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Le paradigme naturaliste du Nouvel-Age

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LE PARADIGME NATURALISTEDU NOUVEL ÂGE1. UNE ONTOLOGIE HOLISTIQUEPar le terme naturalisme, nous désignons demanière générale le monisme émanationnistequi caractérise l’ontologie <strong>du</strong> <strong>Nouvel</strong> Âge.<strong>Le</strong> terme de monisme, en philosophie, désignetoute doctrine qui considère que l’être estexplicable par un principe unique : la matière(matérialisme) ou l’esprit (spiritualisme).L’ésotérisme fait appel en réalité à un troisièmecandidat : l’énergie (énergétisme), qu’ilnous faudra situer par rapport aux deux premiers.Comme ce principe unique est considérécomme divin, tout ce qui existe participenécessairement de Dieu ; sous cette forme, lemonisme est nommé panthéisme.Quant au terme émanationnisme, il veut rendrecompte de la manière dont la multitude desêtres procède de l’unique Être divin : enabsence de distinction ontologique entre leCréateur et la créature, celle-ci ne se distinguepas réellement <strong>du</strong> Premier Principe. <strong>Le</strong>s êtresinnombrables qui s’offrent à nous constituentdès lors autant de modalités de l’uniqueSubstance et participent à son statut divin.Ce qui nous amène au terme le plus populaireet qui récapitule les précédents : le termeholisme, <strong>du</strong> grec holos, « totalité, ce qui formeun tout ». <strong>Le</strong> naturalisme <strong>du</strong> <strong>Nouvel</strong> Âge secaractérise par une conception selon laquelle« Tout est en tout et réciproquement ».Entendons: tous les êtres sont en interactionétroite entre eux au sein <strong>du</strong> Tout, qui se reflètedans chacune de ses parties. Aldous Huxleyrapporte avoir « vécu » cette proposition aucours d’une expérience obtenue à l’aide de lamescaline :« Au stade final de l’absence <strong>du</strong> moi, il y a une« connaissance obscure » que Tout est dans tout,que Tout est effectivement chacun. C’est là, mesemble-t-il, le point le plus proche où un esprit finipuisse parvenir de l’état où il « perçoit tout ce quise pro<strong>du</strong>it partout dans l’univers. » 1 »1La référence à l’utilisation de la mescaline peutparaître saugrenue dans le contexte de notreexposé, mais il faut se souvenir que pour le<strong>Nouvel</strong> Âge, l’initiation aux drogues hallucinogènesoffre la voie la plus directe con<strong>du</strong>isantà l’expérience illuminative. Timothy <strong>Le</strong>ary, le« prophète <strong>du</strong> L.S.D. » qui fut initié par AldousHuxley à l’expérience psychédélique, utilisedes termes analogues, tout en soulignantdavantage la dimension mystique de cetteexpérience :« Votre corps est l’univers. L’ancienne sagesse desgnostiques, des soufis, des gourous tantriques, desyogis, des chamans, des alchimistes. Ce qui est àl’extérieur est à l’intérieur. Votre corps est le miroir<strong>du</strong> macrocosme. <strong>Le</strong> royaume des cieux est en vous.<strong>Le</strong>s grandes philosophies psychédéliques de l’Orient- le tantrisme, le yoga de la kundalini - voient dansle corps humain le temple sacré, le germe central,l’autel aux propositions parfaites consacré à toute lacréation. « Hoc est corpus meum » 2 . »<strong>Le</strong> langage le plus direct est sans aucun doutetenu par Baird Thomas Spalding, pour quiDieu s’identifie purement et simplement àl’ensemble <strong>du</strong> manifesté :« Dieu est la somme de toutes les choses visibles etinvisibles ; l’Un infini, qui englobe le temps et l’espacetout entiers, car il n’y a rien d’autre que Dieu.Il est le grand Tout, composé de toutes ses parties.C’est la somme de toute vie, de toute substance, detoute intelligence, de tout pouvoir 3 . »Même discours sous la plume de DavidSpangler, cofondateur de la communauté deFindhorn (Écosse) et penseur influent <strong>du</strong><strong>Nouvel</strong> Âge :« Reconnaître que Dieu, dans son holisme, est laseule véritable réalité, est la clef essentielle de toutemanifestation. Chaque élément de l’univers estdirectement ou indirectement relié à l’ensemble, etaucun obstacle, aucune limitation de temps, d’espaceou de circonstance, ne peut bloquer le fluxapproprié d’énergie entre les diverses affinités <strong>du</strong>Tout. Dieu est tout ce qui est. En lui rien nemanque. Il est la Réalité 4 . »Reprenons plus en détail les différents aspectsde cette conception holistique, en approfondissantles concepts que nous venons de définir.


