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linguistique fonctionnelle et enseignement du français - Lara

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Dans la même collectionL'<strong>enseignement</strong> <strong>du</strong> français à l'école élémentaire - Essais <strong>et</strong>confrontation - 1970 - 2344.L'<strong>enseignement</strong> <strong>du</strong> français au cycle élémentaire - Aspect <strong>linguistique</strong>- 1971 - 2346.L'<strong>enseignement</strong> <strong>du</strong> français à l'école élémentaire - Principes del'expérience en cours - 1971 - 2347.L'<strong>enseignement</strong> <strong>du</strong> français à l'école élémentaire - Plan de rénovation- Hypothèses d'action pédagogique - 1973 - 2361.Langage : Langue parlée, langue écrite <strong>et</strong> créativité à l'école maternelle(unité de recherche pré-élémentaire) - 1974 - 2365.L'<strong>enseignement</strong> programmé en latin <strong>et</strong> grammaire française -1968 - 2332.Recherches dans l'<strong>enseignement</strong> <strong>du</strong> français au second degré -1971 - 2343.Recherches dans l'<strong>enseignement</strong> <strong>du</strong> français au second degré -Grammaire, expression, méthodes - 1971 - 2349.Linguistique <strong>et</strong> <strong>enseignement</strong> <strong>du</strong> français - Recherches au niveau<strong>du</strong> premier cycle (1969-1970 - 1970-1971) - 1972 - 2352.Linguistique <strong>fonctionnelle</strong> <strong>et</strong> <strong>enseignement</strong> <strong>du</strong> français - 1973 -2357.Pour références bibliographiques :Recherches en grammaire <strong>et</strong> <strong>linguistique</strong> appliquée. Epuisé.La lecture chez les jeunes <strong>et</strong> les bibliothèques dans l'<strong>enseignement</strong><strong>du</strong> second degré. Epuisé.Document de rechercheà l'usage des établissementschargés d'expérimentationTous droits réservés


SOMMAIREPages1. Fondements théoriques <strong>et</strong> hypothèses <strong>du</strong> groupe 5MORTEZA MAHMOUDIAN2. La coordination 13LUCILE BAUDRILLARD3. L'énoncé minimum. Remarques théoriques <strong>et</strong> implications pourl'<strong>enseignement</strong> 25MARYSE MAHMOUDIAN-RENARD4. L'<strong>enseignement</strong> de la grammaire à l'école élémentaire. Remarquespédagogiques à partir des conclusions de la recherche surla conscience de la structure de la phrase 41DENISE GUILLAUME5. L'énoncé minimum. Essai d'applications pédagogiques en classesde 6 e <strong>et</strong> 5 e 49GLORIA CURE <strong>et</strong> IRENE PROCHASSON6. Le suj<strong>et</strong>. Les critères grammaticaux suffisent-ils à reconnaîtreles fonctions syntaxiques ? 59Y. BERGER, M.-T. BIDJECK, A. CAUCHOIS, G. FORGET,G. MARCAND, MARCETEAU, M. PANSANEL7. Le maniement des procédés de subordination chez les enfants 75CAROLINE PERETZ <strong>et</strong> CATHERINE THIBAUD8. Les relatifs 111B. JULIA, D. MORSLY9. Modalités verbales : syntaxe <strong>et</strong> sémantique. Recherches dans lepremier Cycle 117LUCILE BAUDRILLARD10. Futur périphrastique - futur - conditionnel . . . 137ANNE MAZZOLINI - GERMAINE HALBWACHS


Pages11. Pré-enquête syntaxique sur ordinateur. Quelques résultats .... 143RÉMI JOLIVET12. A propos de la norme. Remarques sur l'emploi des participesen apposition 155MARYSE MAHMOUDIAN-RENARD <strong>et</strong> DENISE TESSIER13. Contribution de l'étude de l'agrammatisme des aphasiques à lamise au point d'une progression grammaticale 163JEAN-LUC NESPOULOUS14. Repérage d'un segment 171ROGER BEDUE15. Problèmes d'orthographe. Dans quelles conditions peut-on rationaliserl'<strong>enseignement</strong> de l'orthographe ? 181MORTEZA MAHMOUDIAN16. Préalables à une étude en vue de l'établissement d'une progressiondans l'<strong>enseignement</strong> <strong>du</strong> code graphique 189ANNE MAZZOLINI17. Remarques sur Le code orthographique <strong>et</strong> grammatical de RenéThimonnier 195LUCILE BAUDRILLARD


FONDEMENTS THÉORIQUESET HYPOTHÈSES DU GROUPEMORTEZA MAHMOUDIANUNIVERSITE DE LAUSANNE


La pertinence des études <strong>et</strong> recherches <strong>linguistique</strong>spour la pédagogie de la langue maternelle est choseacquise. Il semble difficile que l'<strong>enseignement</strong>de français puisse désormais se passer — dans saconception comme dans sa pratique — des principes<strong>et</strong> méthodes <strong>linguistique</strong>s. Pour enseigner, il fautconnaître — cela va sans dire — la matière enseignée,sa structure, ses éléments constitutifs ; il fautsavoir aussi ce qui est acquis par la populationenseignée, <strong>et</strong> qui peut servir de point de départ, <strong>et</strong>c.La <strong>linguistique</strong>, science <strong>du</strong> langage, peut <strong>et</strong> doitcontribuer à apporter une réponse à ces questions.Malheureusement, les textes <strong>linguistique</strong>s ne sontpas toujours faciles d'accès. Il y a d'abord un appareilterminologique ; mais cela est la rançon inévitablede toute étude rigoureuse. A cela s'ajoutentla variété des conceptions de ¡la science <strong>du</strong> langage,<strong>et</strong> la diversité des écoles <strong>linguistique</strong>s ; ce qui pourraitfaire croire que les différentes théories <strong>linguistique</strong>sn'ont rien en commun. En fait, celles-ci ontbien plus de points communs que ne le laissentpercevoir la diversité terminologique <strong>et</strong> les discussionspolémiques. Il ne s'agit pas de prêcher unœcuménisme naïf, par trop optimiste ! Notre intentionest de dégager la base commune des théoriesdiverses, pour mieux situer leurs différences, <strong>et</strong>ramener ces différences à leurs réelles dimensions.Nous orientons notre discussion vers trois thèmesfondamentaux : 1) la conception de la science <strong>du</strong>langage ; 2) le système <strong>et</strong> son utilisation ; <strong>et</strong> 3) expression<strong>et</strong> contenu. Et c'est par l'examen de cesthèmes que nous essaierons de m<strong>et</strong>tre en évidenceles traits communs aux théories <strong>linguistique</strong>s, <strong>et</strong> demesurer la portée de leurs différences.I. TRAITS COMMUNSAUX THEORIES LINGUISTIQUES1. La conception de la science <strong>du</strong> langageLa <strong>linguistique</strong>, comme toute discipline scientifique,est soumise à des conditions, doit satisfaire à certainesexigences. Tout d'abord, l'observation pure<strong>et</strong> simple ne se confond pas avec l'étude scientifique.On ne peut pas faire œuvre scientifique en procédantpar in<strong>du</strong>ction à partir de l'observation des donnéesempiriques. L'observation <strong>du</strong> lever <strong>et</strong> <strong>du</strong> coucher <strong>du</strong>soleil ne nous con<strong>du</strong>it pas nécessairement à connaîtreles mécanismes qui sont à la base <strong>du</strong> mouvement desplanètes.La dé<strong>du</strong>ction est un élément indispensable de touttravail scientifique. C'est dire que pour connaître laréalité <strong>du</strong> langage, le linguiste doit se munir d'hypothèsessur l'obj<strong>et</strong> de son étude. Ces hypothèses sontobtenues par la consultation de données observées,<strong>et</strong> doivent être applicables à d'autres données, nonobservées jusque-là. C'est dans sa confrontation avecl'empirique que l'hypothèse est confirmée, remaniéeou infirmée. En ce sens, on peut dire que la <strong>linguistique</strong>est une science empirico-de<strong>du</strong>ctive. Et c'est encela que la <strong>linguistique</strong> se distingue des disciplinesmathématiques, qui elles, n'ont pas d'obj<strong>et</strong> empirique,<strong>et</strong> dont la validité dépend de leur cohérence<strong>et</strong> de leur simplicité.Ce principe est communément admis par les linguistes,mais ce qui les divise, c'est la part quirevient de droit à l'empirique <strong>et</strong> au dé<strong>du</strong>ctif dansla recherche <strong>linguistique</strong>, leur importance respectivedans l'élaboration théorique.2. Le système <strong>et</strong> son utilisationLa <strong>linguistique</strong> considère toute langue comme unsystème (ou une structure). Reconnaître un caractèresystématique aux langues, ce n'est pas seulementadm<strong>et</strong>tre que les énoncés <strong>linguistique</strong>s ne sont pasdes touts indivis, mais des suites d'unités dontl'assemblage est soumis à des régularités. C'est aussi<strong>et</strong> surtout adm<strong>et</strong>tre que les unités <strong>linguistique</strong>s nesont pas des entités définissables par leurs seulespropriétés physiques, <strong>et</strong> que pour les caractériser,il faut les placer dans le cadre <strong>du</strong> système dont ellesfont partie, tenir compte des relations qu'elles entr<strong>et</strong>iennentavec les autres unités <strong>du</strong> même système.Par conséquent, les unités <strong>linguistique</strong>s sont abstraitescomme l'est le système qu'elles forment. Abstraites,les unités ne se confondent pas avec leursmanifestations concrètes, qui se réalisent à chaquefois de façon différente sans pour autant changerl'identité de l'unité. De même, le système abstraitse distingue de l'utilisation qui en est faite. L'unanimitéest faite pour ce qui est de c<strong>et</strong>te <strong>du</strong>alité, quelsque soient les termes employés : langue/parole,structure/usage, pertinent/non pertinent ou compétence/performance.Mais, quel est le rapport entrele phénomène <strong>linguistique</strong> abstrait <strong>et</strong> sa réalisationconcrète ? Les diverses écoles ne répondent pas dela même façon à c<strong>et</strong>te question.7


3. Expression <strong>et</strong> contenuLe fait <strong>linguistique</strong> ne se limite pas à la suite phoniqueémise par le locuteur <strong>et</strong> perçue par son auditeur.A c<strong>et</strong>te suite de sons est associé un sens quicorrespond à l'intention <strong>du</strong> locuteur <strong>et</strong> à ce qu'enperçoit l'interlocuteur. C<strong>et</strong>te double face des phénomènes<strong>linguistique</strong>s est admise par les linguistes d<strong>et</strong>ous bords, bien que désignés différemment : signifiant/signifié,expression (phonique)/contenu (sémantique)ou son/sens. On adm<strong>et</strong> communémentaussi qu'il n'est possible de comprendre la structured'une langue <strong>et</strong> les mécanismes de la communication<strong>linguistique</strong> que si l'on tient pleinement compte desfaces signifiante <strong>et</strong> signifiée. Mais, étant donné lacomplexité des relations entre signifiant <strong>et</strong> signifié,il arrive souvent qu'entre les deux faces <strong>du</strong> signe secrée un décalage. Quelle place accorder alors auxcritères provenant de l'un ou l'autre plan ? L'un desdébats actuels en <strong>linguistique</strong> est centrée autour dece problème.II.POINTS DE DIVERGENCE1. L'empirique <strong>et</strong> le dé<strong>du</strong>ctifLe problème <strong>du</strong> rapport entre empirique <strong>et</strong> dé<strong>du</strong>ctifa suscité beaucoup de discussions vers les années 30-40. Certains linguistes concevaient un rapport dialectiqueentre les deux éléments, alors que d'autres— dont Hjelmslev <strong>et</strong> certains structuralistes américains— accordaient la primauté au dé<strong>du</strong>ctif surl'empirique. La thèse de Hjelmslev à c<strong>et</strong> égard estbien caractéristique ; il soutient que la théorie <strong>linguistique</strong>ne peut être que de<strong>du</strong>ctive. Ainsi conçue,la théorie sera indépendante de la réalité, l'examende la théorie devant reposer sur des critères internes: cohérence, exhaustivité, simplicité. Aucunedonnée empirique ne pourra donc infirmer la théorie.Tout au plus, on pourra remarquer qu'une théorie,bien que correcte en soi, ne trouve aucune applicationau réel.On voit les inconvénients d'une telle attitude, <strong>et</strong> c'estsans doute là l'une des raisons de l'échec de la théorieglossématique de Hjelmslev.La plupart des linguistes adoptent la thèse de rapportsdialectiques entre l'hypothèse <strong>du</strong> chercheur <strong>et</strong>les données empiriques. Cependant, les conséquencesn'en ressortent pas de façon évidente pour la pratique<strong>linguistique</strong> ; c'est que les relations entrehypothèses <strong>et</strong> données ne sont pas simples. Enoutre, il ne suffit pas de se réclamer d'une attitudeépistémologique pour s'y conformer de façon conséquente; des hésitations peuvent se manifester, descontradictions peuvent apparaître. C'est souvent lecas dans la théorie transformationnelle. Ainsi, dansses considérations théoriques Chomsky affirme lanécessité de la confrontation des hypothèses avecles données empiriques. Mais dans la pratique, biende ses thèses sont fondées sur la prévalence <strong>du</strong>dé<strong>du</strong>ctif sur l'empirique. Recourir à des critèresinternes (comme simplicité, généralité) pour r<strong>et</strong>enirou rej<strong>et</strong>er les faits comme <strong>linguistique</strong>s sans se soucierde savoir s'ils sont confirmés ou infirmés parles données empiriques, c'est considérer la théorieindépendante de la réalité empirique. C'est bien ceque fait Chomsky quand il suppose que la compréhensiondes phrases passe par des opérations transformationnelles; l'argument prend appui sur lasimplicité qu'entraînerait l'intro<strong>du</strong>ction d'un niveautransformationnel dans la description <strong>linguistique</strong>.C'est aussi au nom de la simplicité de descriptionque les transformationnistes rej<strong>et</strong>tent le phonème, enle considérant comme une fiction <strong>du</strong> descripteur(même si l'existence <strong>du</strong> phonème peut être confirméepar l'examen de l'intuition des suj<strong>et</strong>s parlants).Si la théorie <strong>linguistique</strong> se veut réellement uneexplication des langues telles qu'elles sont parlées, ilfaut que le va-<strong>et</strong>-vient soit assuré entre l'hypothèse<strong>et</strong> l'observable ; il faut chercher une (ou un ensemblede) procé<strong>du</strong>re(s) perm<strong>et</strong>tant la confrontation deshypothèses aux données empiriques.2. Comment dégager le système ?S'il est vrai que le but de la recherche <strong>linguistique</strong>est d'atteindre le système (<strong>et</strong> non d'énumérer lesmanifestations occasionnelles qu'il nous est donnéd'observer), il faut s'intéresser sérieusement à ladémarche qui nous perm<strong>et</strong> d'y accéder. C'est dans cecadre que le problème <strong>du</strong> rapport entre système <strong>et</strong>usage prend sa pleine valeur. Deux réponses ont étéproposées à c<strong>et</strong>te question. Les uns pensent que ladécouverte <strong>du</strong> système passe nécessairement parl'observation des usages concr<strong>et</strong>s qui en sont faits.Les autres conçoivent le système indépendant de sonutilisation. C<strong>et</strong>te dernière réponse correspond à laconception de la plupart des tenants de l'oppositionlangue/parole ou compétence/performance. Ainsi,Chomsky considère que la compétence ne dépend8


a) ni de l'acceptation ou <strong>du</strong> rej<strong>et</strong> d'un phénomène(une phrase, p. ex.) par le suj<strong>et</strong> parlant, b) ni de lacompréhension d'une phrase par le suj<strong>et</strong>, c) ni dela fréquence de l'emploi de c<strong>et</strong>te phrase. C<strong>et</strong>te façonde voir fait de la compétence un concept purementhypothétique, issu de l'idée que se fait de la languele descripteur. Aucune donnée provenant de l'intuition<strong>du</strong> suj<strong>et</strong> parlant ne peut ni la confirmer nil'infirmer. En ce cas, quelle raison a-t-on de croireque c<strong>et</strong>te supposée compétence correspondra au systèmeintériorisé <strong>du</strong> suj<strong>et</strong>, à l'ensemble des règlesqui sous-tendent l'émission <strong>et</strong> la perception desphrases ? Au contraire, c<strong>et</strong>te séparation entre système<strong>et</strong> usage risque d'ôter toute réalité mentale àí'obj<strong>et</strong> qu'étudie le linguiste. (Certes, tous les textestransformationnistes n'adoptent pas une position sitranchée à l'égard de la distinction compétence/performance.Même dans les textes de Chomsky — despremiers aux plus récents — on trouve des passagesaffirmant la pertinence de la performance dansl'étude de la compétence. Mais c'est c<strong>et</strong>te thèse stricteque nous examinons ici).Il est évident qu'une étude objective de la languedoit partir de l'observation de l'usage <strong>et</strong> de l'intuition; <strong>et</strong> ce n'est qu'en procédant ainsi que l'on peutatteindre le système sous-jacent. En suivant c<strong>et</strong>tevoie pour rechercher le système <strong>linguistique</strong>, on soulèvecertains problèmes ; il nous semble qu'on doitles affronter si c'est ce qu'exige une description adéquatedes faits <strong>linguistique</strong>s. Nous y reviendrons ;cf. III.l.3. Rôle <strong>du</strong> signifié en syntaxeL'époque semble révolue où la <strong>linguistique</strong> américaine— dans sa majorité — se méfiait <strong>du</strong> sens, <strong>et</strong>cherchait des moyens pour éviter à tout prix derecourir aux faits sémantiques dans l'étude syntaxique.La <strong>linguistique</strong> européenne ne s'est jamaisdésintéressée de la sémantique ; elle a toujoursadmis le recours au sens, tant en théorie que danssa pratique. S'il y a consensus pour reconnaître auxcritères sémantiques droit de cité dans la descriptionde la syntaxe, il reste un problème importantauquel on ne peut encore apporter une solutionsatisfaisante : « Où se situe la limite entre syntaxe<strong>et</strong> sémantique ? ». Le débat qui oppose Chomskyaux tenants de la sémantique generative est essentiellementcentré sur ce problème. Quelque importantque soit ce problème au niveau théorique, ilne présente qu'un intérêt limité sur le plan pratique.Nous n'en aborderons donc pas la discussion, nouscontentant de remarquer que dans les zones limitrophesentre syntaxe <strong>et</strong> sémantique se présententdes phénomènes dont on doit rendre compte dans uneétude <strong>linguistique</strong> même si celle-ci ne vise pas untraitement quelque peu détaillé de la sémantique.C<strong>et</strong>te discussion sur les traits communs <strong>et</strong> les pointsde divergence des théories <strong>linguistique</strong>s est volontairementbrève : nous avons cherché à éviter un<strong>et</strong>erminologie trop spécialisée, des détails trop techniques.D'aucuns la trouveront trop allusive. Elle nousa paru cependant nécessaire, ne serait-ce que pourpréciser nos options théoriques.III. PRINCIPES A LA BASEDE NOTRE RECHERCHENous avons dit plus haut — cf. IL 2 — que la recherched'un système <strong>linguistique</strong> se heurte à desdifficultés quand on fait entrer en ligne de compteles données empiriques.Si l'intercompréhension est possible c'est que son <strong>et</strong>sens sont associés, <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te association est vraie nonseulement pour le locuteur mais aussi pour l'interlocuteur.Mais l'observation prouve que le système est variable: une même suite phonique n'a pas nécessairementle même sens pour tous les membres d'unecommunauté. Dès lors, le problème est qu'on doitrécuser la constance <strong>et</strong> l'homogénéité <strong>du</strong> système.1. Hétérogénéitédes phénomènes <strong>linguistique</strong>sQuelques exemples pourront illustrer l'hétérogénéité<strong>du</strong> système <strong>linguistique</strong> à tous les niveaux. Au niveauphonologique, l'homogénéité <strong>du</strong> système impliqueraitque tout le monde ait le même nombre dephonème (dans son répertoire d'unités), <strong>et</strong> que toutle monde reconnaisse un signifiant déterminé composédes mêmes unités phoniques. Or, il y a desfrancophones qui n'ont qu'un phonème /e/ là oùd'autres en ont deux distincts : /é/ <strong>et</strong> /è/. De même,9


le signifiant de « pain » est composé de trois phonèmes/peN/ pour les méridionaux, mais deux /pë/pour les non méridionaux. En morphologie, on remarquerapour d'autres auraient été trop émus,l'existence des variantes : /dotrzorèt<strong>et</strong>étrôpemy/,/dótrore<strong>et</strong><strong>et</strong>roemy/, <strong>et</strong>c. Au niveau syntaxique, lesvariations sont aussi, sinon plus évidentes. Unemême combinaison de monèmes peut être considéréecomme possible par certains suj<strong>et</strong>s parlants, alorsque d'autres la rej<strong>et</strong>tent. Le signifié d'une phrasen'est pas toujours le même pour tous. On en trouvede nombreux exemples dans les études syntaxiquesqui suivent.Cela paraît être une contradiction ; puisqu'on affirmed'une part l'existence d'un système dans la languequi perm<strong>et</strong> la communication, <strong>et</strong> on constate d'autrepart que ce système est variable. On ne peut certesen conclure à l'impossibilité de la communication ;ce serait absurde. Force nous est donc d'adm<strong>et</strong>trequ'inhérentes à tout système <strong>linguistique</strong>, existentdes latitudes de variations, <strong>et</strong> que dans ces limites,les variétés ne gênent guère l'intercompréhension.En d'autres termes, les variations <strong>du</strong> système sont,elles aussi, structurées.2. Deux ordres de données <strong>linguistique</strong>sAvant d'examiner la structure des variations, ilconvient de préciser certains points sur la nature desdonnées <strong>linguistique</strong>s. On part <strong>du</strong> principe que toutfait de langue a une réalité mentale ainsi qu'uneréalité sociale. Pour qu'une hypothèse <strong>linguistique</strong>soit vérifiée, il faut qu'elle soit conforme aux donnéestant indivi<strong>du</strong>elles que sociales. Ces données sontde deux ordres : ce que dit (ou comprend) le suj<strong>et</strong>parlant, <strong>et</strong> ce qu'il croit savoir à propos de ce qu'ildit. En général, on les désigne respectivement parcorpus <strong>et</strong> intuition (<strong>du</strong> suj<strong>et</strong> parlant).Longtemps certains milieux <strong>linguistique</strong>s ont centréleur attention sur le corpus ; ils hésitaient à recourirà l'intuition, ou imposaient de fortes restrictions àce recours. La raison de c<strong>et</strong>te hésitation était lesvariations • <strong>et</strong> fluctuations des réactions intuitives.Ainsi, des linguistes ont voulu restreindre le rôlede l'intuition à ceci : le suj<strong>et</strong> doit dire si deux phénomènesx <strong>et</strong> y sont possibles dans sa langue, <strong>et</strong> s'ilssont identiques. Le bien fondé de ces restrictionssemble fort douteux. Pourquoi ne pas prêter foi auxdires <strong>du</strong> suj<strong>et</strong> qui reconnaît telle différence sémantiqueentre deux phrases ou deux syntagmes ? Cesrestrictions ne semblent pas utiles non plus : ellesne suppriment pas la variété des données <strong>linguistique</strong>s.Si l'on adm<strong>et</strong> la variété comme une caractéristiqueinhérente au système liguistique, on peut considérertoutes les variations <strong>et</strong> fluctuations comme autantd'indices sur la structure. Corpus <strong>et</strong> intuition, loind'être contradictoires, seront complémentaires l'un del'autre.3. Structure des variationsQuand on soum<strong>et</strong> des phénomènes <strong>linguistique</strong>s aujugement des suj<strong>et</strong>s parlants, on constate des différencesnotables dans leurs réactions intuitives. Enface de certains phénomènes <strong>linguistique</strong>s, un suj<strong>et</strong>parlant montre une intuition sûre, sans hésitation,alors que pour d'autres faits, il reste indécis, hésiteavant de répondre, ou ne sait comment répondre.C'est que tous les phénomènes <strong>linguistique</strong>s n'ontpas le même statut dans l'intuition <strong>du</strong> suj<strong>et</strong> parlant.Deux pôles opposés peuvent être distingués de cepoint de vue : d'une part la zone de certitude <strong>et</strong> del'autre la zone d'indécision.Par ailleurs, si l'on recourt à l'intuition d'un groupede locuteurs, on observe que les réactions ne convergentpas toujours. Mais on remarque aussi que lesdivergences de jugement n'affectent pas de façonégale toutes les zones de structures <strong>linguistique</strong>s.On peut ainsi distinguer deux extrêmes : la zone deconvergence (où les suj<strong>et</strong>s parlants sont d'accordspour adm<strong>et</strong>tre certaines combinaisons ainsi que pouren rej<strong>et</strong>er d'autres) <strong>et</strong> la zone de divergence où lesuns acceptent un scheme syntaxique alors que d'autresle refusent.C<strong>et</strong>te double dichotomie perm<strong>et</strong> d'établir une hiérarchieparmi les données <strong>linguistique</strong>s. Il est évidentque là où l'intuition indivi<strong>du</strong>elle est certaine <strong>et</strong> lesréactions sociales convergent, les faits <strong>linguistique</strong>ssont fortement structurés ; c'est une zone centrale.Ainsi des phrases comme c<strong>et</strong>te maison est blanche.Par contre, on doit considérer comme marginale lazone où l'intuition indivi<strong>du</strong>elle est incertaine <strong>et</strong> oùles réactions sociales divergent. C'est le cas de l'emploides « surcomposés », par exemple. Il est raisonnablede penser que les phénomènes de la zonecentrale ont une fréquence élevée dans le' discours.C'est en ce sens que l'étude d'un corpus représentatifest complémentaire de l'enquête fondée surl'intuition <strong>du</strong> locuteur. La distinction entre une zone10


centrale <strong>et</strong> une zone marginale n'est possible que surune population déterminée. Et on obtient des résultatsdifférents selon la population enquêtée.4. Implications pédagogiquesDans la mesure où le but de l'<strong>enseignement</strong> <strong>du</strong>français est d'assurer une maîtrise plus grande dela langue <strong>et</strong> une réflexion sur la structure <strong>linguistique</strong>,il est indispensable de connaître ce qu'estl'usage réel de la population enseignée. Ce, pour unedouble raison. D'abord parce qu'une délimitationraisonnable de la matière à enseigner part de ce quiest acquis pour intro<strong>du</strong>ire ce qui reste à acquérir.Ensuite, il est certain que pour amener l'élève àréfléchir sur sa langue, il faut que c<strong>et</strong>te réflexionsoit orientée vers les matériaux <strong>linguistique</strong>s qu'ilmanie sans difficulté. Le cadre ci-dessus perm<strong>et</strong> dedégager les traits structuraux communs au systèmede l'enfant <strong>et</strong> à celui de l'a<strong>du</strong>lte ainsi que les spécificitésde chacun d'eux. Il perm<strong>et</strong> aussi de cerner deprès la moyenne des usages a<strong>du</strong>ltes, ce qui constituele premier objectif à atteindre par l'<strong>enseignement</strong>.Et c<strong>et</strong> objectif reste libre de tout arbitraire, tant decelui des autorités que des descripteurs.Dans les remarques qui précèdent, nous avons essayéde démontrer que la conception systématique <strong>du</strong>langage n'exclue pas les variations de ce système.Ainsi conçue, une langue n'a pas une structurehomogène <strong>et</strong> constante dans toute la communauté,mais une organisation plus complexe où les variétéstrouvent leur place. C'est l'existence de ces variétésqui rend nécessaire l'action pédagogique dans ledomaine de la langue maternelle (1).***(1) Pour une discussion plus détaillée de ces problèmesavec indications bibliographiques, cf. MAHMOUDIAN <strong>et</strong>al., Pour enseigner le français, Présentation <strong>fonctionnelle</strong>de la langue, P.U.F., 1976.11


REMARQUESSUR LA COORDINATIONLUCILE BAUDRILLARDC.E.S. MONTESQUIEU, VITRY-SUR-SEINE


L'étude des procédés de subordination occupe uneplace de choix aussi bien dans l'<strong>enseignement</strong> dela grammaire — « traditionnelle » ou « nouvelle » —que dans la recherche pédagogique. Quelle part estfaite à l'étude des procédés de coordination dansl'<strong>enseignement</strong> ? Quelles sont les définitions r<strong>et</strong>enues,le but de l'étude de la coordination ?I. LA COORDINATIONDANS LES GRAMMAIRES SCOLAIRESDans la plupart des collections, la coordination n'estguère abordée avant la 4 e . L'étude en est souventrapide, comme si c'était là le préalable à une étudeexhaustive de la subordination.1. Problèmes de définition (1)Dans les manuels^ la liste des conjonctions de coordinationproprement dites : <strong>et</strong>, ou, ni, mais, or, car,donc est intangible. Certaines grammaires y adjoignentdes « mots » ou « adverbes » ou « locutionsadverbiales » dits « de liaison » : puis, ensuite, enrevanche, <strong>et</strong>c.La coordination est définie le plus souvent comme laréunion d'éléments de « même nature » <strong>et</strong> de « même(1) Les exemples cités dans c<strong>et</strong> exposé (définitions, exercices)sont tirés des ouvrages suivants :• GALICHET - CHATELAIN, Grammaire française <strong>et</strong> expliquée,Lavauzelle, 1960. (Cité G. - C. dans l'exposé).• DUBOIS - LAGANE, La nouvelle grammaire <strong>du</strong> français,Larousse, 1973. (Cité D. - L.).• SOUCHE - GRUNENWALD, Grammaire française, classede 4e, Nathan. (Cité S.-G.).• ROUGERIE - GLATIGNY, Grammaire française <strong>et</strong> exercices,classe de 5e, Dunod, 1967. (Cité R. - G.).. LE LAY - HINARD - IDRAY, La grammaire dans lecycle d'orientation. Livre d'exercices 4 e -3 e , Magnard, 1968.(Cité L.-H.-L).o OBADIA - DASCOTTE - RAUSCH, Les chemins de l'expression,6e, Hach<strong>et</strong>te, 1973. (Cité O.-D.-R.).fonction ». Néanmoins, l'attitude des auteurs est plusou moins ferme sur ce point.Pour G. - C, par exemple, « la conjonction de coordinationexige que les deux éléments à réunirsoient autant que possible de même nature, <strong>et</strong>, entout cas qu'ils aient la même fonction ». On voit que,pour ces auteurs, l'exigence d'identité de nature estnuancée... Dans la pratique, ils rej<strong>et</strong>tent comme incorrectesdes coordinations comme livres neufs <strong>et</strong>d'occasion.Pour S. - G., la coordination réunit « des élémentsqui sont sur le même plan grammatical, c'est-àdirequi ont la même fonction». Mais parfois,« la coordination est plus libre, moins aisée à expliquer» comme dans : quand on saura mon crime <strong>et</strong>que ta flamme <strong>du</strong>re ou dans : nous avons fait unelecture instructive <strong>et</strong> qui nous a amusés. Ces exemplesmontrent que, pour les auteurs, la distinctionentre classe <strong>et</strong> fonction des éléments coordonnésn'est pas fermement établie.L'attitude de D. - L. est plus prudente : les coordonnantsrelient « en principe » des éléments demême classe <strong>et</strong> de même fonction. Parmi lesmanuels consultés, c'est le seul qui indique lapossibilité d'effacement des éléments communsaux propositions coordonnées. Une distinction estfaite entre les adverbes de liaison (ensuite, puis...)qui ne relient que des phrases <strong>et</strong> les coordonnantsqui relient soit des phrases, soit des termes dephrase (<strong>et</strong>, ou...). D. - L. mentionnent, dans la partie« leçon » que le lien qui unit des phrases juxtaposéespeut être explicité soit par un subordonnant, soit parun coordonnant.La définition de R. - G. est la plus intéressante : leséléments coordonnés ont le même « rôle » grammatical<strong>et</strong> peuvent être de nature différente. R. - G. intro<strong>du</strong>isentla notion de hiérarchisation des élémentsdans la phrase :• dans le cas de subordination, les groupes sontréunis dans la dépendance l'un de l'autre, on ne peutsupprimer le groupe principal sans porter, atteinte àl'ensemble ;• dans le cas de coordination, « les éléments coordonnéssont sur un pied d'égalité, on peut supprimersoit l'un, soit l'autre, sans bouleverser le sens de laphrase ».C<strong>et</strong>te définition est la plus <strong>fonctionnelle</strong> que nousayons rencontrée. On peut s'étonner pourtant qu'on15


y parle <strong>du</strong> « sens » <strong>et</strong> non de la structure de laphrase : ce qui reste inchangé quand on supprime undes éléments coordonnés, ce n'est pas le sens — quichange souvent — mais les rapports syntaxiques entrel'autre élément coordonné <strong>et</strong> le reste de la phrase.R. - G. ont distingué, comme D. - L., les mots deliaison adverbiaux <strong>et</strong> les conjonctions (<strong>et</strong>, ou...), maisil est remarquable que la définition de la coordination,en apparence plus adéquate, n'entraîne pasun élargissement de l'inventaire des coordonnants àtous les monèmes qui établissent le même type derelation (peut-être à cause de la référence au sensde la phrase plutôt qu'à sa structure ?).2. Les exercices proposésOn peut les classer en deux groupes :a) on demande à l'élève de rechercher la nature<strong>et</strong> la fonction des éléments coordonnés : ce typed'exercices représente un renforcement de l'analyse« grammaticale » <strong>et</strong> « logique » ;b) on demande d'indiquer la valeur des conjonctions(addition, opposition, <strong>et</strong>c.) ou bien de rechercherà quels subordonnants équivaut la juxtaposition :cause, conséquence, opposition, obj<strong>et</strong>, <strong>et</strong>c. On nementionne pratiquement jamais l'hypothèse (saufS. - G.), alors que la juxtaposition est le schemele plus utilisé dans la langue courante. C'est presqu<strong>et</strong>oujours dans les exercices que les élèves découvrentc<strong>et</strong>te équivalence entre juxtaposition <strong>et</strong> subordinationqui n'est pas mentionnée dans la partie leçon.On constate dans tous les ouvrages que les consignesde certains exercices ne correspondent pas au contenude la leçon, les élèves ayant à résoudre desproblèmes qui n'y sont pas prévus. Même les exercicesde R. - G. sont en contradiction avec la cohérencerelative de la leçon. Par exemple, que faut-ilreconnaître dans mais <strong>et</strong> <strong>et</strong> en tête de phrase : laconsigne demande de distinguer les conjonctions decoordination des autres mots invariables (n° 3,p. 209). Or, dans le texte de l'exercice, ce sont lesseuls mots appartenant à la liste proposée dans laleçon. Dans un autre exercice (R. - G., n° 8, p. 211)l'élève doit dire si la juxtaposition des phrasescomplètes correspond à une simple coordination ouexprime une nuance circonstancielle. En dehors <strong>du</strong>fait qu'il n'y a aucun rapport avec la définition <strong>et</strong>les exemples de la leçon, comment répondre à laconsigne pour le premier exemple : C'était le procureur.Un huissier a annoncé la cour. Au mêmemoment, deux gros ventilateurs ont commencé àvrombir ?Dans L. - H. -1., pour l'exercice n° 202 (p. 97) ondemande d'indiquer la valeur des conjonctions <strong>et</strong>,ou, ni, ainsi que la nature des éléments coordonnés.Dans l'exercice n° 203, on demande seulement d'indiquerla valeur des conjonctions mais, or, car, donc.Et pour cause... car on ne voit pas très bien commenton pourrait identifier la nature des éléments coordonnéspar donc dans : cela ne finira donc jamais,on n'aura donc jamais la paix, ou dans : que voulezvousdonc faire, Monsieur, de quatre médecins ?Certaines consignes laissent une marge prudente àl'initiative de l'élève. Par exemple, dans S. - G. (n° 3,p. 132), on demande d'indiquer les propositions oumots coordonnés <strong>et</strong> « en outre, quand il y aura lieu »de noter le rapport marqué par la conjonction :« addition, eff<strong>et</strong> d'accumulation, alternative, cause,opposition ou concession, <strong>et</strong>c. ».Dans O. - D. - R., « l'expansion par coordination »est abordée dès la 6 e , uniquement dans le cadre de« l'expansion <strong>du</strong> G. N. » à la suite de l'expansion parsubordination. Tous les exercices concernent deséléments coordonnés <strong>du</strong> type « même nature, mêmefonction ». Le libellé des consignes laisse à penserque c<strong>et</strong>te leçon sur la coordination est surtout leprétexte à une révision des chapitres précédents.« Dans les phrases suivantes, lisez les G.N. expanséspar coordination. Dites s'ils font partie <strong>du</strong> G.S. ou<strong>du</strong> G.V., si ce sont des G.N. ou des G.N.P. » (ex. 1à 5, p. 87-88) « Dites en quoi consiste l'expansionpar coordination. Précisez sa fonction. Dites de quelG.N. elle fait partie <strong>et</strong> s'il s'agit d'un G.N. ou d'unG.N.P. » (ex. 6 à 9., p. 88-89). Avec une terminologiedifférente, on r<strong>et</strong>rouve le même type d'exercice quedans les grammaires plus anciennes.Il est évident, à la lecture des manuels, qu'il existeun problème de définition de la coordination quiapparaît dans le libellé des leçons comme dans celuides exercices. Il semble que le processus soit, en gros,le suivant : il existe une liste de mots réputés coordonnants(<strong>et</strong>, ou, <strong>et</strong>c.), quand ces mots apparaissent,il y a coordination. On donne alors de la coordinationune définition qui corresponde, grosso modo, à laplupart des emplois. Les autres cas (ex. : mais, <strong>et</strong>,en début de phrase, donc.) ne sont pas explicitementprévus dans la leçon, <strong>et</strong> c'est à l'élève de faire preuved'ingéniosité pour répondre à la consigne des exercices.16


II. QUE FAUT-IL ENTENDREPAR « COORDINATION » ?Nous envisageons ici la coordination d'un point devue strictement syntaxique (1).Etant donné l'absence de critères pour délimiter desunités de discours plus éten<strong>du</strong>es, nous ne considéreronsla coordination que dans le cadre de laphrase (2).On a vu ci-dessus que les critères <strong>du</strong> type « mêmenature » (ou même classe), « même fonction » nesont pas opérants, car on peut opposer de nombreuxcontre-exemples à c<strong>et</strong>te définition. Nous préféreronsle critère de « statut identique ».On distingue deux types de relation entre les élémentsd'une phrase :a) La présence de l'un des éléments — l'expansion— implique celle d'un autre élément — lenoyau — dont il est dépendant.Exemples :L'enfant joue dans le jardin.L'enfant de la voisine joue.Dans le jardin => joue — joue => dans le jardin.La voisine => l'enfant — l'enfant => la voisine.Dans ces exemples, dans le jardin, la voisine sontdes expansions par subordination.b) La présence d'un élément n'implique pas cellede l'autre <strong>et</strong> vice-versa.Exemples :L'enfant <strong>et</strong> le chien jouent.L'enfant joue ou dort.(1) Nous ne traiterons pas ici des problèmes de variationssémantiques spécifiques à certains coordonnants(ex. : <strong>et</strong>, ou, mais, car). On peut consulter par exemple :BAKBAULT - DUCROT, «Analyses de langue», RecherchesPédagogiques n° 56. DUCROT, « D'un mauvais usagede la logique » in De la théorie <strong>linguistique</strong> à l'<strong>enseignement</strong>,« Le linguiste » sous la direction de J. Martin<strong>et</strong>,P.U.F.(2) Rappelons la définition <strong>fonctionnelle</strong> de la phrase :« énoncé dont tous les éléments se rattachent à un prédicatunique ou à plusieurs prédicats coordonnés ». Cf. MAR­TINET, Eléments de <strong>linguistique</strong> générale, § 4-33.L'enfant joue dans le jardin ou dans la maison.Enfant =*• chien — chien =ï> enfant.Joue =ï> dort — dort =^> joue.Jardin =*> maison — maison => jardin.Il s'agit dans ces exemples d'expansions par coordination.Traits caractéristiques de la coordination1. La coordination relie des éléments de mêmestatut : l'expansion coordonnée entr<strong>et</strong>ient avec lereste de l'énoncé les mêmes rapports que l'élémentauquel elle s'ajoute.Par « statut », il faut donc entendre le niveau hiérarchiquedes éléments dans la phrase, alors que la« fonction » spécifie le type de relation entre éléments,selon les procédés employés. Deux fonctionsdifférentes peuvent donc occuper le même rang hiérarchiquedans une phrase <strong>et</strong> être coordonnées.Exemple : C'est un travail facile <strong>et</strong> qui lui plaît.Les fonctions de facile <strong>et</strong> qui lui plaît sont certesdifférentes, mais ces deux expansions ont le mêmestatut hiérarchique vis-à-vis <strong>du</strong> noyau travail.On peut classer les cas de coordination :a) Les éléments coordonnés sont les actualisateursou les expansions subordonnées de même rang d'unmême noyau (prédicatif ou non).Exemples :L'enfant <strong>et</strong> le chien jouent.L'enfant est sage <strong>et</strong> affectueux.Le linge de fil ou de coton est agréable en été.b) Les éléments coordonnés sont des noyaux prédicatifsqui ont le même actualisateur (ou suj<strong>et</strong>) <strong>et</strong>peuvent avoir, éventuellement, les mêmes expansions.Exemples :Voici des livres <strong>et</strong> des disques pour te distraire.Dans le pays, les gens savent mais ne disent rien.e) Cas limite de la coordination : elle concerne dessyntagmés prédicatifs qui ont un caractère compl<strong>et</strong>(prédicat, actualisateur ou suj<strong>et</strong>, expansions) : ces17


syntagmes ont le même statut dans la phrase puisqu'ilsne s'impliquent pas l'un l'autre. Ils peuventavoir, éventuellement, des expansions communes.n'exis­Exemple : Dans le temps, les congés payéstaient pas <strong>et</strong> les gens ne voyageaient guère.En l'absence d'expansion commune, le lien qui unitdeux syntagmes prédicatifs est beaucoup plus faibleque celui qui unit des éléments de syntagme. Souventmême, la coordination de ce type peut n'êtrequ'un procédé stylistique.C'est dans c<strong>et</strong>te zone de coordination faible qu'onobserve des chevauchements entre coordination <strong>et</strong>subordination, en particulier en l'absence de monèmecoordonnant, c'est-à-dire dans le cas de « juxtaposition».Dans certains cas, on peut paraphraser par uneconstruction de subordination : elle en avait assez,elle quitta la salle (= parce qu'elle en avait assez...).Parfois même, il existe un lien de dépendance plusn<strong>et</strong> d'un syntagme coordonné à l'autre : il auraitaccéléré à temps, il gagnait la course.2. L'équivalence des éléments coordonnés se vérifiepar l'effacement : si l'on efface l'un des élémentscoordonnés <strong>et</strong> la marque de coordination, on ne portepas atteinte aux rapports syntaxiques établis entreles autres éléments pré-existants de l'énoncé.Exemples :C'est un travail facile <strong>et</strong> qui lui plaît.C'est un travail facile.C'est un travail qui lui plaît.3. L'identité de statut n'implique pas que les élémentscoordonnés appartiennent à la même classe.Ainsi, dans l'exemple précédent, les expansions d<strong>et</strong>ravail appartiennent l'une à la classe des adjectifs,l'autre à celle des segments complexes relatifs.4. La coordination ainsi définie est un procédéstrictement syntaxique : le remplacement d'un coordonnantpar un autre n'influence aucunement lastructure de l'énoncé. Il faut une étude spécifiquementsémantique pour déterminer le signifié dechaque coordonnant <strong>et</strong> ses variations (cf. note 2).Une telle définition syntaxique de la coordinationimplique que la classe des coordonnants doit inclur<strong>et</strong>ous les monèmes qui ont la propriété de réunir deséléments de même statut.Exemples :Je suis heureux mais épuisé.Je suis heureux quoique épuisé.Je suis aussi heureux qu'épuisé, <strong>et</strong>c.Syntaxiquement, quoique <strong>et</strong> aussi... que sont descoordonnants à l'égal de mais.A l'inverse, mais, <strong>et</strong>, toutefois, aussi, <strong>et</strong>c., en débutde phrase, ne sont pas à considérer comme des coordonnantsmais comme des adverbes : leur comportementsyntaxique est le même que celui des autonomesen général.On voit que la classe des coordonnants n'est niaussi étroite, ni aussi homogène qu'on le prétendd'ordinaire. Certains ne peuvent être que coordonnants{ou, ni), d'autres, selon le contexte, se comportentcomme des subordonnants (parce que, quoique),des adverbes (plus, mais), des prépositions (avec,sans).Les coordonnants ne coordonnent pas tous les mêmesfonctions, ni le même nombre de fonctions (comparerles latitudes de <strong>et</strong>, ni, avec celles de ou, mais, <strong>et</strong>de car, donc).Si certains coordonnants peuvent fonctionner aussibien dans la zone de coordination forte (élémentsde phrase) que dans la zone de coordination faible(syntagmes prédicatifs), d'autres ne peuvent concernerque l'une ou l'autre de ces zones. A partir deces particularités, on peut tenter un classement descoordonnants les plus fréquents.I. - Coordonnants de syntagmes prédicatifs : or,plus... mieux, plus... plus, <strong>et</strong>c.II. - Coordonnants de syntagmes prédicatifs ou d'unités: «juxtaposition», car (emploi rare <strong>et</strong> contestéentre unités : je suis libre car discipliné), ni (emploirare entre syntagmes), <strong>et</strong>, ou, mais, donc, puis, tantôt...tantôt, non seulement... mais, sans compter(que), sinon, c'est-à-dire, <strong>et</strong>c.III. - Coordonnants d'unités : voire, de même que,soit, comme, avec, sans, sauf, dont, y compris, àsavoir, quoique, bien que, plus... que, aussi... que,<strong>et</strong>c.5. Du point de vue combinatoire, toutes les structures<strong>et</strong> fonctions sont coordonnables (prédicats, suj<strong>et</strong>s,attributs, obj<strong>et</strong>s, compléments non positionnels,déterminants lexicaux, modalités nominales) à l'exclusiondes modalités verbales. Mais la probabilité18


statistique n'est pas la même pour toutes les fonctions<strong>et</strong> les latitudes varient pour chaque coordonnant.Toutes les classes sont théoriquement coordonnablesavec les mêmes restrictions que ci-dessus pour lesfonctions : verbes, substantifs, adjectifs, déterminantsgrammaticaux, syntagmes complexes (con j one -tifs, relatifs, infinitivaux), pronoms (sauf les relatifs)<strong>et</strong> même les préfixes des activités péri <strong>et</strong> postscolaires(1).Dans la langue courante, il arrive fréquemment quesoient coordonnés des éléments qui ont une constructiondifférente : l'identité de statut l'emporte surla structure. C'est le cas de rentrer dans <strong>et</strong> sortir dedans : il rentre <strong>et</strong> il sort de la maison sans arrêt (2).6. La morphologie des coordonnants est délicate.C'est pour c<strong>et</strong>te raison que certains coordonnantssont mal connus <strong>et</strong> peu employés. Sans entrer dansle détail par des exemples, mentionnons :— la variation plus ou moins libre de <strong>et</strong>, ou, ni,avec le morphème « zéro » ;— la place <strong>du</strong> coordonnant, variable ou non selonles classes <strong>et</strong> les fonctions coordonnées ;— les variations morphologiques des éléments coordonnés(pronoms, conjonctions, phénomènes d'accord,morphologie de la négation) ;— dans certains contextes, la coordination perm<strong>et</strong>l'effacement d'une partie des éléments coordonnés :modalités nominales dans certains cas, mais aussi lestermes <strong>du</strong> deuxième élément coordonné qui figuraientdéjà dans le premier.Exemples :Je cherche une maison, mais qui ne soit pas trop loinde Paris.Les garçons voulaient jouer au football <strong>et</strong> les fillesau volley.Le ciel est triste <strong>et</strong> mon âme aussi.(1) Il n'est pas possible, dans le cadre de c<strong>et</strong> exposé quise voudrait assez bref, de donner des exemples pourchacun de ces cas. On pourra se reporter à : Pour enseignerle français, manuel de <strong>linguistique</strong>, ouvrage collectifsous la direction de MAHMOUDIAN M., à paraître, P.U.F.(2) On trouvera d'autres exemples <strong>et</strong> une discussionintéressante sur ce suj<strong>et</strong> dans MOUNIN G. « La coordination» in De la théorie <strong>linguistique</strong> à l'<strong>enseignement</strong>,op. cit.III.PROBLEMES PEDAGOGIQUESIl existe une zone de connaissance active apparemmentsans problème, <strong>du</strong> point de vue <strong>du</strong> maniementtout au moins : c'est le cas de <strong>et</strong>, ou. On sait que lesenfants jeunes en abusent même (pour indiquer lasuccession ou l'addition) mais ceci n'exclut pas lesdifficultés sémantiques liées aux différentes valeursde <strong>et</strong>, ou (par exemple en mathématiques) <strong>et</strong> quisont justiciables d'exercices spécifiques. Pourtant,même dans c<strong>et</strong>te zone, les enfants rencontrent souventdes difficultés dans la coordination. Ex. : Ilsboivent que de l'eau, jamais de vin <strong>et</strong> <strong>du</strong> pain gris(élève de 6 e )- De tels exemples, où manquent lesnoyaux de certains des éléments coordonnés sontfréquents à partir <strong>du</strong> moment où les élèves essaientd'échapper à la répétition <strong>et</strong> à l'accumulation.Dans le cas de ni, on constate de grandes difficultéschez les élèves (cf. test décrit ci-dessous). Parfois ils'agit <strong>du</strong> non-emploi de ni : je ne pensais plus à magrand-mère <strong>et</strong> à mes parents (5 e ). Dans d'autrescas, il s'agit d'un mauvais emploi de ni (maintiende <strong>et</strong>, place de ni) dû à la méconnaissance des mécanismesde la coordination au contact de la négation.On constate également que car est employé indistinctement<strong>et</strong> exclusivement pour parce que, puisque.Ex. : l'entraîneur nous dit qu'ils étaient en demifinalecar ils avaient gagné tous leurs matchs parforfait (5 e ). Il est tout heureux car il remue sa p<strong>et</strong>itequeue (6°). M. Seguin avait mis beaucoup de cordecar toutes les autres chèvres étaient parties car ellesvoulaient aller dans la montagne (6 e ).La coordination de car <strong>et</strong> que est d'ailleurs trèsfréquente, comme dans le cas des autres subordonnants.Ex. : j'avais des regr<strong>et</strong>s car je m'étais amusé<strong>et</strong> que je préfère mieux les vacances que l'école (6 e ).La méconnaissance des règles d'effacement aboutitparfois, chez les enfants jeunes à l'incompréhensionde certains énoncés, en particulier lorsque c'est leprédicat verbal qui est effacé. Si l'application intempestivede l'effacement aboutit à des fautes telles quela phrase citée plus haut (ils boivent que de l'eau...)l'absence d'effacement con<strong>du</strong>it à des énoncés trèsembarrassés. Ex. : Elle vit la maison de M. Seguin<strong>et</strong> Blanqu<strong>et</strong>te vit l'enclos (6 e ). Mon père expliquaità mon frère comment marchait son vélo : mon pèreexpliquait comment marchait ses phares, commentchangeait ses vitesses (5 e ). (Il est remarquable, dansc<strong>et</strong> exemple, que l'effacement soit pratiqué alors que19


le rapport verbe-substantif — masqué par la fauted'orthographe — n'est pas le même dans les deuxderniers syntagmes de la phrase).Les difficultés liées à l'effacement <strong>et</strong> au non-emploide certains schemes coordinateurs sont particulièrementsensibles dans les exercices de tra<strong>du</strong>ction(versions latines ou de langues vivantes) <strong>et</strong>, généralement,dans tous les exercices qui requièrent unstyle recherché. Même des schemes comme aussi...que, plus... que, <strong>et</strong>c., sont rarement employés, peutêtreparce qu'ils sont souvent laissés à l'écart enraison des difficultés d'analyse dans les termes deda grammaire traditionnelle.Faut-il intervenir pour favoriser l'acquisition de cesschemes peu ou mal employés ? Quand <strong>et</strong> comment ?Peut-être, pour les élèves jeunes, pourrait-on faireacquérir certains des schemes coordonnants, particulièrementceux pour lesquels existent des problèmesmorphologiques, à l'aide d'exercices de typestructural. Puis, à partir des textes d'élèves (<strong>et</strong> destextes tra<strong>du</strong>its par eux), on procéderait à des exercicesutilisant la technique de l'effacement <strong>et</strong> lescoordonnants négligés généralement.Il convient donc de ne pas privilégier abusivementla subordination, de montrer qu'il existe des chevauchementsentre coordination <strong>et</strong> subordination, maisaussi que certains procédés de coordination concourent,tout autant que la subordination, à la précision,<strong>et</strong> même à l'élégance... de l'expression.Rappelons enfin l'inutilité de l'étude de la coordinationdans les termes traditionnels : elle n'apprendstrictement rien aux élèves qu'ils ne sachent déjà.Par contre, elle ne leur apprend pas à utiliser lescoordonnants dont ils auraient besoin <strong>et</strong>, ce qui,pedagogiquement, est grave, elle leur masque lefonctionnement réel de la coordination, en raisonde l'inadéquation de la description à la réalité <strong>linguistique</strong>.IV.DONNEES D'UNE PRE-ENQUETEPour tenter de cerner le degré de maniement decertains coordonnants nous avons réalisé des exercices-testsconcernant l'emploi de ni, aussi... que,autant... que, plutôt que, plus... que.Il s'agissait là d'une simple approche dans un domaineoù les données manquent totalement. Cesexercices ont été réalisés dans deux classes de 6 e ,3 classes de 5 e , une classe de 4° au C.E.S. Montesquieuà Vitry, avec le concours de M me RANSANT,THOMAS, VERGNOT.A titre indicatif, nous donnons ci-dessous les résultatsobtenus à ces premiers exercices.N.B. Les nombres indiqués sont ceux des occurrencespour chaque classe (<strong>et</strong> non des pourcentages).1" EXERCICE : emploi de ni.Consigne de l'exercice : Transformer les phrases Aen B, en supprimant la répétition des éléments soulignés.(Employer la conjonction ni. Observer attentivementle modèle).Modèle :A. Je ne connais pas mes voisins, je ne connais pasleurs enfants.B. Je ne connais ni mes voisins, ni leurs enfants.C<strong>et</strong> exercice porte sur la morphologie de la coordination<strong>et</strong> de la négation en contact : la suppressiondes éléments répétés entraîne un transfert <strong>et</strong> unamalgame de la négation <strong>et</strong> de la coordination ne...pas..., ne... pas —» ne... ni..., ni...Phrases A de l'exercice :1. Pierre ne sait pas nager le crawl, Pierre ne saitpas nager la brasse.(-^> ni devant deux obj<strong>et</strong>s positionnels.)2. Les parents ne regardent pas la télévision, lesenfants ne regardent pas la télévision.(—> ni devant deux suj<strong>et</strong>s.)3. Mon ami ne vient pas me voir, mon frère nevient pas me voir, ma mère ne vient pas me voir.(-» ni devant trois suj<strong>et</strong>s.)4. Pierre n'est pas malin, Pierre n'est pas méchant.(-^ ni devant deux attributs.)20


5. Pierre a un vélo qui n'est pas pratique <strong>et</strong> quin'est pas robuste.(—» ni devant deux attributs de syntagme relatif.)6. Il ne laisse pas son vélo dans la cour, il ne laissepas son vélo dans l'entrée.(—> ni devant deux autonomisés « lieu ».)7. Il ne viendra pas dans une semaine, il ne viendrapas dans un mois.(—» ni devant deux autonomisés « temps » ).Résultats :e La première ligne indique le nombre de pro<strong>du</strong>ctionsstrictement conformes à la consigne.• La seconde ligne, le nombre de phrases correctes,de sens identique (parfois ambigu) non conforme àla consigne (schéma ne... pas... ni...).o La troisième ligne le nombre de phrases non acceptables: changement de sens évident, phrases malformées.Classe ^ "^^-^JNTombre^ ^ ^ d'élèves6 e A ,// ^ 246" B // ^ 235" B // / 255" C /-^/ 225' D /-// 234 e /"/ ^ 241105910310111411381148911428106851015281079893123761146131213841041099114418422111212219141742202251113810510871273184111676126682131691435116613297165318411951162415531932Remarques : L'ordre décroissant des réponses conformesà la consigne : 4 (attributs) — 7 (autonomisés)6 (autonomisés) <strong>et</strong> 5 (relatives avec attribut)1 (obj<strong>et</strong>s) — 2 (2 suj<strong>et</strong>s) — 3 (3 suj<strong>et</strong>s).21


L'ordre change peu si l'on ajoute les phrases correctesnon conformes à la consigne, mais les écartsse ré<strong>du</strong>isent entre les phrases 7, 5, 4.On ne note pas de progression sensible des résultatsde la 6° à la 4 e . A l'exception des phrases 4 <strong>et</strong> 7(résultats comparables aux autres classes), l'ensembledes phrases cohérentes (conformes ou non à laconsigne) est étonnamment faible pour la classede 4 e .Les fautes sur les phrases non acceptées varient :omission de ne, omission de ni devant le premier outous les suj<strong>et</strong>s coordonnés, adjonction de <strong>et</strong> devantni, place erronée de ni (devant le prédicat ou un élémentnon coordonné), non effacement <strong>du</strong> prédicat.La variété des pro<strong>du</strong>ctions dans les phrases erronéesest remarquable. En voici quelques exemples :1. P. ne sait ni nager le crawl, ni la brasse.(Quasi-totalité des phrases erronées.)2. Les parents ne regardent ni la télévision, ni lesenfants.Les parents <strong>et</strong> les enfants ne regardent ni la télévision...3. Ni mon ami ne veut me voir, ni mon frère, nima mère.Mon ami ne vient ni me voir, ni mon frère, nima mère.Ni mon ami, ni mon frère, ni ma mère ne viennentpas me voir.Ni mon ami, ni mon frère <strong>et</strong> ni ma mère {ne) viennentme voir...(11 pro<strong>du</strong>ctions différentes dans la seule classe de 4 e .)4. P. est ni malin <strong>et</strong> ni méchant.P. n'est pas malin <strong>et</strong> ni méchant...5. P. n'a un vélo ni pratique <strong>et</strong> ni robuste.P. a un vélo qui n'est ni pratique <strong>et</strong> ni robuste...(De 5 à 8 pro<strong>du</strong>ctions différentes selon les classes.)6. Il ne laisse ni son vélo dans la cour, ni dansl'entrée.Il ne laisse pas son vélo dans la cour <strong>et</strong> ni dansl'entrée.Il laisse son vélo ni dans la cour ni dans l'entrée...7. Il ne viendra pas dans une semaine <strong>et</strong> ni dans unmois.Il viendra ni dans une semaine, ni dans un mois...Il semble que c<strong>et</strong> exercice ait alerté les élèves sur ladisponibilité de ce scheme. En eff<strong>et</strong>, en 6 e A, dansun exercice d'expression écrite (avec suj<strong>et</strong> libre),la semaine suivant le test, plusieurs élèves ont essayéde le réutiliser. Une seule élève est parvenueà l'employer correctement (son suj<strong>et</strong> lui perm<strong>et</strong>taitde réutiliser presque textuellement une phrase del'exercice) : on ne sait nager ni la nage papillon,ni la nage dauphin.Un autre élève a pro<strong>du</strong>it : aucun pavillon ne contenteou mon oncle, ou ma tante (= à la fois mon oncle <strong>et</strong>ma tante) ;ainsi que : il n'a trouvé ni d'appartement <strong>et</strong> encoremoins de pavillon (interférence de deux structuresni... ni... <strong>et</strong> ne pas... encore moins).Une autre élève a pro<strong>du</strong>it : il ne veut pas réveillerni papa <strong>et</strong> ni maman (interférence des structuresne pas... ni, ne... ni... ni..., ne pas... <strong>et</strong>...).Au vu des résultats <strong>du</strong> test <strong>et</strong> de ces tentatives,il semble que des exercices d'acquisition de ces schemescoordonnants (coordination -f- négation) seraienttrès utiles2° EXERCICE : emploi de aussi... que <strong>et</strong> autant...que.Consigne de l'exercice : Transformer les phrases Aen B, en employant, selon les cas, aussi... que ou autantque.Modèle :A. Le bébé est sage, il est également affectueux.B. Le bébé est aussi affectueux que sage.C<strong>et</strong> exercice concerne le choix de aussi... que ou autant...que selon la classe ou la fonction des élémentscoordonnés, l'inversion des éléments coordonnés (importantepour le sens de certaines phrases comme 6),la place <strong>du</strong> coordonnant (qui a des incidences surl'emploi de aussi ou autant), effacement des prédicatsquand ils sont répétés.Phrases A de l'exercice :1. Il est maladroit, il est également lent (attributs).2. iî aime les légumes, il aime également la viande(obj<strong>et</strong>s).3. Il travaille, il rêve également (prédicats).22


4. Il va chez sa tante, il va également chez sa grandmère(autonomisés).5. Il dort la journée, U dort également la nuit (autonomisés).6. Les hommes ont le droit de travailler, les femmesl'ont également (obj<strong>et</strong>s).Résultats :• La première ligne : pro<strong>du</strong>ctions strictementconformes à la consigne.• La seconde ligne : phrases sans inversion des élémentscoordonnés.• La troisième ligne : phrases non acceptées.Classe ^ ^.-"-^Nombre^ ^ d'élèves6° A /^^ ^ 246° B .^^ ^ 235° B ^ ^^ ^ 245 e C ./^^ ^ 224° .^^ ^ 2417171391320112012042 .618139131923154155435191012122112182144645172689319221731635541731010331923154165364119896615331091653Remarques : En dépit de la consigne, la plupartdes élèves de 6 e <strong>et</strong> 5 e n'ont pas fait l'inversion, alorsque ceux de 4° ont, en général, saisi la nuancesémantique qu'implique l'ordre des éléments (cf.phrase 6, où la non-inversion entraîne une phrasecurieuse : les hommes ont autant que les femmes...)On n'a pas indiqué les résultats de 5 e D, -une erreurmatérielle om<strong>et</strong>tant l'inversion dans le modèle.Les résultats y sont comparables (en dehors de l'inversionjamais réalisée) à ceux des autres classes,en particulier le nombre de phrases erronées.C'est dans les phrases 6 (24 fautes pour 117 élèves),4 (17 fautes), 5 (11 fautes) <strong>et</strong> 2 (8 fautes), queaussi a été le plus souvent employé à la place deautant. Ex. : les hommes ont aussi le droit de travaillerque les femmes. Il va aussi chez sa tante quechez sa grand-mère. Il aime aussi les légumes quela viande, <strong>et</strong>c.23


La place <strong>du</strong> coordonnant était variable. On a admisil est aussi lent que maladroit <strong>et</strong> il est lentautant que maladroit, <strong>et</strong>c.C'est pour la phrase 6, qu'il y avait le plus depossibilités (avec ou sans inversion) :Les femmes ont autant le droit...Les femmes autant que les hommes ont le droit.Les femmes ont le droit de travailler autant queles hommes (phrase ambiguë).C<strong>et</strong>te pluralité de choix est sans doute à l'origine<strong>du</strong> nombre très élevé de fautes pour c<strong>et</strong>te phrase(30 au total).En dehors de l'échange autant-aussi, les fautes deconstruction sont relativement rares : ex. : autantil travaille que rêve. Il dort aussi la nuit autantla journée. Les femmes ont aussi le droit de travaillerque les hommes, <strong>et</strong>c.Les résultats à ce test montrent qu'à partir d'unmodèle, les élèves peuvent utiliser assez aisémentce scheme de coordination. Or, dans la pratique,il ne semble guère employé : il manque sans doutel'intervention qui le ferait passer de la zone deconnaissance intuitive à la pratique active. Il apparaîtque c'est en 4 e que la conscience des nuancesde sens <strong>du</strong>es à l'inversion coïncide avec ce maniement.3" EXERCICE : emploi de plutôt que - plus que.Consigne de l'exercice : Transformer les phrases Asur le modèle de B, puis sur le modèle de C.Modèle :A. Est-il méchant ? Il est plutôt taquin.B. Il est taquin plutôt que méchant.C. Il est plus taquin que méchant.Phrases de l'exercice :1. Est-elle maladroite ? Elle est plutôt inexpérimentée.2. Aime-t-il les légumes ? Il aime plutôt la viande.S. Travaille-t-il ? Il rêve plutôt.4. Fait-elle ses courses à Carrefour ? Elle les faitplutôt à Viniprix.5. Le bébé dort-il dans la journée ? Il dort plutôtla nuit.C<strong>et</strong> exercice a été réalisé dans 4 classes seulement :6 e A-B, 5 e B, 4 e . Un tableau des résultats est sansintérêt : les résultats sont excellents. Il y a trèspeu de fautes caractérisées (aucune en 5 e ). Les plusnombreuses se trouvent en 4° : il s'agit surtoutde l'inversion des éléments coordonnés. Ex. : il aimeplutôt les légumes que la viande (peut-être dû àune plus grande distance vis-à-vis de l'exercice...).La consigne ne précisait pas s'il fallait employerplutôt que ou plutôt... que, plus que ou plus... que.Les pro<strong>du</strong>ctions ont donc été variées, surtout pourles phrases 4 B <strong>et</strong> C.B • Elle fait ses courses à Viniprix plutôt qu'àCarrefour (66 sur 94 élèves).• Elle fait plutôt ses courses à Viniprix qu'àCarrefour (10).• Elle fait ses courses plutôt à Viniprix qu'àCarrefour (12).C e Elle fait plus ses courses à Viniprix qu'à Carrefour(51).o Elle fait ses courses plus à Viniprix qu'à Carrefour(25).• Elle fait ses courses à Viniprix plus qu'à Carrefour(13).C'est la phrase 3, pour laquelle il n'y avait qu'unepossibilité, qui totalise le plus de fautes (On aaccepté les phrases sans ne, qui sont la quasi-totalitéen 6° <strong>et</strong> 5 e ). Bien que, syntaxiquement, il nes'agisse plus de coordination, mais de subordination,on a accepté les quelques occurrences de ilrêve plutôt que de travailler. Types de fautes àc<strong>et</strong>te phrase : il est plus rêveur qu'il travaille (élémentsde statut différent). Il rêve plus que de travailler(confusion avec plutôt que).On peut faire, pour c<strong>et</strong> exercice, la même remarqueque pour le précédent : c<strong>et</strong>te construction estconnue de façon intuitive, mais n'est pas utiliséespontanément.Ces exercices étaient des préliminaires à une investigationdans le domaine de la coordination (pratiquedes élèves <strong>et</strong> pédagogie). Réalisés d'abord dansun établissement, ils le sont actuellement par lesautres membres de l'équipe. Des résultats plusglobaux perm<strong>et</strong>tront peut-être la mise au pointd'exercices d'acquisition de constructions coordonnéesplus variées.24


L'ÉNONCÉ MINIMUMRemarques théoriques<strong>et</strong> implications pour l'<strong>enseignement</strong>MARYSE MAHMOUDIAN-RENARDUNIVERSITE PARIS VRENE-DESCARTES


RECHERCHE DE L'ÉNONCÉ MINIMUMDANS LES PHRASES A PREDICAT VERBALET A PREDICAT NOMINALC<strong>et</strong>te recherche fait suite aux premières expériencesdont un compte ren<strong>du</strong> est présenté dans le n° 57 deRecherches Pédagogiques. D'autres enseignants étantvenu se joindre au groupe initial, nous avons putravailler également dans des classes <strong>du</strong> second degré.Notre travail est resté dans la perspective de lapremière recherche : déterminer la perception queles élèves ont de l'organisation d'une phrase. Lahiérarchie établie par la syntaxe <strong>fonctionnelle</strong> entrefonctions essentielles à la constitution de l'énoncé <strong>et</strong>expansions est-elle un critère utilisable par lesélèves ? Nous avons tenté de vérifier si, en dehorsde tout <strong>enseignement</strong> fait explicitement dans cesens, les enfants pouvaient percevoir l'organisationd'une phrase <strong>et</strong> en dégager l'énoncé minimum ;c'est-à-dire l'énoncé présentant les fonctions constitutives,celles sans lesquelles l'énoncé ne pourraitêtre construit.C<strong>et</strong>te démarche impliquant un certain détachementquant au contenu sémantique de l'énoncé proposé,il était possible qu'elle ne soit pas volontiers suiviepar les élèves.La recherche de l'énoncé minimum étant une étapeessentielle dans l'utilisation de la syntaxe <strong>fonctionnelle</strong>,nous avons voulu voir si elle pouvait s'appuyersur l'intuition des élèves en dehors d'un entraînementspécifique.Nous nous sommes adressés aux élèves <strong>du</strong> CE. 1,CE. 2, CM. 1 <strong>et</strong> CM. 2, <strong>et</strong> aux classes de cinquième,sixième, quatrième, troisième, pensant qu'apparaîtraient,liées à l'âge <strong>et</strong> à un contact plus long avecl'<strong>enseignement</strong> de la langue, des différences dansles aptitudes <strong>et</strong> l'appréciation des élèves.Une même série d'énoncés a fait l'obj<strong>et</strong> de troisdemandes de notre part :1. Recherche de l'énoncé minimumC<strong>et</strong> exercice perm<strong>et</strong>tant d'apprécier la perception del'organisation de la phrase par les élèves, qui devaientdistinguer entre ce qui est indispensable à laconstruction de la phrase <strong>et</strong> ce qui peut être supprimé.2. Classement des énoncésdans deux colonnes selon un modèle proposéC<strong>et</strong>te étape devant nous montrer si les enfants pouvaient,à partir de l'observation des énoncés à classer<strong>et</strong> des modèles, trouver la « règle <strong>du</strong> jeu », sans êtrenécessairement en mesure de l'énoncer.3. Justification <strong>du</strong> classementC<strong>et</strong>te étape étant, c<strong>et</strong>te fois, une demande d'explication,qui devait nous renseigner sur les critèreschoisis <strong>et</strong> leur application cohérente ou non, sur lesmoyens dont disposent les enfants pour justifier leurchoix.POURQUOI AVOIR UTILISE DES PHRASESA PREDICAT NOMINAL?La question se pose en eff<strong>et</strong>, car les phrases àprédicat nominal n'ont pas <strong>et</strong> de loin en françaisla fréquence des phrases verbales. Par « nominal »rappelons que nous entendons en fait non-verbal.La fréquence des phrases nominales varie selon leurstructure <strong>et</strong> selon les circonstances de la communication.Les phrases nominales avec actualisateur(c'est, voici, voilà, il y a, il faut,...) sont plus fréquentesà l'oral dans l'usage des enfants <strong>et</strong> desa<strong>du</strong>ltes. La « chasse » faite en particulier à l'actualisateuril y a dans les textes écrits — <strong>et</strong> cela dès lesp<strong>et</strong>ites classes — rend l'emploi de c<strong>et</strong>te structureplus rare à l'écrit. On peut noter ici au passage unexemple de confusion entre utilisation de la graphie<strong>et</strong> utilisation d'un registre plus élaboré.Les phrases nominales sans actualisateur n'apparaissentguère chez les enfants que dans les textes libresou poétiques. C<strong>et</strong>te structure est également fréquentedans la littérature contemporaine <strong>et</strong> chezcertains journalistes ; encore qu'il faille n<strong>et</strong>tementdistinguer entre véritable phrase nominale <strong>et</strong> procédégraphique qui consiste à isoler entre des points27


des segments qui sont en fait les expansions de larhrase qui précède. Déjà r<strong>et</strong>ombé, l'enthousiasme,i


