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AMNESTYINTERNATIONALAMNESTY INTERNATIONAL - RAPPORT 2012LA SITUATION DES DROITS HUMAINS DANS LE MONDE


AMNESTY INTERNATIONAL EN BREFAmnesty International est un mouvement mondial regroupantplus de trois millions de sympathisants, membres et militants quise mobilisent pour le respect et la protection des droits humainsuniversellement reconnus. La vision d’Amnesty International est celled’un monde où chacun peut se prévaloir de tous les droits énoncésdans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dansd’autres instruments internationaux relatifs aux droits humains.La mission d’Amnesty International consiste à mener desrecherches et des actions en vue de prévenir et de faire cesserles graves atteintes portées à tous les droits humains, qu’ils soientcivils, politiques, sociaux, culturels ou économiques. De la libertéd’expression et d’association à l’intégrité physique et mentale, enpassant par la protection contre les discriminations ou le droit aulogement, les droits fondamentaux de la personne sont indivisibles.Amnesty International est financée essentiellement par sesmembres et par les dons de particuliers. Elle ne cherche à obtenirni n’accepte aucune subvention d’aucun gouvernement pourmener à bien ses recherches et ses campagnes contre les atteintesaux droits humains. Amnesty International est indépendante detout gouvernement, de toute idéologie politique, de tout intérêtéconomique et de toute religion.Amnesty International est un mouvement démocratique. Lesprincipales décisions politiques sont prises par un Conseilinternational (CI) qui se réunit tous les deux ans et qui est <strong>com</strong>poséde représentants de toutes les sections nationales. Le CI élit unComité exécutif international (CEI) chargé de mettre en œuvre sesdécisions et dont la <strong>com</strong>position est la suivante : Pietro Antonioli(Italie, président), Rune Arctander (Norvège), Nicole Bieske(Australie), Euntae Go (Corée du Sud), Zuzanna Kulinska (Pologne),Sandra S. Lutchman (Pays-Bas), Guadalupe Rivas (Mexique, viceprésidente),Bernard Sintobin (Belgique néerlandophone, trésorierinternational) et Julio Torales (Paraguay).Unis contre l’injustice, nous œuvrons ensemble pour les droits humains.


Sur la place Tahrir, au Caire (Égypte), lafoule allume des fusées éclairantes pourfêter l’annonce de la démission d’HosniMoubarak, le 11 février 2011.© Guy Martin/Panos


© AILRC-FR, 2012Amnesty InternationalCentre de ressources linguistiquesUnité chargée de la langue française,www.amnesty.org/frDIFFUSIONCe livre est en vente auprèsdes sections et groupesd’Amnesty International(voir adresses p. 406-409).Il est également en venteen librairie.IMPRESSIONCLAES-printingà St Pieters-Leeuw, Belgique© Version originale anglaise :Amnesty InternationalPublications 2012,1 Easton Street,Londres WC1X 0DW,Royaume-Uni.Index AI : POL 10/001/2012Tous droits de reproductionréservés. Il est interdit dereproduire intégralementou partiellement le présentouvrage sur quelque supportque ce soit sans autorisationdes éditeurs.ISBN : 978-2-8766-6187-5amnesty.org


AMNESTYINTERNATIONALAMNESTY INTERNATIONAL - RAPPORT 2012LA SITUATION DES DROITS HUMAINS DANS LE MONDECe rapport couvre la période allant de janvier à décembre 2011


Des journalistes interviewent l’artistemilitant Ai Weiwei devant chez lui, àPékin (Chine), après sa libération le22 juin 2011.


© AP Photo/Ng Han Guan


PRÉFACE, XICHAPITRE IRésumés régionauxAfrique, XXIAmériques, XXXIAsie-Pacifique, XLIEurope et Asie centrale, LIMoyen-Orient et Afrique du Nord, LXICHAPITRE IIPaysAfghanistan, 1Afrique du Sud, 5Albanie, 9Algérie, 11Allemagne, 14Angola, 16Arabie saoudite, 19Argentine, 23Arménie, 25Australie, 26Autorité palestinienne, 27Autriche, 30Azerbaïdjan, 32Bahamas, 34Bahreïn, 35Bangladesh, 39Bélarus, 41Belgique, 44Bénin, 45Bolivie, 46Bosnie-Herzégovine, 47Brésil, 51Bulgarie, 56Burkina Faso, 57Burundi, 58Cambodge, 61Cameroun, 64Canada, 66Chili, 68Chine, 70Chypre, 75Colombie, 76Congo, 81Corée du Nord, 82Corée du Sud, 85Côte d’Ivoire, 86Croatie, 89Cuba, 92Danemark, 94Égypte, 96Émirats arabes unis, 101Équateur, 103Érythrée, 105Espagne, 107États-Unis, 111Éthiopie, 115Fidji, 119Finlande, 120France, 121Gambie, 124Géorgie, 125Ghana, 127Grèce, 128Guatemala, 131Guinée, 133Guinée-Bissau, 135Guinée équatoriale, 136Guyana, 139Haïti, 140Honduras, 142Hongrie, 143Inde, 146Indonésie, 150Irak, 153Iran, 157Irlande, 162Israël et territoires palestiniens occupés, 164Italie, 169Jamaïque, 177Japon, 175Jordanie, 176Kazakhstan, 179Kenya, 182Kirghizistan, 185Koweït, 188Laos, 190Liban, 191Liberia, 194VIII Amnesty International - Rapport 2012


SOMMAIRERAPPORT 2012Libye, 196Lituanie, 202Macédoine, 203Madagascar, 206Malaisie, 207Malawi, 209Maldives, 211Mali, 212Malte, 213Maroc et Sahara occidental, 214Mauritanie, 217Mexique, 219Moldavie, 224Mongolie, 226Monténégro, 227Mozambique, 229Myanmar, 231Namibie, 235Népal, 236Nicaragua, 238Niger, 239Nigeria, 240Norvège, 245Nouvelle-Zélande, 246Oman, 247Ouganda, 248Ouzbékistan, 254Pakistan, 252Panama, 258Paraguay, 259Pays-Bas, 261Pérou, 262Philippines, 263Pologne, 266Porto Rico, 268Portugal, 268Qatar, 269République centrafricaine, 270République démocratique du Congo, 273République dominicaine, 278République tchèque, 280Roumanie, 282Royaume-Uni, 284Russie, 288Rwanda, 293Salvador, 297Sénégal, 298Serbie, 299Sierra Leone, 304Singapour, 307Slovaquie, 308Slovénie, 310Somalie, 312Soudan, 316Soudan du Sud, 320Sri Lanka, 322Suède, 325Suisse, 326Swaziland, 327Syrie, 330Tadjikistan, 336Taiwan, 337Tanzanie, 338Tchad, 340Thaïlande, 343Timor-Leste, 346Togo, 347Trinité-et-Tobago, 348Tunisie, 349Turkménistan, 353Turquie, 354Ukraine, 359Uruguay, 362Venezuela, 363Viêt-Nam, 365Yémen, 367Zimbabwe, 372CHAPITRE IIIÉtat des ratifications de certainstraités relatifs aux droits humains, 379Traités internationaux, 386Traités régionaux, 396CHAPITRE IVAdresses, 406Index, 414Amnesty International - Rapport 2012IX


© Amnesty International (photo : Grace Gonzalez)Des femmes et des filles, des hommeset des garçons manifestent au Nicaraguale 28 septembre 2011, à l’occasion dela Journée pour la dépénalisation del’avortement en Amérique latine et dansles Caraïbes.« Le papillon symbolise pour nous le désirde réaliser nos rêves, de déployer nos ailes[et] de défendre avec force nos droits. »Martha Munguía, de l’Alliance des centres nicaraguayenspour les femmes


PRÉFACE« Si quelque chose m’arrive, sachez quele régime ne craint pas les prisonniersmais plutôt ceux parmi vous qui ne lesoublient pas. »Razan Ghazzawi, blogueuse syrienne détenue pendant 15 jours en Syrie en décembre 2011Le Rapport 2012 d’Amnesty International rend <strong>com</strong>pte de la situation des droitshumains dans le monde en 2011. À travers cinq résumés régionaux et une étude aucas par cas de 155 pays et territoires, il se fait l’écho des appels exigeant le respectdes droits humains qui n’ont cessé de résonner dans le monde entier.Des millions de personnes sont descendues dans la rue, soulevant une gigantesquevague d’espoir de liberté et de justice. Même la plus brutale des répressions semblaitincapable d’étouffer les revendications de plus en plus pressantes de populations quin’étaient plus prêtes à supporter des systèmes politiques ignorant les idéaux d’égalitétout autant que les principes de la responsabilité, de la justice et de la transparence.La résistance contre l’injustice et la répression a pris bien des formes et s’est plusd’une fois incarnée dans des actes démontrant un courage et une déterminationimmenses de la part d’hommes, de femmes et de groupes de personnes confrontésà des obstacles qui semblaient insurmontables. Malgré l’indifférence, les menaceset les attaques, les défenseurs des droits humains ont mené des actions en justiceaux niveaux national et international, pour faire reculer une impunité et unediscrimination profondément enracinées.Ce rapport reflète l’approche d’Amnesty International qui, dans son <strong>com</strong>bat contreles violations des droits humains, examine les problèmes posés et les possibilités dechangement dans un pays ou une région donnés. À l’heure où Amnesty Internationalvient de franchir le cap de son 50 e anniversaire, ce rapport témoigne non seulementdu sort réservé à toutes ces femmes et tous ces hommes dont l’existence estmarquée par les atteintes aux droits humains, mais également de l’action de celles etceux qui continuent de se mobiliser au nom du principe de la dignité humaine.Amnesty International - Rapport 2012XI


Les repères concernant les paysLes données figurant au début de chaque entrée pays proviennent des sources indiquées ci-après.Les chiffres sur l’espérance de vie et le taux d’alphabétisation des adultes sont tirés du Rapport sur ledéveloppement humain 2011 du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), disponibleà l’adresse http://hdr.undp.org/fr/rapports/mondial/rdh2011.Les derniers chiffres disponibles concernent l’espérance de vie à la naissance (pour 2011) et le tauxd’alphabétisation des adultes (en pourcentage de la population de 15 ans et plus, pour la période 2005-2010).Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site du PNUD ou sur celui de l’Institut de statistique de l’UNESCO(www.uis.unesco.org).Le PNUD a placé certains pays ayant un taux d’alphabétisation de 99 % dans la catégorie des pays à« développement humain élevé ». Dans ces cas, nous n’avons pas jugé utile de préciser ce chiffre.Les chiffres concernant la population portent sur l’année 2011 et ceux qui concernent le taux de mortalitédes enfants de moins de cinq ans sur l’année 2009. Ils proviennent tous du rapport État de la populationmondiale 2011 du FNUAP, disponible à l’adresse http://foweb.unfpa.org/SWP2011/reports/FR-SWOP2011.pdf.La population n’est indiquée que pour donner une idée du nombre de personnes concernées par les sujets quenous traitons. Amnesty International reconnaît que ce type d’information a une utilité limitée, et ne prend pasposition sur des questions telles que la délimitation de territoires litigieux ou la prise en <strong>com</strong>pte ou non decertains groupes dans le dé<strong>com</strong>pte de la population.Certaines entrées de ce rapport ne mentionnent qu’une partie de ces éléments. Différentes raisons expliquentces omissions, notamment l’absence de telles informations dans les tableaux des Nations unies évoqués plushaut.Les chiffres indiqués sont les derniers disponibles à l’heure de la mise sous presse et leur seul objectif est desituer le pays dans son contexte. Toute <strong>com</strong>paraison entre pays doit être faite avec la plus grande précaution,<strong>com</strong>pte tenu des différences de méthodologie et du caractère temporaire des données fournies.XII Amnesty International - Rapport 2012


SIGLES ET ABRÉVIATIONSANASEAssociation des Nations de l’Asie du Sud-EstCIAAgence centrale du renseignement des États-UnisCEDEAOCommunauté économique des États de l’Afrique de l’OuestCICRComité international de la Croix-RougeDESCDroits économiques, sociaux et culturelsFNUAPFonds des Nations unies pour la populationOEAOrganisation des États américainsOITOrganisation internationale du travailOMSOrganisation mondiale de la santéONGOrganisation non gouvernementaleONUOrganisation des Nations uniesOTANOrganisation du traité de l’Atlantique nordPIDCPPacte international relatif aux droits civils et politiquesPIDESCPacte international relatif aux droits économiques,sociaux et culturelsUNESCOOrganisation des Nations unies pour l’éducation, la scienceet la cultureUNICEFFonds des Nations unies pour l’enfanceComité européen pour la prévention de la tortureComité européen pour la prévention de la torture et despeines ou traitements inhumains ou dégradantsComité sur les travailleurs migrantsComité pour la protection des droits de tous les travailleursmigrants et des membres de leur familleConvention contre la tortureConvention contre la torture et autres peines ou traitementscruels, inhumains ou dégradantsConvention contre les disparitions forcéesConvention internationale pour la protection de toutesles personnes contre les disparitions forcéesConvention européenne des droits de l’hommeConvention de sauvegarde des droits de l’homme et deslibertés fondamentalesAmnesty International - Rapport 2012Convention sur la discrimination racialeConvention internationale sur l’élimination de toutesles formes de discrimination racialeConvention sur la protectiondes travailleurs migrantsConvention internationale sur la protectiondes droits de tous les travailleurs migrants etdes membres de leur familleConvention sur les femmesConvention sur l’élimination de toutes les formesde discrimination à l’égard des femmesConvention n° 169 de l’OITConvention n° 169 de l’OIT relative aux peuplesindigènes et tribauxDeuxième Protocole facultatifse rapportant au PIDCPDeuxième protocole facultatif se rapportant au PIDCP,visant à abolir la peine de mortProtocole à la Charte portant création d’une Courafricaine des droits de l’homme et des peuplesProtocole à la Charte africaine des droits de l’homme et despeuples portant création d’une Cour africaine des droits del’homme et des peuplesProtocole facultatif à la Conventioncontre la tortureProtocole facultatif se rapportant à la Conventioncontre la torture et autres peines ou traitements cruels,inhumains ou dégradantsProtocole facultatif à la Conventionrelative aux droits de l’enfantProtocole facultatif se rapportant à la Conventionrelative aux droits de l’enfant, concernant l’implicationd’enfants dans les conflits armésRapporteur spécial des Nationsunies sur la tortureRapporteur spécial des Nations unies sur la tortureet les autres peines ou traitements cruels, inhumainsou dégradantsRapporteur spécial des Nationsunies sur le racismeRapporteur spécial des Nations unies sur les formescontemporaines de racisme, de discrimination raciale,de xénophobie et de l’intolérance qui y est associéeRapporteur spécial des Nationsunies sur les populations autochtonesRapporteur spécial des Nations unies sur la situationdes droits de l’homme et des libertés fondamentalesdes populations autochtonesRapporteuse spéciale des Nations uniessur la violence contre les femmesRapporteuse spéciale des Nations unies chargée de laquestion de la violence contre les femmes, y <strong>com</strong>pris sescauses et ses conséquencesXIII


Des migrants sont secourus par desgarde-côtes italiens au large de l’île dePantelleria (Italie), le 13 avril 2011.© AP Photo/Italian Coast Guard, Francesco Malavolta


AMNESTYINTERNATIONALAMNESTY INTERNATIONAL - RAPPORT 2012CHAPITRE I - RÉSUMÉS RÉGIONAUX


© Carsten StormerSoudan, août 2011. Un homme observedes avions militaires qui traversent leciel de Kurchi (Kordofan méridional).Un conflit a éclaté dans la région en juinet, à plusieurs reprises, le gouvernementsoudanais a blessé et tué des civils dansdes bombardements aériens aveugles.


RÉSUMÉSRÉGIONAUXAFRIQUEAFRIQUE« Cette année pourrait être celle où la liberté d’expression et d’associationsera respectée. […] Celle où les Éthiopiens ne seront plus incarcérés enraison de leurs convictions politiques. »Le journaliste et ancien prisonnier d’opinion éthiopien Eskinder Nega, dans un discours sur laliberté de la presse prononcé en septembre 2011 à la veille du Nouvel An éthiopien. EskinderNega a été arrêté quelques jours plus tard et inculpé de trahison et d’infractions liées auterrorisme.Les mouvements populaires qui ont déferlé en Afrique du Nord ont trouvéun écho chez les populations d’Afrique sub-saharienne, en particulier dansles pays dirigés par des gouvernements répressifs. Syndicalistes, étudiants etfigures de l’opposition politique se sont mobilisés pour organiser des manifestations.Mus par leurs aspirations politiques, leur quête d’une plus grandeliberté et un profond sentiment de frustration né d’une vie marquée par ledénuement, des hommes et des femmes sont descendus dans la rue pourdénoncer l’augmentation du coût de la vie et protester contre leur situationéconomique et sociale désespérée.Beaucoup des facteurs sous-jacents qui ont conduit aux soulèvementsen Afrique du Nord et au Moyen-Orient existent également dansd’autres régions d’Afrique. C’est notamment le cas des dirigeants autoritairesqui se maintiennent au pouvoir depuis plusieurs décennies ens’appuyant sur leurs services de sécurité pour réprimer la dissidence.En outre, la pauvreté et la corruption sont très répandues, les libertés lesplus élémentaires font défaut et de vastes catégories de population sontAmnesty International - Rapport 2012XXI


souvent tenues à l’écart du reste de la société. En réprimant avec brutalitéles manifestations de 2011, les responsables politiques de la régionont montré qu’ils n’ont pas su tirer les leçons de ce qui est arrivé à leurshomologues du nord.En réprimantavec brutalité lesmanifestations de2011, les responsablespolitiques de la régionont montré qu’ilsn’ont pas su tirerles leçons de ce quiest arrivé à leurshomologues du nord.PauvretéAu cours de la dernière décennie, les taux de pauvreté ont progressivementdiminué en Afrique et des avancées ont été enregistrées dans la réalisationdes Objectifs du millénaire pour le développement. Il n’en demeure pasmoins que plusieurs millions de personnes vivent toujours dans la pauvreté,privées des services essentiels que sont une eau propre, des installationssanitaires, l’accès aux soins et l’éducation.Du fait de la rapidité de l’urbanisation, de nombreux Africains n’ont pasde logement décent ; ils sont nombreux à vivre dans des bidonvilles, où lesinstallations les plus élémentaires font défaut et où ils risquent à tout momentd’être expulsés de force par les autorités. Bien souvent, les personnes expulséesperdent leurs biens lorsque leurs habitations sont démolies. Beaucoupperdent également leurs moyens de subsistance, ce qui les entraîne encoredavantage dans la spirale de la misère. Les expulsions forcées massives quiont eu lieu dans au moins cinq zones d’implantation sauvage de Nairobi(Kenya) ont touché plusieurs milliers de personnes. Des centaines d’autresont été chassées d’un campement du Territoire de la capitale fédérale, auNigeria. À N’Djamena (Tchad) et dans différentes régions d’Angola, les expulsionsforcées se sont poursuivies.Le fort taux de chômage et le niveau élevé de pauvreté ont été en partieà l’origine de certaines violences, y <strong>com</strong>pris lors de manifestations antigouvernementales.Les mesures de lutte contre la corruption ont été souventréduites à néant parce qu’elles ne bénéficiaient d’aucun soutien politique. AuNigeria, par exemple, le chef de l’État a limogé la présidente de la Commissiondes crimes économiques et financiers six mois avant la fin de son mandat,sans fournir la moindre explication.Répression politiqueGalvanisés par les événements en Afrique du Nord, des manifestantsantigouvernementaux sont descendus, à partir de la fin janvier, dans lesrues de Khartoum et d’autres villes du Soudan. Ils ont subi les coups desforces de sécurité et de très nombreux militants et étudiants ont été arrêtéset détenus arbitrairement. Beaucoup auraient été torturés en détention.En Ouganda, des personnalités de l’opposition ont appelé la populationà reproduire les mouvements de protestation égyptiens en descendantdans la rue, mais les rassemblements ont été marqués par des violences.En février, le gouvernement ougandais a interdit toute manifestation. Lapolice et l’armée ont recouru à une force excessive contre les manifestantset le dirigeant de l’opposition Kizza Besigye a été harcelé et arrêté. AuZimbabwe, une quarantaine de militants ont été arrêtés en février pour laseule raison qu’ils avaient discuté des événements d’Afrique du Nord. Sixd’entre eux ont dans un premier temps été accusés de trahison. En avril,les autorités du Swaziland ont réprimé des manifestations similaires avecune force excessive.XXII Amnesty International - Rapport 2012


Les forces de sécurité ont tiré à balles réelles contre des manifestants antigouvernementauxen Angola, au Burkina Faso, en Guinée, au Liberia, auMalawi, en Mauritanie, au Nigeria, au Sénégal, en Sierra Leone et au Soudandu Sud, ce qui a fait de nombreuses victimes. Les autorités n’ouvraient engénéral pas d’enquête sur l’utilisation excessive de la force et personne n’aété amené à rendre des <strong>com</strong>ptes sur les homicides.Dans la plupart des pays d’Afrique, des défenseurs des droits humains,des journalistes et des opposants ont, cette année encore, été victimesd’arrestations et de placements en détention arbitraires ; certains ont étépassés à tabac, menacés, intimidés ; certains ont été tués par des groupesarmés ou par les forces de sécurité gouvernementales. Les enquêtes ouvertesau Burundi sur le meurtre, en 2009, du défenseur des droits humains ErnestManirumva n’ont pas enregistré de véritables avancées. En Républiquedémocratique du Congo (RDC), cinq policiers ont été reconnus coupables,en juin, de l’assassinat en 2010 du militant des droits fondamentaux FloribertChebeya. Mais aucune enquête n’avait été menée sur certaines personnesqui semblaient pourtant avoir eu un rôle dans ce meurtre.Au Burundi, en Éthiopie, en Gambie, en Guinée, en Guinée-Bissau, enGuinée équatoriale, au Liberia, à Madagascar, en Ouganda, en RDC, enSomalie et au Soudan, les autorités cherchaient à garder le contrôle des informationsdestinées au public. Elles ont imposé des restrictions sur la couverturede certains événements, fermé ou suspendu des stations de radio,bloqué des sites Internet spécifiques ou interdit la publication de journaux. LeRwanda s’est engagé dans une série de réformes en vue d’accroître la libertédes médias, mais certains organes de presse fermés par les autorités en 2010n’avaient toujours pas repris leurs activités. Deux journalistes ont par ailleursété condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement.Les assemblées nationales d’Afrique du Sud et d’Angola ont examiné desprojets de loi susceptibles de restreindre fortement la liberté d’expression etl’accès à l’information. Un point positif est cependant à noter : au Nigeria, leprésident Goodluck Jonathan a enfin promulgué la Loi relative à la liberté del’information.RÉSUMÉSRÉGIONAUXAFRIQUELes forces de sécuritéont tiré à balles réellescontre des manifestantsantigouvernementaux,ce qui a fait denombreuses victimes.ConflitsLes violences politiques qui avaient éclaté en Côte d’Ivoire en novembre 2010,à la suite de l’élection présidentielle, ont dégénéré en conflit armé durant lapremière moitié de l’année 2011. Les forces alliées à Alassane Ouattara ontreçu le soutien d’une force française et de la mission de maintien de la paixdes Nations unies. Elles ont pris le contrôle du pays à la fin du mois d’avrilet ont arrêté l’ancien président Laurent Gbagbo, ainsi qu’un grand nombrede ses sympathisants. Plusieurs centaines de milliers de personnes ont étédéplacées par le conflit ; beaucoup se sont réfugiées dans des pays voisins,en particulier au Liberia. Des milliers de civils ont été tués ou blessés dans lacapitale économique, Abidjan, et dans l’ouest du pays. En mars et en avril, lesdeux parties au conflit ont tué en toute illégalité plusieurs centaines de civilsà Duékoué (ouest du pays) et dans des villages alentour où les gens étaientpris pour cible en raison de leur origine ethnique ou de leur affiliation politiquesupposée. La mission de maintien de la paix de l’ONU n’a pas protégéefficacement la population civile à Duékoué. Les forces des deux camps enAmnesty International - Rapport 2012XXIII


Rares sont lespersonnes qui ont étéamenées à rendredes <strong>com</strong>ptes pourdes atteintes auxdroits fondamentaux.C’est pourquoi dansbeaucoup de pays dela région, la populationn’a plus confiancedans les organeschargés de faireappliquer la loi ni dansl’appareil judiciaire.présence se sont également rendues coupables de violences sexuelles, y<strong>com</strong>pris de viols, et en octobre la Cour pénale internationale (CPI) a autorisél’ouverture d’une enquête sur les crimes de guerre et les crimes contrel’humanité <strong>com</strong>mis par les deux parties au conflit. Sous le coup d’un mandatd’arrêt émis par la CPI, Laurent Gbagbo a été transféré aux Pays-Bas et remisà la Cour en novembre. Pour préserver sa crédibilité, la CPI doit veiller à ceque les crimes <strong>com</strong>mis par les forces fidèles au président Ouattara fassenteux aussi l’objet d’une enquête et que les responsables présumés soientpoursuivis. La CPI doit aussi enquêter sur les crimes de guerre et les crimescontre l’humanité perpétrés avant l’élection présidentielle de novembre 2010,dans la mesure où, à ce jour, l’appareil judiciaire ivoirien n’a pas eu la capacitéou la volonté de le faire.Les Sud-Soudanais se sont prononcés, de façon écrasante, en faveur del’indépendance du Soudan du Sud lors du référendum de janvier sur l’autodétermination.Une fois la date de l’indépendance fixée (au 9 juillet), lestensions se sont accrues dans les « zones de transition » que sont la régiond’Abyei et les États du Kordofan méridional et du Nil bleu. Un autre référendumprévu en janvier, concernant Abyei, n’a finalement pas eu lieu. Unconflit a éclaté en mai dans la région : soutenues par des milices, les Forcesarmées soudanaises ont pris le contrôle d’Abyei, obligeant plusieurs dizainesde milliers de membres du groupe des Dinkas Ngoks à se réfugier au Soudandu Sud. Dans la ville d’Abyei, des habitations ont été pillées et détruites. Làencore, la mission de maintien de la paix de l’ONU, déployée à Abyei, n’apas pris de mesures significatives pour empêcher les attaques et protégerla population civile. À la fin de l’année, aucune solution n’avait été trouvéeconcernant le statut d’Abyei.En raison de dissensions sur des questions de sécurité et sur l’issue desélections au Kordofan méridional, la situation dans cet État a dégénéré enconflit armé entre le Mouvement populaire de libération du Soudan-Nord(MPLS-Nord) et les Forces armées soudanaises. Des centaines de milliersde personnes ont été déplacées par le conflit et par le climat général d’insécurité.Les troupes gouvernementales ont procédé à des bombardementsaériens aveugles qui ont fait de nombreuses victimes civiles. Les Nationsunies et diverses autres organisations, dont Amnesty International, ontrecueilli des informations sur ces attaques menées sans discrimination etces homicides illégaux. Angelo al Sir, un agriculteur, a ainsi décrit la mort deson épouse, qui était enceinte, de deux de leurs enfants et de deux autresparents, tués le 19 juin lors du bombardement d’Um Sirdeeba, un village àl’est de Kadugli.En septembre, le conflit au Kordofan méridional s’était étendu à l’État duNil bleu, contraignant plusieurs dizaines de milliers de personnes à se réfugierau Soudan du Sud et en Éthiopie. En refusant l’accès aux organisationshumanitaires indépendantes et aux observateurs, des droits humains entreautres, le gouvernement soudanais a de fait fermé les États du Kordofan méridionalet du Nil bleu au monde extérieur. Le Conseil de paix et de sécurité del’Union africaine et le Conseil de sécurité des Nations unies n’ont pris aucunemesure concrète face à cette situation. Ils se sont notamment abstenus decondamner les obstacles opposés aux organisations humanitaires et la poursuitedes atteintes aux droits humains.XXIV Amnesty International - Rapport 2012


Le conflit au Darfour (Soudan) s’est poursuivi sans relâche et le nombred’habitants contraints de quitter leur foyer a encore augmenté. Les autoritéssoudanaises s’en sont prises aux personnes qui vivaient déjà dansdes camps de déplacés car elles les considéraient <strong>com</strong>me soutenant lesgroupes d’opposition armés. De nouveaux cas de viol et d’autres formesde violences sexuelles ont été signalés. Le Soudan refusait toujours decoopérer avec la CPI. Le procureur de la CPI a requis la délivrance d’unmandat d’arrêt contre le ministre de la Défense, Abdelrahim MohamedHussein, pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité<strong>com</strong>mis au Darfour.En Somalie, les <strong>com</strong>bats qui se poursuivaient contre le groupe armé islamisteAl Shabab ont pris une dimension régionale lorsque des soldats kenyanset éthiopiens sont intervenus directement dans les <strong>com</strong>bats. Plusieurs milliersde civils ont été blessés ou tués au cours d’attaques menées sans discernementpar différentes parties en présence, essentiellement à Mogadiscio. Descentaines de milliers de personnes ne pouvaient toujours pas rentrer chezelles en raison du conflit et de l’insécurité. La sécheresse qui sévissait dans lasous-région a aggravé une situation humanitaire déjà catastrophique et l’étatde famine a été déclaré dans certaines parties de la Somalie. Les organisationshumanitaires avaient d’immenses difficultés à accéder aux populationspour leur apporter une aide d’urgence.Le conflit qui déchirait l’est de la RDC semblait lui aussi sans issue. Lesviolences sexuelles, dont le viol, constituaient une pratique généralisée tantdes forces de sécurité gouvernementales que des groupes d’oppositionarmés. D’autres atteintes aux droits humains – homicides illégaux, pillages,enlèvements – se poursuivaient également, essentiellement imputables auxgroupes armés. L’appareil judiciaire de la RDC n’était pas en mesure de traiterles nombreuses affaires de violations des droits fondamentaux <strong>com</strong>mises aucours du conflit. Cette année encore, des enfants ont été recrutés et utilisés<strong>com</strong>me soldats, notamment en République centrafricaine, en RDC et enSomalie.Certains gouvernements africains étaient toujours peu disposés à faire ensorte que les responsables de crimes de droit international rendent <strong>com</strong>ptede leurs actes. Ainsi, le Sénégal refusait toujours de poursuivre ou d’extraderHissène Habré, l’ancien président du Tchad. Le gouvernement burundais,quant à lui, a examiné en fin d’année une proposition de révision de la loivisant à mettre en place une <strong>com</strong>mission de vérité et de réconciliation, maismanquait manifestement de la volonté politique nécessaire pour créer untribunal spécial, ainsi que les Nations unies l’avaient re<strong>com</strong>mandé en 2005.RÉSUMÉSRÉGIONAUXAFRIQUEJustice et impunitéNombre d’affaires de violations <strong>com</strong>mises par les forces de sécurité ou lesforces de l’ordre n’étaient pas traitées. Les autorités n’ouvraient presquejamais d’enquête indépendante et impartiale sur les arrestations et les détentionsarbitraires, les actes de torture et les autres mauvais traitements, leshomicides illégaux (y <strong>com</strong>pris les exécutions extrajudiciaires) ou les disparitionsforcées qui leur étaient signalés. Rares sont les personnes qui ont étéamenées à rendre des <strong>com</strong>ptes pour des atteintes aux droits fondamentaux.C’est pourquoi dans beaucoup de pays de la région, la population n’a plusAmnesty International - Rapport 2012XXV


confiance dans les organes chargés de faire appliquer la loi ni dans l’appareiljudiciaire. Ceux qui tentent de saisir la justice officielle, notamment lesvictimes d’atteintes aux droits humains, se voient par ailleurs confrontés à unautre obstacle, celui du coût.L’impunité pour les violations des droits humains perpétrées par desagents de la force publique était généralisée au Burundi, au Cameroun,au Congo, en Érythrée, en Éthiopie, en Gambie, en Guinée, en Guinée-Bissau, au Kenya, à Madagascar, au Malawi, au Mozambique, au Nigeria,en RDC, au Sénégal, au Soudan, au Swaziland, en Tanzanie et auZimbabwe. La <strong>com</strong>mission d’enquête sur les exécutions extrajudiciairesmise en place par le gouvernement burundais n’a pas publié ses conclusions.Les autorités burundaises n’ont pas non plus ouvert d’enquête surles informations selon lesquelles des membres du Service national derenseignement (SNR) se seraient rendus coupables de torture en 2010.Autre exemple flagrant du caractère institutionnalisé de l’impunité : aucours de l’Examen périodique universel du Soudan par le Conseil desdroits de l’homme [ONU], en septembre, ce pays a rejeté les re<strong>com</strong>mandationsqui lui étaient faites de réexaminer sa Loi de 2010 relative à lasécurité nationale et de réformer le Service national de la sûreté et durenseignement (NISS). De ce fait, les agents du NISS demeurent à l’abride toute poursuite et de toute sanction disciplinaire pour les violations desdroits humains qu’ils ont <strong>com</strong>mises.Le nombre de personnes en détention provisoire demeurait très élevé car,dans la plupart des pays, l’appareil judiciaire n’était pas en mesure de garantirun procès équitable dans un délai raisonnable. Beaucoup de personnes nepouvaient pas bénéficier des services d’un avocat après leur arrestation.Dans de nombreux pays, les conditions de détention étaient épouvantables :la surpopulation et la pénurie de personnel pénitentiaire semblaient être larègle, tout <strong>com</strong>me le manque de soins, d’eau, de nourriture et d’équipementssanitaires de base pour les détenus. Bien souvent, elles ne répondaient pasaux critères minimaux fixés par les normes internationales et s’apparentaientà une peine ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Dans uneaffaire particulièrement horrible intervenue en septembre, neuf hommes sontmorts asphyxiés dans les locaux de la gendarmerie nationale de Léré (Tchad)où ils étaient entassés.La tendance vers l’abolition de la peine de mort s’est poursuivie.L’Assemblée nationale du Bénin a voté en faveur de la ratification duDeuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatifaux droits civils et politiques, confirmant ainsi son intention d’abolir lasentence capitale. Au Ghana, l’abolition de cette peine a été re<strong>com</strong>mandéepar la Commission de révision de la Constitution. En octobre, le procureurgénéral fédéral et ministre de la Justice du Nigeria a informé une délégationd’Amnesty International que le gouvernement avait instauré un moratoireofficiel sur les exécutions. Le gouvernement de Sierra Leone avait fait unedéclaration similaire en septembre. À l’opposé de ces évolutions encourageantes,la Somalie, le Soudan et le Soudan du Sud figuraient parmi lesderniers pays d’Afrique sub-saharienne à procéder encore à des exécutions,souvent à l’issue de procès contraires aux règles d’équité les plusélémentaires.XXVI Amnesty International - Rapport 2012


MarginalisationDans de nombreux pays, réfugiés et migrants étaient plus que d’autresvictimes d’atteintes aux droits fondamentaux. Des Congolais ont, cette annéeencore, été en butte à des violences sexuelles au moment où ils étaientexpulsés d’Angola. En Mauritanie, les autorités ont arrêté arbitrairementplusieurs milliers de migrants avant de les renvoyer vers des pays voisins. AuMozambique aussi, des réfugiés et des migrants ont été victimes de violationsde leurs droits fondamentaux. Des homicides illégaux <strong>com</strong>mis par des agentsde la force publique ont notamment été signalés. Les réfugiés et des migrantsen Afrique du Sud continuaient d’être la cible de violences et de destructionsde biens. En décembre, le Haut-Commissariat des Nations unies pour lesréfugiés (HCR) a re<strong>com</strong>mandé que les pays d’accueil prennent des mesurespour mettre un terme au statut de réfugié accordé jusque-là à la plupartdes Rwandais présents sur leur territoire. Les réfugiés et les organisationsde défense des droits humains se sont émus du fait que le HCR n’avait pasvéritablement exposé le fondement de cette re<strong>com</strong>mandation, ainsi que dufait que sa mise en œuvre par les États risquait d’exposer au risque de renvoiforcé vers le Rwanda un grand nombre de personnes ayant toujours besoind’une protection.Plusieurs dizaines de milliers de Sud-Soudanais ont décidé de quitter leSoudan pour le Soudan du Sud, car ils risquaient de perdre leurs droits à lanationalité soudanaise après la déclaration d’indépendance de la partie méridionaledu pays. En butte à de nombreuses difficultés, ils ont notamment étéharcelés avant et pendant leur périple ; une fois arrivés au Soudan du Sud, ilsont été confrontés à une situation humanitaire dramatique.Les violences et les discriminations à l’égard des femmes demeuraient trèsrépandues dans de nombreux pays, notamment en raison de certaines traditionset normes culturelles. Dans certains États, la législation en vigueur institutionnalisaitla discrimination envers les femmes. Celle-ci pesait égalementsur l’accès des femmes aux services de santé.Des femmes et des filles ont, cette année encore, été victimes de viol oud’autres sévices sexuels dans plusieurs pays en conflit ou dans des régions<strong>com</strong>ptant un nombre élevé de réfugiés ou de personnes déplacées, notammentl’est du Tchad, la Côte d’Ivoire, l’est de la RDC, la République centrafricaineet le Soudan (en particulier le Darfour). Ces violences étaient souventle fait de membres des forces de sécurité gouvernementales ; dans la plupartdes cas, aucune enquête n’était ouverte.DiscriminationLa discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou sur l’identité de genre,réelle ou supposée, s’est aggravée. Non seulement les responsables politiquesne protégeaient pas le droit à ne pas subir de discrimination, maissouvent ils se servaient de déclarations et de mesures pour inciter à ladiscrimination et aux persécutions fondées sur une orientation sexuellesupposée.Au Cameroun, des personnes soupçonnées d’entretenir une relationhomosexuelle ont été persécutées. Un grand nombre ont été arrêtées etcertaines, dont Jean-Claude Roger Mbede, condamnées à de lourdespeines d’emprisonnement. Le gouvernement camerounais a égalementRÉSUMÉSRÉGIONAUXAFRIQUELa discriminationfondée sur l’orientationsexuelle ou surl’identité de genre,réelle ou supposée,s’est aggravée.Les responsablespolitiques se servaientde déclarations et demesures pour inciter àla discrimination et auxpersécutions fondéessur une orientationsexuelle supposée.Amnesty International - Rapport 2012XXVII


Toute la question est desavoir si les dirigeantsd’Afrique adhéreront àces changements, ous’ils les considéreront<strong>com</strong>me une menaceà leur maintien aupouvoir. À voir la façondont ils ont réagi auxmanifestations et à ladissidence, on peutdire que la plupart desresponsables politiquesfaisaient partie en 2011non pas de la solution,mais bien du problème.proposé de modifier le Code pénal en vue d’alourdir les peines d’emprisonnementet les amendes pour les personnes reconnues coupables derelations homosexuelles. Au Malawi, en Mauritanie et au Zimbabwe également,des hommes ont été arrêtés et poursuivis en raison de leur orientationsexuelle supposée. Au Malawi, le gouvernement a adopté une loi érigeanten infraction les relations sexuelles entre femmes et, lors d’un rassemblementpolitique, le président Bingu wa Mutharika a déclaré que les gaysétaient « pires que des chiens ». Au Nigeria, le Sénat a adopté un projet deloi érigeant en infraction les relations entre personnes du même sexe. AuGhana, le ministre chargé de la Région occidentale a ordonné aux forces desécurité d’arrêter tous les gays et toutes les lesbiennes vivant dans l’ouestdu pays.En Ouganda, la proposition de loi relative à la lutte contre l’homosexualitén’a pas été examinée par le Parlement, mais n’a pas non plus été retirée.David Kato, éminent défenseur des droits humains en général et des droitsdes lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles ou transgenres enparticulier, a été assassiné à son domicile en janvier. Un homme a été arrêté etcondamné, en novembre, à 30 ans de réclusion pour ce meurtre. En Afriquedu Sud, la société civile a fait pression auprès des autorités pour qu’elless’attaquent au problème des violences contre les lesbiennes, les gays et lespersonnes bisexuelles ou transgenres – en particulier contre les lesbiennes.À la suite de ces actions, les pouvoirs publics ont mis en place un groupe detravail chargé de la prévention des violences fondées sur l’orientation sexuellesupposée.En Érythrée, les percécutions fondées sur des motifs religieux se sont poursuivies.Un très grand nombre de personnes ont été arrêtées arbitrairementet auraient été maltraitées en détention.Sécurité et droits humainsL’Afrique est, de plus en plus, exposée à des actes de terrorisme <strong>com</strong>mispar divers groupes armés islamistes, dont Al Qaïda au Maghreb islamique(AQMI), actif dans plusieurs pays du Sahel ; le groupe religieux BokoHaram, qui a multiplié les attentats à l’explosif au Nigeria tout au long del’année ; et le groupe armé Al Shabab, qui opère au Kenya et en Somalie.Ces formations ont <strong>com</strong>mis de nombreuses atteintes aux droits humains,dont des attaques aveugles, des homicides illégaux, des enlèvements et desactes de torture.En réaction à ces violences, certains gouvernements ont accru leurcoopération militaire, notamment au Sahel, et des pays voisins sont intervenusmilitairement. Le Nigeria a mis en place une Force d’interventionconjointe (JTF) pour lutter contre Boko Haram dans certains États. Lorsqueles forces de sécurité gouvernementales tentaient de contrer les groupesarmés, elles <strong>com</strong>mettaient souvent elles-mêmes des violations des droitshumains. En Mauritanie, 14 détenus condamnés pour des infractionsliées au terrorisme ont été victimes de disparition forcée au cours d’untransfert. Au Nigeria, les forces de sécurité ont répondu à l’escalade desviolences dans certains États en procédant à des centaines d’arrestationset de détentions arbitraires, à des disparitions forcées et des exécutionsextrajudiciaires.XXVIII Amnesty International - Rapport 2012


L’heure du changementSans doute l’Afrique sub-saharienne ne connaîtra-t-elle pas une améliorationdu respect et de la protection des droits fondamentaux aussi rapide etspectaculaire que l’Afrique du Nord. Par endroits, il se pourrait même que lasituation empire. Cependant, certains facteurs – une croissance économiquedurable, les pressions en faveur d’une meilleure gouvernance, l’émergenced’une classe moyenne, une société civile plus puissante, un meilleur accèsaux technologies de l’information et de la <strong>com</strong>munication – vont peu à peucontribuer à améliorer la situation des droits humains. Toute la question estde savoir si les dirigeants d’Afrique adhéreront à ces changements, ou s’ilsles considéreront <strong>com</strong>me une menace à leur maintien au pouvoir. À voir lafaçon dont ils ont réagi aux manifestations et à la dissidence, on peut dire quela plupart des responsables politiques faisaient partie en 2011 non pas de lasolution, mais bien du problème.RÉSUMÉSRÉGIONAUXAFRIQUEAmnesty International - Rapport 2012XXIX


© Scott LangleyMartina Correia fixe la prison au moment précisoù son frère, Troy Davis, est exécuté alors quede nombreux doutes planent sur sa culpabilité(Géorgie, États-Unis, 21 septembre 2011). MartinaCorreia est elle-même décédée deux mois plus tarddes suites d’une longue maladie.« Le <strong>com</strong>bat pour la justice ne s’arrête pas avec moi.Cette lutte vaut pour tous les Troy Davis qui m’ontprécédé et tous ceux qui viendront après moi. »Troy Davis, exécuté après avoir passé 20 ans dans le couloirde la mort


RÉSUMÉSRÉGIONAUXAMÉRIQUESAMÉRIQUES« [C’est] un affront à la démocratie [et] un affront à l’état de droit. »Marcelo Freixo, député de l’État de Rio de Janeiro (Brésil), évoquant l’assassinat de la jugePatrícia Acioli. Il a lui-même reçu de nombreuses menaces de mort pour avoir mené desinvestigations sur les bandes criminelles et dénoncé leurs agissements.Le 11 août 2011, la juge Patrícia Acioli est morte devant son domicile, àNiterói, dans l’État de Rio de Janeiro, atteinte de 21 balles tirées par desagents de la police militaire brésilienne. Sa longue expérience en matièrepénale dans des affaires concernant des policiers impliqués dans des violationsdes droits humains lui avaient déjà valu de nombreuses menaces demort. En octobre, 11 policiers, dont un <strong>com</strong>mandant, ont été arrêtés etinculpés. Selon certaines informations, lorsqu’elle a été assassinée PatríciaAcioli dirigeait une enquête sur l’implication présumée de ces policiers dansdes exécutions extrajudiciaires et des activités criminelles. Sa mort a porté uncoup dur au mouvement brésilien de défense des droits humains, mais soninlassable quête de justice reste un exemple pour toutes celles et tous ceuxqui, <strong>com</strong>me elle, refusent que les atteintes aux libertés fondamentales soientpassées sous silence.En 2011, les revendications en matière de droits humains se sont faitentendre à travers toute la région, tant devant les tribunaux nationaux quedans le système interaméricain de protection de ces droits et dans la rue. Lesappels à la justice lancés par de simples citoyens, des défenseurs des droitshumains, des organisations de la société civile et des peuples indigènes ontpris de l’ampleur, et plusieurs ont débouché sur une confrontation directeavec de puissants intérêts économiques et politiques. Ces conflits étaientAmnesty International - Rapport 2012XXXI


pour beaucoup provoqués par des politiques de développement économiquequi exposaient nombre d’habitants – en particulier les plus démunis et lespopulations marginalisées – à un risque accru de subir des violations et d’êtreexploités.Le capitaine de lamarine Alfredo Astizet 15 autres militairesont été condamnésà des peinesd’emprisonnementallant de 18 ans àla perpétuité pourleur implication dans86 crimes contrel’humanité <strong>com</strong>misdans les années 1970.Exiger la justice et la fin de l’impunitéNombre d’affaires de droits humains ne progressaient que lentement, freinéespar une justice difficilement accessible, par le manque d’indépendancedu pouvoir judiciaire et par la volonté de certains milieux de protéger desintérêts politiques, économiques et judiciaires et de recourir à des mesuresextrêmes pour ne pas avoir à rendre des <strong>com</strong>ptes. Dans certains pays <strong>com</strong>mele Brésil, la Colombie, Cuba, le Guatemala, Haïti, le Honduras et le Venezuelail était d’autant plus difficile de faire respecter ces droits que leurs défenseurs,les témoins, les avocats, les procureurs et les juges étaient fréquemmentmenacés, voire tués. Les journalistes qui tentaient de dénoncer les abusde pouvoir, les atteintes aux droits fondamentaux et la corruption étaient euxaussi souvent pris pour cibles en Amérique latine et dans les Caraïbes.Dans certains pays, toutefois, malgré les obstacles et de fréquents revers,des avancées non négligeables ont été enregistrées dans les enquêtes et lespoursuites portant sur les violations des droits humains <strong>com</strong>mises dans lepassé. Un certain nombre d’anciens dirigeants militaires de facto et d’officierssupérieurs de l’armée ont été reconnus coupables et condamnés à despeines d’emprisonnement.En Argentine, l’ancien général Reynaldo Bignone et l’homme politique etex-policier Luis Abelardo Patti ont été condamnés en avril à la réclusion àperpétuité pour plusieurs meurtres, enlèvements et actes de torture <strong>com</strong>misdans la ville d’Escobar pendant les années 1970. En octobre, l’ex-capitainede la marine Alfredo Astiz et 15 autres militaires ont été condamnés à despeines d’emprisonnement allant de 18 ans à la perpétuité pour leur implicationdans 86 crimes contre l’humanité <strong>com</strong>mis dans les années 1970.Leurs victimes avaient été enlevées puis détenues dans le centre de détentionsecrète installé au sein de l’École supérieure de mécanique de la Marine(ESMA), à Buenos Aires, où certaines sont mortes sous la torture ou aprèsavoir été jetées d’un avion en plein vol. Parmi les personnes tuées se trouvaientles deux religieuses françaises Léonie Duquet et Alice Domon, les militantesdes droits humains Azucena Villaflor, María Bianco et Esther Careaga,co-fondatrices du mouvement des Mères de la place de Mai, et l’écrivain etjournaliste Rodolfo Walsh.En Bolivie, la Cour suprême a déclaré coupables sept anciens hautsresponsables, militaires et civils, pour leur implication dans les événementsdits d’« octobre noir », qui ont fait 67 morts et plus de 400 blessés au coursde manifestations survenues en 2003 à El Alto, près de La Paz. Il s’agissaitdu premier procès de responsables militaires accusés de violations des droitshumains se concluant devant un tribunal civil bolivien. Cinq anciens officiersde l’armée se sont vu infliger des peines allant de 10 à 15 ans de réclusion.Deux anciens ministres ont été condamnés à trois années d’emprisonnement,assorties par la suite du sursis.Au Brésil, la présidente Dilma Rousseff a promulgué une loi portant créationd’une <strong>com</strong>mission vérité chargée d’enquêter sur les violations des droitsXXXII Amnesty International - Rapport 2012


humains <strong>com</strong>mises entre 1946 et 1988. Au Chili, le nombre de violationsfaisant l’objet d’une instruction judiciaire est parvenu à un niveau jamaisatteint, avec l’ouverture de 726 nouvelles affaires pénales et le dépôt deplus d’un millier de plaintes, constituées au fil des ans par les proches depersonnes exécutées pour des motifs politiques sous le régime militaire dugénéral Augusto Pinochet.Après presque 25 ans d’exil en France, Jean-Claude Duvalier, ancienprésident d’Haïti, a regagné le pays et a immédiatement fait l’objet d’uneenquête pénale pour de graves violations des droits humains, à la suite deplaintes déposées par des victimes et des proches de victimes. En Colombie,le général à la retraite Jesús Armando Arias Cabrales a été condamné en avrilà 35 ans d’emprisonnement pour son implication dans la disparition forcéede 11 personnes en novembre 1985 ; celles-ci avaient été enlevées aprèsque l’armée eut pris d’assaut le palais de justice où des éléments du mouvementde guérilla M-19 retenaient des otages. En septembre, Jorge Noguera,ancien directeur du Département administratif de sécurité (DAS) colombien,a été condamné à 25 années d’emprisonnement pour l’assassinat en 2004du professeur d’université Alfredo Correa de Andreis et pour ses liens avecdes groupes paramilitaires.Si importantes que soient ces affaires, elles constituaient des exceptionset l’impunité était la norme. Ainsi, en Colombie, l’ancienne directrice duDAS María del Pilar Hurtado continuait d’échapper à la justice alors qu’elleétait impliquée dans un scandale lié à des écoutes et des opérations desurveillance illégales, ainsi qu’à des menaces contre des opposants de l’exprésidentcolombien, Alvaro Uribe. Elle s’était vu accorder l’asile au Panamaen 2010.Au Mexique, les actions en justice intentées contre les auteurs de gravesviolations des droits humains <strong>com</strong>mises dans les années 1960, 1970 et 1980étaient au point mort. La Cour suprême a toutefois conclu que les arrêts dela Cour interaméricaine des droits de l’homme sur le Mexique étaient contraignants,notamment l’obligation de transférer à la justice civile les affaires demilitaires impliqués dans des violations des droits humains.Dans le domaine de la justice internationale les avancées ont été inégales.Ainsi, en octobre, les autorités canadiennes n’ont pas arrêté l’ancien présidentdes États-Unis George W. Bush, en déplacement en Colombie-Britannique,en dépit d’éléments probants attestant sa responsabilité dans des crimes dedroit international, notamment des actes de torture. En revanche, la Francea extradé en décembre l’ancien chef d’État de facto du Panama, ManuelNoriega, vers son pays, où il avait été reconnu coupable par contumace dumeurtre d’opposants politiques, entre autres crimes.RÉSUMÉSRÉGIONAUXAMÉRIQUESAu Brésil, les agentsde la force publiqueavaient toujoursrecours à despratiques marquéespar la discrimination,les atteintes auxdroits humains et lacorruption ; certainesde leurs opérationsétaient de véritablesinterventions militaires.Le système interaméricain de protection des droitsfondamentauxAu cours de l’année, le système interaméricain, en particulier la Commissioninteraméricaine des droits de l’homme, a été la cible d’attaques virulentesde la part de plusieurs États. Les autorités brésiliennes ont ainsi rappelé leurambassadeur auprès de l’OEA, en réaction aux mesures ordonnées par laCommission sur le projet d’aménagement hydroélectrique de Belo Monte.La Commission avait demandé la suspension du projet tant que les <strong>com</strong>munautésindigènes concernées n’auraient pas été dûment consultées. PlusAmnesty International - Rapport 2012XXXIII


Il y avait lieu de penserque, dans un certainnombre de cas, lapolice dominicaineavait recouru à despratiques délibérémentmeurtrières au lieu dechercher à arrêter dessuspects non armés.inquiétant encore, le secrétaire général de l’OEA, José Miguel Insulza, aouvertement soutenu la position brésilienne et publiquement demandéà la Commission de réexaminer sa décision dans l’affaire Belo Monte. LaCommission a, par la suite, modifié les mesures conservatoires ordonnéesdans cette affaire, n’exigeant plus du Brésil que le projet soit suspendu dansl’attente de la consultation des populations concernées.L’Équateur, le Pérou et le Venezuela ont également critiqué la Commissioninteraméricaine des droits de l’homme, lui reprochant d’outrepasser sonmandat et de porter atteinte à leurs droits souverains. Les critiques formuléespar l’Équateur et le Venezuela concernaient essentiellement le Bureaudu rapporteur spécial pour la liberté d’expression. Quant au Pérou, il reprochaitvivement à la Commission sa décision ordonnant le renvoi devant laCour interaméricaine des droits de l’homme d’une affaire relative à desexécutions extrajudiciaires qui auraient été perpétrées en 1997, au momentde la libération de 71 otages (dans le cadre de l’opération appelée Chavínde Huántar).Au cours du second semestre de 2011, les États membres de l’OEA ontcontinué de débattre d’éventuelles réformes du système interaméricain deprotection des droits fondamentaux. À l’issue de ces discussions, un rapporta été remis au Conseil permanent de l’OEA, qui devait l’examiner début2012. Bien que les re<strong>com</strong>mandations énoncées dans ce document aientété présentées <strong>com</strong>me ayant pour objectif de renforcer le système, certainesdes mesures proposées risquaient en réalité de <strong>com</strong>promettre son indépendanceet son efficacité et d’avoir d’importantes répercussions sur l’action dela Commission et de ses rapporteurs.Sécurité publique et droits humainsLes États ont, cette année encore, tiré profit de préoccupations légitimes ausujet de la sécurité publique et du taux élevé de criminalité pour justifier oufeindre d’ignorer les violations des droits humains perpétrées par leurs forcesde sécurité lorsqu’elles <strong>com</strong>battaient les activités criminelles ou les groupesarmés.Tandis qu’il poursuivait sa campagne contre les cartels de la drogue, legouvernement mexicain a fermé les yeux sur les nombreuses informationsfaisant état de torture, de disparitions forcées, d’homicides illégaux et derecours excessif à la force imputables à l’armée de terre et, de plus en plus,à la marine. Plus de 12 000 personnes ont été tuées dans des violences attribuéesaux organisations criminelles et 50 000 soldats de l’armée de terre etde la marine étaient toujours déployés par le chef de l’État, Felipe Calderón,pour assurer le maintien de l’ordre. Certains éléments attestaient de lacollusion entre agents de police ou des forces de sécurité et associationscriminelles, notamment à travers l’enlèvement et l’assassinat de membresprésumés d’autres organisations criminelles. Le gouvernement maintenaitque ces violations étaient exceptionnelles et que leurs auteurs étaient amenésà rendre des <strong>com</strong>ptes mais, au cours de l’année, une seule affaire a entraînéla <strong>com</strong>parution en justice de militaires.Dans une moindre mesure, l’armée a été utilisée pour assurer le maintien del’ordre dans un certain nombre d’autres pays de la région, dont le Guatemala,le Honduras, la République dominicaine, le Salvador et le Venezuela, où leXXXIV Amnesty International - Rapport 2012


président Hugo Chávez a ordonné le déploiement dans les rues de soldatsde la Garde nationale pour lutter contre la multiplication des crimes violents.Confrontés à un niveau très élevé de criminalité violente dans le pays,les agents de la force publique brésilienne avaient toujours recours à despratiques marquées par la discrimination, les atteintes aux droits fondamentauxet la corruption. Certaines de leurs opérations étaient de véritables interventionsmilitaires. Si quelques projets en matière de sécurité publique ontfavorisé, dans une certaine mesure, une baisse des niveaux de violence, lesréformes promises dans ce domaine par les autorités fédérales ont été misesà mal par d’importantes coupes budgétaires et le manque de déterminationpolitique. Cette année encore, des quartiers défavorisés ont été pris enétau entre les violences des gangs et des méthodes policières abusives, leshabitants étant souvent traités <strong>com</strong>me des délinquants. À Rio de Janeiro, lepouvoir des milices s’est encore accru. Ces bandes criminelles, <strong>com</strong>poséesd’agents ou d’ex-agents des forces de l’ordre, ont renforcé leur mainmise surun grand nombre des <strong>com</strong>munautés les plus pauvres de la ville, recourantaux violences et à l’extorsion de fonds et s’appuyant sur des activités financièresillicites et sur la mise en place d’appuis politiques. L’assassinat de lajuge Patrícia Acioli a mis en lumière l’influence et l’assurance de ces gangs.Adoptant une approche radicale dans sa lutte contre la criminalité, la policedominicaine s’est rendue coupable de détentions arbitraires, de torture etd’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, d’homicides illégauxet de disparitions, entre autres graves violations des droits humains. Il y avaitlieu de penser que, dans un certain nombre de cas, elle avait recouru à despratiques délibérément meurtrières au lieu de chercher à arrêter les suspectsqui, pour beaucoup, n’étaient pas armés.Conflit arméLe conflit armé qui déchire de longue date la Colombie infligeait toujoursd’indicibles souffrances aux populations civiles de l’ensemble du pays. Lesaffrontements avaient des conséquences en matière de droits humains particulièrementgraves pour les habitants des zones rurales, en particulier les<strong>com</strong>munautés indigènes, afro-colombiennes et paysannes. Plusieurs milliersd’entre eux ont été contraints de fuir leur foyer. Des mouvements de guérillaet des paramilitaires se sont rendus coupables de graves exactions, dont desviolations du droit international humanitaire, dans certains cas avec la collusiondes forces de sécurité.Certaines des mesures législatives adoptées par les autorités ont marquédes étapes importantes. La loi sur les victimes et la restitution de terres reconnaissaitnotamment les droits à réparation de certaines victimes et prévoyaitla restitution d’une partie des millions d’hectares de terres dérobées au coursdu conflit. Ce texte excluait toutefois de nombreuses victimes ; une vagued’homicides et de menaces visant les défenseurs des droits humains, enparticulier ceux qui œuvraient en faveur de la restitution des terres, suscitaitdes doutes quant à la capacité des autorités à restituer les terres à leurspropriétaires légitimes, <strong>com</strong>me elles s’y étaient engagées.La détermination du gouvernement colombien à protéger les droits humainset à lutter contre l’impunité a été remise en question par les mesures visantà élargir la <strong>com</strong>pétence des juridictions militaires, susceptibles de permettreRÉSUMÉSRÉGIONAUXAMÉRIQUESLe conflit armé quidéchire de longue datela Colombie infligeaittoujours d’indiciblessouffrances auxpopulations civiles del’ensemble du pays.Amnesty International - Rapport 2012XXXV


aux membres des forces de sécurité soupçonnés de violations des droitshumains d’échapper à la justice. Le président Juan Manuel Santos et lechef d’état-major des forces armées ont, par ailleurs, critiqué la condamnationpour violations des droits humains de plusieurs hauts responsables del’armée.Près de deux ansaprès l’expirationdu délai fixé par leprésident des États-Unis Barack Obamapour la fermeture ducentre de détention deGuantánamo, plus de150 hommes y étaienttoujours détenus.Lutte contre le terrorisme et sécuritéÀ la fin de l’année, près de deux ans après l’expiration du délai fixé par leprésident des États-Unis Barack Obama pour la fermeture du centre dedétention de Guantánamo, plus de 150 hommes y étaient toujours détenus.L’espoir que le gouvernement américain respecte sa propre déclarationde 2009, selon laquelle cinq de ces hommes, accusés de participation auxattentats du 11 septembre 2001, <strong>com</strong>paraîtraient devant une juridiction fédéraleordinaire, a été anéanti lorsque le ministre de la Justice a annoncé enavril qu’ils seraient jugés par une <strong>com</strong>mission militaire. Les autorités n’ont pascaché leur intention de requérir la peine de mort contre les cinq prisonniers.Dans une autre affaire jugée par une <strong>com</strong>mission militaire, le Saoudien Abd alRahim al Nashiri a été renvoyé devant la justice en septembre. Il risque d’êtrecondamné à mort s’il est déclaré coupable.Les responsables présumés des violations des droits humains perpétréesdans le cadre du programme de détentions secrètes de la CIA, mis en placepar le gouvernement précédent, jouissaient toujours d’une parfaite impunité.En juin, le ministre de la Justice a annoncé que, hormis dans deux cas demorts en détention, il ne garantissait pas de nouvelles investigations sur cesdétentions, alors que la torture et la disparition forcée faisaient partie intégrantedu programme secret et qu’au nombre des victimes figuraient desdétenus faisant actuellement l’objet d’un procès inique devant une <strong>com</strong>missionmilitaire et risquant d’être exécutés, s’ils étaient déclarés coupables.Peuples indigènesMalgré quelques évolutions encourageantes, les violations des droits despeuples indigènes constituaient toujours un motif de préoccupation majeur.Bien souvent, les peuples indigènes ont été privés de leur droit d’êtreconsultés en bonne et due forme et de donner un consentement libre, préalableet éclairé au sujet de vastes projets de développement les concernant,y <strong>com</strong>pris dans le secteur des industries extractives. Le Pérou a adopté cetteannée une loi historique, qui a rendu obligatoire la consultation des populationsautochtones avant la mise en place de tout projet de développement surdes terres ancestrales. De telles dispositions demeuraient toutefois exceptionnelles.Bien que tous les États de la région aient approuvé la Déclaration surles droits des peuples autochtones [ONU, 2007], les droits énoncés dans cetexte étaient encore loin d’être respectés.Le non-respect des droits des peuples indigènes avait des répercussionsnégatives non seulement sur leurs moyens de subsistance, mais aussi surces <strong>com</strong>munautés elles-mêmes, qui étaient menacées, harcelées, expulséesou déplacées de force, attaquées ou tuées, à mesure que l’exploitationdes ressources s’intensifiait dans les régions où elles vivaient. AuBrésil, en Colombie, au Guatemala et au Mexique, des indigènes ont étéchassés de leurs terres, souvent par la violence. En Bolivie et au Pérou, lesXXXVI Amnesty International - Rapport 2012


informations recueillies ont fait état d’un recours excessif à la force à l’encontrede personnes qui manifestaient en faveur des droits de ces habitantset dénonçaient des projets d’aménagement. Les motifs fallacieux invoquéspour poursuivre des dirigeants indigènes étaient un motif de préoccupationen Équateur et au Mexique.Comme les années précédentes, il y avait lieu de penser que les États neprenaient pas au sérieux les droits des peuples indigènes ou n’affichaient pasla volonté politique nécessaire pour mettre fin à la discrimination qui sévissaitdepuis de nombreuses décennies. En avril, la Commission interaméricainedes droits de l’homme a exhorté le Brésil à suspendre la construction dubarrage de Belo Monte tant que les <strong>com</strong>munautés indigènes n’auraient pasété pleinement et dûment consultées – et en particulier tant qu’elles n’auraientpas eu accès dans les langues appropriées à une évaluation exhaustivedes conséquences sociales et environnementales du projet –, et que desmesures n’auraient pas été mises en œuvre pour protéger les <strong>com</strong>munautésvolontairement isolées. Le Brésil s’est farouchement opposé à ces mesuresconservatoires, que la Commission a par la suite allégées.En Bolivie, après plusieurs semaines de manifestations au cours desquellesde très nombreuses personnes ont été blessées, les forces de sécurité ayantutilisé du gaz lacrymogène et des matraques pour disperser les occupantsd’un campement de fortune, le président Morales a décidé d’annuler leprojet d’aménagement d’une route traversant le Territoire indigène et parcnational Isiboro-Sécure (TIPNIS). Les manifestants indigènes considéraientque ce projet avait été planifié en violation des garanties constitutionnellesrelatives à la consultation préalable et des lois en matière de préservation del’environnement.Au Canada, d’après un audit fédéral rendu public en août, 39 % dessystèmes d’approvisionnement en eau des Premières nations <strong>com</strong>portaientde graves défaillances, et 73 % des réseaux d’eau potable et 65 % des circuitsd’évacuation des eaux usées présentaient un risque moyen ou élevé pour lasanté.RÉSUMÉSRÉGIONAUXAMÉRIQUESAu Brésil, en Colombie,au Guatemala et auMexique, des indigènesont été chassés deleurs terres, souventpar la violence.Droits des femmes et des fillesLes États de la région n’ont pas donné la priorité sur le plan politique à laprotection des femmes et des filles contre le viol, les menaces et les homicides.La mise en œuvre des lois visant à <strong>com</strong>battre les violences liées augenre constituait toujours un sujet de préoccupation majeur. De plus, devantle manque de ressources disponibles pour ouvrir des enquêtes et engagerdes poursuites en lien avec ces crimes, on s’interrogeait sur l’existence d’unevolonté véritable, de la part des pouvoirs publics, de s’attaquer au problème.Dans de nombreux pays, le manque de détermination à traduire en justiceles responsables de ces crimes contribuait à perpétuer l’impunité pour lesauteurs de violences liées au genre et favorisait un climat de tolérance enversles violences faites aux femmes et aux filles.Les violations des droits sexuels et reproductifs des femmes et des fillesdemeuraient monnaie courante et avaient des conséquences effroyablessur leur vie et leur santé. Le Chili, le Nicaragua et le Salvador interdisaienttoujours toute forme d’avortement, y <strong>com</strong>pris pour les jeunes filles et lesfemmes enceintes à la suite d’un viol ou dont la poursuite de la grossesseAmnesty International - Rapport 2012XXXVII


mettait la vie en péril. Quiconque pratiquait ou sollicitait une interruption degrossesse s’exposait à une lourde peine d’emprisonnement.Dans d’autres pays, l’accès à des services d’avortement sûrs était garantipar la loi mais refusé dans la pratique, des procédures judiciaires interminablesle rendant quasiment impossible en particulier pour les femmesn’ayant pas les moyens de recourir à des structures privées. L’accès à lacontraception et à l’information sur les questions liées à la sexualité et à laprocréation demeurait un motif de préoccupation, en particulier pour lesfemmes et les filles les plus marginalisées de la région.Les familles demigrants disparusont organisé desmanifestations àtravers le pays pourque leurs prochessoient localisés.Migrants : des victimes visibles, des droits invisiblesDans un certain nombre de pays, plusieurs centaines de milliers de migrants,en situation régulière et irrégulière, n’ont pas été protégés par la loi.Au Mexique, plusieurs centaines de corps ont été découverts dans desfosses <strong>com</strong>munes. Certains ont été identifiés <strong>com</strong>me les cadavres de migrantsvictimes d’enlèvement. Les familles de migrants d’Amérique centrale disparusont organisé des manifestations à travers le pays pour que leurs prochessoient localisés et pour attirer l’attention sur le sort subi par de nombreuxmigrants. Ceux-ci étaient plusieurs dizaines de milliers, originaires d’Amériquecentrale, à traverser chaque année le Mexique. Certains étaient enlevés,torturés, violés, voire tués par des bandes criminelles, qui opéraient souventavec la <strong>com</strong>plicité de représentants de l’État. Par crainte de représailles ou demesures d’expulsion, les migrants sans papiers étaient rarement à même dedénoncer les graves violations dont ils étaient victimes.Au Mexique, les défenseurs des droits des migrants, en particulier ceux quiœuvraient au sein du réseau de centres d’accueil assurant une aide humanitaireà ces personnes, ont été pris pour cible <strong>com</strong>me jamais auparavant.Dans le sud-ouest des États-Unis, le long de la frontière mexicaine, desmigrants en situation régulière et irrégulière ont été victimes de discriminationet de profilage aux mains d’agents de la force publique, à l’échellelocale, fédérale et des États. En butte à des pratiques discriminatoireslorsqu’ils tentaient de se tourner vers la justice et de demander une protection,ils se heurtaient aussi à des obstacles les empêchant d’accéder àl’éducation et aux soins médicaux. Ils faisaient, par exemple, l’objet depolitiques visant à surveiller plus étroitement les migrants par rapportau reste de la population, ou risquaient d’être dénoncés aux services del’immigration. À la suite de nouvelles propositions de lois contre l’immigration,certains élèves ont abandonné leur scolarité par crainte que leursparents ne soient arrêtés. Des textes législatifs contre l’immigration adoptéspar la Caroline du Sud, la Géorgie, l’Utah et l’Indiana ont été contestésdevant la justice fédérale.En République dominicaine, des migrants haïtiens en situation régulièreet irrégulière ont été victimes de violations de leurs droits humains, dontdes expulsions massives, illégales et violentes, au cours desquelles desDominicains d’origine haïtienne ont, <strong>com</strong>me les années précédentes, étéprivés de leur droit à la nationalité dominicaine. Au cours des opérationsd’expulsion, certains migrants auraient été battus et des enfants auraientété séparés de leurs parents. Plusieurs pays, dont les Bahamas, n’ont pastenu <strong>com</strong>pte des appels lancés par l’ONU pour que cessent, pour des motifsXXXVIII Amnesty International - Rapport 2012


humanitaires, les expulsions vers Haïti <strong>com</strong>pte tenu de la crise que traversele pays depuis le séisme de 2010 et l’épidémie de choléra.Peine de mortQuarante-trois hommes ont été exécutés aux États-Unis au cours de l’année,tous par injection létale. Ce chiffre portait à 1 277 le nombre total de prisonniersexécutés depuis que la Cour suprême américaine a levé le moratoiresur la peine de mort en 1976. Deux points positifs sont cependant à noter: l’Illinois est devenu en mars le 16 e État abolitionniste des États-Unis et, ennovembre, le gouverneur de l’Oregon a imposé un moratoire sur les exécutionset préconisé une réflexion sur la peine de mort.Au nombre des personnes exécutées en 2011 figurait Troy Davis. Il a étémis à mort en Géorgie en septembre, alors que de sérieux doutes planaienttoujours sur la fiabilité de sa condamnation. Martina Correia, sa sœur, qui amilité courageusement et sans relâche contre la peine capitale jusqu’à sondécès en décembre 2011, demeure une source d’inspiration pour tous ceuxqui défendent haut et fort la dignité humaine et la justice dans l’ensemble dela région et dans le reste du monde.Elle a déclaré : « La peine de mort est une abomination, une négation dela dignité humaine. Elle n’est pas seulement fondée sur la couleur et la race,mais sur la capacité à affronter le système. J’essaye d’être une voix pourles sans-voix. Je ne me considère pas <strong>com</strong>me quelqu’un de spécial, je suissimplement persuadée que ma “<strong>com</strong>munauté” ne se limite pas à mes voisinsde quartier – elle englobe le monde entier. Lorsque quelqu’un est exécuté enChine, en Ouganda, au Nigeria, en Géorgie ou au Texas, c’est un peu chacunde nous qui meurt. »RÉSUMÉSRÉGIONAUXAMÉRIQUESAmnesty International - Rapport 2012XXXIX


© Amnesty International© REUTERS/Soe Zeya TunSu Su Nway, militante des droits dutravail, à son arrivée à l’aéroport deYangon (Myanmar) le 16 octobre 2011.Elle avait été condamnée à 12 ans etsix mois de réclusion mais a été libéréeà la faveur d’une amnistie accordée le12 octobre 2011 par le gouvernement àenviron 240 prisonniers politiques.


RÉSUMÉSRÉGIONAUXASIE-PACIFIQUEASIE-PACIFIQUE« Il est temps, peuple de Chine ! Il est temps.La Chine appartient à tous.Il est temps de choisir vous-même ce que deviendra la Chine. »Zhu Yufu, dissident chinoisSentant le vent du changement politique souffler depuis le Moyen-Orientet l’Afrique du Nord, plusieurs gouvernements de la région Asie-Pacifiqueont réagi en accentuant, dans leurs efforts pour se maintenir au pouvoir, larépression des revendications relatives aux droits humains et à la dignité.Parallèlement, le succès des soulèvements en Tunisie et en Égypte a incitéles défenseurs des droits humains, les militants et les journalistes en Asieà faire entendre eux aussi leur voix, en utilisant à la fois les nouvellestechnologies et des méthodes militantes plus classiques pour dénoncerles violations de leurs droits.Zhu Yufu, l’auteur du poème cité plus haut, a été arrêté en mars parles autorités chinoises. Le procureur a cité ce poème <strong>com</strong>me principalélément à charge pour étayer l’inculpation d’« incitation à la subversiondu pouvoir de l’État ». Cet homme, qui avait déjà passé près de neuf ansen prison au cours des 13 dernières années pour avoir réclamé une plusgrande liberté politique, était au nombre des dizaines de détracteurs,militants et dissidents qui ont été arrêtés et harcelés à partir de févrierpar les autorités chinoises, dans le cadre de l’une des pires campagnesde répression politique qui ait été menée depuis les manifestations deAmnesty International - Rapport 2012XLI


Le succès dessoulèvements enTunisie et en Égypte aincité les défenseursdes droits humains,les militants et lesjournalistes en Asie àfaire entendre eux aussileur voix, en utilisantà la fois les nouvellestechnologies et desméthodes militantesplus classiques pourdénoncer les violationsde leurs droits.la place Tiananmen en 1989. Outre Zhu Yufu, sur la longue liste despersonnes arrêtées, assignées à domicile de manière illégale ou victimesde disparition forcée figuraient Liu Xia, l’épouse de Liu Xiaobo, lauréatdu prix Nobel de la paix, ainsi que Gao Zhisheng, juriste, et Ai Weiwei,artiste de renommée mondiale. Dans plusieurs cas, les autorités chinoisesont torturé des prisonniers pour leur arracher des « aveux » et leur fairepromettre de ne pas parler des mauvais traitements qu’ils avaient subissur les réseaux sociaux ni à des journalistes ou à toute autre personne.La dureté de la répression a montré à quel point le gouvernementchinois était préoccupé par les messages anonymes lancés sur Internetà partir de février en faveur d’une « révolution de jasmin ». Ces messagesappelaient les citoyens chinois qui en avaient assez de la corruption, dela mauvaise gouvernance et de la répression politique à se rassemblerpacifiquement et à simplement déambuler dans un certain nombre delieux publics désignés, dans plusieurs villes. Aussi inoffensifs qu’aient étéces appels, le gouvernement chinois a réagi en interdisant plusieurs foisau cours de l’année les recherches des mots « jasmin » et « Égypte » surInternet. Des dizaines de milliers de manifestations ont toutefois eu lieudans tout le pays, les protestataires réclamant une meilleure protectionde leurs droits fondamentaux – civils, politiques, économiques, sociauxet culturels.Les revendications dynamiques des citoyens chinois en faveur de leursdroits ont contrasté avec la situation dans la République populaire démocratiquede Corée (Corée du Nord) voisine. Rien n’indiquait une améliorationde la situation catastrophique des droits humains dans le paysaprès l’accession au pouvoir, le 17 décembre, de Kim Jong-un, âgé d’àpeine 30 ans, qui a succédé à son père <strong>com</strong>me maître absolu du pays.Il semblait plutôt que les autorités aient arrêté des agents de l’État soupçonnésd’être susceptibles de contester ou de remettre en cause unetransition en douceur. Il est à craindre que ces détenus ne soient allésrejoindre les centaines de milliers de personnes soumises à la détentionarbitraire, au travail forcé, à une exécution publique et à la torture ou àd’autres mauvais traitements dans les nombreux camps de prisonnierspolitiques du pays.Répression de la dissidencePeu de gouvernements de la région ont étouffé la voix de leur proprepeuple avec autant de brutalité que le régime nord-coréen, mais les violationsdu droit d’exprimer et de recevoir librement des opinions se sontpoursuivies dans toute la région. Plusieurs gouvernements ont délibérémentécrasé toute opinion dissidente. En Corée du Nord, les personnesqui s’écartaient de l’idéologie officielle risquaient de passer le restantde leur vie dans un camp de prisonniers politiques sinistre et isolé. LeViêt-Nam et le Myanmar ont érigé en infraction pénale la libre expressiond’opinions dissidentes et disposent de services de renseignement spécifiquementchargés d’intimider les détracteurs du gouvernement et de lesréduire au silence.D’autres pays ont également muselé les dissidents, en recourant toutefoisà des moyens moins ouvertement violents. Singapour, qui n’étaitXLII Amnesty International - Rapport 2012


toujours pas disposé à respecter les normes internationales relatives àla protection de la liberté d’expression, a placé en détention pour unecourte période Alan Shandrake, écrivain britannique de 76 ans, inculpéd’outrage à l’autorité de la justice pour avoir critiqué l’usage de la peine demort par le pouvoir judiciaire.En Inde, pays fier de son passé de liberté de parole et du dynamisme deses médias, le gouvernement a tenté d’imposer de nouvelles restrictionsaux réseaux sociaux, notamment aux services de messagerie instantanée.Les médias sur Internet ont également continué de faire l’objet de pressionsen Malaisie, où ils étaient toutefois moins entravés que la presse, laradio et la télévision, soumises à une censure stricte.En Thaïlande, le gouvernement nouvellement élu de Yingluck Shinawatra– sœur de l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra – n’a pas mis finà l’application très sévère de la loi particulièrement problématique sur lecrime de lèse-majesté, qui prohibe toute critique de la famille royale. Bonnombre des personnes qui ont été prises pour cible avaient mis en lignedes écrits jugés répréhensibles par le parquet ; Ampon Tangnoppakul, ungrand-père de 61 ans, a quant à lui été condamné à 20 ans d’emprisonnementpour avoir envoyé des SMS considérés <strong>com</strong>me insultants.Les autorités de la République de Corée (Corée du Sud) ont utilisé deplus en plus souvent la Loi relative à la sécurité nationale pour harceler lesopposants présumés à la politique menée par le gouvernement à l’égardde la Corée du Nord. Cela s’est parfois traduit par une application absurdede la loi, par exemple dans le cas de Park Jeonggeun, qui a été placé endétention et a fait l’objet de poursuites pour avoir mis en ligne des versionsparodiques de la propagande nord-coréenne.Des personnes qui critiquaient les autorités et réclamaient le respectdes droits humains et de la dignité dans la région se sont heurtées à unerépression encore plus dure et, dans certains cas, ont payé de leur viele fait d’avoir élevé la voix. Les journalistes pakistanais sont parvenus àpréserver un environnement médiatique animé et parfois critique en dépitde la réaction violente du gouvernement, ainsi que de partis politiques etde groupes insurgés, <strong>com</strong>me les talibans pakistanais. Neuf journalistes aumoins ont été tués au cours de l’année, dont Saleem Shahzad, un cyberjournalistequi avait critiqué ouvertement l’armée et les services de renseignementtout-puissants. D’autres journalistes ont déclaré à AmnestyInternational qu’ils avaient subi de graves menaces de la part des puissantset mystérieux services de renseignement, ainsi que des forces desécurité, de partis politiques ou de groupes extrémistes.Les journalistes n’ont pas été les seuls à être attaqués à cause de leursopinions au Pakistan. Deux hommes politiques de premier plan ont étéassassinés pour avoir dénoncé l’utilisation des lois très problématiquessur le blasphème : Salman Taseer, gouverneur du Pendjab connu pourson franc-parler, et Shahbaz Bhatti, ministre des Minorités (et seul chrétiendu gouvernement).RÉSUMÉSRÉGIONAUXASIE-PACIFIQUEEn Corée du Nord,les personnes quis’écartaient del’idéologie officiellerisquaient de passerle restant de leurvie dans un camp deprisonniers politiquessinistre et isolé.MinoritésÀ l’instar de nombreux autres pays de la région Asie-Pacifique, lePakistan a été marqué par une discrimination persistante et grave enversAmnesty International - Rapport 2012XLIII


En Indonésie, lapolice a été critiquéepour n’avoir pasempêché une foulede 1 500 personnesd’attaquer des ahmadisen février ; troispersonnes ont ététuées et beaucoupd’autres blessées.les minorités religieuses et ethniques. Les membres des minorités ontsouvent été marginalisés et, dans bien des cas, ils ont été victimes d’unharcèlement exercé directement par le gouvernement. Souvent, lesgouvernements n’ont pas respecté leur obligation de protéger les droitsdes membres des minorités. Cette discrimination bien ancrée a aggravé lapauvreté, ralenti le développement et attisé la violence dans de nombreuxpays.Dans la province pakistanaise du Baloutchistan, riche en ressourcesnaturelles, les forces de sécurité, ainsi que certains groupes insurgés,ont été impliqués dans des atteintes aux droits humains, notammentdes disparitions forcées, des actes de torture et des exécutions extrajudiciaires.Le gouvernement n’a pas tenu toutes ses promesses derépondre aux revendications exprimées de longue date par la <strong>com</strong>munautébaloutche à propos de la distribution des revenus issus des principauxprojets de l’industrie extractive et d’infrastructure. La province aégalement été le théâtre de plusieurs attaques violentes visant la <strong>com</strong>munautéchiite, et tout particulièrement les Hazaras chiites vivant à Quetta,capitale du Baloutchistan, dont un certain nombre sont d’origine afghane.Des groupes religieux extrémistes ont appelé ouvertement à la violencecontre les chiites et n’ont pas été empêchés de mener leurs activités nide perpétrer des violences, par exemple l’exécution de 26 pèlerins chiitesle 20 septembre. Des groupes extrémistes pakistanais ont revendiquédes attaques contre les chiites perpétrées jusqu’en Afghanistan, où deuxattentats-suicides simultanés ont tué quelque 70 chiites qui participaientaux processions religieuses de l’Achoura à Kaboul et à Mazar-e-Charif.La <strong>com</strong>munauté ahmadiyya, groupe religieux essentiellement baséen Asie et qui se définit <strong>com</strong>me musulman, a été l’objet de discriminationsystématique au Pakistan et en Indonésie. Au Pakistan, où la loiinterdit aux ahmadis de se dire musulmans, la <strong>com</strong>munauté a subi unharcèlement constant de la part de responsables gouvernementaux et,faute de protection et de soutien suffisants, a été prise pour cible pardes groupes extrémistes religieux. En Indonésie, la police a été critiquéepour n’avoir pas empêché une foule de 1 500 personnes d’attaquer desahmadis en février dans le sous-district de Cikeusik ; trois personnesont été tuées et beaucoup d’autres blessées. Le gouvernement central apermis que des règlements locaux restreignant les activités des ahmadisrestent en vigueur. Les ahmadis ont également été victimes de discriminationà cause de leurs croyances religieuses dans d’autres pays àmajorité musulmane de la région Asie-Pacifique, tels que le Bangladeshet la Malaisie. Leurs enfants ont notamment été empêchés de fréquentercertaines écoles et leur droit d’exercer librement leur culte a été soumis àde sévères restrictions.Les musulmans sunnites ont été victimes de discrimination en Chine :la population ouïghoure, essentiellement musulmane et ethniquementdistincte, a en effet continué d’être confrontée à la répression et à la discriminationdans la région autonome ouïghoure du Xinjiang. Le gouvernementchinois a invoqué la vague menace du terrorisme et de l’insurrectionpour restreindre les droits civils et politiques et empêcher les pratiquesreligieuses des Ouïghours. L’afflux de migrants chinois de l’ethnie hanXLIV Amnesty International - Rapport 2012


et la discrimination en leur faveur faisaient en outre des Ouïghours descitoyens de seconde zone dans les domaines culturel, économique etsocial.D’autres minorités ethniques ont aussi rencontré des difficultés enChine. Au moins une douzaine de religieuses, de moines et d’anciensmoines tibétains se sont immolés par le feu – six d’entre eux seraientmorts – pour protester contre les restrictions aux pratiques religieuseset culturelles, qui ont accentué le sentiment d’aliénation des Tibétainset renforcé leurs griefs. Les tensions ethniques ont été fortes égalementen Mongolie intérieure. Des manifestations de grande ampleur ont éclatédans toute la région après le meurtre présumé d’un berger mongol par unChinois han qui conduisait un camion transportant du charbon.Conflits armés et insurrectionsLa discrimination ethnique et religieuse et les griefs politiques et économiquesqui en découlent ont été à l’origine d’une grande partie desnombreux conflits armés et insurrections sans fin qui ont touché descentaines de milliers de personnes dans la région.Les conflits qui opposaient depuis des décennies le gouvernement duMyanmar et différents groupes ethniques armés ont connu une recrudescence.Les forces gouvernementales ont <strong>com</strong>battu les insurgés karen,chan et kachin, déplaçant des dizaines de milliers de civils et <strong>com</strong>mettantdes atteintes aux droits humains et des violations du droit internationalhumanitaire constitutives de crimes contre l’humanité ou de crimes deguerre.En Afghanistan, les talibans et d’autres groupes insurgés ont lancédes attaques généralisées et systématiques contre des civils et, selonles Nations unies, ont été à l’origine de 77 % des pertes civiles dansle cadre du conflit. Amnesty International a de nouveau demandé quela Cour pénale internationale (CPI) mène une enquête sur la situation,alors même que les forces internationales qui aidaient le gouvernementafghan <strong>com</strong>mençaient à transférer la responsabilité de la sécuritéaux forces gouvernementales afghanes. De nombreux groupes dela société civile afghane, tout particulièrement des groupes de femmes,ont exprimé leur inquiétude d’être exclus des négociations avec lesgroupes insurgés, en dépit de la résolution 1325 du Conseil de sécuritéde l’ONU, qui demande que les femmes participent de manière significativeaux pourparlers de paix et soient suffisamment représentées dansce type de processus.Des conflits de faible intensité se sont poursuivis sur l’île de Mindanao,aux Philippines, ainsi que dans le sud de la Thaïlande – deux régions oùles minorités musulmanes ont été historiquement privées de leurs droits etconfrontées à un faible développement économique. L’espoir était permisaux Philippines, où les parties ont semblé rechercher la paix malgré unebrève flambée de violence. En revanche, la situation était <strong>com</strong>plexe dansle sud de la Thaïlande, où les insurgés ont continué de prendre les civilspour cible dans le but d’intimider la population locale et de déplacer lesbouddhistes et d’autres habitants considérés <strong>com</strong>me fidèles au gouvernementcentral. Ce dernier n’a pas respecté ses engagements d’obligerRÉSUMÉSRÉGIONAUXASIE-PACIFIQUELes conflits quiopposaient depuisdes décenniesle gouvernementdu Myanmar etdifférents groupesethniques armésont connu unerecrudescence.Les forcesgouvernementalesont <strong>com</strong>battu lesinsurgés, déplaçantdes dizaines demilliers de civilset <strong>com</strong>mettant desviolations constitutivesde crimes de guerre.Amnesty International - Rapport 2012XLV


De nombreux pays dela région sont restéshantés par l’impunitépour les violations<strong>com</strong>mises dans lepassé, en particulierceux qui étaientaux prises avec lesséquelles d’un conflit.Le fait que justicene soit pas rendue<strong>com</strong>pliquait les effortsde réconciliation etinstaurait souvent unclimat d’injustice etd’absence d’obligationde rendre des<strong>com</strong>ptes pour lesforces de sécurité.les membres des forces de sécurité responsables de violations des droitshumains à rendre <strong>com</strong>pte de leurs actes ni d’apporter une réponse stratégiqueet pérenne aux revendications en faveur d’un meilleur développementpolitique et économique de la région.Le développement économique relativement faible, tout particulièrementen ce qui concerne les adivasis (aborigènes), ainsi que la mauvaisegouvernance, ont alimenté des insurrections dans plusieurs États ducentre et de l’est de l’Inde. Quelque 250 personnes ont trouvé la mortdans des affrontements entre des groupes armés maoïstes et les forcesde sécurité. Les insurgés ont eu recours à des prises d’otages et à desattaques menées sans discrimination, tandis que les forces gouvernementalesviolaient régulièrement les droits des populations localesqu’elles étaient censées protéger. Reconnaissant les problèmes posés parla stratégie gouvernementale, la Cour suprême a ordonné le démantèlementdes groupes paramilitaires soutenus par l’État du Chhattisgarh,qui se seraient rendus coupables de graves atteintes aux droits humains.Cette juridiction a également autorisé la remise en liberté sous caution deBinayak Sen en attendant qu’il soit statué sur son appel. Ce prisonnierd’opinion avait été condamné à la détention à perpétuité en 2010 par untribunal de district du Chhattisgarh, qui l’avait déclaré coupable de séditionet de collaboration avec des <strong>com</strong>battants maoïstes.Les forces indiennes ont de nouveau été accusées de violations desdroits humains dans l’État de Jammu-et-Cachemire. Après la publicationpar Amnesty International, en mars, d’un rapport consacré à l’utilisationabusive de la détention administrative en vertu de la Loi relative à la sécuritépublique (PSA), les autorités locales se sont engagées à modifier cetteloi. En septembre, la <strong>com</strong>mission des droits humains de l’État a découvertplus de 2 700 tombes anonymes et a identifié 574 corps <strong>com</strong>me étantceux d’habitants de la région qui avaient disparu, contredisant les allégationsdes forces de sécurité selon lesquelles ces tombes étaient cellesd’activistes. La <strong>com</strong>mission a demandé aux autorités d’utiliser des techniquesmodernes de police scientifique pour identifier les autres corps,mais cette demande est restée lettre morte.Obligation de rendre des <strong>com</strong>ptes et justiceDe nombreux pays de la région sont restés hantés par l’impunité pourles violations <strong>com</strong>mises dans le passé, en particulier ceux qui étaientaux prises avec les séquelles d’un conflit. Le fait que justice ne soit pasrendue <strong>com</strong>pliquait les efforts de réconciliation et instaurait souvent unclimat d’injustice et d’absence d’obligation de rendre des <strong>com</strong>ptes pourles forces de sécurité.Au Sri Lanka, les travaux de la Commission enseignements et réconciliation(LLRC) se sont inscrits dans la droite ligne de ceux des précédentes<strong>com</strong>missions spéciales qui, pendant des décennies, ont tenté en vain des’attaquer au problème des graves violations des droits humains. Cetteinstance a achevé son mandat en publiant un rapport qui contenait dessuggestions utiles pour améliorer la situation des droits humains dansle pays, mais elle n’a pas enquêté correctement sur le rôle des forcesgouvernementales dans les attaques qui ont visé des milliers de civilsXLVI Amnesty International - Rapport 2012


au cours des dernières phases du conflit contre les Tigres libérateurs del’Eelam tamoul (LTTE). Les conclusions de la LLRC ont été le résultat d’unprocessus <strong>com</strong>portant de graves lacunes et elles contrastent fortementavec celles du Groupe d’experts du secrétaire général des Nations uniessur la question des responsabilités relatives aux événements au Sri Lanka,lequel a estimé crédibles les allégations de crimes de guerre et de crimescontre l’humanité portées contre les deux parties au conflit. Ce groupea re<strong>com</strong>mandé d’ouvrir une enquête indépendante sur les allégationsd’atteintes aux droits humains imputables à toutes les parties au conflit etde procéder à un examen de toutes les actions des Nations unies durantle conflit au Sri Lanka.L’absence de justice a favorisé un climat d’impunité qui a entraîné denouveaux cas de disparitions forcées dans le nord et l’est du pays, ainsique des menaces et des attaques visant des journalistes, des détracteursdu gouvernement et des militants. Bien que le gouvernement ait levé l’étatd’urgence, il a maintenu la Loi relative à la prévention du terrorisme (PTA),très répressive, et y a même ajouté de nouveaux règlements permettant lemaintien en détention de suspects sans inculpation ni jugement.Au Cambodge, l’ingérence du gouvernement a <strong>com</strong>promis le processusd’établissement des responsabilités pour les crimes <strong>com</strong>mis sousle régime des Khmers rouges ; un dossier a été clôturé sans véritableenquête et un autre était au point mort. En Afghanistan, des personnesaccusées de façon crédible d’avoir eu une responsabilité dans des crimesde guerre et des crimes contre l’humanité occupaient toujours des posteshaut placés au sein du gouvernement.Tandis que des personnes accusées d’atteintes aux droits humainséchappaient à leur obligation de rendre des <strong>com</strong>ptes, de nombreux gouvernementsutilisaient la flagellation pour punir des coupables présumés, enviolation de l’interdiction internationale des peines cruelles, inhumaineset dégradantes. Des peines de fustigation étaient toujours appliquées àSingapour et en Malaisie pour diverses infractions, notamment des violationsde la législation relative à l’immigration. Dans la province indonésiennede l’Aceh, ce châtiment était de plus en plus utilisé pour toute unesérie d’infractions, notamment la consommation d’alcool, la pratique d’unjeu de hasard ou encore le fait de se trouver seul en <strong>com</strong>pagnie d’unepersonne du sexe opposé hors des liens du mariage ou de liens familiaux.Aux Maldives, le gouvernement a maintenu la peine de fustigation sous lapression de l’opposition politique.Migrants et réfugiésL’insécurité, les catastrophes naturelles, la pauvreté et le manque de perspectivesont conduit des centaines de milliers de personnes à chercherune vie meilleure ailleurs, tant dans la région qu’au-delà. De nombreuxgouvernements de la région avaient besoin de la main d’œuvre immigréepar nécessité économique, mais beaucoup ne protégeaient toujours pasles droits des personnes à la recherche d’un travail ou d’un refuge.Au moins 300 000 Népalais ont quitté leur pays pour échapper à lapauvreté et aux conséquences d’un conflit prolongé. Beaucoup ont ététrompés sur leurs conditions d’emploi et ont été réduits au travail forcé.RÉSUMÉSRÉGIONAUXASIE-PACIFIQUEL’insécurité, lescatastrophesnaturelles, lapauvreté et le manquede perspectivesont conduit descentaines de milliersde personnes àchercher une viemeilleure ailleurs.Amnesty International - Rapport 2012XLVII


L’avancéeprobablement la plusimportante en ce quiconcerne la situationdes droits humainsdans la région a été ladécision des autoritésdu Myanmar de libérerplus de 300 prisonnierspolitiques au coursde l’année.Bien que le gouvernement népalais ait adopté des lois et des mécanismesde recours en vue de protéger ses travailleurs migrants, les rechercheseffectuées par Amnesty International ont révélé que ces mesures n’étaientpas correctement appliquées car la population n’était le plus souvent pasinformée. Par ailleurs, les contrôles étaient insuffisants et les contrevenantsfaisaient rarement l’objet de poursuites.La Malaisie a été l’un des principaux pays d’accueil pour les migrantsde la région, ainsi qu’une étape pour les demandeurs d’asile en routevers l’Australie. De nombreux migrants sans papiers y ont été placésen détention ou soumis à la fustigation. Des migrants incarcérés dansle centre de détention de Lenggeng, près de Kuala Lumpur, se sontrévoltés en avril contre leurs mauvaises conditions de détention. LaHaute Cour australienne a annulé un accord bilatéral qui prévoyaitl’échange de 800 demandeurs d’asile arrivés en Australie par bateaucontre 4 000 réfugiés – originaires du Myanmar pour la plupart – qui setrouvaient en Malaisie en attente d’une réinstallation. Cette juridiction aconsidéré qu’il n’existait pas de garanties juridiques suffisantes pour lesréfugiés en Malaisie.AvancéesMalgré d’importants obstacles, de nombreux défenseurs des droitshumains et militants de la région Asie-Pacifique ont réussi à obtenir unmeilleur respect de leurs droits, chaque succès dans un pays servantd’inspiration et d’encouragement pour les autres.En Inde, les adivasis de l’Orissa ont remporté une victoire en juillet dansleur <strong>com</strong>bat pour la défense de leur mode de vie. La Haute Cour de cetÉtat a en effet estimé que le projet d’extension de la raffinerie d’aluminede Vedanta Aluminium portait atteinte au droit des villageois à l’eau, à lasanté et à un environnement sain, et que cette extension entraînerait denouvelles atteintes aux droits fondamentaux des adivasis.Le Premier ministre malaisien a annoncé, en septembre, sa volontéde faire abroger la Loi relative à la sécurité intérieure – qui permet, entreautres, de maintenir une personne en détention pour une durée illimitéesans inculpation ni jugement – et de la remplacer par d’autres dispositionslégislatives relatives à la sécurité. Cette décision était en partie liéeau mouvement Bersih 2.0, dans le cadre duquel des milliers de manifestantspacifiques avaient défilé dans les rues de Kuala Lumpur en juillet.La police avait frappé des manifestants, tiré des grenades lacrymogènesdirectement sur la foule et interpellé plus de 1 600 personnes.En mars, la Malaisie a annoncé qu’elle avait signé le Statut de Rome dela CPI et qu’elle avait l’intention de le ratifier. Les Philippines ont ratifié ceStatut en novembre.L’avancée probablement la plus importante en ce qui concerne lasituation des droits humains dans la région a été la décision des autoritésdu Myanmar de libérer plus de 300 prisonniers politiques au coursde l’année et d’autoriser Aung San Suu Kyi à se présenter aux électionslégislatives. Cependant, <strong>com</strong>me les autorités continuaient de harceleret d’incarcérer des dissidents et des militants de l’opposition, il était àcraindre que ces initiatives n’aient été essentiellement motivées par leurXLVIII Amnesty International - Rapport 2012


volonté d’obtenir un assouplissement des sanctions imposées au paysplutôt que par le désir d’engager un réel changement. Quoi qu’il en soit,<strong>com</strong>me les événements au Myanmar et ailleurs l’ont montré, c’est par cetype d’ouvertures étroites que les militants politiques et les défenseursdes droits humains parviennent à faire entendre leur voix et à modelerleur avenir.RÉSUMÉSRÉGIONAUXASIE-PACIFIQUEAmnesty International - Rapport 2012XLIX


© Amnesty InternationalDes policiers maltraitent un militantpolitique lors d’une manifestation à Bakou(Azerbaïdjan) le 12 mars 2011. Uneinterdiction de manifester a, de fait, renduillégales les actions de protestation demars et avril et permis l’emprisonnementde beaucoup d’organisateurs et departicipants.


Europe et Asie centraleRÉSUMÉSRÉGIONAUXEUROPE ETASIE CENTRALE« Je suis très heureux d’être libre. Je suis extrêmement reconnaissant àAmnesty International, qui a fait campagne en ma faveur depuis le début.Je suis convaincu que vous m’avez sauvé. Merci à tous ceux qui ont envoyédes tweets. »Eynulla Fatullayev, journaliste et prisonnier d’opinion de Baku, en AzerbaïdjanLa cavale de l’un des hommes les plus recherchés d’Europe s’est terminéepar un matin de printemps dans un petit village de Serbie. Accusé, entreautres, du meurtre de 8 000 hommes et jeunes garçons de Srebrenica, RatkoMladić allait enfin devoir affronter la justice. Deux mois plus tard, le Serbe deCroatie Goran Hadžić, dernier inculpé du Tribunal pénal international pourl’ex-Yougoslavie encore en liberté, était à son tour arrêté en Serbie et transféréà La Haye.Pour les victimes des crimes atroces perpétrés sur le territoire de l’ancienneYougoslavie dans les années 1990, il s’agit là d’événements majeurs.Ces arrestations tardives leur permettent enfin d’espérer que la vérité serafaite et que les survivants obtiendront justice et réparation. Une justice quebeaucoup d’autres en Europe et en Asie centrale attendent toujours, mais quiest sans cesse repoussée.Liberté d’expressionEn un contraste frappant avec la vague d’espoir et de changement qui adéferlé sur le monde arabe, les régimes autoritaires en place dans un certainAmnesty International - Rapport 2012LI


En Azerbaïdjan, lesmanifestations contrele gouvernement ontde fait été interditeset les velléités decontestation dequelques opposantsau gouvernement ontdéclenché une nouvellevague de répressionet d’intimidation.nombre d’États issus de l’éclatement de l’Union soviétique ont renforcé leurmainmise sur le pouvoir, écrasant toute contestation, arrêtant les dirigeantsde l’opposition et réduisant au silence les voix dissidentes. L’espoir qu’avaitfait naître l’effondrement de l’URSS il y a 20 ans devait paraître bien lointainpour de nombreux habitants de la région.Au Bélarus, les manifestations organisées à la suite des élections dedécembre 2010, qui auraient été marquées par de nombreuses irrégularités,ont été interdites ou dispersées. Des centaines de manifestants ont été arrêtéset contraints de payer une amende. La liberté de réunion a été restreinteencore davantage. Les ONG de défense des droits humains qui exprimaientdes critiques ont elles aussi été prises pour cible. En Azerbaïdjan, les manifestationscontre le gouvernement ont de fait été interdites et les velléités decontestation de quelques opposants au gouvernement ont déclenché unenouvelle vague de répression et d’intimidation. Les manifestations prévuesen mars et avril pour protester contre la corruption et appeler à davantagede libertés civiles et politiques ont été interdites sans raison valable, puisviolemment dispersées, malgré leur caractère pacifique. Comme au Bélarus,les ONG et les journalistes qui formulaient des critiques ont subi la répression.Cinq organisations de défense des droits humains ont été fermées etplusieurs journalistes ont signalé avoir fait l’objet de menaces et d’actes deharcèlement tout de suite après les manifestations.En Asie centrale, le Turkménistan et l’Ouzbékistan restreignaient toujoursde façon draconienne le droit à la liberté d’expression et d’association. Lesvéritables partis politiques d’opposition ne pouvaient toujours pas se faireenregistrer et les militants des droits sociaux avaient rarement la possibilitéd’agir ouvertement. Les journalistes critiques à l’égard du pouvoir et les défenseursdes droits humains étaient couramment surveillés et exposés au risqued’être battus, incarcérés et soumis à un procès inéquitable. Au Tadjikistan,au Kazakhstan et au Kirghizistan aussi, des personnes ayant critiqué les autoritésou dénoncé des exactions <strong>com</strong>mises par des représentants de l’État ontfait l’objet de procès inéquitables et de manœuvres de harcèlement.En Russie, le tableau était contrasté. Comme ailleurs dans la région,des défenseurs des droits humains et des journalistes ont été la cible demanœuvres d’intimidation et de harcèlement et ont été frappés pour avoirrévélé des exactions. Les manifestations contre le gouvernement ont souventété interdites, et leurs organisateurs et participants ont été brièvementdétenus ou ont dû payer des amendes. Autre caractéristique fréquente dansla région : la plupart des grands organes de presse et des chaînes téléviséesrestaient très contrôlés par les pouvoirs publics nationaux <strong>com</strong>me locaux.On a assisté malgré tout à une mobilisation toujours croissante de la sociétécivile, autour de toute une série de causes qui ont suscité un large soutienpopulaire, <strong>com</strong>me l’environnement ou la lutte contre les <strong>com</strong>portementsabusifs de représentants de l’État. Internet est resté relativement libre desingérences du pouvoir, ce qui lui a permis de gagner en importance en tantque source différente d’informations et lieu d’échange de points de vue.C’est dans ce contexte que se sont déroulées en décembre les plus grandesmanifestations organisées en Russie depuis la chute de l’URSS. Ce vastemouvement de protestation a été déclenché par les multiples accusationset cas constatés de fraude électorale <strong>com</strong>mise lors des élections législativesLII Amnesty International - Rapport 2012


qui ont permis au parti de Vladimir Poutine, Russie unie, de se maintenirau pouvoir, avec une majorité toutefois sensiblement réduite. Les premièresmanifestations spontanées qui se sont produites dans toute la Russie dans lesjours qui ont immédiatement suivi le scrutin ont été systématiquement disperséeset des centaines de personnes ont été condamnées à de courtes peinesd’incarcération ou contraintes de payer une amende. Les rassemblementsprévus les semaines suivantes à Moscou étaient cependant trop importantspour être aisément interdits. Ils se sont déroulés de manière pacifique.En Turquie, les journalistes, les militants politiques kurdes et les autrespersonnes qui s’exprimaient sur la situation des Kurdes dans le pays ouqui critiquaient les forces armées s’exposaient à des procédures judiciairesinéquitables. Un certain nombre de personnes connues pour leurs prises deposition ont cette année encore fait l’objet de menaces. Une réglementationentrée en vigueur en novembre suscitait de nouvelles craintes quant à desrestrictions arbitraires concernant les sites Internet.Populations en mouvementSur fond de bouleversements politiques en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, des milliers de réfugiés et de migrants en quête de sécurité et d’unavenir sûr se sont lancés dans une dangereuse traversée maritime versl’Europe à bord d’embarcations souvent bondées et impropres à la navigation.D’après des estimations prudentes, au moins 1 500 hommes, femmes(dont certaines enceintes) et enfants ont péri noyés au cours d’une telle tentative.Plutôt que de prendre des mesures pour sauver des vies, par exempleen augmentant le nombre d’opérations de recherche et de secours, l’Unioneuropéenne (UE) a préféré renforcer les capacités de l’Agence européennepour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures(Frontex) afin de dissuader ceux qui voudraient gagner l’Europe en traversantla Méditerranée. Selon certaines informations, les forces de l’OTAN n’ont passecouru des personnes en perdition en mer, alors même que leur interventionen Libye était présentée <strong>com</strong>me une opération visant avant tout à éviter desvictimes civiles.Ceux qui sont malgré tout parvenus sur l’autre rive de la Méditerranée yont trouvé une Europe souvent peu désireuse de les accueillir. Au lieu d’apporterune réponse humanitaire à une crise humanitaire, les pays européensont continué de se focaliser sur la police des frontières et le contrôle des fluxmigratoires.Les milliers de personnes qui sont parvenues à atteindre l’île italienne deLampedusa ont été reçues dans des conditions déplorables, les autoritésitaliennes n’ayant pas pris les mesures nécessaires pour faire face au nombrecroissant d’arrivants.Les nouveaux arrivants sur l’île étaient souvent abandonnés à eux-mêmes ;un grand nombre étaient contraints de dormir dans des conditions rudimentaireset n’avaient qu’un accès limité, ou pas d’accès du tout, à des installationssanitaires et à des salles d’eau. Le fait d’atteindre les côtes européennesn’était pas non plus une garantie de protection. Ainsi, en avril, aux termesd’un accord conclu entre l’Italie et la Tunisie, les autorités italiennes ont<strong>com</strong>mencé à renvoyer des Tunisiens sommairement et collectivement dansleur pays.RÉSUMÉSRÉGIONAUXEUROPE ETASIE CENTRALELes pouvoirs publicsont eu largementrecours au placementen détention à des finsde dissuasion et decontrôle, au lieu den’utiliser cette mesurequ’en dernier ressort etde manière légitime.Amnesty International - Rapport 2012LIII


Au lieu de luttercontre les stéréotypeset les préjugés quialimentent l’intoléranceet la haine, desgouvernements etdes représentantsde l’État les ont enfait renforcés.De nombreux États européens, dont la France et le Royaume-Uni, ont parailleurs refusé de réinstaller des réfugiés qui avaient fui la Libye en raison duconflit armé, alors même qu’ils étaient partie à ce conflit sous la bannière del’OTAN.Dans toute la région, des États ont continué de <strong>com</strong>mettre des violationsdes droits humains en interpellant, en plaçant en détention et en expulsantdes étrangers, même lorsque ces derniers avaient vocation à recevoir uneprotection internationale. Les pouvoirs publics ont eu largement recours auplacement en détention à des fins de dissuasion et de contrôle, au lieu den’utiliser cette mesure qu’en dernier ressort et de manière légitime.Souvent, les dispositifs d’asile ne remplissaient pas leur rôle auprès despersonnes en quête d’une protection. Ainsi, dans des pays <strong>com</strong>me l’Allemagne,la Finlande, la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède oula Suisse, la procédure de détermination du droit à l’asile était expéditive etne garantissait pas que des personnes ne seraient pas renvoyées dans desendroits où elles risquaient d’être victimes d’atteintes à leurs droits fondamentaux.Des personnes ont été renvoyées de Turquie et d’Ukraine sansmême avoir eu accès à la procédure d’asile dans ces pays.À la suite de l’arrêt historique rendu en janvier 2011 par la Grande Chambrede la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire M.S.S. c. Belgiqueet Grèce, les États européens ont suspendu les renvois de demandeursd’asile vers la Grèce aux termes du Règlement Dublin II, ce pays ne disposantpas d’un système d’asile efficace. Certains États continuaient néanmoinsde renvoyer des personnes vers des pays <strong>com</strong>me l’Irak ou l’Érythrée, contrel’avis du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), ou derenvoyer de force des Roms au Kosovo alors qu’ils risquaient réellement d’yêtre victimes de persécutions et de discriminations.À l’échelle régionale, plusieurs centaines de milliers de personnes étaienttoujours déplacées en raison des conflits ayant ac<strong>com</strong>pagné l’effondrementde la Yougoslavie ou de l’Union soviétique. Souvent, elles ne pouvaient pasrentrer chez elles à cause de leur statut – ou absence de statut – au regard dela loi et en raison de discriminations les empêchant de faire valoir leurs droits,notamment en matière immobilière.Soucieux avant tout de négocier une nouvelle législation <strong>com</strong>munautaireen matière d’asile, les États membres de l’UE n’ont pas remédié aux carencesde leurs systèmes respectifs d’asile ni à celles des accords de renvoi desdemandeurs d’asile vers le pays d’entrée dans l’UE.DiscriminationDes millions de gens vivant en Europe et en Asie centrale étaient toujoursvictimes de discriminations mais les gouvernements ne faisaient pas de lalutte contre celles-ci une priorité, expliquant qu’ils avaient d’autres urgencesà traiter. Ils ont notamment invoqué des impératifs économiques, alors mêmeque de nombreux indicateurs montraient que les personnes marginaliséesrisquaient de voir s’aggraver davantage encore les inégalités dont elles souffraientdéjà. Certains ont tout simplement cherché à se dérober à leurs obligations,<strong>com</strong>me le gouvernement néerlandais qui a publiquement annoncé enjuillet qu’il appartenait principalement aux citoyens eux-mêmes de s’affranchirdes discriminations qui les touchaient.LIV Amnesty International - Rapport 2012


Au lieu de lutter contre les stéréotypes et les préjugés qui alimentent l’intoléranceet la haine, des gouvernements et des représentants de l’État les onten fait renforcés. L’instance chargée en Roumanie de veiller à l’égalité deschances a mis deux fois en garde le président du pays pour des <strong>com</strong>mentaireshostiles à l’égard des Roms qu’il avait faits à la télévision.La législation anti-discrimination <strong>com</strong>portait toujours des lacunes, auniveau aussi bien des États que de l’Europe. Dans certains cas, les autoritésn’ont pas voulu saisir l’occasion qui leur était donnée de <strong>com</strong>bler ceslacunes, de peur qu’une amélioration de la protection des plus faibles nerenforce l’opposition politique. En Moldavie, un projet de loi contre la discriminationétait largement critiqué et dans l’impasse car le texte prévoyait d’interdiretoute discrimination fondée notamment sur l’orientation sexuelle. EnEspagne, un projet de loi contre la discrimination n’a pas pu être adoptéavant les élections législatives de novembre. Au niveau européen, les discussionsse sont poursuivies au sein du Conseil de l’UE sur un projet de nouvellelégislation anti-discrimination applicable à l’ensemble de l’Union. Ce projetavait été déposé en 2008 et les participants aux débats semblaient plusenclins à affaiblir ses dispositions ou à le mettre au placard qu’à l’adopter.Qui plus est, les textes existants, tels que la directive de l’UE sur l’origineethnique ou la Charte des droits fondamentaux, n’étaient pas appliqués parla Commission européenne, malgré le non-respect persistant de leurs dispositionspar les États membres.Les normes nationales ou régionales de lutte contre les discriminationsétaient parfois publiquement critiquées et leur légitimité contestée. La Coureuropéenne des droits de l’homme a joué un rôle essentiel concernant l’applicationde l’interdiction des discriminations inscrite dans la Convention européennedes droits de l’homme, et le renforcement de l’interdiction de toutediscrimination fondée sur des critères particuliers <strong>com</strong>me le genre ou l’orientationsexuelle. Or un certain nombre d’arrêts rendus par la Cour, par exempleceux qui ont jugé discriminatoire la ségrégation des enfants roms dans lesystème scolaire, n’ont pas été suivis d’effet dans plusieurs pays <strong>com</strong>me laRépublique tchèque ou la Croatie.Il n’y a en outre pas eu de ratification unanime des principaux instrumentsrégionaux de protection des droits humains, alors que cela aurait permis derenforcer cette protection. Ainsi, pas un seul nouveau pays n’a signé ou ratifiéle Protocole n° 12 à la Convention européenne, qui interdit la discrimination.En revanche, le Conseil de l’Europe a adopté en mai une nouvelle conventionsur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et laviolence domestique, qui a ensuite été signée par 18 pays.Certains gouvernements ne se sont pas seulement abstenus de renforcerles mécanismes nationaux ou européens de lutte contre la discrimination, ilsse sont également attachés à maintenir les dispositifs discriminatoires existantsvoire à en créer de nouveaux. La législation et la réglementation denombreux pays appuyaient toujours des politiques et des pratiques discriminatoiresà l’égard des Roms en matière de droit au logement ; dans plusieurspays de la région, <strong>com</strong>me la France, l’Italie ou la Serbie, les expulsions forcéesde Roms se sont par ailleurs poursuivies. Des projets de loi établissant unediscrimination fondée sur le genre ou l’orientation sexuelle ont été déposésen Russie et en Lituanie.RÉSUMÉSRÉGIONAUXEUROPE ETASIE CENTRALEDe nombreux pays dela région ont continuéde débattre deprojets d’interdictiongénérale du portdu voile intégral.Amnesty International - Rapport 2012LV


L’absence d’une protection juridique exhaustive et d’une volonté politique,chez ceux qui étaient au pouvoir, de protéger énergiquement les droitsde tous ont cette année encore eu des conséquences néfastes sur la viequotidienne de nombreuses personnes. Toute la région restait marquée parune certaine hostilité et des attitudes discriminatoires à l’égard de minoritésethniques ou religieuses et de certaines personnes pour des questions degenre ou d’orientation sexuelle. Ces tendances étaient souvent attisées pardes partis politiques de la droite radicale et populiste. Les lesbiennes, lesgays, les personnes transgenres ou bisexuelles, les Roms, les migrants ouencore les musulmans, entre autres, étaient la cible d’agressions motivéespar la haine. Les mesures de lutte contre les crimes de haine restaient insuffisantes,en raison de lacunes dans les législations, de systèmes de signalementmédiocres, d’enquêtes inadéquates ou de failles dans le système pénal,ou encore du fait de la méfiance à l’égard de la police. Les préjugés et lesstéréotypes profondément ancrés dans la société étaient également à l’origined’agissements racistes de la part de responsables de l’application des lois.De nombreux pays de la région ont continué de débattre de projets d’interdictiongénérale du port du voile intégral. La Belgique et la France ontadopté une loi en ce sens. Les débats sur cette question, qui étaient souventfondés davantage sur des présupposés que sur des données fiables, avaientpour effet de stigmatiser plus encore les musulmans. Des responsables despouvoirs publics véhiculaient, plutôt que de la <strong>com</strong>battre, une vision stéréotypéede l’islam, par exemple avec la question du foulard. Le port de certainssignes ou éléments d’habillement religieux et culturels continuait d’entraînerune discrimination à l’égard des musulmans, en particulier des femmes, enmatière d’emploi et d’éducation.Invoquant des raisonstechniques et le secretd’État, la Lituanie abrusquement closen janvier l’enquêteouverte sur deuxcentres de détentionsecrète installéssur le territoirelituanien par la CIA.Lutte contre le terrorisme et sécuritéDes gouvernements européens faisaient toujours la sourde oreille face à desinitiatives concertées visant à leur demander des <strong>com</strong>ptes concernant leurparticipation présumée aux programmes de « restitution » et de détentionsecrète menés par l’Agence centrale du renseignement des États-Unis (CIA).Plusieurs ont rendu publiques de nouvelles informations sur le rôle qu’ilsavaient joué dans ces opérations, ou ont de nouveau été accusés de <strong>com</strong>plicitéaprès que des ONG ou des médias eurent mis au jour de nouveauxéléments <strong>com</strong>promettants. D’autres ont mis fin aux enquêtes ouvertes, oumené sans conviction des investigations de pure forme, ou proposé desenquêtes non conformes aux normes minima relatives aux droits humains, ouencore purement et simplement nié toute implication malgré les preuves deplus en plus nombreuses du contraire. Le Parlement européen a approuvé enmars un document de suivi concernant son rapport de 2007 sur les <strong>com</strong>plicitéseuropéennes dans ces opérations menées par la CIA, afin d’assurer lerespect de résolutions antérieures concernant l’obligation d’enquêter sur lesallégations d’atteintes aux droits fondamentaux.Invoquant des raisons techniques et le secret d’État, la Lituanie a brusquementclos en janvier l’enquête ouverte sur deux centres de détention secrèteinstallés sur le territoire lituanien par la CIA. Le gouvernement a refusé enoctobre de rouvrir cette enquête, malgré l’émergence de nouveaux élémentscrédibles, soumis en septembre aux autorités par plusieurs ONG et donnantLVI Amnesty International - Rapport 2012


à penser qu’un vol de « restitution » avait eu lieu entre le Maroc et la Lituanie.Le protocole de l’enquête relative aux personnes détenues à l’étranger dansle cadre des opérations antiterroristes (« Detainee Inquiry ») rendu publicen juin par le gouvernement britannique a été très critiqué par des spécialistesinternationalement reconnus des droits humains, des ONG, d’anciensdétenus et des représentants de ces derniers, qui étaient préoccupés par lecontrôle exercé par le gouvernement sur la divulgation des informations, parles auditions secrètes et par l’absence de dispositions garantissant une véritableparticipation des victimes à la procédure. De nombreuses personnes etorganisations ont déclaré qu’elles ne coopéreraient pas avec les enquêteurstant que des changements n’auraient pas été introduits. Ce protocole n’avaittoutefois pas été modifié à la fin de l’année.Les autorités polonaises ont prolongé en août leurs investigations sur laprésence d’un centre secret de la CIA sur le territoire national, mais ellesont dans le même temps continué de refuser l’accès au dossier aux avocatsdes deux victimes nommément désignées et n’ont rien révélé concernant lesprogrès de l’enquête. Les révélations publiées en décembre par des médiasconcernant l’existence d’un centre secret de la CIA à Bucarest ont suscitéun ferme démenti de la part des autorités roumaines. Celles-ci ont continuéde rejeter toute accusation d’implication, quelle qu’elle soit, dans les opérationsde la CIA, malgré l’existence de preuves accablantes montrant que laRoumanie y avait largement et délibérément participé.Les autorités finlandaises ont pour leur part divulgué en octobre et novembredes informations indiquant qu’un aéronef participant au programme de « restitution» avait atterri en Finlande, et ont pris acte des demandes d’ouvertured’une enquête indépendante sur une éventuelle <strong>com</strong>plicité. Elles n’avaientcependant pas pris de décision en ce sens à la fin de l’année. Annoncée ennovembre, l’enquête sur la <strong>com</strong>plicité présumée du Danemark était limitée auGroenland et devait se résumer à un « examen documentaire » des informationsdéjà recueillies dans le cadre d’une enquête parlementaire.Face aux résistances rencontrées au niveau des États, certaines victimesdu programme de « restitution » ont saisi la Cour européenne des droits del’homme, dans l’espoir que celle-ci fasse la lumière, en partie au moins,sur les responsabilités dans cette affaire. Des requêtes contre la Lituanie, laMacédoine et la Pologne ont ainsi été déposées devant la Cour.Dans l’ensemble de la région, les politiques et les pratiques antiterroristescontinuaient d’affaiblir les protections en matière de droits humains. Des« assurances diplomatiques » peu fiables ont de plus en plus été utiliséespour expulser des personnes considérées <strong>com</strong>me dangereuses pour la sécuriténationale, notamment en Allemagne, en Belgique, en Italie ou encore auRoyaume-Uni. L’ONU a reproché en novembre à l’Allemagne sa collaborationavec des organismes de renseignement qui recouraient régulièrementà certaines formes de coercition pendant les interrogatoires. Plusieurs pays,au premier rang desquels le Royaume-Uni, utilisaient des « ordonnances decontrôle » ou des mesures similaires relevant de la privation de liberté, pouréviter de juger en bonne et due forme certaines personnes et de leur accorderles garanties normalement prévues par la loi.En Turquie, de très nombreuses poursuites ont été intentées au titre de loisantiterroristes abusives, donnant lieu à des procès qui très souvent bafouaientRÉSUMÉSRÉGIONAUXEUROPE ETASIE CENTRALEDes « assurancesdiplomatiques » peufiables ont de plus enplus été utilisées pourexpulser des personnesconsidérées <strong>com</strong>medangereuses pour lasécurité nationale.Amnesty International - Rapport 2012LVII


les normes internationales. Les personnes visées par ces poursuites étaientdans bien des cas des militants politiques, dont des étudiants, des journalistes,des écrivains, des juristes et des universitaires. Ils étaient courammentinterrogés au sujet d’activités pourtant protégées par le droit à la libertéd’expression.La situation sécuritaire dans le Caucase du Nord restait instable etcontrastée. Des groupes armés ont continué de s’en prendre aux représentantsde l’État, notamment aux forces de sécurité, tuant parfois des civils lorsdes affrontements, lorsqu’ils ne les prenaient pas délibérément pour cible.Les opérations de sécurisation menées dans la région s’ac<strong>com</strong>pagnaientfréquemment de graves atteintes aux droits humains. Selon certaines informations,des témoins auraient été intimidés, et des journalistes, des militantsdes droits humains et des juristes auraient été harcelés et tués.Le groupe séparatiste armé basque Euskadi Ta Askatasuna (ETA) aannoncé qu’il abandonnait la lutte armée. En Turquie, en revanche, des civilsont été tués à la fois dans des bombardements de l’armée et dans des attentatsà l’explosif de groupes armés.De nombreux cas detorture ont encore étésignalés en Ukraine eten Russie, malgré lesréformes superficiellesdes services depolice entreprisespar cette dernière.Impunité dans les situations d’après-conflitMalgré l’arrestation des deux derniers suspects inculpés par le Tribunal pénalinternational pour l’ex-Yougoslavie, la lutte contre l’impunité pour les crimes<strong>com</strong>mis pendant les conflits des années 1990 ne progressait que lentement.Elle souffrait d’un manque de moyens et de volonté politique, et certainesinitiatives ont même constitué un retour en arrière. En Croatie, par exemple, sile président de la République et le pouvoir judiciaire ont pris des mesures pourfaire la lumière sur ce qui s’était passé pendant le conflit, le gouvernement n’aguère fait avancer les choses. Plusieurs personnalités politiques de premierrang s’en sont ainsi prises à la justice internationale, tandis que le Parlementadoptait une loi contraire aux obligations de la Croatie de coopérer avec laSerbie en matière pénale. De plus, la collaboration régionale a été affectéepar le fait que les obstacles juridiques à l’extradition des personnes soupçonnéesde crimes de guerre n’ont pas été levés entre la Bosnie-Herzégovine, laCroatie, la Serbie et le Monténégro.Dix ans après le conflit armé en Macédoine, les affaires de crimes de guerrerenvoyées par le Tribunal aux juridictions nationales ont été closes, à la faveurd’une nouvelle interprétation par le Parlement de la Loi d’amnistie accordantde fait aux suspects l’immunité judiciaire devant la justice macédonienne.Au Kirghizistan, bien qu’ayant donné leur aval à deux <strong>com</strong>missions d’enquêteindépendantes, les autorités n’ont pas enquêté équitablement et efficacementsur les violences de 2010 et sur leurs suites.Torture et autres mauvais traitementsLes victimes d’actes de torture et d’autres mauvais traitements étaient ellesaussi trop souvent les laissées pour <strong>com</strong>pte de systèmes judiciaires quin’amenaient pas les responsables de ces sévices à répondre de leurs actes.De multiples facteurs faisaient obstacle à la mise en œuvre de l’obligationde rendre des <strong>com</strong>ptes : impossibilité de contacter rapidement un avocat,manque de détermination du ministère public à engager des procédures,peur des représailles, légèreté des sanctions infligées aux agents de la forceLVIII Amnesty International - Rapport 2012


publique en cas de condamnation, et absence de systèmes véritablementindépendants pour contrôler le traitement des plaintes et les enquêtes sur lesfautes graves de la police.Des poches d’impunité particulièrement tenaces persistaient. EnOuzbékistan, malgré l’adoption d’une loi destinée à améliorer la manière dontétaient traités les détenus et en dépit des affirmations des autorités selonlesquelles la pratique de la torture était en nette régression, des dizaines decas de torture et d’autres mauvais traitements infligés à des personnes privéesde liberté ont encore été signalés cette année. En Turquie, le jugement de2010 par lequel, pour la première fois dans l’histoire du pays, des agents del’État avaient été condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement pouractes de torture ayant entraîné la mort, a été annulé en appel. De nombreuxcas de torture ont encore été signalés en Ukraine et en Russie, malgré lesréformes superficielles des services de police entreprises par cette dernière.Ailleurs – en Grèce et en Espagne, par exemple –, la police a été accuséede recours excessif à la force et de mauvais traitements lors de la dispersionde manifestations contre les mesures d’austérité.RÉSUMÉSRÉGIONAUXEUROPE ETASIE CENTRALEPeine de mortLe Bélarus restait le dernier pays de la région à appliquer la peine de mort.Deux hommes ont ainsi été exécutés cette année, au terme d’une procédurejudiciaire qui présentait de graves défaillances et fonctionnait toujours demanière opaque. Ces exécutions ont eu lieu alors que le Comité des droits del’homme [ONU] avait officiellement demandé au gouvernement d’y surseoir enattendant qu’il ait examiné les requêtes introduites par les deux condamnés.ConclusionLes arrestations de Ratko Mladić et de Goran Hadžić ont constitué un signalfort à l’adresse non seulement des personnes concernées, mais égalementdes populations de l’ensemble de la région. Elles représentaient un messaged’espoir, après de longues années d’attente, et aussi un message d’avertissementà tous ceux qui pensaient être hors de portée de la justice grâce à desamis influents, des voisins puissants ou de troubles jeux d’intérêts. Ces arrestationstémoignent également de ce que peuvent ac<strong>com</strong>plir les individus, lasociété civile, les gouvernements et la <strong>com</strong>munauté internationale lorsquetous sont déterminés à faire respecter les droits universels de la personnehumaine.Malheureusement, trop d’hommes et de femmes sont encore victimes, enEurope et en Asie centrale, du décalage qui existe entre le discours sur lesdroits humains et la réalité de leur mise en œuvre. Trop souvent, le soutienindéfectible à ces droits était considéré <strong>com</strong>me faisant obstacle aux politiquesnationales en matière de sécurité et d’énergie. L’indépendance etl’autorité de la Cour européenne des droits de l’homme ont été contestées.L’UE s’est révélée trop souvent impuissante face aux violations <strong>com</strong>mises parses propres membres. Les États quant à eux ne s’acquittaient toujours pasde l’obligation élémentaire qui était la leur de faire respecter l’ensemble desdroits humains pour tous.Les arrestations deRatko Mladić et deGoran Hadžić ontconstitué un signalfort à l’adressenon seulement despersonnes concernées,mais égalementdes populations del’ensemble de la région.Amnesty International - Rapport 2012LIX


© REUTERS/Khaled Abdullah Ali Al MahdiLa Yéménite Tawakkol Karman, militantedes droits humains et lauréate du prixNobel de la paix, scande des sloganssous le regard d’un policier durant desmanifestations antigouvernementales àSanaa (Yémen), le 15 février 2011.


