faut surmonter les obstacles pour triompher,surmonter sa propre peur pour s'accomplir. Le bonheur n'est pas gratuit. Du reste, iln'est pas dit que l'enfant opte d'emblée pour le personnage dont l'action morale <strong>par</strong>aît laplus évi<strong>de</strong>nte. Il fera peut être un détour <strong>de</strong> sympathie en se fixant momentanément aupersonnage qui lui <strong>par</strong>aîtra plus violent, plus audacieux, plus avi<strong>de</strong>, plusanticonformiste, avant d'adopter une con<strong>du</strong>ite morale vraie.Dans son livre Le Devoir, René Le Seine écrit : <strong>«</strong> qu'il n'y a pas <strong>de</strong> penséemorale véritable et vivante, en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> l'effort <strong>de</strong> l'esprit pour composer les tendancesantagonistes présentées <strong>par</strong> lui <strong>»</strong>.[5]Qui sait ? C'est peut-être à travers les tendances immorales <strong>de</strong> certains acteurs<strong>de</strong>s <strong>conte</strong>s, que l'enfant trouvera la solution <strong>de</strong> ses propres conflits, et accé<strong>de</strong>ra à unemorale véritable, dégagée <strong>de</strong> tout verbalisme.Et cela répond à l'objection qu'on pourrait faire au <strong>conte</strong> <strong>de</strong> Samba Seytanéquidégage une morale trop systématique ou les catégories <strong>du</strong> bien et <strong>du</strong> mal ap<strong>par</strong>aissenttrop tranchées ; Rien en effet n'est aussi clair et aussi net dans la vie.La morale à inculquer à l'enfant n'est pas si simple que celle <strong>de</strong>s <strong>conte</strong>s. Il s'agitmoins d'exiger <strong>de</strong> l'enfant la bonne action, que <strong>de</strong> le rendre apte à se construire, dans lejeu perpétuel <strong>de</strong>s forces opposées ou désordonnées qui sont en lui.Il existe en effet chez tout enfant une sorte d'alternance entre le besoin <strong>de</strong>s'accrocher à ses <strong>par</strong>ents d'être sûr <strong>de</strong> leur affection, et cet instinct qui le porte àmaîtriser son entourage. Dépendance et agressivité sont intimement liées. Plus un enfantest dépendant plus il accroît son agressivité, il faut s'opposer à l'image qu'on se fait <strong>de</strong>soi à l'extérieur, pour grandir pour se créer sa propre image. Si le <strong>conte</strong> <strong>de</strong> SambaSeytané est peuplé d'obstacles à surmonter et <strong>de</strong>s difficultés à vaincre, n'est-ce-pasjustement <strong>par</strong>ce que <strong>«</strong> Samba <strong>»</strong> et <strong>«</strong> Amary <strong>»</strong> sont dépendants. Ils ont besoin <strong>de</strong>


s'affronter. Les obstacles et les difficultés leur en donnent l'occasion. Le danger n'est pasdans l'agressivité <strong>de</strong> l'enfant mais plutôt dans le refoulement <strong>de</strong> cette tendance. Et cerefoulement peut se pro<strong>du</strong>ire aussi sous un régime é<strong>du</strong>catif trop abrité que sous unrégime trop libéral. Car dans l'un comme dans l'autre cas, l'agressivité <strong>de</strong> l'enfantmanque d'occasion et <strong>de</strong> prise. Le <strong>conte</strong> <strong>de</strong> Samba Seytané en proposant aux héros,(Samba et Amary) <strong>de</strong>s séries d'épreuves invraisemblables à vaincre, en les établissantdans un univers <strong>de</strong> risque offre ce <strong>«</strong> défoulement <strong>»</strong> dans l'imaginaire, avant qu'il puissese pro<strong>du</strong>ire dans les jeux ou dans les faits…ConclusionCe bref survol sur l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s personnages et <strong>de</strong> leurs fonctions nous a révélé unecertaine conformité avec ce que l'on sait sur la psychologie <strong>de</strong> l'enfant. Elle nous amontré surtout que la conscience morale <strong>de</strong> l'enfant n'a pas à être i<strong>de</strong>ntifiée avec lesurmoi (cet ensemble <strong>de</strong> préceptes et <strong>de</strong> tabous hérités <strong>du</strong> milieu, <strong>de</strong>s conditions ou <strong>de</strong>scontraintes familiales). La conscience morale <strong>de</strong> l'enfant doit s'élaborer, non enrefoulant indifféremment les tendances agressives ou créatrices, mais en les sollicitanten les faisant collaborer à l'avènement <strong>du</strong> moi. La morale à inculquer à l'enfant n'est pasune somme <strong>de</strong> recettes, mais une création. Et tout acte créateur fait nécessairementviolence à un état <strong>de</strong> choses. Le <strong>conte</strong> Samba Seytané peut y contribuer pour leur dé<strong>par</strong>t.Sur le plan pédagogique les fonctions <strong>de</strong>s personnages peuvent améliorer lerésumé <strong>de</strong> texte qui consistait à découvrir le plan <strong>du</strong> texte pour déterminer les idéesforces <strong>du</strong> texte.En effet, selon Vladimir Propp : <strong>«</strong> La notion <strong>de</strong> fonction se définit commel'action d'un personnage <strong>du</strong> point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> sa signification dans le déroulement <strong>de</strong>l'intrigue. Elles représentent dès lors les <strong>par</strong>ties fondamentales <strong>du</strong> récit et permettent <strong>de</strong>