2. UN MONISME ÉNERGÉTIQUEIl faudrait éviter de parler de « Dieu » dans lecontexte <strong>du</strong> nouveau <strong>paradigme</strong>, car ce termeévoque spontanément un Être transcendantpersonnel créateur - celui dont le rationalismeet les maîtres <strong>du</strong> soupçon ont définitivementréglé le sort. Pour le <strong>Nouvel</strong> Âge, le divinconsiste en une énergie impersonnelle qui sediffuse en un spectre de fréquences, allant dela pure lumière jusqu’à la matière, ultimecondensation <strong>du</strong> rayonnement divin. AliceBailey précise :« Ce que le savant appelle énergie, l’homme religieuxl’appelle Dieu, et cependant les deux ne fontqu’un, n’étant que le dessein manifesté, dans lamatière physique, d’une grande Identité extra-systémique.La nature est l’apparence <strong>du</strong> corps physique<strong>du</strong> Logos et les lois de la nature sont les loisgouvernant les processus naturels de ce corps. LaVie de Dieu, son énergie, sa vitalité, se trouvantdans chaque atome manifesté ; son essence habitetoutes les formes 5 . »L’Énergie divine, en pulsation continue <strong>du</strong>haut en bas de l’échelle vibratoire, engendresans cesse la multiplicité des êtres commeautant d’états particuliers de sa propre substanceomniprésente. D’une manière beaucoupplus prosaïque, Dan Brown fait dire à l’héroïned’Anges et démons:« Dieu, c’est l’énergie qui circule dans les synapsesde notre cerveau, et dans le tréfonds de nos cœurs.Dieu est partout! » (AD, pp. 536)Même son de cloche dans le Da Vinci Code :voici un dialogue entre Vittoria et le directeur<strong>du</strong> CERN :« Mon père (un physicien de haut vol) a prouvé nonseulement que l’on peut créer de la matière à partirde rien, mais que le big bang et la Genèse peuvents’expliquer en supposant simplement la présenced’une énorme source d’énergie.- Vous voulez dire Dieu ? demanda Kohler.- Dieu, Bouddha, la Force ultime, Jehovah, le pointd’unicité, quel que soit le nom qu’on lui donne, lerésultat est le même. La science et la religion sonten fait d’accord sur un postulat : l’énergie pure estla matrice de la création. » (DVC, pp. 88-89)Dan Brown ne se soucie guère des règles lesplus élémentaires de l’épistémologie : depuisquand une thèse métaphysique (l’acte de créationex nihilo) peut-elle être « prouvée » par lesphysiciens? Notre prof d’anglais confond -apparemment sans s’en rendre compte - lenéant (métaphysique) avec le vide (physique),qui représente l’état fondamental <strong>du</strong> champénergétique. Faut-il préciser que la transformationde l’énergie en matière n’a rien à voir avecla création à partir de rien ? L’identification decette « énorme source d’énergie » avec Dieu nesemble pas poser davantage de problèmes àM. Dan Brown : la Cause première est tout simplementidentifiée avec la cause antérieure demême nature la plus reculée dans l’ordre chronologiqueà laquelle on puisse faire appel pourrendre compte <strong>du</strong> phénomène étudié. Auquelcas, il s’agit toujours d’une cause seconde, denature physique, qui nécessite comme toutesles autres causes secondes intermédiaires uneCause première, transcendante, dont elle tireson existence. <strong>Le</strong> refus a priori de toute causalitétranscendante devait inévitablementcon<strong>du</strong>ire à donner à cette « énergie pure » unstatut divin en la déclarant subsistante par ellemême(« causa sui ») - ce qui est la définition <strong>du</strong>Premier Principe. Nous sommes ainsi ramenésà un monisme énergétique et à un émanationnisme(« l’énergie matrice de la création ») defortune, auxquels sont identifiées en vrac lesTraditions orientales et occidentales sans distinction6 .Il est clair que Dan Brown ne s’encombre pasde subtilités philosophiques ; l’important estpour lui d’arriver à la conclusion « scientifiquementconfirmée » et confessée par toutesles religions selon laquelle tout le manifestéémergerait d’une énergie divine primordialeen perpétuelle transformation interne. II s’agitbien sûr d’un axiome que Dan Brown reçoit demanière acritique <strong>du</strong> nouveau <strong>paradigme</strong> -comme bon nombre de nos contemporains.Mais mille affirmations péremptoires ne fontpas encore une démonstration ; hélas, de nosjours, elles suffisent à emporter l’assentimentd’un grand nombre.2