Enrichir des énoncés minimums présente le risqued'obtenir souvent des phrases très artificielles, ou despro<strong>du</strong>ctions dans lesquelles la structure des phrasesa été modifiée, les unités changeant d'ordre dans lahiérarchie. Le facteur distribue le courrier, devenantpar exemple Je vois le facteur qui distribue lecourrier.des cas où une fonction est réalisée. C'est le cas dela fonction suj<strong>et</strong>. La définition <strong>du</strong> suj<strong>et</strong> comme« agent » de l'action ne vaut rien quand le suj<strong>et</strong> estpatient, quand il n'y a pas d'action exprimée. Définirle suj<strong>et</strong> comme l'élément indispensable à l'actualisation<strong>du</strong> verbe <strong>et</strong> à l'extension éventuelle de la phraseest au contraire une définition qui vaut dans tous lescas.B) LA RECHERCHE DE L'ENONCE MINIMUMPERMET DE DISSOCIER L'ETUDEDES FONCTIONS GRAMMATICALESDE LA SEMANTIQUELa recherche de l'énoncé minimum vise à dégagerles éléments nécessaires à l'énoncé <strong>du</strong> point de vuede sa construction <strong>et</strong> non <strong>du</strong> point de vue <strong>du</strong> sens.R<strong>et</strong>enir les éléments importants pour le sens viseraità établir le texte d'un télégramme. Il y a là deuxdémarches différentes.Ainsi, on exclut l'obj<strong>et</strong> des fonctions constitutives del'énoncé, même dans le cas où l'énoncé minimumobtenu n'est pas prononçable isolément. Supprimerle suj<strong>et</strong> d'une phrase à prédicat verbal en fait unephrase inacceptable en français quelles que soientles expansions présentes. La suppression de l'obj<strong>et</strong>rend la phrase incomplète mais la structure de basereste telle qu'on peut lui adjoindre des expansions.C'est pourquoi l'obj<strong>et</strong> est considéré comme une expansion<strong>et</strong> non comme une fonction constitutive del'énoncé : le caractère plus ou moins nécessaire del'obj<strong>et</strong> selon les verbes devant apparaître au momentde l'étude des classes de monèmes.Ne pas tenir compte au moins dans un premier temps,<strong>du</strong> rôle que jouent les éléments dans la constitution<strong>du</strong> sens des énoncés perm<strong>et</strong> de m<strong>et</strong>tre en évidencel'appartenance au même type de fonction, de segmentsde sens très divers. L'exemple le plus évidentest celui des autonomisés, dont font partie les« compléments circonstanciels » leur diversité n'existeen fait que si l'on s'appuie sur le sens des unitésqui assument c<strong>et</strong>te fonction, qu'on songe aux complémentsde poids <strong>et</strong> de mesure. Dénominations biencommodes dans ce cas précis pour éluder le problèmeque pose la comparaison de il mesure 1,50 m,il mesure la hauteur <strong>du</strong> meuble, mais qui ne nousrenseignent pas sur le fonctionnement de ces structures.Que 1,50 m soit une mesure personne n'endoute. Les définitions sémantiques de la grammair<strong>et</strong>raditionnelle ne recouvrent souvent qu'une partieC) LA RECHERCHE DE L'ENONCE MINIMUMN'EST PAS UNE FIN EN SOILa recherche des fonctions essentielles à la constitutiondes énoncés en français con<strong>du</strong>it à isoler dansla plupart des cas la relation suj<strong>et</strong>-prédicat. L'obj<strong>et</strong><strong>et</strong> l'attribut posent un problème puisque leur suppressionaboutit la plupart <strong>du</strong> temps à des énoncésnon prononçables isolément. Un des résultats desexercices de ré<strong>du</strong>ction que nous avons proposés auxélèves a été de montrer que dans la plupart desclasses l'obj<strong>et</strong> d'un verbe obligatoirement transitifa été conservé à 100 % parmi les éléments de basede la phrase. Il faut sans aucun doute tenir comptede ce fait. Spontanément l'énoncé minimum est reconnucomme le plus p<strong>et</strong>it énoncé prononçable isolément.Il nous a donc semblé utile d'envisager uneétape toute provisoire qui serait la recherche dece qu'on pourrait appeler : la phrase minimale. Ceciperm<strong>et</strong>trait de tenir compte de ce que l'élève conçoitn<strong>et</strong>tement comme expansion ou au contraire commenécessaire à la phrase quelle qu'en soit la raison.Pour plus de clarté dans la terminologie l'énoncéminimum pourrait être appelé énoncé de base. C<strong>et</strong>énoncé de base qui dans le cas de phrases verbaless'identifie au syntagme predicatif suj<strong>et</strong> -f- verbe,peut constituer aussi dans le cas de certains verbesune phrase minimale, ex. : il marche.Les phrases nominales sans actualisateur ne présenteraientpas par contre d'énoncé de base, mais seulementune phrase minimale définie en terme decomplètude de l'énoncé.En eff<strong>et</strong> la catégorie à laquelle peut appartenir leprédicat de ces phrases peut varier, on ne pourradonc par reconnaître un type de rapport qui seraitle rapport constitutif des phrases à prédicat nominal.On peut renoncer à établir un énoncé de base en cestermes pour ces phrases <strong>et</strong> rechercher uniquementle noyau, ou bien r<strong>et</strong>enir la phrase minimale commeétape vers la recherche <strong>du</strong> noyau, c'est ainsi que nousprocéderons ici.29


C<strong>et</strong>te proposition d'ordre terminologique découle desobservations faites. L'utilisation des termes proposésreste à envisager. Dans la suite de l'article nouscontinuerons à utiliser le terme d'énoncé minimumavec son sens défini ci-dessus.Il n'y a aucun doute que les élèves entraînés à lefaire peuvent extraire automatiquement la relationsuj<strong>et</strong>-verbe dans toute phrase à prédicat verbal. Maisdans ce cas, la recherche de l'énoncé minimum devientun procédé figé <strong>et</strong> perd toute sa valeur dedécouverte, de recherche de l'organisation de laphrase. Trouver l'énoncé minimum n'est pas une finen soi, ce n'est qu'une étape utile dans l'étude desfonctions.nement <strong>et</strong> une prise de conscience des rapports fondamentaux.C'est pourquoi le passage par la phrasenominale nous semble une étape nécessaire dans laprogression, plus importante sans doute dans lesp<strong>et</strong>ites classes <strong>du</strong> premier degré.Des observations récentes que nous avons pu fairedans une classe de CE. 1 entraînée au maniement desstructures de phrases nous ont amené à penser quel'on peut s'appuyer sur l'intuition que les enfantsont de la langue. La distinction entre ce qui estobligatoire <strong>du</strong> point de vue <strong>du</strong> sens <strong>et</strong> ce qui estobligatoire <strong>du</strong> point de vue de la fonction n'est biensûr pas faite spontanément. Il n'est pas très difficilenéanmoins de faire découvrir que les expansionsqui sont obligatoires pour certains verbes ne sont pasles mêmes pour tous les verbes <strong>et</strong> ne sont pas obligatoirespour tous les verbes, mais que deux termesseront toujours présents : le suj<strong>et</strong> <strong>et</strong> le verbe.La recherche de la phrase nominale est largementintuitive <strong>et</strong> n'implique pas l'application d'une régie,la recherche de l'énoncé de base suppose un entraîa- (il va) à Paris,b - (il m<strong>et</strong>) son chapeau,c - (il devient) raisonnable.LA RECHERCHEOnt participé à l'élaboration <strong>et</strong> au dépouillement destests :M m " Guillaume, inspecteur-professeur <strong>et</strong> Meiffren,professeur certifié à l'E.N.I. <strong>du</strong> Bourg<strong>et</strong> ;M" e Lemoyne, maîtresse d'accueil, école Richard-Mique à Versailles ;M m ° Boucher, professeur certifié, C.E.S. A.-France,Drancy ;M me Curé, C.E.S. Saint-Maur-les-Fossés, P.E.G.C. ;M" e Prochasson, C.E.S., Paris-15 c , P.E.G.C.CALENDRIERNOVEMBRE-DECEMBRE 1972 : 1" TESTMise au point de la première série d'énoncés.5 énoncés à P.V. «intransitifs».30


5 énoncés à P.N., avec actualisateurs (voici, voilà,c'est, il y a).Présentation aux élèves <strong>et</strong> dépouillement.JUIN 1972 : 2 eTESTDeuxième série d'énoncés : 5 énoncés à P.V. « transitifs» : 5 énoncés à P.N. sans actualisateur.25 élèves de 4 e , C.E.S. Anatole-France à Drancy ;39 élèves de 3", C.E.S. Anatole-France à Drancy ;soit 436 élèves.Les classes de 3 e <strong>et</strong> 4 e sont peu représentées. Nouspensions que l'exercice proposé n'était pas adapté àces classes. Nous les avons considérées comme des« témoins ». En fait les réactions n'ont guère étédifférentes de celles des classes de 5 e .ANNEE SCOLAIRE 1973-1974Dépouillement des tests <strong>et</strong> tentatives d'analyse desrésultats.LES EFFECTIFSNous avons travaillé sur un nombre relativementgrand d'élèves. Mais ces classes ne constituent pas unéchantillon représentatif, ce sont les classes où nousavions facilement accès. Les résultats n'ont doncqu'une valeur relative. Nous n'avons pas exploité lesr<strong>enseignement</strong>s sur l'âge des élèves (dans une mêmeclasse) ni sur l'origine socio-culturelle.EFFECTIFS POUR LE PREMIER TESTLe premier test a été présenté à un plus grand nombred'élèves que le second, pour des raisons matérielles,<strong>du</strong>es en partie à la date à laquelle il a étéprésenté.• Classes <strong>du</strong> 1 er degré :77 élèves de CE. 1 à l'école d'application <strong>du</strong> Bourg<strong>et</strong>;65 élèves de CE. 2 à l'école d'application <strong>du</strong>Bourg<strong>et</strong> <strong>et</strong> de Dugny ;79 élèves de CM. 1 à l'école R.-Mique à Versailles<strong>et</strong> au Bourg<strong>et</strong> ;73 élèves de CM. 2 à l'école M.-Hilsz (20 e ) <strong>et</strong> F.-Joliot-Curieà Châtillon ; soit 294 élèves.• Classes <strong>du</strong> 2 e degré, 1" cycle :121 élèves de 6 e des C.E.S. ou C.E.G. Anatole-Franceà Drancy, André-Maurois à Neuilly, les Tilleuls àSaint-Maur, C.E.G. de Châtillon, C.E.G., 19, rueBlom<strong>et</strong>, Paris- 15 e .251 élèves de 5 e (mêmes établissements que 6 e ) ;EFFECTIFS POUR LE SECOND TESTCM. 1 100 élèves ^CM. 226 élèves6 e 103 élèves5 e 168 élèves4 e 168 élèves3 e 19 élèvesmêmes établissements <strong>et</strong>mêmes élèves que pour lepremier testLes résultats <strong>du</strong> premier test au CE. 1 ne nous ontpas engagé à y présenter le second test. De toutefaçon il ne nous a pas été matériellement possibled'y présenter le second test ni au CE. 2 où celaaurait été plus intéressant car le hasard y jouedéjà un rôle moindre qu'au CE. 1.Entre le passage <strong>du</strong> premier <strong>et</strong> <strong>du</strong> second test, deuxenseignantes ont eu recours à l'énoncé minimumdans leur travail avec les élèves en 6 e . Les résultatsy sont différents. Ce sont les seules classes où l'obj<strong>et</strong>des verbes obligatoirement transitifs a été régulièrementsupprimé.Le second test a été présenté à trois autres classesde CM. 2 en janvier 1975. Ce qui a porté l'effectif à105 <strong>et</strong> nous a permis d'obtenir des résultats comparablesaux autres. Mais les élèves n'étaient plus ceuxqui avaient subi le premier test.La consigne avait été établie de sorte qu'elle puisseêtre comprise par les élèves les plus jeunes. Il n'yest pas fait mention de la construction de la phrase,sa formulation laisse entendre que le résultat obtenusera une phrase acceptable. Mais ceci était sansconséquence puisque tous les énoncés minimauxétaient effectivement compl<strong>et</strong>s, hors situation, qu'ils'agisse des phrases nominales ou des phrases verbales.Les 10 phrases étaient bien enten<strong>du</strong> présentéesmélangées.31


I erTESTCONSIGNE : Supprime tout ce qui est possible pour rendre ces phrases les plus simples possibles.Prédicat nominal— Au marché il y a foule le samedi.— Depuis hier c'est l'automne.— Voici un bien joli dessin.— Demain il y aura des crêpes au miel.— Voilà des oranges d'Espagne.Prédicat verbal— La nuit Michel rêve.— La chèvre de M. Seguin disparaît dans lebrouillard.— Il écrit vite.— Les belles fleurs jaunes sèchent au grenier.— L'oiseau bleu siffle doucement.Enoncé minimum atten<strong>du</strong>— Il y a foule.— C'est l'automne.— Voici un dessin.— Il y aura des crêpes.— Voilà des oranges.Enoncé minimum atten<strong>du</strong>—• Michel rêve.— La chèvre disparaît.— Il écrit.— Les fleurs sèchent.— L'oiseaU siffle.La recherche de l'énoncé minimum précédait le classement.La justification <strong>du</strong> classement n'a pas été demandéedans les plus p<strong>et</strong>ites classes (CE. 1, CE. 2).Une expérience antérieure (cf, R.P. 57) nous ayantmontré le caractère très aléatoire des justificationsinventées pour les besoins de la cause.RESULTATS DU 1 er TEST1) Recherche de l'énoncé minimumClasseNombre d'élèvesCE. 177CE. 265CM. 179CM. 2736'1215"2514 e253 e39Pourcentages des énoncésminimums correctementisolés :— dans phrases à P.N.— dans phrases à P.V.27 %30,9 %43,6 %57,8 %62 %75,9 %55 %90,9 %68,7 %88 %77,1 %90 %72%89%73 %84,5 %Nous avons calculé le pourcentage d'énoncés minimumsisolés selon ce que nous attendions. Ainsi 27 %premier chiffre de la première ligne siginifie quesur 385 phrases à prédicat verbal (5 phrases X 77élèves) 27 % d'énoncés minimums ont été biendégagés.32


L'énoncé minimum des phrases à P.V. a été danstous les cas mieux dégagé que dans les phrases àP.N. Le plus grand écart entre les deux pourcentagesse situe au CM. 2 où on observe 35 % d'écart (20 %en 6 e , 13 % en 5 e ). On peut être tenté de considérerque l'influence de l'<strong>enseignement</strong> privilégiant lastructure verbale porte ici ses fruits au détrimentpeut-être de l'observation.Les pourcentages de CE. 1 confirment les résultatsde la première expérience <strong>et</strong> la conclusion que nousavions tirée alors, à savoir que les enfants de c<strong>et</strong>âge ne sont pas encore prêts à aborder la grammaire.CE. 1 <strong>et</strong> CE. 2 mis à part les pourcentages de réussitesont élevés <strong>et</strong> confirment l'hypothèse que larecherche de l'énoncé minimum est une démarcheque l'on peut envisager de suivre, puisqu'elle peuts'appuyer sur l'intuition des élèves.2) Classement des phrasesClasseNombre d'élèvesCE. 177CE. 205CM. 179CM. 2736 e1215 e2514 e253 e39Pourcentage d'élèvesayant réussi le classementdes 8 phrases . .27,240,635,45027,6385651La consigne était de classer dans deux colonnesséparées les phrases construites comme les deuxphrases modèles (une à P.V. <strong>et</strong> une à P.N.) mises enhaut de chaque colonne : La nuit Michel rêve ; Aumarché il y a foule le samedi. Du CE. 1 ou CM. 2 inclusles termes utilisés étaient : « m<strong>et</strong>s ensemble lesphrases qui te semblent pareilles, celles qui sontconstruites pareil, celles qui se ressemblent. Tu peuxte servir de ce que tu viens de faire (travail deré<strong>du</strong>ction) ».Nous avons compté que le classement était bonquand il y avait 3 phrases bien classées (sur 4) danschaque colonne, faisant l'hypothèse que dans ce casune certaine reconnaissance des structures avait dûintervenir <strong>et</strong> non pas seulement le hasard.Les chiffres obtenus sont pour le moins curieux. Ilsemble qu'il y ait une progression <strong>du</strong> CEI au CM2compris <strong>et</strong> chute brutale en 6" où le pourcentage deréussite est le même qu'au CE. 1 <strong>et</strong> de nouveauprogression jusqu'en 3 e . Que faut-il en conclure ?Ce décalage ne se manifeste pas dans les autresrésultats. La nature de l'exercice est différente decelle <strong>du</strong> précédent. Il s'agissait de comparer lesstructures <strong>et</strong> de dégager en quoi elles se ressemblaient,en quoi elles étaient différentes. Il fallaitpartir à la recherché d'une règle, observer <strong>et</strong> classer.On ne voit pas bien ce qui peut rendre les 6 e incapablesde faire ce type d'analyse que réussissent lesCM. 2. Le changement apporté dans le déroulementde la vie scolaire par le passage <strong>du</strong> 1" au seconddegré est-il une raison suffisante ?3) Justification <strong>du</strong> classementClasseNombre d'élèvesCM. 1136 e1215"2514'253 e19Critère de type sémantique5038,848,255,416,62862,515,52245,920,833,315,873,710,533


L'absence des CM. 2 dans ce tableau n'est pasvolontaire, une erreur a été faite dans la transmissionde la consigne <strong>et</strong> la justification <strong>du</strong> classementn'a pas été demandée à ce niveau.Pourquoi c<strong>et</strong>te demande de justification ? Nousvoulions dans la mesure <strong>du</strong> possible amener les enfantsà formuler explicitement les raisons de leurclassement. Nous voulions savoir si la valeur sémantiquey avait joué un rôle important, <strong>et</strong> si l'<strong>enseignement</strong>de la grammaire avait eu quelque influence.Choix des critères de classement des réponses :Nous avons compté parmi les justifications faisantappel à la structure des réponses diverses, parfois àla limite <strong>du</strong> sémantique. L'idée générale était dem<strong>et</strong>tre dans c<strong>et</strong>te rubrique toutes les tentativesvisant à donner une raison grammaticale au classement.Par exemple : lorsque la raison <strong>du</strong> classementportait sur l'observation soit <strong>du</strong> suj<strong>et</strong> <strong>et</strong> <strong>du</strong> verbe ;soit <strong>du</strong> verbe seul considéré comme transitif ouintransitif, sa position dans la phrase, sa présence ouson absence ; soit <strong>du</strong> suj<strong>et</strong> seul, suj<strong>et</strong> apparentopposé à suj<strong>et</strong> qui est un nom, suj<strong>et</strong> impersonnelindéterminé opposé à suj<strong>et</strong> personnel déterminé... (Ilaurait sans doute été instructif de connaître le thèmede grammaire traité dans la classe peu de tempsavant que le test ne soit proposé aux élèves). Lenombre de compléments circonstanciels a égalementété pris comme critère de classement.Nous avons compté comme justifications sémantiquescelles qui révélaient que l'élève avait essayé deraconter une histoire avec les phrases proposées. Leplus fort pourcentage est en 3 e . Bien sûr, nousn'avons qu'une classe, mais le résultat n'en demeurepas moins surprenant. Justifications sémantiquesaussi celles qui étaient basées sur le contenu sémantique<strong>du</strong> suj<strong>et</strong> ou <strong>du</strong> verbe.Nous avons mis sous la rubrique « divers » îles justificationsportant un jugement de valeur sur lesphrases proposées : phrases correctes <strong>et</strong> incorrectes(en 3 e ), phrases jolies <strong>et</strong> pas jolies. Les justificationsincohérentes : présent s'oppose à nom dechoses (en 6"), <strong>et</strong>c.Il va sans dire que nous avons rencontré bien desdifficultés à opérer un classement <strong>et</strong> que les chiffresdonnés sont indicatifs. Que faire d'une justificationcomme : « ça va ensemble » ; sémantiqueou divers ou bien « c'est construit pareil » qui est enfait repris de la consigne ?Les justifications basées sur des considérations d<strong>et</strong>ype grammatical sont quand même les plus nombreusessauf au CM. 1 (<strong>et</strong> en 3 e ) les élèves s'intéressentsouvent aux unités indépendamment de leurfonction dans la phrase, indéfini/défini, pronom/nom, pronom pluriel/pronom singulier. Ils considèrentaussi les fonctions, l'intérêt se porte d'abordsur le verbe, puis sur le suj<strong>et</strong>. Ceci reflète sansdoute la conscience que certains élèves ont <strong>du</strong> verbecomme centre de l'énoncé.Nous avons comparé justification <strong>et</strong> classement.Peu nombreux sont les bons classements assortisd'une bonne justification (verbe/pas de verbe).Les deux peuvent être dissociés. Un rnême critèreen l'occurrence : suj<strong>et</strong> personnel/suj<strong>et</strong> impersonnelaboutit à deux classements différents. C'est le classementfaux qui est le résultat d'une applicationcohérente <strong>du</strong> critère.Dans l'ensemble les observations sont ponctuelles<strong>et</strong> ne prennent pas en compte l'organisation d<strong>et</strong>oute la phrase. En adm<strong>et</strong>tant que les phrases àprédicat nominal soit mal connues, les phrases àprédicat verbal doivent bien l'être au contraire.Elles seules auraient pu perm<strong>et</strong>tre d'établir le classement.C'est ce qui s'est passé dans quelques cas(phrases compliquées ou sans verbe/suj<strong>et</strong> réel,classe de 4 e ).Le fait que les élèves n'aient pas pu expliciter véritablementles justifications de leur classement,même quand celui-ci était bon, est une nouvellepreuve que maniement <strong>et</strong> prise de conscience desstructures peuvent se faire en dehors des règles<strong>et</strong> de la nomenclature.4) Remarques sur la suppression des expansionsNotons tout d'abord la suppression d'éléments quine sont pas des expansions. Les actualisateurs desprédicats nominaux ont parfois été supprimés saufc'est. Il y a a été transformé en il a. La phrasedevenant alors une phrase verbale. Un seul élèveen 5 e a régulièrement transformé toutes les phrasesnominales en phrases verbales :Voici un bien joli dessin : ce dessin est joli.Au marché il y a foule le samedi : la foule estgrande au marché.Le suj<strong>et</strong> a été supprimé dans un cas également en6 e : écrit bien, sèchent au grenier, sifflent douce-34


ment, en dépit de l'orthographe s'agit-il d'un impératif? Ou bien simplement le suj<strong>et</strong> n'est passenti comme indispensable. Trois élèves en 6 e ontsupprimé les prédicats verbaux : les fleurs, l'oiseaubleu, la chèvre de Monsieur Seguin. Ces segmentss'ils ne sont pas compl<strong>et</strong>s, hors situation peuventêtre considérés <strong>et</strong> d'ailleurs, sont, pour deux d'entreeux, des titres d'histoires.Ces suppressions d'éléments indispensables à laconstitution de l'énoncé restent exceptionnelles.Nous avons porté sur deux tableaux les pourcentagesdes erreurs faites sur la suppression desexpansions. Il semble que dans les phrases à prédicatverbal les expansions sont mieux senties comm<strong>et</strong>elles à partir <strong>du</strong> CM. 2, CE. 1 <strong>et</strong> CE. 2 présententpour les phrases verbales <strong>et</strong> pour les phrases nominalesdes taux d'erreur comparables. La différencequi existe entre CM. 1 <strong>et</strong> CM. 2 pour les phrasesà prédicat verbal n'est plus aussi n<strong>et</strong>te pour lesphrases à prédicat nominal : certains pourcentagesprésentent un écart élevé, par exemple pour l'expansion1 des phrases à prédicat nominal au marchéon trouve que 54 % des élèves ont conservéc<strong>et</strong>te expansion au CM. 1 contre 27 % au CM. 2mais les expansions 3, 4 <strong>et</strong> 6 présentent entre ellesle même pourcentage d'erreur.Le test présente le défaut d'avoir peu d'expansionsréellement comparables dans les phrases à prédicatverbal <strong>et</strong> à prédicat nominal. Seules les expansions1, 2, 4 des phrases à prédicat verbal correspondentaux expansions 3, 4, 6 des phrases à prédicatnominal. Les pourcentages sont comparables,légèrement plus élevés dans les phrases à prédicatnominal.De façon générale on peut observer que la reconnaissancedes expansions en tant que tellesprogresse n<strong>et</strong>tement <strong>du</strong> CE. 1 au CM. 1 avecl'écart le plus grand entre CM. 1 <strong>et</strong> CM. 2, maison observe peu de changement dans les classes suivantes.RELEVE DES ERREURS PAR TYPE D'EXPANSION DANS LES PHRASES A PREDICAT VERBAL% d'enfantsType d'expansionCE. 1CE. 2CM. 1CM. 26 e5 e4°3 61 - s.a.i.f. postposé dansle brouillard2 - s.a.i.f. postposé augrenier3 - s.a. antéposé - la4 - a. postposé - vite . .5 - a. postposé - douce-6 - s.a.i.f. non primaire,dét. suj<strong>et</strong> - de M.40,223,316,855,818,164,926,1201,524,62041,521,622,62,2143,928,37,94,61,52,71,513,77,57,51,78,41,714 15,88,72,582,511,71280001210207,57,57,5157 - dét. <strong>du</strong> suj<strong>et</strong> postposéjaune8 - d° bleue9 - dét. <strong>du</strong> suj<strong>et</strong> antéposébelle71,464,966,147,624,646,123,315279 : 232,75,853,36,24,79,18402,52,52,5(Abréviations : s.a.i.f. : syntagme autonomise par indicateur de fonction ; s.a. : syntagme autonome ; dét. : déterminant.)35


RELEVE DES ERREURS PAR TYPE D'EXPANSION DANS LES PHRASES A PREDICAT NOMINAL% d'enfantsType d'expansion CE. 1 CE. 2 CM. 1 C.M. 24*3"1 - s.a.i.f. antéposé aumarché58,456,954,32731,533,240382 - s.a.i.f. antéposé depuishier6129,2166,92,55,487,53 - s.a.i.f. postposé aumiel31,130,71311,66,77,664 - s.a.i.f. postposé d'Espagne29,82310,210,111,610,6122,55 - s.a. postposé le samedi6 - a. antéposé demain42,855,847,627,626,114,612,614,78,39,19,110,20412,512,87 - déterminant <strong>du</strong> P.N.joli8 - déterminant non primairebien71,43566,118,416,427,635,330,64,625,92815,7Des expansions assumant le même type de fonctiondans les phrases n'ont pas été également identifiéescomme expansions. Plusieurs facteurs interviennentdans c<strong>et</strong>te reconnaissance. Ces facteurssont principalement : la nature <strong>du</strong> prédicat, la catégorieà laquelle appartient c<strong>et</strong>te expansion, laposition de l'expansion dans la phrase, la valeursémantique de c<strong>et</strong>te expansion. Ainsi si l'oncompare les deux autonomes la nuit <strong>et</strong> le samedi,leur noyau est différent, verbal pour l'un <strong>et</strong> nominalpour l'autre, leur position aussi est différente,la nuit est mieux sentie comme expansion que lesamedi.Les adjectifs sont peu supprimés au CE. 1 <strong>et</strong> CE. 2quel que soit le noyau. L'adjectif joli est l'adjectifle moins supprimé dans toutes les classes saufCM. 1, le contenu sémantique (<strong>et</strong> affectif ?) de c<strong>et</strong>adjectif explique peut-être ce résultat.Pour avoir une bonne idée de la difficulté que présenteune expansion, il faudrait établir des testsdans ce seul but en tenant compte des facteurs cités,<strong>et</strong> en faisant varier le type de fonction assumée.***36


2 e TESTCONSIGNE : Supprime le plus de mots possible pour ne conserver que les éléments de base de laconstruction.Prédicat nominal—• Amusant le chapeau pointu de ma mère.— Très drôle le dernier film.— Plus un grain de café à la maison.— Sûrement qu'il viendra bientôt envoiture.— Rien sous les arbres <strong>du</strong> jardin.Prédicat verbal— Bile m<strong>et</strong>tra sûrement une robe longue.— Pierre a vraiment fait tout ce qu'il avoulu.— Quelquefois le chien <strong>du</strong> berger mord lesmoutons.— Un gendarme malin a arrêté le voleur.— Le maître nous regarde avec attention.Enoncé minimum attendit— Amusant le chapeau— Drôle le film— Plus un grain de café— Sûrement qu'il viendra— Rien sous les arbresEnoncé minimum atten<strong>du</strong>— Elle m<strong>et</strong>tra— Pierre a fait— Le chien mord— Un gendarme a arrêté— Le maître regardeCe test présente des difficultés supplémentaires parrapport au précédent ; les phrases proposées sontdes phrases à prédicat nominal sans actualisateur,<strong>et</strong> trois des phrases verbales contiennent un obj<strong>et</strong>« obligatoire », <strong>et</strong> l'obj<strong>et</strong> <strong>du</strong> dernier exemple estun pronom.La consigne est différente de celle <strong>du</strong> premier test,d'une part parce qu'elle ne s'adressait plus auxCE. 1 <strong>et</strong> CE. 2 <strong>et</strong> d'autre part prévoyant la difficultéqui se poserait à propos de l'obj<strong>et</strong>, -nous avionsvoulu insister sur l'observation de la constructionde la phrase.Le classement des phrases dé ce test n'a pas faitl'obj<strong>et</strong> d'une demande de justification. Il semblaita priori peu probable que nous obtenions des réponsessensiblement différentes de celles obtenuespour le premier test.La recherche de l'énoncé minimum était dans ce testce qui nous intéressait le plus.RESULTATS DU 2 e TEST1) Recherche de l'énoncé minimumClasseNombre de classesNombre d'élèvesCM. 14100CM. 241096 e 41035°71684 e 1253°119Pourcentagesdes énoncésminimumscorrectement isolésPN .PV .35,413,639,210,84741,74317,646,485417,83 classes1 classe4 classesClassements réussis 5 >< 55181,365927294,737


Pour des raisons que nous avons expliquées plushaut, nous avons r<strong>et</strong>enu pour la recherche de l'énoncéminimum des phrases nominales sans actualisateur,le critère : prononçable isolément hors situation.Les résultats sont inférieurs à ceux obtenus dans larecherche de l'énoncé minimum des phrases nominalesavec actualisateur.Le choix de certains des exemples est peut-êtrediscutable, dans la phrase 4 un adverbe comme heureusementplus chargé sémantiquement aurait sansdoute mieux convenu ; sûrement dans sûrementqu'il viendra bientôt en voiture a généralementété supprimé, l'énoncé minimum donné étant ilviendra (en voiture a été souvent conservé).Par ailleurs drôle, le film, n'est pas nécessairementsenti comme compl<strong>et</strong> pour tout le monde. Drôle, cefilm paraît plus naturel ou encore très drôle, lefilm. Très, que nous avons considéré comme uneexpansion a été souvent conservé.Le taux de réussite dans la recherche de l'énoncéminimum des phrases à prédicat verbal est considérablementinférieur à celui <strong>du</strong> premier test. Endépit de la consigne plus contraignante c'est le sensde l'énoncé qui a servi de guide aux élèves dansla suppression des expansions. L'expansion obj<strong>et</strong> adonc été conservée par tous les élèves dans certainscas (cf. tableau des erreurs par expansion). Dansla phrase le chien <strong>du</strong> berger mord les moutons,l'énoncé minimum est mieux reconnu, moutons anéanmoins été conservé très souvent sauf en 6".Rappelons qu'entre le premier <strong>et</strong> le second test lesélèves des classes de 6 e ont « un peu travaillé surl'énoncé minimum » pour reprendre les termes desenseignants. Ceci se reflète certainement dans lesrésultats puisque c'est le seul niveau où les pourcentagesde réussite sont comparables (47 % pour lesphrases à PN - 41,7 % pour les phrases à PV).Une classe de 5" a également travaillé sur l'énoncéminimum. On note 52 énoncés minimums verbauxextraits contre 5, 6, 9 <strong>et</strong> 0 dans les autres classes.2) Classement des phrasesLe classement a été opéré c<strong>et</strong>te fois sans modèleproposé. Néanmoins les résultats sont supérieurs àceux <strong>du</strong> premier test. On peut penser que l'absence d<strong>et</strong>oute forme conjuguée dans les phrases à prédicatnominal les rendait suffisamment distinctes desphrases verbales. La différence entre les deux typesde phrase était assez évidente.On peut observer de nouveau un fléchissement en6 e par rapport au CM. 2 mais les résultats ne portantque sur un CM. 2 nous ne pouvons guère lesprendre en considération.3) Remarques sur la suppression des expansionsDans les phrases à prédicat nominal les expansionssont moins bien senties comme telles que dans lesphrases à prédicat verbal, « obj<strong>et</strong> » mis à part. Quel'on compare le taux des erreurs pour l'autonomebientôt dans les phrases à prédicat nominal <strong>et</strong> quelquefoisdans les phrases à prédicat verbal.Le prédicat lui-même a souvent été supprimé dansles phrases à prédicat nominal •— amusant, dansla première phrase est supprimé de la même façonque pointu, l'appartenance à la même classe prendle pas sur le rôle différent joué dans l'énoncé parchacun de ces adjectifs.Sûrement est également supprimé dans la quasi-totalitédes cas, viendra devenant prédicat de laphrase. On peut ère tenté de voir là l'identificationde la classe <strong>et</strong> de la fonction le plus souvent assuméepar c<strong>et</strong>te classe.Les expansions, dans les phrases à prédicat verbal,sont beaucoup mieux identifiées. L'expansion <strong>du</strong>berger dans le chien <strong>du</strong> berger mord les moutons,est la seule à présenter un taux d'erreur élevé, l'ensemblele chien <strong>du</strong> berger a peut-être été senticomme une sorte de composé par certains élèves.De l'expansion obj<strong>et</strong> nous avons déjà parlé. Notonsque le pronom nous n'est guère mieux senti commeexpansion que les autres «obj<strong>et</strong>s».L'expansion « obj<strong>et</strong> » n'est pas mieux reconnue en5 e qu'au CM. 1, elle l'est même parfois moins bien(cf. les moutons, nous). Pour les autres expansionsdans les phrases à prédicat verbal se dessine lamême progression dans la reconnaissance, selon l'âge.Par contre il n'en est rien dans les phrases à prédicatnominal, les chiffres <strong>du</strong> CM. 1 <strong>et</strong> de la 5 e sonttout à fait comparables.38


2 B TEST : POURCENTAGES DES EXPANSIONS NON SUPPRIMEES DANS LES PHRASESA PREDICAT NOMINAL %ClassesElèvesCM. 1100CM. 21096 e765 e1684 e253°198 expansionsDéterminantstrèsdernierAutonomisésà la maisonde ma mère1957242251472711601716,549,55515,62332,8914,929,519,79215920244846144124364044125320101520!0Autonomes15201115420Les chiffres représentent le pourcentage d'élèves ayant conservé une expansion à supprimer.2 e TEST : POURCENTAGES DES EXPANSIONS NON SUPPRIMEES DANS LES PHRASESA PREDICAT NOMINALClassesElèvesCM. 1100CM. 21096 e765 e1684 e253 e1913 expansionsDéterminantslonguemalinAutonomisés<strong>du</strong> bergerAutonomessûrementvraimentquelquefois13201226617513,762,751125,682,756,427,3423,5832112201061200400•455050010Positionnelsobj<strong>et</strong>ce qu'il a voulu9833845293669833,7393,248957962,75628594884876387721001296689272100510030857039


L'hypothèse que l'organisation de la phrase à prédicatnominal est plus difficilement perçue que cellede la phrase à prédicat verbal est confirmée.L'observation des difficultés rencontrées par lesélèves nous a con<strong>du</strong>its à considérer Za phrase minimalecomme une étape utile dans la recherche desfonctions <strong>et</strong> de leur hiérarchie dans la phrase. C<strong>et</strong>tedémarche perm<strong>et</strong> aussi d'attirer l'attention desélèves sur les différences de sens que peuventrévéler un changement dans le comportement fonctionnel<strong>du</strong> verbe, <strong>et</strong> d'aborder par là le lexique.Les tests que nous avons élaborés ne sont pas destinésà devenir des exercices pour travailler surl'énoncé minimum. Il ne nous paraît pas indispensableque les élèves connaissent les différents typesd'énoncé minimum en français. La recherche del'énoncé minimum est un procédé pour favoriserla compréhension de l'organisation d'une phrase.Nous avons voulu déterminer quelles pouvaient êtreles difficultés qui compliquent éventuellement le recoursà ce procédé. Difficultés liées à la nature<strong>du</strong> noyau de la phrase <strong>et</strong> à celle des expansions. Ilserait possible de faire d'autres séries de phrasespour investiguer d'autres points délicats, par exempleles pronoms, la négation, la coordination. Il seraitintéressant d'aborder aussi les contraintes sémantiquesqui rendent la présence de plusieurs expansionsnécessaires <strong>du</strong> type: il m<strong>et</strong> la voiture augarage, <strong>et</strong>c.La recherche de l'énoncé minimum s'appuie au départsur l'intuition que l'on peut avoir de la phrase<strong>et</strong> elle favorise une approche reflexive de l'organisationde c<strong>et</strong>te phrase <strong>et</strong> des relations qui s'y manifestent.La compréhension des rapports des unitésdans la phrase précède l'utilisation de toutenomenclature.Nommer les fonctions, nommer les classes d'unitésn'est nécessaire que pour parler de ce qui a étéreconnu auparavant dans la phrase.Une visualisation simple au moyen de flèches perm<strong>et</strong>de concrétiser les rapports entre les élémentsconstituant une phrase ; elle perm<strong>et</strong> en outre derompre la linéarité <strong>du</strong> message. Les rapports entreles unités ne s'établissent pas en terme de leurproximité dans la chaîne.40


L'ENSEIGNEMENT DE LA GRAMMAIREA L'ÉCOLE ÉLÉMENTAIRERemarques pédagogiquesà partir des conclusions de la recherchesur la conscience de la structure de la phraseDENISE GUILLAUMEECOLE NORMALE DU BOURGET


I - A son point de départ, la recherche porte surl'usage de phrases à prédicat nominal chez les enfants.(Cf. Recherches pédagogiques n° 57.) Nousconcluons alors qu'ils utilisent, spontanément (6 %environ des pro<strong>du</strong>ctions) <strong>et</strong> dans les exercices proposés,ce type de phrases <strong>et</strong> qu'ils les reconnaissentcomme phrases, surtout lorsqu'elles contiennentun actualisateur. Or, un rapide examen des livresde « lecture courante » en usage dans les C.P. desécoles de la région parisienne montre que, lorsqu'ilssont spécialement rédigés pour les élèves, ils éliminentsystématiquement les phrases à P.N. (phrasesque l'on rencontre dans les extraits de romans,de récits, de contes...). Ainsi s'accentue l'écart entrela langue utilisée à l'école <strong>et</strong> celle effectivement pratiquéepar les enfants. Il fait souhaiter que dèsle C.P., les instituteurs, dans la rédaction de textescomme dans le choix des livres à histoires suiviesqu'ils m<strong>et</strong>tront à la disposition de leurs élèves,tiennent compte de l'existence dans la langue françaisede ces structures à noyau non-verbal.II - Dans un deuxième temps, nous cherchons àcerner la perception par les enfants de l'organisationde la phrase. L'intérêt <strong>linguistique</strong> de c<strong>et</strong>te rechercheest indiqué par ailleurs. L'intérêt pédagogiqueen est évident : elle devrait aider à répondre àc<strong>et</strong>te question :« Peut-on, <strong>et</strong> si oui, à partir de quel cours, commencerà l'école élémentaire l'<strong>enseignement</strong> d'unegrammaire reflexive, c'est-à-dire un entraînementà la découverte explicite des structures de la langue— la terminologie, il va sans dire, n'intervenantqu'à ce stade ? »1 - Les Nouvelles Instructions relatives à l'<strong>enseignement</strong><strong>du</strong> Français - Décembre 1972, énumèrentdivers types d'exercices : exercices structuraux, reconstitutionsde texte... <strong>et</strong> précisent leur finalité :ils sont « destinés... à familiariser l'élève avec desstructures qu'il ne m<strong>et</strong>tait pas spontanément enœuvre». C'est là un des aspects fondamentaux del'<strong>enseignement</strong> de la langue ; le bon sens, longtempsmalmené, veut que l'on n'engage l'élève vers l'approchereflexive d'une réalité syntaxique que s'illa maîtrise empiriquement. Mais, ces mêmes instructionssont plus évasives quant au programme, à laprogression. Elles donnent à d'autres exercices :transformations de phrases, substitutions, <strong>et</strong>c. undouble but : « affermir l'usage de certaines constructions<strong>et</strong>... mieux élucider les notions qui les régissent». Ce renvoi à la grammaire explicite s'accompagnede recommandations <strong>et</strong> d'affirmations.Dès le CE., l'enfant « reconnaît plusieurs types degroupes dans la phrase ». L'important est que lesenfants, ayant acquis au CE. la notion de complément<strong>du</strong> verbe, apprennent au CM. à reconnaîtrele C.O.D., condition <strong>du</strong> passage de l'actif au passif ».Elles ajoutent : « Quant aux compléments de lieu<strong>et</strong> de temps, que les enfants reconnaissent aisément<strong>et</strong> désignent volontiers, il n'y a pas d'inconvénientà les nommer, même dès le CE. ».Mais : qu'est-ce que « reconnaître » des groupes ?De quels « groupes » s'agit-il ? : sémantiques, desouffle, fonctionnels ? Qu'est-ce qu' « acquérir unenotion » de complément <strong>du</strong> verbe ? Sur le délicatpassage de l'usage <strong>du</strong> langage à l'élucidation desstructures de ce langage les nouvelles instructionsne disent mot ; il semble que ce soit aux instituteursque revienne l'initiative de le provoquer, d'en choisirle moment <strong>et</strong> la méthode. Notre recherche pourrat-elleles aider ?2 - Méthodes utilisées dans la rechercheà l'Ecole Elémentairea) demande de la suppression des expansions[phrases à P.V., à P.N. (voir p. 32)].b) classement de phrases à P.V. <strong>et</strong> à P.N. (il nepeut être tenu compte ici des quelques explicationsfournies par quelques élèves de CM. 2 sur la justificationde ce classement).3 - Pré-supposés psychologiques<strong>et</strong> hypothèses de travaila) pour réaliser la suppression des expansions, l'enfantest contraint de faire abstraction <strong>du</strong> signifié(par ex., supprimer «au miel»).b) classer en deux catégories suppose la consciencede la différence entre les deux structures. Seul unacte comme le classement peut être signe extérieur,donc visible pour l'observateur a<strong>du</strong>lte, de laconscience des structures (l'enfant, bien sûr, ne doitpas avoir été conditionné).c) la progression de la réussite devrait s'étaler <strong>du</strong>CE. 1 au CM. 2, peut-être au-delà, au fur <strong>et</strong> àmesure <strong>du</strong> passage de l'intelligence intuitive à l'intelligenceopératoire.« La réussite d'un élève aux deux parties <strong>du</strong> testsera signe d'une maturité mentale lui perm<strong>et</strong>tantde recevoir un <strong>enseignement</strong> de grammaire explicite».43


P.S. — Le test dont les résultats seront pris enconsidération ici simplifie le problème de la consciencede la structure dans la mesure où les phrasesà P.V. n'ont pas de syntagme « obj<strong>et</strong> » ; l'énoncéminimum coïncide avec la phrase minimale(Ex. : Michel rêve).4 - Classes utilisées - correction des épreuvesA partir de décembre 1972, les épreuves sont proposéesà près de 300 élèves (voir la répartition p. 31),soit la totalité de plusieurs classes « tout venant »mêlant des enfants de divers milieux socio-culturels,classes pratiquant diverses pédagogies <strong>du</strong> Français,pouvant passer pour représentatives de celles de larégion parisienne.La correction <strong>du</strong> classement est très sévère : il n'estconsidéré comme réussi qué si 3 phrases à P.N. sur4 sont bien classées <strong>et</strong> si 3 phrases à P.V. sur 4 lesont également : nous cherchons à éliminer les eff<strong>et</strong>s<strong>du</strong> hasard. Les recherches antérieures nous ontren<strong>du</strong>s prudents : certains classements d'enfants deCE. 1 paraissaient satisfaisants mais ils étaient lerésultat d'un choix sémantique (ex. : « Le chatmiaule» (parce que) «Il s'amuse»). L'observationde la méthode utilisée par chaque enfant montraitque sous pression (jamais spontanément), certainsutilisaient consciemment des critères formels, parexemple syllabes ou l<strong>et</strong>tres identiques, un mêmedébut de phrase, mais jamais un critère concernantla structure.III - Résultats1 - Résultats au CE. 1 (voir tableau p. 32)Si déjà 42 % des expansions sont supprimées, guèreplus de 25 % d'énoncés minimums sont bien isolés,sans grande différence entre énoncés avec P.N. <strong>et</strong>énoncés avec P.V. (4 %, contrairement à ce que l'ontrouvera aux autres niveaux, l'écart se creusant deplus en plus pour atteindre 35 % au CM. 2).Le classement des phrases n'est réussi que par 27 %des élèves.Le tableau p. 32 m<strong>et</strong> en évidence la difficultéqu'ont les enfants de CE. 1 à supprimer les expansionsen tête de phrase dans les phrases à P.N. ;l'absence <strong>du</strong> verbe donnant un poids maximum àl'information contenue dans les syntagmes non-prédicatifs,ils ne peuvent se résoudre à supprimer cequi indique la situation : « au marché », « demain »,<strong>et</strong>c., alors qu'ils sentent d'autres expansions commedétails (hors noyau), bien que sémantiquementchargées : « d'Espagne » « au miel » <strong>et</strong> sont plusnombreux à les supprimer. Cependant «joli»,«belles», les adjectifs de couleur résistent <strong>et</strong> sontrarement supprimés ; « la chèvre de M. Seguin >;est fréquemment traitée comme un monème lexicalunique.2 - Remarques pédagogiques concernant le CE. 1Ces résultats <strong>et</strong> les observations antérieures nouscon<strong>du</strong>isent à dire qu'au CE. 1 les trois-quarts desélèves ne peuvent tirer profit d'un <strong>enseignement</strong>grammatical systématique. Ils n'ont pas même l'intuitionde l'organisation d'une phrase. L'attachementau signifié les rend inaptes au dépassement del'usage <strong>du</strong> langage pour une observation de ce langage,tout au moins dans un but autre que l'améliorationimmédiate de la communication.En situation réelle de communication écrite, la volontéde faire passer une information peut amenerun enfant — ou des enfants — à accepter la démarcheanalytique que propose l'instituteur, soit à lasuite d'un échec dans la communication, soit que lerécepteur exige une information plus précise. Dansles classes, l'on trouve ces situations après la lectured'un texte libre lorsqu'un « auteur » est questionnépar les camarades qui s'intéressent au contenude son texte ou dans les échanges écrits de la « correspondancescolaire». Dans ces cas, l'attachementau signifié <strong>du</strong> message, d'une de ses phrases ou d'unsyntagme peut entraîner l'élève vers une démarcheplus analytique alors que ce même attachement àl'aspect sémantique des phrases énoncées, lues, écritesdans des situations scolaires artificielles bloquel'aptitude à l'analyse, encore labile chez les jeunesécoliers ; les « leçons de grammaire » — comme lesépreuves de notre test — sont de ce type.3 - Livres de grammaire pour le CE. 1Il nous paraît intéressant d'examiner comment leslivres de grammaire pour le CE. 1, les plus récemmentparus ou les plus utilisés dans la région parisienne,abordent l'analyse des constituants de laphrase, de la relation <strong>du</strong> noyau <strong>et</strong> de ses expansions.Quoique fort différents, ces manuels ont en communl'élimination des phrases à prédicat nominal de44


l'obj<strong>et</strong> de leurs études. Exceptions : un exercice de« construction de phrases » part de « il y a » <strong>et</strong> de« ce sont » (in « Notre langage ») ; un chapitre étudiedes phrases à P.N. avec actualisateur (in«Grammaire structurale <strong>et</strong> expression»), sous lenom de « phrases incomplètes » ! (exemple donné :«Voici des nuages en colère»).a) « Grammaire pour l'expression CE. » - CollectionL. Legrand - Nathan 1970.Diverses fois, les enfants sont invités à manipulerla langue sur l'axe paradigmatique, mais on nesort pas de la grammaire sémantique, le suj<strong>et</strong> étantprésenté comme « ce dont on parle », le prédicatcomme « ce qu'on en dit ». Les premiers momentsdes leçons se veulent «intuitifs», les seconds réfléchis.Tentant de résoudre la contradiction exposéeplus haut, les auteurs voudraient que les enfantsaillent de la conscience « des unités d'information »à celle de segments appelés «groupe suj<strong>et</strong>», «verbe»,«complément <strong>du</strong> verbe». Dans le manuel, cepassage se réalise par un tour de passe-passe, parune affirmation <strong>du</strong> maître : « Ainsi, dans chaquephrase, on parle de quelqu'un ou de quelque chose.Ce groupe de mots important est le groupe suj<strong>et</strong>».Veut-on faire croire aux élèves que le mot « complément» ne parle de rien ? ou encore que jamais uneinformation importante n'est transmise par un syntagme« complément » ?...b) « Avec les mots de tous les jours - LangageCE. 1 » - G. Cot<strong>et</strong> - Hach<strong>et</strong>te 1970.L'auteur reprend également à son compte les vieillesdéfinitions sémantiques <strong>du</strong> verbe <strong>et</strong> <strong>du</strong> suj<strong>et</strong>, jouantun peu sur le vocubulaire : le suj<strong>et</strong> est d'abord appelé« acteur », le verbe dit « ce qui se passe ». Laméthode d'approche des réalités syntaxiques est icides plus simples ; elle procède uniquement par affirmation: ainsi, les groupes de mots sont composésde «mots inséparables». Pourquoi? En CE. 2, ilfaudra bien les séparer... Les phrases sont présentéestantôt découpées, tantôt non ; le découpageisole soit des propositions entières, soit des groupes(fonctionnels). Après un exemple, l'auteur affirmeque « le groupe de mots suj<strong>et</strong> peut être placé avantou après le verbe », sans considération de fréquence,de contrainte liée à la forme interrogative... Avecce manuel, l'on est aussi éloigné d'une grammaireintuitive que d'une grammaire reflexive. Peut-onparler même d'un conditionnement grammatical ?c) « Notre langage CE. 1 ». © Histoires <strong>et</strong> dialogues.© Fiches de travail - collection Leif-Aeschimann- Colin-Bourrelier 1975.Certaines fiches sont des fiches de grammaire, tou^jours couplées avec des textes de lecture auxquelselles renvoient. C<strong>et</strong> astucieux renvoi à des histoiresdéjà lues donne aux exercices un aspect beaucoupmoins artificiel ; l'élève n'a pas à inventer unephrase, en fausse situation d'expression (pour laleçon de grammaire), mais à r<strong>et</strong>rouver ce qu'afait tel personnage de l'histoire, par exemple. Apartir de la fiche 38, les phrases sont parfois découpéesen groupes fonctionnels mais ils ne sont pasprésentés comme tels. Ces jeux de lecture — descases vides à remplir — familiarisent les enfantsavec le découpage fonctionnel. Pratiquement, aucun<strong>et</strong>erminologie n'est donnée, le mot « verbe » n'intervientqu'à propos d'une étude morphologique. C<strong>et</strong>effort pour repousser un <strong>enseignement</strong> explicite dela grammaire au-delà <strong>du</strong> CE. 1, au profit d'autresexercices de Français (lecture active, études lexicales,morphologiques), va dans le sens de nosconclusions. Malheureusement la valeur pédagogiquedes fiches grammaticales est limitée : les phrasesont des structures trop semblables, un certain conditionnementpeut se créer. Pour les jeux de lecture,il aurait fallu choisir des phrases de structures variées,avec divers types d'expansions, à des placeselles aussi variées.Si les titres des trois premiers ouvrages très brièvementanalysés signalent l'intention des auteursd'insérer l'<strong>enseignement</strong> grammatical dans l'<strong>enseignement</strong><strong>du</strong> langage, les trois suivants ont encommun leur référence à la <strong>linguistique</strong>.d) « Grammaire <strong>fonctionnelle</strong> de la langue françaiseCE. 1 » - Galizot-Dumas-Cap<strong>et</strong> - Nathan, 1971.Dans Tavant-propos, les auteurs écrivent que le manuelassure la prise de conscience des faits syntaxiquesfondamentaux <strong>et</strong> perm<strong>et</strong> une maîtrise réfléchiede la langue. C<strong>et</strong>te ambition est fort éloignéedes conclusions de notre recherche. Dès la deuxièmeleçon, l'on propose aux enfants des exercices d'assemblageou de découpage de phrases, sans aucuncritère, par imitation d'un découpage modèle. Legroupe privilégié est celui <strong>du</strong> suj<strong>et</strong> dont la définitionest donnée sans que sa relation au verbe ait étéindiquée..., définition sémantique, peu claire, qui ressortdes consignes pour les exercices : le suj<strong>et</strong> estle groupe qui indique de qui on raconte l'histoire.45


Donc, dans « un haut-parleur annonce le départ desavions », l'on raconte l'histoire <strong>du</strong> haut-parleur...C<strong>et</strong>te grammaire ne serait-elle « <strong>fonctionnelle</strong> » quede nom ? Elle nous semble très éloignée des diversestentatives connues de rénovation de l'<strong>enseignement</strong><strong>du</strong> Français.e) « Grammaire structurale <strong>et</strong> expression auCE. 1 » - Charlier-Basier - Colin-Bourrelier 1972.Ce livre, très ambitieux par son programme, estconfus parce que, livre-modèle, il est aussi compteren<strong>du</strong> de leçons con<strong>du</strong>ites dans une classe réelle,encombré de détails de technique pédagogique. Ladiscordance entre les intentions des auteurs <strong>et</strong> lapratique-modèle des leçons serait trop longue àanalyser ici. Pour une majorité de leçons (l'une portesur la reconnaissance <strong>du</strong> «verbe non conjugué»),la finalité est la réflexion sur la morphologie ousur la structure de phrases souvent extraites de longstextes d'auteurs, par la technique des questions-réponses,bien connue. Mais qui réfléchit ? qui est désignépar le « on » fréquemment employé par lesauteurs ? ( « on reconnaît <strong>et</strong> on encadre l'élémentIII », « on propose une virgule après soir »). N'estcepas le maître ? Pour les séances entrant plus directementdans notre suj<strong>et</strong>, le déroulement est lesuivant : lors de la première séance, après l'écritureau tableau de cinq phrases contenant le même suj<strong>et</strong>(<strong>et</strong> fournies par les élèves à partir d'un thème),l'instituteur isole chaque groupe-suj<strong>et</strong>, l'appelant« élément 1 » ; bientôt dans d'autres leçons, il encadrera« l'élément 2 » (le verbe ou le verbe <strong>et</strong> soncomplément d'obj<strong>et</strong>), puis « l'élément 3 ». Le découpageest imposé ; les enfants ne pratiquent aucunemanipulation formelle sur l'axe paradigmatique, lesfonctions ne peuvent donc apparaître. Ce dressageest dangereux pour une véritable prise de conscience,ultérieurement possible.f ) « Français <strong>et</strong> exercices structuraux au CE. 1 -« Grammaire nouvelle pour le « CE. 1 » - Genouvrier-Gruwez- Larousse 1972.Ces deux livres, indissociables, restent les plus novateursdes manuels récemment parus : les auteursconsacrent volontairement une grande partie desmoments de grammaire à l'acquisition (ou aurenforcement) de schemes syntaxiques <strong>et</strong> à la morphologiedes verbes les plus employés — partieB <strong>et</strong> C des livres. Certains des exercices structurauxauraient davantage leur place au CE. 2 ; lasérie des manuels constitue une progression dontchaque instituteur doit assurer le découpage adaptéà sa classe.Dans la partie A des livres <strong>du</strong> CE. 1, il s'agit de« con<strong>du</strong>ire l'enfant à discerner dans une phrase lesgrands groupes qui la constituent — sans qu'ils'agisse de leur donner un statut syntaxique précis»...«C<strong>et</strong>te notion (de groupe) sera, de manièreimplicite, vécue sémantiquement, sans toutefois quele maître recoure, dans la con<strong>du</strong>ite de la leçon, auxcritères de sens ». L'approche de la notion de groupe,de la relation suj<strong>et</strong>-verbe ne paraît pas satisfaisante.Par exemple, peut-on affirmer que par la « lecturecorrecte » (à voix basse ? à voix haute ? par un enfant? en choeur ?), l'on découpe automatiquementune phrase en groupes fonctionnels ? En eff<strong>et</strong>, cesgroupes fonctionnels ne correspondent pas toujoursà des groupes de souffle (d'enfants de 7 ans, en particulier),aux balayages visuels à chaque point d'arrêtde l'œil, ni aux unités d'information (à rapprocher<strong>du</strong> « groupe vécu sémantiquement » desauteurs). Ainsi ee découpage proposé page 47 :/ Maman / achète / une paire de souliers vernis /.(3 groupes fonctionnels)devient-il : (/ Maman / achète / une paire de souliers / vernis /.(4 unités d'information)<strong>et</strong> peut-être :/M / / une paire / de souliers / vernis/. (5 groupes de souffle dans une lecture « correcte» pour un enfant de sept ans)ou encore :/M / / une paire / de souliers vernis/. (4 groupes de souffle), <strong>et</strong>c.Sans doute convient-il de m<strong>et</strong>tre en cause, tout <strong>enseignement</strong>de grammaire proprement dite, au CE. 1,même lorsqu'elle se veut implicite.4 - Conclusion pour le CE. 1C<strong>et</strong>te brève analyse des manuels de CE. 1 a mis enévidence la difficulté pour des auteurs, quels qu'ilssoient, d'adapter un <strong>enseignement</strong> grammatical à lapensée d'enfants de sept à huit ans. Sans doute n'at-onpas encore tiré, pour la langue première, lesconclusions mises en application dans l'apprentissagedes langues secondes : priorité chronologiquede l'usage sur la réflexion, la réflexion prématurée46


freinant ou bloquant l'apprentissage qui, dans unpremier temps, relève d'autres mécanismes. Ceuxdes auteurs qui ont abandonné l'illusion d'une prisede conscience des structures syntaxiques à sept ansse fondent sur le possible, appelé « maîtrise intuitive»,«manière implicite», mais souvent pour re-En définitive, la conscience implicite, intuitive,En définitive, la conscience, implicite, intuitive,n'est-elle pas impliquée dans l'usage de la langue <strong>et</strong>dans sa maîtrise pratique progressive, lors des situationsde communication où l'enfant est ém<strong>et</strong>teurmais aussi récepteur <strong>du</strong> message d'autrui.C<strong>et</strong>te brève analyse aura permis de m<strong>et</strong>tre en avantquelques préférences pédagogiques, en accord avecles conclusions de la recherche. Il faut les préciser: apprentissage des schemes syntaxiques, de lamorphologie <strong>du</strong> verbe, de l'orthographe, nécessairement; imprégnation, donc approche implicite desstructures, en liaison avec l'approche sémantiqued'un texte par les exercices dits de reconstitution d<strong>et</strong>extes <strong>et</strong> par d'autres activités qui, ayant certesd'autres finalités, concourent aussi à c<strong>et</strong>te imprégnation: audition de poèmes, de contes, d'histoires... <strong>et</strong>leur lecture ; attitude reflexive envers la langue aucours de situations de communication authentique(textes libres, comptes ren<strong>du</strong>s, correspondance, albumde vie de la classe...) mais seulement si le besoins'en fait sentir pour faciliter la communication<strong>et</strong> non pas au gré <strong>du</strong> vouloir <strong>du</strong> maître, encoremoins de façon régulière <strong>et</strong> systématique.5 - Du CE. 1 au CM. 2 : résultats <strong>et</strong> remarques pédagogiques(voir le tableau p. 35 <strong>et</strong> 36).La progression est évidente ; certaines chutes encours de route sont peu compréhensibles. Notreéchantillon est-il encore trop ré<strong>du</strong>it pour êtrereprésentatif ? La chute des résultats au classementde phrases en 6° <strong>et</strong> 5 e m<strong>et</strong>-elle en causel'<strong>enseignement</strong> reçu dans ces classes ou seulementla rupture entre l'école élémentaire <strong>et</strong> lepremier cycle ? Le facteur dominant de la progressiondes résultats des enfants de l'école élémentaireparaît être, comme supposé, révolution<strong>du</strong> type de raisonnement ; mais alors peut-onm<strong>et</strong>tre sur le compte de l'<strong>enseignement</strong> grammaticalles plus faibles progrès dans les exercicessur les phrases à P.N., parce qu'il exclut deson obj<strong>et</strong> ce type de phrases ? Plus généralement,quelle influence a sur l'évolution de la consciencedes structures de la langue le type d'<strong>enseignement</strong>reçu ? Nos tests ne perm<strong>et</strong>tent pas de donner uneréponse indiscutable, mais les différences de résultatsentre deux classes de même niveau (CM. 1, parexemple) ne semblent pas liées aux différences deméthode pédagogique, ce qui ne sera plus vrai en6 e ou en 5 e .Dès le CE. 2, les expansions sont largement supprimées.40 % des élèves classent correctement lesphrases. Sans doute, des exercices sur la suppressonde quelques types d'expansion sont possibles,des syntagmes autonomes, particulièrement ; aussi,des exercices de commutation, mais des équivoquessubsisteront. Soit un exercice de recherche des équivalentsfonctionnels de « Jacques » dans la phrase :« Jacques tape dans le ballon ».Les élèves proposent :« Le p<strong>et</strong>it voisin / »« Mon frère / »« Il : » <strong>et</strong>c.Le pédagogue estime qu'ainsi ils ont fait apparaîtrela fonction suj<strong>et</strong> mais les enfants n'ont-ils passeulement énoncé une série d'équivalents sémantiques?Au CM. 1, une large majorité a compris la notion denoyau de la phrase, mais seule une minorité, encore,classe correctement. Ce n'est qu'au CM. 2 que laconscience de l'organisation de la phrase a n<strong>et</strong>tementprogressé. Parallèlement est né, chez certainsélèves, un intérêt pour l'analyse de la langue.Au CM. 2, dans quelques séances consacrées à unegrammaire reflexive systématique, des exercices<strong>du</strong> type de ceux proposés par les collègues <strong>du</strong> premiercycle pour les élèves de 6 e ont leur place, àcondition de faire porter l'analyse sur des phrasesencore assez simples. Il est à souhaiter que des recherches(en cours ou à venir) perm<strong>et</strong>tent d'établirune progression quant aux finalités <strong>et</strong> aux méthodesd'<strong>enseignement</strong> de la grammaire pour les deux dernièresannées de l'école élémentaire.A certains, l'ensemble de ces conclusions pédagogiquesparaîtra essentiellement négatif parce qu'ellesrej<strong>et</strong>tent une bonne part de l'<strong>enseignement</strong> actuelde la grammaire Elles tendent à faire glisser lespréoccupations des maîtres <strong>et</strong> les activités des élèvesvers d'autres activités de Français, mieux adaptéesaux enfants de l'école élémentaire, plus efficaces,telles celles citées à propos <strong>du</strong> CE. 1.D. G.Mai 7547


L'ÉNONCÉ MINIMUMEssai d'applications pédagogiquesen classes de sixième <strong>et</strong> cinquièmeGLORIA CUREC.E.S. « LES TILLEULS », SAINT-MAUR-LES-FOSSES<strong>et</strong> IRENE PROCHASSONC.E.S. «VOLONTAIRES», PARIS


Le recours à l'énoncé minimum peut, tout en donnantune base théorique satisfaisante à la démarchepédagogique de l'enseignant <strong>du</strong> français, lui apporterune aide précieuse, plus spécialement dans lesdomaines suivants :• il perm<strong>et</strong> d'analyser le matériel <strong>linguistique</strong> desenfants d'une classe à partir de leurs corpus oraux<strong>et</strong> écrits <strong>et</strong> d'y constater éventuellement la prédominanced'un certain type de structures ou d'expansions<strong>et</strong> d'orienter l'action pédagogique en fonctiondes lacunes ou des fautes de construction auxquellesil y aurait lieu de remédier.• de mener une étude syntaxique, dégagée de lasémantique <strong>et</strong> <strong>du</strong> simple étiqu<strong>et</strong>age de l'analysegrammaticale traditionnelle.o de faciliter lorsqu'il s'appuie sur une visualisationéclairante le passage de la grammaire impliciteà la grammaire explicite <strong>et</strong> la prise de consciencequ'un énoncé linéaire (dans le temps ou dans l'espace)est de structure non linéaire car les différentséléments de c<strong>et</strong> énoncé entr<strong>et</strong>iennent entre eux desrapports hiérarchisés.La langue étant un système contraignant, le pédagoguene peut se désintéresser de la norme qu'ildoit s'efforcer de faire acquérir par la majoritédes élèves sans rigidité excessive en vue de faciliterla communication.La recherche de l'énoncé minimum d'une phrase,recherche qui n'est, jamais sa propre fin, nous semblefavoriser :• l'assimilation de certaines règles orthographiques.• la compréhension de certaines phrases complexespar une elucidation des rapports fonctionnels.• la correction de phrases mal structurées.• la pro<strong>du</strong>ction de phrases grammaticalement correctes.APPLICATIONS PEDAGOGIQUESQuelles que soient les phrases sur lesquelles on travaille<strong>et</strong> le but que l'on se propose (amélioration del'orthographe ou de l'expression, meilleure appréhensiond'une structure puis <strong>du</strong> sens) la démarchepédagogique comprend toujours les étapes suivantes:1) Découpage de la phrase en groupes fonctionnels(fonctions primaires)La recherche des groupes fonctionnels est effectuéepar commutation (cf. Martin<strong>et</strong> - Eléments de <strong>linguistique</strong>générale). Nous employons avec les élèvesle terme de substitution. C<strong>et</strong>te recherche reste liéeà la linéarité de l'énoncé comme le montrent lesexemples qui suivent. Un problème se pose parfois :certains élèves conçoivent la commutation commeune recherche de synonymes <strong>et</strong> non comme le moyende délimiter un groupe d'unités dont le noyau assumeune fonction donnée. Nous considérons quec'est bien la fonction <strong>du</strong> groupe <strong>et</strong> non le sens qui aété prise en considération lorsque les commutationsproposées par les élèves manifestent une certaineindépendance vis-à-vis <strong>du</strong> sens de l'énoncé où appartiennentà des classes différentes.Exemples :/ La sonnerie <strong>du</strong> collège / r<strong>et</strong>entit / soudain / Leprofesseur / donnait / une feuille polycopiée / àchaque élève.Je suis une collégienne de dix ans <strong>et</strong> demi.Voilà / deux l<strong>et</strong>tres <strong>du</strong> Sénégal / pour Elisab<strong>et</strong>h <strong>et</strong>Sylvie.2) Recherche de l'énoncé minimum ou énoncé debase par ré<strong>du</strong>ction de phrase.L'énoncé de base n'est pas « imposé » aux élèvesmais sa recherche donne lieu à une discussion caril n'y a pas toujours coïncidence avec la phrase minimale<strong>du</strong> fait de la pression sémantique de certainsverbes qui entraînent des expansions : voir,entendre, donner, m<strong>et</strong>tre pour n'en citer que quelques-uns.Même si elle donne lieu à des remarques incidentes,d'ordre sémantique (un verbe peut changer de sensquand il est employé absolument) il faut montreraux élèves que c<strong>et</strong>te recherche doit aboutir à isolerles éléments nécessaires à la constitution des rapportssyntaxiques <strong>et</strong> qu'elle ne porte pas sur lesens : un télégramme respecte le sens, mais non lesconstructions grammaticales. Exemple : Pierre ar-51


ive à Orly, Jeudi à 17 heures, a pour énonce minimumPierre arrive, information peu précise si ondoit aller le chercher à son arrivée.3) L'énoncé de base est écrit au tableauLes rapports entre les différents éléments <strong>du</strong> syntagmeprédicatif <strong>et</strong> les expansions sont visualisés parfléchage.Les principes de base de la visualisation que nousavons utilisée sont exposés ci-dessous ; ils sont intro<strong>du</strong>itsprogressivement lorsque la nécessité en estressentie par les élèves. Ainsi la flèche barrée utiliséedans le cas d'une expansion obligatoire a étédonnée en réponse à une demande des élèves quisouhaitaient distinguer ce type d'expansion dans lavisualisation.(Voir l'appendice sur la visualisation ci-après)Exemples :Phrase, verbale :La sonnerie ^ • / r<strong>et</strong>entit /<strong>du</strong> collègesoudainLes groupes en fonction primaire sont d'abord isolésà l'intérieur de ces syntagmes. On dégage ensuiteles expansions non-primaires. Ces expansions sontcelles qui se rattachent non au prédicat de la phrasedirectement, mais au noyau <strong>du</strong> syntagme dans lequelils sont intégrés.En raison de la progression que nous suivons, noustraitons différemment, dans un premier temps, lesmodalités nominales <strong>et</strong> les autres déterminants <strong>du</strong>substantif. Les modalités nominales ne sont doncpas dissociées de leur noyau dans la visualisation,jusqu'en cinquième. Les autres déterminants, aucontraire ne sont pas représentés sur le même niveauque leur noyau. Par exemple : la reste près desonnerie mais <strong>du</strong> collège en est séparé. En premièreanalyse on ne tient pas compte de l'amalgame,fonctionnel + modalité dans <strong>du</strong>.Phrase verbale à prédicat complexe :Je •* • / suis / une collégienne /Phrase nominale :Voilà ^ •/ une l<strong>et</strong>trede dix ans.f Elisab<strong>et</strong>hpour J <strong>et</strong>j SylvieDécoupage, ré<strong>du</strong>ction, mise en évidence de l'énoncéde base rendent, croyons-nous, plus évidentes lesopérations de substitutions qui interviennent dansl'étude des différentes fonctions. La reconnaissancede ces fonctions, en particulier de la relation SU­JET-VERBE (fonction primaire) <strong>et</strong> de la relationADJECTIF-NOM (fonction secondaire) est nécessaireà l'application des règles d'accord <strong>et</strong> débouchesur des applications dans le domaine de l'orthographe.Ces exercices qui m<strong>et</strong>tent constamment l'accent surla comparaison de l'oral <strong>et</strong> de l'écrit utilisent lematériel suivant :• phrases pro<strong>du</strong>ites par les élèves.• phrases empruntées à des publicités, des journaux,des textes d'auteurs (dictées préparées).• phrases d'exercices systématiques centrées surune difficulté particulière.• schémas incompl<strong>et</strong>s à terminer sur consignes.Victimes des pièges de la linéarité (que la visualisationdes phrases contribue à éviter), les enfantsfont souvent les accords par contiguïté, principalementdans les cas suivants :— quand le suj<strong>et</strong> est séparé <strong>du</strong> verbe par un ouplusieurs éléments, quelle que soit la fonction dec<strong>et</strong> élément.Les enfants écrivent par exemple :Tu l'a bien mérité.Cela les inquiétaient.Il les mangent.52


Enoncé de base :II* •/ mange /Indivi<strong>du</strong>ellement ou par groupes, les enfants peuventêtre invités à compléter un schéma partiellementrempli par des éléments qui imposent descontraintes orthographiques.Exemples :L'enfant des voisins regarde la T.V.L'enfant 4 •/ regarde/des voisinsLe bruit* •/ effraie 7Les chiensdes machinesque tu entends aboyerla T.V.bienla maison— quand le suj<strong>et</strong> est constitué de deux éléments coordonnés :Notre dispute 1<strong>et</strong> [


JN—•/entends /le chant des oiseaux ique les oiseaux*—•/ chantent / 2les oiseaux chanter 3Soit la phrase d'élèves :Il / se dit / qu'il devait passer le mur <strong>du</strong> jardin deFrançois-René <strong>et</strong> d'aller dans sa chambre.C<strong>et</strong>te phrase « lue » aux élèves ne les choque pas.Deux sur un groupe de dix-huit sont capables deproposer une correction valable.les oiseauxquM—•/ chantent / -Après visualisation, la proportion est de quinze surdix-huit.C<strong>et</strong> exercice peut donner lieu à des remarques d'ordrestylistique.2) Objectif : Jeu des modes dans les suites ou expansionsde certains verbes.On fournit un seul segment :• soit le verbe de base :J' A •/apprends /Je* • / souhaite /J'* •/ espère /soit l'expansion :* \que tu / partes / en vacancesque tu parsque tu partirasque tu partiraisIN •/ se dit /qu'Ile ¥' devrait /LI\j passer le mur de Fr.<strong>et</strong>[aller dans sa chambre.Toujours dans le domaine des exercices d'assouplissement,passage <strong>du</strong> discours direct au discours indirectou inversement.Exemple : Le roi déclara : « J'ai l'intention dedonner ma fille au vainqueur ».Le roi


Soit la phrase :/ un sentier qui montait vers la colline / était /derrière le mas de la vieille femme // était /f derrière le mas de la 1V vieille femme )Echanger 3 <strong>et</strong> 1Le journal


APPENDICEPRINCIPES DE BASEDE LA VISUALISATION UTILISEEPour visualiser les rapports syntaxiques des phrasesétudiées, nous nous inspirons des principes exposéspar A. Martin<strong>et</strong> (conventions pour une visualisationdes rapports syntaxiques, La Linguistique, Vol. 9,P.U.F. 1973-1) que nous résumons ici.La visualisation au moyen de flèches qui est proposée,prétend à une grande généralité, elle n'estpas établie à partir de l'observation d'une languedonnée mais par une démarche qui va de l'observationà l'in<strong>du</strong>ction. Trois rapports fondamentauxsont ainsi dégagés. Martin<strong>et</strong> insiste sur le fait queLes rapports sont établis entre des classes d'unités<strong>et</strong> en aucun cas entre des éléments lexicaux ougrammaticaux particuliers.Les trois rapports peuvent être les suivants, A <strong>et</strong> Breprésentant des classes d'unité.1 - A suppose B <strong>et</strong> B suppose A : — La visualisationde ce rapport sera ^-». Ce type de rapport estcelui qui unit suj<strong>et</strong> <strong>et</strong> prédicat.2 - A existe sans B mais non B sans A, A


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LE SUJETLes critères grammaticaux suffisent-ilsà reconnaître les fonctions syntaxiques ?G. MARCAND, Y. BERGER