savoir ce que font les personnages et non plus, comme le fait l'explication classique <strong>de</strong>stextes <strong>«</strong> qui fait quoi et comment il le fait <strong>»</strong>.Dans un esprit d'interdisciplinarité, le professeur peut, avec l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> sescollègues d'histoire, <strong>de</strong> sociologie, <strong>de</strong> psychologie, ou d'autres personnes compétentesinviter les élèves à l'analyse symbolique <strong>de</strong>s rôles joués <strong>par</strong> les différents personnages<strong>de</strong>s récits. Les élèves découvriront que chaque personnage symbolise un aspect <strong>de</strong> lasociété traditionnelle africaine (<strong>par</strong> exemple dans le <strong>conte</strong> <strong>«</strong> Samba Seytané <strong>»</strong> on peut ylire l'opposition <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux religions : l'animisme et l'islam incarnés <strong>par</strong> Samba et Amary,etc…)Sur le plan historique, ce récit reprend le thème bien connu <strong>de</strong> <strong>«</strong> l'enfantterrible <strong>»</strong> sur lequel certains sociologues ont fait <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s remarquables. Itinéraire <strong>du</strong>super initié, le <strong>de</strong>mi dieu, qui peut se permettre <strong>de</strong> transgresser tous les interditsfamiliaux (père et mère) et sociaux (roi) ; ceux <strong>de</strong> la brousse (lionne) et ceux <strong>de</strong>s airs(vautour).Mais la société sénégalaise (Ouolof) ne ressent plus le message religieuxinitiatique <strong>de</strong> ce <strong>conte</strong>, et dans le cadre musulman, le <strong>de</strong>mi dieu <strong>de</strong> l'animisme <strong>de</strong>vient lediable, Seytané (Satan) <strong>de</strong> la nouvelle religion. Samba l'incarnation <strong>de</strong> Satan, quitriomphe sans être puni est dès lors incompréhensible. Le <strong>conte</strong>nu initiatique échappe au<strong>conte</strong>ur…Les seules explications que les vieux en donnent sont soit <strong>de</strong> type eschatologiqueoù, <strong>«</strong> même si le mal triomphe sur la terre, Allah triomphera dans l'autre mon<strong>de</strong> <strong>»</strong>, soit<strong>de</strong> type historique : Samba est alors l'un <strong>de</strong>s exemples <strong>de</strong> mauvais roi que notre pays aconnu, comme le sinistre Salomon[6]. Il arrive que <strong>de</strong>s rois <strong>de</strong> ce genre monte sur letrône et c'est alors une calamité pour le peuple.Réinterprétation astucieuse, ce <strong>conte</strong> d'origine malienne aurait donc pris un autre