MOYEN-ORIENTET AFRIQUE DU NORDRÉSUMÉSRÉGIONAUXMOYEN-ORIENT ETAFRIQUE DU NORD« Nous n’avons pas peur d’être tués, blessés, arrêtés ou torturés. La peurn’existe plus. Les gens veulent vivre dignement. Alors nous continuerons. »Ahmed Harara, qui était dentiste, a été blessé à un œil par des plombs de fusil le28 janvier, au cours de manifestations en Égypte, puis à l’autre œil le 19 novembre ; il estmaintenant aveugle.L’année 2011 a été particulièrement riche en événements pour les peupleset les États du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. Elle a été synonyme desoulèvements populaires et de tumulte sans précédent. Les revendications,les exigences et les protestations, jusque-là contenues, d’une générationmontante ont balayé des dirigeants qui étaient en place depuis longtempset qui, presque jusqu’à leur chute, semblaient pratiquement inattaquables.À la fin de l’année, d’autres s’accrochaient toujours au pouvoirpar les moyens les plus impitoyables, leur avenir étant en jeu. La régiontoute entière était alors encore sous le choc des secousses persistanteset des répercussions du séisme politique et social qui l’avait frappée aucours des premiers mois de 2011. Malgré les nombreuses incertitudesqui demeuraient, les événements qui se sont déroulés au cours de l’annéesemblaient devoir être tout aussi importants pour les habitants de la régionque la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’empire soviétiquepour les peuples d’Europe et d’Asie centrale.Amnesty International - Rapport 2012LXI


En 2011, lesmanifestants ontmassivement demandéà pouvoir bénéficierd’une plus grandeliberté de parole etd’action sans avoir àcraindre une répressionétatique suffocante.Dans toute la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, l’année2011 a été marquée par des exigences massives de changement – enfaveur d’une plus grande liberté de parole et d’action sans la peur suffocantede la répression étatique ; en faveur d’un gouvernement transparent,obligé de rendre des <strong>com</strong>ptes, et de la fin de la corruption généraliséeaux plus hauts niveaux de l’État ; en faveur de la création d’emplois,d’une meilleure égalité des chances dans le domaine du travail, et demoyens permettant d’améliorer son niveau de vie ; en faveur de la justiceet des droits humains, y <strong>com</strong>pris le droit de vivre sa propre vie et d’éleversa famille dans la dignité et la sécurité. C’est pour soutenir ces revendicationsque des centaines de milliers de personnes, avec les femmesbien visibles à l’avant-garde, sont descendues dans les rues de Tunis,du Caire, de Benghazi, de Sanaa et de nombreuses autres villes de larégion pour réclamer le changement. Elles ont continué à le faire malgréle carnage provoqué par les forces de sécurité. Elles ont agi avec détermination,résolution et courage et se sont ainsi libérées de la peur que leursgouvernements s’étaient efforcés depuis si longtemps d’insuffler à leurspeuples pour qu’ils se tiennent tranquilles et restent à leur place. Pendantun certain temps au moins, la notion de pouvoir populaire s’est emparéede la région et l’a <strong>com</strong>plètement ébranlée.Dans un premier temps, les protestations ont exprimé la frustrationpopulaire face à l’incapacité des dirigeants nationaux de répondre auxbesoins et aux aspirations de leurs peuples. Ces chefs d’État ont réagi dela manière la plus prévisible qui soit en envoyant la police antiémeuteset les forces de sécurité pour réprimer les manifestations par la force.Mais ils n’ont réussi qu’à jeter de l’huile sur le feu et à renforcer l’indignationet la méfiance populaires. L’état d’esprit de la population s’est durcialors que des manifestants étaient abattus de sang-froid, arrêtés dansdes rafles, torturés et maltraités. Sans se laisser intimider par le bain desang, un nombre croissant de personnes sont descendues dans la ruepour réclamer le remplacement ou le départ des dirigeants nationaux,désormais à la fois discrédités et méprisés tandis qu’ils tentaient de consoliderles dynasties familiales pour conserver la mainmise sur le pouvoir.La chute rapide du président tunisien, Zine el Abidine Ben Ali, puis celledu président égyptien, Hosni Moubarak, ont résonné dans toute la région,envoyant un message d’espoir à ceux qui prônaient le changement etdes réformes dans d’autres pays. On a cru pendant un certain temps àune nouvelle forme de réaction en chaîne qui allait chasser du pouvoird’autres dirigeants répressifs et autoritaires. Dans les mois qui ont suivi,les 42 années de pouvoir exercé de manière implacable par le colonelMouammar Kadhafi en Libye se sont terminées de manière abrupte etsanglante ; au Yémen et en Syrie, des régimes en place depuis longtempsmenaient littéralement un <strong>com</strong>bat d’arrière-garde pour leur survie face auxfoules qui continuaient de réclamer leur départ. À Bahreïn, le gouvernement,qui avait fait une utilisation excessive de la force pour réprimer lesmanifestations, s’est finalement engagé, à la fin de l’année, à introduiredes réformes sur les plans politique et des droits humains. Ailleurs, dansdes pays <strong>com</strong>me l’Algérie, la Jordanie ou le Maroc, les dirigeants promettaientdans l’urgence au peuple de mettre en place des réformes et de luiLXII Amnesty International - Rapport 2012


accorder un plus grand poids dans le gouvernement du pays. En Arabiesaoudite et dans les autres pays riches en pétrole et en gaz naturel duGolfe arabo-persique, les dirigeants ont utilisé leurs réserves financièrespour tenter de répondre aux revendications sociales et pour s’assurer queleurs peuples se tiendraient tranquilles.Les soulèvementsLe début de l’année a été marqué par une grande effervescence enTunisie. Pendant quelque temps, le président Ben Ali a tenté de réprimerles manifestations de la même façon qu’il avait écrasé un mouvementde protestation dans la région de Gafsa en 2008 : en ayant recours à laforce brutale. En quelques semaines, environ 300 Tunisiens ont connuune mort violente, mais cette fois la détermination des protestataires n’apas faibli. Zine el Abidine Ben Ali a perdu son sang-froid le 14 janvier.Il est monté dans un avion avec d’autres membres de son clan et s’estenfui pour chercher refuge en Arabie saoudite. Il y avait de l’électricitédans l’air à ce moment-là, alors que les gouvernements et les peuples detoute la région prenaient pleinement conscience du fait que ce qui avaitjusqu’alors semblé presque impensable – le départ forcé d’un autocratequi avait dirigé le pays pendant plus de 20 ans – venait de se réaliser. Pourles autres gouvernements répressifs de la région, la chute brutale de Zineel Abidine Ben Ali a sonné l’alarme. Mais pour la multitude de gens quisuivaient le déroulement des événements sur Al Jazira et d’autres chaînesde télévision par satellite, le soulèvement tunisien a fait naître un nouvelespoir et le sentiment qu’ils pouvaient eux aussi parvenir à réaliser ce quele peuple tunisien avait ac<strong>com</strong>pli.Dans les 15 jours qui ont suivi, ce qui s’était passé en Tunisie s’estreproduit à plus grande échelle en Égypte. La place Tahrir, au Caire, estdevenue l’épicentre de la contestation et le principal champ de batailleoù les Égyptiens ont exprimé leurs exigences de changement. En seservant d’Internet, des réseaux sociaux et des téléphones mobiles pourorganiser et coordonner leurs activités, les manifestants ont réussi en 18jours la « révolution du 25 Janvier » et provoqué la chute du présidentHosni Moubarak, qui était resté au pouvoir pendant 30 ans sans interruption.Ils y sont parvenus malgré les casseurs recrutés par les autoritéset la répression très dure exercée par les forces de sécurité. Aumoins 840 personnes ont été tuées et plus de 6 000 autres blessées ;des milliers d’autres encore ont été arrêtées, battues ou torturées. HosniMoubarak a annoncé sa démission le 11 février et a été remplacé par leConseil suprême des forces armées (CSFA). Il s’est retiré dans sa villa àCharm el Cheikh, une station balnéaire au bord de la mer Rouge, et il setrouvait là-bas lorsqu’il a été cité à <strong>com</strong>paraître, en août, par un tribunaldu Caire : il était accusé de corruption et d’avoir ordonné l’homicide demanifestants.La chute d’Hosni Moubarak, qui s’est produite sous les projecteurs desmédias du monde entier, a encouragé les appels à des manifestations demasse dans de nombreuses villes de la région. À Bahreïn, à partir de février,des manifestants appartenant pour la plupart à la majorité chiite ont organisédes manifestations pacifiques et installé un camp de protestataires surRÉSUMÉSRÉGIONAUXMOYEN-ORIENT ETAFRIQUE DU NORDAmnesty International - Rapport 2012LXIII


En Égypte, lesmanifestants ontprovoqué la chutedu président HosniMoubarak malgréla répression trèsdure exercée par lesforces de sécurité. Aumoins 840 personnesont été tuées.le rond-point de la Perle à Manama, la capitale, pour réclamer une participationaccrue à la gestion du pays et la fin de la marginalisation dont ilsdisaient faire l’objet de la part de la famille al Khalifa au pouvoir. Les manifestantsont été dispersés avec une force excessive quelques jours plus tard,puis avec une brutalité encore plus grande quand ils ont repris leur mouvementen mars. En Iran, les figures de proue du mouvement de protestationécrasé par le gouvernement en 2009, qui avaient appelé à de nouvellesmanifestations, ont été placées en résidence surveillée.En Algérie, le gouvernement a largement déployé les forces de sécuritépour dissuader la population de manifester mais il s’est aussi efforcéde désamorcer la tension en levant l’état d’urgence, en vigueur depuis19 ans. En Oman, le sultan Qabous bin Saïd a promis de créer des milliersd’emplois et il a augmenté les allocations versées aux chômeurs. Il aaussi ordonné la libération de manifestants qui avaient été incarcérés.En Arabie saoudite, le gouvernement aurait distribué à la population unesomme équivalant à plus de 100 milliards de dollars des États-Unis tout enrappelant que toute manifestation était interdite. Les forces de sécurité ontété mobilisées pour intervenir contre tous ceux qui participeraient à une« Journée de colère » prévue à Riyadh.Au Yémen, les manifestations qui ont débuté en janvier ont été déclenchéespar une proposition de réformes constitutionnelles qui devaientpermettre au président Ali Abdullah Saleh de garder indéfiniment lepouvoir, puis de le transmettre à son fils. Les protestations ont continué toutau long de l’année, encouragées par les événements qui se déroulaient enÉgypte et ailleurs. Les forces du président yéménite tiraient sans discernementsur des foules de manifestants et lui-même manœuvrait pour tenterde conserver le monopole qu’il exerçait depuis longtemps sur le pouvoir. Àla fin de l’année, la position du président s’était considérablement affaiblie.Il s’accrochait cependant au pouvoir, alors que le Conseil de coopérationdu Golfe (CCG) lui avait offert l’immunité des poursuites, malgré le sombrebilan des homicides illégaux et des autres violations flagrantes des droitshumains <strong>com</strong>mises par les forces de sécurité. Cette volonté d’accorderl’impunité au président Ali Abdullah Saleh et aux autres responsables deces agissements constituait un affront à la justice et une trahison scandaleusevis-à-vis des victimes des crimes perpétrés sous son régime.Les événements d’Égypte et de Tunisie ont redonné espoir à la populationlibyenne – la Libye est située entre ces deux pays – qui était sousla domination du colonel Mouammar Kadhafi depuis 42 ans, privée deliberté d’expression, de partis politiques indépendants, de syndicats et detoute organisation de la société civile. Le colonel Kadhafi était parvenu àse maintenir au pouvoir aussi longtemps en dressant différentes partiesde la population les unes contre les autres, en favorisant ceux qu’il considérait<strong>com</strong>me ses fidèles et en pratiquant une répression impitoyableenvers ceux qui exprimaient des idées dissidentes. Considéré à uneépoque <strong>com</strong>me un paria par la <strong>com</strong>munauté internationale en raison deson soutien présumé au terrorisme, il avait ces dernières années bénéficiéd’un rapprochement fructueux avec les démocraties occidentales,l’extraction pétrolière s’étant développée en Libye et le pays ayant acquisune nouvelle importance en tant que point de passage pour les réfugiésLXIV Amnesty International - Rapport 2012


et migrants africains qui tentaient d’entrer en Europe. Mouammar Kadhafiparaissait confiant et semblait fermement tenir le pays au moment de lachute de Zine el Abidine Ben Ali puis d’Hosni Moubarak mais, en février, laLybie a elle aussi vu des manifestations antigouvernementales dégénéreren révolte populaire. Ce mouvement, qui s’est rapidement transformé enun conflit armé international auquel l’OTAN a participé, a débouché le 20octobre sur la capture et la mort violente du colonel Kadhafi alors que cedernier tentait de fuir son fief assiégé de Syrte. Un Conseil national de transition(CNT) a pris le pouvoir, mais il n’était pas encore parvenu à établirson autorité à la fin de l’année ; d’énormes quantités d’armes étaient encirculation dans le pays, et les milices armées qui menaient des actions dereprésailles contre des partisans présumés de l’ancien président représentaientune menace persistante pour la sécurité publique.En Syrie, où la famille Assad était au pouvoir depuis 1970, les prémicesde protestation en février étaient discrètes et hésitantes. Toutefois, desmanifestations de masse ont éclaté et se sont rapidement étendues de villeen ville lorsque les forces de sécurité ont arrêté et, semble-t-il, maltraitédes enfants qui avaient écrit à la craie des slogans antigouvernementauxdans la ville de Deraa, dans le sud du pays. Pris au dépourvu, le gouvernementa interdit l’accès au pays aux médias internationaux et aux observateursindépendants. Il a lancé une répression particulièrement violentecontre les manifestants non armés en plaçant des tireurs embusqués surles toits, en donnant l’ordre de tirer sur la foule et en déployant des charsdans des villes et des villages, sans cesser de prétendre que les homicidesétaient imputables à de mystérieux groupes armés antigouvernementaux.Selon les Nations unies, à la fin de l’année, quelque 5 000 personnes, descivils pour la plupart, avaient été tuées et des milliers d’autres avaient étéblessées ou arrêtées. Dans certaines régions, un début de guerre civilesemblait opposer les forces du régime et des soldats qui avaient désertépour rejoindre les protestataires.Le gouvernement syrien a tenté de dissimuler l’ampleur des manifestationset la violence de sa réaction, mais ses efforts ont largement échouéen raison du courage et de la détermination des militants locaux et destémoins qui ont filmé le carnage sur des téléphones mobiles et ont mis enligne des centaines de séquences vidéo sur Internet. Certaines montraientles corps de personnes qui étaient mortes sous la torture en détentionet, dans certains cas, qui avaient été mutilées ; des enfants figuraient aunombre des victimes.RÉSUMÉSRÉGIONAUXMOYEN-ORIENT ETAFRIQUE DU NORDLa réaction de la <strong>com</strong>munauté internationaleLes États-Unis et d’autres gouvernements occidentaux qui étaient depuislongtemps les principaux alliés des dirigeants autocrates tunisien et égyptienn’ont pas mesuré, dans un premier temps, l’importance des manifestationset ils ont mis du temps à réagir. Ils se sont cependant ensuitehâtés de revoir leur politique et ont fini par reconnaître la nature violentedes régimes menacés. Quand la Libye a sombré dans le conflit armé, ilssont intervenus avec fermeté contre Mouammar Kadhafi, avec le soutiendes principaux États du Golfe arabo-persique, dans le cadre d’un mandatdu Conseil de sécurité des Nations unies. Ce mandat visant à assurer laAmnesty International - Rapport 2012LXV


À la fin de l’année,d’énormes quantitésd’armes étaient encirculation dans lepays, et les milicesarmées qui menaientdes actions dereprésailles contre despartisans présumésdu colonel Kadhafireprésentaient unemenace persistantepour la sécuritépublique.protection des civils a ouvert la voie à des frappes aériennes de l’OTAN quiont fait basculer la situation en défaveur du colonel Kadhafi.À Bahreïn, où était basée la 5 e flotte américaine, et surtout en Syrie et auYémen, les manifestants avaient également un besoin urgent de protectioncontre la politique meurtrière de leurs dirigeants. La <strong>com</strong>munautéinternationale était toutefois nettement moins disposée à leur apporter sonsoutien. Alors que le Conseil de sécurité avait saisi la Cour pénale internationaledu cas de Mouammar Kadhafi, il n’a pris aucune mesure similairecontre le président syrien Bachar el Assad, malgré des preuves irréfutablesdes crimes contre l’humanité <strong>com</strong>mis par ses forces de sécurité.La Russie, la Chine et les gouvernements des puissances émergentesque sont le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud ont tous usé de leur influenceau Conseil de sécurité pour empêcher toute action efficace contre la Syrie,alors même que la <strong>com</strong>missaire aux droits de l’homme de l’ONU dénonçaitles crimes perpétrés par le régime de Bachar el Assad. L’Arabie saouditea également dénoncé les crimes du gouvernement syrien, tout enrefusant à son propre peuple le droit de manifester et après avoir envoyédes troupes à Bahreïn quelques heures seulement avant que les autoritésde ce pays ne lancent une répression sanglante, en mars. Globalement,la situation était sinistrement familière, les gouvernements de toutestendances politiques continuant d’agir de manière sélective et, quel quesoit leur discours, de subordonner les droits humains à leurs propres intérêtspolitiques.Le conflit et l’intolérance de la dissidenceLes soulèvements qui ont fait les gros titres des médias tout au long del’année 2011 ont occulté d’autres problèmes graves qui pouvaient avoirdes conséquences désastreuses pour les droits humains au Moyen-Orient,en Afrique du Nord et au-delà.Israël a maintenu le blocus de la bande de Gaza, prolongeant la crisehumanitaire à laquelle ce territoire était confronté. Il a aussi poursuivi demanière agressive l’expansion des colonies en Cisjordanie sur des terrespalestiniennes occupées depuis 1967. Malgré un accord de réconciliationsigné en mai, les deux principales organisations politiques palestiniennes,le Fatah et le Hamas, restaient divisées et chacune a pris pour cible lespartisans de l’autre, tandis que les forces israéliennes et les groupes arméspalestiniens menaient tour à tour des attaques de représailles à Gaza.Cette triste situation qui n’était que trop familière a cette année encorepesé très lourd sur la vie de nombreuses personnes.Le gouvernement iranien, de plus en plus isolé sur la scène internationale,ne tolérait aucune dissidence dans le pays ; les défenseurs des droitshumains, en particulier ceux qui militaient en faveur des droits des femmeset de ceux des minorités, étaient au nombre des victimes de persécutions.La peine de mort a été largement appliquée, officiellement pour punirdes criminels mais aussi pour intimider la population. Au niveau mondial,seule la Chine a procédé à un plus grand nombre d’exécutions que l’Iran.Ailleurs dans la région, on ignorait les conséquences qu’aurait en termesde sécurité le retrait de toutes les forces américaines d’Irak après huit ansde conflit. La question de l’autodétermination de la population du SaharaLXVI Amnesty International - Rapport 2012


occidental restait une plaie béante qui empoisonnait les relations entre lesgouvernements du Maghreb.D’autres formes de violations persistantes des droits humains, qui ontjoué un rôle central dans les soulèvements populaires et les manifestations,ont également été aggravées par la réaction des gouvernements.Les arrestations et détentions arbitraires, les disparitions forcées, la tortureet les autres formes de mauvais traitements, les procès inéquitables etles homicides illégaux perpétrés par des agents de l’État restaient trèsfréquents dans toute la région. Les dirigeants ont, presque sans exception,autorisé leurs forces à tuer et à torturer en toute impunité. En Égypte,cédant aux exigences populaires, le CSFA a démantelé le Service derenseignement de la sûreté de l’État, tristement célèbre pour son recoursà la torture sous le régime d’Hosni Moubarak. Les actes de torture n’ontpas disparu pour autant. L’armée a pris le relais, allant jusqu’à contraindredes manifestantes à subir des « tests de virginité » forcés ; elle a égalementarrêté des milliers de civils qui ont été déférés devant des tribunaux militairesappliquant une procédure inéquitable. Pourtant, des milliers d’Égyptiensont tenu bon face à la répression exercée par les nouvelles autoritéset ils ont continué à réclamer des changements sur les plans politique,social et des droits humains.DiscriminationsLa discrimination fondée sur le genre, la religion, l’origine ethnique ounationale ou sur d’autres facteurs, <strong>com</strong>me l’orientation sexuelle, persistait.Dans une large mesure, le sentiment d’injustice qui en découlaits’est exprimé dans la vague de manifestations, par exemple lorsqueles bidun (Arabes apatrides) se sont rassemblés au Koweït pour exigerd’être reconnus <strong>com</strong>me citoyens à part entière. Dans le même temps, lestroubles ont aussi renforcé les divisions. Ainsi, en Libye, des milices ontattaqué des Libyens et des étrangers à cause de leur couleur de peau. Oncraignait de plus en plus, au sein de la mosaïque de confessions et de<strong>com</strong>munautés différentes qui constituaient la Syrie, que le pays ne sombredans une guerre civile tout autant marquée par le ressentiment et la haineque celle qui a déchiré le Liban entre 1975 et 1990 – et dont l’héritage dedisparitions forcées et de méfiance reste manifestement un problème ensouffrance. En Égypte, les coptes étaient toujours victimes d’une discriminationgénéralisée. En Iran, les membres des minorités religieuses etethniques étaient toujours visés par des dispositions législatives discriminatoireset, dans le cas de la minorité baha’ie, victimes de persécutions.Les migrants, dont beaucoup étaient originaires d’Afrique subsaharienne,ont été parmi les principales victimes du conflit en Libye. Desmilliers d’entre eux ont été déplacés par les <strong>com</strong>bats. Beaucoup ont fuivers la Tunisie ou l’Égypte, mais d’autres sont restés pris au piège pendantplusieurs semaines, voire plusieurs mois, et ils ont été la cible d’attaquesracistes ; ils étaient en outre souvent accusés d’être des « mercenaires »recrutés par le colonel Kadhafi. Certains de ceux qui ont gagné la Tunisie oul’Égypte, et dont beaucoup étaient somaliens ou érythréens, ne pouvaientpas rentrer dans leur pays d’origine, craignant d’y être persécutés. À lafin de l’année 2011, ils se trouvaient dans des camps inhospitaliers situésRÉSUMÉSRÉGIONAUXMOYEN-ORIENT ETAFRIQUE DU NORDL’immunité despoursuites offerte auprésident Ali AbdullahSaleh constituait unaffront à la justice etune trahison vis-à-visdes victimes descrimes perpétréssous son régime.Amnesty International - Rapport 2012LXVII


dans le désert et attendaient d’être réinstallés dans un pays, européen ouautre, où ils seraient en sécurité. D’autres ont trouvé la mort alors qu’ilstentaient de rejoindre l’Italie par la mer.Dans toute la région, les travailleurs migrants originaires de pays pauvreset en développement étaient maltraités et exploités alors qu’ils étaient laforce vive de l’économie, notamment dans plusieurs États du Golfe arabopersique.Ils étaient, au mieux, insuffisamment protégés par les lois localessur le travail. Les employées de maison étaient les moins bien traitées :elles étaient trop fréquemment victimes de discriminations multiples entant que femmes, migrantes et étrangères ; le plus souvent, le gouvernementde leur pays d’origine ne se souciait guère, voire pas du tout, de leursort.Le gouvernementsyrien a tenté dedissimuler l’ampleurdes manifestations et laviolence de sa réaction,mais ses efforts ontlargement échouéen raison du couragedes militants locaux.Préoccupations d’ordre économique – logement et moyensd’existenceIl était encore trop tôt, à la fin de l’année 2011, pour évaluer les conséquencesde la « révolution du 25 Janvier » en Égypte, sans même parler deses éventuels effets positifs, pour le sort des millions de personnes pauvreset marginalisées qui vivaient dans les très nombreux quartiers informelsdu pays. Beaucoup habitaient dans des secteurs officiellement qualifiésde « zones dangereuses », notamment en raison de la présence de formationsrocheuses instables, où elles n’avaient pas accès aux services debase tels que l’eau potable, un réseau d’assainissement et l’électricité.Ces personnes risquaient d’être expulsées de force de chez elles sansavoir été consultées ni dûment averties de la date de l’opération. Au coursde l’année, de nouvelles expulsions forcées ont été menées à ManshiyetNasser – l’immense quartier informel aux allures de bidonville à la périphériedu Caire où plus d’une centaine d’habitants avaient été tués en2008 par l’effondrement d’une falaise – sous l’autorité du CSFA, qui perpétuaitainsi la politique menée sous le régime d’Hosni Moubarak et privaitd’un toit de nouvelles familles.Cette année encore, les autorités israéliennes ont elles aussi chassédes personnes de leur foyer, tant des Palestiniens vivant en Cisjordanie, y<strong>com</strong>pris à Jérusalem-Est, que des Arabes israéliens vivant dans des villages« non reconnus » du Néguev, entre autres. Ces expulsions s’inscrivaient dansle cadre de la politique de démolition des habitations et autres structuresérigées sans autorisation officielle – celle-ci étant généralement refusée.En revanche, des milliers d’Israéliens juifs vivant dans les colonies installéesillégalement sur des terres palestiniennes occupées recevaient tout lesoutien nécessaire pour étendre, développer et consolider ces colonies alorsmême qu’elles sont prohibées par le droit international. Entre-temps, leblocus israélien de la bande de Gaza continuait d’étouffer l’économie localeet de prolonger une crise humanitaire délibérée dont les conséquences lesplus tragiques étaient ressenties par les personnes les plus vulnérables, àsavoir les enfants, les personnes âgées et celles qui avaient besoin de traitementsmédicaux spécialisés non disponibles à Gaza. Le blocus constituaitpour les habitants de Gaza – soit 1,6 million de personnes – une forme dechâtiment collectif, en violation du droit international.Quand Mohamed Bouazizi, 24 ans, s’est immolé par le feu le 17 décembre2010 dans la ville de Sidi Bouzid, en Tunisie, peu de personnes auraientLXVIII Amnesty International - Rapport 2012


pu prévoir le déferlement de manifestations et la vague de changementsque cet acte tragique allait déclencher dans toute la région. Un an plustard, le sentiment d’euphorie s’était pour ainsi dire évaporé. Les premiersprogrès obtenus par les soulèvements populaires restaient fragiles et leprix à payer en termes de vies humaines et de violations flagrantes desdroits humains, dans le cadre du <strong>com</strong>bat pour le changement en Syrie,au Yémen, à Bahreïn, en Libye et ailleurs, demeurait très lourd. Pourtant,à la fin de l’année 2011, on avait le sentiment très net que l’ordre ancien,discrédité, était en train d’être relégué au passé grâce aux efforts vaillantset déterminés des populations. La longue marche vers la liberté, la justiceet les droits humains pour tous a sans aucun doute <strong>com</strong>mencé pour lespeuples de la région.RÉSUMÉSRÉGIONAUXMOYEN-ORIENT ETAFRIQUE DU NORDAmnesty International - Rapport 2012LXIX


Afghanistan, février 2011. Des femmeset des enfants attendent pour uneconsultation médicale à l’hôpital d’AhmadShah Baba (Arzan Qimat). Les attaquesmenées contre les auxiliaires médicauxet les médecins, en particulier dans lesrégions les plus touchées par le conflit, ontprivé de soins des millions de personnesen 2011.


© James Oatway/Panos


AMNESTYINTERNATIONALAMNESTY INTERNATIONAL - RAPPORT 2012CHAPITRE II - SITUATION PAYS PAR PAYS


À la prison centrale de Monrovia (Liberia),il n’est pas rare que huit détenuss’entassent dans les cellules prévues pourdeux. Plusieurs dorment par terre, d’autresdans d’étroits hamacs confectionnés avecde vieux sacs de riz attachés aux barreauxet à la fenêtre de la cellule.© Glenna Gordon


AFGHANISTANRÉPUBLIQUE ISLAMIQUE D’AFGHANISTANChef de l’État et du gouvernement :Peine de mort :Population :Espérance de vie :Hamid Karzaïmaintenue32,4 millions48,7 ansLe mois d’octobre a marqué le 10 e anniversaire del’intervention militaire internationale enAfghanistan. La poursuite du conflit armé entre,d’une part, le gouvernement afghan et sespartenaires internationaux et, d’autre part, lestalibans et d’autres groupes armés, a entraîné unnombre sans précédent de pertes civiles, ce qui aamené Amnesty International à demander que laCour pénale internationale (CPI) enquête sur lesallégations de crimes de guerre et de crimes contrel’humanité <strong>com</strong>mis dans le pays. La Missiond’assistance des Nations unies en Afghanistan(MANUA) a recensé 3 021 civils tués au cours del’année en raison du conflit, 77 % d’entre eux pardes groupes armés. Les autorités judiciaires, lapolice et l’Armée nationale afghane (ANA) serendaient régulièrement coupables de violationsgraves des droits humains. Cette année encore, descas d’arrestation et de détention arbitraires ont étésignalés et les services du renseignement ontcontinué de recourir systématiquement à la torture,entre autres formes de mauvais traitements. Lapopulation afghane, tout particulièrement lesfemmes et les filles, était privée de ses droits à lasanté et à l’éducation. Dans les régions contrôléespar les talibans et d’autres groupes insurgés, la plusgrande partie de la population n’avait toujours pasaccès à l’aide humanitaire. Le Bureau de la sécuritédes ONG en Afghanistan (ANSO) a recensé170 attaques visant des employés d’organisationshumanitaires, soit une augmentation de 20 % parrapport à 2010. Les violences contre les femmes etles filles, généralisées, étaient infligées en touteimpunité, particulièrement dans les régionscontrôlées par les insurgés. Les femmes quidénonçaient des cas de violence liée au genreobtenaient rarement réparation.ContexteLe Parlement est entré en fonction le 26 janvier,quatre mois après des élections entachées deviolences et de fraudes. Amnesty International s’étaitdéclarée préoccupée par la présence de candidatssoupçonnés d’être des auteurs de crimes de guerre,entre autres atteintes aux droits humains.Nader Nadery, Fahim Hakim et Mawlawi Gharib,membres éminents de la Commission indépendantedes droits de l’homme en Afghanistan (AIHRC), ontété écartés le 21 décembre. Le président Karzaï n’apas renouvelé leur mandat, arrivé à expiration peuavant la publication d’un rapport recensant desviolations des droits humains <strong>com</strong>mises dans lepassé.En juillet, l’OTAN et la Force internationaled’assistance à la sécurité (FIAS) ont <strong>com</strong>mencé àtransférer au gouvernement afghan la responsabilitéen matière de sécurité dans sept provinces ; unedeuxième phase de transition pour la sécurité adébuté en novembre dans 17 provinces.Les pourparlers de paix entre le gouvernementafghan et les talibans et d’autres groupes insurgésse sont poursuivis malgré l’assassinat, le20 septembre, de l’ancien président BurhanuddinRabbani, officiellement responsable desnégociations, par deux hommes qui s’étaient faitpasser pour des représentants des talibans. En juin,le Conseil de sécurité des Nations unies a décidéd’opérer une distinction entre Al Qaïda et lestalibans, et il a retiré ces derniers d’une liste desanctions de l’ONU.Seules neuf femmes figuraient au nombre des70 membres du Haut Conseil pour la paix, organechargé de mener des négociations avec les talibans etd’autres groupes armés. Des groupes afghans dedéfense des droits des femmes et des organisationsde la société civile ont exprimé leur profondepréoccupation à propos des droits humains, et toutparticulièrement des droits des femmes, craignantqu’ils ne soient bradés par opportunisme. Legouvernement afghan et ses partenairesinternationaux n’avaient toujours pas mis en œuvre,au niveau des politiques ou dans la pratique, larésolution 1 325 du Conseil de sécurité de l’ONU quiprévoit que les femmes doivent être représentées defaçon significative à toutes les étapes des pourparlersde paix.Exactions perpétrées par des groupesarmésLes talibans et d’autres groupes armés ont violé leslois de la guerre et <strong>com</strong>mis toute une série d’atteintesaux droits humains. Ils ont pris des civils pour cible etAAmnesty International - Rapport 20121


Aont perpétré des assassinats, des enlèvements et desattentats à l’explosif sans discrimination, notammentde nombreux attentats-suicides. Les assassinatsciblés de civils, y <strong>com</strong>pris de représentants dugouvernement et de notables tribaux qui travaillaientpour le gouvernement ou des organisationsinternationales ou qui étaient soupçonnés de lessoutenir, ont augmenté.Selon la MANUA, 77 % des civils qui ont trouvé lamort ont été tués par les talibans ou d’autres groupesarmés. Ceux-ci utilisaient de plus en plus souvent desengins explosifs improvisés dans des mosquées, desmarchés et d’autres lieux fréquentés par les civils, cequi contribuait à la forte augmentation des pertesciviles.Les groupes armés prenaient systématiquementpour cible les employés des organisationshumanitaires ; 31 ont été tués, 34 ont été blessés et140 ont été enlevés et retenus en otages.n Le 28 juin, des talibans armés ont perpétré unattentat-suicide et attaqué l’hôtel Intercontinental àKaboul, la capitale, tuant sept personnes.n Le 13 septembre, une dizaine d’insurgés s’en sontpris à l’ambassade américaine, au siège de l’OTAN et àd’autres cibles importantes à Kaboul. Onze civils aumoins, dont des étudiants, ainsi que cinq policiers ontété tués ; 24 autres personnes, peut-être plus, ont étéblessées. Cette attaque a été revendiquée par lestalibans, mais les États-Unis l’ont attribuée au réseauHaqqani, qui serait basé dans les zones tribales duPakistan et soutenu par ce pays.n Le 17 septembre, neuf civils, dont cinq enfants, ontété tués par un engin explosif improvisé dans laprovince de Faryab, dans le nord-ouest du pays.n Le 31 octobre, des talibans armés ont <strong>com</strong>mis unattentat-suicide et attaqué les locaux du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés(HCR) à Kandahar, dans le sud de l’Afghanistan. Troisemployés ont été tués.n Le 6 décembre, 71 personnes ont trouvé la mortdans un attentat-suicide perpétré contre le sanctuairechiite d’Abul Fazl à Kaboul. Quatre autres personnesont été tuées dans un attentat à l’explosif quasisimultané visant une mosquée chiite de Mazar-eCharif. Ces attaques ont marqué une escalade grave dela violence motivée par l’intolérance religieuse, peuprésente jusqu’alors. Le Lashkar-e Jhangvi, un groupearmé pakistanais lié à Al Qaïda, et les talibanspakistanais ont revendiqué ces attentats perpétrésdurant les cérémonies chiites de l’Achoura.Violations des droits humains imputablesaux forces internationales et afghanesCette année encore, la FIAS et l’OTAN ont effectuédes frappes aériennes et des raids nocturnes qui ontfait de nombreuses victimes civiles. Selon la MANUA,au moins 410 personnes, soit 14 % des victimesciviles, ont été tuées à la suite des opérations de laFIAS, de l’OTAN et des forces afghanes.n Le 20 février, le gouverneur de la province de laKunar, dans l’est du pays, a affirmé que 64 civils, dont29 enfants, avaient trouvé la mort au coursd’opérations conjointes terrestres et aériennes de laFIAS et des forces afghanes dans le district de GhaziAbad durant les quatre jours précédents. Des hautsgradés de la FIAS ont contesté le nombre de victimes,mais ils ont accepté de mener une enquête conjointe.Des responsables de l’OTAN ont déclaré par la suiteque la plupart des personnes tuées étaient desinsurgés.n Jeremy Morlock, un soldat américain qui avait avouésa participation au meurtre de trois civils afghans en2010, a été condamné, le 23 mars, à 24 ansd’emprisonnement. Lors de sa <strong>com</strong>parution en courmartiale à la base <strong>com</strong>mune Lewis-McChord, auxÉtats-Unis, il a déclaré au juge que « le projet était detuer des gens ».Arrestations et détentions arbitraires,torture et autres mauvais traitementsLa Direction nationale de la sécurité (DNS, le servicedu renseignement) continuait d’arrêter des suspectset de les détenir de manière arbitraire en les privantde tout contact avec leurs proches ou un avocat, ainsique d’accès aux tribunaux, entre autres organesextérieurs. Selon des allégations crédibles, les agentsde la DNS torturaient les détenus et géraient descentres de détention secrets. L’OTAN a cessé lestransferts de détenus aux forces afghanes après lapublication, en octobre, d’un rapport qui mettait enévidence le recours systématique à la torture par lesagents de la DNS. Selon ce document, desprisonniers avaient été torturés dans 47 centres dedétention de la DNS et de la police, situés dans22 provinces.n En août, des proches d’un homme détenu à Kaboulpar la DNS, qui l’accusait de vendre de la faussemonnaie, ont témoigné auprès d’AmnestyInternational. Ils ont déclaré que leur parent avait étéarrêté en avril par des agents de ce service, qui l’avaienttorturé pour le contraindre à avouer. Cet homme, dont2 Amnesty International - Rapport 2012


le nom ne peut être révélé pour des raisons de sécurité,aurait été frappé à coups de poing et de pied au pointde vomir du sang et de perdre connaissance.Cette année encore, les forces américainesdétenaient des Afghans et des étrangers sansfondement juridique clair et en dehors de touteprocédure légale. Quelque 3 100 prisonniersdemeuraient incarcérés dans le centre de détentionaméricain de Parwan, situé à côté de l’ancien centrede détention de la base aérienne de Bagram. Ilsétaient placés en détention pour une duréeindéterminée, pour « raisons de sécurité » ; certainsd’entre eux étaient incarcérés depuis plusieursannées. Dans le cadre de leurs opérations detransfert de détenus, les États-Unis ont transféré enjanvier aux autorités afghanes le contrôle d’une unitéde détention de la prison de Parwan. Le ministèreaméricain de la Défense a indiqué qu’en mai, lesautorités afghanes avaient mené plus de 130 procèsdans cet établissement et dans le Centre judiciaireafghan de Parwan depuis le début de ces procès, enjuin 2010 (voir États-Unis).Liberté d’expressionLes journalistes afghans continuaient d’exercer leurprofession malgré les pressions et les violences,exercées notamment par des institutions étatiques etd’autres organes influents. La DNS et le Conseil desoulémas (dignitaires religieux) ont engagé desprocédures pénales contre des personnes qui avaientabordé, par écrit ou oralement, des questionsconsidérées <strong>com</strong>me représentant une menace pourla sécurité nationale ou jugées blasphématoires.n Trois hommes arrêtés et placés en détention en2010 pour s’être convertis au christianisme ont étéremis en liberté, en mars et en avril.Des journalistes ont été enlevés, battus ou tuésdans des attaques motivées par des considérationspolitiques et imputables tant aux forcesgouvernementales qu’à des groupes insurgés. SelonNai, un organisme afghan de surveillance desmédias, 80 journalistes ont été agressés et troisd’entre eux ont été tués. Dans les zones contrôléespar les talibans et d’autres groupes armés, lesjournalistes étaient empêchés de rendre <strong>com</strong>pte de lasituation ; ils étaient en butte à des attaquesfréquentes.Le gouvernement n’a pas mené d’enquêtesexhaustives sur les attaques visant des journalistes,des défenseurs des droits humains et d’autrespersonnes exerçant leur droit à la liberté d’expression,ni engagé de poursuites contre les responsables deces agissements.n Le 18 janvier, Hojatullah Mujadedi, directeur deRadio Kapisa, une radio FM du nord-est du pays, arecouvré la liberté après avoir été détenu pendantquatre mois par la DNS à Kaboul. Il avait été accusé de<strong>com</strong>plicité avec les talibans.n Le 6 juillet, dans la province du Helmand, destalibans ont menacé Niamatullah Zaheer, journalistetravaillant pour la chaîne de télévision Aryana TV, parcequ’il avait rendu <strong>com</strong>pte de manière critique d’attaqueslancées par les talibans.Violences faites aux femmes et aux fillesLes femmes et les filles continuaient d’être victimesde discriminations, de violences domestiques, demariage forcé et de traite ; elles étaient toujoursutilisées <strong>com</strong>me monnaie d’échange pour mettre unterme à des litiges. Elles étaient souvent la cibled’attaques menées par les talibans. Selon un rapportconjoint d’ONU Femmes et de la Commissionindépendante des droits de l’homme en Afghanistan,56 % de l’ensemble des mariages concernaient desfilles de moins de 16 ans. Le ministère de laCondition féminine a recensé 3 742 cas de violencesfaites aux femmes entre le 22 mars et le31 décembre. Une initiative positive a été prise enseptembre par le procureur général, qui a accepté decréer six bureaux provinciaux chargés de lutter contreles violences faites aux femmes.Le plus souvent, la police et les tribunauxn’examinaient pas les plaintes pour mauvaistraitements déposées par des femmes ; les allégationsde coups, de viol et d’autres violences sexuellesfaisaient ainsi rarement l’objet d’enquêtes. Lesfemmes qui cherchaient à échapper à un conjointviolent étaient arrêtées et poursuivies en justice pour« abandon de domicile » ou « crimes moraux », de soidisantinfractions qui ne sont pas prévues par le Codepénal et sont contraires au droit international relatifaux droits humains.n En avril, les talibans ont enlevé et tué une femmedans le district de Zurmat (province du Paktia).Démentant les rumeurs selon lesquelles il s’agissaitd’un crime d’« honneur », ils ont affirmé l’avoir tuéeparce qu’elle travaillait pour une ONG.n Gulnaz, une femme de 21 ans qui purgeait à Kaboulune peine de 12 ans d’emprisonnement pour adultère,a été libérée en décembre. Selon des avocats, de telsAAmnesty International - Rapport 20123


Achefs d’inculpation n’ont aucun fondement en droitafghan. Gulnaz avait été placée en détention en 2009après avoir porté plainte pour viol à la police. Despressions avaient été exercées par le tribunal, entreautres, pour qu’elle accepte d’épouser l’hommereconnu coupable de l’avoir violée.Droit à la santéDes attaques ciblées contre des employésd’organisations humanitaires et des fonctionnairesdu gouvernement, notamment des médecins, ontprivé des millions de personnes d’accès à la santé,particulièrement dans les zones les plus touchéespar le conflit ainsi que dans celles contrôlées par lestalibans et d’autres groupes armés. Malgré uneamélioration des taux de mortalité maternelle etinfantile dans certaines régions du pays, la situationdes femmes enceintes et des jeunes enfants restaitdans l’ensemble désastreuse.Droit à l’éducationLes talibans et d’autres groupes armés ont pris pourcible des écoles, des élèves et des enseignants. Dansles zones contrôlées par ces groupes, de nombreuxenfants, particulièrement les filles, étaient empêchésd’aller à l’école. Selon le ministère de l’Éducation,plus de 7,3 millions d’enfants, dont 38 % de filles,étaient inscrits à l’école. Des sources officielles ontindiqué que plus de 450 écoles restaient fermées etque 200 000 enfants environ ne pouvaient pas êtrescolarisés à cause de l’insécurité, essentiellementdans les provinces du sud et de l’est du pays.n Khan Mohammad, directeur de l’école de filles dePoorak, dans la province du Logar (sud-est du pays), aété abattu le 24 mai par des talibans. Cet hommecontinuait d’enseigner aux filles malgré les nombreusesmenaces de mort qui lui avaient été adressées pour l’endissuader.Réfugiés et personnes déplacéesSelon le HCR, les Afghans ont constitué le plus grandgroupe de demandeurs d’asile dans les paysindustrialisés entre janvier et juin. À la fin de l’année,le HCR recensait plus de 30 000 demandeurs d’asileafghans, et environ 2,7 millions de réfugiés afghansau Pakistan et en Iran. Le nombre total de personnesdéplacées à cause du conflit a atteint 447 647.Les Afghans déplacés à l’intérieur de leur proprepays avaient tendance à rejoindre les grandes villes,particulièrement Kaboul, Hérat et Mazar-e Charif.Beaucoup échouaient dans des bidonvilles où ilsétaient contraints de vivre dans des logementssurpeuplés dépourvus d’hygiène, pratiquement sansaccès à l’eau potable, à un abri suffisant ou auxservices de santé, et sous la menace constante d’uneexpulsion forcée. Le CICR a signalé en octobre que lenombre de personnes déplacées à cause du conflitdans le nord de l’Afghanistan avait augmenté de 40 %par rapport à 2010.n Au début du mois de juin, 12 000 personnes aumoins auraient été contraintes de quitter leur foyer àcause d’affrontements entre les forcesgouvernementales et les talibans dans la province deFaryab.Peine de mortDeux exécutions ont été signalées. Plus de140 personnes étaient sous le coup d’unecondamnation à mort ; cette peine avait été confirméepar la Cour suprême pour près de 100 d’entre elles.n Deux hommes – un Pakistanais et un Afghan – ontété exécutés en juin dans la prison de Pul-e Charkhiaprès le rejet de leur recours en grâce par le président.Ils avaient été déclarés coupables d’avoir tué40 personnes et d’en avoir blessé plus de 70 autres,des civils pour la plupart, dans une attaque menée enfévrier contre une banque de Jalalabad, dans laprovince du Nangarhar.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Afghanistande juin à septembre.4 Afghanistan 10 years on: Slow progress and failed promises(ASA 11/006/2011).4 Amnesty International - Rapport 2012


AFRIQUE DU SUDRÉPUBLIQUE SUD-AFRICAINEChef de l’État et du gouvernement : Jacob G. ZumaPeine de mort :aboliePopulation :50,5 millionsEspérance de vie :52,8 ansMortalité des moins de cinq ans : 61,9 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 88,7 %L’accès des personnes séropositives aux traitementset aux soins s’est sensiblement amélioré.Cependant, des facteurs discriminatoiresrestreignaient toujours leur accès aux services desanté liés au VIH, en particulier dans les zonesrurales. Les demandeurs d’asile et les réfugiésfaisaient l’objet de pratiques discriminatoires et deviolences ciblées. Leur accès à la procédure d’asilea été restreint par la mise en place de nouvellesdirectives. La police a fait usage d’une forceexcessive contre des manifestants et son recoursabusif à la force meurtrière demeurait un motif depréoccupation. Les autorités ont <strong>com</strong>mencé à sepencher sur les violences motivées par la haineinfligées de manière systématique à des lesbiennes,des gays, des personnes bisexuelles et destransgenres. L’Assemblée nationale a adopté leprojet de loi sur la protection des informationsrelatives à l’État, qui menaçait la libertéd’expression.ContexteLes taux élevés de pauvreté et de chômage et lesgrandes inégalités ont, cette année encore, engendrédes mouvements de protestation dans les zonesurbaines défavorisées. Ces manifestations étaientsouvent dirigées contre les autorités locales en raisonde la corruption et des lenteurs dans la fourniture desservices de base. Des membres du gouvernement etdes hauts responsables de la police ont été limogésou suspendus dans l’attente des résultats d’enquêtessur des faits de corruption présumés. On craignait deplus en plus que la conduite des affaires publiquesne pâtisse des tensions politiques qui agitaient leCongrès national africain (ANC, au pouvoir) àl’approche de sa conférence nationale de 2012, aucours de laquelle devaient être élus ses nouveauxdirigeants. D’importants arrêts rendus par desjuridictions supérieures ont contraint le gouvernementà modifier ou annuler des décisions ayant uneincidence sur l’indépendance et l’intégrité desorganes chargés des poursuites et des enquêtes. Leprojet de loi visant à restreindre l’accès auxinformations relatives à l’État a suscité une oppositionmassive.Droit à la santé – personnes vivant avecle VIH/sidaOn estimait à 5 380 000 le nombre de personnesvivant avec le VIH. Le nombre de malades du sidarecevant un traitement antirétroviral s’élevait à1 400 000 à la fin du premier semestre. Ce chiffreétait lié aux progrès enregistrés dans la mise enœuvre de nouvelles politiques et lignes de conduite.Les malades pouvaient en effet bénéficier d’untraitement à un stade plus précoce et l’accès auxtraitements s’était développé au niveau desdispensaires de soins primaires, entre autresavancées.Malgré ces améliorations, les pratiquesdiscriminatoires empêchaient toujours de nombreuxmalades d’accéder aux services de santé liés au VIH,en particulier dans les familles pauvres vivant en zonerurale. L’accès au traitement et l’aptitude à lepoursuivre demeuraient <strong>com</strong>promis par le coût desmoyens de transport et leur manque de fiabilité, ainsique par la médiocrité des infrastructures routièresdans les régions rurales. L’insécurité alimentaire jouaitégalement un rôle déterminant, tout <strong>com</strong>me lecaractère arbitraire des processus et décisionsconcernant l’octroi aux malades d’une aidefinancière. Dans les zones rurales, les <strong>com</strong>portementspatriarcaux persistants continuaient d’entraver l’accèsdes femmes aux services et leur aptitude à prendrede manière autonome des décisions concernant leursanté sexuelle et reproductive.En octobre, le ministère de la Santé a lancé unenouvelle stratégie relative aux ressources humainesen matière de santé. Elle visait notamment à pallier lagrave pénurie de personnel dans le système public desanté, en particulier en région rurale, où vivaient 44 %de la population mais où travaillaient moins de 20 %du personnel infirmier et des médecins du pays.À la suite d’une consultation nationale menée parle Conseil national d’Afrique du Sud sur le sida(SANAC), le gouvernement a lancé le 1 er décembre, àl’occasion de la Journée mondiale contre le SIDA, unnouveau plan stratégique sur cinq ans visant à luttercontre le VIH/sida, les maladies sexuellementtransmissibles et la tuberculose. Le document étaitAAmnesty International - Rapport 20125


Adestiné à orienter les actions des autoritésprovinciales et d’autres institutions en vue d’atteindrecinq objectifs principaux. Il s’agissait notamment defaire en sorte qu’au moins 80 % des malades ayantbesoin de traitements antirétroviraux y aient accès, deréduire la réprobation sociale liée au VIH et deprotéger les droits des personnes séropositives.En décembre, des organisations de la société civileont lancé la Coalition nationale pour l’assurancemaladie afin de mener campagne pour l’adoptiond’un programme destiné à réduire les inégalités dansl’accès aux services de santé.Réfugiés et demandeurs d’asileLe gouvernement a entamé une réforme de laprocédure d’asile qui pourrait avoir d’importantesconséquences, notamment en ce qui concernel’accès à la procédure d’examen des demandesd’asile. En mai, le ministère de l’Intérieur a fermé lebureau d’accueil des réfugiés à Johannesburg à lasuite d’une action en justice engagée par desentreprises locales pour obtenir sa fermeture. Aucunbureau de remplacement n’a été mis en place. Lesdemandeurs d’asile et les réfugiés officiellementreconnus ayant besoin de faire renouveler leurspapiers étaient tous orientés vers deux bureauxd’accueil déjà surchargés situés à Pretoria. Au coursdes mois qui ont suivi, les nouveaux demandeursd’asile et ceux dont le dossier avait été « transféré »ont eu des difficultés à rencontrer des représentantsdu ministère de l’Intérieur dans ces bureaux. Certainsont fait la queue à plusieurs reprises dès le petitmatin et ont été insultés ou frappés à coups desjambok (fouet) et de matraque par des membres desservices de sécurité, d’après des éléments présentésà la chambre de la Cour suprême du nord de laprovince de Gauteng. Les demandeurs d’asile et lesréfugiés reconnus qui ne pouvaient ainsi pas déposerde demande ou faire renouveler des documentsrisquaient une amende, la détention et une expulsiondirecte ou un départ provoqué.Le 14 décembre, la Cour suprême a déclaréillégale la décision de ne pas ouvrir de nouveaubureau d’accueil pour les réfugiés à Johannesburg, eta ordonné au directeur général du ministère del’Intérieur de réexaminer sa décision et de consulterles personnes les plus concernées. Il était apparu aucours de la procédure judiciaire que le refus d’ouvrirun nouveau bureau était lié à la décision des autoritésde déplacer tous les services destinés auxdemandeurs d’asile dans les ports d’entrée. Lerecours en justice avait été engagé par le Consortiumpour les réfugiés et les migrants en Afrique du Sud etl’Organe de coordination des <strong>com</strong>munautés réfugiées,avec l’aide de l’association Avocats pour les droitshumains. À la fin de l’année, l’examen du recoursengagé contre la fermeture du bureau d’accueil desréfugiés de Port Elizabeth a été reporté au mois defévrier 2012.En août, le ministère de l’Intérieur a déclaré queseuls les ressortissants zimbabwéens ne disposantpas d’un permis de séjour valide, au titre del’immigration ou de l’asile, seraient expulsés après lalevée, en septembre, du moratoire de 2009 surl’expulsion des Zimbabwéens. Après la levée dumoratoire, des organisations de défense des droitshumains et l’Organisation internationale pour lesmigrations (OIM) ont enregistré des cas d’expulsion etdes cas de renvoi de mineurs non ac<strong>com</strong>pagnésn’ayant pas bénéficié de mesures de protectionadéquates.Des violences et des destructions de biens ayantpour cible des réfugiés et des migrants ont eu lieu toutau long de l’année dans de nombreuses régions dupays. Des associations d’entreprises locales semblaientêtre à l’origine de nombre de ces attaques. Au mois demai, plus de 60 magasins appartenant à des étrangersont été fermés de force, pillés ou <strong>com</strong>plètementdétruits dans divers secteurs de la province deGauteng et à Motherwell, près de Port Elizabeth. Dansle secteur du quartier informel de Ramaphosa, nonloin de Johannesburg, des policiers ont cautionné lesagissements de l’Association des <strong>com</strong>merces du GrandGauteng ou y ont activement participé. Cetteassociation a menacé des étrangers de violences etfermé de force leurs <strong>com</strong>merces ou emporté des biensqui s’y trouvaient.Dans un grand nombre de ces attaques, les postesde police proches n’ont pas appelé de renforts pourempêcher la propagation de la violence. Malgré lesefforts engagés par des organisations humanitaires etdes associations de la société civile, l’année s’estachevée sans que la police n’ait mis en place destratégie nationale systématique et efficace pourprévenir ou réduire les violences visant les réfugiés etles migrants.En octobre, dans le township de Nyanga, au Cap,des policiers auraient recouru à une force excessiveau cours d’arrestations massives d’« immigrantsillégaux présumés » ; ils auraient aussi insulté ces6 Amnesty International - Rapport 2012


personnes en leur disant qu’elles étaient indésirablesdans le pays. Figuraient parmi elles des réfugiésreconnus qui avaient présenté leurs papiers à lapolice. Un réfugié de la République démocratique duCongo, qui avait besoin de soins pour ses blessures,s’est vu délibérément empêcher de déposer uneplainte contre la police.Peine de mortDans une affaire concernant deux ressortissantsbotswanais, la Cour suprême a conclu, le22 septembre, que le gouvernement ne devait pasextrader d’individus risquant d’être condamnés àmort sans avoir obtenu au préalable de l’Étatrequérant des garanties écrites que l’accusé nerisquait en aucun cas la peine capitale. Le recoursformé par l’État contre cette décision n’avait pas étéexaminé à la fin de l’année.Le 15 décembre, lors d’une cérémonie à lamémoire de 134 prisonniers politiques exécutés dansla prison centrale de Pretoria par le régime del’apartheid, le président Zuma a une nouvelle foisconfirmé que son gouvernement était déterminé àabolir la peine de mort.Morts en détention et exécutionsextrajudiciairesLa Direction indépendante des plaintes (ICD),l’organe de surveillance de la police, a fait état d’unebaisse de 7 %, entre avril 2010 et mars 2011, dunombre de décès en détention enregistrés et résultantd’une « action de la police ». La province du KwaZulu-Natal affichait toujours un taux élevé de cas ; on yrecensait plus du tiers des 797 morts en détentionenregistrées dans le pays.Des membres d’unités spéciales de la police, enparticulier d’unités de lutte contre le crime organisé,ont été impliqués dans des exécutions extrajudiciaireset des morts suspectes résultant semble-t-il d’actesde torture. Les familles des victimes qui tentaient dese tourner vers la justice rencontraient des obstaclesdu fait de la médiocrité des enquêtes officielles, dumanque de moyens destinés à l’assistance judiciaireet de manœuvres d’intimidation. En décembre, aprèsla diffusion par les médias d’informations sur desassassinats qui auraient été perpétrés par desmembres de l’Unité de lutte contre le crime organiséde Cato Manor, l’ICD a mis en place une équiped’investigation chargée de réexaminer les éléments depreuve.n Aucune inculpation n’avait été prononcée à la fin del’année contre les policiers responsables de la mort, enavril 2010, de Kwazi Ndlovu, qui était âgé de 15 ans.Selon les éléments de preuve, notammentmédicolégaux, le garçon était allongé sur un canapéchez lui lorsqu’il a été tué par des munitions de fusil àhaute vitesse tirées par des policiers de l’Unité de luttecontre le crime organisé de Durban.Utilisation excessive de la forceLa police a recouru à une force excessive, notammentà Ermelo en mars et à Ficksburg en avril, contre desmanifestants qui dénonçaient la corruption etl’incapacité des autorités locales à fournir deslogements convenables et d’autres servicesélémentaires. Des enquêtes menées par l’ICD et desprocédures préliminaires engagées contre despoliciers inculpés d’homicides, d’agressions etd’autres infractions étaient toujours en cours à la finde l’année.En décembre, de hauts responsables de la policeont annoncé la mise en place de restrictionsconcernant l’utilisation par les policiers de balles encaoutchouc contre des manifestants, en raison dunombre croissant d’informations faisant état deblessures graves.n En avril, à Ficksburg, Andries Tatane est mort aprèsavoir été frappé à coups de matraque et touché par desballes en caoutchouc tirées à faible distance par despoliciers.Torture et autres mauvais traitementsLa loi relative à la Direction indépendante desenquêtes de police (IPID), venant remplacer l’ICD, aété promulguée en mai, mais cet organe n’était pasencore opérationnel à la fin de l’année. Cette loiétendait la liste des faits sur lesquels à l’origine l’ICDdevait obligatoirement enquêter, en y ajoutant lesactes de torture et les viols <strong>com</strong>mis par des policiers.Le fait pour la police de ne pas signaler des casprésumés ou d’entraver le bon déroulement desenquêtes de l’ICD ou de l’IPID a été érigé eninfraction pénale.En juillet, le Commissaire national des servicespénitentiaires a ordonné l’ouverture d’une enquêteinterne sur les actes de torture que six gardiens deprison auraient infligés à un détenu au moyen d’undispositif à décharge électrique. La police aégalement ouvert une enquête mais aucune avancéen’avait été enregistrée à la fin de l’année.AAmnesty International - Rapport 20127


AUn projet de loi visant à ériger la torture eninfraction pénale n’avait pas encore été présenté auParlement à la fin de 2011.Droits des lesbiennes, des gays,des personnes bisexuelles et destransgenresLes violences motivées par la haine, en particuliercontre les lesbiennes, inquiétaient de plus en plusl’opinion publique.n Le 24 avril, Noxolo Nogwaza, âgée de 24 ans, a étésauvagement assassinée dans le township deKwaThema. Active au sein du Comité d’organisation dela marche des fiertés d’Ekurhuleni (EPOC), elle a étéviolée, poignardée à plusieurs reprises et battue à mort.L’enquête policière sur les faits n’avait enregistréaucune avancée à la fin de l’année et aucun suspectn’avait été arrêté. L’EPOC a lancé une campagne pourobtenir le transfert de l’affaire à un autre <strong>com</strong>missariat.En mai, le ministre de la Justice a annoncé la miseen place d’un « groupe de travail » <strong>com</strong>posé demembres du gouvernement et de la société civile etchargé de trouver des solutions afin d’empêcher denouveaux épisodes de ce type. Les réunions dugroupe de travail se poursuivaient encore ennovembre, apparemment sans grand résultat.L’élaboration d’un projet de loi destiné à ériger eninfractions pénales les crimes motivés par la haineprogressait avec lenteur également.En décembre, au cours de la phase dedétermination de la peine d’un procès qui se déroulaitdevant le tribunal de première instance de Germiston,OUT Well-Being, une organisation de défense desdroits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres,a présenté des rapports d’experts sur lesrépercussions des crimes haineux sur les victimes etl’ensemble de la population. Les accusés avaient étéreconnus coupables d’agression sur un gay et letribunal a relevé qu’ils avaient été poussés par lahaine et le mépris à l’égard des personneshomosexuelles.Défenseurs des droits humainsLes défenseurs des droits humains ont, cette annéeencore, fait l’objet d’actes de harcèlement et leursactivités continuaient d’être considérées <strong>com</strong>medes infractions pénales. Figuraient parmi lespersonnes visées des journalistes, des employés duBureau du médiateur, des enquêteursanticorruption et des membres d’organisationslocales de défense des droits économiques etsociaux.n En juillet, 12 sympathisants d’Abahlali baseMjondolo(AbM), un mouvement de défense du droit aulogement, ont été acquittés de toutes les chargesretenues contre eux dans un procès engagé par l’État.Ils étaient notamment poursuivis pour meurtre,tentative de meurtre et agression dans le cadre deviolences survenues en septembre 2009 dans lequartier informel de Kennedy Road. Dans sa décision,le tribunal a relevé de « nombreuses contradictions etincohérences dans le dossier d’accusation de l’État »,ainsi qu’un manque d’éléments fiables permettantd’identifier les responsables des faits. Le tribunal aégalement conclu que la police avait ordonné à certainstémoins de désigner des membres d’organisationsproches d’AbM lors de la séance d’identification. À la finde l’année, des sympathisants d’AbM qui avaient étédéplacés après le pillage et la destruction de leursmaisons en 2009 n’étaient toujours pas en mesure deretourner en toute sécurité dans leur localité et dereconstruire leurs habitations. En octobre, lors d’uneréunion portant sur cette affaire avec le maire exécutifde la municipalité d’Ethekwini, un haut responsableaurait menacé de violences S’bu Zikode, présidentd’AbM. L’enquête ouverte par la police sur la plaintedéposée au pénal par ce dernier contre le fonctionnairen’avait pas avancé à la fin de l’année.Liberté d’expressionEn novembre, le projet de loi sur la protection desinformations relatives à l’État a été adopté parl’Assemblée nationale et renvoyé devant la chambrehaute du Parlement. Une campagne avait été menéecontre ce texte par plusieurs centainesd’organisations de la société civile, y <strong>com</strong>pris desmédias. Le projet prévoyait notamment des peinesminimales de trois à 25 ans d’emprisonnement pourun certain nombre d’infractions, dont la collecte, la<strong>com</strong>munication ou la réception d’informationsrelatives à l’État classées secrètes, ou le faitd’« abriter » une personne coupable de tels faits. Il neprévoyait pas explicitement la possibilité de sedéfendre en invoquant l’intérêt public, mais untribunal pouvait prononcer une peine moins lourde encas de « circonstances cruciales et déterminantes ».À la suite de la campagne d’opposition, certainesmodifications avaient été apportées au texte avant sonadoption par l’Assemblée nationale. Ainsi, denouvelles dispositions rendaient passible de sanctions8 Amnesty International - Rapport 2012


le fait de délibérément classer secrètes desinformations relatives à l’État dans le but dedissimuler des agissements illégaux de fonctionnaires.D’autres motifs de préoccupation n’avaient toutefoispas été pris en <strong>com</strong>pte.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des déléguées d’Amnesty International se sont rendues en Afrique duSud en mai, en juin et en novembre.4 Afrique du Sud. L’incapacité de la police à protéger le militant des droitshumains Jean-Pierre Lukamba reflète une absence plus large de respectdes droits des réfugiés et des migrants (AFR 53/002/2011).4 Hidden from view: Community carers and HIV in rural South Africa:Background information (AFR 53/005/2011).4 L’Afrique du Sud doit honorer son obligation de protéger les droits desréfugiés et des demandeurs d’asile en vertu du droit international etnational (AFR 53/007/2011).4 Afrique du Sud. Le projet de loi sur les documents secrets risqued’«étouffer la liberté d’expression » (PRE01/584/2011)ALBANIERÉPUBLIQUE D’ALBANIEChef de l’État :Bamir TopiChef du gouvernement :Sali BerishaPeine de mort :aboliePopulation :3,2 millionsEspérance de vie :76,9 ansMortalité des moins de cinq ans : 15,3 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 95,9 %Cette année encore, les violences domestiquesétaient très répandues et la traite de femmes à desfins de prostitution forcée se poursuivait. Quatremanifestants sont morts à la suite d’affrontementsavec la police. Des informations ont fait état demauvais traitements infligés par des policiers. Lesconditions de détention étaient souvent mauvaises.Des personnes sans logement ayant le « statut »d’orphelins n’ont pas pu bénéficier de leur droitprioritaire à un logement, pourtant prévu par lalégislation nationale.ContexteL’hostilité entre le gouvernement et l’opposition s’estaccrue à la suite des violents affrontements qui ontopposé, en janvier, des agents de police et desmanifestants qui dénonçaient les fraudes électoraleset la corruption présumées des autorités. Lors desélections locales de mai, le gouvernement etl’opposition se sont lancé réciproquement desaccusations, et des différends ont surgi au sujet dudé<strong>com</strong>pte des votes, en particulier à Tirana. Lasituation d’impasse politique s’était légèrementdébloquée à la fin de l’année et des débats ont étéengagés au sujet de la réforme électorale. En octobre,la Commission européenne a de nouveau conclu quel’Albanie n’avait pas satisfait aux critères associés austatut de candidat à l’adhésion à l’Union européenne.Police et forces de sécuritéLe 21 janvier, de violentes échauffourées ont éclatéentre la police et des manifestants au cours demouvements de protestation antigouvernementauxorganisés à Tirana par le Parti socialiste (opposition).Des coups de feu ont été tirés, tuant troismanifestants. Un quatrième est mort plus tard. Lelendemain, des mandats d’arrêt ont été décernés àl’encontre de six gardes républicains (responsablesde la sécurité des édifices publics) au sujet de cesdécès. Les enquêtes ont été entravées par le manquede coopération de la police et de certains hautsresponsables de la Garde républicaine, ainsi que parle retard pris dans la récupération des élémentsbalistiques. À la fin de l’année, 11 gardesrépublicains faisaient l’objet d’une informationjudiciaire dans cette affaire. Au total, plus de140 policiers et manifestants ont été blessés au coursdes heurts. Des agents de police ont frappé desmanifestants alors qu’ils se dispersaient, ainsi queplusieurs journalistes. Au moins 112 manifestants ontété arrêtés et une trentaine ont par la suite étédéclarés coupables d’avoir incendié des véhicules,agressé des policiers et violé le périmètre de sécuritéétabli autour des bureaux du Premier ministre. Cedernier, Sali Berisha, a qualifié ces manifestations detentative de coup d’État de la part du Parti socialisteet accusé la procureure générale d’avoir soutenul’opération.Torture et autres mauvais traitementsDes membres du Bureau du médiateur se sontrendus dans des postes de police et des centres dedétention de Tirana à la suite des manifestations dejanvier. Ils ont indiqué que des manifestants détenus,dont deux présentaient des traces de mauvaistraitements, affirmaient avoir été brutalisés auAAmnesty International - Rapport 20129


Amoment de leur arrestation et avoir subi des pressionsd’ordre psychologique afin qu’ils signent desdéclarations s’accusant eux-mêmes. Neuf plaintespour mauvais traitements auraient été déposéescontre des policiers. En février, le Service del’inspection interne de la police nationale s’est engagéà enquêter sur ces plaintes mais aucun des auteursprésumés de ces mauvais traitements n’avait ététraduit en justice à la fin de l’année.n Le médiateur a écrit à la procureure générale ausujet de Reis Haxhiraj, qui aurait été gravementmaltraité lors de son arrestation en mars. Il a déclaréque, alors que les blessures de cet homme étaientclairement visibles et qu’il s’était plaint de mauvaistraitements lorsqu’il a <strong>com</strong>paru devant un juge avantson placement en détention provisoire, ni la police, ni leprocureur, ni le juge, ni le personnel hospitalier n’avaitsignalé les mauvais traitements subis ou ouvert uneinformation judiciaire. Reis Haxhiraj avait vouluprendre contact avec le bureau du médiateur, mais sesdemandes avaient été ignorées. La procureuregénérale a, par la suite, donné pour instruction auxprocureurs et aux agents de la police judiciaire derassembler des preuves de mauvais traitements infligésaux détenus, afin que les responsables soient traduitsen justice. Une information judiciaire a été ouverte surles mauvais traitements qui auraient été infligés à ReisHaxhiraj.Disparitions forcéesIlir Kumbaro ne s’est pas présenté devant le tribunalde Londres qui l’avait convoqué en décembre pourune audience concernant sa procédure d’extradition.L’Albanie avait demandé son extradition du Royaume-Uni pour qu’il réponde d’accusations de torture etd’enlèvement dans le cadre de la disparition forcée,en 1995, de Remzi Hoxha, membre de la<strong>com</strong>munauté albanaise de Macédoine, et de torturesur deux autres hommes. Le juge a annulé salibération sous caution et décerné un mandat d’arrêtà son encontre, mais à la fin de l’année on ignorait oùil se trouvait. Le procès d’Ilir Kumbaro, d’ArbenSefgjini et d’Avni Koldashi, tous trois ex-agents duService national du renseignement, se poursuivait àTirana. Ilir Kumbaro était jugé par contumace.Conditions carcéralesDes détenus des prisons de Lezhë et de Fushë-Krujëont entamé une grève de la faim pour protester contrele caractère déplorable de leurs conditions dedétention. Le médiateur a dénoncé les conditionssanitaires de certaines prisons et de certains centresde détention provisoire, évoquant l’état sordide destoilettes, la présence de rongeurs, l’humidité descellules et le manque d’hygiène dans la préparation etla distribution des repas. Il a également relevé que lastructure des établissements de Durrës, Kavaja etKorça, tous trois de construction récente, était depiètre qualité. Les centres de détention provisoire et laprison pour femmes de Tirana étaient surpeuplés. Lesservices médicaux des prisons, en particulier pour lesdétenus souffrant de troubles mentaux, étaientinadaptés.Violences au sein de la familleLes violences domestiques demeuraient trèsrépandues. Les centres d’accueil destinés auxfemmes victimes de violences au foyer n’étaient pasassez nombreux pour répondre aux besoins. Ainsi,1 683 affaires de violences domestiques ont étésignalées durant les neuf premiers mois de l’année,soit 260 cas de plus que pendant la même périodeen 2010. Parmi les victimes, 82 % (1 377) étaientdes femmes. La plupart des actes de violencefamiliale, y <strong>com</strong>pris ceux touchant des enfants, n’ontfait l’objet d’aucun signalement. La violencedomestique ne constituait pas une infraction pénalespécifique et les poursuites devaient être engagées àl’initiative de la victime, sauf dans les cas les plusgraves. La loi prévoyant une assistance judiciairegratuite pour les personnes sollicitant une mesure desûreté n’était pas appliquée ; de plus, malgré lesprogrammes de formation, les professionnels de lasanté omettaient souvent, semble-t-il, de délivrer desattestations constatant les lésions. Dans la plupartdes cas les poursuites étaient abandonnées, soitparce que la plainte était retirée – souvent du fait despressions sociales ou d’une dépendanceéconomique vis-à-vis de l’auteur des violences –, soitpar manque de preuves écrites. Le non-respect desmesures de sûreté était passible d’amendes ou depeines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deuxans. Cependant, les tribunaux prononçaient rarementdes peines privatives de liberté.n En septembre, Servete Karoshi a été tuée par sonmari qui, à plusieurs reprises, avait fait fi des mesuresde sûreté prononcées à son encontre. Servete Karoshiavait signalé que son mari était toujours violent, maiselle n’avait pas bénéficié de véritables mesures deprotection.10 Amnesty International - Rapport 2012


En mars, une loi a été adoptée dans le butd’apporter une aide économique de base équivalenteà 30 dollars des États-Unis par mois aux victimes deviolences domestiques, pendant la durée desmesures de sûreté, ainsi qu’aux victimes de traite.Traite d’êtres humainsLa traite d’êtres humains se poursuivait. Il s’agissaitessentiellement de traite de filles et de jeunesfemmes à des fins de prostitution forcée, mais aussid’enfants qui étaient contraints à la mendicité forcéeou exploités en tant que main-d’œuvre. D’après lesstatistiques publiées pour 2010, 12 personnesavaient été reconnues coupables de traite. Lerapport sur la traite des personnes publié par leDépartement d’État des États-Unis notait quel’Albanie avait pris des mesures concrètes pouraméliorer sa stratégie de lutte contre la traite, maisque la « corruption généralisée, en particulier au seinde l’appareil judiciaire, demeurait un obstacle à laprotection des victimes et à l’application généraledes lois contre la traite ». En février, le gouvernementa adopté un plan national de lutte contre la traite desêtres humains.Droits en matière de logement –les RomsAprès avoir été agressées, une quarantaine defamilles roms ont fui, en février, le site où ellesvivaient à proximité de la gare ferroviaire de Tirana. Enjuillet, deux hommes ont été relaxés des chefsd’incitation à la haine raciale, mais condamnés àquatre mois d’emprisonnement pour incendievolontaire. Les autorités ont proposé aux familles romsun emplacement temporaire, équipé de tentes, enpériphérie de Tirana mais beaucoup ont refusé pourdes raisons de santé, de sécurité et d’éloignement parrapport à leurs lieux de travail. Celles qui s’y sontmalgré tout installées s’y trouvaient toujours à la fin del’année, bien que les autorités aient promis que deuxbâtisses militaires désaffectées seraient rénovées àleur intention.Droits en matière de logement –les orphelinsEn vertu de la législation nationale, les orphelinsenregistrés auprès des autorités, âgés de moins de30 ans et sans domicile font partie des catégories depersonnes auxquelles les logements sociaux doiventêtre accordés en priorité. Cette disposition n’étaittoutefois presque jamais appliquée et nombreuxétaient ceux qui vivaient toujours dans des dortoirs depensionnats désaffectés et délabrés ou avaient peineà louer des logements privés de qualité inférieure.n En juin, la police a expulsé de force MjaftoniXhymertaj, 22 ans, et son petit garçon de la chambred’internat qu’elle partageait avec une autre personne, àTirana. L’opération se serait déroulée sans que la jeunefemme ait reçu de notification écrite préalable, et sanspossibilité de recours. Aucune solution de relogementne lui a été proposée. Élevée dans un orphelinat,Mjaftoni Xhymertaj est sans emploi et vit dans un granddénuement. Elle souffre de problèmes de santé.Mjaftoni Xhymertaj a, par la suite, été autorisée àregagner le pensionnat mais elle n’a aucune sécuritéd’occupation. Ces conditions de vie ne sontabsolument pas adaptées à une famille avec un jeuneenfant.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Une délégation d’Amnesty International s’est rendue en Albanie ennovembre.4 Amnesty International demande l’ouverture d’une enquête sur desmanifestations en Albanie (PRE01/025/2011).ALGÉRIERÉPUBLIQUE ALGÉRIENNE DÉMOCRATIQUE ET POPULAIREChef de l’État :Abdelaziz BouteflikaChef du gouvernement :Ahmed OuyahiyaPeine de mort :abolie en pratiquePopulation :36 millionsEspérance de vie :73,1 ansMortalité des moins de cinq ans : 32,3 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 72,6 %Le gouvernement a levé l’état d’urgence en vigueurdepuis 1992 mais il a maintenu des restrictionssévères sur la liberté d’expression, d’association etde réunion ainsi que sur les pratiques religieuses.Les forces de sécurité ont eu recours à une forceexcessive pour disperser certaines manifestationset réprimer des émeutes ; plusieurs personnes ontété tuées. Cette année encore, les détenusrisquaient d’être torturés ou autrement maltraités.Les femmes continuaient d’être victimes dediscrimination en droit et en pratique et ellesAAmnesty International - Rapport 201211


An’étaient pas suffisamment protégées contre lesviolences liées au genre, y <strong>com</strong>pris au sein de lafamille. Aucune mesure n’a été prise pour luttercontre l’impunité dont bénéficiaient lesresponsables d’atteintes graves aux droits humains<strong>com</strong>mises par le passé. Des condamnations à mortont été prononcées, mais aucune exécution n’a eulieu. Des groupes armés ont mené des attaques quiont coûté la vie à des civils.ContexteÀ la suite de protestations de masse en janvier,parfois ac<strong>com</strong>pagnées d’émeutes, desmanifestations ont eu lieu tout au long de l’annéepour dénoncer la hausse du coût de la vie, etnotamment du prix des denrées alimentaires, ainsique le chômage, les mauvaises conditions delogement, la corruption des autorités et la violencedes forces de sécurité. Bon nombre de cesmanifestations étaient organisées par la Coordinationnationale pour le changement et la démocratie,organisation regroupant des partis d’opposition, dessyndicats et des organisations de défense des droitshumains. Ce rassemblement a été formé en janvieraprès que des manifestations et des émeutes eurentété violemment réprimées par les forces de sécurité ;plusieurs personnes ont été tuées. Des centaines ontété blessées et des centaines d’autres ont étéarrêtées.Les autorités ont pris des initiatives pour répondreà certaines revendications des manifestants, ensupprimant temporairement les taxes sur certainsproduits alimentaires de base et en levant, en février,l’état d’urgence en vigueur depuis 1992. En avril, leprésident Abdelaziz Bouteflika a annoncé unprogramme de réformes, dont l’adoption de nouvelleslois libéralisant les élections et les médias et ladésignation d’une <strong>com</strong>mission chargée de réformer laConstitution. Ces réformes n’avaient toutefois pas étépleinement mises en œuvre à la fin de l’année, etplusieurs lois parmi celles adoptées par la suite ontété critiquées pour leur timidité.Le gouvernement a autorisé les rapporteursspéciaux des Nations unies sur la liberté d’expressionet le logement à se rendre en Algérie mais, <strong>com</strong>meles années précédentes, il n’a adressé aucuneinvitation au rapporteur spécial sur la torture ni auGroupe de travail sur les disparitions forcées ouinvolontaires, qui sollicitaient pourtant de longue datel’autorisation de se rendre dans le pays.Liberté d’expression, d’association et deréunionLes autorités continuaient de restreindre la libertéd’expression et de prohiber les rassemblementspublics non autorisés. En janvier, des manifestationsde masse à Alger, à Oran et dans d’autres villes ontété dispersées violemment par des milliers d’agentsde la police antiémeutes et autres forces de sécurité ;plusieurs personnes ont été blessées ou tuées. Dansles semaines qui ont suivi, des milliers de membresdes forces de sécurité ont été déployés alorsqu’étaient lancés des appels à manifester le12 février à Alger et dans d’autres villes. Danscertaines régions, les autorités auraient égalementbloqué l’accès aux réseaux sociaux Facebook etTwitter afin d’entraver l’organisation et la coordinationdes manifestations.Après la levée de l’état d’urgence le 24 février, lesmanifestations sont devenues légales dans tout lepays, hormis dans la capitale, sous réserve del’obtention préalable d’une autorisation. Cetteautorisation était toutefois souvent refusée. Denombreuses manifestations non autorisées ontnéanmoins eu lieu à Alger et ailleurs. Les forces desécurité les ont généralement dispersées à l’aide degaz lacrymogène et de canons à eau ; desmanifestants ont été arrêtés. Certains d’entre euxont été inculpés et renvoyés devant des juridictionspénales pour « attroupement illégal non armé » etvoies de fait contre les forces de sécurité. La plupartont été relaxés par la suite. En décembre, leParlement a adopté une nouvelle loi sur les médiasqui restreignait les activités des journalistes dans lesdomaines tels que la sûreté de l’État, la souveraineténationale et les intérêts économiques, punissant delourdes peines d’amende quiconque lesenfreindrait.Des organisations de défense des droits humainsont affirmé que les autorités leur refusaient parfoisl’autorisation de tenir des réunions. Des syndicalistesse sont plaints d’être harcelés par les forces desécurité. Le gouvernement aurait refusé d’autoriser lacréation d’associations ou de partis politiquesnouveaux, indiquant aux demandeurs qu’ils devaientattendre l’adoption de nouvelles lois. En décembre, leParlement a adopté une loi sur les associations quiconférait aux autorités des pouvoirs étendus desuspension ou de dissolution des ONG et renforçaitencore les restrictions pesant sur l’enregistrement etle financement de celles-ci.12 Amnesty International - Rapport 2012


Lutte contre le terrorisme et sécuritéDes attaques ont été menées par des groupes armésdont, en particulier, Al Qaïda au Maghreb islamique(AQMI). Visant dans la plupart des cas desinstallations militaires, elles ont aussi coûté la vie àdes civils. Plus de 100 membres présumés d’AQMI etd’autres groupes armés islamistes auraient été tuéspar les forces de sécurité, souvent dans descirconstances peu claires faisant craindre quecertains de ces homicides n’aient été des exécutionsextrajudiciaires.n Une attaque d’AQMI contre une caserne à Cherchellle 26 août aurait entraîné la mort de deux civils et de16 soldats.En février, un décret présidentiel a conféré àl’armée le pouvoir de lutter contre le terrorisme, dansle même temps qu’il levait l’état d’urgence. Égalementen février, un décret présidentiel modifiant le Code deprocédure pénale a conféré aux juges le pouvoird’astreindre pour plusieurs mois consécutifs lespersonnes soupçonnées d’actes de terrorisme àdemeurer dans des « résidences protégées », dontl’emplacement était tenu secret ; ceci permettait enfait le maintien en détention secrète pendant delongues périodes.Les personnes soupçonnées d’actes de terrorismeet placées en garde à vue par des agents duDépartement du renseignement et de la sécurité(DRS), le service de renseignement militaire, étaientsemble-t-il torturées et maltraitées. Dans certains caselles étaient maintenues au secret dans desconditions pouvant constituer une disparition forcée.n Abdelhakim Chenoui et Malik Medjnoun ont étécondamnés le 18 juillet à 12 ans d’emprisonnement, àl’issue d’un procès manifestement inique. Ils ont étédéclarés coupables du meurtre du chanteur kabyleLounès Matoub, perpétré plusieurs annéesauparavant. Les deux hommes étaient incarcérés sansjugement depuis 1999. La décision du tribunal sefondait sur des « aveux » qui auraient été extorqués àAbdelhakim Chenoui sous la contrainte et sur lesquelsil était ensuite revenu.Droits des femmesLes femmes continuaient de subir des discriminationsdans la législation et dans la pratique. En particulier,aux termes du Code de la famille de 2005, les droitsdes femmes étaient subordonnés à ceux des hommesen matière de mariage, de divorce, de garded’enfants et d’héritage.En mai, à la suite de sa visite en Algérie le moisprécédent, la rapporteuse spéciale des Nations uniessur la violence contre les femmes, ses causes et sesconséquences a déclaré que le gouvernement avaitpris des mesures positives dans le domaine des droitsdes femmes. Elle a toutefois exhorté les autorités àagir pour <strong>com</strong>battre la violence persistante contre lesfemmes dans la famille, le harcèlement sexuel et lastigmatisation des mères célibataires et des femmesvivant seules.En novembre, l’Assemblée populaire nationale aadopté une loi visant à améliorer la représentation desfemmes au Parlement. En revanche, elle n’a pasadopté les projets qui prévoyaient un quota de 30 %de femmes dans toutes les circonscriptions et ladésignation de femmes en tête de liste lors desélections.n En juin et en juillet, dans la ville septentrionale deM’sila, des groupes de jeunes hommes auraientattaqué des femmes qu’ils accusaient de prostitution.Impunité – disparitions forcéesCette année encore, les autorités n’ont pris aucunemesure pour enquêter sur les milliers de disparitionsforcées et autres violations graves des droits humainsqui ont eu lieu au cours du conflit interne des années1990 ni pour faire en sorte que les responsables deces agissements aient à rendre <strong>com</strong>pte de leursactes. Elles ont continué de mettre en application laCharte pour la paix et la réconciliation nationale(Ordonnance n° 06-01), qui accorde l’impunité auxforces de sécurité, rend passibles de poursuites lespersonnes qui critiquent le <strong>com</strong>portement de cesforces et octroie l’amnistie aux membres de groupesarmés responsables d’atteintes flagrantes aux droitshumains. Les familles de disparus faisaient l’objet depressions afin qu’elles acceptent, <strong>com</strong>me conditionpour pouvoir prétendre à une indemnisation, descertificats-type indiquant que leur proche étaitdécédé mais ne précisant ni la date ni la cause dudécès. Les forces de sécurité ont dispersé desmanifestations organisées par des familles dedisparus.Liberté de religion et de convictionCette année encore, des chrétiens, parmi lesquelsdes convertis, ont été persécutés pour exercice decultes sans autorisation, aux termes de l’Ordonnancen° 06-03 qui réglemente les croyances autres que lareligion d’État, l’islam. En vertu de ce texte législatif,AAmnesty International - Rapport 201213


Ales chrétiens demeuraient confrontés à des obstaclespour construire ou entretenir des églises. En mai, lepréfet de la wilaya (division administrative) de Béjaïa,dans le nord-est du pays, a ordonné la fermeture detoutes les églises en s’appuyant sur cetteordonnance. Cette décision a été annulée par leministre de l’Intérieur.n Le 25 mai, un tribunal de la cité Djamel, à Oran, acondamné Abdelkarim Siaghi à cinq ansd’emprisonnement assortis d’une lourde amende. Cemusulman converti au christianisme a été déclarécoupable d’« offense au prophète Mahomet » à l’issued’un procès inique, sans que la défense ait pu procéderà un contre-interrogatoire des témoins. AbdelkarimSiaghi était en liberté à la fin de l’année, et attendaitqu’il soit statué sur son appel.Peine de mortLes tribunaux ont continué à prononcer descondamnations à mort, dans la plupart des cas àl’encontre de personnes jugées par contumace pourdes infractions liées au terrorisme. La dernièreexécution a eu lieu en 1993.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Algérie enfévrier/mars.ALLEMAGNERÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D’ALLEMAGNEChef de l’État :Christian WulffChef du gouvernement :Angela MerkelPeine de mort :aboliePopulation :82,2 millionsEspérance de vie :80,4 ansMortalité des moins de cinq ans : 4,2 ‰Aucun organisme indépendant chargé de traiter lesplaintes contre la police n’a été créé. Plusieurs États(Länder) ont continué de renvoyer des Roms auKosovo contre leur gré, alors qu’ils risquaient d’yfaire l’objet de persécutions et de discrimination.L’action engagée devant la justice pénale contre lesanciens président et vice-président des Forcesdémocratiques de libération du Rwanda, inculpésde crimes contre l’humanité et de crimes de guerre,s’est poursuivie.Surveillance internationaleEn mai, le Comité des droits sociaux, économiques etculturels [ONU] a demandé instamment àl’Allemagne de signer le Protocole facultatif serapportant au Pacte international relatif aux droitséconomiques, sociaux et culturels ; l’État a égalementété exhorté à faire en sorte que les « politiquesrelatives aux investissements des entreprisesallemandes à l’étranger servent la cause des droitséconomiques, sociaux et culturels dans les paysd’accueil » et que les demandeurs d’asile puissentaccéder à l’aide sociale, aux soins et à l’emploi dansles mêmes conditions que le reste de la population.En novembre, le Comité contre la torture [ONU] are<strong>com</strong>mandé à l’Allemagne, afin d’empêcher latorture et d’autres formes de mauvais traitements, de« ne pas se fier automatiquement aux informationsdonnées par les services du renseignement d’autrespays » et d’interdire à toutes les autorités et agencesallemandes de mener des enquêtes à l’étranger s’ilexiste un risque que ces investigations impliquent lacoopération d’agences étrangères soupçonnées decoercition. Le Comité s’est déclaré préoccupé parl’absence d’enquête sur l’implication de l’Allemagnedans des « restitutions extraordinaires ». Il aégalement re<strong>com</strong>mandé que toutes les allégationsd’actes de torture et de mauvais traitements <strong>com</strong>mispar la police fassent l’objet d’une enquête menée pardes organes indépendants, et a déploré que, dans laplupart des Länder, les policiers ne soient pas tenusde porter des badges d’identification.Torture et autres mauvais traitementsLes enquêtes concernant des accusations de mauvaistraitements n’ont pas toujours été conduites demanière efficace, parce que tous les Länder n’étaientpas dotés d’un organe indépendant chargé d’instruireles plaintes contre la police et que l’identification despoliciers était difficile. En juin, le Land de Berlin a<strong>com</strong>mencé à introduire un système d’identification,en remettant à tous ses policiers une plaqueindiquant leur nom ou un numéro.n L’enquête sur l’usage excessif de la force lors d’unemanifestation qui s’était déroulée à Stuttgart enseptembre 2010 était en cours. En mars, le tribunalcantonal de Stuttgart a condamné un fonctionnaire depolice à une amende de 6 000 euros pour avoir aspergé14 Amnesty International - Rapport 2012


de gaz poivre une femme qui participait à un sit-in.L’avocat de quatre manifestants grièvement blessésaux yeux par un canon à eau a demandé ledessaisissement du procureur général, au motif qu’ilmanquait d’impartialité.n Le 4 août, le tribunal régional de Francfort a accordédes dommages et intérêts à Markus Gäfgen pour lepréjudice moral qu’il avait subi en 2002, lorsque deuxpoliciers venus l’arrêter car il était soupçonné d’avoirenlevé un jeune garçon de 11 ans avaient menacé delui infliger des souffrances intolérables. Le tribunal aqualifié ces menaces de « traitement inhumain » ausens de la Convention européenne des droits del’homme.Réfugiés et demandeurs d’asileLe 13 janvier, le ministre fédéral de l’Intérieur aordonné la suspension pour un an des renvois dedemandeurs d’asile vers la Grèce au titre duRèglement Dublin II (voir Grèce). En novembre, lamesure de suspension a été prolongée jusqu’au12 janvier 2013.Les autorités ont lancé le 9 novembre un programmepermanent de réinstallation. Le quota annuel pour lestrois premières années a été fixé à 300.Les demandeurs d’asile qui pénétraient sur leterritoire allemand à partir d’un aéroport et faisaientl’objet d’une procédure d’examen accélérée étaientgénéralement retenus dans la zone de transit. Auxyeux des autorités, cette pratique ne s’apparentait pasà une privation de liberté.Plusieurs Länder ont continué de renvoyer desRoms, des Ashkalis et des « Égyptiens » au Kosovocontre leur gré, alors qu’ils risquaient toujours d’y êtrela cible de persécutions et de différentes formes dediscrimination. Selon des informations parues dans lapresse en août, les autorités du Bade-Württembergont arrêté temporairement les renvois. En décembre,le Land de Rhénanie du Nord-Westphalie a suspendujusqu’au 1 er avril 2012 tout renvoi au Kosovo de Romsconsidérés <strong>com</strong>me vulnérables (familles avec enfants,femmes seules et personnes âgées, entre autres).Les demandeurs d’asile continuaient de ne paspouvoir prétendre aux mêmes aides sociales que lereste de la population. Les prestations qui leur étaientversées n’équivalaient pas au minimum vital et étaientinférieures de 31 % à celles des résidentspermanents. La Cour constitutionnelle fédérale devaitse prononcer sur la loi relative aux prestationssociales pour les demandeurs d’asile.Droits des migrantsLes services sociaux demeuraient soumis àl’obligation de signaler au service des étrangers lespersonnes en situation irrégulière quand ils leurremettaient des bons de santé pour des soins nonurgents. Cette disposition <strong>com</strong>promettait le droit à lasanté des migrants sans papiers. Des modifications àla Loi relative au séjour des étrangers prévoyant quele personnel éducatif ne serait plus tenu à cessignalements ont été adoptées.Lutte contre le terrorisme et sécuritéPlusieurs aspects de la politique gouvernementale enmatière de lutte contre le terrorisme suscitaienttoujours des inquiétudes. Les dispositionsréglementaires d’application de la Loi relative auséjour des étrangers prévoyaient le recours aux« assurances diplomatiques » pour justifier le renvoide terroristes présumés dans des pays où ilsrisquaient la torture ou d’autres mauvais traitements.Le gouvernement a refusé de déclarer qu’ils’interdirait d’échanger des informations et decoopérer avec les services de renseignement d’Étatsnotoirement connus pour pratiquer la torture.En avril, le journal TAZ a indiqué qu’un témoinouzbek, A. S., était mort dans sa prison de Tachkent,d’une crise cardiaque selon certaines informations. Ilavait été interrogé sur place par des enquêteursallemands en juin et en septembre 2008, enprésence des services de sécurité ouzbeks, alorsmême que le rapporteur spécial des Nations uniessur la torture a établi que la torture était pratiquée defaçon systématique dans les prisons d’Ouzbékistan.n En janvier, le citoyen allemand Khaled El Masri arenoncé à faire appel de la décision rendue endécembre 2010 par le tribunal administratif deCologne. À l’époque, il avait été débouté de sa plaintecontre l’État allemand, auquel il reprochait de ne pasavoir demandé l’extradition de 13 ressortissants desÉtats-Unis soupçonnés de l’avoir transféré illégalementen Afghanistan en 2004.Crimes de droit internationalLe procès des Rwandais Ignace Murwanashyaka etStraton Musoni s’est ouvert en mai devant le tribunalrégional supérieur de Stuttgart. Ces deux hommes,qui ont été respectivement président et vice-présidentdes Forces démocratiques de libération du Rwanda,étaient accusés d’avoir <strong>com</strong>mandité, par téléphone etpar Internet, 26 crimes contre l’humanité etAAmnesty International - Rapport 201215


A39 crimes de guerre <strong>com</strong>mis en RDC entrejanvier 2008 et novembre 2009. Il s’agissait dupremier procès tenu en Allemagne en vertu du Codedes crimes contre le droit international, entré envigueur en 2002.Commerce des armesAlors que le gouvernement soutenait l’adoption d’untraité global sur le <strong>com</strong>merce des armes, l’Allemagnea autorisé à plusieurs reprises des transferts d’armessusceptibles de contribuer à des violations des droitshumains. Des médias ont révélé en juillet que legouvernement allemand avait donné son accord deprincipe à la livraison de quelque 200 chars de<strong>com</strong>bat Leopard 2 à l’Arabie saoudite.Visites et documents d’AmnestyInternational4 Germany: Briefing to the UN Committee against Torture 2011(EUR 23/002/2011).ANGOLARÉPUBLIQUE D’ANGOLAChef de l’État et du gouvernement : José Eduardo dos SantosPeine de mort :aboliePopulation :19,6 millionsEspérance de vie :51,1 ansMortalité des moins de cinq ans : 160,5 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 70 %Les autorités ont restreint la liberté de réunion enfaisant un usage excessif de la force, en procédant àdes arrestations et des placements en détentionarbitraires et en engageant des poursuites pénales.La police a eu recours à une force excessive, etplusieurs personnes ont été tuées. Des restrictionscroissantes ont été imposées aux journalistes. Deuxprofessionnels des médias ont été jugés et déclaréscoupables de diffamation pour avoir écrit desarticles critiques. De nouvelles expulsions forcéesont eu lieu. Le gouvernement s’est dérobé à sonengagement de reloger 450 familles chassées dechez elles. Cette année encore des Congolais ont étévictimes de violations des droits humains aumoment de leur expulsion d’Angola.ContexteCritiqué par la société civile qui y voyait un danger pourla liberté d’expression et d’information, un projet de loiérigeant en infraction pénale la cybercriminalité a étéretiré en mai. On craignait cependant qu’il ne soit denouveau présenté ou que les dispositions de ce textene soient incorporées dans le Code pénal, en cours deréforme.Des manifestations antigouvernementales ont étéorganisées tout au long de l’année pour réclamer ladémission du président. En septembre, l’une d’entreelles a dégénéré en violences après que desmembres présumés des Services de renseignementet de sûreté de l’État eurent infiltré les participants.Selon les informations reçues, ils ont saccagé des<strong>com</strong>merces et des habitations et ont frappé despersonnes, y <strong>com</strong>pris des journalistes. Plusieursmanifestants ont été arrêtés.En septembre, les autorités de la province deLuanda ont défini par arrêté les zones où pouvaientse tenir les rassemblements et les manifestations. Laplace de l’Indépendance, où la plupart desmanifestations antigouvernementales ont eu lieu aucours de l’année, n’y figurait pas.En juin, le Parlement a adopté une loi contre laviolence domestique.En juillet, le président a inauguré la première phasedu projet de la cité de Kilamba, <strong>com</strong>prenant20 000 nouveaux appartements, 14 écoles, un hôpitalet 12 centres de santé. D’autres projets deconstruction de logements sociaux dans diversesrégions du pays ont été annoncés tout au long del’année.En août, les services de l’immigration de l’aéroportinternational de Luanda ont opposé un refus d’entréeà plusieurs délégués d’organisations de la sociétécivile venus assister au Forum de la société civile dela Communauté de développement de l’Afriqueaustrale (SADC), organisé en marge du sommet deschefs d’État de la SADC. Des visas devaientnormalement leur être délivrés à leur arrivée àl’aéroport. Deux journalistes mozambicains quidevaient couvrir le sommet se sont également vurefuser l’accès au pays. Ils étaient pourtant enpossession de visas en bonne et due forme.En novembre, des députés de l’opposition se sontretirés d’un débat parlementaire sur le nouveaupaquet législatif concernant les élections générales de2012. Selon l’Union nationale pour l’indépendancetotale de l’Angola (UNITA), les projets de texte16 Amnesty International - Rapport 2012


contenaient des dispositions anticonstitutionnelles. LaLoi organique sur la Commission nationale électoralea été adoptée en décembre.Expulsions forcéesDes expulsions forcées ont eu lieu cette annéeencore, dans une moindre mesure toutefois que lesannées précédentes. Des milliers de personnesrestaient sous la menace d’une telle opération. Desexpulsions planifiées ont été suspendues. Plusieursmilliers de familles expulsées de force dans le passén’avaient toujours pas été indemnisées.En juin, le gouvernement a annoncé que plus de450 familles de Luanda dont l’habitation avait étédémolie entre 2004 et 2006 seraient relogées à partirde septembre. Le processus n’avait pas <strong>com</strong>mencé àla fin de l’année.Les démolitions planifiées dans le quartier d’ArcoÍris, dans le centre de Lubango, ont été annulées enaoût par le gouverneur de la province de Huíla parceque le site où devaient être réinstallées quelque750 familles n’offrait pas de conditions de viesatisfaisantes. Un délai d’un mois, prolongé par lasuite d’un mois, avait été accordé aux habitants pourqu’ils quittent leur domicile. On leur avait proposé des’installer dans une zone isolée située à 14 km de laville.n Selon les informations recueillies, des agentsmunicipaux protégés par des membres armés de lapolice militaire et de la police nationale ont expulsé deforce en août 40 familles de Quilómetro 30, situé dans lequartier de Viana à Luanda, après que les terrains eurentsemble-t-il été cédés à une entreprise privée. D’aprèsSOS Habitat, une organisation locale de défense du droitau logement, les agents ont démoli les habitations detoutes les personnes qui n’étaient pas chez elles,détruisant également leurs effets personnels. FirminoJoão Rosário aurait été abattu par la police alors qu’iltentait de s’interposer pour empêcher les démolitions.Un autre habitant, Santos António, aurait été touché à lamain par une balle.n En octobre, des membres des services<strong>com</strong>munautaires de l’administration municipale deLubango (province de Huíla), protégés par la policenationale, ont démoli 25 logements appartenant à desfamilles du quartier de Tchavola. Les policiers présentsse sont livrés à des brutalités et ont procédé à desarrestations arbitraires. Toutes les personnesappréhendées ont été relâchées le jour même. Leshabitations détruites appartenaient à des familles quiavaient été relogées dans le quartier après avoir étéchassées de chez elles, en mars 2010 et après, pourpermettre la réalisation de travaux de rénovation de laligne ferroviaire passant à Lubango.Police et forces de sécuritéCertains policiers ne conservaient pas une attitude deneutralité dans l’exercice de leurs fonctions. Cela aété le cas en particulier lors de plusieursmanifestations antigouvernementales. Ils ont recouruà une force excessive, utilisant notamment deschiens, des gaz irritants pour les yeux et des tirs àballes réelles pour disperser les participants ; ils ontégalement procédé à des arrestations et desplacements en détention arbitraires.n En septembre, des policiers ont tiré à balles réelleslors d’une manifestation organisée par desconducteurs de moto-taxi à Kuito, dans la province deBié. Deux manifestants sont morts après avoir ététouchés à la tête et dans le dos, et six autres ont étéblessés. Les motocyclistes protestaient contre les abusde pouvoir <strong>com</strong>mis par des policiers, accusés deconfisquer les motos de chauffeurs exerçantlégalement leur activité dans la province et d’avoirarrêté arbitrairement et maltraité plusieurs chauffeurslors d’un contrôle. À la connaissance d’AmnestyInternational, aucun agent n’a été traduit en justicepour avoir usé d’une force excessive et perpétré ceshomicides illégaux.Plusieurs policiers ont été accusés d’avoir utiliséune arme à feu et tué des personnes alors qu’ilsn’étaient pas en service. La plupart n’avaient pas eu àrépondre de leurs actes devant la justice à la fin del’année.n Le 12 novembre, un policier qui n’était pas enservice aurait abattu Francisco dos Santos au moyend’une arme délivrée par la police. La victime étaitintervenue pour séparer deux enfants qui se battaientdans le quartier de Rangel, à Luanda. Des témoins ontexpliqué que l’un des enfants avait appelé son père, unfonctionnaire de police, qui était arrivé sur les lieux ets’était mis à tirer avant de prendre la fuite. Touché pardeux balles dans le dos, Francisco dos Santos est mortà l’hôpital un peu plus tard dans la journée. À la fin del’année, le policier était toujours en fuite et aucunearrestation n’avait eu lieu dans le cadre de cette affaire.Liberté d’expression – journalistesDes restrictions croissantes ont été imposées auxjournalistes. Plusieurs ont été détenus pendant deAAmnesty International - Rapport 201217


Acourtes périodes ou frappés par des policiers ou desmembres présumés des Services de renseignementet de sûreté de l’État, et ont vu leur matériel confisquéou détruit pendant qu’ils couvraient desmanifestations antigouvernementales. Deuxjournalistes accusés de diffamation ont étécondamnés à une peine d’emprisonnement.n En mars, Armando Chicoca, contributeur pour laradio Voice of America, a été déclaré coupable dediffamation et condamné à un an d’emprisonnementpour avoir écrit deux articles au sujet d’allégations deharcèlement sexuel et de corruption concernant leprésident du tribunal de la province de Namibe.Armando Chicoca a été mis en liberté sous caution enavril, en attendant qu’il soit statué sur son appel.n En octobre, William Tonet, directeur et propriétairedu journal Folha 8, a été déclaré coupable dediffamation envers trois généraux de l’armée en 2007.Il a été condamné à une peine d’un and’emprisonnement assortie d’un sursis de deux ans età une amende de 10 millions de kwanzas (plus de100 000 dollars des États-Unis). Il s’est pourvu enappel, mais aucune décision n’avait été prise à la fin del’année.Liberté de réunionLa liberté de réunion a été restreinte partout dans lepays. Utilisant dans certains cas des chiens et desarmes à feu, la police a parfois recouru à une forceexcessive pour réprimer des manifestations ; elle aarrêté arbitrairement des manifestants et desjournalistes. Certains ont été relâchés au bout dequelques heures ou de quelques jours sans avoir étéinculpés ; des dizaines d’autres ont été jugés pourdésobéissance et résistance à l’autorité.n Lors d’une manifestation en mars, arguant qu’elleagissait à titre préventif pour « empêcher desconséquences incalculables », la police a interpellétrois journalistes et 20 manifestants. Ils ont été libérésquelques heures plus tard, sans avoir été inculpés. Desarrestations ont eu lieu lors d’autres manifestations, enmai, septembre et octobre. Le 9 septembre, la police autilisé des chiens pour disperser plusieurs centaines depersonnes qui s’étaient rassemblées devant un tribunaloù 21 prévenus étaient jugés à la suite d’unemanifestation tenue six jours plus tôt. Vingt-septpersonnes ont alors été arrêtées et inculpéesd’agression contre les forces de sécurité. Le19 septembre, un tribunal a classé l’affaire faute depreuves. Cependant, le 12 septembre, 18 des21 prévenus ont été reconnus coupables dedésobéissance, de résistance et de coups et blessures.Ce jugement a été infirmé par la Cour suprême le14 octobre et ils ont tous été remis en liberté.Prisonniers d’opinion et prisonniersd’opinion présumésBien que la loi aux termes de laquelle ils avaient étéinculpés ait été abrogée en décembre 2010,33 membres de la Commission sur le manifestejuridique et sociologique du protectorat des Lundas-Tchokwés sont restés en détention provisoire jusqu’enmars. La Cour suprême a alors ordonné leur remiseen liberté. Ils n’ont pas été indemnisés pour leurdétention illégale.Arrêtés et placés en détention en octobre 2010,deux autres membres de la Commission, MárioMuamuene et Domingos Capenda, ont étécondamnés en mars à un an d’emprisonnement pourrébellion. Ils n’ont pas été libérés à l’expiration de leurpeine, en octobre. Avec cinq autres prisonniers(Sérgio Augusto, Sebastião Lumani, José Muteba,António Malendeca et Domingos Henrique Samujaia),ils ont observé une grève de la faim en mai, puis uneautre en octobre, pour protester contre leur maintienen détention et leurs conditions d’incarcérationdifficiles.Droits des migrantsLe Comité international pour le développement despeuples a recensé au moins 55 000 expulsions deressortissants de la République démocratique duCongo (RDC) cette année. Au moins 6 000 d’entreeux ont déclaré avoir subi des violences sexuelles.Personne n’a été amené à rendre des <strong>com</strong>ptes pourles atteintes aux droits humains <strong>com</strong>mises les annéesprécédentes lors des expulsions de migrantscongolais d’Angola. À la suite d’une visite dans lepays en mars, la représentante spéciale chargée de lalutte contre les violences sexuelles dans les conflitsarmés a fait part de ses préoccupations quant auxallégations persistantes de violences sexuellesperpétrées par les forces armées contre des migrantscongolais lors des expulsions. Le ministre angolaisdes Affaires étrangères a nié ces allégations. Ennovembre, la représentante spéciale a demandé auxgouvernements d’Angola et de RDC d’enquêter à cesujet et de traduire en justice les responsablesprésumés de ces agissements. En décembre, leministre des Affaires étrangères a déclaré que le18 Amnesty International - Rapport 2012


gouvernement allait se concerter avec les Nationsunies sur le dossier des expulsions d’étrangers.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Bien que les autorités continuent d’affirmer qu’aucun visa pourl’Angola n’a jamais été refusé à Amnesty International, ceux sollicités enoctobre 2008, octobre 2009 et novembre 2010 n’avaient toujours pas étéaccordés.4 L’Angola s’apprête à expulser de force des centaines de familles(PRE01/414/2011).ARABIE SAOUDITEROYAUME D’ARABIE SAOUDITEChef de l’État et du gouvernement : Abdallah bin Abdul Azizal SaoudPeine de mort :maintenuePopulation :28,1 millionsEspérance de vie :73,9 ansMortalité des moins de cinq ans : 21 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 86,1 %Des manifestations annoncées et inspirées par lesévénements qui se déroulaient dans d’autres paysde la région ont été réprimées brutalement. Descentaines de personnes qui avaient protesté ou oséappeler à la réforme ont été arrêtées ; certaines ontété traduites en justice pour des infractions d’ordrepolitique ou liées à la sécurité. Des milliers depersonnes soupçonnées d’infractions liées à lasécurité ont été maintenues en détention. Lesystème judiciaire fonctionnait dans l’opacité et l’onn’obtenait pas d’information sur les détenus, y<strong>com</strong>pris les prisonniers d’opinion ; il était toutefoisévident que le recours à la torture n’avait pas cesséet que des procès continuaient à se dérouler demanière manifestement inéquitable. Cette annéeencore, des châtiments cruels, inhumains etdégradants, et en particulier la flagellation, ont étéprononcés et appliqués. Les femmes et les fillesétaient victimes de discriminations graves dans lalégislation et en pratique, ainsi que de violences.Une intensification des campagnes en faveur desdroits des femmes a entraîné des arrestations, maisa aussi permis de modestes améliorations. Commeles années précédentes, des travailleurs migrantsont été exploités et maltraités par leurs employeurs,le plus souvent en toute impunité. Au moins82 prisonniers ont été exécutés ; ce chiffre étaitnettement supérieur à celui des deux annéesprécédentes.ContexteÀ la suite de la programmation, début 2011, demanifestations en faveur de la réforme, legouvernement a accordé aux citoyens de nouveauxavantages, pour un montant annoncé de quelque127 milliards de dollars des États-Unis. Lesmanifestations ont toutefois continué de manièresporadique, notamment dans la province de l’Est, oùelles étaient organisées par des chiites qui seplaignaient de discrimination et réclamaient lalibération des prisonniers politiques. Le 5 mars, leministère de l’Intérieur a réaffirmé l’interdictionabsolue de manifester ; une intense mobilisation desforces de sécurité, associée à des menaces, aempêché la tenue d’une « Journée de la colère » le11 mars, à l’appel des partisans de la réforme. Aucours de l’année, plusieurs centaines de personnesont été arrêtées en lien avec des manifestations ; ils’agissait essentiellement de membres de la minoritéchiite et de militants favorables à la réforme et aurespect des droits des femmes. Beaucoup ont étélibérées sans avoir été inculpées.Le 15 mars, à la demande semble-t-il de la familleroyale bahreïnite, 1 200 soldats saoudiens à bord dechars et d’autres véhicules blindés ont emprunté lepont-jetée reliant l’Arabie saoudite à Bahreïn, pourparticiper à la répression des manifestations en faveurde la réforme qui se tenaient dans ce pays.Lutte contre le terrorisme et sécuritéUn nouveau projet de loi antiterroriste a été examinépar le Conseil consultatif, organe qui conseille le roi ;il n’avait pas été adopté à la fin de l’année. Ce texte,dans la version qu’Amnesty International s’étaitprocurée, prévoyait d’ajouter de vastes pouvoirs àceux que possédait déjà le ministère de l’Intérieur ;en outre, il rendait passible d’une peined’emprisonnement quiconque était considéré <strong>com</strong>meayant critiqué le roi ou exprimé son opposition augouvernement. S’il était adopté, les suspectspourraient être détenus sans inculpation ni jugementpour une période potentiellement indéterminée. Unefois inculpés, ils risqueraient d’être jugés au cours deprocès inéquitables, en première instance et enappel, alors même que certaines infractions seraientAAmnesty International - Rapport 201219


Apassibles de la peine de mort. Par ailleurs, le projetde loi autorisait le ministre de l’Intérieur à ordonnerdes écoutes téléphoniques et des perquisitionsdomiciliaires sans autorisation judiciaire. La définitiontrop large du terrorisme dans ce texte faisait craindrequ’il ne serve à pénaliser l’expression légitime de ladissidence ou à la réprimer.Des milliers de gens soupçonnés d’infractions liéesà la sécurité ont été maintenus en détention sans êtreinculpés, dans bien des cas pendant de longuespériodes, bien que la détention sans jugement nepuisse légalement dépasser six mois. Parmi euxfiguraient des opposants, certains détenus depuis desmois, d’autres depuis plusieurs années. Denombreuses personnes détenues pour des motifs desécurité se trouvaient ainsi en détention provisoiredepuis de longues années ; d’autres avaient étécondamnées pour des actes qui ne sont pasconsidérés <strong>com</strong>me des crimes au regard du droitinternational.Les personnes soupçonnées de ce typed’infractions sont généralement maintenues au secretaprès leur arrestation et durant la période desinterrogatoires, qui peut se prolonger pendant desmois, avant d’être autorisées à recevoir la visite deleur famille. Beaucoup sont maltraitées, voiretorturées. Généralement, leur détention dure jusqu’àce que les pouvoirs publics décident qu’elles neconstituent pas une menace pour la sécurité ouqu’elles s’engagent à ne pas participer à des activitésd’opposition. Certaines sont remises en liberté, puisrapidement interpellées à nouveau ; beaucoup sontplacées en détention sans inculpation ni jugement.Il était toujours impossible d’établir de manièreindépendante <strong>com</strong>bien de personnes étaientemprisonnées pour des motifs de sécurité ou parcequ’on les soupçonnait d’actes de terrorisme ; desdéclarations gouvernementales faites ces dernièresannées donnaient toutefois un ordre de grandeur. Enfévrier, le ministre de la Justice a annoncé que leTribunal pénal spécial de Riyadh avait prononcé unjugement préliminaire dans 442 dossiers concernant765 personnes soupçonnées d’infractions liées à lasécurité. En avril, le ministère de l’Intérieur a indiquéque 5 831 personnes détenues pour ce typed’infractions avaient été remises en liberté au coursdes dernières années, dont 184 depuis le début de2011 ; 616 autres étaient en cours d’interrogatoire ;sur les 5 080 détenus dont l’interrogatoire étaitterminé, 1 612 avaient été déclarés coupablesd’« infractions liées au terrorisme » et 1 931 autresétaient en attente d’un éventuel renvoi devant leTribunal pénal spécial. Par ailleurs, le ministère del’Intérieur a précisé que 486 personnes déclaréescoupables d’infractions liées à la sécurité avaient étéindemnisées pour avoir été maintenues en détentionau-delà de l’expiration de leur peine.Liberté d’expressionÉtendue en janvier aux publications en ligne, la Loisur la presse et les publications a de nouveau étémodifiée en avril, dans un sens renforçant lesrestrictions à la liberté d’expression. Parmi lespersonnes détenues sans inculpation ni jugement, oucondamnées à l’issue de procès inéquitables aucours desquels elles n’avaient pas été assistées d’unavocat, figuraient divers partisans de réformes, dontdes défenseurs des droits humains, des personnesplaidant pacifiquement pour une réforme politique etdes membres de minorités religieuses.n Abdul Aziz al Wuhaibi et six autres hommes ont étéarrêtés le 16 février, une semaine après avoir demandé,avec d’autres, que soit reconnu le parti islamiqueOumma, qui serait ainsi devenu le premier partipolitique saoudien. Ils ont été maintenus pratiquementau secret dans la prison d’al Hair, et on leur a demandéde renoncer à leurs activités politiques. Cinq d’entreeux ont été libérés par la suite, mais Abdul Aziz alWuhaibi, qui avait refusé de signer une telledéclaration, a été inculpé. Il a été condamné enseptembre à sept ans d’emprisonnement, à l’issue d’unprocès d’une iniquité flagrante. Il était accusé, entreautres, d’avoir « désobéi au souverain » de l’Arabiesaoudite.n Sheikh Tawfiq Jaber Ibrahim al Amer, religieux chiite,a été arrêté en février après avoir appelé à des réformespolitiques dans un prêche. Il a été détenu au secretpendant une semaine puis remis en liberté. Denouveau arrêté le 3 août après qu’il eut persisté àréclamer des réformes, il a été inculpé pour avoir« aiguillonné l’opinion publique ».n Mohammed Saleh al Bajady, homme d’affaires etcofondateur de l’Association saoudienne des droitscivils et politiques (ACPRA), une ONG de défense desdroits humains, a été arrêté le 21 mars. Il avait pris partla veille à une manifestation devant le ministère del’Intérieur à Riyadh. Ce prisonnier d’opinion aurait étéinculpé de charges liées à la création de l’ACPRA etaccusé d’atteinte à la réputation de l’État et dedétention de livres interdits. Son procès s’est ouvert20 Amnesty International - Rapport 2012


mais ses avocats n’ont pas été autorisés à le rencontrerni à assister aux audiences.n Fadhel Maki al Manasif, militant des droits humainset défenseur des droits de la minorité chiite, a été arrêtéle 1 er mai et détenu au secret jusqu’au 22 août, date desa remise en liberté. Il a de nouveau été interpellé le2 octobre après être intervenu alors que la policearrêtait deux hommes âgés. Il a été autorisé àtéléphoner à sa famille le 10 octobre, mais n’a pas puensuite rencontrer ou appeler ses proches ni unavocat, ce qui faisait craindre qu’il ne soit torturé.n En novembre, 16 hommes, dont neuf éminentspartisans de la réforme qui avaient tenté de créer uneassociation de défense des droits humains, ont étécondamnés à l’issue d’un procès d’une iniquitéflagrante à des peines allant de cinq à 30 ansd’emprisonnement. Jugés par le Tribunal pénalspécial, instauré pour traiter les affaires de terrorisme,ils ont notamment été déclarés coupables deconstitution d’une organisation secrète, tentative deprise du pouvoir, provocation contre le roi, financementdu terrorisme et blanchiment d’argent. Certains d’entreeux avaient déjà été détenus sans inculpation pendanttrois ans et demi, et interrogés en l’absence de leursavocats, et plusieurs avaient été maintenus endétention prolongée à l’isolement. Pendant des mois,leurs avocats et leurs familles n’ont pas pu obtenird’informations précises concernant les chargesretenues contre eux ; l’accès à bon nombred’audiences – elles auraient débuté en mai – leur a parailleurs été refusé.n Firas Buqna, Hussam al Darwish et Khaled al Rashidont été arrêtés le 26 octobre à la suite de la publicationd’un épisode de leur programme en ligne « On noustrompe », qui traitait de la pauvreté à Riyadh. Ils ont étérelâchés 15 jours plus tard.Répression de la dissidenceLes autorités ont réprimé les tentatives d’organisationde mouvements de protestation. Les personnes quiessayaient de manifester étaient arrêtées et soumisesà d’autres formes de répression.n Muhammad al Wadani, enseignant, a été arrêté le4 mars à Riyadh lors d’une manifestation en faveur dela réforme. À la fin de l’année, il était semble-t-iltoujours maintenu au secret, probablement dans laprison d’al Hair.n Khaled al Johani, la seule personne qui s’étaitdéplacée pour manifester à l’occasion d’une « Journéede la colère » prévue à Riyadh le 11 mars, a été arrêté.Inculpé de soutien à un mouvement de protestation etde <strong>com</strong>munication avec des médias étrangers, il étaittoujours détenu à la fin de l’année. Maintenu au secretet à l’isolement pendant les deux premiers mois de sonincarcération dans la prison d’Ulaysha, il a peut-êtreété torturé. Il a ensuite été transféré à la prison d’al Hair,à Riyadh, et a été autorisé à recevoir la visite de safamille.n Rima bint Abdul Rahman al Jareesh, membre del’ACPRA, et Sharifa al Saqaabi ont été arrêtées avecune dizaine d’autres personnes alors qu’ellesmanifestaient devant le ministère de l’Intérieur, le3 juillet. Elles faisaient partie d’un groupe de près de50 hommes, femmes et enfants qui réclamaient unprocès équitable ou la remise en liberté de leursproches de sexe masculin détenus sans inculpation nijugement, certains depuis 10 ans. Les personnesarrêtées ont été relâchées après s’être engagées parécrit à ne plus manifester, à l’exception de Rima bintAbdul Rahman al Jareesh et Sharifa al Saqaabi, qui ontété détenues pendant deux jours dans une prison àQasim, au nord de Riyadh. Elles avaientprécédemment signé des pétitions appelant à desréformes.Des centaines de chiites ont été arrêtés à la suitede protestations dans la province de l’Est. La plupartont été relâchés, mais plusieurs étaient maintenus endétention à la fin de l’année.n Hussain al Yousef et Hussain al Alq, contributeursréguliers à un site internet chiite qui évoqueessentiellement les problèmes auxquels est confrontéela minorité chiite en Arabie saoudite, figuraient aunombre des 24 personnes arrêtées les 3 et 4 mars à lasuite de mouvements de protestation dans la villed’Al Qatif contre le maintien de chiites en détentionprolongée. Au moins trois manifestants auraient étébattus et frappés à coups de pied par des policiers. Ilsont été relâchés sans inculpation le 8 mars après avoirsigné un engagement de ne plus manifester. Hussain alYousef a de nouveau été arrêté le 27 mars et incarcéréjusqu’au 18 juillet. Selon certaines informations, ilsouffrait lorsqu’il a été libéré de fortes douleurs dans ledos, et pouvait à peine se déplacer.Droits des femmesLes femmes continuaient de subir de gravesdiscriminations, dans la législation et la pratique. Ellesdevaient obtenir la permission d’un tuteur masculinpour voyager, exercer un emploi rémunéré, faire desétudes supérieures ou se marier, et leur témoignageAAmnesty International - Rapport 201221