Lorsqu'on réfléchit à la notion de suj<strong>et</strong> d'un pointde vue pédagogique, on constate d'abord l'importanceque prend son <strong>enseignement</strong> dans les classes.Non seulement celui-ci commence très tôt, mais ildoit aboutir à une connaissance imperturbable desélèves, que ce soit en «orthographe», «conjugaison» ou « analyse ».Les moyens donnés à l'élève pour répondre à c<strong>et</strong>teexigence sont-ils suffisants ?La définition <strong>du</strong> suj<strong>et</strong> dans les grammaires traditionnellescorrespond aux cas les plus fréquents (lesuj<strong>et</strong> fait ou subit l'action, indique qui est dans uncertain état). Pour les autres cas, on intro<strong>du</strong>it desdistinctions subtiles (suj<strong>et</strong> réel <strong>et</strong> apparent) ou onn'en parle pas.C<strong>et</strong>te insuffisance nous a amenés à nous demanderdans quelle mesure le concept de suj<strong>et</strong> est définissable<strong>et</strong> reconnaissable dans toutes les phrases parles élèves.C'est seulement dans ce cas que l'exigence pédagogiqueévoquée plus haut est légitime. Sinon, trouverle suj<strong>et</strong> est pour l'élève un exercice de mémoire oule résultat d'un hasard <strong>et</strong>, en l'exigeant, on manquele but que nous assignons à l'<strong>enseignement</strong> de lalangue : aider à la compréhension de la structure,donner une plus grande faculté de raisonnement <strong>et</strong>contribuer ainsi au développement intellectuel del'enfant.3) la classe des unités : ex. : « Bleu est le ciel ».L'adjectif «bleu», bien qu'il soit placé avant leverbe, ne sera pas pris pour suj<strong>et</strong>.4) dans un contexte sémantique donné, un segmenta, par son sens, une plus grande chance d'être lesuj<strong>et</strong>. Ex. : «Demain arrivera Paul».Le segment demain renvoyant à la dimension temporellea moins de chance d'être le suj<strong>et</strong>.5) la définition donnée par la grammaire traditionnelle(cf. intro<strong>du</strong>ction) perm<strong>et</strong> de reconnaître lesuj<strong>et</strong> dans un certain nombre de cas, ceux qui sontproposés aux élèves.En réalité, la reconnaissance <strong>du</strong> suj<strong>et</strong> est commodelorsque tous ces critères convergent (alors que, dansl'<strong>enseignement</strong>, on s'en tient à un seul!).En résumé : nous avons voulu savoir, dans quellemesure, lorsqu'un seul critère est présent, on peutreconnaître le suj<strong>et</strong>. En quelque sorte, « jusqu'oùle suj<strong>et</strong> reste-t-il suj<strong>et</strong> ? »II.Les principesEtude des aptitudes des enfants :— maniement actif (pro<strong>du</strong>ction) ;— maniement passif (compréhension des énoncésdes a<strong>du</strong>ltes <strong>et</strong> écarts) ;— analyse (reconnaissance <strong>du</strong> suj<strong>et</strong>).A - LA RECHERCHEI. Détermination de l'objectifEtude théorique :Critères de reconnaissance <strong>du</strong> suj<strong>et</strong>Dans un certain nombre de cas, le suj<strong>et</strong> a desmarques nombreuses qui rendent sa distinction facile.1) la position : « le chasseur tue le lion ».2) la forme spécifique : cas des pronoms spécialisésdans la fonction suj<strong>et</strong> : je - tu - on - il...N.B. —. Ont participé à l'équipe de recherche également :M mes Bidjeck, Cauchois, Forg<strong>et</strong>, Marc<strong>et</strong>eau, Pansanel.B - L'EXPERIENCEI. Etude préliminaireL'étude des aptitudes des enfants au maniementactif <strong>et</strong> à l'analyse de la structure a permis de déterminerla forme de l'expérience. Nous exposonsrapidement les conclusions de c<strong>et</strong>te étude préliminaire.1) Maniement actif : étude de corpus d'élèves de 5°Le dépouillement a révélé un grand nombre dephrases à actualisateur (environ 1/4 des énoncés) :ex. : / lepará Ss pa kom la Kôfityr / Les parents c'estpas comme la confiture.D'autre part, dans les phrases « à suj<strong>et</strong> », 80 %étaient des pronoms <strong>et</strong> des lexemes ou syntagmes,repris par des pronoms (ces chiffres étaient confir-61


mes par des résultats annexes d'autres recherches<strong>du</strong> groupe, comme celle de Lucile Baudrillard surle système verbal).Pour obtenir un nombre suffisant de phrases à soum<strong>et</strong>treà l'analyse, il aurait fallu un corpus si énormeque l'on s'est résolu à l'élaboration d'un test.2) Facultés d'analyse : nous avons demandé à nosélèves de 5 e de souligner le suj<strong>et</strong> dans des énoncésdont la structure différait des « cas d'école » de lagrammaire traditionnelle. Les réponses obtenuesétaient « aberrantes » <strong>et</strong> confirmaient la difficulté dela reconnaissance <strong>du</strong> suj<strong>et</strong>.Ex. : Phrase proposée à 200 élèves de 5 e :« Prom<strong>et</strong>tre, ce n'est pas tenir ».On obtient 16 choix différents pour le suj<strong>et</strong>, dont :n' - n'est - pas tenir - la phrase entière - <strong>et</strong>c.3) Conséquences concernant le test définitif :• Il devra porter sur un seul type d'énoncé.• Les variables seront en nombre limité.• On essaiera de déterminer quelle connaissance intuitive<strong>du</strong> suj<strong>et</strong> ont les a<strong>du</strong>ltes <strong>et</strong> on reviendra parla suite à celle des enfants (c'est le compte ren<strong>du</strong>concernant les réponses des a<strong>du</strong>ltes qui est donnéici).II.Le test (voir le texte pages suivantes)PRINCIPES DE SON ELABORATION :1) Le type d'énoncé r<strong>et</strong>enu a été :Syntagme nominal 1 -f- copule -f- syntagme nominal2.(ex. : Son père est le propriétaire)dans lequel les critères de reconnaissance <strong>du</strong> suj<strong>et</strong>énumérés plus haut ne suffisent pas.2) Hypothèse : la reconnaissance <strong>du</strong> suj<strong>et</strong> peutêtre influencée, soit :a) par la position <strong>du</strong> syntagme : antéposition oupostposition à la copule ;b) par les modalités nominales qui, redondantesdans les cas non-ambigus, deviennent alors pertinentes;c) par les sous-classes auxquelles appartiennent leslexemes (animé - inanimé, <strong>et</strong>c.) ;d) par le contenu sémantique.3) Choix des variables :a) modalités nominales r<strong>et</strong>enues : le - un - <strong>du</strong> - ce -mon - tel - tout - certain - maint - beaucoup de -chaque (remarque : beaucoup de sera employé avecun lexeme « singulier » : ex : beaucoup de sucre) ;b) sous-classes des lexemes : abstrait - concr<strong>et</strong> animé- concr<strong>et</strong> inanimé - nom de personne - toponyme.C<strong>et</strong>te double combinaison aboutit à 4 000 énoncés, cequi rend le test impossible. Aussi avons nous ré<strong>du</strong>itle nombre des variables pour obtenir un nombreraisonnable d'énoncés.4) Etude de l'incidence de la sous-classe <strong>du</strong> lexeme :Elle a été con<strong>du</strong>ite isolément par chaque membrede l'équipe. Il est apparu que c<strong>et</strong>te incidence n'étaitpas la plus déterminante. Par exemple, un énoncéqui combine un lexeme de la sous-classe des animésavec un lexeme de la sous-classe des inanimés :chaque femme est toute montagne n'est ni plus, nimoins acceptable que l'énoncé qui combine le mêmelexeme « animé » avec un lexeme de la sous-classedes « abstraits » : chaque femme est toute joie. Lesproblèmes de la reconnaissance <strong>du</strong> suj<strong>et</strong> sont lesmêmes.Ces observations nous ont con<strong>du</strong>its à ne r<strong>et</strong>enir endéfinitive comme variables, que les modalités affectantles lexemes de chaque syntagme, chacune d'ellesétant combinée avec toutes les autres.5) Construction des énoncés :• Principe : ils devront fonctionner « dans les deuxsens » :Exemple :Syntagme 1 -f- copule +Syntagme 2 (énoncé a).Syntagme 2 + copule + Syntagme 1 (énoncé |3).• Problèmes de l'acceptabilité des énoncés : nousavons fait référence à notre intuition <strong>et</strong> dans certainscas, nous avons, nous-mêmes, hésité (certainescombinaisons ont ainsi été éliminées : énoncés : B 6 -Bll -C7-E10-H11 - J12).6a


LES QUESTIONS POSEES : La population soumise au test :A) PREMIERE QUESTION : «Dans un message,les énoncés a <strong>et</strong> [3 vous paraissent-ils interchangeables? ».Commentaire_ 7.: 3 réponses sont possibles : oui - nonC<strong>et</strong>te question ayant pour but une approche del'intuition <strong>linguistique</strong>, on a essayé, par sa formulation,de ne pas faire trop directement appel au« sens » ).B) C<strong>et</strong>te 1" question, qui est écrite au début <strong>du</strong>test, est assortie d'une remarque : « Si certainesphrases vous semblent « non-françaises », m<strong>et</strong>tez-lesentre parenthèses, mais répondez quand même.(Commentaire : C<strong>et</strong>te remarque a pour but de nepas soum<strong>et</strong>tre la réponse à la 1" question à la notion« d'acceptabilité » des énoncés) :C) DEUXIEME QUESTION : (ellea été posée oralement,lorsque tout le groupe testé avait terminéla 1" question) :« Soulignez le suj<strong>et</strong> de chaque énoncé ».150 élèves bacheliers des classes préparatoires auxgrandes écoles de deux lycées parisiens (LycéeCharlemagne <strong>et</strong> Paul Valéry). A ces réponses,s'ajoutent celles de quelques a<strong>du</strong>ltes (collègues).Présentation <strong>du</strong> test :Il comprend 68 énoncés, groupés en 12 séries numérotéesde A à L.Les énoncés ont été présentés dans l'ordre suivant :Al - B10 - C8 - A12 - D4 - E9 - F6 - G12 - A5 -Bll - H9 - D7 - A3 - B8 - D12 - A7 - Ail - J10 -Kll - A2 - L12 - A9 - B2 - C12 - DU - E7 - K12 -A10 - B3 - D9 - Eli - Fil - Jll - A4 - B7 - C3 -D5 - F10 - G7 - H12 - C9 - 19 - B4 - F9 - G10 -E6 - Hll - A8 - D6 - A6 - E5 - 110 - F7 - B5 -D8 - B9 - F12 - C5 - G8 - D10 - 111 - H8 - E12 -G9 - H10 - C4 - E8 - J12.Mais pour rendre la lecture de ce compte ren<strong>du</strong> <strong>et</strong>des résultats plus facile, nous les publions dans l'ordredes séries.ENONCES FORMANT LE TESTQuestion : Dans Un message, les énoncés a <strong>et</strong> (3 vous paraissent-ils interchangeables?Remarque : Si certaines phrases vous semblent n'être pas françaises, m<strong>et</strong>tezlesentre parenthèses, mais répondez quand même.Enoncé aEnoncé (3oui non ?AlA2A3A4A5A6SérieLe père est le roiLe chef sera un officierLe dessert sera <strong>du</strong> fromageLe malade est ce garçonLe con<strong>du</strong>cteur est monmariLe responsable est telélèveA (le)Le roi est le pèreUn officier sera le chefDu fromage sera le dessertCe garçon est le maladeMon mari est le con<strong>du</strong>cteurTel élève est le responsable63


Enoncé a Enoncé |3ouiLe bénéficiaire seraquelque malheureuxLa victime est tout contribuableLe condiment est certainemoutardeLa victime était maintvieillardLe travail est beaucoupde fatigueLa patrie est chaque citoyenQuelque malheureux serale bénéficiaireTout contribuable est lavictimeCertaine moutarde est lecondimentMaint vieillard était lavictimeBeaucoup de fatigue estle travailChaque citoyen est lapatrieUn maître est un modèleUn hors d'oeuvre sera <strong>du</strong>pâtéUne fève est ce légumeUn chien était mon compagnonSérie B (un)Un modèle est un maîtreDu pâté sera un hqrsd'oeuvreCe légume est une fèveMon compagnon était unchienUn cadeau serait quelqueobj<strong>et</strong>Une complication seraittout refroidissementUne convention est certainecontrainteUne inondation est beaucoupd'eauUn poison est chaquedrogueQuelque obj<strong>et</strong> serait uncadeauTout refroidissement seraitune complicationCertaine contrainte estune conventionBeaucoup d'eau est uneinondationChaque drogue est unpoisonDu poisson est <strong>du</strong> thonDu poisson est ce platDe la confiture est mongoûterSérie C (<strong>du</strong>)Du thon est <strong>du</strong> poissonCe plat est <strong>du</strong> poissonMon goûter est de laconfiture


Enoncé aEnoncé [3De la vie est toute naissanceDe l'abnégation est certaincourageToute naissance est de lavieCertain courage est del'abnégationDu plaisir est chaquevoyageChaque voyage est <strong>du</strong>plaisirSérie D (ce)Ce danger est ce microbeC<strong>et</strong> homme est mon professeurCe déguisement sera telvêtementCe farceur sera quelquegalopinCe rêve est tout espoirCe parfum est certaineessenceC<strong>et</strong>te victime était maintvieillardCe travail est beaucoupde fatigueC<strong>et</strong>te patrie est chaquecitoyenSérie EMa voiture est mon souciMon choix est tel bijouMon proj<strong>et</strong> est quelqueromanMon régal est toute sucrerieMon ami est certain batelierCe microbe est ce dangerMon professeur est c<strong>et</strong>hommeTel vêtement sera ce déguisementQuelque galopin sera cefarceurTout espoir est ce rêveCertaine essence est ceparfumMaint vieillard étaitc<strong>et</strong>te victimeBeaucoup de fatigue estce travailChaque citoyen est c<strong>et</strong>tepatrie{mon)Mon souci est ma voitureTel bijou est mon choixQuelque roman est monproj<strong>et</strong>Toute sucrerie est monrégalCertain batelier est monamiMon travail est trop defatigueMon espoir estenfantchaqueTrop de fatigue est montravailChaque enfant est monespoir


Enoncé a Enoncé (3 nonF6F7F8F9FIOFilFI 2Série FTel abonné est tel numéroTelle décision est quelquegaffeTel enfant sera certainacteurTel proj<strong>et</strong> est maint espoirTel régime est beaucoupde contrainteTel abri est chaquegrotte(tel)Tel numéro est tel abonnéQuelque gaffe est telledécisionCertain acteur sera telenfantMaint espoir est tel proj<strong>et</strong>Beaucoup de contrainteest tel régimeChaque grotte est telabriSérie G(quelque)H8H9H10HllH12Tout citoyen étaitcontribuableSérie HtoutTout décès est certainchagrinToute naissance estmaint souciToute récréation estbeaucoup de bruitTout pollueur est chaquehomme(tout)Tout contribuabl<strong>et</strong>out citoyenétaitCertain chagrin est toutdécèsMaint souci est toutenaissanceBeaucoup de bruit esttoute récréationChaque homme est toutpollueur19110Série 1Certain effort est certainplaisirCertain animal fut maintsymbole(certain)Certain plaisir est certaineffortMaint symbole fut certainanimal66


Enoncé aEnoncé poui non ?Ill112Certaine découverte futbeaucoup de hasard—Beaucoup de hasard futcertaine découverteSérie J (maint)J10JllJ12Maint discours est maint<strong>et</strong>romperieMainte solitude est beaucoupde tristesseMaint problème est chaqueprogrèsMainte tromperie estmaint discoursBeaucoup de tristesseest mainte solitudeChaque progrès estmaint problèmeSérie K (beaucoup de)KllK12Beaucoup de miel estbeaucoup de sucreBeaucoup d'esprit estchaque calembourBeaucoup de sucre estbeaucoup de mielChaque calembour estbeaucoup d'espritSérie L (chaque)LI 2Chaque rêve est chaqueespoirChaque espoir est chaquerêveC - LES RESULTATSI. Résultats chiffrésIls sont présentés ici en 4 tableaux :Les résultats de la 1" question sont contenus dansles tableaux I <strong>et</strong> II, où on trouvera, pour chaqueénoncé, le pourcentage des réponses oui (tableau I)<strong>et</strong> des réponses non (tableau II).Les deux autres tableaux (III <strong>et</strong> IV) précisent comments'est effectué le choix <strong>du</strong> suj<strong>et</strong> dans chaqueénoncé <strong>et</strong> par rapport à la réponse à la l re question.Le tableau III précise donc le tableau I.Le tableau IV précise donc le tableau II.Un exemple de lecture accompagne chaque tableau.67


1TABLEAU IIl indique (en pourcentage) combien de personnes ont considéré les énoncés a <strong>et</strong> (3 interchangeables en répondantoui à la I ro question.énoncéSérie01


•TABLEAU IIIl indique (en pourcentage) combien de personnes n'ont pas considéré les énoncés a <strong>et</strong> ¡3 interchangeables enrépondant non à la l' e question.^\ Sérieénoncé \.CDf—1c3373OtuoQE monF telG quelqueH toutI certainJ maint" Kbeaucoup deL chaque1 le2 un63,1324,2281,87- —3 <strong>du</strong>17,6134,16864 ce13,6624,682525,785 mon13,0415,821510,5519,76 tel10,06XX22,017,5147 quelque ....23,2760X37,8164347,748 tout35,4457,143948,7520,7X70,8637,9043,7964,524832,5405554,967653,2010 maint . ......26,62XX27,5X5055,3345,648,0768,7511 beaucoup de ..48,7546,21X202527X53,941,1360,627612 chaque36,1871,344340,7626,85561,5349,4X47,4636,657Moyenne pour ce tableau : 41,66 %Exemple de lecture <strong>du</strong> tableau :Soit toujours l'énoncé A4.13,56 % des interrogés ne considèrent pas a <strong>et</strong> |3interchangeables.La lecture complémentaire des tableaux I <strong>et</strong> IIperm<strong>et</strong> de trouver le pourcentage des non réponses,soit pour A4 : 100 — (86,24 + 13,56) = 0,20 %.Pour savoir :Quel syntagme est choisi comme suj<strong>et</strong> : voir tableauIV.69


TABLEAU IIIChoix <strong>du</strong> suj<strong>et</strong> pour les cas <strong>du</strong> Tableau I.Pourcentage des cas où le suj<strong>et</strong> choisi est le même syntagme dans les énoncés a <strong>et</strong> B (cf exemple ci-dessous).^vénoncé ¿\.Série01


Choix <strong>du</strong> suj<strong>et</strong> pour les cas <strong>du</strong> Tableau II.TABLEAU IVPourcentage des cas où le suj<strong>et</strong> choisi est le même syntagme dans les énoncés a <strong>et</strong> |3.^ ^énoncé ^\SérieCJ


II.Commentaires1) L'analyse statistique rigoureuse de ces résultatsn'a pas été entreprise.2) On constate une très grande diversité dans les résultats,ce qui confirme notre hypothèse, à savoirque la notion de suj<strong>et</strong> est, dans les cas considérés,très floue:3) Pour la l re question : « Les énoncés a <strong>et</strong> (3 vousparaissent 1^ interchangeables ? », on peut noter un<strong>et</strong>rès légère avance des réponses : oui. On serait tentéde penser que les personnes ayant ainsi répon<strong>du</strong>considèrent, intuitivement, que le suj<strong>et</strong> est le mêmedans les énoncés a <strong>et</strong> p.Mais la lecture <strong>du</strong> tableau III nous apprend que leChoix conscient <strong>du</strong> suj<strong>et</strong> (2 e question <strong>du</strong> test) n'estcohérent avec c<strong>et</strong>te hypothèse que pour 41,52 % descas en moyenne.4) Par contre, toujours en ce qui concerne le choix<strong>du</strong> suj<strong>et</strong>, il apparaît n<strong>et</strong>tement, par dé<strong>du</strong>ction à partirdes résultats des tableaux III <strong>et</strong> IV, que le syntagmeantéposé au verbe est le pus souvent souligné: 58,5 % des cas d'une part, 65,4 % d'autre part.Dans les cas ambigus, tel celui <strong>du</strong> type d'énoncéchoisi pour le test, le critère de la position est r<strong>et</strong>enuen premier semble-t-il.III. Résultats annexes :Rôle des modalités nominalesIl nous a semblé intéressant d'essayer d'apprécier sitelle ou telle modalité nominale avait plus de chancequ'une autre d'affecter le syntagme r<strong>et</strong>enu commesuj<strong>et</strong>, <strong>et</strong> de devenir par là même la marque <strong>du</strong> suj<strong>et</strong>.a) Méthode :1) Soit l'énoncé :— Un poison est chaque droguea— Chaque drogue est un poisonPLorsque le suj<strong>et</strong> souligné était le même syntagmedans a <strong>et</strong> p (43 cas) :Le syntagme un poison a été souligné 9 fois en a<strong>et</strong> p.Le syntagme chaque drogue a été souligné 34 fois ena <strong>et</strong> p.2) Si l'on compare le comportement de la modalitéchaque par rapport à toutes les autres (énoncé n° 12de toutes les séries) on constate qu'il est le mêmequ'avec un.Nous avons fait c<strong>et</strong>te comparaison pour toutes lesmodalités. Mais, étant donné que l'observation portesouvent sur un très p<strong>et</strong>it nombre de cas, les résultatsn'ont qu'une valeur très relative.b) Résultats : nous ne donnons que ceux qui nousont semblé les plus n<strong>et</strong>s : Par exemple, certaines modalitésn'accompagnent que le suj<strong>et</strong> ; alors que d'autresapparaissent seulement dans les syntagmes attributs.Il est évident qu'en l'absence d'autres indices(c'est-à-dire là où la position n'est pas déterminante,<strong>et</strong> les deux syntagmes relèvent de la même sousclassse<strong>et</strong> de la même sphère sémantique) ces modalitésmarquent la fonction suj<strong>et</strong> ou la fonction attributrespectivement.Modalités qui n'apparaissent qu'en syntagme suj<strong>et</strong>:Chaque : dans toutes les combinaisons.Tel : dans toutes les combinaisons sauf avec chaque.Ce : dans toutes les combinaisons sauf avec chaque<strong>et</strong> tel.Modalités qui ne figurent qu'en syntagme attribut :Beaucoup de : dans toutes les combinaisons.Quelque : dans toutes les combinaisons sauf avecle où il y a égalité.Dans les énoncés où la même modalité apparaît dans2 syntagmes (1 er énoncé de chaque série), le syntagmer<strong>et</strong>enu pour suj<strong>et</strong> est tantôt l'un, tantôtl'autre. Il semble que dans c<strong>et</strong>te zone, le choix<strong>du</strong> suj<strong>et</strong> ait été fait à partir d'indices sémantiques.D - CONCLUSIONC<strong>et</strong> essai d'approche de l'intuition <strong>linguistique</strong> desa<strong>du</strong>ltes montre qu'il n'y a pas convergence ; quece soit dans la reconnaissance de l'identité ou de ladifférence entre deux phrases, ou pour reconnaîtrele suj<strong>et</strong> de la phrase. Les locuteurs se comprennent72


pourtant. Mais il semble que ce soit, non par la rigueurde la structure, mais par autre chose, variabeselon les cas.Pour le choix <strong>du</strong> suj<strong>et</strong>, par exemple, interviennentdes facteurs tels que la modalité nominale, la sémantique<strong>et</strong> aussi peut-être l'intonation (quel estle rôle de c<strong>et</strong>te dernière dans le choix <strong>du</strong> suj<strong>et</strong> del'énoncé : « Du fromage sera le dessert » ?).C<strong>et</strong>te multiplicité de critères est très éloignée de ladéfinition unique donnée généralement aux élèves.Elle dicte une autre attitude pédagogique :• d'une part, ramener l'exigence de connaissancedemandée aux élèves aux cas sur lesquels les « francophonesmoyens » sont d'accord (ex. : Pierre batPaul, tout le monde reconnaît Pierre comme suj<strong>et</strong>).• d'autre part, dire aux élèves que, dans un certainnombre de cas, la reconnaissance <strong>du</strong> suj<strong>et</strong> estdifficile <strong>et</strong> se fait selon des critères non syntaxiquesqu'il est intéressant de découvrir.En agissant ainsi, l'enseignant aura cerné de plusprès la réalité <strong>linguistique</strong> <strong>et</strong> adopté une attitudepédagogique plus honnête.73


LE MANIEMENTDES PROCÉDÉS DE SUBORDINATIONCHEZ LES ENFANTS(RÉGION PARISIENNE)CAROLINE PERETZPARIS VCATHERINE THIBAUDC.E.S. CHEVILLY-LARUE


INTRODUCTIONL'article <strong>du</strong> numéro 57 de Recherches Pédagogiques,intitulé « les subordonnées non relatives » présentaitles premiers résultats d'une recherche menéesur corpus au cours des années 1970-71 <strong>et</strong> 1971-72 ;l'analyse syntaxique des expansions subordonnéesà prédicatoïdes verbaux, qu'elles soient intro<strong>du</strong>itespar un indicateur de relation d'une classe distinctede celle des pronoms relatifs, qu'elles soient autonomesou qu'elles soient autonomisées par le procédépositionnel (1) n'avait pas alors été menéeà son terme : seule avait été faite l'évaluation quantitative,par situation de communication, de l'importancecomparée <strong>du</strong> taux de subordonnées chezles enfants <strong>et</strong> chez les a<strong>du</strong>ltes ; on s'était ainsiaperçu que l'usage des phrases complexes est réel,chez les enfants, même s'il est un peu moins fréquentque chez les a<strong>du</strong>ltes, <strong>et</strong> que c<strong>et</strong> usage estdiversifié selon les situations de communication :la plus forte utilisation de prédicatoïdes se trouveen situation de discussion pour les enfants, en situationd'écrit pour les a<strong>du</strong>ltes ; la moins forte s<strong>et</strong>rouvant en situation de récit oral, dans les deuxcas.La suite <strong>du</strong> travail de l'équipe de recherche a portésur l'aspect qualitatif de ces usages. Car l'étude<strong>du</strong> fonctionnement syntaxique de la subordinationdes syntagmes à prédicatoïdes verbaux suppose qu'ons'intéresse aux différents types de mise en relation,à la classe syntaxique à laquelle appartient l'expansion,à la hiérarchie de c<strong>et</strong>te expansion dans lecadre de la phrase ainsi qu'à la classe <strong>du</strong> noyauauquel elle se rattache. L'examen de chacun de cespoints a donné lieu à une évaluation syntaxiquedifférente des corpus <strong>et</strong> a mené à l'élaborationd'exercices qui se proposent d'enrichir, sinon d'améliorer,le maniement de la subordination chez lesélèves ainsi qu'à une tentative de découpage <strong>et</strong> dehiérarchisation des apprentissages dans le temps.I. Les noyaux des expansions subordonnéesà prédicatoïdes verbaux1. Les aspects fonctionnels de la relation de subordination: ce qu'on appelle le noyau d'une expan-(1) Voir R.P. n u 57, p. 102.76


sion est également son point d'incidence ; quelssont donc les aspects fonctionnels de la relationd'une expansion à son noyau ?Soit l'énoncé de base composé d'un suj<strong>et</strong> <strong>et</strong> d'unverbe à ses temps <strong>et</strong> modes personnels ; on peutlui adjoindre des éléments en expansion, dont lafonction est celle de déterminants de type objectifou circonstanciel ; ces expansions subordonnéessont nécessairement rattachées à un noyau ; il y aimplication de la présence <strong>du</strong> noyau ; l'expansion estdonc hiérarchiquement inférieure à son noyau. L'indication<strong>du</strong> rapport qui unit l'élément subordonnéà son noyau peut se faire par des indicateurs derelation qui, chacun, indique un type de relation ;soient les exemples :(1) Pierre a dit la vérité à Paul puisqu'il était là.(2) Pierre a dit la vérité à Paul quand il était là.L'énoncé de base, l'expansion obj<strong>et</strong> <strong>et</strong> l'expansionintro<strong>du</strong>ite par à sont identiques dans les deuxphrases, <strong>et</strong> les termes <strong>du</strong> syntagme en expansionsont les mêmes ; seule change la relation au noyaulorsqu'on commute puisque <strong>et</strong> quand. En 1 <strong>et</strong> en 2,les noyaux sont identiques, mais la relation au noyauest différente.Un deuxième cas de modification de la fonction del'expansion subordonnée est le suivant : la relationau noyau reste identique d'une phrase à l'autre,mais les noyaux diffèrent. Soient les exemples :(1) nous souhaitons que c<strong>et</strong> étudiant réussisse sonexamen.(2) nous formulons le souhait que c<strong>et</strong> étudiant réussisseson examen.2. Les latitudes expansionnelles <strong>du</strong> noyauOn peut aussi considérer un noyau donné <strong>du</strong> pointde vue de ses latitudes expansionnelles, <strong>et</strong> envisagerles contraintes que le choix d'un noyau impose surla construction syntaxique de son expansion subordonnée.Ainsi, dans l'ensemble des verbes objectifs à signifiédéclaratif, les verbes dire <strong>et</strong> déclarer d'une part, demander<strong>et</strong> décider d'autre part, n'ont pas la mêmeeombinatoire ; suivis d'une expansion à prédicatoïdeverbal non fléchi, c'est-à-dire à l'infinitif, les deuxpremiers verbes sont des noyaux désignés par laseule post-position de l'expansion ; les deux suivants,dans l'usage le plus normal, sont accompagnés d'unmonème relationnel qui précède <strong>et</strong> intro<strong>du</strong>it l'expansion:(1) Pierre a dit être monté sur le Mont Blanc en1964.(2) Pierre déclara aimer le poisson.(3) l'enfant demande à s'habiller tout seul.(4) Paul a décidé de partir rapidement.Si l'on considère maintenant les phrases suivantes :(5) il faut décider Paul à partir rapidement.(6) Pierre me demande de partir avec lui.(7) Pierre a dit de partir sans lui,on constate que la présence d'un indicateur de relationdifférent après décider <strong>et</strong> demander, celle <strong>du</strong>monème de après dire ne dépendent pas directement<strong>du</strong> noyau ; c'est la référence implicite aux interlocuteursde Pierre qui impose le choix de de dans(7) ; c'est la présence d'une expansion nominaleen fonction obj<strong>et</strong> dans le cas de (5) <strong>et</strong> (6) qui occasionnele changement <strong>du</strong> monème relationnel : àau lieu de de, en (5) ; de au lieu de à, en (6).Si, donc, beaucoup de verbes adm<strong>et</strong>tent plusieursprocédés d'expansion, on remarque souvent qu'unepression des contextes en restreint le choix.Par ailleurs, les différents procédés d'expansionpeuvent correspondre à des signifiés différents <strong>du</strong>verbe : Grévisse, dans Le Bon Usage (1969) signalele cas <strong>du</strong> verbe rester qui change de sens selon lesexpansions qu'il adm<strong>et</strong> :(1) il reste à éplucher les haricots(2) Paul reste à dîner(3) Paul reste dînerEn (1), le suj<strong>et</strong> est nécessairement impersonnel pourqu'accompagné d'une expansion intro<strong>du</strong>ite par à,le verbe signifie « être de reste, subsister » ; en (2)<strong>et</strong> (3), le suj<strong>et</strong> est personnel, <strong>et</strong> rester accompagnéou non de à, signifie « demeurer ».77


Autre exemple tiré de Grévisse : le verbe manquer; accompagné d'une expansion mise en relationpar à ou de, manquer change de sens :(1) Pierre a manqué à se faire entendre des jurés(2) Pierre a manqué se faire écraser(3) Pierre a manqué de se faire écraser.(1) équivaut à: «Pierre n'a pas réussi à se faireentendre des jurés».(2) <strong>et</strong> (3) signifient : « Pierre a couru le risque dese faire écraser», «il a failli se faire écraser».Voilà encore de nouveaux exemples :(1) Paul sait nager le crawl(2) Paul sait qu'il nage le crawl(2) Paul sait qu'il nage le crawl(4) Pierre a imaginé de se déguiser(5) Pierre a imaginé qu'il se déguisait(6) Pierre a imaginé que Paul se déguisait.En (1) le verbe savoir a le signifié « connaître »dans un aspect <strong>du</strong>ratif ; en (2) <strong>et</strong> (3) au contraire,il signifie « être conscient », ou « connaître » dansun aspect plus instantané ; imaginer signifie « inventer» en (4), « se représenter dans l'esprit » en(5) <strong>et</strong> en (6).En (2) comme en (5), le suj<strong>et</strong> <strong>du</strong> prédicatoïde, il,peut avoir le même réfèrent que le suj<strong>et</strong> <strong>du</strong> prédicat,mais cela n'est pas obligatoire (6).L'alternance de deux procédés de mise en rapportd'une expansion à son noyau est ici <strong>du</strong>e à l'alternancedes signifiés <strong>du</strong> noyau, en l'abience de toute pression<strong>du</strong> contexte syntaxique. On pourrait se demandersi c<strong>et</strong>te absence de choix ne ressortit pas plusau domaine morphologique qu'au domaine syntaxique; ce serait alors <strong>du</strong> même ordre que l'absencede choix entre le subjonctif <strong>et</strong> l'indicatif dansun syntagme intro<strong>du</strong>it par le nomène bien que :J'apprécie Paul, bien qu'il ne soit pas mon ami.Ici, la présence obligatoire <strong>du</strong> subjonctif dans l'expansionest un fait de morphologie, non de syntaxe.Cependant, en (1) <strong>et</strong> en (2), comme en (3) <strong>et</strong> en (4),le contexte syntaxique est-il réellement identique ?la présence d'un suj<strong>et</strong> <strong>et</strong> celle d'une modalité verbaleauprès des prédicatoïdes nager <strong>et</strong> se déguiser sontilsdes accidents formels <strong>du</strong>s à l'utilisation de telou tel procédé de mise en relation de l'expansionà son noyau ? En m<strong>et</strong>tant en parallèle ces constructions<strong>et</strong> les suivantes, on constate l'existence d'unfait syntaxique général qui vaut pour toutes :(1) Je compte que tu seras là à l'heure(2) Je compte être là à l'heure(3) Je prévois que tu seras en r<strong>et</strong>ard(4) Je prévois d'être en r<strong>et</strong>ard(5) Je songe que tu arrives demain(6) Je songe à arriver demain.Dans le cas d'une expansion à prédicatoïde verbalnon fléchi, la contrainte porte sur le procédé de miseen relation : absence de monème relationnel pour(2) ; présence de de au lieu de à en (4), <strong>et</strong> inversementen (6). Lorsque le prédicatoïde est intro<strong>du</strong>itpar que, il est fléchi, <strong>et</strong> son suj<strong>et</strong> peut avoir un réfèrentdistinct de celui <strong>du</strong> suj<strong>et</strong> <strong>du</strong> prédicat.Puisque, donc, on consate qu'un même choix syntaxiqueexiste pour les verbes compter, prévoir <strong>et</strong>songer, quoique chacun de ces noyaux potentielsait une combinatoire distincte dans le cas de l'expansionà prédicatoïde non fléchi, on peut y rapporterle cas des verbes savoir <strong>et</strong> s'imaginer quifonctionnent de la même manière ; la différenceréside dans le fait que le choix syntaxique révèle,pour ces deux verbes, une différence de signifiéselon qu'ils sont les noyaux de tel ou tel typed'expansion.Au lieu donc d'opérer avec deux verbes savoir oudeux verbes s'imaginer à combinatoire unique, onopère avec un ensemble de verbes à combinatoirecomplexe, dont font partie les verbes savoir <strong>et</strong> s'imaginer.Dans la pro<strong>du</strong>ction de phrases, ou usage actif, <strong>et</strong>leur compréhension, ou usage passif, le locuteur doitdonc observer des contraintes ou des latitudes quivarient d'une classe de noyaux à une autre, <strong>et</strong>même au sein d'une seule <strong>et</strong> même classe ; il estdonc nécessaire d'affiner la classification si l'on désireconnaître les différences existant entre deux ou78


plusieurs usages parisiens ; ainsi telle personne construiranormalement le verbe avouer avec la prépositionde, ce qui ne sera pas <strong>du</strong> tout le fait d'unautre locuteur. Le « j'avoue d'être inquiète lorsqueje suis sans nouvelles » de l'un équivaudra au«j'avoue être inquiète lorsque je suis sans nouvelles» de l'autre.La mise en évidence de ces différences doit être précédéepar un travail de recherche sur la combinatoiredes noyaux verbaux, <strong>du</strong> type ci-dessous ; si l'onfait le constat qu'un regroupement des verbes adm<strong>et</strong>tantun régi positionnel obj<strong>et</strong> ne correspond pasexactement à un regroupement des verbes adm<strong>et</strong>tantune expansion à prédicatoïde verbal fléchi, miseen relation par le monème que, <strong>et</strong> qui exclut un dépendantnominal en fonction obj<strong>et</strong>, on devra alorsaffiner la classification de ces verbes.Soient donc les sous-classes suivantes :a) classe de réussir, tenter, continuer, <strong>et</strong>c.Verbes qui adm<strong>et</strong>tent un obj<strong>et</strong> nominal, mais pas laconstruction par que :e Je réussis une opération - Je tente une opération• * Je réussis que .... - * Je tente que ....• Je réussis à attraper le trainmais : je tente d'attraper le trainb) classe de convenir, songer, <strong>et</strong>c.Verbes qui adm<strong>et</strong>tent la construction par que maisqui n'adm<strong>et</strong>tent pas d'obj<strong>et</strong>s nominaux :• convenons que nous partirons lundi - songez quevous n'êtes plus tout jeune• * convenons notre départ pour lundi - * songeonsnotre bonheur futur• convenons de notre départ pour lundi, mais :songeons à notre bonheur futur.c) classe de raconter, déclarer, jurer...Verbes qui adm<strong>et</strong>tent les deux constructions ; ainsi :il jure la vérité <strong>et</strong> : il jure qu'il dit la vérité ; maisce verbe se distingue des deux premiers, puisquepour une construction infinitivale lui seul adm<strong>et</strong> lechoix syntaxique entre le procédé positionnel <strong>et</strong>l'indication de relation au moyen <strong>du</strong> monème de :(1) il raconte ^(2) il déclare l dire la vérité(3) il jure Jmais : (4) il jure de dire la vérité.Entre (3) <strong>et</strong> (4), une différence sémantique correspondà la différence syntaxique : (3) signifiant « iljure qu'il est en train de dire la vérité » alors que(4) signifie: «il jure qu'il va dire la vérité».De même, le verbe penser qui rentre dans la mêmesous-classe se distingue de raconter <strong>et</strong> de déclareren ce que, comme jurer, il adm<strong>et</strong> deux types deconstructions avec l'infinitif ; cependant, à la différencede jurer, le choix syntaxique renvoie à deuxsignifiés distincts <strong>du</strong> verbe penser :(1) il pense m'ennuyer par son intervention(2) il pense à m'ennuyer par son intervention.En (1) le verbe penser a le même signifié que croire ;en (2) il a le signifié de décider ou de vouloir. Onpeut néanmoins se demander si c<strong>et</strong>te corrélationvariation syntaxiqueest aussi n<strong>et</strong>te pour le mêmevariation sémantiqueverbe dans les phrases :(1) Pierre pense partir demain(2) Pierre pense à partir demain.Autrement dit, l'apport sémantique <strong>du</strong> monème fonctionnelvarierait d'un contexte à un autre : voilàqui ne simplifie guère l'apprentissage ni même laperception de ces nuances.Puisque, donc, au sein d'une même classe de noyaux,la classe <strong>du</strong> verbe par exemple, les monèmes nejouissent pas des mêmes latitudes d'expansion, onpeut, à des fins d'analyse <strong>et</strong> de réflexion sur la langue,élaborer une grille pour l'étude de leur combinatoire:c'est ce qu'a fait N. Gross dans sa Grammair<strong>et</strong>ransformationnelle <strong>du</strong> français, syntaxe <strong>du</strong>verbe ; notre équipe de recherche a fait une tentativeanalogue à partir d'un fichier constitué par lesverbes des corpus ; l'ébauche en est donnée en appendice; si l'on confronte un verbe à c<strong>et</strong>te grille,79


qui n'est qu'une série de contextes syntaxiquespossibles pour l'ensemble des verbes, on peut arriverà dégager des signifiés différents pour ce verbe,ainsi que les combinaisons qu'il adm<strong>et</strong> <strong>et</strong> celles qu'ilexclut.A l'aide de c<strong>et</strong>te grille, on a donc décrit quelquesverbes : aller, ennuyer, essayer, continuer, commencer,rester, décider, avouer, apprendre, savoir, ima-giner, trouver, <strong>et</strong>c. On a alors constaté qu'il esttrès difficile, sinon impossible de dégager un ensemblede comportements communs à plusieursverbes ; tout se passe comme si chaque verbe étaità envisager pour lui-même, surtout si l'on veut faireapparaître les variations <strong>du</strong> signifié. Par contre,on a pu obtenir des ensembles de verbes se construisantavec un même monème fonctionnel, à ouque par exemple :voirs'apercevoir ^ _f- que + prédicatoïde fléchisongerOn remarque que c<strong>et</strong> ensemble se dissocie lorsqu'onnale :ajoute au noyau verbal une expansion de la classe nomi-s'apercevoir de -f- régi nominal voir -f- régi nominal songer à 4- régi nominal: ,-V/ r^s'apercevoir que + prédicatoïde voir que + prédicatoïde songer que + prédicatoïde3. Les différentes classes de noyauxComme on pouvait s'y attendre, l'examen des corpusa révélé une n<strong>et</strong>te infériorité numérique, tantà l'écrit qu'à l'oral, des noyaux non verbaux chezles enfants <strong>et</strong> chez les a<strong>du</strong>ltes, leur proportion estcomprise entre 20 % au maximum <strong>et</strong> 10 % au minimum.On n'observe pas de variations significativesselon les situations de communication ou selonles âges. Quand les verbes ne sont pas noyaux à 85ou à 90 %, on constate que la part des différentsnoyaux non verbaux varie d'un corpus à l'autre :si les régis, noms ou pronoms, prédominent danscertains corpus, les adjectifs, en fonction de quasiprédicatou d'epithète, les mots-phrases, tels queoui, si ou non, ou les cas d'absence de noyau sontprépondérants dans d'autres corpus. En fait, lesdifférences sont minimes <strong>et</strong>, nous le répétons, apparemmentpeu significatives.Il aurait été intéressant de m<strong>et</strong>tre en rapport dansles corpus l'ensemble des noyaux régis <strong>et</strong> adjectivauxavec l'ensemble des verbes dont les expansions nesont pas mobiles <strong>et</strong> qui sont désignés comme pointsd'incidence tant par la présence d'un monème fonctionnelque par la poit-position de l'expansion àson noyau ; en eff<strong>et</strong>, les procédés de mise en relationdes expansions sont les mêmes <strong>et</strong> ils posent les mêmesproblèmes de combinatoire pour l'apprentissage :Le schéma syntaxique est en eff<strong>et</strong> souvent le suivant:de ~)a j >que-f- prédicatoïde non fléchi-f- prédicatoïde fléchi <strong>et</strong> suj<strong>et</strong>a) Classe des adjectifs :(1) L'enfant / impatient / d'être en vacances pensaitplus à s'amuser qu'à travailler.(2) Au r<strong>et</strong>our de vacances, Pierre s'est cru / triste /à mourir.(3) Je suis tout à fait / sûre / que tout va bienmaintenant.80


(4) Je suis très / content / que tu sois eniin rétabli.Dans c<strong>et</strong> exemple, que est suivi obligatoirement <strong>du</strong>subjonctif : il s'agit d'une servitude à caractère morphologique.On peut ainsi délimiter deux sous-classesd'adjectifs selon qu'ils sont accompagnés de que <strong>et</strong>de l'indicatif ou de que <strong>et</strong> <strong>du</strong> subjonctif.b) Classe des noms :(1) On a le /droit / de publier c<strong>et</strong> article ailleurs.(2) Il reste tout un / article / à corriger.(3) J'ai la / conviction / absolue que tu vas réus-(4) J'ai le vif / désir / que tu réussissesEncore une fois, que s'accompagne d'un subjonctifou d'un indicatif, selon le noyau auquel il se rapporte.La phrase (2) est <strong>du</strong> même ordre que celle-ci, tiréed'un corpus d'enfant :(5) On a mis le beurre à fondre.Les compléments d'obj<strong>et</strong> nominaux <strong>du</strong> prédicat verbalpourraient être interprétés comme l'obj<strong>et</strong> del'infinitif qui succède ; c<strong>et</strong>te interprétation vaut surle plan sémantique, puisque les phrases (2) <strong>et</strong>(2 bis), (5) <strong>et</strong> (5 bis) ont le même signifié :(2 bis) Il me reste à corriger tout un article.(5 bis) On a mis à fondre le beurre.De plus, en (2) <strong>et</strong> en (5), les infinitifs n'adm<strong>et</strong>tentpas d'obj<strong>et</strong>s : il s'agit là en fait d'une restrictionà la combinatoire, <strong>du</strong>e au contexte syntaxique ; leproblème ne se pose plus si l'infinitif en questionappartient à la classe des verbes intransitifs :(6) Vous m<strong>et</strong>tez bien <strong>du</strong> temps à partir.Il faut donc bien interpréter la structure comparabledes phrases (2), (5) <strong>et</strong> (6) comme étant composéed'un obj<strong>et</strong> nominal qui est le point d'incidenced'une expansion infinitivale subordonnée par à.c) Classe des autonomes adverbiaux : les latitudescombinatoires de ces monèmes (synthèmes, ou syntagmes)sont très restreintes : le plus souvent, ilsont comme subordonnés des monèmes de leur propreclasse : très vite, trop longtemps, <strong>et</strong>c.Il y a cependant des cas où certains monèmes autonomespeuvent être noyaux d'une subordonnée àprédicatoïde fléchi bu non fléchi ; la plupart <strong>du</strong>temps c<strong>et</strong> autonome est en fonction predicative, qu'ilsoit ou non actualisé par un présentatif <strong>du</strong> genrec'est, il y a, voici...(1) / Heureusement /qu'il n'est pas encore arrivé.(2) On a mis / longtemps /avenir.(3) (Voici)/ longtemps /que tu n'es pas venu mevoir.(4) (Y'en a) / assez /de jouer à ça.(5) C'est / bien /de dire la vérité.(6) C'est très /bien/ que tu aies dit la vérité.(7) C'est/hier / que tu as dit la vérité.Un effacement de l'actualisateur c'est perm<strong>et</strong> latransformation des phrases (6) <strong>et</strong> (7) en :(6 bis) que tu aies dit la vérité est très bien.(7 bis) tu as dit hier la vérité.On observe que le parallélisme des structures pour(6) <strong>et</strong> (7) ne subsiste plus en (6 bis) <strong>et</strong> (7 bis) <strong>et</strong> onvoit que la présence ou l'absence <strong>du</strong> subjonctif est<strong>du</strong>e au statut différent de que en (6) <strong>et</strong> en (7) ; en(6), il est conjonctif par lui seul ; il ne l'est pas en(7), puisque sa présente dépend de celle de c'est, quiprédicativise hier, dont tu as dit la vérité devientalors l'expansion par que.(8) C'est toujours / ainsi / que tu fais la vaisselle? Ici, que est suivi de d'indicatif ; la présencede l'actualisateur est nécessaire pour qu'il y aitsubordination en (5), (6), (7) <strong>et</strong> (8).d) Classe des pronoms personnels :(1) (C'est){à moi de faire mes preuves,à moi à faire mes preuves.81


(2) (C'est) à vousd'envoyer le ballon,à envoyer le ballon.Y a-t-il là une zone de variation « libre » dansl'usage ? Il semble qu'on puisse employer les deuxconstructions, par à <strong>et</strong> par de, sans qu'il y ait decontrepartie sur le plan <strong>du</strong> signifié. On peut sedemander d'autre part si l'expansion infinitivalen'apparaît que lorsque le pronom est précédé deà : il y aurait là une contrainte résultant <strong>du</strong> contextesyntaxique.(3) C'est pour/ vous /tous que je travaille.(4) C'est à / moi / seul qu'il appartient de répondre.En (3) <strong>et</strong> (4), que est conjonctif ; dans la phrase (5),au contraire, où le pronom n'est pas précédé d'unepréposition, que ne peut être que le que relatif.(5) C'est / vous /que je remercie.La commutation avec d'autres subordonnées relativesBU possible en (5) ; elle est impossible en (3) <strong>et</strong>(4) : (6) c'est vous dont )à qui } J' ai P arl e(7) c'est vous qui avez gagné...La présence de l'actualisateur c'est pour les phrases(3) <strong>et</strong> (4) est nécessaire pour qu'une subordinationconjonctive se fasse ; en (1) <strong>et</strong> (2), elle est facultative.Quelles que soient pour chacune de ces classes denoyaux, les contraintes qui régissent ce type de subordinationverbale, on peut <strong>et</strong> on doit considérerque c<strong>et</strong>te subordination fonctionne syntaxiquementde la même manière que lorsque le point d'incidenceest un verbe ; en eff<strong>et</strong>, les mécanismes sont identiques: post-position à l'élément déterminé <strong>et</strong> miseen relation par un nomène fonctionnel de classeidentique (à ou de lorsque le prédicatoïde n'estpas fléchi, que lorsqu'il l'est). Les différences majeuressont principalement d'ordre fréquentiel ; deplus ces subordonnées excluent tout autre détermination<strong>du</strong> noyau verbal, qui soit de rang primaire :je / sais / qu'il a dit vrai.qu'il a dit vrai exclut, par sa présence, un régi positionnelobj<strong>et</strong>. C<strong>et</strong>te considération ne vaut pas quepour les verbes objectifs ; on a vu qu'il existedes verbes adm<strong>et</strong>tant la construction par que maispas la construction objective : ainsi : convenir, ouse souvenir qui se combinent avec la prépositionde lorsqu'ils sont suivis de déterminants nominaux ;c<strong>et</strong>te détermination est aussi exclue s'il y a subordinationverbale. Lorsque au contraire le noyau del'expansion à prédicatoïde verbal n'est pas un verbe,d'autres déterminations positionnelles <strong>du</strong> noyau sontcompatibles avec la détermination verbale (cf. : lesexemples cités ci-dessus).Lors de l'analyse des corpus, s'est posé le problèmede l'identification <strong>du</strong> noyau des expansions par que,<strong>et</strong> de sa nature syntaxique dans des phrases tellesque :(l)C'est quand je fus coiffée qu'elle s'aperçut qu'elleavait un peu trop coupé (corpus ©).(2) C'est alors que je lui fis part de mes proj<strong>et</strong>s.(3) C'est le dernier jour qu'il est arrivé.Ces trois constructions par que sont insérées dansune phrase nominale à actualisateur c'est ; elles diffèrentcependant de la construction suivante :(4) Tout ce que je peux dire, c'est que sur le momenton s'amusait bien (corpus ©).En eff<strong>et</strong>, la suppression de l'actualisateur c'est, <strong>et</strong>le changement de nature syntaxique de la phrasequi, de nominale, devient verbale sont concomitantsen (1), (2) <strong>et</strong> (3) avec la suppression <strong>du</strong> que : nonen (4) où on peut considérer que c'(est) est un élémentdiscontinu de tout ce que je peux dire, suj<strong>et</strong><strong>du</strong> verbe copule être. C<strong>et</strong>te phrase est à rapprocherdes suivantes :a) les parents, c'est pas marrant.b) c'est un vrai flic, ton père,où la position des syntagmes par rapport à c'est n'estpas pertinente. Y aurait-il là un cas de syncrétismesyntaxique ? L'effacement de c'est est impossible en82


(4) sinon il m<strong>et</strong>trait en cause l'intégrité de laphrase ; seul c' peut disparaître, <strong>et</strong> que demeure indispensableà l'existence <strong>du</strong> quasi-prédicat puisquecelui-ci appartient à la classe verbale :(1 bis) Quand je fus coiffée, elle s'aperçut que...(2 bis) Alors je lui fis part de mes proj<strong>et</strong>s.(3 bis) Il est arrivé le dernier jour.(4 bis) Tout ce que je peux dire est que sur le momenton s'amusait bien...On a pu s'apercevoir par ailleurs que certains des casde subordination par que des pronoms ou des monèmesautonomes n'étaient possibles qu'en présenced'un actualisateur qui donnait à ces monèmes lestatut de noyaux prédicatifs de phrases non verbales; ceci se vérifie aussi en effaçant l'actualisateur:« C'est pour vous tous que je travaille » devient« Je travaille pour vous tous ».« C'est toujours ainsi que tu fais la vaisselle ? »devient « Tu fais toujours ainsi la vaisselle ? »Que disparaît aussi ; c'est donc la présence de l'actualisateurc'est qui, dans tous ces cas, déterminecelle de que. En (1) <strong>et</strong> en (2), on peut noter que cequi précède l'expansion par que est ce qui a fonctionde prédicat dans la phrase : en (1), quand je fuscoiffée, syntagme à prédicatoïde verbal accompagnéd'un monème relationnel ; en (2), alors, adverbeautonome. Le statut de que dans ces phrases estdonc différent de celui que nous avons envisagéjusqu'ici, <strong>et</strong> le syntagme intro<strong>du</strong>it par que ne peutêtre mis sur le même plan que les expansionsconjonctives par que relevées dans des phrases àprédicat verbal ; cela n'empêche pas l'identité destructure des syntagmes intro<strong>du</strong>its par que.On a déjà observé que toutes les constructions combinantc'est <strong>et</strong> que... ne sont pas transformées de lamême manière ; il faut ajouter à cela l'existence decontraintes morphologiques qui proviennent <strong>du</strong>choix <strong>du</strong> nomène actualisé ; pour :(1) / C'est / embêtant que les garçons soient ensemble.(2) J C'est /bien qu'il soit venu.Une transformation donne :(1 bis) que les garçons soient ensemble est embêtant.(2 bis) qu'il soit venu est bien.Ainsi que nous l'avons vu plus haut, ces phrases sedistinguent des deux suivantes :(3) / C'est /pour ça qu'il est venu<strong>et</strong>(3 bis) il est venu pour ça.où l'actualisateur c'est <strong>et</strong> le monème relationnel queont disparu.Elles se distinguent de :(4) C'est vrai qu'il est venu, qui se transforme en :(4 bis) qu'il soit venu est vrai.(1) Il existe un parallélisme des structures initiales<strong>et</strong> des structures transformées pour les phrases (1),(2) <strong>et</strong> (4) à une exception près : la modalité verbalen'est pas la même pour (4) ; l'indicatif estobligatoire lorsque le monème en fonction predicativeest vrai ; par ailleurs, s'il n'existe pas dechangement de la modalité lors de la transformationpour (1 bis) <strong>et</strong> (2 bis), cela n'est pas vrai dans lecas de (4 bis). Toutes ces variations sont d'ordremorphologique, en ce qu'elles sont déterminées parles choix lexicaux, <strong>et</strong> qu'il n'existe pas d'autre possibilitédans la langue.4. Les enquêtes dans les classesL'examen des contraintes imposées par la mise enrelation des verbes <strong>et</strong> de celles de leurs expansionssubordonnées qui combinent le procédé positionnel<strong>et</strong> la mise en relation par un indicateur de fonctionn'a pu se limiter à l'analyse des corpus réunis.Voici quelques exemples tirés des corpus :J'ai voulu / dire /qu'on devrait changer les groupes(Corpus VI).Je me / demande / pourquoi qu'on a dit le lion(Corpus V).Il aurait peut être / songé /à pas tuer le lion (CorpusV).Différents exercices de pro<strong>du</strong>ction dirigée ont doncété proposés aux élèves des membres de l'équipeafin d'approfondir la recherche.83


a) Le premier d'entre eux avait pour objectif dedéceler pour quelques verbes noyaux : apprendre,savoir, imaginer <strong>et</strong> s'imaginer, les schémas subordinatoiresacquis par les enfants, de déceler lesdéficits de chacun par comparaison avec l'ensembledes pro<strong>du</strong>ctions d'une même classe ou de plusieursclasses <strong>et</strong> avec la description syntaxique que peuten donner le linguiste, enfin de déceler l'apparitiondes schemes syntaxiquement discutables, <strong>et</strong> de voirsi étaient trouvés les différents signifiés des verbesen relation avec leurs suites syntaxiques.La consigne <strong>du</strong> travail était de donner le plus grandnombre de suites syntaxiques non mobiles à cesverbes en fonction predicative, d'essayer de les classer<strong>et</strong> de dire si le sens <strong>du</strong> verbe n'avait pas changé.Les classes concernées étaient les suivantes : unesixième, deux cinquièmes de type II, une quatrièmede type II, deux quatrièmes II aménagées, une quatrièmeclassique, une troisième.On a ainsi pu observer avec quelle fréquence apparaissaitdans chaque classe telle suite syntaxiquepour tel verbe ; on a pu comparer les sections entreelles. Cependant la situation dans laquelle s'estinscrit l'exercice varie nécessairement d'une classeà l'autre : en particulier en fonction des travaux antérieursde chaque classe. Les questions posées parles élèves au cours <strong>du</strong> travail varient d'ailleurs suivantleur expérience ; les réponses ne sont donc pasrigoureusement comparables.Ainsi pour le verbe savoir, l'expansion par que estl'expansion la plus souvent proposée en sixième, enquatrième II <strong>et</strong> en quatrième classique ; l'expansioninfinitivale est la première proposée en cinquième II<strong>et</strong> quatrième II A. Le complément d'obj<strong>et</strong> nominalest toujours un peu moins fréquent, surtout ensixième ; il reste néanmoins proposé par plus de50 % des élèves.Pour le verbe apprendre, le complément nominalobj<strong>et</strong> est n<strong>et</strong>tement l'expansion privilégiée, pourtoutes les classes, <strong>et</strong> il est suivi de près par l'infinitif.L'expansion par que est n<strong>et</strong>tement moins mobilisée,en particulier pour les classes de type II <strong>et</strong> IIA(cinquième <strong>et</strong> quatrième) ; la cinquième II ne lapropose que dans 33 % des cas ; mais 87 % desélèves de quatrième classique la proposent. Pourimaginer, le fait saillant est l'hésitation entre lesdeux procédés d'expansion à l'infinitif, selon qu'il estou non précédé de de, en particulier en sixième <strong>et</strong>quatrième II aménagée. Ceci a vraisemblablementmotivé le nombre faible d'expansions infinitivalespour ce verbe. En revanche le complément d'obj<strong>et</strong>est l'expansion la plus fréquemment proposée,suivie de près par l'expansion par que. Les déficitsmajeurs sont les suivants : les subordonnées verbalescommençant par si, les subordonnées intro<strong>du</strong>itespar des pronoms interrogatifs ou des adverbes inter -rogatifs, pour beaucoup d'élèves de type II (moinsde 40 % des élèves les proposent), les constructionsà double expansion nominale <strong>du</strong> genre : « j'apprendsquelque chose à (ou de) quelqu'un» saufpour la quatrième classique, <strong>et</strong> la construction quiutilise un quasi-prédicatoïde de l'obj<strong>et</strong> dans desphrases telles que: «je le sais malheureux ».On a pu aussi observer une difficulté à manier lesexpansions débutant par un monème interrogatif :« j'imagine quand j'irai loin d'ici » ; le sens de quandest ambigu.Les signifiés différents sont parfois distingués maissans que des synonymes soient indiqués ; en quatrièmeclassique, trois élèves seulement ont distinguédes signifiés différents pour savoir <strong>et</strong> apprendre; en quatrième II aménagée, un élève seulementa différencié deux signifiés « croire » <strong>et</strong> « rêver» pour le verbe imaginer.Sur un plan général, on remarque une grande difficultéde la part des élèves à dissocier le sens <strong>du</strong>message de sa structure, <strong>et</strong> à distinguer des structuresidentiques : deux phrases comportant l'une unnom, l'autre un pronom, en fonction d'obj<strong>et</strong>, serontconsidérées comme formant des suites syntaxiquesdifférentes ; de même on ne rapprochera pas jesais cela de le sais-tu ?, ni savez-vous tous la bonnenouvelle ? de ils ont su la nouvelle avant nous, <strong>du</strong>fait peut-être de la position différente <strong>du</strong> complémentd'obj<strong>et</strong> ou <strong>du</strong> suj<strong>et</strong> par rapport au prédicat.Les élèves semblent d'ailleurs être plus sensiblesà la diversité des classes occupant une fonction donnéequ'à l'identité de fonction ; ceci, que le procédéde mise en relation soit identique ou différent selonla classe de l'expansion :il le voitil voit cela, il voit toutque voit-il ?il voit que son frère est là,8Í


il y a là permanence d'une fonction identique del'expansion qui n'est pas bien perçue. Encore Unefois, cela dépend <strong>du</strong> passé scolaire des élèves.On a relevé un certain nombre de phrases pro<strong>du</strong>itespar les élèves au cours de c<strong>et</strong> exercice ; on les leura soumises indivi<strong>du</strong>ellement par écrit, en leur demandantsi elles leur paraissaient <strong>du</strong> bon français, <strong>et</strong>,dans la négative, de proposer une phrase de remplacement.En fait un enfant peut aussi refuser untour de phrase, parce qu'il l'ignore ou parce qu'ilressent une ambiguïté. C<strong>et</strong>te activité de réflexion estnéanmoins fructueuse dans certains cas : on apprendainsi qu'entre 30 % <strong>et</strong> 48 % des élèves desdeux classes de type II aménagé acceptent la phraseJe n'en sais rien comment cela s'appelle, contre 0 %à 6 % pour les autres classes concernées ; pour savoir,l'expansion par de marquant l'origine estacceptée entre 7 <strong>et</strong> 70 % des cas si l'obj<strong>et</strong> <strong>du</strong> verbeest un syntagme à prédicatoïde verbal intro<strong>du</strong>it parque, <strong>et</strong> les pourcentages les plus forts se trouventen quatrième II A ; elle est mieux acceptée, de 47 à89 % des cas, si l'obj<strong>et</strong> est un régi nominal ; le plusfort pourcentage correspond en ce cas à la quatrièmeclassique :(1) Je sais de toi que...(2) Je sais beaucoup de choses de lui.Pour le verbe apprendre, la phrase j'apprends à monfils à lire est refusée par 55 à 84 % des élèves ; laposition respective des expansions <strong>du</strong> verbe apprendren'est donc pas libre ; le refus est moinssensible dans le cas de j'apprends à mon fils lalecture.b) Une autre expérience, à caractère plus pédagogique,découle de l'observation faite sur les corpusselon laquelle le contexte <strong>linguistique</strong> où on observeun choix entre plusieurs possibilités d'expansionsest la phrase qui débute par des verbes designifié « dire » :(1) Ma mère m'a dit être inquiète.(2) Ma mère m'a dit qu'elle rentrerait dans unedemi-heure.(3) Ma mère m'a dit: «je rentre dans une demiheure».(4) Ma mère m'a dit de rentrer dans une demiheure.Il y a donc option entre la construction infinitivaleprécédée ou non d'un indicateur de relation <strong>et</strong> laconstruction à prédicatoïde fléchi précédée ou nonde que : toutes ces expansions prennent la placed'un régi nominal positionnel obj<strong>et</strong>.Le test effectué est le suivant : pour un ensemblede verbes objectifs conjugués <strong>et</strong> à suj<strong>et</strong> il, ayanten commun une idée de communication <strong>et</strong> la possibilitéd'adm<strong>et</strong>tre une expansion où le procédé positionnelse combine avec l'utilisation de que, on aobservé quelles sont les expansions données spontanémentpar des enfants de l'école primaire <strong>et</strong> <strong>du</strong>premier cycle <strong>du</strong> secondaire <strong>et</strong> par des a<strong>du</strong>ltes appartenantaux classes moyennes <strong>et</strong> scolarisées de lasociété ; c<strong>et</strong> exercice a été proposé indivi<strong>du</strong>ellement ;dans un deuxième temps, chaque informateur a examiné,pour chaque verbe, les possibilités d'admissionde chacune des constructions pro<strong>du</strong>ites pour l'ensembledes verbes dans le premier temps. Voici laliste des verbes considérés : vouloir, demander, jurer,décider, penser, comprendre, exiger, avouer, savoir<strong>et</strong> croire.On a ainsi remarqué que la construction par que<strong>et</strong> prédicatoïde verbal est utilisée moins spontanémentpar les enfants que par les a<strong>du</strong>ltes : un tableaudes pourcentages montre pour l'ensemble desverbes une n<strong>et</strong>te augmentation des taux de constructionspar que lorsqu'on va <strong>du</strong> primaire auxa<strong>du</strong>ltes en passant par le premier cycle.La construction que plus verbe fléchi n'est souventdonnée par les enfants qu'après un long momentde réflexion, un changement <strong>du</strong> suj<strong>et</strong> <strong>du</strong> prédicat,qui soit plus chargé de sens que il... Avant le CE. 2,elle semble pratiquement inconnue, ou si elle nel'est pas, elle est d'un emploi très faible. On a aussiremarqué que la construction à l'infinitif est plusemployée par les enfants, mais avec une n<strong>et</strong>te préférencepour l'insertion d'un monème relationnel,à mais surtout de : il déclare de jouer <strong>du</strong> tambour ;ainsi le verbe penser est surtout donné avec uneconstruction à l'infinitif, par les enfants <strong>du</strong> primaire: mais dans 6 % seulement des réponses spontanéesl'infinitif n'est précédé d'aucun monème relationnel; il l'est par à dans 66 % des cas <strong>et</strong> par dedans 11 % ; pour les a<strong>du</strong>ltes au contraire, sur lés85


40 % de réponses donnant l'expansion infinitivale,il n'y en a aucune précédée par de. Par contre, leverbe demander, pour des enfants <strong>du</strong> primaire, estsuivi d'une construction infinitivale sans monèmerelationnel dans 12 % des réponses, contre 0 %chez les a<strong>du</strong>ltes ; il est suivi de à plus l'infinitif dans44 % des réponses des enfants <strong>du</strong> primaire <strong>et</strong> dans50 % des réponses des a<strong>du</strong>ltes ; il est suivi par de plusl'infinitif dans 27 % des cas pour le primaire, <strong>et</strong>20 % des cas pour les a<strong>du</strong>ltes. Cela s'équilibre donc.Un autre test posant à des a<strong>du</strong>ltes appartenant aupersonnel de service d'un établissement scolairela question de l'acceptabilité de la constructionprédicat verbal fléchi plus expansion à l'infinitifnon précédée d'un indicateur de relation, a montréqui si pour décider c'est exclu à 100 % <strong>et</strong> si pourvouloir c'est accepté à 100 %, pour exiger <strong>et</strong> jurer,par contre, c'est accepté par 25 % des réponses. 11existe donc dans l'usage une zone de structurefloue en ce qui concerne les expansions à l'infinitifdes noyaux verbaux ; <strong>et</strong> on doit remarquer une similitudeentre l'usage des a<strong>du</strong>ltes peu scolarisés <strong>et</strong>celui des enfants des p<strong>et</strong>ites classes.On peut rapprocher ces résultats de ceux d'uneexpérience voisine : à des élèves de cours élémentaire(CE.) <strong>et</strong> de cours moyens (CM.), <strong>et</strong> à debons élèves de sixième de transition, en banlieueNord de Paris, on a proposé un exercice voisin <strong>du</strong>précédent : après les verbes conjugués il apprend,il sait, il imagine, il s'imagine, il s'agit d'agrandirla phrase avec un verbe à l'infinitif ou un verbeconjugué.Seuls les élèves de 6" ont proposé à plus de 50 % les deux types de structures,<strong>et</strong> seulement sur les deux verbes d'usage courant :il apprendil saitil imagineil s'imagineCE. .CM. . ,-6 e T. .3%15%60%3 %16%50%3%3%45%3%3%30%Les pourcentages correspondent au nombre d'enfantsqui, par classe <strong>et</strong> par verbe, ont donné les deuxtypes d'expansion. La progression dans 'le maniementest sensible encore une fois.^tant donné que la construction subordonnée par qu<strong>et</strong>est utilisée moins spontanément par les enfants dansles tests qu'une construction subordonnée à l'infinitif,on s'est demandé si le prédicatoïde fléchi intro<strong>du</strong>itpar que a habituellement un suj<strong>et</strong> différentde celui de son noyau prédicatif, <strong>et</strong> si, dans les casoù le suj<strong>et</strong> est identique, l'infinitif n'est pas préféréà la construction par que.En fait, il existe une contrainte <strong>du</strong>e au signifié <strong>du</strong>verbe noyau : la classe des verbes vouloir, exiger,demander, préférer, <strong>et</strong>c. est vraisemblablementsuivie de subordonnées par que à suj<strong>et</strong>s différents ;au contraire, avec la classe de croire, sentir, penser...prédominent les subordonnées par que à suj<strong>et</strong>s identiques.En dehors de cela, lorsque le suj<strong>et</strong> <strong>du</strong> verbenoyau <strong>et</strong> celui <strong>du</strong> verbe subordonné sont les mêmes,la construction infinitivale est utilisée de préférence.Il semblerait que le contenu de la communicationinflue aussi sur le choix des deux constructions :ainsi dans les situations de communication que nousavons appelées situations de récit oral, tant chez86


les a<strong>du</strong>ltes que chez les enfants, la part des constructionssubordonnées par que est très peu importante,comparée à celle des infinitivales (4 à 8 %contre 22 à 27 % de l'ensemble des subordonnées) ;c'est en situation de discussion que la part des subordonnéespar que est la plus importante ; ellereste quand même inférieure à celle des infinitivales: de 17 à 20 % de l'ensemble pour les subordonnéesconjonctives, de 20 à 33 % pour les infinitivaxes.En situation d'écrit, les pourcentages de constructionspar que sont plus faibles qu'en situation dediscussion : de l'ordre de 11 à 15 % ; mais c'est làqu'on trouve le plus d'infinitifs subordonnés : de30 à 36 %. Sur ce point, l'écart entre enfants <strong>et</strong>a<strong>du</strong>ltes n'est pas très n<strong>et</strong> ; ils se comportent identiquement: moins de constructions par que plusprédicatoïde fléchi en situation d'écrit qu'en situationde discussion ; n<strong>et</strong>te prépondérance des constructionà l'infinitif dans les trois situations. Si laflexion verbale est peut-être une gêne à l'écrit, onne peut certes pas ém<strong>et</strong>tre la même hypothèse pourles situations de discussion où est employé le maximumdes constructions par que ; la grande différenceentre la situation de discussion <strong>et</strong> celle de récit oralest bien que dans la première on parle d'autrechose que de soi alors que dans la seconde, on raconteses propres aventures : ceci perm<strong>et</strong> de penserque la moindre proportion des phrases par que ensituation de récit oral est <strong>du</strong>e à la présence de suj<strong>et</strong>sidentiques pour le noyau <strong>et</strong> son ' subordonné.Ces indications précisent tout ce qu'on a pu diresur les rapports <strong>du</strong> noyau verbal à son subordonné :alors qu'on s'était jusqu'ici référé à un usage qu'onpourrait qualifier de cible, ces quelques observationssignalent qu'un décalage existe entre les enfants<strong>et</strong> les a<strong>du</strong>ltes, dans les tests de pro<strong>du</strong>ction dirigée; ou bien aussi d'une classe à une autre, que cesoit en raison de son âge moyen, en raison de sescaractéristiques socio-culturelles, ou en raison deson passé scolaire ; de plus, la répartition des corpusselon les situations de communication différentesse révèle à nouveau explicative des phénomènes<strong>linguistique</strong>s observés sur la langue parlée.il.La classe syniaxique de l'expansionC<strong>et</strong>te classe a été définie au début de la recherche,c'est celle des expansions à prédicatoïde verbal,fléchi ou infinitival. Rappelons que nous ne dissocionspas l'étude des expansions verbales de celledes expansions non verbales ; la mise en relation desnoyaux <strong>et</strong> de leurs expansions, quelles qu'ellessoient, s'opère selon les mêmes procédés : la position,l'autonomie <strong>et</strong> l'indicateur de relation (cf. R.P. n° 57).On a néanmoins pu observer que la mise en relationde l'expansion se fait de manière différente selonque le syntagme subordonné appartient ou non àla classe verbale ; dans un certain nombre decontextes, la classe syntaxique de l'expansion étendou au contraire restreint les latitudes subordinatoiresde certains noyaux verbaux (cf. : partie I :Les noyaux des expansions) ; rappelons donc icique :a) Certains noyaux verbaux ont des latitudes subordinatoiresdifférentes à c<strong>et</strong> égard : rester, partir,arriver, adm<strong>et</strong>tent un infinitif comme dépendantpositionnel là où un substantif ne peut apparaître :ex. : il part chercher Paul à la gare.b) S'apercevoir, songer... adm<strong>et</strong>tent une expansionpar que qui exclut la possibilité d'une expansionde la classe substantívale laquelle est subordonnéerespectivement par de <strong>et</strong> à (s'apercevoir d'une erreur/s'apercevoirque..., songer aux vacances/songerque...)c) Inversement des verbes qui adm<strong>et</strong>tent un régipositionnel de la classe substantívale n'adm<strong>et</strong>tentpas d'infinitif sans monème relationnel <strong>et</strong> n'adm<strong>et</strong>tentpas non plus d'expansion par que ; continuer,commencer...ex. : Je continue à marcher le long <strong>du</strong> trottoir.Je commence mon travail à l'instant.En ce qui concerne le classement des expansionssubordonnées à prédicatoïde verbal, diverses sousclassesont été envisagées lors de l'analyse (cf. R.P.n° 57).On a fait quelques observations d'ordre quantitatifqui indiquent que pour deux des corpus recueillis lapart des subordonnées, qu'elles soient à l'infinitifprécédées ou non d'un monème relationnel ou qu'ellessoient à prédicatoïde fléchi, est importante : pour87


le corpus VII, discussion en assemblée de classe,158 prédicats verbaux ont un total de 241 expansion,dont 38 % sont conjonctives ou infinitivales ;la part restante concerne les dépendants positionne!,les monèmes ' autonomes <strong>et</strong> les syntagmes nominauxà indicateur de fonction ; pour le mêmecorpus, 63 prédicats non-verbaux ont 63 expansionsdont 46 % de conjonctives ou d'infinitivales.Sur le total des expansions, soit sur 304 expansions,40,5 % ont un prédicatoïde verbal fléchi ou non.De même pour le corpus (rj), article scientifique,on relève pour 102 prédicats verbaux ou non verbauxun total de 162 expansions dont 30 % ontun prédicatoïde verbal.Ces deux corpus n'étaient très distants ni pourl'abondance des subordonnées ni pour le nombre desenchâssements (cf. R.P. n" 57, p. 107) : on remarquecependant que les enfants, en situation de discussion,emploient plus de subordonnées comportant unverbe que le professeur de physique nucléairedans son article, n<strong>et</strong>tement plus de subordonnéesconjonctives, 26,9 % contre 11,7 % chez le physicien<strong>et</strong> moins de subordonnées infiniti vales, 13,4 % contre18,5 %. Mais le coefficient d'enrichissement del'énoncé minimum (nombre d'expansions rapportéesau nombre total d'énoncés minimums) est supérieurchez lui : 1,58 contre 1,37 chez les enfants ; cecirelativise un peu la différence observée ci-dessus<strong>et</strong> montre que le physicien utilise davantage d'autresprocédés d'expansion, l'autonomisation de syntagmesnominaux en particulier. Pour comparer lesutilisations diverses des procédés d'expansion, ilfaudrait regrouper les expansions par fonction <strong>et</strong>,bien sûr, replacer ces résultats dans l'ensemble desprocé<strong>du</strong>res d'expansion employées à tous les niveauxde la phrase, ce qui sort <strong>du</strong> cadre <strong>du</strong> travailentrepris ici.Autres observations faites d'après l'analyse des corpus:Lorsqu'un locuteur transm<strong>et</strong> les propos d'une autrepersonne, il a le choix pour intro<strong>du</strong>ire ce discoursentre des schemes différents. Dans nos corpus oraux<strong>et</strong> écrits, les enfants utilisent deux schemes syntaxiquesdistincts : ou bien un monème verbalde signifié « dire <strong>et</strong> une expansion par que, oubien un verbe directement suivi de la phrase telleque le personnage l'a (ou l'aurait) prononcée.Quand il s'agit de ce dernier procédé, on constateque les enfants emploient toujours les mêmes monèmes: faire <strong>et</strong> surtout dire : les deux procédésne sont alors pas interchangeables : faire nepourrait adm<strong>et</strong>tre avec le même signifié le procédéde subordination par que : « Pis quand mamanest rentrée elle fait : " Hum ! ce que ça sent l'étherici ! " » (II). De même pour dire : « Elle dit : " Ohqu'est-ce que t'as ? " » (II), si l'on voulait utiliserdans ce contexte un scheme avec que, le verbedire serait à remplacer par un verbe comme demander.La part des constructions directes avec les verbesde signifiés « dire », qu'il s'agisse des verbesfaire, <strong>et</strong> dire, ou aussi de demander <strong>et</strong> de répondre,est très n<strong>et</strong>tement supérieure à celle des constructionspar que ou par un autre monème relationnelpour ces mêmes verbes, dans les corpus de récitsoraux où on ne rapporte aucune parole. En situationde discussion, la part des constructions directesest sensiblement égale à celle des constructions parmonème relationnel.Les premières pages <strong>du</strong> roman pour enfant (A)contiennent de nombreux dialogues ; ils sont souventintro<strong>du</strong>its dans la trame <strong>du</strong> récit au moyen dep<strong>et</strong>ites phrases incises dans l'une ou l'autre desrépliques, qui comportent un monème verbal designifié «dire» : «... soupira M.R.... », «... demandaAlice», «...acquiesça M.R. », «... proposa lajeune fille », <strong>et</strong>c.La seule différence avec les récits d'enfants se situeau niveau lexical ; il y a là un effort de variationstylistique dans la monotonie syntaxique ; ainsi c<strong>et</strong>tepossibilité très libre de subordination directe étend,pour un registre donné, les latitudes combinatoiresd'un certain nombre de monèmes verbaux prédicatifs.Grévisse dans Le bon usage, Duculot-Hatier1969, signale aussi que dans les phrases incises, lesexpressions dit-il, ou répond-il, sont souvent remplacéespar des verbes transitifs ou même intransitifsà la signification desquels vient se superposerl'idée de dire ; il donne les exemples suivants :... la remerciai-je, insistèrent-ils, maugrée-t-il, s'emporta-t-ïl,s'étonna-t-il ; il ajoute même des exemplesà ne pas imiter : ... sourit-il, s'apaisa-t-elle toutà coup, sursauta la visiteuse, toute idée de communicationverbale étant habituellement exclue de cesverbes.88