sens en passant dans la culture sénégalaise (Ouolof).Cependant, d'autres versions <strong>de</strong> ce <strong>conte</strong> proposent un compromis : AmaryDjulit retrouve la vue, les <strong>de</strong>ux frères se réconcilient et vivront désormais ensemble. Onne peut s'empêcher <strong>de</strong> songer à l'interprétation que Bruno Bettelheim[7] donne <strong>du</strong> <strong>conte</strong>européen analogue, où les <strong>de</strong>ux frères opposés symbolisent les tendances antagonistes<strong>de</strong> la même personnalité que l'enfant doit intégrer en grandissant… Mais nous noussommes interdits d'extrapoler <strong>de</strong> l'inconscient européen sur l'africainAnnexe 1 : BibliographieBruno BETTELHEIM - Psychanalyse <strong>de</strong>s <strong>conte</strong>s <strong>de</strong> fée - Edition RobertLaffont, Paris, 1976.Jean CHATEAU - L'enfant et ses conquêtes - Edition Vrin, 1960.Jean Marc GILLIG - Le <strong>conte</strong> en pédagogie - Edition Dunod, Paris, 1997.NEA, 1983.Lilianne KESTELOOT/Chérif MBODJ - Contes et mythes Ouolof - EditionsRené LE SEINE - Le Devoir - éditions PUF, p. 565.O. SUNG - La psychopédagogie <strong>du</strong> <strong>conte</strong> - Editions Nathan, 1965.Annexe 2 : Le <strong>conte</strong>Samba Seytané et Amary Djulit- II était une fois...


- II était ainsi d'habitu<strong>de</strong>.- Lorsqu'il en fut ainsi, c'est toi qui étais présent.- C'est <strong>de</strong> toi que je l'ai appris.- Les nouvelles d'aujourd'hui ne méritent pas trop <strong>de</strong> considération.Un vieil homme avait <strong>de</strong>ux fils nommés Amry Djulit et Samba Seytané. AmaryDjulit ne discutait jamais les ordres <strong>de</strong> son père. L'autre, comme d'ailleurs l'indique sonnom, était plutôt un serviteur <strong>de</strong> Satan, un jeune homme violent et intraitable.Un jour, le père décida <strong>de</strong> <strong>par</strong>tir en voyage avec Amary Djulit. Avant il appelaSamba Seytané et lui dit: <strong>«</strong> Samba, viens, ta mère va bientôt accoucher et moi je dois<strong>par</strong>tir en voyage. L'homme ne peut contrôler à la fois son avant et son arrière. Moi jeserai avec Amary Djulit. Quant ta maman aura accouché, tu tueras le bélier, tu puiserasdans le grenier et ensuite tu inviteras les gens <strong>du</strong> village pour piler le mil ; ainsi tuorganiseras <strong>de</strong>s fêtes en leur honneur. Quand la jument à son tour aura un petit, tuprendras le reste <strong>de</strong> foin, tu le râperas et le lui offriras. En toutes choses, écoute la paix.<strong>»</strong>Samba dit: <strong>«</strong> Père, ce que tu as dit, je le ferai <strong>»</strong>.La jument eut un petit au moment où on la con<strong>du</strong>isait à l'écurie. Samba Seytanéégorgea le bouc, puisa dans le grenier et fit pré<strong>par</strong>er <strong>du</strong> couscous. Pendant le repas, ils'exclama :<strong>«</strong>On n'a jamais vu un cheval se nourrir <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> ! <strong>»</strong> II prit une lance et tua lajument. Puis il se saisit <strong>du</strong> poulain, il posa la selle sur son dos. Le poulain se cabra,Samba dit : <strong>«</strong> Comment ! un cheval grand comme ça, à peine né, qu'il tombe quand je lescelle ! <strong>»</strong> Et <strong>de</strong> le frapper d'un coup <strong>de</strong> lance. Le poulain mourut.


- Sa mère accoucha entre-temps. Il lui apporta les boyaux et les entrailles <strong>du</strong>bouc. Elle dit : <strong>«</strong> Mais, enfant, ton père ne t'a jamais dit cela ! <strong>»</strong>- Ouais ! Il n'y a rien à dire ! Mange !Elle dit : <strong>«</strong> Tu n'as qu'à laisser <strong>»</strong>. Il brandit à nouveau sa lance, il frappa et ellemourut. Le bébé commença à pleurer dans le lit, Samba Seytané s'écria : <strong>«</strong> Tu viensjuste <strong>de</strong> naître et tu te permets <strong>de</strong> jouer au petit malin, espèce <strong>de</strong> malappris ! <strong>»</strong> Et <strong>de</strong> lefrapper d'un coup <strong>de</strong> lance. Il mourut.Au retour <strong>du</strong> père et <strong>de</strong> Amary Djulit, celui-ci dit, connaissant son frère :<strong>«</strong> Père, attends <strong>de</strong>vant la concession. Ma mère pourra ainsi puiser <strong>de</strong> l'eau, tel'offrir, tu boiras, puis nous rentrerons <strong>»</strong>. Lui-même entra dans la <strong>de</strong>meure et dit: <strong>«</strong>Samba Seytané ? <strong>»</strong>- Oui.- Où est la mère ?est morte.- Pourquoi me le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s-tu ? La mère je l'ai frappée d'un coup <strong>de</strong> lance elle- Et la jument ?- Je l'ai tuée.- Alors lève-toi vite, j'en étais sûr !Amary Djulit aimait excessivement son frère. Ils se levèrent. Et <strong>de</strong> courir, <strong>de</strong>courir, <strong>de</strong> courir…Le vieil homme arriva, regarda dans sa maison et ne vit rien.Les <strong>de</strong>ux garçons arrivèrent chez le roi, dans un village nommé Aissa Diagar. Le