3. LES PRINCIPES MOTEURSDE L’ÉMANATIONNISMESi la diversité des êtres n’est pas suscitée par laParole créatrice <strong>du</strong> Dieu transcendant, la multipliciténe peut apparaître au sein de l’océanénergétique divin que par mode d’émanation.Ce qui con<strong>du</strong>it à la conception d’une substancedivine en perpétuelle évolution, engendrant etréintégrant périodiquement les univers.M me Blavatsky confesse :« Nous croyons à un Principe universel et divin,racine de Tout, d’où tout procède et en qui tout seraabsorbé à la fin <strong>du</strong> grand cycle de l’Être. Notre déitén’est ni au paradis, ni dans n’importe quel arbre,bâtiment ou montagne particuliers, elle est partout,dans tout atome <strong>du</strong> Cosmos visible ou invisible,comme dans toute molécule divisible, car elle est lepouvoir mystérieux de l’évolution et de l’involution,la potentialité créatrice, omniprésente, omnipotenteet même omnisciente. Bref notre déité estl’éternel architecte de l’univers - un architecte quiévolue sans cesse mais ne crée point; et cet universlui-même n’est pas fait mais se développe, en s’épanouissanthors de sa propre essence 7 . »<strong>Le</strong> Dr Encausse - alias Papus - exprime cettemême doctrine dans un langage néoplatonisant,que l’ésotérisme <strong>du</strong> XIX° siècle affectionneparticulièrement :« D’après le système des émanations, l’unité absolueen Dieu constitue l’âme spirituelle de l’univers,le principe de l’existence, [...]; cette unité créatrice,inaccessible à l’entendement même, pro<strong>du</strong>it parémanation, une diffusion de lumière qui, procédant<strong>du</strong> centre à la circonférence, va en perdant insensiblementde son éclat et de sa pureté, à mesurequ’elle s’éloigne de sa source jusqu’aux confins desténèbres dans lesquelles elle finit par se confondre;en sorte que ses rayons (...), devenant de moins enmoins spirituels, et (...) se condensent (...) et, prenantune forme matérielle, forment toutes lesespèces d’êtres que le monde renferme. Ainsi l’onadmet entre l’Être suprême et l’homme une chaîneincalculable d’êtres intermédiaires dont les perfectionsdécroissent en proportion de leur éloignement<strong>du</strong> principe créateur 8 . »3L’émanation des êtres résulterait de l’interactionféconde de deux forces complémentairesqui se différencient périodiquement au sein del’Énergie divine. Ces dynamismes intradivinsportent des noms différents selon les traditions;la dénomination actuellement la plus envogue - et utilisée par Dan Brown - estempruntée au taoïsme : il s’agit <strong>du</strong> binômeyin/yang que notre auteur identifie aux principesmasculin et féminin, et par extension àJésus et Marie-Madeleine. Commentant laCène de <strong>Le</strong>onardo Da Vinci, sir <strong>Le</strong>igh Teabingfait remarquer à Sophie :« Notez la correspondance entre leurs vêtements:robe rouge et cape bleue pour Jésus - robe bleue etcape rouge pour Marie-Madeleine. Yin et yang,complémentarité entre le masculin et le féminin. »(DVC, pp. 306)Complétons la liste de nos binômes à l’écoled’Éliphas Lévi :« L’univers est balancé par deux forces qui le maintiennenten équilibre: la force qui attire et celle quirepousse. <strong>Le</strong>s Anciens ont représenté ce mystère parla lutte d’Eros et d’Antéros, par le combat de Jacobavec l’ange, par l’équilibre de la montagne d’or quetiennent liée, avec le serpent symbolique de l’Inde,les dieux d’un côté et de l’autre les démons. II setrouve aussi figuré par le ca<strong>du</strong>cée d’Hermanubis,par les deux chérubins de l’arche, par les deuxsphinx <strong>du</strong> chariot d’Osiris, par les deux séraphins,le blanc et le noir 9 . »L’émanation qui résulte de l’interaction de