III.Les différents types de mise en relationL'étude des corpus montre que, dans l'ensembledes subordonnées à prédicatoïde verbal, celles dontle verbe est fléchi forment le groupe le plus importantchez les enfants comme chez les a<strong>du</strong>ltes.Les proportions sont les mêmes, sauf en situation derécit oral, où les a<strong>du</strong>ltes manient davantage desubordonnées à verbe fléchi.Ensemble dessubordonnées(Relatives comprises)100 %74747469Taux maximumTaux minimum80 %5560645460de subordonnéesà prédicatoïdeverbal fléchiA<strong>du</strong>ltesA<strong>du</strong>ltes47,5A<strong>du</strong>ltes46EnfantsEnfantsEnfantsRécit oral Discussion EcritPart des subordonnées à verbe fléchi dans l'ensemble des subordonnées verbalesIl ressort de ce tableau que l'enfant, lorsqu'il subordonne,utilise les verbes tout autant que l'a<strong>du</strong>lteà la fois dans la situation la plus contraignantepour lui, c'est-à-dire quand il écrit, <strong>et</strong> dans la situationoù il est le plus libre <strong>et</strong> où il doit assurer lameilleure communication, c'est-à-dire quand il dis-89


cute avec ses camarades. Il semblerait donc que lesenfants manipulent aisément ce type d'expansion<strong>et</strong> que la flexion ne soit pas un obstacle. La rar<strong>et</strong>éconstatée des relatives serait plutôt à imputer aufait que leur noyau appartient à une classe non verbale<strong>et</strong> que le verbe est dans la langue des enfantsle noyau le plus facilement expansé (cf. supra I).Les locuteurs effectuent-ils dans le discours une sériede choix successifs entre deux schemes subordinatoires,l'un avec un infinitif, l'autre avec unprédicatoïde fléchi ? Ou bien s'agit-il de pressionsexercées par les contextes qui prédéterminent pourchaque expansion l'apparition d'un verbe fléchi plutôtque d'un infinitif ? Comment le choix s'opèr<strong>et</strong>-ilentre « je décide que je pars » <strong>et</strong> « je décidede partir » ? Une étude fréquentielle de la combinatoire<strong>du</strong> noyau décider perm<strong>et</strong>trait tout au moinsde décrire l'usage.Si l'on étudie le choix des différents procédés utilisésdans les subordonnées à verbe fléchi — relatives,expansions par monème relationnel, expansionspositionnelles <strong>et</strong> expansions combinant la position<strong>et</strong> le monème que, on voit que ces procédés sontemployés dans des proportions très variées. Lesphénomènes des plus saillants sont que :1) les subordonnées par monème relationnel représententà elles seules environ 50 % des subordonnéesà verbe fléchi chez les enfants en situation de discussion,presque deux fois plus que chez les a<strong>du</strong>ltesdans la même situation sauf chez le professeur quia un usage voisin de celui des enfants (corpus ô).L'écrit des a<strong>du</strong>ltes <strong>et</strong> le récit oral des enfants sontcomparables sous ce rapport (entre 23 <strong>et</strong> 45 %).2) les subordonnées combinant la position <strong>et</strong> le monèmerelationnel sont rares chez les a<strong>du</strong>ltes à l'écrit(moins de 10 %) ; un seul corpus fait exception,l'article scientifique qui est d'ailleurs celui où le totalsubordonnées par monème relationnel plus subordonnéespar position <strong>et</strong> que est de loin le plus important.Dans les écrits des enfants, on compte entre24 <strong>et</strong> 27 % de ces subordonnées, un peu moins dansles discussions d'enfants.• 1 - quels étaient les monèmes les plus fréquents,• 2 - où les subordonnées apparaissaient dans lachaîne par rapport au noyau,• 3 - quel était le fonctionnement de certains monèmesdans des corpus d'enfants,• 4 - <strong>et</strong> on a cherché s'il n'existait pas pour certainsd'entre eux des variations de signifié.1.) Les monèmes relationnels les plus fréquentsParce que est, chez les enfants, à l'oral, le monèmele plus employé dans sept corpus sur neuf. Ilreprésente de 29 à 40 % des monèmes relationnelssuivis d'un prédicatoïde fléchi. Chez les a<strong>du</strong>ltesil occupe aussi la première place dans les trois corpusqui sont des situations de vie courante : (y)<strong>et</strong> (k), les récits oraux, <strong>et</strong> (ô), le professeur en assembléede classe. A l'écrit parce que est trèsrare chez les enfants, <strong>et</strong> totalement absent dequatre corpus d'a<strong>du</strong>ltes sur six.Un seul a<strong>du</strong>lte l'emploie dans sa prose (ji) autantque les enfants en parlant (1).Quand <strong>et</strong> comme se disputent le premier rang dansles récits oraux d'enfants. Quand a le premier rangdans leurs écrits mais comme est pratiquement absentde leurs discussions.Si est n<strong>et</strong>tement plus fréquent dans les discussionsque dans les récits. Chez les a<strong>du</strong>ltes, si tient le premierrang dans tous les corpus écrits (entre 17 <strong>et</strong>38 %) ainsi que dans les corpus oraux (a) (|3) <strong>et</strong>même (A) (32 % contre 28 à parce que).Ces quatre monèmes relationnels représentent toujoursplus de 50 % <strong>et</strong> jusqu'à 85 % <strong>du</strong> total des monèmesrelationnels chez les enfants contre 17 à 62 %Au total le monème relationnel apparaît comme unélément majeur dans la mise en relation. On a doncobservé dans les corpus :(1) n est un texte écrit par un a<strong>du</strong>lte qui exerce unmétier manuel <strong>et</strong> n'a pas poursuivi d'études au-delà <strong>du</strong>Certificat d'Etudes.90


chez les a<strong>du</strong>ltes. C'est dire que certains usages a<strong>du</strong>ltescomportent un éventail de monèmes n<strong>et</strong>tementplus large que d'autres <strong>et</strong> surtout que les enfants.Rappelons l'absence de parce que <strong>du</strong> registre écritsoutenu des a<strong>du</strong>ltes.On constate que parce que, quand <strong>et</strong> si qui sontles trois monèmes relationnels les plus utilisés dansles corpus d'enfants sont aussi les premiers à apparaîtrelorsque l'enfant apprend à parler (cf. l'étudede M. COYAUD in La <strong>linguistique</strong> 1970, n° 2).Que doit être considéré à part <strong>du</strong> fait qu'il apparaîtdans des contextes variés. Dans l'analyse descorpus, ces contextes ont été regroupés en deux ensembles; ceux où que m<strong>et</strong> en relation une expansionavec un verbe objectif <strong>du</strong> type dire, croire, trouver...— dans ce contexte l'expansion sature la fonctionnominale obj<strong>et</strong> — <strong>et</strong> ceux où il relie une expansionà une phrase nominale, un régi, un verbe nonobjectif... (cf. R.P. n° 57, p. 105, note 1).Si on additionne tous ces emplois sans distinguer lescontextes, on constate que ce monème est d'un usag<strong>et</strong>rès courant : dans cinq corpus d'enfants sur neuf,c'est, de tous les monèmes qui relient une expansionà verbe fléchi, le plus utilisé ou l'un des 2 plusutilisés (l'autre étant parce que). Même comportementchez les a<strong>du</strong>ltes, avec c<strong>et</strong>te différence qu'ilest plus employé à l'écrit par les enfants que parles a<strong>du</strong>ltes (38 à 45 % contre 15 à 35 %).Si on compare les occurrences de que dans les deuxtypes de contextes, on constate que les enfants emploientpeu que sans le combiner avec la position(entre 11 <strong>et</strong> 28,5 % <strong>du</strong> total), quelle que soit la situationde communication. Dans 7,8 ou 9 occurrencessur 10, que subordonne une expansion à un verbe :la caricature de c<strong>et</strong> usage, c'est le début <strong>du</strong> romanpour enfants où on ne relève aucun emploi de que,monème relationnel.Chez les a<strong>du</strong>ltes, la part <strong>du</strong> que monème relationnelvarie de 20 à 61 % <strong>du</strong> total des usages de que. Unseul corpus (Y), récit oral, est comparable sur eeplan aux corpus enfantins (20 %). Les autres s'étagentde 30 à 61 %, c'est-à-dire que un que surtrois ou même sur deux est monème relationnel. Ledécalage entre enfants <strong>et</strong> a<strong>du</strong>ltes est plus prononcéà l'écrit : dans tous les textes, sauf l'article scientifique(37 %), le que monème relationnel est le plusutilisé des deux.Il y a donc des schemes plus familiers aux enfantsque d'autres : en particulier, les verbes objectifs suivisd'une expansion reliée par que ; il y a un p<strong>et</strong>itnombre de schemes qui revient constamment : j<strong>et</strong>rouve que, on voit que, je crois ou il croyait que,figurent chacun en 3, 5 ou 7 exemplaires dans undes corpus de discussion (V). C'est ce nombre destéréotypes qui est à l'origine de la fréquence élevéede subordonnées employées dans les discussions. Lemême phénomène se r<strong>et</strong>rouve dans beaucoup decorpus oraux d'a<strong>du</strong>ltes, avec une particulière fréquencedans le récit oral (y). Mais il est presqu<strong>et</strong>otalement gommé à l'écrit.Si au niveau de la description des pratiques <strong>et</strong> dela pédagogie c<strong>et</strong>te distinction entre deux que peutrendre des services, on peut se demander si ellen'est pas à rem<strong>et</strong>tre en question quand on observele fonctionnement syntaxique <strong>et</strong> si ces deux que neforment pas une sous-classe à l'intérieur de la classedes monèmes relationnels.a) que monème relationnel n'est généralement pascommutable avec d'autres monèmes relationnels :Ex. : Ce qui est un peu bête c'est que on parle <strong>du</strong>lion que dans la 2° partie (V).Ce n'est qu'en 1954 qu'on construit... (T|).J'suis pas certain qu'il y en ait pas d'autres (VII).Font exception certains verbes comme s'attendre que<strong>et</strong> se plaindre que qui peuvent être remplacés parse plaindre de ce que <strong>et</strong> s'attendre à ce que.b) Sa position dans la chaîne parlée est obligatoirealors que presque toutes les expansions subordonnéespar les autres monèmes relationnels sont mobiles,à l'exception de celles où que est en corrélationavec si, tellement...c) Que joue le même rôle de mise en relation derrièreapercevoir, verbe objectif, <strong>et</strong> s'apercevoir, verbenon objectif. Tout se passe comme si que neutralisaitla différence entre verbe objectif <strong>et</strong> verbe nonobjectif ; on pourrait d'ailleurs inverser l'ordre danslequel on fait intervenir les critères de l'analyse,<strong>et</strong> dire : parmi les verbes noyaux d'une expansionsubordonnée par que, certains sont objectifs, d'autresnon.Notons encore le p<strong>et</strong>it nombre de monèmes interrogatifsemployés après des verbes objectifs : « Entremoi <strong>et</strong> mon frère on ne sait jamais qui est le coupable<strong>et</strong> qui est l'innocent »(2).Comparons le nombre d'expansions reliées par queà un noyau verbal <strong>et</strong> le nombre d'expansions à pré-91


dicatoïdes infinitivaux également dépendantes d'unverbe soit directement, soit au moyen d'un monèmerelationnel. On n'a pas comptabilisé les infinitifsqui ont pour noyau un verbe non objectif (partir,venir...) parce qu'il n'y a pas pour ces noyaux d'autrestypes de suite verbale possible, contrairement àce qui se passe pour les autres verbes. On voitque le nombre des infinitifs est, dans toutes les situations<strong>et</strong> pour tous les locuteurs à une exceptionprès, (celle <strong>du</strong> récit oral ' d'a<strong>du</strong>lte (y) qui est« exceptionnellement » riche en subordonnées <strong>du</strong> typepositionnel -f- monème relationnel), n<strong>et</strong>tement supérieurà celui des expansions par que, la distanceétant plus grande en situation de récit, peut-être<strong>du</strong> fait que les récits d'enfants comportent beaucoupd'expansions verbales sans monème relationnel,<strong>du</strong> genre : « Ma mère m'a dit : " je rentre dans unedemi-heure " ».A l'écrit, les usages des enfants <strong>et</strong> des a<strong>du</strong>ltes sonttrès proches. C'est aussi dans c<strong>et</strong>te situation que l<strong>et</strong>otal des expansions par que <strong>et</strong> des infinitivales estle plus élevé : 40 à 50 % de l'ensemble des subordonnéesà prédicatoïde verbal.Mais pourquoi rapprocher ces deux types d'expansion? Leur point commun est que la mise en relationest commandée, conditionnée dans les deux cas parle noyau verbal : l'apparition des monèmes à, deou que après tel verbe est sous la dépendance dece verbe <strong>et</strong> parfois d'un facteur supplémentaire telque la présence, ou l'absence, d'un suj<strong>et</strong> auprès <strong>du</strong>prédicatoïde verbal.Quelles conclusions peut-on tirer de ces observations?1) On a relevé au total assez peu d'erreurs dans lechoix des monèmes relationnels. Voici comme exempled'erreurs : « quant à moi, j'ai été puni de ne pasdescendre pendant deux semaines » (2), « c'est quandil parlait qu'ils s'aimaient trop qu'ils ne pouvaientplus rien se dire» (V). Pourtant dans des exercicesde pro<strong>du</strong>ction dirigée, quand on demande quellessont les suites syntaxiques possibles de tel verbe,on obtient un certain nombre de phrases discutables.Il y a donc des zones où les connaissances ne sontplus sûres <strong>et</strong> où on n'observe plus de consensus.2) C'est donc de déficits, plutôt que d'erreurs qu'onpourrait parler : on a noté au passage le nombreré<strong>du</strong>it de monèmes interrogatifs rencontrés' dans lescorpus, la gamme ré<strong>du</strong>ite aussi des monèmes relationnelsutilisés, la fréquence au contraire de quelquesstéréotypes dans les discussions. On peut ajouterle nombre relativement élevé des phrases <strong>et</strong>spécialement d'expansions laissées en suspens, sansqu'il soit possible de préciser s'il s'agit d'un déficitau niveau de la structuration syntaxique, d'un déficitlexical — un certain nombre de relatives restentsuspen<strong>du</strong>es après le verbe être — ou d'une incertitudesur le message à communiquer.Il semble donc que les enfants ont besoin d'un apprentissageassez systématique des mécanismes syntaxiques,qui viserait à élargir le champ de leursusages, <strong>et</strong> éventuellement à leur faire prendreconscience <strong>du</strong> fonctionnement des constructions qu'ilsemploient.Des ^exercices-tests de pro<strong>du</strong>ction dirigée faits dansdes classes <strong>et</strong> des enquêtes faites auprès d'a<strong>du</strong>ltesde milieu peu favorisé ont montré que :a) • un. noyau verbal étant donné, il y a des schemesqui n'apparaissent pas, c'est-à-dire des monèmesrelationnels peu. utilisés <strong>et</strong> des possibilités non exploitées,comme de subordonner deux expansions àun même noyau.b) • il y a aussi des zones où les locuteurs manifestentdes opinions divergentes sur l'acceptabilitéde telle structure ; la même incertitude peut à l'occasionse r<strong>et</strong>rouver dans les manuels de grammaireou dans les dictionnaires : pour Littré, le monèmerelationnel qui suit demander est à ou de suivantles exigences de l'oreille : le P<strong>et</strong>it Robert donne lesdeux possibilités sans commentaire ; selon Grévisseon dit demander à quand les deux verbesont le même suj<strong>et</strong>, demander de dans l'autre cas.c) • il y a des étapes dans l'acquisition <strong>du</strong> maniementdes structures subordinatoires. (Voir plus hautl rc partie).On propose ici quelques types d'exercices en vuede c<strong>et</strong> apprentissage :A. La première série d'exercices porte sur lacontrainte, que le monème verbal prédicatif exercesur le monème relationnel qui subordonne le prédicatoïdeverbal <strong>et</strong>, le cas échéant, sur celui qui subordonneune seconde expansion appartenant à laclasse nominale:-On a observé que le maniement des expansions àl'infinitif offre une série de difficultés : une enquêtemenée auprès d'élèves de l'<strong>enseignement</strong> primaire,92


d'élèves de premier cycle <strong>et</strong> d'a<strong>du</strong>ltes a montré quel'infinitif subordonné à un noyau verbal autre qu'unsemi-auxiliaire comme devoir, pouvoir... sans momènerelationnel est une construction peu familièreaux enfants <strong>et</strong> que souvent ils n'acceptent pas (cf.I ro partie). Lorsqu'on propose à des enfants decompléter une phrase commençant par il déclareou il croit, ils continuent ainsi : « il croit de bientravailler», «il croit d'avoir tout juste». D'autrepart l'étude des corpus <strong>et</strong> la pratique de la classerévèlent des erreurs dans le maniement des monèmesrelationnels qui subordonnent un infinitif, après desverbes comme punir, décider, se venger, par exemple: «Elle avait puni un garçon à être à côté desfilles » (VII). Une intervention pédagogique semblesouhaitable dans ce domaine.Consigne :Proposer des prédicats suivis d'un infinitif ou d'uneexpansion subordonnée par que. Demander qu'uneexpansion nominale leur soit associée.Exemple :il aide... à grimperil conseille... de grimperil apprend... à grimperil obtient... qu'il grimpe—> il aide son frère à grimper—>• il conseille à son père, <strong>et</strong>c.Exercice 1Objectif :Enseigner l'usage : à chaque monème verbal est associéun monème relationnel qui subordonne l'infinitif(à, de) ; ou bien c<strong>et</strong> infinitif est simplementpostpositionné au verbe.Consigne :Choisir un prédicatoïde. Le faire précéder de à, dede <strong>et</strong> de zéro. Demander quels verbes peuvent apparaîtredevant chacune de ces suites.Exemple :faire un gâteaude faire un gâteauà faire un gâteau—» il sait faire un gâteau—» il accepte de faire un gâteau—» il cherche à faire un gâteau, <strong>et</strong>c.Exercice 3Consigne :Maniement des deux expansions nominales <strong>et</strong> verbales(cf. exercice 1 <strong>et</strong> 2).Donner une liste de paires prédicat <strong>et</strong> prédicatoïdeâ l'infinitif.Chercher toutes les expansions possibles dans lesquellesapparaissent l'infinitif <strong>et</strong> éventuellement uneexpansion de la classe nominale avec ou sans indicateurde fonction.Exemple 1 : Je jure... faire—» Je jure faire quelque choseJe jure de faire quelque choseJe jure à quelqu'un de faire quelque chose.Exemple2 : On apprend... plonger—> On apprend à plonger—> On apprend à Pierre à plonger(avec changement <strong>du</strong> signifié de apprendre).Exercice 2Objectif :Enseigner l'usage : à certains monèmes verbauxpeut s'associer, outre une expansion infinitivale ouconjonctive par que, une expansion nominale.Exercice 4Objectif :Maniement des pronoms qui peuvent se substituerà une expansion infinitivale ou à une expansion subordonnéepar que.93


Consigne :Faire remplacer les expansions infinitivales par lepronom personnel approprié. S'il s'agit de verbesadm<strong>et</strong>tant deux expansions simultanément, l'une infinitivale,l'autre appartenant à la classe des noms,faire remplacer c<strong>et</strong>te dernière par le pronom voulu.Puis faire remplacer simultanément les deux typesd'expansions par les pronoms.Exemple :Il mérite de réussir-> Il le mériteIl propose à son frère de l'emmener-^ Il lui propose de l'emmener—» Il le propose à son frère-^ Il le lui proposele prédicatoïde contraint à employer l'expansionsubordonnée par que, alors que l'expansion infinitivaleest la seule possible si les suj<strong>et</strong>s sont identiques.Consigne :Faire observer les paires de phrases :Je veux entrer / Je veux que tu entresJe regr<strong>et</strong>te de partir / Je regr<strong>et</strong>te que tu partes.Demander pourquoi les procédés d'expansion sontdifférents dans chaque paire. Proposer ensuite desmonèmes verbaux <strong>et</strong> faire pro<strong>du</strong>ire une paire dephrases pour chacun.Exemple: consentir-^ Il consent à partir—> Il consent que tu partes.B. La deuxième série d'exercices porte sur lechoix, libre ou contraint, <strong>du</strong> type d'expansion : infinitifou conjonctive subordonnée par que. Ce choixest en relation étroite avec le fait que le suj<strong>et</strong> <strong>du</strong>prédicat <strong>et</strong> celui <strong>du</strong> prédicatoïde sont identiquesou différents.(1) Je veux entrer(2) Il accepte que j'entre(3) Il me défend d'entrer.Précisons que dans les phrases (1) <strong>et</strong> (3), le terme« suj<strong>et</strong> » <strong>du</strong> prédicatoïde n'est employé que par analogieavec ce qui se passe dans (2) où je est dansla même relation avec entre que il avec accepte.Dans (1) la relation qui existe entre je <strong>et</strong> entrerest purement sémantique, elle n'a aucune contrepartiesur le plan de l'expression. De même dans(3), avec c<strong>et</strong>te différence par rapport à (1) queme est une expansion de défend en même tempsqu'il exprime l'agent de entrer.corres­Trois cas peuvent se présenter, auxquelspondent les exercices 5, 6 <strong>et</strong> 7.Exercice 5Objectif :Faire manier les verbes pour lesquels la présence dedeux « suj<strong>et</strong>s » différents pour le prédicat <strong>et</strong> pourExercice 6Objectif :Faire manier les verbes pour lesquels, si les suj<strong>et</strong>srestent identiques, le locuteur peut choisir entrel'expansion infinitivale <strong>et</strong> la conjonctive par que.Consigne :Faire observer les paires :Je crois que j'ai réussi / Je crois avoir réussiIl prom<strong>et</strong> qu'il part / Il prom<strong>et</strong> de partir.Faire observer qu'il existe un choix. Proposer unesérie de phrases comportant une expansion par que<strong>et</strong> demander que c<strong>et</strong>te expansion soit remplacée parun infinitif.Exercice 7Objectif :Faire manier les verbes qui adm<strong>et</strong>tent en mêm<strong>et</strong>emps une expansion à l'infinitif <strong>et</strong> une expansionnominale : si les suj<strong>et</strong>s sont différents le locuteurpeut choisir entre la conjonctive <strong>et</strong> la présence simultanéede l'infinitif <strong>et</strong> de l'expansion nominale.94


Consigne : Exercice 9Faire observer les paires :Il recommande que tu fasses <strong>du</strong> sport / Il te recommandede faire <strong>du</strong> sport.Il perm<strong>et</strong> à Pierre de venir / Il perm<strong>et</strong> que Pierrevienne.Montrer qu'il existe un choix. Proposer une sériede verbes <strong>et</strong> demander pour chacun la paire dephrases possibles.Objectif :Montrer qu'il existe un ensemble de verbes pourlesquels l'expansion infinitivale est obligatoirementaccompagnée d'une expansion nominale.Consigne :Proposer des phrases. Demander si elles ont un senscompl<strong>et</strong>. Si elles n'en ont pas un, demander de lescompléter.Exercice 8Objectif :Compréhension <strong>et</strong> maniement de phrases ayant pourprédicat les verbes dont la combinatoire a été observéedans les exercices précédents.Consigne :Proposer des phrases comme :Je prom<strong>et</strong>s à Jean de revenir A = JeAAJe dis à Jean de revenirB = JeanABJe décide Jean à revenirABJ'aide Pierre à traverser...1) Faire identifier les suj<strong>et</strong>s <strong>du</strong> prédicat <strong>et</strong> <strong>du</strong> prédicatoïdede chaque phrase.2) Demander si dans toutes ces phrases il est possiblede substituer à la double expansion infinitivale<strong>et</strong> nominale une subordonnée par que.Exemple :Il autorise à partir —» non —» il autorise Pierreà partir.Il reproche de faire <strong>du</strong> bruit —> non —» il reprocheaux voisins de faire <strong>du</strong> bruit.Il propose de s'en aller —» oui.Après ces entraînements systématiques (1), on peutenvisager des exercices un peu moins contraintscomme :Exercice 10Consigne :Raconter l'histoire dessinée en utilisant de suj<strong>et</strong> indiquésous l'image, ainsi qu'un verbe choisi dansla liste ci-dessous, en veillant à ce que l'expansion<strong>du</strong> groupe suj<strong>et</strong>-verbe comporte un ou plusieursinfinitifs (voir exemple image 1).Verbes à utiliser : ordonner, prier, commander,convaincre, supplier, jurer, prom<strong>et</strong>tre, murmurer,suggérer, exiger, proposer, demander, accuser, refuser.(1) N.B. : Ces exercices ne sont possibles que si on a aupréalable opéré un classement des verbes les plus courantsen fonction de c<strong>et</strong>te contrainte que les suj<strong>et</strong>s exercentsur le choix <strong>du</strong> procédé de mise en relation. (Voir AppendiceII).95


I non il C'est lui quia commencéZag z-g le père ZagO)Zigex. : Zig lui ordonne d'arrêter de pleurer


Matériel :Possibilité d'utiliser de vraies bandes dessinées.Possibilité d'utiliser des bandes pro<strong>du</strong>ites par lesélèves.Exercice 11Donner un thème <strong>et</strong> un certain nombre de verbes,faire écrire un texte.Exemple de thème : Imaginez qu'un bureau-des réclamationsvient d'être ouvert au C.E.S. Chaqueélève présente sa doléance.Verbes à utiliser : Se plaindre, gémir, soupirer, regr<strong>et</strong>ter,réclamer, revendiquer, s'indigner, suggérer,exiger, s'étonner, menacer, <strong>et</strong>c.Idem pour un bureau des souhaits — ou des craintespour l'an 3000, à partir d'un lot de verbes appropriés.C. Un troisième type d'exercices portera sur lescontraintes qui s'exercent sur les modalités <strong>du</strong> prédicatoïde.1) Le subjonctif de servitudePour l'usage <strong>du</strong> subjonctif en contexte de servitudegrammaticale, l'étude de Lucile Baudrillard sur lasyntaxe <strong>du</strong> verbe dans Recherches Pédagogiquesn° 57, pp. 69-71, montre que le palier de reconnaissancede la plupart de ces contextes se situe en 4°,<strong>et</strong> suggère même qu'il existe un ordre d'acquisitionde ces contextes (p. 70) de la 6° à la 3 e . A partir dec<strong>et</strong>te recherche, on peut donc fabriquer une séried'exercices en utilisant éventuellement les batteriesproposées traditionnellement par les manuels.On observe que pour une sous-classe de verbes, ilexiste une opposition entre l'absence <strong>et</strong> la présence<strong>du</strong> subjonctif dans l'expansion qui correspondà une variation de signifié <strong>du</strong> prédicat. Comparer :Pierre dit que vous sortez / Pierre dit que voussortiez.2) Le temps de l'infinitifPour des élèves assez entraînés, il peut être enrichissantd'observer les contraintes de temps qui s'exercentsur l'infinitif.Exercice 12Consigne :Donner des listes de verbes déclaratifs <strong>et</strong> voir s'ily a des contraintes de temps sur l'infinitif en expansion.Exemple :Il croit réussir, il croit avoir réussi.* Il se souvient dîner, il se souvient avoir dîné ici.D. Un quatrième type d'exercices montrera queles variations de signifié de certains monèmes verbauxsont en relation avec les différents types desuites syntaxiques qu'ils adm<strong>et</strong>tent (cf. 1" partie,pp. 2 à 4).Ainsi l'exercice n° 3 peut être proposé dans c<strong>et</strong>teperspective.Précisons que pour bâtir ces exercices, il convientde faire au préalable une étude fine des verbeschoisis, par exemple au moyen de la grille proposéedans l'appendice I.L'ensemble de ces exercices m<strong>et</strong> en jeu aussi bienles phénomènes syntaxiques de la mise en relationque la combinatoire <strong>du</strong> noyau dont il est questiondans la 1 partie. Précisons que les propositionsd'exercices ne sont que des canevas qui doivent êtreétoffés selon la situation de chaque classe, <strong>et</strong> enfonction des fréquences lexicales des noyaux.Il faut souligner que les exercices de pro<strong>du</strong>ction dirigéene reflètent pas l'usage actif des enfants, ce quien fait la limite : ils ne perm<strong>et</strong>tent pas de connaîtrel'usage spontané. Il arrive même qu'ils favorisentl'apparition d' « erreurs ». On demandait une phraseoù figurerait le verbe avoir au subjonctif <strong>et</strong> on aobtenu la phrase je crois que tu aies raison. Lescheme de phrase je crois que est très fréquent dansnos corpus oraux, or il n'entraîne jamais l'apparitionde la modalité subjonctif pour le prédicatoïde.Il semble qu'on puisse interpréter c<strong>et</strong>te' erreur de lamanière suivante : l'enfant avait un subjonctif à intro<strong>du</strong>iredans une phrase, il a choisi un contexteje crois que qui lui est très familier mais où laprésence de que l'a in<strong>du</strong>it en erreur. Ce serait lefait d'avoir à bâtir sa phrase à l'envers, en remontantvers le prédicat qui serait à la source de c<strong>et</strong>97


essai raté, c'est-à-dire finalement la démarche proposéequi serait responsable de l'erreur obtenue. Ilne faut pas nier qu'une situation de forte contraintescolaire comme celle de l'exercice de pro<strong>du</strong>ction dirigéerisque de provoquer des tentatives malheureuses<strong>et</strong> même artificiellement malheureuses. Faut-ilpour autant renoncer à ce type d'entraînement ?Nous ne le pensons pas. Comparons les deux phrases: Je pense partir <strong>et</strong> je pense de partir. Une foisqu'on s'est assuré que le même message a été perçuà travers les deux structures, on souligne le caractèrede prestige social de la première <strong>et</strong> on montre quechacune est liée à un registre de langue, à une situationde communication. C'est au moyen d'essaisplus ou moins réussis que l'enfant va se familiariseravec des schemes nouveaux pour lui, tels que ceuxdécrits dans les canevas d'exercices. Les tâtonnements,les phrases bizarres ou ambiguës susciterontdans la classe des réactions <strong>et</strong> des discussions quiperm<strong>et</strong>tront chaque fois de montrer la norme de lalangue écrite en la relativisant, c'est-à-dire en laliant à la situation de communication écrite, ou enla m<strong>et</strong>tant en parallèle avec d'autres usages, oumême en faisant ressortir qu'il y a des zones oùle consensus n'est plus acquis ; l'essentiel étant dene pas aggraver l'écart entre l'usage écrit <strong>et</strong> lesusages parlés.2) La position des subordonnées à place mobilepar rapport au prédicatNous disposons de deux sortes de résultats : ceuxobtenus dans les corpus <strong>et</strong> ceux obtenus dans desexercices de pro<strong>du</strong>ction dirigée. Nous voulions voirsi les expansions subordonnées par les monèmesrelationnels les plus fréquents avaient une placedans la chaîne par rapport au prédicat, l'antépositionou la postposition.a) Les usages dans les corpus orauxOn constate une préférence marquée pour une desdeux positions :parce que est postposé à 98 % dans les récits oraux,à 84 % dans les discussions (1).Quand est antéposé à 83 % dans les récits oraux, à85 % dans les discussions.(1) Voir plus loin (3) Remarques sur le fonctionnementdes monèmes relationnels.Si est antéposé à 82 % dans les récits oraux, à 88 %dans les discussions.Comme est antéposé à 10 % dans les deux situations.Puisque, beaucoup plus rare, est postposé à 100 %.Lorsque la position est « inhabituelle », on peut souventen trouver l'explication dans le contexte :quand est postposé quand l'expansion est de niveau2 ou même 3 («j'aimerais qu'y ait un roulementquand y a des heures de permanence » (VI) ), quanddans la « principale » figure le scheme le mêmeque ou autre que : « ... elle a pas les mêmes idéesque quand une classe elle est ensemble » (VIII) ;dans un certain nombre de phrases où l'expansionpar quand est postposée on constate que le noyauprédicatif est une phrase nominale à actualisateur :« surtout les livres de poche, c'est rare quand c'estillustré» (IV), «c'est arrivé quand j'étais quandmême p<strong>et</strong>it » (II).Pour si, la postposition s'explique :• Par le contexte plus qu' ou même que : « je suisplus à l'aise que si on change » (VIII), « c'est lamême chose que si tu as un p<strong>et</strong>it » (VIII).o Dans le cas de si tu veux qui pourrait être considérécomme un élément hors syntaxe dans la discussion,destiné à assurer la communication (plusfréquent chez les a<strong>du</strong>ltes que chez les enfants).• Par la complexité générale de la phrase <strong>et</strong> le nombredes emboîtements dans : « ça fait qu'on peut pasrester avec ses camarades <strong>et</strong> être <strong>du</strong> même niveausi y en a des plus faibles » (VII), par la présenced'une autre expansion conjonctive dépendant <strong>du</strong> mêmenoyau dans : « je trouve que quand on nousconsidère comme des bébés on restera toujours bébéssi on fait rien pour grandir » (VI), <strong>et</strong> par le fait quele noyau soit un infinitif dans : « <strong>et</strong> puis quand onavait demandé à des filles de venir si elles voulaient» (VI).b) Exercices de repro<strong>du</strong>ction de phrases faits pardes enfants de cinq à huit ans ne sachant pas lire.On a demandé aux enfants pris un par un de répéteroralement les phrases suivantes :1. Parce qu'il y a le carré blanc je regarderai pasla télé.2. Parce qu'on l'avait traité de bébé il s'est vexé.3. Si je vous revois ici je vous gronderai.98


4. Si tu travailles bien c<strong>et</strong>te année tu iras au lycéel'an prochain.5. Quand on dort maman fait la vaisselle.6. Comme on avait un frigidaire maman faisait lemarché une fois par semaine.Conclusions : 1) Les enfants ne changent pas la positiondes subordonnées : quand un moneme relationnelles gêne, peut-être parce qu'il n'appartientpas à leur système syntaxique, ils le transforment(comme <strong>et</strong> parce que deviennent quand) ou bien ilsle suppriment ( « y a le carré blanc, je regarderaipas la télé » ; « on le traite de bébé, il s'est vexé » ;« travaille bien, tu iras au lycée » ).2) Les monèmes relationnels sont par ordre defréquence décroissant : quand : 100 % ; Si : 75 % ;parce que : 40 à 50 % ; Comme : 15 à 18 %.S'agit-il de l'ordre d'acquisition des monèmes rela-tionnels ou <strong>du</strong> niveau de langue de laparisienne ?banlieuec) Exercice de reconstitution de phrases (cycle élémentaire; écrit)Les six phrases citées précédemment sont présentéesaux enfants sur deux bandes de papier chacune,l'une pour la principale, l'autre pour la subordonnée,avec tie même signe sur les bandes correspondantes.Il s'agit de voir où les enfants placeront l'expansion(cf. tableau ci-dessous).ci) Exercice de pro<strong>du</strong>ction de phrases (premier cycle5 e <strong>et</strong> 4")On a demandé aux élèves d'inventer chacun deuxphrases, pour chaque moneme relationnel quand, si,comme, puisque.Tableau résumant les résultats obtenus dans les exercicesCE.CE.CM.CM.CORPUS5 e4 e4° cl.PARCE QUE . .Postposé92%77%77%Récit. Disc.98/84 %62 %86%90 %QUANDSICOMMEPUISQUE . . .AntéposéAntéposéAntéposéPostposé59 %65%56%23 %52%85 %33 %35%94%83/85 %83/88 %100/100 %100/100 %84%95%100 %12%64%68%100 %13%60 %75 %100 %62 %Commentaires• Les résultats ne sont directement comparablesque dans les sous-ensembles cycle élémentaire/corpus/premiercycle.o Les exercices étaient chacun dans leur genre trèscontraignants. Les élèves <strong>du</strong> primaire ont pu sentirou peut-être observer que la moitié des bandesde papier commençait par un moneme relationnel<strong>et</strong> donc chercher une certaine régularité dans leurassemblage. Ils sont très influencés par le sens desénoncés : la présence de maman dans la phrase avecquand explique peut-être le choix insolite de lapostposition ?• Pour les exercices de pro<strong>du</strong>ction la consigne ellemêmeétait une contrainte très forte : le monemerelationnel était le seul point d'ancrage qu'on leurdonnait pour inventer les phrases, ce qui incitaitévidemment les élèves à j<strong>et</strong>er ce moneme en têted'énoncé pour s'en débarrasser. On pourrait expliquerainsi l'antéposition « aberrante » des expansionspar puisque en 4 e <strong>et</strong> 5 e .• Si critiquables qu'ils soient, ces résultats donnentdes indications qui convergent avec celles livrées parles corpus : si les usages restent partagés en matièrede position dans l'énoncé des expansions subordonnéespar moneme relationnel, on observe den<strong>et</strong>tes préférences pour l'une des deux positions selonle moneme relationnel ; lorsque l'énoncé restesimple :99


comme (avec un signifié causal) est antéposé.puisque serait postposé, selon les corpus ; maisles résultats ailleurs sont divergents.Si est le plus souvent antéposé.Quand précéderait généralement le prédicat.Parce que le suivrait.e Le caractère artificiel des phrases ainsi obtenuesn'a pas permis l'apparition de « particules » desoutien comme eh ben, alors... une fois que l'expansionest terminée, avant que le prédicat central apparaisse.Cela dans le cas où l'expansion est antéposée.Ces exercices n'ont pas pu con<strong>du</strong>ire les enfants àpro<strong>du</strong>ire des phrases où, comme dans certains denos corpus, le fonctionnement habituel des monèmesconjonctifs semble altéré (cf. ci-dessous).3) La variation dans le fonctionnement<strong>et</strong> le signifié de certains monèmes relationnelsa) On a observé dans les corpus que les enfantsont parfois un usage des monèmes relationnels différentde celui des a<strong>du</strong>ltes, en ce sens que leur valeursyntaxique est remise en cause. Ainsi dans uncertain nombre de phrases orales il semblerait queles monèmes parce que <strong>et</strong> quand n'assument pluspleinement leur rôle de fonctionnels marquant ladépendance d'un segment de phrase par rapport à unnoyau.• Parce que : 1) on le trouve en tête de phrasesoutenu par par exemple sans qu'il soit suivi par unnoyau central :« Si on va pas se m<strong>et</strong>tre à côté des garçons on estbien forcé de se m<strong>et</strong>tre à côté d'une fille. Parce quepar exemple dès qu'on va toute seule ou deuxà côté d'un garçon les autres i disent: ... (VI).2) On le trouve en tête de phrase, suivi de la subordonnée,repris <strong>et</strong> comme soutenu par un segmenteh ben, alors, ben placé en tête de la propositionprincipale : « Pasqu'on a un jour pour avoir desgroupes alors c'est bien d'avoir des groupes » (VII).3) Placé en tête de phrase derrière un élémentcoordonnant : pis alors, parce que semble entraînerla disparition <strong>du</strong> prédicat central. « Pis alors pasquemes parents voulaient aller à la ville pour toutela journée avec ma p<strong>et</strong>ite sœur. Alors elle nousdit... » (III). La présence de la subordonnée antéposéesemble avoir bloqué le déroulement prévisiblede la phrase, qui demeure en suspens, privée de sonprédicat central : la suite qui commence par alorsnous semble être une phrase nouvelle, avec un suj<strong>et</strong>nouveau dont le segment antérieur pasque... nedépend pas.4) Parce que apparaît vidé de son sens, comme unsimple renforcement de voilà : « Ben faudrait êtregarçons en travaux manuels d'un côté mais pasquevoilà nous sommes à peu près trois garçonsquatre garçons dans un coin <strong>et</strong> le reste les fillessont devant » (VI). Le syntagme annoncé par parceque se ré<strong>du</strong>it à voilà, le monème fonctionnel ne marqueplus la mise en relation précise d'un syntagmeprédicatif <strong>et</strong> d'un syntagme prédicatoïde mais indiquequ'un rapport est établi entre un prédicat <strong>et</strong>un ensemble plus vaste <strong>et</strong> plus complexe fait dedeux phrases coordonnées dont les suj<strong>et</strong>s sont différents.On pourrait soutenir aussi que parce que•uoila est l'expansion <strong>du</strong> noyau mais, le voisinagede la modalité « conditionnel » donnant à mais lesens de : « mais ce n'est pas possible », parce quer<strong>et</strong>rouverait alors <strong>et</strong> son rôle fonctionnel <strong>et</strong> sa valeursémantique.5) Parce que joue un double rôle, celui de coordonnant<strong>et</strong> celui de monème conjonctif : « Vous allezprofiter. On se connaît mieux. Pasque on arriveen sixième ben alors on connaît personne » (VIII).Il marque un lien logique entre les deux premièresphrases <strong>et</strong> la troisième qu'il intro<strong>du</strong>it, <strong>et</strong> en mêm<strong>et</strong>emps il indique la dépendance <strong>du</strong> syntagme « onarrive en sixième » par rapport au noyau « on (ne)connaît (personne) », dépendance qui serait mieuxexplicitée par quand, <strong>et</strong> qui est soulignée par benalors.6) L'expansion par parce que apparaît avec pourprédicat central oui, non, si : « Ils disent que si jen'ai qu'à me m<strong>et</strong>tre avec les filles ça fera pareil.Mais non parce que si je suis tout seul ça feracomme avant » (VI).Dans nos corpus parce que est le seul monème relationnelqui puisse, avec ce type de noyau, formerune phrase ailleurs qu'à l'initiale d'une réponsedans un dialogue.En résumé parce que, lorsqu'il apparaît en tête dephrase, semble ne plus se comporter uniquementcomme un fonctionnel reliant une expansion à unnoyau ; s'il de reste, ce rôle est marqué, souvent,par une particule de soutien syntaxique au niveau<strong>du</strong> prédicat central ; autrement il joue un rôle de100


coordonnant ou d'adverbe. Dans certains cas sonrôle est ambigu.• Quand : son fonctionnement à l'oral est moins altéré,on ne l'a guère trouvé soutenu par eh ben dansla principale qu'une fois (VI), <strong>et</strong> une fois sans prédicatcentral.A l'écrit, il figure plusieurs fois dans des expansionssans noyau : « tous deux nous jouions à la balançoirequand arriva Luc notre cousin» (2). Faute deponctuation ? Dans le second exemple quand a n<strong>et</strong>tementvaleur adverbiale : « Moi je voulais la voirfaire <strong>et</strong> je me suis appuyée sur la porte de l'armoire.Quand sous mon poids l'armoire bascule, ma tantea juste le temps de rattraper les assi<strong>et</strong>tes» (2).L'expansion par quand n'a pas de noyau, elle ne serattache sémantiquement ni à la phrase qui précèdeni à celle où elle figure ; quand fonctionne icicomme alors ou tout à coup.S Si : il est pléonastique dans deux phrases chezle même enfant parce qu'il correspond à un changementde construction en cours de route : « Boneh bien si on va pas tout le temps faire des observationson va prendre une décision » (VI) <strong>et</strong> : « Ilsdisent que si je n'ai qu'à me m<strong>et</strong>tre avec les fillesça fera pareil » (VI).C'est sans doute parce que les enfants ressententc<strong>et</strong> affaiblissement de la valeur syntaxique <strong>et</strong> peutêtresémantique des monèmes relationnels qu'ilséprouvent le besoin de les doubler de diversesparticules placées soit immédiatement derrière, soiten fin d'expansion, soit au niveau de l'énoncé principal.On trouve :Parce que alorsParce que..., benParce que... comme çaParce que... tout çaQuand..., eh benSi..., eh ben« parce que les pompes c'est délicat tout ça » (III)« Pis alors rien à faire quoi » (III)(quoi, tout ça apparaissent souvent en fin de phrasecomme des particules d'insistance).Inversement, il arrive que le monème que atten<strong>du</strong>soit omis : « Ch. a été le premier à me dire je parlaisà une fille » (VI). Il y a contamination entreles deux procédés d'expansion possibles de dire dansle contexte. Autre exemple: «Moi je trouve enfrançais on devrait être filles <strong>et</strong> garçons » (VI).Il s'agit d'un usage courant, la subordination est implicite,tout se passe comme si la présence d<strong>et</strong>rouve suffisait à la marquer. Que est souventeffacé dans la langue parlée familière des enfants,à l'intérieur <strong>du</strong> syntagme interrogatif qu'est-ce quequi se ré<strong>du</strong>it à qu'est-ce «qu'est-ce tu crois?»,« qu'est-ce tu fous ici ? ».b) Une étude fine <strong>du</strong> scheme entendre si a misen évidence que le monème si a plus d'un signifiétout comme il a plus d'une fonction syntaxique.En eff<strong>et</strong> : 1) Si au scheme : suj<strong>et</strong> -f- entendre -f- sion ajoute un obj<strong>et</strong> au verbe entendre, la fonctionde la subordonnée par si est « complément circonstanciel».2) Mais si le scheme ne comporte pas d'obj<strong>et</strong>, laphrase est ambiguë : « il n'entend pas si l'aspirateurmarche », puisque l'expansion subordonnée peut assumerla fonction obj<strong>et</strong> ou la fonction de « complémentcirconstanciel »L'ambiguïté peut être levée si le renversement del'ordre des séquences ne modifie pas le sens del'ensemble de l'énoncé.C<strong>et</strong>te ambiguïté est <strong>du</strong>e :1) aux signifiés possibles de entendre dans l'énoncéci-dessus :signifié 1 = « ne pas être sourd ». Signifié 2 =« percevoir quelque chose par l'ouïe ».2) aux deux signifiés de si :a) Dans (1) « Il n'entend pas sonner si l'aspirateurmarche », si a un signifié hypothétique évident puisquela présence de l'obj<strong>et</strong> sonner exclut que l'expansionsubordonnée par si ait la fonction obj<strong>et</strong>.b) Comparons (2) « Il entend que l'aspirateur marche» <strong>et</strong> (3) «Il entend si l'aspirateur marche».Les deux subordonnées ont la même fonction obj<strong>et</strong>mais il y a une différence de signifié entre les deuxénoncés qui tient aux monèmes que <strong>et</strong> si. Dans (2)que est un monème relationnel sans valeur sémantiquepropre ; il a seulement pour rôle de relierà entendre une expansion à prédicatoïde verbal.Dans (3), si ajoute au signifié de l'expansion unsignifié interrogatif.101


c) Considérons les énoncés :(4) avoue si tu l'as vu(5) essaie si ça marche(6) il doute s'il y arrivera(7) préviens s'il arrive(8) gu<strong>et</strong>te s'il arrive(9) il s'apercevra tout seul si ça marche(10) écoute s'il arrive(11) j'aime si tu es là, à côté de :— j'aime quand tu es là— j'aime que tu sois là(12) prouve si c'est lui le responsable.(Est-ce que 11 <strong>et</strong> 12 sont possibles ?)Dans ces phrases il est difficile de décider quelleest la fonction de l'expansion <strong>et</strong> <strong>du</strong> même coup lavaleur sémantique de si : « hypothétique » ou « interrogatif» ?L'antéposition de la subordonnée est possible dans(4) <strong>et</strong> (7), on peut ajouter un obj<strong>et</strong> positionnel(^ préviens-moi s'il arrive) ; on peut dire que sidans ces énoncés est hypothétiquePar ailleurs l'impossibilité d'ajouter un obj<strong>et</strong> dans(4), (5), (6), (8), (10), (11) <strong>et</strong> (12) suggère que dansces énoncés la subordonnée assume la fonction obj<strong>et</strong>.Pour (9) on peut dire que s'apercevoir n'adm<strong>et</strong> pasd'obj<strong>et</strong> positionnel de la classe des substantifs maisseulement des obj<strong>et</strong>s de la classe des subordonnéesconjonctives par que <strong>et</strong> si. Pour (8), gu<strong>et</strong>ter n'adm<strong>et</strong>pas d'expansion subordonnée par que.En sens inverse on peut dire que l'expansion subordonnéepar si est difficilement deplaçable dansces énoncés. Il semble qu'on se trouve dans unezone de transition tant <strong>du</strong> point de vue <strong>du</strong> signifiéde si (interrogatif ou hypothétique ?) que <strong>du</strong> pointde vue de la fonction syntaxique de l'expansion.Statut de siOn peut comparer pour quelques verbes les expansionsqu'ils adm<strong>et</strong>tent : expansions par si, par que,par comment, pourquoi...entendreapprendreécouteressayergu<strong>et</strong>tersi que


Exercice 13(cf. exercice n° 3)Objectif :Faire distinguer fonction obj<strong>et</strong> <strong>et</strong> fonction circonstancielledes expansions par si <strong>et</strong> quand.Consigne :Proposer des débuts de phrases. Demander si onpeut leur donner une expansion par si ou quand,expansion qui ne soit pas déplaçable.Exemple :« Je cherche mon sac »« Je cherche si le mot figure dans le dictionnaire »« Il marche »« Il l'écoute »« Il sait »Eventuellement voir pourquoi on peut ou non donnerc<strong>et</strong>te expansion.IV. La hiérarchisation de l'expansiondans le cadre de la phraseOn relève dans les corpus oraux, à côté de phrasescomplexes formées « régulièrement », un certainnombre de phrases difficiles. L'enchâssement entraînedes complications qui peuvent briser l'unitéde la phrase. Plusieurs cas peuvent se présenter :1) La phrase a éclaté en segments qui se juxtaposentsans s'organiser hiérarchiquement :« Moi, la première partie, y avait des morceauxqui étaient pas intéressants » (V).L'enfant compte sur la complicité de l'auditoire pourrétablir les relations qu'il n'a pas énoncées. Lacommunication passe à travers ces énoncés tronquésau regard de la syntaxe de l'écrit comme si lacharge sémantique comblait le déficit syntaxique.Encore : « quand on était au CM. 1, on était toujoursfilles filles ».Voyons un fragment de discussion :El. — « J'aimerais avant de sortir que les gens quiont des reproches à faire ils les fassent ici <strong>et</strong> pasdehors parce que quand ils les font dehors... »G. — Amar c'est pour le dessin, Amar, i dit commeçà que M lle V. elle nous considère comme des bébés,par exemple, nous m<strong>et</strong> les mains sur la tête » (VI).La phrase de El. est inachevée : est-ce parce queelle ne l'a pas prononcée ou parce qu'elle a été couvertepar le brouhaha des camarades ? Les deuxcas ne peuvent pas toujours être distingués. Quantà l'intervention de G., elle se comprend par rapportà l'intervention précédente. Ce type de phrasen'apparaît pas à l'écrit.2) La présence de la subordonnée entraîne une atteinteà l'intégrité de la phrase : le prédicat centraln'apparaît pas : « Alors premièrement dès qu'onamène le lait c'est-à-dire on prend la mamelle <strong>et</strong>on tire » (III). L'enfant a oublié le début de laphrase, il accumule les explications sans donnerle noyau atten<strong>du</strong> après dès que. Ces cas sont beaucoupmoins fréquents que l'absence d'une suite unefois le noyau puis le monème relationnel énoncés(«C'est normal, après, que...») (IV).3) Ou encore c'est l'expansion qui subit des atteintes:• Le scheme qui commençait par un monème relationnelne s'achève pas. « L'autre jour je demandaisà Ch. si le gars... Pis, Ch. a été le premierà me dire j'parlais à une fille».• Il y a hésitation sur le suj<strong>et</strong> à donner au prédicatoïde.« Je dis que les classes moi... il dit que enfin...Moi je dis qu'on devrait faire plusieurs 5" 2 » (VIII).• La complexité de la phrase entraîne l'abandond'une des expansions atten<strong>du</strong>es : « c'est le problèmedes professeurs le niveau quoi parce que si on s<strong>et</strong>rouve à plusieurs... y a sûrement des gens beaucoupmoins forts ben on les rem<strong>et</strong>tra » (VIII). C'estsouvent la subordonnée par parce que qui reste sansprédicatoïde.• Il y a reprise in<strong>du</strong>e <strong>du</strong> monème relationnel : Ehbien Gilles Th. me dit que lorsque je soulève ce problèmeque je veux être avec ma poule» (VI). Icile second que a sans doute une valeur sémantiqueplus forte que le premier, voisine de c'est que (queles enfants manient peu).103


o II y a confusion entre deux schemes quand il ya le choix entre deux procédés, par exemple entredire <strong>et</strong> dire que ou entre faut <strong>et</strong> faut que : « Jecrois que pour ce problème là faudrait que même sion se mélange comme ça par exemple pas dir<strong>et</strong>outes les deux minutes...» (VI). «Pis Ch. a étéle premier à me dire : je parlais à une fille ».L'erreur est née de l'ignorance des contraintes quel'imbrication exerce sur la structure de l'expansion.• Signalons pour mémoire les erreurs dans le maniementdes indicateurs de relation : « Elle avaitpuni un garçon à être à côté des filles » (VI).4) La coordination des expansions entraîne des difficultés:Le monème relationnel n'est pas répété ni reprispar que, l'expansion coordonnée est liée seulementpar <strong>et</strong> pis : « si les garçons i veulent faire <strong>du</strong> foot<strong>et</strong> pis les filles j'sais pas moi <strong>du</strong> bask<strong>et</strong> c'est pareil» (VII).• La coordination est assurée par <strong>et</strong> : « j'ai dit pourme faire comprendre que les p<strong>et</strong>its avaient souventles mêmes idées qu'les p<strong>et</strong>its <strong>et</strong> les grands n'avaientpas les mêmes idées alors... » (VIII) ce qui est sourced'obscurité ou même d'ambiguïté : « c'est embêtantque les garçons soient ensemble parce qu'ils neconnaissent pas l'opinion des filles <strong>et</strong> ils disent toutle temps non » (VI).5) Enfin on peut se demander si certaines phrasesstructurées de manière irrégulière au regard de lasyntaxe de la langue écrite ne correspondent pasà des déficits de la langue de l'enfant.• La phrase suivante exprime une comparaison dephrases entières, ce qui entraîne une cascade de que<strong>et</strong> une obscurité certaine :« Oui ça serait moins injuste aussi que de que toutle temps ce soit les mêmes qui sortent de 2 à 3 parceque si il y a un... c'est permuté ce sera pas tout l<strong>et</strong>emps les mêmes qui sortent » (VII). Le que (toutle temps...) désigne le terme « le plus injuste » dela comparaison, la situation qu'on doit modifier ; celuiqui précède parce que explicite le ça initial. ( « Ily a un... » représente un raté).• « Par exemple pour le lion ben moi je sais qu'ily a une fille on n'avait pas la même opinion » (VII).Phrase irrégulière mais simple <strong>et</strong> claire, plus queses substituts possibles.• Une cascade malheureuse de parce que : « Nonmoi je suis pas d'accord avec toi pasqu'y en a automatiquementi vont se m<strong>et</strong>tre dans les grandspasque i seront vexés pasqu'on leur a dit quec'était., qu'ils étaient plus p<strong>et</strong>its que nous» (VIII).Le parce que qui suit vexés pourrait être remplacépar que mais avec le subjonctif, on comprend quel'enfant ait préféré parce que <strong>et</strong> l'indicatif.• Les phrases suivantes combinent deux types dedifficultés ; elle comportent des éléments qui indiquentla comparaison <strong>et</strong> une relative : « L'hommedit que tout ce qu'il voudrait il l'aurait mais à unecondition que celui qui demanderait quelque chosel'autre en aurait le double» (corpus écrit [5]). Ils'agit de deux personnages auxquels un troisième— « l'homme » — offre de réaliser leurs vœux ;le discours s'adresse à l'un des deux. La secondepartie de la phrase à partir de « celui qui » est désarticuléemais la solution trouvée par le garçonest brève <strong>et</strong> claire. « Ya peut-être avec des garçonsqu'on s'entend mieux qu'avec des autres » (VII).C<strong>et</strong>te pro<strong>du</strong>ction est évidemment susceptible deplusieurs critiques, elle décompose le relatif composéavec qui ou avec lesquels, que le registre écrit auraitpréféré.Ces quelques relevés illustrent la difficulté qu'ona à analyser les phrases complexes des enfants ; estceque les exercices prévus pour améliorer le maniementdes indicateurs de relation <strong>et</strong> pour faire acquérirla connaissance des contraintes subordinatoires<strong>du</strong>es aux noyaux, seront suffisants pour pallierles erreurs <strong>du</strong>es à l'imbrication des syntagmes dansles phrases ? La connaissance <strong>et</strong> le maniement desstructures de la langue cible sont certes une étapedécisive, mais de même qu'il est rare d'observerde tels énoncés à l'écrit, de même les exercices proposésconcernent plus précisément la pro<strong>du</strong>ctionécrite <strong>du</strong> fait de leur utilisation dans le cadre scolaire.A tous les niveaux de la scolarité l'enchâssementdes syntagmes à l'écrit, comme à l'oral, doit pouvoirêtre amélioré aussi par l'explication <strong>et</strong> la correctionrépétées de phrases pro<strong>du</strong>ites par les élèves ;ceci s'accompagnant ensuite d'exercices relatifs aumaniement des contraintes ignorées ou incomplètementacquises. L'important est d'intro<strong>du</strong>ire desdegrés dans l'évaluation <strong>et</strong> la correction des erreurs :il faut ainsi dissocier les faits qui relèvent d'unepertinence <strong>linguistique</strong> nécessaire de ceux qui perm<strong>et</strong>tentde caractériser l'usage en cause au sein de104


la multiplicité des usages ou de la variété des situationsde communication ; ainsi, la confusion entreles deux structures faut <strong>et</strong> faut que citée ci-dessus,est d'un ordre différent de celui de l'utilisation <strong>du</strong>scheme avouer de -f- prédicatoïde infinitival au lieude : avouer -f- infinitif, ou de celui de la mise enrelief <strong>du</strong> prédicat par des syntagmes autonomescomme ben alors, lorsque la proposition principaleest précédée d'une proposition circonstancielle( « pasqu'il avait voulu me gifler, ben alors j'iui airen<strong>du</strong> la pareille » ).Ce travail n'a pu être mené à ce point que grâceà la collaboration de :M me " Commin (C.R.M.P. La Mayotte, 95 - Montlignon),Decottignies (Lycée Claude Mon<strong>et</strong>, Paris),Esquirol (C.E.S. Liberté, Chevilly-la-Rue),Gineste (C.M.P.P. de la M.G.E.N., Paris),Grandadam (C.E.S. Pierre Curie, Gentilly).Actuellement les équipes travaillent dans leurs classesà partir des exercices proposés. Toutes les remarques,tant sur les descriptions des usages que surles exercices propres, seront les bienvenues.APPENDICE IEBAUCHE D'UNE GRILLE POUR L'ETUDEDE LA COMBINATOIRE DES VERBESContextes syntaxiques considérésI - PASD'EXPANSIONEx. : il vient / il rencontreLe verbe peut s'employer sans expansion, même« sous-enten<strong>du</strong> »Ex. : j'entends employé seul n'a pas le même signifiés'il est suivi d'un régi : j'entends <strong>du</strong> bruit.II - VERBEREVERSIBLEEx. : le cours commence / il commence le coursIII - LE VERBE ADMET UNE AUTRE FONCTIONQUE LA FONCTION PREDICATIVEEx. : les Arabes exportent des matièresj'entends <strong>du</strong> pétrole.premières,Le contexte « reprise de l'expansion » fait apparaîtreun nouveau signifié pour j'entends.IV - FORMEPRONOMINALE— admise ou exclue,— fait apparaître un nouveau signifié.1) Ex. : je m'entends au magnétophone.je m'entends bien.2) Ex. : signifié 2 : « je me comprends, je sais ce queje veux dire ».V - VOIXPASSIVEEx. : des bruits suspects ont été enten<strong>du</strong>s avant l'explosion<strong>et</strong> il a été enten<strong>du</strong> par le juge d'instruction: entendre a deux signifiés différents.VI - FORMEIMPERSONNELLEEx. : deux jours suffisent pour faire c<strong>et</strong>te réparation,il suffit de deux jours... / il suffit de rester calme,il semble calme / il semble que le pétrole va s'épuiser.VII - +NEGATIONEx. : il n'en finit pas de venir / il ne demande pasmieux que de venir.4- NE QUEEx. : il ne fait que dem'embêter.VIII - SUJET (animé/inanimé)Ex. : entendre avec le signfié « percevoir » adm<strong>et</strong>-ilun suj<strong>et</strong> animé ?Ex. : il est venu avec sa famille, j'entends avec sonfrère <strong>et</strong> sa sœur. Entendre avec ce signifié s'emploieseulement avec je <strong>et</strong> nous, tu <strong>et</strong> vows <strong>et</strong> il ensituation de dialogue.105


JX - EXPANSIONAnimé/inanimé.X - TOUTESOBJETEXPANSIONSEx. : cf. VIII n'importe quelle expansion est admiseaprès entendre avec ce signifié.XI - EXPANSIONSPAR MONEME RELATIONNELàEx. : deux heures suffisent à un enfant pour fairece travail / deux heures suffisent pour un enfant.deEx. : il décide de tout / il décide l'heure <strong>du</strong>pardépart.Ex. : il commence par le latin / il commence le latin.monème relationnel -f- infinitifà : il pense partir / il pense à partir.de : il vient de commencer / il vient dîner.par : il commence par rire I il commence à rire.pour : cela suffit pour être heureux / cela sufñt àrendre heureux.Voir si les deux modalités de l'infinitif, présent <strong>et</strong>passé, sont admises :sou­Ex. : je me souviens avoir dîné ici / * je meviens dîner.De même : j'entends sonner / j'entends avoir sonné.XII - EXPANSION INFINITIVALEEx. : il espère venir <strong>et</strong> il espère qu'il viendra.XIII - EXPANSIONPAR MONEME RELATIONNEL-f PREDICATOIDE VERBALA. QUEEx. :il sait qu'il nage le crawl / il sait nager lecrawl.Indicatif ou subjonctif : il semble que tu es heureuxil ne semble pas que tu sois heureux.IB. SIVerbe adm<strong>et</strong>tant si... Ex. : demander, dire, expliquer...Ambiguïté de la phrase : il n'entend pas si l'aspirateurmarche, où le signifié de entendre varie selonque si a le signifié « au cas où, quand » ou le signifié« interrogatif ».C. COMMENT, OU, POURQUOI, QUAND...Voir s'il n'y a pas des verbes qui adm<strong>et</strong>tent si <strong>et</strong>pas les monèmes relationnels comment, où, pourquoi.Ex. : je doute où tu t'en uas ? impossible ? mais :je doute si j'y arriverai.D. QUI, LEQUEL, QUOI...Voir si l'infinitif est toujours possible quand lesdeux suj<strong>et</strong>s <strong>du</strong> prédicat <strong>et</strong> <strong>du</strong> prédicatoïde sont identiques.Ex. : je ne sais lequelchoisir.E. QUE <strong>et</strong> REGI POSITIONNELEx. : réussirqueInversement :adm<strong>et</strong> un régi positionnel mais passonger que mais pas songer lesF. QUE <strong>et</strong> A CE QUEvacances.Ex. : prendre garde qu'il n'ait pas froid / prendregarde à ce qu'il n'aille pas dire des sottises / prendregarde à ce qu'il va dire.(Il y a deux à ce que, l'un fonctionne comme unsynthème conjonctif, l'autre conserve à que son pleinrôle de relatif ; un certain nombre de verbes adm<strong>et</strong>tenten concurrence que <strong>et</strong> à ce que : s'attendre,consentir...).G. QUE <strong>et</strong> DEOu bien le signifié reste le même dans les deuxschemes : il a décidé de s'en aller <strong>et</strong> il a décidé qu'ils'en irait.Ou bien la variation de scheme fait apparaître deuxsignifiés <strong>du</strong> verbe : il a imaginé de se déguiser Iil a imaginé qu'il se déguisait.H. QUE <strong>et</strong> DE CE QUEJe me réjouis que vous soyez là <strong>et</strong> je me réjouisde ce que vous (soyez là/êtes la).106


XIV - EN + PARTICIPE PRESENTEx. : il apprend à compter en manipulant des boutonsn'a pas le même signifié que : En manipulantdes boutons il apprend à compter.Ou : il continue ses études en faisant une spécialité<strong>et</strong> il continue ses études en travaillant à mi-temps.Dans ces phrases le segment subordonné par enest déplaçable ou non, ce qui suggère qu'il y a deuxsignifiés pour en.XV - PRESENCE SIMULTANEEDE DEUX EXPANSIONSEn général l'une des deux expansions appartient àla classe des substantifs animés, l'autre à celle desinanimés, des infinitifs ou des conjonctives par que :1 - Examiner les combinaisons simultanées d'aprèsles possibilités suivantes :en I ro placeun régi nominal positionnel,un régi intro<strong>du</strong>it par à/de.en 2 e placeun dépendant verbal positionnel,un dépendant intro<strong>du</strong>it par à, de, ou que.Exemples :J'invite Pierre à venirJe conseille à Pierre de venirJe vois l'herbe pousserJe supplie les enfants qu'ils rangent leur chambre /de ranger leur chambreJe perm<strong>et</strong>s aux enfants de sortirJ'exige des enfants qu'ils sortent, <strong>et</strong>c.2 - Voir la position des éléments dans la chaîne.Ex. : je laisse monter Pierre <strong>et</strong> je laisse Pierre montermais je fais monter Pierre seulement.3 - Voir la position des régis selon qu'ils sont nominauxou pronominaux.XVI - DEUX EXPANSIONS :REGI POSITIONNEL+ QUASI-PREDICATOIDESans monème relationnel :Ex. : on l'a éludélégué.Avec monème relationnel :Ex. : on le traite defeignant.APPENDICE IIEssai de classement des verbes à expansion verbale dans un usage cible.CLASSESUJETSTYPES D'EXPANSIONEXEMPLESVERBESAUn même suj<strong>et</strong> pour le f Expansion infinitivaleprédicat <strong>et</strong> le prédicatoïde < Expansion par que impostesibleIl vaveniroserhésitercommencerBMême suj<strong>et</strong> :Suj<strong>et</strong>s différents :Expansion infinitivaleExpansion parqueIl veut venirIl obtient (d'eux)qu'ils viennentaimermériteraccepteravoir peurMême suj<strong>et</strong>, choix possibleentreSuj<strong>et</strong>s différents :( Expansion infinitivale1^ Expansion par queExpansion par queIl pense réussirIl pense qu'il réussiraIl pense que tu réussirascroireespérerdéclarerprom<strong>et</strong>tre


CLASSE SUJETS TYPES D'EXPANSION EXEMPLES VERBESD Même suj<strong>et</strong>, choix possible S Expansion infinitivale II décide de partir apprendreentre \ Expansion par que lundi direE Suj<strong>et</strong>s différents ( Exp. inf. -j- Exp. nominale II aide Pierre à mar- autoriserExpansion par que impos- cher chargersiblecon<strong>du</strong>ireinviterservirF Suj<strong>et</strong>s différents, choix S Exp. inf. -\- Exp. nominale Je perm<strong>et</strong>s à Pierre empêcherpossible entre \ Expansion par que de venir conseillerJe perm<strong>et</strong>s que Pier- supplierre vienneprierG Même suj<strong>et</strong> ou suj<strong>et</strong>s dif- / Expansion par que II se doute que tu as ajouterférents 1 réussi informerprouverH Même suj<strong>et</strong> : Expansion par que Je répète que je m'en avertirvaiscrierSuj<strong>et</strong>s différents, choix / Exp. inf. -f- Exp. nominale Je t'ai répété de sortir prévenirpossible entre \ Expansion par que Je te répète qu'il estsortiSuj<strong>et</strong>s différents, choix / Expansion infinitivale II décide que je pars proposerpossible entre ^ + Expansion nominale lundi sentirExpansion par que Je le décide à partir voirlundiJe décide qu'il partiralundiI Même suj<strong>et</strong> : Expansion infinitivale Je souhaite réussir demanderSuj<strong>et</strong>s différents, choix { Exp. inf. -J- Exp. nominale Je lui souhaite depossible entre V Expansion par que réussirJe souhaite qu'il réussisse108


Répartition entre les neuf classes des verbes observés dans les corpusAaboutirallerarrivercourirdescendrepartirparvenirpasserrester (à, zéro)revenirvenir (à, de, zéro)s amusers'apprêterse dépêchers'entraîners'honorers'employers'empressers'ennuyerse contenterse m<strong>et</strong>trese rem<strong>et</strong>treavoirdonnercherchercommencer (à, par)consistercontinuerdaignerdevoirentreprendrefaillirfinir (de, par)jouermanqueroserparaîtrepersisterpouvoirrenoncerréusisirsemblerBaccepteradm<strong>et</strong>treattendreavoir envieavoir peurchoisirconsentircraindredésirerdouters'efforcerenvisageressayer (que ?)exigeréviterpréférerregr<strong>et</strong>terrisquertâchervouloirannonceravouercomprendreconstaterconvenir (deux signifiés)croiredéclarerespérerestimerexpliquerimaginerindiquerjugerjurerobserveroublierparierpenserprom<strong>et</strong>trese rappelerreconnaîtresavoir (deux signifiés)signalerse souvenirsupposer109


Dapprendre (deux signifiés)décider (deux signifiés)dire (deux signifiés)entendre (variations de signifié en relation avec la combinatoire)proposersentir (restrictions pour l'expansion infinitivale si le suj<strong>et</strong> est le même)suggérervoir (restrictions pour l'expansion infinitivale si le suj<strong>et</strong> est le même)Eaideramenerchargercon<strong>du</strong>ireemployerencouragerentraînerinviterenvoyerengagerlaisserobligerpréparerregarderreprocherrésoudreservir(si on considère reprocher que commearchaïque)commanderconseillerdéfendreimposerordonnerperm<strong>et</strong>trepersuaderrecommanderrefusersupplierGajouterdémontrerse douterinformerobjecterpressentirprouversoupirertrouverHavertircrierprévenirrépéterrépondredemandersouhaiter110


