livre rouge sur le procès de moscou - Marxists Internet Archive
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conduite <strong>de</strong>vant <strong>le</strong> tribunal ? Il ne faut pas oublier que ces onze n'étaient pas <strong>de</strong>s inculpés pris au hasard, mais qu'ilsavaient été choisis au cours d'une longue et terrib<strong>le</strong> instruction parmi 50 autres prisonniers ou même plus, que Stalinen'a pu réussir à briser. Ce sont précisément ceux qui ont pu être brisés qui ont été impliqués dans <strong>le</strong> procès. Ce qu'il estadvenu <strong>de</strong>s autres, on n'en sait rien ; on a fusillé ceux qui n'ont pas cédé au chantage <strong>de</strong> Staline ; ils ont été fusillés« pour l'édification » <strong>de</strong>s autres. Outre la torture <strong>de</strong> l'interrogatoire, — la même question est posée du matin au soir, <strong>de</strong>ssemaines durant, à l'accusé qui reste <strong>de</strong>bout, — outre <strong>le</strong> tourment quant au sort <strong>de</strong> <strong>le</strong>urs famil<strong>le</strong>s et autres torturesprises dans l'arsenal <strong>de</strong> l'Inquisition la plus noire et la plus terrib<strong>le</strong>, <strong>le</strong> passage par <strong>le</strong>s armes d'un certain nombred'accusés fut un <strong>de</strong>s « arguments » <strong>le</strong>s plus décisifs <strong>de</strong> l'instruction staliniste. On disait à Smirnov ou à Evdokimov :aujourd'hui on a fusillé un tel (par exemp<strong>le</strong> Koukline ou Guertik), <strong>de</strong>main on fusil<strong>le</strong>ra un tel, car ils n'ont pas fait <strong>le</strong>sdépositions exigées, et ensuite ce sera votre tour. (Ce n'est là, bien entendu, qu'une hypothèse).Le revolver <strong>sur</strong> la tempe, Zinoviev et Kamenev se disent : si nous ne signons pas ces infamies que veut nousextorquer Staline, il nous fusil<strong>le</strong>ra secrètement, sans jugement. Mais si nous signons, nous avons malgré tout unechance <strong>de</strong> salut. Peut-être Staline ne nous trompe-t-il pas en nous promettant la vie sauve pour prix <strong>de</strong> nos aveux. Lasérie précé<strong>de</strong>nte <strong>de</strong> procès, construits aussi pour la plupart <strong>sur</strong> <strong>de</strong> faux aveux et où <strong>le</strong>s accusés avaient subi <strong>de</strong>scondamnations légères ou fictives, renforçait <strong>le</strong>urs espoirs. Les accusés ne pensaient d'ail<strong>le</strong>urs pas seu<strong>le</strong>ment au salut <strong>de</strong><strong>le</strong>ur vie, mais vaoyaient dans ce salut la seu<strong>le</strong> possibilité <strong>de</strong> démasquer plus tard, dans une situation nouvel<strong>le</strong>,l'amalgame staliniste et ainsi <strong>de</strong> se réhabiliter, ne fût-ce que partiel<strong>le</strong>ment. Ils ont commis une erreur tragique et cetteerreur n'était pas fortuite, el<strong>le</strong> découlait <strong>de</strong> toute <strong>le</strong>ur conduite antérieure, comme nous nous sommes efforcés <strong>de</strong> <strong>le</strong>démontrer.Mais même chez ces inculpés il s'est trouvé un <strong>de</strong>rnier reste <strong>de</strong> forces, une <strong>de</strong>rnière goutte <strong>de</strong> dignité. Si brisésqu'ils fussent, aucun <strong>de</strong>s vieux bolchéviks n'a pris, ne pouvait prendre <strong>sur</strong> lui l'accusation d'être « en liaison avec laGestapo ».Nous pensons — et cela peut semb<strong>le</strong>r paradoxal à qui juge <strong>le</strong>s choses superficiel<strong>le</strong>ment — que la force mora<strong>le</strong>intérieure <strong>de</strong> Zinoviev et <strong>de</strong> Kamenev dépassait considérab<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> niveau moyen, quoique el<strong>le</strong> se soit trouvéeinsuffisante dans <strong>de</strong>s conditions absolument exceptionnel<strong>le</strong>s. Des centaines et <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> chefs communistes,socialistes et autres, qui s'adaptent à la bureaucratie soviétique ou au capitalisme, auraient été incapab<strong>le</strong>s <strong>de</strong> supportermême la centième partie <strong>de</strong> la pression continue et effroyab<strong>le</strong> à laquel<strong>le</strong> furent soumis Zinoviev, Kamenev et <strong>le</strong>s autres.Encore un point. Les discours <strong>de</strong>s inculpés ne se distinguent en rien <strong>de</strong>s discours du procureur, ne se distinguent enrien <strong>de</strong>s milliers d'artic<strong>le</strong>s assoiffés <strong>de</strong> sang qui remplissent la presse. Par <strong>le</strong>urs discours où ils s'accusent sans faits nipreuves, par <strong>le</strong>ur répétition littéra<strong>le</strong> <strong>de</strong> ce que <strong>le</strong>ur dictait <strong>le</strong> procureur, par <strong>le</strong>ur empressement à se noircir, <strong>le</strong>s inculpésont en quelque sorte voulu dire au mon<strong>de</strong> entier : ne nous croyez pas ; est-ce que vous ne voyez pas que tout cela estmensonge, mensonge du commencement jusqu'à la fin ?Oui, la génération <strong>de</strong>s vieux bolchéviks, à quelques exceptions près, s'est épuisée jusqu'au bout. Ils ont eu trop àporter <strong>sur</strong> <strong>le</strong>urs épau<strong>le</strong>s, — trois révolutions, <strong>le</strong> travail illégal, la prison, la guerre civi<strong>le</strong>. Les forces <strong>le</strong>ur ont manqué, <strong>le</strong>ursnerfs n'ont pas tenu.Mais il y a malgré tout en U.R.S.S. <strong>de</strong>s révolutionnaires inébranlab<strong>le</strong>s, quelques milliers <strong>de</strong> bolchéviks-léninistes.Eux, Staline ne pourra pas <strong>le</strong>s attirer dans ses procès, quoiqu'il puisse <strong>le</strong>s exterminer l'un après l'autre, <strong>le</strong>s exterminer,mais non pas <strong>le</strong>s briser. Ces combattants révolutionnaires ne sont pas entrés et n'entreront pas dans la voie funeste <strong>de</strong> lacapitulation, car ils croient en la justesse <strong>de</strong> <strong>le</strong>ur cause. Ils préfèrent périr dans <strong>le</strong>s caves <strong>de</strong> la Guépéou, inconnus, sanssoutien et sans sympathies. Ce sont eux qui as<strong>sur</strong>ent la continuité révolutionnaire et sauvent l'honneur révolutionnairedu mouvement ouvrier soviétique !* * *