Aen justice avait moins de poids que celui deshommes. Les violences domestiques restaientsemble-t-il très répandues.Des femmes se sont jointes aux appels en faveurde réformes et se sont organisées pour défendre leursdroits. Un groupe a lancé sur Internet la campagneWomen2Drive et a appelé les femmes titulaires d’unpermis de conduire international à prendre le volantsur les routes d’Arabie saoudite le 17 juin. Ellesauraient été très nombreuses à répondre à l’appel ;certaines ont été arrêtées et ont dû signer unengagement de ne plus prendre le volant. Deux aumoins étaient en attente de procès. Ce mouvementest ensuite devenu partie d’une nouvelle campagneplus vaste en faveur des droits des femmes nomméeMon droit, ma dignité.En septembre, le roi a annoncé qu’à partir de 2015les femmes auraient le droit de voter et de seprésenter aux élections municipales, le seul scrutinpopulaire ; elles pourront aussi être membres duConseil consultatif.n Manal al Sharif, consultante en sécuritéinformatique, a été arrêtée le 22 mai après avoir étécontrôlée la veille par la police alors qu’elle conduisait,ac<strong>com</strong>pagnée de son frère, dans la ville d’Al Khubar.Elle avait également diffusé le 19 mai, sur le site deWomen2Drive, une vidéo dans laquelle on la voyait auvolant. Elle a été libérée 10 jours plus tard.n Shaimaa Jastaniyah a été condamnée le27 septembre à recevoir 10 coups de fouet pour avoirconduit une voiture. La sentence a été confirmée par letribunal de Djedda qui l’avait prononcée. L’affaire étaiten instance d’appel à la fin de l’année.Droits des migrantsComme les années précédentes, des travailleursmigrants ont été exploités et maltraités par leursemployeurs, tant dans le secteur public que privé.Les victimes n’avaient pratiquement aucunepossibilité d’obtenir réparation. Parmi les mauvaistraitements les plus répandus figuraient les horairesexcessifs de travail, le non-paiement des salaires etles violences, particulièrement envers les employéesde maison. Celles qui fuyaient un garant qui lesmaltraitait se retrouvaient souvent sur le marché dutravail illégal, dans des conditions encore pires.n La patronne de Sumiati binti Salan Mustapa, uneemployée de maison indonésienne qui avait dûrecevoir des soins à l’hôpital en 2010 après avoir étélacérée, brûlée et battue, a été condamnée en octobreà quatre mois d’emprisonnement. Elle a toutefois étéremise en liberté, au vu du temps qu’elle avait déjàpassé en détention. Il s’agissait de l’un des rares cas dece genre déférés à la justice.Torture et autres mauvais traitementsDe nouvelles informations ont fait état de torture et demauvais traitements, des méthodes qui étaientsemble-t-il couramment utilisées pour extorquer des« aveux » aux suspects.n Un détenu chiite, dont l’identité est tenue secrète enraison de craintes pour sa sécurité, a déclaré àAmnesty International qu’il avait été torturé pendant10 jours, jusqu’à ce qu’il accepte de signer des« aveux ». Il affirme avoir été contraint de rester deboutles bras en l’air pendant de longues périodes, et avoirété battu à coups de câble électrique et frappé auvisage, dans le dos et à l’estomac. On l’a égalementmenacé de le faire violer par d’autres prisonniers.Châtiments cruels, inhumains etdégradantsLa flagellation était régulièrement infligée par lestribunaux et appliquée à titre de peine principale ou<strong>com</strong>plémentaire. Plus de 100 hommes et femmes ontété condamnés à des peines de flagellation.n En décembre, la Cour suprême a confirmé lessentences prononcées à l’encontre de six bédouins, àsavoir l’amputation croisée de la main droite et du piedgauche pour « banditisme de grand chemin ». Lors deleur procès, devant un tribunal de Riyadh en mars2011, aucun de ces six hommes n’avait été assisté oureprésenté par un avocat. Une cour d’appel auraitconfirmé la condamnation en octobre.n Le 23 décembre, à Riyadh, le Nigérian Abdul SamadIsmail Abdullah Husawy a été amputé de la main droitepour vol.Peine de mortLe nombre d’exécutions signalées a fortementaugmenté : 82 personnes au moins ont étéexécutées, soit plus du triple du chiffre de 2010. Aumoins cinq femmes et 28 étrangers figuraient aunombre des suppliciés. Au moins 250 prisonniersétaient sous le coup d’une sentence capitale, certainspour des infractions n’impliquant aucune violence,<strong>com</strong>me l’apostasie et la sorcellerie. Beaucoup étaientdes étrangers condamnés pour des infractions à lalégislation sur les stupéfiants à l’issue de procèsinéquitables.22 Amnesty International - Rapport 2012


n Ruwayti Beth Sabutti Sarona, une Indonésiennedéclarée coupable du meurtre de son employeur,aurait été décapitée le 18 juin. Selon certaines sources,ni sa famille ni le gouvernement indonésien n’avaientété informés à l’avance de son exécution.n Deux Saoudiens, Muhammad Jaber Shahbah al Jaidet son frère Saud Jaber Shahbah al Jaid, ont étéexécutés le 30 juillet. Ils avaient été condamnés à morten 1998 pour meurtre. Les deux hommes n’avaient paseu la possibilité de consulter un avocat lors du procèsde première instance, et Saud Jaber Shahbah al Jaidaurait fait des « aveux » sous la contrainte lorsque lesautorités, pour faire pression sur lui, ont arrêté sonpère, un homme âgé. Leurs familles n’auraient pas étéinformées à l’avance des exécutions.n Abdul Hamid bin Hussain bin Moustafa al Fakki, unSoudanais, a été décapité à Médine le 19 septembre.Arrêté en 2005, il avait été inculpé et déclaré coupablede sorcellerie après avoir semble-t-il accepté de jeterun sort à la demande d’un homme qui travaillait pour lapolice religieuse. Il aurait été battu en détention etcontraint d’« avouer » s’être livré à la sorcellerie. Safamille n’aurait pas été informée à l’avance de sonexécution et elle n’aurait pas été autorisée à rapatrierson corps.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Cette année encore, les autorités ont refusé d’autoriser AmnestyInternational à envoyer une délégation dans le pays. Des fonctionnaires del’ambassade d’Arabie saoudite au Royaume-Uni ont rencontré desdélégués de l’organisation en juillet et ont protesté contre la publicationpar Amnesty International du projet de loi antiterroriste.4 Saudi Arabia: Repression in the name of security, partiellement traduiten français sous le titre Arabie saoudite. Réprimer au nom de la sécurité(MDE 23/016/2011).4 Arabie saoudite. Recrudescence des exécutions (MDE 23/025/2011).4 Arabie saoudite : un projet de loi antiterroriste étoufferait lescontestations pacifiques (PRE01/357/2011).4 Le site Internet d’Amnesty International « bloqué en Arabie saoudite »(PRE01/364/2011).4 Arabie saoudite. Exécution d’un homme condamné pour « sorcellerie »(PRE01/466/2011).4 Arabie saoudite. La condamnation d’une femme à une peine deflagellation pour avoir pris le volant « dépasse l’entendement »(PRE01/486/2011).ARGENTINERÉPUBLIQUE ARGENTINEChef de l’État et du gouvernement : Cristina Fernándezde KirchnerPeine de mort :aboliePopulation :40,8 millionsEspérance de vie :75,9 ansMortalité des moins de cinq ans : 14,1 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 97,7 %Les enquêtes et les poursuites concernant lesviolations des droits humains <strong>com</strong>mises au coursdes années de régime militaire ont connu desavancées significatives. Des populations indigènesont été menacées d’expulsion de leurs terresancestrales. L’accès à l’avortement légaldemeurait difficile.ContexteLa présidente Cristina Fernández de Kirchner a étéréélue en octobre, avec la perspective, pour le partiau pouvoir, de contrôler les deux chambres duCongrès les deux années suivantes.En avril, le crime de disparition forcée a été inscritdans le Code pénal argentin, conformément à lare<strong>com</strong>mandation formulée par la Commissioninteraméricaine des droits de l’homme dans l’affaireIván Eladio Torres Millacura, disparu en 2003.En octobre, l’Argentine a ratifié le Protocolefacultatif se rapportant au Pacte international relatifaux droits économiques, sociaux et culturels.Après s’être rendue en Argentine au mois d’avril, larapporteuse spéciale des Nations unies sur lelogement convenable s’est déclarée préoccupée parl’augmentation du nombre d’expulsions violentesfrappant les habitants de quartiers informels, lespaysans et les populations indigènes.Droits des peuples indigènesCette année encore, des <strong>com</strong>munautés indigènes ontété menacées d’expulsion malgré une interdictionglobale en vigueur jusqu’en novembre 2013, dansl’attente d’un recensement national des territoiresindigènes. À l’issue de sa visite en Argentine, ennovembre, le rapporteur spécial des Nations unies surles populations autochtones a fait part de sapréoccupation devant le nombre des expulsionsforcées, le manque de protection réelle des droits à laterre de ces <strong>com</strong>munautés et la nécessité d’unAAmnesty International - Rapport 201223


Amécanisme de consultation sur les projets qui lesaffectent.n En mai, les manifestations qui se succédaient dansle centre de Buenos Aires depuis cinq mois ont cesséquand le gouvernement a enfin rencontré la<strong>com</strong>munauté toba qom de La Primavera (province deFormosa). Le gouvernement a accepté de garantir lasécurité de cette dernière et d’entamer un dialoguepour débattre de la question des terres et de certainsautres droits fondamentaux des peuples indigènes.Néanmoins, la famille de Félix Díaz, dirigeant desTobas Qoms de La Primavera, a continué d’être la ciblede menaces et de manœuvres de harcèlement. FélixDíaz était inculpé dans une affaire liée audémantèlement violent par la police, ennovembre 2010, d’un barrage routier dressé par la<strong>com</strong>munauté ; cet épisode s’était soldé par la mort dedeux personnes, dont un policier.n En novembre, Cristian Ferreyra, dirigeant de la<strong>com</strong>munauté indigène lule vilela de San Antonio(province de Santiago del Estero) a été abattu. Ilparticipait à la défense des terres ancestrales de sa<strong>com</strong>munauté, menacées par la déforestation etl’extension des cultures de soja.n En août, un tribunal de la province de Tucumán aordonné la suspension de toute tentative d’expulsionde la <strong>com</strong>munauté indigène des Quilmes, à Colalao delValle, tant que les procédures visant à déterminer à quiappartiennent les lieux où ils vivent n’auront pas étémenées à leur terme. Cette <strong>com</strong>munauté étaitcontinuellement menacée d’expulsion.Justice et impunitéLes efforts visant à obtenir la condamnation desresponsables des graves violations des droits humains<strong>com</strong>mises pendant le régime militaire (1976-1983)ont produit des résultats significatifs.n En octobre, l’ex-capitaine de la marine Alfredo Astizet 15 autres militaires ont été condamnés à des peinesd’emprisonnement allant de 18 ans à la perpétuitépour leur implication dans 86 crimes contre l’humanité<strong>com</strong>mis à Buenos Aires, dans le centre de détentionsecrète installé au sein de l’École supérieure demécanique de la Marine (ESMA). Sous legouvernement militaire, des centaines de personnes yavaient été détenues après avoir été enlevées ;certaines sont mortes sous la torture ou après avoir étéjetées d’un avion en plein vol.n En avril, l’ancien général Reynaldo Bignone ainsique l’homme politique et ex-policier Luis Abelardo Pattiont été condamnés à la réclusion à perpétuité pourplusieurs meurtres, enlèvements et actes de torture<strong>com</strong>mis dans la ville d’Escobar pendant les années1970.n En mai, huit anciens soldats ont été condamnés à laréclusion à vie pour le massacre <strong>com</strong>mis à MargaritaBelén (province du Chaco), au cours duquel22 prisonniers politiques avaient été torturés puisexécutés.n En mai, les généraux à la retraite Luciano BenjamínMenéndez et Antonio Domingo Bussi ont été jugés, entant qu’officiers supérieurs, pour leur implicationdirecte dans des violences liées au genre infligées dansles années 1970 à des détenues d’un centre dedétention secrète de Villa Urquiza (province deTucumán), et dans une affaire de viols répétés – aveccirconstances aggravantes – sur une jeune femme de19 ans. Antonio Domingo Bussi est mort en novembre,alors qu’il était en résidence surveillée.Torture et autres mauvais traitementsDes images prises avec un téléphone portable etmontrant des gardiens de la prison San Felipe, dansla province de Mendoza, en train de torturer deuxprisonniers en 2010 ont été divulguées en février. Lesdétenus Matías Tello et Andrés Yacante, que desresponsables de la prison soupçonnaient d’êtreimpliqués dans la diffusion de ces images, ont étémenacés puis transférés à la prison d’Almafuerte où,selon leurs déclarations, ils ont été torturés. À la finde l’année, personne n’avait été traduit en justicedans cette affaire.Droits sexuels et reproductifsLes femmes souhaitant obtenir un avortement légalrencontraient encore des difficultés.n En avril, le Comité des droits de l’homme [ONU] adonné tort à l’État argentin, qui avait empêché unejeune femme handicapée de 19 ans, violée par sononcle en 2006, de bénéficier d’un avortement légal. LeComité a considéré que le refus par l’État de garantir àla jeune femme l’exercice du droit à l’interruption degrossesse lui avait causé une souffrance physique etmorale, et a ordonné à l’Argentine de lui verser desdommages et intérêts et de prendre des mesures pouréviter que des violations analogues ne se reproduisent.Utilisation excessive de la forceEn juillet, la police a fait usage d’une force excessivelors de l’évacuation de 700 familles qui s’étaient24 Amnesty International - Rapport 2012


installées sur un terrain privé à Libertador San Martín,dans la province de Jujuy. Quatre personnes, dont unpolicier, ont été tuées et au moins une trentained’autres ont été blessées. Le fonctionnaire de policechargé de l’opération a été révoqué et le ministre dela Sécurité et de la Justice du gouvernementprovincial a démissionné.ARMÉNIERÉPUBLIQUE D’ARMÉNIEChef de l’État :Serge SarkissianChef du gouvernement :Tigran SarkissianPeine de mort :aboliePopulation :3,1 millionsEspérance de vie :74,2 ansMortalité des moins de cinq ans : 21,6 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 99,5 %L’interdiction des rassemblements sur la placecentrale de la capitale a été levée et une loi sur lesrassemblements plus conforme aux normesinternationales a été adoptée. Un certain nombre depréoccupations persistaient néanmoins concernantl’application concrète du droit à la liberté de réunionnon violente. La torture et les autres mauvaistraitements en garde à vue constituaient toujours unmotif de préoccupation.ContexteUn important mouvement de contestation, emmenépar le Congrès national arménien (opposition), adémarré en février. Les participants exigeaient desréformes démocratiques, la libération de tous lesmilitants d’opposition arrêtés au lendemain desmanifestations qui avaient suivi les élections de 2008,ainsi qu’une nouvelle enquête sur les affrontementsqui avaient opposé la police aux manifestants et quiavaient fait 10 morts et plus de 250 blessés. Uneamnistie générale de toutes les personnesemprisonnées pour leur participation auxmanifestations de 2008 a été décrétée le 26 mai. Le20 avril, le président de la République a ordonné laréouverture de l’enquête sur les circonstances de lamort des 10 personnes tuées pendant lesévénements. Toutefois, personne n’avait été traduit enjustice pour une responsabilité quelconque danscette affaire à la fin de l’année.Liberté de réunionUn certain nombre d’améliorations en matière deliberté de réunion ont été relevées. L’interdiction desrassemblements sur la place de la Liberté, à Erevan, aété levée. Cette place était interdite aux manifestationsdepuis les affrontements de mars 2008.Les motifs de préoccupation n’avaient pas pourautant tous disparu. Le <strong>com</strong>missaire aux droits del’homme du Conseil de l’Europe a ainsi déploré enmai les pratiques tendant à entraver de manièreillégale et disproportionnée la tenue derassemblements pacifiques : intimidation etarrestation de participants, perturbation des moyensde transport et interdiction totale des rassemblementsen certains lieux, par exemple.La Commission de Venise du Conseil de l’Europe aexaminé la nouvelle loi sur les rassemblements et l’atrouvée, de façon générale, conforme aux normesinternationales, malgré la persistance d’un certainnombre de points contestables. La Commission s’estnotamment inquiétée de l’interdiction totale desrassemblements dans un certain périmètre autour dela Présidence, de l’Assemblée nationale et destribunaux ; du délai anormalement long de préavis(sept jours) à respecter pour toute manifestation ; etdu caractère trop large des articles de la loi prohibantles rassemblements destinés à renverser par la forcel’ordre constitutionnel ou à inciter à la haine ou à laviolence raciale, ethnique ou religieuse.Torture et autres mauvais traitementsLa torture et les autres formes de mauvais traitementsconstituaient toujours un motif de préoccupation.Dans un rapport publié en février, le Groupe de travailsur les détentions arbitraires [ONU] indiquait quenombre des détenus et prisonniers qu’il avait purencontrer s’étaient plaints d’avoir été maltraités etbrutalisés dans les locaux de la police. Les policiers etles enquêteurs avaient recours aux mauvaistraitements pour obtenir des aveux. De leur côté, lesprocureurs et les juges refusaient souvent de prendreen considération, dans la procédure judiciaire, leséléments faisant état de mauvais traitements.En août, le Comité européen pour la prévention dela torture a indiqué avoir reçu de nombreusesallégations dignes de foi concernant des mauvaistraitements, constituant dans certains cas des actesde torture, qui auraient été infligés à des détenus pardes policiers lors d’interrogatoires menés pendant lagarde à vue.AAmnesty International - Rapport 201225


ADes mesures ont été prises en cours d’année pourmettre en place un mécanisme national de prévention(organisme indépendant chargé d’inspecter lescentres de détention), conformément aux obligationscontractées par l’Arménie aux termes du Protocolefacultatif se rapportant à la Convention contre latorture. Un Conseil d’experts pour la prévention de latorture, devant faire office de mécanisme national deprévention, a été créé au sein des services dudéfenseur des droits humains. Sa <strong>com</strong>position et samission, qui ont fait l’objet de débats avec les ONG etdivers spécialistes, ont été approuvées. La procédurede recrutement a <strong>com</strong>mencé en octobre.n Le 9 août, sept jeunes militants d’oppositioninterpellés après un accrochage avec la police ontaffirmé avoir été battus et maltraités pendant leur gardeà vue. Ils auraient été frappés et arrêtés alors qu’ilstentaient de s’opposer à la fouille d’une autre personnepar la police. Ils ont fait circuler sur Internet des imagesprises selon eux avec leurs téléphones portables,montrant les traces de coups que certains d’entre euxportaient au visage et sur le dos. Les sept jeunesmanifestants ont été inculpés de hooliganisme et decoups et blessures sur la personne d’agents de l’État.Six d’entre eux ont été remis en liberté sous caution.Les accusations de mauvais traitements policiersn’avaient donné lieu à aucune enquête à la fin del’année.Prisonniers d’opinionEn décembre, 60 jeunes gens purgeaient une peined’emprisonnement parce qu’ils avaient refuséd’effectuer leur service militaire pour des raisons deconscience. Le service civil proposé en remplacementdemeurait sous le contrôle des autorités militaires.AUSTRALIEAUSTRALIEChef de l’État : Elizabeth II, représentée par Quentin BryceChef du gouvernement :Julia GillardPeine de mort :aboliePopulation :22,6 millionsEspérance de vie :81,9 ansMortalité des moins de cinq ans : 5,1 ‰L’Australie transgressait toujours les droits despeuples autochtones, notamment en omettantd’assurer les services les plus élémentaires sur lesterres ancestrales des Aborigènes. Les autoritésprivilégiaient une politique de dissuasion concernantles réfugiés, en recourant à la détention obligatoire,pour une durée indéterminée et dans des lieuxreculés, des demandeurs d’asile arrivés par bateau.Droits des peuples indigènesLe gouvernement continuait de restreindre les fondsaffectés au logement et aux services municipaux (telsque l’eau et les réseaux d’assainissement) sur lesterres ancestrales aborigènes du Territoire du Nord.De ce fait, certains Aborigènes ont été contraintsd’abandonner leur territoire traditionnel pour avoiraccès à ces services essentiels.Un groupe d’experts examinant la reconnaissancedes Australiens autochtones par la Constitution devaitsoumettre ses re<strong>com</strong>mandations au Parlement fédéralen décembre.JusticeLes habitants autochtones, qui représentent environ2,5 % de la population australienne, constituaient26 % de la population carcérale d’âge adulte. Lamoitié de tous les mineurs en détention dans le paysétaient des Aborigènes. Un rapport d’une <strong>com</strong>missionparlementaire relatif à la jeunesse aborigène et à lajustice rendu public en juin a fait état d’une haussede 66 % du taux d’emprisonnement des Aborigènesentre 2000 et 2009.n En septembre et en octobre, des agents d’unesociété de sécurité se sont vu infliger une amende pourn’avoir pas empêché la mort, en 2008, de M. Ward, unAborigène âgé qui avait été victime d’un coup dechaleur dans une voiture cellulaire.Réfugiés et demandeurs d’asileEn juillet, les gouvernements australien et malaisienont convenu d’« échanger » 800 demandeurs d’asile26 Amnesty International - Rapport 2012


arrivés en Australie par bateau contre 4 000 réfugiés(pour la plupart originaires du Myanmar) présents enMalaisie dans l’attente d’une réinstallation.n Quarante-deux demandeurs d’asile (des Afghansdans leur grande majorité), dont six garçons mineursnon ac<strong>com</strong>pagnés, ont contesté leur renvoi vers laMalaisie. Dans une décision importante rendue enaoût, la Haute Cour a estimé un tel « échange » nonvalide au regard de la Loi relative à l’immigration. Cetexte interdit à l’Australie de renvoyer des demandeursd’asile vers des pays n’offrant pas les garanties légalessuffisantes en matière de protection de réfugiés (voirMalaisie).En novembre, 5 733 migrants, dont 441 enfants, setrouvaient en détention. Trente-huit pour cent d’entreeux étaient détenus depuis plus de 12 mois. Lesautorités ont fait état d’une augmentation des taux desuicide et d’automutilation dans presque tous lescentres de détention, y <strong>com</strong>pris par des enfants âgésde seulement neuf ans. Le médiateur duCommonwealth a lancé, en juillet, une enquête dontles conclusions n’avaient pas été rendues à la fin del’année.En septembre, le gouvernement a adopté des loisen matière de protection <strong>com</strong>plémentaire, qui ontrenforcé les mesures de protection à l’intention despersonnes ayant subi des atteintes non couvertes parla Convention relative au statut des réfugiés – tellesque les mutilations génitales féminines, les crimes« d’honneur » et la peine de mort.Violences faites aux femmes et auxenfantsEn février, le Plan national de lutte contre lesviolences faites aux femmes et à leurs enfants a étéapprouvé par les autorités au niveau territorial, fédéralet des États.Surveillance internationaleEn janvier, le bilan de l’Australie en termes de droitshumains a été évalué pour la première fois au titre del’Examen périodique universel des Nations unies.L’Australie a accepté de ratifier le Protocole facultatifse rapportant à la Convention contre la torture etd’envisager de ratifier la Convention n° 169 del’Organisation internationale du travail (OIT)concernant les peuples indigènes et tribaux. Elle atoutefois refusé d’adopter une loi relative aux droitshumains, de mettre un terme à la détentionobligatoire des demandeurs d’asile, d’autoriser lemariage entre personnes de même sexe etd’indemniser les autochtones retirés de force à leursfamilles lorsqu’ils étaient enfants.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Le secrétaire général d’Amnesty International s’est rendu en Australieen octobre.4 Australia: ‘The land holds us’: Aboriginal Peoples’ right to traditionalhomelands in the Northern Territory (ASA 12/002/2011).AUTORITÉPALESTINIENNEAUTORITÉ PALESTINIENNEPrésident :Mahmoud AbbasChef du gouvernement :Salam FayyadPeine de mort :maintenuePopulation :4,2 millionsEspérance de vie :72,8 ansMortalité des moins de cinq ans : 29,5 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 94,6 %En Cisjordanie, les forces de sécurité de l’Autoritépalestinienne, contrôlée par le Fatah, ontarbitrairement arrêté et maintenu en détention despartisans du Hamas ; dans la bande de Gaza legouvernement de facto du Hamas a quant à luiarrêté et détenu de manière arbitraire despersonnes liées au Fatah. Dans les deux territoires,des détenus ont été torturés et maltraités en touteimpunité ; quatre hommes sont morts en détentionà Gaza. L’Autorité palestinienne et le Hamasimposaient des restrictions à la libertéd’expression et d’association, et leurs forces desécurité ont fait usage d’une force excessive contredes manifestants. À Gaza, au moins huitpersonnes ont été condamnées à mort et troisexécutions ont eu lieu. Aucune exécution n’a eulieu en Cisjordanie, mais un homme a étécondamné à mort. La crise humanitaire s’estpoursuivie pour les 1,6 million d’habitants de labande de Gaza, en raison du maintien du blocushumanitaire par Israël et des sanctions imposéespar d’autres États au gouvernement de factodu Hamas.AAmnesty International - Rapport 201227


AContexteIsraël continuait d’occuper la Cisjordanie – y <strong>com</strong>prisJérusalem-Est – et la bande de Gaza. Dans cecontexte, deux autorités palestiniennes distinctes etnon étatiques agissaient avec des pouvoirs limités : enCisjordanie, le gouvernement de l’Autoritépalestinienne dominé par le Fatah et, dans la bandede Gaza, le gouvernement de facto du Hamas.En septembre, le président palestinien MahmoudAbbas a présenté à l’ONU une demande d’adhésionde la Palestine <strong>com</strong>me État membre à part entière ;cette demande était toujours en cours d’examen à lafin de l’année. En octobre, la Palestine a été admise<strong>com</strong>me membre à l’UNESCO. Les négociations entreIsraël et l’Autorité palestinienne restaient dansl’impasse.Des négociations indirectes entre Israël et leHamas ont débouché sur la libération de Gilad Shalit,un soldat israélien retenu en otage à Gaza depuis2006. Il a été relâché le 18 octobre en échange de lalibération progressive de 1 027 prisonnierspalestiniens détenus par Israël, dont certains ont étéenvoyés en exil. Cet exil était la condition de leurremise en liberté.Les tentatives de réconciliation entre l’Autoritépalestinienne et le Hamas se sont poursuivies, sousl’égide de l’Égypte, en vue de la formation d’ungouvernement palestinien unifié. Un pacte d’unité aété signé au Caire en mai, mais il n’avait pas été misen œuvre à la fin de l’année.Malgré des annonces de cessez-le-feu, desgroupes armés palestiniens de Gaza ont tiré sansdiscrimination des roquettes et des obus de mortieren direction d’Israël et, de l’autre côté, les forcesisraéliennes ont mené des frappes aériennes quivisaient, selon elles, les Palestiniens de Gazaimpliqués dans ces actes.Israël continuait de contrôler les frontières etl’espace aérien et maritime de Gaza, et maintenait leblocus militaire en place depuis 2007. Ce blocus, quiavait de graves répercussions sur la population deGaza et en particulier sur les enfants et les personnesles plus vulnérables, a encore aggravé la situationhumanitaire. La réouverture, en mai, du point depassage de Rafah entre Gaza et l’Égypte a facilitél’accès de la population au monde extérieur sanspour autant améliorer la situation humanitaire. Israëlcontinuait d’interdire l’importation de toute une sériede marchandises, ce qui avait des conséquencesnégatives pour la sécurité alimentaire, la santé et lesinfrastructures locales. Dans les tunnels utilisés pourfaire entrer des biens en contrebande à Gaza, depuisl’Égypte, 36 Palestiniens ont été tués au cours defrappes aériennes ou dans des accidents.En Cisjordanie, Israël restreignait toujoursfortement la liberté de mouvement des Palestiniens etpoursuivait la construction et l’expansion de coloniessur des terres palestiniennes, en violation du droitinternational. Des colons juifs ont agressé desPalestiniens et détruit leurs biens dans une quasiimpunité.Trois Palestiniens, dont deux enfants, sontmorts lors d’attaques de cette nature. D’autres ont étéblessés. Huit colons israéliens, dont cinq membresd’une même famille, ont été tués par desPalestiniens.Arrestations et détentions arbitrairesEn Cisjordanie, les forces de sécurité de l’Autoritépalestinienne ont arrêté et emprisonné de manièrearbitraire plusieurs centaines de sympathisantsprésumés du Hamas ; pour la plupart, ceux-ci ont étémaintenus en détention en dehors de toute procédurelégale. Beaucoup ont été arrêtés en septembre, alorsque le président Mahmoud Abbas se trouvait au siègedes Nations unies, à New York.À Gaza, les forces de sécurité du Hamas ontarbitrairement arrêté et placé en détention descentaines de sympathisants présumés du Fatah. Laplupart ont été empêchés de contacter des avocats,et beaucoup ont été maltraités. La Commissionindépendante des droits humains, organisme decontrôle mis en place par l’Autorité palestinienne, aindiqué avoir reçu un certain nombre de plaintes pourdes arrestations arbitraires : plus de 1 000 enCisjordanie et plus de 700 à Gaza.Le Hamas n’autorisait toujours pas lesreprésentants de cette Commission à visiter lescentres de détention gérés par les services de lasécurité intérieure à Gaza. En Cisjordanie, l’Autoritépalestinienne leur a interdit l’accès aux centres dedétention du service des renseignements générauxentre mars et mai, après que la Commission eutcritiqué cet organe de sécurité.n Le 21 septembre, des agents de la sécuritépréventive de l’Autorité palestinienne ont arrêté SaedYassin et perquisitionné à son domicile, à Naplouse,sans présenter de mandat d’arrêt ou de perquisition.Cet homme a été détenu pendant cinq jours àl’isolement avant d’être présenté à un juge. Accuséd’« activités hostiles à l’Autorité palestinienne », il a été28 Amnesty International - Rapport 2012


elaxé et remis en liberté au bout de 22 jours. Ceux quil’interrogeaient lui ont dit qu’il avait été interpellé à titrepréventif dans le cadre de la visite du président Abbasà l’ONU.n Après avoir été convoqué à maintes reprises aux finsd’interrogatoire en 2011, Mohammed Matar, un jeunemilitant, a été placé en détention le 14 août par desagents des services de la sécurité intérieure à Gaza ; iln’a pas été autorisé à rencontrer sa famille ni un avocatjusqu’à sa remise en liberté, le 16 août. Ce jeunehomme a été interrogé à propos de ses voyages àl’étranger et de son implication dans le mouvement enfaveur de l’unité palestinienne.Torture et autres mauvais traitementsDes détenus ont été torturés et autrement maltraités,en particulier par des agents des services de sécuritépréventive et des renseignements généraux enCisjordanie, et par ceux de la sécurité intérieure àGaza. Dans les deux territoires, l’impunité pour cesactes était la règle. La Commission indépendante desdroits humains a indiqué avoir reçu plus de120 plaintes pour la Cisjordanie et plus de 100 pourGaza. Parmi les méthodes signalées figuraient lescoups, la suspension par les poignets ou les chevilleset le maintien prolongé debout ou assis dans despositions douloureuses (shabeh). La Commission aégalement reçu des plaintes pour torture ou mauvaistraitements infligés à des suspects par la police : plusde 50 en Cisjordanie et 100 à Gaza.Quatre hommes sont morts en détention à Gazadans des circonstances peu claires.n Adel Razeq serait mort quatre jours après soninterpellation sans mandat le 14 avril. Les autorités duHamas ont affirmé que son décès était dû à ladégradation de son état de santé, mais sa famille adéclaré qu’il était en bonne santé au moment de sonarrestation. Le Hamas a annoncé l’ouverture d’uneenquête ; les conclusions de celle-ci n’ont pas étérendues publiques.JusticeL’Autorité palestinienne a déclaré, le 16 janvier, queses services de sécurité respecteraient le Code deprocédure civile et que les civils ne seraient plusjugés par des tribunaux militaires. Toutefois, dans lapratique, les forces de sécurité de l’Autoritépalestinienne ne respectaient toujours pas lesdécisions de justice ordonnant la remise en libertédes détenus. De plus, des civils continuaient d’êtrejugés par des tribunaux militaires, qui n’étaient niindépendants ni impartiaux.À Gaza, le Hamas a cette année encore déféré descivils devant des juridictions militaires appliquant uneprocédure inique. Il a aussi fait appel à desprocureurs et à des juges autres que ceux nomméspar l’Autorité palestinienne, et qui n’avaient pas laformation, les <strong>com</strong>pétences et l’indépendancerequises.Liberté d’expression, d’association et deréunionL’Autorité palestinienne et le Hamas ont continué decontrôler étroitement la liberté d’expression,d’association et de réunion. Des journalistes, desblogueurs et d’autres personnes ayant critiqué lesautorités ont été harcelés et poursuivis en justice. Enmars, les forces de sécurité ont fait usage d’une forceexcessive contre des manifestants qui réclamaientl’unité nationale ; de très nombreuses personnes ontété arrêtées et emprisonnées de manière arbitraire.L’Autorité palestinienne et le Hamas ont tous deuxempêché l’organisation islamiste Hizb ut Tahrird’organiser des réunions, dispersé par la force desmanifestations pacifiques organisées par ce groupe etrestreint les activités d’autres partis politiques etd’ONG .n Le 30 janvier, ainsi que les 2 et 5 février, la police etles forces de sécurité de l’Autorité palestinienne ontviolemment dispersé des manifestations pacifiquesorganisées en solidarité avec celles qui se déroulaientdans d’autres pays de la région ; des manifestants etdes journalistes qui tentaient de rendre <strong>com</strong>pte desévénements ont été battus et interpellés.n En Cisjordanie, Abdul Sattar Qassim, enseignant àl’université et écrivain, a été arrêté le 25 août aprèsavoir été inculpé d’incitation et de diffamation par untribunal de Naplouse. Cet homme de 62 ans avaitaccusé l’université An-Najah de Naplouse de ne pasrespecter des décisions de justice ordonnant laréintégration de trois étudiants qui avaient étéexpulsés. Il a été remis en liberté sous caution quatrejours plus tard ; son procès n’était pas terminé à la finde l’année.n Des policiers du Hamas, en tenue et en civil, ont faitusage d’une force excessive le 15 mars pour disperserdes milliers de manifestants qui s’étaient rassemblésprès de la ville de Gaza pour réclamer uneréconciliation entre le Hamas et le Fatah. Lesmanifestants, y <strong>com</strong>pris des femmes, des journalistesAAmnesty International - Rapport 201229


Aet des militants des droits humains, ont été frappés àcoups de gourdin et de bâton. Les policiers ontégalement démoli des tentes installées par lesmanifestants, saisi le matériel de journalistes etprocédé à de très nombreuses arrestations.Violences faites aux femmes et aux fillesLes femmes et les filles continuaient d’être en butte àla discrimination, dans la législation et dans lapratique ; elles ont été victimes cette année encore deviolences liées au genre, y <strong>com</strong>pris de meurtres, de lapart de parents de sexe masculin. Des groupes dedéfense des droits humains à Gaza ont confirméqu’une femme avait été tuée dans un crimed’« honneur » en décembre.n En mai, la police a identifié le cadavre d’une jeunefemme de 20 ans, Ayat Ibrahim Baradiyya, qui avait ététuée par son oncle au nom de l’« honneur ». Le corpsavait été jeté dans un puits non loin d’Hébron plus d’unan auparavant. À la suite du tollé suscité par cetteaffaire, le président Abbas a abrogé au cours du mêmemois toutes les dispositions légales qui avaient permisaux hommes ayant <strong>com</strong>mis des meurtres au nom del’« honneur » de bénéficier d’une peine réduite.Peine de mortLes tribunaux civils et militaires de Gaza ont prononcéau moins huit condamnations à mort, notammentpour « collaboration » avec Israël. Trois hommes aumoins ont été exécutés : un a été passé par les armesle 4 mai et les deux autres, un père et son fils, ont étépendus le 26 juillet. Tous avaient été condamnés àl’issue de procès inéquitables.En Cisjordanie, un homme a été condamné à mortpar un tribunal militaire, entre autres pour meurtre. Iln’y a eu aucune exécution.Exactions perpétrées par des groupesarmésDes groupes armés palestiniens affiliés au Fatah, auDjihad islamique et au Front populaire de libérationde la Palestine (FPLP) ont tiré sans discrimination desroquettes et des obus de mortier en direction du sudd’Israël. Deux personnes ont été tuées et la vied’autres a été mise en danger. Les tirs de roquettesétaient plus nombreux qu’en 2010 mais beaucoupmoins que durant l’opération militaire israéliennePlomb durci, en 2008-2009.n Daniel Viflic, 16 ans, qui se trouvait à bord d’un carscolaire lorsque celui-ci a été touché par un missile tirédepuis Gaza le 7 avril, est mort des suites de sesblessures.n Vittorio Arrigoni, un militant italien, a été enlevé et tuéle 14 avril à Gaza par des islamistes. Les forces desécurité du Hamas ont tué deux suspects lors d’unraid, le 19 avril. Quatre autres suspects ont étéinculpés ; leur procès devant un tribunal militaire sepoursuivait à la fin de l’année.ImpunitéLes autorités du Hamas n’ont ordonné aucuneenquête sur les crimes de guerre présumés et lescrimes peut-être constitutifs de crimes contrel’humanité qui auraient été <strong>com</strong>mis à Gaza par l’ailemilitaire du Hamas et d’autres groupes arméspalestiniens durant l’opération Plomb durci.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Cisjordanie enmai et en novembre, et à Gaza en novembre.4 Israël et territoires palestiniens occupés. Évaluation mise à jourd’Amnesty International relative aux enquêtes menées par les autoritésisraéliennes et palestiniennes sur le conflit à Gaza (MDE 15/018/2011).4 The Palestinian bid for UN membership and statehood recognition(MDE 21/003/2011).AUTRICHERÉPUBLIQUE D’AUTRICHEChef de l’État :Heinz FischerChef du gouvernement :Werner FaymannPeine de mort :aboliePopulation :8,4 millionsEspérance de vie :80,9 ansMortalité des moins de cinq ans : 4,1 ‰L’Autriche n’avait toujours pas incorporé le crime detorture dans son droit interne. Les enfants eninstance d’expulsion risquaient davantage d’êtreplacés en détention.Surveillance internationaleEn janvier, le bilan de l’Autriche en matière dedroits humains a été examiné dans le cadre del’Examen périodique universel (EPU) des Nationsunies. Le gouvernement a accepté 131 des30 Amnesty International - Rapport 2012


161 re<strong>com</strong>mandations formulées et s’est engagé à lesmettre en œuvre en concertation avec la sociétécivile.Évolutions législatives, constitutionnelleset institutionnellesEn novembre, après consultation de la société civile,l’Autriche a adopté une loi instaurant un mécanismenational de prévention au sein du Bureau dumédiateur, <strong>com</strong>me l’exigeait le Protocole facultatif à laConvention contre la torture [ONU]. Les organisationsde la société civile s’interrogeaient toutefois sur laquestion de la totale indépendance de cemécanisme.Des modifications de la Loi relative à la police desécurité autorisant la police à surveiller des personnessans contrôle judiciaire étaient en instance d’adoptionà la fin de l’année.Torture et autres mauvais traitementsL’Autriche n’a pas incorporé le crime de torture dansson Code pénal, malgré les re<strong>com</strong>mandationsrépétées du Comité contre la torture [ONU].n Bakary J., un Gambien torturé par quatre policiersen 2006 après une opération d’expulsion non aboutie,n’avait pas encore obtenu réparation et risquaittoujours d’être expulsé. La Cour européenne des droitsde l’homme ne s’était pas encore prononcée sur laplainte qu’il avait déposée.n En janvier, le policier qui avait blessé Mike B., unenseignant noir de nationalité américaine, au coursd’une opération menée en février 2009 par des agentsen civil, a été condamné à une amende pour coups etblessures graves par le tribunal pénal régional deVienne. En septembre, le montant de l’amende a étéréduit à la suite d’une décision de la Cour suprêmeautrichienne.Police et forces de sécuritéEn juin, le tribunal pénal régional de Vienne acondamné trois hommes à des peines respectives deréclusion à perpétuité et de 19 ans et 16 ansd’emprisonnement pour l’homicide d’Oumar Israïlov,un réfugié tchétchène, perpétré le 13 janvier 2009.En mars, le tribunal administratif indépendant deVienne a rejeté une plainte selon laquelle la policen’aurait pas protégé la victime. Les recours forméscontre cette décision étaient en cours d’examendevant la Cour constitutionnelle et la Couradministrative.RacismeDes policiers ont de nouveau <strong>com</strong>mis des fautes dansl’exercice de leurs fonctions envers des étrangers etdes membres de minorités ethniques. En matière detraitement des actes discriminatoires, le systèmepénal présentait des faiblesses structurellesauxquelles il n’était pas correctement remédié ; iln’existait notamment aucun système global etcohérent permettant d’enregistrer et d’évaluer lesagissements de ce type.Droits des migrants et des demandeursd’asileBien que le gouvernement n’ait pas officiellementsuspendu les transferts de demandeurs d’asile vers laGrèce au titre du Règlement Dublin II, aucun transfertn’a eu lieu à la suite du jugement rendu par la Coureuropéenne des droits de l’homme dans l’affaireM.S.S. c. Belgique et Grèce (voir Belgique et Grèce).En juillet, une modification de la Loi relative auxétrangers est entrée en vigueur ; du fait des nouvellesdispositions, les mineurs étrangers âgés de 16 à18 ans risquaient davantage d’être placés endétention dans l’attente de leur expulsion.n À la suite du décès de Reza H., survenu en juillet2010 alors que ce demandeur d’asile afghan setrouvait dans un centre de détention de la police, leministère de l’Intérieur a procédé à une enquêteinterne. Reza H., qui avait déclaré être âgé de 16 ans,est mort des suites d’une tentative de suicide <strong>com</strong>misequelques mois plus tôt. Le ministère a par la suiteadopté des mesures afin d’améliorer l’échanged’informations entre les services chargés desdemandeurs d’asile et la police des étrangers. Lesenquêtes menées par le Bureau du médiateur étaienttoujours en cours à la fin de l’année.AAmnesty International - Rapport 201231


AAZERBAÏDJANRÉPUBLIQUE D’AZERBAÏDJANChef de l’État :Ilham AliyevChef du gouvernement :Artur RasizadePeine de mort :aboliePopulation :9,3 millionsEspérance de vie :70,7 ansMortalité des moins de cinq ans : 33,5 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 99,5 %Des manifestations non violentes ont été interditeset violemment dispersées. Un certain nombre demilitants d’opposition ont été emprisonnés. Laprotestation et la dissidence étaient réprimées, et laliberté d’expression, de réunion et d’associationsévèrement limitée.ContexteConséquence de l’exaspération croissante de lapopulation face à un régime autoritaire et du contrôleétroit exercé sur les personnes critiques à l’égard de cedernier, une série de manifestations s’est déroulée enmars et avril. Des centaines de personnes sontdescendues dans les rues de la capitale, Bakou, pourréclamer des réformes démocratiques et davantage derespect des droits humains. Le gouvernement a réagi àces premiers signes de mécontentement populaire parune nouvelle vague de répression et d’intimidation. Lespouvoirs publics ont jeté en prison des jeunes militantset des partisans de l’opposition à l’origine desmanifestations, et ont intensifié le harcèlement desorganisations de la société civile et des organes depresse qui s’étaient faits leurs porte-parole.Prisonniers d’opinionEynulla Fatullayev a été libéré le 26 mai, à la faveurd’une grâce présidentielle et à la suite d’uneimportante mobilisation internationale. Il avait purgéla moitié de la peine de huit ans et demid’emprisonnement à laquelle il avait été condamnésur la foi d’éléments fallacieux. Le 26 décembre,Jabbar Savalan, un jeune militant d’oppositionincarcéré, a été libéré en vertu d’une mesure degrâce présidentielle. Il avait été arrêté le 5 février, unjour après avoir fait suivre en ligne un article critiquevis-à-vis du gouvernement et lancé sur Internet desappels à participer à des mouvements deprotestation. Il aurait été frappé durant sa garde à vuepar des policiers qui voulaient lui faire signer des« aveux », puis condamné à plus de deux annéesd’emprisonnement pour détention de stupéfiants, unecharge forgée de toutes pièces.Seize militants et sympathisants de l’oppositionrestaient toutefois en détention en raison de leur rôledans les manifestations de mars et avril. Ils étaientconsidérés <strong>com</strong>me des prisonniers d’opinion.n À la suite des manifestations, 13 militants etmembres de partis politiques d’opposition ont étécondamnés pour avoir « organisé des troubles à l’ordrepublic » ou y avoir participé. Ils se sont vu infliger despeines allant jusqu’à trois ans d’emprisonnement, àl’issue de procès non équitables. Aucun élément depreuve n’a été produit permettant d’affirmer que cespersonnes avaient fait autre chose qu’exercer de façonlégitime leurs droits fondamentaux. Quatre de ces13 militants ont en outre été reconnus coupablesd’actes de violence spécifiques qui auraient été<strong>com</strong>mis au cours de ces manifestations.n Shahin Hasanli, l’un des organisateurs desmanifestations, a été arrêté le 31 mars et inculpé dedétention illégale de balles de pistolet. Reconnucoupable le 22 juillet, il a été condamné à deux ansd’emprisonnement. Lors de son procès, l’accusationn’a pas produit d’éléments indiquant qu’il était enpossession d’une arme à feu au moment de soninterpellation.n Le militant d’opposition Bakhtiyar Hajiyev, qui avaitappelé à manifester en ligne le 11 mars, a été reconnucoupable le 18 mai d’insoumission. Il a été condamné àdeux ans d’emprisonnement. Il avait été arrêté à troisreprises depuis sa candidature aux électionslégislatives de 2010, bien qu’il n’ait reçu un ordred’incorporation valable qu’à l’époque de sa deuxièmeinterpellation.n Le défenseur des droits humains Vidadi Isgandarov,ancien candidat aux élections au Parlement, a étécondamné le 27 août à trois ans d’emprisonnementpour ingérence dans le scrutin législatif de 2010. Arrêtépour sa participation aux manifestations du moisd’avril, il s’était vu notifier des chefs d’inculpation quiavaient ensuite été abandonnés, faute de preuves. Ilavait toutefois de nouveau été inculpé des mêmeschefs le 2 mai, alors qu’il venait tout juste d’être libéré.Liberté d’expression – journalistesLes journalistes indépendants ou d’opposition ont faitl’objet de violences accrues pendant lesmanifestations et ont été empêchés de faire leurtravail. À la fin de l’année, aucune enquête n’avait été32 Amnesty International - Rapport 2012


menée sur les violentes attaques dont plusieursd’entre eux avaient été victimes et les responsablesprésumés de ces agissements n’avaient pas ététraduits en justice.n Le 2 avril, plusieurs journalistes qui couvraient lesmanifestations hostiles au gouvernement ont étéinterpellés. Selon eux, des agents de la force publiqueles ont empêchés de prendre des photos etd’interviewer les manifestants.n Le 26 mars, Seymur Haziyev, journaliste au journald’opposition Azadlıq, aurait été enlevé et roué de coupspar six agresseurs masqués. Selon son témoignage,ces derniers l’ont averti qu’il ne devait plus écrired’articles critiquant le chef de l’État.n Le 3 avril, un autre journaliste d’Azadlıq, RaminDeko, aurait à son tour été enlevé, mis en garde contretoute velléité de rédiger des articles critiques à l’égarddu président de la République et brutalisé.Liberté de réunionL’interdiction des manifestations a de fait renduillégales les actions de protestation de mars et avril etpermis l’emprisonnement de nombre desorganisateurs et des participants.n Le 11 mars, la police a dispersé une centaine depersonnes qui tentaient de se rassembler à Bakou. Ellea procédé à 43 interpellations. Elle a également arrêtéet harcelé des personnes qui s’efforçaient de fairecirculer des informations sur les manifestations avantce rassemblement avorté.n Le 12 mars, les forces de sécurité ont disperséquelque 300 personnes qui manifestaientpacifiquement dans le centre de Bakou. Une centainede manifestants ont été arrêtés, dont une trentaine ontété condamnés à des peines allant de cinq à huit joursd’emprisonnement à l’issue de procès sommairesayant duré entre 10 minutes et un quart d’heure.n Le 2 avril, une autre manifestation qui avaitrassemblé un millier de personnes dans le centre deBakou a été violemment dispersée par des policierséquipés de boucliers, de matraques et de fusils, qui ontfrappé des participants et en ont arrêté certains. Cettemanifestation initialement pacifique a dégénérélorsque les forces de sécurité ont voulu interpeller desmanifestants, qui se sont rebellés. Il y a eu174 arrestations avant et après la manifestation ;60 personnes ont été sanctionnées par des peines decinq à 10 jours de détention administrative et quatreorganisateurs ont été incarcérés, certains pour unedurée allant jusqu’à trois ans.Liberté d’associationLes ONG militant pour les réformes démocratiques etle respect des droits humains ont fait l’objet depressions et de manœuvres de harcèlementcroissantes.n Le 4 mars, sans explication officielle ni motifjuridique apparent, les pouvoirs publics ont expulsé deleurs locaux trois ONG de la ville de Ganja : le Centre desurveillance des élections et d’études de la démocratie,l’Association publique Demos et le Centre régionald’information de Ganja.n Les antennes de Bakou de deux organisationsinternationales, l’Institut national démocratique et laMaison des droits humains, ont été fermées, les 7 et10 mars respectivement, au motif que les conditionsrequises pour leur enregistrement n’avaient pas étérespectées.n Le bureau de Leyla Yunus, directrice de l’Institutpour la paix et la démocratie, a été détruit le 11 août,quelques jours après qu’elle eut publiquementdénoncé les opérations d’expulsion et de démolitionmenées avec l’aval du gouvernement dans le centrede Bakou, dans le cadre d’un projet de rénovation.Les travaux de démolition ont démarré sans préaviset au mépris d’une décision de justice qui avaitinterdit toute action en ce sens avant le 13 septembre2011.Torture et autres mauvais traitementsPlusieurs militants arrêtés pendant et après lesmanifestations de mars et avril se sont plaints d’avoirété maltraités au moment de leur interpellation, puispendant leur garde à vue. Ces allégations n’avaientdonné lieu à aucune enquête à la fin de l’année.n Bakhtiyar Hajiyev a affirmé avoir été maltraité etmenacé de viol, alors qu’il se trouvait aux mains de lapolice, en mars. Ses accusations ont cependant étérejetées sans qu’une enquête sérieuse ait été menée.n Tural Abbaslı, dirigeant de la branche jeunesse duParti de l’égalité (Musavat), a déclaré avoir été frappéau moment de son arrestation, le 2 avril, puis, denouveau, pendant sa garde à vue au poste de policedu district de Yasamal, un quartier de Bakou.n Tazakhan Miralamli, membre du Parti du frontpopulaire d’Azerbaïdjan, une formation d’opposition,aurait été frappé à coups de matraque par despoliciers, lors de son arrestation, le 2 avril. Il a étégrièvement blessé à l’œil gauche. Il affirme avoir été denouveau frappé au poste du district de Sabail, avantd’être conduit à l’hôpital où, outre sa blessure à l’œil,AAmnesty International - Rapport 201233


Bles médecins ont diagnostiqué un doigt fracturé, desproblèmes rénaux et des lésions étendues des tissusmous.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Azerbaïdjan enmars et en novembre.4 Azerbaïdjan. Empêchez qu’on les réduise au silence. Des militantsazerbaïdjanais emprisonnés pour avoir osé s’exprimer (EUR 55/010/2011).4 The spring that never blossomed: freedoms suppressed in Azerbaijan(EUR 55/011/2011).BAHAMASCOMMONWEALTH DES BAHAMASChef de l’État :Elizabeth II,représentée par Arthur Alexander FoulkesChef du gouvernement : Hubert Alexander IngrahamPeine de mort :maintenuePopulation :0,3 millionEspérance de vie :75,6 ansMortalité des moins de cinq ans : 12,4 ‰Le traitement réservé aux migrants haïtiensconstituait un motif de préoccupation. Des cas demauvais traitements imputables à la police ont étésignalés. Une nouvelle loi relative à la peine capitalea été votée ; il n’y a eu aucune exécution.ContexteLa montée de la criminalité s’est poursuivie en 2011 ;127 homicides ont été enregistrés – un nombrerecord – ce qui représentait une hausse de 35 % parrapport à 2010. En novembre, le Parlement a adoptéde nouveaux textes de loi dont l’objectif déclaré étaitd’améliorer la justice pénale. Une étude officielle amontré que seulement 5 % des homicides <strong>com</strong>misentre 2005 et 2009 avaient débouché sur unecondamnation pour meurtre ou homicide involontaire.En juin, les autorités ont publiquement approuvé larésolution du Conseil des droits de l’homme [ONU]condamnant les discriminations fondées surl’orientation sexuelle.Police et forces de sécuritéCette année, au moins une personne a été tuée par lapolice dans des circonstances controversées.Des cas de recours excessif à la force et demauvais traitements imputables à des policiers ontété signalés en marge de plusieurs arrestations etplacements en détention.n Le 12 octobre, Samuel Darling a été frappé par despoliciers devant chez lui, avant d’être placé endétention de manière arbitraire. Quand sa femme, quiavait été témoin de son passage à tabac et de sonarrestation, s’est présentée avec son fils de huit ans auposte de police le plus proche pour signaler cesmauvais traitements, elle a été interpellée et accuséede trouble à l’ordre public. La famille a déposé uneplainte mais, à la fin de l’année, elle attendait toujoursles conclusions de l’enquête de police.Peine de mortAu moins cinq personnes étaient sous le coup d’unecondamnation à mort. Quatre d’entre elles avaientpassé plus de cinq ans en attente d’exécution. Ellesremplissaient les conditions pour bénéficier d’une<strong>com</strong>mutation de peine, en vertu d’un arrêt rendu en1993 par le Comité judiciaire du Conseil privé, la plushaute instance d’appel des Bahamas. Celui-ci avaitconsidéré qu’une exécution perpétrée au terme decinq années passées dans l’antichambre de la mortconstituait un châtiment inhumain et dégradant.Dans le contexte du débat sur la sécurité publique,les autorités ont présenté le maintien de la peinecapitale <strong>com</strong>me une mesure dissuasive. En novembre,une loi a été adoptée qui rendait obligatoires, pourcertaines catégories de meurtres, la peine de mort oul’« emprisonnement de la personne condamnéependant toutes les années qui lui restent à vivre ».Violences faites aux femmesLe projet de loi qui avait été soumis au Parlement en2009 en vue d’ériger le viol conjugal en infractionpénale n’avait toujours pas été voté à la fin de 2011.En octobre, la secrétaire d’État du Développementsocial a déclaré publiquement que le gouvernementn’avait pas l’intention de présenter à nouveau ce texteavant les élections générales, prévues en mai 2012.D’après les statistiques de la police, 13 femmes ontété tuées entre les mois de janvier et d’août. Leprécédent record datait de 2009, année durantlaquelle 10 femmes avaient été assassinées.Réfugiés et migrantsLes autorités bahamiennes n’ont pas suivi les deuxorganismes des Nations unies qui, pour des raisons34 Amnesty International - Rapport 2012


humanitaires, les exhortaient à ne plus expulser lesHaïtiens réfugiés dans l’archipel après le séisme de2010 en Haïti.D’après les statistiques des services d’immigrationbahamiens, 2 392 Haïtiens ont été renvoyés en Haïtien 2011, ce qui représente 72 % de tous les renvoiseffectués aux Bahamas au cours de l’année. Desmigrants en situation irrégulière auraient fait l’objetd’arrestations violentes.BAHREÏNROYAUME DE BAHREÏNChef de l’État :Hamad bin Issa al KhalifaChef du gouvernement : Khalifa bin Salman al KhalifaPeine de mort :maintenuePopulation :1,3 millionEspérance de vie :75,1 ansMortalité des moins de cinq ans : 12,1 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 91,4 %Bahreïn a connu une crise aiguë des droits humainsau cours de laquelle 47 personnes au moins ont ététuées, notamment cinq membres des forces desécurité et cinq détenus morts des suites de torture.Les forces de sécurité ont eu recours à une forceexcessive contre des manifestants pacifiques ; ellesont placé en détention des centaines de personnes,dont un certain nombre uniquement pour leursopinions. De nombreux détenus ont été torturés etmaltraités. Plusieurs centaines de civils ont<strong>com</strong>paru devant des tribunaux militaires appliquantune procédure inéquitable ; des militants éminentsde l’opposition ont été condamnés à des peinesd’emprisonnement allant jusqu’à la détention àperpétuité. Des étudiants et d’autres personnes quiavaient participé aux manifestationsantigouvernementales ont été renvoyés del’université ou de leur lieu de travail. Une<strong>com</strong>mission d’enquête indépendante, <strong>com</strong>poséed’experts internationaux et instituée par le roi, aconfirmé que des violations graves des droitshumains avaient été <strong>com</strong>mises. Elle a re<strong>com</strong>mandé,entre autres réformes, l’ouverture d’enquêtesindépendantes et l’obligation pour les responsablesde tels agissements de rendre des <strong>com</strong>ptes. Cinqhommes ont été condamnés à mort ; les sentencesde deux d’entre eux ont été <strong>com</strong>muées en appel enpeines d’emprisonnement. Il n’y a pas eud’exécution.ContexteDes manifestations de grande ampleur en faveur deréformes ont eu lieu à partir du 14 février. La plupartdes manifestants appartenaient à la <strong>com</strong>munautéchiite, majoritaire, qui se sent discriminée par laminorité sunnite au pouvoir. Le point de ralliementdes manifestants était le rond-point de la Perle dansla capitale, Manama, où un camp de protestataires aété installé. Le 17 février, la police et les forces desécurité ont utilisé une force excessive pour disperserles protestataires. Deux jours plus tard, ceux-ci ontrétabli leur camp ; leurs appels en faveur duchangement sont devenus plus véhéments. Le23 février, le roi a gracié 23 opposants de premierplan qui étaient incarcérés depuis août 2010, ainsique plus de 200 autres prisonniers.Le 13 mars, un petit groupe de manifestantsantigouvernementaux aurait attaqué à Manama destravailleurs migrants originaires d’Asie du Sud ; deuxpersonnes ont été tuées et plusieurs autres blessées.Devant la poursuite des grèves et des manifestations,le roi a proclamé le 15 mars l’état d’urgence pour unedurée de trois mois. La veille, quelque 1 200 soldatssaoudiens étaient arrivés dans le pays à bord devéhicules blindés pour appuyer les forces de sécuritébahreïnites. À la fin du mois, le mouvement deprotestation avait été largement écrasé, bien que desmanifestations sporadiques aient continué tout aulong de l’année dans des villages à majorité chiite. Leroi a levé l’état d’urgence le 1 er juin.Vers la fin juin, le roi a créé la Commissiond’enquête indépendante de Bahreïn. Composée decinq experts internationaux dans le domaine juridiqueet des droits humains, cette instance a été chargéede mener des investigations sur les violations desdroits humains <strong>com</strong>mises dans le cadre dumouvement de protestation. Elle a remis son rapportau roi le 23 novembre. Le gouvernement a égalementlancé un « dialogue national » avec l’oppositionparlementaire, les milieux d’affaires et desreprésentants d’ONG, entre autres. Toutefois, leprincipal parti d’opposition chiite, Al Wifaq, dont les18 députés avaient démissionné en février pourprotester contre les brutalités policières, s’est retiré aubout de 15 jours, affirmant que des conditionsinacceptables avaient été imposées.BAmnesty International - Rapport 201235


BUtilisation excessive de la forceLe recours des forces de sécurité à une violenceinjustifiée pour disperser les manifestations pacifiquesdes 14 et 15 février a entraîné la mort de deuxpersonnes. Le 17 février, des policiers antiémeutes etdes membres d’autres organes des forces de sécuritéont démantelé le camp de protestataires installé aurond-point de la Perle. Ils ont utilisé des gazlacrymogènes, frappé les manifestants à coups dematraque et tiré des balles réelles et des balles encaoutchouc à bout portant ; cinq personnes ont ététuées et de nombreuses autres ont été blessées. Enoutre, des membres du personnel médical quitentaient de venir en aide aux blessés ont étébrutalisés et empêchés d’agir.Le 16 mars, les forces de sécurité ont déclenchéune répression concertée. Appuyées par deshélicoptères et des chars, elles ont pris d’assaut lerond-point de la Perle et le quartier de FinancialHarbour. Elles ont chassé les protestataires enutilisant du gaz lacrymogène et en tirant des ballesréelles et des balles en caoutchouc ; des manifestantsont été tués et d’autres blessés. Les forces de sécuritéont également pris le contrôle de l’hôpital Salmaniya,principal centre hospitalier de la capitale, et ont arrêtédes médecins et d’autres membres du personnelmédical qu’elles accusaient de soutenir lesmanifestants. Les forces de sécurité ont, danscertains cas, réagi par une utilisation excessive de laforce pour disperser les manifestations qui sepoursuivaient dans des villages à majorité chiite. À lafin de l’année, 47 personnes au moins, dont cinqpoliciers, avaient trouvé la mort dans le cadre desmanifestations.n Ali Abdulhadi Mushaima est mort après avoir étéatteint de plusieurs balles alors qu’il manifestait, le14 février, dans la localité d’al Daih, à l’ouest deManama. Quelque 10 000 personnes qui assistaient àses funérailles le lendemain ont été attaquées sanssommation par des policiers antiémeutes qui ont faitusage de gaz lacrymogène et de fusils. Un homme,Fadhel Ali Matrook, a été abattu.n Isa Abdulhassan, 60 ans, est mort le 17 février aprèsavoir reçu une balle dans la tête tirée à bout portant lorsde l’assaut des forces de sécurité contre le camp deprotestataires au rond-point de la Perle.n Ahmed al Jaber al Qatan, 16 ans, est mort à l’hôpitalle 6 octobre après avoir été touché par des plombs dechasse au cours d’une manifestation dans le villaged’Abu Saeiba. Les policiers antiémeutes ont utilisé desfusils et des bombes assourdissantes pour disperserles manifestants. Le gouvernement a annoncél’ouverture d’une enquête sur les circonstances de lamort de cet adolescent ; les conclusions n’avaient pasété rendues publiques à la fin de l’année.Arrestations et détentions arbitrairesPlus de 1 000 personnes ont été arrêtées à la suite dumouvement de protestation ; certaines étaientsunnites mais la grande majorité étaient chiites. Laplupart ont été interpellées en mars et en avril, dansbien des cas à leur domicile lors d’opérations menéesavant l’aube, le plus souvent par des membres desservices de sécurité intervenant armés, le visagemasqué et sans présenter de mandat d’arrêt. Lespersonnes arrêtées, voire leurs proches, ont souventété brutalisées. Les détenus étaient généralementemmenés dans des lieux tenus secrets, où ils étaientinterrogés et maintenus sans contact avec le mondeextérieur, dans certains cas pendant plusieurssemaines. Beaucoup auraient été torturés etmaltraités. Leur lieu de détention restait le plussouvent inconnu, jusqu’au moment où ils étaientdéférés à la justice.n Ebrahim Sharif, secrétaire général de la Sociéténationale pour l’action démocratique (Waad), uneassociation laïque d’opposition politique, a été arrêtéchez lui à Manama le 17 mars par des agents desservices de sécurité armés, le visage masqué, qui ontrefusé de présenter un mandat d’arrêt. Ils l’ontemmené dans un endroit tenu secret ; sa famille et sonavocat n’ont pas été autorisés à le rencontrer pendantplusieurs semaines.Procès inéquitablesDes centaines de personnes, notamment desmilitants de l’opposition, des professionnels de lasanté, des enseignants, des étudiants et desdéfenseurs des droits humains, ont été poursuiviessous l’accusation d’infractions <strong>com</strong>mises dans lecontexte des manifestations. Beaucoup ont fait l’objetde procès d’une totale iniquité devant un tribunalmilitaire d’exception – la Cour de sûreté nationale –créé sous l’état d’urgence. Certaines des personnescondamnées à des peines d’emprisonnement étaientdes prisonniers d’opinion. Selon la Commissiond’enquête indépendante de Bahreïn, quelque300 personnes ont été déclarées coupablesd’infractions liées à l’exercice de la libertéd’expression. D’autres ont été condamnées après être36 Amnesty International - Rapport 2012


evenues sur des « aveux » dont elles affirmaient qu’ilsavaient été obtenus sous la torture. La Cour n’aordonné aucune enquête sur ces allégations. Danscertains cas, elle a rejeté les demandes de citation detémoins formulées par la défense. Les avocats n’ontbien souvent pas été autorisés à rencontrer leursclients avant l’ouverture du procès et n’ont pasbénéficié du délai nécessaire à la préparation de leurdéfense. Dans un premier temps, les appels contreles décisions de la Cour de sûreté nationale ont étéexaminés par une juridiction d’appel présentant lesmêmes lacunes.À la suite de nombreuses critiques contre la Courde sûreté nationale, le roi a décidé le 29 juin quetoutes les affaires en cours devant cette juridiction etliées au mouvement de protestation de février-marsseraient renvoyées devant des tribunaux civils. Le18 août, il a toutefois annoncé que la Cour de sûreténationale continuerait de juger les crimes les plusgraves. Cependant, il devenait possible de former unrecours devant un tribunal civil contre toutes lesdécisions prononcées par la Cour de sûreté nationale,y <strong>com</strong>pris celles que la juridiction d’appel de cetteCour avait confirmées. En septembre, un tribunalmilitaire a condamné 20 professionnels de la santé àdes peines allant jusqu’à 15 ans d’emprisonnementpour, entre autres charges, occupation d’un hôpitalpublic, détention d’armes et vol de médicaments. À lafin de l’année, ces dossiers avaient été renvoyésdevant un tribunal civil aux fins d’appel.Début octobre, toutes les procédures avaient ététransférées à des juridictions civiles et la Cour desûreté nationale ne fonctionnait plus.n Abdel Jalil al Singace, Hassan Mshaima et 19 autresopposants de premier plan, dont sept étaient jugés parcontumace, ont été déclarés coupables, entre autrescharges, de « création de groupes terroristes dans lebut de renverser la monarchie et de modifier laConstitution », à l’issue d’un procès inéquitable quis’est terminé le 22 juin devant la Cour de sûreténationale. Huit accusés, dont Abdel Jalil al Singace etHassan Mshaima, ont été condamnés à la détention àperpétuité ; les autres se sont vu infliger des peinesd’emprisonnement moins lourdes. La plupart d’entreeux avaient été interpellés lors de descentes de policeeffectuées avant l’aube, et maintenus au secretpendant de longues périodes au cours desquelles ilsauraient été torturés et contraints de signer des« aveux ». Ils n’avaient pu avoir que des contacts limitésavec un avocat avant l’ouverture de leur procès. Ceshommes ont été déclarés coupables alors que, seloncertaines sources, le parquet n’a pas pu fournird’éléments à charge solides. La plupart d’entre eux ontde toute évidence fait l’objet de poursuites pour avoirpréconisé la disparition de la monarchie et sonremplacement par une république. Aucun élément neprouvait qu’ils avaient eu recours à la violence ouavaient préconisé son usage ; ils étaient doncmanifestement des prisonniers d’opinion. La juridictiond’appel de la Cour de sûreté nationale a confirmé, le28 septembre, les condamnations des 21 accusés. Ilsétaient maintenus en détention à la fin de l’année, enattendant que la Cour de cassation statue sur leurrecours.Torture et autres mauvais traitementsBeaucoup de personnes interpellées en mars et enavril ont été emmenées dans des postes de police etdans les locaux de la Direction des enquêtescriminelles à Manama, où elles ont été détenues ausecret et interrogées par des membres de l’Agencenationale de sécurité, entre autres organes desservices de sécurité. Nombre de ces détenus ontdéclaré avoir été frappés et avoir dû rester deboutpendant de longues périodes. Ils auraient reçu desdécharges électriques et on les aurait privés desommeil et menacés de viol. Dans bien des cas, ilsont affirmé avoir été maintenus au secret pendantplusieurs semaines après la fin des interrogatoires.La plupart de ces allégations n’ont pas fait l’objetd’une enquête indépendante. La Cour de sûreténationale n’a pas non plus mené d’enquête sérieusesur les allégations de torture durant la détentionprovisoire, et elle a retenu à titre de preuve à chargedes « aveux » contestés. Toutefois, en novembre, peuavant que la Commission d’enquête indépendante deBahreïn ne dépose son rapport et en prévision de sesconclusions, le gouvernement a annoncé sonintention de modifier le Code pénal en vue d’ériger latorture en infraction pénale. Il a également affirméque 20 membres des forces de sécurité étaientpoursuivis pour des allégations d’actes de tortureinfligés à des détenus, des cas de mort en détention àla suite de mauvais traitements et des homicidesillégaux de civils. On ne disposait pas de détails surces poursuites à la fin de l’année.n Aayat Alqormozi, une étudiante qui avait déclamédes poèmes durant les manifestations de février, a étéarrêtée lorsqu’elle s’est présentée aux autorités le30 mars après que des membres des forces deBAmnesty International - Rapport 201237


Bsécurité, le visage masqué, eurent effectué deuxdescentes au domicile de ses parents et menacé detuer ses frères si elle ne se livrait pas. Cette jeunefemme a été maintenue au secret pendant 15 jours, aucours desquels elle aurait été battue à coups de poinget de pied, forcée de rester debout pendant plusieursheures, insultée et menacée de viol. Elle auraitégalement reçu des décharges électriques sur levisage. Le 12 juin, la Cour de sûreté nationale l’acondamnée à un an d’emprisonnement pourparticipation à des manifestations interdites, trouble àl’ordre public et incitation à la haine contre le régime.Elle a été remise en liberté conditionnelle le 13 juilletaprès s’être engagée à ne plus participer à desmanifestations ni critiquer le gouvernement. Son cas aété soumis à la Haute Cour criminelle d’appel, qui aconclu le 21 novembre que l’affaire était suspendue,sans toutefois clarifier son statut au regard de la loi.Aayat Alqormozi était en liberté à la fin de l’année, maisn’était pas autorisée à reprendre ses études àl’université de Bahreïn.Morts en détentionCinq hommes arrêtés dans le cadre desmanifestations sont morts en détention des suites detorture. Selon certaines sources, les responsables dessévices étaient au nombre des 20 membres desservices de sécurité qui faisaient l’objet de poursuitesà la fin de l’année.n Hassan Jassem Mohammad Mekki a été arrêté à sondomicile à l’aube du 28 mars. Six jours plus tard, sesproches ont été convoqués dans une morgue pouridentifier son corps. Celui-ci, ont-ils déclaré, présentaitdes marques et des contusions sur la tête, le cou et lesjambes, qui résultaient apparemment de coups. Lesautorités ont attribué la mort de cet homme à une crisecardiaque, mais aucune autopsie ne semble avoir étéeffectuée. La Commission d’enquête indépendante deBahreïn a conclu que Hassan Jassem MohammedMekki était mort à la suite des mauvais traitements quilui avaient été infligés en détention.n Ali Issa Ibrahim al Saqer est mort en détention le9 avril, quelques jours après avoir été convoqué par lapolice pour être interrogé à propos de l’homicide d’unpolicier lors des manifestations de mars. Selon leministère de l’Intérieur, cet homme est mort alors quela police le maîtrisait. À la connaissance d’AmnestyInternational aucune autopsie n’a été effectuée. Lecorps présentait selon certaines informations destraces donnant à penser qu’il avait été torturé. LaCommission d’enquête indépendante de Bahreïn aconclu que le décès de cet homme résultait de mauvaistraitements infligés en détention.Licenciements de protestatairesPlus de 2 000 employés du secteur public et2 400 employés du secteur privé ont perdu leuremploi pour avoir participé au mouvement deprotestation ou l’avoir soutenu. Parmi eux figuraientdes enseignants à l’université, des instituteurs, desmédecins et des infirmières. Presque tous étaient deconfession chiite. La Commission d’enquêteindépendante de Bahreïn a indiqué à la fin novembreque 1 682 employés du secteur public avaient étéréintégrés dans leurs fonctions.Peine de mortLa Cour de sûreté nationale a condamné à mort cinqpersonnes pour des homicides <strong>com</strong>mis durant lemouvement de protestation. La juridiction d’appel dela Cour a confirmé deux sentences et <strong>com</strong>mué deuxautres en peines d’emprisonnement ; le cinquièmecondamné était en instance d’appel à la fin del’année. Ces cinq hommes étaient les premiersBahreïnites condamnés à la peine capitale depuisplus de 10 ans. Un étranger condamné à mort en2010 était toujours en instance d’exécution. Aucuneexécution n’a été signalée.n Ali Abdullah Hassan al Sankis et AbdulazizAbdulridha Ibrahim Hussain, reconnus coupables parla Cour de sûreté nationale du meurtre de deuxpoliciers lors des manifestations de mars, ont étécondamnés à mort le 28 avril. La juridiction d’appel dela Cour a confirmé leur peine le 22 mai. La Cour decassation devait statuer sur leur cas en janvier 2012.Leur avocat a sollicité un nouveau procès au motif quela Cour n’avait pas ordonné d’enquête sur leursallégations de torture et que leurs sentences avaient étéconfirmées par une juridiction militaire d’appelappliquant une procédure inéquitable.La Commission d’enquête indépendantede BahreïnDans son vaste rapport publié le 23 novembre, laCommission d’enquête indépendante de Bahreïn aindiqué avoir examiné plus de 8 000 plaintes etentendu plus de 5 000 personnes, dont desprisonniers de sexe masculin et féminin. Elle aégalement visité des prisons et des centres dedétention ainsi que le centre médical de Salmaniya, à38 Amnesty International - Rapport 2012


Manama. Elle a confirmé que de nombreux détenusavaient été torturés par des membres des forces desécurité qui pensaient pouvoir agir en toute impunité,et que la police et d’autres organes des forces desécurité avaient eu recours à une force excessivecontre des manifestants, ce qui était à l’origined’homicides illégaux. Elle a ajouté que les procéduressuivies devant la Cour de sûreté nationaleprésentaient de graves lacunes. Parmi sesre<strong>com</strong>mandations, la Commission a exhorté legouvernement bahreïnite à ordonner des enquêtesindépendantes sur toutes les allégations de torture, àamener les responsables présumés de telsagissements à rendre des <strong>com</strong>ptes devant la justice,quel que soit leur grade, et à libérer toutes lespersonnes emprisonnées pour avoir exercélégalement leur droit à la liberté d’expression. Le roi etle gouvernement ont pris l’engagement de mettre enœuvre les re<strong>com</strong>mandations de la Commission.Droits des lesbiennes, des gays,des personnes bisexuelles et destransgenresDeux cents hommes au moins ont été interpellés le2 février lors d’une descente de police dans une fêteà Al Muharraq, à laquelle des homosexuelsparticipaient, selon la rumeur ; des voisins s’étaientplaints du bruit. La plupart ont été relâchés sansinculpation, mais 50 ont fait l’objet de poursuites,dont 30 pour prostitution, entre autres actes illicites.Ils ont été condamnés en mars à des peines allantjusqu’à six mois d’emprisonnement. La Haute Courcriminelle d’appel a confirmé leur condamnation endécembre ; ils avaient toutefois tous été remis enliberté entre-temps.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus à Bahreïn enfévrier, en avril et en novembre pour effectuer des recherches et rencontrerles autorités. Un expert médical a participé à la visite de février et un expertdans le domaine du maintien de l’ordre a ac<strong>com</strong>pagné la délégation enavril. Les représentants d’Amnesty International ont assisté en novembre àla remise du rapport de la Commission d’enquête indépendante de Bahreïnau roi.4 Crackdown in Bahrain: Human rights at the crossroads(MDE 11/001/2011).4 Bahreïn. Maculés de sang mais toujours résolus. Les manifestantsbahreïnites victimes de violences injustifiées de la part de l’État(MDE 11/009/2011).4 Bahrain: A human rights crisis (MDE 11/019/2011).4 Bahrain: Protecting human rights after the protests – AmnestyInternational submission to the UN Universal Periodic Review, May-June2012 (MDE 11/066/2011).BANGLADESHRÉPUBLIQUE POPULAIRE DU BANGLADESHChef de l’État :Zillur RahmanChef du gouvernement :Sheikh HasinaPeine de mort :maintenuePopulation :150,5 millionsEspérance de vie :68,9 ansMortalité des moins de cinq ans : 52 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 55,9 %Des exécutions extrajudiciaires ont été signaléescette année encore, alors que le gouvernement avaitpromis de mettre un terme à de tels agissements.Aucun membre du Bataillon d’action rapide (RAB),soupçonné d’au moins 54 homicides illégaux en2011, n’a fait l’objet d’une enquête indépendanteou de poursuites judiciaires. Le gouvernement n’apas mis en œuvre sa nouvelle politique de soutienaux femmes victimes de violence. Les règlesrégissant le Tribunal pour les crimes internationauxont été modifiées dans un sens qui réduisait, sanstoutefois l’éliminer, le risque pour les personnesaccusées de crimes de guerre <strong>com</strong>mis en 1971 dene pas bénéficier d’un procès équitable. Legouvernement n’a pas garanti le droit à la terre et àdes moyens de subsistance des populationsautochtones des Chittagong Hill Tracts. Au moins49 personnes ont été condamnées à mort et cinqhommes, peut-être plus, ont été exécutés.ContexteEn juin, le gouvernement a adopté le15 e amendement à la Constitution, qui a supprimé lesdispositions permettant à un gouvernementintérimaire non partisan d’organiser des élections. Ilinterdisait également l’exercice du pouvoir parl’armée. Au cours du même mois, la Banquemondiale a annoncé que le Bangladesh avait réduit leniveau de pauvreté et amélioré les conditions de vie.Toutefois, plus de 35 % de la population ruraleet 21 % de la population urbaine vivaient encore sousle seuil de pauvreté. Le Parlement a adopté, enBAmnesty International - Rapport 201239


Bnovembre, la Loi (amendement) sur les biensréservés. Ce texte mettait fin aux violations, autoriséespar la loi, des droits économiques et sociaux deshindous en permettant à ceux-ci de récupérer lesbiens qui leur avaient été confisqués au titre de la Loisur les biens réservés, en vigueur depuis desdécennies.Exécutions extrajudiciairesLes agents du RAB auraient tué au moins54 personnes au cours de l’année, ce qui portait àplus de 700 le nombre de morts imputées à cetteforce de police depuis sa création, en 2004.Beaucoup d’autres personnes ont été blessées outorturées. Dans bien des cas, les familles des victimesont déclaré à Amnesty International que leursproches étaient morts après avoir été arrêtés par desagents du RAB et non dans une fusillade, <strong>com</strong>me leprétendait le RAB. Les autorités n’ont mené aucuneenquête crédible sur ces faits.n Limon Hossain, 16 ans, a reçu dans la jambe uneballe tirée par des agents du RAB, le 23 mars àJhalakathi. Le RAB a affirmé que cet adolescent faisaitpartie d’un gang de malfaiteurs et qu’il avait été blessédans un échange de tirs : des agents du RAB auraientriposté après avoir été pris pour cible par des membresdu gang. Limon Hossain a pour sa part déclaré qu’il étaitseul et ramenait du bétail chez lui quand des membresdu RAB l’avaient interpellé et avaient tiré sur lui. Saversion aurait été confirmée par les conclusions – quin’ont pas été rendues publiques – d’une enquêtedistincte diligentée par les autorités. La police a accuséLimon Hossain d’avoir tenté de tuer des agents du RAB.Violences faites aux femmesDans le cadre d’une nouvelle Politique nationale pourla promotion de la femme, rendue publique en mars,le ministère des Affaires féminines et de l’enfance aannoncé son intention, entre autres, de « venir à boutde la violence et de l’oppression exercées contre lesfemmes et les enfants en permettant aux victimesd’avoir accès à des soins médicaux, à une assistancejuridique et à un soutien ». Des organisations dedéfense des droits humains ont affirmé que lesautorités n’avaient pas mis ce programme enapplication et que beaucoup de femmes et d’enfantsvictimes de violences, notamment sexuelles, nerecevaient aucune aide des institutions étatiques.n Après avoir incité une femme victime de viol enréunion à effectuer une déclaration auprès de la police,la militante des droits humains Shampa Goswami a étéenlevée en octobre et retenue pendant plusieursheures par un groupe d’hommes à Satkhira. Sesravisseurs l’ont menacée et lui ont dit qu’ils s’enprendraient à elle si elle continuait à soutenir la victime.Elle a déclaré aux délégués d’Amnesty International quilui ont rendu visite en novembre à Satkhira que lapolice n’avait pas, dans un premier temps, répondu àsa demande de protection. Les autorités se sontengagées à la protéger après une campagne énergiquemenée par des organisations locales et internationalesde défense des droits humains.Justice internationaleEn mai, le Tribunal pour les crimes internationaux,une juridiction bangladaise instaurée en 2010 pourjuger les personnes accusées d’atteintes massivesaux droits humains <strong>com</strong>mises durant la guerre delibération en 1971, a <strong>com</strong>mencé à se pencher sur leslacunes procédurales qui rendaient les procèsinéquitables. Ses Règles de procédure, modifiées,prévoyaient la libération sous caution, la présomptiond’innocence tant que la culpabilité n’a pas étéprouvée, et des mesures visant à garantir la protectiondes témoins et des victimes. Toutefois, l’interdictionconstitutionnelle du droit de contester la <strong>com</strong>pétencedu Tribunal est restée en vigueur.n Motiur Rahman Nizami, Ali Ahsan MuhammadMojahid, Muhammad Kamaruzzaman, Abdul QuaderMolla et Delwar Hossain Sayeedi, membres de laJamaat-e Islami (Société de l’islam), ainsi queSalauddin Quader Chowdhury et Abdul Alim, membresdu Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), ont été misen accusation pour crimes de guerre. Tous, àl’exception d’Abdul Alim, qui a été remis en liberté souscaution, ont été maintenus en détention. Cinq desaccusés ont été détenus pendant plus de 18 mois sansavoir été inculpés. Delwar Hossain Sayeedi a étéinculpé en octobre pour avoir aidé l’armée pakistanaiseà <strong>com</strong>mettre un génocide et pour avoir tué, torturé etviolé des civils non armés, incendié des habitationsappartenant à des hindous et contraint des hindous àse convertir à l’islam. Aucun individu n’a été mis enaccusation pour des crimes <strong>com</strong>mis immédiatementaprès la victoire des forces de libération, à la fin de1971.Droits des peuples autochtonesLe gouvernement n’a rien fait pour empêcher lescolons bengalis de s’emparer des terres des40 Amnesty International - Rapport 2012


populations autochtones des Chittagong Hill Tracts.Cela a provoqué des affrontements violents entre lesdeux <strong>com</strong>munautés, qui ont entraîné des destructionsde biens et, dans certains cas, coûté la vie à despersonnes. Le plus souvent les colons bengalispénétraient sur les terres des populationsautochtones et s’y installaient pour les cultiver. Desautochtones ont affirmé aux délégués del’organisation qui se sont rendus dans la région enmars qu’un certain nombre de colons bengalis,enhardis par la tolérance de l’armée pour leurs actes,avaient mis le feu à leurs habitations, le plus souventsous les yeux de soldats ou d’autres responsables del’application des lois qui n’étaient pas intervenus pourles en empêcher.n En mars, des autochtones de Langadu, dans ledistrict montagneux de Rangamati, ont déclaré àAmnesty International que des responsables locaux etdes soldats appartenant à l’unité locale des gardesfrontièresn’avaient rien fait pour empêcher uneattaque imminente de colons bengalis contre leurvillage de Rangipara. Ils ont ajouté que les soldatsn’avaient pas réagi quand les colons avaient mis le feuà leurs habitations, le 17 février.Torture et autres mauvais traitementsAu moins trois personnes détenues par la policeseraient mortes des suites de torture. Legouvernement a annoncé que tout policierconsidéré <strong>com</strong>me responsable de ces décès seraitinculpé ; personne n’avait toutefois été inculpé nitraduit en justice à la fin de l’année. Les autoritésn’ont pas pris l’engagement de déférer devant lestribunaux les membres de la police, du RAB oud’autres branches des services de sécuritésoupçonnés d’avoir torturé des milliers de détenustout au long de l’année.n Mahmudur Rahman, rédacteur en chef d’unjournal, a déclaré à Amnesty International en mars,après sa remise en liberté, qu’il avait été violemmentfrappé dans le dos pendant toute une nuit dans unposte de police situé à l’intérieur d’un cantonnementmilitaire. Cet homme avait été arrêté à la mi-2010après avoir publié des articles dénonçant la corruptionprésumée des autorités. Les coups qui lui avaient étéportés étaient si violents qu’il avait perduconnaissance pendant plusieurs heures. Il a expliquéqu’il ne voyait pas l’utilité de déposer une plainte car ilsavait que les autorités ne prendraient aucuneinitiative.Peine de mortAu moins 49 personnes ont été condamnées à mortet cinq hommes, peut-être plus, ont été exécutés.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Bangladeshen mars, juin et novembre.4 Crimes unseen: Extrajudicial executions in Bangladesh(ASA 13/005/2011).BÉLARUSRÉPUBLIQUE DU BÉLARUSChef de l’État :Alexandre LoukachenkoChef du gouvernement :Mikhaïl MiasnikovitchPeine de mort :maintenuePopulation :9,6 millionsEspérance de vie :70,3 ansMortalité des moins de cinq ans : 12,1 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 99,7 %Les restrictions à la liberté d’expression,d’association et de réunion se sont accrues en coursd’année. Les autorités ont continué de procéder àdes exécutions. Des prisonniers d’opinion restaienten détention. Certains ont été soumis à la torture età d’autres formes de mauvais traitements. Le droit àun procès équitable n’était pas toujours respecté.ContexteL’aggravation de la situation économique s’est traduitepar une augmentation de l’agitation sociale, à laquellele gouvernement a répondu par une répressionaccrue de la liberté de réunion et d’association.Le Conseil des droits de l’homme [ONU] a fait partle 17 juin de son inquiétude concernant la situationau Bélarus. Il a condamné les violations des droitshumains qui ont eu lieu après l’élection présidentiellede décembre 2010, invitant le gouvernementbélarussien à coopérer pleinement avec tous lesmécanismes des Nations unies chargés des droitshumains et à autoriser la présence d’observateursinternationaux, en s’abstenant de les placer endétention ou de les expulser. Les relations avecl’Union européenne (UE) se sont dégradées. LeConseil de l’UE a ainsi annoncé le 10 octobre sadécision de proroger jusqu’au 31 octobre 2012 lesBAmnesty International - Rapport 201241


Bmesures d’interdiction du territoire de l’Union visantles responsables des atteintes aux normes électoralesinternationales et de la répression à l’égard de lasociété civile.Peine de mortDeux hommes ont été exécutés cette année. Deuxcondamnations à mort ont été prononcées.n Andreï Bourdyko et un autre homme ont été mis àmort entre le 14 et le 19 juillet. La mère d’AndreïBourdyko a reçu la confirmation officielle de la mort deson fils trois mois plus tard. La famille de l’autrepersonne exécutée n’avait toujours pas été informée àla fin de l’année. Les sentences ont été appliquées endépit du fait que le 17 décembre 2010, le Comité desdroits de l’homme [ONU] avait demandé officiellementau gouvernement bélarussien de ne pas exécuter lesdeux hommes avant qu’il ait pu examiner leur cas.Torture et autres mauvais traitementsIl n’existait aucun système indépendant d’inspectiondes centres de détention. Les plaintes contre desresponsables de l’application des lois étaientgénéralement rejetées par le parquet ; les personnesqui osaient porter plainte s’exposaient aux représaillesde la police.n Libéré sous caution, Alexeï Mikhalevitch, anciencandidat à l’élection présidentielle inculpé pour avoirorganisé une manifestation à Minsk le 19 décembre2010, a tenu une conférence de presse le 28 février. Il aaffirmé avoir été victime, de même que d’autresdétenus, de torture et d’autres mauvais traitements. Ilaurait notamment été soumis à une fouille au corpsjusqu’à six fois par jour, et contraint de rester deboutdans des positions particulièrement pénibles.n Zmitser Dachkevitch, condamné à deux ans detravaux forcés le 24 mars pour son rôle présumé dansla manifestation de décembre 2010, a été placé à huitreprises à l’isolement cellulaire depuis le début de sadétention. Les prisonniers maintenus à l’isolementn’avaient pas le droit à la promenade, ne disposaientpas de literie et étaient privés de sommeil, entre autresconditions pénibles. Il leur était également interdit des’allonger ou de s’asseoir sur leur couchette pendant lajournée.Liberté d’expressionEn mars, le journaliste Andreï Poczobout a étéinculpé d’outrage et de diffamation à l’égard duprésident de la République, pour des articles parusdans le journal polonais Gazeta Wyborcza. Il a étécondamné le 5 juin à une peine de trois ansd’emprisonnement avec sursis.Liberté d’associationTout au long de l’année des organisations dedéfense des droits humains, reconnues ou non parles autorités, ont fait l’objet de poursuites en justiceet de manœuvres de harcèlement. La Loi sur lesassociations publiques a été modifiée le 3 octobre.Elle interdit désormais aux ONG bélarussiennes dedétenir des fonds ou des <strong>com</strong>ptes bancaires àl’étranger. La Commission de Venise du Conseil del’Europe a estimé que la répression, inscrite dans leCode pénal du Bélarus, de la participation auxactivités de partis politiques non officiellementreconnus, ou d’autres associations publiques,n’avait pas « sa place dans une sociétédémocratique ».n Ales Bialiatski, président du Centre de défense desdroits humains Viasna, a été arrêté le 4 août. Le12 août, il a été inculpé de « dissimulation massive derevenus », infraction passible d’une peine de sept ansd’emprisonnement. Les charges retenues contre luiétaient liées à l’utilisation d’un <strong>com</strong>pte bancairepersonnel ouvert en Lituanie pour soutenir l’action deViasna. Les autorités bélarussiennes ont retiré àl’organisation son statut officiel en 2003, lui interdisantpar là même d’ouvrir un <strong>com</strong>pte bancaire au Bélarus.Le procès d’Ales Bialiatski s’est ouvert le 2 novembre. Ila été condamné le 24 à quatre ans et demid’emprisonnement. Amnesty International leconsidérait <strong>com</strong>me un prisonnier d’opinion et exigeaitdonc sa libération sans condition.n Le 12 janvier, le ministère de la Justice aofficiellement censuré le Comité Helsinki du Bélaruspour avoir adressé à la rapporteuse spéciale desNations unies sur l’indépendance des juges et desavocats un rapport dénonçant les restrictions imposéesaux juristes dans le pays. Le ministère a qualifié cedocument de « tentative visant à discréditer laRépublique du Bélarus aux yeux du monde ».L’organisation a reçu en juin un avis d’impositionantidaté concernant des subventions de la Commissioneuropéenne perçues en 2002 (et qui n’étaient pas àl’époque soumises à l’impôt). Cet avis étaitac<strong>com</strong>pagné d’une seconde mise en garde duministère de la Justice concernant le non-respect de laréglementation relative aux ONG. En décembre, leministère des Impôts et des taxes a déposé une42 Amnesty International - Rapport 2012


demande auprès du ministère de la Justice en vued’obtenir la fermeture du Comité Helsinki du Bélarus.Liberté de réunionLes restrictions pesant sur les rassemblementspublics sous toutes leurs formes se sont intensifiéesen cours d’année. Le Parlement a approuvé le3 octobre une série de modifications de la Loi sur lesrassemblements publics. Toute réunion publiquenécessite désormais une autorisation officiellepréalable. Les organisateurs doivent indiquer quellessont les « sources financières » de la manifestationprévue. En outre, ils n’ont pas le droit d’en faire lapromotion tant que l’autorisation ne leur a pas étéofficiellement signifiée (la décision intervenant parfoiscinq jours seulement avant la date de l’événement).Les responsables de l’application des lois ont parailleurs davantage de latitude pour réaliser desenregistrements audio et vidéo, interdire l’accès desparticipants au lieu de rendez-vous et procéder à desfouilles au corps.n Des manifestations silencieuses hebdomadaires ontété organisées en mai, juin et juillet. Aux quatre coinsdu pays, des citoyens sont descendus dans la rue pourdéfiler sans dire un mot, en applaudissant ou en faisanttous usage en même temps de leurs sonneries detéléphone portable. Selon l’organisation Viasna, lespouvoirs publics auraient arrêté plus de2 000 personnes ayant pris part à ces « manifestationssilencieuses ». Certaines auraient été frappées ousoumises à d’autres brutalités. Près de 80% de cespersonnes ont été condamnées à des peines allant decinq à 15 jours de détention administrative ou se sontvu infliger une amende. Les autorités ont adopté le29 juillet une nouvelle loi draconienne, qui oblige àdemander une autorisation gouvernementale pour toutrassemblement constituant « une action ou uneinaction utilisée <strong>com</strong>me mode d’expression publiqued’une attitude sociopolitique ou <strong>com</strong>me moyen deprotestation ».n L’avocat défenseur des droits humains RomanKislyak a été arrêté le 16 octobre, pour avoir parcouru,seul, l’avenue principale de Brest (Bélarus), armé d’unmégaphone, en demandant la libération d’AlesBialiatski. Il a été inculpé d’avoir organisé illégalement àla fois un piquet de grève et un défilé. Il a été traduit dèsle lendemain matin devant un tribunal administratif,qui a renvoyé l’affaire aux services de police pour un<strong>com</strong>plément d’enquête. Le tribunal du district Léninede Brest l’a condamné le 28 octobre à une amended’un montant équivalant à trois euros, décision qui aété confirmée en appel.Prisonniers d’opinionLes procès d’un certain nombre de militantspolitiques engagés, jugés pour leur participation à lamanifestation essentiellement pacifique qui avait eulieu à Minsk le 19 décembre 2010, ou pourl’organisation de cette dernière, se sont poursuivis dejanvier à juin. Six de ces militants étaient toujours endétention à la fin de l’année. Tous étaient desprisonniers d’opinion. Zmitser Bandarenka a étécondamné le 26 mars à deux années de travauxforcés. Andreï Sannikau a été condamné à cinq ansd’emprisonnement le 14 mai ; Pavel Sevyarynets àtrois ans, le 16 mai ; et Mykalaï Statkevitch à six ansle 26 mai. Zmitser Dachkevitch et Edouard Lobau ontété condamnés le 24 mars, respectivement à deux etquatre ans d’emprisonnement, pour « hooliganisme ».D’autres, <strong>com</strong>me la femme d’Andreï Sannikau, IrynaKhalip, se sont vu infliger des peines avec sursis. Sixautres prisonniers d’opinion ont été libérés pendantl’année. Trois d’entre eux ont été informés que lespoursuites contre eux avaient été abandonnées. Unautre, libéré sous caution, a demandé l’asile àl’étranger.Procès inéquitablesLes personnes inculpées pour le rôle qu’elles auraientjoué dans la manifestation du 19 décembre 2010n’ont pas pu voir régulièrement leurs avocats et,notamment, n’ont pas pu s’entretenir avec eux enprivé, au mépris des garanties figurant dans lalégislation. Plusieurs avocats ont déclaré qu’on leuravait souvent refusé l’autorisation de voir leurs clientssous prétexte que l’administration ne disposait pas depièces leur permettant de se rencontrer. Legouvernement a indiqué que le centre de détentiondu Comité de sûreté de l’État (KGB) de Minsk n’avaitque deux salles destinées aux entretiens avec lesavocats et que ceux-ci avaient par conséquent dûêtre limités.Certains avocats qui défendaient des dirigeants del’opposition accusés d’organisation de troubles degrande ampleur, en lien avec les événements dedécembre 2010, se sont vu retirer leur autorisationd’exercer. C’est le cas de Pavel Sapelko, avocatd’Andreï Sannikau, qui a été radié du barreau enmars 2011, ou encore de Tamara Sidorenko,défenseure d’Alexeï Mikhalevitch, radiée le 7 août.BAmnesty International - Rapport 201243


BVisites et documents d’AmnestyInternationalv Une déléguée d’Amnesty International s’est rendue au Bélarus endécembre.4 Bélarus. Possible grâce pour deux Bélarussiens (EUR 49/010/2011).4 Bélarus. Six mois après l’élection présidentielle, la répression desdissidents se poursuit avec la même intensité (EUR 49/015/2011).4 Bélarus. Situation des droits de l’homme au Bélarus. Déclaration écrited’Amnesty International au Conseil des droits de l’homme des Nationsunies à l’occasion de sa 18 e session (EUR 49/017/2011).BELGIQUEROYAUME DE BELGIQUEChef de l’État :Albert IIChef du gouvernement :Yves Leterme,Premier ministre par intérim,remplacé par Elio Di Rupo le 6 décembrePeine de mort :aboliePopulation :10,8 millionsEspérance de vie :80 ansMortalité des moins de cinq ans : 4,6 ‰Cette année encore, les autorités n’ont pas pristoutes les mesures nécessaires pour éviter que denombreux demandeurs d’asile se retrouvent à la rueet sans ressources. La Cour européenne des droitsde l’homme a jugé que la Belgique n’avait pasrespecté l’interdiction d’expulser une personne versun pays où elle courait un réel risque de torture(principe de non-refoulement) ni le droit d’une tellepersonne à un recours effectif. Le gouvernement atenté d’arguer d’« assurances diplomatiques » pourrenvoyer des étrangers dans des pays où ilsrisquaient d’être torturés ou autrement maltraités.Une loi interdisant et sanctionnant le fait de sedissimuler le visage est entrée en vigueur.Réfugiés et demandeurs d’asileLa « crise de l’accueil » qui avait débuté en 2008 s’estaggravée fin 2011. D’après des ONG, plus de12 000 demandeurs d’asile, parmi lesquels desenfants, se sont vu refuser l’accès au systèmed’accueil officiel entre octobre 2009 et fin 2011. Ils sesont retrouvés sans abri et sans aide médicale,sociale ou juridique. Durant l’année, malgré quelquesmesures gouvernementales positives, ce sont plus de4 000 personnes qui ont été laissées à la rue. Unnouveau texte législatif adopté en novembre limitait ledroit à l’accueil de certains groupes de demandeursd’asile et créait une liste de « pays d’origine sûrs ».Aux termes de ce texte, les demandeurs d’asileoriginaires de ces pays « sûrs » devaient être informésde la décision les concernant dans un délai de15 jours ; ils pouvaient donc être expulsés de force deBelgique avant toute audience d’appel.n Le 21 janvier, dans l’affaire M.S.S. c. Belgique etGrèce, la Cour européenne des droits de l’homme ajugé que les deux États avaient violé la Conventioneuropéenne des droits de l’homme (voir Grèce).n Le 1 er juillet, M. L., un ressortissant marocain quivenait de passer plus d’un an en détentionadministrative, a obtenu l’asile en Belgique. Après avoirpurgé une peine de six ans de prison dans ce pays pourdes infractions liées au terrorisme, il avait déposé unedemande d’asile le 16 mars 2010. Le <strong>com</strong>missairegénéral aux réfugiés et aux apatrides a déclaré en mai2011 que M. L. pouvait être expulsé, dès lors que lesautorités marocaines donnaient au gouvernementbelge des « assurances diplomatiques » garantissantqu’il ne serait pas torturé ni maltraité à son retour auMaroc. Le Conseil du contentieux des étrangers aannulé cette décision et M. L. a obtenu l’asile. À la finde l’année, la justice n’avait pas encore statué surl’appel interjeté par l’État belge.n Le 13 décembre, dans l’affaire Kanagaratnam etautres c. Belgique, la Cour européenne des droits del’homme a considéré que, pour avoir placé endétention trois enfants et leur mère dans un centrefermé durant quatre mois en 2009, la Belgique avait– en ce qui concernait les trois enfants – violél’interdiction de la torture et des autres mauvaistraitements, et également le droit à la liberté de cesenfants et de leur mère.Torture et autres mauvais traitementsDeux fois au moins, les autorités ont tenté des’appuyer sur des « assurances diplomatiques » pourrenvoyer des étrangers dans des pays où ils pouvaientcourir le risque d’être torturés ou maltraités.n A. A., un citoyen du Daguestan détenu depuisseptembre 2010 et accusé d’avoir participé auxactivités de groupes armés illégaux, était menacéd’extradition vers la Russie. Les charges retenuescontre lui se fondaient sur un témoignageapparemment obtenu sous la torture et dont l’auteurs’était ensuite rétracté. La justice belge a rejeté lesappels qu’A. A. avait formés contre son extradition, en44 Amnesty International - Rapport 2012


se fondant notamment sur des « assurancesdiplomatiques » garantissant qu’il ne serait pas torturéen Russie. À la fin de l’année, le ministre de la Justicene s’était pas encore prononcé sur l’extradition.n En mars, malgré l’avis contraire rendu en appel, leministre de la Justice a décidé d’autoriser l’extraditionvers la Russie d’Arbi Zarmaev, d’origine tchétchène.D’après la cour d’appel, le respect des droits humainsd’Arbi Zarmaev en Russie n’était pas suffisammentgaranti. La décision du ministre de la Justice se fondaitpour partie sur les « assurances diplomatiques »données par les autorités russes, selon lesquelles il neserait pas torturé. À la fin de l’année, le Conseil d’Étatn’avait pas encore statué sur le recours formé par ArbiZarmaev contre la décision d’extradition.DiscriminationDe nouveaux cas de discrimination religieuse ont étéobservés. Des personnes portant des insignes ou unetenue assimilés à l’islam ont été particulièrementvisées par des attitudes discriminatoires dans leurstentatives d’accès à l’emploi.n Le 23 juillet est entrée en vigueur une loi interdisantet sanctionnant le fait de se dissimuler le visage enpublic. Bien que formulée en termes neutres, cette loisemblait viser le port du voile intégral. Le recours eninconstitutionnalité formé contre cette loi était eninstance à la fin de l’année.Évolutions législatives, constitutionnellesou institutionnellesÀ l’issue de l’Examen périodique universel de laBelgique réalisé en mai par les Nations unies, laBelgique a accepté de se doter d’une institutionnationale des droits humains et de ratifier lesprotocoles facultatifs à la Convention contre la tortureet autres peines ou traitements cruels, inhumains oudégradants et au Pacte international relatif aux droitséconomiques, sociaux et culturels.En juin, elle a également ratifié la Conventioninternationale pour la protection de toutes lespersonnes contre les disparitions forcées.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Un délégué d’Amnesty International s’est rendu en Belgique en mars eten juin.4 La Cour européenne des droits de l’homme fait valoir les droits desdemandeurs d’asile dans l’Union européenne (EUR 03/001/2011).4 La Belgique ratifie la Convention contre les disparitions forcées : ungrand pas en avant pour les droits humains (EUR 14/001/2011).4 Belgique. Amnesty International salue l’engagement pris en faveur de lacréation d’une institution nationale des droits humains(EUR 14/002/2011).4 Suggested re<strong>com</strong>mendations to States considered in the 11th round ofthe Universal Periodic Review, 2-13 May 2011 (IOR 41/008/2011).BÉNINRÉPUBLIQUE DU BÉNINChef de l’État et du gouvernement : Thomas Boni YayiPeine de mort :abolie en pratiquePopulation :9,1 millionsEspérance de vie :56,1 ansMortalité des moins de cinq ans : 118 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 41,7 %Le président Boni Yayi a été réélu en mars, sur fondde contestation par les partis d’opposition de la listeélectorale permanente informatisée qui, selon eux,écartait une fraction significative de l’électorat. Lahausse des prix des produits de base a généré unecertaine agitation sociale. En mai et juin, desfonctionnaires qui réclamaient des augmentationsde salaire se sont mis en grève.Répression de la dissidenceEn mars, les forces de sécurité ont dispersé desmanifestations organisées par des opposants quicontestaient la réélection du président Boni Yayi.Certains d’entre eux, dont le parlementaire RaphaëlAkotègnon, ont fait l’objet d’un bref placement engarde à vue.Peine de mortEn août, le Bénin a franchi une étape importante surla voie de l’abolition : l’Assemblée nationale a voté enfaveur de la ratification du Deuxième Protocolefacultatif se rapportant au Pacte international relatifaux droits civils et politiques. À la fin de l’année, leprocessus de ratification était toujours en cours.Conditions carcéralesLes prisons étaient toujours surpeuplées. Dans laprison de Cotonou, le nombre de prisonniers était sixfois supérieur à la capacité de l’établissement, d’oùdes conditions de vie très éprouvantes pour lesBAmnesty International - Rapport 201245


Bdétenus. D’après les chiffres officiels, 99 % des2 300 personnes incarcérées étaient en détentionprovisoire.BOLIVIEÉTAT PLURINATIONAL DE BOLIVIEChef de l’État et du gouvernement : Evo Morales AymaPeine de mort : abolie sauf pour crimes exceptionnelsPopulation :10,1 millionsEspérance de vie :66,6 ansMortalité des moins de cinq ans : 51,2 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 90,7 %De très nombreuses personnes ont été blesséeslorsque la police a violemment dispersé uncampement dressé par des manifestants indigènes,en marge d’une marche vers La Paz visant àdénoncer le projet d’aménagement d’une route àtravers un territoire indigène protégé. Descondamnations ont été prononcées dans le cadredes poursuites relatives aux événements ditsd’« octobre noir », datant de 2003.ContexteLes tensions sociales se sont exacerbées au fil del’année, sur fond de manifestations récurrentes ausujet des difficultés économiques et des droits desindigènes.En mars, le Comité pour l’élimination de ladiscrimination raciale [ONU] a salué l’adoption par leCongrès, en janvier, d’une loi relative à la lutte contrela discrimination raciale. Il s’est cependant déclarépréoccupé par la mise en œuvre de ce texte, par lefait que les habitants indigènes étaient sousreprésentésdans les organes de prise de décision,par la question de l’accès à la justice, ainsi que par lemanque de clarté de la nouvelle loi sur la délimitationjuridictionnelle concernant les mécanismes decoordination avec le système judiciaire ordinaire.Droits des peuples indigènesLe 25 septembre, de très nombreuses personnes ontété blessées lorsque des policiers ont utilisé des gazlacrymogènes et des matraques pour disperser lesoccupants d’un campement de fortune érigé par desmanifestants indigènes à proximité de Yucumo, dansle département du Beni. Ces derniers participaient àune marche de 580 km entre Trinidad (Beni) etLa Paz pour dénoncer le projet publicd’aménagement d’une route traversant le Territoireindigène et parc national Isiboro-Sécure (TIPNIS),conduit en violation des garanties constitutionnellesrelatives à la consultation préalable des peuplesindigènes, ainsi que des lois en matière depréservation de l’environnement. La police a arrêtéplusieurs centaines de manifestants indigènes et les aconduits dans les villes de San Borja et deRurrenabaque, pour qu’ils soient renvoyés chez euxen avion par l’armée.Le gouvernement faisait valoir que cet axe routierassurerait le développement économique de larégion, tandis que les protestataires indigènesmettaient en avant le fait qu’il ouvrirait la voie àl’installation dans la région d’industries extractives etencouragerait la déforestation et la production decoca. L’opération de répression a donné lieu à desmanifestations dans tout le pays et les ministres del’Intérieur et de la Défense ont été contraints à ladémission.Le président Morales a fini par annuler le projet enoctobre. En novembre, un juge a ordonné leplacement en résidence surveillée du <strong>com</strong>mandantadjoint de la police nationale qui aurait ordonnél’opération policière à Yucumo. Les enquêtes pénalesouvertes sur l’intervention de la police sepoursuivaient à la fin de l’année.ImpunitéLes auteurs de violations graves des droits humains– disparitions forcées et exécutions extrajudiciairesnotamment – perpétrées avant le retour à ladémocratie, en 1982, continuaient d’échapper à lajustice.Malgré deux arrêts de la Cour suprême ayantordonné en avril 2010 la déclassification desarchives, les forces armées n’avaient toujours pas, fin2011, <strong>com</strong>muniqué aux magistrats du parquetcertaines informations relatives à d’anciennesviolations des droits fondamentaux. Le gouvernementn’a pas fait pression pour que ces éléments soientdivulgués.n En août, la Cour suprême a reconnu coupables septanciens hauts responsables pour leur implication dansles événements dits d’« octobre noir », qui ont fait67 morts et plus de 400 blessés au cours demanifestations survenues fin 2003 à El Alto, près de46 Amnesty International - Rapport 2012


La Paz. Il s’agissait du premier procès de responsablesmilitaires accusés de violations des droits humains seconcluant devant un tribunal civil. Cinq anciensofficiers de l’armée ont été condamnés à des peinesallant de 10 à 15 ans de réclusion et deux anciensministres à trois années d’emprisonnement. Uneprocédure d’extradition était en cours à la fin de l’annéecontre l’ancien président Gonzálo Sánchez de Lozadaet deux de ses ministres, qui avaient fui aux États-Unispeu après les violences. D’autres ministres s’étaient parla suite exilés au Pérou et en Espagne.n Quatre militaires qui faisaient l’objet d’une enquêtesur des actes de torture infligés à un conscrit en 2009 àChallapata, dans le département d’Oruro, ont recouvréla liberté en avril après qu’un juge eut annulé lesaccusations retenues contre eux. En juillet, la Courd’appel d’Oruro a infirmé la décision du juge et ordonnéla poursuite de la procédure devant une juridictioncivile. Le procès n’avait pas débuté à la fin de l’année.Un enregistrement vidéo de 2009 montrant le conscritimmergé sous l’eau à plusieurs reprises par les officiersavait été divulgué en 2010.n En septembre, un juge a annulé les chargesretenues contre cinq membres de la police nationaleaccusés d’avoir participé à la dispersion demanifestants qui, en mai 2010, avaient dressé unbarrage routier dans la province de Caranavi. Deuxpersonnes étaient mortes et 30 autres au moins avaientété blessées au cours de l’opération. À la fin de l’année,les magistrats du parquet envisageaient de prononcerde nouvelles inculpations.n Les poursuites judiciaires concernant le massacrede Pando, perpétré en 2008 et au cours duquel19 personnes (pour la plupart des petits paysans)avaient été tuées et 53 autres blessées, sepoursuivaient en dépit de plusieurs atermoiements.Torture et autres mauvais traitementsGróver Beto Poma Guanto est mort à l’hôpital enfévrier, deux jours après avoir été battu par desinstructeurs de l’École militaire des condors de Bolivie(ESCOBOL) à Sanandita, dans le département deTarija. À la fin de l’année, trois membres de l’arméefaisaient toujours l’objet d’une enquête dans le cadrede cette affaire. Malgré plusieurs demandes detransfert devant une juridiction civile, l’affaire étaittoujours instruite par la justice militaire, qui manquaitd’indépendance et d’impartialité.BOSNIE-HERZÉGOVINEBOSNIE-HERZÉGOVINEChef de l’État : une présidence tripartite est exercée parNebojša Radmanović, Željko Komšić et Bakir IzetbegovićChef du gouvernement :Nikola ŠpirićPeine de mort :aboliePopulation :3,8 millionsEspérance de vie :75,7 ansMortalité des moins de cinq ans : 14,4 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 97,8 %Les discours nationalistes incitant à la division ontpris de l’ampleur. Un accord sur la formation d’ungouvernement de coalition a été obtenu endécembre, 15 mois après les élections générales.L’année a été marquée par un affaiblissement desinstitutions de l’État, notamment du judiciaire. Leprocès de Ratko Mladić a <strong>com</strong>mencé. Lespoursuites engagées contre les auteurs présumés decrimes de guerre progressaient, mais toujours auralenti, et de nombreux crimes restaient impunis.Les civils victimes de guerre se heurtaient toujours àun déni de justice et à l’impossibilité d’obtenir desréparations.ContexteLa rhétorique ambiante, volontiers nationaliste etprônant la division, s’est traduite par unaffaiblissement des institutions de l’État, notammentdu judiciaire. La mauvaise volonté des grands partispolitiques, peu enclins à trouver un consensus aulendemain des élections législatives d’octobre 2010, adébouché sur la paralysie politique du pays. Unaccord sur la formation d’un gouvernement afinalement été trouvé à la fin décembre, 15 moisaprès les élections, mais le budget n’avait pas encoreété adopté, et l’État fonctionnait sur un budgetprovisoire.Ratko Mladić, ex-<strong>com</strong>mandant en chef des forcesbosno-serbes, a été arrêté en Serbie au mois de mai(voir Serbie) et remis au Tribunal pénal internationalpour l’ex-Yougoslavie (le Tribunal).La <strong>com</strong>munauté internationale était toujoursprésente dans le pays. L’Union européenne (UE) yconservait une force de maintien de la paix d’environ1 300 hommes. Il a été décidé en juin de mettre unterme fin juin 2012 à la Mission de police de l’UnionBAmnesty International - Rapport 201247


Beuropéenne en Bosnie-Herzégovine (MPUE). Lesnégociations en vue d’une adhésion à l’Union se sontpoursuivies et un dialogue structuré entre l’UE et laBosnie-Herzégovine sur la justice, processusconsultatif officiel concernant les questionsjudiciaires, s’est ouvert en juin. Peter Sørensen aofficiellement pris en septembre ses fonctions dereprésentant spécial de l’Union européenne enBosnie-Herzégovine, affirmant ainsi la présence del’UE dans le pays.Le rôle distinct du haut représentant de l’ONU enBosnie-Herzégovine, poste toujours occupé parValentin Insko, a été confirmé en novembre par unerésolution du Conseil de sécurité de l’organisation. Illui appartenait en dernier ressort de « statuer surplace sur l’interprétation à donner aux aspects civilsde l’application de l’Accord de paix ».Justice internationaleFin 2011, six affaires de crimes de guerre concernantla Bosnie-Herzégovine étaient pendantes devant laChambre de première instance du Tribunal. Troisautres étaient en appel.n En septembre, après plus de deux années deprocès, le Tribunal a déclaré Momilo Perišić, ancienchef d’état-major de l’Armée yougoslave (VJ), coupablede crimes contre l’humanité et de violations des lois oucoutumes de la guerre pour avoir aidé et encouragé desmeurtres, des actes inhumains, des persécutions pourdes raisons politiques, raciales ou religieuses, et desattaques contre des civils, à Sarajevo et à Srebrenica.L’accusé a été condamné à 27 ans d’emprisonnement.Il a fait appel en novembre, contestant le jugement sur17 points.n Le procès de l’ancien dirigeant bosno-serbeRadovan Karadžić suivait son cours. En 2011, leTribunal a examiné divers éléments concernant descrimes <strong>com</strong>mis lors du conflit de 1992-1995 dans lenord-ouest de la Bosnie-Herzégovine, notammentdans les camps de Manjača et de Trnopolje, ainsi quesur le site dit « des falaises de Korićani ».n Ratko Mladić, ex-<strong>com</strong>mandant en chef des forcesbosno-serbes, a été transféré le 31 mai au Tribunal.L’acte d’accusation établi contre lui en octobre 2011portait entre autres sur des faits de génocide, descrimes contre l’humanité et des crimes de guerre.Radovan Karadžić et Ratko Mladić avaient étéinitialement inculpés conjointement de génocide, ainsique d’extermination, meurtre, persécution, expulsion,actes inhumains, actes de violence, actes de terreur,attaques illégales contre des civils et prises d’otages,constituant autant de crimes de guerre et de crimescontre l’humanité. En décembre, le Tribunal a fait droità la proposition du Procureur de limiter à 106 lenombre de crimes retenus dans l’acte d’accusation– contre 196 initialement – et de restreindre à 15 lenombre de municipalités visées – contre 23 au départ.Justice nationale – crimes de droitinternationalLes tribunaux nationaux ont poursuivi leur travail surles très nombreuses affaires de crimes de guerre ensouffrance. La mise en œuvre de la Stratégie nationalepour le traitement des crimes de guerre a été différée,essentiellement par manque de soutien politique etfinancier. La résolution des affaires de crimes deguerre s’est également heurtée à des obstaclespolitiques empêchant une meilleure coopérationrégionale, notamment par la persistance des barrièresjuridiques rendant impossible l’extradition de suspectsentre la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Serbie et leMonténégro. Le projet d’accord bilatéral entre laSerbie et la Bosnie-Herzégovine destiné à faire aboutirles enquêtes menées parallèlement par les deux payssur des crimes de guerre a atteint un point de blocageen juin.Six affaires impliquant 10 accusés de rangintermédiaire et subalterne, qui avaient été renvoyéespar le Tribunal à la Cour d’État de Bosnie-Herzégovineen application de l’article 11 bis, ont été menées àterme. Toutefois, de manière générale, les poursuitesengagées devant les tribunaux de Bosnie-Herzégovineà l’encontre des auteurs présumés de crimes de droitinternational progressaient avec lenteur. Le droit pénalrestait appliqué de façon inégale dans les affaires decrimes de guerre, les tribunaux des différentes entitéscontinuant de se référer au Code pénal de 1976, cequi gênait considérablement l’administration d’unejustice équitable et efficace. Parmi les problèmesfiguraient l’impossibilité de qualifier certains actes decrimes contre l’humanité, l’absence de poursuites autitre de la responsabilité au sein de la chaîne de<strong>com</strong>mandement et l’inégalité devant la loi résultant dela faiblesse des peines minimum et maximumencourues en cas de crimes de guerre.La Chambre des crimes de guerre créée au sein dela Cour d’État de Bosnie-Herzégovine jouait toujoursun rôle central en matière de procès pour crimes deguerre. Toutefois, les attaques verbales contre la Couret contre les autres institutions judiciaires chargées48 Amnesty International - Rapport 2012


d’enquêter sur les crimes de guerre et d’ouvrir despoursuites dans ces affaires, ainsi que la négation decertains crimes de guerre (dont le génocide perpétréen juillet 1995 à Srebrenica) par de hautsresponsables politiques du pays, ont encore affaibliles efforts déployés par la Bosnie-Herzégovine pourpoursuivre les auteurs présumés de tels crimes. Parailleurs, les autorités ne recueillaient pas les donnéesrelatives au nombre total d’enquêtes ouvertes et depoursuites entamées pour des crimes de droitinternational.En janvier, les services de soutien aux témoins ontété étendus, au niveau national, pour couvrir lapériode précédant le procès. Toutefois, les témoinsappelés à témoigner dans des affaires jugées à unéchelon inférieur ne bénéficiaient toujours d’aucunemesure de soutien ou de protection, alors que lanécessité de telles mesures avait été reconnue par laStratégie nationale pour le traitement des crimes deguerre. Face à cette situation, de nombreusesvictimes renonçaient à demander justice. Uneproposition de modification de la loi, visant àpermettre aux parquets des différentes entités defaire appel au programme de protection des témoinsde la Bosnie-Herzégovine, suivait son cours ; sonadoption requérait toutefois un large soutien des élusdu Parlement.Les autorités n’ont pas proposé de véritableprogramme de réparation aux victimes de crimessanctionnés par le droit international et <strong>com</strong>mispendant le conflit.Droits des femmesVictimes de violences sexuelles constituantdes crimes de guerreLe Comité contre la torture [ONU] a re<strong>com</strong>mandé augouvernement de modifier son Code pénal pour quela notion de viol et autres formes de violence sexuelleperpétrées en tant que crimes de guerre soit mise enaccord avec les normes internationales. Legouvernement n’a cependant pas procédé auxmodifications nécessaires. Le Code pénal de 2003disposait que la victime devait avoir été soumise à laforce ou à une menace d’attaque immédiate contreson intégrité physique. On pouvait raisonnablementestimer que cette définition ne tenait pas <strong>com</strong>pte descirconstances propres à un conflit armé, quipouvaient être considérées en soi <strong>com</strong>me coercitiveset modifiant sérieusement la notion habituelle de libreconsentement à des rapports sexuels.Le nombre des poursuites et des informationsouvertes sur des faits présumés de viol ou d’autresformes de violence sexuelle <strong>com</strong>mis pendant laguerre avait certes augmenté en 2010, mais il restaitfaible par rapport à la quantité de crimes de ce typeeffectivement perpétrés à l’époque.Le parquet a indiqué en juin à AmnestyInternational qu’une centaine d’affaires portant entreautres sur des faits de viol ou autres formes deviolence sexuelle étaient actuellement en coursd’instruction et que six inculpations avaient étéconfirmées par la Cour d’État. Le verdict définitifn’avait été rendu que dans 21 affaires depuis 2005.Les autorités n’ont pas établi le nombre total d’affairesde ce genre instruites et jugées au niveau desdifférentes entités.Dans la plupart des régions, en particulier dans lescampagnes, les victimes ne pouvaient pas faire valoirleur droit aux réparations et restaient stigmatisées parle viol. Les femmes violées n’avaient notamment pasaccès à des services de santé adaptés, mêmelorsqu’elles souffraient de problèmes constituant desséquelles directes de l’agression subie. Rares étaientles personnes souffrant d’un syndrome de stress posttraumatiquequi étaient à même de rechercher unsoutien psychologique. Nombre de victimes vivaientdans la misère. La plupart ne pouvaient <strong>com</strong>pter suraucune aide pour trouver un emploi ou poursuivreleurs études.Comme l’ensemble des victimes civiles de laguerre, elles faisaient également l’objet dediscriminations en matière de prestations sociales parrapport aux anciens <strong>com</strong>battants. Le ministère desDroits humains et des Réfugiés a élaboré un projet deloi sur les droits des victimes de torture et desvictimes civiles de la guerre. Il a également mis enplace un groupe de travail, chargé de préparer unprogramme en faveur des victimes de violencessexuelles pendant et après le conflit. Ces mesuresn’ont toutefois été ni finalisées ni adoptées.Disparitions forcéesLes exhumations se sont poursuivies, malgré lesproblèmes budgétaires engendrés par la vacance dugouvernement. Le parquet général a pris en janvier ladirection des exhumations, qui étaient auparavant duressort des procureurs locaux. Cette initiative a eu poureffet d’accélérer la récupération des restes despersonnes disparues enfouis dans des charniers. Le sortréservé à quelque 10 000 personnes n’avait toujoursBAmnesty International - Rapport 201249