RELATIFS UTILISÉSPAR LES ADULTESJULIA BLANCHEC.E.S. COURTELINE, PARISDALILA MORSLYPARIS V


Partant de l'examen de rédactions d'élèves <strong>du</strong>I e '' cycle, nous constatons (1) :• la faible fréquence des relatifs dans ces devoirs,• que les seuls relatifs connus <strong>et</strong> pro<strong>du</strong>its (souventfautivement) par les élèves étaient qui <strong>et</strong> que :l'apparition de dont, lequel, <strong>et</strong> de tous les autres relatifsest rare ; des exercices proposés ensuite <strong>et</strong> les« erreurs » qu'ils ont entraînées, expliquent que lesélèves les évitent.Il nous est apparu intéressant de vérifier si lalangue de l'a<strong>du</strong>lte présente les mêmes tendances,autrement dit, nous avons essayé de déterminerquels sont les relatifs réellement utilisés. En eff<strong>et</strong>,dans une perspective pédagogique, il serait précieuxde savoir quels relatifs doivent, dans un premiertemps, faire l'obj<strong>et</strong> d'un <strong>enseignement</strong>, de façon àétablir une progression. Les manuels scolaires — exceptionfaite d'Itinéraire Grammatical (Nathan) —pour la plupart ne proposent aucune solution à ceproblème : ils prévoient l'étude de tous les relatifsdès la 6 e , par de nombreux exercices de transformation.Mais c<strong>et</strong>te étude, perm<strong>et</strong>tant la comparaison entrelangage de l'enfant <strong>et</strong> langage de l'a<strong>du</strong>lte présentede nombreuses difficultés : elle suppose des corpuspro<strong>du</strong>its dans des conditions identiques ce qui estimpossible. Les résultats obtenus pour les enfants,l'ont été dans le cadre de la classe, à l'issue d'exercices.Une autre question peut se poser : la faible fréquencedes relatifs n'est-elle pas fonction, non seulementde la complexité syntaxique ou morphologiqueà laquelle est soumis leur emploi, maisaussi de la nature même <strong>du</strong> discours pro<strong>du</strong>it : nepeut-on faire l'hypothèse que certains discours favorisent,plus que d'autres, la pro<strong>du</strong>ction de structuresrelatives ? C<strong>et</strong>te brève étude se propose doncde vérifier c<strong>et</strong>te hypothèse à travers différentstypes de discours ; <strong>et</strong> de voir d'autre part si la tendanceconstatée chez les enfants de la fréquenceplus importante de qui <strong>et</strong> que par rapport aux autresrelatifs se r<strong>et</strong>rouve quelle que soit la nature<strong>du</strong> discours.Voici les corpus étudiés :• Genouvrier-Peytard, Linguistique <strong>et</strong> <strong>enseignement</strong><strong>du</strong> français, 1 er chapitre.(1) Recherches Pédagogiques n° 49 : « Les relatifs qui<strong>et</strong> que » ; n° 57 : « Les relatifs complexes ».• Les 3 premiers chapitres de deux manuels deSciences naturelles de 6 e édités par Hatier <strong>et</strong> Hach<strong>et</strong>te.• 9 devoirs de 6° <strong>et</strong> de 5 e qui ont pour thème : lecompte ren<strong>du</strong> d'un match ou la description d'unobj<strong>et</strong>.• La langue de France Soir : nous avons recueillipendant six mois en 1974, les éditoriaux deJ.-P. Farkas.Quelles sont les variables qui ont motivé le choixde ces textes ?a) Explication - descriptionOn peut se demander si des textes qui ont un butpédagogique, qui se proposent d'éclaircir un point,de l'expliquer, n'ont pas recours à une complexitésyntaxique plus grande <strong>et</strong> par là même à un plusgrand nombre de structures relatives que des textesde description qui se contentent de rendre compted'un événement ou d'un obj<strong>et</strong>.Ceci explique le choix de manuels comme Genouvrier-Peytard,ou le choix de manuels de Sciencesnaturelles qui ont un but pédagogique avoué.France Soir représente les deux types de discourspuisque certains articles se proposent d'expliqueraux lecteurs le fonctionnement d'un phénomène :l'inflation par exemple, d'autres sont le compteren<strong>du</strong> d'un événement comme la conférence deWashington.Les rédactions des élèves appartiennent toutes autype récit, description, de même que le bull<strong>et</strong>ind'information de France Inter que nous avons r<strong>et</strong>enu.b) Niveau de langueOn peut supposer que dans des textes appartenantà un niveau de langue plus recherché, plus réthorique,les relatifs seront plus nombreux. En ce senson peut se demander si la langue universitaire— représentée en l'occurrence par le texte de Genouvrier-Peytard— n'offre pas une variété <strong>et</strong>une fréquence plus grande de relatifs que celles deFrance Soir ou des enfants.c) Ecrit - OralL'écrit se prêtant plus facilement que l'oral à lacomplexité syntaxique (la longueur des énoncés y113


est plus contrôlable 'qu'à l'oral) il est probable làencore que le nombre de relatifs <strong>et</strong> leur diversitéy sont plus importants : on trouverait alors plusde relatifs dans France-Soir que dans le journaltélévisé.Bien sûr pour que ces corpus soient comparables, ilfaudrait tenir compte de leur longueur, ce qui estdifficilement réalisable. D'autre part ce qui nousintéresse n'est pas le nombre absolu de relatifspro<strong>du</strong>its dans chaque situation mais le rapportentre la fréquence de qui que <strong>et</strong> dont, lequel... ;nous cherchons donc à déterminer s'il est possibled'établir la même courbe décroissante chez les enfants<strong>et</strong> chez les a<strong>du</strong>ltes.Tableau des relatifs utilisésF.S.d'exp.G.P.F.S. des.ManuelsRed. E.F.I.qui964643433023que174266124Substantifs


CONCLUSIONSa) Commentaire <strong>du</strong> tableau• Lequel — préposition -f- lequelOn constate la plus grande fréquence de préposition-4- lequel, utilisé essentiellement avec un inaniméce qui confirme l'analyse faite dans le n° 57de Recherches pédagogiques. On peut d'autre partremarquer que ce relatif est plus employé dansles textes d'explication que dans les textes descriptifs.• Substantifs + relatifs — actualisateurs ou démonstratifs-f- relatifs : là il faut observer la faiblefréquence de ces derniers par rapport aux premiers.On peut voir d'autre part que l'inventaire des relatifsest très ré<strong>du</strong>it dans le corpus oral de FranceInter <strong>et</strong> dans les rédactions des élèves.fo) C<strong>et</strong>te brève étude vérifie les tendances observéeschez les enfants. C'est pourquoi, dans uneperspective pédagogique, il nous semble que l<strong>et</strong>ravail doit porter d'abord sur qui <strong>et</strong> que que lesenfants ont <strong>du</strong> mal à étudier comme l'a ¡montrél'étude parue dans le n° 49 de Recherches pédagogiques.Les relatifs complexes viendront plus tard (4 e , 3° ?)une fois bien installés qui <strong>et</strong> que. Et peut-êtrefaut-il les enseigner comme des structures appartenantdavantage à la langue écrite, <strong>et</strong> dans descontextes <strong>linguistique</strong>s fréquents : par exempleavec des verbes comme parler de ou des adjectifscomme content de...D'autre part il faudrait envisager un <strong>enseignement</strong>plus systématique de l'emploi des relatifs dans lacoordination :exemples :C<strong>et</strong> immeuble ancien <strong>et</strong> qui est sur le point d'êtredétruit.C<strong>et</strong>te fille qui est ma voisine <strong>et</strong> dont je t'ai déjàparlé...c) Tableau ¡montrant la plus grande fréquencede qui <strong>et</strong> queF.S. exp.G.P.F.S. des.ManuelsRéd. E.F.I.quique11388494942¡27autres relatifs. . .262215961115


MODALITÉS VERBALES :SYNTAXE ET SÉMANTIQUE(Recherches dans le 1 er Cycle)LUCILE BAUDRILLARDC.E.S. MONTESQUIEUVITRY-SUR-SEINE


Durant les deux dernières années scolaires (1972-73<strong>et</strong> 1973-74) on a plus particulièrement axé lesrecherches sur l'étude syntaxique <strong>et</strong> sémantiquedes modalités verbales (1).Avant d'examiner les problèmes spécifiques —• théoriques<strong>et</strong> pédagogiques — à la syntaxe <strong>et</strong> à la sémantiquedes modalités verbales, nous en rappelleronssuccinctement les définitions <strong>fonctionnelle</strong>s :— la syntaxe concerne les règles de combinaisondes monèmes (latitudes <strong>et</strong> contraintes dans le choix,selon le contexte) ;— la sémantique concerne la variation <strong>du</strong> signifiédes monèmes en fonction <strong>du</strong> contexte (alors que lesvariations <strong>du</strong> signifiant sont l'obj<strong>et</strong> de la morphologie).I. La syntaxe des modalités verbalesOn ^ déjà eu l'occasion d'exposer schématiquementles différentes situations combinatoires propres auxmodalités verbales (2). Nous les rappellerons cidessous.1. Le plus généralement, dans un contexte donné,plusieurs modalités sont en opposition : le choix del'une ou l'autre des modalités conditionne le sensde l'énoncé :1) Les voisins partent pour le week-end.2) Les voisins sont partis pour le week-end.3) Les voisins partiront pour le week-end.Le choix <strong>du</strong> présent, <strong>du</strong> passé composé ou <strong>du</strong> futurest significatif. Il en est de même dans le cas del'opposition imparfait/conditionnel en 4), 5) <strong>et</strong>présent/subjonctif en 6), 7) :4) On m'a dit que tu travaillais.5) On m'a dit que tu travaillerais.6) On ouvre la vanne de sorte que le réservoirremplit le bassin.7) On ouvre la vanne de sorte que le réservoirremplisse le bassin.Néanmoins, en dehors de toute autre contrainte,toutes les modalités ne peuvent entrer en oppositiondans tous les contextes, en raison d'incompatibilitéssémantiques. Alors, par exemple, qu'onpeut substituer pratiquement toutes les modalités(à l'exception <strong>du</strong> subjonctif) au présent, dans :il travaille toute la journéeon ne peut guère dire :*Hier, il travaillera.Par contre, on pourra, à la limite, trouver l'imparfaitavec demain ou le présent avec hier dansdes phrases comme :Demain, il travaillait mais il a changé de serviceHier, il travaille comme un fou <strong>et</strong> aujourd'hui ilne fait rienen adjoignant un élément contextuel supplémentaire.C<strong>et</strong>te limitation <strong>du</strong> jeu des oppositions peut déterminerdes fautes qui sont graves puisqu'elles affectentla compréhension. Dans la langue oralecourante, en situation, ce type de fautes semblerare. Il est plus fréquent à l'écrit chez des enfantsjeunes qui ne maîtrisent pas le code écrit horssituation,particulièrement lorsque les modalités indiquentdes rapports d'antériorité ou de concomitance.C'est à ce type de fautes que se rattachentles « mélanges de temps », généralement entre présent<strong>et</strong> temps <strong>du</strong> passé, dans le récit écrit. Un mêmecontexte n'a pas les mêmes incidences sur la compatibilitédes modalités, selon que l'on se place dansle discours ou le récit : les enfants ont souvent <strong>du</strong>mal à ^maintenir la même perspective d'un boutà l'autre d'un énoncé, même dans les limites d'unephrase, surtout si celle-ci est assez longue.(1) Les années précédentes on avait surtout exploré lamorphologie des modalités verbales <strong>et</strong> <strong>du</strong> verbe (variations<strong>du</strong> lexeme verbal, c'est-à-dire problèmes de conjugaison).Cf. Recherches Pédagogiques n" 57. On avait égalementessayé de cerner l'usage des modalités verbales chez lesélèves <strong>du</strong> 1 er cycle à partir de corpus oraux <strong>et</strong> d'exercicestests.Cf. Recherches Pédagogiques n os 49 <strong>et</strong> 57.(2) Cf. Recherches Pédagogiques n° 57, pp. 60-61.2. Certains contextes imposent la présence d'unemodalité. Ces contextes sont dits souvent de « servitudegrammaticale». Ils correspondent en fait àune neutralisation. Par exemple, l'opposition imparfait/conditionnelqui se réalise en 4), 5) nepeut se réaliser — en principe — dans le contexted'un si hypothétique. De même, l'opposition présent/subjonctifqui se réalise en 6), 7) est impos-119


sible dans des contextes comme il faut que ou jeveux que (1).Le grand nombre de « fautes » que l'on constatedans c<strong>et</strong>te zone (par exemple le présent après bienque ou l'emploi extrêmement fréquent <strong>du</strong> conditionnelaprès si hypothétique) montre bien, puisquela communication n'est pas affectée <strong>et</strong> que le sensdes énoncés ne change pas, que le choix des modalitésn'est pas significatif dans ces contextes.Les contextes de neutralisation sont une source defautes fréquentes : les règles de la grammaire normativesont transgressées sans que la communicationni le sens soient perturbés. Bien au contraire,les locuteurs qui font ces fautes rétablissent l'équivalenceentre le signifiant <strong>et</strong> le signifié réel, commeon peut le constater en comparant 8), 9) :8) Si le paysan ne l'aurait pas arrêté, le cheval seserait enfui.9) Le paysan ne l'aurait pas arrêté, le cheval seserait enfui.De même, dans 10), le conditionnel rend mieuxl'idée <strong>du</strong> futur <strong>et</strong> de l'éventualité que le subjonctifdans 11) :10) J'étais toute tremblante de peur que les professeursseraient sévères.11) J'étais toute tremblante de peur que les professeurssoient sévères.Il advient que les locuteurs renoncent aux latitudescombinatoires <strong>et</strong> créent un contexte de neutralisation: c'est le cas avec après que, où, par symétrieavec le scheme avant que + subjonctif, se généralisel'emploi <strong>du</strong> subjonctif, en dépit des interdits.Exemple :Après que le ministre de la santé se soit prononcéen faveur de la négociation.C<strong>et</strong> usage est systématique à l'oral (en concurrenceavec les surcomposés) dams tous les registres. Al'écrit, ceux qui connaissent les règles — les journalistespar exemple — sauvent la face avec un(1) On peut s'étonner de c<strong>et</strong>te contradiction relevée dansune grammaire récente : « en corrélation avec une propositionprincipale qui, elle-même exprime une nuancede volonté ... ou d'incertitude ... le subjonctif est souventautomatique Ex. : je veux qu'elle revienne » immédiatementsuivi de : «Dans tous ces cas, le subjonctif s'opposeà l'indicatif »... (Grunenwald-Mitterrand, Itinéraire grammatical5 e , p. 48).pseudo passé antérieur (grâce à l'omission de l'accentcirconflexe...). Exemple :Après que M. S. eut plaidé en faveur de l'in<strong>du</strong>strialisationde l'Est lorrain, M. P. dénonce l'interventionde l'état... (Tout le compte ren<strong>du</strong> de c<strong>et</strong>teséance de l'Assemblée Nationale était strictement auprésent).Que doit-on penser, au vu de c<strong>et</strong>te situation, desexercices d'emploi forcé de l'indicatif avec aprèsque que l'on trouve dans les grammaires scolairescourantes ?Si les entorses aux servitudes grammaticales n'ontpas d'incidence sur la communication, elles peuventrecevoir une sanction sociale puisqu'elles exposentcelui qui les fait à un jugement de valeur, voire àla réprobation. C'est en termes de comportementsocial qu'il faut signaler <strong>et</strong> corriger ces « fautes » :elles sont communes à un grand nombre de locuteurs,mais il est des situations, donc des registresde langue, où elles ne sont pas admises.Toutes ces « fautes » ne sont pas l'obj<strong>et</strong> de la mêmeréprobation. On a vu l'emploi généralisé <strong>du</strong> subjonctifavec après que. On constate également aprèsbien que un emploi grandissant <strong>du</strong> présent ou del'imparfait, quelles que soient la situation <strong>et</strong> lacatégorie socio-culturelle <strong>du</strong> locuteur. Exemple :Bien que les anciens combattants sont de plus enplus clairsemés d'année en année...Ce type de servitude est tellement ébranlé qu'ilsemble qu'on s'achemine vers une situation de variationslibres (cf. ci-dessous).Par contre, la censure est plus forte à rencontre <strong>du</strong>conditionnel après si hypothétique. Pourtant, latendance des locuteurs à rétablir le parallélismeentre les deux parties de la phrase est si forte quenul n'est assuré d'y échapper constamment, pasmême, par exemple, les professionnels de la radio(même ceux qui se piquent de beau langage...).Exemple :Une armée de métier, même si elle coûterait pluscher, serait beaucoup plus valable.D'année en année, chez les élèves de 6°-5 0 , onconstate une impossibilité de plus en plus grandeà pro<strong>du</strong>ire spontanément le scheme si -\- imparfait,conditionnel.On remarque également une tendance <strong>du</strong> conditionnelà supplanter le subjonctif dans des énoncés120


comme : à moins que le consentement serait refuséalors que le subjonctif réimporte sur le conditionneldans d'autres contextes : au cas que tu viennes.3. Dans d'autres contextes, le choix des modalitéscorrespond — dans notre état de langue — à unevariation libre ou stylistique <strong>et</strong> n'implique pas devariation de sens.12) C'est le seul procédé fonctionnel qui est/soitmarqué.13) Il semble qu'on doit/doive préférer c<strong>et</strong>te description...14) J'aurais aimé qu'il vienne/vînt.Pour la plupart des locuteurs, il n'y & pas de différencede sens entre présent de l'indicatif <strong>et</strong> subjonctifen 12) <strong>et</strong> 13), ni entre subjonctif présent <strong>et</strong> subjonctifimparfait en 14). Seuls, les puristes invétérésprétendent y voir une différence de sens, mais il fautconvenir qu'elle leur est propre <strong>et</strong> que, même s'ilsfont c<strong>et</strong>te différence en parlant, les interlocuteurs nela saisiront sans doute pas.Comme nous venons de le voir ci-dessus la zone desvariations libres tend à s'élargir aux dépens decelle des servitudes grammaticales (1).4. Ce qu'on appelle traditionnellement « la concordancedes temps » est un autre aspect importantde la syntaxe <strong>du</strong> système verbal : il s'agit descontraintes que subit de verbe subordonné dans laphrase complexe, en fonction de la modalité quidétermine le prédicat.Les grammaires normatives figent lé système decorrespondance des modalités au nom de préten<strong>du</strong>srapports logiques. En fait, la concordance des modalitésrésulte de ce que nous avons vu ci-dessusau suj<strong>et</strong> des compatibilités sémantiques. Dans lamesure où la répartition des modalités dans le systèmeverbal est mouvante, en ce qui concerne l'indicationtemporelle, il en va de même pour leurconcordance.(1) Il est intéressant de noter que certains exemplesdonnés par H. FREI dans La grammaire des fautes étaientà l'époque considérés comme des fautes <strong>et</strong> ne posentplus aucun problème 45 ans plus tard Cl re édition 1929 —Slatkine Reprints — Genève, 1971). Ex. : Quels que soientles groupements dont ils fassent partie, il y a une formed'intelligence qui est commune aux hommes.Ainsi les phrases suivantes sont rej<strong>et</strong>ées par certainslocuteurs (enseignants de français) comime« non logiques ».15) Je dormais pendant que tu as travaillé.16) Je préparais ta chambre puisque tu viendrasbientôt.17) Je me demandais si tu viendras c<strong>et</strong> été.Or, dans notre état de langue où passé composé <strong>et</strong>imparfait ne s'opposent plus strictement en termesde « parfait »/ « <strong>du</strong>ratif », l'expression de deux actionsconcomitantes par l'imparfait <strong>et</strong> le passécomposé est plausible, <strong>et</strong> fréquente dans la languecourante.En 16) <strong>et</strong> 17), le futur n'est pas « illogique » puisqu'aussibien il caractérise une action future parrapport au moment de la parole. Tout au pluspeut-on dire qu'il contredit un usage puriste quitrouve sa préten<strong>du</strong>e logique dans la symétrie desformes en /e/, alors que les locuteurs rétablissentun signifiant correspondant au signifié réel. Leconditionnel cumule futur <strong>et</strong> imparfait, aussi biensur le plan <strong>du</strong> signifiant 'que sur celui <strong>du</strong> signifié,<strong>et</strong> les locuteurs ont tendance à n'en r<strong>et</strong>enir quel'un des deux aspects (2). D'où la possibilité des3 schemes :Je me demandais si tu viendrais c<strong>et</strong> été.Je me demandais si tu venais c<strong>et</strong> été.Je me demandais si tu viendras c<strong>et</strong> été.La situation peut évidemment influer en faveur del'imparfait ou <strong>du</strong> futur.Il est donc difficile de décrire — <strong>et</strong> d'imposer —un système de concoardances des modalités, certainessont très fréquentes, d'autres occasionnelles, fortuites,suscitées par la situation ou les habitudes<strong>linguistique</strong>s <strong>du</strong> locuteur. Tout ce qu'on pourraitindiquer avec certitude, ce sont les incompatibilitéssémantiques évidentes comme :* Je dormais pendant que tu travailleras.Notre attitude vis-à-vis de ces phénomènes doitdonc être très prudente <strong>et</strong> nous nous devons d'ob-(2) Cf. Les résultats des tests sur le conditionnel RecherchesPédagogiaues n° 57, p. 69.121


server attentivement la pratique réelle <strong>et</strong> la façondont elle est perçue avant de « corriger » (1).C'est à dessein que nous laissons de côté la questionde la concordance des verbes subordonnés ausubjonctif, dans la mesure où subjonctif imparfait<strong>et</strong> plus-que-parfait ne sont plus guère attestés(2).La seule opposition réellement réalisée est celleentre « non parfait » <strong>et</strong> « parfait » donc entre subjonctif<strong>et</strong> subjonctif passé. Pourtant le systèmeclassique de concordance est encore décrit dans lesgrammaires scolaires courantes. On peut encor<strong>et</strong>rouver des injonctions <strong>du</strong> genre : « Lorsque leverbe de la proposition principale est au conditionnelpassé l'emploi de l'imparfait ou <strong>du</strong> plusque-parfait<strong>du</strong> subjonctif est seul correct. On nedit pas * j'aurais souhaité qu'il travaille mais j'auraissouhaité qu'il travaillât, ou qu'il eût travaillémieux. Tel est l'usage actuel » (3).II.La sémantique des modalités verbalesL'étude des « valeurs des temps » <strong>du</strong> verbe tientune grande place dans l'<strong>enseignement</strong> de grammaire,en 4" <strong>et</strong> 3 e surtout, <strong>et</strong> l'on connaît bien lesexercices de « justification » de l'emploi des temps,ou de reconnaissance des « valeurs ».1. Comment se présente c<strong>et</strong>te étude dans les grammaires?Les manuels — scolaires ou autres — procèdentgénéralement en deux étapes, en partie contradictoires:a) Un système apparemment cohérent con<strong>du</strong>it à :o découper le temps physique en « présent », « passé», « futur »,(1) Cf. encore, les exemples cités par FREI <strong>et</strong> considérés,à l'époque, comme faisant problème. Ex. : Je voulaissavoir s'il existait des rapports entre les groupes de langue<strong>et</strong> les anciens types d'habitation.(2) On s'étonne de trouver des paradigmes compl<strong>et</strong>s desubjonctif imparfait, avec, de surcroît, une transcriptionphonétique dans DUBOIS - LAGANE, Nouvelle grammaire<strong>du</strong> français, Larousse, 1973.(3) Dans SOUCHE - GRUNENWALD, Grammaire française,cours compl<strong>et</strong>, Nathan. On peut citer également —entre autres... — les exercices de HINARD - IDRAY, 4"-3'(Coll. LE LAY), Magnard.• assigner un ou plusieurs temps verbaux à chaqu<strong>et</strong>ranche de temps physique, avec des emplois spécifiquesà chacun d'eux (ultérieur/antérieur, ponctuel/<strong>du</strong>ratif,accompli/non accompli, <strong>et</strong>c.),• faire intervenir une composante de « mode » surchacun de ces temps verbaux (iréel, subjectif ouenvisagé, éventuel ou hypothétique, <strong>et</strong>c.).Chaque forme verbale est donc présentée commeune somme « temps » + « mode » : imparfait del'indicatif par exemple.b) Par ailleurs, un inventaire de valeurs — plus oumoins grand <strong>et</strong> variable selon les grammaires —est attribué à chaque temps verbal. Souvent onn'y r<strong>et</strong>rouve :— ni la référence au temps physique,— ni la spécificité <strong>du</strong> temps verbal,— ni celle <strong>du</strong> mode,tels qu'ils sont définis dans ces mêmes grammaires.Examinons, à titre d'exemple, trois des onze valeursattribuées à l'imparfait dans une grammaire scolaire(4). Il s'agit des valeurs dites d'aspect « <strong>du</strong>ratif»,«itératif», « inchoatif » <strong>et</strong> «progressif».L'aspect « <strong>du</strong>ratif » est illustré par les exemples :a) La séance <strong>du</strong>rait deux heures.b) Les Romains parlaient latin.Entre ces deux exemples, les auteurs établissentune distinction entre « <strong>du</strong>ratif limité » <strong>et</strong> « <strong>du</strong>ratifpermanent », de même qu'une distinction entre« itératif » de faits « répétés » <strong>et</strong> de faits « habituels» dans c) <strong>et</strong> d) :c) Je me levais alors tous les jours à sept heures.d) Les Romains cultivés apprenaient le grec.L'aspect « inchoatif <strong>et</strong> progressif » est illustré par :e) Les bons clochers sortaient des brumes indécises.Si d'imparfait est « <strong>du</strong>ratif » <strong>et</strong> « limité » en a),ne le doit-il pas au lexeme <strong>du</strong>rer <strong>et</strong> à l'autonomedeux heures ? De même qu'il est « itératif » <strong>et</strong>« habituel » en c) grâce à l'autonome tows les jours...Ce sont les éléments <strong>du</strong> contexte qui perm<strong>et</strong>tent dedistinguer enre le « <strong>du</strong>ratif permanent » en b) <strong>et</strong>1' « itératif habituel » en d), opposant la pratiquecommune — <strong>et</strong> pour cause ! — à tous les Romains,à celle, habituelle à certains d'entre eux seule-(4) MARTIN - LECOMTE, Grammaire française, classesde 4e <strong>et</strong> suivantes, Masson, 1962.122


ment. Enfin en e) l'imparfait est « inchoatif » àcause <strong>du</strong> lexeme sortir <strong>et</strong> « progressif » en raisondes brumes indécises.En fait, la modalité verbale n'est pas seule à caractériserle procès où l'état décrit par le verbe.D'autres éléments interviennent : des autonomesou des syntagmes autonomisés, les monèmes fonctionnels{avant que, après que...) le lexeme verballui-même. Or, l'attitude de la plupart des grammairesconsiste à attribuer à la seule modalité lacaractérisation totale. On confond « valeurs » <strong>et</strong>« emplois » : à la limite, en raffinant on pourraittrouver autant de valeurs que d'emplois possibles,c'est-à-dire de contextes.2. Les présupposés d'une étude sémantique desmodalités.a) Une modalité verbale ne doit pas être considérée,a priori, comme le cumul d'un temps (ex. :présent, imparfait...) <strong>et</strong> d'un mode (ex. : indicatif,subjonctif...). Il est évident que le signifié «mode<strong>du</strong> réel » ou de « l'actualisé » de l'indicatif ne ser<strong>et</strong>rouve pas dans tous les emplois des temps ditsde l'indicatif (ex. : si j'étais riche...), que le signifié« éventuel » ou « hypothétique » <strong>du</strong> conditionnel nese vérifie pas dans tous ses emplois (ex. : tu m'asdit que tu viendrais) <strong>et</strong> que le signifié « subjectif »ou « interprété » ou « soumis au sentiment » <strong>du</strong>subjonctif est souvent illusoire comme le prouvel'emploi instinctif dans après que tu sois parti, on atéléphoné pour toi.Si des ensembles de modalités peuvent être dégagés,c'est au niveau de la combinaison, par exemple,toutes les modalités qui peuvent apparaîtredans un contexte hypothétique après si (le futurn'en fait pas partie).Rappelons donc que le terme conventionnel quidésigne les modalités n'implique pas une valeurtemporelle <strong>et</strong> une valeur (modale déterminées. Ilest d'ailleurs souhaitable d'éviter la référence aumode. Avec une telle acception, conditionnel <strong>et</strong> subjonctifsont exactement sur le même plan queimparfait ou futur.b) On doit limiter strictement le champ de la valeurd'une ^modalité à ce qui lui est (ou semble luiêtre...) propre. Ainsi doivent être exclues toutes lesréférences subjectives ou qui ne peuvent être dé<strong>du</strong>itesque <strong>du</strong> contexte (cf. les exemples a) à e)ci-dessus).Les deux perspectives dans lesquelles il semble qu'onpuisse observer les modalités sont celles <strong>du</strong> temps(présent, passé ou futur) <strong>et</strong> <strong>du</strong> mode défini commeune opposition <strong>du</strong> type « hypothétique » / « non hypothétique».3. Plusieurs hypothèses sont possibles pour la définition<strong>du</strong> signifié des modalités verbales.a) Certains linguistes essaient de m<strong>et</strong>tre à jour unsignifié global d'une modalité donnée tel que tousses emplois puissent y correspondre. Bien qu'adoptantune démarche différente c'est la méthode r<strong>et</strong>enuepar P. IMBS <strong>et</strong> H. G. SCHOGT. Pour IMBS,la compréhension <strong>et</strong> l'extension totales d'une forme,c'est-à-dire la somme de ses emplois constituent savaleur (1). Pour chaque modalité SCHOGT donneune définition temporelle large. Selon le contexte,le signifié temporel subit des variations ou desdistorsions. Par exemple, le signifié « imparfait »correspond à « un événement ou une situation quirenferme ou est identique à un moment ou unepériode connus P ». Ce moment P est en dehorsde la partie <strong>du</strong> temps réel qui commence au momentde la parole. Sans contexte spécial P appartientau passé réel. Avec certains contextes, P appartientau temps irréel ou hypothétique (2).Une telle définition peut effectivement se vérifierpratiquement dans tous les emplois de l'imparfait.C<strong>et</strong>te méthode est satisfaisante en apparence, carelle semble rigoureuse. Mais dans quelle mesure lesvariations sémantiques sont-elles suffisamment prochesles unes des autres pour justifier la définitionglobale ? Ne sont-elles pas au contraire, tellementéloignées que la définition globale n'est plus qu'unartifice. Dans l'exemple ci-dessus la gamme devaleurs va <strong>du</strong> passé réel au futur hypothétique.b) Dautres linguistes essaient de définir le signifiéprincipal : les autres emplois sont considérés commedes exceptions ou des cas spéciaux. C'est ainsi queprocède M. GREVISSE qui distingue entre « valeurspécifique » <strong>et</strong> « emplois particuliers ». Parexemple, l'imparfait a comme valeur spécifique :(1) Paul IMBS : L'emploi des temps en français moderne,Klincksieck, 1968.(2) Henry G. SCHOGT, Le système verbal <strong>du</strong> françaiscontemporain, Mouton, 1968.123


« Un fait qui était encore inachevé au moment oùse situe le suj<strong>et</strong> parlant. Il montre ce fait en trainde se dérouler dans la <strong>du</strong>rée en l'excluant de l'actualitéprésente, <strong>et</strong> sans en faire voir la phase initiale,ni la phase finale ». Les emplois particuliersde l'imparfait sont : l'imparfait narratif ou historique,d'atténuation ou discrétion, de conséquenceinfaillible, hypocoristique ou mignard, préludique,<strong>du</strong> système hypothétique après si (1).C'est le type de description r<strong>et</strong>enu par la plupartdes grammaires scolaires, avec les complications quel'on a vues plus haut (en eff<strong>et</strong>, Grevisse refuse lesaspects « <strong>du</strong>ratif », « itératif », <strong>et</strong>c.). L'inconvénientmajeur est qu'il n'y a pas de critère homogène pourdéfinir les valeurs : temporel pour la valeur spécifique,subjectif ou psychologique pour les emploisparticuliers.c) On peut encore considérer que les modalités ontchacune plusieurs signifiés discontinus dont chacunse réalise dans un type de contexte donné. On pourraitéventuellement parler de sens principal <strong>et</strong> senssecondaire, mais uniquement en termes de fréquence<strong>et</strong> de contexte, <strong>et</strong> en utilisant les mêmescritères d'identification temporelle <strong>et</strong> modale. Lavaleur principale d'une modalité serait alors cellequi se réalise sans contexte, ou dans un contexteneutre ,<strong>et</strong> qui est, de ce fait, statistiquement la plusfréquente, par exempte celle qu'a l'imparfait dansje ne le connaissais pas <strong>et</strong> celle <strong>du</strong> futur dans ilviendra.C'est c<strong>et</strong>te dernière hypothèse que nous avons essayéde vérifier à travers un certain nombre d'exercices.4. La principale difficulté — quelle que soit d'ailleursl'hypothèse r<strong>et</strong>enue — réside dans le dénombrementdes traits sémantiques.(1) Maurice GREVISSE, Le bon usage.Si l'on a r<strong>et</strong>enu dans le cadre de c<strong>et</strong>te étude, lestraits de «temps» <strong>et</strong> «mode», c'est parce qu'ilsemble qu'on puisse les identifier dans tous lescas. Mais, pas plus que ces deux traits ne doiventêtre considérés comme absolument inhérents à lamodalité <strong>et</strong> 'antérieurs à l'analyse, on ne peut fixerle nombre de traits sémantiques, ni leur limite depertinence. Dans une phrase hypothétique, le futurest-il plus « réel » ou plus « certain » que le conditionneldans le même type de phrase ? Sans doutepas. Mais, de toute façon, peut-on dire d'un événementfutur qu'il est absolument « réel » ou « cer-tain ». On peut postuler qu'il est « certain » dansl'examen aura lieu tel jour, à telle heure <strong>et</strong> qu'ilest « non certain » ou « hypothétique », ou « nonréel » dans s'il a faim il mangera. Mais toutes lesinterprétations sont possibles avec il viendra peutêtredemain, ou il viendra sans doute ou il viendraéventuellement.Il n'est pas possible de dénombrer autant de modesque de degrés d'éventualité, c'est-à-dire de situationsenvisageables : ce serait r<strong>et</strong>omber dans lapratique que nous dénoncions ci-dessus. Cela reviendrait(à fixer un cadre pré-établi, artificiellementdécoupé, pour y faire entrer tous les faits àdécrire.Si l'on a r<strong>et</strong>enu une opposition modale « hypothétique» / « non hypothétique » (ou « certain » / « noncertain »ou «tréel »/« non réel »), c'est parce qu'ilnous semble indispensable de rendre' compte dec<strong>et</strong>te distinction fondamentale entre les faits quisont considérés comme se déroulant (ou devant sedérouler) réellement sur l'axe <strong>du</strong> temps physique,<strong>et</strong> ceux dont la réalisation ¡n'est pas (ou n'a pasété, ou ne sera pas) forcément observable. Celarevient à distinguer l'expression <strong>du</strong> temps dans unsystème non hypothétique <strong>et</strong> dans un système hypothétique.Nous avons vu qu'il n'est pas aisé de classer certainscontextes en hypothétique ou non hypothétique(ex. : peut-être, sans doute...) : il existe une zoned'incertitude, interprétée selon les locuteurs comme« hypothétique » ou comme « non hypothétique ».L'autre difficulté, <strong>du</strong> point de vue pédagogique,réside dans ¡la dénomination des ¡modes. Nous avonsreculé devant les termes « hypothétique » <strong>et</strong> « nonhypothétique » qui nous semblaient trop compliquéspour de jeunes enfants. C'était sans doute uneerreur. Les termes r<strong>et</strong>enus « certain » <strong>et</strong> « non certain» étaient trop marqués sémantiquement. Il y aeu souvent une attraction de « non certain » par« incertain », <strong>et</strong> ceci, malgré les exercices préliminairesvariés sur les oppositions <strong>du</strong> type A/non A.C<strong>et</strong>te attraction a influé sur certaines réponses,même si, au préalable, il était bien précisé ¡qu'unfait « non certain » est celui qui est soumis à unecondition.Dans c<strong>et</strong>te première étape, nous avons ¡limité l'étudesémantique des modalités verbales aux catégoriestemporelle <strong>et</strong> modale, afin de ne pas compliquerleur appréhension. Nous n'avons donc pas étudiésystématiquement l'aspect. Le seul aspect identi-124


fiable dans le système verbal, en français, est celuide l'opposition « parfait »/ « non parfait », dite encore« accompli » / « non accompli ». On a vu plushaut que toutes des autres indications (ex. : progressif,<strong>du</strong>ratif, <strong>et</strong>c.) étaient, en fait, apportées parle contexte, non par la modalité.Il faut pourtant préciser que l'opposition « parfait»/ «non parfait» ne se réalise pas systématiquementdans l'opposition formes simples/formescomposées, comme beaucoup de grammaires leprétendent (1). Si c'est vrai pour certains contextes,comme certaines subordonnées temporelles(12 - 13) ou dans le cas <strong>du</strong> subjonctif 14), ce n'estpas valable dans tous les cas.12) Quand il aura mangé, il fera la sieste.13) Quand il avait mangé, il faisait la sieste.14) Il faudrait que tu finisses ce travail/que tuaies fini ce travail.Dans d'autres contextes, la forme composée indiquecertes une action terminée au moment où l'on parle,ou au moment où l'on se situe, mais cela n'indiquepas forcément qu'elle l'était au moment dont onparle.15) Chaque matin, sa mère lui a préparé son déjeuner.16) Une fois qu'elle a préparé son déjeuner, samère le réveille.17) Elle avait pleuré toute la journée alors qu'onessayait de la consoler.18) Quand elle avait pleuré, elle se sentait soulagée.Il est caractéristique que, sans changer le sens de laphrase, on puisse remplacer le passé composé parl'imparfait en 15), le plus-que-parfait par l'imparfaitou le passé composé en 17). Hors les schémasrelativement fixes <strong>du</strong> type de 12), 14), la plupart<strong>du</strong> temps, c'est le contexte qui perm<strong>et</strong> de distinguerentre un passé non parfait <strong>et</strong> un passé parfait.Dans certains cas, d'ailleurs, l'aspect n'est guère(1) Dans une grammaire récente : GRUNENWALD-MIT-TERAND, Itinéraire grammatical... 5 e , on trouve ces affirmationssans nuance : « Les formes simples... présententl'action dans son déroulement, c'est-à-dire dans son aspectnon accompli, ... les formes composées ... présentent l'actiondans sa phrase achevée, c'est-à-dire dans son aspectaccompli » (p. 35).élucidahle. Dans des phrases comme je l'ai réveilléde bonne heure ou hier, elle a fait un gâteau,comiment peut-on assurer que l'action de réveillerou de faire un gâteau est envisagée dans son déroulementou dans son achèvement ?Signalons enfin que, pour certains locuteurs <strong>et</strong> dansdes contextes donnés, l'opposition « accompli »/« non accompli » se réalise dans l'opposition surcomposés/composés.Ex. : quand il a eu mangé ila fait la sieste.5. Classement des contextes <strong>et</strong> des signifiés desmodalités :Notre hypothèse est donc que, selon le contexte, unemême modalité peut appartenir à une tranche d<strong>et</strong>emps ou à une autre, <strong>et</strong> à l'un ou l'autre mode.A la limite, une modalité pourrait avoir six signifiésdifférents. C'est à la modalité imparfait qu'onpeut effectivement les attribuer.A titre d'exemple, nous indiquerons les différentssignifiés de la modalité imparfait <strong>et</strong> les principauxtypes de contexte dans lesquels ils se réalisent. Onest ainsi amené à distinguer les cas où la modalitéimparfait détermine le prédicat (verbe principal)désigné PI <strong>et</strong> le prédicatoïde (verbe subordonné)désigné P2.Deux constatations s'imposent :• d'autres modalités que l'imparfait peuvent avoirle même sens.Ex: «passé certain», «présent certain», <strong>et</strong>c. dansdes types de contextes différents de ceux où l'imparfaita ces valeurs,• certaines modalités peuvent avoir les mêmes sensque l'imparfait dans des contextes identiques. Ex. :le passé composé ou le plus-que-parfait pour « passécertain », le conditionnel passé pour « passé noncertain », le futur ou le conditionnel pour « futurcertain ». Ce qui revient à dire que des schemessyntaxiques différents (contexte -f- modalité) peuventservir à exprimer une même réalité extra <strong>linguistique</strong><strong>du</strong> point de vue temporel <strong>et</strong> modal :19) On m'a dit que vous étiez/{seriez) chez vousdemain2) Si vous n'étiez pas venu, je vous faisais/(auraisfait) appeler21) Vous ne veniez pas/(vous ne seriez pas venu),je vous faisais /(aurais fait) appeler.125


SIGNIFIEPassé certainPrésent certainPassé ou présent certainCONTEXTEPI - Contexte •— neutre— hier, de mon temps...P2 - Contexte — Pendant que, <strong>et</strong>c.— si (non hyp.)— relativesPI : restriction lexicale (venir, vouloir...) <strong>et</strong> situationnelie (nécessité d'un interlocuteur).Ex. : je voulais un r<strong>enseignement</strong> (variation avec présent).(Syncrétisme = le même signifiant peut avoir deux signifiés différents).P2 - Contexte : PI au passé + queEx. : on m'a dit que vous étiez chez vous.P2 - Contexte : PI au passé + que + demain, la semaine prochaine, <strong>et</strong>c.Ex. : on m'a dit que vous étiez chez vous demain.Passé non certain . .Présent ou FuturPI - Contexte — type sans c<strong>et</strong> accident...— deux imparfaits juxtaposés interchangeables avec conditionnelpasséEx. : tu n'étais pas là, il se noyait— juxtaposition avec un conditionnel passéEx. : tu n'aurais pas été là, il se noyait— subordonnée avec si -f- P2 à l'imparfait ou au plus-queparfaitEx. : si tu n'étais pas arrivé, il se noyait.(Syncrétisme)P2 - après si hypothétiqueEx. : si j'avais le temps, je ferais des mots-croisés.Un élément contextuel supplémentaire comme demain est nécessaire pour identifierstrictement le temps futur.III.Exercices sur la syntaxe <strong>et</strong> la sémantiqueLes latitudes dans le choix des modalités verbalesvarient selon les contextes, de même que le signifiédes modalités. Il apparaît donc que la notion decontexte est centrale dans l'étude <strong>du</strong> système verbal.A partir des hypothèses syntaxiques <strong>et</strong> sémantiquesexposées ci-dessus, on peut théoriquement prévoirtrois types d'exercices :a) A partir d'un contexte donné (ex. : hier, si -f- imparfait,prédicat au futur, <strong>et</strong>c.) faire rechercher toutesles modalités susceptibles d'apparaître, <strong>et</strong>, si l'ona déjà entrepris une étude sémantique, faire expliciterles différentes significations correspondant auxdiverses modalités recensées.b) A partir d'une modalité donnée, faire rechercherles types de contextes dans lesquels elle est utilisée<strong>et</strong> observer les variations <strong>du</strong> sens pour chaque type.126


c) A partir d'une expérience à communiquer rechercherles schemes possibles (contexte + modalité)pour l'exprimer. (Ce dernier type d'exerciceest délicat à m<strong>et</strong>tre au point <strong>et</strong> nous en sommes encoreau stade des tâtonnements. Il semble, toutefois,ne devoir être tenté qu'après que les autres exercicesont été complètement maîtrisés).Ces différents exercices doivent rendre compte nonseulement de la structure <strong>du</strong> système verbal, maisaussi de la variété des usages <strong>linguistique</strong>s au seinmême de la classe.Les exercices décrits ci-dessous se voulaient essentiellementexploratoires, étant donné que les notionsde contexte, temps <strong>et</strong> mode, tels que nous les avionsdéfinis, n'étaient pas familières aux élèves. Ils ontsurtout permis d'évaluer l'usage des élèves <strong>et</strong> leurconscience des phénomènes syntaxiques <strong>et</strong> sémantiques.Bien que disposant de résultats chiffrés pour chaqueclasse <strong>et</strong> chaque exercice, nous préférons ne pasdonner de résultats en pourcentages. En eff<strong>et</strong> lanature même des exercices, l'intuition pédagogiquede chaque professeur <strong>et</strong> la réaction de chaque classeont fait que chaque exercice ne s'est pas dérouléstrictement de la même façon dans chaque classe.Les exercices ont été réalisés dans trois classes de6", deux classes de 5 e <strong>et</strong> une classe de 4°, avec lacollaboration de M mes RANSANT, THOMAS, VER-GNOT, membres de l'équipe <strong>du</strong> C.E.S. Montesquieu.1" série : Exercices à partir d'un contexteA partir d'une suite : Pierre (suj<strong>et</strong>), accepter (prédicat)une invitation (complément), chercher tousles temps qu'on peut employer en précisant hier.Le même exercice a été réalisé ensuite avec la mêmesuite de départ, avec les contextes temporels demain<strong>et</strong> aujourd'hui.Remarque : la première année, c<strong>et</strong>te série d'exercicesa été mise à l'essai dans une classe de 5 e avec lasuite, Pierre, aller, à l'école. L'année suivante, auvu des résultats, on a pensé qu'il valait mieux unverbe transitif, la présence de l'auxiliaire être pouvantfavoriser l'apparition de certaines modalités quine seraient peut-être pas possibles avec avoir. Enfait les différences ne sont pas apparues dans lazone où nous les attendions, c'est-à-dire les tempscomposés. Mais dans un contexte donné, commehier, une modalité a moins de chance d'apparaîtreavec certains verbes qu'avec d'autres. Par exemple,Hier, Pierre allait à l'école paraît beaucoup plusprobable que Hier, Pierre acceptait une invitation.Dans ce dernier cas, beaucoup d'élèves ont ressentila phrase comme incomplète.Les élèves sont donc invités à pro<strong>du</strong>ire le plus dephrases possibles à partir de ces quatre éléments.Ils constatent très vite que, pour employer certainstemps, il faut quelque chose de plus ,une expansionsupplémentaire. Dans un premier temps, un signeconventionnel marque qu'une expansion supplémentaireest nécessaire, dans un deuxième temps, lesélèves recherchent toutes les sortes d'expansionsqu'on pourrait ajouter aux modalités ainsi visées.La pro<strong>du</strong>ction est beaucoup plus importante <strong>et</strong> plusvariée, si l'on procède ainsi, que si l'on demandede fournir les expansions dès la première phasede l'exercice : chaque élève a ainsi la possibilité d<strong>et</strong>rouver plusieurs expansions possibles.Il est apparu que ces élèves jeunes avaient un usageactif plus éten<strong>du</strong> qu'on ne l'imaginait <strong>et</strong>, qu'enparticulier, ils pratiquaient spontanément des combinaisonsde modalités qui ne sont décrites nulle partdans les grammaires (<strong>et</strong> que nous n'avions pas prévuesdans notre propre inventaire, même si, aprèscoup nous avons eu l'occasion de constater que nousles utilisions aussi...). C'est le cas, par exemple, del'emploi <strong>du</strong> conditionnel passé dans le contexte demain(1) : Demain, Pierre serait allé à l'école ouaurait accepté une invitation, si...Les élèves ont trouvé quatre types d'expansions différentespour ce conditionnel passé :— si —|— imparfait : s'il n'était pas malade,— si -f- plus-que-parfait : s'il n'avait pas fait c<strong>et</strong>techute,— sans c<strong>et</strong>te grippe, sans c<strong>et</strong> accident...,— Pierre ne serait pas malade...Les expansions supplémentaires proposées ont donnélieu à des discussions très vives, que ce soit sur leurnécessité ou sur leur validité. On constate ainsi quele futur antérieur peut s'accommoder d'une expansiontemporelle avec demain, mais qu'il faut lui adjoindresans doute, sûrement, ou peut-être avec hier<strong>et</strong> aujourd'hui. Mais en 6 e <strong>et</strong> 5 e les élèves sont très(1) Un test (oral) dans la salle des professeurs a donnéles résultats suivants : un tiers accepte c<strong>et</strong>te construction<strong>et</strong> l'emploierait sans doute, un tiers l'accepte mais prétendne pas l'employer, un tiers la refuse...127


divisés à ce suj<strong>et</strong> alors que l'accord est total en 4 e .Alors que, pour les 6 e , le présent est absolumentimpossible avec hier, il l'est, avec une expansion,pour la majorité des 5 e <strong>et</strong> la totalité des 4 e . Maisalors que ces derniers surmontent facilement c<strong>et</strong>teincompatibilité apparente en fournissant sans difficultédes expansions adéquates, les 5 e pressentent cesexpansions, mais quelques-uns seulement parviennentà les formuler correctement.A titre d'exemple, nous donnons ci-dessous les pro<strong>du</strong>ctionsd'une classe de 5", où les exercices se sontstrictement déroulés comme nous l'avons décrit plushaut. (Il s'agissait d'une classe réputée très faibledans les autres matières mais très entraînée à lapro<strong>du</strong>ction de phrases lors de l'étude de la morphologie<strong>du</strong> verbe <strong>et</strong> en ayant le goût).1) Contexte hier (19 élèves)— Dans l'ordre, les modalités fournies sont :a) L'imparfait (19), le plus-que-parfait (19), le passécomposé, le passé simple (15), sans expansionnécessaire pour la grande majorité des élèves.b) Le conditionnel passé (17), le futur antérieur (11),le présent (11) avec une expansion nécessaire pourla majorité.c) Le conditionnel (4) <strong>et</strong> le futur (1) sont refuséspar l'ensemble de la classe. Certains élèves (7) indiquentle subjonctif <strong>et</strong> subjonctif passé avec uncontexte astucieux comme il fallait.— Les expansions supplémentaires :a) Pour le conditionnel passé :— si -f- imparfait,— si -f- plus-que-parfait,— mais -\- imparfait, passé composé,— tournure interrogative : pourquoi aurait-il accepté...?—• on dit que..., d'après ce qu'on dit,— sans c<strong>et</strong>te grippe...,— avec un peu de courage...,— verbe au conditionnel passé ;— verbe à l'imparfait,—• hier ou avant-hier, je ne sais plus...Si les deux premières expansions ont été fourniespar tous les élèves, la troisième par un p<strong>et</strong>it groupe,les dernières l'ont été chacune par quelques élèvesdispersés.b) Pour le futur antérieur :— sûrement, peut-être, certainement, sans doute,encore,— je suis sûr que..., je suppose..., j'espère...,— pour faire plaisir..., pour se sentir moins seul...,— parce que, puisque, car + présent ou imparfait.Des proposition d'élèves isolées :— à huit heures, à c<strong>et</strong>te heure-ci,— d'après son emploi <strong>du</strong> temps,— si vous pensiez que c'était nécessaire...c) Pour le présent :— quand tout à coup -f- présent,— quand soudain -f- présent,ex. : quand tout à coup sa mère arrive <strong>et</strong> luirefuse.L'expansion <strong>et</strong> -\- aujourd'hui -f- présent n'a pas étéfournie par c<strong>et</strong>te classe, mais dans l'autre classe de 5 eon trouve <strong>et</strong> aujourd'hui il la refuse, ainsi que maisil tombe malade.2) Contexte demain (19 élèves)Plusieurs difficultés sont apparues dans c<strong>et</strong> exercice.Les unes sont <strong>du</strong>es au choix de la suite accepter uneinvitation <strong>et</strong> ne s'étaient pas présentées avec allerà l'école : c'est le cas pour le présent, possible sansexpansion dans demain, Pierre va à l'école, peuprobable dans demain, Pierre accepte une invitation.D'autres difficultés proviennent d'une confusion entredemain <strong>et</strong> pour demain qui a amené une classede 6 e <strong>et</strong> une de 5 e , dans leur grande majorité, àmentionner les temps <strong>du</strong> passé comme compatiblesavec demain. C<strong>et</strong>te confusion joue également sur lanécessité d'une expansion pour le présent.— Les modalités fournies dans c<strong>et</strong>te classe :— sans expansion : le futur (18),— avec expansion pour la majorité des élèves : lefutur antérieur (15), le présent (14), le conditionnelpassé (14), le conditionnel (13).Les subjonctifs sont proposés par 9 élèves en ajoutantun contexte adéquat. Les temps <strong>du</strong> passé sontmentionnés par 6 élèves. Après discussion, on adm<strong>et</strong>qu'ils ne sont guère possibles, <strong>du</strong> moins avec leverbe accepter.128


— Les expansions pro<strong>du</strong>ites :a) Pour le futur antérieur :— quand, lorsque, au moment où -f- futur,— à 8 heures (à une heure donnée...),— à l'heure où je vous parle...,— avant que -j- subjonctif.Les deux premiers types de contextes sont fournispar presque tous les élèves, les deux derniers par lequart seulement, mais de façon dispersée.b) Pour le conditionnel :—• si -\- imparfait,— si -j- plus-que-parfait,— à condition que,— en insistant,— mais, malheureusement -\- présent ou conditionnel,— sans doute, sûrement,— sans...,— autre verbe au conditionnel ou au conditionnelpassé.Les deux premiers contextes sont fournis par presqu<strong>et</strong>ous les élèves, les autres de façon dispersée.c) Pour le conditionnel passé :Il est significatif que les expansions pro<strong>du</strong>ites soientpratiquement les mêmes que pour le conditionnel.Si l'on considère que, dans les inventaires de toutesles classes, le conditionnel passé concurrence leconditionnel, on peut se demander si, dans ce contexte,conditionnel <strong>et</strong> conditionnel passé ne sont pasinterchangeables. Si ce fait se trouvait confirmé, ceserait une raison supplémentaire de se défier del'opposition aspectuelle systématique entre formessimples <strong>et</strong> composées.d) Pour le présent :— si ~\- présent.Dans l'ensemble, dans ce contexte, la hiérarchie desexpansions est plus difficile à maîtriser pour lesélèves : ils ne distinguent pas toujours, en 6" surtout,entre expansion nécessaire <strong>et</strong> possible.3) Contexte aujourd'hui (20 élèves)— Modalités admises sans expansion par la majorité: présent (19), futur (17), passé composé (15).— Pour l'imparfait (13), <strong>et</strong> le plus-que-parfait (14),la classe est divisée sur la nécessité d'une expansion.Après discussion il semble qu'au moins la notationde l'heure, <strong>du</strong> moment, soit nécessaire.— Modalités admises avec une expansion : conditionnelpassé (20), futur (17), futur antérieur (16),subjonctifs (17), passé composé (15), conditionnel(13). Les élèves observent immédiatement qu<strong>et</strong>outes les modalités sont possibles avec le contexteaujourd'hui.On complète l'exercice en faisant indiquer, pourchaque phrase pro<strong>du</strong>ite, l'heure à laquelle peut sepro<strong>du</strong>ire l'événement par rapport à l'heure <strong>du</strong> cours :il apparaît ainsi que si aujourd'hui adm<strong>et</strong> la sommedes modalités de hier <strong>et</strong> demain, c'est parce qu'il estformé de la succession de moments passés, présents,futurs par rapport au moment où l'on parle. Onfera par la suite les mêmes observations pour c<strong>et</strong>tesemaine, ce mois-ci, c<strong>et</strong>te année, <strong>et</strong>c. Il est remarquableque le conditionnel passé soit aussi fréquentque le présent, <strong>et</strong> beaucoup plus que le conditionnel.Ceci se vérifie dans toutes les classes, sauf dansdeux 6" où le conditionnel passé est beaucoup moinsfréquent que le présent, mais beaucoup plus que leconditionnel.— Les expansions pro<strong>du</strong>ites :a) Pour le conditionnel :— si -\- imparfait,— si -f- plus-que-parfait,— auec..., sans...,— verbe juxtaposé au conditionnel, au conditionnelpassé,— en insistant,— pourquoi... ?— pour laisser ses parents tranquilles, <strong>et</strong>c.,— jamais... !b) Pour le conditionnel passé :On r<strong>et</strong>rouve les mêmes expansions que pour le conditionnel.c) Pour le futur antérieur :— sans doute, sûrement, peut-être...,— auec...,— si -j- passé composé,—• quand -f- futur,— parce que, puisque, comme -f- présent,129


—• de bonne heure, à huit heures...,— pour + infinitif, pour que ~\- subjonctif,— avant que + subjonctif,— à moins que -\- subjonctif.Les dernières expansions ont été fournies par desélèves isolés.A partir de ces trois exercices, les élèves ont établides inventaires de contextes qui adm<strong>et</strong>tent les mêmesmodalités :— hier, l'année dernière, en 1970, il y a 30 ans,<strong>et</strong>c.,— demain, l'année prochaine, en 1980, dans quelquesjours, <strong>et</strong>c.,— aujourd'hui, c<strong>et</strong>te année, ce mois-ci, tout àl'heure, <strong>et</strong>c.2 e série : Valeurs modale <strong>et</strong> temporelledes modalitésIl s'agissait d'exercices-tests destinés à vérifier laperception des variations temporelles <strong>et</strong> modales. Lepremier visait à montrer la non-concordance entrele nom de la modalité <strong>et</strong> le temps réel. Les suivantsdevaient montrer les variations sémantiquesd'une même modalité (l'imparfait) en fonction descontextes.La présentation matérielle prévoyait à la droite dechaque phrase trois colonnes : passé, présent, futur.L'élève devait indiquer par une ou plusieurs croix(possibilité de noter les syncrétismes) la tranche d<strong>et</strong>emps à laquelle il affectait la modalité. Il devaitensuite préciser, à côté de chaque croix, s'il considéraitl'événement comme « certain » ou « non certain». (Pour le premier exercice une colonne étaitprévue à gauche pour indiquer la modalité employéedans la phrase).Dans l'ensemble les élèves n'ont guère eu de difficultéspour les notations temporelles. Pour les raisonsque nous avons vues plus haut, la détermination<strong>du</strong> mode n'a pas toujours été facile, dans certaineszones <strong>du</strong> moins.A titre d'exemple, voici les phrases données dansl'exercice préliminaire :1. J'aimais beaucoup c<strong>et</strong>te chanson.2. Je connais ce refrain.3. Tu viendras avec moi.4. Si tu savais comme je suis content !5. Si je gagnais à la loterie,6. j'achèterais une maison.7. Demain, il viendrait peut-être me voir.8. En ce moment, il viendrait,9. si je le lui demandais.10. Sans c<strong>et</strong> accident, mon ami aurait fait cevoyage.11. Demain, Pierre serait venu volontiers avecnous.12. Pierre a prévenu13. qu'il viendrait demain.14. On m'a annoncé que vous veniez demain.C<strong>et</strong> exercice a été fait dans quatre classes : 6 e , 5 e B,5 e D, 3 e . On ne r<strong>et</strong>iendra dans le commentaire queles cas où se manifestent des écarts par rapport àla réponse atten<strong>du</strong>e, ou des divergences n<strong>et</strong>tes dansles réponses.Il n'y a aucune difficulté d'ordre temporel pour lessyntagmes verbaux 1., 2., 3., 12. Peu de difficultéspour le mode, sauf en 6 e où, pour 11 élèves sur 24le futur n'est pas «certain», la proportion tombe à4 sur 44 pour les 5°. En 4" le futur est donné comme« certain » par tous les élèves.— Le syntagme verbal 5. gagnais est ressenti plutôtcomme « futur » malgré une marge appréciablepour le « présent ». La classe de 5" D dans sa quasi-totalitéa noté le syncrétisme « pré;ent-futur ».Dans le syntagme 6., le conditionnel achèterais estressenti plus n<strong>et</strong>tement comme un futur que gagnaisdans les trois classes, le syncrétisme étant conservépar les 5 e D.11 semble que les élèves considèrent qu'il y a un décalag<strong>et</strong>emporel entre la réalisation de la condition,<strong>et</strong> celle de l'événement principal. La perception serait-ellela même dans une phrase comme si j'essayaisde monter sur une moto, je tomberais ?Curieusement le mode n'est pas perçu de la mêmemanièrepour gagnais <strong>et</strong> achèterais :— gagnais est « non certain » pour :20/24 en 6°, 23/24 en 5 e B, 20/20 en 5 e D, 15/16.en 3 e ;— achèterais est « non certain » pour :12 en 6 e , 11 en 5 e B, 13 en 5 e D, 5 en 3 e .130


De nombreux élèves considèrent que l'action envisagéepar le prédicat est inéluctable à partir <strong>du</strong>moment où la condition se réalise <strong>et</strong> ne parviennentpas à accorder aux deux verbes le même niveauhypothétique.— En 8. dans il viendrait, le temps réel est marquépar le syntagme autonomisé en ce moment. Ilest possible que la forme en — r — <strong>du</strong> conditionnelin<strong>du</strong>ise des réponses « futur » : 13/24 en 6°,11/24 en 5° B, 3/20 en 5° D (notés comme syncrétismeprésent-futur), 1/16 en 3 e .Les élèves de 5 e D <strong>et</strong> de 3 e ont une conscience beaucoupplus n<strong>et</strong>te de l'influence <strong>du</strong> contexte sur leconditionnel.— En 9. dans demandais, on constate une attractionsensible de l'imparfait vers le « passé » :6 en 6 e , 6 en 5 e , 5 en 3 e .Par contre en 5 e D, l'attraction se fait plutôt versle futur ou un syncrétisme présent-futur : 7 au lieude 3 pour viendrait.On constate donc une très grande indécision sur l<strong>et</strong>emps de d'imparfait de condition alors qu'à la différence<strong>du</strong> mode, la définition <strong>du</strong> temps ne présentepas de difficulté pour les élèves.— Le mode <strong>du</strong> conditionnel est interprété de façoncomparable en 8. <strong>et</strong> en 6. : «non certain» : 11 en6 e , 7 en 5 e B, 10 en 5 e D, 6 en 3 e .Par contre le si de 9. est moins ressenti comme« non certain » qu'en 5. : « non certain » : 10 en 6 e ,12 en 5 e B, 13 en 5 e D, 11 en 3 e .Est-ce parce qu'il est dans la deuxième partie de laphrase, ou à cause de en ce moment ? Il semblebien qu'une structure identique ne soit pas perçu<strong>et</strong>oujours de la même façon selon la disposition deséléments dans la phrase.— Le conditionnel passé de 10. aurait fait, en dehorsde la 5 e D qui note des syncrétismes (passé-présentfutur,passé-présent, présent-futur, passé-futur), estécartelé entre passé <strong>et</strong> futur, mais avec une préférencepour le passé (ce qui est généralement le caspour les formes composées).« Passé » : 15 en 6 e , 12 en 5° B, 10 en 3°.«Futur» : 7 en 6 e , 11 en 5 e B, 6 en 3 e .Pour le mode, on note une différence de perceptiontrès n<strong>et</strong>te entre 6 e , 5 e <strong>et</strong> 3°, sans doute <strong>du</strong>e à une plusgrande aptitude aux opérations logiques. En eff<strong>et</strong>pour la plupart des élèves 10. se paraphrase en :il est certain que, sans c<strong>et</strong> accident... Il est difficilede leur faire adm<strong>et</strong>tre que l'événement <strong>du</strong> prédicatest soumis à une condition, même si celle-ciest négative <strong>et</strong> qu'on ne peut postuler comme « certain» un événement qui ne peut manifestement passe pro<strong>du</strong>ire.« non certain » : 1 en 6 e , 2 en 5" B, 5 en 5" D, 10en 3°.Un exemple comme celui-ci semble indiquer qu'ily a des limites à l'étude sémantique que l'on peutfaire avec des élèves jeunes.— Le conditionnel de 7. viendrait est généralementinterprété comme « futur ». Il est unanimement interprétécomme « non certain » dans toutes les classes: 23 en 6 e , 23 en 5 e B, 19 en 5 e D, 16 en 3 e .Il est remarquable que peut-être soit assimilé àune condition, davantage même que les subordonnéesavec si. En fait le trait « non certain » semble mieuxapproprié à l'expression de l'éventualité, même sil'on a insisté sur la distinction entre « incertain »<strong>et</strong> « non certain ».— Malgré la présence de demain, en 11. le conditionnelest écartelé entre « passé » (forme composée)<strong>et</strong> « futur » (forme en — r —) en 6 e <strong>et</strong> 5 e B.«Passé» : 11 en 6°, 7 en 5 e B, 1 en 5 e D, 1 en 3 e .«Futur» : 11 en 6 e , 16 en 5 e B, 19 en 5° D, 15en 3 e .On remarque ici encore que 5° D <strong>et</strong> 3 edavantage compte <strong>du</strong> contexte.tiennentPour le mode, il était intéressant de voir si volontiersin<strong>du</strong>isait les mêmes réponses que peut-être :« non certain » : 6 en 6 e , 6 en 5° B, 5 en 5° B, 6en 3° A.La modalité conditionnel ne suffit donc pas à évoquerle mode « non certain », <strong>et</strong> volontiers nonplus.Les exercices suivants, sur la modalité imparfait,n'ont été pratiqués que dans les deux classes de 5 e .Le premier comportait des phrases ou l'imparfaitdéterminait le prédicat. Dans l'exercice suivant, onenvisageait l'imparfait des verbes subordonnés.131


a) Prédicat à l'imparfait1. Les enfants connaissaient c<strong>et</strong>te chanson.2. Autrefois, les gens ne voyagaient guère.3. Dans les temps anciens, chacun cuisait son painà la maison.4. Sans tes conseils, je me trompais.5. Pendant que tu travaillais, je dormais.6. Quand vous êtes arrivé, je me réveillais.7. Dès qu'il avait fini de manger, le grand-pèrefaisait une p<strong>et</strong>ite sieste.8. Si tu avais voulu, tu arrivais le premier.9. Il accélérait dans le dernière ligne droite,10. Pierre gagnait la course.11. Je voulais vous demander un r<strong>enseignement</strong>.12. Il essayait de placer un mot,13. On le faisait taire.14. Si on regardait la télévision ?On ne rencontre aucune difficulté pour l'interprétationdes modalités dans les phrases simples 1.,2., 3.Très curieusement, un nombre relativement importantd'élèves interprètent l'imparfait comme « présent» dans 5. dormais, 6. réveillais, 7. faisait :6/24 <strong>et</strong> 5/17 pour 5., 10/24 <strong>et</strong> 5/17 pour 6., 4/24<strong>et</strong> 7/17 pour 7.On peut se demander s'il n'y a pas, pour ces élèves,confusion entre la notion de « concomitance » <strong>et</strong>celle de « présent ».Si la majorité des élèves reconnaît le « passé noncertain » en 8. arrivais, on r<strong>et</strong>rouve les mêmes difficultésqu'à l'exercice précédent pour 4. trompais<strong>et</strong> 10. gagnait : sans tes conseils <strong>et</strong> il accélérait sonttrès bien interprétés comme des conditions, mais dontles conséquences sont inéluctables.Pour 11. voulais, les résultats ont été éparpillés dansun premier temps, car les élèves n'avaient jamais euà réfléchir à c<strong>et</strong> aspect particulier de l'imparfait.Dans la discussion, ils ont trouvé des autres procédésd'atténuation de plus en plus forts : je voudrais,j'aurais voulu.Deux interprétations étaient possibles pour 12. <strong>et</strong>13. selon qu'on interprétait il essayait comme à chaquefois qu'il essayait... ou s'il essayait.La majorité donne la préférence au « passé certain »,avec des explications à l'appui.Pour 14. regardait, les élèves reconnaissent sansdifficulté « présent » ou « futur », mais ne peuventdécider pour « certain » ou « non certain ». Finalementune n<strong>et</strong>te majorité penche pour «non certain»en 5 e D (à cause de si?), pour «certain»en 5 e B.b) Verbe subordonné à l'imparfait1. On m'a dit qu'il travaillait.2. On m'a assuré que Pierre venait demain.3. S'il était malin, il garderait tout pour lui.4. Si Pierre quittait l'école, ses parents auraient faitdes sacrifices inutiles.5. Si Marie m<strong>et</strong>tait c<strong>et</strong>te robe là, on se moquaitd'elle.— La quasi-totalité des élèves reconnaissent en 1.travaillait « passé <strong>et</strong>/ou présent certain ».— Un certain nombre (6/24 en 5 e B, 6/19 en 5 e D)interprètent 2. venait sur le modèle 1. sans tenircompte <strong>du</strong> fait que seul le « futur » est possibleen raison de la présence de l'autonome demain.— La plupart des élèves interprètent bien 3. était<strong>et</strong> 4. quittait comme «non certain», mais le «présent» l'emporte légèrement sur le futur en 3. <strong>et</strong> lefutur sur le présent en 4. : c'est sans doute le sensdes syntagmes être malin <strong>et</strong> quitter l'école qui détermineces interprétations, l'un étant sans douteressenti comme une qualité actuelle, l'autre commeun événement qui ne peut se pro<strong>du</strong>ire qu'après lemoment où on l'envisage.— La phrase 5. était difficile à interpréter. Tiréed'un corpus oral d'élèves de 3", elle avait été intro<strong>du</strong>iteà dessein dans l'exercice : il s'agissait d'observerles réactions des élèves à ce type de phrase.Quelques élèves dans chaque classe l'ont interprétéespontanément comme « passé certain » en justifiantpar une interprétation temporelle de si — quand, àchaque fois que. Les autres ont fait comme s'il yavait un conditionnel dans la deuxième partie dela phrase <strong>et</strong> ont interprété l'imparfait comme « présent<strong>et</strong>/ou futur non certain » <strong>et</strong> prétendent quec<strong>et</strong>te phrase avec ses deux imparfaits est impossible<strong>et</strong> incorrecte avec un si hypothétique En dépit d'explications<strong>et</strong> de paraphrases, il n'a pas été possiblede leur faire adm<strong>et</strong>tre que, de toute façon, c<strong>et</strong> im-132


parfait ne pouvait être qu'un «passé». Pourtantles mêmes objections ne s'étaient pas présentées avecles exemples 9. - 10. <strong>et</strong> 12. - 13. de l'exercice précédent.Ce qui paraît donc incompatible aux élèvesde 5 e c'est la présence simultanée <strong>du</strong> si hypothétique<strong>et</strong> de deux imparfaits. (On peut d'ailleurs se demanderquelle est la proportion des locuteurs quijugent la phrase 5. acceptable).Il ressort de ces exercices que l'assignation d'unemodalité aux temps « passé », « présent » ou « futur» se fait sans trop de difficulté dans l'ensemble.Néanmoins, un certain nombre d'élèves ne tiennentpas compte de tous les éléments <strong>du</strong> contexte. Faut-ilen conclure qu'ils ne comprennent pas toujours avecprécision des messages que nous croyons précis ?Ou qu'ils se laissent influencer passivement, dans lecadre de l'exercice, par le signifiant de la modalité ?Il n'est pas exclu que chacun de ces deux facteurs aitune influence sur l'interprétation temporelle des modalités.(Il est toujours étonnant de voir combienles élèves jeunes ont <strong>du</strong> mal à comprendre les indicationsqui leur sont données pour un changementd'emploi <strong>du</strong> temps occasionnel : quand il s'agit parexemple, de sortir plus tôt, rentrer plus tard, intervertirun cours, <strong>et</strong>c.)En ce qui concerne le « mode » tel qu'il avait étédéfini dans le cadre de ces exercices, on observeune difficulté à m<strong>et</strong>tre sur le même plan l'hypothèseou la condition, <strong>et</strong> l'événement soumis à c<strong>et</strong>te condition.C<strong>et</strong>te difficulté est encore plus grande si lacondition est négative : ex. : sans tes conseils...Néanmoins, nous apporterons une précision supplémentaire: l'année précédente nous avions testé c<strong>et</strong>ype d'exercice dans une classe de 5 e C'était uneclasse homogène (issue de la même 6 e ), qui, depuisdeux ans était très entraînée aux manipulations surle système verbal, ce qui n'était pas le cas des classesindiquées ci-dessus On remarque cependant que,parmi ces dernières classes, les résultats sont meilleursselon que les élèves sont plus âgés (3*) oudavantage exercés au maniement des modalités verbales(5 e D).D'autre part, nous avions, dans ce premier essai,r<strong>et</strong>enu une opposition modale « réel »/ « irréel ». Or,la reconnaissance des modes s'était faite de façonbeaucoup plus satisfaisante. Par exemple dans sansc<strong>et</strong>te maladie, Pierre allait à l'école, 19 élèves sur 28avaient reconnu le mode « irréel », 26 dans la phrasesi son frère l'avait accompagné, Pierre allait à l'école,25 dans la phrase ses parents l'auraient encouragé,Pierre allait à l'école, 25 dans la phrase si Pierreallait à l'école, il apprendrait beaucoup de choses.(Il s'agissait de phrases pro<strong>du</strong>ites par les élèvesdans des exercices précédents). A la suite de c<strong>et</strong>essai, il nous avait semblé que la distinction modale« réel »/« irréel » était très accessible à des élèvesde 5 e . A quoi devons-nous attribuer les performancesmoins satisfaisantes obtenues l'année suivante : aufait que nous n'avions pas affaire à des élèves ayantacquis de façon homogène <strong>et</strong> suivie la pratique <strong>du</strong>système verbal ? Ou au fait que nous avions crubon de changer la dénomination de l'oppositionmodale « réel »/« irréel » en « certain »/« non certain» avec toutes les ambiguïtés qui en ont découlé ?Rappelons enfin que ces exercices sémantiquesétaient avant tout des tests exploratoires <strong>et</strong> nonune méthode pédagogique applicable en l'état, systématiquement<strong>et</strong> en toutes classes. Au vu des discussionsdans les classes <strong>et</strong> de la conviction avec laquelleles élèves défendaient des interprétationscontradictoires, on peut cependant conclure qu'uneapproche des variations <strong>du</strong> sens des modalités verbalesest souhaitable, assez tôt dans la scolarité,car elle conditionne la compréhension de nombred'énoncés, écrits ou oraux.3° série : Etude des contextes des modalitésimparfait, futur, conditionnelLe but de l'exercice était de :— faire l'inventaire des contextes privilégiés dechaque modalité,— observer le fonctionnement de la concordancedes temps chez les élèves,— faire observer <strong>et</strong> reconnaître les variations desens de la modalité <strong>et</strong> procéder à un inventaire descontextes.— identifier les monèmes fonctionnels les plus employés,C<strong>et</strong> exercice a été réalisé dans la classe de 5 e réputé<strong>et</strong>rès faible mais ayant un goût marqué pour cegenre d'exercices. C'était une classe peu nombreuse<strong>et</strong> l'exercice ayant été réalisé en fin de trimestre lenombre des élèves d'une séance à l'autre a varié de17 à 24 (en tenant compte que tous les dossiersn'ont pu être récupérés au compl<strong>et</strong>). Les pourcentagesfournis n'ont donc qu'une valeur très rela-133


tive. Il faut noter que la pro<strong>du</strong>ction par élève, pourchaque phase des exercices a été importante : 3 à"4 phrases en moyenne par élève. La pro<strong>du</strong>ction estplus variée que lorsqu'on fournit une phrase de départcomme dans le premier exercice.L'exercice, pour chaque modalité, comportait troisétapes :a) phrases simples : les élèves sont invités à pro<strong>du</strong>irele plus de phrases simples possibles, en employantdes expansions différentes, compatibles avecla modalité, <strong>et</strong> étant en relation avec elle. A partirde l'ensemble des pro<strong>du</strong>ctions de la classe, on dresseun inventaire de ces contextes, on observe le sensde la modalité <strong>et</strong> ses variations d'un contexte àl'autre. On établit ensuite un classement des contextesen fonction de ces variations. Il est remarquableque certains élèves citent <strong>et</strong> confirment commecompléments de temps des syntagmes comme enAngl<strong>et</strong>erre, en France, ex. : en France, Jean mangeaitbeaucoup de fruits.b) phrases complexes : à partir de la modalité <strong>du</strong>PI, c'est-à-dire <strong>du</strong> verbe principal. Il s'agit de pro<strong>du</strong>irele plus de phrases possibles en variant à chaquefois la construction <strong>du</strong> P2 (verbe subordonné) :modalité <strong>et</strong>/ou monème fonctionnel. La consigne précisequ'il faut fournir des subordonnées non relatives.Le schéma de l'exercice est donc le suivant :PIModalité étudiée (imp. ou fut. oucond.)Monème fonctionnelP2On procède ensuite aux mêmes opérations d'inventaire<strong>et</strong> de classement des contextes.c) phrases complexes ; à partir de la modalité <strong>du</strong>verbe subordonné. Il s'agit c<strong>et</strong>te foi: de pro<strong>du</strong>ire desphrases où varie la modalité <strong>du</strong> verbe principal<strong>et</strong>/ou le monème fonctionnel. Le schéma de c<strong>et</strong>exercice est donc :PI Monème fonctionnel P2Modalité étudiée (imp. ou fut. oucond.)L'examen des contextes fournis par les élèves montreque, si la plupart <strong>du</strong> temps les phrases pro<strong>du</strong>itesétaient tout à fait correctes, ils ont eu des difficultésà trouver des contextes au conditionnel dansle verbe subordonné <strong>et</strong> n'ont pas hésité à fournirune proportion importante de phrases non conformesà la norme: si -f- conditionnel, conditionnel.A la fin de chaque étape a), b), c) les tableaux récapitulatifs(classement des contextes) ont servi ensuitepour une nouvelle pro<strong>du</strong>ction. L'exercice consistaità refaire une phrase pour chacun des schémasinventoriés. Trois semaines plus tard, sans disposerd'aucune note, les élèves ont été invités à pro<strong>du</strong>ireun certain nombre de phrases sur des schémas différents,par exemple avec l'imparfait en phrasessimples, en phrases complexes, PI <strong>et</strong> P2. Les exercicesont été réussis, comme s'il y avait eu uneréelle imprégnation à partir des premiers exercicesde pro<strong>du</strong>ction. On remarquait d'ailleurs que desschemes assez rares fournis dans un exercice étaientréemployés dans les exercices suivants.A la fin de l'année, on a trouvé dans les travauxécrits de c<strong>et</strong>te classe, des phrases complexes plusnombreuses <strong>et</strong> plus variées, même chez les élèves quin'utilisaient jusque là que des schémas de phrasessimples. On peut supposer qu'il s'agissait de l'eff<strong>et</strong>conjugué de ces exercices <strong>et</strong> de ceux qu'ils pratiquaientrégulièrement lors de l'apprentissage dela conjugaison.134