cescoprincipes est un phénomène cyclique : del’Un originel à la réintégration dansl’Identique, en passant par une série d’étapesqui ne sont que des transformations éphémères- et finalement illusoires - à l’intérieur dela Substance divine. Ce mouvement n’est pasorienté, il n’a ni finalité ni raison d’être : le samsaraou éternel recommencement est de l’ordrede la nécessité interne de l’Être divin :« L’éternité de l’Univers, in toto, comme plan illimité,est périodiquement le terrain de jeu d’innombrablesUnivers se manifestant et disparaissantincessamment, explique M me Blavatsky. Uneexpiration de « l’essence inconnue » pro<strong>du</strong>it lemonde, et une inspiration le fait disparaître. Ce processusa été en action de toute éternité, et notre universactuel n’est que l’un des termes d’une sérieinfinie qui n’a pas eu de commencement et quin’aura pas de fin 10 .»Rappelons que le dynamisme de la création, telqu’il ressort de la Révélation judéo-chrétienne,est tout au contraire franchement orienté, finalisé.S’adressant à Dieu, saint Augustin


confesse : « Tu nous as créés vers toi [ad te],Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il nedemeure en toi 11 . » Dieu tire sa créature <strong>du</strong>néant - c’est-à-dire qu’il ne la façonne pas àpartir de sa propre substance divine ou d’unmatériau préexistant - et l’attire - ad-tire - verslui, afin qu’elle trouve en lui, dans le partagede sa Vie divine, la plénitude de bonheur pourlaquelle il l’a créée. Cet acte par lequel Dieu -suréminemment personnel - suscite une altéritéen vue d’un dialogue d’amour est appelé àtrouver son accomplissement dans une uniontransformante qui respecte pleinement la distinctiondes natures et des personnes, del’Amant et de l’aimée.Quel contraste avec la doctrine émanationniste,qui ne propose aucune autre perspectiveque celle d’une régression vers le Tout impersonnel,dans lequel l’homme est supposé réintégrerla nature divine, que sa « chute » dans lamatière lui avait fait « oublier »! Cette confusionfinale dans l’Identique pourra-t-elle vraimentcombler le désir de son cœur ?4. UNE CONCEPTIONÉNERGÉTIQUE DE L’ESPRITLa conception holistique qui caractérise la pensée<strong>du</strong> <strong>Nouvel</strong> Âge con<strong>du</strong>it à nier implicitementla pertinence des <strong>du</strong>alités traditionnellesque la raison intro<strong>du</strong>it pour essayer de comprendrela complexité de l’univers :Créateur/créature ; transcendance/immanence; grâce/nature ; esprit/matière ;bien/mal ; anges/démons. Pour reprendre lacitation de Dan Brown, l’unique réalité est uneénergie à la fois physique - « circulant dans lessynapses de notre cerveau » - et spirituelle« dans le tréfonds de nos cœurs » (AD, p. 536).Yves Albert Dauge tire les conséquences de ceténergétisme :« <strong>Le</strong> réel est constitué par une immense hiérarchie,par une suite indéfinie de fréquences vibratoires oude modalités énergétiques qui structurent tout cequi existe. Au sein de cet ensemble, des concepts telsque « matière » et « esprit », « corps » et « âme »,doivent être relativisés, c’est-à-dire convertis encoefficients vibratoires, en états ou fonctions énergétiques,en aspects structuraux parfaitementinterdépendants et interconnectés, sans plus riencomporter des oppositions simplificatrices dont on4les a chargés dans des systèmes de pensée bienconnus. Rien dans la manifestation n’est absolumentmatériel, rien n’est absolument immatériel.Du haut en bas de l’échelle énergétique, tout vibre,à diverses fréquences, mais sans solution de continuité.Ce qu’on appelle « matière » est de l’espritcondensé, coagulé, de l’énergie systématisée 12 . »Nous retrouvons une conception analoguesous la plume de l’occultiste Eliphas Lévi :« Spirituel et corporel sont des mots qui exprimentseulement des degrés de ténuité ou de densité de lasubstance 13 . »L’anthroposophie de Rudolf Steiner n’enseignepas autre chose :« Lorsqu’au moyen de l’observation spirituelle, onremonte toujours plus haut dans