village s'ouvrit à eux. II pleuvait. Les gens leur dirent <strong>de</strong> s'arrêter là. La pluie étaitabondante.Samba <strong>de</strong>manda (à son frère) <strong>«</strong> N'as-tu pas froid ? Viens <strong>par</strong> là, moi <strong>par</strong> ici, pourchercher <strong>du</strong> bois <strong>»</strong>.Puis il prit son couteau, coupa les bourses <strong>du</strong> cheval (royal); le cheval s'écroulamort: Keun<strong>de</strong>ung !Bour ?Amary Djulit (assoupi) se réveilla et <strong>de</strong>manda : Samba où est le cheval <strong>du</strong>le bois ! <strong>»</strong>Samba Seytané dit : <strong>«</strong>Ah ! le cheval <strong>de</strong> roi ? Ses bourses réchauffent mieux queIls se levèrent et se mirent à courir jusqu'à épuisement. Les guerriers <strong>du</strong> roiscellèrent leurs chevaux et les poursuivirent jusqu'à l'orée <strong>de</strong> la forêt. Ils dirent : <strong>«</strong> ces<strong>de</strong>ux-là sont téméraires ! <strong>»</strong>Les <strong>de</strong>ux frères rencontrèrent une lionne. Elle leur dit : <strong>«</strong> Pourquoi courez-vous ?- Moi, dit Samba Seytané, ce qui me fait courir, on ne l'a jamais vu : j'ai tué mamère, j'ai tué le cheval <strong>de</strong> mon père, j'ai tué le cheval <strong>du</strong> roi.<strong>»</strong>téméraire. <strong>»</strong>Elle leur dit : <strong>«</strong> Cette brousse m'ap<strong>par</strong>tient… Qui y est et qui y vient estCeux qui les poursuivaient, à la vue <strong>de</strong> la lionne, rebroussèrent chemin, sachantqu'ici, c'était son territoire.Chaque fois que la lionne allait chasser, elle <strong>par</strong>tait avec Amary Djulit, SambaSeytané restait. Cette lionne avait mis au mon<strong>de</strong> trois petits. Quand la mère <strong>par</strong>tait enchasse, les lionceaux s'approchaient <strong>de</strong> Samba, le chatouillaient et le griffaient.


Samba pré<strong>par</strong>a trois couteaux et égorgea les trois petits :- Fiiib ! pour moi - Fiiib ! pour Amary Djulit - Fiiib ! pour la mère qui a enfantéces trois enfants !Tous moururent.Amary Djulit, connaissant son frère, dit : <strong>«</strong> Mère lionne <strong>»</strong>.- Oui ?- Je vais à la maison puiser <strong>de</strong> l'eau et je reviens te l'offrir à boire.Il arriva et dit à Samba : <strong>«</strong> Lève-toi et <strong>par</strong>s ! Nous n'avons pas eu l'occasion <strong>de</strong>mourir, sauf aujourd'hui, à cause <strong>de</strong>s fils <strong>du</strong> lion que tu as tués !aujourd'hui ! <strong>»</strong>Samba dit : <strong>«</strong> Mais toi ! Ces lions-là <strong>de</strong> plus en plus méchants, j'ai eu leur mèreAmary Djulit dit : <strong>«</strong> lève-toi et <strong>par</strong>tons <strong>»</strong>.en chasse.Ils se levèrent et coururent, coururent, coururent, tandis que la lionne les prenaitAu moment où elle allait leur arracher la main, un aigle les trouva là et fourrrr !les enleva jusqu'au faîte d'un rônier d'une hauteur telle qu'en se penchant on ne voyaitmême pas la lionne couchée en bas, et qui fatiguée, s'en alla au bout <strong>de</strong> trois jours.L'aigle lui aussi, lorsqu'il <strong>par</strong>tait chasser, laissait sur le rônier Amary Djulit etSamba Seytané.A son retour il leur donnait leur <strong>par</strong>t.Samba dit: <strong>«</strong>Amary Djulit, accueillir <strong>de</strong>s gens ne signifie pas qu'on puisse leurmanquer <strong>de</strong> respect. Ton aigle-là, quand il fait sa prière, il exhibe son cul rouge. S'il le