Inventaires des contextes des modalités (phrases complexes) - % des phrases pro<strong>du</strong>itesIMPARFAIT1) PI à l'imparfaitP2 :Imparfait 57,1Plus-que-parfait 15,6Subjonctif 15,6Passé composé 11,7Monèmes fonctionnels :Quand 22,8Lorsque 17,5Dès que 17,5Que 8,8(+ pendant que, alors que, parce que, puisque, sinon,si, pourquoi, à moins que, pour que, avantque).Schemes les plus fréquents :Imp.2) P2 à l'imparfa itlorsquequandImp.Plus-que-pPI :Imparfait 50Passé composé 15,7Plus-que-parfait 15,7Conditionnel 7,8Conditionnel passé 7,8Présent 2,6Monèmes fonctionnels :Quand 26,3Lorsque 18,4Si 26,3Dès que 13,1Schemes les plus fréquents :1)2)Imp.p. c.p.-q.-p.Imp.cond.quandlorsqueImp.Imp.FUTUR1) PI au futurP2 :Futur 36,5Présent 30,7Passé composé 11,5Subjonctif 11,5Futur antérieur 9,6Monèmes fonctionnels :Si 30,7Quand 21,1Lorsque 21,1Puisque 5,7Parce que 5,7Que 5,7(-|- pour que, à moins que, dès que).Schemes les plus fréquents1)futur2) P2 au futurquandlorsquefutur I si ! présentfuturPI :Futur 50Présent 30Futur antérieur 15Monèmes fonctionnels :QuandQue(-f- si, au moment où, parce que, puisque).Schemes les plus fréquents :1) futur I quand I futur2) présent(dire, espérer,penser...)quefutur3525135


CONDITIONNEL1) PI au conditionnelP2 :Imparfait 41,2Subjonctif 14,7Conditionnel 11,7Présent 11,7Plus-que-parfait 11,7Futur 5,8Monèmes fonctionnels :Si 61,7(+ quand, lorsque, dès que, puisque, pour que, bienque).conditionnel I si | imparfait2) P2 au conditionnelPI :Conditionnel 38,8Passé composé 36,1(4- conditionnel passé, imparfait, plus-que-parfait,présent, futur, futur antérieur).Monèmes fonctionnels :Que 52,7Si 13,8Interrogatif 13,8(+ bien que, juxtaposition, sinon, dès que, puisque).Schemes les plus fréquents :1) passé composé | que | conditionnel2) conditionnel | si | conditionnel3) conditionnel | interrogation ] conditionnelDans l'ensemble des classes concernées, ces essaisd'approche syntaxique <strong>et</strong> sémantique des modalitésverbales ont constitué des exercices passionnants deréflexion sur la langue. D'une part, il s'agissait d'uneactivité collective qui ne laisse aucun élève en margede la classe, les élèves les plus faibles habituellementse montrant souvent les plus actifs <strong>et</strong> les plus inventifs.D'autre part, on a assisté, au travers desdiscussions très vives dans la classe (sur l'acceptabilitéou l'interprétation modale ou temporelle desmodalités) à une prise de conscience de la variétédes usages <strong>linguistique</strong>s au sein d'une communauté,de même qu'à un certain apprentissage de la tolérance...Or. a observé des degrés différents de réussite selonles classes, ou au sein d'une même classe. Parexemple, pour la première série d'exercices, dansune classe de 4 e se côtoyaient des élèves pratiquantX:e type d'étude <strong>du</strong> système verbal, les uns depuisla 6 e , les autres depuis la 5 e ou la 4° seulement. Cesont les premiers qui avaient la conscience la plusn<strong>et</strong>te des distinctions entre expansions possibles <strong>et</strong>nécessaires, entre contextes ambigus <strong>et</strong> non ambigus.La réussite à ces exercices semble donc proportionnelleà la régularité <strong>et</strong> à l'homogénéité del'étude <strong>du</strong> système verbal à partir de l'entrée enclasse de 6 e .136


FUTUR PERIPHRASTIQUEFUTUR - CONDITIONNELANNE MAZZOLINIPARIS VGERMAINE HALBWACHSC.E.S., MONTROUGE


L'étude sur la valeur des modalités verbales quipeuvent exprimer l'inaccompli en français (présent,futur périphrastique, futur <strong>et</strong> conditionnel) avaitmontré que les enfants <strong>du</strong> premier cycle <strong>du</strong> seconddegré donnait une valeur hypothétique qui allaiten croissant <strong>du</strong> futur périphrastique au conditionnelen passant par le futur ( « Le concept logique defutur chez les enfants », Recherches pédagogiques 57,p. 75-86).Dans notre conclusion nous proposions de poursuivreles recherches au niveau <strong>du</strong> primaire <strong>et</strong> des maternellesafin de voir si, à ce niveau, les enfants possédaientle même système d'oppositions <strong>et</strong> sinon, à quelâge se dégageaient les oppositions. D'autre part, quelsétaient les autres procédés de la langue que les enfantsutilisaient pour marquer l'hypothétique (autonomesou autonomisés ?) à l'écrit comme à l'oral ?L'opposition futur-conditionnel est-elle marquée àl'écrit, en particulier à la première personne <strong>du</strong> singulieroù l'oral présente un syncrétisme des deuxmodalités ?Enfin, nous avions suggéré une étude sur la valeur<strong>du</strong> futur périphrastique par opposition à celle <strong>du</strong>verbe aller (exprimant un mouvement) suivi d'uninfinitif.1. Aspect hypothétique <strong>du</strong> F. P., F. <strong>et</strong> C.Pour déterminer la valeur hypothétique que lesenfants accordent aux modalités F., F.P. <strong>et</strong> C, nousavons, dans un premier temps, utilisé les tests misau point l'année précédente pour les élèves <strong>du</strong> secondaire.Le premier de ces tests consistait à classer dans unordre de certitude décroissante deux groupes dequatre phrases qui ne se différenciaient que parles modalités verbales :Demain, il partira pour Marseille. Demain, il partiraitpour Marseille. Demain, il part pour Marseille.Demain, il va partir pour Marseille.Il partira pour Marseille. Il partirait pour Marseille.Il part pour Marseille. Il va partir pour Marseille.Ce test a été présenté dans 14 classes à 338 enfants<strong>du</strong> CE. 1 au CM. 2. Les résultats montrent que lavaleur hypothétique <strong>du</strong> C. est perçue dès le CE. 1.On obtient, dès le CE. 1 un classement des phrasespar ordre de certitude décroissante qui va <strong>du</strong> P. auC. en passant par le F.P. <strong>et</strong> le F.Dans 2 classes de CM. 1, le F paraît plus « sûr » quele F.P. quand ils sont accompagnés de l'autonomedemain alors que l'ordre P., F.P., F., C. est maintenusans autonome. C'est au CE. 1 que les résultats sontle plus éloignés des cardinaux 1, 2, 3, 4 ; dans uneclasse de CE. 1, le P. sans autonome apparaît mêmeen deuxième position, la première étant accordéeau F.P. Deux raisons peuvent être invoquées : lesvaleurs plus ou moins hypothétiques des temps étudiéssont moins généralement acquises ; le test esttrop difficile pour des enfants qui commencent àpeine à lire <strong>et</strong> écrire.Néanmoins, comme le C. apparaît dans toutes lesclasses en quatrième position, il nous semble qu'onpeut affirmer que dès le CE. 1 les enfants le différencient<strong>du</strong> F. sur un plan aspectuel.TABLEAU 1RANG MOYEN DES QUATRE MODALITES VERBALES DANS LE PREMIER TESTClasseNombred'élèvesF.C.DemainPF.P.F.Sans autonomeC.P.F.P.3382,63,61,62,22,53,71,52,3CE. 1 ....392,53,31,92,22,43,62,11,9CE. 2 ....872,73,71,62,02,53,71,32,4CM. 11232,43,71,72,22,53,71,52,3CM. 2892,73,51,42,42,63,71,42,3139


Le deuxième test proposait aux enfants 7 couplesde phrases <strong>et</strong> leur demandait, « dans chacune despaires de phrases suivantes, (de) barrer la phrasequi indique l'action la moins certaine » :a) Il partira sûrement pour Marseille - Il va partirpeut-être pour Marseille.b) Il part peut-être pour Marseille - Il va partirsûrement pour Marseille.c) Il partira peut-être pour Marseille - Il partiraitsûrement pour Marseille.d) Il partira sûrement pour Marseille - Il partpeut-être pour Marseille.e) II part peut-être pour Marseille - Il partirait sûrementpour Marseille.TABLEAU 2f ) Il partirait sûrement pour Marseille - Il va partipeut-être pour Marseille.g) Il va partir sûrement pour Marseillepeut-être pour Marseille.IlpartiraCe test devait perm<strong>et</strong>tre de déterminer l'influencede l'autonome sur la valeur hypothétique de la modalité.Il était beaucoup trop difficile pour les enfants<strong>du</strong> primaire (la cinquième colonne <strong>du</strong> tableau numéro2 montre le pourcentage de résultats aberrants); nous n'en r<strong>et</strong>enons que la valeur importanteque les enfants semblent accorder à des autonomescomme peut-être dans l'expression de l'hypothétique.ClassePeut-êtreC. <strong>et</strong> peut-êtreC.DiversAberrantsCE. 1 a, 27 ...CE. 1 b, 12 ...CE. 2 a, 27CE. 2 b, 26CE. 2 c, 34 ...CM. la, 15 ...CM. 1 b, 25 ...CM. 1 c, 27 .CM. 1 d, 23 ...CM. le, 33 ...CM. 2 a, 16 ...CM. 2 b, 24 ...CM. 2 c, 24 ...CM. 2 d, 25 ...¡33502254625848308342505842681107000121841800801901137332026821198212001701230000068405233633126422333133644333724Le numéro de la classe est suivi <strong>du</strong> nombre d'élèvesde la classe.Dans la première colonne peut-être, nous notons lepourcentage d'enfants qui ont barré comme moinssûres toutes les phrases qui contenaient peut-être.Dans la deuxième colonne C <strong>et</strong> peut-être, le pourcentaged'enfants qui ont d'abord barré commemoins sûres les phrases qui contenaient un C, puisdans les paires non barrées, celles qui contenaientpeut-être.Dans la troisième colonne, sont relevés les pourcentagesde copies dans lesquelles seul le conditionnela été envisagé dans l'expression de l'hypothétique.Dans la quatrième colonne, divers, les enfants onttrouvé d'autres critères de choix.Dans la cinquième colonne, ces critères ne soni pasappliqués partout <strong>et</strong> fournissent donc des résultatsaberrants. C'est à partir des pourcentages élevés dec<strong>et</strong>te dernière colonne que nous concluons que l<strong>et</strong>est était trop difficile.Du premier test, nous avions conclu que la grandemajorité des enfants accordaient dès le CE. 1, unevaleur hypothétique au C. par rapport au F. Il nousfallait donc, au niveau des maternelles, trouver desmoyens qui nous perm<strong>et</strong>traient de voir à quel âgese crée l'opposition F. <strong>et</strong> C. Les tests écrits n'étant140


plus possibles, nous avons dans une première phaseessayé de faire pro<strong>du</strong>ire des F. <strong>et</strong> des C. aux enfantsen leur faisant raconter une histoire. Pour pouvoirfaire des études comparatives, il nous avait sembléque nous devions choisir la même histoire, racontéede la même manière par l'enseignant ou de manièredifférente mais sur des points précis : les modalitésverbales. Les enfants devaient donc raconter à un<strong>et</strong>ierce personne « les trois p<strong>et</strong>its cochons » qui leuravait été racontée avec des temps différents. Maisl'histoire était trop connue. Les variations de tempsdans l'histoire racontée aux enfants n'avaient aucuneinfluence sur la forme <strong>du</strong> récit qu'en faisait l'enfant.Tout au plus, avons-nous pu noter dans les grandessections de maternelle, une tendance à utiliser un [a]d'avant, presque un [se], dans une formule comme[elamezôtôbrse].Des contes moins connus comme ceux de « la p<strong>et</strong>iteMarguerite » ne nous ont pas fourni de conditionnel.Nous avons alors commencé différentes histoiresimaginaires puis demandé aux enfants <strong>et</strong> alors queferaient X ou Y ? sans beaucoup de succès. Enfin,à la veille des vacances, une histoire interrompuea donné lieu à quelques conditionnels : On supposaitune panne de voiture au moment <strong>du</strong>dit départ envacances : La voiture serait en panne ; qu'est-ce qu<strong>et</strong>u ferais ? Parallèlement nous avons demandé auxenfants, interrogés indivi<strong>du</strong>ellement, s'ils faisaientune différence entre :Maman va au marché,Maman ira au marché,Maman irait au marché.De c<strong>et</strong>te manière nous pouvions comparer la connaissanceactive des enfants <strong>et</strong> leur connaissance passive.Une forme en /-re/ qui pour l'a<strong>du</strong>lte est au conditionnel,n'est pas obligatoirement un C. pour unenfant. On constate en eff<strong>et</strong> que beaucoup d'enfantsrépondent au C. à une question posée au C. puis,après un passage au présent, continuent au futur.On serait en présence d'une analogie contextuelle.Le conditionnel n'a de valeur conditionnelle que s'ilpeut commuter avec le futur donc apparaître dansle même contexte que ce dernier. Or c<strong>et</strong>te commutationest rarement possible. F. <strong>et</strong> C. apparaissentsoit comme des variantes libres, soit comme desvariantes combinatoires (en particulier dans lescontextes si -f- imparfait on trouve le conditionnel).Ces résultats sont obtenus chez des enfants de quatreans <strong>et</strong> demi environ. On ne peut donc dire qu'ilsdifférencient les deux temps.Chez les enfants de grande section de maternelle,seulement 40 enfants sur 75 disent que le conditionnelest différent <strong>du</strong> futur <strong>et</strong> l'analyse de corpus montreque 2 enfants sur 6 utilisent une forme en [ras]. Ilsemble donc que l'opposition soit en cours d'acquisition,puisqu'elle est acquise à plus de 75 % chez lesenfants <strong>du</strong> C.P., <strong>et</strong> qu'il ne soit donc pas possibled'affirmer, en maternelle qu'une forme en /re/ estun conditionnel, ni une forme en /ra/ un futur.Pour confirmer les résultats <strong>du</strong> test numéro 1 présentédans le primaire, nous avons proposé ces mêmesexercices au C.P., CE. 1, CE. 2. Un quart desenfants <strong>du</strong> C.P. ne font pas de différence entre F<strong>et</strong> C, ou plutôt disent qu'il n'y a pas de différence :« c'est pareil ». Ce taux s'abaisse à 11 % au CE. 1 <strong>et</strong>9 % au CE. 2. Par ailleurs 30 % des enfants <strong>du</strong> C.P.trouvent que la différence est d'ordre temporelcontre 45 % au CE. 2. Les élèves <strong>du</strong> CE. 2 ont peuanalysé la valeur différentielle des 2 modalités :64 % des élèves notent que le futur est différent<strong>du</strong> conditionnel, mais 9 % seulement perçoivent c<strong>et</strong>tedifférence comme aspectuelle (5 % au C.P., 11 %au CE. 1) <strong>et</strong> 18 % comme temporelle.Il semblerait donc que la différence soit d'abordperçue comme d'ordre temporel, puis interviendraitl'aspect, enfin la différence serait à la fois d'ordr<strong>et</strong>emporel <strong>et</strong> aspectuel. Mais cela n'est qu'une hypothèseque nous n'avons pu vérifier.2. Problèmes d'orthographe <strong>et</strong> de syntaxe soulevésà partir de l'expression écrite de l'hypothétiquechez les enfants <strong>du</strong> 1" cycle <strong>du</strong> second degréEn 1972-73, notre expérience a porté sur des classesde 6 e , 5 e , 4 e <strong>et</strong> 3 e . Il s'agissait de relever les différentsmoyens d'expression de l'hypothétique dansle présent. Nous avons obtenu une pro<strong>du</strong>ction massivede conditionnels présents d'emploi correct,confirmation <strong>du</strong> fait que les enfants manient bienc<strong>et</strong>te modalité verbale, même si elle apparaît rarementdans leur langue spontanée. D'autre part, il estfréquent que les enfants passent de l'emploi <strong>du</strong> C.à celui <strong>du</strong> F., ou s'expriment au F., dont la chargehypothétique avait été vérifiée au cours de nostravaux de l'année 1971-1972.En 1973-1974, nous avons demandé à des élèves des4 classes <strong>du</strong> premier cycle d'exprimer par écrit desévénements hypothétiques envisagés dans leur proprepassé. Comme dans les devoirs précédents, seule141


la modalité verbale a tra<strong>du</strong>it l'hypothétique. Si certainsenfants manient essentiellement, dans c<strong>et</strong>tesituation le conditionnel passé, d'autres, une fois préciséel'époque, utilisent les mêmes modalités verbalesque pour tra<strong>du</strong>ire l'hypothétique dans le présent.C<strong>et</strong> exercice écrit a d'autre part fait apparaître unestructure syntaxique que les enseignants connaissentbien, <strong>et</strong> où une longue série d'infinitifs prédicatoïdes,est source de construction syntaxique erronée.Les corpus recueillis au cours de ces deux années ontpermis d'amorcer une étude orthographique :a) De la première personne <strong>du</strong> singulier <strong>du</strong> conditionnel<strong>et</strong> <strong>du</strong> conditionnel passé, qui finit par êtrecorrectement orthographiée à 90 % par les élèvesde 3 e aménagée, constatation qu'il faudrait pouvoirapprécier en comparaison avec l'orthographe de lamême personne <strong>du</strong> futur <strong>et</strong> <strong>du</strong> futur antérieur ;nos chiffres étaient trop faibles pour perm<strong>et</strong>tre lacomparaison.b) Des modalités infinitif <strong>et</strong> participe passé en /e/dans les temps composés :a - Les participes passés ont été orthographiés correctementà 96 % par une classe de 5 e type 2 <strong>et</strong>par la 3 e aménagée.b - 98 % des infinitifs en /e/ sont orthographiéscorrectement en 3 e aménagée, mais seulement 48 %en 6 e <strong>et</strong> 88 % en 5 e type 2. Si ces chiffres étaientvérifiés sur un grand nombre d'élèves, nous pourrionsconclure que, sur ces points, l'action pédagogiqueest positive, <strong>et</strong> que, en ce qui concerne lesinfinitifs en /e/, elle serait particulièrement efficaceau niveau de la classe de 5°.3. Valeur temporelle <strong>du</strong> futur périphrastiqueNous avons cherché à déterminer la valeur que lesenfants <strong>du</strong> premier cycle <strong>du</strong> second degré accordaientau F.P. <strong>et</strong> en particulier si l'opposition entreun futur P. <strong>et</strong> le verbe aller indiquant un mouvement,suivi d'un infinitif, était généralisée ou si lesyncrétisme des formes entraînait une neutralisationdes oppositions.Nous avons proposé sept groupes de phrases contenant2 ou 3 formes verbales : verbe aller au présent-f- infinitif.A) Rentrez vite. Nous allons transporter les chaisesdevant la télé <strong>et</strong> les enfants vont regarder leur émission.B) La speakerine annonce : « Vous allez voir leP<strong>et</strong>it Chaperon Rouge. Le p<strong>et</strong>ite fille va voir sagrand-mère ».C) Je vais chercher mon cahier dans ma chambre,puis je vais m'installer dans le bureau <strong>et</strong> je vaischercher la solution <strong>du</strong> problème.D) Restez là. Je vais préparer le biberon dans lacuisine <strong>et</strong> Michèle va changer le bébé ici.E) Maintenant je vais coucher le bébé, puis je vaiséteindre la lumière <strong>et</strong> il va dormir.F) Maman, moi je vais jouer dans le jardin. Lui,il va jouer au loto ici.G) Le rapide va doubler l'omnibus qui va s'arrêter.Les voyageurs qui vont le prendre arriventsur le quai.Les verbes à l'infinitif sont objectifs ou non. Ilssont souvent accompagnés d'un autonome, d'un autonomiséou même d'une phrase indépendante, de façonà ré<strong>du</strong>ire une ambiguïté sémantique possible.La commutation <strong>du</strong> groupe verbal avec le présentou le futur est possible, nous semble-t-il, dans 70 %des cas — inversement la commutation avec allerau futur <strong>et</strong> l'infinitif n'y est pas possible. Donc, dans70 % de ces syntagmes verbaux, le verbe aller seraitune modalité verbale. Comparer : Le bébé va dormirI Le bébé ira dormir / Le bébé dort.Il nous semble que dans 12 % des cas une hésitationest possible : JVows allons transporter les chaises(Al), puis je vais m'installer (C 2). Chez les enfantsces pourcentages atteignent successivement 68 % <strong>et</strong>29 %. Le nombre de groupes verbaux pour lesquelsles enfants considèrent qu'il y a à la fois modalitétemporelle <strong>et</strong> déplacement est trois fois plus élevéque chez les a<strong>du</strong>ltes.Il ne semble pas y avoir de progression marquéedans la différenciation des sens possibles de la sixièmeà la troisième. En comparant les pourcentagesci-dessus, on peut faire l'hypothèse que le syncrétismedes formes des futur périphrastique <strong>et</strong> de aller-\- infinitif est en train d'entraîner une neutralisationde leurs signifiés.142


PRÉ-ENQUÊTE SYNTAXIQUE SUR ORDINATEUR :QUELQUES RÉSULTATSREMI JOLIVETUNIVERSITE DE LAUSANNE


I. RAPPELSDans un numéro précédent de Recherches Pédagogiques(1) nous avions présenté les principes del'analyse syntaxique <strong>et</strong> de son codage en vue d'uneexploitation par ordinateur. Rappelons seulement iciqu'il s'agit de l'analyse syntaxique de l'échantillond'un corpus de langue orale, enregistré dans desclasses de sixième <strong>et</strong> de cinquième d'un C.E.S. dela région parisienne. C<strong>et</strong> échantillon comporte plusde deux cent soixante phrases, ou séquences de fonctions(d'unités syntaxiques) organisées autour d'unprédicat unique ou de plusieurs prédicats coordonnés.L'échantillon compte plus de mille sept centsunités syntaxiques, syntagmes minimaux autonomesou à la fonction marquée par un monème fonctionnel(prépositions <strong>et</strong> conjonctions de subordination)ou encore par la position. Les modalités, déterminantsgrammaticaux <strong>du</strong> nom ou <strong>du</strong> verbe, sont traitéescomme des caractéristiques <strong>du</strong> noyau nominalou verbal qu'elles déterminent <strong>et</strong> non comme desunités syntaxiques indépendantes.L'analyse de chaque unité syntaxique prend encompte sa fonction, en précisant si c<strong>et</strong>te fonctiondépend directement ou non <strong>du</strong> prédicat de la phrase<strong>et</strong> si elle est ou non coordonnée. Viennent ensuitela classe, les modalités éventuelles <strong>et</strong> enfin la fonction<strong>et</strong> la classe des unités hiérarchiquement liéesà l'unité analysée parce qu'elles en constituent lenoyau ou les expansions. Ajoutons enfin que les unitéssyntaxiques d'une phrase reçoivent un numérod'ordre correspondant à leur ordre d'apparition dansla suite linéaire que constitue c<strong>et</strong>te phrase.Ainsi la phrase :« Ce chiot, il est très marrant »sera-t-elle analysée d'abord en cinq unités syntaxiques,numérotées de un à cinq :« Ce chiot / il / est / très / marrant »1 2 3 4 5L'analyse de la première unité syntaxique, ce chiot,indique qu'il s'agit d'un suj<strong>et</strong>, repris par un pronom(ce que nous avons considéré comme un typespécial de coordination) <strong>et</strong> relié directement au pré-(1) Rémi JOLIVET, Danièle MANESSE, Pré-enquête syntaxiquesur ordinateur, Recherches Pédagogiques n c 57,I.N.R.D.P." 1973, p. 115-125.dicat. Ce suj<strong>et</strong> est un nom commun animé, accompagnéd'un démonstratif. Enfin, ce suj<strong>et</strong> dépend d'unprédicat qui est un verbe d'état mais il n'est le noyaud'aucune expansion (alors que marrant dépend aussi<strong>du</strong> verbe d'état prédicat mais est en outre le noyaud'une expansion : l'adverbe très).C'est sur ces informations, codées <strong>et</strong> mises en machine,que l'ordinateur a ensuite travaillé pour livrerun certain nombre de données numériques.II.RESULTATSOn a obtenu jusqu'à présent les réponses à une quarantainede questions de nature quantitative, certainestrès simples, très directes, d'autres plus élaborées,qui font intervenir des croisements de variables(par exemple : combien y a-t-il de suj<strong>et</strong>s,<strong>et</strong> de quelles classes, repris par un pronom, sur lemodèle de « ce chiot il... »).Il ne peut ère question de présenter ici tous ces résultatsqui occupent plus de mille cinq cents pagesimprimées par l'ordinateur <strong>et</strong> dont l'analyse <strong>et</strong> l'interprétationsont encore en cours. On ne fera doncétat ici que de quelques-uns d'entre eux <strong>et</strong> des plusn<strong>et</strong>s.Avant toute analyse <strong>linguistique</strong> plus précise, l'unedes premières questions que l'on peut poser est lasuivante : quelle est la « longueur » moyenne desphrases dans l'échantillon ? Le nombre d'unités syntaxiquespar phrase, correspondant au nombre de« choix » fonctionnels <strong>du</strong> locuteur, est une bonnemesure de c<strong>et</strong>te « longueur ». Plus intéressante entout cas, car plus proche de la réalité <strong>linguistique</strong>,nous semble-t-il, que le nombre de mots de la phrase,la définition <strong>du</strong> mot ne pouvant être qu'arbitraire(graphique) ou très difficile à manier. Si l'on tracela courbe <strong>du</strong> nombre d'occurrences de phrases den unités syntaxiques (n croissant de un en un àpartir de la valeur deux car les mots-phrases ontété relevés à part) on obtient pour les textes dechaque élève des courbes assez divergentes <strong>et</strong> trèsirrégulières. Mais la courbe obtenue en faisant lasomme de ces courbes est beaucoup plus régulière <strong>et</strong>se rapproche d'une courbe « en cloche » disymétrique: montée rapide de deux à cinq unités syntaxiquespar phrase, descente rapide de cinq à huitunités syntaxiques par phrase, puis plus lente <strong>et</strong>plus « accidentée » jusqu'à dix-neuf unités syntaxi-145


qoies « longueur » maximum observée dans l'échantillon.La moyenne s'établit à 6,5 unités syntaxiquespar phrase, le mode de la courbe ( « longueur » la plusfréquente) à 5 unités syntaxiques par phrase. Nousrepro<strong>du</strong>isons ci-dessous l'allure générale de lacourbe.Nb. dephrasesNb. d'unitéssyniaxiquespar phraseC<strong>et</strong>te courbe est intéressante en elle-même, commeune caractéristique numérique de l'échantillon (quisera complétée par une étude statistique) mais unepartie de sa signification éventuelle nous échappe,faute de points de comparaison. Y a-t-il là réellementune caractéristique de la langue <strong>du</strong> corpus ?Les résultats fournis par la remarquable étude deJean-Claude Corbeil (1) ne sont malheureusementpas directement comparables puisqu'il n'a pris encompte que les fonctions primaires, directement rattachéesau prédicat de la phrase.On peut néanmoins partir de c<strong>et</strong>te constatation : lenombre d'unités syntaxiques par phrase le plus probableest donc de 5. Quelles sont les cinq fonctionsles plus fréquentes dans l'échantillon ? Il s'agit, parordre de fréquence décroissante, des fonctions suivantes: suj<strong>et</strong>, prédicat, complément prépositionnel,autonome (fonction des adverbes <strong>et</strong> de certains substantifscomme la nuit dans « la nuit tous les chatssont gris ») <strong>et</strong> complément d'obj<strong>et</strong> direct. Attironsl'attention sur le fait qu'aucune des fonctions plutôt(1) Jean-Claude CORBEIL, Les structures syntaxiques<strong>du</strong> français moderne, Klincksieck, Paris, 1971, 197 p.(voir notamment p. 11-17 <strong>et</strong> 99-134).spécifiques des adjectifs (épithète, attribut <strong>du</strong> suj<strong>et</strong>ou de l'obj<strong>et</strong>) ne figure parmi les cinq fonctions lesplus fréquentes. La fonction épithète, la plus fréquentedes trois (plus de la moitié des adjectifs sontépithètes, plus d'un quart attributs <strong>du</strong> suj<strong>et</strong>), représentemoins de 3 % de l'ensemble des fonctions,contre plus de 13 % à la fonction de complémentd'obj<strong>et</strong> <strong>et</strong> près de 24 % à la fonction suj<strong>et</strong>. Il y a d<strong>et</strong>oute façon peu d'adjectifs dans l'échantillon : 68 occurrencessoit 4 % de l'ensemble des classes.Si, partant de ces cinq fonctions, nous examinonsensuite les classes qui constituent le plus souvent lenoyau de ces fonctions, nous obtenons les résultatssuivants :Plus de 80 % des fonctions suj<strong>et</strong> ont pour noyaudes pronoms, notamment il, on <strong>et</strong> je qui à eux troisreprésentent près de 60 % <strong>du</strong> total des éléments enfonction suj<strong>et</strong>.Plus de 80 % des fonctions predicatives sont rempliespar les classes verbales, parmi celles-ci, oncompte en moyenne deux fois plus de verbes objectifsque de verbes non objectifs.En fonction autonome, on rencontre, dans plus de80 % des cas encore une fois, des unités spécialiséesdans c<strong>et</strong>te fonction : les adverbes.146


Les verbes ne représentent que moins de 20 % deséléments en fonction d'obj<strong>et</strong> direct, dans plus de80 % des cas on trouve dans c<strong>et</strong>te fonction des nomsou des pronoms.C'est la fonction de complément prépositionnel (quiregroupe aussi les verbes intro<strong>du</strong>its par une conjonctionde subordination) qui manifeste la plus grandevariété quant aux classes susceptibles d'en constituerle noyau. Verbes, noms <strong>et</strong> pronoms se partagentpresque également : 40 % aux premiers <strong>et</strong> 60 % auxseconds.Par aillleursyles modalités nominales les plus fréquentessont le défini, le pluriel <strong>et</strong> l'indéfini ; pourles modalités verbales : l'indicatif, le présent <strong>et</strong>également un bon nombre d'infinitifs.Si l'on tient compte enfin des indications fourniesquant aux positions des fonctions dans la phrase,nous obtenons les deux séquences suivantes, à peuprès aussi fréquentes l'une <strong>et</strong> l'autre :Autonome -J- suj<strong>et</strong> -f- prédicat + obj<strong>et</strong> + complémentprépositionnel.Suj<strong>et</strong> + prédicat + obj<strong>et</strong> + autonome -f- complémentprépositionnel.C<strong>et</strong> ensemble de données perm<strong>et</strong> de construire unesorte de « phrase-type » pour le corpus. En voicideux exemples, fictifs mais qui ne paraîtront sansdoute pas par trop invraisemblables :« Souvent il griffe les rideaux avec sa patte. »« L'arbitre arrête le match des fois après l'heure. »Si, partant de c<strong>et</strong>te « phrase-type », on examineles possibilités d'enrichissement syntaxique qu'ellecomporte, on entre dans l'analyse des liens fonctionnelsentre unités syntaxiques. Dans quelle mesurechacune des cinq fonctions de la « phrase-type »est-elle susceptible d'expansions <strong>et</strong> quelles sont cesexpansions ? Pour la fonction predicative, c<strong>et</strong>te rechercheest sans obj<strong>et</strong>. Les expansions les plus fréquentessont évidemment les quatre autres fonctionsde la phrase-type. L'expansion d'un complémentprépositionnel est très fréquente, un verbe est eneff<strong>et</strong> assez souvent le noyau de c<strong>et</strong>te fonction. Uncomplément d'obj<strong>et</strong> sur trois, en moyenne, constituele noyau d'une expansion, celle-ci étant, le plussouvent, un complément prépositionnel. Les expansionsd'un autonome sont bien plus rares, une foissur sept environ. Il s'agit alors principalement d'adverbes( « bien souvent », « très longtemps » ). Le casle plus intéressant est celui de la fonction suj<strong>et</strong>,qui constitue très rarement le noyau d'une expansion.Certes, ce résultat était partiellement prévisiblepuisque ce sont les pronoms, <strong>et</strong> notammentles pronoms personnels, qui apparaissent le plussouvent en fonction suj<strong>et</strong>. Mais c<strong>et</strong>te fonction estaussi la mieux représentée dans l'échantillon : oncompte près de trois cent cinquante suj<strong>et</strong>s <strong>et</strong>, malgrétout, plus de cinquante noms dans c<strong>et</strong>te fonction.Or il n'y a pas dix expansions pour c<strong>et</strong>te fonction.Sans doute y a-t-il là une caractéristique de lalangue parlée spontanée, « en situation », mais leslinguistes de toutes les écoles ont depuis longtempsnoté le caractère assez spécifique de la fonction quiunit le suj<strong>et</strong> au prédicat, liaison constitutive de lamajorité des énoncés minimaux en français, <strong>et</strong> il estpermis de se demander si une limitation de l'expansiondes éléments en fonction suj<strong>et</strong> ne constituepas une tendance relativement constante de c<strong>et</strong>tefonction en français. Seules d'autres études sur cepoint particulier, portant sur des usages <strong>et</strong> des niveauxde langue différents, perm<strong>et</strong>traient de vérifier'C<strong>et</strong>te hypothèse.Plus généralement, l'étude des liens hiérarchiquesentre les unités syntaxiques de chaque phrase perm<strong>et</strong>également de chiffrer l'aptitude de chaque classeà remplir la fonction predicative <strong>et</strong> l'aptitude dechaque classe <strong>et</strong> de chaque fonction à constituer lenoyau d'une expansion.Dans le codage de l'analyse, une unité syntaxiquene peut jamais dépendre que d'une seule unitésyntaxique. Cela n'est pas <strong>linguistique</strong>ment exact(cf. « il a dit <strong>et</strong> répété la même phrase » ) mais cesfaits de coordination sont, en principe, « récupérés» par d'autres voies dans le codage. Par ailleurs,toute unité syntaxique d'une phrase dépend toujoursd'une autre unité syntaxique sauf si elle constituele prédicat de c<strong>et</strong>te phrase. Pour toutes les occurrencesd'une classe nous connaissons celles d'entreelles qui apparaissent dans l'échantillon comme desexpansions d'une unité syntaxique : appelons leurnombre Ne. exp. (nombre d'occurrences d'une classequi sont des expansions). En rapportant ce nombreau nombre total d'occurrences de c<strong>et</strong>te classe (quenous noterons Ne) on obtient un indice de la capacitéde c<strong>et</strong>te classe à constituer le prédicat d'unephrase, indice noté Ipréd. :Ipréd. =Ne. exp.C<strong>et</strong> indice ne peut varier qu'entre 0 <strong>et</strong> 1. Si toutélément d'une classe dépend toujours, dans l'échantillon,d'un autre élément, Ne. exp. = Ne <strong>et</strong> leNe147


apport est égal à 1, la classe considérée n'assumejamais la fonction predicative. Inversement, si leséléments de la classe considérée ne dépendent jamaisd'un autre élément, Ne. exp. = 0 <strong>et</strong> le rapport estégal à 0, la classe considérée n'apparaît jamais qu'enfonction predicative.L'étude de ce rapport pour toutes les classes del'échantillon fournit des résultats absolument triviaux: trois grandes catégories se dégagent : lesverbes, très souvent en fonction predicative, les noms<strong>et</strong> les pronoms non personnels ainsi que le pronomde troisième personne <strong>du</strong> singulier qui ne sont querarement prédicats <strong>et</strong> enfin les autres classes d'unitésqui ne sont que très rarement ou jamais en fonctionpredicative. Mais la banalité de ces résultats nedoit toutefois pas masquer l'intérêt que peut présenter,à notre avis, ce calcul très simple pour uneanalyse fine, « stylistique » si l'on veut (au senslarge <strong>du</strong> terme), <strong>et</strong> surtout pour une étude comparativeavec d'autres corpus. Nous reviendrons d'ailleurssur c<strong>et</strong>te question.Deux autres calculs, aussi simples, présentent lemême intérêt. On peut s'interroger en eff<strong>et</strong> égalementsur l'aptitude d'une fonction ou d'une classe àconstituer le noyau d'expansions. Deux voies sontpaisibles pour le calcul de c<strong>et</strong> indice. On peut partir<strong>du</strong> nombre de fonctions ou de classes considéréesayant au moins une expansion, c'est-à-dire fonctionnantcomme noyau d'au moins une unité syntaxique.Nous noterons ces nombres respectivementpour les fonctions <strong>et</strong> pour les Classes Nf. 1 n. <strong>et</strong>Ne. 1 n. ; en rapportant ces nombres au nombre totald'occurrences de la fonction ou de la classe, notésrespectivement Nf <strong>et</strong> Ne, on obtient deux indices,l'un pour la fonction (If. exp.) l'autre pour la classe(le. exp.) qui constituent le pourcentage d'élémentsde la fonction ou de la classe considérée qui ont aumoins une expansion :Nf. 1 n.If. exp. = —NfNe. 1. n.le. exp. = —NeCes indices varient bien enten<strong>du</strong> entre 0 <strong>et</strong> 1. Sitout élément d'une fonction ou d'une classe a toujoursau moins une expansion Nf. In. = Nf ouNe. In. = Ne ,1e rapport est égal à 1. Si aucunélément d'une fonction ou d'une classe ne fonctionnecomme noyau d'une expansion Nf. 1 n. = 0 ouNe. 1 n. = 0, le rapport est égal à zéro, la fonctionou la classe en question n'adm<strong>et</strong> pas d'expansions.Une autre voie possible aboutit à un indice plusprécis. On part <strong>du</strong> nombre d'expansions attestéespour une fonction ou pour une classe (respectivement,Nexp. f. <strong>et</strong> Nexp. c.) <strong>et</strong> on le rapporte aunombre total d'occurrences de c<strong>et</strong>te fonction ou dec<strong>et</strong>te classe (respectivement Nf <strong>et</strong> Ne). C'est-à-direque l'on calcule le nombre moyen d'expansions paroccurrence d'un élément d'une fonction ou d'uneclasse. On obtient l'indice Jf. exp. pour les fonctions<strong>et</strong> Je. exp. pour les classes :Jf. exp. =Je. exp. =Nexp. f.NfNexp. c.Ces indices varient entre 0 <strong>et</strong> n car une fonction ouune classe peuvent avoir, dans une même phrase,plusieurs expansions, Nexp. f. <strong>et</strong> Nexp. c. peuventdonc être supérieurs à Nf <strong>et</strong> Ne. Du point de vuedes fonctions, c'est évidemment la fonction predicativequi est la plus riche en expansions, viennentensuite le complément prépositionnel (dont le noyauest souvent verbal), l'attribut <strong>du</strong> suj<strong>et</strong>, l'obj<strong>et</strong>, <strong>et</strong>c.,le suj<strong>et</strong> vient tout à fait en dernier lieu, après l'autonome<strong>et</strong> l'épithète.Du point de vue des classes, on observe une fortecorrélation entre l'aptitude à fonctionner comme prédicatde phrase (indice Ipréd.) <strong>et</strong> l'aptitude à constituerle noyau d'expansions. Cela n'a rien d'étonnantpuisque bon nombre des unités syntaxiquesd'une phrase se rattachent au prédicat : les classesqui sont souvent en fonction predicative ont doncnaturellement un nombre d'expansions élevé. Néanmoins,la comparaison détaillée de ces deux indices,comparaison que nous ne pouvons mener ici, devraitêtre intéressante, car, à côté d'une forte analogied'ensemble, il y a, pour certaines classes, de fortesdivergences qu'il faudra expliquer.Il sera évidemment possible de calculer égalementl'aptitude à constituer le noyau d'expansions dechaque couple fonction-classe (par exemple : suj<strong>et</strong>pronomtroisième personne <strong>du</strong> singulier), mais cescalculs ne sont pas encore faits.Une autre présentation possible des résultats lesplus généraux consiste à partir des classes <strong>et</strong> àétudier leurs latitudes <strong>fonctionnelle</strong>s.Certaines classes regroupent des unités qui ne peuventremplir qu'une seule fonction (uni<strong>fonctionnelle</strong>s): actualisateurs d'un prédicat nominal commeNe148


c'est, il y a, il faut, voilà, prépositions <strong>et</strong> conjonctions,le pronom on, les coordonnants.D'autres classes ont des latitudes <strong>fonctionnelle</strong>s trèslimitées, ainsi les adverbes mais aussi, <strong>et</strong> plus curieusement,les pronoms personnels. Ceux d'entreeux qui sont bien attestés (je, tu il/elle <strong>et</strong> ils/elles)apparaissent dans la grande majorité des cas (deplus de 71 % pour il/elle à plus de 87 % pourils/elles) en fonction suj<strong>et</strong>. Autant dire que lesformes me/moi, te/toi, le/lui/la/elle, les/eux/ellessont relativement rares dans l'échantillon, sauf pourcelles d'entre elles qui peuvent apparaître commesuj<strong>et</strong>s en cas de reprise (cf. «Lui, il...»). On encompte en eff<strong>et</strong> cinquante-sept occurrences en toutpour les deux cent cinquante-six occurrences de cespronoms, toutes fonctions confon<strong>du</strong>es, soit un peuplus de 22 % donc près de 78 % pour la fonctionsuj<strong>et</strong>. Or pour l'ensemble <strong>du</strong> corpus, si l'on additionneles fonctions de complément d'obj<strong>et</strong>, decomplément prépositionnel <strong>et</strong> de suj<strong>et</strong>, c<strong>et</strong>te dernièrene représente qu'un peu moins de 44 % <strong>du</strong> total.Il y a donc une tendance assez n<strong>et</strong>te à limiter l'utilisationdes pronoms personnels à la fonction suj<strong>et</strong>.En ce qui concerne les verbes, la fonction predicativeest bien enten<strong>du</strong> majoritaire mais d'autresfonctions sont bien attestées, notamment celle d'expansionintro<strong>du</strong>ite par un indicateur de fonction(préposition ou conjonction) <strong>et</strong> celle de complémentd'obj<strong>et</strong>.Ce sont en définitive les noms qui manifestent,comme on pouvait s'y attendre, les plus grandes latitudes<strong>fonctionnelle</strong>s.Nous avons présenté jusqu'ici les résultats concernantles faits les plus fréquemment attestés dansl'échantillon. On peut aussi s'intéresser aux catégoriesprévues par la grille d'analyse ou aux schemessyntaxiques attestés dans d'autres usages de la langue<strong>et</strong> qui n'apparaissent jamais ou très rarementdans l'échantillon. Ces rar<strong>et</strong>és ou ces absences sontintéressantes mais difficiles à interpréter. Certainess'expliquent sûrement par le type de textes quiconstituent le corpus. De toute façon, l'échantillonest tout à fait insuffisant pour que l'on puisse inférerde l'absence d'attestation à la méconnaissance, mêmedans l'usage actif.Sans entrer dans le détail des schemes syntaxiquesnous nous en tiendrons aux catégories prévues parla grille d'analyse qui n'apparaissent jamais ou seulementtrès rarement. Parmi les fonctions on a déjàsignalé la rar<strong>et</strong>é des fonctions spécifiques des adjectifs: l'attribut de l'obj<strong>et</strong> est très rare (huit occurrences)de même que l'attribut <strong>du</strong> suj<strong>et</strong> (trente <strong>et</strong>un) <strong>et</strong> l'épithète (quarante-trois).Pour les classes nous ne rencontrons pas d'actualisateurnon verbal (voici ou voilà), un seul numéralqui ne soit pas modalité nominale (cf. « Trois sontvenus ») <strong>et</strong> deux occurrences seulement pour lespronoms personnels nous <strong>et</strong> vous.Certaines modalités nominales n'apparaissent jamais,entre autres les possessifs ton/ta <strong>et</strong> votre/vos <strong>et</strong>encore : aucun, propre, différent, divers, nul, quel,tout ; d'autres modalités sont rares, ainsi les suivantesqui ne sont pas attestées plus de trois fois :démonstratif, notre/nos, leur/leur s, autre, même,seul, certain, chaque. Parmi les modalités verbalesle passé antérieur <strong>et</strong> le futur antérieur ainsi que lesformes surcomposées n'apparaissent jamais, le passésimple est rare mais pas totalement absent (six occurrences...sur quatre cent trente-six modalitéstemporelles) de même que l'impératif, le subjonctif,les participes <strong>et</strong> le conditionnel. Très peu de passifsenfin (sept) <strong>et</strong> encore moins d'interrogatives (cinq).Tels sont, brièvement résumés, quelques-uns desprincipaux résultats obtenus jusqu'à présent. Nouspourrions en présenter bien d'autres mais les discussionsqu'il faudrait alors mener pour les interpréternous occuperaient plus longtemps qu'il n'estpermis dans le cadre d'un simple article. D'ailleurstous les traitements ne sont pas terminés, d'autresrésultats sont atten<strong>du</strong>s qui porteront sur les modaliésnominales <strong>et</strong> verbales, leurs combinaisons, lesclasses <strong>et</strong> les fonctions qu'elles déterminent.119. CRITIQUEOn n'a souvent que trop tendance à se laisser impressionnerpar les chiffres quand ce n'est pas déjàpar l'outil qui les fournit, c'est-à-dire l'ordinateur.Disons d'abord qu'il est extrêmement facile, dèsque l'on utilise un outil d'une telle puissance, defournir une masse considérable de données chiffrées.Nous espérons ne pas avoir abusé de c<strong>et</strong>tefacilité dans les lignes qui précèdent. Car c<strong>et</strong>te abondancede chiffres n'est en fait guère utilisable sielle n'est accompagnée d'indications, d'une part surla façon dont ces données ont été obtenues (à partirde quel corpus ; quels étaient les critères de reconnaissancede chaque variable dans l'échantillon ;149


comment l'échantillon a-t-il été constitué) <strong>et</strong> d'autrepart sur la signification (ou l'absence de signification...)de ces données. De ce double point de vueles résultats présentés ici seraient critiquables, s'ilne s'agissait d'une pré-enquête destinée, en principe,à préparer une enquête plus éten<strong>du</strong>e.L'échantillon a été extrait <strong>du</strong> corpus de façon aléatoire,mais il s'agit d'un échantillon de textes <strong>et</strong> nond'un échantillon de phrases. C<strong>et</strong>te précision pourceux qui pensent qu'il pourrait y avoir des contraintescombinatoires, au moins à l'état de tendances,entre les constructions syntaxiques des phrases d'unmême texte. Dans d'autres usages de la langue celan'est pas inconcevable, on peut penser par exempleà un souci de variété con<strong>du</strong>isant à éviter la répétitionde certains schemes syntaxiques dans une rédactionpar exemple. Notre impression, toute subjective,est que de telles contraintes n'ont guèrejoué dans les textes <strong>du</strong> corpus <strong>et</strong> que l'on peut doncconsidérer l'échantillon extrait de ce corpus commeun échantillon de phrases.Mais on aurait tort, de considérer le corpus commereprésentatif de l'usage des enfants de sixième <strong>et</strong>de cinquième. Les textes qui le constituent n'ont étérecueillis que dans un seul établissement scolairede la région parisienne <strong>et</strong> selon une seule procé<strong>du</strong>re :« discours » relativement libre des enfants sur unthème, mais « discours » enregistré en classe, devantle magnétophone. Les moments de véritable dialogue,naturel <strong>et</strong> spontané, semblent avoir été relativementrares, même si les « discours » des uns <strong>et</strong> des autresse répondent parfois. Cela ressemble un peu, si l'onveut, à une tribune radiophonique entre hommespolitiques lorsque l'atmosphère n'est pas trop échauffée.C'est dire, en tout cas, que ce corpus est bienloin d'inclure pleinement les variables sociales <strong>et</strong>géographiques d'une part, de situation d'autre part.Bien enten<strong>du</strong> ces limitations ne sont pas critiquablesen elles-mêmes, surtout au stade d'une pré-enquête.Mais il est nécessaire de s'en souvenir pour ne paschercher à en faire trop dire aux chiffres fournis.Ils ne reflètent qu'un usage de la langue par certainsenfants, dans une certaine situation <strong>et</strong> on aurait tortde généraliser sans précautions les résultats obtenus,même à un usage analogue d'enfants de même niveauscolaire, à plus forte raison à une notion aussi floueque «la langue de l'enfant».L'échantillon est-il au moins d'une taille suffisantepour être représentatif <strong>du</strong> corpus dont il est issu ?Certains sondages nous invitent à répondre affirmativementmais l'idéal serait évidemment de pouvoirmener une nouvelle enquête sur un autre échantillonde même taille, extrait <strong>du</strong> même corpus <strong>et</strong> decomparer les résultats.En ce qui concerne la définition des variables (fonctions,classes, <strong>et</strong>c.), leur identification <strong>et</strong> leur codage,plusieurs problèmes peuvent être soulevés.L'analyse des phrases a été codée « à la main » surcartes pré-perforées. L'ampleur de ce travail de codage(quatre-vingt mille perforations environ) acon<strong>du</strong>it à répartir la tâche entre deux personnes,Danièle Manesse <strong>et</strong> l'auteur de ces lignes, qui nepouvaient toujours travailler ensemble. L'informationportée par les perforations résultant de l'analysede chaque unité syntaxique a ensuite été recopiéeautomatiquement <strong>et</strong> mise en machine. Il est bienévident que chacun des maillons de c<strong>et</strong>te chaîne, <strong>et</strong>notamment le premier, celui de l'analyse <strong>et</strong> <strong>du</strong> codagemanuel, est une source possible d'erreurs. Certainesde ces erreurs peuvent être facilement corrigéeslors de l'édition des résultats par l'ordinateurmais d'autres nous ont sans doute échappé. Ces erreurssont inévitables. La seule façon de les pallierserait de disposer d'une procé<strong>du</strong>re d'analyse automatique,procé<strong>du</strong>re dont l'existence est ren<strong>du</strong>e problématiquepar l'existence de faits d'ambiguïté <strong>et</strong>qui est de toute façon très difficile à m<strong>et</strong>tre aupoint, notamment dans un codage qui se limite à lasyntaxe sans faire intervenir, pour le moment, lelexique (1). Le remède risquerait, en l'occurrence,d'être pire que le mal.Une autre critique pourrait porter sur la grille d'analyseelle-même <strong>et</strong> sur la finesse <strong>du</strong> crible qu'ellepose sur l'échantillon. Pourquoi avoir r<strong>et</strong>enu unevariable « classe » de l'unité syntaxique ? Les classesque nous considérons ne constituent pas, <strong>du</strong>point de vue fonctionaliste, un donné a priori <strong>et</strong> laclassification ne devrait être qu'un des résultats del'examen des latitudes <strong>fonctionnelle</strong>s des unités <strong>linguistique</strong>s.La réponse est évidemment que nousn'étudions pas la langue <strong>du</strong> corpus comme un linguistepourrait faire l'étude d'une langue jamaisdécrite <strong>et</strong> dont il ne sait rien a priori, mais parcomparaison, en partant <strong>du</strong> cadre fourni par l'analyse<strong>fonctionnelle</strong> <strong>du</strong> français « normal ». Ce n'est(1) On trouve une description détaillée d'une procé<strong>du</strong>red'analyse automatique fondée sur le distributionalisme deHarris dans : Morris SALKOFF, Une grammaire en chaîne<strong>du</strong> français, analyse distributionnelle, Dunod, Paris, XIII-199 p.150


qu'à partir de là qu'une exploitation pédagogiqueultérieure sera possible. Pour simplifier, disons quesi un écart se marque entre le comportement fonctionnelde classes <strong>du</strong> corpus <strong>et</strong> le comportement fonctionnelde oes mêmes classes en français « normal», c'est qu'on n'a pas affaire, stricto sensu, auxmêmes classes, mais <strong>du</strong> même coup est mis en évidenceun champ possible pour l'action pédagogique.Un autre problème est celui de la finesse de la grilled'analyse <strong>et</strong> notamment, là encore, de l'inventairedes différentes classes r<strong>et</strong>enues. Certes, c<strong>et</strong>te grilleest loin d'être parfaite : peut-être la distinction d'uncertain type de substantifs déverbatifs serait-elleplus utile que la distinction entre noms animés <strong>et</strong>inanimés ou entre toponymes <strong>et</strong> anthroponymes, <strong>et</strong>c.Ce sont des questions qu'il faudra résoudre <strong>et</strong> lesprogrès dans la connaissance des mécanismes <strong>du</strong>français, progrès auxquels contribuent toutes les écoles<strong>linguistique</strong>s, devraient nous aider à répondre àces questions. Ce qui est certain c'est qu'il est possible,en poussant plus loin l'analyse <strong>fonctionnelle</strong><strong>du</strong> français, de multiplier les classes d'unités <strong>linguistique</strong>s.C<strong>et</strong>te étude est indispensable. Mais elleimplique une multiplication des critères définitoiresdes classes. Dès lors, la possibilité de vérifier laconformité ou la non conformité <strong>du</strong> comportementd'une classe dans le corpus par rapport au français« normal » s'amenuise. Lia probabilité de trouverréunis tous les critères se fait très faible. Ou alorson est con<strong>du</strong>it à augmenter considérablement la taille<strong>du</strong> corpus.Nous touchons là un autre problème, plus général.Il semble bien que ce que l'on puisse attendre d'uneétude sur un corpus qui ne soit pas démesuré, c'estune bonne représentation des faits fréquents, unevue d'ensemble si l'on veut. L'analyse fine gagne àutiliser d'autres méthodes (questionnaires, tests,<strong>et</strong>c.) dont l'élaboration reste d'ailleurs partiellementà faire. Dès lors il n'est pas sûr que l'on ait intérêtà multiplier considérablement les variables prévuespar la grille d'analyse.Les résultats présentés ci-dessus illustrent bien cesréflexions. Très souvent 80 % des réponses à unequestion ne font intervenir qu'une variable ou unregroupement homogène de variables, par exemplela classe des noms. C'est intéressant, mais (les 20 %restants ne le sont pas moins. Or ils se répartissentgénéralement sur un plus grand nombre de variables,les effectifs de réponses par variable deviennenttrès faibles <strong>et</strong> l'interprétation difficile. Les critiquesde certains linguistes sur le corpus comme base de ladescription sont peut-être théoriquement fragilesdans une perspective structuraliste, elles n'en sontpas moins pratiquement fondées <strong>et</strong> pertinentes, parcequ'il n'est guère possible d'exploiter effectivementun corpus très considérable. L'utilisation d'un ordinateurest bien enten<strong>du</strong> un puissant secours pourl'étude de la combinatoire des unités, mais elle suppos<strong>et</strong>oujours l'analyse préalable de ces unités <strong>et</strong> lecodage de c<strong>et</strong>te analyse, opérations dans lesquellesc'est la vitesse de travail de l'homme qui intervient,non celle de la machine.Un dernier point enfin, concernant la significationdes résultats obtenus. Assurément les données numériquesdécrivant l'échantillon <strong>du</strong> corpus sont intéressantesen elles-mêmes. Elles n'ont d'ailleurs pas étéintégralement exploitées ici, pour ce qui concerneleur signification, puisque nous nous sommes tenuà quelques dénombrements sans présenter de véritabl<strong>et</strong>raitement statistique. Mais une part importantede c<strong>et</strong>te signification nous échappe par manquede bases de comparaison, c'est-à-dire par manqued'études quantitatives analogues ou au moins comparables,portant sur des populations différentes, d'autresniveaux de langue, <strong>et</strong>c. Ce n'est pourtant quelorsque nous disposerons de recherches de ce typeque l'outil puissant d'analyse offert par la statistiquepourra être pleinement utilisé. Ce n'est qu'alorsque nous pourrons préciser quelles sont les caractéristiquesnumériques <strong>du</strong> corpus — s'il y en a —qui lui sont propres. Pour le moment, nous ensommes ré<strong>du</strong>it à des impressions plus ou moins subjectives<strong>et</strong> à quelques sondages dans des corpus déjàpubliés, ceux-ci étant d'ailleurs trop peu nombreux(1).IV.PROPOSITIONSBien loin d'un jugement d'ensemble négatif il noussemble que ces critiques devraient au contrairecon<strong>du</strong>ire à encourager le passage de la pré-enquête(1) Voir le corpus joint à l'ouvrage de W. ZWANEN-BURG, Recherches sur la prosodie de la langue française,Universitaire Pers Leiden, Leyde, 1965, 136 p. <strong>et</strong> DeniseFRANÇOIS, Français parlé, analyse des unités phoniques<strong>et</strong> significatives d'un corpus recueilli dans la région parisienne,Société d'Etudes Linguistiques <strong>et</strong> Anthropologiquesde France, N° spécial 2, Paris, 1974, 842 p.151


à une enquête à plus grande échelle qui tiendracompte de paramètres supplémentaires <strong>et</strong> bénéficiera,théoriquement <strong>et</strong> pratiquement, des insuffisancescomme des acquis de c<strong>et</strong>te pré-enquête.D'un point de vue pratique il est absolument nécessaired'éliminer la phase de perforation des cartespar ceux qui effectuent l'analyse. Les chiffres correspondantaux différentes variables seront transcritsdirectement =ur des feuilles spéciales représentantles zones d'une carte perforée, les cartes perforéeselles-mêmes seront préparées ensuite, à partirde ces feuilles, par des spécialistes travaillant avecune machine. Cela revient évidemment à ajouter unmaillon, <strong>et</strong> un maillon « humain », à la chaîne àlaquelle il a été fait allusion, mais la perforation à lamain de cartes pré-perforées est un travail beaucouptrop long (<strong>et</strong> fastidieux...) pour une enquête surun corpus important. Par ailleurs une p<strong>et</strong>ite augmentationde la marge d'erreur sera sans gravitési le corpus augmente considérablement.Il serait bon également d'établir le plus strictementpossible, à partir de l'expérience acquise, la listedes critères de reconnaissance des variables, mêmes'il semble douteux qu'on puisse jamais confier l<strong>et</strong>ravail d'analyse à des gens qui ne seraient pas plusou moins grammairiens ou linguistes.Sur certains points la grille d'analyse est peut-êtrepartiellement à revoir. II pourrait être utile, parexemple, de distinguer l'épithète antéposée de l'épithètepostposée, non pour l'analyse d'un corpus telque le nôtre, où les épithètes sont rares, mais dansla perspective d'une extension à un corpus de languelittéraire. Distinguer de la fonction obj<strong>et</strong>, l'obj<strong>et</strong> dit« interne » des verbes intransitifs serait peut-êtreintéressant.Du point de vue des classes, la catégorie des indicateursde fonction conjomctifs est par trop grossière.Il faudrait au moins considérer à part le si conditionnel.Pour les modalités verbales, il serait bon de distinguerl'apparition d'un subjonctif résultant d'un choix<strong>du</strong> locuteur (dans une relative par exemple) dessubjonctifs qui apparaissent (en principe...) automatiquementdans certains contextes (après avant que,par exemple).L'analyse de la position des éléments dans la phrasepourrait aussi être considérablement améliorée endoublant le système actuellement utilisé par deuxindications qui ne concerneraient que les fonctionsprimaires de la phrase. Une numérotation rendraitcompte de l'ordre d'apparition des fonctions primairesen partant <strong>du</strong> début de la phrase, une autreprendrait comme point d'origine le verbe, la positiondes fonctions primaires précédentes pouvant êtrecodée par des chiffres négatifs, celle des fonctionsprimaires suivantes par des chiffres positifs. Onaurait alors une base de comparaison intéressanteavec l'étude de Jean-Claude Corbeil citée plus haut.Enfin, le traitement de la coordination effectué jusqu'icin'est pas entièrement satisfaisant. Nous avonsindiqué, pour chaque unité syntaxique, si elle étaitou non coordonnée, en distinguant plusieurs types decoordination (avec ¡coordonnant ; sans marque ; coordinationpar reprise). Mais cela ne suffit pas pcursavoir quels sont les termes unis par une coordination.Il faudrait prévoir l'indication de la classe del'unité avec laquelle l'unité analysée est coordonnée.La « récursivité », comme on dit, de la coordinationpose de toute façon des problèmes : on ne peut savoirà l'avance combien d'éléments seront coordonnés,donc combien il faut réserver de zones sur la carteperforée pour l'analyse de ces rapports. On a là unelimitation qui tient à l'outil de traitement, c'est-àdireà l'ordinateur. De telles limitations sont raresmais pas totalement absentes comme on voit. Dansce cas particulier, une façon de s'en tirer serait dedistinguer les types de coordination des caractéristiquesdes termes coordonnés. Il est facile d'indiquercombien de types généraux de rapports coordinatifsune unité syntaxique entr<strong>et</strong>ient dans une phrase.On se limiterait, en ce qui concerne l'indication descaractéristiques de classe, à l'élément précédent <strong>et</strong>à l'élément suivant l'unité analysée, dans le casd'une série de termes coordonnés. Ainsi dans lesyntagme « Le corbeau, la gazelle, la tortue <strong>et</strong> lerat... » (1) on indiquerait dans l'analyse de la tortuedeux coordinations sans marque <strong>et</strong> une coordinationavec coordonnant mais on ne préciserait la classeque de la gazelle <strong>et</strong> de le rat. Une autre solution,moins économique, consiste à prévoir un nombreélevé de zones pour le codage détaillé de tous lesrapports coordinatifs, nombre supérieur à ce que l'onpeut raisonnablement considérer comme la limitevraisemblable de ce type de chaîne d'éléments coordonnés(m<strong>et</strong>tons dix ou quinze).L'indication <strong>du</strong> lexeme qui constitue le noyau del'unité syntaxique analysée constituerait aussi une(1) LA FONTAINE, Fables, XII, 15.152


amélioration notable de ce travail. Ce codage estd'autant plus simple qu'il est inutile de faire figurerles modalités nominales <strong>et</strong> verbales. Pour une phrasecomme « Tous ses amis n'étaient pas venus » ilsuffirait de coder AMI <strong>et</strong> VENIR. On pourrait ensuitepartir des lexemes, si le corpus est suffisant,pour étudier leurs latitudes <strong>fonctionnelle</strong>s <strong>et</strong> combinatoires,le lexique rejoignant alors la syntaxe.Dans la perspective d'une extension de l'enquête ilfaudra encore prévoir le codage de diverses variablessocio-géographiques, de situation, de «style», <strong>et</strong>c.,domaines pour lesquels il n'existe guère de typologierigoureuse mais qu'il est néanmoins indispensabled'intégrer à l'enquête.Enfin, les résultats obtenus jusqu'à présent nous ontdonné l'idée de divers traitements statistiques à fairesubir aux données numériques brutes pour précisercertaines caractéristiques numériques <strong>du</strong> corpus ouvérifier certaines hypothèses. Ces calculs statistiquesse font actuellement «à la main». Mais certainsd'entre eux, particulièrement généraux, pourraientêtre prévus à l'avance <strong>et</strong> programmés. L'ordinateurles effectuerait alors automatiquement sur tous lescorpus qui lui seraient soumis. On passerait ainsi àun niveau supérieur d'utilisation de la machine, quin'a pour le moment servi qu'à des opérations d<strong>et</strong>ri <strong>et</strong> de dénombrement fastidieuses mais tout à faitsimples.Ces perspectives sont quelque peu futuristes... Mais,après tout, on s'est bien décidé à traiter de façonpartiellement automatique le lexique de la languefrançaise (1), il n'est pas interdit d'espérer qu'unjour on utilisera les mêmes méthodes pour la syntaxe.Malgré les complications beaucoup plus considérablesprésentées par c<strong>et</strong>te étude, au niveau <strong>du</strong>traitement automatique en tout cas, les résultats enseraient certainement tout aussi passionnants <strong>et</strong> toutaussi utiles.Certes, la diversité des conceptions théoriques estici un obstacle. Une réponse un peu polémique nepourrait être possible qu'en ce qui concerne au moinsle courant dit transformationnel. Ses partisans ontsuffisamment critiqué les entreprises de statistique<strong>linguistique</strong> pour qu'on puisse supposer qu'ils trouveraientde toute façon peu d'intérêt à c<strong>et</strong>te recherche.Plus sérieusement, la théorie <strong>fonctionnelle</strong>qui sert ici de base à l'analyse nous semble disposerd'un avantage sur d'autres conceptions (Tesnière,Chomsky...) de par son caractère extrêmementcompréhensif <strong>et</strong> son accessibilité.L'analyse présentée ici ne traite que de ce que lestransformationalistes considèrent comme la structuresuperficielle, mais on pourrait envisager de doublerc<strong>et</strong>te analyse <strong>et</strong> son codage, <strong>du</strong> codage <strong>du</strong> cycl<strong>et</strong>ransformationnel qui tra<strong>du</strong>irait le passage de lastructure profonde à la structure superficielle.Le codage <strong>du</strong> lexique devrait également être accompagnéd'un dictionnaire sémantique, inspirépeut-être de celui qu'élabore Morris Salkoff pouraccompagner <strong>et</strong> perfectionner son programme d'analyseautomatique (2).Qu'on ne se méprenne pas sur le sens de ces propositions.Il ne s'agit nullement d'une synthèse deconceptions <strong>linguistique</strong>s qui sont, sur des pointsthéoriques fondamentaux, inconciliables. Mais uneanalyse un peu complète de la syntaxe <strong>du</strong> français<strong>et</strong> de ses caractéristiques statistiques est une entreprisede très grande ampleur <strong>et</strong>... onéreuse. Il neserait pas raisonnable qu'un seul courant <strong>linguistique</strong>puisse disposer un jour de tous les moyens quiseront nécessaires. Un r<strong>et</strong>our aux catégories <strong>et</strong> analysesde la grammaire traditionnelle, connue de tous,ne satisferait néanmoins personne. Dès lors la seulesolution, si l'on ne veut pas attendre une hypothétiqueconvergence des théories <strong>linguistique</strong>s, restede composer <strong>et</strong>, pour c<strong>et</strong>te étude particulière, de travaillerensemble.Pour le moment, <strong>et</strong> plus modestement, nous espéronssimplement pouvoir disposer des moyens nécessairespour passer de la pré-enquête, aujourd'huien voie d'achèvement, à une enquête plus éten<strong>du</strong>e.(1) Cf. la brochure consacrée par le CN.R.S. au Trésorde la Langue Française en cours de publication (CN.R.S.,Paris, 1967, 48 p.) ou encore : Robert MARTIN, Le Trésorde la Langue Française <strong>et</strong> la méthode lexicographique,Langue Française, 2, mai 1969, Larousse, Paris, p. 44-55.(2) Morris SALKOFF, Une grammaire en chaîne <strong>du</strong> français,analyse distributionnelle, Dunod, Paris, XIII-199 p.153


A PROPOS DE LA NORME :REMARQUESSUR L'EMPLOI DES PARTICIPESEN APPOSITIONMARYSE MAHMOUDIAN-RENARDPARIS VDENISE TESS1ERC.E.G. P. ELUARD, BRETIGNY-SUR-ORGE