Bpas été élucidé. Le refus de témoigner des personnesayant vécu les événements de l’intérieur restait leprincipal obstacle à l’établissement de la vérité.La Base de données des personnes disparues a étémise en place en février par la Bosnie-Herzégovine, àtitre permanent. Cet outil contenait environ34 000 noms, issus de plusieurs bases de donnéesantérieures, qui allaient être vérifiés. Il devaitpermettre à l’Institut national des personnesdisparues d’avoir une approche stratégique de larésolution des cas non encore élucidés.Parallèlement, le processus d’identification desdépouilles a montré des signes de ralentissement,malgré le recours ces dernières années aux tests ADNpar la Commission internationale des personnesdisparues dans l’ex-Yougoslavie. Cette dernière aindiqué qu’environ 8 000 corps avaient déjà étéidentifiés par les méthodes classiques. Toutefois, detrès nombreux corps ayant été enterrés puis déplacésdans une deuxième, une troisième, voire unequatrième fosse <strong>com</strong>mune, et ces sites se <strong>com</strong>ptantpar centaines, il faudra peut-être attendre plusieursannées avant que l’on ait retrouvé toutes les partiesde certaines dépouilles déjà identifiées et inhumées.Malgré les progrès ac<strong>com</strong>plis en matière derécupération et d’identification des personnesdisparues et de sanction judiciaire des responsablesprésumés, les familles de victimes ne pouvaienttoujours pas espérer obtenir justice et réparation.La non-application de la Loi de 2004 sur lespersonnes disparues entraînait des problèmes pourles familles. On ne pouvait que déplorer, notamment,le fait que l’Institut national des personnes disparuesne fonctionnait pas de manière indépendante et quele Fonds d’assistance aux familles de personnesdisparues n’ait toujours pas été créé. Qui plus est, denombreux arrêts de la Cour constitutionnelle deBosnie-Herzégovine concernant des disparitionsforcées sont restés lettre morte.Réfugiés et personnes déplacéesLe chiffre officiel de plus d’un million de personnesrentrées chez elles fourni par l’ONU ne traduisait pasla réalité en Bosnie-Herzégovine, où ceux et celles,réfugiés ou personnes déplacées, qui avaient retrouvéleur lieu de résidence d’avant la guerre étaient en faitbeaucoup moins nombreux. Les candidats au retourétaient toujours confrontés à la difficulté d’envisagerune réinstallation durable, alors qu’ils risquaientd’être victimes de discriminations en matière d’accèsaux soins, au droit à la retraite, à la protection socialeet à l’emploi.Seize ans après la guerre, près de 8 600 personnesvivaient toujours dans des centres d’hébergementcollectif ou dans le cadre d’autres solutionstemporaires, selon le Haut-Commissariat des Nationsunies pour les réfugiés (HCR). Ces centres collectifsmanquaient du confort le plus élémentaire (eaucourante, chauffage, électricité, etc.). Aucunesolution durable n’avait encore été trouvée pour lespersonnes les plus vulnérables accueillies en centred’hébergement.DiscriminationDroits des minoritésLes autorités n’ont pas appliqué l’arrêt rendu endécembre 2009 par la Cour européenne des droits del’homme à la suite du recours introduit par DervoSejdić et Jakob Finci, deux hommes appartenantrespectivement aux <strong>com</strong>munautés rom et juive.Les requérants avaient fait valoir que, dans lamesure où ils n’appartenaient ni l’un ni l’autre àaucun des principaux groupes ethniques du pays, ilsse voyaient privés de leur droit d’être élus à desfonctions au sein des institutions de l’État (aux termesdu cadre juridique en place, ce droit étaitexclusivement reconnu aux Bosniaques, aux Croateset aux Serbes). La Cour avait estimé que le cadreconstitutionnel et le système électoral étaientdiscriminatoires à l’égard des requérants et que lesautorités devaient les modifier en conséquence.Le Parlement a mis en place fin 2011 une nouvelle<strong>com</strong>mission provisoire chargée de rédiger un projetde modification de la législation concernée.Droits des lesbiennes, des gays, des personnesbisexuelles et des transgenresDans son rapport de suivi de 2011, la Commissioneuropéenne a dénoncé les discriminationsgénéralisées dont étaient victimes les lesbiennes, lesgays, les personnes bisexuelles et les transgenres,ainsi que les menaces et les actes de harcèlementauxquels étaient soumis leurs militants et les discoursde haine et d’intolérance formulés à leur égard par uncertain nombre d’organes de presse et deresponsables politiques. Aucune avancée n’avait étéenregistrée fin 2011.Lutte contre le terrorisme et sécuritéLes autorités de Bosnie-Herzégovine ont continué dene pas respecter les droits d’un certain nombre de50 Amnesty International - Rapport 2012


personnes qui étaient venues s’installer dans le payspendant ou après la guerre et qui en avaient par lasuite obtenu la nationalité. Sur décision de laCommission gouvernementale de révision desdécisions de naturalisation des citoyens étrangers,certaines d’entre elles ont perdu leur statut de citoyenet une procédure d’expulsion a été initiée à leurencontre. Les re<strong>com</strong>mandations en matière de renvoiforcé émises par le Comité contre la torture n’avaienttoujours pas été appliquées.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des déléguées d’Amnesty International se sont rendues en Bosnie-Herzégovine en juin et en novembre.4 Ex-Yougoslavie. La décision clé d’un tribunal international représenteune victoire pour les victimes de crimes <strong>com</strong>mis durant la guerre en ex-Yougoslavie (EUR 70/017/2011).BRÉSILRÉPUBLIQUE FÉDÉRATIVE DU BRÉSILChef de l’État et du gouvernement : Dilma RousseffPeine de mort : abolie sauf pour crimes exceptionnelsPopulation :196,7 millionsEspérance de vie :73,5 ansMortalité des moins de cinq ans : 20,6 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 90 %Malgré d’importants progrès ac<strong>com</strong>plis en matièrede sécurité publique, les forces de l’ordre ontcontinué de recourir à une force excessive et de serendre coupables d’exécutions extrajudiciaires et detortures. Les escadrons de la mort et les milicesdemeuraient un motif de préoccupation. Desinformations ont fait état d’un grave problème desurpopulation, de conditions dégradantes et de lapratique de la torture et d’autres formes de mauvaistraitements dans les établissements pénitentiaires,les lieux de détention pour mineurs et les postes depolice. Dans les régions rurales, un grand nombre depersonnes luttant pour le respect del’environnement et du droit à la terre ont été tuéesdans le contexte de conflits fonciers. Cette annéeencore, des hommes de main armés à la solde depropriétaires terriens ont attaqué des indigènes etdes quilombolas (Brésiliens d’origine africaine) entoute impunité. Des milliers de personnes ont étéexpulsées de force dans le cadre de vastes projets dedéveloppement.ContexteLa première femme à accéder à la présidence duBrésil, Dilma Rousseff, a pris ses fonctions le1 er janvier ; elle s’est engagée à promouvoir ledéveloppement et à éradiquer la grande pauvreté.Malgré une forte croissance et une amélioration de laplupart des indicateurs socioéconomiques ces10 dernières années, plus de 16,2 millions deBrésiliens vivaient toujours avec moins de 70 réaux(environ 40 dollars des États-Unis) par mois, selondes données obtenues lors du recensement. En juin,le gouvernement fédéral a lancé un plan nationald’éradication de l’extrême pauvreté sur quatre ans.Sur fond d’allégations de corruption dans des affairesde détournement de fonds publics, sept ministres ontété contraints de démissionner au cours de l’année.Le nouveau gouvernement s’est engagé à intégrerla question des droits humains dans sa politiqueétrangère. En mars, le Brésil a soutenu la nominationd’un rapporteur spécial des Nations unies sur lasituation des droits de l’homme en Iran. Ennovembre, toutefois, le pays a fait l’objet de critiquespour s’être abstenu lors du vote d’une résolution duConseil de sécurité condamnant les atteintes auxdroits humains <strong>com</strong>mises en Syrie. Le Brésil a refuséd’accepter les mesures conservatoires ordonnées parla Commission interaméricaine des droits de l’hommesur le projet d’aménagement hydroélectrique de BeloMonte, alors qu’il s’était engagé à le faire lors de sonélection au Conseil des droits de l’homme [ONU].Les projets de développement de grande ampleurélaborés dans le cadre du programme d’accélérationde la croissance continuaient de menacer despopulations indigènes, des villages de pêcheurs, despetits agriculteurs et les habitants de secteurs urbainsmarginalisés.En janvier, la région de Serrana, zone montagneusesituée à proximité de Rio de Janeiro, a été dévastéepar des inondations et des glissements de terrain.Plus de 800 personnes – essentiellement dans lesvilles de Nova Friburgo et de Teresópolis – sontmortes et plus de 30 000 autres se sont retrouvéessans abri. De nombreuses allégations de corruptionont circulé à la suite de ces intempéries ; des fondspublics affectés aux secours auraient été détournés.Des personnes qui s’étaient retrouvées sans toit aprèsBAmnesty International - Rapport 201251


Bles inondations survenues en 2010 dans les villes deRio de Janeiro et de Niterói vivaient toujours dans desconditions précaires, attendant que l’on mette deslogements décents à leur disposition.Dans une décision prononcée à l’unanimité en mai,la Cour suprême fédérale a estimé que les coupleshomosexuels stables devaient bénéficier de droitséquivalents à ceux des couples hétérosexuels.Violations des droits humains <strong>com</strong>misesdans le passéLe 18 novembre, la présidente, Dilma Rousseff, apromulgué une loi limitant à 50 ans le maintien dusecret d’État sur des éléments classés <strong>com</strong>me tels etune autre portant création d’une <strong>com</strong>mission véritéchargée d’enquêter sur les violations des droitshumains <strong>com</strong>mises entre 1946 et 1988. Constituéede sept membres désignés par la présidente, cette<strong>com</strong>mission examinera des éléments de preuvependant deux ans avant de publier un rapport. Cesréformes ont constitué des progrès importants enmatière de lutte contre l’impunité. On craignaittoutefois que les résultats des travaux de la<strong>com</strong>mission puissent être affectés par certainséléments. La Loi d’amnistie de 1979, qui a étéinterprétée jusqu’à présent <strong>com</strong>me couvrant lesauteurs de crimes contre l’humanité, pourrait ainsiêtre invoquée au cours du processus et empêcherdes poursuites contre les responsables présumés detels crimes.Sécurité publiqueConfrontés à un niveau très élevé de criminalitéviolente dans le pays, les agents de la force publiqueavaient toujours recours à des pratiques marquéespar la discrimination, les atteintes aux droits humainset la corruption ; certaines opérations de maintien del’ordre étaient de véritables interventions militaires.Les réformes promises en matière de sécuritépublique ont été mises à mal par les restrictionsbudgétaires importantes et le manque dedétermination politique.Certains États ont investi dans des projets desécurité ciblés, <strong>com</strong>me les Unités de policepacificatrice (UPP) dans l’État de Rio de Janeiro, leprojet Rester en vie dans l’État du Minas Gerais et leprogramme Pacte pour la vie dans l’État dePernambouc. À la fin de l’année, 18 UPP avaient étédéployées à Rio de Janeiro. Une vaste opérationmenée en novembre par l’armée et la police dans lesud de la ville a éliminé les bandes criminelles desfavelas (bidonvilles) de Rocinha et de Vidigal, dansl’optique d’un nouveau déploiement d’UPP. Même sices unités représentaient un grand pas en avant versl’abandon de méthodes de maintien de l’ordre baséessur une confrontation violente, on continuait dedéplorer le manque d’investissement global dans desservices sociaux destinés aux habitants défavorisés.Une réforme de l’ensemble du système de sécuritédemeurait nécessaire, notamment dans les domainesde la formation de la police, du renseignement et ducontrôle externe. Signe qu’il n’existait pas demécanisme de surveillance effectif des UPP dans lesquartiers où elles étaient présentes, des informationsont fait état d’un usage excessif de la force et decorruption au sein de certaines unités.Cette année encore, les populations défavoriséesont été exposées aux violences des gangs et à desméthodes policières abusives, les habitants étantsouvent traités <strong>com</strong>me des délinquants. Cettesituation accentuait la misère sociale et limitaitdavantage encore l’accès de ces populations à desservices publics tels que l’éducation, la santé etl’assainissement.Entre janvier et septembre, 804 personnes ont ététuées au cours de faits désignés <strong>com</strong>me des « actesde rébellion » dans les États de Rio de Janeiro et deSão Paulo. Dans l’État de Rio de Janeiro, ce chiffre adiminué (177 cas en moins) par rapport à l’annéeprécédente, mais le nombre de morts violentesclassées par la police <strong>com</strong>me « de causeindéterminée » a augmenté.n En juillet, Juan Moraes (11 ans) a disparu lors d’uneopération menée dans la favela de Danon, à NovaIguaçu (État de Rio de Janeiro). Son corps a été retrouvéà proximité de la rivière Botas, à Belford Roxo, dans lamunicipalité de Nova Iguaçu. Une enquête menée parla police civile a conclu que le garçon avait été tué pardes agents de la police militaire, qui avaient faitdisparaître son corps. À eux quatre, les agents accusésavaient déjà été impliqués dans au moins 37 homicidesconsécutifs à des « actes de rébellion ». À la suite de cethomicide, la police civile a introduit de nouvellesmesures, notamment l’obligation de procéder dans cetype d’affaire à des constatations sur les lieux du crimeet à des investigations médicolégales et balistiques.Des mesures similaires ont été prises à São Paulo.À partir du mois d’avril, tous les cas d’homicides<strong>com</strong>mis par des policiers dans l’agglomération ont étéconfiés à un service spécialisé.52 Amnesty International - Rapport 2012


Milices et escadrons de la mortCertains policiers appartenaient semble-t-il à desescadrons de la mort ou à des milices se rendantcoupables de « nettoyage social », d’extorsion et detrafic d’armes et de stupéfiants.n En février, l’opération Guillotine, menée par la policefédérale, a mis au jour un réseau de corruptionimpliquant de hauts gradés de la police civile de Rio deJaneiro. Quarante-sept agents en fonction ou à laretraite ont été accusés de constitution de bandearmée, de détournement de fonds, de trafic d’armes etd’extorsion.n Dix-neuf agents de la police militaire de l’État deGoiás, dont le <strong>com</strong>mandant en chef adjoint, ont étéarrêtés en février et inculpés de participation à desescadrons de la mort. En juin, une <strong>com</strong>mission spécialeenquêtant sur l’implication de la police dans les activitésdes escadrons de la mort dans l’État a publié un rapportoù elle examinait 37 affaires de disparition forcéeauxquelles des policiers seraient mêlés. Des membresde la <strong>com</strong>mission ont reçu des menaces de mort à lasuite de la publication de ce rapport.À São Paulo, un rapport préparé par la police civilea attribué à des escadrons de la mort 150 homicidesperpétrés entre 2006 et 2010 dans le nord et l’est dela ville.Des milices maintenaient leur emprise sur denombreux quartiers de Rio de Janeiro ; ellesextorquaient de l’argent aux habitants les pluspauvres, en échange d’une protection, etfournissaient illégalement des services, par exemplede transport, de télé<strong>com</strong>munications et de gaz. Lespopulations vulnérables se trouvaient ainsi à la mercide services illicites ou non réglementés. Celles et ceuxqui refusaient cette situation étaient en butte à desmenaces, des manœuvres d’intimidation et desviolences.n En août, la juge Patrícia Acioli est morte après avoirété atteinte de 21 balles devant son domicile à Niterói,ville située dans la région métropolitaine de Rio deJaneiro. Elle avait été menacée de mort à plusieursreprises en raison de son intransigeance envers lesmilices et la criminalité policière. Onze policiers, dont le<strong>com</strong>mandant du bataillon de la police militaire de SãoGonçalo à l’époque des faits, ont été arrêtés dans lecadre de l’enquête sur cet assassinat. Ils se trouvaienten détention à la fin de l’année, dans l’attente de leurprocès.n Marcelo Freixo, député de l’État de Rio de Janeiro etprésident de la Commission des droits humains de cetÉtat, qui avait dirigé une enquête sur les milices, a étémenacé de mort à 10 reprises entre octobre etdécembre.Torture et autres mauvais traitementsLa torture était régulièrement employée au momentde l’arrestation et lors des interrogatoires et de ladétention dans les postes de police et les prisons.Conditions carcéralesOn <strong>com</strong>ptait quelque 500 000 personnes incarcéréesen 2011, 44 % d’entre elles attendant d’être jugées.Le système carcéral était marqué par une fortesurpopulation, des conditions dégradantes, lapratique courante de la torture et de fréquentesviolences entre détenus.En octobre, un projet de loi, attendu depuislongtemps, a été présenté au Congrès en vue de lacréation d’un mécanisme national de prévention etd’un <strong>com</strong>ité national de prévention et d’élimination dela torture, conformément aux exigences du Protocolefacultatif se rapportant à la Convention contre latorture [ONU]. À la fin de l’année, trois États (Rio deJaneiro, Alagoas et Paraíba) avaient adopté une loiportant création d’un mécanisme de prévention ; lalégislation était en vigueur dans l’État de Rio deJaneiro.n En septembre, une jeune fille de 14 ans a été attiréedans la prison semi-ouverte d’Heleno Fragoso, situéedans la région métropolitaine de Belém (État du Pará).Elle y a été droguée et violée pendant quatre jours. Aprèss’être enfuie, elle a déclaré à la police que deux autresadolescentes étaient utilisées <strong>com</strong>me prostituées dansla prison. Trente membres du personnel pénitentiaire, y<strong>com</strong>pris le responsable du système carcéral de l’État,ont été suspendus de leurs fonctions jusqu’à la fin del’enquête. Menacées de mort, l’adolescente et une autrejeune fille également victime de viol dans la prison ontdû être prises en charge par le programme de protectiondes enfants et adolescents.Dans la plupart des États, un grand nombred’établissements pénitentiaires et de centres dedétention de la police étaient de fait sous le contrôlede bandes criminelles.n Dans l’État de Maranhão, six détenus ont été tuéslors d’émeutes qui ont éclaté en février à la station depolice régionale de Pinheiro. Quatre d’entre eux ont étédécapités. Les prisonniers voulaient protester contre lasurpopulation dans les locaux, où 90 détenus étaiententassés dans une cellule prévue pour en accueillir 30.L’ordre des avocats de l’État a indiqué que cesBAmnesty International - Rapport 201253


Bhomicides portaient à 94 le nombre de personnestuées en détention dans l’État depuis 2007.Conflits fonciersPeuples indigènes et <strong>com</strong>munautésquilombolasCette année encore, les populations indigènes ont étévictimes de discriminations, de menaces et deviolences dans le contexte de conflits fonciers. Enoctobre, un décret signé par la présidente Rousseff asuscité des inquiétudes ; il facilitait l’octroid’autorisations pour de grands projets dedéveloppement, y <strong>com</strong>pris ceux affectant les terres de<strong>com</strong>munautés indigènes ou quilombolas.La situation demeurait grave dans l’État du MatoGrosso do Sul. D’après le Conseil missionnaireindigène (CIMI), 1 200 familles campaient en bordurede route dans des conditions d’extrême précarité,attendant que leurs terres leur soient rendues. Enraison de la lenteur du processus de démarcation, les<strong>com</strong>munautés concernées risquaient de plus en plusd’être victimes de violations de droits humains.n Un groupe d’hommes armés a menacé et attaqué àplusieurs reprises 125 familles guaranis-kaiowás ducampement de Pyelito Kue, qui s’étaient réinstallées surleurs terres ancestrales dans la municipalité d’Iguatemi(État du Mato Grosso do Sul). En septembre, deshommes armés sont arrivés à bord de deux camions. Ilsont tiré des balles en caoutchouc, mis le feu à descabanes, frappé des personnes et proféré des menacestandis que les membres de la <strong>com</strong>munauté, pris depanique, s’enfuyaient. Plusieurs d’entre eux, dont desenfants et des personnes âgées, ont été grièvementblessés au cours de cette attaque, que les procureursfédéraux qualifient de génocide et dans laquelle ilsvoient des éléments constitutifs d’une milice rurale.n En novembre, 40 hommes armés, encagoulés pourla plupart, ont attaqué le campement Guaiviry, installéà proximité de la frontière avec le Paraguay. Ils ontabattu le dirigeant indigène Nísio Gomes et ontemporté son corps dans un camion. Le cadavre n’avaittoujours pas été retrouvé à la fin de l’année.En février, trois hommes accusés d’avoir tué ledirigeant guarani-kaiowá Marcus Veron ont étédéclarés coupables d’enlèvement, de formation d’unebande criminelle et de torture, mais ont été acquittésdu chef de meurtre. Ils étaient en liberté à la fin del’année, attendant qu’il soit statué sur l’appel de leurspeines. Marcus Veron avait été battu à mort sur desterres ancestrales en février 2003.n En février, l’Institut brésilien de l’environnement etdes ressources naturelles renouvelables a autorisé lelancement des travaux prévus dans le cadre du projetd’aménagement hydroélectrique de Belo Monte (Étatdu Pará). La population locale, y <strong>com</strong>pris indigène, aprotesté contre ce projet, faisant valoir qu’il aurait desrépercussions sur leurs moyens de subsistance etqu’il avait été autorisé en l’absence de touteconsultation équitable des personnes concernées. Enavril, la Commission interaméricaine des droits del’homme a demandé au Brésil de suspendre laprocédure d’autorisation tant que n’auraient pas étémenées des consultations donnant lieu à unconsentement préalable, libre et éclairé des<strong>com</strong>munautés touchées, ni mises en œuvre desmesures pour protéger la santé et l’intégrité physiquede ces <strong>com</strong>munautés. En réaction, les autoritésfédérales ont rappelé leurs représentants àl’Organisation des États américains et suspendu leurscontributions financières à la Commissioninteraméricaine des droits de l’homme, entre autresmesures.Homicides de militants rurauxCette année encore, des militants ont été menacés ettués alors qu’ils luttaient pour la reconnaissance deleurs droits fonciers et dénonçaient les activitésillégales d’exploitation forestière et d’élevage dans larégion de l’Amazone.n José Cláudio Ribeiro da Silva et son épouse, Mariado Espírito Santo, ont été abattus en mai par deshommes armés dans la municipalité d’Ipixuna (État duPará). Ces militants écologistes avaient dénoncé lesactivités illégales de bûcherons, éleveurs etproducteurs de charbon dans la région. Trois hommesont été arrêtés en septembre, dans le cadre del’enquête sur ces homicides, mais les proches desvictimes et leur entourage ont continué de recevoir desmenaces.n Le dirigeant rural Adelino Ramos, qui avait survécuau massacre de Corumbiara en 1995, a été abattu enmai à Vista Alegre do Abunã, dans la municipalité dePorto Velho (État de Rondônia). Il avait alerté l’opinionsur les activités de bûcherons clandestins dans la zonefrontalière entre les États de l’Acre, de l’Amazone et deRondônia.À la suite de ces homicides, la Commissionpastorale de la terre, une ONG, a remis à la secrétaired’État aux droits humains les noms de 1 855 autrespersonnes menacées à travers le Brésil en raison deconflits fonciers.54 Amnesty International - Rapport 2012


Des conflits fonciers à caractère violent ont étésignalés dans de nombreux autres États du nord etdu nord-est du pays.n En juin, 40 familles installées dans les camps deSanto Antônio Bom Sossego et de Vitória, dans lamunicipalité de Palmeirante (État du Tocantins), ontété attaquées par des hommes armés qui ont ouvert lefeu sur les campements et ont menacé de tuer desmilitants des droits fonciers.n Des membres de la <strong>com</strong>munauté quilombola deSalgado (État de Maranhão) se sont plaints d’unecampagne soutenue de harcèlement et d’intimidationmenée par des fermiers locaux, qui ont détruit descultures, tué du bétail, érigé des clôtures autour desources et menacé de mort des dirigeants de la<strong>com</strong>munauté.Droits en matière de logementEn raison de grands projets lancés notamment dansle cadre des aménagements pour la Coupe du mondede football de 2014 et les Jeux olympiques de 2016,les habitants de certaines zones des grandesmétropoles brésiliennes étaient plongés dans lapauvreté, en butte à des actes d’intimidation et sousla menace d’une expulsion forcée. En avril, larapporteuse spéciale des Nations unies sur lelogement convenable en tant qu’élément du droit àun niveau de vie suffisant ainsi que sur le droit à lanon-discrimination a indiqué qu’elle avait reçu desinformations faisant état d’expulsions marquées pardes violations des droits humains dans plusieursmétropoles brésiliennes, notamment à São Paulo, Riode Janeiro, Belo Horizonte, Curitiba, Porto Alegre,Recife, Natal et Fortaleza.n En février, des employés municipaux escortés pardes membres de la garde municipale se sont présentésdans la favela de Vila Harmonia, à Recreio dosBandeirantes (Rio de Janeiro), dont les habitants sontau nombre des <strong>com</strong>munautés menacées d’expulsionen raison de l’aménagement d’une voie rapide pour laligne de bus express TransOeste. La population n’avaitpas été avertie de cette opération. Les habitants ontindiqué que les employés municipaux leur ont ordonnéde partir immédiatement, sans leur laissersuffisamment de temps pour prendre leurs affairesavant la démolition au bulldozer de leurs habitations.À São Paulo, plusieurs milliers de famillesrisquaient d’être expulsées dans le cadre de futurstravaux d’aménagement et d’infrastructure,notamment la construction d’un périphérique,l’élargissement des routes le long du fleuve Tietê etl’aménagement de parcs sur les berges des coursd’eau, où sont situées plus de 40 % des favelas de laville. Les personnes concernées se sont plaintes den’avoir pas été consultées ni suffisammentdédommagées.Défenseurs des droits humainsLe Programme national de protection des défenseursdes droits humains était entièrement opérationneldans cinq États (Pará, Pernambouc, Espírito Santo,Minas Gerais et Bahia) et en cours de mise en œuvredans deux autres (Ceará et Rio de Janeiro). Toutefois,des problèmes administratifs limitaient son efficacitédans bien des cas, et certains militants pris en chargepar ce programme se sont plaints de ne pas avoir étécorrectement protégés.Des ONG locales étaient en butte à desmanœuvres d’intimidation et à des menaces.n Dans l’État de Maranhão, des militants travaillantpour la Commission pastorale de la terre ont étémenacés de mort devant un tribunal de Cantanhede,où ils assistaient à une audience portant sur un conflitfoncier.n À Rio de Janeiro, des membres du Réseau des<strong>com</strong>munautés et des mouvements contre la violenceont été victimes de menaces téléphoniques et d’actesd’intimidation de la part de policiers.Droits sexuels et reproductifsPlus de 100 000 personnes ont été condamnées envertu de la Loi « Maria da Penha » sur la violencedomestique au cours des cinq premières années deson application.En août, le Comité pour l’élimination de toutes lesformes de discrimination à l’égard des femmes[ONU] a conclu que le Brésil n’avait pas respectél’obligation qui lui in<strong>com</strong>bait de « [fournir] auxfemmes pendant la grossesse, pendantl’accouchement et après l’accouchement, desservices appropriés et, au besoin, gratuits ». Cettedécision historique a été rendue dans l’affaire d’Alyneda Silva Pimentel, une Afro-Brésilienne de 28 anshabitant l’un des quartiers les plus pauvres de Rio deJaneiro. Enceinte de six mois de son deuxièmeenfant en 2002, la jeune femme est morte des suitesde <strong>com</strong>plications obstétricales après que sondispensaire local eut établi un mauvais diagnostic deses symptômes et tardé à lui prodiguer des soinsd’urgence.BAmnesty International - Rapport 201255


BVisites et documents d’AmnestyInternationalv Une délégation d’Amnesty International s’est rendue au Brésil en avril.BULGARIERÉPUBLIQUE DE BULGARIEChef de l’État :Gueorgui ParvanovChef du gouvernement :Boïko BorissovPeine de mort :aboliePopulation :7,4 millionsEspérance de vie :73,4 ansMortalité des moins de cinq ans : 10 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 98,3 %Il a été reproché aux autorités de ne pas avoirempêché la vague de violences contre les Roms quia déferlé dans tout le pays en septembre. Unemanifestation organisée à Sofia par un partipolitique perçu <strong>com</strong>me d’extrême droite s’est soldéepar des agressions contre des musulmans. Lesdemandeurs d’asile étaient, semble-t-il,régulièrement placés en détention en violation de lalégislation nationale et européenne.DiscriminationLe Comité des droits de l’homme [ONU] s’est inquiétéen juillet des discriminations très fréquentes dontcontinuaient d’être victimes les Roms en matièred’accès à la justice, à l’emploi et à des services telsque le logement ou l’éducation. Il a rappelé auxautorités l’obligation qui était la leur de prévenir lesactes motivés par la haine et le harcèlement visant lesminorités ou les <strong>com</strong>munautés religieuses, enparticulier les Roms et les musulmans, d’enquêter surces agissements et d’en poursuivre les auteursprésumés.Agressions contre les RomsUne flambée de violences contre les Roms a éclatédans toute la Bulgarie après un accident, survenu le24 septembre à Katounitsa, dans lequel leconducteur rom d’un minibus a renversé un passantnon rom. Cet accident a déclenché une série demanifestations traduisant une hostilité marquée àl’égard des Roms. À Katounitsa même, plusieursmaisons appartenant à des membres de cette<strong>com</strong>munauté ont été incendiées. Plusieurs ONG, dontle Comité Helsinki de Bulgarie, ont reproché auxpouvoirs publics de ne pas avoir pris suffisamment tôtdes mesures susceptibles d’endiguer cette violence.C’est apparemment seulement dans les jours qui ontsuivi que la police a mis en place une surveillance àl’entrée de certains quartiers roms. Elle a égalementprocédé à plus de 350 arrestations. Selon desinformations parues dans la presse, le procureurgénéral aurait réagi aux manifestations en envoyantaux parquets régionaux des instructions leurrappelant la nécessité de sanctionner les actessusceptibles de constituer des violences à caractèreraciste, religieux ou ethnique.Un certain nombre de personnes arrêtées pendantet après les manifestations auraient fait l’objet depoursuites pénales.Agressions contre les musulmansLe 20 mai, des musulmans qui priaient devant lamosquée Bania Bachi de Sofia ont été agressés alorsque se tenait une manifestation organisée par dessympathisants du parti nationaliste Ataka. Celle-ci adégénéré, et quatre fidèles musulmans ainsi qu’unedéputée d’Ataka auraient été blessés. Une enquête abien été ouverte mais, selon le Comité Helsinki deBulgarie, pour des faits de « houliganisme » et nonpour des violences à caractère discriminatoire. LeComité des droits de l’homme a déploré cesviolences, reprochant aux autorités leur peud’empressement à faire appliquer la législation envigueur en matière de lutte contre la discrimination.Agressions contre les lesbiennes, les gays, lespersonnes bisexuelles et les transgenresLe 18 juin, après la Gay Pride à Sofia, cinq bénévolesont été agressés par un groupe d’inconnus. Cesmilitants, qui, pour trois d’entre eux, ont étélégèrement blessés, pensaient que leurs agresseursles avaient suivis après la dispersion du cortège. Ilscraignaient que cette agression ne soit traitée par lesautorités <strong>com</strong>me un acte de « houliganisme » plutôtque <strong>com</strong>me un crime haineux, le Code pénal bulgarene disposant pas qu’un tel crime puisse être motivépar l’orientation sexuelle. Selon le ministre del’Intérieur, l’enquête de police n’a pas permisd’identifier les auteurs de l’attaque.JusticeEn novembre, le Comité contre la torture [ONU] s’estdit préoccupé par le manque de transparence duprocessus de sélection et de nomination des juges etdes membres du Conseil judiciaire suprême. Il a56 Amnesty International - Rapport 2012


estimé que le principe de l’indépendance du pouvoirjudiciaire n’avait pas été respecté par un certainnombre de hauts responsables du gouvernement etqu’il n’était pas pleinement appliqué au sein mêmede l’appareil judiciaire.n Statuant sur deux affaires, Kantchev c. Bulgarie etDimitrov et Hamanov c. Bulgarie, la Cour européennedes droits de l’homme a estimé que la Bulgarie avaitviolé les droits des requérants d’être jugés dans undélai raisonnable et de bénéficier d’un recours effectif.Elle a considéré en février que le premier de ces droitsn’avait pas été respecté dans le cas d’un homme quiavait dû attendre 12 ans et quatre mois avant que laprocédure pénale engagée contre lui soit enfinachevée. Elle est parvenue à la même conclusion enmai concernant deux autres hommes pour qui laprocédure s’était prolongée, dans un cas, pendant10 ans et huit mois, et dans l’autre, pendant cinq ans ettrois mois.Torture et autres mauvais traitementsEn novembre, le Comité contre la torture s’estinquiété du recours excessif à la force et aux armes àfeu par les agents de la force publique. Il a appelé laBulgarie à prendre des mesures pour éradiquertoutes les formes de harcèlement et de mauvaistraitements de la part de la police lors des enquêtes.Établissements de santé mentalen La Cour européenne des droits de l’homme aexaminé en février le cas d’un homme placé soustutelle puis interné dans un établissementpsychiatrique à Pastra. Le requérant se plaignait desconditions de vie dans cet établissement, quiconstituaient selon lui un mauvais traitement, etaffirmait qu’il avait été privé de liberté de manièreillégale et arbitraire.Réfugiés et demandeurs d’asileLe Comité Helsinki de Bulgarie a affirmé en novembreque des demandeurs d’asile avaient été placés endétention par les autorités en violation de la législationbulgare et de la directive de l’Union européennerelative aux procédures d’asile. Près d’un millier dedemandeurs d’asile étaient, semble-t-il, ainsiincarcérés dans les centres de détention deLioubimets et de Bousmansti. Selon le directeur del’Agence nationale pour les réfugiés, cette pratiquerésultait d’un manque de place dans les centresd’accueil ouverts. Le projet de stratégie nationale enmatière d’asile, de migration et d’intégrationreconnaissait également que la Bulgarie ne disposaitpas de capacités institutionnelles suffisantes pours’acquitter de ses obligations les plus élémentaires àl’égard des demandeurs d’asile.n En juillet, le tribunal de Plovdiv s’est prononcé contrel’extradition vers la Russie d’Ahmed RajapovitchTchataïev, un homme d’origine tchétchène. AhmedTchataïev avait obtenu le statut de réfugié en Autricheen 2003. Il aurait été arrêté le 19 mai, alors qu’il tentaitde passer la frontière entre la Bulgarie et la Turquie.Une demande d’extradition avait été émise à sonencontre par le parquet de la Fédération de Russie, auxfins semble-t-il de poursuites pour incitation auterrorisme et financement d’activités terroristes. Letribunal de Plovdiv a estimé que le statut de réfugiéd’Ahmed Tchataïev s’appliquait en Bulgarie. PlusieursONG ont fait part de leur inquiétude, expliquant que sicet homme était extradé vers la Russie il serait alors engrave danger et risquerait notamment d’être torturé etde subir d’autres mauvais traitements.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Une délégation d’Amnesty International s’est rendue en Bulgarie enjuin.4 Bulgarie. Les autorités doivent intervenir de toute urgence pour arrêterl’escalade de la violence envers les Roms (EUR 15/002/2011).BURKINA FASOBURKINA FASOChef de l’État :Blaise CompaoréChef du gouvernement : Tertius Zongo, remplacé parLuc-Adolphe Tiao le 18 avrilPeine de mort :abolie en pratiquePopulation :17 millionsEspérance de vie :55,4 ansMortalité des moins de cinq ans : 166,4 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 28,7 %De graves troubles ont eu lieu entre février et juillet,et le président a dissous le gouvernement. Quelque300 soldats ont été inculpés et placés en détentionà la suite des émeutes.ContexteEntre les mois de février et de juillet, le Burkina Fasoa été le théâtre de l’une des vagues de mutinerie lesBAmnesty International - Rapport 201257


Bplus graves depuis la prise du pouvoir par leprésident Blaise Compaoré, en 1987. À plusieursreprises des militaires sont descendus dans la ruepour protester contre les peines d’emprisonnementinfligées à cinq des leurs pour l’agression d’un civil àpropos de soldes non payées. En réaction, leprésident a dissous le gouvernement et limogé le chefd’état-major. En septembre, 300 soldats environ ontété inculpés et placés en détention ; un grandnombre d’entre eux ont été jugés pour rébellion, viol,vol aggravé et pillage.En mars et avril, des milliers de personnes ontmanifesté à Ouagadougou, la capitale, et dansd’autres villes pour protester contre le prix desdenrées alimentaires et la hausse du coût de la vie.Elles ont réclamé la démission du présidentCompaoré et la fin de l’impunité.Utilisation excessive de la forceEn février, la mort de Justin Zongo, un étudiantdécédé après avoir été frappé par des policiers àKoudougou, à 100 kilomètres à l’ouest deOuagadougou, a déclenché des manifestationsantigouvernementales à travers tout le pays. Desdéclarations officielles selon lesquelles le jeunehomme avait suc<strong>com</strong>bé à une méningite ont étéultérieurement contredites par des rapports indiquantqu’il était mort des suites de violences physiques.Des heurts ont alors opposé manifestants etreprésentants des autorités. Des centaines depersonnes ont été blessées et cinq autres tuées, dontun policier, lorsque les forces de sécurité ont tiré àballes réelles sur les manifestants. En août, dansl’affaire Justin Zongo, trois policiers ont étécondamnés à des peines <strong>com</strong>prises entre huit et10 années d’emprisonnement pour « coups mortels et<strong>com</strong>plicité de coups mortels ».Peine de mortn En janvier, Issoufou Savadogo a été condamné àmort pour meurtre par la chambre criminelle de la courd’appel de Ouagadougou.n En décembre, deux personnes ont été condamnéesà mort par contumace par la chambre criminelle de lacour d’appel de Bobo-Dioulasso, également pourmeurtre.Droit à la santé – mortalité maternelleAlors que le gouvernement avait défini la santématernelle <strong>com</strong>me un objectif prioritaire, aucuneamélioration réelle n’avait été constatée à la fin del’année ni dans la qualité des services de santématernelle, ni dans l’accès au planning familial ouaux méthodes de contraception. Quelques avancéesont été signalées quant à l’obligation faite auxmembres du personnel médical de rendre <strong>com</strong>pte deleurs actes.n En septembre, deux responsables des services desanté de Bobo-Dioulasso ont été renvoyés pour « fauteprofessionnelle grave » après la mort d’une femmeenceinte qui avait été enfermée sans aucunesurveillance dans un service de maternité. Ils ont étécondamnés en octobre à des peinesd’emprisonnement. Des réparations ont été accordéesà la famille.BURUNDIRÉPUBLIQUE DU BURUNDIChef de l’État et du gouvernement : Pierre NkurunzizaPeine de mort :aboliePopulation :8,6 millionsEspérance de vie :50,4 ansMortalité des moins de cinq ans : 166,3 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 66,6 %L’impunité, toujours très répandue, était de plus enplus ancrée dans la société. Le nombre d’exécutionsextrajudiciaires et d’homicides à caractère politiquea augmenté. La justice était toujours politisée. Lesdéfenseurs des droits humains et les journalistesétaient en butte à une répression accrue. Legouvernement s’est engagé à mettre en place une<strong>com</strong>mission de vérité et de réconciliation en 2012,mais aucune avancée n’a été enregistrée dans lacréation d’un tribunal spécial.ContexteLe parti au pouvoir, le Conseil national pour la défensede la démocratie – Forces pour la défense de ladémocratie (CNDD-FDD), a renforcé son empriseaprès le retrait de la plupart des partis de l’oppositiondes élections de 2010. Les forces de sécurité ont tuéillégalement, harcelé et arrêté des membres del’opposition appartenant aux Forces nationales delibération (FNL).58 Amnesty International - Rapport 2012


Une quarantaine de personnes sont mortes lorsd’un massacre perpétré à Gatumba le 18 septembre.Un médecin italien et une religieuse croate ont ététués en novembre à Ngozi au cours d’une attaquelancée contre un hôpital. Il s’agissait de la premièreattaque visant des employés d’organisationshumanitaires internationales depuis 2007.D’importants responsables de l’opposition, dontAgathon Rwasa, des FNL, et Alexis Sinduhije, duMouvement pour la solidarité et la démocratie (MSD),demeuraient en exil. Deux nouveaux groupesd’opposition armés ont annoncé leur formation vers lafin de l’année. Plusieurs anciens membres des FNLont participé à des actions au sein de l’oppositionarmée, à la fois sur le territoire burundais et enRépublique démocratique du Congo (RDC), paysfrontalier.JusticeLa justice pénale demeurait politisée et manquait demoyens. Les Burundais n’avaient pas confiance dansle système classique et tentaient fréquemment de sefaire justice eux-mêmes.Preuve de la faible indépendance du pouvoirjudiciaire, un certain nombre d’avocats, dejournalistes et de défenseurs des droits humains ontété arrêtés ou cités à <strong>com</strong>paraître. Des membres del’Ordre des avocats ont suivi une grève en juillet ensigne de soutien à leurs confrères détenus pendantplusieurs jours pour avoir exercé leur droit à la libertéd’expression.n François Nyamoya a été arrêté le 28 juillet etaccusé d’avoir influencé des témoins lors d’unprocès achevé depuis plusieurs années. Il avaitégalement été appréhendé en 2010 et détenu pourdes motifs politiques, en lien avec son rôle de porteparoledu MSD. Il était toujours en détention à la finde l’année.Les travaux des <strong>com</strong>missions enquêtant sur lesallégations de violations des droits humainsimputables aux forces de sécurité ne progressaienttoujours qu’avec lenteur. En revanche, la <strong>com</strong>missionchargée de mener des investigations sur le massacreperpétré le 18 septembre à Gatumba a travaillé trèsrapidement. Vingt et une personnes ont été arrêtéeset inculpées. Le procès a démarré en novembre, maisa été suspendu après que la défense eut fait valoir unvice de procédure lors de l’enquête de la police, ainsique le refus de celle-ci de lui donner accès auxdossiers de ses clients.Exécutions extrajudiciaires et impunitéLe nombre d’exécutions extrajudiciaires aaugmenté. Les Nations unies ont recensé57 homicides illégaux perpétrés par les forces desécurité. L’identité des auteurs de 42 autresassassinats, qui semblaient motivés par desconsidérations politiques, demeurait incertaine. Lesaffaires impliquant des agents de la sûreté de l’Étatconcernaient essentiellement des meurtres demembres ou d’anciens membres des FNL oud’autres partis de l’opposition. Le gouvernementniait toujours l’implication des forces de sécuritédans des homicides illégaux.n Audace Vianney Habonarugira, un coloneldémobilisé des FNL, a été retrouvé mort le 15 juillet. Ilavait échappé à une tentative d’assassinat à Kamengeen mars, lorsqu’un inconnu identifié <strong>com</strong>me un agentdes services du renseignement avait tiré sur lui. Aucours des mois précédant sa mort, AudaceHabonarugira avait refusé de devenir un indicateur dece service. Il était suivi en permanence. Une<strong>com</strong>mission avait enquêté sur la tentative d’assassinat,mais les investigations n’avaient pas débouché surl’ouverture d’une enquête.Des <strong>com</strong>missions d’enquête ont été mises en placedans le seul but de retarder l’ouverture de poursuitescontre des membres des forces de sécurité mis encause dans des homicides illégaux et des tentativesd’assassinat. Certaines ont <strong>com</strong>mencé à se penchersur des exécutions extrajudiciaires et des violencesperpétrées respectivement en avril et en mai 2010,dans le cadre des élections. Aucune de ces<strong>com</strong>missions n’a rendu ses conclusions publiques niengagé de poursuites ayant abouti.Faute d’identification des corps avant inhumation,les familles de certaines victimes se voyaient privéesde leur droit d’obtenir justice et vérité. Bien que leministre de l’Intérieur ait donné l’instruction ennovembre de procéder à ces identifications, desdépouilles étaient toujours enterrées à la hâte par desfonctionnaires locaux.n Léandre Bukuru a été enlevé le 13 novembre 2011 àson domicile, à Gitega, par des hommes en uniformede la police. Son corps décapité a été retrouvé à Gihetale lendemain et inhumé sur ordre d’un fonctionnairelocal, hors de la présence de ses proches et sans que lapolice ait ouvert une enquête. Sa tête a été découverteà Gitega deux jours plus tard. Le parquet a ouvert undossier mais n’a pas fait exhumer le corps pour uneexpertise.BAmnesty International - Rapport 201259


BLiberté d’association et de réunionMalgré la mesure positive de rétablissement dans lalégalité du Forum pour le renforcement de la sociétécivile (FORSC), intervenu le 28 janvier, les autoritésont continué de restreindre le droit de rassemblementpacifique des citoyens.n Le 8 avril, la police a dispersé une marche pacifiqueen faveur de la justice organisée à l’occasion dudeuxième anniversaire de l’assassinat d’ErnestManirumva, défenseur des droits humains et militantanticorruption bien connu. Le président del’Observatoire de lutte contre la corruption et lesmalversations économiques (OLUCOME), GabrielRufyiri, et un autre membre de cette organisation,Claver Irambona, ont été interpellés et interrogés, avantd’être remis en liberté sans inculpation au bout deplusieurs heures.Torture et autres mauvais traitementsLa <strong>com</strong>mission chargée d’enquêter sur les allégationsfaisant état d’actes de torture <strong>com</strong>mis en 2010 par leService national de renseignement (SNR) n’a pasrendu publiques ses conclusions. Aucune de cesallégations n’a donné lieu à l’ouverture d’uneinformation judiciaire ou de poursuites.Liberté d’expressionDéfenseurs des droits humainsLe fait que justice n’avait toujours pas été renduepour le meurtre d’Ernest Manirumva mettait endanger des défenseurs des droits humains, enparticulier ceux œuvrant dans le cadre de lacampagne Justice pour Ernest Manirumva. Ils ontreçu de nombreuses convocations et ils faisaientl’objet de menaces et étaient placés soussurveillance. Deux membres du personneld’OLUCOME, l’ONG pour laquelle travaillait ErnestManirumva, ont été victimes d’atteintes à leursécurité en juillet, dont une effraction au domicile pardes hommes armés.La décision prise le 22 juin par le tribunal degrande instance de Bujumbura de demander un<strong>com</strong>plément d’enquête dans l’affaire Manirumva estapparue <strong>com</strong>me un élément positif. Toutefois, lesquestions posées aux militants des droits humains aucours des interrogatoires menés par les autoritésjudiciaires marquaient bien la volonté d’impliquer, àtort, la société civile dans cet homicide. Les autoritésjudiciaires n’ont pas donné suite auxre<strong>com</strong>mandations formulées par le Bureau fédérald’enquêtes (FBI) des États-Unis, qui conseillaitd’interroger de hauts responsables de la police et duservice de renseignement mis en cause par destémoins et de les soumettre à des analyses ADN. Letribunal n’a pas fixé de calendrier pour la réalisationde ces enquêtes, ce qui laissait craindre que leprocès ne s’enlise de nouveau.JournalistesLes journalistes étaient en butte à une répressionaccrue. À maintes reprises des journalistesindépendants ont été cités à <strong>com</strong>paraître devant lesautorités judiciaires afin de répondre à des questionssur leurs activités. Les magistrats avaient de plus enplus souvent tendance à assimiler la critique dugouvernement à l’incitation à la haine ethnique. Lescitations donnaient rarement lieu à des poursuitesmais elles étaient intimidantes, longues et pénibles.Des journalistes et des défenseurs des droits humainsétaient régulièrement menacés au téléphone par desagents du service de renseignement.Le gouvernement a imposé de sévères restrictionsà la presse après le massacre perpétré le18 septembre à Gatumba. Le 20 septembre, leConseil national de sécurité a ordonné auxjournalistes de ne pas publier, <strong>com</strong>menter ni analyserd’information sur cette tuerie ou sur toute autre affairefaisant l’objet d’une enquête.Le personnel de la Radio publique africaine (RPA)était en permanence soumis à des manœuvres deharcèlement et des menaces de la part des autorités.Le 14 novembre, la RPA a reçu une lettre du ministrede l’Intérieur affirmant que la station était utilisée« pour discréditer les institutions, délégitimer le pouvoirjudiciaire, condamner gratuitement des individus,inciter la population à la haine et à la désobéissance etfavoriser le culte du mensonge ». La RPA a reçu l’ordrede <strong>com</strong>muniquer des données financières et sesrapports d’activité dans un délai de 10 jours.n Jean-Claude Kavumbagu, rédacteur en chef deNetpress, a été libéré en mai après 10 mois dedétention. Il avait été accusé de trahison, un chefpassible de l’emprisonnement à vie, pour un articlemettant en doute la capacité des forces de sécurité àprotéger le pays contre des attaques terroristes. Jean-Claude Kavumbagu a été acquitté du chef de trahisonmais reconnu coupable d’avoir nui à l’économie.n Des membres du personnel de la RPA ont étéconvoqués par la justice à plusieurs reprises. BobRugurika, rédacteur en chef de la RPA, a été interrogéde très nombreuses fois par les autorités judiciaires.60 Amnesty International - Rapport 2012


Conditions carcéralesLes prisons étaient surpeuplées ; la majorité desdétenus n’avaient pas été jugés.Certains détenus accusés de crimes graves ont ététransférés de la capitale, Bujumbura, vers des prisonssituées dans des provinces reculées. Les autoritésn’ont pas justifié cette décision, qui isolait les accusésdurant la phase d’instruction. Deux personnessoupçonnées d’implication dans le massacre deGatumba ont été transférées dans les villes deRumonge et de Rutana. Un journaliste inculpé departicipation à des activités terroristes a été conduitpar le SNR dans la ville de Cankuzo.Justice de transitionEn octobre, un <strong>com</strong>ité mis en place pour modifier laLoi de 2004 sur la <strong>com</strong>mission de vérité et deréconciliation a présenté un projet de loi auprésident Nkurunziza. Si elle était adoptée par leParlement, cette loi exclurait la société civile et lesgroupes religieux de la <strong>com</strong>mission, ce qui<strong>com</strong>promettrait de fait l’indépendance de cettedernière. Elle pourrait empêcher le tribunal spécialinstauré pour faire suite aux travaux de la<strong>com</strong>mission de mener des poursuites de façonindépendante. Le texte du projet de loi n’interdisaitpas explicitement l’octroi d’amnisties, y <strong>com</strong>prisdans les cas de génocide, de crimes de guerre et decrimes contre l’humanité.Commission nationale indépendante desdroits de l’hommeLa Commission nationale indépendante des droits del’homme est entrée en fonction en juin. Faute demoyens suffisants, elle ne pouvait toutefois pasenquêter de façon efficace sur les violations desdroits humains. À la demande du gouvernementburundais, le Conseil des droits de l’homme [ONU] amis fin prématurément au mandat de l’expertindépendant sur la situation des droits humains auBurundi. Dans son rapport présenté en juin, l’expertindépendant soulignait le manque d’indépendance del’appareil judiciaire du pays, les atteintes à la libertéd’expression et l’absence de poursuites dans lesaffaires de torture.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Burundi enmars, juillet, novembre et décembre.4 Burundi. Une <strong>com</strong>mission doit enquêter sur le <strong>com</strong>portement des forcesde sécurité (AFR 16/004/2011).4 Burundi. Communication au <strong>com</strong>ité technique chargé de réviser la loirelative à la Commission nationale pour la vérité et la réconciliation(AFR 16/008/2011).4 Burundi. Il faut renforcer le soutien à la Commission nationale des droitsde l’homme (AFR 16/009/2011).4 Amnesty International demande au Burundi de libérer des avocats depremier plan incarcérés pour des motifs fallacieux (PRE01/369/2011).CAMBODGEROYAUME DU CAMBODGEChef de l’État :Norodom SihamoniChef du gouvernement :Hun SenPeine de mort :aboliePopulation :14,3 millionsEspérance de vie :63,1 ansMortalité des moins de cinq ans : 87,5 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 77,6 %Les expulsions forcées, les litiges fonciers et lesspoliations de terres se sont massivementpoursuivis, faisant des milliers de victimes. Legouvernement a multiplié les octrois de concessionsfoncières à des intérêts privés, ce qui n’a faitqu’aggraver encore la situation. L’impunité dontcontinuaient de jouir les auteurs d’atteintes auxdroits humains et le manque d’indépendance del’appareil judiciaire posaient toujours de gravesproblèmes. Les autorités ont continué de limiter lesdroits à la liberté d’expression, d’association et deréunion pacifique, n’hésitant pas à menacer,harceler et poursuivre en justice les défenseurs desdroits humains pour les réduire au silence. Les<strong>com</strong>munautés locales et les militants des droits à laterre et au logement étaient particulièrement viséspar cette politique répressive. Un projet de loi trèscontroversé sur les ONG et les associations s’estheurté à une vive opposition de la part de la sociétécivile et a finalement été reporté. Les Chambresextraordinaires au sein des tribunaux cambodgiensont connu un certain nombre de problèmes quimenaçaient de faire capoter les procéduresengagées et de priver de justice les victimes desatrocités des Khmers rouges.CAmnesty International - Rapport 201261


CContexteUn différend frontalier persistant entre la Thaïlande etle Cambodge concernant le site du temple de PreahVihear, inscrit sur la Liste du patrimoine mondial del’UNESCO, a donné lieu à des affrontements armésentre les deux pays début 2011. La Courinternationale de justice a décidé en juillet que lesdeux parties devaient retirer leurs troupes du secteur,mais ce retrait n’a été que partiel.La Banque mondiale a déclaré en août qu’elle avaitcessé depuis décembre 2010 d’octroyer de nouveauxprêts au Cambodge, dans l’attente d’un accord avecles personnes habitant encore sur les rives du lacBoeung Kak, à Phnom Penh, la capitale du pays.Plus de 4 000 familles ont été expulsées de force dece secteur depuis 2008.Le gouvernement a provisoirement interdit enoctobre tout départ vers la Malaisie de personnesrecrutées pour y travailler <strong>com</strong>me domestiques. Cettedécision faisait suite à une série d’affaires de sévicesdont auraient été victimes des femmes et des jeunesfilles cambodgiennes employées <strong>com</strong>me femmes dechambre en Malaisie. Certaines agences derecrutement présentes au Cambodge étaient égalementaccusées de maintenir illégalement en détention desfemmes et des jeunes filles pour leur faire suivre uneformation avant de les envoyer à l’étranger.Le Cambodge a officiellement pris la présidence del’ANASE en novembre, pour un mandat débutant enjanvier 2012. Le gouvernement a fait part de sonintention de postuler à un siège de membre nonpermanent du Conseil de sécurité des Nations uniespour la période 2013-2014.Expulsions forcéesDes milliers de personnes continuaient d’être victimesd’expulsions forcées, de litiges fonciers et despoliations de terres, souvent du fait de l’octroi par lespouvoirs publics de concessions pour des projetsagroindustriels, urbanistiques ou d’exploitationminière. Selon les estimations de plusieurs ONGlocales, quelque 420 000 personnes avaient ététouchées dans des zones couvrant environ la moitiédu territoire du pays et surveillées depuis 2003. Selonune autre estimation, depuis 2001, 10 % deshabitants de Phnom Penh avaient été soit expulsésde force, soit, dans certains cas, déplacés dans lecadre de programmes de réinstallation volontaire.n Amnesty International a recueilli le témoignage deHoy Mai, qui a été expulsée avec ses proches et118 autres familles de Bos, un village de la provinced’Oddar Meanchey, dans le cadre d’une concessionaccordée à la société Angkor Sugar. L’expulsion a étéréalisée en octobre 2009 par un groupe <strong>com</strong>posé demembres des forces de sécurité, de représentants del’État et de personnes travaillant apparemment pourune entreprise privée. Les maisons ont été incendiéeset les habitants ont perdu tous leurs biens ainsi queleurs terres agricoles. Enceinte de cinq mois, Hoy Mai aété emprisonnée pendant huit mois parce qu’elle avaittenté de lancer un appel aux autorités. Malgré lespromesses qui lui avaient été faites, elle n’a pas reçu deterres en échange de celles qu’elle avait perdues, nid’indemnisation, et elle se retrouvait, avec ses enfants,sans domicile et sans moyens de subsistance.n En septembre, huit familles habitant sur les rives dulac Boeung Kak ont été expulsées de force,apparemment par les employés d’une société privéequi sont intervenus avec des bulldozers sous le regardpassif des policiers. Leurs maisons ont été démolies etelles se sont ainsi retrouvées à la rue, malgré un décretpris en août par le gouvernement, qui avait réservé12,44 hectares pour un projet immobilier censépermettre le relogement sur place des famillesrestantes. Soung Sophorn, un jeune militant du Parti deSam Rainsy venu protester contre cette opération dedémolition, a été passé à tabac par la police.Justice internationaleDivers vices de procédure, ainsi que des allégationsconcernant de possibles ingérences dugouvernement dans le fonctionnement des Chambresextraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens,faisaient douter de la crédibilité de ces dernières.Des co-juges d’instruction ont annoncé la clôturede l’instruction de l’affaire 003 en avril, apparemmentsans qu’ils aient mené des investigations exhaustives.L’affaire 004 était toujours entre les mains des cojugesd’instruction. La Chambre préliminaire a rejetéen octobre l’appel d’une victime qui demandait à êtrereconnue <strong>com</strong>me partie civile dans les affaires 003 et004. Les deux juges internationaux, qui appuyaientcet appel, ont révélé que plusieurs erreurspréjudiciables pour les droits aussi bien des victimesque des suspects avaient été <strong>com</strong>mises, notammentqu’il y aurait eu des irrégularités dans la gestion desdossiers. Le co-juge d’instruction international adémissionné quelques jours avant la publication deces informations en invoquant les ingérencespolitiques dans cette affaire. Son remplacement par62 Amnesty International - Rapport 2012


son suppléant, Laurent Kasper-Ansermet, a étédifféré, le gouvernement cambodgien n’ayant pasdonné son accord pour sa nomination.n Le procès de Nuon Chea, Ieng Sary et KhieuSamphan a débuté en novembre. Âgés de 79 à 85 ans,les trois hommes étaient accusés d’avoir exercé desresponsabilités de premier plan au sein du régimekhmer rouge et étaient poursuivis dans le cadre del’affaire 002. Ils étaient inculpés de crimes de guerre,de crimes contre l’humanité et de génocide. Estimantque la santé de Ieng Thirith, 79 ans, égalementinculpée dans cette affaire, ne lui permettait pasd’assister à son procès, la Chambre de premièreinstance a décidé de surseoir aux poursuites engagéescontre elle et a ordonné sa remise en liberté. LaChambre de la Cour suprême a annulé cette décisionen décembre et ordonné le maintien en détention del’accusée dans un hôpital ou dans un autre lieuapproprié, dans l’attente d’un examen médical et d’unenouvelle évaluation de son aptitude à <strong>com</strong>paraître.Défenseurs des droits humainsCette année encore, des syndicalistes, des militantsdes droits à la terre ou au logement, des employésd’ONG et d’autres défenseurs des droits humains ontfait l’objet de menaces, d’actes de harcèlement,d’agressions ou de poursuites judiciaires de la partdes autorités, qui cherchaient ainsi à les empêcherd’exercer des activités légitimes et non violentes. Desgrèves et des manifestations de travailleurs et demilitants syndicaux ont été réprimées avec une forceexcessive et injustifiée. Autour du lac Boeung Kak, lesfemmes étaient en première ligne du mouvement derésistance aux expulsions. À plusieurs reprises, desfemmes ont été blessées quand les forces de sécuritésont violemment intervenues à l’occasion demanifestations pourtant pacifiques.n Kong Chantha, Bo Chhorvy, Heng Mom et Tep Vannyont été arrêtées en novembre et inculpées d’« entrave àl’action d’agents de l’État » et d’« outrage » après avoirpris part à une manifestation non violente sur les rivesdu lac Boeung Kak. Elles ont été libérées sous contrôlejudiciaire et encouraient une lourde peine d’amende etjusqu’à un an d’emprisonnement.n Les menaces verbales et écrites ainsi que les actesde harcèlement physique se sont multipliés contre lemoine bouddhiste et défenseur des droits humainsLoun Savath, qui a soutenu des <strong>com</strong>munautésmenacées de perdre leurs terres ou leurs maisons ets’est publiquement exprimé en leur faveur. Les autoritésreligieuses de Phnom Penh lui ont interdit en avril deséjourner dans les monastères de la capitale. Cetteinterdiction a ensuite été étendue à l’ensemble du pays.n Le syndicaliste Sous Chantha a été déclaré coupableen juin de distribution de stupéfiants. Il a été condamnéà 10 mois d’emprisonnement, dont deux avec sursis.Comme il avait déjà passé neuf mois en détentionprovisoire, il a été remis en liberté. Les chargesretenues contre lui étaient apparemment sansfondement et visaient uniquement à le dissuader,<strong>com</strong>me d’autres dirigeants syndicaux, de continuer àrevendiquer le respect des droits des travailleurs.Liberté d’expression, d’association et deréunionFace à la mobilisation croissante des <strong>com</strong>munautéslocales et des militants, qui ont multiplié les réunionset les manifestations sur des thèmes liés aux droitsfondamentaux, les autorités ont cherché à empêcherles rassemblements et à limiter les mouvements deprotestation. Des ONG de défense des droits humainsqui dénonçaient l’impact d’un chantierd’infrastructures ferroviaires sur les riverains,contraints de déménager, ont fait l’objet de menaces.Fait sans précédent, une ONG locale, SamakhumTeang Tnaut, a même été officiellement suspendue.n Des représentants du peuple Kuy, qui vit à la lisièrede la forêt de Prey Lang, ont manifesté à plusieursreprises cette année pour dénoncer la destruction deleurs terres ancestrales et les restrictions lesempêchant d’accéder librement à la forêt, du fait deconcessions d’exploitation accordées à des sociétésagroindustrielles ou minières. Au mois d’août, environ300 personnes appartenant presque toutes à cettepopulation indigène se sont rendues à Phnom Penh.Plus d’une centaine d’entre elles ont été arrêtées etbrièvement détenues, sans inculpation, pour avoirdistribué des tracts sur la situation dans la région dePrey Lang, la police ayant estimé que cela pouvait« troubler l’ordre social ».n En septembre, des policiers armés ont empêchédeux ONG locales, le Centre cambodgien pour lesdroits de l’homme et le Groupe de protection desressources naturelles, de tenir des réunions deformation privées dans le district de Sandan (provincede Kompong Thom). Les réunions sur les droitshumains devant avoir lieu à l’avenir dans la provinceont été soumises à certaines conditions.n Sam Chankea, employé de l’Association pour lesdroits de l’homme et le développement au CambodgeCAmnesty International - Rapport 201263


C(ADHOC), une ONG de défense des droits humains, aété déclaré coupable en janvier de diffamation enraison d’une interview qu’il avait accordée au sujet d’unlitige foncier opposant des habitants de la province deKompong Chhnang à la société KDC International. Il aété condamné à payer une lourde amende et desdommages et intérêts très élevés à l’entrepriseconcernée.Évolutions législativesApprouvée par l’Assemblée nationale en novembre, laLoi sur les prisons <strong>com</strong>portait un certain nombre dedispositions permettant à des entreprises privéesd’exploiter le réservoir de main-d’œuvre constitué parles prisonniers. Le quatrième projet de loi sur lessyndicats a été amendé en raison des critiquesémises par des syndicats cambodgiens etinternationaux et par les acheteurs du secteur duvêtement. Les dispositions qui prévoyaient de rendrepassible de poursuites le non-respect de certainesdispositions de la loi avaient été contestées.L’existence dans le texte de dispositions vaguesconcernant la suspension, l’annulation et ladissolution des syndicats restait préoccupante.Alors que le Code civil contenait déjà desdispositions adéquates en matière de réglementationdes activités des organisations, le gouvernement atenté tout au long de l’année de finaliser son projet deloi sur les associations et les ONG. Les trois premièresversions du texte avaient été largement critiquées parla société civile cambodgienne, des organisationsinternationales et des gouvernements étrangers. Laquatrième version du projet de loi ayant fait l’objet decritiques analogues, le Premier ministre a annoncé endécembre que l’adoption serait reportée s’il le fallaitjusqu’en 2014, le temps de parvenir à un consensus.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Cambodge enfévrier et en novembre-décembre.4 Cambodge. Secret excessif, exclusion et craintes d’ingérence abusivedans le tribunal créé sous l’égide des Nations unies (ASA 23/004/2011).4 Eviction and resistance in Cambodia: Five women tell their stories(ASA 23/006/2011).4 Cambodge. Expulsions et résistances au Cambodge. Cinq femmesracontent leur histoire. Re<strong>com</strong>mandations (ASA 23/007/2011).4 Cambodia: Proposed law on associations and non-governmentalorganizations – A watershed moment? (ASA 23/012/2011).CAMEROUNRÉPUBLIQUE DU CAMEROUNChef de l’État :Paul BiyaChef du gouvernement :Philémon YangPeine de mort :abolie en pratiquePopulation :20 millionsEspérance de vie :51,6 ansMortalité des moins de cinq ans : 154,3 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 70,7 %Le gouvernement continuait de restreindre lesactivités des opposants et des journalistes. Despersonnes soupçonnées de relations homosexuellesont été placées en détention et certaines ont étécondamnées à de longues peinesd’emprisonnement. Le gouvernement a allégécertaines peines de prison et <strong>com</strong>mué descondamnations à mort, mais il n’a pas divulgué lenombre de ces <strong>com</strong>mutations.ContexteÀ l’issue du scrutin présidentiel du 9 octobre, leprésident sortant, Paul Biya, a été réélu avec 75 %des voix. Son plus proche rival, John Fru Ndi, duFront social démocratique (SDF), a obtenu à peineplus de 10 % des suffrages ; il faisait partie des22 candidats de l’opposition. Les partis d’oppositionont qualifié l’élection d’inéquitable. D’après desobservateurs de l’Union africaine, de l’Organisationinternationale de la francophonie et duCommonwealth le scrutin avait été globalementéquitable, tandis que selon l’ambassadeur des États-Unis au Cameroun des observateurs dugouvernement américain avaient relevé desirrégularités généralisées à tous les niveaux.Avant d’entamer son nouveau mandat ennovembre, le président Paul Biya a signé un décret<strong>com</strong>muant des peines prononcées par les tribunaux.Aux termes de ce décret, les personnes purgeant despeines de prison d’un an ou moins devaient êtrelibérées et les condamnés à la réclusion à perpétuitédevaient voir leurs peines réduites à 20 annéesd’emprisonnement. Les peines de mort ont été<strong>com</strong>muées en peines de réclusion à perpétuité. Lesdétenus condamnés pour assassinat, vol aggravé etcertaines infractions économiques ne bénéficiaientpas de cette grâce présidentielle.Des groupes armés ont lancé plusieurs attaquessur la péninsule de Bakassi, restituée au Cameroun64 Amnesty International - Rapport 2012


par le Nigeria à la suite d’une décision rendue en2002 par la Cour internationale de justice. Au coursd’une attaque en février, deux soldats camerounaisont été tués et au moins 13 civils enlevés.Accusations de corruptionPlusieurs dizaines d’anciens responsablesgouvernementaux accusés de corruption setrouvaient toujours en détention. Nombre d’entre euxattendaient de passer en jugement ou purgeaient unepeine de prison. Le procès de Titus Edzoa et ThierryAtangana, engagé à la suite de nouvelles accusationsde corruption, était toujours en cours à la fin del’année ; les deux accusés avaient quasiment fini depurger leur peine de 15 ans de réclusion prononcéeen 1997 à l’issue d’un procès inique.ImpunitéDes membres des forces de sécurité ayant <strong>com</strong>misou ordonné de graves violations des droits humains,dont des homicides illégaux, au cours demanifestations et d’émeutes survenues en février2008, jouissaient toujours de l’impunité. L’appareiljudiciaire n’a pas ouvert d’enquête sur ces violationsni traduit les responsables présumés en justice.Liberté d’expressionPlusieurs journalistes et détracteurs du gouvernementont été arrêtés et placés en détention ; certains ontété libérés au cours de l’année.n Bertrand Zepherin Teyou, un écrivain arrêté ennovembre 2010 au moment du lancement de son livreau sujet de l’épouse du président, a été remis en libertéle 29 avril. Il avait été déclaré coupable d’« outrage àpersonnalité » par le tribunal de première instance deDouala et condamné à une peine d’amende de2 030 150 francs CFA (environ 4 425 dollars des États-Unis) ou de deux ans d’emprisonnement.n Des défenseurs des droits humains et des avocatsréclamaient toujours la remise en liberté de l’ancienmaire Paul Eric Kingué, qui purgeait une peine deprison en rapport avec les émeutes de février 2008,expliquant qu’il avait été pris pour cible pour avoirdénoncé des violences <strong>com</strong>mises par les forcesgouvernementales. Paul Eric Kingué était par ailleursen cours de jugement pour des accusations decorruption.n Pierre Roger Lambo Sandjo, un musicien, a purgé sapeine de trois ans de prison et a recouvré la liberté enavril sans avoir eu à s’acquitter de l’amende de330 millions de francs CFA à laquelle il avait étécondamné en 2008. Des défenseurs des droitsfondamentaux estimaient qu’il avait été placé endétention en raison d’une de ses chansons, quicritiquait la modification de la Constitution autorisant leprésident sortant à briguer un nouveau mandat.n Reinnier Kazé, correspondant de l’Agence FrancePresse, a été arrêté le 23 février par des gendarmesalors qu’il couvrait une manifestation de l’opposition àDouala. Des fonctionnaires ont effacé desenregistrements sur son dictaphone avant de lerelâcher le lendemain.n En mai, la police a empêché la projection publiqued’un documentaire consacré aux atteintes aux droitshumains qui seraient perpétrées dans le cadre de laproduction <strong>com</strong>merciale de bananes. Le documentairerévélait, semble-t-il, que des petits producteurs debananes avaient été déplacés de leurs terres sansindemnisation et que les employés des plantationsétaient mal rémunérés.n Gueimé Djimé, membre de l’association OS-CivilDroits de l’homme, basée à Kousséri, dans la provincede l’Extrême-Nord, a été abattu dans son sommeil dansla nuit du 10 juin. Des membres de l’associationauraient reçu des menaces de mort anonymes liées àl’opposition de celle-ci à la nomination de deuxresponsables locaux. Quatre hommes soupçonnés del’assassinat de Gueimé Djimé ont été arrêtés mais à lafin de l’année aucun d’entre eux n’avait été traduit enjustice.Liberté d’association et de réunionDes groupes politiques ou de défense des droitshumains se sont fréquemment vu refuser le droitd’organiser des activités ou manifestations pourtantpacifiques.n Au moins huit militants politiques, dont d’anciensmembres d’une association d’étudiants, ont été arrêtésen février par la Direction de la surveillance du territoire(DST), à Yaoundé. Ils s’étaient réunis pour préparerune manifestation à la mémoire des victimes desviolations des droits humains perpétrées lors desmanifestations de février 2008. Les militants ont étéplacés en détention et inculpés d’atteinte à la sûreté del’État, sans avoir été autorisés à consulter un avocat. Àla fin de l’année, ils avaient été remis en libertéprovisoire mais n’avaient pas encore été jugés.n En avril, la police de Douala a arrêté le militantpolitique Mboua Massock alors qu’il essayaitd’organiser un rassemblement pour protester contreCAmnesty International - Rapport 201265


Cl’élection présidentielle d’octobre. Il a été conduit à35 kilomètres de Douala et laissé sur place.n En mai, à Yaoundé, la police antiémeutes a arrêté37 paysans et en a dispersé plus de 100 autres parcequ’ils tentaient de manifester pour dénoncer lamauvaise qualité des routes et le manque de soutiendu gouvernement à l’agriculture. Les personnesarrêtées ont été remises en liberté le 1 er juin sansinculpation.Les forces de sécurité ont cette année encorearrêté des membres du Conseil national duCameroun méridional (SCNC) et interrompu desréunions du SCNC ou empêché leur tenue. Le SCNCmilite en faveur de la sécession des provincesanglophones du Cameroun, pays majoritairementfrancophone.n En février, des membres des forces de sécurité ontarrêté Ayamba Ette Otun, président du SCNC à l’échellenationale, et plusieurs autres personnes qui serendaient avec lui à Bamenda, la capitale de laprovince du Nord-Ouest. Ayamba Ette Otun rentraitsemble-t-il de Buéa, dans la province du Sud-Ouest, oùil avait remis une note du SCNC à une délégation de laCommission africaine des droits de l’homme et despeuples. Tous ont été libérés plusieurs jours plus tardsans avoir été inculpés.n Le 1 er octobre, les forces de sécurité ont interrompuune réunion du SCNC à Buéa et arrêté 50 personnes,affirmant que le SCNC n’avait pas obtenu au préalablel’autorisation de tenir cette réunion. Les personnesarrêtées ont été remises en liberté, sans inculpation, auterme de plusieurs jours.Droits des lesbiennes, des gays,des personnes bisexuelles et destransgenresLe gouvernement a proposé de modifier le Codepénal afin que les personnes déclarées coupables derelations homosexuelles puissent être condamnées àde fortes amendes et à des peines de réclusionpouvant atteindre 15 ans. Cette année encore, deshommes reconnus coupables de relations entrepersonnes du même sexe ont été condamnés à despeines dont certaines allaient jusqu’à cinq annéesd’emprisonnement.n Jean-Claude Roger Mbede a été déclaré coupablede relations homosexuelles et condamné à trois ans deprison le 28 avril. En novembre, la cour d’appel deYaoundé a reporté au mois de février 2012 l’examen del’appel interjeté par Jean-Claude Roger Mbede.n En novembre, Frankie Ndome Ndome, JonasNsinga Kimie et Hilaire Nguiffo ont été condamnés àcinq années d’emprisonnement pour relationshomosexuelles.n À la fin de l’année, Joseph Magloire Ombwa, NicolasNtamack, Sylvain Séraphin Ntsama et Emma LoutsiTiomela attendaient toujours de <strong>com</strong>paraître devant lestribunaux ; ils avaient été arrêtés en août. StéphaneNounga et un autre homme appelé Eric O., eux aussiinterpellés en août, ont été libérés à titre provisoire.n Au nombre des autres personnes arrêtées pourrelations homosexuelles présumées puis remises enliberté figuraient Jean Jules Moussongo, Steve O.,Depadou N. et Pierre Arno. Certains avaient été attirésdans un piège par des membres des forces de sécuritéou leurs intermédiaires se disant gays et à la recherched’un partenaire.Peine de mortEn mars, le gouvernement a informé AmnestyInternational que 17 personnes avaient étécondamnées à mort en 2010. Les autorités ontindiqué que toutes avaient interjeté appel de leurcondamnation, mais elles n’ont pas <strong>com</strong>muniquéd’informations supplémentaires sur les peinescapitales éventuellement prononcées en 2011.Un décret présidentiel publié le 3 novembre a<strong>com</strong>mué les peines de mort en peines de réclusion àperpétuité. Toutefois, le décret ne s’appliquait pas auxpersonnes reconnues coupables d’assassinat ou devol aggravé et il ne précisait pas le nombre decondamnés ayant bénéficié d’une <strong>com</strong>mutation depeine.CANADACANADAChef de l’État : Elizabeth II, représentée par David JohnstonChef du gouvernement :Stephen HarperPeine de mort :aboliePopulation :34,3 millionsEspérance de vie :81 ansMortalité des moins de cinq ans : 6,1 ‰Les peuples autochtones étaient confrontés à desviolations persistantes et systématiques de leursdroits. Des avancées limitées ont été enregistrées66 Amnesty International - Rapport 2012


concernant certaines préoccupations relatives auxviolations des droits humains liées à des opérationsde lutte contre le terrorisme et de maintien del’ordre.Droits des peuples autochtonesEn mars, le Tribunal canadien des droits de lapersonne a rejeté une plainte pour discrimination,selon laquelle les sommes allouées par legouvernement fédéral pour la protection de l’enfancedans les <strong>com</strong>munautés des Premières nations étaientnettement inférieures au montant attribué par lesgouvernements provinciaux aux populationsmajoritairement non autochtones. Le Tribunal aconclu à l’impossibilité de <strong>com</strong>parer les autoritésfédérales et provinciales dans le cadre de cetteplainte. L’appel interjeté n’avait pas encore étéexaminé à la fin de l’année.En avril, une fuite sur un oléoduc a entraîné ledéversement d’environ 4,5 millions de litres de pétrolebrut sur le territoire traditionnel des Cris du Lubicon,dans le nord de l’Alberta. La province n’avait pasconnu un tel déversement pétrolier depuis 1975. Enaoût, les autorités provinciales ont autorisé laréouverture de l’oléoduc sans avoir véritablementconsulté les Cris du Lubicon. Des organesinternationaux de défense des droits humains sedisaient depuis longtemps préoccupés par l’absencede respect des droits fonciers des Cris du Lubicon.D’après un audit fédéral rendu public en août, 39 %des réseaux d’alimentation en eau des Premièresnations <strong>com</strong>portaient de graves défaillances ; 73 %des réseaux d’eau potable et 65 % des circuitsd’évacuation des eaux usées présentaient en effet unrisque moyen ou élevé pour la santé. Une étudepublique antérieure avait établi une corrélation entre ladégradation des réseaux d’alimentation en eau descollectivités des Premières nations et l’insuffisance desressources allouées par le gouvernement.En octobre, la Commission interaméricaine desdroits de l’homme a examiné une plainte du Groupedu Traité des Hul’qumi’num dénonçant des atteintesaux droits fonciers des autochtones sur l’île deVancouver, en Colombie-Britannique. Une décisiondevait être rendue en 2012.Aucune véritable avancée n’a été enregistrée dansla mise en œuvre des conclusions de l’enquête surIpperwash, ouverte pour examiner les circonstancesentourant l’homicide d’un autochtone non armé tuépar balle par la police en 1995 au cours d’unemanifestation en Ontario. Les événements survenusen 2008 sur le territoire mohawk de Tyendinaga(Ontario), au cours desquels des agents de la policeprovinciale ont pointé des fusils de gros calibre surdes manifestants non armés et des passants, ainsique l’incapacité des autorités à procéder à unexamen impartial de ces faits, soulignaient lanécessité de mettre en œuvre dans les meilleursdélais les conclusions de la Commission d’enquêtesur Ipperwash.Une <strong>com</strong>mission vérité et réconciliation s’est réunieà plusieurs reprises au cours de l’année. Elle avaitpour mission de recueillir des informations et d’attirerl’attention sur les violations des droits humains dontont été victimes des enfants inuits, métis et membresdes Premières nations du fait de l’ancien système descolarisation en pensionnat de ces enfants, et sur lespréjudices plus généraux causés par cette politique.Droits des femmesEn juillet, la ministre fédérale de la Condition fémininea déclaré publiquement que le gouvernement n’avaitpas l’intention de mettre en place un plan d’actionnational pour faire face aux nombreuses violencesauxquelles étaient confrontées les femmesautochtones.En octobre, une enquête a été ouverte enColombie-Britannique sur la manière dont la police atraité les affaires de disparition et de meurtre defemmes, dont beaucoup étaient autochtones,survenus à Vancouver. Avant l’ouverture de l’enquête,17 des 20 organisations qui avaient obtenu le statutd’intervenant se sont retirées en raison depréoccupations en matière d’impartialité.Lutte contre le terrorisme et sécuritéLa Commission d’examen des plaintes concernant lapolice militaire (CPPM) a achevé en février sesaudiences sur les transferts de prisonniers enAfghanistan ; des soldats canadiens auraient en effetremis des prisonniers aux autorités afghanes malgréle risque élevé de torture qu’ils encouraient. Lerapport de la Commission n’avait pas été rendu publicà la fin de l’année.En octobre, des éléments rendus publics ont révéléque la Gendarmerie royale du Canada (GRC) nedisposait d’aucune information liant Abdullah Almalkià des activités criminelles et qu’elle le considéraituniquement <strong>com</strong>me un « Arabe traînant dans lesecteur » en octobre 2001, lorsqu’elle avaitCAmnesty International - Rapport 201267


C<strong>com</strong>muniqué aux autorités syriennes desrenseignements l’associant à des pratiques terroristes.Abdullah Almalki a été emprisonné et torturé en Syrieentre mai 2002 et mars 2004. D’après lesconclusions d’une enquête publique achevée en2008, les actions des responsables canadiens danscette affaire, ainsi que dans celles concernant deuxautres hommes, ont contribué aux violations desdroits humains que tous trois ont subies. Legouvernement ne leur a pas présenté d’excuses nifourni d’indemnisation. La procédure engagée par lestrois hommes en 2008 était toujours en instance à lafin de 2011.Omar Khadr, citoyen canadien arrêté par l’arméeaméricaine en Afghanistan en 2002 alors qu’il étaitâgé de 15 ans, et détenu à Guantánamo depuisoctobre 2002, a pu, à <strong>com</strong>pter du 1 er novembre,prétendre à être transféré au Canada pour y purger lereste de sa peine. Il avait été condamné à huit ansd’emprisonnement en octobre 2010 à la suite d’unaccord de réduction de peine. L’année s’est achevéesans que le gouvernement canadien ne se soitprononcé sur la demande de transfert d’Omar Khadr.Réfugiés et demandeurs d’asileEn juin, le gouvernement a de nouveau déposé unprojet de loi visant à sanctionner les demandeursd’asile arrivant au Canada de façon illégale,notamment avec l’aide d’un passeur ayant organiséun voyage en groupe par la mer. Les dispositionsproposées incluaient la détention obligatoire pour unelongue période sans possibilité de réexamen entemps utile des motifs de la détention ainsi qued’autres mesures non conformes aux normesinternationales.Police et forces de sécuritéEn avril, des membres de la GRC ont utilisé unpistolet Taser contre un garçon de 11 ans à PrinceGeorge, en Colombie-Britannique. La GRC a annoncéen septembre que les agents impliqués ne seraient nisanctionnés ni inculpés.En juin, les services de police de Toronto ont rendupublique une étude interne sur les opérations demaintien de l’ordre menées lors des sommets du G8et du G20 en 2010, au cours desquels plus de1 000 personnes avaient été arrêtées. L’enquête civileindépendante menée par la Commission des servicespoliciers de Toronto sur certains aspects de cesopérations se poursuivait à la fin de l’année. Lesautorités fédérales et provinciales ont rejeté lesdemandes d’enquête publique sur ces événements.Justice internationaleEn octobre, les autorités n’ont pas arrêté l’ancienprésident des États-Unis George W. Bush, endéplacement en Colombie-Britannique, en dépitd’éléments probants attestant sa responsabilité dansdes crimes de droit international, notamment desactes de torture.Documents et visites d’AmnestyInternational4 Canada/USA: Visit to Canada of former US President George W. Bush andCanadian obligations under international law – Amnesty Internationalmemorandum to the Canadian authorities (AMR 51/080/2011).4 Amicus Curiae Case of the Hul’Qumi’Num Treaty Group V. Canada:Submitted before the Inter-American Commission on Human Rights(AMR 20/001/2011).CHILIRÉPUBLIQUE DU CHILIChef de l’État et du gouvernement : Sebastián PiñeraEcheniquePeine de mort : abolie sauf pour crimes exceptionnelsPopulation :17,3 millionsEspérance de vie :79,1 ansMortalité des moins de cinq ans : 8,5 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 98,6 %De nombreuses manifestations ont eu lieu durantl’année pour dénoncer les politiquesgouvernementales, notamment dans les domainesde l’éducation et de l’environnement. De nouvellesplaintes ont été déposées au pénal pour desviolations graves des droits humains <strong>com</strong>mises sousle régime militaire (1973-1990), mais moins d’untiers des personnes condamnées purgeaient unepeine d’emprisonnement. Les autorités ont continuéde recourir abusivement à la législationantiterroriste contre les peuples indigènes.ContexteDes dizaines de milliers d’étudiants, d’enseignants,de syndicalistes et d’autres citoyens ont défilé dansles rues pour réclamer une refonte du systèmed’enseignement public. Si la plupart de ces68 Amnesty International - Rapport 2012


manifestations se sont déroulées pacifiquement,certaines se sont terminées en affrontements avec lesforces de police.En juin, après des mouvements massifsd’opposition et de protestation, une cour d’appel aordonné la suspension du projet controverséHidroAysén concernant la construction de barrageshydroélectriques en Patagonie. La mesure a toutefoisété levée en octobre et la Cour suprême a rejeté parla suite deux autres appels visant à empêcher leprojet.En mai, la dépouille de l’ancien président SalvadorAllende a été exhumée pour les besoins d’unenouvelle information judiciaire concernant sa mort.Des experts médicolégaux internationaux ontconfirmé en juillet que son décès, survenu pendant leputsch du général Augusto Pinochet en 1973, n’avaitpas été causé par des tiers.À la fin de l’année, deux projets de loi portantrespectivement sur la lutte contre les discriminationset sur la reconnaissance des unions civiles entrepersonnes du même sexe étaient en attented’examen par le Congrès.Droits des peuples indigènesDevant les demandes de suspension de la procédurede consultation nationale des peuples indigènes, legouvernement a accepté en septembre d’examiner lapossibilité d’abroger le décret n° 124, qui en règle lesmodalités. De nombreuses voix s’étaient élevées pourdénoncer ce texte, lui reprochant de ne pas êtreconforme à la Convention 169 de l’OIT qui définit ledroit des peuples indigènes à participer auxprocessus de décision les concernant.Le recours injustifié à la législation antiterroristedans des affaires concernant des militants mapuches,y <strong>com</strong>pris mineurs, demeurait préoccupant. En août,la Commission interaméricaine des droits de l’hommea introduit une demande auprès de la Courinteraméricaine des droits de l’homme au sujet del’application injustifiée et discriminatoire de la loirelative à la lutte contre le terrorisme aux membres dela <strong>com</strong>munauté indigène mapuche.n À la fin de l’année, cinq mineurs mapuches étaienttoujours poursuivis au titre de la loi antiterroriste, bienque de nouvelles dispositions adoptées en juin aientexclu les moins de 18 ans de son champ d’application.n En juin, la Cour suprême a partiellement annulé unjugement rendu contre quatre militants mapuches, quiavaient été condamnés en mars par un tribunal civil deCañete pour des délits de droit <strong>com</strong>mun. Le tribunal deCañete avait rejeté les charges de terrorisme portéescontre eux par le ministère public. La procédure s’esttoutefois déroulée dans le cadre de la législationantiterroriste, qui permet de s’appuyer sur destémoignages anonymes. La Cour suprême a allégé lapeine des condamnés, mais n’a pas ordonné la tenued’un nouveau procès, entérinant de fait lescondamnations fondées sur les déclarations d’untémoin anonyme. Les quatre hommes ont effectué unegrève de la faim durant 87 jours pour dénoncer lerecours à la législation antiterroriste et le non-respectdes procédures légales. Ils ont mis un terme à leurjeûne lorsqu’une <strong>com</strong>mission indépendante sur lesdroits des Mapuches a été constituée.n En février, la Commission interaméricaine des droitsde l’homme a octroyé des mesures conservatoires enfaveur des peuples indigènes de Rapa Nui (Île dePâques). Elle a demandé au Chili de garantir que lesdépositaires de l’autorité publique ne mettraient pas enpéril la vie ou l’intégrité physique des populationsindigènes lors de manifestations ou d’expulsions. Cettedécision faisait suite à des affrontements violentsintervenus en décembre 2010. Des poursuites pénalesont été ouvertes contre certains membres de clans etles enquêtes sur les opérations de police étaienttoujours en cours à la fin de l’année.ImpunitéEn août, la <strong>com</strong>mission Valech II a publié un rapportconfirmant l’existence de cas supplémentaires deviolations des droits humains <strong>com</strong>mises sous lerégime militaire : cinq disparitions forcées,25 assassinats politiques et 9 795 cas de torture.Cette instance avait été créée en 2010 pour instruireles dossiers de disparition forcée, d’homicidepolitique, d’emprisonnement politique et de torturequi n’avaient pas été présentés aux <strong>com</strong>missionsRettig et Valech. À la fin de l’année, le nombre depersonnes officiellement reconnues <strong>com</strong>me victimesde disparition ou de meurtre politique entre 1973 et1990 s’élevait à 3 216. Celui des personnes ayantsubi la détention pour des motifs politiques ou latorture, voire les deux, et y ayant survécu étaitde 38 254.Le nombre de violations des droits humains faisantl’objet d’une instruction judiciaire est parvenu à unniveau jamais atteint en janvier, avec l’ouverture de726 nouvelles affaires pénales et le dépôt de plusd’un millier de plaintes constituées au fil des ans parCAmnesty International - Rapport 201269


Cles proches de personnes exécutées pour des motifspolitiques.Selon le Programme des droits humains duministère de l’Intérieur, 1 446 enquêtes étaient encours au mois de mai. Entre 2000 et fin mai 2011,773 anciens membres des forces de sécurité ont étéinculpés ou condamnés pour des violations des droitshumains ; 245 ont été condamnés en dernièreinstance. En revanche, 66 seulement étaientincarcérés : les autres se sont vu infliger des peinesnon privatives de liberté ou ont vu leur peine réduiteou <strong>com</strong>muée.Police et forces de sécuritéPlusieurs cas de torture et d’autres mauvaistraitements, y <strong>com</strong>pris des passages à tabac et desmenaces de violences sexuelles, ont été signalés. Ilsconcernaient des étudiants arbitrairement placés endétention par la police pendant des manifestations.n Manuel Gutiérrez Reinoso, un adolescent de 16 ans,est mort en août après avoir été touché par les ballestirées par un policier au cours d’une manifestationd’étudiants à Santiago, la capitale du pays. À la suite deces événements, cinq fonctionnaires de police ont étédémis de leurs fonctions et un général de la police adémissionné. En novembre, la cour d’appel militaire aordonné la remise en liberté sous caution du policieraccusé d’avoir tiré.Cette année encore, on a signalé des cas derecours excessif à la force lors d’opérations de policecontre des <strong>com</strong>munautés mapuches.Droits sexuels et reproductifsL’avortement était toujours considéré <strong>com</strong>me uneinfraction pénale, quelles que soient lescirconstances. En septembre, la Commission de lasanté du Sénat a accepté d’examiner des propositionsde loi visant à dépénaliser l’avortement dans des casbien particuliers, mais le président Piñera a fait savoirqu’il opposerait son veto à tout texte de cette nature.CHINERÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINEChef de l’État :Hu JintaoChef du gouvernement :Wen JiabaoPeine de mort :maintenuePopulation :1,3476 milliardEspérance de vie :73,5 ansMortalité des moins de 5 ans : 19,1 ‰En février, dans la crainte d’un élan de contestations’inspirant des événements survenus au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, les autorités ontdéclenché contre les militants politiques, lesdéfenseurs des droits humains et les cybermilitantsdes mesures de répression parmi les plus duresdepuis les manifestations de la place Tiananmen, en1989. Les manœuvres de harcèlement etd’intimidation, les détentions illégales et arbitraireset les disparitions forcées de ceux qui critiquaient legouvernement se sont intensifiées. Les mesures desécurité ont été renforcées dans les régionspeuplées de minorités ethniques, où les habitantsprotestaient contre les pratiques discriminatoires, larépression et d’autres violations de leurs droits. Lesautorités ont multiplié les initiatives en vue deplacer toutes les pratiques religieuses sous lecontrôle de l’État, notamment par une persécutionsévère des pratiquants de certaines religions. Dansle contexte de la crise financière mondiale, lapuissance économique de la Chine a accrul’influence du pays en matière de droits humains surla scène internationale – essentiellement pour lepire.ContexteL’économie chinoise résistait relativement bien faceà la crise financière mondiale, faisant craindre queles acteurs internationaux n’hésitent à critiquer lebilan de la Chine en matière de droitsfondamentaux – une tendance manifeste depuisquelque temps. La Chine usait de plus en plus deson poids financier et politique, en pleinecroissance, pour inciter des pays tiers à renvoyerde force certains Chinois de différentes origines(<strong>com</strong>me les Ouïghours) sur son territoire, où ilsrisquaient d’être jugés au cours de procès iniques,d’être maltraités ou torturés en détention et desubir d’autres violations de leurs droitsfondamentaux.70 Amnesty International - Rapport 2012


Liberté d’expressionCette année encore, les autorités ont recouru defaçon abusive au droit pénal pour réprimer la libertéd’expression. Elles ont placé en détention ou arrêtéprès de 50 personnes et en ont harcelé et intimidédes dizaines d’autres au cours de la répression desmanifestations dites « du Jasmin » qui ont débuté enfévrier en réponse aux mouvements populaires auMoyen-Orient et en Afrique du Nord. Un appel àl’origine anonyme s’est propagé à un nombrecroissant de villes : il invitait la population à sepromener tranquillement, le dimanche, en signe deprotestation contre la corruption, la répression desdroits et l’absence de réforme politique.Aux termes de modifications apportées en mars à laRéglementation sur la gestion des publications, lespersonnes diffusant des articles en ligne ou sur desréseaux d’information devaient désormais détenir uneautorisation officielle, faute de quoi elles s’exposaient àdes sanctions pénales. Les autorités ont fermé uncertain nombre de publications qui <strong>com</strong>portaient desarticles d’investigation sur des questions sensibles, ous’en sont assuré le contrôle direct. Elles auraientinterdit plusieurs centaines de mots, dont« démocratie » et « droits humains », dans les messagestextes envoyés à l’aide de téléphones portables.n Deux militants de longue date arrêtés au cours desmanifestations « du Jasmin » ont été condamnés à delourdes peines d’emprisonnement pour leurs écritspolitiques. Le 23 décembre, Chen Wei a été inculpéd’« incitation à la subversion de l’État » et condamné àneuf ans de prison pour 11 articles qu’il avait rédigésen faveur de la démocratie et des réformes politiques.Le 26 décembre, Chen Xi a été condamné à 10 ansd’emprisonnement pour le même chef, à la suite de lapublication, à l’étranger, de 36 articles. Ding Mao, auSichuan, et Liang Haiyi, au Guangdong, étaientdétenus à la fin de l’année pour leur participation auxmanifestations « du Jasmin ».Défenseurs des droits humainsLes autorités ont continué de harceler, intimider,persécuter et poursuivre en justice ceux quiœuvraient en faveur de la démocratie et des droitshumains. Des militants qui soutenaient le Partichinois de la démocratie ont été condamnés à delourdes peines de prison.n En mars, Liu Xianbin a été inculpé d’« incitation à lasubversion de l’État » et condamné à 10 ansd’emprisonnement pour ses activités en faveur de ladémocratie, son soutien au mouvement de la Charte 08et ses écrits relatifs à une réforme politique.n Depuis sa libération de prison en septembre 2010, ledéfenseur des droits humains Chen Guangcheng étaittoujours assigné illégalement à domicile avec sa fille etson épouse, Yuan Weijing. Un mouvement d’initiativepopulaire en soutien à Chen Guangcheng, qui estaveugle, a pris de l’ampleur dans l’ensemble du pays.De nombreux militants ont diffusé en ligne des photosd’eux-mêmes portant des lunettes noires <strong>com</strong>me ChenGuangcheng. Venus de différentes régions de Chine,des militants qui s’étaient rendus dans sa ville pourtenter de le voir ont été frappés par des policiers en civilstationnés dans le secteur, qui leur ont en outre volédes affaires.Disparitions forcéesLe nombre de victimes de disparition forcée aaugmenté. Beaucoup se trouvaient en détentionsecrète, dont Hada, un militant politique mongol. Denombreuses autres personnes sont restées ou ont étéplacées en résidence surveillée, alors que cesmesures étaient illégales. Parmi elles figuraient LiuXia, l’épouse du lauréat du prix Nobel de la paix LiuXiaobo, et Zheng Enchong, un avocat de Shanghaiœuvrant en faveur du droit au logement.Le 30 août, les autorités ont rendu public le projetde révision du Code de procédure pénale, le premierdepuis 1997. Aux côtés de quelques évolutionspositives, le texte prévoyait qu’une personne pouvaitêtre détenue jusqu’à six mois sans que sa famille nises amis ne soient prévenus. Aux yeux de nombreuxobservateurs spécialisés en droit, ceci s’apparentait àune légalisation des disparitions forcées. Les textesproposés <strong>com</strong>prenaient certes une interdictiond’utiliser des éléments de preuve illégaux, tels quedes « aveux » extorqués sous la contrainte ou d’autreséléments obtenus par la torture et les mauvaistraitements. Cependant, le recours à la torture étaitomniprésent dans les lieux de détention, dans lamesure où les politiques gouvernementalesentretenaient un climat propice à la torture, parexemple en exigeant des employés des prisons etcentres de détention qu’ils « transforment » lesdissidents religieux afin de leur faire abjurer leur foi.n Le 16 décembre, Gao Zhisheng, un éminent avocatdes droits humains plusieurs fois victime de disparitionforcée depuis près de trois ans, a été envoyé en prisonpour ac<strong>com</strong>plir la peine de trois annéesd’emprisonnement prononcée pour « violation répétéeCAmnesty International - Rapport 201271


Cdes conditions de sa mise à l’épreuve ». Cetteincarcération a eu lieu quelques jours seulement avantla fin de sa période de probation de cinq ans. On croitsavoir qu’il était détenu par les autorités pendant lespériodes où il avait « disparu ».Expulsions forcéesLes expulsions forcées de personnes hors de leurshabitations et de leurs fermes, en dehors de touteprocédure régulière et sans indemnisation adaptée,se sont accélérées. Elles s’ac<strong>com</strong>pagnaient de plusen plus souvent de violences. Le 21 janvier, le Conseildes affaires d’État a introduit de nouvellesréglementations sur les expropriations en zoneurbaine. Ces dispositions constituaient certes un pasdans la bonne direction, mais elles ne s’appliquaientqu’aux citadins ; en outre, elles ne concernaient ni leslocataires ni les autres occupants non propriétaires,exposant la majorité de la population chinoise aurisque d’expulsion forcée.n Le 29 décembre, l’ancienne avocate Ni Yulan a étéjugée pour avoir « provoqué des disputes » et pour« fraude » ; elle risquait d’être condamnée à une longuepeine d’emprisonnement. Ni Yulan avait elle-même étéexpulsée de chez elle en 2008, avant les Jeuxolympiques de Pékin. Elle est paraplégique à la suitedes coups reçus en détention.Peine de mortEn février, l’Assemblée populaire nationale a adopté lahuitième révision du Code pénal chinois, quisupprimait 13 infractions de la liste de cellespassibles de la peine de mort. En revanche, elle yajoutait un certain nombre de nouvelles infractionsobligatoirement punies de mort et elle élargissait ladéfinition d’autres. La Chine a continué à appliquerlargement la peine de mort, y <strong>com</strong>pris pour descrimes non violents, au terme de procès inéquitables.On estimait à plusieurs milliers le nombred’exécutions ayant eu lieu en 2011. Toutefois, lesstatistiques sur les condamnations à mort et lesexécutions étaient toujours classées secrètes.Liberté de religion et de convictionLes autorités ont poursuivi l’objectif visant à placertoutes les pratiques religieuses sous le contrôle del’État, en confiant notamment à celui-ci la surveillancedes doctrines religieuses, la nomination desdignitaires, l’enregistrement des groupes religieux etl’édification des lieux de culte. Les fidèles de religionsinterdites ou non autorisées par l’État risquaient d’êtreharcelés, arrêtés, placés en détention, emprisonnéset, dans certains cas, de subir de violentespersécutions. Au nombre des groupes proscritsfiguraient les fidèles des Églises « domestiques »clandestines protestantes et les catholiques acceptantl’autorité du Saint-Siège. On demeurait sans nouvellesde quelque 40 évêques catholiques, probablementdétenus par les autorités.n Entre le 10 avril et la fin de l’année, des membres del’Église clandestine Shouwang, à Pékin, étaient arrêtéstoutes les semaines alors qu’ils s’apprêtaient à célébrerl’office dominical dans un espace en plein air situédans le nord-ouest de la ville. La plupart étaient retenusau poste de police ou assignés à domicile, afin quel’office ne puisse pas avoir lieu. Cette Église avait étéexpulsée à plusieurs reprises des lieux qu’elle louait etempêchée de prendre possession d’un bâtimentacheté plusieurs années auparavant.Fa Lun GongLes autorités ont poursuivi leur campagnesystématique et souvent violente menée à l’échellenationale contre le Fa Lun Gong, mouvement spirituelinterdit depuis 1999 en tant que « culte hérétique ».Cette campagne, qui se situait dans sa deuxièmeannée, visait à améliorer sur une période de trois ansle taux de « transformation » des pratiquants du FaLun Gong. Au cours de ce processus, les pratiquantssubissaient des pressions, souvent sous la forme detorture physique et psychologique, destinées à lesfaire renoncer à leurs convictions et à leur pratiquedu Fa Lun Gong. Ceux qui s’y refusaient risquaientd’être maltraités ou torturés à des degrés de plus enplus graves. Les autorités dirigeaient, dans ce but,des lieux de détention illégaux officieusement appelés« centres de lavage de cerveaux ». D’après dessources proches du mouvement, un pratiquant du FaLun Gong mourait tous les trois jours aux mains desautorités ou peu après sa remise en liberté. On étaittoujours sans nouvelles de plusieurs milliers depratiquants.n Le 5 mars, Zhou Xiangyang, pratiquant du Fa LunGong, a été arrêté à son domicile de Tangshan, dans laprovince du Hebei, et conduit à la prison de Binhai,dans la ville de Tianjin. Il a aussitôt entamé une grèvede la faim. Il avait précédemment passé plus de neufans en détention ; il avait été soumis aux travaux forcéset à différentes formes de torture – déchargesélectriques, privation de sommeil et coups,notamment. Il avait aussi été étiré sur une table basse,72 Amnesty International - Rapport 2012


les membres fixés au sol. Les autorités lui refusaienttoujours le droit de consulter un avocat. À la suite d’unappel rédigé par sa femme, Li Shanshan, plus de2 500 habitants de sa ville et des alentours ont lancéune pétition pour réclamer sa libération. Li Shanshan aété interpellée par la suite, en septembre, de mêmeque le frère aîné de Zhou et au moins quatre autrespersonnes.Région autonome de Mongolie intérieureLe 10 mai, un berger mongol du nom de Mergen aété tué par un Chinois han qui conduisait un camiontransportant du charbon ; les faits ont déclenché desmouvements de protestation de grande ampleur danstoute la région. Les relations entre les deux groupesétaient déjà tendues en raison des doléances desbergers locaux, qui jugeaient leur moyen desubsistance menacé par l’accaparement des terres etpar les dégâts écologiques qu’infligeaient aux zonesde pâturage les <strong>com</strong>pagnies d’exploitation minière,dont beaucoup appartenaient à des Han.n Du 23 au 31 mai, plusieurs centaines de bergers etd’étudiants ont participé à des manifestationsquotidiennes, pacifiques pour l’essentiel, dansl’ensemble de la région. Si elles ont répondu à certainesdes doléances exprimées, les autorités ont aussimassivement déployé les forces de sécurité et l’armée,et ont arrêté plusieurs dizaines de manifestants. Ellesont bloqué des sites Internet qui évoquaient lesmanifestations, restreint les <strong>com</strong>munications partéléphone portable et fermé la plupart des sites web enlangue mongole.Région autonome ouïghoure du XinjiangLes autorités ont renforcé les mesures de sécurité,par le biais d’une succession de campagnes visant à« frapper fort ». Elles ont augmenté les patrouillesprésentes dans les rues 24 heures sur 24 et ont« mobilisé la société pour remporter la bataille » contreles agissements qu’elles considéraient <strong>com</strong>me portantatteinte à la sûreté de l’État. À Ürümqi, des quartiersentiers auraient été bouclés par des postes decontrôle.Du fait des restrictions extrêmes qui pesaient sur lacirculation de l’information à l’intérieur et à partir duXinjiang, on savait peu de choses sur ce qu’étaientdevenues les centaines de personnes arrêtées aulendemain de la répression des manifestations de2009 à Ürümqi. En janvier, le président du tribunalpopulaire supérieur du Xinjiang a évoqué des affairesen cours en lien avec les manifestations de 2009,mais les autorités n’ont <strong>com</strong>muniqué aucunrenseignement sur ces procès. Les familles despersonnes arrêtées n’étaient bien souvent pasinformées de ce qui leur était arrivé ni du lieu où ellesse trouvaient. Elles redoutaient souvent de<strong>com</strong>muniquer avec leurs proches à l’étranger, parcrainte de représailles de la part des autorités.Dans le Xinjiang, la liberté d’expression étaittoujours sévèrement restreinte. Les autoritésrecouraient notamment à des chefs d’inculpationvagues tels que « séparatisme ethnique » ou« terrorisme », qui incluaient la distribution dedocuments ou de textes à « teneur séparatiste ».n Noor-Ul-Islam Sherbaz est mort le 13 novembre.D’après les informations reçues, il aurait suc<strong>com</strong>bé à latorture subie en prison. Il purgeait une peine deréclusion à perpétuité à laquelle il avait été condamné àl’issue d’un procès inéquitable pour « meurtre » et pouravoir « provoqué un incident ». Il aurait jeté des pierresau cours des manifestations de juillet 2009. Il avait17 ans au moment de son arrestation. D’après un amide la famille ayant accès à des renseignementsprovenant de la prison, Noor-Ul-Islam avait étérégulièrement frappé à coups de matraque électriqueau cours de sa détention. Sa famille n’a pas étéautorisée à voir son corps, que les autorités ont enterrésans qu’il y ait eu autopsie. Lors de son procès, où ilétait représenté par un avocat <strong>com</strong>mis d’office, lesautorités n’avaient pas présenté de véritables élémentsà charge, à l’exception de ses « aveux », qui avaientpeut-être été extorqués sous la torture.Le gouvernement chinois a exercé des pressionsd’ordre économique et diplomatique sur certainspays, dont le Kazakhstan, la Malaisie, le Pakistan et laThaïlande, pour obtenir que l’on remette à la Chineplus d’une dizaine d’Ouïghours. Les Ouïghoursrenvoyés de force en Chine couraient un risque élevéd’être torturés, placés arbitrairement en détention etjugés au cours de procès inéquitables. Ils étaientsouvent détenus au secret.Région autonome du TibetEntre le 16 mars et la fin de l’année, 10 moines ouanciens moines et deux nonnes des régionstibétaines du pays ont tenté de s’immoler par le feu.Six en seraient morts. Il s’agissait manifestement degestes de protestation contre l’escalade de mesuresde sécurité punitives imposées aux institutionsreligieuses et aux <strong>com</strong>munautés laïques de la région,CAmnesty International - Rapport 201273


Cà la suite des manifestations de mars 2008. Lapremière immolation, celle de Phuntsok Jarutsang, aété suivie de mouvements de protestation,d’arrestations massives (dont celles de 300 moinesdu monastère de Kirti), de disparitions forcées etpeut-être même d’homicides imputables aux forcesde sécurité. Deux Tibétains âgés (un homme et unefemme) sont morts après un affrontement entre lesforces de sécurité et des habitants qui tentaient des’opposer aux arrestations. Un homme est mort àl’hôpital après avoir été blessé lorsque des policierss’en sont pris à des gens qui manifestaient devantun poste de police. Des personnes impliquées dansles manifestations tenues en marge des immolationsont été condamnées à des peines allant de trois à13 ans d’emprisonnement. Malgré la vagued’immolations, rien ne laissait penser que lesautorités chinoises prévoyaient de s’attaquer auxcauses sous-jacentes des manifestations ou deprendre en <strong>com</strong>pte les revendications de lapopulation tibétaine.Région administrative spécialede Hong KongLiberté d’expression, d’association et deréunionLes forces de sécurité et la police ont eu recours àune force excessive contre des manifestantspacifiques.n Au cours d’une manifestation pacifique organisée le15 mai, à l’occasion de la Journée internationale contrel’homophobie et la transphobie, la police a menacéd’arrêter des manifestants s’ils continuaient à danser.Elle affirmait que les organisateurs – au nombredesquels figurait Amnesty International Hong Kong –n’avaient pas obtenu l’« autorisation temporaire dedivertissement du public ». Cet argument, sansfondement légal, a été critiqué <strong>com</strong>me étant unemanœuvre de harcèlement.n Le 2 juillet, la police a arrêté 228 participants à lamarche en faveur de la démocratie qui se déroule tousles ans le 1 er juillet, les accusant d’obstruction d’un lieupublic et de réunion illégale. L’Association desjournalistes de Hong Kong a indiqué que19 journalistes avaient été aspergés de gaz poivre etqu’une journaliste avait été arrêtée au cours de cettemarche, qui avait rassemblé 10 000 personnes. Despoliciers ont également tenté d’arrêter Law Yuk Kai,directeur de l’Observatoire des droits humains à HongKong, alors qu’il regardait des agents en train d’écarteret d’interpeller des manifestants qui bloquaient lacirculation. Toutes les personnes arrêtées ont étérelâchées le jour même. Plusieurs ont été ensuiteinculpées de troubles à l’ordre public.En août, au cours d’une visite de trois jours de LiKeqiang, vice-Premier ministre chinois, la police a misen place des « zones de sécurité maximale » afin detenir les manifestants et la presse à distance duvisiteur. Plusieurs personnes, dont des membres duConseil législatif, ont considéré qu’il s’agissait demesures autoritaires portant atteinte à la libertéd’expression. Des policiers ont emmené de force unhabitant qui portait un tee-shirt <strong>com</strong>mémorant lemassacre de Tiananmen de 1989.Évolutions législativesn En juin, le gouvernement a adopté des propositionscontroversées qui, dans certaines circonstances,supprimeraient les élections intermédiaires en tant quesystème permettant de remplacer les membres duConseil législatif quittant leurs fonctions en cours demandat.n Toujours en juin, la Commission de réforme du droita présenté un document consultatif sur la mise enplace d’une loi et d’une <strong>com</strong>mission relatives auxassociations caritatives. Amnesty International etd’autres organisations de défense des droitsfondamentaux ont critiqué la définition des œuvres debienfaisance donnée dans ces propositions. Celle-ciexcluait les activités relatives aux droits humains, touten reconnaissant 13 autres secteurs, dont les droitsdes animaux.Discriminationn Le 30 septembre, le tribunal supérieur de HongKong s’est prononcé en faveur d’une employée demaison philippine, jugeant inconstitutionnelles lesdispositions en matière d’immigration qui interdisentaux employés de maison étrangers de solliciter le droitde résidence. Le gouvernement a interjeté appel. Ceuxqui critiquaient la position des autorités estimaient quecette exclusion s’apparentait à une forme dediscrimination ethnique.n Le 25 novembre, une personne transsexuelle,devenue femme à la suite d’une interventionchirurgicale, a été déboutée du deuxième recours enjustice qu’elle avait formé pour pouvoir épouser son<strong>com</strong>pagnon sous sa nouvelle identité sexuelle. La Courd’appel a déclaré que toute modification potentielled’une loi relevait du corps législatif et non destribunaux. La requérante a indiqué qu’elle porteraitl’affaire devant la plus haute juridiction d’appel.74 Amnesty International - Rapport 2012


Réfugiés et demandeurs d’asileEn juillet, le gouvernement a adopté le projet de loi de2011 relatif à l’immigration, dans l’objectif de mettreen place un cadre légal pour le traitement desdemandes d’asile fondées sur des violations de laConvention contre la torture [ONU].CHYPRERÉPUBLIQUE DE CHYPREChef de l’État et du gouvernement : Demetris ChristofiasPeine de mort :aboliePopulation :1,1 millionEspérance de vie :79,6 ansMortalité des moins de cinq ans : 3,5‰Taux d’alphabétisation des adultes : 97,9 %Plusieurs centaines de migrants en situationirrégulière, y <strong>com</strong>pris des demandeurs d’asiledéboutés, ont été maintenus en détention pendantde longues périodes, dans des conditionsmédiocres, uniquement en raison de leur situationau regard de la législation sur l’immigration.ContexteLes négociations au sommet entre les autoritéschypriotes grecques et turques se sont poursuivies.Elles ont porté, entre autres, sur le partage dupouvoir.Dans un contexte marqué par les préoccupationsrelatives au maintien en détention de migrantsirréguliers, une loi visant à transposer la directive« retour » de l’Union européenne dans le droit interneest entrée en vigueur en novembre. Le texte fixait àsix mois la durée maximale de détention des migrantsavant leur expulsion, une période pouvant êtreprolongée jusqu’à 18 mois dans certainescirconstances.En décembre, le Parlement a adopté une loiconférant au Bureau du <strong>com</strong>missaire pourl’administration (médiateur) le pouvoir d’agir en tantqu’institution nationale de défense des droits humains.Réfugiés, demandeurs d’asile etmigrantsDes migrants, parmi lesquels des demandeurs d’asiledéboutés, ont été maintenus en détention dans desconditions déplorables, uniquement en raison de leursituation au regard de la législation sur l’immigration.L’utilisation de structures inadaptées (par exempledes cellules de postes de police destinées auxdétentions de courte durée, ainsi que deux quartiersde la prison centrale de Nicosie) était également unmotif de préoccupation. Des personnes détenues ontindiqué qu’elles n’avaient qu’un accès limité, voireinexistant, aux services d’assistance juridique et desanté.En décembre, quelque 200 migrants étaientenfermés dans des centres de détention. Pourbeaucoup d’entre d’eux, aucun éloignement n’étaitprogrammé à court terme. Leur détention était doncmanifestement arbitraire, inutile, et par conséquentillégale. La Cour suprême a ordonné la remise enliberté de certains détenus, jugeant illégale la duréede leur détention. Cependant, les intéressés ont étéarrêtés de nouveau dès leur remise en liberté, sur labase des mêmes motifs que précédemment.Un nouveau centre de détention pour migrants,d’une capacité de 276 personnes, devait ouvrir sesportes début 2012 à Mennoia. L’Union européenneavait financé sa construction à hauteur de 30 %.n En décembre, un demandeur d’asile tamoul a étérenvoyé contre son gré au Sri Lanka après que l’autoritéchargée de statuer sur son recours contre le rejet initialde sa demande d’asile eut rendu une décisionnégative. Au vu des circonstances de son renvoi forcé,on craignait qu’il n’ait pas eu la possibilité de demanderune révision judiciaire de la décision par la Coursuprême, ni la suspension de son expulsion.Police et forces de sécuritéPlusieurs informations ont fait état de mauvaistraitements subis par des migrants, dont desdemandeurs d’asile, aux mains de la police.n En juillet, quelque 35 policiers auraient passé àtabac un groupe de demandeurs d’asile détenus auposte de police de Larnaca. Ils les auraient aussimenacés et insultés. Selon les informations reçues, l’undes demandeurs d’asile a été blessé à la jambe et s’estvu refuser des soins pendant plusieurs jours. Desenquêtes sur ces faits menées par le médiateur et parl’autorité chargée de traiter les plaintes contre la policeétaient en cours à la fin de l’année.Défenseurs des droits humainsDes ONG internationales de défense des réfugiés etdes migrants ont fait part de leurs inquiétudes quantCAmnesty International - Rapport 201275


Caux poursuites engagées contre le directeur de l’ONGKISA, une organisation militant en faveur de l’égalité.Les autorités l’ont inculpé de participation à uneémeute et à une réunion illégale, à la suite desévénements qui ont eu lieu lors du Rainbow Festivalorganisé à Larnaca en novembre 2010 pourpromouvoir la lutte contre le racisme. Des participantsauraient été molestés par des individus manifestantcontre la présence de migrants. L’audience qui devaitse tenir en décembre a été reportée à février 2012.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus à Chypre ennovembre.COLOMBIERÉPUBLIQUE DE COLOMBIEChef de l’État et du gouvernement : Juan Manuel SantosCalderónPeine de mort :aboliePopulation :46,9 millionsEspérance de vie :73,7 ansMortalité des moins de cinq ans : 18,9 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 93,2 %Le gouvernement a réaffirmé son engagement enfaveur des droits humains. En dépit de cespromesses, la situation globale en matière de droitsfondamentaux n’a guère connu d’améliorationstangibles. Les civils, en particulier les<strong>com</strong>munautés indigènes, afro-colombiennes etpaysannes, les défenseurs des droits humains, lespersonnalités de la société civile et lessyndicalistes, restaient les principales victimes desrépercussions du conflit armé qui déchire de longuedate le pays. Promulguée en juin par le présidentJuan Manuel Santos, la loi sur les victimes et larestitution de terres a marqué une étape importante.Elle reconnaissait les droits de nombreuses victimesdu conflit et prévoyait la restitution d’une partie desmillions d’hectares de terres dérobées, bien souventpar la violence, à leurs propriétaires légitimes.L’application effective de la loi risquait toutefoisd’être <strong>com</strong>promise par la poursuite des menaces etdes homicides contre les personnes œuvrant à larestitution des terres. Le gouvernement s’est engagéà mettre un terme à l’impunité dont jouissent lesauteurs d’atteintes aux droits humains, et desavancées ont été enregistrées dans certains dossiersemblématiques. Faute d’action adéquate de la partdes autorités, cependant, la plupart desresponsables présumés, en particulier les auteursde crimes sexuels <strong>com</strong>mis contre des femmes et desfilles, n’étaient toujours pas traduits en justice. Ilétait à craindre que les projets du gouvernementvisant à élargir la <strong>com</strong>pétence des juridictionsmilitaires ne <strong>com</strong>promettent le peu d’avancéesenregistrées dans la lutte contre l’impunité. Plus de40 candidats ont été tués lors des élections localeset régionales d’octobre, un nombre nettement plusélevé que lors des scrutins de 2007. Plusieurscandidats apparemment proches de responsablespolitiques reconnus coupables de liens illégaux avecles paramilitaires, ou faisant l’objet d’une enquêtepénale pour de tels faits, ont été élus, notammentaux fonctions de gouverneur de département.Conflit armé interneLes mouvements de guérilla, les groupesparamilitaires et les forces de sécurité se sont denouveau rendus coupables de crimes de droitinternational, notamment d’homicides illégaux, dedéplacements forcés, d’enlèvements et dedisparitions forcées. Les habitants des zones rurales,en particulier les membres des <strong>com</strong>munautésindigènes, afro-colombiennes et paysannes, étaientparticulièrement exposés, tout <strong>com</strong>me les populationsdéfavorisées des zones urbaines, les défenseurs desdroits humains et les syndicalistes.Selon l’Organisation nationale indigène deColombie, 111 indigènes ont été tués au cours des11 premiers mois de 2011.n En juin, des paramilitaires ont tué cinq dirigeants dela <strong>com</strong>munauté indigène zenú dans la municipalité deZaragoza (département d’Antioquia).n Le cadavre de Crisanto Tequia Queragama, jeunedirigeant de la <strong>com</strong>munauté indigène katío, a étéretrouvé le 26 février dans la municipalité de Bagadó(département du Chocó). Des responsables indigènesont imputé la responsabilité de l’assassinat aumouvement de guérilla des Forces arméesrévolutionnaires de Colombie (FARC).Quelque 308 000 personnes ont été déplacées deforce en 2011, contre 280 000 en 2010.n En octobre, quelque 400 indigènes de lamunicipalité de Pradera, dans le département du Valle76 Amnesty International - Rapport 2012


del Cauca, ont été chassés de chez eux à la suited’affrontements entre les forces de sécurité et lesFARC.n En mars, plus de 800 Afro-Colombiens deBuenaventura, une municipalité rurale du Valle delCauca, ont été déplacés de force par des <strong>com</strong>batsentre forces de sécurité et FARC.n En janvier, environ 5 000 habitants de la municipalitéd’Anorí (département d’Antioquia), dont quelque2 300 enfants, ont été contraints de quitter leur foyer enraison de menaces des FARC.Le 2 novembre, le gouvernement a promulgué ledécret n° 4100 portant création du Système nationaldes droits humains et du droit internationalhumanitaire. Les autorités ont fait valoir que cetorgane allait améliorer la coordination et la mise enœuvre des politiques publiques en la matière.Loi sur les victimes et la restitution deterresLa loi sur les victimes et la restitution de terresreconnaît à la fois l’existence d’un conflit armé et lesdroits des victimes. Elle prévoit des réparations pourcertaines victimes d’atteintes aux droits humains,notamment pour les violations perpétrées par desreprésentants de l’État. Il était toutefois à craindre quede nombreuses victimes ne soient privées de lapossibilité de demander réparation, et que de vastesétendues de terres dérobées ne soient pas restituéesà leurs propriétaires légitimes. On redoutait égalementque certaines personnes retournées sur leurs terresd’origine soient contraintes de céder le contrôle decelles-ci à ceux qui les avaient déplacées par la force.Les dirigeants de <strong>com</strong>munautés déplacées et lespersonnes luttant pour la restitution de terresdérobées étaient toujours en butte à des menaces.Certains ont été assassinés.n Le 30 juin, Antonio Mendoza Morales, dirigeant del’Association des personnes déplacées de San Onofreet Montes de María, a été assassiné par des hommesarmés non identifiés à San Onofre, dans ledépartement de Sucre.Forces de sécuritéAu moins 17 exécutions extrajudiciaires, dont lesvictimes ont été présentées, de façon mensongère,<strong>com</strong>me des « guérilleros tués au <strong>com</strong>bat », ont étéperpétrées par des membres des forces de sécuritéau cours des six premiers mois de 2011. Ce chiffre,bien qu’en augmentation par rapport à 2010, restaitnettement inférieur à ceux enregistrés en 2008,année marquée par quelque 200 homicides de cetype.n En juillet, une juge a condamné huit militaires à despeines allant de 28 à 55 années de réclusion pourl’assassinat, en 2008, de deux jeunes gens dans lamunicipalité de Cimitarra (département de Santander).Il s’agissait de la première condamnation de militairesdans une affaire où plus de 10 jeunes gens originairesde Soacha, près de Bogotá, avaient été tués etprésentés de façon fallacieuse par l’armée <strong>com</strong>me des« guérilleros tués au <strong>com</strong>bat ».La plupart des milliers d’exécutions extrajudiciairesperpétrées au cours du conflit n’ont pas étéélucidées, y <strong>com</strong>pris celles faisant l’objet d’uneenquête conduite par la Fiscalía General de la Nación(organe de l’État qui déclenche la procédure pénale,mène l’enquête et prononce l’inculpation).Des mesures visant à étendre le rôle de la justicemilitaire dans les enquêtes sur les violations des droitshumains impliquant les forces de sécurité étaient encours d’examen au Congrès à la fin de l’année. Engénéral, la justice militaire a clos les enquêtes decette nature sans vraiment essayer de demander des<strong>com</strong>ptes aux auteurs présumés. Si elles étaientadoptées, ces mesures seraient contraires auxnormes internationales en matière de droits humains,qui prévoient que les enquêtes sur les violations desdroits fondamentaux doivent être exclusivement duressort des tribunaux civils.Le Congrès examinait également des mesures quipourraient permettre à des personnes s’étant renduescoupables d’atteintes aux droits humains, notammentdes membres des forces de sécurité, de bénéficierd’amnisties de fait.La guérillaLes FARC et l’Armée de libération nationale (ELN,mouvement de moindre envergure) ont <strong>com</strong>mis degraves atteintes aux droits humains et des violationsdu droit international humanitaire, dont deshomicides illégaux, des prises d’otages, desdéplacements forcés et l’enrôlement d’enfants.n Le 22 mai, les FARC ont, selon certainesinformations, attaqué un bateau à Medio Atrato, dansle département du Chocó. Trois civils ont été tués etdeux autres ont été blessés lors de l’opération.n Le 19 mars, des <strong>com</strong>battants de l’ELN ont tué unjeune indigène dans la municipalité de Tame, dans ledépartement d’Arauca, après que des membres de laCAmnesty International - Rapport 201277


Créserve indigène où il vivait eurent refusé d’être enrôlésdans le mouvement de guérilla.n Le 9 juillet, des membres des FARC ont fait exploserune voiture piégée dans le centre-ville de Toribío(département du Cauca), une région majoritairementhabitée par des indigènes. L’explosion du véhicule etles affrontements entre FARC et forces de sécurité ontfait quatre morts (trois civils et un policier), peut-êtredavantage. Au moins 120 civils et deux policiers ont enoutre été blessés.D’après les chiffres du gouvernement, 49 membresdes forces de sécurité et 20 civils ont été tués en2011 par des mines antipersonnel posées pourl’essentiel par les FARC. Des centaines d’autrespersonnes ont été blessées.Les statistiques officielles ont fait état de305 enlèvements en 2011, contre 282 l’annéeprécédente. Si la plupart ont été imputés à desbandes criminelles, la grande majorité de ceux liés auconflit ont été le fait des mouvements de guérilla.n Le 26 novembre, les FARC auraient exécuté quatremembres des forces de sécurité qu’elles détenaientdepuis au moins 12 ans.Le 4 novembre, le <strong>com</strong>mandant des FARCGuillermo León Sáenz Vargas (également appelé« Alfonso Cano ») a été tué par les forces de sécuritéau cours d’une opération militaire.Groupes paramilitairesMalgré leur démobilisation supposée, les groupesparamilitaires, appelés « Bacrim » (bandescriminelles) par le gouvernement, ont continuéd’étendre leur présence territoriale et leur influence.En février, le ministre de l’Intérieur et de la Justice,Germán Vargas Lleras, a admis que les Bacrimcontrôlaient de nombreux secteurs du pays, à la foisdans les zones urbaines et rurales. Des informationsont fait état de la présence accrue de paramilitairesdans des régions où les forces de sécurité étaientdéployées en nombre.Les paramilitaires se sont rendus coupables denouvelles violations graves des droits humains,notamment des homicides et des disparitions forcées,dans certains cas avec la collusion ou l’assentimentdes forces de sécurité ; ils ont procédé également àdes opérations de « nettoyage social » dans desquartiers urbains défavorisés. Au nombre desvictimes figuraient essentiellement des syndicalistes,des défenseurs des droits humains et des dirigeantsde la société civile, ainsi que des membres ou desreprésentants des <strong>com</strong>munautés indigènes, afrocolombiennesou paysannes.n Le 12 septembre, au moins 30 membres armés et enuniforme du groupe paramilitaire Los Rastrojos sontarrivés dans le bourg de Pesquería, qui dépend de lamunicipalité de Cumbitara (département de Nariño).Ils ont menacé et pillé les habitants, les accusant decollaborer avec les mouvements de guérilla. Devanttoute la population réunie, les paramilitaires ont, seloncertaines informations, démembré deux civils quiétaient encore en vie. Ils ont également enlevé13 personnes, dont deux au moins ont été tuées.Processus Justice et paixLe processus Justice et paix, entamé en 2005, n’apas enregistré de véritables avancées. Environ 10 %de l’ensemble des plus de 30 000 paramilitairescensés avoir été démobilisés remplissaient lesconditions établies pour bénéficier, dans le cadre duprocessus, d’une réduction de leur peined’emprisonnement en échange d’aveux sur lesatteintes aux droits humains. Les autres avaientbénéficié d’une amnistie de fait. À la fin de l’année,seuls 10 paramilitaires avaient été reconnuscoupables au titre du processus ; la plupart étaientencore en procédure d’appel.Dans une décision rendue en février, la Courconstitutionnelle a estimé que la Loi n° 1424 étaitconforme à la Constitution. Cette loi vise à accorderune amnistie de facto à des dizaines de milliers deparamilitaires de base, prétendument démobilisés, àcondition qu’ils signent un « Accord de contribution àla vérité historique et à la réparation ».Service civil du renseignementLe gouvernement a dissous le Départementadministratif de sécurité (DAS) le 31 octobre. Cetorgane opérant sous l’autorité directe du chef de l’Étatavait été mêlé à un vaste scandale impliquantl’utilisation de procédés illégaux (menaces, homicides,surveillance et écoutes illégales) contre des militantsdes droits humains, des représentants politiques, desjuges et des journalistes. Les faits s’étaient déroulésessentiellement durant la présidence d’Álvaro UribeVélez (2002-2010). Le DAS a été remplacé par laDirection nationale du renseignement.Plusieurs hauts responsables du DAS faisaienttoujours l’objet d’une information judiciaire pour leurimplication présumée dans ce scandale ; d’autresavaient déjà été condamnés. Une ancienne directrice78 Amnesty International - Rapport 2012


du Département, María del Pilar Hurtado, continuait,elle, d’échapper à la justice ; elle s’était vu accorderl’asile au Panama en 2010.n Le 14 septembre, l’ancien directeur du DAS JorgeNoguera a été condamné à 25 annéesd’emprisonnement pour l’assassinat du professeurd’université Alfredo Correa de Andreis et pour ses liensavec les groupes paramilitaires.n En novembre, le Procurador General de la Nación(procureur général) a demandé à la <strong>com</strong>mission duCongrès enquêtant sur le rôle joué par l’ancienprésident Uribe dans les opérations illicites de vérifier sice dernier avait ordonné au DAS d’effectuer certainesécoutes téléphoniques.Défenseurs des droits humainsL’action des militants des droits humains a, cetteannée encore, été mise à mal par les homicides, lesmenaces, les poursuites judiciaires et le vold’informations concernant des affaires sensibles dontces défenseurs étaient victimes.n Le 23 août, Walter Agredo Muñoz, membre de lasection de Valle del Cauca du Comité de solidarité pourles prisonniers politiques (CSPP), et Martha Giraldo,membre du Mouvement national des victimes decrimes d’État (MOVICE), ont reçu le même SMScontenant des menaces de mort et les accusant d’êtredes <strong>com</strong>munistes et des membres des FARC. Lemessage mentionnait également plusieurs ONG dedéfense des droits humains, des syndicats ainsi quedes organisations afro-colombiennes et indigènes.Plus de 45 défenseurs des droits humains etdirigeants de la société civile, notamment despersonnes travaillant sur les questions du droit à laterre, et 29 syndicalistes au moins ont été assassinésen 2011.n Le 23 mars, dans la municipalité de San Onofre(département de Sucre), les militants des droitshumains Orlando Enrique Verbel Rocha et Eder VerbelRocha rentraient chez eux en <strong>com</strong>pagnie du fils de cedernier lorsque deux paramilitaires ont tiré dans leurdirection et les ont frappés. Eder Verbel Rocha a étémortellement blessé.n Le 17 mars, Gabriela, membre de la Fondation destransgenres du sud, a été tuée par des hommes armésà Pasto, dans le département de Nariño. L’assassinatest intervenu peu après la distribution à Pasto de tractsappelant au « nettoyage social » des lesbiennes, desgays, des personnes bisexuelles et des transgenres,entre autres cibles.Réagissant à la vague d’homicides <strong>com</strong>mis sur lapersonne de défenseurs des droits humains, lebureau en Colombie du Haut-Commissariat aux droitsde l’homme [ONU] a demandé au gouvernement, enmars, de revoir en profondeur ses programmes deprotection physique. Le 31 octobre, le gouvernementa publié le décret n° 4065, qui rassemble tous lesprogrammes de protection mis en place par leministère de l’Intérieur sous la responsabilité d’unseul et même organe nouvellement créé, l’Uniténationale de protection.ImpunitéDes avancées ont été enregistrées dans un nombreretreint de cas emblématiques en matière de droitshumains.n Le 28 avril, une juge a condamné le général à laretraite Jesús Armando Arias Cabrales à 35 ansd’emprisonnement pour son implication dans ladisparition forcée de 11 personnes en novembre1985, survenue après que l’armée eut pris d’assaut lepalais de justice où des membres du mouvement deguérilla M-19 retenaient des otages. Legouvernement et le haut <strong>com</strong>mandement militaireont publiquement dénoncé cette condamnation, demême que celle du colonel à la retraite Luis AlfonsoPlazas Vega, qui s’est vu infliger en 2010 une peinede 30 ans de réclusion dans le cadre de la mêmeaffaire. Le général à la retraite Iván Ramírez Quintero,qui était inculpé de l’une des disparitions, a étéacquitté en décembre.L’impunité prévalait toujours dans la grandemajorité des affaires, une situation encore aggravéepar les menaces et les homicides dont témoins,avocats, magistrats du parquet et juges étaient lacible.n Le 22 mars, la juge chargée du dossier d’un militaireaccusé du viol d’une jeune fille, du viol et du meurtred’une autre jeune fille ainsi que de l’assassinat desdeux frères de cette dernière, a été abattue à Saravena,dans le département d’Arauca. Les familles desvictimes et l’ONG qui les soutenait ont reçu desmenaces de mort par téléphone peu après le meurtrede la juge.Violences faites aux femmes et aux fillesDes militantes des droits humains et des dirigeantesde la société civile, en particulier des femmestravaillant sur les questions liées au droit à la terre,ont été la cible de menaces et d’homicides.CAmnesty International - Rapport 201279