fait <strong>de</strong>main, je l'enfile !Amary dit: <strong>«</strong> L'enfiler ! Jamais nous ne sommes morts, si ce n'est aujourd'hui ! <strong>»</strong>- <strong>«</strong> En tout cas je l'enfilerai, tu peux le lui dire. <strong>»</strong>Ils passèrent la journée, le soir arriva, ils dormirent jusqu'au matin. L'aigle seréveilla et battit <strong>de</strong>s ailes. Samba se réveilla, prit un bâton caché dans sa culotte et leplanta dans le cul <strong>de</strong> l'aigle. L'aigle se saisit <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux frères, s'envola, les laissa choir, ets'enfuit.Tous les <strong>de</strong>ux moururent. Ils restèrent ainsi trois jours. Un lièvre qui sepromenait arriva sur les lieux. Or ce lièvre possédait une baguette magique. Celle-ciréveille celui qu'elle touche. Le lièvre commença <strong>par</strong> Amary Djulit, le frappa <strong>de</strong> labaguette. Amary éternua : <strong>«</strong> Tissooo ! Al ham<strong>du</strong>lilay rabil alaamina <strong>»</strong>. Le lièvre sedirigea vers Samba Seytané, Amary Djulit lui dit : <strong>«</strong> Non attends, si tu le ressuscites il tetuera ! <strong>»</strong>Le lièvre dit : <strong>«</strong> Pourquoi le noir est-il méchant envers son prochain ? J'arrive, jevous trouve mort, je te ressuscite je veux ressusciter ton compagnon, et tu me dis qu'ilme tuera ! <strong>»</strong>Amary lui dit : <strong>«</strong>Alors vas-y ! <strong>»</strong>Alors le lièvre frappa Samba <strong>de</strong> sa baguette. Samba éternua : Tissooo ! Il bonditsur la baguette, les <strong>de</strong>ux autres ne bougèrent pas.Samba Seytané dit : <strong>«</strong> Moi j'ai faim, et celui-là je vais le manger ! <strong>»</strong> AmaryDjulit répondit : <strong>«</strong> Hey ! ne le fais pas !- Samba dit : <strong>«</strong> Ne fais pas quoi ? Lui, si je ne le mange pas, c'est toi qui leremplaceras ! <strong>»</strong>


Ils <strong>par</strong>tirent avec le lièvre, pénétrèrent dans la brousse et cassèrent <strong>du</strong> bois mort :Tel ! Tel ! Tel !Amary dit au lièvre : <strong>«</strong> Je te l'avais dit, passe <strong>par</strong> là et cours, si Samba vient,nous nous tuerons s'il le faut. <strong>»</strong>Or, Le chemin qu'il prit était celui où marchait Samba Seytané.Que lui fit-il, Samba ? Il saisit compère lièvre, l'égorgea, le fit cuire, en offrit àAmary qui refusa. Il commença alors à manger, il attrapa <strong>de</strong>s maux <strong>de</strong> ventre et se mit àcrier : <strong>«</strong>Je vais mourir rek ! <strong>»</strong> Un vieux qui passait <strong>par</strong> là dit : <strong>«</strong> Mais ! Pourquoi est-tucouché là ! <strong>»</strong> Il répondit : <strong>«</strong>Sérigne, j'ai mangé <strong>de</strong> la vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> lièvre <strong>»</strong>.Le vieux dit : <strong>«</strong> Il faut absorber quelque chose <strong>de</strong> noir et tu guériras. <strong>»</strong>. Il avait àpeine <strong>par</strong>lé que Samba le saisit et dit: <strong>«</strong> Personne n'est plus noir que toi ! <strong>»</strong>Il le prit, le tua, le mangea et guérit.Les <strong>de</strong>ux frères décidèrent <strong>de</strong> rentrer chez eux. Leur village était éloigné. Un <strong>de</strong>schemins qui y menait, si tu l'empruntes, tu y trouves bon repas et belles femmes. Al'arrivée tu <strong>de</strong>viens roi mais aveugle.L'autre chemin si tu y passes, tu <strong>de</strong>vras te battre en maints combats et lutterjusqu'à l'arrivée où tu <strong>de</strong>viens roi.Amary Djulit dit : En tout cas j'irai <strong>par</strong> la voie la plus pacifique, s'il le faut je<strong>de</strong>viendrai aveugle. <strong>»</strong>Samba Seytané dit: <strong>«</strong> Tchim ! en tout cas moi, je prends la voie <strong>du</strong> carnage, jepasserai <strong>par</strong> là pour frapper. Je ne sais si je mourrai aujourd'hui ou <strong>de</strong>main. <strong>»</strong>région.Il prit donc la route, se battit et se battit jusqu'à son arrivée : il <strong>de</strong>vint roi <strong>de</strong> la