Arrivé à leur hauteur une bribe de leur conversationme parvint...Lors de discussions à des cours d'initiation à la <strong>linguistique</strong>,l'utilisation des participes en appositionpar les élèves a souvent été présentée, par des enseignantsde français <strong>du</strong> second degré comme fréquente<strong>et</strong> ne correspondant pas à la norme dans laplupart des cas. Ces remarques nous ont con<strong>du</strong>its ànous intéresser à c<strong>et</strong>te structure sans qu'une recherchesystématique soit entreprise dans le cadre <strong>du</strong>groupe de <strong>linguistique</strong> <strong>fonctionnelle</strong>. Une telle recherchenous perm<strong>et</strong>trait entre autres de déterminerobjectivement la fréquence d'emploi de c<strong>et</strong>te structure,à l'oral, à l'écrit <strong>et</strong> selon les registres. Lescorpus oraux recueillis dans le l or degré <strong>du</strong> secondcycle <strong>et</strong> dépouillés pour l'étude d'autres problèmesne présentent pas c<strong>et</strong>te structure. Par ailleurs, lesenseignants qui estimaient c<strong>et</strong>te structure fréquenteà l'écrit n'ont pu finalement présenter qu'un nombrerestreint d'exemples. La fréquence réelle d'emploide c<strong>et</strong>te structure reste donc à vérifier.Tous les exemples recueillis sont extraits de copiesd'élèves. Nous n'avons pas d'exemples à l'oral. Nousen avons conclu que l'emploi de c<strong>et</strong>te structure caractérisaitl'usage écrit de la langue <strong>et</strong> pouvait êtresenti par les élèves comme la marque d'une recherche,d'un registre plus élaboré. Deux observationsappuient c<strong>et</strong>te hypothèse. D'une part les phrases quiprésentent ces structures présentent aussi assez souventd'autres traits indiquant une recherche : emploi<strong>du</strong> passé simple, lexique qui n'est pas celui de l'oral :exemples :— En passant devant la loge de la concierge celle-cim'interpella.— Douill<strong>et</strong>tement allongée, le tic-tac <strong>du</strong> réveil mesort <strong>du</strong> royaume des songes.D'autre part il est extrêmement rare de rencontrerà l'oral une phrase commençant par une expansion.L'étude récente d'un enregistrement d'élèves de 4 e<strong>et</strong> 3 e montre que la totalité des 250 énoncés verbauxprésente la structure suj<strong>et</strong> -f- verbe, le suj<strong>et</strong> étant lepremier élément de la phrase. On peut donc penserque le désir de bien écrire entraîne certains élèvesà recourir à l'utilisation <strong>du</strong> participe en appositionau début de la phrase.L'emploi de c<strong>et</strong>te structure est peut-être choisi pourrompre la monotonie d'une succession de phrasessuj<strong>et</strong>-verbe. Un des contenus possibles de l'énoncé :Ne sachant pas où nous en étions, le professeur memit une observation (5 e ), pourrait être transmis pardeux énoncés simples : Nous ne savions pas où nousen étions (ou on ne savait pas ou on en était). Leprofesseur me mit une observation.On peut aussi penser que l'utilisation <strong>du</strong> participereprésente une simplification par rapport à l'utilisationd'un indicateur de relation conjonctif + formeverbale conjuguée, qui pourrait être faite dans cecas. Par exemple : En arrivant chez lui sa mèrem'ouvrit la porte, représenterait une simplificationpar rapport à Lorsque j'arrivai chez lui sa mèrem'ouvrit la porte.Elaboration ou simplification, cela dépend sans doute<strong>du</strong> degré de maîtrise de la langue par les élèves.L'insistance que l'enseignant m<strong>et</strong>tra sur l'acquisitionde c<strong>et</strong>te structure sera fonction de oe degré demaîtrise. Le degré d'élaboration d'un message nedoit pas intervenir quand il faut encore apprendreà transm<strong>et</strong>tre un message de façon à ce qu'il soitcompris. Le problème est différent si l'on cherche àenrichir le maniement de la langue. Dans ce casqu'est-ce qui rend l'emploi <strong>du</strong> participe en appositionsi périlleux ? Les enseignants qui regr<strong>et</strong>tentl'emploi fautif <strong>du</strong> participe en apposition évoquentla règle qui veut que le participe apposé se rapporteau suj<strong>et</strong> de la proposition principale. Règle inspiréeà Vaugelas pour remédier au manque de clarté quipouvait découler de la liberté d'accord qui existaitalors. On trouve c<strong>et</strong>te règle exprimée dans toutesa rigueur par Galich<strong>et</strong> {Grammaire française expliquée,4 e -3 e , 1965, p. 120). «Quand l'infinitif<strong>et</strong> le participe n'ont pas de suj<strong>et</strong> en propre, ils doiventavoir le même suj<strong>et</strong> que le verbe dont ilsdépendent. » Nous n'avons pas trouvé c<strong>et</strong>te règledans le livre pour les 6 e -5\ Notons au passage laconfusion entre syntaxe <strong>et</strong> sémantique qui fait rechercherun suj<strong>et</strong> pour le participe apposé alorsqu'en fait c'est d'un agent qu'il s'agit. Le rapportqui unit le participe apposé à son noyau est un rapportde détermination <strong>et</strong> non un rapport essentielcomme celui qui unit le suj<strong>et</strong> <strong>et</strong> le prédicat. Parlerde suj<strong>et</strong> <strong>du</strong> participe montre que l'on identifie lafonction suj<strong>et</strong> à un de ses signifiés possibles, parlerde suj<strong>et</strong> sous-enten<strong>du</strong> semble ici un abus de langage.En fait c<strong>et</strong>te question n'est vraiment abordée quedans les ouvrages qui ne sont pas destinés aux élèves.Dans ces ouvrages la règle est beaucoup moinscontraignante. Cf. Grammaire <strong>du</strong> français contemporain,Larousse, 1964. « Comme ces verbes sontà un mode impersonnel (infinitif <strong>et</strong> participe) ilsn'ont pas de suj<strong>et</strong> exprimé : « le suj<strong>et</strong> de leur action157


est obligatoirement le même que celui <strong>du</strong> verbeprincipal sauf pour le participe qui peut se rapporterà un autre mot, quand aucune équivoquen'est possible». Plus loin, p. 129, est présenté ledanger de c<strong>et</strong>te structure qui « perm<strong>et</strong> à l'usagerde laisser sa pensée dans l'indécision ». Grévisse(Le Bon usage, Hatier, Paris) tout en remarquantque les grammairiens condamnent c<strong>et</strong>te latitude estimepour sa part que : « la liberté de constructioncomme à l'époque classique peut se justifier pourvuque la phrase ne soit ni équivoque ni obscure »,p. 738.Ainsi la norme arbitrairement fixée par Vaugelasconnaît des assouplissements qui perm<strong>et</strong>tent auxbons auteurs de conserver la liberté des siècles classiques.Les élèves qui plus ou moins consciemmentusent de c<strong>et</strong>te liberté franchissent, semble-t-il, tropsouvent l'indéfinissable limite qui sépare la hardiessede style de la vulgaire faute ou de la maladresse.Peu d'enseignants appliquent la règle dans son acceptionla plus stricte, mais un p<strong>et</strong>it test que nousavons présenté à un groupe restreint montre quel'intuition des enseignants <strong>et</strong> leurs réactions varientquant à l'acceptabilité des phrases qui leur sontproposées.Nous avons proposé à quinze enseignants de françaisappartenant au groupe de recherche, huit phrasesprésentant la structure étudiée ici. Aucune de cesphrases ne correspond à la norme « étroite ». Toutesces phrases sont compréhensibles. Les six premièresphrases sont extraites de copies d'élèves, les deuxdernières sont de La Fontaine <strong>et</strong> Corneille. La provenancedes phrases ne figurait pas sur la feuilledistribuée aux enseignants. Les phrases sont les suivantes:1 - Arrivés quai Saint-Michel, le temps était maussade.2 - Arrivés en haut, le guide nous indiqua le fondde la salle.3 - Douill<strong>et</strong>tement allongée, le tic-tac monotone <strong>du</strong>réveil me sort <strong>du</strong> royaume des songes.4 - Assis par terre, un pich<strong>et</strong> de cidre nous désaltéra.5 - Passant près d'eux, Us m'interpellent.6 - Le métier qu'il a choisi n'est plus réalisable,étant devenu homme.7 - Etant devenu vieux, on le mit au moulin.8 - Près d'être enfermé par eux, sa fuite l'a sauvé.La question posée aux enseignants était la suivante :quelles sont les phrases que vous sanctionneriez auniveau de la troisième ? Sur les 120 réponses données,57 expriment un refus <strong>et</strong> 63 une acceptation.Aucune phrase n'a été acceptée par tout le monde ourej<strong>et</strong>ée par tout le monde.Phrase n"12345678Refusée768115104657Admise8974105119Les phrases les plus contestées sont les phrases 4<strong>et</strong> 6. La phrase 4 pro<strong>du</strong>it un eff<strong>et</strong> comique certain.On peut se demander quelles auraient été les réactionssi au lieu de assis... un pich<strong>et</strong>, nous avions euassises... un pich<strong>et</strong>..., le rôle de la morphologie rendantla détermination de pich<strong>et</strong> par assises tout àfait impossible <strong>et</strong> non plus seulement sémantiquementimprobable. Les phrases 5 <strong>et</strong> 7 sont les mieuxadmises, remarquons que 7 <strong>et</strong> 6 présentent la mêmeforme <strong>du</strong> participe : (6) étant devenu (homme),(7) étant devenu (vieux). La place <strong>du</strong> participedans la phrase a-t-elle été le critère déterminant <strong>du</strong>rej<strong>et</strong> de (6) qui a été qualifiée de «maladroite».La phrase : Etant devenu homme, le métier qu'il achoisi n'est plus réalisable, aurait été mieux acceptée.Tout ceci montre que dans une zone peu structuréecomme celle-ci les critères d'appréciation restent enfin de compte très subjectifs. Examinons quelquesexemples.La littérature <strong>du</strong> XVII e au XX e siècle nous fournitune multitude d'exemples où la construction apparaîttrès libre.1. Souvent, le rapport syntaxique «participe (ouadjectif)/suj<strong>et</strong> principal » se trouve déplacé au profitd'éléments fonctionnels de l'énoncé autre que lesuj<strong>et</strong> :63158


—• Sur l'obj<strong>et</strong> ;«... ; parisienne, <strong>et</strong> avide de remonter à Paris, on m<strong>et</strong>enait a priori en suspicion » (Simone de Beauvoir,La Force de l'âge, Gallimard).« Etant devenu vieux, on le mit au moulin » (LaFontaine, V 17, Le mul<strong>et</strong> se vantant de sa généalogie).« Collé au mur, quatre lignards fusillèrent le réfractaireà bout portant » (J. Bainville, Jaco <strong>et</strong> Lori).— A la fois sur le suj<strong>et</strong> <strong>et</strong> l'obj<strong>et</strong> :« Dans le marais entrés, notre bonne commère s'efforcede tirer son hôte au fond de l'eau » (La Fontaine,IV 11, La grenouille <strong>et</strong> le rat).— Sur un syntagme pronominal :« Trop occupés d'une nature de convention, la vraienature nous échappe» (Chateaubriand, Le génie <strong>du</strong>Christianisme).2. Quelquefois, le noyau auquel se rapporte l'élémentapposé ne figure pas en tant que tel dansl'énoncé mais est suggéré par un déterminant, généralementun adjectif possessif :« Et pleures <strong>du</strong> vieillard, il grava sur leur marbrece que je viens de raconter » (La Fontaine, X 18, Levieillard <strong>et</strong> les trois jeunes hommes).« Plongé dans une demi-somnolence, toute ma jeunesserepassait en mes souvenirs » (Gérard de Nerval,Sylvie).3. Même, dans certains cas, le point d'incidence nefigure plus dans l'énoncé, il se trouve quelque partdans le contexte, ou même, « dans l'esprit de l'écrivain<strong>et</strong> <strong>du</strong> lecteur » :(L'enfant...) « S'étant pris, dis-je, aux branches d'unsaule. Par c<strong>et</strong> endroit passe un maître d'école » (LaFontaine, I 19, L'enfant <strong>et</strong> le maître d'école).(Nous...) « A peine débarqués, le patron m'appela...» (A. Daud<strong>et</strong>, L<strong>et</strong>tres de mon moulin).Si le point d'incidence se déplace ainsi, un problèmese pose. Comment le récepteur <strong>du</strong> message va-t-ilrétablir le rapport pensé par l'ém<strong>et</strong>teur ? Ou plutôtcomment le peut-il ? Car, il est un fait, dans lamajorité des cas, la communication passe sans problème.C'est donc que certains éléments entrent enjeu, qui rendent impossible le rapport considéréhabituellement comme le plus logique, c'est-à-direavec le suj<strong>et</strong>.Prenons les exemples suivants :« Devenu noble par une charge, il ne lui manquaitque d'être homme de bien» (La Bruyère, VI 15).« Etant devenu vieux, on le mit au moulin » (LaFontaine, op. cit.).Les suj<strong>et</strong>s «on» <strong>et</strong> «il», indéfini <strong>et</strong> impersonnel,n'ayant aucune charge sémantique, le lecteur cherchel'élément de l'énoncé qui a le plus de chance d'êtrepoint d'incidence : « lui » <strong>et</strong> « le ».Il en est de même lorsque le suj<strong>et</strong> est un inanimé ouun nom abstrait :« Près d'être enfermé par eux, sa fuite l'a sauvé »(Corneille, Horace).« Mais enfin, succombant à ma mélancolieMon désespoir porta mes pas vers l'Italie » (Racine,Bérénice).Le participe exigeant un animé, la relation avec lesuj<strong>et</strong> est impossible <strong>et</strong> ceci même quand le pointd'incidence est suggéré par l'adjectif possessif.Donc, quand il y a incompatibilité sémantique entrel'élément apposé <strong>et</strong> le suj<strong>et</strong>, la relation s'établit avecun autre élément de l'énoncé sémantiquementcompatible.L'ambiguïté commence à se manifester quand lesuj<strong>et</strong> <strong>et</strong> l'autre élément point d'incidence <strong>du</strong> rapportont une valeur sémantique équivalente. Soitl'exemple suivant :« Car ayant changé de figureLes souris ne la craignaient point » (La Fontaine,II 18, La chatte métamorphosée en fille).Dans l'énoncé isolé, c'est le suj<strong>et</strong> qui apparaît commepoint d'incidence : les souris ont changé de figure.Or, le contexte nous apprend que c'est la chatte quis'est métamorphosée ; donc, « ayant changé de figure» ne peut se rapporter qu'à « la » (= la chatte).Ainsi c'est le contexte seul qui oblige à choisir lerapport avec l'obj<strong>et</strong>.On conçoit aisément que lorsque le contexte apporteune information très vague sinon nulle, le lecteur nepuisse trancher <strong>et</strong> l'ambiguïté subsiste.« Vous m'êtes en dormant un peu triste apparu. »Est-ce « moi dormant » ou « vous dormant » ? Lesdeux hypothèses ont une valeur équivalente dansl'esprit <strong>du</strong> lecteur.15»


Quand le deuxième terme de la relation ne figurepas dans l'énoncé les risques d'ambiguïté sont plusgrands encore <strong>et</strong> sont fonction de l'éloignement dece terme.Lors d'une p<strong>et</strong>ite enquête sur ce type « d'incorrection», trente cinq phrases ont été rassemblées, extraitesde copies d'élèves. La recherche <strong>du</strong> pointd'incidence aboutit au même classement que cidessus.La relation s'établit :1. Avec un élément de l'énoncé autre que le suj<strong>et</strong>:— Soit avec l'obj<strong>et</strong> :« Depuis toute p<strong>et</strong>ite, mes parents m'ont emmenéeau théâtre (élève de T C, 15 ans).« Ne sachant pas la leçon, le professeur m'a punie »(élève de 4°).— Soit avec un syntagme pronominal :« Arrivés en haut, le guide nous indiqua le fond dela salle » (élève de 3°).« Arrivé à leur hauteur, une bribe de leur conversationme parvint » (élève de 2 e M).2. Avec un élément suggéré par un adjectif possessif:« Levant nos skis l'un après l'autre avec difficulté,la première leçon commençait » (élève de 5 e ).« Ayant habité la montagne, il est normal que monpas;e-temps favori soit le ski » (élève de 3 e ).3. Avec un élément <strong>du</strong> contexte plus ou moinséloigné :(Les élèves...) « Arrivés sur le quai Saint-Michel,le temps était maussade » (élève de 3").(Ma mère...) « Tentée par une publicité, l'achatd'une paire de patins à roul<strong>et</strong>tes fut décidé » (élèvede 5 e ).Il est à remarquer que « arrivé » occupe une placede choix dans ces types de phrases. Sur les 35 phrasesrecueillies, 12 commencent par « arrivé », 5 autrespar des participes issus de verbes de mouvement(entrer, sortir, passer). Est-ce pur hasard ?On ne peut répondre, le corpus étant trop limité.La plupart <strong>du</strong> temps, la communication passe. Iln'y a aucun problème de compréhension lorsque larelation avec le suj<strong>et</strong> est sémantiquement impossible,c'est-à-dire lorsque celui-ci est un indéfini,un impersonnel, un inanimé ou un nom abstrait, <strong>et</strong>que le participe apposé ne peut déterminer qu'unanimé.« Arrivé à leur hauteur, une bribe de leur conversationme parvint. »« Voulant devenir professeur d'é<strong>du</strong>cation physique,il m'est possible de prendre une option sur un sportchoisi. »Mais l'ambiguïté commence lorsque le point d'incidencechoisi a une valeur sémantique équivalente àcelle <strong>du</strong> suj<strong>et</strong>.« Ne sachant pas où nous en étions, le professeurme mit une observation » (élève de 5 e ).Est-ce le professeur qui ne sait pas ou moi ?« En sortant, il me donne un bonbon » (élève de 5 e ).Est-ce « lui sortant » ou « moi sortant » ?L'ambiguïté ne peut être levée qu'avec le contexteà condition que celui-ci apporte une informationsuffisante. Les risques d'ambiguïté augmentent, lorsquele deuxième terme de la relation ne figure plusdans l'énoncé mais dans le contexte <strong>et</strong> ils sont évidemmentfonction de son éloignement.(«Les parents... ») En voyant tout ce désordre, lesdeux sœurs furent contraintes de ranger leur chambre.»Quelquefois, le rapport avec le suj<strong>et</strong> bien qu'impossiblesémantiquement <strong>et</strong> rej<strong>et</strong>é au profit d'un autreélément de l'énoncé, évoque dans l'esprit <strong>du</strong> lecteurune situation cocasse que l'auteur est généralementloin d'avoir voulu provoquer.« Assis par terre, un pich<strong>et</strong> de cidre nous désaltéra. »« Douill<strong>et</strong>tement allongée, le tic-tac <strong>du</strong> réveil mesort <strong>du</strong> royaume des songes. » (Elève de 4 e .)« Passant dans le couloir, le parqu<strong>et</strong> craque. » (Elèvede 4 e .)« Etant à bicycl<strong>et</strong>te, une vache m'a renversée. »Nous n'avons considéré ici que les participes enapposition, le même problème peut se poser lorsqu'unmonème d'une autre classe assume c<strong>et</strong>te fonction,ou encore lorsque le participe présent est accompagné<strong>du</strong> fonctionnel en.160


... ; <strong>et</strong> même, profiteur d'un régime que nouscondamnions, nous considérions ce beau mondecomme la lie de la terre (S. de Beauvoir, La forcede l'âge, Gallimard, p. 21-22).Il importe que chaque mutualiste prenne bienconscience qu'en ne modifiant pas la liste type desbénéficiaires, la M.G.E.N. est contrainte... de respecterl'ordre de priorité de la dite liste. (Bull<strong>et</strong>in de laM.G.E.N., n" 21, mars-avril 1974).L'emploi des participes en apposition ne fait sansdoute pas partie des structures essentielles au fonctionnementde la langue. Son étude ne doit intervenirque lorsque des structures plus fréquentes <strong>et</strong>importantes pour la constitution d'un message sontacquises. Par ailleurs si l'on cherche à établir lanorme à partir de l'observation de l'usage, la règlestricte qui impose au participe de ne déterminer quele suj<strong>et</strong> n'est pas satisfaisante. Enseigner une tellerègle est plutôt déroutant pour les élèves, compt<strong>et</strong>enu <strong>du</strong> nombre d'écarts rencontrés chez les bonsauteurs. Dans l'emploi de c<strong>et</strong>te structure ce ne sontpas tant les procé<strong>du</strong>res syntaxiques qui sont importantespour la compréhension <strong>du</strong> message que lesrapports sémantiques que l'on établit grâce aucontexte. C'est plutôt le contexte de la phrase quinous indique à quel noyau se rattache une apposition.La morphologie, dans le cas où l'élément apposéest variable, peut également favoriser la compréhension.Les critères sémantiques <strong>et</strong> morphologiquesqui dans l'étude d'une langue sont considérés commeaccessoires par rapport aux critères syntaxiques,jouent ici un rôle déterminant. Ceci ne va pas sansrisques d'incompréhension comme nous avons pu levoir. Enrichir le maniement de la langue ce ne serapas imposer une règle qui n'est pas généralementrespectée, mais, plutôt étudier les contextes qui rendentpossibles les variations autour de c<strong>et</strong>te règle.Une approche objective qui perm<strong>et</strong> de dégager unenorme de l'observation des usages montre combienest artificielle <strong>et</strong> sclérosée une présentation de lalangue sous forme d'un code de référence établi pardes « autorités ».161


CONTRIBUTION DE L'ÉTUDEDE L'AGRAMMATISME DES APHASIQUESA LA MISE AU POINTD'UNE PROGRESSION GRAMMATICALEJEAN-LUC NESPOULOUSUNIVERSITE TOULOUSE-LE MIRAIL


La réflexion sur la langue e-t, sans aucun doute, undes meilleurs moyens de la mieux connaître <strong>et</strong>, partant,de la mieux enseigner. Parler une langue nesuffit souvent plus, en eff<strong>et</strong>, dès lors qu'il s'agit del'enseigner. Les pédagogues l'ont bien compris, quis'intéressent, de plus en plus nombreux <strong>et</strong> de plusen plus près, aux diverses recherches menées parles linguistes ; ce va-<strong>et</strong>-vient, désormais intense <strong>et</strong>permanent, entre « théoriciens » <strong>et</strong> « praticiens »étant des plus fructueux pour tous.Un des multiples problèmes auxquel se heurtent lesdivers membres d'un groupe de recherche en « Linguistique<strong>et</strong> Pédagogie » réside dans la mise au pointd'une progression grammaticale susceptible destructurer au mieux l'<strong>enseignement</strong> de la langue.Dans c<strong>et</strong>te entreprise, rien ne doit être négligé quipuisse aider les enseignants à surmonter leurs difficultés.Le groupe de <strong>linguistique</strong> <strong>fonctionnelle</strong> del'I.N.R.D.P. s'est, dans ce but, particulièrement intéresséà l'étude <strong>du</strong> langage enfantin. L'analyse decorpus diversifiés a permis de mieux appréhenderla structure, ou plutôt les structurations successives,<strong>du</strong> langage enfantin ainsi que les types deconstructions syntaxiques les plus fréquemment utiliséspar l'enfant aux divers stades de l'acquisition<strong>et</strong> <strong>du</strong> développement <strong>du</strong> langage.La contribution que nous voudrions essayer d'apporterpersonnellement à l'élaboration d'une progressiongrammaticale s'appuie sur des travaux denature assez différente : l'étude des phénomènes dedéstructuration grammaticale chez certains aphasiques(1). Le nouvel apport descriptif que constituel'étude <strong>linguistique</strong> <strong>et</strong> psycho<strong>linguistique</strong> de l'»agrammatismedevrait perm<strong>et</strong>tre, soit de corroborer lesconclusions des études antérieures portant, par exemple,sur l'acquisition <strong>du</strong> langage par l'enfant, soit deles modifier quelque peu en apportant un peu de« sang nouveau » au vaste « réservoir » de donnéesqui alimente en permanence l'esprit <strong>du</strong> linguiste.I. Etude <strong>linguistique</strong> de l'agrammatismeLe but premier de notre travail de recherche résidaitdans la description d'un certain nombre de(1) NESPOULOUS J.-L., Approche <strong>linguistique</strong> de diversphénomènes d'agrammatisme, Thèse pour le Doctorat de3e cycle, Toulouse, 1973.pro<strong>du</strong>ctions verbales, qualifiées d'ordinaire d'agrammatiques<strong>et</strong> essentiellement observées jusqu'à présentchez certains malades, appartenant à certaines catégoriescliniques d'aphasiques. Il s'agissait pour nous,tout au moins dans un premier temps, de procéderà une analyse strictement <strong>linguistique</strong> ; c'est pourquoinous avons refusé d'adopter une démarchepsycho<strong>linguistique</strong> a priori, considérant que celle-cine pouvait venir qu'après qu'une étude descriptiveait été accomplie. Rem<strong>et</strong>tant donc à plus tard touteextrapolation interprétative, notre but immédiatconsistait à décrire les phénomènes, en essayant dene point les déformer.Une étude, à la fois qualitative <strong>et</strong> quantitative, nousa permis, d'une part, de recenser les éléments <strong>linguistique</strong>sdont le fonctionnement était perturbé dansle cadre <strong>du</strong> discours agrammatique <strong>et</strong>, d'autre part,d'évaluer, de façon aussi rigoureuse que possible, ledegré d'atteinte de chacun de ces éléments, les deuxopérations étant toujours menées de façon concomitante.Nous donnons ici les résultats de notre analysequantitative avant de tirer brièvement les <strong>enseignement</strong>squi s'imposent au vu de ces résultats :6789101112131415% de lexemes 58,5 %% de morphèmes 27,5 %% de substantifs 25,5 %% d'adjectifs qualificatifs 7,4 %% de verbes 15 %— % de verbes conjugués 44,5 %— % de verbes à l'infinitif 10,5 %— % de verbes au participe passésans auxiliaire 9,7 %% d'adverbes 11,5 %% d'ellipse <strong>du</strong> pronom personnel suj<strong>et</strong>36 %% d'ellipse des modalités nominales 41,5 %% d'ellipse des modalités verbales . . 57,5 %% d'ellipse des monèmes fonctionnels 49 %Longueur moyenne de la phrase ....6 unitésNombre moyen de propositions parphrase . 1,2% d'ellipse de l'actualisateur (suj<strong>et</strong>ou non) 54,7 %% d'ellipse <strong>du</strong> prédicat 35,5 %% d'ellipse de la relation predicative 41,5 %165


16 : coefficient de répétition d'un mêm<strong>et</strong>ype de structure syntaxique 2,9517 : % de phrases comportant un syntagmeen fonction obj<strong>et</strong> 42 %18 : % de phrases comportant un syntagmeautonome 71 %19 : % de messages à un seul élément . . 25 %Plusieurs constatations s'imposent à la lecture deces quelques résultats :• d'une part, tout élément grammatical, à présenceobligatoire dans le cadre <strong>du</strong> langage normal, estici, peu ou prou, atteint : suj<strong>et</strong>, prédicat, monèmefonctionnel, modalité, pronom personnel... Il n'estd'élément qui demeure épargné. L'agrammatisme,quoiqu'à des degrés divers, porte ses attaques surtous les fronts ;• d'autre part, la plupart des éléments « facultatifs »dans le cadre <strong>du</strong> langage normal (= les expansions)sont également touchés. Le «style», si l'on peutse perm<strong>et</strong>tre d'utiliser un tel vocable en pareil cas,est considérablement appauvri ; la complexité syntaxiquedes messages se trouve limitée à quelquesconstructions fort simples.Cependant, en dépit de toutes ces atteintes, malgréc<strong>et</strong>te déstructuration plus ou moins massive <strong>du</strong> discours,le langage agrammatique, quoique fort éloigné<strong>du</strong> langage normal, n'en assure pas moins la fonctionpremière <strong>du</strong> langage : la fonction de communication.Aussi, dans la mesure où le fonctionnement<strong>du</strong> canal de la communication est préservé, dansla mesure où le message, malgré ses « transformations», est décodé sans trop de difficultés par l'interlocuteur,ne peut-on pas poser l'hypothèse d'unesystématisation sous-jacente qui ferait de l'agrammatismeun système de communication d'un typeparticulier ? En fait, nous sommes d'autant plus enclinsà chercher dans c<strong>et</strong>te voie que les messagesagrammatiques ne sont pas l'apanage d'un type particulierde locuteurs. En eff<strong>et</strong>, enfants, malades, étrangersau premier stade de l'acquisition <strong>du</strong> français...les utilisent. Ces phénomènes de récurrence nouspoussent à négliger, dans un premier temps, les différencesde nature existant entre ces divers locuteurs<strong>et</strong> à n'examiner que le fonctionnement des mécanismesformels mis en jeu en vue de I'engendrementde messages agrammatiques, quasiment identiques.Dès lors, pourquoi refuser à l'agrammatisme, outilde communication, parlé par bon nombre d'indivi<strong>du</strong>s,le statut de système de communication ?Mais dire que l'agrammatisme constitue un systèmede communication, ce n'est cependant pas lui ôterson caractère «anormal». Il ne s'agit aucunementde prétendre en particulier que les aphasiques atteintsd'agrammatisme sont des indivi<strong>du</strong>s normaux.Il ne serait pas sérieux de nier les évidentes altérationsde leurs systèmes cérébraux. Il convientsimplement de constater l'efficacité <strong>du</strong> discoursagrammatique en matière de communication, unecaractéristique qui le démarque très n<strong>et</strong>tement parrapport au «jargon sémantique». Agrammatismen'est donc pas synonyme d'anarchie : les perturbationsne portent pas au hasard sur n'importe quelélément <strong>linguistique</strong> car, s'il en était ainsi, l'intercommunicationserait sans aucun doute lourdementperturbée.Toutefois, il est, d'emblée, fort clair que c<strong>et</strong>te systématisationdans les éléments atteints n'est pas absolue: tel élément qui est ici omis sera utilisé ailleurs.On entrevoit dès lors l'étroite dépendancede l'agrammatisme vis-à-vis <strong>du</strong> contexte <strong>et</strong> de la situation.Malgré cela, on remarque la constance d'ensembled'un certain nombre de phénomènes dans lediscours agrammatique en situation : certains élémentssont quasiment toujours « inutiles » d'où lagrande fréquence de leur omission ; certains autres,au contraire, suivant la situation, pourront être « utiles» <strong>et</strong> seront, par conséquent, moins perturbés.Ne sont omis que des éléments qui peuvent l'être :o soit parce que leur présence eut été redondanteau sens de la théorie de l'information,o soit parce qu'ils ont pu être remplacés par un gesteou une mimique significative,• soit parce que leurs referents concr<strong>et</strong>s sont présentsdans la situation <strong>et</strong> donc normalement perçusà la fois par d'encodeur <strong>et</strong> le décodeur,• soit parce qu'il existe entre les partenaires de l'actede communication un certain degré de connivencequi rend possible certaines ellipses dans le message<strong>linguistique</strong> lui-même. La théorie de l'informationest impuissante à rendre compte de ces trois dernierstypes de phénomènes.Considérons le schéma ci-dessous, représentant lesdifférents éléments à l'œuvre dans tout acte normalde communication, depuis le noyau (A), indispensable,jusqu'à la périphérie :166


A ce niveau, il semble bien que la première acquisitionà susciter chez l'enfant soit la relation predicativequi « libère la parole de la contrainte <strong>du</strong>hic <strong>et</strong> nunc <strong>et</strong> perm<strong>et</strong> [à l'enfant] de traiter des événementséloignés dans l'espace <strong>et</strong> dans le temps » (1).C<strong>et</strong>te acquisition nous paraît en eff<strong>et</strong> être seule àperm<strong>et</strong>tre l'apprentissage d'un nouveau type de discours,libéré des contingences situationnelles. Doitsuivre, aussi rapidement que possible, l'acquisitiondes relations <strong>fonctionnelle</strong>s les plus importantes,l'enfant devenant alors capable d'exprimer quasimenttout par le langage, in abstracto pourrait-ondire.II.De l'existence de divers types de discoursLe système <strong>linguistique</strong> de nos agrammatiques semblebien se situer en (B), pris entre l'écorce <strong>et</strong>l'arbre, entre, d'une part, l'énoncé minimum indépendantqui lui fait défaut dans bien des cas <strong>et</strong>,d'autre part, les éléments redondants qui sont, euxaussi, généralement absents.Il convient donc de perfectionner ce système <strong>et</strong>d'en faire un langage à part entière, en donnant lebranle à deux mouvements opposés, l'un vers lecentre, l'autre vers la périphérie. Ce problème n'estïlpas le même que celui qui se pose aux pédagoguesdont la mission est de développer le langage desélèves ?C<strong>et</strong>te étude nous montre quels sont les éléments quifont essentiellement défaut au locuteur agrammatique<strong>et</strong> dans quel ordre il conviendrait de les placerau sein d'une programmation grammaticale. Dansc<strong>et</strong>te entreprise, compte doit être tenu <strong>du</strong> degréd'atteinte des divers éléments grammaticaux chez lemalade ainsi que de la hiérarchie des fonctions tellequ'elle est exposée par A. Martin<strong>et</strong>. Pour la communicationin situ, la démarche pédagogique est relativementaisée tant il est vrai que le malade, de mêmeque le jeune enfant, se trouve, somme toute, assezpeu gêné dans ce cas. Par contre, si on délire aiderl'enfant ou le malade à sortir de ce registre situationnel,le seul qu'il possède vraiment, l'entreprisepédagogique se trouve considérablement compliquée.Une autre conclusion de notre étude nous semblepouvoir être utile pour la mise au point d'une progressiongrammaticale : l'importance <strong>du</strong> recours àla langue (monèmes, phonèmes, prosodèmes, syntaxe)est inversement proportionnelle à l'importance<strong>du</strong> recours aux facteurs extra-<strong>linguistique</strong>s de l'actede communication. C'est dire que tout encodage <strong>linguistique</strong>est un dosage entre l'explicite maximum(auquel on parvient surtout dans le style narratif)<strong>et</strong> l'implicite maximum : plus on utilise les facteursextra-<strong>linguistique</strong>s <strong>et</strong> plus on peut se montrer économeau niveau strictement <strong>linguistique</strong> <strong>et</strong> viceversa.Noter que ceci n'est qu'une faculté, une possibilité,<strong>et</strong> non point une obligation.On peut ainsi considérer l'existence de trois typesde discours fondamentaux :• Discours implicite, économique <strong>du</strong> point de vue<strong>linguistique</strong> mais très dépendant vis-à-vis de lasituation. Appartiennent à ce premier type de discours,le langage enfantin, le langage de certainsaphasiques, mais aussi un très grand nombre depro<strong>du</strong>ctions verbales émises en situation normalede dialogue. Le locuteur, dans ce type de message,concentre ses efforts d'encodage <strong>linguistique</strong> sur leséléments qui ne peuvent pas être présupposés connus<strong>du</strong> décodeur ou devinés par ce dernier.• Discours semi-explicite. On peut ranger dans c<strong>et</strong>tedeuxième catégorie, les pro<strong>du</strong>ctions verbales utilisantfréquemment des « embrayeurs », ces derniersétant des éléments n'ayant aucune valeur absoluedans la langue <strong>et</strong> demeurant donc extrêmement liés(1) JAKOBSON R., Essais de Linguistique Générale H,Paris, Ed. de Minuit, 1973, p. 88.167


au contexte ou à la situation dans laquelle ils sontemployés.• Discours explicite. Dans ce dernier cas, l'esientiel,sinon la totalité, <strong>du</strong> contenu de l'acte de communicationse trouve dans le message lui-même. « Lacommunication est réalisée par des moyens purement<strong>linguistique</strong>s» (1). Ce type de discours fleurit essentiellementdans le langage écrit mais il ne sauraitêtre l'apanage de ce dernier.Le discours implicite est, sans nul doute, le premierà être acquis par l'enfant ; il constitue, au momentoù commence la scolarisation, la langue de départque le pédagogue devra diversifier <strong>et</strong> développer.On devra donc se garder de combattre avec acharnementce discours situationnel ; on s'efforcera aucontraire de s'en servir comme base de départ pourl'élaboration d'une progression visant à développerles capacités <strong>linguistique</strong>s de l'enfant. Le langagesituationnel étant le « tremplin » perm<strong>et</strong>tant l'acquisitionultérieure d'un système de communicationà base strictement <strong>linguistique</strong>, il convient de s'enservir aussi comme tel dans le cadre de la démarchepédagogique. Enfin, il ne faut point oublier que c<strong>et</strong>ype de discours, loin d'avoir une existence éphémère,limitée à l'enfance, constitue un mode decommunication à part entière, ¡utilisé quotidiennementpar tout locuteur. Il ne faut donc point en faireun système mineur. Ce qui importe avant tout, c'estque l'enfant acquière les trois types de discours.Toute acquisition qui serait limitée à l'un ou l'autred'entre eux serait imparfaite puisqu'elle ne perm<strong>et</strong>traitpas au locuteur de s'exprimer en toutes circonstances: l'enfant, le malade, se trouvent forthandicapés précisément parce qu'ils ne possèdent,à un certain stade, qu'un seul système de communication.III.Types de discours <strong>et</strong> niveaux de langueCes deux notions ne doivent point être (confon<strong>du</strong>es.L'enfant doit acquérir non seulement les trois typesde discours que nous venons d'énumérer mais encoreles divers niveaux de langue correspondant aux diversessituations socio-culturelles, le locuteur optimumétant celui qui possède l'éventail de registres<strong>et</strong> de types discours le plus compl<strong>et</strong>. On se reportera,pour plus de détails sur ce point, à l'articlede Morteza Mahmoudian : Linguistique <strong>fonctionnelle</strong><strong>et</strong> <strong>enseignement</strong> de langue première (2).Nous voudrions pour notre part insister sur les conditionsdans lesquelles se déroulent, ou devraient sedérouler, l'acquisition de ces divers modes de communication,ce problème nous paraissant important <strong>du</strong>point de vue pédagogique.Le point de départ de la démarche pédagogique noussemble résider dans la prise de conscience par l'enfantde l'existence des divers niveaux de langue <strong>et</strong>des différents types de discours. De c<strong>et</strong>te prise deconscience dépend la motivation de l'enfant <strong>et</strong> sondésir de diversifier <strong>et</strong> d'enrichir son langage. Lepédagogue, pour sa part, doit aider l'enfant à effectuerc<strong>et</strong>te découverte, en ne se montrant point directif.Pour cela, partant de la langue « préalable » del'enfant, il pourra plonger ce dernier dans un bain<strong>linguistique</strong> diversifié, lui laissant, en quelque sorte,le soin de procéder aux premières observations, derepérer, par exemple, les premières oppositions existantentre son langage <strong>et</strong> celui auquel il se trouveà présent confronté. Le pédagogue devra s'efforcerde dégager clairement les corrélations existant entreles types de discours <strong>et</strong> les niveaux de langue d'unepart <strong>et</strong> les situations de communication d'autrepart. Ainsi, faisant varier les situations concrètes decommunication, le discours variera, afin de s'adapterau mieux à la situation donnée. Le lien entre langage<strong>et</strong> situation nous paraît d'une importance extrême<strong>du</strong> point de vue pédagogique dans la mesure oùil serait trop artificiel « d'enseigner » un niveau delangue à un enfant sans que ce dernier ne puisseappréhender clairement ses conditions d'utilisation.Ainsi, progressivement, l'enfant devra arriver à laconnaissance des divers types de discours <strong>et</strong> desdivers niveaux de langue tels qu'ils figurent sur l<strong>et</strong>ableau proposé par M. Mahmoudian dans l'articleque nous avons cité ci-dessus. La connaissance deces divers modes de communication peut, d'ailleurs,n'être que passive dans un premier temps, avantque l'enfant soit lui-même capable de réutiliser lesnouveaux outils <strong>linguistique</strong>s (lexicaux, grammaticaux)qu'il vient d'acquérir.En résumé, les variations <strong>linguistique</strong>s ne doiventpas être mises en place sans les variations situationnellesqui leur servent d'arrière-plan. On pro-(1) MARTINET A., Langue <strong>et</strong> Fonction, Paris, Denoël,1969, p. 77.(2) MAHMOUDIAN M., Linguistique <strong>fonctionnelle</strong> <strong>et</strong> <strong>enseignement</strong>de langue première in Recherches Pédagogiquesn" 57, I.N.R.D.P.168


posera le schéma suivant pour synthétiser quelquepeu la progression envisagée :I e "' niveau2" niveau3° niveau4 e niveau5 e niveauLangue préalable de l'enfant.Présentation de documents <strong>linguistique</strong>svariés, en m<strong>et</strong>tant en évidence lesrelations existant avec la situation decommunication. L'utilisation <strong>du</strong> magnétoscopeserait ici souhaitable pourque la situation soit presque immédiatementprésente aux enfants d'une manièreaussi réaliste, <strong>et</strong> donc aussi peuartificielle, que possible.Le visionnement de ces documents,voire la participation effective des enfantsà des situations de communicationanalogues, devrait déboucher surla prise de conscience de la richesse<strong>et</strong> de la variété de la langue. La premièreprise de conscience que le pédagoguedevrait essayer de favoriser étantcelle qui oppose au plan grammaticalle discours en situation au « discoursdéplacé ».Acquisition définitive <strong>et</strong> réutilisationspontanée des divers modes de communicationdans diverses situations. La situationsert alors de stimulus <strong>et</strong> doitentraîner l'utilisation d'un type de discoursparticulier :si situation + / langage —si situation — / langage -\-Enfin, mais plus tard dans le cursusscolaire, peut intervenir une réflexiondirecte <strong>et</strong> consciente sur la langue <strong>et</strong>ses diverses formes. C<strong>et</strong>te réflexionpeut être utile non seulement pour quele locuteur ait une meilleure connaissance<strong>du</strong> système <strong>linguistique</strong> dont ilse sert mais aussi, dans une perspectiveplus utilitariste, afin qu'il puisse perfectionnerses propres capacités decommunication.ConclusionLa langue est un instrument unique qu'il faut acquérirà travers ses multiples manifestations. Elleest, en cela, comparable à tout « prolongement technologiquede l'homme» (1), le marteau par exemple,dans la mesure où elle fait l'obj<strong>et</strong> d'une acquisitionnuancée, pondérée. Se servir d'un marteaude manière convenable implique de savoir adapterson utilisation aux circonstances dans lesquelles onse trouve : on ne frappe pas de la même manière surun gros clou ou sur une p<strong>et</strong>ite pointe, sur un muren béton ou sur une cloison en bois. Il en est demême <strong>du</strong> langage qui doit en permanence s'adapterà la situation de communication dans laquelle ildoit être employé.Dès lors, la question de savoir si les divers niveauxde langue <strong>et</strong> les divers types de discours doivent êtreconsidérés comme des entités distinctes très différentesimporte peu, au plan théorique : dire quele locuteur possède un seul outil dont il doit adapterl'utilisation chaque fois, ou qu'il a à sa dispositionplusieurs outils différents, chacun répondant à uneutilisation particulière, nous semble revenir exactementau même. Dans tous les cas, cela revient àreconnaître les multiples variations dont fait l'obj<strong>et</strong>la langue.***Notre exposé, suscité par nos travaux sur le langageagrammatique <strong>et</strong> les diverses circonstances deson utilisation, est demeuré volontairement bref <strong>et</strong>général. Certes, il convient d'essayer d'aboutir à lamise au point détaillée d'une progression rigoureusedans l'<strong>enseignement</strong> de la langue ; notre proposn'était pas là mais consistait plutôt à fournir à tousle fruit d'une analyse personnelle, portant sur unsuj<strong>et</strong> encore bien peu exploré par les linguistes(— la pathologie <strong>du</strong> langage), en espérant que lespédagogues puissent y trouver, en dépit <strong>du</strong> caractèresouvent disparate de notre présentation, certains élémentssusceptibles de les aider dans la mise au pointde leur démarche pédagogique.(1) Me LUHAN M., Pour comprendre les media.169


REPÉRAGE D'UN SEGMENTR. BEDUEC.E.S. DE PUY-L'EVEQUE


I. PrésentationL'<strong>enseignement</strong> traditionnel, en général, <strong>et</strong> grammatical,en particulier, con<strong>du</strong>isait à un cloisonnementdes disciplines. La mathématique des ensembles<strong>et</strong> l'approche de la phrase à partir <strong>du</strong> critère fonctionnelpeuvent-elles cheminer de concert ? En d'autrestermes, quels outils mathématiques peut-onutiliser <strong>et</strong> comment ?Rappelons qu'en mathématique on distingue desgrandeurs continues <strong>et</strong> des grandeurs « discrètes »,strictement isolées.II. La prosodie :les phénomènes supra-segmentaux - la fonctionLa priorité des priorités c'est l'intonation ou la mélodieque l'enfant saisira de façon gestuelle. A partird'une phrase <strong>et</strong> quel que soit le tour ou le type(énonciatif ou déclaratif, suspensif, interrogatif <strong>et</strong>exclamatif), on l'invitera à dessiner, avec la main,la forme de la mélodie en disant sa phrase.Du schéma simplifié de la mélodie, esquissé dansl'espace, <strong>et</strong> qui visualise un phénomène acoustique,on passera à une représentation au tableau. Le signifiantde la phrase apparaîtra dans sa linéarité parun segment :[l'âfâ desâ lâtmâ leskalje]L'enfant descend lentement l'escalier.La représentation de l'intonation prendra alors laforme d'une jonction, d'une courbe, dont l'intensitéira en crescendo puis en decrescendo : nous parlerons,dans ce cas, d'un tour énonciatif qu'il soit, comme ici,affirmatif ou, comme ailleurs, négatif ou impératif.Somm<strong>et</strong> de l'intensitéCourbe mélodiquepause maximumtemps zéro dela phonation <strong>et</strong> dela respirationdeuxième pause maximumr<strong>et</strong>our progressif au pointzéroAux autres types d'intonation correspondent descourbes, elles-mêmes inanalysables en segments suc-cessifs. En modifiant de façon globale ce phénomènecontinu, on aboutira aux courbes suivantes :Tu as vu.Mais ce qui fonde vraiment une science <strong>et</strong>, la <strong>linguistique</strong>,notamment, c'est l'appréhension des grandeursdiscrètes.N.B. : Jusqu'à un certain âge, les enfants auront <strong>du</strong> malà faire coïncider la fin de l'intonation avec la fin de laphrase.III. L'utilisation <strong>du</strong> critère fonctionnelLes axes orthogonauxUn segment de droite ou macro-segment visualisantle flux sonore <strong>du</strong> signifiant, pour reconstituer l'expérienceà communiquer, priorité est donnée au critèrefonctionnel. A partir <strong>du</strong> signifiant, commentl'esprit isole-t-il les constituants immédiats que sont173


les syntagmes <strong>et</strong> quelle peut être, ici aussi, l'utilitéde la mathématique ensembliste ?Pour répondre à c<strong>et</strong>te question, reprenons l'exempleinitial :/L'enfant descend lentement l'escalier/a) Le segment /lentement/ perm<strong>et</strong> d'utiliser la mobilitéde ce syntagme autonome alors que les autressegments sont fixes. Sa permutabilité correspond àun déplacement horizontal sur l'axe syntagmatique,axe des abscisses en mathématiques.b) Pour isoler les autres syntagmes ou groupes, enposition fixe, nous faisons appel à chaque point dela chaîne aux opérations de segmentation selonl'axe vertical ou paradigmatique :1) soit qu'il s'agisse d'une commutation, techniqueinépuisable :descendL'enfant / l'escalier /monte2) soit qu'il s'agisse d'une substitution aboutissantà une variante <strong>du</strong> signifiant :/ L'enfant // Il Idescend l'escalierL'enfant pourra alors constater que la phrase estun ensemble de syntagmes. Nous noterons 2 l'ensemblele plus général de notre discipline, notreréférentiel, qui sera la phrase.De la phrase nous donnerons deux définitions :a) L'une en extension :2 ^ AcontientToute phrase se réécrit :+ P + Eactualisateur prédicat expansionOu, dans un style plus algébrique :2 = {A, P, E}b) L'autre en compréhension :2 = {x/x G {A} u {P} u {E}x désignerait alors soit le monème, soit le mot.Quelle est, maintenant, la nature des relations entreles groupes ou syntagmes ?IV. Le critère positionne!Parties d'un ensemble - Tableau à double entréeAu critère fonctionnel s'ajoute le critère positionnelpar rapport au noyau syntaxique central, le prédicat.N.B. : Ces deux opérations, syntagmatique <strong>et</strong> paradigmatiquehorizontale <strong>et</strong> verticale, seront visualisées par deuxaxes orthogonaux :ActualisateurC'estPrédicatmon pèreExpansionaxe horizontal perm<strong>et</strong>tantle déplacement, la permutabilitéaxe syntagmatique¡n praesentiaparoleLe cielLe boucherest bleua donnédonneen étéun osà mon chienhierl174axe paradigmatiqueverticalperm<strong>et</strong>tant le choixin absentialangueEn mathématique ensembliste, on distingue entreZa partie pleine d'un ensemble qui inclut tous leséléments de c<strong>et</strong> ensemble, une partie propre <strong>et</strong> parfoisl'ensemble vide, noté 0 correspondant à l'effacementd'un segment :


0 : ainsi, lesvoitures quistationnent icisont sortiesmomentanémentpartie proprepartie pleineAvec c<strong>et</strong>te notion, nous pouvons définir l'actualisateurpar rapport au prédicat.1) Lorsque le prédicat contient un verbe, que celui-cisoit la partie pleine (a donné, donne) ou lapartie propre (est) de c<strong>et</strong> ensemble, l'actualisateurest le suj<strong>et</strong>. Il convient de parler <strong>du</strong> suj<strong>et</strong> d'un prédicatverbal.2) Lorsque le verbe est absent <strong>du</strong> prédicat, l'actualisateurest un présentatif.C'estVoicile ventL'utilisation d'un même exemple perm<strong>et</strong> de mieuxillustrer la structure minimale de l'énoncé :ActualisateurPrédicatExpansionC'estLe nuageLa libertéle symbole de la libertéest le symbole de la libertésymboliseest symboliséela libertépar le nuageAu niveau de la structure minimale de l'énoncé ounexus (A, P) un tableau à double entrée perm<strong>et</strong> :1) Verticalement, de présenter les trois voix verbales:a) voix active ;b) voix passive ;c) voix attributive (le verbe jouant le rôle de copule).2) Horizontalement, de disposer les trois formes :forme : simple pronominale impersonnelleEn combinant les deux classifications, on obtient l<strong>et</strong>ableau suivant :VoixactiveFormesimple pronominale impersonnelle175


L'identification d'une forme verbale, en grammaireconsciente ou explicite comportera l'indication :1) dte la voix,2) de la forme.Illustrons ce tableau :1) (II) se lave : voix active ; forme pronominale.2) Le pétrole se vend cher : voix passive ; formepronominale.3) L'acteur paraît en scènesimple.voix active ; forme4) L'acteur paraît découragé : voix attributive ; formesimple.A l'intérieur de la voix active, forme pronominale,la notion de REFERENT (R) — ce à quoi on seréfère — perm<strong>et</strong>tra de nuancer :1) Il se laveR2) Ils se battentRi -j- R23) Il s'enfuit0 Run seul réfèrent : RJ> deux referents : R-L -j- R 20 <strong>du</strong> réfèrent : 0 Rforme pronominale réfléchieforme pronominale réciproqueforme pronominale pureD'autres ponts peuvent-ils être j<strong>et</strong>és entre mathématique<strong>et</strong> <strong>linguistique</strong> ?V. Le critère combinatoireLe graphe des relationsA) Quelle est la nature des relations entre les différentsgroupes ou syntagmes dont la position a étéidentifiée par rapport au noyau syntaxique qu'estle prédicat ?Nous allons nous intéresser maintenant aux propriétésdes éléments constituant la phrase.'Joignons par des flèches les syntagmes préalablementrepérés dans la phrase :/ Une giboulée / surprend / les pêcheurs de truites/ dans le ruisseau /B) Nous obtenons :Actualisateur ou suj<strong>et</strong>Une gibouléePrédicatsurprend p R ssuj<strong>et</strong> relation prédicatp R o =$• o R p2) Le circonstanciel (C) /dans le ruisseau/ est enrelation de simple dépendance ou détermination.D) Dans un syntagme nominal /le nuage tout gris/on r<strong>et</strong>rouve le même jeu des relations :le «-» nuage tout grisE) Les enfants habitués à cerner les relations dontla notation se définit par la relation xRy seront,ici, tout à fait à l'aise.Les grandeurs continues, les axes orthogonaux, lesdifférentes parties d'un ensemble, les tableaux àdouble entrée <strong>et</strong> le graphe des relations constituent-ilsle seul arsenal mathématique dont puissedisposer le pédagogue ? La rencontre pacifiqueest-elle achevée ?176


VI. Le critère transformationnelL'ensemble vide - L'implicationA) Soit le syntagme nominal précédent /le nuag<strong>et</strong>out gris/. Je puis faire varier le degré de l'adjectif.le nuage tout grisassezle plus0 (effacement de l'adverbe)La disparition de l'adverbe de quantité (une modalité)fait apparaître l'ensemble vide (0) indiquantque, dans ce cas-là, ou, provisoirement, aucun segmentn'occupe c<strong>et</strong>te position.De même, la morphologie d'un verbe utilisera cesigne. Ainsi, nous dirons que les désinences orales <strong>du</strong>présent sont au nombre de trois :/0/ ; /5/ ; /e//Jât/ + 05eB) La transformation de deux phrases simples enune phrase complexe con<strong>du</strong>it à l'utilisation <strong>du</strong> symbolede l'implication (=ï>) qui se lit « implique » <strong>et</strong>veut dire que la proposition écrite à sa gauche entraînenécessairement celle qui figure à sa droite.Ainsi :se lit :F => P.S.un fonctionnel implique un prédicat secondaire.Illustrons :Je sais qu'il viendra.F => P.S.Donnez-moi le dossier qui est sur le bureau.F => P.S.Je ne sais s'il viendra.F => P.S.C) L'utilisation de l'ensemble vide (0 P.S.) perm<strong>et</strong>tra,à l'intérieur des fonctionnels, de faire apparaîtrela préposition ou la locution prépositive enpassant de la phrase complexe à la phrase simplecorrespondante :Il travaille pour qu'il réussisse.F P.S.équivalence logiqueIl travaille pour réussirF o 0 P.S.prépositionCe dernier schéma se lira ainsi ; le degré zéro <strong>du</strong>prédicat secondaire, l'absence d'une phrase emboîtéedans la précédente entraîne, implique, que le fonctionnel/pour/ est une préposition.VII. Le critère formelLa classe d'équivalenceNous venons de rencontrer le symbole de l'équivalencelogique () qui nous est maintenant familier.Or, la fonction fonde une classe d'équivalence dontles segments appartenant à des 'catégories différentes,ayant des natures différentes, ont la même fonction.Prenons l'exemple de la fonction suj<strong>et</strong> :L'athlète court.Il court.Rapide est le mot qui convient.Peu courent.Courir fait <strong>du</strong> bien.Qui court se maintient en formeLe suj<strong>et</strong> est successivement :Suj<strong>et</strong> : CatégoriesExplication des symbolesL'athlèteIIRapidePeuCourirQui courtD + NRaaVmiSdéterminant -(- nomreprésentantadjectifadverbeverbe à un mode impersonnelune phrase emboîtée ou une propositionou un syntagme phrastique177


Les catégories différentes, ci-dessus évoquées, appartiennentà la même classe d'équivalence.En outre, l'intersection de catégories différentes perm<strong>et</strong>tra,ici, d'expliquer l'amalgame de deux catégoriesou les classes mixtes :Nom : NVerbe : VAdjectif : aAdverbe : «ReprésentantRCoordinatif : cFonctionnel : FModalité : mDérivatif : dIllustrons quelques intersections de deux catégoriesFfonctionne]ddérivatifNnomninterintersectionnnRreprésentantmmodalitéVverberelatifdésinence verbaleou terminaisoninfinitifCe qui donne enJ'aime la danse.J'aime danser.syntaxe :Ou bien : « Le rire est le propre de l'homme ».Le passage des critères formels à la sémantique, <strong>du</strong>signifiant au signifié perm<strong>et</strong>, tantôt d'utiliser lesmêmes symboles mathématiques, tantôt de faire appelà l'arbre dans la recherche des traits pertinents.VIII. Le critère sémantique - L'arbreA) Montrons comment l'intersection de plusieursensembles perm<strong>et</strong> de repérer la distribution de certainssegments.A chacun des adjectifs suivants /sérieux/ ; /digne/ ;/grave/ ; /austère/ faisons correspondre un ensemblecernant le corpus où chacun est employé aujourd'hui; comment se répartissent ces ensembles :sérieuxdignegraveaustère178


iA l'intersection des quatre ensembles, nous placeronsla phrase : /Il a un air/ ou /C'est un homme/ (position1) :Il a un air sérieuxdignegraveaustèreEn position 2 se trouvera la phrase : /Il a eu unaccident/ :Il a eu un accident gravesérieuxUn tel jeu con<strong>du</strong>it à bien des manipulations.B) Quant à l'arbre dont le schéma est familier àtout un chacun, est-il besoins d'insister ? Il peut souventprendre la forme d'un tableau <strong>et</strong> perm<strong>et</strong> d'explorerle champ conceptuel dans le vocabulaire dela parenté par exemple ou des meubles :IX.0 dossier / \ dossiertabour<strong>et</strong> chaise fauteuilConclusionL'interdisciplinarité n'est plus à démontrer. Elleexige, pour sa mise en application en <strong>linguistique</strong> <strong>et</strong>en mathématique que les pédagogues concernés aientde nombreux contacts.Essayons de résumer le mouvement de notre pensée.LINGUISTIQUECONCEPT MATHÉMATIQUESYMBOLEMÉLODIE1 - fonctionnel2 - positionnelfonction ou courbedeux axes orthogonauxparties d'un ensemble- .+OL>0CRITÈRES3 - combinatoire4 - transformationnel5 - formel6 - sémantiquele graphele degré zéro, l'implicationl'équivalence logiquel'arbreMV< •X^xk_•179


La langueLa parole© sémantiquel'arbrelogique e sémantique© formel -4 •N a R c mY « f d© transformationnel0 = •TransformationsL'intonation : une fonction ou une courbe© combinatoirele grapheLes critères© positionnelpartiesd'un ensemble© <strong>fonctionnelle</strong>s deux axeslSCHÉMA DE FONCTIONNEMENT180


PROBLÈMES D'ORTHOGRAPHE :DANS QUELLES CONDITIONSPEUT-ON RATIONALISERL'ENSEIGNEMENT DE L'ORTHOGRAPHE ?MORTEZA MAHMOUDIANUNIVERSITE DE LAUSANNE


RECHERCHES SUR LA GRAPHIE :DEUX DIRECTIONSLes recherches dans le domaine de la graphie peuventsuivre diverses directions dont deux nous semblentparticulièrement intéressantes. Une premièredirection consisterait en l'établissement d'une graphieaussi proche que possible de la structure phoniquede la langue à l'étude. La seconde orientationserait de rechercher les régularités de l'orthographeexistante <strong>et</strong> leurs conséquences pratiques, par exemplepour l'<strong>enseignement</strong> de la langue première. Dansce qui suit, nous optons pour c<strong>et</strong>te dernière direction,nous contentant de quelques remarques brèvessur la première.Graphie phonologiqueQue la graphie doive être le refl<strong>et</strong> fidèle de la struc-.ture phonique <strong>du</strong> langage, c'est là une idée très ancienne,<strong>et</strong> qui a fait ses preuves. Elle a été à la basede l'établissement de l'alphab<strong>et</strong> grec. A différentesépoques, philosophes <strong>et</strong> linguistes ont défen<strong>du</strong> c<strong>et</strong>t<strong>et</strong>hèse. N'était l'inertie d'habitudes séculaires, rienne justifierait le maintien d'une graphie aussi maladaptée à la structure phonique <strong>du</strong> français ; inadaptation<strong>du</strong>e à l'évolution ininterrompue <strong>du</strong> systèmephonique, qui, lui, échappait à l'autorité de ceuxqui contrôlaient le domaine de l'orthographe. C'estsans doute à cause de c<strong>et</strong>te inertie que l'opinionexprimée par des chercheurs (comme Lancelot <strong>et</strong>Arnaud, ou Brunot <strong>et</strong> Bruneau) en faveur d'unegraphie conforme à la réalité phonique n'a reçu aucunaccueil favorable ; alors que d'autres travaux <strong>et</strong>opinions des mêmes savants ont atteint une vasteaudience.Les années récentes ont été témoins de sérieux effortspour montrer l'intérêt d'une graphie phonologique.Les uns visent une réforme profonde de la graphie,<strong>et</strong> la substitution d'une graphie phonologique à l'orthograph<strong>et</strong>raditionnelle. Les autres ont pour objectifune utilisation limitée de la graphie phonologiquecomme un premier contact avec la représentationgraphique <strong>et</strong> un tremplin pour accéder à l'orthographecourante. Si une réforme fondamentale del'orthographe est une perspective lointaine, l'utilisationlimitée d'une graphie phonologique entre dansune phase expérimentale ; des expériences sont encours, <strong>et</strong> des publications, parues ou en cours deréalisation, donnent les hypothèses <strong>et</strong> les résultatspartiels de ces expériences.Nature <strong>du</strong> signifiant graphiqueDans l'examen des problèmes que pose le maniementde l'orthographe, le premier point à éluciderest la nature <strong>du</strong> lien entre le signifiant graphique<strong>et</strong> la structure <strong>linguistique</strong>.On adm<strong>et</strong> communément que la graphie constitueun code substitutif, <strong>et</strong> que la phonie entr<strong>et</strong>ient desliens privilégiés avec la structure de la langue. C'estdire que le signifiant <strong>linguistique</strong> est essentiellementphonique : c'est sous c<strong>et</strong>te forme phoniqueque le suj<strong>et</strong> apprend sa langue, la graphie vientensuite. C'est aussi la forme phonique qui est l'undes facteurs déterminant l'évolution des langues, lagraphie ne fait que la suivre.Adm<strong>et</strong>tre le caractère substitutif au signifiant graphique,c'est reconnaître qu'il vient doubler le signifiantvocal, le présuppose <strong>et</strong> se substitue à lui. Dèslors le signifiant écrit n'a pas — en principe — delien direct avec le signifié ; la relation entre écrit <strong>et</strong>signifié est indirecte ; elle passe par le signifiantphonique, comme l'illustre le schéma 1 :SeIPhIGrSchéma 1 : La graphie conçue comme signifiantse substituant au signifiant phoniqueN.B. : Se = signifié, Ph = phonie, Gr — graphie.C<strong>et</strong>te conception récuse — cela va sans dire —• l'idéeassez répan<strong>du</strong>e que le signifiant graphique est indépendant<strong>du</strong> phonique, <strong>et</strong> se rapporte directementau signifié ; cf. schéma 2 :Se/ \Ph GrSchéma 2 : La graphie conçue comme signifiantindépendant <strong>du</strong> signifiant phoniqueDifficulté de l'orthographe :écart phonie/graphieD'une telle conoeption <strong>du</strong> signifiant graphique, ildécoule que l'élément phonique est présent danstout acte de communication écrite. Ainsi, pro<strong>du</strong>ireun message écrit, c'est remplacer les unités pho-183


niques par leur substitut graphique. Cela revientgrosso modo à dire que, pour écrire, le suj<strong>et</strong> partd'un signe (monème, ou signes plus vastes : syntagmes,phrase) dont il analyse le signifiant enphonèmes auxquels il fait correspondre des graphèmes,l<strong>et</strong>tres. De même dans l'activité de lecture,le suj<strong>et</strong> reconstruit le signifiant phonique. Il est vraique le recours aux unités phoniques varie selon lesenfants <strong>et</strong> le stade de l'acquisition de la lecture. C'està l'écriture que nous nous intéressons ici.Tant que le signifiant graphique suit étroitement lastructure phonique, écriture <strong>et</strong> lecture ne présententguère de problème. Les difficulés <strong>du</strong> maniement dela graphie proviennent de ce qu'il y a un écart entrel'écriture <strong>et</strong> la réalité phonique qu'elle représente.Règles de correspondance phonie/graphieQuelle est la nature des règles qui établissent enfrançais la correspondance entre le signifiant phonique<strong>et</strong> sa représentation graphique ? On remarquerad'abord que l'orthographe française n'est pasune graphie phonologique. La graphie phonologiquese caractérise par une relation biunivoque entre lephonème <strong>et</strong> le graphème : chaque phonème est représentédans tous les contextes par un seul <strong>et</strong> mêmegraphème ; <strong>et</strong> tout graphème correspond dans toutesles positions à un même phonème. Ce n'est pas lecas en orthographe française : le n n'a pas la mêmevaleur phonique dans bien, abdomen, vent <strong>et</strong> arrivent.On notera cependant que l'orthographe françaisen'est pas un système purement idéographique ;dans un tel système, tout signe correspondrait à unefigure, sans qu'elle repro<strong>du</strong>ise les unités phoniquesdont est constitué le signifiant <strong>du</strong> signe <strong>linguistique</strong>.Ainsi, le graphème i repro<strong>du</strong>it le même phonème /i/dans bien <strong>et</strong> arrivent, de même que le phonème /a/est représenté par le même graphème a dans abdomen<strong>et</strong> arrivent.Il s'ensuit que l'orthographe française n'est pas indépendantede la structure phonique. Il existe descorrespondances entre phonie <strong>et</strong> graphie en français ;mais ces relations ne sont pas simples. Elles fontappel aux données phoniques, mais aussi à des donnéesextérieures au système phonologique. Aussi,pour bien orthographier /ariv/, faut-il connaître nonseulement les phonèmes constitutifs, mais aussi d'autresindications, lesquelles nous perm<strong>et</strong>tent de représenterle phonème /-r-/ par la graphie -rr- <strong>et</strong> dechoisir entre les finales -ve, -ves ou -vent.Ceci nous perm<strong>et</strong> de diviser en deux les règles quirégissent la correspondance entre phonie <strong>et</strong> graphie :d'une part les règles purement phonologiques, <strong>et</strong> del'autre les règles qui, outre les données phonologiques,font intervenir un conditionnement monématique.Règles phonologiquesA strictement parler, une règle d'orthographe n'estphonologique que si un phonème est écrit toujours<strong>et</strong> partout par la même l<strong>et</strong>tre, <strong>et</strong> que c<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>trereprésente le même phonème nécessairement danstous les contextes. Cela n'est pas le cas en français :chaque phonème a plus d'une représentation graphique(/n/ s'écrit -ne dans gêne, mais -n dansabdomen), <strong>et</strong> chaque l<strong>et</strong>tre reçoit des valeurs phoniquesdifférentes selon les contextes ; la l<strong>et</strong>tre npar exemple repro<strong>du</strong>it le phonème /n/ dans nu, ellereprésente la nasalité de la voyelle dans loi on, <strong>et</strong> aune valeur phonique nulle dans parlent.Cependant certaines régularités générales se manifesterontdans les correspondances phonie/graphiedès qu'on observe des restrictions, par exemple, sil'on considère l'initiale <strong>du</strong> «mot», <strong>et</strong> uniquementl'initiale. Le phonème /n/ s'écrit uniquement parla l<strong>et</strong>tre n à l'initiale <strong>du</strong> « mot », <strong>et</strong> la l<strong>et</strong>tre n correspondexclusivement au phonème /n/ dans lemême contexte. Ce type de correspondance peutêtre appelé règle phonologique, prise dans une acceptionlarge (car c<strong>et</strong>te correspondance n'est pas nécessairementvraie dans tous les contextes, en finale,par exemple). Cependant, c<strong>et</strong>te règle n'est pas soumiseà des conditions monématiques, en ce sensqu'elle est indépendante de la classe (nom, adjectif,<strong>et</strong>c.) <strong>et</strong> de la fonction (suj<strong>et</strong>, obj<strong>et</strong>, <strong>et</strong>c.).Dans c<strong>et</strong>te acception large, des règles phonologiquesexistent pour la plupart des phonèmes français.Conditionnement monématiqueNous disons qu'une règle d'orthographe a un conditionnementmonématique si elle dépend de a) laclasse des monèmes, b) de leurs relations ou c) demonèmes isolés.a) Considérons les contextes (1) <strong>et</strong> (2) :(1) II est toujours...(2) Ils sont toujours...184