Cn Ana Fabricia Córdoba, responsable afrocolombiennequi défendait les <strong>com</strong>munautésdéplacées, a été tuée à Medellín (départementd’Antioquia) le 7 juin.n Le 5 mai, 11 paramilitaires ont encerclé Sixta TuliaPérez et Blanca Rebolledo, deux responsables de la<strong>com</strong>munauté afro-colombienne de Caracolí, dans ledépartement du Chocó. Ils ont essayé d’arracher leursvêtements et ont attrapé un enfant qui se trouvait avecelles. L’un d’eux a frappé Sixta Tulia Pérez à coups defouet. Plus tard dans la journée, les paramilitaires ontmenacé les deux femmes sous les yeux de soldats, quin’ont pas réagi lorsque celles-ci les ont appelés à l’aide.Les organisations de défense des droits desfemmes, plus particulièrement celles travaillantauprès de femmes déplacées ou victimes deviolences sexuelles, ont également fait l’objet demenaces.n Le 19 juin, un certain nombre d’ONG, parmilesquelles de nombreuses organisations de défensedes droits des femmes, ont reçu par courriel desmenaces de mort émanant du Bloc capital des Aiglesnoirs, un groupe paramilitaire. Le messageélectronique réclamait « la peine de mort pour lesputains de la guérilla des FARC qui s’opposent auxpolitiques de notre gouvernement ».Malgré les engagements du gouvernementaffirmant qu’il allait lutter contre les violencessexuelles infligées aux femmes et aux filles dans lecadre du conflit, ces violences demeuraientgénéralisées et systématiques. Le gouvernement nerespectait toujours pas suffisamment les arrêts de laCour constitutionnelle sur la question, en particulierl’arrêt n° 092 de 2008. Les auteurs de ces crimesjouissaient toujours d’une impunité beaucoup plusgrande que les responsables d’autres typesd’atteintes aux droits humains. En décembre,toutefois, un paramilitaire a été déclaré coupable decrimes sexuels <strong>com</strong>mis dans le contexte du conflit. Ils’agissait de la première condamnation de ce typeprononcée dans le cadre du processus Justice etpaix.Aide des États-UnisL’aide financière octroyée par les États-Unis à laColombie a continué de baisser. En 2011, les États-Unis ont accordé à la Colombie environ 562 millionsde dollars d’aide militaire et non militaire. Sur cettesomme, 345 millions de dollars étaient destinés auxforces de sécurité, dont environ 50 millions aux forcesarmées. Le versement de 30 % de cette part étaitsubordonné au respect par les autoritéscolombiennes de certaines conditions en matière dedroits humains. En septembre 2011, les autoritésaméricaines ont débloqué environ 20 millions dedollars affectés à l’aide dans le domaine de lasécurité, estimant que le gouvernement colombienavait ac<strong>com</strong>pli des progrès significatifs dansl’amélioration de la situation des droits humains dansle pays.Le gouvernement des États-Unis a ratifié enoctobre l’Accord de libre-échange avec la Colombie,malgré l’opposition d’organisations de défense desdroits humains et d’organisations syndicales. Cesdernières ont en effet fait part de leurs inquiétudes ausujet de la sécurité des dirigeants et des militantssyndicaux en Colombie, et des répercussions que cetaccord pourrait avoir sur les petits paysans, leshabitants indigènes et les <strong>com</strong>munautés afrocolombiennes.Surveillance internationaleRendu public en février, le rapport de la Haut-Commissaire aux droits de l’homme des Nationsunies sur la situation des droits de l’homme enColombie a pris acte « de l’engagement en faveur desdroits de l’homme exprimé par l’administrationSantos ». Il constatait cependant que toutes lesparties au conflit continuaient de transgresser le droitinternational humanitaire et relevait avecpréoccupation que « des défenseurs des droits del’homme et leurs organisations [étaient] toujoursl’objet […] d’homicides, de menaces, d’attaques, devols d’informations et d’actes de surveillance illégaleet d’intimidation ».Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Colombie enfévrier, mars, septembre et novembre.4 Colombie. Les autorités doivent assurer la sécurité de la juge dans undossier clé concernant des atteintes aux droits humains(AMR 23/014/2011).4 Colombie. « Ce que nous exigeons, c’est la justice !». En Colombie, lesauteurs de violences sexuelles perpétrées au cours du conflit arméjouissent d’une parfaite impunité (AMR 23/018/2011).4 Colombie. Amnesty International condamne les attaques de la guérillafaisant des victimes civiles (AMR 23/023/2011).4 Colombie. La loi relative aux victimes est une avancée importante maisdes questions subsistent (PRE01/285/2011).80 Amnesty International - Rapport 2012


CONGORÉPUBLIQUE DU CONGOChef de l’État et du gouvernement : Denis Sassou-NguessoPeine de mort :abolie en pratiquePopulation :4,1 millionsEspérance de vie :57,4 ansMortalité des moins de cinq ans : 128,2 ‰Des cas de torture et d’autres mauvais traitementsimputables aux forces de sécurité et ayant parfoisentraîné la mort ont été signalés. Trois demandeursd’asile originaires de la République démocratiquedu Congo (RDC) étaient maintenus en détentiondepuis près de huit ans, sans inculpation nijugement. Certains détracteurs du gouvernementont été arrêtés arbitrairement ou maltraités par lesforces de sécurité. Le processus devant mener à lacessation du statut de réfugié pour la plupart desAngolais et des Rwandais réfugiés en République duCongo abordait sa phase concrète. Au moins troiscondamnations à mort ont été prononcées.ContexteLe président Sassou-Nguesso a promulgué en févrierune loi destinée à protéger les droits des peuplesautochtones. Elle érigeait en infraction le fait de lesdésigner <strong>com</strong>me des pygmées.Le gouvernement de la RDC a accusé sonhomologue de la République du Congo de soutenirun groupe armé accusé d’avoir attaqué la résidencedu président Joseph Kabila en février. Ancien généralde l’armée de la RDC et chef présumé de ce groupearmé, Faustin Munene s’était réfugié en Républiquedu Congo ; il a sollicité l’asile auprès de la Pologne. Le4 mars, il avait été condamné par contumace à laréclusion à perpétuité par un tribunal militaire de laRDC, qui l’avait déclaré coupable d’incitation à larébellion.En juillet, les autorités gabonaises ont appliqué lacessation du statut de réfugié à 9 500 Congolais, dontla plupart avaient fui le conflit armé qui sévissait dansleur pays dans les années 1990. Ceux quisouhaitaient rester au Gabon pouvaient soitdemander un permis de séjour régi par le droitgabonais, soit solliciter une dérogation pour que leurstatut de réfugié soit maintenu. Le Haut-Commissariatdes Nations unies pour les réfugiés (HCR) a aidé685 Congolais à rentrer dans leur pays et 900 autresà obtenir des titres de séjour au Gabon.Le président Sassou-Nguesso s’est rendu auRwanda en novembre. Sa délégation se seraitentretenue avec les autorités rwandaises de lacessation du statut de réfugié pour les Rwandaisinstallés en République du Congo.Torture et autres mauvais traitementsDes membres des forces de sécurité ont torturé etinfligé d’autres mauvais traitements à des détenus entoute impunité. Certaines victimes sont mortes à lasuite des sévices auxquels elles avaient été soumises.La justice n’a pas instruit les plaintes déposées par lesproches de personnes mortes en détention cesdernières années.n Anicet Elion Kouvandila est mort le 2 juin aprèsavoir été détenu pendant huit jours au poste de policede Lumumba, à Brazzaville, la capitale. Il y a étépassé à tabac. Son corps a été retrouvé par sesproches dans une morgue, enregistré sous une autreidentité.n Blanche Kongo a été interpellée le 17 octobre par lapolice, qui recherchait son époux au sujet d’un volprésumé. Elle était enceinte et ac<strong>com</strong>pagnée de sonenfant. Rouée de coups au poste de police de Mbota,elle a fait une fausse couche.n Le 28 août, un colonel a violemment frappé JeanKarat Koulounkoulou et Rock Inzonzi en marge d’unlitige foncier. Le militaire a enseveli les deux hommesjusqu’au cou avant de les menacer de les enterrervivants. Un représentant de l’administration locale etdes policiers l’en ont empêché, mais il n’a pas faitl’objet de poursuites.Réfugiés et demandeurs d’asileDétenus par l’armée à Brazzaville depuis près de huitans sans avoir été jugés ni inculpés, GermainNdabamenya Etikilime, Médard Mabwaka Egbonde etBosch Ndala Umba, trois demandeurs d’asileoriginaires de RDC, ont été remis fin novembre à laDirection générale de la surveillance du territoire. Endécembre, des représentants de l’État ont assuré àdes délégués d’Amnesty International que ce dossierserait rapidement réglé. Ils n’ont cependant pasdonné de plus amples détails et n’ont pas autorisé lesdélégués de l’organisation à entrer en contact avecles trois détenus.À la fin de l’année, les autorités de la Républiquedu Congo ont annoncé que le statut de réfugié deprès de 8 000 Rwandais et 800 Angolais évoluerait en2012, car la situation dans leurs pays d’origine avaitCAmnesty International - Rapport 201281


Cchangé de manière radicale, durable et stable. Ellesont affirmé qu’aucun réfugié ne serait contraint auretour, mais n’ont pas expliqué quel serait le nouveaustatut de ceux qui décideraient de rester dans lepays.Liberté d’expression et d’associationLes pouvoirs publics ont dispersé des manifestantsopposés au gouvernement. Un détracteur du régimea été détenu brièvement.n Éric Mampouya, blogueur critique à l’égard desautorités, a été arbitrairement arrêté le 7 août àl’aéroport de Brazzaville. Il arrivait de France, où ilréside. Des membres des forces de sécurité l’ontmaintenu illégalement en détention pendant 10 heuresavant de le relâcher en lui enjoignant de ne plusdénigrer le gouvernement.n Le 1 er septembre, Jean-Marie Mpouele,coordonnateur du Rassemblement des jeunespatriotes, et plusieurs membres de l’organisation ontété agressés par des hommes armés en civilappartenant, semble-t-il, aux services de sécurité. Lesmilitants pris à partie tentaient d’organiser unemanifestation à Brazzaville.Disparitions forcéesUne délégation du Groupe de travail sur lesdisparitions forcées ou involontaires [ONU] s’estrendue en République du Congo du 24 septembreau 3 octobre afin de recueillir des informations surles efforts déployés par le pays pour enquêter surles disparitions forcées passées et empêcherqu’elles ne se reproduisent. Les discussions ontessentiellement porté sur la disparition, en 1999, dequelque 350 réfugiés revenant de RDC et sur leprocès, en 2005, de 16 membres des forces desécurité et représentants de l’État, procès qui n’avaitétabli aucune responsabilité pénale individuelle. LeGroupe de travail a formulé plusieursre<strong>com</strong>mandations à l’intention du gouvernement dela République du Congo, notamment l’intégrationdans le Code pénal d’une incrimination de ladisparition forcée.Peine de mortEn juillet, trois personnes ont été condamnées à mortpour trafic d’ossements humains. Les autorités n’ontpas révélé le nombre de détenus qui se trouvaientsous le coup d’une sentence capitale à la fin del’année.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Une délégation d’Amnesty International s’est rendue en République duCongo en décembre.CORÉE DU NORDRÉPUBLIQUE POPULAIRE DÉMOCRATIQUE DE CORÉEChef de l’État : Kim Jong-il, décédé le 17 décembre,remplacé par Kim Jong-unChef du gouvernement :Choe Yong-rimPeine de mort :maintenuePopulation :24,5 millionsEspérance de vie :68,8 ansMortalité des moins de cinq ans : 33,3 ‰Kim Jong-un a succédé à son père à la tête du paysle 17 décembre, assumant un pouvoir absolu. Rienn’indiquait cependant une quelconque améliorationdans le domaine des droits humains, où le bilan dela Corée du Nord était catastrophique. Les Nord-Coréens continuaient d’être victimes de violationsde la quasi-totalité de leurs droits fondamentaux.Six millions de personnes avaient un urgent besoind’aide alimentaire. Selon un rapport de l’ONU, lepays n’était pas en mesure, à court terme, de nourrirsa population. Des informations ont fait état del’existence de nombreux camps pénitentiaires, où ladétention arbitraire, le travail forcé et les mauvaistraitements, y <strong>com</strong>pris la torture, étaient monnaiecourante. Cette année encore, la Corée du Nord aexécuté des condamnés à mort, y <strong>com</strong>pris en public.Les châtiments collectifs étaient courants. Lesviolations des libertés d’expression et de réunionétaient généralisées.ContexteKim Jong-il est mort en décembre, apparemmentd’une crise cardiaque. Il avait exercé pendant 17 ansles fonctions de chef de l’État, auxquelles il avaitaccédé à la mort de son père, Kim Il-sung. Son fils,Kim Jong-un, a été désigné pour prendre sasuccession.Le Conseil de sécurité des Nations unies a prorogéen juin, pour la deuxième fois, le mandat du Grouped’experts chargé des sanctions imposées par l’ONU àla Corée du Nord en réponse aux essais nucléaireseffectués par le pays.82 Amnesty International - Rapport 2012


Les inondations dues aux fortes pluies qui se sontabattues sur le pays à partir de juin, puis le cyclonequi l’a frappé en août, ont entraîné de très importantsdégâts, en particulier dans les provinces duHwanghae du Nord et du Sud. Ces catastrophesnaturelles auraient fait 68 morts ou disparus et plusde 25 000 sans-abri.Crise alimentaireEn janvier, des personnes seraient mortes de faimdans la province du Pyongan du Sud. Des cas avaientété signalés dès avril 2010 dans les provinces duHamkyung du Nord et du Sud. Le Programmealimentaire mondial (PAM), l’Organisation des Nationsunies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) etl’UNICEF ont lancé en avril une opération d’urgencepour venir en aide à 3,5 millions de personnes parmiles plus vulnérables (enfants, femmes et personnesâgées).Selon un rapport de la FAO et du PAM, une grandepartie de la population a souffert d’une longuepériode de pénurie alimentaire, entre mai etseptembre, alors que la ration de céréales distribuéepar les pouvoirs publics était réduite à 200 grammesau maximum par jour et par personne. Une telleration ne permettait de satisfaire que le tiers desbesoins énergétiques journaliers minimaux d’unindividu. Selon ce même rapport, une femme surquatre âgée de 15 à 49 ans souffrait de malnutritionet un peu plus du tiers des jeunes enfantsprésentaient un retard de croissance, tandis que prèsde 20 % d’entre eux étaient en insuffisancepondérale. Les admissions d’enfants dénutris dansles services pédiatriques des hôpitaux auraient enoutre augmenté de 50 à 100 % par rapport à l’annéeprécédente.Or, malgré cette crise, l’acheminement de l’aidealimentaire internationale demeurait tributaire deconsidérations géopolitiques. Selon certainesinformations parvenues en février, le gouvernementnord-coréen a demandé à ses ambassades desolliciter une assistance alimentaire auprès deplusieurs pays étrangers. La Commissioneuropéenne, après une visite d’évaluation sur place,a décidé en juin d’apporter une aide alimentaired’urgence à hauteur de 10 millions d’euros. LesÉtats-Unis n’ont pas souhaité envoyer une telle aideà la Corée du Nord, dans la mesure où ilscraignaient de ne pas pouvoir en contrôler ladistribution.Arrestations et détentions arbitrairesSelon des informations non confirmées, l’Agence pourla sécurité nationale, préparant de toute évidence lasuccession à la tête de du pays, aurait arrêté enjanvier plus de 200 représentants de l’État. Il était àcraindre que certains d’entre eux n’aient étéexécutés. D’autres auraient été envoyés dans descamps pour prisonniers politiques. De sourcescrédibles, on estimait à près de 200 000 le nombre depersonnes détenues dans des conditionsépouvantables dans six gigantesques camps deprisonniers politiques, dont celui, tristement célèbre,de Yodok. Des milliers de personnes étaient en outreincarcérées dans au moins 180 autres centres dedétention. La plupart y avaient été envoyées sansavoir été jugées ou bien à l’issue de procès d’uneiniquité flagrante, sur la base d’« aveux » obtenussous la contrainte.Torture et autres mauvais traitementsDans les camps, hommes, femmes et enfants étaienttorturés et autrement maltraités. Ils étaientnotamment contraints de travailler dans desconditions dangereuses. Astreints à des travauxforcés dangereux, mal nourris, passés à tabac, privésde soins médicaux et soumis à des conditions de vieinsalubres, des détenus tombaient malades.Beaucoup mouraient en détention ou peu après leurlibération. Le gouvernement continuait de nierl’existence de camps pour prisonniers politiques.Peine de mortDes informations qui n’ont pu être confirmées ont faitétat, en juillet, de l’exécution par les autorités de30 représentants de l’État qui avaient participé auxpourparlers entre les deux Corées ou supervisé ledialogue bilatéral. Ces personnes auraient été soitfusillées, soit tuées dans des simulacres d’accidentsde la route. Le 10 mars, le rapporteur spécial desNations unies sur les exécutions extrajudiciaires,sommaires ou arbitraires a adressé au gouvernementune <strong>com</strong>munication concernant 37 exécutions pour« crimes financiers » qui auraient eu lieu entre 2007et 2010.Liberté d’expressionLe gouvernement a autorisé en juin l’agence depresse Associated Press à ouvrir un bureau àPyongyang. L’agence Reuters a annoncé qu’elle avaitobtenu l’autorisation d’installer une antenne satellitedans la capitale nord-coréenne. Il n’existaitCAmnesty International - Rapport 201283


Ccependant aucun média local indépendant. Il n’yavait pas non plus en Corée du Nord d’oppositionpolitique indépendante connue, ni de société civileindépendante. Toute critique du gouvernement et deses dirigeants était totalement interdite et passibled’arrestation et d’internement dans un camp dedétention. Seules quelques personnes triées sur levolet avaient accès à Internet, essentiellement via unréseau intranet étroitement surveillé. Les pouvoirspublics faisaient la chasse aux utilisateurs detéléphones portables chinois et les liaisonstéléphoniques ont été interrompues à Sinuiju, villefrontalière située en face de la ville chinoise deDandong.Droit de circuler librementLes Nord-Coréens étaient soumis à des restrictionsdraconiennes de leur droit de circuler librement, àl’intérieur <strong>com</strong>me à l’extérieur du pays. Des milliersfuyaient vers la Chine en quête de nourriture et detravail. Nombre d’entre eux étaient renvoyés de forcedans leur pays par les autorités chinoises. À leurretour, ils étaient systématiquement soumis à desviolences et placés en détention. Les sanctions étaientplus sévères pour ceux qui étaient soupçonnés d’avoirété en contact avec des ONG sud-coréennes oud’avoir voulu passer en Corée du Sud. Un certainnombre d’informations reçues en juillet portaient àcroire que les autorités nord-coréennes avaient décidéde lancer une campagne de répression contre lespersonnes qui partaient à l’étranger sans autorisation.Selon des informations parvenues en octobre mais quin’ont pu être confirmées, l’Agence pour la sécuriténationale aurait ainsi arrêté en septembre au moins20 Nord-Coréens à Shenyang, en Chine. Cespersonnes auraient été reconduites de force en Coréedu Nord et placées en détention dans des locaux del’Agence pour la sécurité nationale situés dans laprovince du Hamkyung du Nord.Réfugiés et demandeurs d’asilePlus de 23 500 Nord-Coréens ont obtenu lanationalité sud-coréenne. Plusieurs centainesd’autres se trouvaient au Japon. Selon des chiffrespubliés en 2011 par le Haut-Commissariat desNations unies pour les réfugiés (HCR),917 demandeurs d’asile nord-coréens se trouvaienten 2010 dans une « situation analogue à celle deréfugié » dans un certain nombre de pays, dontl’Allemagne, l’Australie, les États-Unis, les Pays-Bas etle Royaume-Uni.n En mars, 27 Nord-Coréens ont été remis à la Marinenationale de leur pays. Ils faisaient partie d’un groupede 31 personnes (20 femmes et 11 hommes) setrouvant à bord d’un bateau de pêche qui, pris dans lebrouillard, avait dérivé en février dans les eaux sudcoréennes.Quatre membres du groupe ont demandé àrester en Corée du Sud, qui leur a accordé lanationalité.n En juin, neuf ressortissants nord-coréens sontarrivés en bateau en Corée du Sud. La Corée du Nordaurait alors décidé de limiter l’accès de ses citoyensaux régions frontalières et d’interdire la navigation despetites embarcations le long de la côte occidentale.n Neuf Nord-Coréens, dont trois enfants, ont étéretrouvés en septembre, à bord d’un petit bateau depêche en bois, au large des côtes de la préfecturejaponaise d’Ishikawa. Ils ont dans un premier tempsété placés en détention à Nagasaki, avant d’êtreautorisés à se rendre en Corée du Sud.Surveillance internationaleLe rapporteur spécial des Nations unies sur lasituation des droits de l’homme en Républiquepopulaire démocratique de Corée n’a pas été autoriséà se rendre sur place. En septembre, 40 ONG, dontAmnesty International, ont créé une coalitioninternationale à Tokyo pour demander la mise enplace d’une <strong>com</strong>mission d’enquête sur les crimescontre l’humanité <strong>com</strong>mis par le gouvernement nordcoréen.En mai, Robert King, envoyé spécial desÉtats-Unis pour les droits humains et les questionshumanitaires en Corée du Nord, a effectué une visitesans précédent dans le pays, à la tête d’unedélégation chargée d’évaluer la gravité de la crisealimentaire. Il est reparti ac<strong>com</strong>pagné dumissionnaire américano-coréen Jun Eddie Yong-su,qui avait été maintenu pendant six mois en détentionpour « activité religieuse inappropriée ou illégale ».Visites et documents d’AmnestyInternational4 North Korea: Political prison camps (ASA 24/001/2011).84 Amnesty International - Rapport 2012


CORÉE DU SUDRÉPUBLIQUE DE CORÉEChef de l’État :Lee Myung-bakChef du gouvernement :Kim Hwang-SikPeine de mort :abolie en pratiquePopulation :48,4 millionsEspérance de vie :80,6 ansMortalité des moins de cinq ans : 4,9 ‰Le gouvernement a eu recours de plus en plussouvent à la Loi relative à la sécurité nationale pourrestreindre la liberté d’expression, notamment dansle cadre des débats concernant la Corée du Nord.Il surveillait étroitement Internet et les réseauxsociaux, tels que Twitter ou Facebook. Aucuneexécution n’a eu lieu. La Cour constitutionnelle astatué contre la mobilité professionnelle et lespouvoirs publics ont mené une campagne derépression contre les clandestins ; en conséquence,la situation des travailleurs migrants restaitprécaire.ContexteLa Commission nationale des droits humains, quifêtait cette année ses 10 ans d’existence, a étésoumise à un boycottage de la part des ONG localesde défense des droits fondamentaux. Ces dernièreslui reprochaient de ne pas avoir suffisammentconsulté la société civile sur les re<strong>com</strong>mandationsadressées au ministère de la Justice à l’occasion del’élaboration par ce dernier d’un nouveau Plannational d’action.En août, la Cour constitutionnelle a déclarécontraire à la Constitution le fait que le gouvernementn’ait fait aucun effort tangible pour régler lesdifférends l’opposant au Japon à propos del’indemnisation des Coréennes qui avaient étéréduites en esclavage sexuel par l’armée japonaise(voir Japon).Liberté d’expressionLes autorités invoquaient de plus en plus souvent laLoi relative à la sécurité nationale contre despersonnes et des organisations considérées <strong>com</strong>meopposées à la ligne de conduite officielle sur la Coréedu Nord. En mars, le rapporteur spécial des Nationsunies sur la promotion et la protection du droit à laliberté d’opinion et d’expression, Franck La Rue, adéclaré que l’espace accordé à la liberté d’expressionen Corée du Sud était de plus en plus restreint. Il anotamment mis en cause la multiplication despoursuites judiciaires engagées contre les détracteursdu gouvernement, et l’augmentation des actes deharcèlement dont ceux-ci étaient victimes. À la fin del’année, 135 personnes faisaient l’objet d’uneenquête pour atteinte à la Loi relative à la sécuriténationale.n Inculpé de violation de l’article 7 (5) de ce textelégislatif, le libraire en ligne Kim Myeong-soo a étéacquitté en mai. Il lui était reproché d’avoir vendu140 livres « dans l’intention de mettre en dangerl’existence et la sécurité de l’État » et d’en avoir possédé170 autres destinés aux mêmes fins. Le parquet a faitappel de ce jugement.Les personnes qui, sans violence, exprimaient leursopinions ou diffusaient des informations sur Internetrisquaient elles aussi d’être poursuivies en justice. Au31 octobre, la police avait effacé quelque67 300 messages publiés en ligne (contre 14 430seulement en 2009), et qui menaçaient selon elle lasûreté nationale car ils « faisaient l’éloge de la Coréedu Nord et critiquaient les États-Unis et legouvernement ».n En juillet, 244 enseignants et autres agents de l’Étatont été inculpés au titre des dispositions de la Loi surles agents de la fonction publique, de la Loi sur lespartis politiques et de la Loi sur le financement despartis politiques, parce qu’ils avaient adhéré au Partitravailliste démocratique et payé leurs cotisations.n La police a ouvert en septembre une enquête surPark Jeonggeun, soupçonné d’avoir enfreint l’article 7de la Loi relative à la sécurité nationale. Membre duParti socialiste, critique à l’égard de la Corée du Nord,ce dernier avait publié sur Twitter quelques lignesempruntées à un site nord-coréen, en ajoutant « viveKim Jong-il », par dérision.Objecteurs de conscienceSaisi du cas de 100 objecteurs de conscience sudcoréens,le Comité des droits de l’homme [ONU] aestimé en mars que la Corée du Sud avait bafoué leurdroit à la liberté de pensée, de conscience et dereligion, garanti par l’article 18 du PIDCP. La décisiondu Comité imposait à l’État d’offrir un recours utile àces 100 objecteurs, notamment une indemnisation,et d’éviter de telles violations à l’avenir. La Courconstitutionnelle a cependant considéré enseptembre que le fait de refuser d’effectuer sonservice militaire ne relevait pas du « droit à la libertéCAmnesty International - Rapport 201285


Cde conscience », garanti par la Constitution. Endécembre, au moins 810 objecteurs de conscienceétaient incarcérés en Corée du Sud.n L’avocat Baek Jong-keon a été condamné en juin àune peine de 18 mois d’emprisonnement. Ennovembre, son appel était en instance devant letribunal du district central de Séoul.Liberté de réunionLa mobilisation contre la construction d’une basenavale à Gangjeong, un village de l’île de Jeju, s’estpoursuivie. De nombreux habitants et militants ont faitl’objet de poursuites, aussi bien civiles que pénales.n En août, le parquet général a qualifié le mouvementde contestation contre ce projet de défi lancé aupouvoir de l’État. Des manifestants avaient empêchédes véhicules de livrer des matériaux de constructionsur le chantier de la base navale. La police a procédé à133 arrestations lors des manifestations.n La syndicaliste Kim Jin-sook a mis fin en novembre àl’action de protestation qu’elle menait depuis 11 mois,du haut d’une des grues du chantier naval de Hanjin, àPusan. Destinée à dénoncer les licenciements sur lechantier naval, cette initiative avait attiré des centainesde sympathisants, venus soutenir la militante à borddes « autocars de l’espoir ». Le poète Song Kyong-donget le militant Jeong Jin-woo, membre du Nouveau Partiprogressiste, ont été arrêtés en novembre, avant d’êtreinculpés, entre autres, d’« entrave à l’activitééconomique » pour avoir participé à la campagne des« autocars de l’espoir ».Droits des migrantsDes centaines de travailleurs migrants ont été arrêtéset expulsés dans le cadre d’une campagne derépression contre les sans papiers qui a démarré enseptembre.n Les services de l’immigration ont annulé en février levisa de travail de Michel Catuira, lui ordonnant de quitterle pays avant mars. Michel Catuira, qui est le présidentdu Syndicat des travailleurs migrants, a fait appel decette décision. Le tribunal administratif de Séoul lui adonné raison en septembre, estimant que son expulsionserait une violation du droit sud-coréen et du droitinternational relatif aux droits humains. Les services del’immigration ont à leur tour interjeté appel. Depuis lacréation du Syndicat des travailleurs migrants en 2005,le gouvernement a arrêté et expulsé au moins cinq deses dirigeants, ce qui porte à croire qu’il tente del’empêcher de mener ses activités syndicales légitimes.n La Cour constitutionnelle a estimé en septembre quele fait de limiter à trois le nombre d’employeurssuccessifs d’un travailleur migrant muni d’un permisde travail délivré dans le cadre du dispositifgouvernemental prévu à cet effet ne portait pas atteinteà sa liberté de profession. Ce jugement remettait encause l’arrêt rendu en 2007 par cette même Cour, quiavait reconnu que les travailleurs étrangers jouissaientdes mêmes droits au travail que les citoyens sudcoréens,au titre de l’article 32 de la Constitution.n Un travailleur immigré chinois est mort en novembredans un véhicule des services de l’immigration, quivenaient de procéder à son arrestation. Malgré lesappels désespérés des personnes interpellées enmême temps que lui, les agents de la force publiqueavaient tardé à réagir et les secours étaient arrivés troptard.Peine de mortUn projet de loi sur l’abolition de la peine de mortétait en instance d’examen devant l’Assembléenationale. En septembre, la Corée du Sud n’avaitprocédé à aucune exécution depuis 5 000 jours.Soixante personnes étaient toujours sous le coupd’une condamnation à mort à la fin de l’année.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Corée du Suden avril et en novembre.CÔTE D’IVOIRERÉPUBLIQUE DE CÔTE D’IVOIREChef de l’État :Alassane OuattaraChef du gouvernement :Guillaume SoroPeine de mort :aboliePopulation :20,2 millionsEspérance de vie :55,4 ansMortalité des moins de cinq ans : 118,5 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 55,3 %Les violences qui ont suivi l’élection présidentiellecontestée de novembre 2010 ont été à l’origine dela plus grave crise humanitaire et des droitshumains qu’ait connue la Côte d’Ivoire depuis lapartition de facto du pays, en septembre 2002.86 Amnesty International - Rapport 2012


Plusieurs centaines de personnes ont été tuéesillégalement, souvent uniquement en raison de leurorigine ethnique ou de leurs sympathies politiquessupposées. Des femmes et des adolescentes ont étévictimes de violences sexuelles, notamment deviols, et des centaines de milliers de personnes ontdû quitter leur foyer pour chercher refuge dansd’autres régions de Côte d’Ivoire ou dans des paysvoisins, en particulier au Liberia. Les deux campsont <strong>com</strong>mis des crimes de guerre et des crimescontre l’humanité ; en octobre, la Cour pénaleinternationale a ouvert une enquête sur certains deces crimes.ContexteL’élection présidentielle de novembre 2010 a laisséle pays dans une impasse politique, le présidentsortant Laurent Gbagbo ayant refusé de reconnaîtrela victoire d’Alassane Ouattara. Fin mars, après troismois d’affrontements sporadiques, les forces alliéesà Alassane Ouattara ont lancé une offensive etoccupé presque toutes les régions aux mains desmilitaires soutenant Laurent Gbagbo. En avril, lessoldats déployés dans le cadre de l’Opération desNations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) et de laforce Licorne (mission française de maintien de lapaix) ont bombardé les pièces d’artillerie destroupes fidèles à Laurent Gbagbo, qui a finalementété arrêté.Des atteintes aux droits humains ont continuéd’être perpétrées après le mois d’avril ; à Abidjan, lacapitale économique, des sympathisants réels ousupposés de l’ancien président Gbagbo ont été prispour cibles. À Abidjan et dans l’ouest du pays,plusieurs milliers de personnes ont fui leur foyerpour se réfugier dans les pays voisins, notammentau Ghana. À la fin de l’année, plus de250 000 personnes restaient réfugiées à l’étrangerou déplacées en Côte d’Ivoire, n’ayant pu rentrerchez elles par crainte d’attaques ou de représailles.Des élections législatives se sont tenues endécembre. Boycottées par le Front populaireivoirien (FPI), parti de l’ancien président LaurentGbagbo, elles se sont soldées par une victoiremassive de la coalition soutenant le présidentOuattara.Une Commission nationale dialogue, vérité etréconciliation a été officiellement intronisée par leprésident Ouattara en septembre. L’année s’estachevée sans qu’elle ait entamé ses travaux.Exactions perpétrées par des groupesarmésForces de sécurité fidèles à Laurent GbagboAu cours des quatre premiers mois de l’année, lesforces de sécurité fidèles à Laurent Gbagbo se sontrendues coupables d’exécutions extrajudiciaires etd’arrestations lors de manifestations, sur la voiepublique et au domicile de particuliers. Certainespersonnes ont été victimes de disparition forcée ; laplupart étaient des dioulas – un terme génériquedésignant les personnes portant un nom musulmanou originaires du nord de la Côte d’Ivoire ou d’autrespays de la sous-région.n En janvier, Bamba Mamadou, un joueur de footballsurnommé Solo, a été frappé et jeté à terre puis abattupar des forces qui patrouillaient dans le quartier deBanfora Adjamé, à Abidjan.n En février, les forces fidèles à Laurent Gbagbo ontbombardé des secteurs densément peuplés d’Abobo,un quartier d’Abidjan, tuant de nombreusespersonnes, y <strong>com</strong>pris des femmes et des enfants.Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI)Les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI,mises en place en mars par Alassane Ouattara), onttué et torturé des sympathisants réels ou supposés deLaurent Gbagbo, notamment dans l’ouest du pays.n En avril, Basile Mahan Gahé, secrétaire général de laconfédération syndicale Dignité, a été torturé à la suitede son arrestation par les FRCI. Selon certainesinformations, il a été soumis à un simulacre d’exécutionet a été frappé au dos avec le plat de la lame d’unemachette.n En mai, trois militaires ont été arrêtés par les FRCI àYopougon. Deux d’entre eux ont été relâchés mais ondemeurait sans nouvelles à la fin de l’année dutroisième, Mathurin Tapé, du groupe ethnique bété(auquel appartient Laurent Gbagbo).n Après l’arrestation de Laurent Gbagbo, desdizaines de ses sympathisants réels ou supposés ontété interpellés et placés en détention de façonarbitraire. Un certain nombre de membres de l’arméeet de la police ont été détenus dans un camp militaireà Korhogo, dans des conditions qui mettaient semblet-illeur vie en danger. À la fin de l’année, certaines deces personnes avaient été remises en liberté.D’autres, parmi lesquelles Simone Gbagbo, l’épousedu président sortant, avaient été inculpéesd’infractions à la sûreté de l’État et d’infractionséconomiques, et étaient toujours détenues sansjugement.CAmnesty International - Rapport 201287


CViolations <strong>com</strong>mises par des milicesDes mercenaires libériens et des milices favorables àLaurent Gbagbo, dont les Jeunes patriotes, ontperpétré des actes de vengeance et de représaillescontre des sympathisants réels ou présumésd’Alassane Ouattara, faisant des dizaines de morts.n En mai, des mercenaires libériens ont pénétré dansle village de Gobroko, près de la ville de Sassandra, etauraient tué au moins 23 dioulas. La plupart étaientoriginaires de pays voisins ; quatre victimes venaient duNigeria, cinq du Mali, une du Bénin et dix du BurkinaFaso.Des milices constituées en particulier de dozos(chasseurs traditionnels), qui soutenaient AlassaneOuattara, ont tué et torturé des partisans réels ousupposés de Laurent Gbagbo, notamment desmembres de certains groupes ethniques spécifiquesdans l’ouest du pays.n En mai, un groupe de dozos a attaqué uncampement installé à l’extérieur du village de Bédi-Goazon, à 450 kilomètres à l’ouest d’Abidjan, tuantquatre hommes et blessant de nombreuses autrespersonnes.Massacre de DuékouéFin mars et début avril, plusieurs centaines de civilsont été massacrés par les forces associées aux deuxparties au conflit dans la ville de Duékoué et dans desvillages alentour.Pénétrant dans des maisons souvent habitées parplusieurs familles, des mercenaires libériens et desmilices fidèles à Laurent Gbagbo ont tué un certainnombre de dioulas. Après avoir pris le contrôle deDuékoué, les FRCI, soutenues par des dozos et deséléments armés en civil, ont procédé à une chasse àl’homme dans le quartier Carrefour, dont les habitantsappartiennent pour l’essentiel à l’ethnie guéré. Leshommes sont entrés dans les habitations, ont exigéde l’argent et pillé les maisons. Les FRCI ontdemandé aux femmes et aux filles de partir et ontexécuté sommairement plusieurs centainesd’hommes et de garçons.Violences faites aux femmes et aux fillesDes membres de milices favorables à Laurent Gbagboont violé des femmes qu’ils accusaient de soutenirAlassane Ouattara, dans certains cas avec la<strong>com</strong>plicité de forces de sécurité fidèles à l’ancienprésident. Des membres des FRCI se sont eux aussirendus coupables de viols et d’autres violencessexuelles contre des femmes et des jeunes filles.n En mai, Laurence Banjneron, âgée de 27 ans, a ététuée par des soldats des FRCI dans le village deToulepleu, à proximité de la frontière libérienne, alorsqu’elle se débattait pour échapper à un viol. Aprèsl’avoir assassinée, un soldat aurait par la suite abattuson mari, Jean-Pierre Péhé, venu s’enquérir de safemme.Liberté d’expression – journalistesPlusieurs journalistes ont été arrêtés en raison deleurs liens avec le régime de Laurent Gbagbo ouparce qu’ils avaient critiqué les nouvelles autorités.n En juillet, Herman Aboa, journaliste de la Radio-Télévision ivoirienne (RTI), a été arrêté et inculpéd’atteinte à la sûreté de l’État et d’incitation à la haineethnique. Il a été remis en liberté en décembre, leparquet ayant abandonné toutes les charges retenuescontre lui.n En novembre, trois journalistes de Notre Voie (lequotidien du FPI), dont le rédacteur en chef CésarEtou, ont été arrêtés et inculpés d’incitation au vol, aupillage et à la destruction de biens d’autrui par voie depresse. lls ont recouvré la liberté en décembre, letribunal n’ayant pas retenu les accusations quipesaient sur eux.Réfugiés et demandeurs d’asileFuyant les violences postélectorales et les atteintesaux droits humains, plusieurs centaines de milliers depersonnes se sont réfugiées dans d’autres régions dupays ou dans des pays voisins, notamment au Liberia.On a <strong>com</strong>pté au plus fort de la crise plus d’un millionde réfugiés et de déplacés. Beaucoup de personnesqui voulaient rentrer chez elles ont été victimes deviolences, et nombre d’entre elles ont trouvé leursmaisons occupées par d’autres. À la fin de l’année,plus de 250 000 personnes n’avaient toujours pasregagné leur foyer par crainte de harcèlement ou dereprésailles.Justice internationaleEn octobre, la Chambre préliminaire de la Courpénale internationale (CPI) a autorisé l’ouvertured’une enquête sur les crimes contre l’humanité et lescrimes de guerre perpétrés par les deux camps enCôte d’Ivoire, en se limitant aux faits <strong>com</strong>mis durant lacrise postélectorale, à partir du 28 novembre 2010.La Chambre préliminaire a toutefois égalementdemandé au procureur de lui fournir touteinformation sur des crimes qui pourraient relever de88 Amnesty International - Rapport 2012


la <strong>com</strong>pétence de la CPI et qui auraient été <strong>com</strong>misentre 2002 et novembre 2010, période durantlaquelle certaines des plus graves atteintes aux droitshumains ont été perpétrées. L’accusation a, de ce fait,détaillé des épisodes spécifiques qui pourraientégalement constituer des crimes relevant de la<strong>com</strong>pétence de la CPI, notamment le recours à desenfants soldats.Lors d’une visite effectuée dans le pays en octobre,le procureur de la CPI a déclaré que trois à sixpersonnes portant la plus haute responsabilité dansles crimes de droit international <strong>com</strong>mis en Côted’Ivoire feraient l’objet d’une enquête. En novembre,l’ancien président Laurent Gbagbo a été transféré à laCPI à La Haye, aux Pays-Bas, après qu’un mandatd’arrêt eut été décerné à son encontre.Responsabilité des entreprisesCinq ans après un déversement de déchets toxiquesqui avait porté préjudice à plusieurs milliers depersonnes, un grand nombre des victimes n’avaientpas reçu d’indemnisation de la part de l’entreprise decourtage pétrolier Trafigura. À la fin de l’année, lesvictimes n’avaient toujours pas eu accès auxinformations relatives aux éventuelles conséquencessanitaires, et un certain nombre des sites où avaientété déversés les déchets n’avaient pas étéintégralement décontaminés.Visites et documents d’AmnestyInternational4 Côte d’Ivoire. Rapport de Mission (AFR 31/001/2011).4 Côte d’Ivoire. Détention arbitraire des partisans avérés ou présumés deLaurent Gbagbo (AFR 31/006/2011).4 Côte d’Ivoire. « Nous voulons rentrer chez nous, mais nous ne pouvonspas. » Insécurité et personnes déplacées en Côte d’Ivoire : une crisepersistante (AFR 31/007/2011).4 Côte d’Ivoire. Le procureur de la CPI doit enquêter sur les plus gravescrimes <strong>com</strong>mis depuis 2002 (AFR 31/010/2011).4 Côte d’Ivoire. Les millions manquants doivent être remis aux victimesdes déchets toxiques de Trafigura (PRE01/408/2011).CROATIERÉPUBLIQUE DE CROATIEChef de l’État :Ivo JosipovićChef du gouvernement : Jadranka Kosor, remplacée parZoran Milanović le 23 décembrePeine de mort :aboliePopulation :4,4 millionsEspérance de vie :76,6 ansMortalité des moins de cinq ans : 5,4 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 98,8 %Les poursuites judiciaires engagées pour les crimesde droit international <strong>com</strong>mis pendant la guerre de1991-1995 ne progressaient que lentement. Denombreux actes criminels perpétrés par desmembres des forces de sécurité croates contre desSerbes de Croatie demeuraient impunis. Leprésident de la République, ainsi que le pouvoirjudiciaire, ont fait preuve d’une certaine volonté defaire la lumière sur ce qui s’était passé pendant leconflit, mais le gouvernement n’a guère fait avancerles choses. Des personnalités politiques de premierplan ont au contraire dénoncé certains jugementsprononcés par les tribunaux internationaux. LesRoms, les Serbes de Croatie et les personneslesbiennes, gays, bisexuelles ou transgenrescontinuaient de faire l’objet de discriminations.ContexteLa Croatie a signé en décembre le traité d’adhésion àl’Union européenne (UE), organisation dont elledevrait devenir membre le 1 er juillet 2013. L’UE acette année encore suivi de près la mise en œuvre,entre autres, des engagements pris par la Croatiepour en finir avec l’impunité dont jouissaient lesauteurs des nombreux crimes de droit internationalperpétrés pendant la guerre de 1991-1995.Justice nationaleComme les années précédentes, les poursuites contreles auteurs présumés des atteintes au droit pénalinternational <strong>com</strong>mises pendant la guerre n’ontprogressé qu’avec lenteur.Le Bureau du procureur général a entamé en avrill’élaboration d’un programme d’application de laStratégie d’enquête sur les crimes de guerre et depoursuite en justice de leurs auteurs présumés,adoptée en février par le gouvernement. Destribunaux spécialisés ont pu <strong>com</strong>mencer àCAmnesty International - Rapport 201289


Cfonctionner en mai à Osijek, Rijeka et Split, avec pourmission de juger les affaires les plus graves. Untribunal de même nature existait déjà à Zagreb.La capacité du pays à traduire en justice lesauteurs présumés d’actes constitutifs de crimesinternationaux restait néanmoins faible. Cinq affairesseulement ont été jugées cette année. Les enquêtessur quelque 370 auteurs présumés de ce type decrimes étaient en cours. Dans quelque 540 affairestoujours en attente, qui n’avaient pas encore atteint lestade de l’instruction, les auteurs présumés n’avaienttoujours pas été identifiés.Les tribunaux saisis de ces affaires continuaientd’appliquer le Code pénal de 1993, qui n’était pasconforme aux normes internationales et qui nedéfinissait pas clairement un certain nombre deconcepts pénaux fondamentaux, <strong>com</strong>me le principede responsabilité de la chaîne de <strong>com</strong>mandement, lanotion de violence sexuelle constitutive de crime deguerre ou encore la notion de crime contrel’humanité. Il permettait à de nombreux auteurs decrimes d’échapper à toute sanction.Des progrès ont été constatés en matière desoutien psychologique aux témoins, mais la protectionde ces derniers demeurait insuffisante et ceux quicherchaient à les intimider n’étaient pas traduits enjustice.n Aucune enquête digne de ce nom n’a encore étémenée sur le meurtre de Milan Levar, un homme quimilitait pour que les victimes de la guerre obtiennentjustice et qui aurait pu être appelé à témoigner devantle Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (leTribunal). Milan Levar a été tué en août 2000 par unengin explosif placé sous sa voiture, après avoir déclaréaux médias que Mirko Norac et d’autres hommespolitiques croates haut placés seraient responsables decrimes <strong>com</strong>mis contre la population serbe de Croatie,dans la région de Lika.Les autorités ne donnaient pas accès à desréparations aux victimes de crimes sanctionnés par ledroit international, ni à leurs familles. Les victimes deviolences sexuelles n’avaient pas droit à uneassistance psychologique ni à une quelconque autreforme de soutien. Nombre d’auteurs de ces violencesjouissaient d’une totale impunité.Les autorités judiciaires ont légèrement avancédans le traitement des crimes de droit international<strong>com</strong>mis à l’encontre de Serbes de Croatie. Plusieursinstructions ont été ouvertes, dont deux sur descrimes perpétrés à Sisak et à Pakračka Poljana.n Une information a été ouverte en juin contre troishommes soupçonnés du meurtre de civils serbes deCroatie <strong>com</strong>mis à Sisak entre 1991 et 1992. Les troissuspects ont été placés en détention. Parmi eux figuraitle chef de la police de Sisak pendant la guerre, ĐuroBrodarac, qui est mort en détention au mois de juillet.n Tomislav Merčep, ancien conseiller du ministre del’Intérieur et <strong>com</strong>mandant de l’unité spéciale deréserve du ministère, a été inculpé en juin. Arrêté endécembre 2010, il était accusé d’être responsable, depar ses ordres ou ses manquements, de la mort ou dela disparition de 43 civils serbes de la région de Zagrebet de Pakračka Poljana.Toujours en juin, le Bureau du procureur général ainculpé six personnes de crimes au regard du droitinternational perpétrés dans le cadre de l’opérationTempête de 1995, mais leur procès n’avait toujourspas démarré à la fin de l’année. L’une de ces sixpersonnes était inculpée au titre de sa responsabilitédans la chaîne de <strong>com</strong>mandement. Selon le ComitéHelsinki de Croatie, l’opération Tempête aurait fait aumoins 677 morts.Bien que des informations aient été publiques, lesallégations visant certains militaires et responsablespolitiques de premier plan n’ont donné lieu à aucuneenquête. Parmi ces personnes figurait le viceprésidentdu Parlement, Vladimir Šeks, qui étaitaccusé, sur la foi d’informations révélées au cours duprocès de Branimir Glavaš, d’être responsable decrimes <strong>com</strong>mis sous son <strong>com</strong>mandement en Slavonieorientale, en 1991. Le général de l’armée croateDavor Domazet-Lošo était quant à lui accusé d’avoirdes responsabilités dans des crimes <strong>com</strong>mis sous son<strong>com</strong>mandement dans la poche de Međak, en 1993.Ces accusations reposaient sur des éléments évoquéslors du procès des généraux Rahim Ademi et MirkoNorac.Le Parlement a adopté en octobre une loi rendantnulle et non avenue toute inculpation ou autremesure juridique décidée par les autorités de laSerbie, de l’ex-Yougoslavie ou de l’Armée fédéraleyougoslave (JNA) à l’encontre de Croates, pour descrimes de droit international <strong>com</strong>mis sur le territoirede la Croatie. Cette loi a été votée peu après que lesautorités judiciaires serbes eurent demandé auParquet croate de bien vouloir coopérer avec ellesdans le cadre de procédures d’inculpation entaméesen 1992 par le procureur militaire de la JNA, et quiportaient notamment sur des crimes de droitinternational perpétrés à Gospić par l’armée et la90 Amnesty International - Rapport 2012


police croates. Vladimir Šeks était au nombre desaccusés.Cette loi est contraire à l’obligation de la Croatie decoopérer avec la République de Serbie dans ledomaine pénal. Son application pourrait permettre àdes Croates coupables de crimes au regard du droitinternational d’échapper à toute sanction, si la Croatierefuse de les poursuivre ou de les extrader. Enoctobre, le président a annoncé qu’il demanderait à laCour constitutionnelle de s’assurer que ce nouveautexte était bien conforme à la Constitution.La loi permettrait en effet aux autorités judiciairesde ne pas donner suite aux appels à l’entraidejudiciaire formulés par la Serbie dans le cadre deprocédures pénales, dès l’instant où elles estimeraientces demandes contraires à l’ordre juridique de laCroatie et préjudiciables pour sa sécurité et sasouveraineté. Le ministre de la Justice, qui seraithabilité à décider de l’attitude à adopter face à cesdemandes, pourrait être tenté de rejeter les actesd’inculpation émis par les autorités judiciaires serbes.n Le ministère de la Justice a ordonné en septembre lalibération de Mirko Norac, qui avait purgé plus desdeux tiers de la peine de 15 années d’emprisonnementà laquelle il avait été condamné pour crimes de guerre(meurtre, traitements inhumains, pillage et destructionsans motif de biens, etc.) <strong>com</strong>mis contre des Serbes deCroatie, des civils et des prisonniers de guerre, aucours des opérations militaires de 1993.n Reconnu coupable en 2010, Branimir Glavašpurgeait la peine de cinq années d’emprisonnementprononcée à son encontre pour une série de crimes dedroit international dont des Serbes de Croatie avaientété victimes à Osijek.Justice internationaleCinq affaires concernant des crimes de droitinternational perpétrés sur le territoire croate pendantla guerre de 1991-1995 étaient en instance devant leTribunal, à La Haye.n Le Tribunal a condamné en avril les généraux AnteGotovina et Mladen Markač pour crimes contrel’humanité et crimes de guerre. Ils ont été reconnuscoupables d’avoir participé à une entreprise criminelleconjointe pendant et après l’opération Tempête, entreaoût et novembre 1995, dans le but de chasserdéfinitivement par la force la population serbe de larégion de Krajina, en Croatie.Le Tribunal a établi la culpabilité des forcesmilitaires croates et de la police spéciale pour« un grand nombre de crimes » <strong>com</strong>mis contrela population serbe pendant cette offensive.Lieutenant général dans l’armée croate, AnteGotovina était à l’époque des faits <strong>com</strong>mandant dudistrict militaire de Split. Mladen Markač étaitministre adjoint de l’Intérieur, chargé des forcesspéciales de police. Ils ont tous deux été reconnuscoupables de persécutions, expulsions, pillages,destructions sans motif, assassinat, actesinhumains et traitements cruels perpétréscontre la population civile serbe. Ils ont étécondamnés respectivement à 24 et 18 ansd’emprisonnement.Les représentants du gouvernement ontimmédiatement dénoncé le jugement du Tribunal. LaPremière ministre a déclaré à plusieurs reprises queson gouvernement considérait cette décision <strong>com</strong>meinacceptable et que la nation croate devait être fièrede toutes les personnes qui avaient participé àl’opération Tempête et contribué ainsi à la victoire dela Croatie. Ante Gotovina et Mladen Markač ontinterjeté appel en mai.n Le procès de Vojislav Šešelj, accusé de crimes<strong>com</strong>mis en Bosnie-Herzégovine, en Croatie et dansla province serbe de Voïvodine, s’est poursuivi.Vojislav Šešelj était accusé de crimes contrel’humanité, notamment de persécutions pour desraisons politiques, raciales ou religieuses,d’expulsions et d’actes inhumains. Il était égalementaccusé de crimes de guerre (meurtre, torture,traitement cruel, destruction sans motif de villages oudévastation que ne justifient pas les exigencesmilitaires, destruction ou endommagement délibéréd’édifices consacrés à la religion ou àl’enseignement, pillage de bien publics ou privés). LaChambre de première instance du Tribunal areconnu en octobre Vojislav Šešelj coupabled’outrage au Tribunal pour avoir divulgué desinformations confidentielles concernant des témoinsprotégés, et l’a condamné à 18 moisd’emprisonnement.n Goran Hadzić a été arrêté en juillet en Serbie. Il étaitaccusé de crimes contre l’humanité et de crimes deguerre <strong>com</strong>mis en Slavonie orientale (Croatie). Il a étéremis au TPIY et placé en détention. À la fin de l’année,il attendait d’être jugé. Goran Hadzić a été président dela République de Krajina serbe (autoproclamée). Il étaitnotamment poursuivi pour extermination, meurtre,torture, emprisonnement et persécutions pour desraisons politiques, raciales et religieuses.CAmnesty International - Rapport 201291


CDiscriminationsMinorités ethniquesLes Roms faisaient toujours l’objet de discriminationsen matière de droits économiques et sociaux,notamment dans le domaine de l’éducation, del’emploi et du logement ; les mesures prises par lespouvoirs publics restaient insuffisantes.Les autorités n’ont pas appliqué l’arrêt rendu en2010 par la Cour européenne des droits de l’hommedans l’affaire Oršuš et autres c. Croatie. La Cour avaitestimé que le placement, en 2002, de 14 écoliersroms dans des classes séparées selon des critères demaîtrise de la langue croate, constituait un acte dediscrimination basé sur des considérations ethniques.Les Serbes de Croatie continuaient de faire l’objet dediscriminations, en particulier dans le domaine del’accès à un logement décent. En novembre 2010, lorsde l’Examen périodique universel de la Croatie par lesNations unies, plusieurs pays ont re<strong>com</strong>mandé à cettedernière de prendre des mesures pour lutter contre lesdiscriminations à l’égard des minorités ethniques. LaCroatie a favorablement accueilli ces re<strong>com</strong>mandations,qui l’enjoignaient d’intensifier le <strong>com</strong>bat contre ladiscrimination raciale à l’encontre de la minorité serbe,notamment dans le domaine du logement, et demultiplier les mesures destinées à intégrer les minoritésserbes et roms dans le tissu social national.Droits des lesbiennes, des gays, des personnesbisexuelles et des transgenresPour la première fois, une Gay Pride étaitprogrammée à Split en juin. Des militants des droitsdes lesbiennes, des gays, des personnes bisexuelleset des transgenres (LGBT) avaient organisé cettemanifestation pour réclamer les mêmes droits pourles couples de même sexe et la fin de ladiscrimination généralisée dont souffre la<strong>com</strong>munauté LGBT en Croatie. Le défilé a cependantété interrompu par des violences. Au moins cinqparticipants ont été blessés par des contremanifestantsd’extrême droite, qui ont lancé despierres et d’autres projectiles sur le cortège. L’und’eux, blessé à la tête, a dû être hospitalisé.La police n’a pas dûment protégé les manifestantsdes agresseurs et la marche a dû être interrompue.Les autorités de Split ont engagé des poursuitescontre 44 personnes pour des crimes <strong>com</strong>mis contreles participants au cortège.Une semaine après ces violences, la Gay Prideannuelle de Zagreb a pu se dérouler sans incidentmajeur.Visites et documents d’AmnestyInternational4 Croatia: Submission to the Committee of Ministers of the Council ofEurope on Oršuš and Others v. Croatia (EUR 64/007/2011).4 Croatia: Briefing to the European Commission on the progress made bythe Republic of Croatia on prosecution of war crimes (EUR 64/008/2011).4 Croatie. La Croatie doit garantir le droit à la liberté de réunion etd’expression (EUR 64/009/2011).4 Croatie : l’éloge de l’« Opération Tempête » crée un contexte d’impunité(EUR 64/010/2011).4 Croatie. Rapport présenté à la Commission européenne sur lespréoccupations persistantes quant à l’impunité pour les crimes de guerreen Croatie. Octobre 2011 (EUR 64/011/2011).CUBARÉPUBLIQUE DE CUBAChef de l’État et du gouvernement : Raúl Castro RuzPeine de mort :maintenuePopulation :11,3 millionsEspérance de vie :79,1 ansMortalité des moins de cinq ans : 5,8 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 99,8 %Les 11 derniers prisonniers d’opinion placés endétention lors de la vague de répression de mars2003 ont retrouvé la liberté en mars, avec 62 autresprisonniers politiques. La répression exercée par legouvernement n’a pas cessé pour autant et a étémarquée par des centaines d’arrestations et deplacements en détention pour de courtes périodes.Des journalistes et des dissidents politiques ont étéla cible de manœuvres de harcèlement etd’intimidation de la part d’agents des services desécurité et de partisans du régime agissant avecl’assentiment des autorités.ContexteMalgré la libération largement médiatisée dedissidents célèbres, les pouvoirs publics ont continuéd’étouffer la liberté d’expression, de réunion etd’association. Des centaines de dissidents et demilitants de la démocratie ont été harcelés, intimidéset placés arbitrairement en détention.En avril, le Parti <strong>com</strong>muniste cubain a organisé sonpremier congrès depuis 1997 et adopté un train deréformes économiques <strong>com</strong>prenant plus de92 Amnesty International - Rapport 2012


300 mesures, qui devaient entrer en vigueurprogressivement. En revanche, aucune résolution n’aété votée pour accorder aux Cubains une jouissanceplus <strong>com</strong>plète de leurs droits civils et politiques ouproposer des réformes législatives garantissant plusde libertés sur le plan politique. Le gouvernement amis en œuvre au cours de l’année des réformeséconomiques de faible portée, autorisant la vente devoitures et de logements et permettant l’exercice decertaines activités lucratives hors de son contrôledirect.Alan Gross, un ressortissant des États-Unis arrêtéen décembre 2009 pour avoir distribué du matérielde télé<strong>com</strong>munications sur le territoire cubain, a étécondamné par la justice cubaine à 15 ansd’emprisonnement pour atteinte à la sécurité del’État. Des personnalités et des responsablesaméricains ont tenté en vain d’obtenir sa libérationpour raisons humanitaires.Liberté d’expression, de réunion etd’associationLes pouvoirs publics ont continué de restreindresévèrement la liberté d’expression, de réunion etd’association des dissidents politiques, desjournalistes et des militants des droits humains ;placés arbitrairement en résidence surveillée ousoumis par les autorités et les défenseurs du régime àd’autres entraves à leur liberté de mouvement, ilsdevaient renoncer à certaines de leurs activitéslégitimes et pacifiques. Le gouvernement continuaitde contrôler l’ensemble des médias.Répression de la dissidenceEn février, en l’espace d’une seule journée, lesautorités ont arrêté plus de 100 personnes et placéune cinquantaine d’autres citoyens en résidencesurveillée. Cette opération préventive visait àempêcher la <strong>com</strong>mémoration de la mort du militantOrlando Zapata Tamayo, décédé en détention en2010 à l’issue d’une longue grève de la faim.n Reina Luisa Tamayo – la mère d’Orlando Zapata – etson mari, José Ortiz, quittaient leur domicile de Banes(province d’Holguín), le 22 février, en <strong>com</strong>pagnie dumilitant des droits humains Daniel Mesa, lorsqu’ils ontété arrêtés par une quinzaine d’agents des forces desécurité. Les autorités voulaient ainsi les empêcherd’organiser un hommage à Orlando Zapata à l’occasiondu premier anniversaire de sa mort, le lendemain. Toustrois ont été relâchés 12 heures plus tard. En juin,Reina Luisa Tamayo s’est exilée aux États-Unis avec safamille.Prisonniers d’opinionEn mars, le gouvernement cubain a libéré les derniersprisonniers d’opinion qui avaient été arrêtés lors de lavague de répression de mars 2003. Des prisonnierspolitiques, dont certains étaient incarcérés depuis lesannées 1990, ont également été élargis. La libérationdes 52 derniers prisonniers d’opinion avait<strong>com</strong>mencé en juillet 2010, à la suite d’un accordconclu avec les autorités espagnoles et d’un dialogueengagé avec l’Église catholique. La plupart despersonnes ainsi remises en liberté ont été contraintesde quitter l’île avec leur famille ; seul un très petitnombre a été autorisé à rester.n Le prisonnier d’opinion Nestor Rodríguez Lobaina,président et cofondateur du Mouvement de jeunesCubains pour la démocratie, a dû s’exiler en Espagne àsa libération. Arrêté en décembre 2010 parce qu’ilavait organisé une réunion chez lui, en août 2010, etaffiché des banderoles porteuses d’un messageantigouvernemental devant son domicile, il avait passéquatre mois en détention sans jugement. Entre 2000 et2005, Nestor Rodríguez Lobaina avait purgé une peinede six ans d’emprisonnement pour outrage auxautorités.Détention arbitraireLe pouvoir a continué de recourir au placementarbitraire en détention pour faire taire les opposants àsa politique.n Les Dames en blanc, un groupe de parentes etd’amies d’anciens prisonniers d’opinion arrêtés enmars 2003, et leurs sympathisantes ont été en butte àdes arrestations arbitraires et des agressions physiqueslors des manifestations organisées dans différentesvilles du pays. En août, cinq Dames en blanc deSantiago de Cuba ont été interpellées avant d’arriver àla cathédrale, d’où elles <strong>com</strong>ptaient démarrer unemarche de protestation. Quelques jours plus tard, cesont 19 membres du collectif qui ont une nouvelle foisété arrêtées. Par ailleurs, 49 Dames en blanc ousympathisantes ont été empêchées d’organiser dans lecentre de La Havane une manifestation de soutien auxmembres du mouvement de Santiago de Cuba et desprovinces orientales. À plusieurs occasions, des Damesen blanc ont déclaré avoir été agressées physiquementet verbalement par des partisans du gouvernementintervenant durant leurs défilés pacifiques. En octobre,CAmnesty International - Rapport 201293


D26 Dames en blanc ont été placées en détention durantune courte période car les autorités voulaient lesempêcher de se réunir après la mort de leur chef defile, Laura Pollán, intervenue ce mois-là. En juillet, plusde 20 membres du Groupe de soutien aux Dames enblanc ont été placées en détention la veille d’unemarche organisée par le collectif, qui devait partir del’église Notre-Dame du Rosaire, à Palma Soriano, dansla province de Santiago de Cuba. Des dissidents qui serendaient à l’église ont également été placés endétention et empêchés de participer à la manifestationpacifique.L’embargo des États-UnisLe gouvernement des États-Unis a annoncé en janvier2011 de légères modifications à l’embargo. Lesvoyages à Cuba liés à des activités éducatives,culturelles, religieuses et journalistiques ont étéfacilités. En octobre, pour la vingtième annéeconsécutive, l’Assemblée générale des Nations uniesa adopté une résolution demandant aux États-Unis lalevée de l’embargo économique et <strong>com</strong>mercialimposé à Cuba depuis 1961.Cette année encore, des organismes des Nationsunies présents à Cuba, <strong>com</strong>me l’OMS, l’UNICEF et leFNUAP, se sont faits l’écho des effets négatifs del’embargo sur la santé des Cubains, en particulier ausein des <strong>com</strong>munautés marginalisées. En raison desrestrictions aux importations de produits fabriqués pardes sociétés américaines ou leurs filiales, ou utilisantdes brevets américains, il était toujours difficile de seprocurer certains produits de première nécessité etcertains équipements, médicaments et matériels delaboratoire.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Amnesty International n’a pas été autorisée à entrer sur le territoirecubain depuis 1990.DANEMARKROYAUME DU DANEMARKChef de l’État :Margrethe IIChef du gouvernement : Lars Løkke Rasmussen, remplacépar Helle Thorning-Schmidt le 3 octobrePeine de mort :aboliePopulation :5,6 millionsEspérance de vie :78,8 ansMortalité des moins de cinq ans : 4 ‰Les autorités ont annoncé l’ouverture d’une nouvelleenquête sur l’utilisation du territoire danois pourdes vols de « restitution » affrétés par l’Agencecentrale du renseignement des États-Unis (CIA),mais sa portée était très limitée et les pouvoirs desenquêteurs insuffisants. Les pratiques relatives à ladétention de migrants ont suscité des inquiétudescar des personnes vulnérables continuaient d’êtreplacées en détention. La loi ne protégeait pas toutesles femmes de manière effective contre la violence.Lutte contre le terrorisme et sécuritéEn février, l’évaluation de la législation antiterroristeque le gouvernement avait réalisée l’annéeprécédente a fait l’objet d’une audition publique,certains observateurs l’ayant jugée insuffisante et troppeu rigoureuse.Le 2 novembre, le gouvernement a annoncé quel’Institut danois d’études internationales (DIIS) allaitenquêter sur l’utilisation du territoire national pourcertains vols de « restitution » affrétés par la CIAdepuis 2001, mais que les investigations selimiteraient aux vols qui étaient passés par leGroenland et non par le reste du territoire. En outre,le DIIS ne serait autorisé à analyser que lesdocuments d’une précédente enquête menée par leDanemark en 2008, et les enquêteurs ne pourraientpas interroger de témoins ni rechercher de nouvellesinformations. Au vu de ces restrictions, l’enquêten’allait être ni indépendante, ni impartiale, niapprofondie, ni efficace, contrairement à cequ’exigent les normes et le droit international relatifsaux droits humains.Torture et autres mauvais traitementsEn juin, la Haute Cour a confirmé que Niels Holck nepouvait pas être extradé en Inde car les « assurancesdiplomatiques » négociées entre les autorités danoiseset indiennes ne suffiraient pas à garantir sa protection94 Amnesty International - Rapport 2012


contre le risque de torture et d’autres mauvaistraitements.En novembre, le tribunal de Copenhague a estiméque le ressortissant irakien Qais J. Khaled était fondéà réclamer des dommages et intérêts à l’État danois,accusé de l’avoir remis à la police de Bassora (Irak)en 2004 en sachant qu’il risquait d’être torturé ouautrement maltraité.Selon des éléments mis au jour en décembre, aumoins 500 Irakiens pourraient avoir été remis auxautorités irakiens dans des circonstances similaires.Une autre source de préoccupation était que desinformations confirmant que l’armée danoise avaitconnaissance du risque de torture que couraient lespersonnes remises aux autorités irakiennes ont étécachées au Parlement.Réfugiés et demandeurs d’asileLes mesures applicables aux réfugiés et auxdemandeurs d’asile constituaient toujours un motif depréoccupation.En janvier, à la suite d’un arrêt de la Coureuropéenne des droits de l’homme disposant que laGrèce ne possédait pas un système d’asile efficace, leDanemark a cessé de renvoyer des demandeurs versce pays au titre du Règlement Dublin II (voir Grèce).Les autorités n’ont entrepris aucune démarcheparticulière pour retrouver les 20 personnes quiavaient été transférées en Grèce en 2010 en vertu dece Règlement.Au moins 43 Irakiens ont été renvoyés dans leurpays, à Bagdad, malgré les lignes directricescontraires du Haut-Commissariat des Nations uniespour les réfugiés (HCR).Cette année encore, des personnes vulnérables – y<strong>com</strong>pris des victimes de torture et de trafic d’êtreshumains – ont été placées en détention au titre deslois sur l’immigration.On a appris au début de l’année que 36 jeunesPalestiniens apatrides s’étaient vu refuser lanationalité danoise, en violation de la Convention surla réduction des cas d’apatridie [ONU] qui impose àses États parties d’accorder leur nationalité auxenfants nés sur leur sol et qui, autrement, seraientapatrides. Des informations dévoilées par la suite ontindiqué que quelque 500 jeunes Palestiniens avaientété mal informés et s’étaient vu refuser la nationalité.À la suite de ces révélations, la ministre des Réfugiés,de l’Immigration et de l’Intégration a démissionné.Une <strong>com</strong>mission d’enquête indépendante a été crééeet certaines des personnes concernées ont intentéune action contre le gouvernement en vue d’obtenirdes dommages et intérêts.Violences faites aux femmes et aux fillesLa loi ne protégeait pas de la même façon toutes lesvictimes de violences sexuelles. Un certain nombrede crimes et de violences à caractère sexuel n’étaienttoujours pas sanctionnés par la loi si l’auteur et lavictime étaient mariés (cas de rapports sexuelsimposés à un conjoint malade ou sous l’emprise depsychotropes).À la fin de l’année, le <strong>com</strong>ité d’experts qui avait étéchargé en 2009 d’étudier l’arsenal législatif réprimantle viol n’avait pas encore rendu ses conclusions augouvernement, ce qui n’a pas empêché ce dernier deproposer en mai des projets de lois visant à alourdirles peines d’emprisonnement pour les viols <strong>com</strong>mispar des personnes extérieures au cercle familial.Certains observateurs ont dit craindre que ces textesne contribuent encore à minimiser la gravité du violdans les cas où la victime et son agresseur seconnaissent.Discrimination – les RomsEn mars, la Cour suprême a jugé contraire au droitl’expulsion du pays, en 2010, de deux Romsroumains accusés de s’être installés illégalement dansdes jardins et des bâtiments publics. Considérée<strong>com</strong>me discriminatoire, la décision d’expulsion de cesdeux hommes avait été critiquée par un certainnombre de responsables politiques et de membres dela société civile. Conséquence de l’arrêt de la Cour, legouvernement a annulé les arrêtés d’expulsion visant14 autres Roms de Roumanie.Visites et documents d’AmnestyInternational4 Danemark. Si elle salue l’engagement pris par le Danemark de respecterle principe de non-refoulement, Amnesty International déplore sa réticenceà réformer les lois relatives à la lutte contre le terrorisme et au viol(EUR 18/001/2011).DAmnesty International - Rapport 201295


EÉGYPTERÉPUBLIQUE ARABE D’ÉGYPTEChef de l’État : Mohamed Hosni Moubarak, remplacé parMohamed Hussein Tantaoui le 11 févrierChef du gouvernement : Ahmed Nazif, remplacé parAhmed Shafik le 31 janvier, à son tour remplacé parEssam Sharaf entre le 3 mars et le 7 décembre,date à laquelle Kamal Ganzouri est entré en fonctionPeine de mort :maintenuePopulation :82,5 millionsEspérance de vie :73,2 ansMortalité des moins de cinq ans : 21 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 66,4 %Au moins 840 personnes ont été tuées et 6 000autres blessées, principalement par la police et lesforces de sécurité, durant la « révolution du25 Janvier » qui a contraint le président HosniMoubarak à démissionner en février. Le Conseilsuprême des forces armées (CSFA), sous la directionde Mohamed Hussein Tantaoui, a remplacé HosniMoubarak. Ce dernier a été traduit en justice, demême que ses fils et d’autres responsables. Lesmanifestations n’ont toutefois pas cessé, et l’arméeet la police ont réagi en faisant, dans certains cas,une utilisation excessive de la force. Le CSFA alibéré des prisonniers politiques et autorisél’enregistrement de partis politiques jusque-làinterdits ainsi que de syndicats indépendants. Il atoutefois maintenu l’état d’urgence en vigueurdepuis 30 ans, érigé la grève en infraction pénale etrenforcé les restrictions pesant sur les médias. LeCSFA a également envoyé devant des tribunauxmilitaires plus de 12 000 civils, dont beaucoupavaient été arrêtés dans le cadre des protestationspersistantes contre la lenteur de la mise en œuvredes réformes. La force de police tristement célèbred’Hosni Moubarak, le Service du renseignement dela sûreté de l’État, a été démantelée, mais le recoursà la torture contre les détenus restait systématique ;cette pratique a pris une nouvelle dimension quanddes officiers de l’armée ont forcé des femmes àsubir des « tests de virginité » en détention. L’arméea expulsé de force des habitants de quartiersd’habitat précaire (bidonvilles) du Caire et d’autresvilles, ainsi que des personnes qui s’étaientréfugiées dans des logements sociaux vacants. Lesfemmes ont participé en grand nombre auxmanifestations, mais elles continuaient de fairel’objet de discriminations dans la législation <strong>com</strong>medans la pratique. Les membres des minoritésreligieuses, tout particulièrement les coptes, étaienttoujours victimes de discriminations. Au moins123 personnes ont été condamnées à mort et aumoins une exécution a eu lieu. Cette année encore,des gardes-frontières ont tiré sur des migrants, desréfugiés et des demandeurs d’asile qui tentaient depénétrer en Israël depuis l’Égypte par la frontière duSinaï. Vingt morts à cette frontière et à celle duSoudan ont ainsi été signalées cette année. D’autresmigrants, réfugiés ou demandeurs d’asile ont faitl’objet de poursuites ou ont été renvoyés contre leurgré dans des pays où ils risquaient de subir degraves atteintes à leurs droits fondamentaux.Certains parmi ces hommes et ces femmes étaientvictimes de traite d’êtres humains, selon certainesinformations.ContexteLe président Moubarak, qui était au pouvoir depuis30 ans, a démissionné le 11 février à la suite de18 jours de manifestations de grande ampleur danstout le pays, un mouvement en grande partiepacifique auquel les forces de sécurité ont réponduen faisant une utilisation excessive de la force, y<strong>com</strong>pris meurtrière. Selon des sources officielles,840 personnes au moins ont été tuées dans lesmanifestations ou sont mortes des suitesd’événements en lien avec celles-ci, et plus de6 000 autres ont été blessées. Des milliers depersonnes ont été interpellées ; beaucoup ont ététorturées ou maltraitées. L’armée, représentée par leCSFA, a pris le pouvoir, mais elle a désigné unPremier ministre et un gouvernement provisoire civils,dans l’attente des élections législatives qui ont débutéen novembre et devaient se terminer début 2012. Unscrutin présidentiel était prévu pour la mi-2012.Immédiatement après la chute d’Hosni Moubarak,le CSFA a suspendu la Constitution de 1971, dissousle Parlement et promulgué une déclarationconstitutionnelle garantissant un certain nombre dedroits. Des centaines de détenus administratifs ontpar ailleurs été élargis. En mars, la puissante confrériedes Frères musulmans, interdite de longue date, ainsique d’autres organisations illégales ont été autoriséesà se faire enregistrer et à fonctionner légalement ;elles ont ensuite présenté des candidats aux électionslégislatives. Le Parti de la liberté et de la justice,émanation politique des Frères musulmans, est arrivéen tête dans les premiers résultats des élections.96 Amnesty International - Rapport 2012


Le Parti national démocrate (PND) d’Hosni Moubaraka été dissous en avril.Après des semaines de pression exercée par lesmanifestants, le ministère de l’Intérieur a démanteléen mars le Service du renseignement de la sûreté del’État, une force de sécurité tristement célèbre pourson recours à la torture et à d’autres formes demauvais traitements. Avant le démantèlement, desmilitants s’étaient introduits dans les locaux de ceservice à Alexandrie et au Caire, la nouvelle s’étantrépandue que des agents détruisaient des preuves deviolations des droits humains. Le Service durenseignement de la sûreté de l’État a été remplacépar l’Agence de sécurité nationale. On ignorait si unmécanisme de vérification avait été mis en place pourempêcher le recrutement ou le transfert dans cenouvel organe d’agents du Service du renseignementde la sûreté de l’État impliqués dans des actes detorture ou d’autres violations des droits humains. Lechef du Service du renseignement de la sûreté del’État a toutefois été inculpé pour les homicides demanifestants <strong>com</strong>mis en janvier et en février.Le CSFA a maintenu l’état d’urgence ; enseptembre, il a en outre étendu la Loi relative à l’étatd’urgence à de nouvelles infractions, <strong>com</strong>me leblocage de routes, la diffusion de rumeurs et les actesconsidérés <strong>com</strong>me des « atteintes à la liberté dutravail ». Des modifications du Code pénal ont aggravéles peines encourues pour « <strong>com</strong>portement violent »,enlèvement et viol, rendant ces actes passibles de lapeine de mort. La Loi 34 de 2011 a érigé en infractionpénale la grève et toute autre forme de protestationconsidérée <strong>com</strong>me une « entrave au travail ». À lasuite des violences qui ont coûté la vie, en octobre, à28 personnes – des coptes pour la plupart –, le CSFAa prohibé toute discrimination fondée sur le genre,l’origine, la langue, la religion ou les croyances.Torture et autres mauvais traitementsMalgré la dissolution du Service du renseignement dela sûreté de l’État, dont les agents avaient recours à latorture en toute impunité, des informationspersistantes ont fait état d’actes de torture et demauvais traitements infligés à des détenus par desmembres de la police et de l’armée ; un certainnombre de personnes sont mortes en détention dansdes circonstances peu claires. En juin, le parquet adésigné une <strong>com</strong>mission de trois juges chargéed’examiner les plaintes pour torture. Certainesallégations de torture formulées contre la police ontfait l’objet d’enquêtes, mais aucune plainteconcernant les forces armées n’a été suivied’investigations sérieuses débouchant sur despoursuites.n Mostafa Gouda Abdel Aal a été arrêté le 9 mars sur laplace Tahrir, au Caire, par des soldats qui l’ont frappé ettraîné jusqu’au Musée égyptien tout proche. Après luiavoir bandé les yeux et attaché les mains dans le dos,ils l’ont jeté par terre et aspergé d’eau ; ils lui ont ensuiteadministré des décharges électriques sur le pénis et lesfesses et l’ont frappé dans le dos à coups de câble. Cethomme a passé toute la nuit dans un fourgon avecd’autres détenus avant d’être transféré à la prisonmilitaire de Heikstep ; là, les prisonniers ont été frappéset tournés en dérision par les représentants du parquetmilitaire qui les interrogeaient. On ne leur a poséaucune question à propos de leurs blessures, pourtantvisibles, ni demandé pourquoi leurs vêtements étaienttachés de sang. Ils ont été frappés à coup de matraqueélectrique avant de <strong>com</strong>paraître devant un tribunalmilitaire qui siégeait dans la cantine de la prison. Ceshommes ont été condamnés à des peines <strong>com</strong>prisesentre un et sept ans d’emprisonnement à l’issue deprocès iniques, puis transférés à la prison de Tora. Ilsont recouvré la liberté le 23 mai à la faveur d’une grâcedu CSFA. Mostafa Gouda Abdel Aal présentait encoredes traces de torture au moment de sa remise enliberté.n Le 26 octobre, deux policiers ont été condamnés àdes peines de sept ans d’emprisonnement par untribunal d’Alexandrie pour l’homicide involontaire deKhaled Saïd, dont la mort, en juin 2010, était devenueune cause célèbre pendant les manifestations contreHosni Moubarak ; cet homme avait été roué de coupsen public par des policiers. Le tribunal n’a pas tenu<strong>com</strong>pte des conclusions d’une seconde autopsie, quirévélait que Khaled Saïd était mort après qu’on lui eutenfoncé dans la gorge un sachet de drogue. Le parqueta fait appel en décembre.Procès inéquitablesÀ partir du déploiement des forces armées, le28 janvier, pour maintenir l’ordre dans lesmanifestations après le retrait de la police des rues,des civils accusés d’infractions liées au mouvementde protestation et d’actes de violence ont été jugéspar des tribunaux militaires plutôt que par desjuridictions pénales ordinaires. Les tribunauxmilitaires n’étaient ni indépendants ni impartiaux. Enaoût, la justice militaire a annoncé avoir jugé près deEAmnesty International - Rapport 201297


E12 000 personnes pour, entre autres charges,« <strong>com</strong>portement violent », violation du couvre-feu,destruction de biens, « insulte à l’armée » ou « entraveau travail ». De nombreuses personnes ont étéremises en liberté, soit qu’elles aient été condamnéesà une peine assortie du sursis soit qu’elles aientbénéficié d’une grâce ; toutefois, plusieurs milliersd’autres étaient maintenues en détention à la fin del’année.n Amr Abdallah al Beheiry, reconnu coupable par untribunal militaire d’agression contre un fonctionnaire etde violation du couvre-feu, a été condamné en février àune peine de cinq ans d’emprisonnement. Il avait étéinterpellé le 26 février lors de la dispersion brutale parla police militaire et l’armée d’une manifestation tenuedevant le Parlement au Caire. Beaucoup despersonnes arrêtées avaient été battues et avaient reçudes décharges électriques avant d’être relâchées. AmrAbdallah al Beheiry avait, lui, été de nouveau arrêté,probablement parce que quelqu’un avait filmé lesblessures qu’il avait subies. Lors de son procès, d’uneiniquité flagrante, le juge militaire a refusé qu’il soitassisté par l’avocat auquel sa famille avait fait appel etlui a imposé un avocat <strong>com</strong>mis d’office. Amr Abdallahal Beheiry a été envoyé dans un premier temps à laprison de Wadi Guedid, où lui-même et d’autresprisonniers auraient été battus par des gardiens etautorisés à quitter leur cellule une seule fois par jourpour aller aux toilettes. Il a ensuite été transféré dans laprison de Wadi Natroun. La date de sa <strong>com</strong>parution enappel n’avait pas été fixée à la fin de l’année.n Cinq ouvriers qui avaient organisé un sit-in devant leministère du Pétrole après avoir été licenciés par la<strong>com</strong>pagnie pétrolière nationale ont été arrêtés etinculpés en vertu de la Loi 34 de 2011. Ils ont <strong>com</strong>paruen juin devant un tribunal militaire qui les a condamnésà des peines d’emprisonnement avec sursis.Utilisation excessive de la forceAvant la chute d’Hosni Moubarak, les forces desécurité ont fait un usage excessif de la force, y<strong>com</strong>pris meurtrière, contre des manifestants. Desgardiens de prison ont en outre tiré sur descondamnés, tuant certains d’entre eux. Par la suite,l’armée, la police militaire et les Forces centrales desécurité ont continué à utiliser la force, de manièresouvent excessive, pour disperser des protestatairesen colère et déçus par la lenteur des réformespolitiques et relatives aux droits humains. Danscertains cas, des manifestants ont été attaqués pardes « casseurs » – des hommes armés en civil quiétaient semble-t-il liés à la police ou à l’ancien partiau pouvoir –, ce qui s’est traduit par desaffrontements. Dans bien des cas, les forces desécurité ont utilisé des gaz lacrymogènes, des plombsde chasse et des balles en caoutchouc ; elles ontaussi tiré à balles réelles et, dans un cas au moins,ont foncé sur la foule à bord de véhicules blindés etécrasé des manifestants.n Le 9 octobre au Caire, les forces de sécurité ontutilisé une force extrême pour disperser unemanifestation rassemblant essentiellement des coptesdevant l’immeuble Maspero, qui abrite la télévisionnationale ; elles ont affirmé que des groupes d’hommesarmés en civil étaient responsables du déclenchementdes violences. Vingt-huit personnes – des manifestantset un soldat – ont été tuées et plusieurs autres ont étéblessées ; de nombreuses victimes ont été tuées parballe ou écrasées par des véhicules blindés qui ontfoncé sur elles à vive allure. Le CSFA a ordonnél’ouverture d’une enquête ; à la suite de nouvellesmanifestations et du retour des protestataires sur laplace Tahrir, au Caire, il a transmis le dossier auparquet, qui a désigné un juge d’instruction. Le procèsde trois soldats accusés de l’homicide involontaire de14 manifestants s’est ouvert en décembre, avant que lejuge d’instruction n’ait remis son rapport.n En novembre, les forces de sécurité ont utilisé desgaz lacrymogènes et tiré des plombs de chasse et desballes réelles contre des manifestants lors de cinq joursd’affrontements à proximité du ministère de l’Intérieurau Caire ; les heurts ont éclaté après que l’armée et lesForces centrales de sécurité eurent dispersé desmanifestants et des familles de victimes de la« révolution du 25 Janvier » qui s’étaient installés sur laplace Tahrir. Cinquante et une personnes ont été tuéeset plus de 3 000 autres ont été blessées. Desmanifestants ont été arrêtés et inculpés derassemblement illégal, attaques contre desmanifestants avec des fusils, entrave à la circulation,destruction de biens et agression d’agents de l’État.n En décembre, des membres de la police militaire etd’autres forces de sécurité ont tiré à balles réelles et faitusage d’une force excessive et disproportionnée pourdisperser des personnes qui manifestaient devant lesiège du gouvernement. Dix-sept personnes au moinsont été tuées (la plupart par balle) et une centained’autres ont été blessées ou arrêtées. Plusieursfemmes ont affirmé avoir été brutalisées et menacéesde sévices sexuels pendant leur détention.98 Amnesty International - Rapport 2012


Liberté d’expression et d’associationAvant la chute d’Hosni Moubarak, les autorités onttenté d’entraver les efforts des manifestants pours’organiser en coupant les lignes téléphoniques etl’accès à Internet. Le CSFA a imposé de nouvellesrestrictions aux médias ; les forces de sécurité ont faitdes descentes dans les locaux de chaînes detélévision et menacé d’emprisonnement desjournalistes et des blogueurs. Le CSFA a égalementpris des mesures contre les ONG de défense desdroits humains.n À l’issue d’un procès inéquitable devant un tribunalmilitaire, le blogueur Maikel Nabil Sanad a étécondamné en avril à trois ans d’emprisonnement pouravoir « insulté » le CSFA, critiqué le recours à une forceexcessive contre les manifestants de la place Tahrir etrefusé d’effectuer son service militaire. Il a entamé unegrève de la faim en août, et a été maintenu en détentionbien qu’une cour d’appel militaire eût ordonné unnouveau procès en octobre. À la demande d’un avocatprésent à l’audience, à laquelle ni lui ni ses avocatsn’ont assisté, il a été transféré dans un hôpitalpsychiatrique. Sa peine a été ramenée à deux ansd’emprisonnement à l’issue du nouveau procès devantun tribunal militaire. Ce prisonnier d’opinion étaittoujours détenu à la fin de l’année ; il était privé dessoins médicaux nécessités par son état de santé. Il amis un terme à sa grève de la faim le 31 décembre.Les autorités ont déclaré qu’elles vérifiaientl’enregistrement légal et le financement de37 organisations de défense des droits humains. Ellesont ajouté que la Cour suprême de sûreté de l’Étatexaminait s’il y avait lieu d’inculper de « trahison » oude « <strong>com</strong>plot » celles qui étaient considérées <strong>com</strong>mefonctionnant sans être enregistrées, ayant reçu desfinancements étrangers sans autorisation ou se livrantà des activités politiques « non autorisées ». LaBanque centrale a ordonné à toutes les banques detransmettre au ministère de la Solidarité et desAffaires sociales le détail des transactions financièresdes ONG et des militants. En décembre, les forces desécurité ont effectué une descente dans les locaux de17 ONG et saisi leurs ordinateurs et leurs documentsDroits des femmesLes femmes continuaient de subir des discriminationsdans la législation et en pratique ; elles ont pourtantjoué un rôle de premier plan dans le mouvement decontestation, tant avant la chute d’Hosni Moubarakque par la suite. Des militantes et des journalistes ontété victimes d’agressions sexuelles et d’autresbrutalités.n Dix-sept femmes sur un groupe de 18 arrêtéeslorsque l’armée a dispersé par la force les manifestantsde la place Tahrir, au Caire, le 9 mars, ont été soumisesà une fouille corporelle dans la prison militaire deHeikstep. Sept d’entre elles ont dû subir en outre un« test de virginité », une forme de torture. Elles ont étémenacées d’être inculpées de prostitution si elles« n’étaient pas déclarées vierges ». Ces 18 femmesavaient dans un premier temps été conduites avecd’autres personnes arrêtées au Musée égyptien, oùelles ont été menottées, frappées à coups de matraqueet de tuyau en caoutchouc, soumises à des déchargesélectriques sur la poitrine et les jambes, et insultéespar des soldats. Dix-sept ont <strong>com</strong>paru le 11 marsdevant un tribunal militaire, alors qu’elles étaient descivils ; elles ont été libérées deux jours plus tard.Plusieurs ont été déclarées coupables de trouble àl’ordre public et d’entrave à la circulation, entre autresinfractions, et condamnées à des peinesd’emprisonnement avec sursis. En décembre, untribunal administratif a estimé que les tests de virginitéétaient illégaux et a ordonné à l’armée de ne plus yrecourir.n Dans le contexte des affrontements persistants entreles forces de sécurité et les protestataires, la journalisteMona Eltahawy a été arrêtée le 24 novembre et détenuependant 12 heures. Elle affirme que des membres desforces de sécurité l’ont agressée sexuellement etbattue, lui brisant la main gauche et le bras droit.Le CSFA a supprimé de la loi électorale le systèmede quota qui réservait aux femmes 64 sièges auParlement (soit 12 %) et l’a remplacé par l’obligationpour tout parti de présenter au moins une femme parliste, sans toutefois imposer qu’elle figure en haut deliste.Discrimination – coptesLes violences interconfessionnelles se sontmultipliées entre musulmans et chrétiens coptes. Cesderniers étaient toujours victimes de discrimination etne se sentaient pas suffisamment protégés par lesautorités. Les attaques motivées par l’intolérancereligieuse et menées par des islamistes présuméscontre les coptes et leurs églises sont semble-t-ildevenues plus fréquentes après la prise de pouvoirdu CSFA ; les homicides de coptes au cours de lamanifestation de Maspero, en octobre, ont exacerbéles tensions.EAmnesty International - Rapport 201299


En Des affrontements ont éclaté le 7 mai à Imbaba, unquartier ouvrier de Guizeh, lorsque des islamistesprésumés ont attaqué l’église de Mar Mina où, seloneux, une femme qui s’était convertie à l’islam étaitretenue contre son gré. Quinze personnes – des copteset des musulmans – ont trouvé la mort et beaucoupd’autres ont été blessées. Des maisons et des<strong>com</strong>merces appartenant à des coptes ont étéendommagés et une autre église du quartier a étéincendiée. L’armée, qui ne serait pas intervenue dansun premier temps, a ensuite ouvert le feu, tuantplusieurs personnes. De nombreux habitantsd’Imbaba, y <strong>com</strong>pris des personnes qui avaient étéblessées, ont été arrêtés. La plupart ont été remis enliberté le 26 mai, mais 48 personnes – des musulmanset des coptes – ont été déférées devant la Coursuprême de sûreté de l’État (instaurée par la législationd’exception). Leur procès se poursuivait à la fin del’année.Impunité et obligation de rendre des<strong>com</strong>ptesLes autorités ont engagé des poursuites contrecertains responsables présumés des homicides<strong>com</strong>mis en janvier et en février, mais elles n’ont pasrendu justice aux proches des victimes ni auxpersonnes blessées au cours de la « révolution du25 Janvier ». Des policiers et d’autres membres desforces de sécurité inculpés pour avoir tué ou blessédes manifestants, ou impliqués dans de telsagissements, étaient toujours en fonction ou avaientété mutés à des postes administratifs au sein duministère de l’Intérieur. Beaucoup auraient tentéd’exercer des pressions sur les familles et les témoinsou de les persuader de retirer leurs plaintes. Desmembres de l’armée et de la police ont <strong>com</strong>mis desviolations des droits humains, notamment des actesde torture et des homicides illégaux, en touteimpunité.n Le procès de l’ancien ministre de l’Intérieur, HabibIbrahim el Adly, et de six de ses collaborateurspoursuivis pour des faits liés aux homicides demanifestants s’est ouvert en avril. Cette affaire a étéjointe à la procédure ouverte contre Hosni Moubarak etses deux fils. Tous les accusés ont <strong>com</strong>paru en aoûtpour répondre d’homicides avec préméditation et detentatives de meurtre. Le procès, dont les deuxpremières audiences ont été retransmises par latélévision nationale, n’était pas terminé à la fin del’année.Droits en matière de logement –expulsions forcéesAu Caire et dans d’autres villes, des milliers depersonnes vivaient toujours dans des quartiersd’habitat précaire qualifiés officiellement de « zonesdangereuses » en raison, notamment, de risques dechute de pierres. Les habitants vivaient égalementsous la menace d’une expulsion forcée. L’armée aexpulsé de force les habitants de certaines « zonesdangereuses » ainsi que des personnes qui avaienttrouvé refuge dans des logements sociauxinoccupés ; les personnes expulsées n’ont pas étéconsultées ni dûment averties de la date del’opération ; beaucoup se sont retrouvées sans toit.Des projets officiels de relogement des habitants des« zones dangereuses » ont été élaborés par lesgouvernorats en collaboration avec le fonds dedéveloppement des quartiers informels créé en 2008,mais les intéressés n’ont pas été consultés ni mêmeinformés en détail des projets. Le projet Le Caire 2050n’a pas été rendu public ni soumis pour consultationaux populations vivant dans les quartiers d’habitatprécaire et susceptibles d’être les plus affectées ; leministère du Logement a toutefois affirmé en août quece projet n’entraînerait pas d’expulsions forcées.L’occupation illégale de bâtiments publics vacantss’est fortement accrue après la « révolution du25 Janvier ». Les autorités locales ont réagi en faisantappel à l’armée et à la police antiémeutes pourexpulser les squatteurs, ce qui a été fait sans préavis.n À Zerzara, l’une des « zones dangereuses » de PortSaïd, l’armée a démoli au début de juillet les cabanesde plus de 200 familles, dont 70 environ se sontretrouvées sans abri. Les personnes concernées n’ontpas été consultées et n’ont été averties de l’opérationque la veille de celle-ci. Des femmes étaient à la tête debeaucoup de familles qui se sont retrouvées sans toit.Le gouvernorat local avait annoncé quelques semainesplus tôt un programme en vue d’attribuer3 500 logements neufs aux familles avant juin 2012 ;ce projet consistait en partie à construire desimmeubles pour reloger les habitants sur place. Lesdémolitions ont fait peser sur d’autres familles lamenace d’une expulsion forcée – même si des lettresofficielles leur ont promis un relogement dès que deshabitations seraient disponibles.n Quelque 200 familles se sont retrouvées sans toit enjuillet après avoir été expulsées sans préavis d’unevingtaine d’immeubles qu’elles occupaient dans lequartier de Manshiyet Nasser, au Caire.100 Amnesty International - Rapport 2012


Elles ont été relogées dans la ville du 6 Octobre,assez loin au sud-ouest de Guizeh, avec l’aide du« Comité populaire local » créé par des jeunes genspendant le soulèvement.Réfugiés et migrantsCette année encore, les forces de sécurité ont tiré surdes migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asilequi tentaient de pénétrer en Israël depuis l’Égypte parla frontière du Sinaï ; 10 personnes au moins onttrouvé la mort. Dix Érythréens qui tentaient d’entreren Égypte depuis le Soudan ont également été tuéspar les forces de sécurité. Beaucoup d’autres ont étéblessés par balle, dans certains cas grièvement, ouont été arrêtés et condamnés à des peinesd’emprisonnement par des tribunaux militaires pour« entrée illégale » sur le territoire égyptien. Au moins83 réfugiés et demandeurs d’asile, parmi lesquels ungrand nombre d’Érythréens, ont été renvoyés dansdes pays où ils risquaient de subir de graves atteintesà leurs droits fondamentaux. À la fin de l’année, plusde 100 réfugiés et demandeurs d’asile risquaientd’être renvoyés contre leur gré dans leur paysd’origine.Les réfugiés, demandeurs d’asile et migrantscherchant à se rendre en Israël étaient, seloncertaines informations, la proie de trafiquants d’êtreshumains alors qu’ils traversaient la péninsule duSinaï. Racket, viols, torture, assassinats etprélèvement d’organes destinés à être revendus aumarché noir se sont produits.Peine de mortAu moins 123 personnes ont été condamnées àmort ; 17 d’entre elles, peut-être davantage, ont étéjugées lors de procès inéquitables devant destribunaux militaires. Une exécution au moins a eulieu.n Mohamed Ahmed Hussein, reconnu coupabled’homicide lors d’une fusillade depuis une voiturevisant des fidèles coptes qui sortaient d’une église enHaute-Égypte le 6 janvier 2010, a été pendu le10 octobre.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des représentants d’Amnesty International se sont rendus en Égypte dejanvier à mars, en mai et en juin et d’août à décembre.4 Égypte. « Nous ne sommes pas des chiens ». Les expulsions forcéesdans les quartiers informels en Égypte (MDE 12/001/2011).4 Égypte. Arrestations de défenseurs des droits humains en Égypte(MDE 12/008/2011).4 Égypte. Programme pour le changement en matière de droits humains(MDE 12/015/2011).4 Égypte. Les projets de modification de la Constitution, premiersbalbutiements vers la réforme (MDE 12/023/2011).4 Egypt rises: Killings, detentions and torture in the “25 JanuaryRevolution”, partiellement traduit en français sous le titre L’Égypte sesoulève. Homicides, détentions et tortures pendant la « Révolution du 25janvier » (MDE 12/027/2011).4 Égypte. Il est temps que justice soit rendue. Les effets néfastes dusystème de détention égyptien (MDE 12/029/2011).4 Égypte. Dix mesures pour les droits humains. Manifeste d’AmnestyInternational pour les droits humains en Égypte (MDE 12/046/2011).4 Égypte. Les femmes veulent l’égalité dans la construction de la nouvelleÉgypte (MDE 12/050/2011).4 Égypte. Des promesses trahies. Les autorités militaires égyptiennesportent atteinte aux droits humains (MDE 12/053/2011).4 Les transferts d’armes à destination du Moyen-Orient et de l’Afrique duNord. Enseignements en vue d’un traité efficace sur le <strong>com</strong>merce des armes(ACT 30/117/2011).ÉMIRATS ARABESUNISÉMIRATS ARABES UNISChef de l’État :Khalifa ben Zayed al NahyanChef du gouvernement : Mohammed ben Rashed al MaktoumPeine de mort :maintenuePopulation :7,9 millionsEspérance de vie :76,5 ansMortalité des moins de cinq ans : 7,4 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 90 %Cinq hommes ont été détenus de manière arbitraireet condamnés à des peines d’emprisonnement pouravoir critiqué le gouvernement et réclamé desréformes ; ils ont été remis en liberté par la suite à lafaveur d’une grâce présidentielle. Les autorités ontremplacé le conseil d’administration de quatre ONGqui s’étaient associées à un appel pour la tenued’élections directes. Les femmes continuaient desubir des discriminations, en droit et en pratique.Les travailleurs étrangers, et en particulier lesemployées de maison, n’étaient pas suffisammentprotégés contre l’exploitation et les mauvaisEAmnesty International - Rapport 2012101


Etraitements de la part de leurs employeurs. Legouvernement a refusé de coopérer avec desorganismes des Nations unies. De nouvellescondamnations à mort ont été prononcées, et unepersonne au moins a été exécutée.ContexteLes autorités ont pris des mesures pour empêcher queles soulèvements dans d’autres pays de la région nedéclenchent des manifestations à l’intérieur desÉmirats arabes unis. Elles se sont engagées à assurerdes « conditions de vie décentes » à la population etont annoncé une forte augmentation des retraites pourles anciens militaires ainsi que des prix subventionnéspour le riz et le pain. En février, le gouvernement aaugmenté le nombre de personnes ayant le droit devoter pour le deuxième scrutin national visant à élire20 des 40 membres du Conseil national fédéral (les20 autres membres étant désignés). En mars, plus de130 personnes ont signé une pétition adressée auprésident et au Conseil suprême de la Fédération pourréclamer des élections libres au suffrage universel etl’octroi de pouvoirs législatifs au Conseil nationalfédéral. En novembre, le président a promisd’accorder des droits accrus aux citoyens.Liberté d’expression et d’associationLes personnes qui critiquaient le gouvernement oudes pays amis risquaient d’être arrêtées.n Hassan Mohammed Hassan al Hammadi, membredu conseil d’administration de l’Association desenseignants, a été arrêté le 4 février. Il aurait été inculpéde « trouble à l’ordre public » pour avoir exprimépubliquement son soutien aux Égyptiens quimanifestaient en faveur de réformes. Détenu au siègede la Sûreté de l’État à Abou Dhabi, il a été remis enliberté le 17 février dans l’attente de son procès. Celuicis’est ouvert en novembre.n Six hommes liés au forum de discussion en ligne UAEHewar (Dialogue), bloqué par les autorités, ont étéarrêtés en avril. L’un d’eux a été libéré au bout d’unesemaine mais les cinq autres ont été jugés en juin pourdiffamation en raison d’articles publiés sur le site. Cescinq hommes – Ahmed Mansoor, blogueur et militant desdroits humains, Nasser bin Ghaith, chargé de cours àl’université et partisan de la réforme politique, et les troiscybermilitants Fahad Salim Dalk, Ahmed Abdul Khaleqet Hassan Ali al Khamis – étaient considérés par AmnestyInternational <strong>com</strong>me des prisonniers d’opinion. Dans unpremier temps, les débats se sont déroulés à huis clos.Par la suite, des observateurs internationaux, dont uneavocate qui s’est rendue dans les Émirats arabes unis aunom d’Amnesty International et d’autres ONGinternationales, ont été autorisés à assister auxaudiences. Le 22 novembre, le Groupe de travail sur ladétention arbitraire [ONU] a conclu qu’Ahmed Mansooravait été détenu de manière arbitraire, dès lors qu’iln’avait fait qu’exercer pacifiquement son droit à la libertéd’opinion et d’expression, et qu’il risquait d’être jugé aucours d’un procès inéquitable. Le Groupe de travail aexhorté les autorités à le remettre en liberté et à luiaccorder une réparation satisfaisante. Cependant, le27 novembre, Ahmed Mansoor a été condamné à troisans d’emprisonnement, tandis que ses quatrecoaccusés se voyaient infliger des peines de deux ansd’emprisonnement. Tous ont été remis en liberté lelendemain à la faveur d’une grâce présidentielle ; leurscondamnations restaient toutefois inscrites à leur casierjudiciaire.En avril, le ministère des Affaires sociales a pris desmesures contre quatre ONG qui avaient signé audébut du mois une lettre conjointe appelant à desréformes. Le ministère a remplacé les membres desconseils d’administration de l’Association des juristes,de l’Association des enseignants et de deux autresorganisations par des personnes nommées par legouvernement.En décembre, le gouvernement a déchu sixhommes de leur nationalité émirienne en prétextantdes problèmes de sécurité et des liens supposés deces hommes avec un groupe islamiste. Certainsd’entre eux avaient signé la pétition adressée auprésident en mars. Un autre homme aurait été déchude sa nationalité 10 mois plus tôt, pour les mêmesraisons.Droits des femmesLes femmes faisaient toujours l’objet de discriminationsdans la législation et dans la pratique, ainsi que deviolences liées au genre, y <strong>com</strong>pris au sein de lafamille. Le gouvernement n’a pratiquement rien faitpour mettre en œuvre la re<strong>com</strong>mandation formulée audébut de 2010 par le Comité pour l’élimination de ladiscrimination à l’égard des femmes [ONU] l’exhortantà prendre des mesures globales pour protéger lesfemmes contre les violences domestiques.Droits des migrantsLes travailleurs étrangers n’étaient pas suffisammentprotégés contre l’exploitation et les mauvais102 Amnesty International - Rapport 2012


traitements de la part de leurs employeurs. On aappris en février que des migrants qui avaient perduleur emploi dans le secteur du bâtiment étaientbloqués dans le pays parce que leur employeur ne lesavait pas payés ou retenait leurs passeports.Beaucoup vivaient dans des conditions déplorablesdans des camps de travail.Les employées de maison étrangères étaientparticulièrement vulnérables ; beaucoup travaillaientpendant de longues heures pour un faible salaire etétaient maltraitées par leurs employeurs ou leursgarants dans les Émirats arabes unis. Selon unrapport gouvernemental publié en septembre, aumoins 900 employées de maison qui avaient fui ledomicile de leur employeur avaient été arrêtées parles autorités à Doubaï au cours des huit moisprécédents.En décembre, la Confédération syndicaleinternationale a critiqué la législation du travail desÉmirats arabes unis parce qu’elle ne permet pas auxsyndicats d’exister et de fonctionner sans ingérences ;qu’elle ne leur reconnaît pas le droit de négociationcollective et qu’elle accorde au ministre du Travail lepouvoir de mettre fin aux grèves unilatéralement etd’obliger les travailleurs à reprendre le travail.Peine de mortDe nouvelles condamnations à mort ont étéprononcées. Une exécution au moins a été signalée :en février, un homme reconnu coupable du viol et dumeurtre d’un enfant a été passé par les armes àDoubaï. Il s’agissait semble-t-il de la premièreexécution depuis 2008.La sentence capitale prononcée contre 17 Indiensdéclarés coupables de meurtre en 2010 a étéannulée après qu’ils eurent accepté de payer la diya(prix du sang) à la famille de la victime. Ils n’onttoutefois pas été remis en liberté, faute d’accord surle montant à payer.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus aux Émiratsarabes unis en juin pour effectuer des recherches, et en septembre pourobserver le procès des cinq Émiriens jugés pour diffamation.4 Les Émirats arabes unis doivent libérer cinq militants avant lesélections (MDE 25/005/2011).4 United Arab Emirates: Summary trial observation briefing paper on theUAE5 case (MDE 25/008/2011).ÉQUATEURRÉPUBLIQUE DE L’ÉQUATEURChef de l’État et du gouvernement : Rafael Vicente CorreaDelgadoPeine de mort :aboliePopulation :14,7 millionsEspérance de vie :75,6 ansMortalité des moins de cinq ans : 24,2 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 84,2 %Des dirigeants indigènes et des porte-parole de<strong>com</strong>munautés ont fait l’objet de poursuites pénalespour des motifs fallacieux. Les responsables deviolations des droits humains continuaientd’échapper à la justice.ContexteEn juillet, six policiers ont été déclarés coupablesd’atteintes à la sûreté de l’État à la suite demanifestations organisées en septembre 2010 pardes membres des forces de l’ordre qui entendaientprotester contre une baisse de leur traitement. Enmai, le président Correa a obtenu une courte victoirelors d’un référendum en 10 questions, qui incluaitune proposition de réforme du système judiciaire etde réglementation des médias.En février, un tribunal équatorien a condamné la<strong>com</strong>pagnie pétrolière Chevron à payer une amendes’élevant à 18 milliards de dollars des États-Unis pouravoir massivement contaminé le bassin amazonien.L’appel interjeté par Chevron n’avait pas été examinéà la fin de l’année.Droits des peuples indigènesn En juillet, l’Équateur a <strong>com</strong>paru devant la Courinteraméricaine des droits de l’homme dans l’affairedes Quechuas membres de la <strong>com</strong>munauté indigènesarayaku. Le pays était accusé de ne pas avoir respectéle droit de ce peuple à la consultation et à unconsentement préalable, donné librement et enconnaissance de cause, lorsqu’il a autorisé, en 1996,des opérations d’exploration pétrolière sur leurs terrestraditionnelles. La Cour n’avait pas rendu sa décision àla fin de l’année.n En octobre, le pouvoir exécutif a pris un décretautorisant l’armée à intervenir à Chone, une ville de laprovince de Manabí où des <strong>com</strong>munautés indigènesprotestaient contre la construction d’un barrage quirisquait d’entraîner l’expulsion forcée de quelqueEAmnesty International - Rapport 2012103


E1 700 familles. Le lendemain de la promulgation de cedécret, plusieurs centaines de policiers ont investi leslieux, détruisant des terres agricoles à l’aide detracteurs. Une personne a été blessée. Lesmanifestations ont repris par la suite et, trois jours plustard, quatre autres personnes ont été blessées lors desopérations de dispersion des contestataires.Cette année encore, des dirigeants et d’autresmembres de <strong>com</strong>munautés indigènes ont étéaccusés de sabotage, de terrorisme, de meurtre et demise en place illégale de barrages routiers dans lecontexte de manifestations contre les industriesextractives ; ces accusations ont été forgées de toutespièces.n Les dirigeants indigènes José Acacho, PedroMashiant et Fidel Kaniras ont été arrêtés en février àSucúa, dans la province de Morona Santiago, aprèsavoir été inculpés de meurtre, de sabotage et deterrorisme, entre autres charges, à la suite desmanifestations de 2009 contre une loi sur la gestion del’eau. Un manifestant avait été tué et 40 personnes,dont des policiers, avaient été blessées. Les troishommes ont été remis en liberté au bout de sept jours,mais ils demeuraient inculpés à la fin de l’année malgrél’absence d’éléments à charge contre eux.n Des poursuites judiciaires pour sabotage etterrorisme ont été entamées en mai contre lesdirigeants <strong>com</strong>munautaires Carlos Pérez, FedericoGuzmán et Efraín Arpi. Les trois hommes avaientparticipé à une manifestation organisée dans laprovince d’Azuay contre un projet de loi sur la gestionde l’eau. Ils ont bénéficié d’un non-lieu en août, maisont de nouveau été inculpés, cette fois pour mise enplace illégale d’un barrage routier. Carlos Pérez a étécondamné à huit jours d’emprisonnement.n Marco Guatemal, président de la Fédérationindigène et paysanne d’Imbabura, et deux autresmembres de <strong>com</strong>munautés indigènes ont été accusésde terrorisme et de sabotage. Ces charges étaient ellesaussi liées à leur participation à une manifestationcontre la législation sur l’eau. Faute de preuvessuffisantes, les poursuites ont été abandonnéesultérieurement. Marco Guatemal a été arrêté enoctobre après avoir été de nouveau inculpé, cette foispour barrage routier, mais un non-lieu a été prononcéen novembre.Défenseurs des droits humainsEn juillet, le défenseur des droits humains MarlonLozano Yulán, membre de Terre et vie, uneorganisation travaillant sur les questions foncièresauprès des petits paysans et producteurs ruraux, estmort à Guayaquil après que deux inconnus circulantà moto eurent ouvert le feu sur lui. Il avait auparavantfait l’objet de menaces. À la fin de l’année, aucuneavancée n’avait été enregistrée dans l’enquêteouverte sur cet homicide.Le 25 novembre, la responsable indigène etancienne ministre Monica Chuji a été condamnéepour diffamation à un an d’emprisonnement et à uneamende. Elle avait émis dans les médias des critiquesvis-à-vis du gouvernement. Devant le tollé soulevé parsa condamnation, elle a été graciée et son affaire aété classée – elle n’a de ce fait pas eu la possibilité defaire appel de sa condamnation.ImpunitéDans le rapport qu’il a publié en mai, le rapporteurspécial des Nations unies sur les exécutionsextrajudiciaires, sommaires ou arbitraires s’est ditpréoccupé par l’impunité qui prévalait dans lesaffaires d’homicides et d’atteintes aux droits humains<strong>com</strong>mis par des policiers, des hommes de mainarmés, des membres de groupes de défense depaysans, ainsi que par des groupes armés illégaux etl’armée dans la région frontalière de la Colombie.n En juillet, 12 policiers du Groupe de soutienopérationnel, aujourd’hui dissous, ont été jugés pourles actes de torture infligés en 2009 à Karina, Fabricioet Javier Pico Suárez, et pour la disparition forcée deGeorgy Hernán Cedeño. Ils ont été condamnés à despeines allant de deux à 10 mois d’emprisonnement, etont été immédiatement remis en liberté, ayant déjàeffectué leur temps de détention.n Le procureur général a annoncé en octobre leremplacement des magistrats du parquet chargés del’enquête sur la disparition forcée en 1988 des frèresRestrepo, Carlos Santiago et Pedro Andrés, desadolescents d’origine colombienne, parce que lesinvestigations n’avançaient pas.Liberté d’expressionAu nombre des restrictions apportées à la libertéd’expression figurait l’utilisation de poursuites pénalespour diffamation contre des journalistes quicritiquaient le gouvernement ou des représentantslocaux de l’État.n En juillet, un juge a ordonné à trois dirigeantsd’El Universo et à un ancien chroniqueur du journal deverser 40 millions de dollars des États-Unis de104 Amnesty International - Rapport 2012


dommages et intérêts au président Correa pourdiffamation ; les quatre hommes ont en outre étécondamnés à trois ans d’emprisonnement. Le chef del’État avait porté plainte contre eux en mars, un moisaprès la publication d’un article où il était qualifié de« dictateur » et qui laissait entendre qu’il étaitsusceptible de faire l’objet de poursuites pénales à lasuite des troubles de septembre 2010. Les forcesarmées avaient alors porté secours au président, quis’était réfugié dans un hôpital de Quito pour échapper àdes policiers qui protestaient contre les projets debaisse de leur traitement et de suppression de certainsde leurs avantages. L’appel interjeté contre la peineinfligée aux trois dirigeants et au chroniqueur dujournal était en instance devant la Cour nationale dejustice à la fin de l’année.ÉRYTHRÉEÉTAT D’ÉRYTHRÉEChef de l’État et du gouvernement : Issayas AfeworkiPeine de mort :abolie en pratiquePopulation :5,4 millionsEspérance de vie :61,6 ansMortalité des moins de cinq ans : 55,2 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 66,6 %Des restrictions sévères pesaient sur la libertéd’expression et d’association. Les partisd’opposition étaient interdits, tout <strong>com</strong>me lesmédias indépendants, les organisations de lasociété civile et les groupes religieux nonenregistrés. La conscription militaire étaitobligatoire et se prolongeait souvent pour une duréeindéterminée. Plusieurs milliers de prisonniersd’opinion et de prisonniers politiques étaienttoujours victimes de détention arbitraire. Le recoursà la torture, entre autres formes de mauvaistraitements, était fréquent. Les conditions dedétention étaient déplorables. De nombreuxÉrythréens ont fui leur pays cette année encore.ContexteLa région a été frappée par une grave sécheresse, quia laissé plus de 10 millions de personnes dans lebesoin d’une aide urgente. Le gouvernementérythréen refusait de reconnaître que son payssouffrait de la sécheresse et de pénurie alimentaire. Ila refusé l’accès au territoire à des organisationshumanitaires et des agences de secours des Nationsunies.En novembre, les autorités ont informé ladélégation de l’Union européenne (UE) présente dansla capitale, Asmara, qu’elles allaient mettre un termeà tous les programmes de développement de l’UE encours dans le pays.D’après un rapport du Groupe de contrôle del’ONU sur la Somalie et l’Érythrée présenté en juillet,l’Érythrée a participé à la planification d’un attentat àla bombe qui devait être <strong>com</strong>mis lors du sommet del’Union africaine (UA) tenu en Éthiopie en janvier.En décembre, le Conseil de sécurité des Nationsunies a renforcé ses sanctions contre l’Érythrée parceque le pays avait continué de fournir un soutien– financier, en matière d’entraînement et autre – àdes groupes d’opposition armés, notammentAl Shabab ; parce qu’il n’avait pas résolu le différendfrontalier avec Djibouti ; et parce qu’il avait planifié unsabotage du sommet de l’UA. Le Conseil de sécurité ademandé à l’Érythrée de cesser de chercher àdéstabiliser des États, d’en finir avec la « taxe de ladiaspora » imposée aux Érythréens vivant à l’étrangerpour financer la déstabilisation de la région, et de neplus recourir à des menaces de violence et à d’autresmoyens illicites pour percevoir cette taxe. Il aégalement exhorté à la transparence concernantl’utilisation des fonds provenant des activités minièreset a demandé que tous les États fassent preuve devigilance dans leurs relations <strong>com</strong>merciales avecl’Érythrée, de façon à ce que les recettes du pays nesoient pas utilisées pour violer des résolutions duConseil de sécurité.n Deux prisonniers de guerre djiboutiens se sontévadés et ont fui l’Érythrée. Le gouvernement d’Asmaraniait toutefois détenir encore de tels prisonniers depuisles affrontements de 2008 entre les deux pays. Endécembre, les Nations unies ont demandé à l’Érythréede fournir des informations sur tout éventuel<strong>com</strong>battant djiboutien détenu en tant que prisonnier deguerre.Prisonniers d’opinion et prisonnierspolitiquesLe pays <strong>com</strong>ptait plusieurs milliers de prisonniersd’opinion, au nombre desquels figuraient desmilitants politiques, des journalistes, les pratiquantsde certaines religions et des jeunes gens qui s’étaientEAmnesty International - Rapport 2012105


Edérobés à l’appel sous les drapeaux. Aucun d’euxn’avait été inculpé ni jugé pour une infractionquelconque. Les familles de la plupart des prisonniersignoraient tout de leur sort et de l’endroit où ils setrouvaient.n Le gouvernement a refusé de confirmer lesinformations selon lesquelles neuf des 11 personnalitéspolitiques appartenant au « Groupe des 15 » etdétenues arbitrairement depuis 2001 seraient mortesen détention au cours des dernières années.n Selon des informations recueillies en octobre, DawitIsaak, l’un des 10 journalistes indépendants détenusdepuis 2001, pourrait être mort en détention. Il ne setrouvait plus en effet dans la prison où il était incarcéré.Les autorités n’ont pas confirmé ces éléments.n Senay Kifleyesus, un homme d’affaires, a été arrêtéen octobre. L’interpellation ferait suite à un télégrammerendu public par Wikileaks dans lequel il était cité<strong>com</strong>me l’auteur de critiques formulées à l’encontre duchef de l’État.Liberté de religion et de convictionSeuls les fidèles des confessions autorisées par lesautorités, à savoir l’Église orthodoxe érythréenne,l’Église catholique, l’Église luthérienne et l’islam,étaient autorisés à pratiquer leur foi. Des membres degroupes religieux interdits ont, cette année encore,été arrêtés, détenus arbitrairement et maltraités.On estimait que plus de 3 000 chrétiens pratiquantun culte non approuvé par l’État – dont 51 témoins deJéhovah – étaient détenus arbitrairement.n Parce qu’ils avaient refusé l’appel sous les drapeauxpour des raisons de conscience, les témoins deJéhovah Paulos Eyassu, Isaac Mogos et NegedeTeklemariam étaient détenus sans inculpation depuis1994 dans le camp militaire de Sawa.n En mai, 64 chrétiens auraient été arrêtés dans unvillage près d’Asmara. Six ont été libérés mais les58 autres étaient toujours détenus de façon arbitraire.D’après des informations reçues en juin, plus de26 étudiants soupçonnés de pratiquer un culte nonautorisé ont été arrêtés et placés en détention dans unlieu secret. On croyait savoir que la plupart avaient étéconduits dans la prison de Me’eter, où étaientrégulièrement détenus des membres de groupesreligieux interdits.n En novembre, l’évangéliste Mussie Eyob a étérenvoyé en Érythrée après avoir été arrêté pourprosélytisme en Arabie saoudite. On croyait savoir qu’ilétait détenu au secret.n Misghina Gebretinsae, un témoin de Jéhovah, estmort en juillet dans la prison de Me’eter, où il étaitdétenu sans inculpation depuis juillet 2008.n Des informations recueillies en octobre ont fait étatde la mort en détention de trois chrétiens. Deuxfemmes, Terhase Gebremichel Andu et FerewineGenzabu Kifly, seraient mortes au camp militaired’Adersete, dans l’ouest de l’Érythrée, en raison de ladureté des conditions de détention et des mauvaistraitements subis. Elles étaient détenues depuis 2009après avoir été arrêtées au cours d’un rassemblementde prière organisé chez un particulier. AngesomTeklom Habtemichel serait mort des suites depaludisme au camp militaire d’Adi Nefase, à Assab, oùil était détenu arbitrairement depuis deux ans. On luiaurait refusé les soins médicaux que nécessitait sonétat.Conscription militaireLe service national était obligatoire pour tous leshommes et les femmes à partir de l’âge de 18 ans.Tous les lycéens devaient effectuer leur dernièreannée d’études secondaires au camp d’entraînementmilitaire de Sawa ; des enfants âgés de 15 ansseulement auraient été pris dans des rafles etconduits à Sawa.La période initiale du service militaire (18 mois) seprolongeait souvent pour une durée indéterminée.Les conscrits ne percevaient que de faibles soldes,qui ne leur permettaient pas de répondre aux besoinsélémentaires de leur famille. Ceux qui se dérobaient àl’appel ou désertaient risquaient la torture et ladétention sans jugement.Le service obligatoire s’ac<strong>com</strong>pagnait souvent detravaux forcés pour des chantiers publics– construction de routes, notamment – ou de tâchespour des entreprises appartenant à l’armée ou auxélites du parti au pouvoir et dirigées par celles-ci. Lessociétés internationales d’extraction minière qui soustraitaientcertaines activités à ces entreprises étaientainsi susceptibles de recourir à de la main-d’œuvrecontrainte.Torture et autres mauvais traitementsLes conditions de détention étaient déplorables et,dans de nombreux cas, s’apparentaient à une formede traitement cruel, inhumain ou dégradant. Ungrand nombre de prisonniers étaient enfermés dansdes cellules souterraines ou des conteneursmétalliques, souvent installés en plein désert, où106 Amnesty International - Rapport 2012