Amary Djulit prit le chemin <strong>de</strong>s plaisirs, <strong>de</strong>vint roi, marabout, eut ce qu'ilsouhaitait, à l'arrivée il <strong>de</strong>vint aveugle.Samba Seytané était dans son royaume et gouvernait beaucoup <strong>de</strong> gens. Amaryétait aveugle et mendiait.Il arriva au village <strong>de</strong> Samba et il mendia au nom <strong>de</strong> Dieu. Samba reconnut lavoix <strong>de</strong> son frère et envoya quelqu'un comme Meysa Diagne vers notre aveugle, pours'informer.Il revint et dit au roi: <strong>«</strong> Cet aveugle-là te ressemble beaucoup ! Mais les yeuxque j'ai vus ne sont pas aveugles. <strong>»</strong>Samba dit à ces gens : <strong>«</strong> Allez me le chercher <strong>»</strong>.Ils l'appelèrent ; il lui offrit à dîner et ensuite <strong>de</strong> quoi dormir.Le len<strong>de</strong>main le roi fit rassembler et lier (en chicotte) <strong>de</strong>s fibres <strong>de</strong> tamarinier. Ilprit une aiguille et la planta dans la chambre où se trouvait l'aveugle. Il prit une autreaiguille et la planta dans l'arbre au centre <strong>du</strong> Pintch. Il appela sept esclaves et leur donnaà chacun une chicotte en leur disant: <strong>«</strong> Si elle se casse, vous en prendrez une autre. <strong>»</strong>Ils s'acharnèrent sur l'aveugle.- Aveugle m'as-tu vu ?- Aveugle qu'as-tu vu ?Amary dit : <strong>«</strong> En tout cas j'ai vu une aiguille plantée dans la chambre. <strong>»</strong>- Ils lui <strong>de</strong>mandèrent encore :Amary dit : <strong>«</strong> J'ai vu une aiguille plantée à la porte <strong>du</strong> village. <strong>»</strong>- Ils <strong>de</strong>mandèrent encore :


- Aveugle qu'as-tu vu ?Il répondit: <strong>«</strong> J'ai vu <strong>de</strong>s chameaux <strong>de</strong> Mauritanie... <strong>»</strong><strong>par</strong>adis.C'est là que le <strong>conte</strong> tombe dans la mer, le nez <strong>de</strong> celui qui l'aura respiré, ira auMor Talla Dialloest maître <strong>de</strong> conférence en Sciences <strong>de</strong> l'_E<strong>du</strong>cation à l'_ESP, université CheikhAnta Diop <strong>de</strong> Dakar.Contact : [1] Sur les mots Ouolof et Tiédo voir notes (2) et (3).[2] Le <strong>«</strong> Ouolof <strong>»</strong> est une ethnie qui représente 50 % <strong>de</strong> la population sénégalaise. Leur langue est <strong>par</strong>lée<strong>par</strong> plus <strong>de</strong> 90 % <strong>de</strong> la population.[3] <strong>«</strong> Tièdo <strong>»</strong> : guerrier (combattant <strong>du</strong> Sénégal <strong>du</strong> XIX e siècle qui lutta farouchement contre l'occupationFrançaise (la colonisation au Sénégal.[4] Jean Château : L'enfant et ses conquêtes, Editions Vrin, 1960, P. 167.[5] René Le Seine : Le <strong>de</strong>voir, éditions PUF : p. 565.[6] Salomon Faye était le roi très sanguinaire <strong>du</strong> Sine (région <strong>du</strong> centre <strong>du</strong> Sénégal) au XIX e siècle.[7] Bruno BETTELHEIM Psychanalyse <strong>de</strong>s <strong>conte</strong>s fée - Editions Robert Laffont- Paris 1976.

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