Le-design-au-service-dune-démocratie

Culture numérique : culture collaborativecomplètes. Celles-ci sauront ensuite se faire corriger par lafoule, une sorte d’intelligence collective appelée entre autres« intelligence des foules » 1 que Eric Raymond appelle aussila « loi de Linus » 2 . Mais qu’est ce qui motive tous ces gens ?C’est l’auto-gratification et la reconnaissance de soi (au plushaut dans la pyramide de Maslow). L’avantage de ce systèmeest qu’il permet un retour très rapide et donc une récompensequasi quotidienne du travail des contributeurs.Cette économie de la contribution dans le logiciel libres’est révélée très efficace et servira de modèles à beaucoupd’autres collectifs en ligne 3 tels que la création du navigateurFirefox, ou encore de Wikipédia, la plus grande encyclopédiedu monde. Cette dernière a montré au grand jour l’immensepouvoir de la contribution en ligne. Un pouvoir quin’aurait d’ailleurs pas été possible dans la vie réelle puisquetout groupe de travail ne supporte pas l’inégale participationdes membres ; alors que les collectifs en ligne comme Wikipédiase montrent très tolérants à l’égard des personnes inactivesou peu engagées car dans une économie de contributionouverte, les « petits » sont nécessaires aux « grands ». Lesparticipations minimes telles que la correction de fautes d’orthographessont indispensables à la motivation des plus actifs1. James SUROWIESKI (2008), la Sagesse des foules, cité par DominiqueCardon dans Démocratie Internet, chap. II.2. « Étant donnés suffisamment d’observeurs, tous les bogues sautent auxyeux [...] chaque problème sera rapidement isolé, et sa solution sembleraévidente à quelqu’un », The Cathedrale and the Bazaar, 1999, p. 7.3. Dominique CARDON, Démocratie Internet, 2010.où la gratification est essentiellement symbolique. Ainsi leswikis, ces pages collaboratives modifiables par les visiteurs,suivent souvent la règle des 90-9-1 : 90% ne contribuent pas,9% occasionnellement et 1% régulièrement.Mais les wikipédiens ne se contentent pas d’écrire l’encyclopédiede façon ouverte et participative. « Ils discutent, sequerellent, négocient et s’accordent sur l’onglet discussion dechaque article. Ils se corrigent et se réfutent dans les pageshistorique. Il surveillent et protègent à l’aide de la liste desuivi. Ils argumentent, votent, et statuent sur les pages à supprimeret alertent les wikipompiers pour établir une médiationlorsque les débats s’enflamment. Et s’ils ne parviennent pas às’accorder, ils portent alors le litige devant le comité d’arbitrage» 1 .Le grand pouvoir de Wikipédia est sa capacité à mutualisertoutes ces procédures qui permettent à l’ensemble des wikipédiensde veiller à la fiabilité de chaque article plus que le pouvoird’écrire collectivement. Wikipédia apporte là la preuvequ’une gouvernance décentralisée est possible.Finalement non seulement le modèle contributif est possibleet généralisable mais il est aussi nécessaire 2 . Il est nécessaire,selon Bernard Stiegler, de nous sortir du système industrielprolétaire du XIX ème siècle qui est en crise pour aller versun « modèle industriel déprolétarisant ». Les entreprises parexemple ne fonctionnent plus à la motivation mais à la sanc-1. Ibid.2. Bernard STIEGLER, Ars Industrialis.44 45