égnaient des températures extrêmes. Les détenus nerecevaient pas d’alimentation ni d’eau potable enquantité suffisante. De nombreux prisonniers étaientdétenus dans des installations totalementsurpeuplées et insalubres.Les détenus étaient souvent soumis à la torture et àd’autres mauvais traitements. Ils étaient contraintsd’effectuer des activités douloureuses et dégradantes,et étaient attachés avec des cordes dans despositions pénibles durant des périodes prolongées.RéfugiésLe Haut-Commissariat des Nations unies pour lesréfugiés (HCR) estimait que 3 000 Érythréens fuyaientle pays chaque mois, pour la plupart à destination del’Éthiopie ou du Soudan, malgré la stratégie desautorités érythréennes consistant à « tirer pour tuer »sur toute personne surprise en train d’essayer defranchir la frontière. Il s’agissait pour beaucoup dejeunes gens cherchant à échapper à la conscriptionobligatoire qui se prolongeait pour une duréeindéterminée. Les familles de ceux qui quittaient lepays étaient en butte à des représailles – manœuvresde harcèlement, amendes et emprisonnement,notamment.Les demandeurs d’asile érythréens renvoyés deforce dans leur pays risquaient fortement d’êtretorturés et placés arbitrairement en détention. Ungrand nombre de demandeurs d’asile ont malgré toutété renvoyés de force, par un certain nombre de pays.n En juillet, une Érythréenne est morte et une autre aété grièvement blessée lorsque toutes deux ont sautéd’un camion qui les ramenait de force en Érythrée surordre des autorités soudanaises. En octobre, lesautorités soudanaises ont renvoyé contre leur gré plusde 300 réfugiés et demandeurs d’asile érythréens. Cesexpulsions ont coïncidé avec la visite au Soudan duchef de l’État érythréen. Cinq Érythréens détenus auSoudan auraient été emmenés par des soldatsérythréens ; on ignorait ce qu’ils étaient devenus.n En octobre, au moins 83 Érythréens ont été expulsésd’Égypte sans avoir été autorisés à contacter le HCR.Fin octobre, 118 autres Érythréens détenus en Égypterisquaient semble-t-il eux aussi d’être expulsés defaçon imminente. Des représentants diplomatiquesérythréens ont été admis auprès des détenus ; on ademandé à ces derniers de remplir des formulairespour organiser leur retour. Un grand nombre d’entreeux auraient été frappés par les forces de sécuritéparce qu’ils refusaient de <strong>com</strong>pléter ces documents.ESPAGNEROYAUME D’ESPAGNEChef de l’État :Juan Carlos I erChef du gouvernement : José Luis Rodríguez Zapatero,remplacé par Mariano Rajoy le 21 décembrePeine de mort :aboliePopulation :46,5 millionsEspérance de vie :81,4 ansMortalité des moins de cinq ans : 4,1 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 97,7 %Il a été signalé que la police avait eu recours à uneforce excessive durant des manifestations. Lerégime de détention au secret était toujours envigueur pour les personnes soupçonnéesd’infractions liées au terrorisme. La policepratiquait des contrôles d’identité qui ciblaient lespersonnes appartenant à des minorités ethniques.Le groupe armé Euskadi Ta Askatasuna (ETA) aannoncé la fin de la lutte armée.ContexteLe 10 janvier, le groupe armé basque ETA aproclamé, de façon unilatérale, un cessez-le-feupermanent et général. Le 20 octobre, il a annoncé lafin de la lutte armée.À partir du 15 mai, des manifestations dumouvement du 15-M, également appelé mouvementdes « Indignés », ont eu lieu dans de nombreusesvilles du pays. Les manifestants réclamaient deschangements fondamentaux en matière politique etéconomique, et une réforme des politiques sociales,notamment sur les questions de l’emploi, del’éducation et de la santé.Le Parti populaire (PP, conservateur) a obtenu lamajorité absolue lors des élections législatives du20 novembre ; Mariano Rajoy a été élu Premierministre en décembre.Torture et autres mauvais traitementsDes responsables de l’application des lois auraientparfois recouru à une force excessive lors desmanifestations du mouvement des Indignés qui onteu lieu à travers le pays entre mai et août.n Le 27 mai, la brigade antiémeutes de la policeautonome catalane est intervenue pour disperser lesmanifestants qui occupaient la place Catalonia àBarcelone. Des éléments médicaux et desenregistrements vidéo ont corroboré les informationsEAmnesty International - Rapport 2012107


Eselon lesquelles des agents de la brigade auraientfrappé à coups de matraque des manifestants, semblet-ilpacifiques, et auraient tiré des balles en caoutchoucdans leur direction. Les uniformes des fonctionnairesde police étaient apparemment dépourvus dematricule. Le 8 juin, le gouvernement catalan a déclaréqu’il n’était pas nécessaire d’ouvrir une enquête sur lesallégations de recours excessif à la force.n Angela Jaramillo a indiqué que, le 4 août, à Madrid,alors qu’elle se trouvait seule à proximité de lamanifestation se déroulant dans la Calle Castellana,une policière de la brigade antiémeutes l’avait frappéeau visage et aux jambes. Une femme qui lui est venueen aide a déclaré avoir elle aussi été frappée à plusieursreprises à coups de matraque par des policiersantiémeutes. Elle a été blessée au niveau de la nuque,des hanches et des jambes. Toutes deux ont portéplainte contre la police le lendemain.n Le 17 octobre, le tribunal provincial de Barcelone acondamné deux fonctionnaires de la police municipaleà 27 mois de prison pour avoir torturé, en septembre2006, un étudiant originaire de Trinité-et-Tobago. Cesdeux mêmes policiers avaient déjà été impliqués dansdes faits semblables en 2006 : trois hommes avaientdéposé plainte contre eux pour mauvais traitements.Les enquêtes ouvertes sur ces allégations avaienttoutefois été classées sans suite en juillet 2007.En janvier, le gouvernement catalan a abrogé leCode d’éthique de la police, qui portait application duCode européen d’éthique de la police. Le Comitéd’éthique de la police, qui avait pour mission derecueillir et d’examiner les plaintes de particuliers ausujet du <strong>com</strong>portement de fonctionnaires de police,ainsi que d’évaluer le respect du Code d’éthique parles agents, a été suspendu après la démission de laplupart de ses membres.n À la fin de l’année, les deux policiers accusés d’avoirprovoqué la mort d’Osamuyia Akpitaye, décédé en juin2007 lors de son expulsion du territoire espagnol,n’avaient toujours pas été jugés.n En novembre, la Cour suprême a acquitté quatremembres de la Garde civile reconnus coupables, endécembre 2010, par le tribunal provincial deGuipúzcoa d’avoir torturé Igor Portu et Mattin Sarasolale 6 janvier 2008, alors que les deux hommes étaienten garde à vue.n Ali Aarrass, qui possède la double nationalité belgeet marocaine et qui était soupçonné par le Marocd’infractions liées au terrorisme, a été condamné ennovembre à Rabat à 15 ans d’emprisonnement. Il avaitété extradé par les autorités espagnoles vers le Marocen décembre 2010, alors même que des mesuresprovisoires avaient été ordonnées par le Comité desdroits de l’homme [ONU]. Les avocats d’Ali Aarrass enBelgique avaient déclaré à plusieurs reprises que celuiciavait été torturé au cours de son interrogatoire pardes agents des services de sécurité marocains, et qu’iln’avait pas bénéficié d’un procès équitable. Uneplainte a été déposée contre l’Espagne devant leComité des droits de l’homme, qui ne s’était pas encoreprononcé à la fin de l’année.n Mohamed Zaher Asade et Hasan Alhusein, deuxSyriens libérés de prison en septembre 2010 aprèsavoir purgé une peine de huit ans d’emprisonnementpour des infractions liées au terrorisme, étaienttoujours susceptibles d’être expulsés en Syrie alorsqu’ils couraient un risque réel d’y subir des actes detorture et d’autres mauvais traitements. MohamedZaher Asade a interjeté appel de la décisiond’expulsion le concernant, mais sa demande desuspension de l’application de la mesure dans l’attented’une décision définitive a été rejetée. L’arrêtéd’expulsion décerné en août à l’encontre de HasanAlhusein était toujours en suspens à la fin de l’année.Lutte contre le terrorisme et sécurité –détention au secretLes autorités espagnoles ne tenaient toujours pas<strong>com</strong>pte des demandes formulées par les organesinternationaux chargés des droits humains afinqu’elles abandonnent le recours à la détention ausecret pour les personnes soupçonnées d’infractionsliées au terrorisme. Au titre de ce régime, les suspectspouvaient être détenus pendant une période de13 jours, durant laquelle ils ne pouvaient pas choisirleur propre conseil ni s’entretenir en privé avecl’avocat <strong>com</strong>mis d’office qui leur avait été attribué. Ilsne pouvaient pas non plus consulter le médecin deleur choix ni faire informer leur famille de leur sort.n Dans son arrêt sur l’affaire Beristain Ukarc. Espagne, rendu en mars, la Cour européenne desdroits de l’homme a considéré que l’Espagne avait violéla Convention européenne des droits de l’homme. Ellea établi que les autorités espagnoles n’avaient pasmené d’enquête effective sur les allégations demauvais traitements infligés à Aritz Beristain Ukarpendant sa détention au secret, en septembre 2002.n Le 15 février, la Cour suprême a acquitté MohamedFahsi de l’accusation d’appartenance à uneorganisation terroriste qui pesait sur lui et a ordonné108 Amnesty International - Rapport 2012


l’ouverture d’une enquête sur les allégations selonlesquelles il aurait été torturé pendant sa détention ausecret, durant quatre jours, en janvier 2006.n Le 25 janvier, le tribunal provincial de Madrid aordonné l’ouverture d’une enquête sur la plaintedéposée par María Mercedes Alcocer pour actes detorture <strong>com</strong>mis durant sa détention au secret, endécembre 2008. Le 30 mai 2011, la Cour suprême aannulé la condamnation de María Mercedes Alcocerpour collaboration avec un groupe armé, dans la mesureoù le seul élément à charge était une déclaration qu’elleavait faite pendant sa détention au secret.Racisme et discriminationLes personnes appartenant à des minorités ethniquescontinuaient d’être visées lors de contrôles d’identitédiscriminatoires. Les militants de la société civile quis’intéressaient à ces contrôles étaient exposés à despoursuites pour entrave à l’action de la police. Enmars, le Comité pour l’élimination de la discriminationraciale [ONU] a exhorté l’Espagne à mettre fin auxcontrôles d’identité fondés sur le profilage ethnique etracial. À la fin de l’année, les autorités continuaientde nier l’existence de ces pratiques et aucune mesuren’avait été prise pour les éradiquer.En novembre, le gouvernement a approuvé unestratégie de lutte contre le racisme, lesdiscriminations et les autres formes associéesd’intolérance. Un projet de loi sur la lutte contre lesdiscriminations n’a pu être adopté avant les électionslégislatives de novembre.n Deux municipalités de Catalogne, Lleida etEl Vendrell, ont pris des mesures réglementairesinterdisant le port du voile intégral dans les enceintes etles locaux municipaux. Treize autres <strong>com</strong>munes de larégion avaient entrepris d’introduire une interdictionsimilaire. En juin, la Haute Cour de justice de Catalognea approuvé l’interdiction mise en place à Lleida,considérant que le fait de dissimuler son visage allait àl’encontre du principe d’égalité entre hommes etfemmes.n En septembre, le gouvernement catalan a présentéun projet de loi visant à modifier la législation relative àla création de lieux de culte. Il s’agissait de supprimerl’obligation faite aux municipalités de fournir desespaces disponibles pour construire de nouveaux lieuxde culte. Le manque de lieux de culte se faisaitparticulièrement sentir pour les minorités religieuses,notamment les musulmans et les fidèles d’Égliseschrétiennes évangélistes.Violences faites aux femmes et aux fillesSelon les chiffres du ministère de la Santé, de laPolitique sociale et de l’Égalité, 60 femmes ont ététuées par leur partenaire ou ancien partenaire aucours de l’année.n Susana Galeote a été assassinée par son ancienpartenaire en février. Elle avait déposé plainte etdemandé une mesure de restriction à son encontre en2010. Elle avait également demandé à bénéficier duservice d’assistance téléphonique assuré par legouvernement aux victimes de violences liées augenre, mais s’était vu opposer un refus, étantconsidérée <strong>com</strong>me faiblement exposée à un risqued’agression.Une modification introduite en juillet dans la Loirelative aux étrangers a mis les étrangères en situationirrégulière qui portaient plainte pour violences liées augenre à l’abri de l’ouverture d’une procédured’expulsion, tant que l’affaire pénale engagée contrele responsable présumé n’était pas résolue. Dans lecas où une procédure d’éloignement avait déjà étéengagée, elle devait être suspendue dans l’attentedes suites données à la plainte.Réfugiés, demandeurs d’asile etmigrantsSelon des chiffres fournis par le ministère del’Intérieur, le nombre de migrants arrivésclandestinement sur les côtes espagnoles avaitaugmenté.Le Haut-Commissariat des Nations unies pour lesréfugiés (HCR) a indiqué que 3 414 personnesavaient sollicité l’asile en 2011. Seules 326 personnesse sont vu reconnaître la qualité de réfugié ;595 autres ont bénéficié d’une protection subsidiaire.En dépit d’au moins quatre décisions de la HauteCour de justice d’Andalousie reconnaissant le droitdes demandeurs d’asile à se déplacer librement surl’ensemble du territoire espagnol, le ministère del’Intérieur empêchait toujours les personnes ayantdemandé l’asile à Ceuta ou à Melilla de se rendre enEspagne continentale.Disparitions forcéesDans le droit pénal espagnol, la définition de ladisparition forcée en tant que crime contre l’humaniténe répondait toujours pas aux obligations au regarddu droit international, malgré la ratification parl’Espagne de la Convention internationale contre lesdisparitions forcées [ONU].EAmnesty International - Rapport 2012109


ELe juge Baltasar Garzón était toujours sous le coupd’une procédure pour infraction à la loi d’amnistie de1977. Il avait ouvert en 2008 une enquête sur lescrimes <strong>com</strong>mis pendant la guerre civile et sous lerégime franquiste, notamment sur la disparitionforcée, entre 1936 et 1951, de plus de114 000 personnes.n Le 13 avril 2010, des proches de deux victimes dedisparition forcée sous le régime franquiste ont portéplainte en Argentine, au titre de la <strong>com</strong>pétenceuniverselle. Une juge fédérale argentine a demandé augouvernement espagnol si les autorités enquêtaient defaçon active sur les informations faisant état de casd’« élimination physique et de disparition “légalisée”d’enfants, s’ac<strong>com</strong>pagnant d’une perte d’identité »,survenus entre le 17 juillet 1936 et le 15 juin 1977. Legouvernement a répondu en juin aux autoritésjudiciaires argentines que des enquêtes étaient encours en Espagne. L’affaire se poursuivait à la fin del’année.Justice internationaleLes enquêtes ouvertes sur 13 affaires de crimes dedroit international <strong>com</strong>mis en dehors du territoireespagnol à l’encontre de ressortissants espagnols, ouengagées au titre de la <strong>com</strong>pétence universelle,étaient toujours en cours devant l’Audience nationale.Les investigations ne progressaient toutefois que trèslentement et rencontraient des obstaclesconsidérables, <strong>com</strong>me le manque de coopérationd’États tiers.n En juillet, le tribunal d’instruction n° 1 a ajouté lechef de crimes liés au genre aux enquêtes ouvertes surles crimes de génocide, d’actes de terrorisme et detorture perpétrés au Guatemala au cours du conflit quia divisé le pays de 1960 à 1996.n En octobre, le tribunal d’instruction n° 1 a prononcéune mise en accusation contre trois soldats américainsinculpés de la mort, en 2003 à Bagdad, de José Couso,un cameraman de la télévision espagnole. Aucun dessuspects n’avait été jugé à la fin de l’année.Droits en matière de logementLe droit espagnol n’offrait pas d’accès à des recoursjuridiques adaptés et efficaces pour faire appliquerles droits économiques, sociaux et culturels. Iln’existait pas de loi relative à la transparence et àl’accès à l’information en la matière.n En septembre, une famille marocaine en situationrégulière au regard du séjour a été expulsée de force deson domicile de Cañada Real (Madrid). L’éviction a eulieu de nuit, en violation des normes internationales. Lafamille avait reçu un avis d’expulsion mais n’avait pasété consultée sur un éventuel logement deremplacement adapté. Aucune solutiond’hébergement ne lui avait été proposée. Elle avaitformé un recours.Droits des enfantsEn octobre, le médiateur a fait part de sespréoccupations concernant les tests employés pourdéterminer l’âge des mineurs non ac<strong>com</strong>pagnés quipénétraient sur le territoire espagnol. Même lorsqu’unpasseport était produit, on faisait appel au résultat deces tests pour déterminer si les mineurs isoléspouvaient bénéficier de mesures de protection et decertains services.Il n’existait toujours aucune législation conformeaux normes internationales pour encadrer leplacement d’enfants dans les centres spécialisés pourmineurs souffrant de troubles du <strong>com</strong>portement oude difficultés sociales. En septembre, une<strong>com</strong>mission sénatoriale spéciale a indiqué qu’il étaitnécessaire d’apporter les meilleures garanties dans cedomaine, ainsi que de préciser, de définir et decoordonner les responsabilités respectives desdifférentes autorités.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Espagne enmars, avril et novembre.4 Spain: Briefing to the UN Committee on the Elimination of RacialDiscrimination, 78th Session February 2011 (EUR 41/003/2011).4 Espagne. Amnesty International préoccupée par les informationsfaisant état d’un recours excessif à la force par la police contre lesmanifestants (EUR 41/008/2011).4 Espagne. De nouvelles informations font état d’un recours excessif à laforce par la police contre des manifestants (EUR 41/010/2011).4 Espagne. Arrêtez le racisme, pas les gens. Profilage ethnique et contrôlede l’immigration en Espagne (EUR 41/011/2011).110 Amnesty International - Rapport 2012


ÉTATS-UNISÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUEChef de l’État et du gouvernement : Barack H. ObamaPeine de mort :maintenuePopulation :313,1 millionsEspérance de vie :78,5 ansMortalité des moins de cinq ans : 7,8 ‰Quarante-trois hommes ont été exécutés en 2011.Amnesty International demeurait préoccupée par lapersistance de conditions de détention cruelles. Desdizaines d’hommes étaient toujours détenus, pourune durée indéterminée, dans le camp militaireaméricain de Guantánamo. Le gouvernement aannoncé son intention de requérir la peine de mortcontre six de ces prisonniers, qui devaient être jugéspar une <strong>com</strong>mission militaire. À la fin de l’année,quelque 3 000 personnes étaient toujours détenuespar les forces américaines sur la base aérienne deBagram, en Afghanistan. L’utilisation de la forcemeurtrière dans le cadre de la lutte contre leterrorisme était source de profonde préoccupation,tout <strong>com</strong>me les informations persistantes faisantétat d’un recours à une force excessive lorsd’opérations de maintien de l’ordre.Lutte contre le terrorisme et sécuritéDétention à GuantánamoÀ la fin de l’année, près de deux ans aprèsl’expiration du délai fixé par le président BarackObama pour la fermeture du centre de détention deGuantánamo, 171 hommes y étaient toujoursdétenus, dont quatre avaient été déclarés coupablespar une <strong>com</strong>mission militaire.Un prisonnier de la base a été transféré au coursde l’année. Deux détenus afghans sont morts : l’unest décédé de causes naturelles, l’autre se seraitsuicidé. Ces décès portaient à huit le nombre deprisonniers qui seraient morts dans le centre dedétention. Le 31 décembre, le président Obama apromulgué la Loi de prérogatives de la défensenationale pour 2012 qui autorise, entre autres, leplacement de personnes en détention pour une duréeillimitée, sans inculpation ni procès, dans le cadre dela lutte contre le terrorisme.Procès des détenus de GuantánamoLe 4 avril, le ministre de la Justice a annoncé quecinq hommes incarcérés à Guantánamo et accusésde participation aux attentats du 11 septembre 2001– Khalid Sheikh Mohammed, Walid bin Attash, Ramzibin al Shibh, Ali Abd al Aziz et Mustafa al Hawsawi –seraient jugés par une <strong>com</strong>mission militaire. Ilcontredisait ainsi sa propre déclaration de novembre2009, selon laquelle ces cinq hommes<strong>com</strong>paraîtraient devant une juridiction fédéraleordinaire sur le territoire américain. Le ministre arejeté la responsabilité de ce revirement sur desmembres du Congrès qui avaient « imposé desrestrictions empêchant le gouvernement de transféreraux États-Unis les détenus de Guantánamo pourqu’ils y soient jugés, quel que soit le lieu ». D’aprèsdes représentants du parquet, les cinq prisonniersdoivent être condamnés à mort s’ils sont reconnuscoupables. Les procès n’avaient pas encore débuté àla fin de l’année. Avant d’être transférés àGuantánamo en 2006, ces cinq hommes avaient étédétenus au secret par les autorités américaines,pendant quatre ans pour certains d’entre eux, dansdes lieux tenus secrets.En septembre, l’autorité de convocation des<strong>com</strong>missions militaires a renvoyé le Saoudien Abd alRahim al Nashiri devant la justice ; cet homme risqued’être condamné à mort s’il est déclaré coupable. Lesautorités ont affirmé qu’il pourrait être renvoyé endétention pour une durée illimitée en casd’acquittement par la <strong>com</strong>mission militaire, dont leprocès était toujours en instance à la fin de l’année.En février, le Soudanais Noor Uthman Muhammeda plaidé coupable, devant une <strong>com</strong>mission militaire,d’avoir fourni un soutien matériel au terrorisme ; il aété condamné à 14 ans d’emprisonnement. La totalitéde sa peine à l’exception de 34 mois a été assortie dusursis car il a accepté de témoigner en faveur desÉtats-Unis lors de procédures futures devant des<strong>com</strong>missions militaires ou une juridiction fédérale.Le cas de cet homme a porté à six – dont quatreayant plaidé coupable – le nombre de prisonnierscondamnés par une <strong>com</strong>mission militaire depuis2001.Le ressortissant canadien Omar Khadr, arrêté en2002 en Afghanistan par les forces américaines alorsqu’il était âgé de 15 ans, restait détenu àGuantánamo à la fin de l’année. Il avait été condamnéen 2010 à 40 années d’emprisonnement par une<strong>com</strong>mission militaire après avoir plaidé coupable decinq chefs de « crimes de guerre ». Sa sentence a étéramenée par la suite à huit ans. Les gouvernementsaméricain et canadien s’étaient accordés sur le faitd’accepter son transfert au Canada une fois qu’ilEAmnesty International - Rapport 2012111


Eaurait purgé un an de prison sous la responsabilitédes États-Unis. Ce délai a expiré en octobre.Le Tribunal de révision des <strong>com</strong>missions militaires(CMCR) a rendu des avis concernant Salim AhmedHamdan et Ali Hamza Ahmad Suliman al Bahlul,deux Yéménites déclarés coupables par des<strong>com</strong>missions militaires. Dans les deux affaires, leCMCR a confirmé la culpabilité et la sentence.Le Tanzanien Ahmed Khalfan Ghailani, qu’untribunal fédéral de district avait déclaré coupable, ennovembre 2010, de participation aux attentats de1998 contre deux ambassades américaines enAfrique de l’Est, a été condamné en janvier à laréclusion à perpétuité. Avant d’être transféré à NewYork en 2009, Ahmed Ghailani avait été maintenu endétention secrète par l’Agence centrale durenseignement (CIA) pendant deux ans, puis parl’armée américaine à Guantánamo pendant près detrois ans. À la fin de 2011, il était le seul anciendétenu de Guantánamo à avoir été transféré sur leterritoire américain pour <strong>com</strong>paraître devant untribunal fédéral.Personnes détenues par les forces américainesen AfghanistanPlusieurs centaines de personnes étaient incarcéréesdans le centre de détention américain de Parwan,situé sur la base aérienne de Bagram, enAfghanistan. Quelque 3 000 personnes y étaientdétenues en septembre, un nombre environ trois foissupérieur à celui de septembre 2010. Selon le CICR,il s’agissait pour la plupart d’Afghans capturés par lesforces de la coalition dans le sud et l’est del’Afghanistan. Le ministère américain de la Défense aannoncé, en janvier, le début du processus de« transition » visant à faire passer le centre dedétention de Parwan sous le contrôle des autoritésafghanes ; un quartier de la prison a été transféré auministère afghan de la Défense (voir Afghanistan). LePentagone a par ailleurs précisé que les autoritésafghanes avaient organisé plus de 130 procès dansce centre de détention et au Centre de justiceafghane de Parwan, entre juin 2010, date du débutdes procès, et mai 2011.Une procédure était toujours en instance devantune cour fédérale de district sur la question de savoirsi les détenus de Bagram pouvaient contester lalégalité de leur détention devant un tribunalaméricain. En mai 2010, la Cour d’appel fédéraleavait annulé la décision rendue en 2009 par un juged’une juridiction de district qui avait autorisé troisdétenus de Bagram – qui n’étaient pas afghans et quiavaient été arrêtés en dehors de l’Afghanistan – àintroduire une requête en habeas corpus devant sontribunal.Autres détentions et procèsArrêté par les forces américaines dans le golfe d’Adenen avril, le Somalien Ahmed Abdulkadir Warsame aété a été transféré aux États-Unis au début de juilletet inculpé d’infractions liées au terrorisme. Avant cetransfert, il aurait été détenu au secret pendant aumoins six semaines, et dans un lieu tenu secretpendant au moins deux semaines, peut-être plus.Face à l’inquiétude exprimée par AmnestyInternational à propos du traitement infligé à AhmedWarsame avant son transfert, les autorités ont déclaréque le gouvernement américain a toujours affirméqu’il était en guerre avec Al Qaïda et avec les forcesassociées à Al Qaïda, et que toutes les mesureslégales lui étaient permises, y <strong>com</strong>pris le placementen détention, pour vaincre l’ennemi.ImpunitéLes responsables présumés des violations des droitshumains perpétrées dans le cadre du programme dedétentions secrètes et de « restitutions » – transfertsde détenus d’un pays à un autre en dehors de touteprocédure administrative et judiciaire légale – mis enplace par le gouvernement du président GeorgeW. Bush n’avaient toujours pas été amenés à rendre<strong>com</strong>pte de leurs actes.Le 16 mai, la Cour suprême fédérale a refuséd’examiner l’affaire de « restitution » Mohamedc. Jeppesen, ne remettant donc pas en cause lejugement de 2010 par lequel une juridictioninférieure avait classé sans suite la procédureengagée par cinq hommes qui affirmaient avoir étévictimes de disparition forcée, de torture et d’autrestraitements cruels, inhumains ou dégradants alorsqu’ils étaient entre les mains d’agents des États-Unis et d’autres pays, dans le cadre de ceprogramme. Les cinq hommes ont saisi ennovembre la Cour interaméricaine des droits del’homme.Le 30 juin, le ministre de la Justice a annoncé la finde « l’examen préliminaire » des interrogatoiresconduits dans le cadre du programme de la CIA. Il adéclaré avoir accepté la re<strong>com</strong>mandation duprocureur, lequel préconisait « une informationjudiciaire approfondie » sur deux cas de mort endétention, sans garantir de nouvelles investigationssur d’autres cas.112 Amnesty International - Rapport 2012


Dans un avis rendu en octobre, un juge fédéral arefusé de poursuivre la CIA pour atteinte à l’autoritédu tribunal dans une affaire de destruction devidéocassettes contenant des enregistrementsd’interrogatoires de personnes détenues dans lecadre du programme de détention secrète. Cesvidéocassettes, qui renfermaient des preuves del’utilisation de « techniques d’interrogatoire poussé »,notamment le waterboarding (simulacre de noyade),avaient été détruites en 2005, soit plus d’un an aprèsque le tribunal eut ordonné au gouvernement deremettre ou de répertorier les supports concernant letraitement des détenus.Utilisation de la force meurtrièreOussama Ben Laden et plusieurs autres personnesont été tuées le 1 er mai dans une propriété située àAbbottabad, au Pakistan, lors d’une opération menéepar les forces spéciales américaines. Le gouvernementa précisé que l’opération avait été menée en vertu dela théorie américaine d’un conflit armé global entre lesÉtats-Unis et Al Qaïda, dans lequel les États-Unis nereconnaissent pas l’applicabilité du droit internationalrelatif aux droits humains. En l’absence declarifications supplémentaires de la part des autoritésaméricaines, l’homicide d’Oussama Ben Ladensemble avoir été illégal.Anwar al Awlaki, Samir Khan et au moins deuxautres personnes ont été tués au Yémen le30 septembre, à la suite d’un tir de drone américaincontre leur convoi. À la fin de l’année, les autoritésaméricaines n’avaient pas répondu auxpréoccupations exprimées par Amnesty Internationalà propos de ces homicides, qui semblaients’apparenter à des exécutions extrajudiciaires.Utilisation excessive de la forceAu moins 43 personnes sont mortes après avoir ététouchées par des décharges électriques de pistoletsTaser administrés par des policiers, ce qui portait à497 au moins le nombre total de décès survenusdans de telles circonstances depuis 2001. Dans laplupart des cas, les enquêtes sur les causes de lamort menées par les coroners ont conclu à d’autresfacteurs, par exemple des problèmes de santé sousjacents,mais les pistolets Taser ont été considérés<strong>com</strong>me une cause directe ou indirecte dans plus de60 cas. La très grande majorité des personnes mortesn’étaient pas armées et beaucoup ne semblaient pasconstituer une menace grave au moment où elles ontreçu les décharges.En mai, l’Institut national de la justice a publiéson rapport sur les cas de mort faisant suite àl’utilisation d’armes à transfert d’énergie de typeTaser. Le rapport concluait qu’il n’y avait pas de« preuves médicales irréfutables » que l’utilisationde ce type d’armes contre des adultes valides etbien portants faisait courir à ceux-ci un risqueélevé de mort ou de blessure grave. L’étuderelevait toutefois que beaucoup de décès attribuésaux pistolets Taser étaient liés à des déchargesmultiples ou prolongées, et elle a re<strong>com</strong>mandéque cet usage soit évité. Le rapport faisaitégalement observer que les marges de sécuritépouvaient se révéler inopérantes dans le cas dejeunes enfants, de personnes souffrant d’uneaffection cardiaque, de personnes âgées, defemmes enceintes et d’autres « individuspotentiellement fragiles ».Amnesty International a continué d’appeler lesresponsables de l’application des lois à suspendrel’utilisation de telles armes ou à la limiter strictementaux situations de menace immédiate de mort ou deblessure grave.Selon certaines sources, la police aurait eurecours à une force excessive contre desmanifestants qui participaient au mouvementOccupons Wall Street. En octobre et novembre, àOakland (Californie), des policiers qui tentaient dedisperser des manifestants ont été accusés d’avoirtiré sans discrimination du gaz lacrymogène, desballes lestées et des grenades aveuglantes etassourdissantes en direction de foules largementpacifiques, et d’avoir utilisé des matraques ; deuxpersonnes au moins auraient été grièvementblessées. L’affaire était en instance devant unejuridiction civile à la fin de l’année. La police a utilisédu gaz poivre pour disperser des manifestants nonviolents à Tulsa, dans l’Oklahoma, et à Seattle, dansl’État de Washington.Dans des incidents distincts, trois personnes,dont deux adolescents, ont été tuées le long de lafrontière mexicaine par des gardes qui affirmaientavoir été visés par des jets de pierre. Deux desvictimes se trouvaient apparemment sur le territoiremexicain quand les agents ont tiré depuis l’autrecôté de la frontière. L’enquête ouverte par leministère de la Justice sur la mort de Sergio AdriánHernández Güereca, un adolescent de 15 ans tuédans des circonstances analogues en 2010, n’étaitpas terminée à la fin de l’année.EAmnesty International - Rapport 2012113


EConditions carcéralesEn Californie, des milliers de prisonniers ont observéune grève de la faim en juillet, puis en octobre, pourprotester contre la cruauté des conditions de vie dansles quartiers de très haute sécurité de cet État, où lesdétenus sont maintenus à l’isolement. Dans lequartier de très haute sécurité de la prison d’État dePelican Bay, plus d’un millier de détenus étaientenfermés au-delà de 22 heures par jour dans descellules sans fenêtre, y endurant des conditions qu’untribunal avait décrites en 1995 <strong>com</strong>me « susceptiblesd’atteindre l’extrême limite de ce que la plupart desêtres humains sont capables de tolérer sur le planpsychologique ». Au moment de la grève de la faim,plus de 500 prisonniers de Pelican Bay étaientdétenus depuis au moins 10 ans dans ces conditions,et 78 d’entre eux avaient passé 20 ans ou plus dansle quartier de très haute sécurité. Un certain nombrede réformes étaient à l’étude à la fin de l’année, dontune révision des procédures ayant mené auplacement, pour une durée indéterminée, demembres de gangs présumés dans des quartiers detrès haute sécurité. Amnesty International a dénoncé,avec d’autres organisations, les sanctionsdisciplinaires prises contre les grévistes de la faim, etelle a demandé qu’il soit mis fin aux conditions dedétention inhumaines. Des milliers de prisonniersétaient maintenus à l’isolement dans des conditionssimilaires dans d’autres États, dont l’Arizona et leTexas.Bradley Manning, un soldat américain accuséd’avoir transmis des informations à WikiLeaks, a passéles 11 premiers mois de sa détention à l’isolement, àbord d’un vaisseau de la marine à Quantico, enVirginie. Ses conditions de vie se sont améliorées aprèsson transfert, en avril, dans une prison militaire demoyenne sécurité, où il était autorisé à rencontrerd’autres détenus en instance de jugement. Uneaudience préliminaire sur les charges retenues à sonencontre s’est ouverte le 16 décembre.Droits des enfantsEn mars, les États-Unis ont fait savoir au Conseil desdroits de l’homme [ONU] qu’ils s’engageaient en faveurdes objectifs de la Convention relative aux droits del’enfant et acceptaient les re<strong>com</strong>mandations formuléespar d’autres gouvernements lors de l’Examenpériodique universel et visant à ce qu’ils ratifient laConvention. À la fin de l’année ils étaient le seul pays,avec la Somalie, à ne pas avoir ratifié cette Convention.En août, Jordan Brown a été renvoyé devant untribunal pour enfants de Pennsylvanie en vue de sonprocès. Pendant les deux ans et demi précédents, ilavait été exposé au risque d’être jugé <strong>com</strong>me unadulte et d’être condamné à la réclusion à perpétuitésans possibilité de libération conditionnelle, pour uncrime <strong>com</strong>mis alors qu’il était âgé de 11 ans.En novembre, la Cour suprême fédérale a acceptéd’examiner la possibilité d’interdire la réclusion àperpétuité sans possibilité de libération conditionnellepour les auteurs d’homicides âgés de moins de18 ans au moment des faits ; son arrêt n’était pasattendu avant la mi-2012. En 2010, la Cour avaitprohibé l’application de cette peine à des personnesaccusées d’avoir <strong>com</strong>mis des crimes autres quel’homicide alors qu’elles étaient mineures.Droits des migrantsEn septembre, une juge fédérale a suspendu à titretemporaire des parties d’une loi de l’Alabama surl’immigration irrégulière. D’autres dispositions ont étémaintenues, notamment celle qui autorise la policelocale et celle de l’État à contrôler la situation d’unepersonne au regard du séjour lors de simplescontrôles routiers, lorsqu’il existe des « motifsraisonnables » de soupçonner que cette personne esten situation irrégulière. À la fin de l’année, desrecours avaient été formés contre cette loi, la plusstricte de cette nature jamais adoptée dans le pays,par le ministère de la Justice ainsi que par des Égliseset des groupes de défense des libertés civiles. Deslois similaires contre l’immigration adoptées par laGéorgie, la Caroline du Sud, l’Indiana et l’Utah avaientégalement été contestées devant la justice fédérale.Droit à la santé – mortalité maternellePlusieurs centaines de femmes sont mortes au coursde l’année des suites de <strong>com</strong>plications liées à lagrossesse, alors que ces morts auraient pu êtreévitées. Aucune avancée n’a été constatée dans laréalisation des objectifs fixés par le gouvernement envue de réduire la mortalité maternelle, et lesdisparités liées à l’origine ethnique, au lieu derésidence et aux revenus ont persisté. Des projets deloi visant à remédier aux disparités en matière desanté, à accorder des financements aux États pourla mise en place de <strong>com</strong>ités d’étude de la mortalitéet à développer les meilleures pratiques ont étésoumis au Congrès. Aucun n’avait été adopté à la finde l’année.114 Amnesty International - Rapport 2012


Les recours contre la loi de 2010 portant réformedu système de santé étaient toujours en instance.Peine de mortQuarante-trois hommes ont été exécutés au cours del’année, tous par injection létale. Ce chiffre portait à1 277 le nombre total de prisonniers exécutés depuisque la Cour suprême fédérale a levé le moratoire surla peine de mort, en 1976.En mars, l’Illinois est devenu le 16 e Étatabolitionniste. En novembre, le gouverneur del’Oregon a imposé un moratoire sur les exécutions etpréconisé un « réexamen trop longtemps attendu » dusystème d’application de la peine de mort.L’État de l’Idaho a procédé en novembre à sapremière exécution depuis 17 ans.n Eddie Powell a été exécuté le 16 juin dans l’État del’Alabama, en dépit d’éléments indiquant qu’il souffraitd’un degré de « retard mental » rendant son exécutioncontraire à la Constitution.n Humberto Leal García a été exécuté au Texas le7 juillet. Ce ressortissant mexicain avait été privéd’assistance consulaire après son arrestation. Sonexécution constituait par conséquent une violationdu droit international et d’une décisioncontraignante rendue par la Cour internationale dejustice (CIJ).n Troy Davis a été exécuté en Géorgie le 21 septembre,malgré l’existence de sérieux doutes sur la fiabilité desa condamnation. L’exécution de cet homme a eu lieuen dépit des centaines de milliers d’appels en faveurd’une grâce.n Manuel Valle a été exécuté le 28 septembre, enFloride, après 30 ans passés dans le couloir de la mort.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International ont assisté en novembre àcertaines des audiences qui se sont tenues devant des <strong>com</strong>missionsmilitaires à Guantánamo. Des délégations de l’organisation se sontrendues aux États-Unis en février, juillet et novembre. Elles ont notammentvisité des établissements pénitentiaires de très haute sécurité enCalifornie, dont celui de Pelican Bay.4 USA: See no evil: Government turns the other way as judges makefindings about torture and other abuse (AMR 51/005/2011).4 USA: Digging a deeper hole. Administration and Congress entrenchinghuman rights failure on Guantánamo detentions (AMR 51/016/2011).4 États-Unis. Dans certaines prisons fédérales, les conditions dedétention provisoire constituent des traitements cruels(AMR 51/030/2011).4 États-Unis : 100 ans à l’isolement. Les « Trois d’Angola » et leur <strong>com</strong>batpour la justice (AMR 51/041/2011).4 USA: Remedy blocked again: Injustice continues as Supreme Courtdismisses rendition case (AMR 51/044/2011).4 USA: An embarrassment of hitches: Reflections on the death penalty,35 years after Gregg v. Georgia, as states scramble for lethal injectiondrugs (AMR 51/058/2011).4 États-Unis. « C’est ici que je vais mourir ». Des enfants risquent laprison à perpétuité sans possibilité de libération (AMR 51/081/2011).4 États-Unis. Amnesty demande une réforme urgente des quartiers de trèshaute sécurité en Californie après la reprise d’une grève de la faim enprison (AMR 51/085/2011).4 États-Unis. Guantánamo : une décennie d’atteintes aux droits humains.Dix messages contraires aux droits humains que Guantánamo continued’adresser au monde (AMR 51/103/2011).4 USA: Deadly delivery: The maternal health care crisis in the USA: Oneyear update, spring 2011 (AMR 51/108/2011).ÉTHIOPIERÉPUBLIQUE FÉDÉRALE DÉMOCRATIQUE D’ÉTHIOPIEChef de l’État :Girma Wolde-GiorgisChef du gouvernement :Meles ZenawiPeine de mort :maintenuePopulation :84,7 millionsEspérance de vie :59,3 ansMortalité des moins de cinq ans : 104,4 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 29,8 %De très nombreux journalistes et membres del’opposition politique ont été arrêtés et inculpésd’actes de terrorisme, de trahison et d’autresinfractions lors d’une vaste campagne de répressionde la liberté d’expression. Des lois répressivesempêchaient les organisations de défense des droitshumains de mener leurs activités. De vastesétendues de terres ont été louées à des entreprisesétrangères, ce qui a entraîné des déplacementsmassifs des populations locales. La constructiond’un barrage qui risquait d’avoir des répercussionssur la vie d’un demi-million de personnes sepoursuivait.ContexteLe 28 mai, le Front démocratique révolutionnairepopulaire éthiopien (FDRPE) a célébré le20 e anniversaire de son accession au pouvoir. Unemanifestation progouvernementale, à laquelle étaientEAmnesty International - Rapport 2012115


Eobligés d’assister les fonctionnaires, a été organiséedans la capitale, Addis-Abeba. Le gouvernement apris des mesures afin que les manifestationsantigouvernementales pacifiques qui étaient prévuesne puissent avoir lieu.L’Éthiopie a été touchée par la sécheresse qui afrappé la région. De graves pénuries ont été signalées,en particulier dans les régions somalie et d’Oromia.Les échauffourées se sont poursuivies entre lesforces gouvernementales et les groupes d’oppositionarmés dans plusieurs endroits du pays, notammentdans les régions somalie, d’Oromia, afar et du Tigré.Des élections ont eu lieu en février en vue depourvoir plusieurs milliers de postes au sein desconseils de district, locaux et municipaux.L’opposition a déclaré qu’elle boycottait le scrutin,alléguant que l’issue en était déterminée d’avance.L’armée éthiopienne a fait des incursions sur leterritoire somalien en novembre et décembre.Liberté d’expressionLes autorités ont recouru à des inculpations pénaleset à des accusations de terrorisme pour faire taire lesvoix dissidentes. Un grand nombre de journalistesindépendants et de membres de partis d’oppositionont été arrêtés sous l’accusation d’infractions liées auterrorisme. Ces arrestations intervenaientgénéralement après la publication d’articles critiquantle gouvernement ou à la suite d’appels en faveur deréformes ou de demandes d’autorisation demanifestation. Un certain nombre de détenus ont étéprivés de leur droit d’être en contact sans délai avecun avocat et avec leur famille.n En mars et en avril, au moins 250 membres etsympathisants de partis d’opposition oromos – leMouvement démocratique fédéraliste oromo et leCongrès du peuple oromo – ont été appréhendés dansl’ensemble de la région d’Oromia. Beaucoup étaientd’anciens élus, au Parlement national ou à l’assembléerégionale. Certains auraient été victimes de disparitionforcée après leur arrestation.n En juin, deux journalistes, Woubshet Taye et ReyotAlemu, et deux membres du Parti démocratiquenational éthiopien (opposition), Zerihun Gebre-Egzabher et Dejene Tefera, ont été arrêtés.n En juillet, les journalistes suédois Martin Schibbye etJohan Persson ont été interpellés dans la régionsomalie. Ils avaient pénétré clandestinement sur leterritoire éthiopien pour effectuer un reportage sur leconflit dans la région.n En août et en septembre, neuf membres duMouvement démocratique fédéraliste oromo et duCongrès du peuple oromo ont été appréhendés. Deuxd’entre eux – Bekele Gerba et Olbana Lelisa – ont étéarrêtés quelques jours après avoir rencontré desdélégués d’Amnesty International.n En septembre, au moins sept membres de partisd’opposition et deux journalistes ont été interpellés.Deux anciens prisonniers d’opinion, Eskinder Nega etAndualem Arage, figuraient parmi eux.En novembre, 107 des journalistes et opposantsmentionnés ci-dessus avaient été inculpésd’infractions liées au terrorisme. Six autresjournalistes, deux membres de l’opposition et undéfenseur des droits humains – tous en exil – ont étéinculpés. Toutes ces personnes étaientmanifestement poursuivies en raison de leursactivités, pourtant pacifiques et légitimes. Endécembre, Martin Schibbye et Johan Persson ont étécondamnés à 11 ans d’emprisonnement.Un journaliste a fui le pays en septembre aprèsavoir été convoqué pour interrogatoire par desreprésentants du gouvernement et des policiersfédéraux. La convocation faisait suite à la diffusionpar Wikileaks d’un télégramme dans lequel il étaitcité. En novembre, le journal indépendant AwrambaTimes a fermé sur décision des autorités ; deuxjournalistes ont fui le pays après avoir été menacésd’arrestation.En mai, des représentants de l’État et desresponsables de syndicats de la presse contrôlés parle gouvernement ont interrompu une manifestationorganisée par l’UNESCO pour célébrer la Journéemondiale de la liberté de la presse. Ils ont exclu desjournalistes indépendants et mis en place unmodérateur appartenant à l’organisme public deradiodiffusion.De nombreuses stations de radio, chaînes detélévision par satellite, sites d’information en ligne etsites Internet d’organisations de défense des droitshumains ont été bloqués, dont Al Jazira, Voice ofAmerica, la chaîne satellite ESAT, le site d’informationAddis Neger et le site web d’Amnesty International.Arrestations et détentions arbitrairesPlusieurs centaines d’Oromos accusés de soutenir leFront de libération oromo (FLO) ont été arrêtés. Lesdroits des détenus n’étaient souvent pas respectés.Un grand nombre de ces personnes étaient détenuesarbitrairement, sans inculpation ni jugement.116 Amnesty International - Rapport 2012


n En avril, de nombreux étudiants auraient été arrêtésdans les universités de Jimma, Haromaya et Nekemte.Certains s’étaient élevés contre des arrestationssurvenues dans la région d’Oromia.n En décembre, 135 Oromos, notamment desmembres du Mouvement démocratique fédéralisteoromo et du Congrès du peuple oromo, ont été arrêtés.De nombreux civils soupçonnés de soutenir leFront de libération nationale de l’Ogaden (FLNO)auraient également été arrêtés et placésarbitrairement en détention dans la région somalie.Des cas de torture et d’exécutions extrajudiciaires dedétenus étaient régulièrement signalés.On croyait savoir qu’un grand nombre d’Oromos etde Somalis arrêtés au cours des années précédentesétaient toujours détenus arbitrairement dans leursrégions respectives, ainsi qu’à Addis-Abeba. En raisondu manque de transparence, il était impossible devérifier le nombre réel de personnes en détention.n Un employé éthiopien des Nations unies qui avaitété arrêté fin 2010 était toujours détenu arbitrairementà Jijiga. Il s’agissait selon toute apparence d’unemanœuvre visant à contraindre au retour son frère,accusé d’implication au sein du FLNO et exilé auDanemark.Torture et autres mauvais traitementsLes informations recueillies faisaient régulièrementétat d’actes de torture en détention.Une grande partie des 107 opposants etjournalistes dont le cas est évoqué plus haut ontdéclaré avoir subi des tortures et d’autres mauvaistraitements lors de leurs interrogatoires au centre dedétention de Maikelawi. Des détenus ont signalé avoirété frappés (notamment avec des bouts de câble, desobjets métalliques et des meubles), suspendus parles poignets, privés de sommeil et maintenus àl’isolement ou dans l’obscurité <strong>com</strong>plète pendant despériodes prolongées. Beaucoup ont indiqué avoir étécontraints de signer des « aveux » et d’autresdocuments ensuite utilisés à titre d’éléments depreuve contre eux.L’utilisation de lieux de détention clandestins aégalement été signalée au cours de l’année ; desdétenus y auraient été passés à tabac et soumis àd’autres formes de mauvais traitements.Défenseurs des droits humainsLes organisations de défense des droits humainsavaient beaucoup de mal à fonctionner, <strong>com</strong>pte tenudes restrictions imposées à leurs activités par laProclamation de 2009 sur les associations et lesorganismes caritatifs.En février, le Conseil de l’Agence des associationset organismes caritatifs a maintenu sa décision degeler les <strong>com</strong>ptes bancaires des deux principalesorganisations éthiopiennes de défense des droitshumains, le Conseil des droits humains etl’Association des avocates éthiopiennes. Les deuxstructures ont formé un recours devant la Haute Cour.En octobre, celle-ci a confirmé la décision du Conseilde l’Agence des associations et organismes caritatifsdans l’affaire concernant le Conseil des droitshumains.Expulsions forcéesPlusieurs dizaines de milliers de personnes ont étédéplacées lors d’expulsions forcées dans les régionsdes Nations, nationalités et peuples du Sud, deGambéla, d’Oromia, du Tigré et somalie. Un certainnombre de personnes qui dénonçaient les expulsionsforcées ont été arrêtées.En février, le ministre de l’Agriculture a annoncéque le gouvernement avait réservé 3,9 millionsd’hectares de terres agricoles pour la location à desinvestisseurs étrangers, dont 800 000 hectares dansla région de Gambéla. De vastes superficies ont defait été cédées dans cette région, provoquant desdéplacements de grande ampleur et d’importantesopérations de déforestation.En février également, 15 000 habitants du Gambélaauraient été réinstallés dans des villages tout justeconstruits. Il s’agissait de déplacer un total de45 000 foyers (environ 225 000 personnes) sur unepériode de trois ans. Le gouvernement a indiqué quele programme relatif à l’aménagement de ces villagesétait sans lien avec les locations de terres, maiss’inscrivait dans le cadre d’un projet distinct, destinéà améliorer l’accès aux équipements de base. Il aégalement affirmé que la majorité des personnesavaient été réinstallées de leur plein gré. La plupartdes informations qui ont circulé indiquaientcependant que les habitants avaient été évacués deforce. De plus, les <strong>com</strong>modités et les infrastructurespromises faisaient cruellement défaut dans cesnouveaux « villages », tout <strong>com</strong>me les moyens desubsistance.Dans le cadre de mesures prises pour lutter contrela corruption, 5 000 habitants de Mekele, dans leTigré, ont reçu en avril l’ordre de démolir leurEAmnesty International - Rapport 2012117


Elogement car les terres sur lesquelles ils se trouvaientavaient été louées illégalement par des fonctionnairescorrompus. En réaction aux protestations deshabitants, la police aurait lancé des gaz lacrymogèneset arrêté environ 400 manifestants. Si la plupart ontété remis en liberté, cinq femmes soupçonnéesd’avoir organisé les manifestations auraient étévictimes de disparition forcée. Les destructionsd’habitations ont continué en mai, privant de toitquelque 15 000 personnes.La construction du barrage Gibe III s’est poursuiviesur l’Omo. En septembre, le Comité pour l’éliminationde la discrimination raciale [ONU] a demandé àl’Éthiopie de fournir des renseignements sur lesmesures prises pour réaliser une étude indépendanteconcernant les effets négatifs de ce projet sur lesmoyens de subsistance des habitants, et de consulterde façon appropriée ces populations. Selon desexperts, la construction du barrage pourrait entraînerle déplacement d’environ 200 000 personnes dans lavallée de l’Omo et de plusieurs centaines de milliersd’autres au Kenya. Le barrage pourrait égalementprovoquer de graves problèmes écologiques, menacerdeux sites inscrits au Patrimoine mondial et mêmedéclencher un conflit transfrontalier. En octobre, unecentaine d’habitants indigènes auraient été arrêtésparce qu’ils s’opposaient à sa construction.En octobre, 60 personnes de la région des Nations,nationalités et peuples du Sud auraient étéappréhendées après avoir déposé un recours auprèsdu Premier ministre concernant des confiscations deterres par l’administration régionale.Conflit dans la région somalieLes échauffourées se sont poursuivies dans lecontexte du conflit opposant de longue date le FLNOet les forces gouvernementales.Ces dernières et les milices locales qui leur sontalliées auraient continué de <strong>com</strong>mettre des violationsdes droits humains, dont des exécutionsextrajudiciaires, des arrestations massives et desdétentions arbitraires, des actes de torture et desviols. Selon des informations recueillies en octobre,l’armée était en train de réinstaller de force plusieursmilliers de personnes pour des opérations deprospection pétrolière. De nombreuses informationsétaient impossibles à vérifier, en raison desrestrictions extrêmes imposées aux journalistesindépendants et aux observateurs, notamment desdroits humains, qui souhaitaient accéder à la région.En mai, un employé des Nations unies a été tué etdeux autres ont été enlevés dans la région, semble-t-ilpar le FLNO. Un employé des Nations unies quinégociait avec le FLNO pour obtenir la libération deces hommes a été arrêté et inculpé d’infractions liéesau terrorisme.RéfugiésL’Éthiopie abritait plus de 250 000 réfugiés originairesdes pays voisins. Parallèlement, le gouvernementdemandait le retour forcé de certains Éthiopiensréfugiés à l’étranger.Le pays continuait d’accueillir un grand nombre deréfugiés en provenance de l’Érythrée voisine, ainsique des Érythréens renvoyés de force d’autres pays– dont 212 au moins avaient été expulsés d’Égypte.Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont gagnél’Éthiopie après avoir fui la crise humanitaire enSomalie et les <strong>com</strong>bats dans l’État soudanais du Nilbleu. De nouveaux camps de réfugiés ont été ouvertspour faire face à ces arrivées massives.Des réfugiés éthiopiens ont été renvoyés de forcedans leur pays par le Soudan, Djibouti et leSomaliland, tous semble-t-il à la demande dugouvernement éthiopien. Ils risquaient d’être arrêtésarbitrairement et torturés.Violences inter<strong>com</strong>munautairesEn mars, des heurts ont éclaté entre musulmans etchrétiens à Jimma, dans la région d’Oromia, à la suitede la profanation présumée d’un exemplaire duCoran. Une personne a été tuée, au moins 34 égliseschrétiennes et 16 habitations ont été incendiées etplusieurs milliers d’habitants ont dû quittertemporairement leur foyer. Le gouvernement a signaléque 130 personnes avaient été inculpées d’incitationà la haine religieuse et à la violence.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Éthiopie enaoût mais ils ont été expulsés du pays.4 Justice under fire: Trials of opposition leaders, journalists and humanrights defenders in Ethiopia (AFR 25/002/2011).4 Ethiopia: Submission to the United Nations Human Rights Committee(AFR 25/003/2011).4 Ethiopia: Briefing to the UN Committee on the Elimination ofDiscrimination against Women (AFR 25/004/2011).4 Dismantling dissent: Intensified crackdown on free speech in Ethiopia(AFR 25/011/2011).118 Amnesty International - Rapport 2012


FIDJIRÉPUBLIQUE DES ÎLES FIDJIChef de l’État :Ratu Epeli NailatikauChef du gouvernement : Josaia Voreqe BainimaramaPeine de mort : abolie sauf pour crimes exceptionnelsPopulation :0,9 millionEspérance de vie :69,2 ansMortalité des moins de cinq ans : 17,6 ‰Le régime militaire, toujours en place, continuait derestreindre sérieusement la liberté d’expression,d’association et de réunion pacifique. Des cas detorture et d’autres mauvais traitements ont étérégulièrement signalés. Des détracteurs dugouvernement, des syndicalistes et certains chefsreligieux ont été détenus pour de courtes périodes,menacés, soumis à des manœuvres d’intimation ouattaqués. La violence domestique et sexuelle contreles femmes et les enfants demeurait très répandue.Liberté d’expression, d’association et deréunionLes dispositions relatives aux situations d’urgence,promulguées en 2009, sont restées en vigueur et ontété utilisées pour restreindre la liberté d’expression etde réunion pacifique.n En juillet, la police a interrogé et tenté d’intimiderVirisila Buadromo, directrice exécutive duMouvement fidjien pour les droits des femmes, aumotif qu’elle n’avait pas demandé d’autorisation autitre de ces dispositions pour organiser une réunioninterne de planification. La police a ensuite disperséla réunion.n Début août, Daniel Urai, président du Congrès dessyndicats de Fidji (FTUC), et Dinesh Gounder, membredu syndicat de l’hôtellerie, ont été arrêtés. Ils ont étéinculpés au titre des dispositions relatives auxsituations d’urgence pour avoir organisé une réunionsans autorisation, avant d’être libérés sous caution.n En août également, la police a annoncé que leshindous devraient demander une autorisation en vertude ces mêmes dispositions pour tout rassemblementreligieux de plus de 10 personnes.D’autres membres de la société civile ont, euxaussi, subi des restrictions de leurs droits à la libertéd’association et de réunion pacifique.n La conférence annuelle de l’Église méthodiste a étéinterdite en août après que ce courant religieux eutrefusé d’accéder aux demandes des autoritésréclamant la démission d’un certain nombre de sesdirigeants. Les autorités avaient auparavant autorisé latenue de la conférence, pour la première fois depuisquatre ans.n Le 15 août, la police a annulé une autorisationdélivrée au Conseil national du FTUC pour qu’ilorganise son assemblée ordinaire à Nadi.n En novembre, le Conseil de la province de Rewa aété frappé d’une interdiction de se réunir après que saprésidente, Ro Teimumu Kepa, eut critiqué le coupd’État de décembre 2006.n Deux dirigeants syndicaux, Daniel Urai et FelixAnthony, ont été arrêtés en novembre. Daniel Urai a étéaccusé d’avoir dégradé des bâtiments publics de lacapitale en y inscrivant des graffitisantigouvernementaux. Il a été inculpé de sédition pouravoir « incité à la violence politique », puis libéré souscaution. Felix Anthony a été libéré sans inculpation.Torture et autres mauvais traitementsn En février, Felix Anthony et Maika Namudu ont étédétenus brièvement et, semble-t-il, battus par desmilitaires à la caserne Queen Elizabeth.n Les militaires ont détenu Sam Speight du 21 au24 février et l’auraient roué de coups jusqu’à ce qu’ilperde connaissance. Cet homme était ministre au seindu gouvernement de Laisenia Qarase, renversé en2006. Il s’est rendu en Australie pour faire soigner sesblessures et y a demandé l’asile par la suite.n En mai, Tevita Mara, ancien <strong>com</strong>mandant du3 e bataillon d’infanterie et membre du conseil militaire,a obtenu l’asile aux Tonga. Il a indiqué que le Premierministre Frank Bainimarama (ainsi qu’il estgénéralement appelé) et d’autres membres du conseilmilitaire avaient violemment battu des militants desdroits humains en décembre 2006.n En septembre, le syndicaliste Kenneth Zinck asollicité l’asile en Australie après que lui et l’un de sesproches eurent été harcelés par des membres desforces de sécurité. Il a affirmé qu’il avait été arrêté ettorturé à trois reprises depuis 2006.Violences faites aux femmes et auxenfantsSelon le Centre de crise pour les femmes de Fidji, lesviolences domestiques ont augmenté entre 2010 et2011. D’après la police, le nombre de plaintes pourviol, tentative de viol ou violence domestique s’estnettement accru au troisième trimestre de l’année parrapport à la même période en 2010. Une hausse deFAmnesty International - Rapport 2012119


Fla violence sexuelle au sein de la famille à l’encontredes filles et des garçons a également été signalée.Droits des travailleursLe Décret de 2011 relatif à l’emploi dans lesindustries nationales clés est entré en vigueur enseptembre. Il a restreint les droits à la négociationcollective, limité fortement le droit de grève, interdit lepaiement des heures supplémentaires et annulé lesconventions collectives existantes pour les travailleursde secteurs clés de l’économie <strong>com</strong>me l’industriesucrière, l’aviation et le tourisme.FINLANDERÉPUBLIQUE DE FINLANDEChef de l’État :Tarja HalonenChef du gouvernement : Mari Kiviniemi, remplacée parJyrki Katainen le 22 juinPeine de mort :aboliePopulation :5,4 millionsEspérance de vie :80 ansMortalité des moins de cinq ans : 3,2 ‰De nouvelles informations ont été révélées sur laparticipation possible de la Finlande auxprogrammes de « restitution » et de détentionsecrète conduits par les États-Unis. Lesdemandeurs d’asile dont le dossier faisait l’objetd’une procédure d’examen accélérée nebénéficiaient pas d’un traitement équitable, et bonnombre d’entre eux étaient placés en détentiondans des structures inappropriées. Les servicesproposés aux femmes et aux filles victimes deviolences demeuraient insuffisants.Réfugiés, migrants et demandeurs d’asileLes procédures accélérées d’examen des demandesd’asile prévues dans la loi relative aux étrangersn’offraient toujours pas de protection suffisante auxdemandeurs, notamment parce qu’il n’existait pas dedroit de recours suspensif leur permettant de resterdans le pays le temps de la procédure.En janvier, après un arrêt de la Cour européennedes droits de l’homme ayant jugé que la Grèce n’avaitpas de système d’asile efficace, la Finlande a cesséde renvoyer des demandeurs vers ce pays au titre duRèglement Dublin II (voir Grèce).En revanche, les renvois forcés à Bagdad ontrepris, malgré le risque réel de persécutions ou autrespréjudices graves qu’encouraient les personnesexpulsées à leur retour en Irak.Les autorités finlandaises n’ont pas été enmesure de fournir des statistiques exhaustives etfiables sur le nombre de migrants en situationirrégulière et de demandeurs d’asile placés endétention au cours de l’année. Le fait que bonnombre de ces personnes étaient incarcérées dansdes locaux de la police, contrairement à ce queprévoient les normes internationales, était un sujetde préoccupation. Dans ces cas, il arrivait souventque les hommes et les femmes ne soient passéparés, et qu’ils soient enfermés avec dessuspects de droit <strong>com</strong>mun. Des demandeursd’asile mineurs, y <strong>com</strong>pris des enfants nonac<strong>com</strong>pagnés, ont également été placés endétention.Dans un rapport daté de juin, le Comité contrela torture [ONU] a noté avec préoccupation quecertains articles de la loi relative aux étrangersautorisaient la détention à titre préventifd’étrangers soupçonnés d’avoir <strong>com</strong>mis uneinfraction.Violences faites aux femmes et aux fillesLes services mis en place pour les personnes quisubissaient des violences demeuraient insuffisants,notamment parce qu’aucune législation n’imposaitaux municipalités d’aider les victimes. Avecseulement deux centres d’aide aux victimes de viol eten l’absence de structures d’assistance où lesvictimes peuvent se présenter spontanément, il étaitimpossible de répondre à tous les besoins.En outre, <strong>com</strong>me les structures destinées auxvictimes de violences domestiques étaient financéespar les services de protection de l’enfance, ellesaccueillaient principalement des mères avec enfantset n’étaient pas accessibles aux femmes souffrant detroubles mentaux. Beaucoup de personnesvulnérables se trouvaient ainsi exposées au risque desubir de nouvelles violences.Des voix se sont élevées pour dénoncerl’insuffisance de la dotation de 14 millions d’eurosproposée pour le plan national d’action contre laviolence à l’égard des femmes qui avait été adopté en2010. Des organisations de la société civile ont faitvaloir que ce budget ne permettrait pas une mise enœuvre <strong>com</strong>plète et efficace du plan.120 Amnesty International - Rapport 2012


Lutte contre le terrorisme et sécuritéDe nouvelles informations ont été mises au jourconcernant plusieurs avions ayant atterri en Finlandeentre 2001 et 2006 dans le cadre des programmesde « restitution » et de détention secrète menés parles États-Unis. L’un des appareils, photographié àl’aéroport d’Helsinka-Vantaa le 20 septembre 2004,se serait posé en Lituanie le même jour. Les autoritéslituaniennes ont reconnu que la CIA avait installédeux sites secrets dans leur pays entre 2002 et 2004.La responsabilité de la Finlande avait déjà étéévoquée au sujet de trois vols de « restitution » et de« plans de vol fictifs ».Justice internationaleEn septembre s’est ouvert le procès de FrancoisBazaramba devant la cour d’appel d’Helsinki ; enpremière instance, cet homme avait été jugécoupable de crimes de génocide <strong>com</strong>mis au Rwandaen 1994. La cour s’est déplacée au Rwanda et enTanzanie pour faciliter l’audition de certains témoinset permettre aux juges de se rendre sur les lieux enrapport avec l’affaire.Prisonniers d’opinionCette année encore, des objecteurs de conscience auservice militaire ont été emprisonnés parce qu’ilsrefusaient d’effectuer un service civil deremplacement, service dont la durée continuait d’êtrediscriminatoire et punitive. Elle demeurait de362 jours, soit plus du double de celle du servicemilitaire le plus court (180 jours).Visites et documents d’AmnestyInternational4 Finlande. Une enquête plus poussée doit être menée sur les vols affrétéspar les États-Unis pour effectuer des « restitutions » (EUR 20/001/2011).FRANCERÉPUBLIQUE FRANÇAISEChef de l’État :Nicolas SarkozyChef du gouvernement :François FillonPeine de mort :aboliePopulation :63,1 millionsEspérance de vie :81,5 ansMortalité des moins de cinq ans : 3,9 ‰La nouvelle institution du Défenseur des droits estentrée en fonction. Les enquêtes sur des allégationsde torture et d’autres mauvais traitements, y<strong>com</strong>pris des cas de mort aux mains de la police,restaient insuffisantes. Cette année encore, desRoms ont été expulsés de force de là où ils vivaient.Une loi interdisant le port dans l’espace public detoute tenue destinée à dissimuler le visage estentrée en vigueur. De nombreux demandeurs d’asileétaient sans abri et démunis.Évolutions législatives, constitutionnellesou institutionnellesLe nouveau Défenseur des droits, une institution quiremplaçait le Médiateur de la République, laCommission nationale de déontologie de la sécurité(CNDS), la Haute autorité de lutte contre lesdiscriminations et pour l’égalité (HALDE) et le Défenseurdes enfants, a été nommé en juin. On craignait toujoursque le Défenseur des droits éprouve des difficultés àmaintenir les niveaux d’expertise et d’indépendancenécessaires pour remplir ces différentes fonctions.Une nouvelle loi relative à la garde à vue est entréeen vigueur le 1 er juin. Elle prévoit le droit à l’assistanced’un avocat tout au long de la garde à vue et au coursdes interrogatoires, ainsi que la notification à lapersonne gardée à vue de son droit de conserver lesilence. Le procureur peut toutefois, pour « desraisons impérieuses », retarder la présence de l’avocatpendant une durée maximale de 12 heures ; lesentretiens des gardés à vue avec leur avocat restaientlimités à une demi-heure et le régime dérogatoire pourles personnes soupçonnées d’implication dans desinfractions ayant trait au terrorisme ou liées au crimeorganisé, selon lequel l’intervention de l’avocat peutêtre différée pendant 72 heures, est resté en vigueur.Torture et autres mauvais traitementsLe Code pénal ne <strong>com</strong>portait toujours pas unedéfinition de la torture conforme à celle énoncée parFAmnesty International - Rapport 2012121


Fla Convention contre la torture. Les allégations demauvais traitements infligés par des agents de laforce publique ne faisaient pas toujours l’objetd’enquêtes effectives, indépendantes et impartiales,menées dans les meilleurs délais.n Prévu pour mars 2011, le procès d’Arezki Kerfali,inculpé d’outrage à agent de la force publique – uneaccusation qu’il nie – a été reporté à mars 2012. Laplainte pour mauvais traitements déposée contre lespoliciers qui l’avaient interpellé et conduit au<strong>com</strong>missariat avec son ami Ali Ziri le 9 juin 2009 n’apas donné lieu à l’ouverture d’une informationjudiciaire. Ali Ziri était mort le lendemain (voir plus loin)et les blessures subies par Arezki Kerfali durant sagarde à vue lui ont valu huit jours d’incapacité detravail. Il souffrait toujours d’un profond traumatismepsychologique à la fin de l’année.n La plainte de Lamba Soukouna pour mauvaistraitements infligés par des policiers le 8 mai 2008 a étéexaminée par une juge d’instruction en septembre. Cethomme qui souffre de drépanocytose, une maladiegénétique grave, affirme avoir été roué de coups pardes policiers devant chez lui à Villepinte, dans labanlieue de Paris. Il a dû être hospitalisé trois jours à lasuite de cet épisode. Une enquête était toujours encours à la fin de l’année.Morts aux mains de la policeLes enquêtes sur les cas de mort aux mains de lapolice ne progressaient toujours que lentement ; leurindépendance restait par ailleurs sujette à caution.n En avril, des examens <strong>com</strong>plémentaires ontconfirmé que la mort d’Ali Ziri, 69 ans, était due à unépisode hypoxique en rapport avec des manœuvresd’immobilisation et des vomissements répétésintervenus alors qu’il était aux mains de la police, le9 juin 2009. En décembre, le procureur de Pontoise arequis un non-lieu, bien que les policiers qui avaientprocédé à l’interpellation d’Ali Ziri et d’Arezki Kerfali etles avaient conduits au <strong>com</strong>missariat d’Argenteuiln’aient pas été entendus.n Une reconstitution de la garde à vue d’Abou BakariTandia au <strong>com</strong>missariat de Courbevoie dans la nuit du5 au 6 décembre 2004 a eu lieu en avril. Tombé dans le<strong>com</strong>a alors qu’il se trouvait dans les locaux de la police,Abou Bakari Tandia est mort à l’hôpital le 24 janvier2005. En juin 2011, un nouveau rapport délivré parl’Institut médicolégal de Paris a confirmé que lacontention thoracique effectuée par un policier était àl’origine de la privation d’oxygène ayant entraîné la mortde cet homme. En décembre, cependant, la juged’instruction a ordonné une sixième expertise médicaleafin de déterminer les causes de la mort. L’avocat de lafamille a alors demandé que l’affaire soit transféréedans une autre juridiction. À la fin de l’année 2011, lepolicier qui avait immobilisé Abou Bakari Tandia n’avaitpas été entendu et était toujours en poste.n Une reconstitution de l’interpellation de MohamedBoukrourou, mort dans un fourgon de police le12 novembre 2009 à Valentigney, a eu lieu en avril. Unrapport d’autopsie avait relevé des lésions semblantavoir été causées par des tiers et avait conclu qu’unedéfaillance cardiaque était probablement à l’origine desa mort. Le rapport demandait des examens médicaux<strong>com</strong>plémentaires pour clarifier les circonstances de lamort de Mohamed Boukrourou. Les quatre policiersqui avaient procédé à l’arrestation n’avaient pas été misen examen à la fin de l’année. En décembre, leDéfenseur des droits a conclu que MohamedBoukrourou avait été soumis à « un traitementinhumain et dégradant » et a réclamé l’ouverture d’uneprocédure disciplinaire contre les quatre policiers.n En octobre, le procès de sept policiers impliquésdans l’interpellation et le transfert d’Abdelhakim Ajimi,mort pendant son interpellation à Grasse en mai 2008,a été fixé à janvier 2012. Deux policiers devaient êtrejugés pour homicide involontaire et cinq autres pournon-assistance à personne en danger.n L’enquête sur les circonstances de la mort deLamine Dieng lors de son interpellation le 17 juin 2007à Paris n’a pas progressé. Une confrontation de lafamille avec les policiers mis en cause devait avoir lieuen octobre, afin que les enquêteurs disposentd’éléments supplémentaires pour décider s’il y avaitlieu d’engager des poursuites. Elle a toutefois étéannulée pour la deuxième fois, sans explication, etaucune nouvelle date n’a été fixée. Lamine Dieng avaitété immobilisé par des policiers dans la rue, puis dansun fourgon de police, où il avait perdu connaissance etétait mort par asphyxie mécanique. Les policiersimpliqués continuaient d’exercer leurs fonctions à la finde l’année.DiscriminationCette année encore, des cas de discrimination demembres des minorités ethniques et religieuses ontété recensés par des organisations de défense desdroits humains.Les Roms étaient toujours en butte à desdiscriminations. Des campements et des abris de122 Amnesty International - Rapport 2012


fortune habités par des Roms ont été démanteléscette année encore lors d’opérations qui semblaientêtre des expulsions forcées. En juin, le Comitéeuropéen des droits sociaux a considéré que lesévacuations forcées de campements roms à la mi-2010 s’étaient « produites dans un climat dediscrimination ethnique (stigmatisation des Roms) etde contrainte (menace immédiate d’expulsion duterritoire national) », et que les expulsions de Romsvers la Roumanie et la Bulgarie en 2010 étaientdiscriminatoires.n Le 1 er septembre, entre 150 et 200 Roms ont étéexpulsés de force de leurs abris de fortune dans uncampement de Saint-Denis, qui ont ensuite étédémolis. Des policiers antiémeutes ont contraint lesRoms à monter à bord d’un tramway sans leur dire oùon les emmenait, ce qui constituait une violation de leurdroit de circuler librement.Le Parlement a rejeté en juin une proposition de loivisant à la légalisation du mariage homosexuel.Une loi interdisant le port, dans l’espace public, detoute tenue destinée à dissimuler le visage est entréeen vigueur le 11 avril. Deux femmes ont étécondamnées le 22 septembre, par un tribunaladministratif, à une amende au titre de cette loi.Plusieurs initiatives politiques et législatives ont étéprésentées au cours de l’année pour faire respecter leprincipe de laïcité. Le 2 mars, le ministre del’Éducation a déclaré que les parents quiac<strong>com</strong>pagnaient des enfants lors de sorties scolairesne devaient pas porter de signes religieux. La mêmeinterdiction s’appliquait aux adultes qui suivaient uneformation professionnelle.Réfugiés, demandeurs d’asile etmigrantsDe nouvelles dispositions législatives ont encorerestreint les droits des demandeurs d’asile et desmigrants. Le Parlement a adopté en juin une loirelative à l’immigration qui a porté de 32 à 45 jours ladurée maximale de la rétention des migrants ensituation irrégulière, en attendant leur reconduite à lafrontière. Elle prévoit également que si un grouped’au moins 10 migrants irréguliers ou demandeursd’asile est intercepté à proximité de la frontièrefrançaise, ils seront placés en zone d’attente pour unedurée pouvant atteindre 26 jours. Leur demanded’entrer sur le territoire français pour solliciter l’asilesera examinée ; si elle est jugée « manifestementinfondée », ils seront renvoyés dans leur paysd’origine et ne disposeront que d’un délai de48 heures pour contester cette décision, ce quipourrait les empêcher de déposer une demanded’asile sur le territoire.Les deux tiers environ des demandeurs d’asilen’avaient pas accès aux centres d’accueil qui leur sontdestinés, ce qui constituait une violation de leurs droitsau regard de la législation française et de celle del’Union européenne. De nombreux demandeurs d’asileétaient de ce fait sans abri et démunis. Ils n’avaient pasle droit de travailler pendant l’examen de leur demandeen première instance et, dans la majorité des cas,l’autorisation de travail à laquelle ils pouvaient prétendredurant la procédure d’appel leur était refusée.En août, le ministre de l’Intérieur a affirmé que s’ilétait atteint, l’objectif de reconduite à la frontière de30 000 étrangers en situation irrégulière serait le« meilleur résultat historiquement enregistré » en France.Il a déclaré, en octobre, que cet objectif serait atteint.En avril, le conseil d’administration de l’Officefrançais de protection des réfugiés et apatrides(OFPRA) a ajouté l’Albanie et le Kosovo à la liste despays d’origine « sûrs » pour l’examen des demandesd’asile. Les demandes d’asile déposées par despersonnes originaires de pays « sûrs » étaientexaminées selon une procédure accélérée en vertude laquelle les demandeurs déboutés en premièreinstance pouvaient être renvoyés de force dans leurpays avant l’examen de leur recours. En novembre, leministre de l’Intérieur a annoncé une réduction dubudget dédié à l’asile et un élargissement de la listedes pays d’origine « sûrs ». Il a affirmé que le systèmefrançais d’asile était « en danger » car des migrantséconomiques utilisaient ce dispositif pour pénétrer enFrance et s’y maintenir. En décembre, le conseild’administration de l’OFPRA a ajouté l’Arménie, leBangladesh, le Monténégro et la Moldavie à la listedes pays « sûrs ».Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en France en mai,juin, septembre et octobre.4 France. Les autorités doivent mettre fin aux expulsions forcées visant lesRoms (EUR 21/001/2011).4 France. Les autorités doivent agir rapidement pour mener à bien uneenquête exhaustive sur l’incendie peut-être volontaire d’un squat de Romsà Paris (EUR 21/002/2011).4 France. « Notre vie est en suspens ». Les familles des personnes mortesaux mains de la police attendent que justice soit faite (EUR 21/003/2011).FAmnesty International - Rapport 2012123


GGAMBIERÉPUBLIQUE DE GAMBIEChef de l’État et du gouvernement : Yahya JammehPeine de mort :abolie en pratiquePopulation :1,8 millionEspérance de vie :58,5 ansMortalité des moins de cinq ans : 102,8 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 46,5 %La liberté d’expression en Gambie restait soumise àdes restrictions. Des opposants au gouvernement,des défenseurs des droits humains et desjournalistes ont été arbitrairement arrêtés et placésen détention. Les forces de sécurité se sont renduescoupables de torture et d’autres mauvaistraitements, et des cas de disparition forcée n’ontpas été élucidés.ContexteLe chef de l’État en exercice Yahya Jammeh, aupouvoir depuis 17 ans, a été déclaré vainqueur del’élection présidentielle organisée le 24 novembre. Lespartis politiques s’étaient vu accorder 11 jours pourfaire campagne.Arrestations et détentions arbitrairesL’Agence nationale de renseignement (NIA), la policeet l’armée ont procédé à des arrestations et des misesen détention illégales. Les détenus, rarement informésde leurs droits ou du motif de leur arrestation oudétention, étaient souvent incarcérés sans inculpationpendant plus de 72 heures, en violation de laConstitution. Le recours à la torture à titre de sanction,ou pour extorquer des aveux, était répandu.n En avril, Mouctar Diallo, un étudiant en troisièmecycle d’études universitaires, a été arrêté par la NIA etaccusé de terrorisme et de propagation de la révolutionégyptienne en Gambie. Après quelques mois enrésidence surveillée, puis plusieurs jours en détention,il a été relâché en juillet sans inculpation.Répression de la dissidenceDes défenseurs des droits humains, y <strong>com</strong>pris desavocats et des journalistes, ont été arrêtés et placésen détention en toute illégalité.n En mars, deux membres de la famille de Mai Fatty,dirigeant de l’opposition en exil, ont été interpellés etdétenus pour avoir affiché du matériel de campagnepolitique.n Le 7 juin, l’ancien ministre de l’Information et de laCommunication Amadou Scattred Janneh, ainsi queMichael C. Ucheh Thomas, Modou Keita et EbrimaJallow, ont été appréhendés et incarcérés à la prisoncentrale Mile 2. Les quatre hommes ont été accusés detrahison, une infraction passible de la peine de mort,parce qu’ils avaient imprimé et distribué des t-shirtsarborant un slogan signifiant « En finir maintenant avec ladictature ». Leur procès se poursuivait à la fin de l’année.La militante des droits humains Ndey Tapha Sosseh aelle aussi été inculpée, mais elle se trouvait à l’étranger.n Le 19 septembre, Moses Richards, avocat et ancienjuge à la Haute Cour, a été déclaré coupable de« <strong>com</strong>munication de fausses informations à unfonctionnaire » et de « sédition ». Il a été condamné àune peine de deux ans et six mois d’emprisonnementassortie de travaux forcés. Il a été remis en liberté enoctobre, à la faveur d’une grâce présidentielle.n Edwin Nebolisa Nwakaeme, militant nigérian desdroits humains condamné à six moisd’emprisonnement pour avoir fourni de fauxrenseignements à un fonctionnaire, a été relâché le14 janvier après avoir purgé sa peine. Il a été expulsé.Liberté d’expressionLes activités des médias étaient fortement entravéespar les menaces de fermeture et par les manœuvresde harcèlement et les arrestations dont faisaientrégulièrement l’objet des journalistes et d’autresprofessionnels des médias.n En janvier, des agents des forces de sécurité ontfermé temporairement Teranga FM, l’une des dernièresradios indépendantes opérant en Gambie. Celle-ci apar la suite été autorisée à rouvrir à la condition,semble-t-il, qu’elle ne diffuse plus de revues de presse.n En juillet, Nanama Keita a été arrêté et accuséd’avoir fourni de « fausses informations » à la suited’une requête adressée au président Jammeh danslaquelle il disait avoir été injustement renvoyé du DailyObserver, journal où il occupait le poste de rédacteursportif. Il a fui le pays après avoir reçu des menaces demort émanant, pensait-il, du gouvernement. Lejournaliste Seikou Ceesay a été interpellé en octobreparce qu’il s’était porté garant pour Nanama Keita.L’épouse de Seikou Ceesay a elle aussi été arrêtée, etdétenue pendant une courte période.n Le gouvernement n’a pas versé les 200 000 dollarsdes États-Unis accordés en décembre 2010 à MusaSaidykhan par la Cour de justice de la CEDEAO à titrede dommages et intérêts. Musa Saidykhan, ancien124 Amnesty International - Rapport 2012


édacteur en chef de The Independent, avait été torturéaprès que des agents des forces de sécurité eurent faitune descente dans les locaux du journal en 2006,fermé ce dernier et emprisonné son personnel.Disparitions forcéesEn octobre, lors d’une interview accordée au journalDaily News, le ministre de la Justice Edward Gomez adéclaré qu’Ebrima Manneh, victime de disparitionforcée, était toujours en vie « quelque part ». Cejournaliste au Daily Observer, un journal propriété del’État, avait été arrêté le 11 juillet 2006 par desmembres de la NIA dans les bureaux mêmes dujournal. Il a été vu pour la dernière fois en juillet2007, dans un hôpital, sous surveillance policière.Les autorités n’avaient toujours pas fait appliquer ladécision rendue en juillet 2008 par la Cour de justicede la CEDEAO, qui leur avait ordonné de faire cesserimmédiatement la détention illégale d’Ebrima Mannehet de verser 100 000 dollars des États-Unis à safamille, à titre de dommages et intérêts. Legouvernement a continué de nier toute implicationdans l’arrestation et la disparition de cet homme.Peine de mortTreize sentences capitales ont été prononcées en2011, ce qui portait à 44 le nombre total decondamnés à mort.En avril, le gouvernement a adopté la Loi de 2011portant modification de la législation sur lesstupéfiants et remplaçant la peine capitale par laréclusion à perpétuité pour la détention de plus de250 grammes de cocaïne ou d’héroïne. La peine demort, qui était prévue pour cette infraction depuisoctobre 2010, a été supprimée afin que la sentenceapplicable soit conforme à la Constitution de 1997. Lapeine capitale aurait également été supprimée duCode pénal et de la Loi de 2007 contre la traite despersonnes pour que ces textes législatifs soient euxaussi mis en conformité avec la Constitution de 1997.Également en avril, à l’issue d’un procèsmanifestement inéquitable, la Cour d’appel a rejeté lerecours de sept personnes sur les huit qui avaient étécondamnées à mort en juin 2010. Elles avaient étéaccusées de <strong>com</strong>plot en vue de renverser legouvernement.Conditions carcéralesLes conditions carcérales en Gambie étaientépouvantables. Elles étaient particulièrementéprouvantes à la prison centrale Mile 2 – où lescellules étaient surpeuplées, les conditions d’hygiènedéplorables et la nourriture insuffisante – ets’apparentaient à un traitement cruel, inhumain etdégradant.Visites et documents d’AmnestyInternational4 Gambie. La peur règne toujours en Gambie. Disparitions forcées,homicides et torture (AFR 27/001/2011).4 Gambie. Plusieurs personnes arrêtées après une distribution de t-shirts(AFR 27/002/2011).GÉORGIEGÉORGIEChef de l’État :Mikheil SaakachviliChef du gouvernement :Nikoloz GilaouriPeine de mort :aboliePopulation :4,3 millionsEspérance de vie :73,7 ansMortalité des moins de cinq ans : 29,1 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 99,7 %La police a eu recours à une force excessive pourdisperser des manifestations. Des expulsionscontraires aux normes internationales ont eu lieu.Le manque d’indépendance du pouvoir judiciairedemeurait un motif de préoccupation.Séquelles du conflit arméDes élections présidentielles ont été organisées dansles régions séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie duSud, respectivement le 26 août et le 13 novembre. Niles autorités géorgiennes ni la <strong>com</strong>munautéinternationale n’ont reconnu la légitimité de ces deuxscrutins. Les élections en Ossétie du Sud se sontac<strong>com</strong>pagnées de mouvements de contestation et,selon certaines informations, ont donné lieu à unerecrudescence de violences et de manœuvres deharcèlement à l’encontre des candidats de l’opposition.L’insécurité et les restrictions imposées à la libertéde mouvement des civils dans les zones touchées parles conflits passés demeuraient préoccupantes. Desprogrès ont néanmoins été ac<strong>com</strong>plis en matière desécurité ; des échanges de détenus ont notammenteu lieu dans le cadre du mécanisme de prévention etGAmnesty International - Rapport 2012125


Gde règlements des incidents, qui réunit les partiesgéorgienne et sud-ossète et est le fruit d’unemédiation internationale. Toutefois, tout au long del’année, des civils auraient été visés par des coups defeu, blessés et placés en détention pour« franchissement illégal » de la frontière administrativeséparant la Géorgie de l’Ossétie du Sud.Le droit des personnes déplacées à regagner leurlieu initial de résidence, en Abkhazie et en Ossétie duSud, continuait de ne pas être respecté par lesautorités de facto de ces deux régions.Personnes déplacéesLe relogement dans des conditions décentes desquelque 247 000 personnes déplacées par les conflitsarmés des années 1990 et de 2008 figurait parmi lespriorités des pouvoirs publics. Un programmegouvernemental destiné à permettre à ces personnesde disposer d’un hébergement plus pérenne acependant donné lieu à des expulsions forcéescontraires aux normes nationales et internationales.Des centaines de familles déplacées ont ainsi étévictimes d’une série d’expulsions forcées à Tbilissi.Dans la plupart des cas, elles n’ont pas été prévenuessuffisamment à l’avance ni véritablement consultées,et elles n’ont pas eu la possibilité d’exercer les recoursprévus par la loi. Les personnes expulsées se sont vuproposer un logement en dehors de la capitale,généralement en zone rurale. Certains aspects du droità un logement convenable (concernant, par exemple,l’accès à l’emploi et à des moyens de subsistancedurables) n’ont pas toujours été respectés.Liberté de réunionPlusieurs manifestations ont été violemmentdispersées cette année.n Le 3 janvier, la police a dispersé par la force unemanifestation pacifique autorisée réunissant quelquesdizaines d’anciens <strong>com</strong>battants ayant participé auxconflits armés qu’a connus la Géorgie. Des policiers etdes individus en civil ont frappé des manifestants et lesont traînés jusque dans des véhicules de police. Desimages vidéo montraient notamment un agent en civilfrappant une manifestante au visage, alors qu’elletentait de battre en retraite. La police a arrêté11 personnes pour des faits mineurs de houliganismeet désobéissance. Le tribunal saisi a reconnu lesprévenus coupables sans avoir, semble-t-il, visionné leséléments de preuve vidéo disponibles, se fondantuniquement sur les témoignages des policiers. Lescondamnés se sont vu infliger une amende de 400 laris(240 dollars des États-Unis) chacun. Le policier quiavait été vu en train de frapper une manifestante a étérévoqué et une enquête a été ouverte. Celle-ci n’avaittoutefois donné aucun résultat à la fin de l’année.n Le 26 mai, la police a fait usage d’une forceexcessive pour disperser une manifestation hostile augouvernement. Un millier de personnes s’étaientrassemblées pour réclamer la démission du présidentSaakachvili. La police antiémeutes est intervenue àminuit, alors que l’autorisation de manifester venait àpeine d’expirer. Les images vidéo disponiblesmontraient des policiers frappant des manifestants nonarmés, qui n’offraient aucune résistance. Une dizainede journalistes au moins ont été insultés et agressés pardes policiers. D’autres ont été interpellés pour êtreinterrogés et leur matériel a été endommagé ouconfisqué. Quatre personnes, dont un policier, sontmortes et des dizaines d’autres ont été blessées. Deuxpersonnes (le policier et un civil) sont décédées aprèsavoir été heurtées par une voiture roulant à grandevitesse. À bord du véhicule se trouvait une dirigeantede l’opposition qu’on tentait d’évacuer.Plus de 105 manifestants ont été arrêtés, puiscondamnés à deux mois d’emprisonnement pourrébellion. Les familles de ces personnes n’en ont étéinformées que deux jours plus tard, grâce àl’intervention du médiateur.L’enquête ouverte sur le décès de deuxmanifestants retrouvés morts sur le toit d’un magasinproche du lieu de la manifestation a conclu à uneélectrocution accidentelle. Cette version a cependantété contestée par un homme, qui affirmait avoir vu lapolice emmener l’une des deux victimes.Une enquête interne menée par le ministère del’Intérieur sur les événements du 26 mai a débouchésur un certain nombre de sanctions administratives etsur la révocation de quatre policiers pour recoursexcessif à la force. Aucune enquête publique etindépendante n’a cependant eu lieu, et les allégationsde mauvais traitements policiers n’ont pas fait l’objetd’investigations.Les autorités n’avaient toujours pas enquêtésérieusement sur les accusations de recours excessifà la force de la part des forces de l’ordre lors demanifestations en 2007 et 2009.JusticeÀ son retour d’une visite effectuée en juin en Géorgie,le Groupe de travail sur la détention arbitraire [ONU]126 Amnesty International - Rapport 2012


s’est dit préoccupé par certains aspects du systèmejudiciaire, notamment par le rôle du parquet, le tauxd’acquittement extrêmement bas et le recoursexcessif à la détention provisoire.n La Cour européenne des droits de l’homme a estiméle 26 avril que la Géorgie n’avait pas enquêté demanière efficace sur une affaire d’homicide qui avaitdéfrayé la chronique et dans laquelle étaient impliquésplusieurs représentants de l’État. La Cour a considéréque l’enquête sur les circonstances de la mort deSandro Girgvliani, en 2006, avait manquéd’indépendance, d’impartialité, d’objectivité et desérieux. Elle s’est dite particulièrement préoccupée parle fait que le ministère de l’Intérieur, le parquet, lestribunaux nationaux et le président géorgien avaienttous œuvré de concert « pour empêcher que justice soitfaite ». Elle a ordonné à l’État géorgien de verser50 000 euros (74 000 dollars des États-Unis) auxparents de la victime. Âgé de 28 ans, Sandro Girgvlianiavait été enlevé et battu à mort par des fonctionnairesdu ministère de l’Intérieur, en janvier 2006, après unealtercation verbale avec de hauts responsables de ceministère dans un café de Tbilissi. Il n’y a pas eu denouvelles investigations sur cette affaire.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Géorgie enmars.4 Uprooted again: Forced evictions of the internally displaced persons inGeorgia (EUR 56/005/2011).GHANARÉPUBLIQUE DU GHANAChef de l’État et du gouvernement : John Evans Atta MillsPeine de mort :abolie en pratiquePopulation :25 millionsEspérance de vie :64,2 ansMortalité des moins de cinq ans : 68,5 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 66,6 %Plusieurs milliers d’habitants demeuraient sous lamenace d’une expulsion forcée. Cette année encore,la justice pénale s’appliquait avec lenteur et lesprisons, toujours surpeuplées, manquaient demoyens. Quatre personnes ont été condamnées àmort ; aucune exécution n’a eu lieu. De multiplescas de violences infligées à des femmes et à desjeunes filles ont été signalés.ContexteInstaurée en janvier 2010 par le président John EvansAtta Mills dans l’objectif de mener une consultationpublique sur l’actuelle Constitution (datant de 1992),la Commission de révision de la Constitution a publiéson rapport en décembre. Elle re<strong>com</strong>mandaitnotamment que la peine de mort soit abolie et que lesdécisions de la Commission des droits humains et dela justice administrative (CHRAJ) soient renduesdirectement exécutoires. Elle re<strong>com</strong>mandait en outreque la CHRAJ soit désormais habilitée à mener desenquêtes relevant de son mandat sans qu’il y ait eudépôt de plainte.Police et forces de sécuritéLa police et les forces de sécurité se sont renduesresponsables de violences et d’homicides illégaux. Enjuin, le Comité contre la torture [ONU] s’est déclarépréoccupé par l’impunité dans les cas de brutalitéspolicières et de recours excessif à la force, et par lefait que le gouvernement ghanéen a admis que latorture existait probablement dans les centres dedétention.En février, la police a été accusée d’avoir procédé àdes tirs aveugles dans le but de rétablir l’ordre dans lecamp de réfugiés de Buduburam. Une personneaurait été tuée.JusticeCette année encore, la lenteur des procédurespolicières et judiciaires était flagrante. L’accès à l’aidejuridique était insuffisant et de nombreux prisonniersattendaient depuis de longues années l’ouverture deleur procès. Les prisons étaient surpeuplées etdépourvues de moyens suffisants. Les autorités ontaccepté d’augmenter le budget alloué à l’alimentationdans les établissements pénitentiaires, mais cettemesure ne s’était pas encore concrétisée à la fin del’année.Peine de mortQuatre personnes, dont une femme, ont étécondamnées à mort par pendaison, pour meurtre. Àla fin de l’année, le Ghana <strong>com</strong>ptait 138 condamnésà mort, dont quatre femmes. Aucune exécution n’aeu lieu et, en décembre, la Commission de révisionGAmnesty International - Rapport 2012127


Gde la Constitution a re<strong>com</strong>mandé l’abolition de lapeine capitale.Droits en matière de logementEn janvier, l’Assemblée métropolitaine d’Accra aannoncé qu’elle prévoyait de raser les installationsconstruites le long des voies ferrées désaffectéesd’Accra, dans le cadre d’un projet de réaménagementdu réseau ferroviaire. Plusieurs milliers de personnesétaient de ce fait menacées d’expulsion forcée.Aucune éviction forcée n’avait cependant eu lieu à lafin de l’année.Entre 55 000 et 79 000 personnes vivaient toujourssans aucune sécurité d’occupation à Old Fadama, lazone d’habitat informel la plus vaste du Ghana, àAccra. Au cours des années précédentes, l’Assembléemétropolitaine d’Accra avait, à maintes reprises, faitpart de projets de démolition de ce secteur, mais rienn’avait été entrepris en ce sens à la fin de l’année. Enseptembre, le président Mills s’est publiquementengagé à ne pas expulser de force les habitants d’OldFadama et il a annoncé que des discussions étaient encours en vue de leur réinstallation.Violences faites aux femmes et aux fillesDe nombreux cas de violences infligées à des femmeset à des jeunes filles ont encore été signalés dansl’ensemble du pays. En décembre, un membre duParlement soupçonné d’avoir violé une enfant de12 ans a été arrêté.Droits des lesbiennes, des gays, despersonnes bisexuelles et destransgenresLes personnes soupçonnées de relationshomosexuelles ont continué d’être victimes d’atteintesà leurs droits fondamentaux. Le 20 juillet, Paul EvansAidoo, ministre chargé de la Région occidentale, aordonné aux forces de sécurité d’arrêter tous les gayset toutes les lesbiennes vivant dans l’ouest du pays, eta demandé aux propriétaires et aux locataires designaler toute personne soupçonnée d’être gay oulesbienne.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Ghana enjuillet et en septembre.4 Ghana. « On ne dort que d’un œil » Vivre sous la menace d’une expulsionforcée au Ghana (AFR 28/003/2011).GRÈCERÉPUBLIQUE HELLÉNIQUEChef de l’État :Carolos PapouliasChef du gouvernement : Georges Papandréou, remplacé parLucas Papadémos le 11 novembrePeine de mort :aboliePopulation :11,4 millionsEspérance de vie :79,9 ansMortalité des moins de cinq ans : 3,4 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 97,2 %Cette année encore, des agents de la force publiquese sont rendus responsables de mauvais traitementset d’un recours excessif à la force. Des personnesétaient détenues dans des conditions inhumaines etdégradantes pour des motifs liés à leur statutmigratoire. Des juridictions européennes ont concluque la Grèce ne disposait pas d’un système d’asileefficace. Les agressions à caractère raciste se sontintensifiées.ContexteLa crise financière s’est poursuivie et le pays s’estdavantage encore enfoncé dans la récession.Une série de manifestations ont eu lieu en juin eten octobre alors que le Parlement s’apprêtait à voterun ensemble de mesures d’austérité. Entre les moisde mai et août, le mouvement des « Indignés » enGrèce a organisé des sit-in pacifiques sur les placesprincipales d’Athènes et de Thessalonique pourdénoncer les mesures d’austérité.Le 26 octobre, les responsables de la zone euro etle Fonds monétaire international (FMI) sont parvenusà un accord avec les banques et les autres créanciersde la Grèce pour qu’ils réduisent de 50 % la valeurnominale de leurs obligations grecques. À la suite dela démission du Premier ministre et d’intensesnégociations entre les principaux partis politiques dupays, un gouvernement transitoire de coalition a étéformé en novembre.Torture et autres mauvais traitementsLes informations recueillies ont de nouveau fait étatde torture et d’autres mauvais traitements infligésdans des postes de police et des centres de détentionpour migrants, au moment de l’arrestation ou durantla période d’enfermement.Une loi promulguée en janvier visait à mettre enplace un mécanisme de traitement des plaintes128 Amnesty International - Rapport 2012


contre la police. On s’interrogeait toutefois surl’indépendance de cet organe et sur l’efficacité de samission.n En décembre, le tribunal mixte avec jury d’Athènes areconnu un ancien policier coupable d’avoir torturédeux jeunes hommes avec un appareil à électrochocsau cours d’épisodes distincts survenus en août 2002dans les locaux du poste de police d’Aspropyrgos. Letribunal l’a condamné à six ans d’emprisonnementmais il a obtenu un sursis en appel.n En décembre, deux policiers ont été déclaréscoupables, au titre des dispositions du Code pénalrelatives à la torture, d’avoir infligé des lésionscorporelles à deux réfugiés afghans dans le quartierd’Aghios Panteleimon, à Athènes, en décembre 2004.Ils ont également été reconnus coupables d’avoir sansraison blessé cinq autres Afghans. L’un des policiers aété condamné à cinq ans et cinq mois de prison etl’autre à cinq ans de prison. Ces deux peines ont étéassorties d’un sursis en appel. Des ONG se sont ditespréoccupées par le fait que le tribunal avait remplacél’accusation initiale de torture, concernant le traitementinfligé aux deux réfugiés, par celle, moins grave,d’atteinte à la dignité humaine figurant dans ladisposition relative à la torture.De nombreuses informations faisaient état demauvais traitements infligés par la police lors demanifestations.En avril, la police s’est retirée de la ville de Keratea,où des affrontements se poursuivaient depuisdécembre 2010 entre les forces de l’ordre et deshabitants qui protestaient contre la création d’unedécharge publique. D’après les informations reçues,la police aurait fait un usage excessif de gazlacrymogène et d’autres produits chimiques et auraitmaltraité des habitants. Les autorités ont égalementsignalé de nombreux cas de blessures chez lespoliciers.Un nombre croissant d’allégations ont fait état d’unusage excessif de la force et du recours, notamment,à des substances chimiques lors des manifestationsorganisées au cours de l’année contre les mesuresd’austérité. À plusieurs reprises, des manifestationsqui se déroulaient de façon pacifique ont dégénérélorsqu’une minorité d’émeutiers ont affronté lespoliciers. Des vidéos, des photos, des articles depresse et des témoignages ont attesté de l’usagerépété d’une force excessive par les policiers lors desmanifestations à Athènes les 15, 28 et 29 juin. Lesforces de l’ordre ont, entre autres, largement utilisédes substances chimiques contre des manifestantspourtant majoritairement pacifiques. Le Bureau duprocureur d’Athènes a ordonné l’ouverture d’uneenquête pénale sur ces allégations.n Le 11 mai, la police antiémeutes a semble-t-il faitusage d’une force excessive et de substanceschimiques contre de nombreux manifestantspacifiques dans la rue Panepistimiou à Athènes. Plusde 30 manifestants ont dû recevoir des soins à l’hôpital,essentiellement pour des blessures à la tête. Deuxd’entre eux, grièvement blessés, ont nécessité dessoins lourds. Une enquête pénale a été ouverte dansl’affaire concernant Yiannis Kafkas, l’un desmanifestants grièvement blessés.n Manolis Kypraios, un journaliste qui couvrait lamanifestation du 15 juin à Athènes, a <strong>com</strong>plètementperdu l’ouïe après qu’un policier antiémeutes eut lancéune grenade assourdissante devant lui. Une enquêtepénale et disciplinaire a été ouverte. À la fin de l’année,le Bureau du procureur d’Athènes a engagé despoursuites contre des policiers qui n’avaient pasencore été identifiés pour les graves blessuresintentionnellement infligées au journaliste.Réfugiés, demandeurs d’asile etmigrantsLes conditions de vie dans les centres de détentionpour migrants demeuraient inhumaines etdégradantes, en particulier dans la région d’Evros.Les demandeurs d’asile et les migrants en situationirrégulière, y <strong>com</strong>pris les mineurs non ac<strong>com</strong>pagnés,étaient toujours détenus durant des périodesprolongées.En mars, le Comité européen pour la prévention dela torture a pris une mesure exceptionnelle encondamnant publiquement le fait que la Grèces’abstenait depuis plusieurs années d’améliorer lestrès mauvaises conditions de détention.n En janvier, la Grande Chambre de la Coureuropéenne des droits de l’homme a rendu unedécision historique dans l’affaire M.S.S. c. Belgique etGrèce (voir Belgique) : elle a considéré que M.S.S., undemandeur d’asile afghan que les autorités belgesavaient renvoyé en Grèce au titre du RèglementDublin II, n’avait pas bénéficié d’un examen effectif desa demande d’asile en raison des graves défaillancesstructurelles de la procédure d’asile en Grèce. Elle aconclu que la Grèce ne disposait pas d’un systèmed’asile efficace. La Cour a jugé que la Grèce avait violéle droit du requérant à un recours effectif, et que sesGAmnesty International - Rapport 2012129


Gconditions de détention et l’état de dénuement danslequel il s’est trouvé après sa remise en liberté en Grèceconstituaient respectivement un traitement dégradantet un traitement inhumain ou dégradant. En décembre,dans deux affaires liées entre elles résultant de la crisedu système de l’asile dans ce pays, la Cour de justicede l’Union européenne a rappelé que les demandeursd’asile transférés en Grèce au titre du RèglementDublin II risquaient d’y subir de graves violations desdroits humains.Une loi adoptée en janvier prévoyait la créationd’une nouvelle autorité chargée de l’examen desdemandes d’asile sans participation de la police. Cetorgane devait être opérationnel en 2012. Enattendant, le fait que la police demeurait l’uniqueautorité chargée des premières phases de l’examendes demandes de protection internationale constituaitun motif de préoccupation.Ce texte prévoyait également la création de« centres de premier accueil » où les étrangers arrêtéspour être « entrés illégalement » en Grèce pouvaientêtre détenus jusqu’à 25 jours. Cependant, entreautres choses, la nouvelle loi ne prévoyait pas derecours permettant aux personnes incarcérées dansces centres de contester devant les tribunaux lalégalité de leur détention.Annoncé en janvier, le projet d’aménagement surplus de 10 kilomètres d’une clôture le long de lafrontière avec la Turquie, dans la région d’Evros,laissait craindre que les personnes en quête deprotection internationale ne soient physiquementempêchées de se mettre en sécurité.En septembre et en octobre, sept étrangers quiavaient exprimé leur volonté de demander l’asileauraient été renvoyés de force en Turquie au titre del’accord de réadmission signé avec ce pays, enviolation du principe de non-refoulement.La longueur des délais pour le dépôt d’unedemande d’asile à Athènes et à Thessaloniquedemeurait préoccupante.À Athènes et à Thessalonique, 300 migrants ontentamé en février une grève de la faim pour protestercontre leur statut de migrants illégaux et pourdemander, notamment, leur régularisation. La grèves’est poursuivie durant 43 jours, entraînantl’hospitalisation de beaucoup d’entre eux. Elle a prisfin quand les autorités et les grévistes de la faim sont,semble-t-il, parvenus à un accord sur l’octroi de titresde séjour provisoires d’une durée de six mois, entreautres mesures.Conditions carcéralesLes informations recueillies faisaient état deconditions de détention médiocres et d’une gravesurpopulation dans de nombreuses prisons, y<strong>com</strong>pris celles de La Canée et de Korydallos et laprison pour femmes de Thiva.En octobre, la Cour européenne des droits del’homme s’est prononcée contre la Grèce concernantla requête déposée en 2009 par 47 détenus de laprison d’Ioannina (affaire Taggatidis et autresc. Grèce) qui estimaient être soumis dans cetétablissement à un traitement inhumain et dégradantdu fait de leurs conditions de détention.RacismeDes policiers se seraient abstenus de protéger desressortissants de pays tiers contre des agressions àcaractère raciste.En juin, le Haut-Commissariat des Nations uniespour les réfugiés (HCR) a fait état d’une dangereusemontée du phénomène des violences racistes visantdes étrangers uniquement en raison de leur couleurde peau ou de leur pays d’origine. En mai et en juin,en particulier, après que deux migrants eurent étésoupçonnés d’être impliqués dans le meurtre d’unhomme qui se préparait à emmener son épouse à lamaternité, dans certains quartiers d’Athènes desmigrants, des réfugiés et des demandeurs d’asileauraient presque quotidiennement été agressés pardes groupes d’extrême droite.n Le 16 septembre, trois demandeurs d’asile afghansont été la cible d’une agression à caractère semble-t-ilraciste devant leur domicile, dans le quartier d’AghiosPanteleimon, à Athènes. L’un d’eux, poignardé à lapoitrine, a dû être hospitalisé. Trois personnes ont étéarrêtées et déférées à la justice.Discriminations – les RomsLes conditions de vie dans de nombreux camps romsdu pays demeuraient préoccupantes. Dans le villaged’Examilia (municipalité de Corinthe), quelque800 Roms n’avaient accès, semble-t-il, ni à l’eaupotable, ni à un réseau d’assainissement, ni àl’électricité et vivaient dans des conditions sanitairesdéplorables.D’après l’ONG Greek Helsinki Monitor, en matièred’éducation, les enfants roms demeuraient victimesde ségrégation voire d’exclusion dans différentesrégions du pays. La Cour européenne des droits del’homme a transmis aux autorités grecques deux130 Amnesty International - Rapport 2012


equêtes relatives à la ségrégation persistante desenfants roms sur le plan éducatif dans des écolesd’Aspropyrgos et de Sofades, respectivement en marset en octobre. En 2008, la Cour avait déjà conclu quela Grèce était responsable de l’exclusion puis de laségrégation d’enfants roms dans l’écoled’Aspropyrgos. En septembre, le Comité des ministresdu Conseil de l’Europe a décidé de clore l’examen decette affaire.Objecteurs de conscienceLes objecteurs de conscience ont cette année encorefait l’objet de nombreuses poursuites.En février, la durée du service civil deremplacement a été fixée à 15 mois par décisionministérielle. Toutefois, cette durée avait toujours uncaractère effectivement punitif pour la grandemajorité des appelés.n En mars, la cour d’appel militaire d’Athènes adébouté Nikolaos Xiarhos, objecteur de consciencepour des motifs religieux, de son recours formé contrela décision du conseil judiciaire du tribunal naval duPirée, qui l’a renvoyé devant la justice pour uneseconde accusation de désertion. Nikolaos Xiarhos, quiétait militaire de carrière, était devenu objecteur deconscience après avoir été baptisé témoin de Jéhovah.Défenseurs des droits humainsOn s’inquiétait des poursuites pénales engagées enjanvier contre des défenseurs des droits humainsinculpés d’accusations mensongères et dediffamation aggravée à l’égard de KonstantinosPlevris, auteur d’un livre dont le titre peut être traduitpar Juifs : l’entière vérité. Leur procès a été reporté àl’année 2012.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Grèce en mai.4 La Cour européenne des droits de l’homme fait valoir les droits desdemandeurs d’asile dans l’Union européenne (EUR 03/001/2011).4 Greece: Briefing on the draft law on asylum, migration-related detentionand returns of third country nationals (EUR 25/002/2011).4 Grèce. La Grèce doit améliorer de toute urgence les conditions de viedéplorables qui prévalent dans les lieux de détention (EUR 25/006/2011).4 Grèce. Violations présumées dans le cadre du maintien de l’ordre lors dela manifestation du 11 mai 2011 (EUR 25/008/2011).4 Greece: Briefing to the UN Committee against Torture(EUR 25/011/2011).GUATEMALARÉPUBLIQUE DU GUATEMALAChef de l’État et du gouvernement : Álvaro Colom CaballerosPeine de mort :maintenuePopulation :14,8 millionsEspérance de vie :71,2 ansMortalité des moins de cinq ans : 39,8 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 74,5 %Cette année encore, les droits des populationsindigènes ont été bafoués. Certaines poursuitesjudiciaires concernant des atteintes aux droitshumains <strong>com</strong>mises pendant le conflit armé interne(1960-1996) ont abouti à des condamnations. Desdéfenseurs des droits humains ont été victimesd’agressions, de tentatives d’intimidation et demenaces.ContexteDes élections législatives, présidentielle et locales onteu lieu en septembre. Déclaré vainqueur ennovembre à l’issue du second tour du scrutinprésidentiel, le général à la retraite Otto Pérez Molinadevait prendre ses fonctions en janvier 2012.Les taux de criminalité violente, de violence desgangs et de violence liée aux stupéfiants demeuraientélevés. Les autorités ont enregistré 5 681 homicidesau cours de l’année. Les différends entreorganisations impliquées dans le trafic de droguedonnaient souvent lieu à des actes de torture et desassassinats. En mai, dans une ferme d’El Naranjo(département du Petén), des hommes armés ont tuéet décapité 27 ouvriers agricoles. Ces violences ontété imputées à un litige entre des trafiquants dedrogue et le propriétaire de la ferme.De nombreuses informations ont fait état de racketet de crimes violents perpétrés par des gangs de rue,les maras, dans des quartiers démunis. Les actionsde la police pour endiguer les violences étaientlargement considérées <strong>com</strong>me inefficaces.À la fin de l’année, 13 prisonniers restaient sous lecoup d’une sentence capitale. Aucune exécutionn’avait eu lieu depuis 2000 et le chef de l’État, ÁlvaroColom, s’était opposé à un certain nombre de projetsde loi visant à la reprise des exécutions. Le vainqueurde l’élection présidentielle, Otto Pérez Molina, a enrevanche annoncé qu’il reprendrait les exécutions àson entrée en fonction.GAmnesty International - Rapport 2012131


GDroits des peuples indigènesLes droits des peuples indigènes ont, <strong>com</strong>me lesannées précédentes, été bafoués dans le cadre deconflits fonciers ; des projets d’aménagement ont étéentrepris sans consultation des <strong>com</strong>munautésconcernées et sans leur consentement libre,préalable et éclairé. En mars, le rapporteur spécialdes Nations unies sur les droits des peuplesautochtones a relevé le climat de grande instabilité etde conflit social dû aux activités menées par desentreprises sur les territoires traditionnels des peuplesautochtones. Il a invité les autorités à reconnaître lesdroits territoriaux des peuples indigènes et à veiller àce que ceux-ci participent aux processus de décision.n En mars, environ 2 500 habitants indigènes de lavallée du Polochic, dans le département d’AltaVerapaz, ont été expulsés à la suite d’un litige foncieravec une entreprise locale. L’un d’eux, Antonio Beb Ac,a été tué et deux personnes ont été blessées au coursde l’opération. Dans les mois qui ont suivi, deuxmembres de la <strong>com</strong>munauté ont été tués et six autresont été blessés. En août, les autorités ont refusé derespecter pleinement les conclusions de la CIDH lesenjoignant d’assurer la protection de ces<strong>com</strong>munautés et de leur apporter une aidehumanitaire. À la fin de l’année, ces habitants n’avaienttoujours qu’un accès limité à un abri convenable, à del’eau propre, à la nourriture et aux soins.Impunité pour les violations <strong>com</strong>misesdans le passéDes avancées ont été enregistrées dans certainespoursuites concernant des atteintes aux droitshumains <strong>com</strong>mises pendant le conflit armé interne.En juillet, l’armée a déclassifié un certain nombre dedocuments. Ceux qui se rapportaient aux années1980-1985, cependant, c’est-à-dire à la période oùles violations des droits humains ont étéparticulièrement nombreuses, sont demeurésinaccessibles.n En août, quatre anciens membres d’une unité d’élitede l’armée ont été condamnés à de lourdes peinesd’emprisonnement pour leur rôle dans le massacre de250 hommes, femmes et enfants à Dos Erres, en1982 ; de nombreuses femmes et filles avaient en outreété violées.n En octobre, la Cour constitutionnelle a ordonné à laCour suprême d’expliciter son arrêt aux termesdesquels c’était à un tribunal civil qu’il appartenait dejuger les personnes soupçonnées d’implication dans ladisparition forcée, en 1992, d’Efraín BámacaVelásquez, et dans les actes de torture subis par cedernier. Ces personnes avaient été acquittées en 1994à l’issue d’un procès secret devant un tribunal militaire.n Les anciens généraux Héctor López Fuentes, OscarMejía Victores et José Mauricio Rodríguez Sánchez ontété inculpés de planification et de supervision degénocide, de violences sexuelles organisées et detransferts forcés de populations entre 1982 et 1983. À lafin de l’année, les trois hommes attendaient d’être jugés.Droits des femmesD’après les autorités, 631 femmes ont été tuées aucours de l’année. La Loi de 2008 contre le meurtre defemmes et les autres formes de violence contre lesfemmes qui, entre autres mesures, portait création detribunaux spéciaux réservés à ce type de violences,semblait avoir peu de répercussions, tant sur ladiminution des violences faites aux femmes que surl’obligation pour les responsables de répondre deleurs actes.Défenseurs des droits humainsDes personnes œuvrant à la défense des droitshumains, notamment des journalistes et dessyndicalistes, ont de nouveau été victimes d’agressions,de harcèlement et de menaces. Des organisationslocales ont recensé 402 affaires de ce type.n En février, Catalina Mucú Maas, Alberto Coc Cal etSebastian Xuc Coc, des membres de la <strong>com</strong>munautéindigène de Quebrada Seca, dans le départementd’Izabal, ont été assassinés. Tous trois avaient participéactivement à des négociations dans le cadre de conflitsfonciers. Plusieurs autres membres de la <strong>com</strong>munautéont reçu des menaces de mort. À la fin de 2011,personne n’avait été amené à rendre des <strong>com</strong>ptes pources homicides ni pour les menaces.n En août, quatre membres du personnel de laFondation guatémaltèque d’anthropologiemédicolégale ont été menacés de mort, après quequatre anciens militaires eurent été reconnuscoupables du massacre de Dos Erres.n Byron Arreaga, un syndicaliste qui avait œuvré à lalutte contre la corruption, a été abattu en septembredans le département de Quetzaltenango.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Guatemala ennovembre-décembre.132 Amnesty International - Rapport 2012


GUINÉERÉPUBLIQUE DE GUINÉEChef de l’État :Alpha CondéChef du gouvernement :Mohamed Saïd FofanaPeine de mort :maintenuePopulation :10,2 millionsEspérance de vie :54,1 ansMortalité des moins de cinq ans : 141,5 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 39,5 %La résidence du président Condé a été la cibled’attaques en juillet. La police et la gendarmerie ontfait un usage excessif de la force ; au moins troispersonnes ont trouvé la mort lors d’opérations demaintien de l’ordre. Le climat d’impunité a continuéde favoriser les arrestations arbitraires, la pratiquede la torture et d’autres violations des droitshumains <strong>com</strong>mises par les forces de sécurité. Laliberté d’expression était toujours menacée. Seizepersonnes ont été condamnées à mort. LaCommission nationale des droits de l’homme a étécréée.ContexteDurant la période précédant les électionsparlementaires prévues initialement pour la fin del’année, le spectre de l’instabilité a surgi lorsque larésidence du président Alpha Condé, dans lacapitale, Conakry, a été visée à deux reprises par destirs d’armes à feu, notamment de roquette. Desmilitaires mais aussi des civils ont été arrêtés etaccusés d’avoir fomenté les attaques. Interviewé parune station de radio sénégalaise, le président Condé aégalement mis en cause le Sénégal, la Gambie et desdirigeants de l’opposition. Les deux pays cités ontdémenti toute implication et les opposants politiquesont critiqué les propos présidentiels. Le fait que laCommission électorale nationale indépendante aitproposé des dates pour les élections sans consulterl’opposition a conduit certains observateurs à mettreen doute son indépendance et son impartialité. À lafin de l’année, les dates n’avaient pas encore étéconfirmées.En février, la haut-<strong>com</strong>missaire des Nations uniesaux droits de l’homme a publié un rapport sur lasituation en Guinée, où elle se déclarait préoccupée,entre autres, par les atteintes aux droits humains qui,depuis des dizaines d’années, étaient <strong>com</strong>mises entoute impunité par des membres de l’armée et desforces de sécurité ; elle a également déploré laviolence sexuelle et sexiste, parfois liée à despratiques traditionnelles. Le rapport re<strong>com</strong>mandaitaussi à la Guinée de donner suite auxre<strong>com</strong>mandations issues de l’Examen périodiqueuniversel de 2010, notamment en instaurant « unecoopération étroite avec les organes conventionnels etles procédures spéciales du Conseil des droits del’homme » et en les invitant à se rendre régulièrementen Guinée. Dans une résolution ultérieure adoptéelors de sa 16 e session (A/HRC/RES/16/36), le Conseila approuvé les conclusions de la haut-<strong>com</strong>missaireaux droits de l’homme. Il a rappelé la nécessité pourla Guinée de continuer à mettre en œuvre lesre<strong>com</strong>mandations de la <strong>com</strong>mission d’enquête del’ONU, y <strong>com</strong>pris en prenant des mesures pour luttercontre l’impunité.En mars, le président Condé a signé un décretportant création de la Commission nationale desdroits de l’homme. En juillet, le Conseil national detransition a adopté une loi relative à l’organisation etau fonctionnement de l’Institution nationaleindépendante des droits humains.Utilisation excessive de la forceLa police et d’autres responsables de l’application deslois ont, cette année encore, recouru abusivement àla force meurtrière. En septembre, des manifestantsqui s’étaient rassemblés pour protester sansautorisation contre l’organisation d’élections ont étématraqués et ont essuyé des tirs à balles réelles etdes jets de grenades lacrymogènes. Trois personnesau moins ont trouvé la mort dans ces circonstances,parmi lesquelles Amadou Boye Barry. Interpellé parAmnesty International, le ministre de laCommunication a annoncé officiellement que deuxpersonnes étaient décédées et qu’une instructionétait en cours.Prisonniers d’opinion probablesDes arrestations et des placements en détentionarbitraires ont été signalés ; les personnes incarcéréespourraient être considérées <strong>com</strong>me des prisonniersd’opinion. La plupart des interpellations ont donnélieu à un déploiement de force excessif.En avril, les forces de sécurité ont eu recours à uneforce excessive pour disperser les sympathisants del’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG)qui s’étaient retrouvés à l’aéroport de Conakry afin desaluer Cellou Dalein Diallo, le dirigeant de leurGAmnesty International - Rapport 2012133


Gmouvement. Au moins 25 personnes ont étéblessées. D’autres ont été arrêtées, dont AlphaAbdoulaye Sow et Abdoulaye Diallo, deux militaireschargés d’assurer la sécurité du chef de l’opposition.Condamnés à des peines d’emprisonnement pour« participation à une manifestation interdite, actes devandalisme et violence », ils ont été graciés en août.En septembre, plus de 300 personnes quicontestaient les modalités d’organisation des électionsont été interpellées pour participation à unemanifestation interdite. Certaines ont été remises enliberté par la suite. Plus de 50 ont été condamnées àdes peines de prison ferme d’une durée d’un mois àun an, et 95 autres à des peines d’emprisonnementavec sursis.Torture et autres mauvais traitementsCette année encore, des soldats et des policiers ontmaltraité et torturé des détenus et d’autres personnesen toute impunité.n En février, un homme accusé d’avoir érigé desbarrages routiers a été arrêté à Mamou et conduit auposte de police. Il a été menotté à une fenêtre de façonà ce que ses pieds ne touchent pratiquement pas le sol,et laissé dans cette position pendant plus de huitheures d’affilée. Il a été roué de coups alors qu’il étaitmenotté et suspendu en position accroupie, un bâtonpassé entre les genoux et les coudes.n En avril, un sympathisant de l’UFDG qui se rendait àl’aéroport de Dixinn a été arrêté et battu par desmilitaires. Placé en détention à la maison centrale deConakry, il a eu les yeux bandés et a fait l’objet demenaces.Liberté d’expression – journalistesn Deux journalistes de la radio FM Liberté deN’Zérékoré, Daniel Loua et Théodore Lamah, ont étéinterpellés en janvier et accusés d’« incitation à laviolence » et de « trouble de l’ordre public » pour avoirévoqué à l’antenne l’éventualité d’un retour au pays del’ancien président Camara. Ils ont été libérés lelendemain.n En mai, à la suite de la parution dans le journalL’indépendant-Le Démocrate d’un article sur deshausses de rémunération dans l’armée, des soldats onttenté d’arrêter plusieurs journalistes, dont le directeurde la publication, Mamadou Dian Diallo. Les militairesont finalement quitté les locaux du journal grâce à lamédiation de deux organisations de défense des droitshumains.n En juillet, le Conseil national de la <strong>com</strong>munication ainterdit à tous les médias, guinéens <strong>com</strong>me étrangers,de relater l’attaque contre la résidence du présidentCondé. L’interdiction a été levée trois jours plus tard.ImpunitéL’impunité et le manque de discipline au sein del’armée demeuraient un motif de préoccupation.n En septembre 2009, plus de 150 personnes avaientété tuées et plus de 40 femmes violées en publiclorsque les forces de sécurité s’en étaient prises à unrassemblement pacifique constitué d’opposants à lajunte militaire de l’ancien président Camara. À la fin del’année 2011, les familles de ces victimes n’avaienttoujours pas obtenu justice. Une <strong>com</strong>missiond’enquête mise en place par les Nations unies pourfaire la lumière sur ces événements a indiqué queceux-ci pouvaient raisonnablement être qualifiés decrimes contre l’humanité. Malgré l’ouverture d’uneinstruction en 2010, les auteurs du massacre n’avaientpas été suspendus de leurs fonctions et aucun n’avaitencore été déféré à la justice à la fin de l’année.Peine de mortEn septembre, la cour d’appel de Kankan a prononcé16 condamnations à la peine capitale, dont huit parcontumace. Les accusés avaient été reconnuscoupables de « meurtres avec préméditation,assassinats avec violences, association de malfaiteurset destruction de biens à autrui » après desaffrontements entre deux ethnies qui avaient fait aumoins 25 victimes.Ces 16 condamnations à mort allaient à l’encontrede ce qu’avait déclaré le président Condé en juillet,lors d’une rencontre avec des diplomates étrangers. Ilavait dit à cette occasion que la peine de mortn’existait pas en Guinée et qu’il n’accepterait jamaisque des gens soient condamnés à mort, même ceuxqui attentaient à la vie du président car cela ne leressusciterait pas.134 Amnesty International - Rapport 2012