la vie de la terre,on en arrive à un point où toute matière a commencéà exister. Cette matière est issue de l’esprit.Auparavant, il n’y a que l’esprit et seule peut le saisirla perception suprasensorielle, celle-ci voit que,dans la suite, cet esprit s’est pour ainsi direcondensé partiellement en matière. C’est, sur unplan supérieur bien enten<strong>du</strong>, comme si l’on voyaitde l’eau contenue dans un vase se congeler en petitsblocs de glace sous l’effet d’un refroidissement gra<strong>du</strong>elobtenu d’une façon artificielle. De même qu’onvoit ainsi se solidifier ce qui était liquide auparavant,on peut suivre par l’observation spirituelle laformation d’objets, de phénomènes et d’êtres matérielspar une condensation de ce qui était pur espritjusqu’alors 14 . »Pour l’ésotérisme, il n’y aurait donc pas de distinctionréelle entre l’esprit et la matière, celleciétant une simple condensation - ou cristallisation- de l’esprit. L’image de la vapeur secondensant en gouttes d’eau est certes parlante,mais elle est franchement simpliste pourillustrer une différence ontologique aussi fondamentale.Nous ne contestons pas que lamatière soit une forme d’énergie : la théorie dela relativité restreinte (Einstein, 1905) confirmeque l’on peut convertir de la matière en énergieet réciproquement selon l’équation : E =mc 2 dans laquelle c représente la vitesse de lalumière. Il est dès lors légitime d’assimiler uneparticule spécifique à chacun des champs fondamentauxd’énergie (les différents « quanta »d’énergie) ; de même qu’il est tout à fait justifiéde présenter les particules élémentairescomme des « nœuds » d’interactions particu-


lièrement denses au sein d’un champ énergétiqueparticulier. La description de la« matière-énergie » peut se faire en termesmatérialistes ou énergétistes, selon les besoinsde l’exposé. Dans ce contexte, il n’est pas fauxde prétendre que l’énergie ne diffère de lamatière que par sa moindre densité locale.Si nous rapprochons cette dernière affirmationde la citation d’Eliphas Lévi, qui prétend que le« spirituel » ne diffère <strong>du</strong> « corporel » que parun plus grand degré de ténuité, ou de celle deRudolf Steiner affirmant que l’esprit s’est pourainsi dire « condensé » en matière, il est clairque nos deux auteurs identifient l’« esprit » àune forme d’énergie capable de se « cristalliser» en matière. <strong>Le</strong> wiccain François Lamonden tire comme conclusion :« <strong>Le</strong>s pensées humaines sont des courants électriquesà bas voltage qui excitent des nerfs dans noscerveaux. Nos esprits comme nos corps sont doncde l’énergie à densité et vélocité différentes. »Et il ajoute ironiquement :« <strong>Le</strong>s <strong>du</strong>alistes juifs et chrétiens trouvent celadéprimant. « Allez-vous nous dire que nos plushautes intuitions religieuses et nos plus profondesréflexions philosophiques ne sont que des courantsélectriques ? » 15 »Nous réservons notre réponse pour le chapitresuivant.5. DE L’ESPRIT HUMAIN À L’ESPRITDIVIN, C’EST TOUT UNAinsi donc pour l’ésotérisme, la matière seraitde l’esprit « refroidi », condensé, pétrifié. Maiscet esprit lui-même ne serait pas d’une autrenature que l’Énergie, divine. Jean Prieur citeJames Arthur Findlay 16 pour illustrer cetteidentification ultime :« L’esprit est le plus haut état de vibration que nousconnaissions. L’esprit est une partie de l’univers aumême titre que la matière physique. L’esprit, cequelque chose qui mesure la matière et peut l’influencer,est la force ou le mouvement dominantl’univers. L’esprit est une substance qui vibre audelàde l’ultraviolet. Mais il existe un état de vibrationencore plus élevé que le spirituel, c’est le divin.