Les monèmes /ësi/ <strong>et</strong> /zâti/ sont tous deux susceptiblesde figurer dans (1) <strong>et</strong> (2). Mais les règles d'orthographene sont pas identiques pour les deux monèmes: /ësi/ est toujours représenté par la mêmegraphie ainsi ; alors que /zati/ est orthographiégentil dans (1), mais gentils dans (2). Cela tient àce que ces deux monèmes appartiennent à des classesdifférentes. Il en découle qu'il faut connaître laclasse pour déterminer si la graphie d'une unité estinvariable (comme pour des adverbes dont ainsi) ouvariable (comme pour des adjectifs dont gentil).b) Un autre facteur détermine la forme écrite, cesont les relations entre monèmes. Il ne suffit pas deconnaître l'appartenance d'un monème /blo/ ou/fini/ à la classe des abjectifs ou à celle des verbesrespectivement. Il faut aussi connaître les relationsde ce monème avec d'autres monèmes de la phrase.Pour bien orthographier /blo/, il faut savoir parexemple de quel substantif il est épithète : vestebleue ou manteau bleu. De même dans le cas de/fini/, il est indispensable d'en connaître les relationsavec des nominaux : suj<strong>et</strong> (comme dans je finis,il finit) ou obj<strong>et</strong> (ainsi que dans les livres que j'aifinis ; la page que j'ai finie ; le chapitre que j'aifini).c) Certaines règles de correspondance phonie/graphiedépendent de l'unité isolée, <strong>et</strong> non de isa classeni de ses relations. Ainsi aucune règle (concernant laclasse ou la fonction des monèmes) ne peut nousindiquer l'orthographe de la suite /al/ dans /kal/<strong>et</strong> /mal/ ni celle de la suite /am/ dans /ram/,/gam/, /fam/ ; la seule solution dans des cas pareilsest de rattacher une graphie à chaque monème :/al/ s'écrit -aie dans « (la) cale » <strong>et</strong> -aîîe dans « (la)malle », de même que pour la même suite phonique/am/, on écrit -ame dans rame, -arame dans gamme<strong>et</strong> -emme dans femme.Relations entre monèmes <strong>et</strong> marques phoniquesQuand la forme écrite d'un monème (ou d'une suitede monèmes) varie suivant les relations entre monèmes,c<strong>et</strong>te variation peut être 1) phoniquement nonmarquée, ou 2) phoniquement marquée.Soient les adjectifs vert, brun, bleu <strong>et</strong> noir. Chacund'eux a deux formes écrites différentes selon le« genre » de l'élément nominal auquel il se rapporte.1) Pour les deux premiers, le signifiant phoniquereste le même quelle que soit la forme graphique :/nuar/ tant dans veste noire que dans manteau noir.Ici, la relation épithète-subtantif a une marque graphique,mais pas de marque phonique.2) Le cas des adjectifs vert <strong>et</strong> brun est différent.La relation adjectif-substantif reçoit une marquephonique en même temps qu'une marque graphique.Comparez /brë/ brun (dans manteau brun) <strong>et</strong>/bryn/ brune (dans veste brune).Ces deux types de variation de la forme écrite nesont pas sur le même plan ; parce que le signifiantphonique est — dans la quasi-totalité des cas —appris avant la forme écrite, <strong>et</strong> aussi parce que lesuj<strong>et</strong> a un maniement plus fréquent <strong>du</strong> signifiantphonique que de la forme écrite. Par conséquent,les variations d'orthographe qui sont la contrepartied'une différence phonique sont mieux maîtrisées,plus directement accessibles à l'intuition <strong>du</strong> suj<strong>et</strong>.Elles peuvent servir de point de repère pour les variationsgraphiques sans marque phonique, celles-ciétant d'acquisition plus tardive, <strong>et</strong> de maniementmoins sûr chez le suj<strong>et</strong> parlant.FréquenceIl va sans dire que toutes les règles de correspondancephonie/graphie n'ont pas la même importance,<strong>et</strong> ne jouent donc pas le même rôle dans l'<strong>enseignement</strong>de l'orthographe. Sur quoi se fonde la hiérarchiede ces règles ?On notera d'abord que plus l'emploi d'une règle estfréquent plus elle est utile <strong>et</strong> importante. Inversementune règle est d'autant moins importante queses emplois sont plus rares. Le critère de la hiérarchisationdes règles de l'orthographe est la fréquencede leurs emplois.La haute fréquence d'une règle peut être <strong>du</strong>e à deuxfacteurs différents : i) la généralité ou ii) la fréquencedes unités concernées.i) Une règle qui vaut pour un grand nombre d'unitésa de fortes chances — cela va sans dire — d'être trèsfréquente. Ainsi les. règles qui concernent les classesde monèmes <strong>et</strong> leurs relations — cf. type a) <strong>et</strong>b) ci-dessus — sont d'une grande généralité, <strong>et</strong>occupent un rang élevé dans la hiérarchie. (Ceconcept de généralité est aussi désigné par fréquenceparadigmatique ou fréquence lexicale ou encore fré-185


quence dans le lexique.) Que la généralité d'unerègle soit un facteur décisif dans la hiérarchisationsemble évident ; en fait ce qui rend les règles phonologiques,dans rorthographe, si importantes <strong>et</strong> siéconomiques, c'est leur fréquence : la relation biunivoque/m-/ ±5 m- est valable pour l'initiale de tousles «mots», quelles qu'en soient la classe <strong>et</strong> lesrelations.ii) Une règle peut avoir une fréquence élevée <strong>du</strong>fait de la haute fréquence des unités ou de l'unitéqu'elle concerne. (C'est ce qu'on désigne souventpar fréquence syntagmatique ou fréquence dans lediscours.) Il se peut donc qu'une règle ne vaille quepour un nombre restreint d'unités ou à la limite uneseule unité (cf. type c) sans pour autant être situéeau bas de l'échelle de hiérarchie. Ainsi la correspondanceentre le phonème /e/ <strong>et</strong> la graphie estqui ne vaut guère que pour « être » (3. sg.), <strong>et</strong>dont l'emploi est très fréquent.Les règles de basse fréquence occupent les rangs inférieursdans la hiérarchie.Insistons sur un point : le critère de fréquence n'estpas arbitrairement choisi pour hiérarchiser les règlesd'orthographe. Si l'orthographe est apprise <strong>et</strong> consolidéepar la pratique, on doit s'attendre à ce quele suj<strong>et</strong> apprenne très tôt une règle de très hautefréquence, <strong>et</strong> qu'il la maîtrise bien, étant donnéqu'il y recourt dans tout acte de l'écriture ou dela lecture. Inversement, on comprend que les règlesrares soient acquises tardivement, <strong>et</strong> que le maniementn'en soit pas très sûr. C'est pour cela que nouscroyons que c<strong>et</strong>te hiérarchie correspond à l'échelledes difficultés <strong>du</strong> maniement de l'orthographe.Hiérarchie des règlesNous avons proposé ci-dessus deux critères pourclasser les phénomènes graphiques suivant leur importance: d'une part la présence ou l'absence d'unemarque phonique correspondante, <strong>et</strong> de l'autre leurfréquence. Ces deux critères, loin d'être contradictoires,se complètent, <strong>et</strong> perm<strong>et</strong>tent de caractériserquatre types : cf. schéma 3.1. Avec marque phonique2. Sans marque phoniqueA. Haute frequenceA.l. Haute fréquence <strong>et</strong> marquephoniqueA. 2. Haute fréquence sans marquephoniqueSchéma 3B. Basse fréquenceB.l. Basse fréquence <strong>et</strong> marque phoniqueB.2. Basse fréquence sans marquephoniqueDes quatre types ci-dessus, les phénomènes <strong>du</strong> typeA.l. sont les plus importants ; ils ont à leur actifun usage fréquent, <strong>et</strong> une contrepartie dans le signifiantphonique. A l'opposé, les phénomènes <strong>du</strong> typeB.2. ne prennent pas appui sur une marquephonique, <strong>et</strong> la basse fréquence d'emploi rend leurmaniement <strong>et</strong> mémorisation malaisés. Les deux autrestypes — soit B.l. <strong>et</strong> A.2. — se situent entreces deux pôles.On remarquera que le schéma 3 présente le classement<strong>et</strong> la hiérarchie des phénomènes graphiques àconditionnement monématique, sans tenir compte dela partie purement phonologique des règles graphiques.Noter aussi que les règles phonologiques précèdentles autres, <strong>et</strong> viennent en tête dans l'échellede la hiérarchie, pour les raisons citées plus haut.Mécanisme de l'écriture <strong>et</strong> de la lectureArrivé à ce point de l'exposé, nous pouvons récapitulerles considérations au suj<strong>et</strong> des processus del'écriture <strong>et</strong> de la lecture dans le code orthographiquefrançais :— L'écriture consiste en le remplacement <strong>du</strong> signifiant(phonique) par un substitut (graphique). Lalecture est l'opération inverse : la reconstitution <strong>du</strong>signifiant phonique en partant de sa représentationgraphique.— Dans les deux cas, le suj<strong>et</strong> fait appel à desrègles de correspondance phonie/graphie, dites règlesd'orthographe.— Ces règles peuvent être de nature purement pho-186


nologique ; ce sont les règles les- plus fréquentes,les plus économiques, donc les plus faciles à manier.— Les règles d'orthographe peuvent avoir un conditionnementmonématique ; eues ont alors recoursnon seulement aux données phonologiques, mais aussià des données grammaticales <strong>et</strong> lexicales.— Une règle graphique peut être phoniquementmarquée ou n'avoir aucune contrepartie sur le planphonique.— Les règles d'orthographe varient par leur généralitécomme par leur fréquence.— On peut hiérarchiser les règles d'orthographeselon leur nature. Les règles phonologiques occupentle somm<strong>et</strong> de c<strong>et</strong>te hiérarchie ; elles sont plus générales<strong>et</strong> plus fréquentes que les règles à conditionnementmonématique.— Parmi les règles à conditionnement monématique,on distingue entre deux pôles : règles fréquentesayant une marque phonique <strong>et</strong> règles rares sansmarque phonique.Bien fondée, la hiérarchie des règles constitue uneproposition de progression à établir dans l'<strong>enseignement</strong>de l'orthographe.Implications pédagogiquesQu'implique une telle conception de l'écriture <strong>et</strong>de la lecture pour lia pédagogie <strong>du</strong> français ? Si leclassement ci-dessus correspond aux divers processuseffectifs <strong>et</strong> que la hiérarchie reflète leurcomplexité variable, il s'ensuit que certains phénomènesgraphiques doivent jouir d'une priorité dansl'action pédagogique. Dans la mesure où on a intérêtà aller <strong>du</strong> simple au compliqué, on commence parles règles phonologiques pour passer ensuite auxrègles qui font appel à des indications monématiques.Et dans le cadre de ces dernières règles, onaccordera la priorité aux règles fréquentes <strong>et</strong> correspondantà des marques phoniques sur lies faitspeu fréquents <strong>et</strong> n'ayant pas de contrepartie phonique.Il convient de noter que c<strong>et</strong> ordre de priorité necorrespond pas à une progression chronologiquestricte. Parce que les données <strong>linguistique</strong>s ne constituentque l'un des aspects des activités complexesque sont la lecture <strong>et</strong> l'écriture. Pour que l'enfantécrive, il lui faut non seulement des moyens <strong>linguistique</strong>smais aussi, une motivation pour écrire, uneexpérience qu'il trouve un intérêt à communiquer.Or, les mots correspondants à l'expérience quotidiennede l'enfant n'ont pas nécessairement une graphieconforme à la forme phonique ou proche d'elle.Si l'on assimilait l'ordre de priorité à une progressionchronologique, on devrait reporter à une phase asseztardive l'<strong>enseignement</strong> d'un certain nombre de motsfréquents <strong>et</strong> d'usage quotidien chez les enfants. Lefaire serait enlever à l'enfant toute sa motivation,tout son intérêt pour écrire <strong>et</strong> lire.La priorité que nous attribuons à certains phénomènesgraphiques par rapport à d'autres est avanttout un ordre de priorité ; c'est-à-dire les règles àconditionnement monématique présupposent des règlesphonologiques. Par exemple, là où l'orthographed'un mot fait appel à la classe <strong>du</strong> monème ou à sesrelations, les règles phonologiques sont aussi impliquées.Ainsi, dans la graphie de /di/, sont présentesdes règles phonologiques ; ce sont les correspondances/d/d- <strong>et</strong> /i/ -i-. Mais c<strong>et</strong>te même graphie faitappel à des indications monématiques pour déterminers'il faut lui adjoindre en finale -x (commedans dix), -t (dans dit), -s (dans dis) ou -ts (dansdits).C<strong>et</strong>te priorité implique donc qu'on traite de façonsdifférentes les phénomènes d'orthographe quand ilsreposent sur des règles de nature différente. C'est àc<strong>et</strong>te condition que l'élève peut saisir les mécanismescompliqués de l'orthographe <strong>et</strong> les mémoriser.Formes d'exercicesL'apprentissage de la partie d'orthographe qui reposesur des règles phonologiques ne semble pas poser deproblèmes particuliers. Le bon déroulement de c<strong>et</strong>apprentissage présuppose que le suj<strong>et</strong> ait acquis lesunités phoniques, <strong>et</strong> qu'il ne rencontre pas de difficultésau niveau sensori-moteur dans la pro<strong>du</strong>ctionou la reconnaissance des l<strong>et</strong>tres.Les faits graphiques qui sont en outre soumis auconditionnement monématique impliquent que (1)ce conditionnement soit perçu par le suj<strong>et</strong> <strong>et</strong> (2) qu'ilcorresponde à une différence phonique dans un autrecontexte qui servira de point de repère. Prenonsun exemple, celui de la marque <strong>du</strong> pluriel -nt. Pouramener l'élève à pro<strong>du</strong>ire c<strong>et</strong>te marque, il faut attirerson attention (par des exercices) sur le fait que-nt apparaît quand le verbe a un suj<strong>et</strong> au pluriel.Pour ce faire, il faut s'assurer qu'il sait faire 1' « ac-187


cord » là où l'accord se manifeste par une marquephonique : va/vont, fait/font, est/sont, <strong>et</strong>c. Ensuite,on doit le con<strong>du</strong>ire à établir un parallèle entre cesalternances phoniques d'une part, <strong>et</strong> des variationspurement graphiques telles que parle /parlent,rit/rient. Ces exencices peuvent être présentés commedes opérations de transformation comme :Pierre fait <strong>du</strong> rugby —» Paul <strong>et</strong> Pierre font <strong>du</strong> rugbyPierre aime le rugby —» Paul <strong>et</strong> Pierre aiment lerugbyoù l'enfant doit pro<strong>du</strong>ire le quatrième terme de laproportionnelle. Il est enten<strong>du</strong> que l'élève doitconnaître les autres termes ainsi que la proportionalitéentre les phrases. C<strong>et</strong>te procé<strong>du</strong>re n'est pas dansses fondements différente de certaines pratiques courantes.Dès lors, on doit se demander dans quellesconditions ces exercices sont profitables.Tester l'usage des élèvesEtant donné la variété des usages, il ne suffit pasqu'une proportionalité soit vraie pour que l'élèveparvienne à pro<strong>du</strong>ire deux graphies distinctes sansmarque phonique (aime/aiment) en partant de deuxgraphies phoniquement différenciées (fait/font). Ilest possible que l'élève ne saisisse par la proportionalitédes phrases, ou qu'il n'ait pas acquis lesformes phoniques différenciées. L'exercice n'estalors plus opérant. Des traités savants proposentdes règles d'orthographe en considérant comme acquiseune forme phonique (ou une proportionalitésyntaxique) sans se soucier de savoir si elle l'estpour l'enfant, dans eon usage effectif de la langue.Ainsi d'aucuns proposent qu'on parte de la formephonique <strong>du</strong> féminin /rat/ rate pour enseigner l'orthographede la finale de /ra/ rat. Or, ce fémininest d'un emploi très rare, <strong>et</strong> il est hautement improbableque l'élève le connaisse au moment où ildoit normalement apprendre l'orthographe <strong>du</strong> masculinrat. De même, pour enseigner l'accord graphique<strong>du</strong> participe passé, on ne peut partir d'uncas d'accord phoniquement marqué que si c<strong>et</strong>te marquephonique se réalise effectivement par le suj<strong>et</strong>.Or, îles enfants ne font généralement pas c<strong>et</strong> accord ;dans leur usage, il est normal de dire : les chosesqu'il a /di/ (<strong>et</strong> non dites) ou c<strong>et</strong>te phrase que j'aipas /kôpri/ (<strong>et</strong> non comprise).Cela ne signifie pas qu'on devra éviter d'aborder lesfaits graphiques là où les phénomènes phoniques <strong>et</strong>les relations entre monèmes ne sont pas connuesd'élèves ; mais que pour apprendre la forme graphique,on doit enseigner préalablement la formephonique, <strong>et</strong> rendre évidents les liens monématiques.Il est par conséquent indispensable de sonder l'usagedes élèves, pour s'assurer que les faits dont on part,<strong>et</strong> qui doivent servir de points de repère existentréellement dans l'usage des élèves. Des tests peuventêtre établis, dans ce but, fondés sur les mêmesprincipes que les exercices ci-dessus. Ces tests nousrévèlent dans quelle mesure un lien syntaxique estsenti par l'enfant (par exemple la relation entreépithète <strong>et</strong> son noyau nominal), <strong>et</strong> si l'éloignementdans la chaîne obscurcit c<strong>et</strong>te relation (par exemplel'insertion d'un ou deux adverbes entre Pépithète <strong>et</strong>le nom ou l'insertion d'une ou deux nouvelles épithètes).Limites de c<strong>et</strong>te procé<strong>du</strong>reNous venons d'esquisser la procé<strong>du</strong>re perm<strong>et</strong>tantd'enseigner l'orthographe en exploitant la connaissancequ'a l'enfant <strong>du</strong> signifiant phonique, <strong>et</strong> enm<strong>et</strong>tant en œuvre l'intuition qu'il a de la structuresyntaxique de la langue. Pour être utilisable, c<strong>et</strong>teprocé<strong>du</strong>re doit donner un nombre restreint de règles,un nombre raisonnable d'exercices. Car si les règlessont trop nombreuses, les exercices nécessaires àleur application <strong>et</strong> mémorisation atteindront un volum<strong>et</strong>el que l'élève n'aura pas assez de toute sascolarité pour en venir à bout. Si tel est le cas, r<strong>enseignement</strong>de la totalité de l'orthographe françaisedéfie toute rationalisation. Si aucune autre procé<strong>du</strong>rene peut être envisagée — ce qui nous sembleêtre le cas, parce qu'outre les structures phonologique<strong>et</strong> syntaxique, le suj<strong>et</strong> ne dispose d'aucunedonnée pour repérer les phénomènes graphiques —on est inévitablement con<strong>du</strong>it à poser le problèmede fond. Ce probème est de savoir si l'orthographefrançaise n'est pas irrémédiablement inadaptée aufrançais d'aujourd'hui.En attendant, la solution pratique que peut adopterrenseignant consiste à déterminer les zones centrales<strong>et</strong> à rationaliser l'acquisition de l'orthographe dansces zones.188


PRÉALABLES A UNE ÉTUDEEN VUE DE L'ÉTABLISSEMENT D'UNE PROGRESSIONDANS L'ENSEIGNEMENTDU CODE GRAPHIQUEANNE MAZZOLINIPARIS V


Un système orthographique idéal au point de vuede la facilité d'acquisition qu'il présenterait, seraitun système qui r<strong>et</strong>iendrait toutes les oppositionsdistinctives entre les phonèmes <strong>et</strong> ne r<strong>et</strong>iendrait queces dernières. On aurait ainsi un nombre de graphèmesidentique à celui des phonèmes <strong>et</strong> une correspondancebi-univoque entre graphème <strong>et</strong> phonème: pour chaque phonème un graphème <strong>et</strong> unseul, pour chaque graphème un phonème <strong>et</strong> un seul.Aucun système de ce type ne fonctionne actuellementmais certains systèmes orthographiques, commecelui de l'espagnol <strong>et</strong> de l'italien s'en rapprochent.Ainsi, en espagnol, /a/ s'écrit toujours a <strong>et</strong> a se littoujours /a/. Le système orthographique françaisest beaucoup plus complexe. Aucun phonème nes'écrit toujours de la même façon, un graphème n'estjamais la transcription d'un seul phonème. Ainsi,même un phonème comme /t/ qui s'écrit généralementt, peut également se transcrire th <strong>et</strong> le graphèm<strong>et</strong> à son tour, s'il se lit généralement /t/peut aussi se lire /s/ (argutie) ou zéro (ils mangent).Que dire <strong>du</strong> phonème /a/ qui se transcrit sous desformes multiples : a mais aussi at (carat), ac (tabac),as (tu as), ha (Ha !), em (femme)..., que l'on trouveaccompagné de Au/ dans le digramme oi (une oie),<strong>et</strong> <strong>du</strong> graphème a qui se lit /a/ (cheval) mais également/e/ dans le digramme ai (j'ai), /o/ dans ledigramme au <strong>et</strong> le trigramme eau, /&/ dans lesdigrammes an (un an), am (ampère) <strong>et</strong> les trigrammesean (Jean)...Néanmoins, il apparaît que : 1) dans la majoritédes cas, chaque phonème se présente à l'écrit sousune même forme ; 2) dans la majorité des cas, toutgraphème est également la transcription d'un mêmephonème.On aurait ainsi, au cœur <strong>du</strong> système orthographiquefrançais un noyau stable. C'est ce que la méthode <strong>du</strong>Sablier a r<strong>et</strong>enu en hiérarchisant les « costumes »d'un «phonème» (1) selon leur fréquence d'apparition.C'est également ce que souligne Nina Catachdans un article paru dans Langue française en décembre1973 « Que faut-il entendre par systèmeorthographique <strong>du</strong> français ? » où elle oppose unsystème central à deux systèmes marginaux (2).(1) Le Sablier appelle phonème toute réalisation phonétique<strong>et</strong> non la plus p<strong>et</strong>ite unité distinctive ; pour ladifférence entre phonétique <strong>et</strong> phonologie, voir ci-dessous.(2) Le système graphique <strong>du</strong> français présente, selonNina Catach, une double articulation, supra ou extrapho-Le problème est donc de relever les réalisations graphiquesd'un même phonème d'une part, les réalisationsorales d'un même graphème d'autre part. Cesopérations ne peuvent s'effectuer qu'après avoir déterminé<strong>et</strong> les phonèmes de ¡la langue en question,<strong>et</strong> les graphèmes de son système orthographique, <strong>et</strong>en tenant compte de leur nombre d'occurrences dansun corpus donné <strong>et</strong> non de leur fréquence lexicale.On obtiendra ainsi pour chaque réalisation à l'écritd'un phonème donné des taux différents, chaqueréalisation apparaissant un certain nombre de fois.Ainsi, si /a/ s'écrit a, at, ac, ha, em..., sur 100 transcriptions<strong>du</strong> phonème /a/ on aura des taux x %de a, y % de at, z % de ac... Le taux x n'est à r<strong>et</strong>enirque s'il atteint ou dépasse 50 %, les autres transcriptionsseront classées par ordre de taux décroissant.On pourra ainsi établir une progression dansl'apprentissage de la lecture-écriture, en commençantpar enseigner les graphèmes qui correipondentaux taux les plus élevés.Il est évident que si l'on obtient des taux sensiblementégaux pour la transcription d'un phonèmenographique d'une part, phonographique d'autre part. Ilse divise en trois sous-systèmes : « l'un central (est) lesystème des phonogrammes», le second «couvrant d'assezlarges zones de la chaîne écrite » est composé de morphogrammes,« le troisième... partiel <strong>et</strong> marginal » de logogrammes.Les limites entre les trois sous-systèmes sontfloues. Les phonogrammes : Il n'y a pas de rapport bi-univoqueentre graphème <strong>et</strong> phonème, un graphème peutreprésenter des phonèmes différents, un phonème peut êtrereprésenté par des graphèmes différents. Néanmoins, certainsgraphèmes fondamentaux, les archigraphèmes perm<strong>et</strong>tent« de lire 80 à 90 % des phonèmes <strong>du</strong> français ».Ils sont donc au cœur <strong>du</strong> système <strong>et</strong> s'opposent de ce faitaux sous-systèmes marginaux. Les morphogrammes : L'écriturea-t-elle « pour tâche de transm<strong>et</strong>tre ce qui relève dela première articulation <strong>du</strong> langage ? ». Au suj<strong>et</strong> del'accord des participes passés, Nina Catach relève que lesverbes les plus fréquents ont au participe passé desformes orales différentes au masculin <strong>et</strong> au féminin <strong>et</strong>elle affirme qu'il faut « accorder., la liberté d'emploi...à l'utilisateur ». Quant aux liaisons, faut-il que l'écrittranscrive l'alternance phonème/zéro de l'oral ? Il estprématuré de répondre à c<strong>et</strong>te question avant d'avoir faitune étude contrastive sérieuse entre écrit <strong>et</strong> oral ; l'auteursemble pourtant favorable au maintien de ces morphogrammesqui perm<strong>et</strong>tent de « fixer <strong>et</strong> délimiter les mots »ce qui est, à son avis, « la première tâche de toute écriture». Bien qu'elle se contente de soulever le problème <strong>du</strong> emu<strong>et</strong>, elle souligne son importance pour les deux tiersdes adjectifs à genre double. Les logogramm.es : la correspondancegraphie/phonie peut être, à la limite, réservée àun seul mot. Ce procédé qui perm<strong>et</strong> par exemple deremédier à l'information insuffisante fournie par les synonymescourts (août, ou, où...) est utile à faible dose.191


donné, une décision fondée sur d'autres critères devraprécéder toute programmation : pourquoi privilégiertelle transcription plutôt que telle autre ?/â/ par exemple semble se transcrire an <strong>et</strong> en àdes taux sensiblement égaux. Pour choisir lia premièreforme à enseigner il pourra être utile defaire intervenir le taux de réalisation phonique desdigrammes an <strong>et</strong> en. An se réalise /â/ à un tauxn<strong>et</strong>tement supérieur à celui de en que l'on r<strong>et</strong>rouvecomme transcription de /g/ <strong>et</strong> de zéro : chien <strong>et</strong> entendent.Ce sera donc la forme an qui sera enseignéela première.Détermination des phonèmesAlors que la phonologie est l'étude des unités dedeuxième articulation, étude fondée sur le caractèredistinctif que jouent ces unités dans la communication,la phonétique a pour obj<strong>et</strong> l'étude des sons,donc des réalisations des phonèmes.Les unités distinctives, les phonèmes assument doncune fonction distinctive dans la langue en question ;par exemple, en français, les deux phonèmes /y/<strong>et</strong> /i/ assument par leur présence le caractère distinctdes monèmes /pyr/ « pur » <strong>et</strong> /pir/ « pire ».Mais la réalité <strong>linguistique</strong> (phonologique) peut êtredifférente de la réalité physique (phonétique). Unmême phonème peut être réalisé différemment selonles contextes où il se trouve : ainsi le /!/ de peupleest sourd alors que celui de élève est sonore, pourtantces deux réalisations relèvent <strong>du</strong> même phonème/l/ que le trait pertinent de latéralité perm<strong>et</strong>d'opposer à tous les autres phonèmes <strong>du</strong> français :on ne peut trouver de monèmes différents dont laseule différence résiderait dans l'opposition entreun /!/ sonore <strong>et</strong> un /l/ sourd. On dit que [1 sourd]<strong>et</strong> [1 sonore] sont des variantes combinatoires oucontextuelles <strong>du</strong> même phonème.Plusieurs phonèmes peuvent voir leur oppositionneutralisée dans certains contextes : /o/ <strong>et</strong> /o/ sontdes phonèmes distincts puisque leur seule oppositionperm<strong>et</strong> de distinguer entre /sol/ « saule » <strong>et</strong> /sol/« sole » <strong>et</strong> « sol » ; mais en syllabe ouverte finale,l'opposition entre ces deux voyelles de degré moyend'ouverture <strong>et</strong> d'arrière est neutralisée, c'est-à-direqu'on ne peut trouver, en français, deux monèmesdifférents dont la seule différence sur le plan <strong>du</strong>signifiant, résiderait dans la plus ou moins grandeouverture de la voyelle de degré moyen d'ouvertured'arrière. On trouve [m<strong>et</strong>ro bulo dodo] ; on ne rencontreraaucun [m<strong>et</strong>ro bulo dodo] qui ait des sensdifférents de « métro », « boulot », « dodo ».Tous les francophones sont loin de posséder le mêmesystème phonologique <strong>et</strong> même si deux indivi<strong>du</strong>s ontle même système d'oppositions, il y a de fortes chancespour que les distributions des réalisations deleurs phonèmes varient : telle personne qui fait uneopposition entre /e/ <strong>et</strong> /e/ dira /kaie/ telle autre/kaie/.En conclusion, d'une part un phonème peut se réaliserde manières différentes, d'autre part deux réalisationssemblables peuvent relever de phonèmes différents: [s] de père est une réalisation de il'archiphonème/E/ résultat de la neutralisation de l'opposition/e/ ^ /e/ en syllabe fermée, [E] de laidest la réalisation <strong>du</strong> phonème /e/ qui, en syllabeouverte finale s'oppose au phonème /e/. Il n'y apas de correspondance bi-univoque entre son <strong>et</strong> phonème.Une connaissance des unités de deuxièmearticulation, des relations qui existent entre ailes, deleur distribution est un préalable à tout travail decomparaison entre l'orthographe <strong>et</strong> l'oral.Dans une telle étude comparative, il faudra doncpartir d'un système phonologique moyen c'est-à-direou bien r<strong>et</strong>enir les oppositions faites par la majoritédes francophones ; dans ce cas, on aurait sans doutele système vocalique oral suivant :avantnon arrondiieeavantarrondiyoceaarrièreu001)2)3)4)avec trois séries <strong>et</strong> 4 degrés d'ouverture, ou bienne r<strong>et</strong>enir que les oppositions qui sont faites partous les francophones : c'est-à-dire, toujours pourle système vocalique oral, un système à 3 degrésd'ouverture <strong>et</strong> 3 séries :avantnon arrondiieavantarrondiy0aarrièreu01)2)3)192


On ne peut en eff<strong>et</strong> envisager une étude qui tiendraitcompte de la diversité des français régionaux,tout au moins dans un premier temps ; c<strong>et</strong>te étudeaurait une ampleur telle qu'elle serait actuellementimpossible.Une fois choisi le système phonologique, il faudraévidemment s'y tenir d'un bout à l'autre de l'étude.Il serait sans doute intéressant d'appliquer les deuxsystèmes à un même corpus afin de comparer lestaux de réalisations d'un phonème sous une formedonnée à l'écrit. Ainsi, si l'on r<strong>et</strong>ient un seul phonèmemoyen d'avant non arrondi /e/ on aura untaux de transcription en e de x %. Si l'on r<strong>et</strong>ientdeux phonèmes moyens d'avant non arrondis /e/<strong>et</strong> /e/ on aura des taux de transcription : y % (/e/s'écrit é), z % (/e/ s'écrit e). Il faudra aussi faireintervenir les taux de transcriptions de l'archiphonème/E/ résultat de la neutralisation de l'opposition/e/ --v, /e/ en syllabe ouverte non finale <strong>et</strong>en eyllabe fermée. Si les taux y <strong>et</strong> z sont n<strong>et</strong>tementsupérieurs à 50 %, le problème se pose de savoirsi, dans les conditions actuelles, il n'est pas plusrentable de faire acquérir à l'enfant l'opposition/e/ ^ /e/ plutôt que de ¡lui donner des règles d<strong>et</strong>ranscriptions complexes d'un seul phonème /e/d'avant, de degré moyen d'ouverture, non-arrondi.Rappelons que les distributions des phonèmes peuventêtre différentes chez des indivi<strong>du</strong>s qui possèdentle même système d'oppositions distinctivea Ainsi, uninformateur peut prononcer /le/ «les», «lait» <strong>et</strong>/le/ « lé » ; tel autre /le/ « lait » <strong>et</strong> /le/ « les »<strong>et</strong> « lié ». Les taux de passage de /e/ en toute graphie<strong>et</strong> particulièrement en es, ainsi que ceux de /e/s'en trouveront modifiés. Une étude à partir d'unsystème ré<strong>du</strong>it de 7 phonèmes oraux vocaliques perm<strong>et</strong>traitde résoudre ce problème mais pour quel'analyse soit cohérente il faudra ou bien adopterun système à 7 phonèmes ou bien un système à10 phonèmes mais ne pas adopter un système à8 phonèmes, sous prétexte que l'écrit a des taux y<strong>et</strong> z élevés alors que les phonèmes /©/ <strong>et</strong> /œ/ correspondentau même graphème : il n'y a pas de différenceentre les transcriptions les plus fréquentesdes phonèmes /o/ <strong>et</strong> /ce/. Les seuls critères quipeuvent intervenir dans le choix <strong>du</strong> système phonologiquesont des critères qui dépendent de l'oral :ainsi, on pourrait r<strong>et</strong>enir un système à 8 phonèmesoraux vocaliques en constatant que certains enfantspossèdent l'opposition /e/ ^ /e/ sans avoir l'opposition/o/ ^ /D/ ni l'opposition /©/ ^ /œ/. Il sembleque la majorité des enfants de 6 ans aient un systèmevocalique à 7 phonèmes (voyelles nasales exclues)<strong>et</strong> cela est un argument en faveur <strong>du</strong> choix de cesystème.En français, les différences entre les systèmes phonologiquesde deux indivi<strong>du</strong>s ne nuisent généralementpas à leur intercompréhension. Les languesnaturelles en eff<strong>et</strong> sont redondantes, c'est-à-direqu'une même information peut se r<strong>et</strong>rouver à plusieursendroits de l'énoncé. Ainsi dans les animauxpaissent /lezanimopes/ le monème pluriel se trouvedans /es ... o ... s/. Par ailleurs, le mot peut êtresuffisamment long pour qu'à un moment donné deson énoncé, aucune information supplémentaire nes'ajoute en le terminant : /diksio/ entraîne obligatoirement/ner/ ; il n'y a pas de choix possibleaprès /diksio/, l'information donnée par /ner/ estdonc nulle <strong>et</strong> redondante.Bien que l'écrit suppose des circonstances différentesde celles de l'oral où la Situation perm<strong>et</strong> de pallierde nombreuses ambiguïtés <strong>et</strong> demande donc peutêtreplus de redondance que l'oral tant dans l'expositionde la situation qu'au niveau des monèmes, aucuneétude rigoureuee n'a été faite à ce jour quidémontrerait c<strong>et</strong>te nécessité. Il semble, au contraire,que l'enfant prendra mieux conscience des différencesentre son système phonologique <strong>et</strong> celui de sesinterlocuteurs si la transcription en révèle les divergences(voir Alfonie).LES DIFFERENTES PHASES DE L'ANALYSECompte tenu des remarques qui ont été faites, troisopérations sont nécessaires pour établir une progressiondans l'apprentissage lecture-écriture :1) Compter les différente pourcentages des transcriptionsd'un même phonème.2) Réciproquement, compter à quels phonèmes <strong>et</strong>dans quelle proportion correspond tel graphème ouéventuellement tel digramme.3) Comparer les résultats <strong>et</strong> utiliser les résultatsde la deuxième étude quand ceux obtenus par lapremière ne sont pas n<strong>et</strong>s.Ces opérations ne peuvent être menées simultanément,c'est-à-dire qu'on ne peut à la fois compterlas différentes transcriptions <strong>du</strong> phonème /a/ parexemple, sans tenir compte <strong>du</strong> /a/ qui se transcritdans oi sous prétexte que ce oi apparaît comme undigramme privilégié, sa relation avec la suite phonématique/ua/ étant à peu près bi-univoque (c'estpourtant ce que fait Nina Catach).193


Donc dans un premier temps., il faudra étudier quelsgraphèmes correspondent à un phonème donné <strong>et</strong>n'étudier que cela. Doit-on, à ce moment de l'analyse,établir la division entre les trote sous-systèmesde Nina Catach : phonogrammes, morphogrammes<strong>et</strong> lopogrammes ? La réponse est bien évidemmentnon puisque logogrammes <strong>et</strong> morphogrammes n'apparaissentpas phonologiquement en tant que tels <strong>et</strong>que dans c<strong>et</strong>te phase de l'analyse priorité est donnéeà l'oral. Cela reviendrait donc à fausser les pourcentages.En eff<strong>et</strong>, les réalisations est <strong>et</strong> ai <strong>du</strong> phonème/e/ ne seraient pas comptabilisées puisqueest « (il) est » est un logogramme en général <strong>et</strong> queai est d'une part un morphogramme (désinence verbale),d'autre part un logogramme « (j ) 'ai ».Quelques problèmes. En français, les semi-voyellesn'ont pas en général de statut phonologique distinct.On en compte trois : [w] oie, [u,] buée <strong>et</strong> [j] lion.Ce sont des réalisations des phonèmes /u/, /y/, <strong>et</strong>/i/ qui n'apparaissent que dans des groupes vocaliquesà l'exclusion de [u] [y] [i], <strong>et</strong> sont donc desvariantes combinatoires de [u] [y] [i] (/j/ s'opposeà /i/ en finale de mot uniquement : pays,paye). Ce n'est donc pas à ce stade de la recherchequ'il faudra faire intervenir les digrammes privilégiéstels que oi que Nina Catach considère commeun archigraphème car il transcrit 100 % des successions/ua/ (bien qu'elle note 4 sous-graphèmes).On aura pour /u/ un certain pourcentage de réalisationstranscrites dans le digramme oi, <strong>et</strong> pour /a/un autre pourcentage transcrit dans le même digramme.Toujours dans c<strong>et</strong>te phase on ne peut considérer xcomme archigraphème. x est en réalité la transcriptionde deux phonèmes /k/ <strong>et</strong> /s/ d'une part, /g/<strong>et</strong> /z/ d'autre part. C'est donc en traitant de cesquatre phonèmes que x apparaîtra.Dans ce premier temps, l'étude ayant porté sur lesdifférentes transcriptions de chaque phonème, <strong>et</strong> dece fait étant «partie de l'oral», les décisions arbitrairesqui ont pu être prises ne concernent que lechoix d'un système phonologique moyen <strong>et</strong> la distributiondes phonèmes dans les unités de premièrearticulation.Dans un deuxième temps, l'étude doit partir del'écrit <strong>et</strong> établir un tableau de correspondances avecpourcentages de réalisations entre les graphèmes <strong>et</strong>les phonèmes. C'est à ce stade qu'apparaîtront lesdigrammes tels que an, en, oi, le graphème x... Onconstatera que certains graphèmes ou digrammescorrespondent à un phonème donné dans la plupartde leurs occurrences ainsi :an se lit /â/ à p %j se lit /S/ à p' %.D'autres graphèmes ou digrammes tels que en selisent /â/ à q %, /èV à r % (avec ou sans i préposé),zéro à s % (avec t postposé par exemple)...<strong>et</strong> g se lit /z/ à q' % mais aussi /g/ à r' % <strong>et</strong> /ñ/à s' %...On se demandera si an <strong>et</strong> j ne doivent pas être les« costumes » privilégiés des phonèmes /a/ <strong>et</strong> /z/car p <strong>et</strong> p' sont très supérieurs à q <strong>et</strong> q'.Morphogrammes <strong>et</strong> logogrammes seront alors étudiésmais ils n'apparaîtront en tant que tels qu'aprèsl'étude <strong>et</strong> ne seront pas éliminés de l'étude desgraphèmes de base a priori comme l'a parfois faitNina Catach (1).Dans un dernier temps <strong>et</strong> dans une optique plusdirectement pédagogique, on comparera les résultatsobtenus dans les deux premières phases, envue d'établir une progression dans l'apprentissagelecture-écriture. Mais comme toute pédagogie estfondée sur un développement des connaissancesdéjà acquises <strong>et</strong> que l'enfant, s'il ne sait ni lire niécrire, sait déjà parler, il faudra « partir de l'oral »<strong>et</strong> ne r<strong>et</strong>enir les résultats de la deuxième étude(qui établit un tableau de correspondances à partirde l'écrit) que lorsque les différences de pourcentagesentre les transcriptions d'un phonème donnéne sont pas n<strong>et</strong>tes. C'est alors que compte tenu destaux sensiblement égaux des transcriptions de /â/en an <strong>et</strong> en <strong>et</strong> de /z/ en g <strong>et</strong> j, on fera intervenirles pourcentages p %, p' % comparés à q % <strong>et</strong>q' % pour choisir comme premier « costume » de/â/ <strong>et</strong> /z/ an <strong>et</strong> j : si les taux de 2 réalisationsgraphiques sont en conflit, on r<strong>et</strong>iendra la transcriptionqui se lit le phonème donné dans le plusfort pourcentage.Le premier « costume » d'un phonème étant acquis,on étudiera celui qui correspond au taux immédiatementinférieur <strong>et</strong> ainsi de suite.(1) Morphogrammes <strong>et</strong> logogrammes n'apparaîtront peutêtreque comme des éléments qui représentent une certainefréquence de transcription d'un phonème donné. Pour lesdélimiter avec plus de précision, une étude de fréquencelexicale sera peut-être nécessaire comme point de comparaison.194


REMARQUESSUR LE CODE ORTHOGRAPHIQUEET GRAMMATICALde René THIMONNIER(Paris, Hatier, 1970)LUCILE BAUDRILLARDC.E.S. MONTESQUIEU, VITRY-SUR-SEINE


On notera d'abord que c<strong>et</strong> ouvrage a été accueilliavec satisfaction — <strong>et</strong> soulagement parfois — parde nombreux enseignants <strong>et</strong> formateurs d'a<strong>du</strong>ltes,qui ont pensé y trouver la solution aux problèmesde l'<strong>enseignement</strong> de l'orthographe. Thimonnier proposeen eff<strong>et</strong> une méthode qui se prétend infaillible— <strong>et</strong> facile — pour résoudre toutes les difficultésde notre orthographe (cf. entre autres, unarticle <strong>du</strong> Français aujourd'hui, n" 20 : « Une solutionactuelle au problème de l'orthographe : lecode de R. Thimonnier <strong>et</strong> la conclusion : « l'analysede T., rigoureuse, fine, originale, fondée sur un balayageà la fois synchronique <strong>et</strong> diachronique <strong>du</strong>système graphique, perm<strong>et</strong> en l'état actuel deschoses, de construire une pédagogie efficace de l'orthographe...»).Avant d'examiner les solutions proposées par Thimonnier,il n'est pas inutile de rappeler îles atten<strong>du</strong>sthéoriques, <strong>et</strong> par là-même, l'idéologie qui soustendl'entreprise.Remarque préliminaire : l'ouvrage a été couronnépar l'Académie française <strong>et</strong> Thimonnier précise quele proj<strong>et</strong> de réforme qui complète son code estaccepté, dans son principe, par l'Académie <strong>et</strong> leministre de l'E<strong>du</strong>cation nationale (p. 9). (Y a-t-ilun rapport entre les bruits récents de mini-réformede l'orthographe <strong>et</strong> « l'émondage » de T. qui doitconcerner 228 mots, dont 69 seulement font partiede l'usage courant ?)HYPOTHESES DE THIMONNIER1. T. prétend pouvoir rattacher tous les problèmesorthographiques à un corps de doctrine, <strong>et</strong>les ordonner de façon systématique <strong>et</strong> progressive.Le Code doit perm<strong>et</strong>tre d'acquérir « en très peude temps », une connaissance raisonnée <strong>et</strong> vraimentapprofondie des normes de l'orthographe ».2. L'orthographe française est complexe mais formeun ensemble cohérent : la plupart des anomaliessont purement imaginaires.Pour T., ce n'est donc pas l'orthographe qu'il fautréformer, mais la manière de l'enseigner.3. Etant donné que, dans c<strong>et</strong> ensemble si parfait<strong>et</strong> si cohérent, il n'y a que 300 anomalies environ,un simple « émondage » suffira à rationaliser définitivementle système. Ainsi frisotter s'écrira frisotercomme crachoter, amerrir ne prendra plus qu'un-r-, puisque formé sur mer, s'époumoner s'alignerasur sermonner. (Mais il n'est pas question de fondreen une seule série honneur <strong>et</strong> honorable, traditionnel<strong>et</strong> traditionaliste, <strong>et</strong>c., puisqu'ils sont de formationdifférente...)Après c<strong>et</strong> « émondage », plus rien ne s'opposeraà l'<strong>enseignement</strong> de « l'orthographe raisonnée ».Thimonnier justifie son « émondage » par le faitqu'une transformation profonde est impossible enraison des réactions prévisibles des usagers dont ellegênerait les habitudes. La preuve en est qu'aucunproj<strong>et</strong> de réforme n'a jamais pu aboutir. (Prouverde la sorte l'impossibilité d'une réforme est toutà fait arbitraire <strong>et</strong> tendancieux. D'ailleurs, on nemanquera pas de remarquer que ce sont les mêmespersonnes <strong>et</strong> intérêts qui ont été les plus hostilesà tous les proj<strong>et</strong>s antérieurs <strong>et</strong> sont favorables àcelui-ci...).4. L'orthographe est une composante essentiellede la langue <strong>et</strong> non une simple transcription de laparole. Or, « depuis une trentaine d'année la criseorthographique s'est aggravée de telle sorte qu'ellemenace l'intégrité de la langue ».A en croire T., l'orthographe intervient dans tousles secteurs de la langue (phonétique, grammaire,morphologie, lexique). C'est donc une « disciplineé<strong>du</strong>cative » qui doit être complétée par une étuderaisonnée de l'orthophonie qui s'appuie sur l'orthographe: c'est dans le mot écrit qu'on découvre cequi se prononce <strong>et</strong> ce qui ne se prononce pas. Pourbien prononcer le français, il faut donc savoir l'orthographe.(On peut opposer des contre-exemplesà T. N'est-ce pas à cause de l'orthographe qu'onpeut entendre des énoncés comme nous lui souhaitonsun [prôpt] rétablissement (journaliste radio)alors que la prononciation dite « correcte » deprompt est [pro] ?). Inversement, T. précise plusloin que, pour bien écrire, il faut bien prononcer.Or, pour reprendre l'exemple ci-dessus, quelqu'unqui aurait seulement enten<strong>du</strong> prononcer [prô] correctementne pourrait pas en dé<strong>du</strong>ire d'orthographe.De même, il est logique qu'un enfant qui n'a jamaisvu écrit scaphandrier le transcrive scafandrillé surla foi de la réalisation phonique.)5. Une bonne part des problèmes d'orthographe estgrammaticale : l'étude de la grammaire est doncnécessaire, axée sur la langue écrite <strong>et</strong> limitée auxproblèmes d'orthographe grammaticaile. Dans c<strong>et</strong>te« grammaire de l'essentiel » on trouvera tout cequ'il est nécessaire de savoir pour comprendre lastructure de notre langue, pour parler <strong>et</strong> écrire cor-197


ectement. (Ainsi définie, l'étude de la grammairen'a d'autre but que l'orthographe. On le savait bien,mais c'est, ici, ouvertement proclamé. On remarqueégalement que c'est la connaissance de la grammaireécrite qui perm<strong>et</strong> de « parler correctement ». Parailleurs T., distinguant entre grammaire de l'écrit<strong>et</strong> de l'oral, précise que la grammaire de la langueparlée s'acquiert par la lecture des bons auteurs <strong>et</strong>l'imitation des gens qui parlent bien) (sic).6. L'orthographe a nécessairement une valeursémantiqueEtant donné qu'il faut avoir recours au sens pouridentifier les catégories grammaticales, par le faitqu'il faut aussi avoir recours aux familles morphologiques,l'orthographe perm<strong>et</strong> d'approfondir le sensdes mots <strong>et</strong> de s'exprimer avec plus de rigueur<strong>et</strong> de clarté. (Si l'on suivait T., on devrait conclureque le maniement parfait de la langue ne s'acquiertqu'en écrivant...)7. Conclusion : l'orthographe est une disciplineessentielle <strong>et</strong> l'une des plus propres à renouvelerl'<strong>enseignement</strong> <strong>du</strong> français.C'est dans c<strong>et</strong>te formule de conclusion que se résumel'idéologie <strong>du</strong> « Code » de Thimonnier : uneconception des valeurs <strong>et</strong> beautés de la langue françaiseconservatrice <strong>et</strong> sclérosée, tout autant que l<strong>et</strong>ype d'<strong>enseignement</strong> proposé, celui-ci se ré<strong>du</strong>isantà l'étude de l'orthographe <strong>et</strong> de la grammaire. Toutceci recouvre en fait île refus de la langue en tantque réalité orale d'abord, le refus de l'évolutionde la langue, de la variété des usages <strong>et</strong> des incidenceséventuelles sur l'orthographe.Ce préten<strong>du</strong> « renouvellement » n'est en réalité,qu'un r<strong>et</strong>our — loin en arrière —- à un type d'<strong>enseignement</strong>qu'on croyait aboli, alors que l'étude dela langue devrait tendre à la communication toujoursaméliorée avec autrui, à l'appréhension <strong>et</strong> lacompréhension <strong>du</strong> monde.LES SOLUTIONS DE THIMONNIERThimonnier qui a établi qu'il existe un système graphique<strong>du</strong> français moderne, postule que l'orthographede la quasi-totalité des mots est résolue parrecours à 3 types d'opérations :I - Les constantes phonético-graphiques.II - Les règles grammaticales.III - Les séries analogiques.I - Les constantesphonético-graphiquesII s'agit des règles générales qui déterminent lesrapports généraux des sons <strong>et</strong> des signes. Ces règlesreposent sur une théorie de la syllabation graphiqueainsi définie :— autant de syllabes que de sons voyelles ou dediphtongues, le [a] mu<strong>et</strong> entre consonnes étantassimilé à une voyelle ;— chaque voyelle ou diphtongue ne peut être précédéeque d'une seule consonne ou groupe combiné(type bl-, br-), le -n- <strong>et</strong> le -m- des voyelles nasalescomptant pour une consonne.C<strong>et</strong>te syllabation graphique ne correspond aucunement,on le voit, à la syllabation phonique. Lesconfusions qu'elle comporte entre les unités graphiques<strong>et</strong> phoniques ne peuvent guère favoriser lepassage de la phonie à la graphie. C<strong>et</strong>te définitionest utilisable — une fois qu'on sait écrire le mot —pour la coupure « correcte » des mots <strong>et</strong> la répartitiondes accents. Mais c<strong>et</strong>te règle ne peut empêcherun enfant d'écrire gobl<strong>et</strong> pour gobel<strong>et</strong> <strong>et</strong> ourrel<strong>et</strong>pour ourl<strong>et</strong>. On sait que nombre de fautesportent sur l'adjonction ou l'omission <strong>du</strong> [a] entreconsonnes. Même si, pour Thimonnier, « chaquefrançais doit s'efforcer d'acquérir une prononciationcorrecte <strong>et</strong> sauvegarder les rares qualités de salangue maternelle », il est peu probable que s'établisseune différence notable de prononciation, transposab'leautomatiquement dans la graphie entrebourrel<strong>et</strong> <strong>et</strong> ourl<strong>et</strong>.Notre orthographe n'est que partiellement phonétique,mais, selon T., on peut dégager 25 constantesphonético-graphiques qui peuvent être traitées àl'aide de 60 règles d'application. Ces règles concernentles signes auxiliaires, les consonnes doubles,la transcription de i consonne (yod), les finales dessubstantifs féminins <strong>et</strong> masculins, la transcriptionde e sourd.Nous examinerons quelques-unes de ces constantes<strong>et</strong> les règles correspondantes.—• Constante n" 1 : l'accentuation graphique desvoyelles (cf. § 46 <strong>et</strong> § 114-1) : une voyelle quelconque— autre que finale — ne prend d'accentque si elle termine la syllabe, telle qu'elle est définieci-dessus, exemple : pâtre/pasteur, cèdre/serpe,<strong>et</strong>c. Exceptions : châsse, nous vînmes...198


C<strong>et</strong>te règle dit quant l'accent est possible, mais neperm<strong>et</strong> pas de prévoir son apparition, exemple : l'orthographespontanée, bateau chez les enfants.— Constante n° 2 : l'accentuation de e prononcé[é] ou [è] (cf. § 45 <strong>et</strong> § 114-2) : la même règleque ci-dessus, mais le e ou le s final ne modifientpas la structure de la syllabe : alors qu'on écritpied sans accent, il en faut un à congrès.Même arrivée à ce degré de complexité, la règlene rend pas compte de l'accent de forêt, arrêt, <strong>et</strong>c. :il faut une explication supplémentaire (la suppression<strong>du</strong> s de forest) <strong>et</strong> une liste de mots à apprendrepour cerner complètement la question.— Constante n° 5 : le trait d'union (cf. § 49 <strong>et</strong>§ 114-5) : «en dépit des tolérances officielles», ilvaut mieux maintenir le trait d'union dans lesnoms composés <strong>du</strong> type timbre-poste (un des élémentsde composition est sous-enten<strong>du</strong>) ou grandpère(sens <strong>du</strong> composé différent de celui des composants)<strong>et</strong> des expressions grammaticales commedonne-le-moi, quatre-vingt-dix-huit (chiffres inférieursà cent), lui-même : le trait d'union renforcel'unité <strong>du</strong> groupe de mots.A partir de sa formulation même, peut-on considérerque c<strong>et</strong>te règle trouve son fondement dansla langue ou dans un souci d'hypercorrection ? L<strong>et</strong>rait d'union est un signe conventionnel : son absencene nuit pas à la compréhension <strong>du</strong> groupe demots en tant que tel comme le montre sa fréquenteomission dans certains des exemples ci-dessus,il ne saurait donc lui donner son unité. MaisT. se montre le gardien vigilant d'une traditiongraphique intouchable.— Les constantes n os 6, 7, 8 concernent le doublementdes consonnes. Une consonne double, éventuellementcomplétée par Z ou r est toujours suivie d'unel<strong>et</strong>tre voyelle, ex. : carré, carrefour (cf. § 54 <strong>et</strong>§ 114-6).Mais le problème orthographique n'est-il pas davantagede savoir s'il y a ou non deux consonnes ?L'omission <strong>du</strong> e après une consonne double est rare.La règle de doublement des consonnes b, d, g (§ 52<strong>et</strong> § 114-7) est, en fait, une liste de mots à apprendre.Les consonnes nasales (§ 55 à 60 <strong>et</strong> § 114-8) nesont jamais doublées après i ou u, de même que dansles dérivés des radicaux en i ou u : il faut doncr<strong>et</strong>ourner à sain pour sanitaire, plein pour plénitude,<strong>et</strong>c. Il faut encore tenir compte que « fontnormalement exception » les composés formés dein- ou im, <strong>et</strong> d'un radical commençant par n ou m,ex. : immortel.Mais immanent, innocent, <strong>et</strong>c. sont-ils pour tout unchacun des composés de ce type ou des exceptions?—• Constante n° 9 : la transcription <strong>du</strong> yod (cf. § 62à 66, § 114-9, § 630 à 633) :Selon Thimonnier, 3 règles traitent 95 % des cas :1) Le yod se transcrit toujours de la même manièrepour les mots d'une même famille.2) Le yod terminal se transcrit toujours, -il pourles noms <strong>et</strong> adjectifs masculins, ex. : travail (saufgorille) <strong>et</strong> -Ule pour les féminins.3) Le yod intervocalique se note toujours i aprèsé, ex. : théière, ill après eu, ou, ex. : feuillu <strong>et</strong> yaprès o, u, oi, ex. : bruyère (exception : mareyeur).Ces trois règles, dont la dernière est assez complexelaissent de côté 5 % des cas, mais on va voir qu'ils'agit de mots très usuels. Il faut envisager chaquecas séparément :1) a -j- yod : il faut rattacher à une famille demots, ex. : travail pour travailleur.Les autres mots tels que faïence, aïeul, cahier... doiventêtre appris séparément.2) [è] + yod : on écrit -ill si on peut rattacher àune famille de mots : veilleur à partir de veille,sinon on écrit y : embrayage (mais d'où vient meilleur?...).3) i + yod :1) s'il n'y a pas de groupe combiné c'est -Il :bill<strong>et</strong> ;2) après les groupes combinés : trier, plier...Mais, pour rendre compte de trier/étriller il fautrechercher s'il y a ou non un mot simple avec unefinale yod : tri/étrille.Et il restera encore embryon <strong>et</strong> les diminutifs en-iîZon à traiter séparément.199


4) ui + y°d : on transcrit -Il s'il y a un simplecorrespondant : aiguille, aiguillage (mais ce n'estpas le cas, néanmoins, de cuiller <strong>et</strong> juill<strong>et</strong>).Pour traiter toutes les transcriptions possibles <strong>du</strong>yod il faut sept règles, la première recourant uniquementaux critères étymologiques <strong>et</strong> les autresplus ou moins accessoirement, <strong>et</strong> il reste, malgrétout, un rési<strong>du</strong> de mots à apprendre sans aucunrepère.Les constantes n° 5 19 à 24 concernent certainesfinales des substantifs.fémi­—• Constante n° 23 : la finale des substantifsnins en [siô~\ (cf. § 98 à 103 <strong>et</strong> § 114-23) :1) Après consonne : -tion : acception,sauf après l ou r : torsion,exception (à c<strong>et</strong>te exception...) : portion, désertion,<strong>et</strong>c.2) - a) Après voyelle orale autre que [è] : -tion :disparition,exceptions : passion, mission, <strong>et</strong>c.b) Après [è] :25 formes en -ession,6 formes en -étion,il faut r<strong>et</strong>rouver pour celles-ci un équivalent :sécréter/sécrétion, concr<strong>et</strong>/concrétion, <strong>et</strong>c.c) Cas particuliers : succion, suspicion, annexion,<strong>et</strong>c.3) Après [â]1. -tion si le mot se termine par [vâsio] ou [tâsio] :invention, intention.2. -sion dans les autres cas : ascension. Mais il ya des exceptions à ces deux règles : mention, tension,<strong>et</strong>c.Dans le cadre de c<strong>et</strong>te « constante » peut-on considérerc<strong>et</strong>te série de règles comme opératoire alorsqu'elle intro<strong>du</strong>it autant de cas possibles <strong>et</strong> d'exceptionspour chacun de ces cas ?La conclusion de Thimonnier à ce chapitre peutparaître étonnante : « une étude raisonnée de l'orthographefait appel au jugement <strong>et</strong> à l'esprit d'observationbeaucoup plus qu'à la mémoire. Pour r<strong>et</strong>enirles soixante règles (...) il faut s'efforcer debien comprendre ce qui les justifie <strong>et</strong> se sentircapable de déterminer leur rôle dans l'économie <strong>du</strong>système ».On peut se demander si ce qui est compréhension<strong>du</strong> système pour un a<strong>du</strong>lte cultivé qui connaît biensa langue <strong>et</strong> l'orthographe, l'est au même degré pourun enfant qui est, lui, dans la phase d'apprentissage.L'énoncé de ces règles plus descriptives qu'explicativesne peut, de toute façon, constituer unedémonstration de « l'économie <strong>du</strong> système » orthographique.II - Les règles grammaticalesLes catégories grammaticales ne sont signalées leplus souvent que par la graphie : il faut doncconnaître les règles d'accord <strong>et</strong> les appliquer. D'ailleursla méconnaissance de ces règles entraîne desfautes de prononciation : on r<strong>et</strong>rouve ici l'interactiondéjà signalée de l'écrit sur l'oral <strong>et</strong> inversement.Une grande suspicion pèse d'ailleurs sur l'oral :« quiconque s'en tient à repro<strong>du</strong>ire ce qu'il entend,s'expose à prendre de mauvaises habitudes»...Nous n'insisterons pas sur ce chapitre de l'orthographegrammaticale, bien connue des enseignants<strong>et</strong> traitée ici de la façon la plus traditionnelle, surtouten ce qui concerne les définitions des classes<strong>et</strong> des fonctions.Pour Thimonnier, les règles d'accord sont peu nombreuses,toujours faciles à définir, mais leur applicationest souvent délicate...En fait pour Thimonnier, il s'agit toujours d'unproblème d'analyse, c'est-à-dire de la distinctionentre espèce <strong>et</strong> fonction.Après un chapitre consacré aux fonctions <strong>et</strong> auxdifférents types de propositions, T. aborde les règles,par exemple :— les variations <strong>du</strong> nom (genre, nombre, nomspropres, d'origine étrangère, <strong>et</strong>c.) (18 règles environ);— les variations de l'adjectif (une trentaine de rubriques<strong>et</strong> règles).Variations <strong>du</strong> verbe : homonymies verbales, parexemple finales des infinitifs (50 rubriques environ),— homonymie nom-verbe, par exemple : jedéfie - un défi (15 rubriques environ), — accord200


<strong>du</strong> verbe avec le suj<strong>et</strong> (9 cas), — accord <strong>du</strong> participepassé (14 règles environ).Parmi les règles d'accord <strong>du</strong> participe passé, nousr<strong>et</strong>iendrons celle <strong>du</strong> participe des verbes pronominaux.Fort astucieusement, Thimonnier propose une règleunique, au lieu des règles traditionnelles complexes :« Le participe passé des verbes pronominaux s'accordeen genre <strong>et</strong> en nombre avec le suj<strong>et</strong>, saufquand le pronom intérieur est complément d'obj<strong>et</strong>indirect ou d'attribution. Dans ce cas, le participe nepeut s'accorder qu'avec le C.O.D. qui précède».Voyons maintenant la technique d'application préconiséepar Thimonnier : « remplacer mentalementêtre par avoir <strong>et</strong> poser la question à qui ? (ou pourqui ?) après le verbe précédé <strong>du</strong> suj<strong>et</strong> <strong>et</strong> éventuellementsuivi <strong>du</strong> C.O.D. ».Exemples :Voici les côtel<strong>et</strong>tes qu'ils se sont préparées,ils ont préparé les côtel<strong>et</strong>tes pour qui ? — pour eux,ils ont préparé quoi ? des côtel<strong>et</strong>tes.Le C.O.D. précède le participe -» préparées.Ils se sont préparé des côtel<strong>et</strong>tes,ils ont préparé à qui ? pour qui ? — pour eux,quoi ? —- des côtel<strong>et</strong>tes.C.O.D. après le verbe —» préparé.Ils se sont nui sans le savoir.Ils ont nui à qui ? — à eux-mêmes.Ils ont nui quoi ? = pas de C.O.D. -H> nui.Mais dans 90 % des cas la question est formuléede telle sorte qu'elle ne peut avoir de réponse :on fait alors l'accord avec le suj<strong>et</strong>, même si lepronom intérieur est en fonction de C.O.D.Exemples :Les murs se sont écroulés — les murs ont écrouléà qui ?Ils se sont battus — Ils ont battus à qui ? pourqui ?La règle générale de Thimonnier paraît simple, iln'en reste pas moins trois possibilités :C.O. ind. + C.O.D. avant le participe = accordavec le C.O.D.CO. ind. — pas de C.O.D. = pas d'accord.Pas de CO. ind. = accord avec le suj<strong>et</strong>.Mais est-il normal d'avoir à se poser tant de questionsavant d'écrire un mot, <strong>et</strong> surtout des questionsaussi absurdes que : les murs ont écrouléà qui ? ou ils ont battu à qui ? Peut-on considérercomme formateur de l'esprit ce genre d'exercice ?III - Les séries analogiques <strong>et</strong> les séries homonymesLes séries analogiques sont constituées par les motsqui ont un élément commun : préfixe, radical, suffixe,désinence, qui possède à la fois le même sens,le même son, la même forme graphique. Ainsil'inépuisable appartient à 3 séries analogiques :celle <strong>du</strong> préfixe in- <strong>du</strong> radical épuis- <strong>du</strong> suffixe-able.Parmi les 4 500 séries analogiques on distingue entre3 800 radicaux (familles étymologiques) <strong>et</strong> 700 élémentsde composition (préfixes, suffixes, désinencesverbales, éléments gréco-latins). Seulement 200 formesrési<strong>du</strong>elles ne se rattachent à aucune sériecomme silhou<strong>et</strong>te, lotte...Pour Thimonnier ne font vraiment difficulté queles homonymes pour lesquels une confusion de sensest possible (ex. : chair/chère, cahot /chaos...), iln'y a en tout que 15 couples de mots de ce type<strong>et</strong> 12 expressions (ex. : bien tôt/bientôt).L'hypothèse de Thimonnier est que l'associationrépétée <strong>du</strong> son, <strong>du</strong> sens <strong>et</strong> de la forme perm<strong>et</strong> deconclure <strong>du</strong> connu à l'inconnu, c'est-à-dire de reconstituerla graphie de mots jamais vus à partirde mots connus, par exemple oléagineux à partir d<strong>et</strong>erreux. Encore faut-il toujours identifier les différentséléments, surtout lorsqu'ils ont une étymologiesavante. Il faut donc étudier systématiquementles familles à consonnes géminées (ex. : terre,nourrir, <strong>et</strong>c.) les éléments gréco-latins avec leursignification, les séries homonymes (ex. : aplanir/appointer)qui représentent 5 % des familles régulières.Les autres cas d'homonymie (ex. : plan/plant) seraientmoins délicats à résoudre puisqu'il y a unedifférence de sens plus n<strong>et</strong>te. Il suffit de s'habituer« à concentrer son attention sur le sens <strong>et</strong> non seulementsur le son des mots qu'on utilise ».201


Dans le cas des homonymies préfixâtes (ex. :dé/des ; in/inn...) il faut des règles morphologiques<strong>et</strong> phonétiques. La règle de formation in -J- radical(§ 513) peut faire prévoir innombrable <strong>et</strong> inattentif,mais il faut intro<strong>du</strong>ire « pour les non-latinistes »une règle complémentaire (mots à r<strong>et</strong>enir) pourjustifier innocent, innover.Thimonnier prévoit deux règles distinctes pour l<strong>et</strong>raitement de l'assimilation <strong>du</strong> n <strong>du</strong> préfixe m- quiaboutit au doublement de la consonne intiale <strong>du</strong>radical.—• Pour les latinistes (§ 518) la consonne qui suitVi initial ne se double que dans le cas où le radical,français ou latin, commence par l'une des consonnesI - m - n - r. Ex. : ill<strong>et</strong>tré, immonde, innocuité,irruption. La règle exclut, d'elle-même, pour leslatinistes, inoculer, inique...).— Pour les non-latinistes (§ 519) la règle distingueentre les mots dont le radical commence par n :6 mots à apprendre (innover, innocent, <strong>et</strong>c.) <strong>et</strong>les mots qui commencent par il, in, ir : la consonneest toujours doublée sauf dans île, image, <strong>et</strong>c., soitII mots à r<strong>et</strong>enir dont 8 d'usage courant.On peut se demander si ce type de règles diffèrefondamentalement de celles qu'on enseigne traditionnellementdès l'école primaire, avec le succèsque l'on sait.Les homonymies suffixales (ex. : pur été/portée, bâti/abattis,cantonnier/cantonal...) sont traitées sous14 rubriques. La seule homonymie des finales-ote/-otte est traitée par 3 règles (§ 547 à 549). Ladernière de ces règles concerne les substantifs fémininsqui n'ont pas de masculin en -ot <strong>et</strong> peuvents'écrire soit -ote, soit -otte. Mais ce n'est pas « affairede pure mémoire ». Il suffit de les rapprocherde leur série analogique, par exemple notede noter, noter, notable, trotte de trottoir, trottiner...Remarquons qu'il faut que d'enfant m<strong>et</strong>te régulièrement-tt à ces mots, mais aussi qu'une applicationintempestive de la règle précédant celle-ci pourraitl'inciter à écrire trote à partir de trot...En ce qui concerne les 110 familles irrégulières(courir/courrier, baril /barrique, <strong>et</strong>c.) les irrégularitésne sont le plus souvent qu'apparentes <strong>et</strong> s'expliquentpar des phénomènes historiques, morphologiques,phonétiques. Par exemple mammifère vient<strong>du</strong> latin mamma <strong>et</strong> mamelle de son dérivé mamilla.Il suffit donc de règles perm<strong>et</strong>tant de distinguerles radicaux originels, par exemple s'il y a un lc'est un dérivé de mamilla... Quand l'irrégularité estl'exception on formule une règle comme « tous lesmots de la famille de siffler prennent ff à l'exceptionde persifler <strong>et</strong> ses dérivés ».L'examen de ces quelques exemples montre quel'étude des séries analogiques n'est pas moinscomplexe que celle des constantes phonético-graphiques<strong>et</strong> des règles grammaticales.Or, quelles sont les conclusions de Thimonnier ?Il prétend avoir dissipé le « mythe <strong>du</strong> chaos orthographique». Le système complexe <strong>et</strong> cohérent qu'ila mis à jour perm<strong>et</strong> un « renouvellement des méthodes» : on peut prévoir un <strong>enseignement</strong> « systématique» de l'orthographe, étalé <strong>du</strong> cours élémentaireà la 3°, c<strong>et</strong> <strong>enseignement</strong> systématisédevant entraîner « une ré<strong>du</strong>ction sensible <strong>du</strong> nombred'heures » consacrées à l'orthographe. En conséquence,une réforme profonde de l'orthographe estdésormais inutile, puisqu'elle ne se justifierait quedans le cas d'un système anarchique (<strong>et</strong> ce n'estpas le cas, de toute évidence...).Si l'on a insisté assez longuement sur le Codeorthographique <strong>et</strong> grammatical de Thimonnier, endonnant un certain nombre d'exemples caractéristiquesde la méthode (mais peu nombreux parrapport à l'ensemble des règles...) c'est pour dissipertout malenten<strong>du</strong> <strong>et</strong> toute illusion sur c<strong>et</strong>teméthode ou celles qui s'en inspireraient.Sous prétexte qu'il est parvenu à une descriptioncomplète de l'orthographe, Thimonnier prétend qu'ilen a dégagé un « système ayant son économie <strong>et</strong>facile à assimiler ». Il y a là une confusion dangereuse: il est évident tout au long de l'ouvrage,qu'un a<strong>du</strong>lte, cultivé de surcroît, peut suivre Thimonnierà la trace (sans pour autant r<strong>et</strong>rouver seulle chemin des règles...). Mais qu'en est-il de l'enfantqui devra apprendre plusieurs centaines derègles dont certaines fort complexes, sans avoir derrièrelui un bagage substantiel de mots connus <strong>et</strong>déjà pratiqués graphiquement ? Peut-on réellementcroire qu'un ensemble de règles, même étudiées <strong>et</strong>apprises, garantisse une pratique correcte de l'orthographe? D'autant que le nombre excessif deces règles, leur complexité, les exceptions qu'ellescomportent ne perm<strong>et</strong>tent pas de croire à leur vertupédagogique. Le recours permanent à l'étymologiequi recouvre la soi-disant démarche <strong>du</strong> « connu àl'inconnu » n'est pas une procé<strong>du</strong>re acceptable pour202


l'apprentissage de l'orthographe. Pas plus qu'il n'estpossible de lire en épelant, on ne peut écrire enfaisant intervenir l'ensemble des règles <strong>et</strong> séries quise rapportent à chaque mot d'un énoncé. C'est encoreplus vrai pour l'enfant dont on risque deparalyser la capacité <strong>et</strong> le goût d'écrire.En matière d'orthographe, la véritable démarche« <strong>du</strong> connu à l'inconnu » devrait être celle de l'oralà la graphie, aussi bien pour le jeune francophoneque pour l'étranger qui apprennent la langue <strong>et</strong>l'orthographe. Un apprentissage fondé sur l'étymologie<strong>et</strong> des connaissances graphiques préalables estincompatible avec les méthodes modernes d'<strong>enseignement</strong>des langues.Constatons enfin que, si l'on additionne le tempsconsacré à la grammaire, à l'étude des règles d'orthographe(<strong>et</strong> même à la lecture des « bons auteurs»...) on ne peut que s'interroger sur la sommede temps nécessaire à c<strong>et</strong> apprentissage. Peut-onvraiment croire à une ré<strong>du</strong>ction sensible <strong>du</strong> nombred'heures ? Dans une telle hypothèse, l'<strong>enseignement</strong><strong>du</strong> français se ré<strong>du</strong>irait pratiquement à celui del'orthographe (mais il est vrai que c'est une descomposantes essentielles de la langue...).A l'heure actuelle, il semble peu probable que seréalise une réforme cohérente de l'orthographe <strong>et</strong>qu'ainsi donc, nous devrons continuer à essayer del'enseigner en l'état. Mais il ne faut pas nous leurrersur la maniabilité <strong>et</strong> l'efficacité de telles méthodes.Les techniques d'apprentissage restent encore à m<strong>et</strong>treau point tout autant qu'une conception neuve<strong>et</strong> moins répressive de la pratique de l'orthographe :celui qui fait des fautes ne porte pas atteinte à lastructure de la langue, mais est victime de l'inadéquation<strong>du</strong> code graphique à la langue. En eff<strong>et</strong>,l'orthographe n'est pas une « composante essentielle» de la langue, elle n'en est qu'un code d<strong>et</strong>ranscription : comme tout système conventionnel,celui-ci peut varier sans que varie la langue.203


Dépôt légal n° 6106 - 1 er trim. 1976 - Imp. BIALEC, NANCY


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Tél. : 37-40-398, rue Frédéric-Mistral, 84000 Avignon. Tél. : 81-36-08C.E.S. Maria Borrely, 5, place des Cordeliers, 04000 Digne. Tél. : 5872, avenue Maréchal-Foch, 05000 Gap. Tél. : 51-36-8410, rue Jean Chatel, 97489 Saint-Denis de la Réunion. Tél. : 21-35-9733, rue des Minimes, B.P. 348 G, 80026 Amiens Cedex. Tél. : 92-07-0822. avenue V.-Hugo, B.P. 321, 60030 Beauvais. Tél. : 445-13-30Impasse de l'Eglise, 27, rue Fernand-Thuillart, 02000 Laon. Tél. : 23-25-02Boulevard de la République, B.P. 762, 97305 Cayenne. Tél. : 31-24-90École normale mixte de la Martinique, Pointe des Nègres, Route <strong>du</strong> Phare,B.P. 529, 97206 Fort-de-France Cedex. Tél. : 71 -48-04 <strong>et</strong> 72-25-98(C.I.R.D.P. en cours de création} Ecole normale,B.P. 677, 97262 Fort-de-France. Tél. : 71-85-86Cité scolaire de Brimbrldge, B.P. 378, 97154 Pointe-à-Pitre. Tél. : 82-09-5616 <strong>et</strong> 17, rue Ernest-Renan, B.P. 1153, 25003 Besancon Cedex. Tél. : 83-74-4975, cours d'Alsace-Lorraine, 33075 Bordeaux Cedex. Tél. : 44-12-92156, avenue Jean-Jaurès, 47000 Agen. Tél. : 66-55-86École <strong>du</strong> Peyrouat, B.P. 401, 400O0 Mont-de-Marsan. Tél. : 75-43-11Villa Nitot, B.P. 299, 64016 Pau. Tél. : 27-83-18Inspection académique, rue Alfred-de-Muss<strong>et</strong>, 24016 Périgueux. Tél. : 08-11-6321, rue <strong>du</strong> Moulin-au-Roy, 14034 Caen Cedex. Tél. : 81-08-60Cité administrative, place Bon<strong>et</strong>. 61013 Alencon. Tél. : 26-16-80 (poste 314)15, rue d'Amboise, 63037 Clermont-Ferrand Cedex. Tél. : 92-41-912, rue Mouton-Duvern<strong>et</strong>, B.P. 132, 43012 Le Puy. Tél. : 09-26-82Campus universitaire de Montmuzard, boulevard Gabriel, B.P. 49021013 Dijon Cedex. Tél. : 30-83-92Maison de l'É<strong>du</strong>cation, 22, rue de l'Héritan, 71000 Mâcon. Tél. : 38-71-771 bis, rue Charles-Roy, 58000 Nevers. Tél. : 61-45-9011,avenue <strong>du</strong> Général-Champon. 38031 Grenoble Cedex. Tél. : 87-77-6164, avenue de France, 74000 Annecy. Tél. : 57-37-36289, rue Marcoz, 73018 Chambéry. Tél. : 34-11-40"Ancienne Préfecture", place Le Cardonnel, B.P. 2110, 26021 Valence. Tél. : 43-17-743, rue Jean-Bart, B.P. 3399, 59018 Lille Cedex. Tél. : 57-78-0239, rue aux Ours, 62022 Arras. Tél. : 21-60-10(C.L.D.P.), Lycée technique, 1, avenue de Villars, 59326 Valenciennes Cedex. Tél. : 46-22-8144, cours Gay-Lussac, 87031 Limoges Cedex. Tél. : 77-79-53 <strong>et</strong> 77-60-89Avenue Syivain Combes, 19000 Tulle. Tél. : 26-32-8847, 49, rue Philippe-de-Lassalle, 69316 Lyon Cedex 1. Tél. : 29-97-756, rue Jules-Ferry, 01000 Bourg-en-Bresse. Tél. : 21-21-3616, rue Marcellin-Allard, 42000 Saint-Êtienne. Tél. : 32-80-44 <strong>et</strong> 32-80-58Allée de la Citadelle, 34064 Montpellier Cedex. Tél. : 72-25-3056, avenue <strong>du</strong> Docteur-Henri-Gout, 11012 Carcassonne. Tél. : 25-25-02Avenue <strong>du</strong> Père-Coudrin, 48000 Mende. Tél. : 65-10-3210, Grand'Rue, 30000 Nîmes. Tél. : 67-85-1924, rue Émile-Zoia, 66020 Perpignan Cedex. Tél. : 50-26-86 (poste 57)99, rue de M<strong>et</strong>z, 54000 Nancy. Tél. : 52-85-14Avenue Henri Sellier, 88025 Épinal. Tél. : 35-06-4217, rue Gamb<strong>et</strong>ta, B.P. 1001, 44036 Nantes Cedex. Tél. : 74-85-1914, rue de la Juiverie, 49000 Angers. Tél. : 87-53-79 <strong>et</strong> 87-70-8131, rue des Maill<strong>et</strong>s, 72000 Le Mans. Tél. : 28-01-47 <strong>et</strong> 28-85-49117, rue de France, B.P. 227, 06001 Nice Cedex. Tél. : 87-63-306, cours Général Leclerc, B.P. 229.20000 Ajaccio. Tél. : 21-70-7855, rue Nptre-Dome-de-la-Recouvrance, B.P. 2219, 45012 Orléans Cedex. Tél. : 62-23-909, rue Édouard-Branly, 18000 Bourges, Tel, : 24-54-911, rue Gutenberg, 37000 Tours. Tél. : 05-42-9429, rue d'Ulm, 75230 Paris Cedex 05. Tél. : 329-21-64Librairie : 13, rue <strong>du</strong> Four, 75006 Paris. Tél. : 326-36-926, rue Sainte-Catherine, 86034 Poitiers Cedex. Tél. : 41-34-831, rue Vauban, 16017 Angoulême. Tél. : 92-16-60Rue de Jéricho prolongée, 17028 La Rochelle Cedex. Tél. : 34-13-82 <strong>et</strong> 34-04-051, rue Jules-Ferry, 79009 Niort Cedex. Tél. : 24-82-6547, rue Simon, B.P. 387, 51063 Reims Cedex. Tél. : 47-94-2518, rue Voltaire, B.P. 427,08109 Charleville-Mézières. Tél. : 32-47-54École Robespierre, 20, rue Haeusler, 52000 Chaumont. Tél. : 03-12-85Cité administrative, 51036 Châlons-sur-Marne. Tél. : 64-91-12 (poste 533)1, rue Bégand, B.P. 4042,10014 Troyes Cedex. Tél. : 43-26-7192, rue d'Antrain, B.P. 158, 35003 Rennes Cedex. Tél. : 36-05-76 <strong>et</strong> 36-10-15108, rue Jean-Jaurès, 29200 Brest. Tél. : 44-29-2830, rue de Brizeux, 22000 Saint-Brieuc. Tél. : 33-60-046, avenue de-Lattre-de-Tassigny, B.P. 1110,56008 Vannes. Tél. : 54-27-202, rue <strong>du</strong> Docteur-Fleury, Le Mont-Salnt-Aignan N° 303876041 Rouen Cedex. Tél. : 74-16-85(C.D.D.P. de la Seine-Maritime) École E. Herriot, rue François 1 er , 7C600 Le Havre43, rue St Germain, 27000 Evreux. Tél. : 33-03-585, quai Zorn, B,P. 279-R 7, 67007 Strasbourg Cedex. Tél. : 35-46-13, 35-46-14 <strong>et</strong> 35-57-74École normale, 12, rue Messigny. 68025 Colmor. Tél. : 41-29-583, rue Roquelaine, 31069 Toulouse Cedex. Tél. : 62-54-54Centre administratif, 3, rue <strong>du</strong> Général-Giraud, B.P. 160, 81010 Albi Cedex. Tél. : 54-26-97Centre administratif, rue BoIssy-d'Anglas, 32007 Auch Cedex.Tél. : 05-24-89 (postes 535 <strong>et</strong> 536JCité administrative, quai Cavaignac, 46009 Cahors Cedex. Tél. : 35-16-8731 bis, avenue <strong>du</strong> Général-de-Gaulle, 09008 Folx Cedex. Tél. : 65-08-489, rue <strong>du</strong> Fort, 82000 Montauban. Tél. : 63-21-18École normale d'Instituteurs, 12, rue Sarrus, 12000 Rodez. Tél. : 68-13-53Rue Georges-Magnoac, B.P.,205, 65013 Tarbes Cedex. Tél. : 93-07-18


Définir ce que connaît l'élève auquel on s'adresse, définir cequ'il est utile de lui enseigner à un âge donné <strong>et</strong> compte tenude ses connaissances, restent les deux préoccupations majeuresde c<strong>et</strong>te recherche.Comment enseigner, quels procédés pédagogiques m<strong>et</strong>tre enœuvre pour atteindre le but poursuivi ? Sont favorisés ici lesprocédés perm<strong>et</strong>tant l'observation directe <strong>du</strong> langage par lesenfants. Les tests destinés à définir les connaissances <strong>et</strong> possibilitésdes élèves peuvent inspirer des exercices. On en trouveici des exemples.Les études contenues dans ce volume rendent compte d'uneétape de la recherche encore consacrée à la syntaxe ; ellessont inspirées des mêmes principes que celles de la brochure57 de Recherches Pédagogiques dont elles sont unapprofondissement dans certains cas.Outre la syntaxe, l'orthographe fait l'obj<strong>et</strong> de remarques <strong>et</strong>commentaires.Brochure n° 2379

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