GUINÉE-BISSAURÉPUBLIQUE DE GUINÉE-BISSAUChef de l’État :Malam Bacai SanháChef du gouvernement : Carlos Domingos Gomes JúniorPeine de mort :aboliePopulation :1,5 millionEspérance de vie :48,1 ansMortalité des moins de cinq ans : 192,6 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 52,2 %Les tensions au sein de l’armée demeuraient unesource potentielle d’instabilité. Une tentative decoup d’État aurait eu lieu fin décembre. Lesenquêtes sur les assassinats de responsablespolitiques et militaires <strong>com</strong>mis en 2009 n’ont pasprogressé ; face à cette situation, plusieurs milliersde personnes sont descendues dans la rue pourdemander la fin de l’impunité. La libertéd’expression était menacée, un journal ayant reçul’ordre de fermer après avoir mis en cause unresponsable de l’armée dans le meurtre de l’ancienprésident du pays. Une loi interdisant lesmutilations génitales féminines (MGF) a étéadoptée en juillet et des poursuites ont été engagéesen octobre contre deux femmes qui se livraient àcette pratique.ContexteDes magistrats et d’autres fonctionnaires de justiceont fait grève plusieurs fois dans l’année pourréclamer une amélioration des salaires et desconditions de travail.En février, l’Union européenne (UE) a partiellementsuspendu l’aide au développement accordée au pays.Elle a également menacé de soumettre à un gel desavoirs et à une interdiction de visa plusieursresponsables de l’armée et autres représentants del’État soupçonnés d’être impliqués dans un trafic destupéfiants et de mettre en péril la paix, la sécurité etla stabilité. Par ailleurs, elle a de nouveau demandéque des enquêtes soient menées sur les assassinatspolitiques <strong>com</strong>mis en 2009.En mars, 600 policiers et militaires angolais ont étémobilisés dans le cadre de la Mission militaireangolaise en Guinée-Bissau (MISSANG) pour aider àréformer et restructurer les forces de sécurité dupays. Le gouvernement angolais avait accepté defournir des fonds et des formations pour la réforme del’armée et de la police après que l’UE eut mis fin, enseptembre 2010, à sa mission pour la réforme dusecteur de la sécurité.En juin, l’Assemblée nationale a adopté plusieursnouvelles lois, dont une interdisant les MGF et uneautre visant à prévenir et sanctionner la traite despersonnes. Ces deux textes ont été promulgués enjuillet et ils sont immédiatement entrés en vigueur.En juillet également, plusieurs milliers depersonnes ont participé à des manifestationsorganisées par 10 partis politiques d’opposition dansla capitale, Bissau, pour protester contre l’absence deprogression des enquêtes sur les assassinatspolitiques de 2009. Elles demandaient en outre ladémission et la traduction en justice du Premierministre et d’autres personnes responsables selonelles de ces homicides.Le nouveau procureur général nommé en août apromis de lutter contre la corruption, le crimeorganisé et l’impunité.Fin décembre, le chef d’état-major des forcesarmées a annoncé qu’une tentative de coup d’Étatimpliquant des militaires et des civils, dont un ancienministre et un député, avait été déjouée. D’autressources laissaient entendre qu’il s’agissait d’unsoulèvement militaire dû à des désaccords entre lechef d’état-major des forces armées et celui de lamarine. Une cinquantaine de personnes, desmilitaires pour la plupart, auraient été arrêtées. Unedizaine d’entre elles ont été rapidement remises enliberté sans inculpation. Au moins 25 personnesétaient toujours en détention à la fin de l’année.Exécutions extrajudiciairesLe 27 décembre, la force d’intervention rapide de lapolice a exécuté de manière extrajudiciaire Iaia Dabóalors qu’il s’apprêtait à se livrer à la police judiciaire. Ilétait soupçonné d’être impliqué dans une tentative decoup d’État qui aurait eu lieu la veille. À la fin del’année, personne n’avait été arrêté pour cethomicide. Iaia Dabó était le frère d’un hommepolitique qui avait été tué par des militaires en juin2009 après avoir été accusé de participation à unautre coup d’État présumé.ImpunitéPersonne n’avait encore été traduit en justice pour lesassassinats de personnalités politiques et de militairesde haut rang perpétrés en 2009 et auparavant.En mars, le procureur général alors en fonction aannoncé que les enquêtes sur les meurtres duGAmnesty International - Rapport 2012135


Gprésident João Bernardo Vieira et du chef d’étatmajordes forces armées, le général Tagme Na Waie,étaient dans l’impasse en raison des difficultésrencontrées pour recueillir des éléments de preuve.En mai, il a indiqué qu’il n’existait aucune preuvequ’une tentative de coup d’État aurait eu lieu en juin2009, et il a provisoirement clos l’enquête à ce sujet.Il a par ailleurs saisi la Haute Cour militaire de l’affairedes deux responsables politiques tués lors du coupd’État présumé, estimant qu’elle avait <strong>com</strong>pétencepour la juger. Cependant, cette instance a affirmé lecontraire et le dossier a alors été transmis à la Coursuprême. Aucune décision n’avait été prise à la fin del’année quant à la juridiction devant traiter cette affaire.Violences faites aux femmes et aux fillesMutilations génitales fémininesUne nouvelle loi adoptée en juillet interdisait les MGFet rendait les personnes se livrant à cette pratiquepassibles d’un à cinq ans d’emprisonnement. Enoctobre, deux exciseuses et une autre femme ont étéarrêtées à Bafatá, dans l’est du pays, accusées d’avoirsoumis quatre fillettes âgées de deux à cinq ans à cetype de mutilations le mois précédent. Parmi cesfemmes figurait la grand-mère des fillettes, qui lesavait emmenées se faire exciser. Après quelques joursde détention, les trois femmes ont été libérées souscondition dans l’attente d’un <strong>com</strong>plément d’enquête,avec obligation de se présenter chaque jour aubureau du procureur local. Leur procès n’avait pasencore eu lieu à la fin de l’année.Liberté d’expression - presseEn avril, les autorités ont ordonné à l’hebdomadaireÚltima Hora de fermer après qu’il eut publié unarticle citant des extraits d’un rapport officiel, pasencore rendu public, qui semblait mettre en cause lechef d’état-major de la marine dans l’assassinat duprésident Vieira. À la suite de multiples protestationsde la part d’organisations de la société civile, legouvernement a nié avoir ordonné la fermeture dujournal. Cependant, il a averti l’ensemble desjournaux qu’ils devaient être prudents concernant lesinformations qu’ils publiaient, sous peine de perdreleurs licences.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Une délégation d’Amnesty International s’est rendue en Guinée-Bissauen mars.GUINÉEÉQUATORIALERÉPUBLIQUE DE GUINÉE ÉQUATORIALEChef de l’État : Teodoro Obiang Nguema MbasogoChef du gouvernement :Ignacio Milán TangPeine de mort :maintenuePopulation :0,7 millionEspérance de vie :51,1 ansMortalité des moins de cinq ans : 145,1 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 93,3 %Les tensions politiques se sont accentuées tout aulong de l’année et les autorités ont continué demuseler l’opposition, harcelant, arrêtant et détenantpour de courtes durées des militants politiques. Lenombre d’arrestations a considérablementaugmenté dans la période qui a précédé le sommetde l’Union africaine, en juin. En novembre, aumoins 30 personnes qui, selon toute apparence,étaient retenues à titre d’otages, ont été remises enliberté après avoir jugées et acquittées par untribunal militaire. Elles étaient détenues au secretdepuis octobre 2010, sans inculpation ni jugement.Cinq prisonniers d’opinion et 17 prisonnierspolitiques ont été remis en liberté à la faveur d’unegrâce présidentielle. La liberté d’expression et deréunion était toujours soumise à des restrictions, etdes journalistes ont été détenus pendant de brèvespériodes ou suspendus de leurs fonctions. Lesréformes constitutionnelles accordant au présidentdes pouvoirs plus étendus ont été approuvées parréférendum en novembre.ContexteEn janvier, le président Teodoro Obiang NguemaMbasogo a pris la présidence tournante de l’Unionafricaine (UA) ; en juin, il a accueilli le sommet del’UA dans la capitale, Malabo. Ce même mois, il asigné la Charte africaine de la démocratie, desélections et de la gouvernance.En septembre, la police française, qui enquêtait surle détournement présumé par le président Obiang etsa famille des revenus pétroliers de la Guinéeéquatoriale, a saisi plusieurs voitures de luxeappartenant à son fils aîné, Teodoro Nguema Obiang,devant la résidence parisienne de ce dernier. Lemême mois, un tribunal français a relaxé l’ONGfrançaise CCFD-Terre solidaire dans la plainte en136 Amnesty International - Rapport 2012


diffamation déposée par le président équato-guinéen.Des poursuites avaient été engagées contre l’ONG àla suite d’un rapport qu’elle avait publié en 2009 surles « biens mal acquis » du président Obiang et de safamille.En octobre, le ministère américain de la Justice aintenté une action devant un tribunal fédéral pourque soient confisqués des biens et d’autres actifs dufils du président Obiang aux États-Unis, au motifqu’ils auraient été obtenus par le pillage desressources naturelles de la Guinée équatoriale ettransférés sur le sol américain par des actes decorruption.Évolutions législatives, constitutionnellesou institutionnellesÀ la suite des mouvements massifs de contestationqui ont secoué l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient,le président Obiang a annoncé en mars qu’ilmodifierait la Constitution dans le but d’élargir lecadre juridique d’exercice des libertés fondamentaleset d’augmenter les occasions pour la population departiciper à la vie politique du pays. En mai, il ainstauré une <strong>com</strong>mission chargée de rédiger lesréformes et en a nommé les membres, notammentdes représentants des partis politiques. Les deuxseuls partis indépendants de Guinée équatoriale,Convergence pour la démocratie sociale (CPDS) etUnion populaire (UP), ont refusé de participer à la<strong>com</strong>mission, parce que leurs revendications – uneamnistie générale et le retour en toute sécurité desexilés – n’avaient pas été satisfaites. Ils se sont élevéscontre la désignation de représentants issus de leursrangs par le président Obiang. En juillet, la Chambredes représentants du peuple a approuvé lespropositions de réforme sans en débattre et, enoctobre, le président Obiang a annoncé la date d’unréférendum. Cependant, le texte des réformesproposées n’a pas été rendu public, et les partispolitiques ne l’ont reçu que deux semaines avant laconsultation populaire. Le 13 novembre, les votantsse sont prononcés à 97,7 % en faveur des réformes.Le référendum s’est déroulé sur fond d’intimidation etde harcèlement des électeurs, des policiers et dessoldats armés étant présents dans les bureaux devote. À Bata, plusieurs représentants de partispolitiques qui observaient le déroulement desopérations ont été expulsés des bureaux de vote ;certains ont été détenus pendant une courte périodeet battus. Les réformes ont encore renforcé lespouvoirs du président, y <strong>com</strong>pris après la fin de sonmandat. Elles limitaient certes à deux le nombre demandats présidentiels consécutifs de sept années,mais supprimaient la limite d’âge des candidats à laprésidence, fixée précédemment à 75 ans. En outre,elles instauraient un poste de vice-président, dont letitulaire, issu obligatoirement du parti au pouvoir, leParti démocratique de Guinée équatoriale (PDGE),sera désigné par le président. Un Sénat et une Courdes <strong>com</strong>ptes dont les membres seront nommés par leprésident, ainsi qu’un poste de médiateur, égalementnommé par le président, ont en outre été créés. LaConstitution révisée n’avait pas été promulguée à lafin de l’année.Arrestations et détentions arbitrairesDes opposants politiques et une centaine d’étudiantsont été arrêtés et placés en détention pour de courtesdurées, en amont du sommet de l’UA qui s’est tenuen juin. D’autres arrestations à motivations politiquesont eu lieu durant la période qui a précédé leréférendum sur les réformes constitutionnelles, ennovembre.n Deux membres de la CPDS, Juan Manuel NguemaEsono, enseignant, et Vicente Nze, médecin, ont étéinterpellés à Bata le 25 avril. Ils étaient soupçonnésd’avoir planifié une manifestation pour la Journéeinternationale des travailleurs et d’avoir collé desaffiches à cette fin sur les murs de l’hôpital de Bata.Juan Manuel Nguema a d’abord été conduit au postede police central de la ville puis, un peu plus tarddans la journée, a dû embarquer sur un vol pourMalabo, où il a été détenu au secret au poste depolice central avant d’être relâché sans inculpationquatre jours plus tard,. Vicente Nze a été arrêtélorsqu’il s’est rendu au poste de police de Bata pours’enquérir de Juan Manuel Nguema. Il y a étémaintenu au secret jusqu’à sa remise en liberté, le29 avril. Les autorités avaient refusé d’indiquer où setrouvaient les deux hommes.n Marcial Abaga Barril, membre de premier plan de laCPDS et représentant du parti à la Commissionélectorale nationale, a été arrêté à son domicile pardeux policiers en civil sans mandat, le 1 er novembre. Il aété emmené au poste de police central de Malabo, où ila été maintenu en détention durant quatre jours avantd’être relâché sans inculpation. On lui a expliquépendant sa détention que la police enquêtait surl’homicide de l’un des cuisiniers du président Obiang.Cet homicide n’avait toutefois pas été signalé.GAmnesty International - Rapport 2012137


GDétention sans jugementAu moins 30 personnes détenues au secret, sansinculpation, à la prison de Bata, ont été remises enliberté après avoir été acquittées par un tribunalmilitaire en novembre. Elles avaient été arrêtées enoctobre 2010, après l’évasion de deux détenuspolitiques de la prison d’Evinayong. Six gardiensavaient également pris la fuite à cette occasion. Lespersonnes incarcérées étaient pour la plupart desproches et des amis des évadés ainsi que despersonnes soupçonnées d’avoir facilité leur évasion.Plusieurs femmes et un bébé de six mois setrouvaient parmi elles. À la mi-novembre, contre touteattente, toutes ces personnes, qui avaient étéinculpées d’avoir aidé les détenus à s’évader, ont étéjugées par un tribunal militaire à Bata. Tous les civilset la plupart des militaires ont été acquittés et libérés ;environ six membres de l’armée et de la police ont étédéclarés coupables et condamnés à des peinesd’emprisonnement dont la durée n’a pas étédivulguée. Si pratiquement tous les défendeurs ontété déclarés non coupables, le procès n’en a paspour autant été conforme aux normes internationalesd’équité.Liberté d’expression – journalistesLa liberté d’expression demeurait restreinte, la presseétant sous le contrôle strict de l’État. Les informationsque les autorités considéraient défavorables ont étésupprimées. En février, le gouvernement a ordonnéaux journalistes de ne plus couvrir les événements enAfrique du Nord, au Moyen-Orient et en Côte d’Ivoire.Des journalistes ont été détenus pendant de courtespériodes ; d’autres, de nationalité étrangère, ont étéexpulsés du pays. L’ONG Reporters sans frontières(RSF) s’est vu refuser des visas d’entrée en Guinéeéquatoriale en avril, parce qu’elle avait employé destermes péjoratifs pour parler du président Obiang.n En mars, Juan Pedro Mendene, journaliste animantune émission diffusée en français sur la radio d’État, aété suspendu pour une durée indéterminée parce qu’ilavait fait allusion à la Libye à l’antenne. Le secrétaired’État en charge de l’information a fait irruption dansles studios de la radio et lui a ordonné de quitter leslieux. Alors qu’il partait, Juan Pedro Mendene a étéfrappé par le garde du corps du secrétaire d’État. Unesemaine plus tard, le directeur de la radio a annoncéque les émissions radiophoniques en langue françaiseétaient momentanément suspendues, sur ordre d’uneautorité supérieure.n En juin, des policiers ont arrêté et détenu pendantcinq heures trois membres d’une équipe de la chaînede télévision allemande ZDF, qui se trouvait en Guinéeéquatoriale pour tourner un documentaire sur l’équipenationale de football féminin. Les reporters avaientégalement filmé des bidonvilles de Malabo etinterviewé le dirigeant de la CPDS, parti d’opposition,ainsi qu’un avocat spécialiste des droits humains. Lesautorités ont effacé les séquences sur les bidonvilles,indiquant qu’elles donnaient une image négative dupays. Elles ont par ailleurs affirmé que l’équipe n’étaitpas autorisée à interviewer des membres del’opposition politique et ont confisqué les cartesmémoire où étaient enregistrées les interviews.Liberté de réunionBien qu’elle soit garantie par la Constitution équatoguinéenne,la liberté de réunion a cette année encoreété réprimée.n À la suite des soulèvements populaires au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, le gouvernement ainterdit en mars toutes les manifestations, y <strong>com</strong>pris lescélébrations officielles de la Journée internationale dela femme et les processions religieuses ; les forces desécurité ont été déployées en nombre accru dans lesrues pour veiller au respect de cette interdiction.n En mars, le gouvernement a rejeté la demande del’UP qui souhaitait tenir un rassemblement en faveurde réformes politiques. La CPDS, qui avait demandél’autorisation d’organiser une marche le 1 er mai àl’occasion de la Journée internationale destravailleurs, s’est elle aussi vu opposer une réponsenégative.n Les autorités ont perturbé des rassemblementsorganisés par la CPDS et l’UP en amont du référendumdu 13 novembre pour protester contre les réformesconstitutionnelles, et ont dispersé les participants.Prisonniers d’opinion – libérationsCinq prisonniers d’opinion – Emiliano Esono Micha,Cruz Obiang Ebebere, Gumersindo Ramírez Faustino,Juan Ekomo Ndong et Gerardo Angüe –, quipurgeaient des peines de six ans d’emprisonnementdepuis 2008 pour association illicite et détentionprésumée d’armes et de munitions, ont recouvré laliberté en juin à la faveur d’une grâce prononcée pourl’anniversaire du président Obiang. Dix-sept détenuspolitiques, qui étaient peut-être des prisonniersd’opinion et qui purgeaient de lourdes peines aprèsavoir été déclarés coupables de tentative de138 Amnesty International - Rapport 2012


enversement du gouvernement, ont également étégraciés et remis en liberté. Ils ont tous dû signer undocument dans lequel ils remerciaient le présidentObiang de sa bienveillance et s’engageaient à ne pas<strong>com</strong>mettre d’infractions semblables à celles faisantl’objet de la grâce.Visites et documents d’AmnestyInternational4 Guinée équatoriale. Des proches de deux prisonniers évadés sontdétenus sans inculpation ni jugement depuis un an (AFR 24/003/2011).4 Guinée équatoriale. Multiplication des arrestations arbitraires à la veilled’un sommet de l’Union africaine (PRE01/309/2011).GUYANARÉPUBLIQUE DU GUYANAChef de l’État et du gouvernement : Bharrat Jagdeo,remplacé par Donald Ramotar le 3 décembrePeine de mort :maintenuePopulation :0,8 millionEspérance de vie :69,9 ansMortalité des moins de cinq ans : 35,3 ‰Les mesures prises par le gouvernement face auxviolences contre les femmes restaient insuffisantes.Trois personnes au moins ont été condamnées àmort ; aucune exécution n’a eu lieu.ContexteEn décembre, le Parti progressiste populaire (PPP) aremporté les élections pour la cinquième foisconsécutive. Il a, cependant, perdu la majoritéparlementaire. Une coalition de partis d’opposition adénoncé le scrutin <strong>com</strong>me ayant été entachéd’irrégularités. À la fin de l’année, une enquête sepoursuivait sur des tirs d’agents de police qui avaientfait plusieurs blessés lors d’une manifestation del’opposition organisée le 6 décembre.Police et forces de sécuritéLes informations recueillies faisaient état de mauvaistraitements infligés à des détenus dans des postes depolice. D’après de nombreuses allégations, despersonnes étaient retenues sans inculpation au-delàde la durée de 72 heures prévue par la loi.Torture et autres mauvais traitementsEn juin, la Haute Cour du Guyana a condamné deuxpoliciers, ainsi que le directeur de la police et leministère de la Justice, au versement de dommageset intérêts ; les deux policiers étaient accusés d’avoirtorturé un garçon de 14 ans en octobre 2009, dansles locaux du poste de Leonora. La Cour a conclu quele garçon avait été victime « de torture et detraitement cruel et inhumain ». Un appel interjeté parl’État du Guyana était en instance à la fin de l’annéeet les fonctionnaires accusés n’avaient pas étésuspendus de leurs fonctions.Violences faites aux femmes et aux fillesLa Loi relative aux infractions à caractère sexuel,adoptée en avril 2010, ne se mettait en place quelentement. Le texte portait création d’un groupe detravail national pour la prévention des violencessexuelles, qui devait se réunir au moins une fois partrimestre. À la fin de 2011, toutefois, il ne s’étaitrassemblé qu’une seule fois. Le groupe de travail apour mission l’élaboration et l’application d’un Plannational pour la prévention des infractions à caractèresexuel. Les organisations de défense des droits desfemmes jugeaient insuffisantes, dans leur ensemble,l’action de la police et des tribunaux face aux plaintespour violences conjugales et sexuelles.Droits des lesbiennes, des gays, despersonnes bisexuelles et destransgenresDes cas de harcèlement de travailleurs du sexetransgenres par des policiers, notamment au moyende la détention arbitraire, ont été signalés. Un recoursen inconstitutionnalité visant à abroger un article de laLoi sur les procédures simplifiées d’examen desinfractions, qui érige en infraction le fait de setravestir et est souvent invoqué par la police pourharceler les travailleurs du sexe, était en instancedevant la Haute Cour fin 2011. Quatre personnesinculpées et condamnées, en février 2009, aupaiement d’une amende au titre de ces dispositions,avaient déposé ce recours dans l’objectif d’obtenirl’abrogation de l’article, faisant valoir qu’il étaitdiscriminatoire et anticonstitutionnel.Droit à la santé – VIH/sidaL’opprobre et la discrimination envers les personnesvivant avec le VIH ou le sida, ainsi que la pénalisationdes relations sexuelles entre hommes, entravaientGAmnesty International - Rapport 2012139


Htoujours l’accès aux informations sur le VIH, audépistage et aux traitements. À la suite d’uneconsultation de la société civile, une requête visant àériger en infraction pénale la transmission délibéréedu VIH a été rejetée en septembre par une<strong>com</strong>mission parlementaire restreinte, aux motifs queces mesures risquaient de décourager le dépistage etd’accroître la réprobation sociale et la discrimination àl’égard des personnes atteintes du VIH/sida.Peine de mortAu moins trois personnes ont été condamnées àmort. À la fin de l’année, 34 personnes au totalétaient sous le coup d’une condamnation à la peinecapitale. Aucune exécution n’a eu lieu au Guyanadepuis 1997. Fin 2011, des recours eninconstitutionnalité étaient en instance devant laHaute Cour, dans l’objectif d’annuler lescondamnations à mort de deux détenus au motif quele temps qu’ils avaient passé dans l’antichambre de lamort – 23 et 16 ans – constituait en lui-même untraitement cruel, inhumain et dégradant. Les deuxhommes étaient toujours en attente d’exécution à lafin de l’année.HAÏTIRÉPUBLIQUE D’HAÏTIChef de l’État : René García Préval, remplacé parMichel Joseph Martelly le 14 maiChef du gouvernement : Jean-Max Bellerive, remplacé parGarry Conille le 18 octobrePeine de mort :aboliePopulation :10,1 millionsEspérance de vie :62,1 ansMortalité des moins de cinq ans : 86,7 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 48,7 %Le nombre de personnes déplacées par le séisme dejanvier 2010 et vivant dans des camps de fortuneest passé de 1,3 million en janvier à 500 000 à lafin de l’année. Dans ces camps, les violences contreles femmes et les filles restaient très répandues. Lesconditions d’hygiène déplorables et l’accès limité àl’eau ont contribué à la réapparition du choléra et àla propagation de l’épidémie. L’appareil judiciaireétait confronté à un défi majeur : parvenir à mettreun terme à l’impunité des auteurs d’atteintes gravesaux droits humains et de crimes contre l’humanitéperpétrés sous le régime de Jean-Claude Duvalier(1971-1986).ContexteJean-Claude Duvalier est rentré en Haïti en janvier,après presque 25 ans d’exil en France. Les autoritésjudiciaires ont immédiatement relancé uneinformation pour détournement de fonds et vol defonds publics. À la suite de plaintes déposées par desvictimes, une enquête pour crimes contre l’humanitéa également été ouverte. En mars, l’ancien présidentJean-Bertrand Aristide, évincé du pouvoir en 2004, aregagné Haïti au terme de sept années d’exil enAfrique du Sud.Michel Martelly a été élu à la tête de l’État en mars,à l’issue du second tour de l’élection présidentiellequi l’opposait à Mirlande Manigat. En novembre2010, le premier tour du scrutin s’était soldé par unesituation d’impasse entre la plupart des candidats etle Conseil électoral, accusé d’avoir manipulé le voteau profit du candidat du pouvoir, Jude Célestin. Desobservateurs nationaux et étrangers avaientégalement dénoncé certains procédés.Michel Martelly a prêté serment le 14 mai, maisn’est parvenu à former un gouvernement qu’enoctobre, lorsque l’Assemblée nationale a accepté lanomination de Garry Conille au poste de Premierministre.Le mandat de la Mission des Nations unies pour lastabilisation en Haïti (MINUSTAH) a été renouveléjusqu’en octobre 2012. Il prévoyait toutefois unediminution des effectifs militaires et policiers.La grave épidémie de choléra apparue en octobre2010 s’est poursuivie, avec une recrudescence vers lafin de l’année. Plus de 523 904 cas et 7 018 décèsavaient été signalés fin 2011. De nombreuses sourcesont attribué l’introduction de la souche sud-asiatiquedu choléra aux soldats népalais déployés dans le cadrede la MINUSTAH et stationnés dans le département del’Artibonite (nord d’Haïti), où s’est déclenchéel’épidémie. En mai, un groupe indépendant d’expertsinternationaux mandaté par le secrétaire général desNations unies pour en déterminer les origines a concluque l’épidémie, de grande ampleur, était due à une<strong>com</strong>binaison de facteurs : la contamination du fleuveArtibonite par des matières fécales et les déficiencessimultanées des systèmes d’adduction d’eau,d’assainissement et de soins. En novembre, l’Institutpour la justice et la démocratie en Haïti, basé aux140 Amnesty International - Rapport 2012


États-Unis, et son partenaire sur place, le Bureau desavocats internationaux, ont porté plainte contre lesNations unies auprès du responsable de l’unité desplaintes de la MINUSTAH, conformément auxprocédures prévues par la Convention sur le statut desforces, afin de demander réparation pour plus de5 000 personnes qui auraient été victimes del’introduction du choléra par négligence.Près de la moitié de la population était en situationd’insécurité alimentaire ; 800 000 personnesn’avaient pas accès de façon régulière aux alimentsde base.En octobre, la situation des droits humains en Haïtia été examinée, pour la première fois, dans le cadrede l’Examen périodique universel des Nations unies.Personnes déplacéesLe nombre de personnes déplacées a diminué aucours de l’année 2011, passant de 1,3 million enjanvier à un peu plus de 500 000 en décembre. Plusde 900 camps de fortune étaient encore recensésdans les zones touchées par le séisme en 2010. Lareconstruction de lieux d’accueil temporaires et semipermanentss’est accélérée, mais ne suffisait toujourspas face aux besoins. L’accès à l’eau et auxinstallations sanitaires continuait de se dégrader dansles camps, entraînant de nombreux cas de choléra.Les personnes déplacées vivant dans des campsdans l’agglomération de Port-au-Prince étaient dansune situation d’insécurité alimentaire plus aiguë quele reste de la population.Expulsions forcéesAu mépris des procédures légales, les autoritéslocales et des propriétaires ont expulsé de forceplusieurs milliers de familles déplacées qui vivaientsur des terres publiques et privées.n En juin, des policiers et des fonctionnaires de la mairiede Port-au-Prince ont expulsé, en dehors de touteprocédure légale, 514 familles installées sur le parkingdu stade Sylvio Cator. Seules 110 familles se sont vuproposer une solution d’hébergement dans un autre lieu,dépourvu d’installations sanitaires adaptées. En mars2010, ces mêmes familles avaient été déplacées de forcedu terrain de football et réinstallées sur le parking.Violences faites aux femmes et aux fillesLes violences sexuelles étaient très répandues dansles camps de personnes déplacées et les quartiersmarginalisés. Un grand nombre de ces violencesconcernaient de très jeunes filles. L’immense majoritédes responsables présumés n’ont pas été traduits enjustice. L’accès aux soins médicaux et aux autresservices pour les victimes de violences sexuelles etliées au genre demeurait restreint dansl’agglomération de Port-au-Prince ; il étaitpratiquement inexistant dans les zones rurales.Les personnes ayant subi des violences sexuellesétaient confrontées à de multiples obstacleslorsqu’elles tentaient de se tourner vers la justice. Lapolice et les autorités judiciaires ne disposaient pasde moyens suffisants pour mener des enquêtes etpoursuivre les coupables présumés. Si un nombrecroissant de victimes de violences sexuelles et liéesau genre trouvait le courage de s’exprimer, unemajorité gardait encore le silence, en raison de laréprobation sociale associée à ces crimes et parcrainte de représailles de la part de leurs agresseurs.Le ministère à la Condition féminine et aux Droitsdes femmes a rédigé un avant-projet de loi sur laprévention, la sanction et l’élimination de la violencefaite aux femmes. Le texte proposait notamment lacréation dans l’ensemble du pays de tribunauxspéciaux chargés d’examiner les affaires de violencescontre les femmes, et prévoyait des sanctions pluslourdes pour toutes les formes de violences liées augenre. Dans le cadre d’un plan stratégique sur troisans destiné à lutter contre les violences faites auxfemmes, le gouvernement a mis en place au sein dela Police nationale d’Haïti un Bureau de coordinationpour l’égalité des sexes et la condition de la femme.Impunité – crimes de droit internationalL’ancien président Jean-Claude Duvalier faisait l’objetd’une enquête pour crimes contre l’humanité etcrimes économiques. L’information ouverte sur lescrimes contre l’humanité <strong>com</strong>mis lorsqu’il était aupouvoir avançait lentement. Le juge d’instruction aremis ses conclusions au <strong>com</strong>missaire dugouvernement (procureur) de Port-au-Prince enjuillet. L’année s’est toutefois achevée sans que le<strong>com</strong>missaire ne se soit prononcé sur les mesures àprendre. Les partisans de Jean-Claude Duvalier ont àmaintes reprises adressé des injures à des victimesd’atteintes aux droits humains ainsi qu’à desfonctionnaires de justice. Il n’existait pas de mesuresde soutien ou de protection des témoins. Cescarences constituaient toujours un obstacle majeurempêchant les victimes et leurs familles de saisir lestribunaux pour obtenir justice.HAmnesty International - Rapport 2012141


HJusticeLes dysfonctionnements du système judiciairedemeuraient à l’origine de violations des droitshumains ; plusieurs milliers de personnes étaient endétention préventive prolongée. D’après le Réseaunational de défense des droits humains, moins de30 % des détenus avaient été jugés et condamnés.Des mineurs étaient eux aussi incarcérés dansl’attente de leur procès. Pour certains, cette détentionpouvait durer plusieurs années. À la fin de l’année,seuls 23 % des garçons détenus avaient <strong>com</strong>parudevant les tribunaux, ce qui n’était le cas d’aucunedes 18 filles.Du fait de la médiocrité des infrastructures et dumanque de moyens humains et financiers del’appareil judiciaire, un grand nombre d’affairesétaient en souffrance. Les prisons étaient confrontéesà des situations d’extrême surpopulation. Plus de275 détenus sont morts de l’épidémie de choléra.n Joseph avait été arrêté pour viol en avril 2006, alorsqu’il était âgé de 12 ans. En octobre 2011, il étaittoujours détenu, dans l’attente de son procès. Il avait<strong>com</strong>paru pour la première fois devant un juged’instruction en novembre 2008 et se trouvait, depuislors, dans un centre de détention pour mineurs.Procès de policiers pour l’exécutionextrajudiciaire de prisonniersTreize policiers et 21 autres personnes, dont desgardiens de prison, ont <strong>com</strong>paru en justice pour leurrôle présumé dans l’homicide d’au moins 12 détenuslors d’un soulèvement dans la prison civile des Cayes,en janvier 2010. Le tribunal ne s’était pas encoreprononcé à la fin de l’année.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Haïti enjanvier, juin, septembre et décembre.4 Haïti. Doublement touchées. Des femmes s’élèvent contre les violencessexuelles dans les camps haïtiens (AMR 36/001/2011).4 Haïti. « On ne peut pas tuer la vérité ». Le dossier Jean-Claude Duvalier(AMR 36/007/2011).HONDURASRÉPUBLIQUE DU HONDURASChef de l’État et du gouvernement : Porfirio Lobo SosaPeine de mort :aboliePopulation :7,8 millionsEspérance de vie :73,1 ansMortalité des moins de cinq ans : 29,7 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 83,6 %Plusieurs personnes ont été tuées dans des conflitsfonciers en cours dans la région de l’Aguán. Desexpulsions forcées ont laissé sans abri des centainesde familles de petits paysans. L’impunité étaittoujours la règle pour les militaires et les policiersauteurs de violations des droits humains, y <strong>com</strong>priscelles <strong>com</strong>mises durant le coup d’État de 2009. Lesdéfenseurs des droits humains ont cette annéeencore fait l’objet de manœuvres d’intimidation.ContexteEn janvier, la Commission interaméricaine des droits del’homme a exprimé sa profonde inquiétude face auxmenaces, aux graves actes de violence et aux homicidesauxquels était confrontée la <strong>com</strong>munauté transgenre.En novembre, 28 Honduriennes dont les enfants,partis pour les États-Unis, avaient disparu au Mexiquese sont rendues dans ce pays pour exhorter lesautorités à mettre en place un mécanisme derecherche officiel permettant de retrouver leursenfants et de mieux protéger les dizaines de milliersde migrants originaires d’Amérique centrale quitraversent le Mexique chaque année (voir Mexique).Impunité – conséquences du coup d’ÉtatEn avril, le gouvernement a mis en place uneCommission vérité et réconciliation afin d’analyser lesévénements qui se sont déroulés avant et pendant lecoup d’État. Dans son rapport, publié en juillet, laCommission a reconnu que les événements de 2009constituaient effectivement un coup d’État et que demultiples violations des droits humains avaient été<strong>com</strong>mises ; l’armée et la police avaient notamment eurecours à la force d’une manière excessive. À la fin del’année, personne n’avait été traduit en justice ouamené à rendre des <strong>com</strong>ptes pour ces atteintes auxdroits fondamentaux.En juin, le Honduras a de nouveau été admis ausein de l’OEA ; le pays en avait été suspendu à lasuite du coup d’État de 2009.142 Amnesty International - Rapport 2012


Les membres de l’appareil judiciaire démis de leursfonctions à la suite de procédures iniques sous legouvernement de facto n’avaient pas retrouvé leurspostes à la fin de l’année.Défenseurs des droits humainsDes défenseurs des droits humains ont été menacéset harcelés dans l’exercice de leurs activités.n En janvier et en juin, Alex David Sánchez Álvarez aété menacé et agressé par des personnes nonidentifiées en raison de son action au sein du collectifVioleta, qui agit en faveur de la protection des droits desmembres de la <strong>com</strong>munauté LGBT, et du Centre deprévention, de traitement et de réadaptation pour lesvictimes de torture et leur famille. Les deux fois, cesfaits ont été signalés au Bureau du procureur général,mais les responsables n’avaient toujours pas ététraduits en justice à la fin de l’année.n Fin 2011, personne n’avait encore été traduit enjustice pour l’homicide dont a été victime, en 2009,Walter Trochez, militant en faveur des droits des LGBT.Droits sexuels et reproductifsUn décret sur la contraception émis par legouvernement de facto en 2009 était toujours envigueur. Ce décret érigeait en infraction pénale lerecours à une contraception d’urgence par lesfemmes et les filles dont la méthode de contraceptionavait échoué, ou qui risquaient d’être enceintes à lasuite de relations sexuelles contraintes.Conflits fonciers et expulsions forcéesDu personnel militaire et d’importants effectifs depolice ont été déployés dans la région de l’Aguán, oùdes conflits fonciers opposant des centaines de petitspaysans et plusieurs entreprises et propriétairesprivés ont donné lieu à des actes de violence.Des expulsions forcées ont également eu lieu toutau long de l’année dans la région de l’Aguán et peud’efforts ont été faits pour résoudre le problème. Lesaccords établis entre le gouvernement et desorganisations de petits paysans n’ont pas été mis enœuvre, laissant des milliers de familles sans abri ouexposées en permanence au risque d’expulsion.n En juin, la police a expulsé de force une<strong>com</strong>munauté de la ville de Rigores, dans ledépartement de Colón. L’avis d’expulsion a été émis enmai, mais la <strong>com</strong>munauté n’en a pas été informée etn’a reçu aucun avertissement avant l’expulsion. Lesfamilles, dont certaines vivaient là depuis denombreuses années, ont eu à peine deux heures pourprendre leurs affaires et quitter leurs foyers. Au coursde l’opération, des maisons appartenant à desmembres de la <strong>com</strong>munauté, sept salles de classe del’école primaire et de l’école maternelle locales, ainsique deux églises ont été détruites et 493 personnes ontperdu leur logement. Aucune solution de relogement,de réinstallation ou d’accès à une terre productive n’aété proposée aux personnes concernées, ni avant niaprès l’expulsion. De même, aucun accès sûr à leurscultures, en grande partie détruites pendantl’expulsion, ne leur a été garanti.Brutalités policièresDe nouvelles allégations ont fait état de violations desdroits humains perpétrées par la police.n En octobre, les corps de deux étudiants tués parballe ont été retrouvés à Tegucigalpa, la capitale dupays. Quatre policiers ont été inculpés de ceshomicides, qu’ils auraient <strong>com</strong>mis pendant leur servicealors qu’ils patrouillaient en ville. Des informationsindiquent que jusqu’à huit policiers pourraient êtremêlés à cette affaire. Face à l’indignation généraleprovoquée par ces deux meurtres, le gouvernement amis sur pied un <strong>com</strong>ité mixte <strong>com</strong>posé de membres duCongrès et de représentants de l’exécutif et chargé derevoir les politiques en matière de sécurité publique.HONGRIERÉPUBLIQUE DE HONGRIEChef de l’État :Pál SchmittChef du gouvernement :Viktor OrbánPeine de mort :aboliePopulation :10 millionsEspérance de vie :74,4 ansMortalité des moins de cinq ans : 6,3 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 99,4 %La nouvelle Constitution suscitait des inquiétudesen matière de protection des droits humains. Leprocès d’un certain nombre de personnes accuséesd’agressions contre des Roms <strong>com</strong>mises en 2008 et2009 a débuté. Des groupes dits d’autodéfense sesont livrés à des actes d’intimidation sur la personnede Roms. Le ministère de l’Intérieur s’est engagé àrenforcer la législation réprimant les crimes motivéspar la haine.HAmnesty International - Rapport 2012143


HContexteLe Parlement a adopté une nouvelle Constitution enavril. Celle-ci <strong>com</strong>portait un certain nombre denouveautés susceptibles de limiter dans la pratiquel’exercice des droits fondamentaux de la personne,<strong>com</strong>me le principe de la protection du fœtus depuisla conception ou encore la possibilité de prononcerdes peines d’emprisonnement à vie sans possibilitéde libération conditionnelle. Le nouveau texte omettaiten outre de mentionner l’âge, l’orientation sexuelle etl’identité de genre parmi les motifs de discriminationprohibés.En septembre, le Conseil des droits de l’homme[ONU] a re<strong>com</strong>mandé au gouvernement hongrois derenforcer l’application de la législation relative à lalutte contre les infractions motivées par la haine etd’élaborer dès que possible un plan d’action visant àprévenir les agressions racistes.RacismeEn mars s’est ouvert devant le tribunal du <strong>com</strong>té dePest le procès des auteurs présumés d’une séried’attaques menées contre des Roms en 2008 et 2009– attaques qui avaient fait six morts, dont un enfant.Trois hommes étaient accusés d’homicides etd’attaque à main armée contre des logementsoccupés par des Roms. Un quatrième était jugé pour<strong>com</strong>plicité.Discriminations – les RomsLes Roms étaient toujours victimes de discriminationsprofondément enracinées dans de nombreux aspectsde la vie courante. Les habitants roms deGyöngyöspata ont ainsi été soumis, en mars et enavril, à une série d’actes d’intimidation de la part deplusieurs groupes « d’autodéfense ». La police n’aguère cherché à faire cesser ces agissements.n Au lendemain d’une marche anti-Roms organisée le6 mars à l’initiative du Jobbik (Mouvement pour uneHongrie meilleure, un parti d’extrême droite) dans levillage de Gyöngyöspata, trois milices privées ontcontinué de « patrouiller » la zone. Le 18 mars, lePremier ministre a demandé au ministre de l’Intérieurde prendre des mesures pour faire cesser les activitésdes organisations paramilitaires. En juin, le Parlement amis en place une <strong>com</strong>mission chargée d’enquêter surces événements. Elle a consacré l’essentiel de sonénergie à rechercher ceux qui avaient « discrédité laHongrie » en divulguant des informations erronées. LesONG de défense des droits humains qui avaient suivi lasituation ont été priées de venir témoigner devant la<strong>com</strong>mission. Elles ont exprimé leurs doutes concernantle mandat de cette dernière, qui ne lui permettait pas,selon elles, d’enquêter sérieusement sur lesévénements dénoncés.n L’Union hongroise pour les libertés civiles (TASZ) aporté plainte auprès du procureur pour quatre casd’injures et de tentative de violences physiques sur lapersonne de Roms de Gyöngyöspata. TASZ affirmaitque la police n’avait enquêté sur aucune de ces quatreaffaires, alors que les normes internationales relativesaux droits humains l’y obligeaient. La police auraitnotamment refusé de considérer les faits <strong>com</strong>merelevant de la violence à l’égard d’un membre d’une<strong>com</strong>munauté particulière, qualification permettantd’engager des poursuites pour violences à caractèreraciste. Elle n’a pas non plus informé les victimes de sadécision de classer les faits dénoncés parmi les délitsmineurs et ne les a pas tenues au courant de l’étatd’avancement de l’enquête. Le parquet a ordonné à lapolice de relancer les enquêtes sur ces événements.JusticeLe ministère de l’Intérieur a mis en chantier en janvierla rédaction d’un protocole encadrant l’action de lapolice dans les affaires de crimes motivés par lahaine. Le Parlement a modifié le Code pénal en mai,rendant illégal tout <strong>com</strong>portement ouvertementinjurieux à l’égard d’une <strong>com</strong>munauté et susceptiblede menacer des personnes appartenant (ouconsidérées <strong>com</strong>me appartenant) à un groupeparticulier, ethnique ou autre. La modificationintroduite dispose également que les activités nonautorisées visant à assurer la sécurité ou l’ordrepublic en suscitant la peur chez certains constituentdésormais une infraction pénale.Le Parlement a adopté en novembre une loi relativeà la Cour constitutionnelle qui restreignait lesconditions de saisine individuelle et prévoyait dessanctions pour les personnes qui abuseraient du droitde saisir la Cour.Droits en matière de logementLa municipalité de Budapest a pris en avril un décretfaisant du fait de dormir dans la rue une infractionpassible d’amende. Un certain nombre de sans-abriauraient ainsi été interpellés en octobre. Legouvernement a proposé de nouvelles modificationsdu Code pénal, qui permettraient d’emprisonner lespersonnes « coupables » de dormir dehors et n’ayant144 Amnesty International - Rapport 2012


pas les moyens d’acquitter une amende. LaFédération européenne des associations nationalestravaillant avec les sans-abri (FEANTSA) a qualifiécette proposition de disproportionnée, estimantqu’elle constituait un déni de la responsabilité del’État pour un phénomène qui est le résultat deproblèmes structurels.Liberté d’expressionDeux nouvelles lois sur les médias sont entrées envigueur en janvier. Elles prévoyaient notamment uneréglementation des contenus des médias etl’enregistrement obligatoire de tout organe de presse.Elles mettaient en outre en place une Autorité desmédias, <strong>com</strong>pétente en matière d’enregistrement desmédias. Le <strong>com</strong>missaire aux droits de l’homme duConseil de l’Europe s’est prononcé en février pourune révision de ces lois. Bien qu’elles aient étémodifiées en avril par le Parlement, le rapporteurspécial des Nations unies sur la promotion et laprotection du droit à la liberté d’opinion etd’expression a estimé qu’elles risquaient « de générerun climat d’autocensure ». L’Organisation pour lasécurité et la coopération en Europe (OSCE) et uncertain nombre d’ONG de défense des droits humainsse sont inquiétées du manque d’indépendance del’Autorité des médias par rapport au gouvernement,ainsi que des larges pouvoirs qui lui étaient conférés.Liberté de religion et de convictionUne nouvelle loi adoptée le 12 juillet a déclenché unconcert de protestations de la part d’un certainnombre d’Églises et d’ONG et les critiques du<strong>com</strong>missaire aux droits de l’homme du Conseil del’Europe. Elle avait notamment pour effet de priver deleur agrément de nombreuses organisationsreligieuses, parmi lesquelles plusieurs groupesislamiques ainsi que l’Église méthodiste de Hongrie.Le texte adopté prévoyait qu’un groupe religieux nepouvait demander à être officiellement reconnu ques’il était en mesure de prouver qu’il existait demanière constituée en Hongrie depuis au moins20 ans et qu’il <strong>com</strong>ptait au moins 1 000 adeptes.Plusieurs organisations religieuses ont saisi la Courconstitutionnelle qui, le 19 décembre, a conclu àl’inconstitutionnalité de la loi, pour des questions deprocédure. Le Parlement a adopté une version dutexte à peine modifiée.Droits des lesbiennes, des gays,des personnes bisexuelles et destransgenresLe tribunal métropolitain de Budapest a annulé enfévrier une décision de la police d’interdire au cortègede la Gay Pride de la capitale d’emprunter l’itinérairequ’il souhaitait prendre, sous prétexte que lamanifestation allait entraver la circulation. Le tribunala estimé que cet argument ne justifiait pas uneinterdiction. Le cortège a bénéficié d’une protectionsatisfaisante, mais des ONG ont relevé plusieurs casd’incitation à la haine contre les lesbiennes, les gays,les bisexuels et les transgenres, ainsi qu’uneagression contre deux participants.Police et forces de sécuritéLe Parlement a annulé en mars plusieurs décisionsde justice prises après les manifestations d’oppositionqui avaient eu lieu à Budapest en septembre etoctobre 2006. Les tribunaux avaient condamné en2006 plusieurs manifestants pour des violences,acquittant les policiers impliqués et faisant preuve,semble-t-il, de partialité dans la mesure où ilsauraient uniquement pris en <strong>com</strong>pte les témoignagesde la police. Or, en 2006, la police aurait eu recours àune force excessive pour réprimer des manifestationsinitialement non violentes et qui auraient dégénéréensuite. Des balles en caoutchouc, des canons à eauet du gaz lacrymogène auraient été utilisés sansdiscrimination ni sommation contre les manifestants.n La Cour européenne des droits de l’homme a jugé enjuin que la police s’était livrée à des traitementsinhumains et dégradants. Elle a accordé plus de10 000 euros de dommages et intérêts au requérant(représenté par le Comité Helsinki de Hongrie), quiavait été maltraité par la police pendant sa garde à vue.Visites et documents d’AmnestyInternational4 Hongrie. La liberté d’expression attaquée. Communication augouvernement hongrois sur la nouvelle législation relative aux médias(EUR 27/004/2011).4 Hongrie. La Constitution nouvellement adoptée ne respecte pas lesdroits humains (EUR 27/006/2011).4 Hongrie. Amnesty International salue l’engagement de la Hongrie dansla lutte contre la discrimination et demande instamment que lesinfractions à caractère raciste fassent l’objet d’enquêtes et de poursuitesexhaustives et efficaces (EUR 27/007/2011).HAmnesty International - Rapport 2012145


IINDERÉPUBLIQUE DE L’INDEChef de l’État :Pratibha PatilChef du gouvernement :Manmohan SinghPeine de mort :maintenuePopulation :1,241 milliardEspérance de vie :65,4 ansMortalité des moins de cinq ans : 65,6 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 62,8 %Le gouvernement a continué de privilégier lacroissance économique, parfois au détriment de laprotection et de la défense des droits humains dansle pays et à l’étranger. Quelque 250 personnes ontété tuées dans les affrontements persistants entregroupes armés maoïstes et forces de sécurité dansplusieurs États du centre et de l’est de l’Inde.Quarante personnes au moins ont trouvé la mort à lasuite d’attentats à l’explosif perpétrés à Mumbai(Bombay) et à Delhi. Malgré le succès de lacampagne d’Anna Hazare en faveur d’unelégislation globale contre la corruption, le Parlementn’a pas adopté de loi en ce sens. Les adivasis(aborigènes) ont redoublé de protestation contre lestentatives d’acquisition de leurs terres et de leursressources minières par des entreprises sans leurconsentement libre, préalable et informé, et obtenula suspension de certains projets industriels. Lesautorités ont mis en place de nouveaux cadresjuridiques en vue de réformer l’acquisition de terres,la réinstallation et l’exploitation minière. Lesdéfenseurs des droits humains étaient la cible desagents de l’État et des membres de milices privées ;certains ont été inculpés d’infractions à motivationpolitique – de sédition entre autres. Beaucoup ontété menacés et ont fait l’objet de manœuvres deharcèlement et d’intimidation ; quatre militants aumoins ont été tués. Les autorités ont adressé uneinvitation permanente à toutes les procéduresspéciales des Nations unies souhaitant se rendredans le pays. Le recours à la torture et aux mauvaistraitements restait toutefois généralisé. Desexécutions extrajudiciaires et des cas de mort endétention étaient régulièrement signalés, et ladétention administrative restait une pratiquerépandue dans un certain nombre d’États. Denouvelles initiatives juridiques en vue d’éliminer latorture n’avaient pas encore donné de résultatsconcrets. Les mécanismes institutionnels visant àprotéger les droits humains étaient faibles ; lalenteur des procédures judiciaires ne permettait pasaux victimes d’atteintes aux droits humains<strong>com</strong>mises dans le passé, y <strong>com</strong>pris d’exécutionsextrajudiciaires et de massacres, d’obtenir justice.Une nouvelle loi visant à accorder justice etréparation aux victimes de violencesinter<strong>com</strong>munautaires perpétrées dans le passé apourtant été adoptée. Les atteintes aux droitshumains <strong>com</strong>mises par le passé n’étaient toujourspas abordées dans les initiatives de paix en cours auNagaland et en Assam. Au moins 110 personnes ontété condamnées à mort. Pour la septième annéeconsécutive, aucune exécution n’a été signalée.ContexteLa croissance économique rapide dans certainssecteurs urbains de premier plan s’est ralentie, enpartie du fait de la récession mondiale et de la haussede l’inflation. Une grande partie de la populationrurale n’avait pratiquement pas profité de lacroissance récente ; des <strong>com</strong>munautés vivaient dansune pauvreté endémique aggravée par une criseagricole et la difficulté de se procurer des denréesalimentaires. Selon des estimations officielles, entre30 et 50 % de la population indienne vivait dans lapauvreté. Au moins 15 % de la population menait uneexistence très précaire dans des bidonvilles urbainssans accès suffisant aux soins médicaux, à l’eau, à lanourriture et à l’éducation.L’élection de l’Inde au Conseil de sécurité [ONU] etau Conseil des droits de l’homme [ONU] a mis enévidence sa place croissante sur la scèneinternationale et régionale. Le pays a pris desinitiatives positives pour coopérer avec les procéduresspéciales de l’ONU. En janvier, la rapporteusespéciale sur la situation des défenseurs des droits del’homme s’est rendue en Inde à l’invitation dugouvernement. Démarche sans précédent, lesautorités ont adressé en septembre une invitationpermanente à tous les mandats thématiques desprocédures spéciales de l’ONU.Le gouvernement était réticent à s’exprimer ausujet des crises des droits humains, dans la région etailleurs dans le monde. L’Inde a gardé le silence àpropos des atteintes aux droits humains <strong>com</strong>misesdans le cadre des bouleversements en cours auMoyen-Orient et en Afrique du Nord, <strong>com</strong>me surcelles perpétrées au Myanmar voisin. Elle n’a passoutenu les demandes visant à obliger le Sri Lanka à146 Amnesty International - Rapport 2012


endre des <strong>com</strong>ptes pour les atteintes aux droitshumains perpétrées lors de la phase finale du conflitdans ce pays, en 2009.Violences entre les forces de sécurité,les milices et les maoïstesDans l’État du Chhattisgarh, les affrontements se sontpoursuivis entre des groupes armés maoïstes et lesforces de sécurité soutenues par les membres deSalwa Judum, une milice financée par les autorités.Des civils, essentiellement des adivasis, étaientrégulièrement pris pour cible par les deux camps. Deshomicides, des enlèvements et des incendiesvolontaires ont été signalés. Dans le seul État duChhattisgarh, plus de 3 000 <strong>com</strong>battants et autrespersonnes avaient trouvé la mort depuis 2005 dansles affrontements. Quelque 25 000 personnescontraintes de quitter leur foyer n’avaient toujours paspu rentrer chez elles. Environ 5 000 vivaient dans descamps au Chhattisgarh et 20 000 autres étaientdispersées dans l’Andhra Pradesh et l’Orissa voisins.Des affrontements similaires entre les maoïstes etles forces de sécurité se sont produits dans lesrégions des États de l’Orissa, de Jharkand et duBengale occidental peuplées d’adivasis. Des actes deviolence politique et des arrestations ont eu lieu aprèsla suspension, en mai, des opérations antimaoïstes auBengale occidental. Les initiatives de paix ont étéréduites à néant en novembre à la suite de la mort duchef maoïste Koteshwar « Kishenji » Rao, qui auraitété sommairement exécuté.Dans un arrêt historique rendu en juillet, la Coursuprême indienne a ordonné le démantèlement detoutes les milices antimaoïstes financées par l’État duChhattisgarh et soupçonnées d’avoir perpétré desatteintes graves aux droits humains. Les autoritéslocales ont en conséquence démantelé ces groupeset intégré leurs membres dans une force auxiliaire de6 000 hommes, mais ont fermé les yeux sur lesallégations à propos de leur implication dans de telsagissements.n En janvier, la police et les forces de sécurité del’Orissa ont affirmé avoir tué 25 maoïstes lors de sixopérations distinctes. Des militants des droits humainsont toutefois recueilli des éléments indiquant que deuxdes victimes étaient des personnes faisant campagnecontre l’exploitation minière, et que les autres étaientdes sympathisants maoïstes non armés arrêtés lorsd’opérations de ratissage et exécutés de manièreextrajudiciaire.n En février à Malkangiri (Orissa), les maoïstes ontenlevé et retenu pendant neuf jours deux responsablesde l’administration de district. Les otages ont étérelâchés en échange de la remise en liberté souscaution de cinq chefs maoïstes incarcérés.n En mars, plus de 300 policiers et membres de SalwaJudum qui participaient à des opérations antimaoïstesont attaqué les villages de Morpalli, Timmapuram etTadmetla, dans l’État du Chahhtisgarh. Trois villageoisont été tués, trois femmes ont subi des violencessexuelles et 295 habitations ont été incendiées. Quatremembres du groupe des opérations spéciales de lapolice ont été tués et cinq autres blessés lors de lariposte des maoïstes. Le militant adivasi Lingaram, quiavait dénoncé ces violations des droits humains, a étéarrêté en octobre avec Soni Sori, une autre militante. Ilsont été inculpés, entre autres, d’avoir transféré desfonds de la société Essar Steel au profit des maoïstesarmés. Soni Sori a été torturée pendant sa garde à vue.Amnesty International les considérait <strong>com</strong>me desprisonniers d’opinion.n En mars, dans l’État de Jharkand, des maoïstes onttué Niyamat Ansari et menacé son associé BhukanSingh, après que les deux hommes eurent dénoncé lacorruption des maoïstes, d’entrepreneurs locaux etd’agents forestiers. En juillet, les maoïstes ont menacéde tuer quatre militants très connus, dont Jean Dreze etAruna Roy, qui les avaient critiqués à la suite de cemeurtre ; ils ont retiré leur menace par la suite.n En septembre, des maoïstes armés ont abattuJagabandhu Majhi, un député du Biju Janata Dal (aupouvoir), ainsi que son garde du corps dans le districtde Nabrangpur, en Orissa. Ils ont justifié cet homicideen affirmant que le député était corrompu et coupabled’actes d’extorsion.n En octobre, des membres des forces de sécurité quimenaient des opérations antimaoïstes dans le districtde Midnapore-Ouest, au Bengale occidental, ont faitsubir des violences sexuelles à Shibani Singh, 29 ans,alors qu’ils tentaient d’arrêter son mari qui se trouvaiten liberté sous caution.Responsabilité des entreprisesDans plusieurs États, des mouvements deprotestation organisés par les adivasis et d’autresgroupes marginalisés ont bloqué des chantiers ou desprojets industriels d’exploitation minière et d’irrigation,entre autres, qui portaient atteinte à leurs droits surleurs terres ancestrales. Les autorités ont proposé deréformer le cadre législatif et les pratiques ad hocIAmnesty International - Rapport 2012147


Idépassés qui régissaient l’acquisition de terres etl’exploitation minière, et elles ont proposé aux groupesaffectés une réinstallation contrôlée et des accords departage des profits. Les protestations n’ont toutefoispas cessé, les villageois se plaignant que les nouvelleslois garantissant leurs droits sur des terrains forestiersn’étaient pas bien appliquées et qu’elles ne réglaientpas la question de leur consentement préalable, libreet informé aux projets.n En juin, en juillet et en novembre, des manifestationspacifiques de paysans ont fait échouer plusieurstentatives de la police d’expulser de force des paysansde terres <strong>com</strong>munales expropriées en vue del’implantation d’une aciérie de la société sud-coréenneSouth Korean Pohong Steel Company (POSCO) dans ledistrict de Jagatsinghpur (Orissa). Deux responsables,Abhay Sahoo et Narayan Reddy, ont alors été arrêtéssur la base de fausses accusations.n En juillet, la Haute Cour de l’Orissa a confirmé ladécision prise en 2010 par le gouvernement indien derefuser son aval au projet d’extension de la raffineried’alumine de Vedanta Aluminium (une filiale de lasociété Vedanta <strong>Resource</strong>s, dont le siège se trouve auRoyaume-Uni) dans la localité de Lanjigarh. Les autoritésindiennes avaient pris cette décision après avoir estimé,à l’instar d’Amnesty International, que les activités de laraffinerie portaient atteinte au droit des villageois à l’eau,à la santé et à un environnement sain, et que sonextension entraînerait de nouvelles atteintes aux droitsfondamentaux des adivasis. Le tribunal a ordonné à lasociété de déposer une nouvelle demande en vued’obtenir les autorisations obligatoires pour l’extensionde la raffinerie. La société a fait appel de ce jugement.Utilisation excessive de la forceLa police a recouru à une force excessive pourréprimer plusieurs manifestations organisées par desgroupes marginalisés – petits paysans, adivasis etdalits (opprimés), notamment. Dans la plupart descas, les autorités n’ont pas mené d’enquête impartialeen temps utile.n En septembre, sept dalits ont trouvé la mort quand lapolice a ouvert le feu sur des manifestants quiréclamaient la remise en liberté de John Pandyan, undirigeant dalit arrêté alors qu’il se rendait àParamakkudi (Tamil Nadu) à l’occasion del’anniversaire de la mort d’Immanuel Sekaran, un autredirigeant dalit.n En septembre, huit musulmans ont été tués lorsquela police et des membres d’une milice gujjar ont ouvertle feu dans une mosquée qu’ils ont ensuite incendiée,dans le village de Gopalgarh, non loin de Bharatpur(Rajasthan).n Deux personnes ont été tuées et cinq autresblessées en février lorsque la police a ouvert le feu endirection de personnes qui protestaient contre laconfiscation de leurs terres pour un projet de centralethermique d’East Coast Energy, dans le village deVadditandra (Andhra Pradesh).n En avril, une personne a été tuée et une autreblessée quand la police a tiré en direction de villageoisqui protestaient contre les effets néfastes du projet decentrale nucléaire de la société française Areva àJaitapur, dans le Maharashtra. La police a ensuite faitincarcérer chaque nuit des manifestants pacifiques quiavaient organisé une marche de quatre jours depuisMumbai.n Deux manifestants et deux policiers ont trouvé lamort en mai lorsque la police a tiré en direction depaysans dans le village de Bhatta Parsaul. Les villageoisavaient enlevé trois fonctionnaires pour protestercontre la décision des autorités de saisir leurs terrespour construire une voie rapide non loin de Noida, dansla périphérie de Delhi. Les policiers ont infligé desviolences sexuelles à sept femmes ; ils ont en outre pilléle village. Un tribunal de Noida a inculpé 30 policiersde viol et de vol à main armée ; la Cour suprême aconclu que l’acquisition des terres était en partieillégale.n En mai, deux personnes ont été abattues par lapolice au cours d’expulsions forcées à Jamshedpur,dans l’État de Jharkand. Au moins 100 000 personnesont été expulsées de chez elles dans les villes deJamshedpur, Ranchi et Bokaro.Défenseurs des droits humainsLes personnes qui défendaient les droits des adivasiset d’autres groupes marginalisés et celles qui seservaient des lois récentes pour obtenir desinformations afin de protéger leurs droits étaientprises pour cible par des agents de l’État et desmembres de milices privées. Des militants ontréclamé l’adoption d’une loi spécifique pour lesprotéger contre ce type d’attaques, ce qui a étésouligné en janvier par la rapporteuse spéciale desNations unies sur la situation des défenseurs desdroits de l’homme.n Binayak Sen, un prisonnier d’opinion condamné en2010 à la détention à perpétuité par un tribunal dedistrict du Chhattisgarh qui l’avait déclaré coupable de148 Amnesty International - Rapport 2012


sédition et de collaboration avec les <strong>com</strong>battantsmaoïstes, a été remis en liberté sous caution en avrilpar la Cour suprême fédérale à la suite d’unecampagne énergique au niveau local et international.n En juin, les militants écologistes Ramesh Agrawal etHarihar Patel ont été emprisonnés sur la base defausses accusations après qu’ils eurent tenté deprotéger des villageois contre la pollution industrielledans le district de Raigarh (Chhattisgarh).n La militante écologiste Shehla Masood a été abattueen août à Bhopal. Elle avait tenté de dénoncer lesatteintes à l’environnement liées à des projetsd’infrastructures urbaines et avait contesté des plansd’exploitation minière au Madhya Pradesh.n Nadeem Sayed, témoin dans l’affaire du massacrede Naroda Patiya, a été poignardé en novembre aprèsavoir témoigné à l’audience. Quatre-vingt-quinzepersonnes avaient trouvé la mort lors du massacreperpétré durant les violences de 2002 visant lesmusulmans du Gujarat.n Valsa John, une religieuse qui militait en faveur desdroits des adivasis, a été assassinée après avoir reçudes menaces de mort émanant, selon certainesinformations, de bandes criminelles impliquées dansl’exploitation illégale de mines dans l’État de Jharkand.ImpunitéL’impunité pour les atteintes aux droits humainsrestait généralisée. Malgré des protestationspersistantes dans le nord-est et le Jammu-et-Cachemire, les autorités refusaient toujours d’abrogerla Loi de 1958 relative aux pouvoirs spéciaux desforces armées et la Loi relative aux zones troublées,qui conféraient aux forces de sécurité déployées danscertaines régions le pouvoir de tirer pour tuer mêmedans des cas où leur vie n’est pas directementmenacée.Les auteurs de violations graves des droits humains– disparitions forcées et exécutions extrajudiciairesnotamment – <strong>com</strong>mises dans le passé au Nagalandet au Manipur, au Pendjab (1984 et 1994) et enAssam (1998 et 2001), n’avaient toujours pas ététraduits en justice. Dans plusieurs États, les dalitsétaient la cible d’attaques et de discriminations. Lesautorités étaient réticentes à utiliser les lois spécialesexistantes pour poursuivre les auteurs de cesviolences.Violences inter<strong>com</strong>munautairesLes premières condamnations ont été prononcéesprès d’une décennie après les émeutes de 2002 quiavaient coûté la vie à quelque 2 000 musulmans auGujarat.n En mars, un tribunal spécial du Gujarat a condamnéà mort 11 personnes et prononcé des peines dedétention à perpétuité contre 20 autres pour l’incendievolontaire d’un wagon du Sabarmati Express, qui avaitentraîné la mort de 59 pèlerins hindous et déclenchéles émeutes.n En novembre, un tribunal spécial du Gujarat acondamné 31 des 73 accusés du massacre deSardarpura – qui avait coûté la vie à 33 musulmans – àla détention à perpétuité. Il s’agissait du premier de10 grands procès qui sont directement encadrés par laCour suprême fédérale.Cette année encore, les personnes qui œuvraientpour que justice soit rendue aux victimes desviolations <strong>com</strong>mises par le passé au Gujarat ont étéharcelées.n En janvier, Teesta Setalvad, du Centre pour la justiceet la paix, ainsi qu’une équipe d’avocats quidéfendaient les droits des victimes et de leurs famillesont été harcelés par la police du Gujarat, qui les aaccusés de fabrication de preuves concernant unefosse <strong>com</strong>mune.Jammu-et-CachemireLes responsables d’atteintes aux droits humains<strong>com</strong>mises au Cachemire dans le passé, notammentd’homicides illégaux, d’actes de torture et de ladisparition forcée de milliers de personnes dans lecadre du conflit armé entamé en 1989, continuaientde bénéficier de l’impunité. Les homicides <strong>com</strong>mispar les forces de sécurité sur la personne de plusd’une centaine de jeunes gens au cours demanifestations en 2010 sont eux aussi, pour laplupart, restés impunis.n En mars, 15 ans après le meurtre de Jaleel Andrabi,un avocat spécialisé dans la défense des droitshumains, les autorités locales ont demandé augouvernement fédéral d’obtenir l’extradition depuis lesÉtats-Unis du capitaine Avtar Singh, accusé de cemeurtre, afin qu’il soit jugé par un tribunal de Srinagar.Le gouvernement fédéral n’avait pas répondu à cettedemande à la fin de l’année.n En septembre, la <strong>com</strong>mission des droits humains del’État a découvert plus de 2 700 tombes anonymesdans le nord du Cachemire. La police locale a affirméque ces tombes contenaient les restes d’« activistesinconnus », mais la <strong>com</strong>mission a bel et bien identifié574 corps <strong>com</strong>me étant ceux de personnes ayantdisparu dans la région. Elle a demandé aux autoritésIAmnesty International - Rapport 2012149


Ilocales d’utiliser le profil ADN, entre autres techniquesde police scientifique, pour procéder à l’identificationdes autres corps. Aucune mesure n’avait été prise à lafin de l’année pour mettre en œuvre cettere<strong>com</strong>mandation.En mars, Amnesty International a rendu public àSrinagar un rapport dans lequel elle réclamait la finde la détention administrative et l’abrogation de la Loirelative à la sécurité publique (PSA). Les autoritéslocales ont proposé de modifier cette loi – en vue delimiter la période de détention – ainsi que cellerégissant la justice des mineurs dans l’État deJammu-et-Cachemire – pour prohiber le placementen détention des personnes âgées de moins de18 ans. Les arrestations aux termes de la PSA se sonttoutefois poursuivies et un certain nombre dedirigeants et militants politiques étaient maintenus endétention sans inculpation ni jugement à la fin del’année. Plusieurs enfants ont été libérés aprèsl’intervention d’Amnesty International.n Murtaza Manzoor, 17 ans, détenu pour la deuxièmefois, a été remis en liberté en mai. Il avait été libéré audébut du mois sur ordre de la Haute Cour de l’État deJammu-et-Cachemire, qui avait déclaré illégale sadétention depuis quatre mois.Arrestations et détentions arbitrairesPlus de 50 personnes ont été détenues sansinculpation pendant des périodes allant d’unesemaine à un mois, à la suite d’attentats à l’explosifperpétrés à Mumbai et à Delhi. Les lois sécuritaires,renforcées après les attentats perpétrés en novembre2008 à Mumbai, étaient utilisées pour maintenir dessuspects en détention. Dans la majorité des casd’attentats perpétrés dans le passé, toutefois, lesenquêtes et les procès n’ont que peu progressé.n En novembre, sept musulmans accusésd’implication dans un attentat à l’explosif perpétré en2006 à Malegaon (Maharashtra) ont été remis enliberté sous caution après avoir été détenus pendantcinq ans à Mumbai. Leur libération est intervenueaprès qu’un dirigeant hindou, Aseemananda, eutavoué la participation d’un groupe armé hindou dedroite dans cet attentat.Peine de mortAu moins 110 personnes ont été condamnées à mort.Toutefois, pour la septième année consécutive,aucune exécution n’a été signalée. On craignaitcependant une reprise des exécutions, les autoritésayant rejeté les recours en grâce de cinq condamnésà mort, dont trois prisonniers reconnus coupables del’assassinat de l’ancien Premier ministre Rajiv Gandhi.Des dispositions législatives adoptées en décembreprévoyaient de punir de la peine de mort lespersonnes déclarées coupables d’attaques« terroristes » contre des oléoducs et des gazoducslorsque ces actes entraînaient mort d’homme ; dansl’État du Gujarat, une nouvelle loi rendait passibles dela peine capitale les personnes se livrant à lafabrication et à la vente illégales d’alcool.Visites et documents d’AmnestyInternational4 “A lawless law”: Detentions under the Jammu and Kashmir Public SafetyAct (ASA 20/001/2011).4 Inde. Lettre ouverte au ministre de l’Environnement et des Forêts(ASA 20/032/2011).4 Generalisations, omissions, assumptions: The failings of Vedanta’sEnvironmental Impact Assessments for its bauxite mine and aluminarefinery in India’s state of Orissa (ASA 20/036/2011).4 Inde. Lettre ouverte d’Amnesty International aux membres del’Assemblée législative de l’État de Jammu-et-Cachemire(ASA 20/046/2011).4 Inde. Une reprise des exécutions porterait un coup aux droits humains(PRE01/274/2011).4 L’Inde doit faire appliquer la décision de la Cour suprême visant àinterdire les milices antimaoïstes (PRE01/340/2011).INDONÉSIERÉPUBLIQUE D’INDONÉSIEChef de l’État et du gouvernement : Susilo BambangYudhoyonoPeine de mort :maintenuePopulation :242,3 millionsEspérance de vie :69,4 ansMortalité des moins de cinq ans : 38,9 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 92,2 %L’Indonésie a pris la présidence de l’ANASE. Elle aété élue en mai au Conseil des droits de l’homme del’ONU pour un troisième mandat consécutif. Legouvernement a renforcé la Commission nationalechargée de la police, mais les mécanismes destinésà garantir que la police rende <strong>com</strong>pte de ses actesrestaient inadéquats. Les forces de sécurité150 Amnesty International - Rapport 2012


faisaient toujours l’objet d’allégations de violationsdes droits humains, notamment d’actes de torture,d’autres formes de mauvais traitements et derecours à une force excessive et injustifiée. Lesautorités provinciales de l’Aceh avaient de plus enplus fréquemment recours à la peine de bastonnadeà titre de châtiment judiciaire. En Papouasie et dansles Moluques, certaines activités politiques nonviolentes étaient toujours sanctionnées pénalement.Les minorités religieuses étaient en butte à desdiscriminations, y <strong>com</strong>pris à des actesd’intimidation et à des agressions physiques. Lesfemmes et les jeunes filles se heurtaient toujours àdes obstacles pour faire valoir leurs droits sexuels etreproductifs. Aucune exécution n’a été signalée.Torture et autres mauvais traitementsLes forces de sécurité ont été accusées à plusieursreprises d’avoir torturé ou soumis à d’autres formesde mauvais traitements des détenus, en particulierdes militants politiques pacifiques dans des régionstraditionnellement indépendantistes <strong>com</strong>me laPapouasie ou les Moluques. Les accusations de cetype donnaient rarement lieu à des enquêtes.n En janvier, trois militaires qui avaient été filmés entrain de rouer de coups de pied et d’injurier des Papousont été condamnés pour désobéissance par un tribunalmilitaire, à des peines allant de huit à 10 moisd’emprisonnement. Un haut responsablegouvernemental indonésien a qualifié ces actes de« violation mineure ».n Aucune enquête n’a été ouverte concernant lesallégations de torture et d’autres mauvais traitementsinfligés dans les Moluques, en août 2010, à21 militants politiques non violents par des membresdu détachement spécial 88 (Densus-88), une unitéantiterroriste de la police. Ces 21 personnes auraientété torturées au moment de leur arrestation, pendantleur détention et dans le cadre de leurs interrogatoires.La bastonnade était de plus en plus utilisée à titrede châtiment judiciaire en Aceh. Au moins72 personnes ont été soumises à ce châtiment pourtoute une série d’infractions, notamment laconsommation d’alcool, la pratique d’un jeu dehasard ou encore le fait de se trouver seul en<strong>com</strong>pagnie d’une personne du sexe opposé hors desliens du mariage ou de liens familiaux (khalwat).Après l’entrée en vigueur de la loi relative àl’autonomie spéciale de la province, en 2001, lesautorités de l’Aceh ont adopté une série derèglements régissant l’application de la charia (droitmusulman).Utilisation excessive de la forceLa police a fait usage d’une force injustifiée etexcessive contre des manifestants et desprotestataires, en particulier dans le cadre de litigesfonciers. Les rares enquêtes menées sur ce genred’affaires n’ont pas débouché sur la <strong>com</strong>parution enjustice des responsables présumés.n Au mois de janvier, dans la province de Jambi, sixpaysans travaillant sur une plantation de palmiers àhuile ont été grièvement blessés par des balles encaoutchouc tirées par des membres de la brigade depolice mobile, qui cherchaient à les expulser de laplantation. Ces terres étaient au centre d’un litigefoncier opposant ces agriculteurs à une entreprised’exploitation de l’huile de palme.n En avril, des policiers ont ouvert le feu surDominokus Auwe devant le <strong>com</strong>missariat du sousdistrictde Moanemani, en Papouasie. Atteint à lapoitrine et à la tête, ce dernier est décédé. Deux autreshommes ont été blessés. Ces trois personnes étaientvenues au <strong>com</strong>missariat de manière pacifique pours’enquérir d’une somme d’argent appartenant àDominokus Auwe que la police avait saisie plus tôt dansla journée.n En juin, dans le district de Langkat (province deSumatra-Nord), les forces de sécurité ont recouru àune force injustifiée et excessive quand elles ont tentéd’expulser un groupe de personnes dans le cadre d’unlitige foncier opposant ces dernières aux autoritéslocales. Comme elles protestaient contre leurexpulsion, des policiers ont ouvert le feu sanssommation sur la foule, blessant au moins neufhommes. Six autres hommes ont été roués de coups.Liberté d’expressionLe gouvernement continuait de sanctionnerpénalement des personnes qui exprimaient sansviolence des opinions politiques dans l’archipel desMoluques et en Papouasie. Au moins 90 militantspolitiques ont ainsi été emprisonnés en raison deleurs activités politiques pacifiques.n Deux militants papous, Melkianus Bleskadit etDaniel Yenu, ont été condamnés en août à une peined’emprisonnement (de deux ans pour l’un d’eux) enraison de leur participation à une manifestationpacifique qui s’était déroulée à Manokwari endécembre 2010.IAmnesty International - Rapport 2012151


In En octobre, plus de 300 personnes ont été arrêtéesde manière arbitraire pour avoir participé au troisièmeCongrès du peuple papou, un rassemblementpacifique qui se tenait à Abepura, dans la province dePapouasie. La plupart de ces personnes ont étérelâchées le lendemain, mais cinq d’entre elles ont étéinculpées de « rébellion » au titre de l’article 106 duCode pénal. Elles encouraient une peine de réclusion àperpétuité. L’enquête préliminaire menée par laCommission nationale des droits humains (KomnasHAM) a conclu que les forces de sécurité avaient<strong>com</strong>mis plusieurs violations des droits humains,notamment en ouvrant le feu sur les participants aurassemblement et en les frappant.Cette année encore, des défenseurs des droitshumains et des journalistes ont fait l’objetd’agressions et de manœuvres d’intimidation enraison de leur travail.n En mars, dans la province de Papouasie, lejournaliste Banjir Ambarita a été poignardé par desinconnus, peu après avoir dénoncé dans ses articlesdeux affaires de viols qui auraient été <strong>com</strong>mis par desagents de la police locale. Il a survécu à ses blessures.n En juin, Yones Douw, défenseur des droits humainsen Papouasie, a été roué de coups par des militairesalors qu’il tentait d’intervenir dans un mouvement deprotestation. Les protestataires demandaient que lesresponsabilités soient établies dans l’homicide illégalprésumé de Derek Adii, un Papou qui avait été tuéen mai.DiscriminationsDes agressions et des actes d’intimidation visant desminorités religieuses ont cette année encore étésignalés. Les membres du mouvement religieuxahmadiyya faisaient l’objet de discriminationscroissantes et au moins quatre provinces avaientadopté une nouvelle réglementation restreignant leursactivités. À la fin de l’année, au moins 18 égliseschrétiennes avaient été attaquées ou contraintes defermer leurs portes. Dans de nombreux cas, la policen’a pas suffisamment protégé les minorités,religieuses ou autres, contre de telles agressions.n En février, trois ahmadis ont été attaqués et tués parune foule de quelque 1 500 personnes, à Cikeusik,dans la province de Banten. Le 28 juillet, 12 personnesont été condamnées à des peines allant de trois à sixmois d’emprisonnement pour leur participation à cetteattaque. Personne n’a cependant été poursuivi pourmeurtre, et plusieurs associations locales de défensedes droits humains ont dénoncé le manque dedétermination du ministère public.n Le maire de Bogor refusait toujours d’appliquer unarrêt de la Cour suprême de 2010 lui ordonnant derouvrir l’église chrétienne indonésienne de TamanYasmin. Les fidèles étaient contraints de suivre lesoffices hebdomadaires sur le trottoir, devant l’églisefermée, et sous les protestations de membres degroupes radicaux.Droits sexuels et reproductifsLes femmes et les jeunes filles, en particulier cellesdes couches les plus pauvres et les plusmarginalisées de la population, se voyaientempêchées d’exercer pleinement leurs droits sexuelset reproductifs. Beaucoup ne bénéficiaient toujourspas des services de santé reproductive prévus par laLoi de 2009 relative à la santé, le ministère de laSanté n’ayant toujours pas publié les décretsd’application nécessaires. Le gouvernement n’a pasremis en cause certains <strong>com</strong>portementsdiscriminatoires et certaines pratiques cruelles,inhumaines ou dégradantes <strong>com</strong>me les mutilationsgénitales féminines ou le mariage précoce.n En juin, la ministre de la Santé a défendu desdispositions réglementaires de novembre 2010autorisant certaines formes bien précises de« circoncision féminine » à condition qu’elles soientpratiquées par un médecin, une infirmière ou unesage-femme. Ce texte légitimait ainsi la pratique desmutilations génitales féminines, largement répandueen Indonésie. De plus, il violait un certain nombre delois indonésiennes et allait à l’encontre des promessesfaites par le gouvernement d’œuvrer pour une plusgrande égalité des sexes et de <strong>com</strong>battre lesdiscriminations à l’égard des femmes.Le taux de mortalité maternelle restait l’un des plusélevés de la région.Employés de maisonLe chef de l’État s’est déclaré, en juin, favorable à lanouvelle Convention n° 189 de l’Organisationinternationale du travail (OIT) sur le travaildomestique. Cependant, le Parlement s’est abstenu,pour la deuxième année consécutive, d’examiner etd’adopter des projets de loi instituant une protectionjuridique pour les employés de maison. On estimait àenviron 2,6 millions le nombre de travailleursdomestiques (dans leur immense majorité desfemmes et des jeunes filles) susceptibles d’être152 Amnesty International - Rapport 2012


exploités ou soumis à des violences physiques,psychologiques ou sexuelles.ImpunitéLes auteurs des atteintes aux droits humains<strong>com</strong>mises par le passé, entre autres dans l’Aceh, enPapouasie et au Timor-Leste, n’avaient toujours pasété inquiétés par la justice. Saisis par la Commissionnationale des droits humains concernant plusieursaffaires d’atteintes graves aux droits humains, lesservices du procureur général n’ont pas donné suite.La Commission avait notamment relevé des élémentstendant à montrer que des crimes contre l’humanitéavaient été <strong>com</strong>mis par les forces de sécurité.n Un protocole d’accord conclu entre la Commissionnationale des droits humains et le médiateur en chargedes droits humains et de la justice du Timor-Leste, quiprévoyait entre autres de faire la lumière sur le sortréservé aux personnes disparues en 1999 au Timor-Leste, est arrivé à expiration en janvier et a étérenouvelé en novembre. Aucune avancée n’a étésignalée en la matière (voir Timor-Leste).n En septembre, les services du procureur général ontdéclaré « close » l’affaire concernant le meurtre deMunir, défenseur très en vue des droits humains. Bienque trois personnes aient été reconnues coupablesd’avoir participé à ce meurtre, un certain nombred’allégations crédibles incitaient à penser que lesresponsables n’avaient pas tous été traduits en justice.n Le gouvernement n’avait toujours pas appliqué lesre<strong>com</strong>mandations formulées en 2009 par leParlement, qui lui demandait d’enquêter surl’enlèvement et la disparition forcée de 13 militantspolitiques, en 1997 et 1998, et d’engager despoursuites contre les responsables présumés de cesactes.Peine de mortAucune exécution n’a été signalée, et ce pour latroisième année consécutive. Au moins100 personnes restaient cependant sous le coupd’une condamnation à mort.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Indonésie enavril, mai, septembre, octobre, novembre et décembre.4 Making the fair choice: Key steps to improve maternal health in ASEAN –Briefing to the ASEAN Intergovernmental Commission on Human Rights(ASA 03/001/2011).4 Indonesia: Open letter to Head of National Police on failure of policeaccountability in Indonesia (ASA 21/005/2011).4 Indonesia: Open letter on human rights violations against theAhmadiyya in West Java (ASA 21/032/2011).IRAKRÉPUBLIQUE D’IRAKChef de l’État :Jalal TalabaniChef du gouvernement :Nouri al MalikiPeine de mort :maintenuePopulation :32,7 millionsEspérance de vie :69 ansMortalité des moins de cinq ans : 43,5 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 78,1 %Les forces de sécurité gouvernementales ont fait unusage excessif de la force contre des manifestantspacifiques, entre autres, dont certains ont été tuéspar balles, d’autres arrêtés et torturés. Des milliersde personnes étaient détenues ; beaucoup avaientété arrêtées les années précédentes et étaientincarcérées sans inculpation ni jugement. Lerecours à la torture et aux mauvais traitementsrestait très courant. Des centaines de personnes ontété condamnées à mort, dans bien des cas à l’issuede procès inéquitables, et plusieurs dizaines deprisonniers ont été exécutés. Les troupesaméricaines ont <strong>com</strong>mis des violations graves desdroits humains. Des groupes armés opposés augouvernement et à la présence des troupesaméricaines continuaient de <strong>com</strong>mettre desatteintes flagrantes aux droits humains ; ils ont tuédes centaines de civils dans de nombreux attentatssuicideset autres attaques.ContexteInspirés par les soulèvements populaires en Tunisie eten Égypte, des milliers d’Irakiens ont manifesté àBagdad et à Bassora, entre autres, contre lacorruption, le chômage et le manque de services debase, et pour réclamer une plus grandereconnaissance de leurs droits civils et politiques. Lesforces de sécurité ont eu recours à la force pourdisperser les manifestations les plus importantes,organisées le 25 février dans tout le pays.Les derniers soldats américains ont quitté l’Irak le18 décembre ainsi que le prévoyait l’Accord sur leIAmnesty International - Rapport 2012153


Istatut des forces conclu en 2008 entre lesgouvernements américain et irakien. Un projetd’accord en vertu duquel plusieurs milliers de soldatsaméricains seraient restés en Irak <strong>com</strong>me formateursmilitaires a échoué du fait de problèmes juridiquesconcernant l’immunité.L’Irak a adhéré en juillet à la Convention contre latorture [ONU].Exactions perpétrées par des groupesarmésCette année encore, des groupes armés opposés augouvernement et à la présence des troupesaméricaines ont <strong>com</strong>mis des atteintes flagrantes auxdroits humains, notamment des enlèvements et deshomicides aveugles faisant des victimes parmi lapopulation civile. Beaucoup de ces attaques ont étéperpétrées par Al Qaïda en Irak et par des groupesqui lui sont liés.n Le 10 février, neuf personnes ont été tuées et aumoins 27 autres blessées dans l’explosion d’unevoiture piégée au passage d’un cortège de pèlerinschiites qui se dirigeaient vers les sanctuaires deSamarra, dans la province de Salahuddin.n Le 15 août, 89 personnes au moins ont trouvé lamort dans plus de 40 attaques coordonnées perpétréesdans tout le pays. L’attentat le plus meurtrier a été<strong>com</strong>mis dans un marché très fréquenté de Kut, au sudestde Bagdad, où deux explosions ont fait au moins35 morts et plus de 60 blessés.n Le 29 août, 29 personnes au moins ont été tuées etde nombreuses autres ont été blessées dans unattentat-suicide <strong>com</strong>mis dans la mosquée Um al Qura,la plus grande mosquée sunnite de la capitale. Aunombre des victimes figurait le parlementaire Khalid alFahdawi.Détention sans jugementDes milliers de prisonniers étaient maintenus endétention sans inculpation ni jugement. Leprésident du Conseil judiciaire suprême a déclaréen juillet que quelque 12 000 prisonniers étaient eninstance de jugement ; ce chiffre ne concernait queles personnes détenues dans des lieux placés sousle contrôle du ministère de la Justice. On estimaitque beaucoup d’autres se trouvaient dans desprisons administrées par les ministères de laDéfense et de l’Intérieur. De nombreux prisonniersn’étaient pas autorisés à entrer en contact avec leurfamille ni avec un avocat.En juillet, les forces américaines ont remis auxautorités irakiennes l’ancien ministre de la Défense etdeux demi-frères de l’ancien président SaddamHussein, tous trois condamnés à mort, ainsi que prèsde 200 détenus, membres présumés de groupesarmés. Il s’agissait des derniers prisonniers aux mainsdes forces américaines en Irak. Ils ont tous étémaintenus en détention dans la prison d’al Karkh(anciennement Camp Cropper), près de l’aéroportinternational de Bagdad.Torture et autres mauvais traitementsLes détenus étaient régulièrement torturés etmaltraités dans les prisons et centres de détention,notamment ceux contrôlés par les ministères del’Intérieur et de la Défense. Les méthodes le plussouvent décrites étaient la suspension prolongée parles bras et les jambes, les coups de câble ou de tuyaud’arrosage, les décharges électriques, les fractures demembres, l’asphyxie partielle au moyen d’un sac enplastique, ainsi que le viol ou les menaces de viol. Latorture était utilisée pour arracher des informations ouobtenir des « aveux » qui pouvaient être retenus à titrede preuve à charge par les tribunaux.n Abdel Jabbar Shaloub Hammadi, qui avait participéà l’organisation de manifestationsantigouvernementales, a été arrêté le 24 février dansune rue de Bagdad par 30 policiers armés. Ils l’ontbattu, lui ont bandé les yeux et l’ont emmené dans unvéhicule jusqu’aux locaux de la police, dans le quartierd’Al Baladiyat. Cet homme affirme que, pendant lescinq premiers jours de sa détention, il a été suspendupar les poignets, les bras et les jambes attachésensemble dans le dos, et aspergé d’eau glacée. Il a étélibéré sans inculpation le 8 mars.Utilisation excessive de la forceFace aux manifestations antigouvernementales quiont eu lieu à Bagdad et dans d’autres villes,essentiellement en février et en mars, les forces desécurité ont réagi avec une force excessive. Elles ontnotamment utilisé des munitions réelles et desbombes assourdissantes pour disperser desrassemblements pacifiques. Vingt personnes aumoins ont été tuées au cours de ces manifestations,qui ont débuté en février.n Muataz Muwafaq Waissi était au nombre des cinqpersonnes abattues par les forces de sécurité le25 février lors d’une manifestation pacifique à Mossoul.Il aurait été tué par un tireur embusqué. Selon des154 Amnesty International - Rapport 2012


témoins, les forces de sécurité ont dans un premiertemps utilisé des bombes assourdissantes et tiré enl’air ; mais elles ont ensuite tiré à balles réelles contreles manifestants.n À Bassora ce même 25 février, Salim Farooq a ététué et de très nombreuses autres personnes ont étéblessées dans des heurts entre forces de sécurité etmanifestants intervenus devant le bâtiment du conseilprovincial.Peine de mortPlusieurs centaines de personnes ont étécondamnées à mort. Le président du Conseiljudiciaire suprême a déclaré en juillet que lestribunaux avaient prononcé 291 sentences capitalesau cours des six premiers mois de l’année. Enseptembre, un porte-parole du Conseil judiciairesuprême a révélé que 735 condamnations à mortavaient été soumises au chef de l’État pour ratificationentre janvier 2009 et septembre 2011, et que 81d’entre elles avaient été ratifiées. Selon le ministère dela Justice, 65 hommes et trois femmes ont étéexécutés au cours de l’année.La plupart des sentences capitales ont étéprononcées contre des individus déclarés coupablesd’appartenance à des groupes armés ou departicipation à des attaques armées, à desenlèvements ou à d’autres crimes violents. D’unemanière générale, les procès ne respectaient pas lesnormes internationales d’équité. Les accusés seplaignaient régulièrement de ne pas avoir eu le droitde choisir leur défenseur et affirmaient que des« aveux » arrachés sous la torture durant leursinterrogatoires, alors qu’ils étaient détenus au secret,étaient retenus à titre de preuve à charge. Dans denombreux cas, ces « aveux » étaient retransmis à latélévision, parfois avant le procès, ce qui portaitatteinte à la présomption d’innocence. Il était rare queles autorités diffusent des informations sur lesexécutions, en particulier le nom des suppliciés etleur nombre exact.n Le 16 juin, la Cour pénale centrale a condamné àmort 15 hommes. Les « aveux » de plusieurs d’entreeux avaient été diffusés quelques jours plus tôt sur unechaîne de télévision. Ces 15 prisonniers, quiappartenaient semble-t-il à des groupes armés,auraient été reconnus coupables du meurtre dedizaines de personnes et du viol de femmes et dejeunes filles au cours d’un mariage en juin 2006, dansun village proche d’al Taji, au nord de Bagdad. Lamariée avait elle aussi été violée. Le ministère de laJustice a annoncé le 24 novembre que 12 personnesimpliquées dans cette affaire avaient été exécutées lejour même. On ignorait le sort des trois autres à la fin del’année.n Reconnus coupables de « terrorisme » et demeurtre, dix hommes, dont un Tunisien et un Égyptien,auraient été exécutés le 16 novembre dans la prisond’al Kadhimiya, à Bagdad.Procès d’anciens responsables du partiBaas et d’officiers de l’arméeLe Haut Tribunal pénal irakien a poursuivi les procèsdes anciens hauts responsables du parti Baas et desofficiers de l’armée liés au régime du présidentSaddam Hussein qui étaient accusés de crimes deguerre, de crimes contre l’humanité et d’autrescrimes graves. Le Tribunal, dont l’indépendance etl’impartialité ont été mises à mal par l’ingérence de laclasse politique, a prononcé plusieurs condamnationsà mort. Son président a déclaré en septembre devantle Parlement que la juridiction avait cessé defonctionner car elle avait mené à bien toutes lesprocédures criminelles qui lui avaient été soumises.n Hadi Hassuni, Abd Hassan al Majid et Farouq Hijazi,tous anciens agents de haut rang des services durenseignement, ont été condamnés à mort le 21 avrilpour le meurtre de Taleb al Suhail, un dirigeant del’opposition, <strong>com</strong>mis en 1994 au Liban. La chambre duHaut Tribunal pénal irakien chargée des appels aconfirmé leurs sentences, qui étaient en instance deratification par le chef de l’État à la fin de l’année.n Aziz Saleh al Numan, un ancien haut responsabledu parti Baas, a été condamné à mort le 6 juin. Il avaitété déclaré coupable de crimes contre l’humanité<strong>com</strong>mis dans le cadre de la répression du soulèvementchiite de 1991 dans le sud du pays.Attaques contre les employés des médiasUne nouvelle loi adoptée en août, officiellement pourprotéger les droits des journalistes, a été dénoncée<strong>com</strong>me insuffisante par des organisations de presseet des journalistes. Ces derniers étaient toujours enbutte à des menaces et à des agressions des forcesde sécurité motivées par des considérations politiquesdans le cadre de ce qui semblait être une répressionorchestrée contre les médias. Ceux qui travaillaientpour des médias indépendants ou d’oppositionétaient particulièrement visés. Plusieurs journalistesont été arrêtés et torturés.IAmnesty International - Rapport 2012155


In Hadi al Mahdi, journaliste de radio bien connu, a étéabattu dans son appartement de Bagdad le8 septembre, peu avant une manifestation à laquelle ildevait participer. Selon ses amis, il avait reçu desmenaces les semaines précédentes. Il avait déjà étédétenu par des soldats avec trois autres journalistes à lasuite de leur participation à la manifestation du25 février. Retenus toute la nuit, ils avaient étéinterrogés et torturés, notamment frappés, menacés deviol et soumis à des décharges électriques.Violations des droits humains imputablesaux forces américainesLes forces américaines ont été impliquées dans uncertain nombre de cas où des civils ont été tués dansdes circonstances suspectes.n Le 7 mars, une unité conjointe des forcesaméricaines et irakiennes arrivée à bord d’unhélicoptère dans le village d’Allazika (province deKirkouk) a effectué une descente au domicile d’AyadIbrahim Mohammad Azzawi al Jibbouri, un médecin.Celui-ci ainsi que son frère Khalil, un enseignant, ontété emmenés par les militaires. Le 8 mars, des prochesd’Ayad al Jibbouri ont reçu un appel de la morgue deTikrit leur demandant de venir chercher son corps, quedes soldats américains avaient amené la veille. Quant àKhalil al Jibbouri, les forces américaines l’avaientemmené dans leur base, à Tikrit. On ignorait à la fin del’année s’il avait été remis aux autorités irakiennes oulibéré.n Shaikh Hamid Hassan, un notable tribal, et deux deses proches ont été tués le 30 juillet dans le village deRufayat, au nord de Bagdad, lors de l’attaque de leurmaison au cours d’une opération sécuritaire conjointedes forces américaines et irakiennes. Six autres deleurs proches au moins, dont quatre femmes, auraientété blessés.Camp d’AshrafLes forces de sécurité irakiennes ont accentué lapression sur les habitants du camp d’Ashraf, à unesoixantaine de kilomètres au nord de Bagdad, etcontinué à user de violence contre eux. Rebaptisécamp Nouvel Irak, il abritait toujours quelque3 250 exilés iraniens, membres et sympathisants del’Organisation des moudjahidin du peuple d’Iran(OMPI), un groupe d’opposition iranien. Le 8 avril, lestroupes irakiennes ont pris d’assaut le camp enrecourant à une force très excessive ; elles ontnotamment ouvert le feu sur des habitants quitentaient de leur résister. Trente-six personnes– 28 hommes et huit femmes – ont été tuées et plusde 300 autres ont été blessées. Les blessés, ainsi quedes résidents gravement malades, ont été empêchéspar la suite de sortir du camp pour recevoir des soinsmédicaux spécialisés.Des responsables gouvernementaux irakiens ontréaffirmé que le camp serait fermé à la fin de 2011,ce qui a amené le Haut-Commissariat des Nationsunies pour les réfugiés (HCR) à réclamer un reportde la date de fermeture afin de pouvoir s’entreteniravec les résidents souhaitant être reconnus réfugiés.Les autorités ont accepté à la fin de l’année derepousser le délai de fermeture jusqu’en avril 2012,sous réserve que les résidents soient transférés aucamp Liberté, à côté de l’aéroport international deBagdad.Région du KurdistanDes personnes ont également organisé desmanifestations dans la région du Kurdistan,notamment à Sulaymaniyah, pour protester contre lacorruption et réclamer des réformes politiques.Plusieurs nouvelles lois ont été promulguées. Cellesur les ONG simplifie le processus d’enregistrement,autorise les organisations à recevoir des financementslocaux et étrangers et reconnaît leur rôle en matièrede surveillance des institutions gouvernementales etd’accès à l’information ; elle les autorise également àouvrir des bureaux locaux et à former des réseaux.Une nouvelle loi contre la violence faite aux femmesprohibe toute une série d’actes de violence au sein dela famille, dispose que l’identité des victimes doit êtreprotégée et établit un tribunal spécial pour juger lesaffaires de violences contre les femmes.Utilisation excessive de la forceLes forces de sécurité kurdes ont utilisé une forceexcessive, y <strong>com</strong>pris des munitions réelles, pourréprimer des mouvements de protestation àSulaymaniyah et à Kalar, causant la mort de sixpersonnes au moins.n Rezhwan Ali, un adolescent de 15 ans, a été touchéà la tête le 17 février lors d’une manifestationrassemblant plusieurs milliers de personnes sur laplace Sara, à Sulaymaniyah. Il est mort sur le coup.Cinquante personnes au moins ont été blessées.n Le 19 février, Surkew Zahid, 16 ans, et SherzadTaha, 28 ans, ont été grièvement blessés lorsque lesforces de sécurité ont ouvert le feu contre unemanifestation de grande ampleur à Sulaymaniyah. Ils156 Amnesty International - Rapport 2012


sont tous deux morts à l’hôpital le lendemain. Quatorzeautres personnes au moins ont été blessées.Torture et autres mauvais traitementsUn certain nombre de militants en faveur de ladémocratie, dont des membres de partis d’opposition,ont été arrêtés et soumis à la torture ou à d’autresmauvais traitements.n Sharwan Azad Faqi Abdullah, arrêté à Erbil lors desmanifestations du 25 février, a été détenu pendantquatre jours et torturé. On l’a frappé à plusieursreprises à coups de poing pour le contraindre à signerdes « aveux ». Il présentait toujours des lésionsrésultant apparemment de torture quand des déléguésd’Amnesty International l’ont rencontré le 11 mars, àErbil.n Au début de décembre, de très nombreux membresde l’Union islamique du Kurdistan (UIK), un partiislamiste autorisé, ont été arrêtés à Dahuk et à Zakhopar les forces de sécurité kurdes. Beaucoup ont étérelâchés quelques jours plus tard, mais 14 au moinsont été détenus pendant plusieurs semaines. Certainsauraient été torturés. Ces arrestations sont intervenuesimmédiatement après des attaques menées par desmanifestants islamistes contre, entre autres, desmagasins qui vendaient de l’alcool.Attaques contre les employés des médiasPlusieurs journalistes, en particulier ceux travaillantpour des médias indépendants, ont été menacés,harcelés ou agressés, manifestement par des agentsdes services de sécurité.n Le 29 août, Asos Hardi, rédacteur en chef du journalindépendant Awene, a été battu par un homme arméalors qu’il quittait son bureau de Sulaymaniyah.n Le 7 septembre, Ahmed Mira, rédacteur en chef dumagazine indépendant Levin, a été retenu pendanttrois heures par des membres d’une force spéciale àSulaymaniyah. Il a été frappé à coups de pied et decrosse de fusil. Il a été relâché sur ordre d’un juge.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Kurdistand’Irak en mars pour effectuer des recherches et rencontrer desresponsables gouvernementaux.4 Days of rage: Protests and repression in Iraq (MDE 14/013/2011).IRANRÉPUBLIQUE ISLAMIQUE D’IRANChef de l’État [Guide] :Ali KhameneiChef du gouvernement [Président] : Mahmoud AhmadinejadPeine de mort :maintenuePopulation :74,8 millionsEspérance de vie :73 ansMortalité des moins de cinq ans : 30,9 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 85 %Des restrictions sévères pesaient sur la libertéd’expression, d’association et de réunion. Desdissidents politiques, des personnes militant pourles droits des femmes et des minorités ainsi qued’autres défenseurs des droits humains ont étéarrêtés de manière arbitraire, détenus au secret,emprisonnés à l’issue de procès inéquitables etempêchés de se rendre à l’étranger. Des actes detorture et d’autres mauvais traitements étaientrégulièrement infligés aux détenus, en touteimpunité. Les femmes, ainsi que les membres desminorités religieuses et ethniques, souffraient dediscrimination, dans la loi et dans la pratique. Troiscent soixante exécutions ont été signalées ; lechiffre réel était probablement beaucoup plus élevé.Trois au moins des suppliciés étaient mineurs aumoment des faits pour lesquels ils avaient étécondamnés. Des peines de flagellation etd’amputation ont été appliquées à titre dechâtiment judiciaire.ContexteLes forces de sécurité, et notamment les membres dela milice paramilitaire du Bassidj, continuaient d’agirquasiment en toute impunité. Les auteurs deshomicides illégaux, entre autres violations graves desdroits humains <strong>com</strong>mises lors des manifestationsmassives et largement pacifiques organisées à la suitede l’élection présidentielle de 2009 et au cours desannées précédentes, n’avaient pratiquement pas eu àrendre <strong>com</strong>pte de leurs actes.En mars, le Conseil des droits de l’homme [ONU] anommé un rapporteur spécial sur la situation desdroits de l’homme dans la République islamiqued’Iran ; le gouvernement lui a refusé l’autorisation dese rendre dans le pays. La situation des droits civils etpolitiques en Iran a été examinée en octobre par leComité des droits de l’homme [ONU]. En décembre,l’Assemblée générale des Nations unies a adopté uneIAmnesty International - Rapport 2012157


Irésolution condamnant la situation des droitshumains dans le pays.Des troupes iraniennes ont attaqué des bases duParti pour une vie libre au Kurdistan (PJAK), un groupearmé basé au Kurdistan d’Irak et qui prône l’autonomiepour les Kurdes d’Iran. Deux civils au moins ont ététués et des centaines de familles ont dû quitter leurfoyer dans le Kurdistan d’Irak. Des enfants soldats<strong>com</strong>pteraient au nombre des <strong>com</strong>battants du PJAK.Les tensions internationales à propos duprogramme iranien d’enrichissement de l’uranium sesont renforcées en novembre après que l’Agenceinternationale de l’énergie atomique (AIEA) eutaffirmé que l’Iran était peut-être en train dedévelopper des armes nucléaires en secret, ce que legouvernement a démenti. Les autorités ont accuséIsraël et les États-Unis d’être les instigateurs dumeurtre de plusieurs scientifiques iraniensprobablement liés au programme nucléaire du pays,dont le physicien Dariush Rezaienejad, abattu enjuillet à Téhéran par un homme armé non identifié. Legouvernement a réfuté les allégations des autoritésaméricaines impliquant des responsables despasdaran (gardiens de la révolution) dans un <strong>com</strong>plotvisant à assassiner l’ambassadeur d’Arabie saouditeaux États-Unis.Liberté d’expression, d’association et deréunionLe gouvernement a maintenu les restrictionsrenforcées à la liberté d’expression, d’association etde réunion imposées avant, pendant et après lesmanifestations de masse de 2009 ; il a cherché àimposer de nouvelles mesures de contrôle. LeParlement a examiné des projets de loi renforçant lesrestrictions à la liberté d’expression, d’association etde réunion, notamment les activités des ONG et despartis politiques.n Mohammad Seyfzadeh, arrêté en avril pour purgerune peine d’emprisonnement, et Abdolfattah Soltani,interpellé en septembre, tous deux avocats et membresfondateurs du Centre de défense des droits humains(CDDH, fermé par le gouvernement en 2008), étaientmaintenus en détention à la fin de l’année.n Zhila Karamzadeh-Makvandi, membre des Mèresdu parc Laleh, une organisation faisant campagnecontre les homicides illégaux et autres violations gravesdes droits humains, a <strong>com</strong>mencé en décembre àpurger une peine de deux ans d’emprisonnement àlaquelle elle avait été condamnée pour « création d’uneorganisation illégale » et « atteinte à la sûreté de l’État ».Condamnée à une peine similaire, Leyla Seyfollahi,autre membre du même groupe, n’avait pas<strong>com</strong>mencé à purger celle-ci.Les autorités ont refusé d’autoriser la tenue, le14 février, de manifestations en solidarité avec lessoulèvements en Tunisie et en Égypte ; elles ontprocédé à des interpellations préventives. Desmanifestations ont toutefois eu lieu à Téhéran, àIspahan, à Kermanshah, à Chiraz et ailleurs. Lesforces de sécurité ont dispersé les manifestants avecviolence ; de très nombreux participants ont étéarrêtés et deux personnes au moins ont été tuées.Des manifestations organisées par la suite ontégalement été dispersées par la force.n La prisonnière d’opinion et militante politique HalehSahabi est morte le 1 er juin au cours d’une permissionde sortie qui lui avait été accordée pour assister auxobsèques de son père, Ezatollah Sahabi, un dissidentde premier plan. Elle aurait été frappée par desmembres des forces de sécurité avant de perdreconnaissance.Les forces de sécurité ont réprimé desmanifestations dans les provinces, en faisant semblet-ilun usage excessif de la force ; des dizaines, voiredes centaines de personnes ont été arrêtées. AuKhuzestan, plusieurs dizaines d’Arabes ahwazisauraient trouvé la mort avant ou pendant desmanifestations tenues en avril, à l’occasion del’anniversaire des protestations de 2005. De trèsnombreux militants écologistes, qui appelaient legouvernement à prendre des mesures pour mettre unterme à la dégradation du lac d’Oroumieh, ont étéarrêtés en avril, en août et en septembre dans laprovince de l’Azerbaïdjan oriental.Le gouvernement exerçait un contrôle strict sur lesmédias. Des journaux étaient interdits, des sitesInternet bloqués et des programmes de télévisionsétrangères par satellite brouillés. De très nombreuxjournalistes, militants politiques et proches demilitants politiques, cinéastes, défenseurs des droitshumains, étudiants et universitaires ont été harcelés,empêchés de se rendre à l’étranger, arrêtés demanière arbitraire, torturés ou emprisonnés pour avoirexprimé des opinions opposées à celles dugouvernement. Des personnes arrêtées les annéesprécédentes ont été exécutées à l’issue de procèsinéquitables.n Cinq réalisateurs de films documentaires et uneproductrice et distributrice ont été arrêtés en158 Amnesty International - Rapport 2012


septembre après la vente de leurs films à la BBC. Tousavaient été remis en liberté à la mi-décembre.n Majid Tavakkoli, Behareh Hedayat et MahdiehGolrou, des militants étudiants qui purgeaient despeines d’emprisonnement pour leurs activitéspacifiques étudiantes et en faveur des droits humains,ont été condamnés à six mois d’emprisonnementsupplémentaires à cause d’une déclaration rédigée enprison en 2010, à l’occasion de la Journée nationaledes étudiants.n La journaliste et militante des droits des femmesFaranak Farid aurait été rouée de coups après sonarrestation le 3 septembre à Tabriz, à la suite desmanifestations pour le lac d’Oroumieh. Elle a étélibérée sous caution en octobre.Arrestations et détentions arbitrairesCette année encore, des membres des forces desécurité ont arrêté et placé en détention de manièrearbitraire des détracteurs du gouvernement et desopposants. Les personnes arrêtées étaient souventmaintenues au secret pendant de longues périodes etprivées de soins médicaux et de contacts avec leurfamille ou un avocat. Nombre d’entre elles ont ététorturées ou maltraitées. Plusieurs dizaines ont étécondamnées à des peines d’emprisonnement àl’issue de procès non conformes aux normes d’équité.Des centaines d’autres, condamnées les annéesprécédentes dans les mêmes conditions, ont étémaintenues en détention.n Après avoir appelé les Iraniens à manifester le14 février, les responsables de l’opposition MehdiKarroubi et Mir Hossein Moussavi et leurs épouses ontété assignés à résidence sans mandat d’arrêt ; à la finde l’année, tous sauf Fatemeh Karroubi restaientsoumis à cette mesure, prononcée en février.n Mohammad Tavassoli, arrêté en novembre, était aunombre des cinq membres au moins du Mouvementde la liberté (un groupe interdit) qui ont été arrêtés aucours de l’année. Il a été interpellé à la suite de l’envoi,en octobre, à l’ancien président Khatami, d’une lettresignée par 143 militants politiques l’avertissant que lesprochaines élections législatives ne seraient pas libreset régulières. Cinq autres membres du mouvement ontété empêchés de quitter le pays.n Deux Américains détenus depuis plus de deux ans,Shane Bauer et Josh Fattal, ont été libérés enseptembre après le versement d’une caution élevée. Ilsavaient été accusés d’espionnage après avoir, semblet-il,pénétré sur le territoire iranien alors qu’ils faisaientde la randonnée en Irak ; ils ont été autorisés à quitterl’Iran.Défenseurs des droits humainsLa répression s’est intensifiée contre les défenseursdes droits humains, et notamment les avocats.Beaucoup ont été arrêtés et emprisonnés de manièrearbitraire ou harcelés. D’autres – notamment despersonnes défendant les droits des femmes et desminorités, des syndicalistes, des avocats et desétudiants – qui avaient été jugés les annéesprécédentes au cours de procès inéquitables, étaientmaintenus en détention. Beaucoup étaient desprisonniers d’opinion. Les syndicats indépendantsn’étaient toujours pas autorisés et plusieurssyndicalistes étaient toujours détenus.n En septembre, la peine de 11 ansd’emprisonnement qui avait été infligée en avril àl’avocate spécialiste des droits humains NasrinSotoudeh, déclarée coupable d’« atteinte à la sûreté del’État » du fait de ses activités professionnelles, a étéréduite en appel à six ans. La durée de l’interdictiond’exercer sa profession et de quitter l’Iran, initialementde 20 ans, a été divisée par deux.n Reza Shahabi, trésorier du syndicat de la régie desbus de Téhéran et de sa banlieue (Sherkat-e Vahed),indépendant, était maintenu en détention dans laprison d’Evin, à Téhéran. Son procès n’était pasachevé. Arrêté en juin 2010, il était considéré <strong>com</strong>meun prisonnier d’opinion, à l’instar de Mansour Ossanlu,président du syndicat, qui a été remis en libertéconditionnelle en juin, pour raison médicale.n Le militant des droits humains Kouhyar Goudarzi adisparu pendant plusieurs semaines à la suite de sonarrestation en juillet. Il a été retrouvé à l’isolement dansla prison d’Evin, où il était maintenu en détention à la finde l’année. Interpellé en même temps que lui, BehnamGanji Khaibari, qui aurait été torturé, s’est suicidé aprèssa remise en liberté.n Emadeddin Baghi, défenseur éminent des droitshumains, a été libéré en juin après avoir purgé deuxpeines d’emprisonnement successives d’un an pour« propagande contre l’État », infligées en raison de sesactivités de défenseur des droits humains et dejournaliste. Il lui était interdit d’exercer toute activitépolitique ou journalistique pendant cinq ans.Procès inéquitablesLes procès dans lesquels <strong>com</strong>paraissaient dessuspects politiques étaient d’une iniquité flagrante.IAmnesty International - Rapport 2012159


ILes détenus étaient souvent inculpés d’infractions àformulation vague qui ne correspondaient pas à desinfractions prévues par le Code pénal. Ils étaientsouvent condamnés, parfois en l’absence d’unavocat, sur la base d’« aveux » ou d’autresinformations obtenus apparemment sous la tortureavant leur <strong>com</strong>parution en justice. Les tribunauxacceptaient ces « aveux » à titre de preuve sansmener d’enquête sur la manière dont ils avaient étérecueillis.n Omid Kokabi a été interpellé en février à l’aéroport deTéhéran à son retour des États-Unis, où il avait fait desétudes. Inculpé d’« espionnage », entre autres, il a étéjugé en octobre. Il a affirmé avoir été contraint de fairedes « aveux » en détention. Son avocat a déclaré ne pasavoir été autorisé à le rencontrer.n Zahra Bahrami, titulaire de la double nationalitéiranienne et néerlandaise, a été exécutée sans préavisle 29 janvier, 27 jours seulement après avoir étécondamnée à mort pour trafic de drogue. Arrêtée aucours des manifestations de décembre 2009, elle avaitété inculpée dans un premier temps de moharebeh(inimitié à l’égard de Dieu) en raison de liens présumésavec un groupe d’opposition interdit, mais ce ne sontpas sur ces accusations qu’elle a été jugée. Sonavocate a déclaré que sa condamnation à mort n’étaitpas susceptible d’appel.Torture et autres mauvais traitementsCette année encore, des actes de torture et d’autresformes de mauvais traitements ont été fréquemmentinfligés durant la détention provisoire, en touteimpunité. Parmi les méthodes signalées figuraient lescoups assenés sur la plante des pieds et tout lecorps, dans certains cas alors que la victime étaitsuspendue la tête en bas, les brûlures avec descigarettes ou des objets métalliques chauds, lessimulacres d’exécution, le viol, y <strong>com</strong>pris le violperpétré par d’autres détenus, les menaces de viol,l’enfermement dans des cellules minuscules etsurpeuplées, la privation de lumière, de nourriture etd’eau, et l’absence de soins médicaux. Une douzainede personnes sont mortes en détention dans descirconstances peu claires qui n’ont pas fait l’objetd’enquêtes indépendantes. Dans certains cas, lesvictimes n’auraient pas bénéficié, en tout cas pasimmédiatement, des soins nécessaires. Dix autres aumoins sont mortes en mars lors de troubles à laprison de Ghezl Hesar, à Karaj, près de Téhéran. À laconnaissance d’Amnesty International, les autoritésn’ont mené aucune enquête sur des allégations detorture ou de mauvais traitements. Les personnes quidénonçaient des actes de torture risquaient desreprésailles. La surpopulation carcérale aggravait ladureté des conditions de détention.n Au moins quatre Arabes ahwazis – RezaMaghamesi, Abdol Karim Fahd Abiat, Ahmad RiassanSalami et Ejbareh Tamimi – seraient morts en détentiondans la province du Khuzestan entre mars et mai,apparemment des suites de torture.n Zahra Jabbari, le journaliste Issa Saharkhiz, ledéfenseur des droits de la minorité azérie SaidMetinpour et le religieux dissident Hossein KazemeyniBoroujerdi étaient parmi les nombreux détenuspolitiques – dont des prisonniers d’opinion – enmauvaise santé et privés des soins médicaux dont ilsavaient besoin. Le militant politique Hoda Saber estmort en détention en juin à la suite d’une grève de lafaim menée en signe de protestation contre la mort deHaleh Sahabi. Selon ses codétenus, des gardiensl’auraient battu et empêché de recevoir des soinsmédicaux.Châtiments cruels, inhumains oudégradantsCette année encore, des peines de flagellation etd’amputation à titre de châtiment judiciaire ont étéprononcées et appliquées. Des peines d’aveuglementont été prononcées.n La militante politique Somayeh Tohidlou et le militantétudiant Peyman Aref ont reçu respectivement 50 et74 coups de fouet en septembre après avoir étécondamnés, dans des affaires séparées, pour« insultes » envers le président Ahmadinejad.n Quatre hommes déclarés coupables de vol auraientsubi l’amputation de quatre doigts de la main droite le8 octobre.n Majid Movahedi, qui avait aveuglé Ameneh Bahramipar une attaque à l’acide en 2004 et avait étécondamné à être lui-même rendu aveugle avec del’acide, a été gracié peu avant le 31 juillet, date àlaquelle sa peine devait lui être appliquée dans unhôpital. Sa victime avait en effet accepté de réglerl’affaire par une <strong>com</strong>pensation financière.Discrimination envers les femmesLes femmes étaient confrontées à la discrimination,dans la loi et dans la pratique, notamment par uncode vestimentaire imposé par l’État. Des militantesdes droits des femmes, y <strong>com</strong>pris celles qui160 Amnesty International - Rapport 2012


participaient à la campagne Un million de signatures,également appelée Campagne pour l’égalité, ont étépersécutées et harcelées. Le projet de loi sur laprotection de la famille, dont les dispositionsrenforceraient la discrimination dans la loi dontsouffrent les femmes, était en instance d’approbationdéfinitive par le Parlement à la fin de l’année. Desuniversités ont <strong>com</strong>mencé à séparer les étudiants enfonction de leur sexe.n Fatemeh Masjedi et Maryam Bidgoli, militantes de laCampagne pour l’égalité, ont purgé des peines de sixmois d’emprisonnement. Il s’agissait des premièrespersonnes emprisonnées en raison de leur activité decollecte de signatures pour cette campagne.Droits des lesbiennes, des gays, despersonnes bisexuelles et destransgenres (LGBT)Les personnes accusées de relations homosexuellesétaient toujours en butte au harcèlement et à lapersécution ; elles risquaient d’être condamnées àmort ou à des peines de flagellation.n Le 4 septembre, trois hommes, désignésuniquement par leurs initiales, auraient été exécutésdans la prison de Karoun, à Ahvaz (province duKhuzestan) ; ils avaient été déclarés coupables de« sodomie ».n Siyamak Ghaderi, un ancien journaliste pourl’agence de presse gouvernementale détenu depuisaoût 2010, a été condamné en janvier à une peine dequatre ans d’emprisonnement assortie d’une peine deflagellation et d’une amende. Il a été déclaré coupablede « publication de fausses nouvelles » et d’« actesillégaux selon la religion », entre autres chefsd’inculpation, pour avoir notamment publié sur sonblog des entretiens avec des personnes appartenant àla <strong>com</strong>munauté LGBT.Discrimination – minorités ethniquesLes minorités ethniques – Arabes ahwazis, Azéris,Baloutches, Kurdes et Turkmènes – ont cette annéeencore souffert de discrimination dans la loi et lapratique. L’usage des langues minoritaires étaittoujours interdit dans les écoles et l’administration.Ceux qui faisaient campagne pour les droits desminorités pouvaient être menacés, arrêtés etemprisonnés.n Le prisonnier d’opinion Mohammad SadiqKabudvand continuait de purger une peine de 10 anset demi de détention pour son rôle dans la création del’Organisation des droits humains du Kurdistan ; il étaitprivé de soins médicaux.n Mohammad Saber Malek Raisi, un adolescentbaloutche de 16 ans originaire de Sarbaz et détenudepuis septembre 2009 – il pourrait s’agir d’un moyende pression afin d’obtenir que son frère aîné se livre auxautorités – a été condamné à cinq ansd’emprisonnement en exil (ce qui signifie qu’il doitpurger sa peine dans une prison éloignée de sondomicile).Liberté de religion et de convictionLes membres de minorités religieuses continuaientd’être en butte aux persécutions à la suite d’appelsrépétés du Guide et d’autres autorités à <strong>com</strong>battre les« fausses croyances », ce qui était semble-t-il uneallusion au christianisme évangélique, à la religionbaha’ie et au soufisme. Parmi les personnes prisespour cible figuraient des chrétiens convertis, desbaha’is, des religieux chiites dissidents ainsi que desmembres des <strong>com</strong>munautés derviches et d’Ahl-eHaqq (Gens de la vérité). Dans certaines villes, lessunnites étaient toujours soumis à des restrictionsconcernant la prière <strong>com</strong>munautaire ; des religieuxsunnites ont été arrêtés.n Sept baha’is au moins ont été condamnés à despeines de quatre à cinq ans d’emprisonnement aprèsavoir été arrêtés lors de descentes de police à l’Institutbaha’i d’enseignement supérieur. Plus de 30 autrespersonnes avaient été interpellées lors de cesopérations. L’Institut dispense un enseignementsupérieur sur Internet aux étudiants baha’is qui ne sontpas autorisés à s’inscrire à l’université. Ces septpersonnes faisaient partie d’un groupe de plus de100 baha’is détenus du fait de leurs croyances. C’étaitnotamment le cas de sept dirigeants qui ont finalementété condamnés à 20 ans d’emprisonnement en mars,après l’annulation de la décision rendue en 2010 parune cour d’appel et revenant en partie sur la peineprononcée en première instance.n Une centaine de derviches gonabadi (un ordresoufi), trois de leurs avocats ainsi que 12 journalistestravaillant pour Majzooban-e Noor, un site Internetd’information derviche gonabadi, ont été arrêtés enseptembre et octobre à Kavar et à Téhéran. Au moins11 d’entre eux étaient maintenus en détention à la finde l’année ; la plupart étaient privés de contacts avecleur famille ou un avocat.n Le nouveau procès de Yousef Nadarkhani, unpasteur chrétien accusé d’« apostasie », s’est ouvert enIAmnesty International - Rapport 2012161


Iseptembre. Cet homme né de parents musulmansavait été arrêté en octobre 2009 et condamné à mort en2010 pour avoir refusé d’abjurer le christianisme,religion à laquelle il s’était converti. Sa sentencecapitale avait été annulée par la Cour suprême en juin.n Sayed Mohammad Movahed Fazeli, l’imam sunnitede Tayebad, a été incarcéré de janvier à août à la suitede protestations dans cette ville contre sa démissionforcée de ses fonctions.Peine de mortPlusieurs centaines de condamnations à la peinecapitale ont été prononcées. Les autorités ont signaléau moins 360 exécutions. D’après des informationsdignes de foi, plus de 274 autres personnes auraientété exécutées, dans bien des cas en secret. Environ80 % des suppliciés avaient été condamnés pour desinfractions présumées en lien avec les stupéfiants ; lapeine capitale est souvent prononcée pour ce motifcontre des personnes vivant dans la pauvreté ouappartenant à des groupes marginalisés, en particulierles réfugiés afghans. Une loi modifiée sur lesstupéfiants est entrée en vigueur en janvier ; lespersonnes condamnées à mort aux termes de ce texten’ont semble-t-il pas la possibilité d’interjeter appel.Le nombre d’exécutions publiques a quadruplé.Les autorités en ont déclaré au moins 50, et six autresont été signalées par des sources fiables. Au moinstrois prisonniers âgés de moins de 18 ans au momentdes faits pour lesquels ils ont été condamnés ont étéexécutés. Des sources crédibles ont fait état dequatre autres exécutions de mineurs délinquants.Aucune exécution par lapidation n’a été signalée,mais 15 prisonniers au moins, dont SakinehMohammadi Ashtiani, étaient condamnés à mourirpar lapidation. Des milliers d’autres détenus étaienten instance d’exécution.n Jaafar Kazemi et Mohammad Ali Haj Aghaei ont étépendus le 24 janvier. Ils avaient été déclarés coupablesde moharabeh en raison de leurs contacts avecl’Organisation iranienne des moudjahidin du peuple(OIMP), un groupe d’opposition interdit en Iran, et de« propagande contre le régime », un chef d’accusationlié aux manifestations de 2009.n Condamné pour le meurtre d’un athlète populaire,Alireza Molla-Soltani a été pendu en public le21 septembre à Karaj, où les faits s’étaient produits enjuillet. Cet adolescent de 17 ans avait affirmé avoirpoignardé Ruhollah Dadashi en état de légitime défenseaprès que celui-ci l’eut attaqué dans l’obscurité.n En décembre, la détenue politique kurde ZeynabJalalian a appris que sa condamnation à la peinecapitale avait été <strong>com</strong>muée.Visites et documents d’AmnestyInternationalv L’organisation a évoqué avec des diplomates iraniens le fait que lesautorités lui refusent l’entrée sur le territoire, mais l’accès au pays ne lui atoujours pas été accordé. Les autorités répondaient rarement aux lettresd’Amnesty International.4 Iran. Déterminés à vivre dans la dignité. Le <strong>com</strong>bat des syndicalistesiraniens pour leurs droits (MDE 13/024/2011).4 Iran: Submission to the Human Rights Committee (MDE 13/081/2011).4 Addicted to death: Executions for drugs offences in Iran, partiellementtraduit en français sous le titre Iran. Addiction à la peine de mort.Exécutions pour des infractions liées à la législation sur les stupéfiants enIran (MDE 13/090/2011).IRLANDEIRLANDEChef de l’État :Mary McAleese, remplacée parMichael D. Higgins le 11 novembreChef du gouvernement : Brian Cowen, remplacé parEnda Kenny le 9 marsPeine de mort :aboliePopulation :4,5 millionsEspérance de vie :80,6 ansMortalité des moins de cinq ans : 4,2 ‰Le Comité contre la torture [ONU] a déplorél’absence de poursuites dans les cas signalés deviolences infligées à des enfants dans desinstitutions dirigées par des congrégationsreligieuses. Les services de santé mentale restaientinadéquats. Les conditions carcérales nesatisfaisaient pas aux normes reconnues.Évolutions législatives, constitutionnellesou institutionnellesLe Programme de gouvernement pour 2011, rendupublic en mars, contenait des engagements en vued’une vaste réforme de la Constitution, portantnotamment sur les questions du mariage pour lescouples de même sexe, de l’égalité des femmes etdes hommes et de la suppression de la référence aublasphème.162 Amnesty International - Rapport 2012