<strong>Le</strong> divin est en relation contiguë avec le spirituel. <strong>Le</strong>spirituel est en relation contiguë avec le naturel. <strong>Le</strong>5visible est le résultat et la projection de causes invisibles.Tout dans l’univers est vibration ; au commencementétait le Verbe: vibration pure. <strong>Le</strong> Verbeest ce qui vibre à la plus haute fréquence. Dans lemonde visible comme dans le monde invisible, toutematière est création de l’esprit 17 . »Remarquons au passage la tentative de « récupération» <strong>du</strong> christianisme, par le biais d’uneinterprétation plus que fantaisiste <strong>du</strong> Prologuede saint Jean. <strong>Le</strong> Verbe divin est ré<strong>du</strong>it à unevibration physique ; le surnaturel est identifiéaux niveaux plus subtils, occultes, de la naturecréée. Ce que nous appelons « grâce divine »ne serait que l’énergie sous une forme subtile,occulte, qui échappe aux investigations scientifiques,mais est accessible aux initiés ayantaccès aux mondes parallèles. Bon nombred’auteurs <strong>du</strong> <strong>Nouvel</strong> Âge n’hésitent pas àidentifier l’Esprit Saint au ki ou au prâna, c’està-direà l’énergie vitale (occulte) immanente àce monde créé. Eliphas Lévi excelle dans cegenre d’exercice qui consiste à rapprocher destraditions totalement hétérogènes pour réaliserune synthèse vertigineuse :« Il existe dans la nature une force au moyen delaquelle un seul homme, qui pourrait s’en empareret saurait la diriger, bouleverserait et changerait laface <strong>du</strong> monde. Cette force était connue desAnciens: elle est ce que les adeptes <strong>du</strong> Moyen Âgeappelaient la matière première <strong>du</strong> grand œuvre. <strong>Le</strong>sgnostiques en faisaient le corps igné <strong>du</strong> Saint-Esprit, et c’est lui qu’on adorait dans les ritessecrets <strong>du</strong> sabbat ou <strong>du</strong> temple, sous la figure hiéroglyphiquede Baphomet ou <strong>du</strong> bouc androgyne deMendès.Cet agent universel pénètre toute chose; il est unrayon détaché de la gloire <strong>du</strong> soleil [...] ; le corps <strong>du</strong>Saint-Esprit, que les Anciens ont représenté sous lafigure <strong>du</strong> serpent qui se mord la queue; l’éther électromagnétique,le calorique vital et lumineux,figuré dans les anciens monuments par la ceintured’Isis 18 . »Un tel discours défie le bon sens et est au-delàde toute critique possible. Pourtant nosauteurs prétendent que l’adepte initié auxmystères peut se servir de cet agent universelou de cette énergie divine pour acquérir« l’omniscience et l’omnipotence de l’esprit etson contrôle sur les forces de la nature 19 ». Telest le but que M me Blavatsky assigne à lamagie. Eliphas Lévi se devait de confirmer :


« <strong>Le</strong> grand agent magique que nous avons appelélumière astrale, que d’autres nomment âme de laterre, que les anciens chimistes désignaient sous lesnoms d’Azoth et de Magnésie, cette force occulte,unique et incontestable, est la clef de tous lesempires, le secret de toutes les puissances; c’est ledragon volant de Médée, le serpent <strong>du</strong> mystère édénique;c’est le miroir universel des visions, le nœuddes sympathies, la source des amours, de la prophétieet de la gloire. Savoir s’emparer de cet agent,c’est être dépositaire de la puissance même de Dieu;toute la magie réelle, affective, toute la vraie puissanceocculte est là, et tous les livres de la vraiescience n’ont d’autre but que de le démontrer 20 . »Dans un tout autre style, David Spanglerrevendique lui aussi la même capacité illimitéede connaissance et d’action :« Dieu est tout ce qui est. En lui rien ne manque. Ilest la Réalité. Plus notre conscience s’ouvre à cetteperception et à cette compréhension, plus étroitementnous vivons au cœur même de cette Réalité etplus nous devenons capables en toutes circonstanceset à tous les niveaux d’utiliser avec succès leslois de la manifestation. En me reliant au divin, jem’unis à toutes choses, et par cette union avec leTout, je deviens une sorte de Créateur suprême 21 . »6. L’HOMME-DIEU<strong>Le</strong> parcours que vient d’esquisser DavidSpangler constitue le but de tout cheminementinitiatique, à savoir expérimenter la divinitéimmanente. Un des livres de référence del’ésotérisme, le Poimandrès, attribué à HermèsTrismégiste, déclare : « Que celui qui a l’intellectse reconnaisse soi-même comme immortel. » (I, 18)Au terme de son enseignement, Poimandrès,c’est-à-dire l’intellect de la souveraineté absolue,conclut sur ces mots : « Car telle est la finbienheureuse pour ceux qui possèdent la connaissance:devenir Dieu. » (I, 26)<strong>Le</strong> gnosticisme ambitionnait d’arracher lamonade divine à la matière dans laquelle elleétait « tombée ». Certes, l’ésotérisme contemporainévite ce <strong>du</strong>alisme, la matière étantconsidérée elle aussi comme une émanationdivine ; mais pour le reste le projet est lemême : l’alchimie se définit comme « la science6de la régénération libératrice ». Cette quêted’une voie initiatique con<strong>du</strong>isant à l’autodivinisationde l’homme ou « théurgie » est née auII° siècle dans les milieux néoplatoniciens ; elleest assimilée à l’art d’accomplir les opérationsdivines con<strong>du</strong>isant à faire de l’homme un dieu.« Nous sommes Dieu ! » affirme sans ambagesShirley Mac Laine, qui résume ainsi en troismots la thèse anthropothéiste contemporainereprise à l’infini par tous les auteurs adhérantau nouveau <strong>paradigme</strong>. Baird ThomasSpalding place cette affirmation au cœur detous ses enseignements :« L’homme est (...) inclus dans la totalité de Dieu, il estformé de l’essence même de la nature de Dieu. Il n’a pasbesoin d’atteindre Dieu : il est Dieu. Dieu et l’hommesont inséparables. L’homme doit se souvenir qu’il estDieu, et qu’il n’existe donc pas de séparation entre l’indivi<strong>du</strong>elet l’universel; qu’il est partie intégrante <strong>du</strong>Tout et que sa nature est identique à la totalité. « Je suisDieu » est une des affirmations les plus claires quepuisse proclamer l’indivi<strong>du</strong>. Il est impossible d’étudierla nature de Dieu sans prendre l’homme en compte etvice versa. L’homme est Dieu, Dieu est l’homme. L’unprésuppose l’autre, ils sont inséparables. Sans l’un,l’autre n’existe pas. L’homme est divin en ce qu’il faitpartie <strong>du</strong> Tout. Il est le Tout dans sa manifestation.L’homme représente l’incarnation visible de Dieu 22 . »Rappelons encore qu’il faudrait parler exclusivement<strong>du</strong> « divin », pour éviter d’attribuerimplicitement un caractère personnel à l’Énergiedivine. L’ésotérisme serait tout à fait d’accordavec cette remarque, et souligneraitmême qu’en parlant de « Dieu », l’adepterisque d’en rester à une relation d’extérioritéavec le Principe divin, et par le fait même dedemeurer prisonnier de la <strong>du</strong>alité. RudolfSteiner insiste : c’est uniquement en lui-mêmeque le myste doit chercher et trouver le divin,car :« Dieu n’est pas, mais la nature est. C’est dans lanature qu’il faut le trouver ; car il s’est enseveli enelle comme en un tombeau enchanté. Dieu s’estsacrifié lui-même par un amour infini; il s’estrépan<strong>du</strong>, il s’est morcelé dans la multiplicité desêtres. Ils vivent, mais lui ne vit pas en eux. Il gît eneux. Dieu est en effet ensorcelé dans le monde, maisil vit en l’homme. Et l’homme peut faire en soimêmel’expérience de la vie divine. Tu as besoin desa propre force pour le trouver. Cette force, il fautque tu l’éveilles en toi 23 . »


Dans la perspective <strong>naturaliste</strong>, l’esprit del’homme est en effet une étincelle <strong>du</strong> Brasierdivin primordial, enfouie dans la matière. Nenous laissons cependant pas abuser par la simplicitéde cette image : l’anthropologie occulteest particulièrement complexe. Car si l’hommeest un microcosme qui reflète et récapitule enlui tout le macrocosme, il doit nécessairementêtre en résonance avec toutes les fréquences del’Énergie divine. Celles-ci sont traditionnellementsubdivisées en sept plans distincts, de lapure lumière jusqu’à son ultime condensationdans la matière. Nous vibrons sur le planmatériel grâce à notre corps physique, maisselon l’ésotérisme, nous serions également eninteraction avec les six plans occultes intermédiairespar le biais de ce qu’il est convenu d’appelerdes « corps subtils ».Durant le processus d’involution, l’étincelledivine ou « monade spirituelle » s’enfoncedans la matière, donnant naissance à l’illusionde l’indivi<strong>du</strong>alité. Au cours de son périple, elleparcourt tous les niveaux de manifestation <strong>du</strong>divin, <strong>du</strong> plus élevé jusqu’au plus bas : lemonde matériel. Ce processus continueraitindéfiniment si au moment opportun un êtresupérieur - maître ou avatar - n’intervenaitpour la réveiller et la réorienter vers sa Sourcedivine - la pure Lumière dont elle est émanée.<strong>Le</strong> retour ou évolution, qui exige à nouveau unnombre incalculable d’incarnations, con<strong>du</strong>it lamonade de l’illusion de l’indivi<strong>du</strong>alité et de lamultiplicité, jusqu’à la réalisation de son identitéavec le Principe divin dans lequel elle peutalors se résorber.Même si nous « savons » dès à présent quenous sommes des dieux, nous n’avons peutêtrepas encore pleinement réalisé notre conditiondivine. Or nous verrons bientôt que la hiérogamie- si chère à Dan Brown - constitue lavoie royale pour réaliser la réunification desprincipes masculin et féminin, permettantainsi à l’adepte de réintégrer l’Un indifférencié.C’est en pratiquant ce genre de « technique» que nous pourrions hâter l’avènementde l’âge nouveau qui va s’ouvrir devant nous,au cours <strong>du</strong>quel nous devrions enfin être capablesd’accéder aux états supérieurs deconscience et de réaliser notre identité avec ledivin immanent.7On comprend que, dans un tel contexte, l’espérancechange de visage : le salut - au sens <strong>du</strong>plein accomplissement des potentialités denotre être - n’est plus atten<strong>du</strong> au-delà de lamort, mais dans ce monde-ci. Dieu, la religion,le culte, les rites intéressent nos contemporainsdans la mesure de la satisfaction qu’ils leurapportent ici et maintenant, dans une expérienceimmédiate. Selon Danièle Hervieu-Léger 24 , « la fortune actuelle de la croyance en laréincarnation, qui retient, selon les sondages, 20 à25 % des Européens et autant d’Américains <strong>du</strong>Nord, correspond précisément à ce déplacement« intramondain » des croyances. <strong>Le</strong>s nouveauxadeptes de la réincarnation ne retiennent rien de ladimension douloureuse d’épreuve et de purificationqui est associée, dans l’hindouisme ou le bouddhisme,à la transmigration des âmes et aux cyclesde vie. La vie réincarnée est représentée, dans laplupart des cas, comme une reprise à nouveauxfrais <strong>du</strong> parcours terrestre déjà effectué. Elle est perçuecomme une « nouvelle chance » permettant defaire les bons choix et de rejouer positivement lessituations vécues dans une première vie comme desimpasses ou des échecs. Cette perspective renvoie enfait à l’idée (aussi peu bouddhiste que possible)d’une sorte de réversibilité de la mort 25 ».<strong>Le</strong>s divergences entre le point de vue de l’ésotérisme- auquel adhère Dan Brown - et celui<strong>du</strong> christianisme sont trop importantes pourque nous nous contentions d’un exposé de ladoctrine ésotérique sans réagir en tant quecroyant. C’est ce que nous nous proposons defaire dans le prochain chapitre.P. Joseph-Marie VERLINDE, « <strong>Le</strong>simpostures antichrétiennes », Presses dela Renaissance, 2006, pp. 113-133.1. Aldous Huxley, <strong>Le</strong>s portes de la perception, Éditions <strong>du</strong>Rocher, coll. « 10/18 » n° 1122, Paris, 1954, p. 27.2. Timothy <strong>Le</strong>ary, La politique de l’extase, Fayard, Paris,1979, pp. 22-23.3. Baird Thomas Spalding, Treize leçons sur la vie des maîtres,J’ai Lu, n° 5974, Paris, 1999, pp. 113-116.4. David Splanger, Conscience et créativité, les lois de lamanifestation, <strong>Le</strong> souffle d’or, coll. « Findhorn », Barretle-Bas,1985, p. 17.5. Alice A. Bailey, Réfléchissez-y, Lucis, Genève, 1990, p.160.

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