En septembre, le <strong>com</strong>missaire aux droits del’homme du Conseil de l’Europe a rendu public lerapport établi à la suite de la visite qu’il avait effectuéedans le pays en juin. Il s’est déclaré préoccupé par lefait que les restrictions budgétaires existantes etprévues pourraient être préjudiciables à la protectiondes droits humains, tout particulièrement pour lesgroupes vulnérables. En septembre, le gouvernementa annoncé son intention de fusionner la Commissiondes droits humains et l’Autorité pour l’égalité en unenouvelle Commission des droits humains et del’égalité.Droits des enfantsEn juin, le Comité contre la torture s’est déclarépréoccupé par le fait que seul un petit nombre de casde violences infligées à des enfants dans desinstitutions tenues par des congrégations religieusesavaient donné lieu à des poursuites, malgré lesnombreux éléments de preuve rassemblés par laCommission d’enquête sur les maltraitances à enfants(rapport Ryan).Le rapport de la Commission d’enquête del’archevêché de Dublin sur le diocèse catholique deCloyne (rapport Cloyne) a été rendu public en juillet. Ilconcluait, entre autres, que les deux tiers des casd’abus sexuels sur des enfants imputables à desprêtres de ce diocèse et portés à la connaissance del’Église catholique entre 1996 et 2009 n’avaient pasété signalés à l’An Garda Síochána, la policeirlandaise, <strong>com</strong>me le prévoyaient pourtant lesdirectives adoptées en 1996 par l’Église. Legouvernement a réitéré par la suite son engagementde rendre obligatoire le signalement des violencesprésumées infligées à des enfants.Commerce des armesAprès un retard important, le premier rapport annuelsur l’exportation et le courtage de matériel militaire età double usage, rédigé aux termes de la Loi de 2008sur le contrôle des exportations, a été publié enseptembre. Il portait sur la période 2008-2010. Deslacunes ont toutefois été relevées concernant lesinformations fournies dans ce document – parexemple l’utilisation finale des biens exportés n’étaitpas précisée.Conditions carcéralesLe Comité contre la torture et le Comité européenpour la prévention de la torture [Conseil de l’Europe]ont exprimé une série de préoccupations au sujet desconditions carcérales, tout particulièrement quant à lasurpopulation, à l’absence de sanitaires dans lescellules, aux soins de santé et à la violence entredétenus dans certains établissements.Le Comité contre la torture a en outre déplorél’absence d’enquêtes indépendantes et sérieusesconcernant les allégations de mauvais traitementsinfligés par des membres du personnel pénitentiaire.Droit à la santéLe gouvernement, qui a reconnu les retards dansl’accès aux services de santé et les problèmes liés àleur coût, s’est engagé à mettre en place un systèmede santé universel.En février, le Comité européen pour la préventionde la torture a fait état de la lenteur de la réforme desservices de santé mentale. Il a mis l’accent sur sapréoccupation au sujet de la Loi de 2001 relative à lasanté mentale, notamment en ce qui concernel’absence de protection des « malades en placementvolontaire » et les dispositions relatives à l’utilisationdes électrochocs à titre de thérapie.Réfugiés et demandeurs d’asileCette année encore, l’examen des demandes dereconnaissance de la qualité de réfugié ou d’uneautre forme de protection a connu des retardsconsidérables. Une loi promise de longue date devantcréer une procédure unique pour l’examen desdemandes d’asile n’avait toujours pas étépromulguée.Violences faites aux femmes et aux fillesLe Comité contre la torture a re<strong>com</strong>mandé l’ouvertured’une enquête indépendante sur toutes les plaintesrelatives à des actes de torture et à d’autres formes demauvais traitements qui auraient été infligés à desfemmes et à des filles placées entre 1922 et 1996dans les « Laveries des sœurs de Marie-Madeleine »,gérées par une congrégation religieuse. Legouvernement a désigné, en juin, une <strong>com</strong>missioninterministérielle chargée de « faire la lumière sur lesrelations que l’État aurait pu entretenir avec leslaveries des sœurs de Marie-Madeleine ». Cetteinitiative n’était pas suffisante en soi pour répondre àla re<strong>com</strong>mandation formulée par le Comité contre latorture.Le Plan national d’action pour la mise en œuvre dela résolution 1 325 du Conseil de sécurité de l’ONUIAmnesty International - Rapport 2012163


Isur les femmes, la paix et la sécurité a été lancé ennovembre.Police et forces de sécuritéLe tribunal Smithwick a débuté en juin ses audiencespubliques concernant l’examen des allégations de<strong>com</strong>plicité de membres de la police irlandaise oud’autres agents de l’État dans le meurtre de deuxhauts responsables de la police d’Irlande du Nord,<strong>com</strong>mis en 1989 en Irlande du Nord par l’Arméerépublicaine irlandaise provisoire (PIRA).Visites et documents d’AmnestyInternational4 Ireland: Briefing to the UN Committee against Torture(EUR 29/001/2011).4 Ireland: Protecting human rights on the ground – Amnesty Internationalsubmission to the UN Universal Periodic Review, October 2011(EUR 29/003/2011).ISRAËL ETTERRITOIRESPALESTINIENSOCCUPÉSÉTAT D’ISRAËLChef de l’État :Shimon PeresChef du gouvernement :Benjamin NetanyahouPeine de mort : abolie sauf pour crimes exceptionnelsPopulation : Israël : 7,6 millions ;territoires palestiniens occupés : 4,2 millionsEspérance de vie : Israël : 81,6 ans ; TPO : 72,8 ansMortalité des moins de cinq ans : Israël : 4,4 ‰ ; TPO : 29,5 ‰Les autorités israéliennes maintenaient le blocus dela bande de Gaza, qui prolongeait la crisehumanitaire dans cette enclave, ainsi que lesrestrictions à la liberté de mouvement desPalestiniens dans les territoires occupés. EnCisjordanie, y <strong>com</strong>pris à Jérusalem-Est, les autoritéscontinuaient d’ériger le mur/barrière, dont le tracése situait en grande partie sur des terrespalestiniennes. L’expansion des colonies sepoursuivait, en violation du droit international.Les autorités israéliennes ont démoli deshabitations palestiniennes et d’autresinfrastructures en Cisjordanie, ainsi que deslogements de Palestiniens de nationalitéisraélienne, notamment dans des villages « nonreconnus » du Néguev. L’armée israélienne arégulièrement fait une utilisation excessive de laforce, y <strong>com</strong>pris meurtrière, contre des manifestantsen Cisjordanie et contre des civils dans les zoness’étendant le long des frontières de la bande deGaza. Les forces armées israéliennes ont tué55 civils palestiniens, dont 11 enfants, dans lesterritoires occupés. Les violences <strong>com</strong>mises par descolons contre des Palestiniens en Cisjordanie sesont multipliées ; trois Palestiniens ont été tués pardes colons israéliens. Les soldats et les colonsisraéliens responsables d’atteintes aux droitsfondamentaux de Palestiniens bénéficiaientgénéralement de l’impunité. Les autorités n’ontmené aucune enquête indépendante sur les crimesde guerre qui auraient été <strong>com</strong>mis par les forcesisraéliennes lors de l’opération Plomb durci en2008-2009. Plusieurs milliers de Palestiniens ontété arrêtés par les autorités israéliennes ; 307 aumoins étaient maintenus en détentionadministrative sans inculpation ni jugement ;d’autres ont été condamnés à des peinesd’emprisonnement à l’issue de procès devant destribunaux militaires. Plus de 4 200 Palestiniensétaient incarcérés dans les prisons israéliennes à lafin de l’année. De nouvelles informations ont faitétat d’actes de torture et de mauvais traitementsinfligés aux détenus.ContexteLes efforts de la <strong>com</strong>munauté internationale pourrelancer les négociations entre Israël et l’Autoritépalestinienne ont échoué. Israël s’est opposé à lademande d’adhésion de l’Autorité palestinienne<strong>com</strong>me membre à part entière des Nations unies. Lepays a gelé temporairement le transfert des recettesfiscales qu’il doit reverser à l’Autorité palestinienneaprès l’admission de la Palestine en tant qu’Étatmembre de l’UNESCO.Des groupes armés palestiniens de Gaza ont tirésans discrimination des roquettes et des obus demortier en direction du sud d’Israël, tuant deux civilsisraéliens (voir Autorité palestinienne). Les forcesisraéliennes ont lancé des attaques contre desPalestiniens qui étaient selon elles responsables de164 Amnesty International - Rapport 2012


ces actes. Un lycéen israélien a été mortellementblessé en avril par un missile tiré depuis Gaza qui aatteint un bus de ramassage scolaire dans le Néguev.Huit colons israéliens ont été tués par desPalestiniens en Cisjordanie ; l’un d’entre eux a étéabattu par les forces de sécurité de l’Autoritépalestinienne. Sept autres civils ont été tués en Israël,dont six par des activistes armés qui avaient pénétréen Israël depuis l’Égypte, en août.En octobre et en décembre, Israël a libéré1 027 prisonniers palestiniens, dont certains avaientété condamnés pour le meurtre de civils israéliens, enéchange de la libération du soldat israélien GiladShalit, intervenue le 18 octobre. Cet homme étaitmaintenu en captivité à Gaza par des groupes arméspalestiniens depuis 2006 et n’avait pas été autorisé àrecevoir la visite du CICR. Israël a par ailleurs libéré25 Égyptiens en octobre en échange de la remise enliberté d’un homme incarcéré en Égypte qui détenaitla double nationalité israélienne et américaine.Plusieurs centaines de milliers d’Israéliens ontparticipé, de juillet à octobre, à un mouvement deprotestation pacifique pour réclamer des logementsplus abordables et une amélioration des systèmes desanté et d’éducation.Blocus de Gaza – crise humanitaireL’armée israélienne, qui maintenait le blocus de labande de Gaza imposé depuis 2007, a fermé en marsle point de passage de Karni ; le seul point d’entréerestant pour les marchandises était celui de KeremShalom, dont la capacité était insuffisante. Le blocusa prolongé la crise humanitaire subie par leshabitants de Gaza – 1,6 million de personnes, dontplus de 70 % dépendaient de l’aide humanitaire.L’interdiction quasi totale des exportations étaitmaintenue, ce qui étouffait l’économie. Lesrestrictions strictes sur les importations provoquaientdes pénuries et une augmentation des prix. Le blocusconstituait une forme de châtiment collectif – et à cetitre était une violation du droit international ; ilaffectait particulièrement les enfants et les malades.Les autorités israéliennes ont empêché des centainesde malades de quitter Gaza pour se faire soigner, ouont entravé leurs déplacements.En mai, l’Égypte a ouvert aux habitants de Gaza lepoint de passage de Rafah, tout en contrôlantétroitement les entrées et sorties du territoire. Aumoins 36 Palestiniens ont trouvé la mort à la suited’accidents dans les tunnels utilisés pour achemineren contrebande des marchandises entre l’Égypte etGaza, ou de frappes israéliennes contre ces tunnels.La marine israélienne a bloqué plusieurs flottillesd’aide internationale qui tentaient de briser le blocusde Gaza. En septembre, une <strong>com</strong>mission d’enquêtedes Nations unies a conclu que le blocus naval deGaza était légal, sans toutefois aborder la question dela légalité de la politique de bouclage général deGaza.Restrictions en CisjordaniePlus de 500 postes de contrôle et barrages de l’arméeisraélienne continuaient d’empêcher les Palestiniensde se rendre librement sur leur lieu de travail, dansleur établissement scolaire ou dans les hôpitaux deCisjordanie. Israël continuait d’ériger un mur/barrièrelong de 700 kilomètres, dont le tracé se situait engrande partie en Cisjordanie sur des terrespalestiniennes et qui empêchait des milliers depaysans palestiniens d’accéder à leurs terresagricoles ou aux points d’approvisionnement en eau.Les Palestiniens de Cisjordanie qui détenaient unpermis d’entrée à Jérusalem ne pouvaient y accéderque par quatre des 16 postes de contrôle dumur/barrière.Les Palestiniens n’étaient pas autorisés à accéderaux zones proches des colonies israéliennes,installées et maintenues en violation du droitinternational. L’expansion des colonies s’estpoursuivie. Le nombre de colons en Cisjordanie, y<strong>com</strong>pris à Jérusalem-Est, dépassait 500 000 à la finde l’année.Les restrictions à la liberté de mouvementobligeaient quelque 200 000 habitants palestiniens de70 villages à faire des détours deux à cinq fois pluslongs que la route directe pour rejoindre la ville laplus proche, ce qui entravait l’accès aux services debase.Droits en matière de logement –expulsions forcéesLes autorités israéliennes ne délivraient généralementpas de permis de construire aux Palestiniens deJérusalem-Est ni à ceux vivant dans la zone C deCisjordanie – où Israël contrôlait toujours entièrementl’aménagement et l’occupation des sols –, ce quiportait atteinte à leur droit à un logement convenable.Les autorités israéliennes ont multiplié les démolitionsd’habitations palestiniennes et d’autres structures quiavaient été érigées sans autorisation en Cisjordanie ;IAmnesty International - Rapport 2012165


Iplus de 620 constructions ont été détruites au coursde l’année. Près de 1 100 Palestiniens ont étédéplacés après la démolition de leur maison, soit80 % de plus qu’en 2010 ; plus de 4 200 autres ontsubi les effets de la démolition de 170 abris pouranimaux et de 46 citernes de collecte d’eau de pluie.Les Bédouins et les bergers étaient particulièrementtouchés ; certains d’entre eux, confrontés auxdémolitions répétées de leurs habitations, auxviolences exercées par des colons et à des restrictionsdraconiennes à leur liberté de mouvement, risquaientd’être déplacés de manière permanente.n En juin, les forces israéliennes ont détruit à plusieursreprises des constructions à Hadidiya, un hameaubédouin situé dans le nord de la vallée du Jourdain ;33 structures ont été démolies et plusieurs familles sesont retrouvées sans abri. Un appel devant la Hautecour de justice a débouché sur une injonctiontemporaire empêchant l’application d’avis dedémolition émis en novembre.Les autorités ont également multiplié lesdémolitions d’habitations palestiniennes en Israël,tout particulièrement dans les villages « nonreconnus », où toute construction est interdite. Enseptembre, le gouvernement a approuvé un projet deréglementation des constructions bédouines« illégales » dans le sud du Néguev. S’il était mis enœuvre, il pourrait entraîner l’expulsion forcée demilliers de citoyens palestiniens d’Israël.n Des cabanes et d’autres structures ont été démoliesau moins 20 fois au cours de l’année à Al Araqib, unvillage « non reconnu » dans la région du Néguev quiavait déjà été détruit à plusieurs reprises en 2010. Enjuillet, les autorités israéliennes ont intenté uneprocédure contre les villageois, leur réclamant1,8 million de shekels (environ 500 000 dollars desÉtats-Unis) à titre de remboursement du coût desdémolitions et expulsions répétées.Utilisation excessive de la forceLes forces israéliennes ont utilisé une force excessive,notamment des tirs à balles réelles, contre desmanifestants palestiniens en Cisjordanie et desprotestataires aux frontières syrienne et libanaise,ainsi que pour faire respecter la « zone d’exclusion » àl’intérieur de la bande de Gaza et le long de la côte.Elles ont tué 55 civils palestiniens, dont 11 enfants,dans les territoires occupés. Vingt-deux d’entre eux,dont neuf enfants, ont été tués par des tirs des forcesde sécurité israéliennes dans les « zones interdites »terrestres et maritimes de Gaza. L’armée a mené,dans certains cas, des enquêtes internes ; celles-cin’ont toutefois été ni indépendantes ni transparentes.n Quelque 35 personnes auraient été tuées et descentaines d’autres blessées lorsque des soldatsisraéliens ont ouvert le feu sur des milliers de réfugiéspalestiniens et d’autres personnes qui protestaient, le15 mai et le 5 juin, à la frontière entre le Liban et Israëlet à celle de la Syrie avec le Golan occupé par Israël.Des manifestants ont jeté des pierres et certains ontfranchi la frontière sur les hauteurs du Golan, mais ilsn’étaient pas armés et ne semblaient pas représenterune menace directe pour la vie des soldats. Israël acontesté le nombre de victimes et les circonstances deleur mort.n Les soldats israéliens ont eu régulièrement recours àune force excessive contre les Palestiniens quimanifestaient contre la construction du mur/barrièreou contre l’expansion des colonies dans le village deNabi Saleh, en Cisjordanie. Atteint au visage par unegrenade lacrymogène tirée à faible distance (enviolation des règlements militaires) après qu’il eut jetéune pierre en direction d’une jeep de l’armée, MustafaTamimi, 28 ans, a suc<strong>com</strong>bé à ses blessures le9 décembre.ImpunitéEn janvier, la <strong>com</strong>mission Turkel a conclu que lesforces israéliennes n’avaient pas violé le droitinternational humanitaire en arraisonnant, en mai2010, une flottille d’aide humanitaire en route pourGaza. L’opération s’était soldée par la mort de neufressortissants turcs. Cette <strong>com</strong>mission israélienne n’atoutefois fourni aucune explication sur lescirconstances de la mort de ces neuf personnes.Les autorités n’avaient toujours pas menéd’enquêtes indépendantes et crédibles sur les crimesde guerre et les éventuels crimes contre l’humanitéqui auraient été <strong>com</strong>mis par les forces israéliennespendant l’opération Plomb durci, menée en 2008-2009, au cours de laquelle plusieurs centaines decivils palestiniens ont été tués. La police militairecontinuait toutefois de mener des investigations surcertains faits.Les membres des forces de sécurité et les colonsisraéliens accusés d’atteintes aux droitsfondamentaux des Palestiniens n’étaient le plussouvent pas amenés à rendre <strong>com</strong>pte de leurs actes.Les autorités israéliennes ouvraient généralement desenquêtes, mais celles-ci ne débouchaient que166 Amnesty International - Rapport 2012


arement sur des poursuites. L’ONG israélienne YeshDin a fait savoir que près de 90 % des enquêtesofficielles sur des actes de violence imputés auxcolons qu’elle avait recensés depuis 2005 avaient étéclassées sans suite, apparemment fauted’investigations sérieuses ; cette même source aprécisé que seules 3,5 % des plaintes adresséesentre 2000 et 2010 aux autorités militairesisraéliennes par des Palestiniens pour des violationsde leurs droits par des soldats israéliens avaientabouti à une inculpation.Détention sans jugementAu moins 307 Palestiniens des territoires occupésétaient maintenus en détention sans inculpation nijugement, en vertu d’ordres de détentionadministrative renouvelables qui étaient émis sur labase de preuves secrètes n’étant pas <strong>com</strong>muniquéesau détenu ni à son avocat. Trois femmes maintenuesen détention administrative faisaient partie desPalestiniens remis en liberté en échange de lalibération de Gilad Shalit par le Hamas.n L’universitaire et écrivain Ahmad Qatamesh a étéarrêté en avril et placé en détention en vertu d’un ordrede détention administrative d’une durée de six mois,qui a été renouvelé en septembre ; il était toujoursdétenu à la fin de l’année. Amnesty International leconsidérait <strong>com</strong>me un prisonnier d’opinion.Conditions de détention – privation dudroit de visiteLes prisonniers palestiniens originaires de Gaza etdétenus en Israël étaient toujours privés des visites deleur famille, les autorités israéliennes interdisant auxhabitants de Gaza de se rendre en Israël depuis juin2007. Plus de 200 prisonniers originaires de Gaza ontété libérés dans le courant de l’année, mais440 environ étaient toujours incarcérés dans desprisons israéliennes à la fin de 2011. Les autoritésisraéliennes refusaient souvent, pour des raisons de« sécurité » non précisées, de délivrer des permis devisite aux proches des prisonniers originaires deCisjordanie.Procès inéquitablesCette année encore, des Palestiniens des territoiresoccupés ont été déférés devant des tribunauxmilitaires ; ils étaient généralement interrogés enl’absence d’un avocat dans la période précédant leurprocès. Le 27 septembre, l’ordonnance militairen° 1676 a porté de 16 à 18 ans l’âge de la majoritépour les Palestiniens déférés devant des tribunauxmilitaires israéliens. Auparavant, les adolescents de16 et 17 ans étaient jugés par ces tribunaux de lamême façon que des adultes. La nouvelleordonnance ne prévoyait pas que les enfants détenusbénéficient de l’assistance d’un avocat pendant leurinterrogatoire ni que les mineurs de plus de 16 anssoient séparés des adultes en détention.Torture et autres mauvais traitementsDe nouvelles informations ont fait état d’actes detorture et de mauvais traitements, infligés y <strong>com</strong>pris àdes enfants. Parmi les méthodes le plus souventsignalées figuraient les passages à tabac, lesmenaces contre le détenu ou ses proches, la privationde sommeil et le maintien prolongé dans despositions douloureuses. Des « aveux » qui auraient étéobtenus sous la contrainte étaient retenus à titre depreuve par les tribunaux militaires israéliens.n Islam Dar Ayyoub, 14 ans, a été arrêté chez lui, dansle village de Nabi Saleh (Cisjordanie), le 23 janvier vers2 heures du matin. Menotté et les yeux bandés, il a étéemmené dans une jeep de l’armée au poste de policede la colonie de Ma’ale Adumim, via la colonie deHalamish. Il a été interrogé pendant plusieurs heuresen l’absence d’un avocat et n’a pas été autorisé à sereposer ni à manger ni à se rendre aux toilettes. Lesinformations obtenues au cours de son interrogatoireont été utilisées pour mettre en cause Bassem Tamimi,l’organisateur du mouvement de protestation de NabiSaleh (voir ci-après).n En février, Dirar Abu Sisi, un ingénieur originaire deGaza, a été renvoyé contre son gré d’Ukraine en Israël.Il a été incarcéré dans la prison de Shikma, non loind’Ashkelon, où il a été privé de contact avec un avocatpendant 25 jours. Il a été accusé en avril d’avoirtravaillé à l’amélioration des roquettes utilisées par labranche militaire du Hamas. Les autorités israéliennesont déclaré qu’il avait reconnu les faits, mais sesavocats ont affirmé que ses « aveux » avaient étéobtenus sous la torture. Il était toujours détenu,apparemment à l’isolement, à la fin de l’année.Liberté d’expression et d’associationLa Knesset (Parlement israélien) a adopté des lois quirestreignaient la liberté d’expression et d’association.Une de ces lois érigeait en infraction pénale le faitd’appeler au boycott de personnes ou d’institutionsisraéliennes en Israël ou dans les coloniesIAmnesty International - Rapport 2012167


Iisraéliennes de Cisjordanie. Une autre pénalisait la<strong>com</strong>mémoration par des institutions ou desmunicipalités de la Nakba (« catastrophe »), un termeutilisé par les Palestiniens pour décrire leurexpropriation en 1948. La Knesset a égalementdébattu d’un projet de loi visant à restreindre, voire àempêcher, le financement par des gouvernementsétrangers d’organisations israéliennes de défense desdroits humains, en particulier celles qui ont fourni desinformations à la mission d’établissement des faitsdes Nations unies sur le conflit de Gaza ; ce texten’avait pas été adopté à la fin de l’année.Cette année encore, des militants palestiniens deCisjordanie qui avaient organisé des manifestations,dont certaines étaient non violentes, contre lemur/barrière et les colonies israéliennes illégales ontété arrêtés et déférés devant des tribunaux militairesisraéliens. Quatorze journalistes palestiniens au moinsont été arrêtés ; deux d’entre eux ont été placés endétention administrative.n En janvier, une cour d’appel militaire a alourdi lapeine d’Abdallah Abu Rahma, un militant non violentqui manifestait contre le mur/barrière dans le village deBilin, la portant de 12 à 16 mois d’emprisonnement.Cet homme avait été reconnu coupable d’incitation à laviolence et d’organisation de manifestations illégales,sur la base de déclarations faites par des enfants sousla contrainte. Amnesty International le considérait<strong>com</strong>me un prisonnier d’opinion. Il a été remis en libertéen mars après avoir purgé la totalité de sa peine.n Bassem Tamimi, militant de longue date etdétracteur non violent de la politique israélienne, a étéarrêté le 24 mars et inculpé par la suite pour avoirorganisé des manifestations dans le village de NabiSaleh. Il se trouvait toujours en détention à la fin del’année, son procès devant un tribunal militaire n’étantpas terminé. Amnesty International le considérait<strong>com</strong>me un prisonnier d’opinion.Réfugiés et demandeurs d’asileLes demandeurs d’asile érythréens et soudanais – quireprésentaient environ 80 % des quelque45 000 demandeurs d’asile en Israël – continuaientde se voir barrer l’accès à la procédure dedétermination du statut de réfugié. Ils ne recevaientque des documents de séjour temporaire et n’étaientpas autorisés à travailler ni à bénéficier du système desanté et des services sociaux. Seul un petit nombrede demandeurs d’asile originaires d’autres pays ontobtenu le statut de réfugié.De nouvelles mesures draconiennes visant àdissuader de futurs demandeurs d’asile étaientexaminées par le Parlement. En mars, la Knesset aapprouvé en première lecture une loi anti-infiltrationaux termes de laquelle les migrants et demandeursd’asile sans papiers seraient passibles d’une peined’au moins trois ans d’emprisonnement. Enseptembre, le Conseil national de la construction et del’aménagement a publié un projet de construction àproximité de la frontière égyptienne d’un centre dedétention pour demandeurs d’asile, d’une capacité de10 000 places. Bien que l’armée israélienne ait décidéen mars de suspendre la pratique du « rapatriementdirect », sans examen de leur demande, despersonnes en quête d’asile entrées en Israël depuisl’Égypte, des ONG ont recensé de nouveaux cas derenvois forcés vers l’Égypte jusqu’en juillet.Prisonniers d’opinion – objecteurs deconscience israéliensAu moins trois objecteurs de conscience israéliensont été emprisonnés au cours de l’année pour avoirrefusé d’effectuer leur service militaire en raison deleur opposition à la présence de l’armée israéliennedans les territoires palestiniens occupés.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Israël et dansles territoires palestiniens occupés en mai et en novembre.4 Israël et territoires palestiniens occupés. Évaluation mise à jourd’Amnesty International relative aux enquêtes menées par les autoritésisraéliennes et palestiniennes sur le conflit à Gaza (MDE 15/018/2011).4 Gaza blockade must be lifted following UN panel finding on flotilla raid(MDE 15/030/2011).168 Amnesty International - Rapport 2012


ITALIERÉPUBLIQUE ITALIENNEChef de l’État :Giorgio NapolitanoChef du gouvernement : Silvio Berlusconi, remplacé parMario Monti le 16 novembrePeine de mort :aboliePopulation :60,8 millionsEspérance de vie :81,9 ansMortalité des moins de cinq ans : 4 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 98,9 %Les expulsions forcées de Roms se sont poursuivies,tout <strong>com</strong>me les pratiques discriminatoires à leurencontre. En novembre, le Conseil d’État a déclaréillégale l’« urgence nomades » instaurée par l’Étaten 2008 en relation avec la présence decampements de nomades dans plusieurs régions dupays. L’incapacité des autorités à faire face de façonadaptée à l’augmentation des arrivées par voiemaritime de personnes en provenance d’Afrique duNord a entraîné des violations des droits humainsdes migrants, des demandeurs d’asile et desréfugiés. Les pratiques à caractère raciste etdiscriminatoire à l’égard de minorités, <strong>com</strong>me lesRoms et les migrants, se sont poursuivies. L’Italien’a pas mis en place de mécanismes efficaces pourempêcher les actes de torture et les autres mauvaistraitements, ni pour poursuivre en justice lesauteurs présumés de tels actes.ContexteSur fond de crise économique dans certains paysd’Europe, un nouveau gouvernement dirigé par MarioMonti a remplacé celui de Silvio Berlusconi ennovembre. Des mesures d’austérité de grandeampleur ont été adoptées à la fin de l’année.Surveillance internationaleDes organes internationaux ont dénoncé le sortréservé par les autorités italiennes aux Roms, auxmusulmans, aux migrants, aux demandeurs d’asile etaux réfugiés. Dans son rapport rendu public enseptembre, le <strong>com</strong>missaire aux droits de l’homme duConseil de l’Europe a souligné que l’« urgencenomades » instaurée en 2008 avait permis de justifierdes expulsions généralisées de camps roms, souventréalisées en violation des normes relatives aux droitshumains. En vertu des dispositions sur l’« urgencenomade » les <strong>com</strong>missaires délégués de plusieursrégions étaient autorisés à déroger à un certainnombre de lois lorsqu’ils avaient affaire aux personnesvivant dans des « campements nomades ». Le rapportévoquait également l’accroissement important, depuisle début de l’année, des arrivées par mer de migrantsen provenance d’Afrique du Nord, et soulignait que lesystème d’accueil des migrants, demandeurs d’asileet réfugiés avait été mis à rude épreuve. Le<strong>com</strong>missaire a exhorté les autorités italiennes àaccroître leurs capacités d’accueil et à renforcer lesystème d’insertion des réfugiés et des autrespersonnes bénéficiant d’une protection internationale.Il a également demandé aux autorités de veiller à ceque la sécurité et le sauvetage des personnesconstituent la priorité absolue, à faire passer avanttoute autre considération, lorsqu’un navire est endétresse.Le Comité consultatif de la Convention-cadre pourla protection des minorités nationales [Conseil del’Europe] a rendu public son troisième avis sur l’Italieen mai. Il a relevé une augmentation des<strong>com</strong>portements racistes et xénophobes envers lesRoms, les musulmans, les migrants, les réfugiés et lesdemandeurs d’asile. Le Comité a également exprimésa préoccupation quant à la poursuite de ladégradation des conditions de vie des Roms.Le Comité pour l’élimination de la discrimination àl’égard des femmes [ONU] a présenté sesobservations finales en juillet, exhortant l’Italie, entreautres re<strong>com</strong>mandations, à adopter une politiquedestinée à lutter contre les messages présentant lesfemmes <strong>com</strong>me des objets sexuels, et à mettre finaux stéréotypes relatifs au rôle respectif des hommeset des femmes au sein de la société et de la famille.DiscriminationDes cas de violences racistes graves ont été signalés.Des personnes ont été victimes de discriminations enraison de leur orientation sexuelle, de leur origineethnique ou de leur religion.Un projet de loi prévoyant l’interdiction du port duvoile intégral dans les lieux publics a été examiné parle Parlement. Une telle interdiction aurait desconséquences disproportionnées sur les femmes quichoisissent d’exprimer leur identité ou leursconvictions par le port de la burqa ou du niqab.Violences racistesUn campement rom a été incendié par des riverains àTurin en décembre. L’attaque est intervenue à l’issued’une manifestation prétendument organisée en signeIAmnesty International - Rapport 2012169


Ide solidarité avec une adolescente de 16 ans quiavait accusé deux Roms de l’avoir violée. La jeune fillea reconnu par la suite avoir menti sur les faits deviolences qu’elle alléguait.RomsLes autorités de cinq régions étaient toujoursautorisées, au titre de l’« urgence nomades », àdéroger aux lois protégeant les droits humains,notamment à plusieurs dispositions de la loi relativeaux procédures administratives. Cette situationcontribuait à perpétuer les expulsions forcées deRoms, laissait impunis les auteurs de ces violationsdes droits humains et exacerbait les discriminations àl’encontre des Roms. En novembre, le Conseil d’Étata déclaré l’« urgence nomades » illégale.Un certain nombre d’opérations d’expulsion onttoutefois été signalées cette année encore dans desrégions où l’« urgence nomades » ne s’appliquait pas.n À Rome, les autorités ont continué d’appliquer le« plan nomades » élaboré dans la foulée du décret« urgence nomades », qui proposait la fermeture detous les campements illégaux et la réinstallation dequelque 6 000 Roms dans 13 campementsréaménagés ou nouvellement créés. Les autorités ontprocédé à des expulsions forcées de campementsroms tout au long de l’année, laissant à chaque fois despersonnes sans abri. Les expulsions se déroulaientsans préavis suffisant et en dehors des procéduresrégulières. Dans la plupart des cas, seuls les femmes etles jeunes enfants se voyaient proposer une solutiond’accueil, uniquement provisoire. D’après des ONGlocales, les conditions de vie et les infrastructures nerépondaient pas aux normes internationales en matièrede logement convenable.n Si la municipalité milanaise issue des élections demai n’a pas, <strong>com</strong>me l’équipe précédente, vanté dansles médias les expulsions de campements roms, lesévictions ne s’en sont pas moins poursuivies d’unefaçon non conforme aux normes en matière de droitshumains. En avril, les autorités de la ville ont déclaréque plus de 500 expulsions de camps illégaux avaienteu lieu depuis 2007. Comme à Rome, ces évictions nerespectaient pas les procédures administratives et lespersonnes touchées n’avaient pas accès à des voiesde recours efficaces ; aucune consultation véritablen’était menée ni aucun préavis notifié dans des délaisraisonnables. Seules des solutions d’accueilprovisoires ont été proposées, et uniquement auxfemmes ac<strong>com</strong>pagnées de jeunes enfants. Lesautorités ont <strong>com</strong>mencé à fermer plusieurscampements autorisés, dans certains cas dans lecadre de projets de construction en lien avecEXPO 2015, une exposition universelle se déroulanttous les cinq ans dans un pays différent. Les habitantsdes camps autorisés de la via Triboniano et de la viaBarzaghi ont été expulsés en l’espace de plusieursmois, sans se voir proposer une solution derelogement durable et adaptée. Ils n’ont pas étéconsultés au préalable sur d’éventuelles solutionsautres que l’expulsion ni sur les options deréinstallation.n De nouvelles dispositions entrées en vigueur en aoûtautorisaient l’expulsion d’Italie des citoyens de l’Unioneuropéenne (UE) qui ne satisfaisaient pas auxexigences établies par la directive de l’UE relative àliberté de circulation et n’obtempéraient pas à un ordrede quitter le territoire dans un certain délai. Il était àcraindre que ces dispositions soient appliquées demanière discriminatoire et ouvrent la voie à l’expulsionciblée de personnes appartenant à certaines minoritésethniques, en particulier les Roms.Droits des lesbiennes, des gays, des personnesbisexuelles et des transgenresLes autorités italiennes n’ont pas <strong>com</strong>blé les lacunesde la législation sanctionnant les crimes à caractèrehaineux. Par conséquent, les victimes d’infractionsfondées sur l’orientation sexuelle, l’identité de genreou l’expression de celle-ci ne bénéficiaient pas de lamême protection que les victimes d’infractions liées àd’autres formes de discrimination.n En juillet, le Parlement a rejeté un projet de loi relatifaux crimes homophobes et transphobes, faisant valoirqu’il serait in<strong>com</strong>patible avec la Constitution.Réfugiés, demandeurs d’asile etmigrantsÀ la fin de l’année, plus de 52 000 personnes étaientarrivées par mer d’Afrique du Nord, en particulier surl’île de Lampedusa – un chiffre beaucoup plus élevéque les années précédentes. Les autorités n’ont paspris les mesures appropriées pour faire face à lasituation, mettant en œuvre des dispositions qui sesont traduites par des violations des droitsfondamentaux des demandeurs d’asile, migrants etréfugiés. Expulsions collectives sommaires, violationsdu principe de non-refoulement et placements endétention illégaux ont fait partie de la réponse desautorités. L’application d’accords relatifs au contrôledes migrations signés avec plusieurs pays d’Afriquedu Nord, tels que la Libye, la Tunisie et l’Égypte, qui170 Amnesty International - Rapport 2012


empêchaient des demandeurs d’asile d’accéder à laprotection internationale et permettaient de renvoyersommairement des migrants, était très préoccupante.Les conditions de vie dans les centres d’accueil et dedétention ne répondaient pas aux normesinternationales ; des demandeurs d’asile et desréfugiés se retrouvaient dans le plus granddénuement.n En mars, l’île de Lampedusa a été le théâtre d’unecrise humanitaire, du fait de l’incapacité des autorités àprocéder dans des délais raisonnables au transfertd’un nombre suffisant de personnes en Sicile et dansd’autres régions d’Italie. Plusieurs milliers de migrants,de demandeurs d’asile et de réfugiés se sont retrouvésbloqués à Lampedusa dans des conditionsépouvantables ; nombre d’entre eux ont dû dormirdehors et n’avaient pas accès à des installationssanitaires.n En avril, le gouvernement a conclu avec les autoritéstunisiennes un accord autorisant l’expulsion sommairede ressortissants tunisiens. Comme cela a été le casavec d’autres accords sur le contrôle de l’immigration,le contenu de ce texte n’a pas été intégralementdivulgué à l’opinion publique.n En juin, le gouvernement a signé un protocoled’accord sur le contrôle des migrations avec le Conseilnational de transition libyen, par lequel les deux partiesconvenaient d’appliquer les arrangements existants. Lamise en œuvre de ces dispositions était susceptible,<strong>com</strong>me les années précédentes, d’empêcher desdemandeurs d’asile d’accéder aux procédures d’octroide protection internationale et d’entraîner desviolations du principe de non-refoulement.n Le 21 août, les autorités ont procédé à une opérationde refoulement après l’interception par des naviresitaliens d’un bateau en provenance d’Afrique du Nordqui se dirigeait vers Lampedusa. D’après certainesinformations, il ne s’agissait pas d’un épisode isolé etdes opérations de ce type avaient lieu de façonrégulière.n En septembre, des personnes retenues dans lecentre d’accueil et de premiers secours deLampedusa, surpeuplé, ont déclenché un incendiepour protester contre leur détention et parce qu’ellescraignaient que les autorités italiennes ne les renvoientde force dans leur pays. Le feu a détruit la plus grandepartie des installations. Certaines des personnesévacuées ont ensuite manifesté dans les rues deLampedusa. Des heurts ont éclaté avec la policeitalienne et certains habitants de l’île, faisant plusieursblessés. À la suite de ces événements, les autoritésitaliennes ont repris les transferts de personnes versd’autres destinations en Italie.Le Parlement a adopté en août une loi destinée àtransposer dans le droit national les dispositions de ladirective « retour » de l’UE. Prolongeant de six à18 mois la période possible de détention uniquementpour des raisons liées au statut migratoire, lesnouvelles dispositions portaient atteinte aux droits desmigrants à la liberté. Elles n’intégraient pas parailleurs les garanties essentielles contenues dans ladirective et allaient dans le sens du placement endétention et du renvoi forcé au détriment del’incitation au retour volontaire.À la suite de la décision rendue en avril par la Coureuropéenne de justice dans l’affaire El Dridi, la peined’un à quatre ans d’emprisonnement qui sanctionnaitle non-respect d’un ordre de quitter le territoire a étéremplacée, en août, par une amende. Une requêteavait été déposée auprès de la Cour pour qu’elleévalue la conformité de la législation italienne avec ladirective « retour » de l’Union.En octobre, plusieurs organisations, dont le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés(HCR) et l’Organisation internationale pour lesmigrations (OIM), ont dénoncé le fait qu’on leur avaitrefusé l’accès à 150 personnes interceptées en meret présentes à Bari. Plus de 70 de ces migrants ontété immédiatement renvoyés. Toutes les organisationss’étaient associées au gouvernement dans le cadredu projet Praesidium, destiné à améliorer lescapacités et la qualité du système d’accueil desmigrants susceptibles de nécessiter une protectioninternationale.Lutte contre le terrorisme et sécuritéLes pratiques des pouvoirs publics dans le cadre del’application de la législation antiterroristedemeuraient sources de préoccupation.n La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH)s’est prononcée en avril dans l’affaire Toumi c. Italie,concluant que l’Italie avait, en expulsant cet hommevers la Tunisie en 2009, violé l’interdiction de la tortureet des autres mauvais traitements. La CEDH a statuéqu’Ali Ben Sassi Toumi, ressortissant tunisien reconnucoupable d’infractions liées au terrorisme, avait étéexpulsé vers la Tunisie en violation d’une mesureprovisoire de la Cour demandant à l’Italie de suspendrele transfert. Elle a considéré que les assurancesdiplomatiques fournies par le gouvernement tunisienIAmnesty International - Rapport 2012171


Iavant l’expulsion, indiquant que l’intéressé serait traitédans le respect de sa dignité, n’éliminaient pas lerisque de torture et d’autres mauvais traitements.Détenus de GuantánamoEn avril, les médias ont révélé qu’Adel Ben Mabrouk,un ressortissant tunisien transféré du centre dedétention de Guantánamo vers l’Italie en 2009, avaitété renvoyé en Tunisie. Reconnu coupable en févrierd’infractions liées au terrorisme, il avait néanmoinsété libéré après sa détention provisoire, le tribunalayant tenu <strong>com</strong>pte de ses années d’incarcération àGuantánamo.« Restitutions »La Cour de cassation ne s’était pas encore prononcéesur les appels interjetés dans le cadre de l’affairerelative à la « restitution », en 2003, d’Abou Omar. Endécembre 2010, la cour d’appel de Milan avaitconfirmé la déclaration de culpabilité prononcée en2009 contre 25 agents américains et italiensimpliqués dans l’enlèvement de ce ressortissantégyptien, survenu en 2003 dans une rue de Milan.Elle les avait condamnés à des peines allant jusqu’àneuf ans d’emprisonnement. La cour avait confirmél’abandon des poursuites contre cinq hautsresponsables des services italiens du renseignement,en s’appuyant sur des motifs qui relevaient du« secret d’État ». Les 23 agents américains reconnuscoupables avaient été jugés par contumace. Aprèsson enlèvement, Abou Omar avait été transféréillégalement d’Italie en Égypte par l’Agence centraledu renseignement des États-Unis (CIA). Il avait étéplacé en détention secrète en Égypte et aurait ététorturé.Torture et autres mauvais traitementsCette année encore, des cas de mauvais traitementsimputables à des responsables de l’application deslois ont été signalés. Aucun mécanisme efficace n’aété mis en place pour empêcher les brutalitéspolicières. Les autorités n’ont pas non plus pris demesures concrètes pour que des enquêtes en bonneet due forme soient ouvertes sur toutes les affaires deviolations des droits humains mettant en cause desagents de la force publique et, le cas échéant, pourque des poursuites soient engagées. Elles n’ont pasratifié le Protocole facultatif se rapportant à laConvention contre la torture [ONU], ni mis en placeau niveau national de mécanisme indépendant deprévention de la torture et des autres mauvaistraitements. L’Italie n’avait toujours pas par ailleursinscrit la torture en tant qu’infraction spécifique dansson Code pénal.Procès du G8 à GênesLa Cour de cassation n’avait pas encore statué sur lesappels interjetés contre les jugements de deuxièmeinstance prononcés par la cour d’appel de Gênesdans les procès de responsables de l’application deslois, de membres du personnel médical et d’employésde l’administration pénitentiaire pour les mauvaistraitements infligés à des manifestants au cours dusommet du G8 à Gênes en 2001.n En mars, la Cour européenne des droits de l’hommea estimé qu’il n’y avait pas eu violation du droit à la viedans le cadre de la mort, le 20 juillet 2001, dans unerue de Gênes, du manifestant Carlo Giuliani. En mai2003, à l’issue de l’enquête ouverte sur ce coup de feumeurtrier d’un agent de la force publique, la jugechargée de l’instruction avait conclu que lefonctionnaire avait agi en état de légitime défense et nedevait pas être poursuivi.Morts en détentionn En juin, la cour d’appel de Bologne a confirmé lacondamnation en première instance de quatrepoliciers pour l’homicide illégal de Federico Aldrovandi,âgé de 18 ans. En vertu d’une loi sur les grâces, lacondamnation initiale de trois ans et six moisd’emprisonnement a été <strong>com</strong>muée en une peine de sixmois seulement. Federico Aldrovandi est mort en 2005après avoir été interpellé à Ferrare par quatre policiers.Des recours ont été formés devant la Cour de cassation.En mai, l’un des trois agents de police condamnés en2010 à des peines respectives de huit, 10 et 12 mois deprison pour avoir cherché à nuire au bon déroulementde l’enquête, s’est par ailleurs vu infliger une peine detrois mois d’emprisonnement supplémentaires avecsursis. En janvier, un quatrième policier a été acquittédes accusations de manipulation des enquêtes.n Dans l’affaire de la mort d’Aldo Bianzino, le procèsengagé contre un surveillant de prison pour nonassistanceà personne en danger et d’autres infractionspénales s’est ouvert en mars. Aldo Bianzino est décédéen 2007 à la prison de Pérouse, deux jours après sonarrestation. L’information judiciaire ouverte contre Xpour meurtre avait été close en 2009.n Le procès ouvert dans le cadre de la mort de StefanoCucchi était toujours en cours. Six médecins, troisinfirmiers et trois agents de l’administrationpénitentiaire étaient accusés de différentes infractionspénales, dont abus de pouvoir et forfaiture, coups etblessures et non-assistance à personne en danger. En172 Amnesty International - Rapport 2012


janvier, un haut responsable de l’administrationpénitentiaire a été condamné à deux ansd’emprisonnement pour falsification de documentsofficiels et forfaiture. Stefano Cucchi est mort enoctobre 2009 dans l’antenne pénitentiaire d’un hôpitalromain, quelques jours après son arrestation.n Une enquête était toujours en cours sur les mauvaistraitements qui auraient été infligés à Giuseppe Uvaalors qu’il était aux mains de la police, quelques heuresavant son décès. Cet homme est mort en juin 2008dans un hôpital de Varèse. Le procès engagé contre unmédecin pour homicide involontaire – la mort seraitintervenue en raison de soins médicaux contreindiqués– se poursuivait. Le corps de Giuseppe Uva aété exhumé en décembre pour être soumis à unenouvelle expertise médicolégale.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Italie en mars,avril, juillet et novembre.4 Current evidence: European <strong>com</strong>plicity in the CIA renditions and secretdetention programmes (EUR 01/001/2011).4 Italy: Amnesty International findings and re<strong>com</strong>mendations to theItalian authorities following the research visit to Lampedusa and Mineo(EUR 30/007/2011).4 Italy: “Zero tolerance for Roma”: Forced evictions and discriminationagainst Roma in Milan (EUR 30/020/2011).JAMAÏQUEJAMAÏQUEChef de l’État :Elizabeth II, représentée parPatrick Linton AllenChef du gouvernement : Bruce Golding, remplacé parAndrew Holness le 23 octobrePeine de mort :maintenuePopulation :2,8 millionsEspérance de vie :73,1 ansMortalité des moins de cinq ans : 30,9 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 86,4 %Plusieurs centaines d’habitants de quartiers urbainsdéfavorisés ont été tués par des bandes criminellesou des policiers. Personne n’a été amené à rendredes <strong>com</strong>ptes pour les violations des droits humainsqui auraient été perpétrées durant l’état d’urgenceinstauré en 2010. Des lesbiennes, des gays, despersonnes bisexuelles et des transgenres ont étévictimes d’agressions et de harcèlement. Aucunecondamnation à mort n’a été prononcée et laJamaïque n’a procédé à aucune exécution.ContexteLa violence des bandes armées, essentiellement dansles quartiers pauvres des villes, demeurait un motif depréoccupation. Le nombre d’homicides enregistrés atoutefois diminué de 15 % par rapport à l’année2010.Une <strong>com</strong>mission d’enquête indépendante nomméepour enquêter sur le traitement de la demanded’extradition vers les États-Unis de Christopher Coke,narcotrafiquant présumé, a présenté son rapport enjuin. D’après ce document, le rôle joué par le Premierministre Bruce Golding dans la décision d’extraditiona été « inapproprié ». En septembre, Bruce Golding aannoncé qu’il démissionnait de ses fonctions dePremier ministre et de dirigeant du Parti travaillistejamaïcain.Adoptée en avril, la Charte des libertés et des droitsfondamentaux a remplacé le Chapitre III de laConstitution.En juillet, la Cour suprême a jugéinconstitutionnelle la Loi de 2010 sur la mise enliberté sous caution (dispositions provisoiress’appliquant à des infractions spécifiques). Au coursdu même mois, une autre loi provisoire, accordantdes pouvoirs supplémentaires à la police en matièrede détention et d’arrestation, a été prorogée pour uneannée supplémentaire.En novembre, le Comité des droits de l’homme[ONU] a examiné le troisième rapport périodique dela Jamaïque et émis plusieurs re<strong>com</strong>mandations surun certain nombre de questions, notamment sur lesenquêtes concernant les allégations d’exécutionsextrajudiciaires, la protection des lesbiennes, desgays, des personnes bisexuelles et des transgenres etla lutte contre les violences liées au genre.Le Parti national populaire (PNP), dirigé parl’ancienne Première ministre Portia Simpson Miller,est sorti vainqueur des élections générales du29 décembre.Police et forces de sécuritéLe nombre de personnes tuées par la police entre lesmois de janvier et de juin a diminué de 32 % parrapport à la même période en 2010. Plusieurspersonnes sont toutefois mortes dans desJAmnesty International - Rapport 2012173


Jcirconstances portant à croire qu’il pouvait s’agird’exécutions extrajudiciaires.Personne n’a été amené à rendre des <strong>com</strong>ptespour les homicides illégaux et les disparitions forcéesqui auraient eu lieu durant l’état d’urgence de 2010.Le Bureau du médiateur, qui a mené une enquêteindépendante sur les violations des droits humainsqui auraient été <strong>com</strong>mises pendant l’état d’urgence,n’avait toujours pas présenté son rapport auParlement à la fin de l’année. Malgré les demandesen ce sens du Bureau du médiateur et de diversesorganisations jamaïcaines de défense des droitshumains, le gouvernement n’a pas concrétisé sonengagement de nommer une <strong>com</strong>mission d’enquêteindépendante visant à établir la vérité sur ces faits.La Commission d’enquête indépendante, mise enplace en août 2010 pour enquêter sur les violencesperpétrées par les forces de sécurité, a bénéficié demoyens devant lui permettre de recruter et de formerdes enquêteurs supplémentaires. Les débats sepoursuivaient toutefois sur la question de savoir si laCommission était autorisée à inculper les agents depolice, ce qui mettait en lumière la nécessité depréciser et de renforcer ses pouvoirs au plan légal.La réforme de la police s’est poursuivie. En avril, lapolice a indiqué que sur les 124 re<strong>com</strong>mandationsrelatives à la réforme proposées en juin 2008 par ungroupe d’experts indépendants, 53 avaient été misesen œuvre et 65 se trouvaient en phase avancée deréalisation.JusticeEn octobre, le ministre de la Justice a fait valoir qu’unnombre non négligeable de re<strong>com</strong>mandations enmatière de réforme de la justice avaient étéappliquées. Il a cependant reconnu que la justicesouffrait encore d’importants retards.Un coroner spécial chargé d’examiner des cas detirs mortels imputables à des policiers a été désignéen février. En raison de la faiblesse des moyensattribués à ses services, le coroner n’était pas enmesure de traiter efficacement les affaires en instanceni les nombreuses affaires nouvelles.Droits des enfantsÀ la suite des critiques sur le fait que des mineurs setrouvaient enfermés avec des adultes dans des postesde police, le gouvernement a ouvert, en juillet, leCentre d’éducation surveillée de Metcalfe Street pourjeunes garçons et y a ordonné le transfert de tous lesgarçons en détention. D’après les organisationslocales de défense des droits humains, à la date du3 septembre, 28 mineurs étaient cependant toujoursenfermés dans des cellules de postes de police. Desfilles mineures partageaient encore leurs cellules avecdes adultes.Violences faites aux femmes et aux fillesSelon les statistiques de la police, le nombre deplaintes pour crimes sexuels à l’encontre de femmeset de filles a diminué. En mai, la police a néanmoinsindiqué que les agressions sexuelles sur mineuresâgées de 11 à 15 ans avaient augmenté par rapport àla même période de 2010.Une politique nationale en faveur de l’égalité entreles sexes a été adoptée en mars.Droits des lesbiennes, des gays,des personnes bisexuelles et destransgenresLes organisations de défense des lesbiennes, desgays, des personnes bisexuelles et des transgenresont fait état de très nombreux cas d’agression, deharcèlement et de menaces à l’encontre de cespersonnes. Un grand nombre de ces affaires n’ontpas donné lieu à une enquête exhaustive réaliséedans les meilleurs délais.La Charte des libertés et des droits fondamentauxne mentionnait pas le droit de ne pas subir dediscrimination fondée sur l’orientation sexuelle oul’identité de genre.Une requête a été déposée auprès de laCommission interaméricaine des droits de l’hommeau nom de deux hommes gays, afin de contestercertains articles de la Loi relative aux crimes et auxdélits contre les personnes (<strong>com</strong>munément appelée« loi sur la sodomie »). Dans l’une de sesre<strong>com</strong>mandations, le Comité des droits de l’homme[ONU] exhortait les autorités jamaïcaines à modifierce texte et à assurer la protection des lesbiennes, desgays, des personnes bisexuelles et des transgenres etde ceux qui défendent leurs droits.Peine de mortAucune condamnation à mort n’a été prononcée. À lafin de l’année, sept personnes étaient sous le coupd’une sentence capitale.La Charte des libertés et des droits fondamentaux<strong>com</strong>portait une disposition visant à annuler lesconséquences d’une décision historique rendue en174 Amnesty International - Rapport 2012


1993 par le Comité judiciaire du Conseil privé, la plushaute juridiction d’appel de la Jamaïque, qui siège auRoyaume-Uni. Le Comité judiciaire avait considéréqu’une exécution perpétrée après cinq annéespassées dans l’antichambre de la mort s’apparenteraità un châtiment inhumain et dégradant.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus à la Jamaïque enmars.4 Jamaica: A long road to justice? – Human rights violations under thestate of emergency” (AMR 38/002/2011).4 Jamaica: Submission to the UN Human Rights Committee for the 103rdSession of the Human Rights Committee (AMR 38/004/2011).JAPONJAPONChef du gouvernement :Naoto Kan, remplacé parYoshihiko Noda le 2 septembrePeine de mort :maintenuePopulation :126,5 millionsEspérance de vie :83,4 ansMortalité des moins de cinq ans : 3,3 ‰Le 11 mars, le Japon a été touché par un séisme demagnitude 9, survenu au large de la côte est etdéclenchant un raz-de-marée gigantesque auxconséquences catastrophiques. On a notammentassisté à l’accident nucléaire le plus grave qui sesoit produit dans le monde ces 25 dernières années.La police a continué d’employer des méthodesd’interrogatoire abusives dans le cadre du systèmedes dayio kangoku. Le gouvernement n’a pasprésenté d’excuses ni octroyé de réparationsconformes aux normes internationales pourdédommager les rescapées du système d’esclavagesexuel instauré par l’armée japonaise. De fortespressions ont été exercées sur le ministre de laJustice pour qu’il procède à des exécutions. Lenombre de demandeurs d’asile a augmenté, maistrès peu se sont vu accorder le statut de réfugié.ContexteLe 11 mars, un séisme suivi d’un tsunami a dévastéla région du Tôhoku, dans l’est du Japon. Lenombre de personnes décédées ou portéesdisparues a été estimé à 20 000. La centralenucléaire de Fukushima Daiichi a subi desdommages considérables. Des émissionsradioactives supérieures aux limites sanitairesd’exposition ont suscité de vives inquiétudes quantà leurs effets à long terme sur la santé et la sécuritéalimentaire. Une zone d’évacuation dont l’accèsétait interdit a été mise en place autour du site surun rayon de 20 kilomètres, périmètre jugéinsuffisant par nombre d’observateurs. Plusieursdizaines de milliers de personnes, dont celles quihabitaient dans la zone d’évacuation avant lacatastrophe, ont été hébergées dans des centresd’accueil et des logements provisoires dans lapréfecture de Fukushima. Le gouvernementjaponais et le fournisseur d’électricité Tokyo ElectricPower (Tepco) ont été fortement critiqués pour lafaçon dont ils ont fait face à la crise. Il leur anotamment été reproché de ne pas avoir fournid’informations en temps utile sur les risques, ce quia donné lieu à de profondes préoccupations quantaux conséquences négatives de leur approche surle droit à la santé des populations concernées.JusticeEn avril, le ministre de la Justice a demandé auministère public de surveiller à titre expérimental tousles interrogatoires menés – et enregistrés – par leBureau des enquêtes spéciales et le Bureau desaffaires criminelles spéciales, ainsi que lesinterrogatoires de suspects souffrant de déficienceintellectuelle ou de trouble mental. Le ministère de laJustice et la Direction de la police nationale ontprocédé à l’examen de la Loi sur les établissementspénitentiaires et le traitement des prisonniers mais, àl’issue de cet examen, aucune modification n’a étéapportée aux dispositions législatives ni au systèmedes dayio kangoku, qui permet à la police demaintenir des personnes en détention jusqu’à23 jours.n Shoji Sakurai et Takao Sugiyama ont été acquittésde meurtre et de vol qualifié en mai, après avoirpassé 29 ans derrière les barreaux. Pendant leurprocès en révision, la justice a établi que lesenregistrements des interrogatoires subis par lesdeux hommes, notamment de leurs « aveux »,avaient été falsifiés et n’étaient pas dignes de foi, caron ne savait pas si ces « aveux » avaient été obtenussans violence.JAmnesty International - Rapport 2012175


JViolences faites aux femmes et aux fillesLe 30 août, la Cour constitutionnelle sud-coréenne adéclaré contraire à la Constitution le fait que legouvernement de la Corée du Sud n’ait fait aucuneffort tangible pour régler les différends l’opposant àl’État japonais à propos de l’indemnisation desvictimes du système d’esclavage sexuel mis en placepar l’armée japonaise. Le Japon persistait dans sonrefus d’indemniser les Coréennes qui avaient étéréduites en esclavage sexuel avant et pendant laSeconde Guerre mondiale. La Cour a considéré que,par son inaction, la Corée du Sud violait les droitsfondamentaux de ces anciennes « femmes deréconfort ». En octobre, le gouvernement sud-coréena soulevé le problème devant les Nations unies,déclarant que ces viols et cet esclavage sexuel aucaractère systématique constituaient des crimes deguerre voire, dans des circonstances bien précises,des crimes contre l’humanité. L’État japonais arépondu que toutes les questions avaient été régléespar voie de traité. Le 14 décembre, à Séoul (Corée duSud), des militants et des victimes, qui manifestenttoutes les semaines depuis 1992, se sont rassembléspour la 1 000 e fois devant l’ambassade du Japon.Peine de mortAucune exécution n’a eu lieu. Cent trente prisonniers,dont plusieurs présentaient des troubles mentaux,restaient sous le coup d’une sentence capitale. Enoctobre, le ministre de la Justice Hideo Hiraoka adéclaré qu’il n’abolirait pas la peine de mort, maisétudierait les dossiers au cas par cas. Il faisait l’objetde pressions de la part d’autres membres dugouvernement pour que les exécutions reprennent.Le 31 octobre, le tribunal de district d’Osaka a concluque la pendaison était conforme à la Constitution.Réfugiés et demandeurs d’asileOn estimait à 1 800 le nombre de personnes ayantdéposé une demande d’asile au Japon. Le17 novembre, à l’occasion du 30 e anniversaire de laratification de la Convention relative au statut desréfugiés [ONU] par le Japon, le Parlement a adoptéune résolution où il renouvelait son engagementenvers ce texte. Dans le cadre d’un programme deréinstallation établi en 2010, le Japon a acceptéd’accueillir sur son territoire 18 réfugiés originaires duMyanmar, dont le dossier avait été examiné enThaïlande. D’autres réfugiés du Myanmar, qui avaientété réinstallés au Japon en 2010 dans le cadre dumême programme, se sont plaints publiquementqu’ils étaient contraints de travailler 10 heures parjour, que l’aide fournie par le gouvernement étaitinsuffisante et que les autorités les avaientdélibérément mal informés avant leur arrivée auJapon.JORDANIEROYAUME HACHÉMITE DE JORDANIEChef de l’État :Abdallah IIChef du gouvernement : Samir Rifai, remplacé parMaarouf Bakhit le 1 er février, à son tour remplacé parAwn al Khasawneh le 24 octobrePeine de mort :maintenuePopulation :6,3 millionsEspérance de vie :73,4 ansMortalité des moins de cinq ans : 25,3 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 92,2 %Des manifestants pacifiques qui réclamaient desréformes ont été dispersés par la force. Ils auraientété battus par les forces de sécurité et despartisans du gouvernement ; certains ont étéblessés et un homme aurait trouvé la mort. Laliberté d’expression et d’association restaitsoumise à des restrictions. La Constitution a étémodifiée pour introduire expressémentl’interdiction de la torture. Cette année encore, lesprocès qui se déroulaient devant la Cour de sûretéde l’État ne respectaient pas les normes d’équitéinternationalement reconnues. Parmi lespersonnes jugées en 2011 figuraient une centainede militants islamistes présumés ; beaucoup sesont plaints d’avoir été torturés ou maltraitéspendant leur détention au secret en avril. Desmilliers de personnes étaient maintenues endétention sans inculpation ni perspective dejugement, sur ordre des gouverneurs de province.Les femmes subissaient des discriminations dansla législation, entre autres ; 10 personnes au moinsauraient été victimes de crimes « d’honneur ».Cette année encore, des employées de maisonétrangères ont été exploitées et maltraitées. Selondes informations parues dans la presse,15 personnes au moins ont été condamnées àmort. Aucune exécution n’a eu lieu.176 Amnesty International - Rapport 2012


ContexteDes manifestations ont été organisées dans différentsendroits du pays tout au long de l’année par despersonnes qui réclamaient des réformes politiques,économiques et sociales, ce qui a amené le roi àpromettre le changement. Il a nommé en février unnouveau Premier ministre chargé d’accélérer lesréformes ; il a laissé entendre par la suite que cellesci<strong>com</strong>prendraient un transfert de pouvoir de lamonarchie au Parlement et qu’à l’avenir lesgouvernements seraient démocratiquement élus etfondés sur des partis politiques représentatifs. Si ellessont mises en application, des modifications de laConstitution ratifiées en septembre devraientaméliorer la protection des droits civils et politiques.Devant la lenteur des réformes, cependant, lescritiques ne se sont pas tues au sein de la population.En octobre, le roi a désigné par décret un nouveaugouvernement et un autre Premier ministre. Au coursdu même mois, le chef du Département desrenseignements généraux, un service de sécuritémilitaire, a démissionné et a été remplacé par décretroyal.Utilisation excessive de la forceDes manifestants pacifiques et des journalistes ontété blessés en raison, selon toute apparence, d’uneutilisation excessive de la force par la police. Desmembres des forces de sécurité auraient égalementété blessés lorsque les manifestations ont donné lieuà des violences. La plupart des mouvements deprotestation étaient pacifiques, mais certains ontdégénéré après que des partisans du gouvernementont attaqué des manifestants non violents. Dans uncas au moins, les forces de sécurité ont refuséd’intervenir ; elles ont en outre peut-être facilité detelles attaques, voire y ont pris part.n Khayri Said Jamil est mort le 25 mars après que despartisans du gouvernement et des membres des forcesde sécurité eurent agressé, notamment avec des jetsde pierres, des personnes manifestant les 23 et24 mars à Amman, pacifiquement semble-t-il, afin deréclamer des réformes. La première attaque a eu lieuen présence des forces de sécurité, qui ne sont pasintervenues. Le lendemain, des gendarmes et d’autresmembres des forces de l’ordre se seraient joints à despartisans du gouvernement pour attaquer desmanifestants favorables aux réformes avec des pierres,des matraques et des bâtons, après avoir bloqué lesvoies qui leur auraient permis de s’échapper. Selonl’autopsie officielle, aucune trace de coups n’a étéconstatée sur le corps de Khayri Said Jamil, qui seraitmort d’une crise cardiaque. Des sources non officiellesont toutefois affirmé qu’il avait les dents cassées etprésentait des contusions sur le corps et des lésions àla tête, aux oreilles, aux jambes et aux organesgénitaux. Les autorités ont déclaré qu’une enquêteofficielle approfondie serait diligentée sur lesévénements des 24 et 25 mars, sans toutefois fournird’autres détails. Les conclusions d’éventuellesinvestigations n’avaient pas été rendues publiques à lafin de l’année.Liberté d’expression, d’association et deréunionLa liberté d’expression et d’association restait soumiseà des restrictions en vertu de plusieurs lois. Lesjournalistes et les autres personnes se montrantcritiques vis-à-vis du gouvernement, de la monarchieou des institutions étatiques risquaient d’être arrêtéset de faire l’objet de poursuites pénales ou d’êtreagressés par des partisans du gouvernement.Un projet de loi sur une <strong>com</strong>mission anticorruptionprévoyait se sanctionner de fortes amendes ladiffusion ou la publication d’informations à proposd’une personne accusée de corruption si cesinformations « sont constitutives de diffamation, ontdes conséquences pour sa dignité ou s’en prennent àsa personnalité ». L’adoption du texte, en coursd’examen à la fin de l’année, restreindrait davantageencore la liberté de la presse.Une nouvelle modification de Loi relative auxrassemblements publics prévoyait que les autoritéssoient informées à l’avance des « rassemblementspublics » prévus ; auparavant, il fallait obtenir uneautorisation officielle préalable. Le nouveau texte nedéfinissait cependant pas ce qu’est un« rassemblement public ».Torture et autres mauvais traitementsLe gouvernement a modifié l’article 8 de la Constitution,qui dispose désormais explicitement que lesprisonniers ne doivent pas être « torturés […] nimaltraités physiquement ou psychologiquement » etqu’ils ne doivent être détenus que dans des lieux« approuvés par la loi ». Le texte rend égalementirrecevables les « aveux » et autres déclarations obtenussous la contrainte. Malgré ces nouvelles garantiesimportantes, des actes de torture et d’autres mauvaistraitements ont été signalés cette année encore.JAmnesty International - Rapport 2012177


JProcès inéquitablesPlus de 100 personnes – pour la plupart des militantsislamistes présumés – accusées d’atteintes à la sûretéde l’État ont <strong>com</strong>paru devant la Cour de sûreté de l’Étatdans le cadre de procès qui n’étaient pas conformesaux normes d’équité. Parmi les modifications à laConstitution adoptées figurait une disposition stipulantque les civils ne devaient pas être jugés devant destribunaux constitués uniquement de militaires, saufdans les affaires de trahison, d’espionnage, deterrorisme, de trafic de drogue et de contrefaçon. Desorganisations locales et internationales de défense desdroits humains, dont Amnesty International, ontréclamé l’abolition de la Cour de sûreté de l’État.n La Cour de sûreté de l’État a jugé en août quelque150 personnes (dont une cinquantaine par contumace)accusées d’avoir participé, en avril à Zarqa, à unemanifestation en faveur de la libération de plusieurscentaines de prisonniers politiques. Ce mouvement deprotestation avait été suivi de violences entre lesmanifestants, des partisans du gouvernement et lesforces de sécurité. Les manifestants étaient accusésd’avoir « planifié des actes de terrorisme » et « suscitédes émeutes et l’intolérance religieuse ». Interpellésdans des rafles menées les 15 et 16 avril, beaucoup deces prisonniers auraient été maintenus au secret, ettorturés ou maltraités au point que certains présentaienttoujours des traces de sévices lorsque leurs familles ontété autorisées à les rencontrer, pour certains cinq joursplus tard. En mai, le responsable de la Direction de lasécurité publique a nié que ces détenus aient ététorturés ou maltraités ; on ignorait toutefois si uneenquête indépendante avait été menée.Détention sans jugementSelon le Centre national des droits humains,organisme officiel, environ 11 300 personnes étaientdétenues aux termes de la Loi de 1954 relative à laprévention de la criminalité. Ce texte autorise lesgouverneurs de province à ordonner le maintien endétention, sans inculpation et pour une duréeindéterminée, de quiconque est soupçonné d’avoir<strong>com</strong>mis un crime ou est considéré <strong>com</strong>mereprésentant un « danger pour la société ».Violences et discrimination à l’égard desfemmesLes femmes continuaient d’être victimes dediscrimination dans la législation et dans la pratique,ainsi que de violences liées au genre. Selon lesinformations diffusées dans les médias, neuf femmesau moins ont été tuées par des parents proches desexe masculin au nom de l’« honneur » de leurfamille. Un homme a également été victime d’unmeurtre pour les mêmes raisons.Des militants des droits des femmes ont réclaméune réforme de la Loi relative à la citoyenneté et à lanationalité afin que les Jordaniennes mariées à unétranger puissent transmettre leur nationalité à leursenfants et à leur conjoint, <strong>com</strong>me les Jordaniensmariés à une étrangère peuvent le faire. La loi n’avaitpas été modifiée à la fin de l’année. Bien que le roi sesoit prononcé en juin en faveur de l’abolition dans lalégislation de toutes les formes de discrimination àl’égard des femmes, l’article 6 (i) de la Constitution,qui prohibe la discrimination fondée sur « la race, lalangue ou la religion », n’avait pas été modifié – ladiscrimination fondée sur le genre n’y figurait toujourspas.À l’issue de sa visite de 14 jours en Jordanie ennovembre, la rapporteuse spéciale des Nations uniessur la violence contre les femmes a fait observer qu’ilétait nécessaire d’interdire dans la Constitution ladiscrimination fondée sur le genre afin que lesfemmes disposent d’un outil efficace pour contesterles inégalités. Elle a ajouté que toute initiative en vued’éliminer la violence contre les femmes passait aupréalable par une égalité accrue entre les hommes etles femmes.Droits des migrants – les employées demaisonDes milliers d’employées de maison étrangèresn’étaient toujours pas suffisamment protégées contrel’exploitation et les mauvais traitements, y <strong>com</strong>pris lesviolences sexuelles, infligés par leurs employeurs,malgré les dispositions législatives et réglementairesadoptées depuis 2008. Lors de sa visite dans le paysen novembre, la rapporteuse spéciale des Nationsunies sur la violence contre les femmes a encouragéle gouvernement à renforcer les mesures visant àprotéger les employées de maison étrangères contreles mauvais traitements. Des dizaines de femmes quiavaient fui leur employeur pour toute une série deraisons allant du salaire non versé aux violencesphysiques ne pouvaient rentrer dans leur paysd’origine car elles n’avaient pas les moyens de payerl’amende qui leur avait été infligée pour s’êtremaintenues sur le territoire jordanien au-delà de lapériode de validité de leur permis de séjour.178 Amnesty International - Rapport 2012


Réfugiés et demandeurs d’asileDes personnes fuyant les violences extrêmes en Syriecontinuaient d’arriver en Jordanie. Le bureau duHaut-Commissariat des Nations unies pour lesréfugiés (HCR) à Amman avait enregistré endécembre au moins 2 300 Syriens. La Jordanieaccueillait toujours des centaines de milliers deréfugiés originaires d’autres pays.Peine de mortQuinze personnes au moins, selon les informationscollectées dans la presse, ont été condamnées àmort ; cinq sentences, peut-être davantage, ont étéimmédiatement <strong>com</strong>muées. La dernière exécutionavait eu lieu en 2006.Visites et documents d’AmnestyInternational4 En Jordanie, l’enquête sur les attaques contre des manifestants doit êtretransparente (MDE 16/001/2011).4 Jordanie. Les autorités doivent garantir l’impartialité de l’enquêtemenée sur les violences ayant émaillé la manifestation du 15 juillet(MDE 16/002/2011).KAZAKHSTANRÉPUBLIQUE DU KAZAKHSTANChef de l’État :Noursoultan NazarbaïevChef du gouvernement :Karim MassimovPeine de mort : abolie sauf pour crimes exceptionnelsPopulation :16,2 millionsEspérance de vie :67 ansMortalité des moins de cinq ans : 28,7 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 99,7 %Les cas de torture et d’autres mauvais traitementsimputables aux forces de sécurité étaientmanifestement toujours aussi nombreux, malgré lesdéclarations du gouvernement selon lesquelles leproblème était en voie d’être réglé. Les forces desécurité ont employé une force excessive pourdisperser d’importants mouvements de grève dansle secteur du pétrole et du gaz, arrêtant des dizainesde manifestants ainsi que des sympathisants desgrévistes, des syndicalistes et des militants del’opposition. Seize personnes au moins ont été tuéesen décembre lors d’affrontements entremanifestants et policiers. Accusée d’incitation à ladiscorde sociale pendant les grèves, l’avocate d’unsyndicat a été condamnée à six ansd’emprisonnement. Les autorités ont renvoyé deforce en Chine et en Ouzbékistan des demandeursd’asile et des réfugiés, en dépit des protestationsinternationales et de plusieurs interventions del’ONU.ContexteLe président Noursoultan Nazarbaïev a été réélu enavril à la tête de l’État avec 95 % des voix, enl’absence de rivaux. L’Organisation pour la sécurité etla coopération en Europe (OSCE) a estimé que lescrutin avait été entaché de « graves irrégularités ».Peu après, le chef de l’État a fait part de son intentionde créer un parlement bipartite. Il a dissous ennovembre le Parlement à parti unique et a convoquédes élections anticipées en janvier 2012.Confrontées à une vague sans précédentd’attentats à l’explosif, de probables attentats-suicideset d’attaques violentes menés dans tout le pays pardes groupes armés non identifiés, les autorités ontmultiplié les opérations antiterroristes contre lesgroupes islamiques et les partis et organisationsislamistes non reconnus ou interdits. Au moins35 personnes, dont des membres des forces desécurité et des civils, ont été tuées lors de cesviolences, présentées par le gouvernement <strong>com</strong>medes attentats terroristes perpétrés par des groupesislamistes illégaux. Plusieurs groupes de défense desdroits humains ont accusé les pouvoirs publics deprendre ces atteintes présumées à la sécuriténationale <strong>com</strong>me prétexte pour renforcer lasurveillance de l’État sur les groupes religieux. Unenouvelle loi encadrant sévèrement les organisationsreligieuses a été adoptée en octobre. Elle obligeaitnotamment ces dernières à se faire de nouveauenregistrer auprès des autorités dans un délai de12 mois, sous peine de dissolution. Par ailleurs, elleprévoyait que toute mosquée refusant de se placersous l’autorité du Conseil musulman, organismecontrôlé par l’État, serait déclarée illégale.De violents affrontements ont éclaté entremanifestants et policiers le 16 décembre à Janaozen,une ville pétrolière du sud-ouest du pays, à l’occasionde la célébration du 20 e anniversaire del’indépendance du Kazakhstan. Au moins15 personnes ont été tuées et plus de 100 autresblessées lors de ces affrontements, les plus graves deces dernières années. Un manifestant a été tué unKAmnesty International - Rapport 2012179


Kpeu plus tard, dans d’autres circonstances. Selon lesautorités, 42 bâtiments, dont la mairie, auraient ététotalement brûlés ou détruits. Le présidentNazarbaïev a décrété l’état d’urgence pendant20 jours à Janaozen, où il a envoyé des renfortsmilitaires, ainsi qu’une <strong>com</strong>mission spéciale chargéed’enquêter sur les violences. Toutes les<strong>com</strong>munications avec la ville ont été temporairementinterrompues. Le chef de l’État, qui s’est rendu surplace le 22 décembre, a attribué les violences à de« jeunes houligans » ayant profité du mécontentementet de la colère des grévistes pour détruire et piller desbiens publics et privés. Il a ajouté que les forces desécurité avaient agi dans le strict respect de la loi.Après la diffusion de vidéos filmées lors desévénements, le parquet général a néanmoins ouvertune enquête judiciaire sur la force dont elles avaientfait usage. Il a en outre invité l’ONU à participer à uneenquête impartiale sur les violences <strong>com</strong>mises.Torture et autres mauvais traitementsEn juillet, le Comité des droits de l’homme [ONU] aexaminé le rapport remis par le Kazakhstan sur lamise en œuvre du PIDCP. Il regrettait que le pays n’aitpas davantage progressé sur la voie de l’éliminationde la torture et s’interrogeait sur la volonté politiquedes autorités de respecter leurs engagements,notamment en enquêtant de manière efficace sur lesallégations de torture ou d’autres mauvais traitements.Le même mois, le président a signé un décretautorisant le retour du système pénitentiaire sousl’autorité du ministère de l’Intérieur. Cette initiativereprésentait un important pas en arrière, réduisant ànéant des années de travail de la part dugouvernement et des ONG pour introduire desréformes. L’accès des observateurs aux prisons et auxcentres de détention provisoire s’était nettementamélioré depuis le transfert de ces établissementssous l’autorité du ministère de la Justice en 2004. Ilétait en revanche toujours aussi difficile de se rendredans les lieux de détention relevant du ministère del’Intérieur, notamment les postes de police. Or, laplupart des allégations de torture continuaient deconcerner ces lieux.n Nikolaï Maïer, âgé de 21 ans, et quatre de ses amisauraient été agressés le 25 juillet par 15 policiers, alorsqu’ils se trouvaient dans la cour de leur immeuble, àRoudni. Plusieurs témoins ont affirmé avoir vu lespoliciers frapper les jeunes gens à coups de pied et dematraque en caoutchouc. Nikolaï Maïer a perduconnaissance. Les cinq hommes ont été placés engarde à vue. Nikolaï Maïer a été inculpé d’atteinte à lavie et à la santé d’agents des forces de l’ordre. Il a étéconduit le lendemain matin à l’hôpital, où il a étémédicalement établi qu’il était <strong>com</strong>motionné etsouffrait de lésions cérébrales, oculaires et fémorales. Ila ensuite été placé en résidence surveillée. Malgré leséléments médicaux attestant de l’état du jeune hommeet les nombreuses plaintes formulées par sa famille etson avocat, le parquet n’a pas ouvert d’enquête sur lestortures, entre autres mauvais traitements, qu’il auraitsubies aux mains de la police. Les services régionauxdu ministère de l’Intérieur du Kostanaï ont estimé quele recours à la force par les policiers avait été justifiédans cette affaire. Le procès s’est ouvert au mois denovembre mais à la fin de l’année aucun jugementn’avait été prononcé.n Après les violences survenues à Janaozen le16 décembre, un certain nombre de personnesinterpellées puis relâchées, ainsi que des proches dedétenus, ont déclaré que des dizaines de personnes,dont des jeunes filles, avaient été arrêtées et détenuesau secret par la police dans des cellules surpeuplées.Selon ces témoins, les détenus auraient étédéshabillés, frappés, notamment à coups de pied, etsoumis à des jets d’eau froide. Des journalistes ontaffirmé avoir entendu des cris provenant des pièces oùse déroulaient les interrogatoires dans les postes depolice. Il a été difficile pour les observateursindépendants, tenus à distance, de vérifier cesallégations. Un homme au moins serait mort des suitesdes tortures qui lui auraient été infligées pendant sagarde à vue.Droits des travailleursDans le sud-ouest du Kazakhstan, des milliersd’employés du secteur pétrolier ont mené une sériede grèves et de manifestations à partir du mois demai. Ils entendaient ainsi faire valoir leursrevendications sur les salaires et les conditions detravail. Les sociétés les employant ont saisi la justice.Les grèves ont été déclarées illégales et des centainesde grévistes ont été licenciés.Les pouvoirs publics ont fait usage d’une forceexcessive pour disperser les manifestations,notamment à Janaozen, arrêtant des dizaines degrévistes, ainsi que des syndicalistes et des militantsde l’opposition. La plupart des personnes interpelléesont été condamnées à des peines légères dedétention administrative ou à des amendes. Les180 Amnesty International - Rapport 2012


forces de sécurité ont par ailleurs menacé, arrêté etfrappé des proches et des sympathisants desgrévistes. Elles ont également harcelé lesobservateurs des droits humains. Un certain nombrede journalistes indépendants qui couvraient lesgrèves ont été agressés par des inconnus en octobre.L’absence d’enquêtes officielles sur ces atteintes auxdroits fondamentaux n’a fait qu’accentuer lemécontentement des travailleurs et attiser lestensions. Les événements survenus le 16 décembre àJanaozen ont profondément marqué les esprits, dansle pays <strong>com</strong>me à l’étranger. Le chef de l’État s’estrendu sur place le 22 décembre. À son retour, il alimogé plusieurs cadres dirigeants (régionaux etnationaux) d’entreprises pétrolières et gazières, ainsique le gouverneur de la région, à qui il reprochait dene pas avoir réagi de manière adéquate face auxrevendications des travailleurs en grève.n Le 16 décembre, à Janaozen, des jeunes et desemployés du pétrole en grève depuis mai ont détruit lesdécorations qui avaient été installées sur la grandeplace de la ville. Ils auraient également jeté des pierresen direction de policiers et d’agents municipaux. Selondes témoins, certains policiers auraient tiré en l’air, àtitre d’avertissement, mais d’autres auraient ouvert lefeu directement sur la foule qui s’était massée sur laplace et <strong>com</strong>ptait des femmes et des enfants venusfêter l’anniversaire de l’indépendance du pays. Sur desvidéos filmées par des amateurs, on pouvait voir desmembres des forces de sécurité tirant délibérément surdes manifestants qui tentaient de fuir et frappant desblessés allongés sur le sol. Au moins 15 personnes ontété tuées et plus de 100 autres blessées lors de cesévénements. Les services du procureur général ontannoncé que 16 personnes avaient été arrêtées pouravoir organisé les violences et que plus de 130 autresavaient été interpellées pour y avoir participé.n L’avocate et syndicaliste Natalia Sokolova,représentant les employés de la <strong>com</strong>pagnie pétrolièreKarajanbasmounaï, a été déclarée coupable, le 24 mai,d’avoir organisé un grand rassemblement non autoriséà Aktaou ; elle a été condamnée à une peine dedétention administrative. Le jour où elle devait êtreremise en liberté, elle a été inculpée d’« incitation à ladiscorde sociale » et placée en détention provisoirepour deux mois. Les demandes répétées de sa famillepour lui rendre visite en détention n’ont pas abouti.Natalia Sokolova a été condamnée le 8 août par letribunal de la ville d’Aktaou à six annéesd’emprisonnement. Son appel a été rejeté le26 septembre par le tribunal régional de Manguistaou,qui n’a pas accepté l’argument invoqué par sa défense,selon lequel elle avait uniquement agi dans le cadre deses fonctions de conseillère juridique du syndicat pourlequel elle travaillait. Un recours introduit devant laCour suprême était en instance à la fin de l’année.Réfugiés et demandeurs d’asileLes autorités ont multiplié les initiatives visant àexpulser des demandeurs d’asile et des réfugiésoriginaires de Chine et d’Ouzbékistan, en dépit desprotestations internationales et de plusieursinterventions de l’ONU.n Ershidin Israil, un enseignant ouïghour de nationalitéchinoise, a été renvoyé de force dans son pays le30 mai. Les autorités chinoises ont confirmé le 14 juinqu’elles le détenaient et qu’il était traité en tant que« terroriste de premier plan présumé ». Ershidin Israilavait fui la Chine pour se réfugier au Kazakhstan enseptembre 2009, quelques jours après avoir accordéune interview à Radio Free Asia. Il avait alors révéléqu’un jeune Ouïghour, qui avait participé aux troublesde juillet 2009 à Ürümqi, avait semble-t-il été battu àmort alors qu’il se trouvait en détention. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés(HCR) lui avait accordé en mars 2010 le statut deréfugié au Kazakhstan et Ershidin Israil avait obtenul’autorisation de s’installer en Suède. Cependant, le3 avril 2010, il avait été placé en détention par lesautorités kazakhes. Il avait demandé à cinq reprisesl’asile au Kazakhstan, mais toutes ses demandesavaient été rejetées par la justice.n Le 9 juin, le Kazakhstan a extradé 28 Ouzbeks versleur pays d’origine, où ils risquaient fort d’être torturés.Le Comité contre la torture [ONU] avait pourtantréaffirmé en mai les mesures provisoires de protectiondemandées en 2010 et interdisant au Kazakhstand’extrader ces personnes. Fin décembre, quatre autreshommes d’origine ouzbèke, maintenus en détention auKazakhstan, risquaient toujours de subir un retourforcé. Les femmes et les enfants de ces 32 hommes(extradés ou menacés de l’être) étaient égalementdétenus et risquaient eux aussi d’être renvoyés de forceen Ouzbékistan. Des proches des hommes arrêtés sesont mobilisés en leur faveur. Ils ont publiquementdénoncé les conditions dans lesquelles ils étaientdétenus ainsi que les mauvais traitements, notammentles coups, que leur auraient infligés les forces desécurité, et souligné les risques qu’ils couraient s’ilsétaient expulsés vers leur pays d’origine. En raison deKAmnesty International - Rapport 2012181


Kleur intervention, ces proches ont été menacés etsoumis à des actes d’intimidation par les forces desécurité.Ces hommes avaient fui l’Ouzbékistan car ilscraignaient d’y être persécutés en raison de leursconvictions ou pratiques religieuses ou de leurappartenance à des organisations islamistes interditesou non reconnues. Ils avaient été arrêtés par lesautorités kazakhes en juin 2010, à la demande dugouvernement ouzbek. Les recours formés contre ladécision d’extradition ont été rejetés le 15 mars parun tribunal de district d’Almaty.Visites et documents d’AmnestyInternational4 Kazakhstan. Des Ouzbeks risquent la torture s’ils sont renvoyés dansleur pays (EUR 57/002/2011).4 Kazakhstan. Amnesty exhorte les autorités à protéger les droitsd’employés du secteur pétrolier dans le sud-ouest du pays(EUR 57/004/2011).KENYARÉPUBLIQUE DU KENYAChef de l’État et du gouvernement :Mwai KibakiPeine de mort :abolie en pratiquePopulation :41,6 millionsEspérance de vie :57,1 ansMortalité des moins de cinq ans : 84 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 87 %Des lois visant à faire appliquer certainesdispositions de la Constitution ont été adoptées. Denouvelles institutions ont été créées et desfonctionnaires ont été nommés. Des propositions deréformes juridiques et institutionnelles ont étésoumises. L’impunité persistait cependant pour lesviolations des droits humains <strong>com</strong>mises récemmentou par le passé, y <strong>com</strong>pris pour les homicidesillégaux et les autres violations imputables à lapolice, ainsi que pour les crimes perpétrés lors desviolences postélectorales de 2007-2008.ContexteLa Commission de mise en œuvre de la Constitutionde 2010 a entamé son action le 4 janvier, avec unedouble mission de conseil et de supervision. LeParlement a adopté plusieurs projets de loi préparéspar le gouvernement et examinés par la Commission,dont la Loi relative au service judiciaire et la Loirelative à la sélection des juges et des magistrats. Cestextes fixaient un cadre juridique pour les réformesjudiciaires – notamment avec l’instauration d’unenouvelle Commission des services judiciaires, chargéede recruter le personnel judiciaire et de définir lesconditions liées à leur recrutement. La Loi relative à lasélection des juges et des magistrats créait un conseildevant enquêter sur l’intégrité des actuels membresdu personnel judiciaire. À la suite d’une procédurepublique de recrutement menée par la Commissiondes services judiciaires, un nouveau président, unprésident adjoint et cinq juges ont été nommés à lanouvelle Cour suprême – la plus haute instancejudiciaire du pays. Le président, le président adjointet le procureur général ont prêté serment en juin.Deux lois ont été adoptées qui établissaient unnouveau cadre légal pour la nomination des membresde la Commission nationale kényane des droitshumains (organe officiel) et de la Commissionnationale du genre et de l’égalité. D’autres loisadoptées au cours de l’année ont mis en place une<strong>com</strong>mission de lutte contre la corruption, une<strong>com</strong>mission relative au fonctionnement de la justice,ainsi qu’une <strong>com</strong>mission indépendante de révisiondes circonscriptions électorales – organe chargé del’organisation des élections et de la révision descirconscriptions électorales et administratives.À la fin de l’année, plusieurs projets de loi faisaientl’objet de débats publics, notamment des textesrelatifs à la structure et aux pouvoirs des <strong>com</strong>tés telsque prévus par la nouvelle Constitution.ImpunitéViolences postélectoralesBien que le gouvernement ait affirmé, à plusieursreprises, que les enquêtes se poursuivaientconcernant les crimes et les violations des droitshumains (dont certaines pourraient constituer descrimes contre l’humanité) qui auraient été <strong>com</strong>mislors des violences postélectorales de 2007-2008, iln’a pas pris de mesures pour traduire les coupablesprésumés en justice.Après avoir examiné le bilan du Kenya quant à lamise en œuvre de la Convention sur les femmes[ONU], le Comité pour l’élimination de ladiscrimination à l’égard des femmes a rendupubliques ses observations finales en avril. Il s’est182 Amnesty International - Rapport 2012


déclaré préoccupé par le fait que des responsablesde violences sexuelles et à caractère sexisteperpétrées durant la période postélectoraledemeurent impunis, notamment des responsables deviols et de viols collectifs.Police et forces de sécuritéDes fonctionnaires de police et d’autres membres desforces de sécurité se sont livrés à des homicidesillégaux, des actes de torture et d’autres mauvaistraitements.n En janvier, à Nairobi, des policiers en civil ont abattutrois hommes après leur avoir intimé l’ordre de sortir deleur véhicule. D’après des témoins, les hommess’étaient déjà livrés lorsque les agents ont tiré sur eux.Après l’épisode, la police a affirmé que les trois victimesétaient des criminels armés. Bien que le ministre de laSécurité intérieure ait annoncé que les policiersimpliqués avaient été suspendus, le gouvernement n’apas précisé s’il avait pris des mesures pour les déférerdevant les tribunaux.Les autorités n’ont rien fait pour traduire en justiceles policiers et les autres membres des forces desécurité qui se seraient rendus coupablesd’exécutions extrajudiciaires et d’autres homicidesillégaux au cours des dernières années.n La police a interrompu les enquêtes qu’elle avaitouvertes sur les assassinats d’Oscar Kingara et de PaulOulu, deux militants des droits humains tués en 2009par des hommes armés non identifiés.Des lois essentielles définissant le cadre de laréforme de la police ont été adoptées : la Loi relative àl’Autorité indépendante de surveillance du maintiende l’ordre (portant création d’une autorité desurveillance chargée de traiter les plaintes déposéescontre la police), la Loi relative aux Services de policeau niveau national (prévoyant un nouveau cadrejuridique pour le maintien de l’ordre) et la Loi relativeà la Commission des services de police au niveaunational (portant création d’une Commission desservices de police). En décembre, la nomination desmembres de la Commission des services de police sepoursuivait.Justice internationaleLe 8 mars, la Cour pénale internationale (CPI) a cité à<strong>com</strong>paraître six citoyens kenyans pour leurresponsabilité présumée dans des crimes contrel’humanité <strong>com</strong>mis lors des violences postélectoralesde 2007-2008. Les six hommes ont <strong>com</strong>paru devantla CPI en avril, dans le cadre de deux affairesdistinctes. En septembre et en octobre, la Chambrepréliminaire de la CPI a procédé à des audiences deconfirmation des charges afin de déterminer s’ilexistait suffisamment d’éléments recevables pourengager des poursuites. La Cour ne s’était pas encoreprononcée à la fin de 2011.En avril, le gouvernement a introduit une requêtedevant la Chambre préliminaire de la CPI demandantaux juges de la Chambre de déclarer irrecevables lesdeux affaires, en raison des modifications apportéesau cadre juridique kenyan, dont l’adoption d’unenouvelle Constitution et la promulgation de la Loirelative aux crimes internationaux. Selon legouvernement, ces modifications signifiaient que lestribunaux nationaux étaient désormais en mesure dejuger les crimes <strong>com</strong>mis au cours des violencespostélectorales, y <strong>com</strong>pris les affaires transmises à laCPI. La Chambre préliminaire a rejeté cette requête,faisant valoir qu’elle ne disposait d’aucun élémentattestant qu’une information judiciaire sur les sixsuspects était en cours ou que des poursuites avaientété engagées. Elle a également indiqué que lapromesse de mener des enquêtes et d’engager despoursuites ne pouvait être invoquée pour empêcher laCPI d’exercer sa <strong>com</strong>pétence dans ces affaires.En mars, la requête déposée par le gouvernementkenyan auprès du Conseil de sécurité des Nationsunies en vue d’un report des affaires transmises à laCPI a été rejetée.Une motion parlementaire adoptée en décembre2010 et exhortant le gouvernement à entamer leprocessus de retrait du Kenya du Statut de Rome etd’abroger la Loi relative aux crimes internationauxintégrant le Statut dans la législation kényane n’adonné suite à aucune mesure de la part dugouvernement.Le 28 novembre, la Haute Cour a conclu que legouvernement kenyan serait dans l’obligation deprocéder à l’arrestation du président du Soudan,Omar el Béchir, si celui-ci devait de nouveau serendre au Kenya, en raison des mandats d’arrêtdécernés contre lui par la CPI. Le gouvernement a faitpart de son intention d’interjeter appel de cettedécision.Commission vérité, justice etréconciliationLa Commission vérité, justice et réconciliation a menédes audiences publiques dans l’ensemble du pays,au cours desquelles ont été recueillis desKAmnesty International - Rapport 2012183


Ktémoignages concernant des violations présuméesdes droits humains, les conséquences de lacorruption généralisée, les injustices dans le domainefoncier ainsi que d’autres questions relevant de l’objetde sa mission. La Commission prévoyait d’achever sesaudiences à la fin de janvier 2012, puis de mener desaudiences thématiques en février et en mars. Lerapport final exposant les conclusions et lesre<strong>com</strong>mandations de la Commission devait êtreprésenté en mai 2012. Le manque de moyensfinanciers <strong>com</strong>promettait toutefois le travail de laCommission.Le tribunal désigné pour enquêter sur lesallégations relatives à la crédibilité du président de laCommission n’avait pas encore <strong>com</strong>mencé sestravaux fin 2011. Ce retard était lié au procès engagépar le président en personne et visant à empêcher letribunal d’enquêter sur sa <strong>com</strong>plicité présumée dansdes violations passées des droits humains qui sontl’objet du mandat de la Commission. Le président aété suspendu de ses fonctions tout au long del’année.Violences faites aux femmes et aux fillesDans ses observations finales, le Comité pourl’élimination de la discrimination à l’égard desfemmes [ONU] s’est dit « préoccupé par lapersistance de normes, pratiques et traditionsculturelles préjudiciables ainsi que d’attitudespatriarcales et de stéréotypes fortement enracinésconcernant les rôles, les responsabilités et l’identitédes femmes et des hommes dans toutes les sphèresde la vie ». Le Comité notait que ces stéréotypescontribuaient au maintien des discriminations àl’égard des femmes, ainsi qu’à la persistance desviolences faites aux femmes et des pratiquespréjudiciables, notamment les mutilations génitalesféminines, la polygamie, le versement d’une dot et lelévirat. Il s’est dit préoccupé par le fait qu’en dépit deces effets préjudiciables sur les femmes, legouvernement kenyan « n’a jusqu’ici pris aucunemesure durable et systématique visant à modifier ouéliminer les stéréotypes et valeurs culturelles néfasteset les pratiques dangereuses ».Droits en matière de logement –expulsions forcéesEn septembre, plus de 100 personnes sont mortes àla suite de l’explosion d’un oléoduc dans le quartierinformel de Sinai, dans la zone industrielle de Nairobi.L’incendie qui a suivi s’est rapidement propagé àtravers toute la zone, du fait de la forte concentrationde logements, de la mauvaise qualité des matériauxde construction et de l’absence de voies d’accès pourles services d’urgence.En octobre et en novembre, les autorités ontprocédé à des expulsions forcées de grande ampleurainsi qu’à des démolitions d’habitations dans au moinscinq zones d’habitation formelle et informelle deNairobi, pour la plupart situées aux abords del’aéroport international Jomo Kenyatta, de l’aéroportWilson et de la base aérienne de Moi. Les expulsionsont laissé sans abri des centaines de familles. D’aprèsles représentants de l’Autorité des aéroports du Kenya(KAA), ces expulsions étaient nécessaires afin derécupérer des terres pour la zone aéroportuaire etprévenir d’éventuelles catastrophes aériennes. Dans laplupart des cas, les habitants se sont plaints de ne pasavoir été informés suffisamment à l’avance, de ne pasavoir eu la possibilité de contester ces démolitions etde ne pas s’être vu offrir de solution de relogement.Plusieurs milliers d’habitants de Kyang’ombe, auxabords de l’aéroport international Jomo Kenyatta, ontété expulsés de leurs logements par la police et pard’autres personnes agissant sur instructions de la KAA.Les opérations ont eu lieu malgré une injonctiontemporaire (prononcée à la suite d’une requêtedéposée par un groupe d’habitants) ordonnant qu’ellessoient suspendues dans l’attente de l’issue d’uneaffaire judiciaire relative à la propriété des terrains.Dans au moins trois affaires distinctes examinéesau cours de l’année, la Haute Cour a conclu que ledroit à un logement convenable, inscrit àl’article 43(1) de la Constitution, incluait l’interdictionlégale des expulsions forcées. À la fin de l’année, legouvernement n’avait pas tenu son engagement, prisen 2006, de <strong>com</strong>muniquer des directives nationalesen matière d’expulsion.Personnes déplacéesD’après des chiffres officiels publiés en septembre, laplupart des personnes déplacées à la suite desviolences postélectorales de 2007-2008 avaientregagné leur foyer, avaient été intégrées au sein dedifférentes <strong>com</strong>munautés ou s’étaient réinstalléesdans d’autres régions du pays. Cependant,158 familles se trouvaient toujours dans des campsde transit pour personnes déplacées. D’après desONG locales, les chiffres officiels ne prenaient pas en<strong>com</strong>pte plusieurs centaines de familles déplacées qui184 Amnesty International - Rapport 2012


vivaient toujours dans des campements de fortunequ’elles avaient érigés et qui n’étaient pas reconnuspar les autorités. Des groupes de personnesdéplacées à la suite des violences postélectorales sesont plaints de l’insuffisance des mesures officielles(subventions, par exemple) destinées à les aider.Plusieurs milliers d’autres personnes étaient toujoursdéplacées en raison des affrontements ethniquessurvenus avant les violences de 2007-2008.Réfugiés et demandeurs d’asileEn novembre, on recensait dans les camps de Dadaab(est du pays) plus de 152 000 réfugiés somaliensayant fui le conflit et la sécheresse. Bien que legouvernement kenyan ait ouvert en juillet une extensiondu camp, appelée « Ifo », les occupants souffraienttoujours du manque d’espace et d’infrastructures.En octobre, le gouvernement kenyan a envoyé dessoldats en Somalie pour lutter contre le groupe arméislamiste Al Shabab. Il a ensuite mis un terme àl’enregistrement des nouveaux arrivants à Dadaab parles services du Haut-Commissariat des Nations uniespour les réfugiés (HCR), ainsi qu’au transport dedemandeurs d’asile entre la frontière et Dadaab.En octobre, novembre et décembre, des membreset sympathisants présumés d’Al Shabab ont perpétréplusieurs attaques à l’explosif, notamment à lagrenade, dans des villes frontalières du nord-est duKenya, ainsi qu’une attaque dans une gare routière àNairobi. Plusieurs personnes ont été tuées, dont unréfugié qui dirigeait une équipe dans le camp deHagadera, sur le site de Dadaab. Plusieurs dizainesd’autres ont été blessées. Le gouvernement aannoncé qu’il ouvrirait une enquête.Peine de mortDe nouvelles condamnations à mort ont étéprononcées ; aucune exécution n’a cependant étésignalée.Certains tribunaux ont fait fi de la décision rendueen juillet 2010 par la Cour d’appel selon laquellel’imposition obligatoire de la peine de mort pourcertaines infractions n’était pas conforme à laConstitution.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Kenya enjanvier, mars, juillet, octobre, novembre et décembre. Un bureau d’AmnestyInternational est présent à Nairobi.4 Examination of Kenya’s state report under the Convention: Oralstatement by Amnesty International to the CEDAW Committee(AFR 32/001/2011).4 Kenya. Requête du Kenya devant la Cour pénale internationale : despromesses ne suffisent pas pour contester la <strong>com</strong>pétence de la Cour(AFR 32/003/2011).4 Kenya. Un incendie rappelle la nécessité de protéger les habitants desbidonvilles (AFR 32/005/2011).4 Kenya. Il faut enquêter sur un triple homicide imputé à la police(PRE01/022/2011).4 Le Kenya doit se conformer aux citations à <strong>com</strong>paraître de la CPIconcernant les violences postélectorales (PRE01/126/2011).KIRGHIZISTANRÉPUBLIQUE KIRGHIZEChef de l’État : Roza Otounbaïeva, remplacée parAlmaz Atambaïev le 1 er décembreChef du gouvernement : Almaz Atambaïev, remplacé parOmourbek Babanov le 1 er décembrePeine de mort :aboliePopulation :5,4 millionsEspérance de vie :67,7 ansMortalité des moins de cinq ans : 36,6 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 99,2 %Bien qu’elles aient facilité la mise en place dedeux <strong>com</strong>missions d’enquête indépendantes, lesautorités n’ont pas mené d’investigationsefficaces et équitables après les violences de2010. Elles ont refusé d’admettre les solideséléments de preuve montrant que des crimescontre l’humanité, notamment des viols etd’autres formes de violences sexuelles, avaientété <strong>com</strong>mis contre des habitants d’origineouzbèke d’Och lors de ces événements. Desavocats qui assuraient la défense de suspectsouzbeks ont, cette année encore, été menacés etagressés. En dépit des directives officiellesdonnées par le parquet général, qui insistaient surla nécessité d’enquêter sur toutes les allégationsde torture, les procureurs se penchaient rarementde manière sérieuse et impartiale sur lesinformations faisant état de tels actes et ilss’abstenaient le plus souvent d’en traduire lesresponsables en justice.KAmnesty International - Rapport 2012185


KContexteLes autorités ont reconnu la nécessité d’une enquêteindépendante sur les violences qui ont opposé en juin2010, dans le sud du pays, les <strong>com</strong>munautéskirghize et ouzbèke, et qui ont fait des centaines demorts, des milliers de blessés et des centaines demilliers de personnes déplacées. Elles ont confié cettetâche à deux <strong>com</strong>missions, l’une nationale, l’autreinternationale. Des crimes graves ont été <strong>com</strong>misaussi bien par des Kirghizes que par des Ouzbeksmais ce sont ces derniers qui ont subi la majorité desdommages matériels et humains.La Commission nationale d’enquête a rendu sonrapport en janvier. Ce document ne se penchait passur les atteintes aux droits humains perpétrées,passait sous silence les éléments attestant que descrimes contre l’humanité avaient été <strong>com</strong>mis et secontentait de reprendre le discours officiel, selonlequel les Ouzbeks auraient lancé une attaquecoordonnée contre la <strong>com</strong>munauté kirghize, quiaurait riposté de façon spontanée. Renduespubliques en mai, les conclusions de la <strong>com</strong>missioninternationale, baptisée Commission d’enquête sur leKirghizistan, étaient différentes. Cette <strong>com</strong>missioninternationale a notamment mis en évidence desolides éléments attestant de violences généralisées,systématiques et coordonnées visant l’ethnie ouzbèkeà Och (dans le sud du pays) – violences qui, si ceséléments étaient prouvés devant un tribunal,pourraient être qualifiées de crimes contrel’humanité. Elle indiquait que les informationsjudiciaires et les poursuites pénales qui avaient eulieu se caractérisaient par un traitement inégal selonl’appartenance ethnique et étaient entachéesd’irrégularités. Elle concluait que les personnesdétenues à la suite des violences avaient étésoumises à des actes de torture « pratiquementgénéralisés ».Le gouvernement a accepté les conclusions de laCommission d’enquête sur le Kirghizistan concernantles actes de torture et les autres mauvais traitements<strong>com</strong>mis, mais il a catégoriquement rejeté lesaccusations de crimes contre l’humanité, accusant laCommission d’avoir suivi une méthodologieinappropriée et d’avoir des préjugés<strong>com</strong>munautaristes.Torture et autres mauvais traitementsDes cas de torture et d’autres mauvais traitements liésaux violences de juin 2010 ont continué d’êtresignalés tout au long de l’année 2011. Les pouvoirspublics ont reconnu que les actes de torture et lesautres mauvais traitements infligés aux personnesdétenues constituaient un problème.Une nouvelle procureure générale a été nomméeen avril. Peu après son entrée en fonction, elle a émisune directive demandant que tous les lieux dedétention soient inspectés régulièrement et sanspréavis et que toutes les informations ou plaintesconcernant des faits de torture fassentimmédiatement l’objet d’une enquête. Elle a donnéen septembre des instructions détaillées sur lamanière dont il convenait d’enquêter sur ce type defaits. Le médiateur et diverses organisations dedéfense des droits humains ont coopéré avecl’Organisation pour la sécurité et la coopération enEurope (OSCE) pour créer sur l’ensemble du territoirenational des groupes d’inspection indépendantshabilités à se rendre sans aucune restriction danstous les lieux de détention. Ces groupes ont<strong>com</strong>mencé à fonctionner en août.La présidente Roza Otounbaïeva et la nouvelleprocureure générale ont multiplié les initiatives afin demettre un terme au recours systématique aux coupset à d’autres mauvais traitements pour extorquer desaveux aux suspects. Toutefois, les autorités locales etrégionales ne semblaient guère disposées à suivre cesinitiatives pour lutter contre les graves violations desdroits humains et les prévenir. La Commissiond’enquête sur le Kirghizistan a estimé que des actesde torture avaient été <strong>com</strong>mis dans des centres dedétention par les forces de l’ordre à la suite desévénements de juin 2010. Elle a indiqué que cesactes se poursuivaient et estimé que la réponse desautorités face aux allégations de torture étaittotalement inadéquate.Selon certaines informations très préoccupantes, lapolice, dans le cadre de ses investigations, continuaitde cibler de façon disproportionnée les Ouzbeks etles quartiers à population ouzbèke ; les policiersmenaçaient des gens de les inculper d’homicide oud’autres crimes graves liés aux violences de juin2010, pour leur extorquer de l’argent. Au moins deuxOuzbeks seraient morts en garde à vue des suites detorture.n Ousmonjon Kholmirzaïev, citoyen russe d’origineouzbèke, est mort le 9 août, deux jours après avoir étéarrêté arbitrairement à Bazar-Korgon par des policiersen civil, qui l’avaient conduit au poste de police voisin.Son décès serait consécutif à des actes de torture.186 Amnesty International - Rapport 2012


Ousmonjon Kholmirzaïev avait dit à sa femme qu’on luiavait mis un masque à gaz sur le visage et qu’on l’avaitroué de coups. Selon son témoignage, il se seraiteffondré et l’un des policiers lui aurait donné deux outrois coups de genou dans la poitrine. Il aurait alorsperdu connaissance. Les policiers lui auraientdemandé de leur verser 6 000 dollars des États-Unis s’ilne voulait pas être inculpé de crimes violents <strong>com</strong>mislors des troubles de juin 2010. OusmonjonKholmirzaïev avait été relâché après que sa famille eutremis aux policiers 680 dollars des États-Unis. Il a étéhospitalisé le lendemain matin mais a suc<strong>com</strong>bé à sesblessures le surlendemain. Il avait apparemmentdéclaré à sa femme que ses blessures lui avaient étéinfligées par des policiers. Cette dernière, ainsi que sonavocat, ont assisté à l’autopsie. Selon eux, le médecinlégiste a conclu qu’il était mort d’une hémorragieinterne. À la demande du consulat de Russie, leparquet de Djalal-Abad a entamé en août uneprocédure judiciaire contre quatre policiers, qui ont étéinculpés entre autres de torture.Le gouvernement a renouvelé son invitationadressée au rapporteur spécial des Nations unies surla torture, qui s’est rendu au Kirghizistan endécembre. Celui-ci a conclu que la torture et d’autresmauvais traitements étaient couramment utilisés pourarracher des aveux. Il a cité parmi les méthodesutilisées au moment de l’arrestation et pendant lespremières heures d’interrogatoire non officiell’asphyxie provoquée au moyen d’un sac en plastiqueou d’un masque à gaz, les coups de poing, lespassages à tabac et les décharges électriques. Il aajouté que les conditions de détention étaientvariables, allant de « correctes » à « épouvantables ».Procès inéquitablesLes procès en première instance et en appel n’étaientpas conformes aux normes internationales, quelleque soit la juridiction examinant l’affaire. Desallégations faisant état d’aveux forcés n’ont pas donnélieu à des enquêtes, des témoins à décharge n’ontpas été entendus, et plusieurs avocats ont cetteannée encore été victimes de menaces etd’agressions physiques, y <strong>com</strong>pris en salled’audience.n En avril, la Cour suprême a remis à une date nonprécisée l’examen du recours introduit par AzimjanAskarov, un militant des droits humains bien connu, etpar sept autres personnes accusées d’avoir tué unpolicier kirghize lors des émeutes de Bazar-Korgon. Lejuge présidant la Cour suprême a ordonné une enquêteapprofondie et indépendante sur les conditionsd’emprisonnement dans le sud du pays, la défenseayant fait valoir qu’il n’existait pas d’établissementsusceptible d’accueillir des prisonniers condamnés àde lourdes peines, y <strong>com</strong>pris à la réclusion àperpétuité, et que, s’ils étaient renvoyés à Djalal-Abad,les huit hommes risquaient d’être torturés et détenusdans des conditions cruelles, inhumaines etdégradantes. Il n’a toutefois pas demandé d’enquêtesur les allégations selon lesquelles les « aveux » desprévenus auraient été extorqués sous la torture. Le20 décembre, la Cour suprême a rejeté le recours,confirmant la condamnation d’Azimjan Askarov àl’emprisonnement à vie. Cette décision a suscité devives protestations au niveau international. AzimjanAskarov était détenu dans un établissementpénitentiaire médicalisé situé dans la banlieue deBichkek, la capitale du pays, où il avait été transféré ennovembre 2010. Il était autorisé à recevoir des visites etbénéficiait des soins médicaux requis par son état. Lerapporteur spécial des Nations unies sur la torture aqualifié les conditions de vie dans les lieux de détentionde la capitale d’« épouvantables » etd’« inacceptables ».n En août, Tatiana Tomina, une avocate d’origine russequi défendait régulièrement des membres de la<strong>com</strong>munauté ouzbèke, a expliqué qu’elle avait étéagressée par quatre femmes kirghizes, à la sortie dutribunal de la ville d’Och. L’une des femmes l’auraitfrappée avec un sac, puis les autres l’auraient rouée decoups de pied et de poing, tout en l’injuriant. Desmembres du personnel judiciaire et des policiers ontassisté à la scène sans intervenir. Avant de partir, cellesqui l’avaient agressée lui ont jeté des pierres et l’ontmenacée de s’en prendre de nouveau à elle.n Lors d’une audience qui se tenait en septembredevant le tribunal du district de Kara Suu, les prochesd’un Kirghize tué pendant les violences de 2010 ontproféré des menaces à l’encontre de l’avocate duprévenu, Makhamad Bizourkov, citoyen russe d’origineouzbèke. Ils ont tiré les cheveux de l’avocate, ont jetédes pierres en direction du prévenu, qui était assisdans une cage métallique, et ont attaqué les policiersprésents dans la salle. Selon une observatrice desdroits humains qui assistait à l’audience, le juge auraitadmonesté les proches de la victime, sans toutefoisleur demander de quitter la salle ni les sanctionnerpour avoir agressé l’avocate et fait obstruction à lajustice. Après que le juge et le procureur se furentKAmnesty International - Rapport 2012187


Kretirés, les proches de la victime ont de nouveau jetédes pierres et des bouteilles en plastique en directionde la cage où était assis le prévenu. Plusieurs femmesont également frappé des policiers qui tentaient des’interposer. Elles ont injurié et menacé l’observatricedes droits humains, qu’elles ont expulsée de la salled’audience.ImpunitéL’impunité dont jouissaient au Kirghizistan les agentsdes forces de l’ordre qui <strong>com</strong>mettaient des actes detorture ou d’autres mauvais traitements représentaittoujours un grave problème, encore plus manifesteaprès les violences de juin 2010. Les parents devictimes de ces sévices qui souhaitaient porter plainteauprès de la police ou du parquet continuaient de seheurter à d’importants obstacles. Les procureurss’abstenaient systématiquement de procéder à unevéritable enquête et de traduire les responsablesprésumés en justice.En février, la présidente Roza Otounbaïeva a unenouvelle fois fait part de sa préoccupation quant àl’absence d’enquêtes sur les plaintes qu’elle avaitreçues concernant des faits de torture ou d’autresmauvais traitements perpétrés par les forces desécurité. Le parquet régional d’Och a alors annoncéqu’il allait réexaminer 995 affaires pénales, afin devérifier si la procédure suivie avait bien été conformeà la législation nationale. Toutefois, à la fin de l’année,une seule action judiciaire intentée pour des actes detorture et d’autres mauvais traitements infligéspendant une garde à vue avait abouti. Les cinqpoliciers déclarés coupables de torture ont étécondamnés à de simples peines avec sursis. L’appelqu’ils ont interjeté était en instance à la fin de l’année.Enquêteurs et procureurs n’ont pas non pluscherché à faire la lumière sur la plupart des crimes<strong>com</strong>mis à l’encontre de la <strong>com</strong>munauté ouzbèke, y<strong>com</strong>pris sur les crimes contre l’humanité perpétrés àOch, pendant les violences de juin 2010 et depuislors. On <strong>com</strong>ptait au moins 200 cas bien établis demeurtres d’Ouzbeks survenus durant ces événementspour lesquels soit aucune enquête pénale n’avait étéouverte, soit la procédure engagée avait étésuspendue. Nombre de proches des victimeshésitaient toutefois à se mobiliser pour obtenir justice,par crainte de représailles.Selon un certain nombre d’organisations dedéfense des droits humains et des droits des femmes,les femmes et les filles n’osaient pas signaler les violset les autres violences sexuelles dont elles avaient étévictimes, car elles redoutaient l’opprobre, ancré dansleur culture et leurs traditions, qu’elles devraientensuite affronter. Une vingtaine de cas de sévicessexuels ont été recensés et confirmés de sourceindépendante, mais les observateurs des droitshumains estimaient que ce chiffre était très en deçàde la réalité.La plupart des viols et des autres formes deviolences sexuelles ont été <strong>com</strong>mis par des groupesde Kirghizes, qui s’en sont pris à des femmes et desfilles ouzbèkes. Cependant, des cas de femmeskirghizes violées par des Ouzbeks ont également étésignalés. Des viols de jeunes garçons auraient aussieu lieu et un homme ouzbek adulte aurait été violépar un groupe de Kirghizes, qui l’auraient ensuitepoignardé et auraient mis le feu à ses vêtements. Laplupart du temps, ces viols se sont ac<strong>com</strong>pagnésd’autres violences physiques graves et d’injuresracistes.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des déléguées d’Amnesty International se sont rendues au Kirghizistanen juin.4 Still waiting for justice: One year on from the violence in southernKyrgyzstan (EUR 58/001/2011).KOWEÏTÉTAT DU KOWEÏTChef de l’État : Sabah al Ahmed al Jaber al SabahChef du gouvernement : Nasser Mohammed al Ahmed al Sabah,remplacé par Jaber al Mubarak al Hamadal Sabah le 29 novembrePeine de mort :maintenuePopulation :2,8 millionsEspérance de vie :74,6 ansMortalité des moins de cinq ans : 9,9 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 93,9 %La liberté d’expression était soumise à desrestrictions. Les détracteurs du gouvernement,notamment ceux qui utilisaient les médias sociaux,risquaient d’être arrêtés ; les forces de sécurité ontbattu des manifestants. Un homme est mort engarde à vue apparemment des suites de torture. Les188 Amnesty International - Rapport 2012


femmes continuaient de subir des discriminations,dans la législation et dans la pratique. Des milliersde bidun (Arabes apatrides) étaient toujours privésde la nationalité koweïtienne. De ce fait, ilsn’avaient pas accès à la santé, à l’éducation ou àl’emploi dans les mêmes conditions que les citoyenskoweïtiens. Dix-sept personnes au moins ont étécondamnées à mort ; aucune exécution n’a étésignalée.ContexteUn certain nombre de manifestations ont eu lieu,certaines portées de toute évidence par lesévénements intervenus dans d’autres pays de larégion. En partie pour répondre à ces mouvements deprotestation, semble-t-il, le gouvernement a alloué enfévrier aux citoyens koweïtiens des rationsalimentaires et une allocation d’un montant d’environ4 000 dollars des États-Unis, selon certainesinformations. En juin, des centaines de Koweïtiens,jeunes pour la plupart, ont manifesté pour réclamerun changement de gouvernement et l’élimination dela corruption. Une vague de grèves a été déclenchéeen septembre par des ouvriers qui réclamaient uneaugmentation de leurs salaires et prestations. Sous lapression des protestations grandissantes demanifestants, qui ont occupé le Parlement, et desrevendications de membres de l’opposition, lePremier ministre a démissionné en novembre. LeKoweït a été élu en mai au Conseil des droits del’homme [ONU]. La situation des droits humains auKoweït a été examinée en mai par le Comité contre latorture [ONU] et en octobre par le Comité pourl’élimination de la discrimination à l’égard desfemmes.Liberté d’expression et de réunionLes détracteurs du gouvernement risquaient d’êtrearrêtés. Les manifestations étaient généralementautorisées, mais un rassemblement au moins a étédispersé par la force. Des manifestants ont, danscertains cas, été battus par des membres de la policeantiémeutes.n En janvier, la Cour suprême a annulé la peined’emprisonnement infligée en novembre 2010 aujournaliste Muhammad Abd al Qader al Jasem,reconnu coupable de diffamation à l’issue d’un procèsintenté contre lui par le Premier ministre. Il étaitpoursuivi pour diffamation dans le cadre d’autresprocès.n Le militant en ligne Nasser Abul a été arrêté le 7 juinet inculpé d’avoir porté atteinte « à la sécurité nationale» et « aux intérêts du pays », ainsi que d’avoir « rompules relations politiques avec des pays frères ». Cesaccusations faisaient référence à des messages publiéssur son <strong>com</strong>pte Twitter. Déclaré coupable, le24 septembre, d’avoir publié des remarquesdésobligeantes à propos des musulmans sunnites, il aété condamné à trois mois d’emprisonnement. Il a étéremis immédiatement en liberté en raison du tempsqu’il avait déjà passé en détention. Il a été acquitté descharges d’injures envers les familles royales bahreïniteet saoudienne pour lesquelles il était égalementpoursuivi.n Le 16 novembre, des policiers antiémeutes ontfrappé des personnes qui manifestaient devant larésidence du Premier ministre pour réclamer ladémission de ce dernier et l’élimination de lacorruption. Les protestataires ont ensuite occupé leParlement.Torture et autres mauvais traitementsUn homme est mort en garde à vue, apparemmentdes suites d’actes de torture infligés par la police.n Mohammad Ghazzai al Maimuni al Mutairi est mortaprès avoir été arrêté par la police en janvier pourdétention d’alcool. Dans un premier temps, lesautorités ont affirmé qu’il s’était opposé à sonarrestation et avait suc<strong>com</strong>bé à un problème cardiaquepréexistant. Une enquête a été ouverte après qu’undéputé de l’opposition eut produit des élémentsmédicaux indiquant qu’il avait été attaché et roué decoups avant sa mort. Dix-neuf policiers ont été inculpésà la suite de la mort de cet homme ; leur procès n’étaitpas terminé à la fin de l’année.Le Comité contre la torture a exhorté legouvernement à revoir sa législation afin que les actesde torture emportent de lourdes peines.Discrimination – les bidunDes centaines de bidun résidant de longue date auKoweït ont manifesté tout au long de l’année pourprotester contre leur statut d’apatrides et réclamer lanationalité koweïtienne. Celle-ci leur permettraitd’avoir accès à l’emploi et à la gratuité de l’éducationet des soins médicaux dans les mêmes conditionsque les citoyens koweïtiens. Plus de 100 000 biduncontinuaient d’être privés de la nationalitékoweïtienne. Les forces de sécurité ont dispersé desmanifestations avec violence et ont arrêté desKAmnesty International - Rapport 2012189


Lprotestataires. Le gouvernement a annoncé qu’ilallait répondre à certaines revendications des bidun,tout en précisant que seuls 34 000 d’entre euxpouvaient prétendre à obtenir la nationalitékoweïtienne.Travailleurs migrantsLes employés de maison étrangers, originaires pour laplupart de pays d’Asie du Sud et du Sud-Est,n’étaient toujours pas protégés par le Code du travailkoweïtien. Nombre d’entre eux étaient exploités etmaltraités par leurs employeurs. Ceux qui quittaientleur emploi sans l’autorisation de leur employeur,même lorsqu’ils fuyaient les mauvais traitements,risquaient d’être arrêtés, placés en détention,inculpés de « fuite » aux termes des lois surl’immigration et expulsés.n En octobre, une employée de maison indonésiennedont le nom n’a pas été révélé s’est pendue dans unecellule d’un poste de police. Elle avait été arrêtée aprèsavoir abandonné son lieu de travail et avait été inculpéede « fuite ».Le Comité contre la torture a instamment prié legouvernement d’adopter d’urgence une législation dutravail applicable à l’emploi domestique et de veiller àce que les travailleurs domestiques migrants, enparticulier les femmes, soient protégés contrel’exploitation et les mauvais traitements.Droits des femmesLes femmes continuaient de subir desdiscriminations, dans la législation et dans lapratique. En octobre, le Comité pour l’élimination dela discrimination à l’égard des femmes a exhorté legouvernement à ériger en infraction pénale les actesde violence familiale et sexuelle, à prévoir des peinesplus sévères pour les hommes qui <strong>com</strong>mettent descrimes « d’honneur » et à adopter une législation surl’égalité entre les genres.Peine de mortAu moins 14 hommes et trois femmes, des étrangerspour la plupart, ont été condamnés à mort pourmeurtre ou trafic de drogue. Une sentence capitaleau moins a été <strong>com</strong>muée en détention à perpétuité.Aucune exécution n’a été signalée.Le Comité contre la torture a prié le gouvernementde restreindre l’application de la peine capitale auxcrimes « les plus graves » et de traiter les condamnésà mort avec humanité.Visites et documents d’AmnestyInternational4 Kuwait’s candidacy for election to the UN Human Rights Council: Openletter (MDE 17/002/2011).4 Koweït. Un militant en ligne condamné pour des publications sur Twitter(MDE 17/004/2011).LAOSRÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE POPULAIRE LAOTIENNEChef de l’État :Choummaly SayasoneChef du gouvernement :Thongsing ThammavongPeine de mort :abolie en pratiquePopulation :6,3 millionsEspérance de vie :67,5 ansMortalité des moins de cinq ans : 58,6 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 72,7 %La presse et les affaires politiques, judiciaires etsociales restaient étroitement contrôlées par l’État,au détriment de la liberté d’expression,d’association et de réunion pacifique. L’absence detransparence et le manque d’informations rendaientdifficile toute évaluation indépendante de lasituation en matière de droits humains. Au moinstrois prisonniers d’opinion et deux prisonnierspolitiques étaient toujours en détention. Des cas deharcèlement de chrétiens ont été signalés. On savaittrès peu de choses du sort réservé aux demandeursd’asile et aux réfugiés hmongs renvoyés de forcedepuis la Thaïlande. Pour un certain nombred’infractions à la législation sur les stupéfiants, lasentence était obligatoirement la peine de mort. Lesautorités ne publiaient cependant aucun chiffre surla peine capitale.ContexteLe Parti révolutionnaire du peuple laotien (PRPL), aupouvoir, a tenu en mars son Congrès, qui a lieu tousles cinq ans. Le président de la République a étéréélu secrétaire général du Parti. Le Comité central etle Politburo ont été élargis. À l’exception de quatrehommes d’affaires, toutes les personnes élues en avrilà l’Assemblée nationale appartenaient au PRPL etoccupaient des fonctions au sein de l’appareil d’Étatcentral ou local. Un nouveau gouvernement a étéformé en juin. Il <strong>com</strong>ptait quatre nouveaux ministères.190 Amnesty International - Rapport 2012


En décembre, le Laos a suspendu à regret le chantiertrès controversé du barrage hydroélectrique deXayaburi, cédant aux protestations de pays voisins etd’un certain nombre de militants qui dénonçaientl’impact de cette infrastructure sur la pêche et sur lesmoyens de subsistance des populations vivant enaval.Réfugiés et demandeurs d’asileOn disposait de très peu d’informations sur lesconditions de vie des quelque 4 500 Laotiens d’ethniehmong que la Thaïlande avait renvoyés de force endécembre 2009. Sur les quelque 3 500 personnes quiavaient été installées à Phonkham, un village isolé dela province de Borikhamsay, beaucoup vivaient sousétroite surveillance, privées de toute liberté demouvement et avec des moyens de subsistance trèslimités. Certaines, peu nombreuses, ont malgré toutréussi à regagner la Thaïlande, pour y redemanderl’asile.n Selon des sources dignes de foi, un anciendemandeur d’asile est mort en détention en juillet. Ilavait semble-t-il été arrêté par la police laotienne parceque celle-ci le soupçonnait d’avoir voulu poser unebombe à Phonkham. Son corps portait des traces demutilation. Aucune enquête n’a apparemment étémenée sur les circonstances de sa mort.Prisonniers d’opinion et prisonnierspolitiquesn Arrêtés en octobre 1999 parce qu’ils tentaientd’organiser une manifestation pacifique, BouavanhChanhmanivong, Seng-Aloun Phengphanh etThongpaseuth Keuakoun étaient toujours détenus à lafin de l’année, alors qu’ils avaient purgé la peine de10 ans d’emprisonnement à laquelle ils avaient étécondamnés. Les autorités n’ont pas répondu auxdemandes d’explication et aux appels formulés enfaveur de leur libération.n Thao Moua et Pa Fue Khang, tous deux d’ethniehmong, purgeaient une peine d’emprisonnement,respectivement de 12 et 15 ans. Arrêtés en 2003, ilsavaient été condamnés à l’issue d’un procèsmanifestement inéquitable pour avoir aidé deuxjournalistes étrangers à recueillir des informations surdes groupes de Hmongs qui se cachaient dans la forêt.Liberté de religion et de convictionDe nouvelles informations ont fait état de harcèlementdont auraient été victimes des <strong>com</strong>munautéschrétiennes, voire des individus qui refusaientd’abjurer leur foi.n Deux pasteurs ont été arrêtés en janvier dans laprovince de Khammouan pour avoir organisé un officede Noël sans l’autorisation des pouvoirs publics. Sixmois après leur arrestation, ils se trouvaient toujours endétention, dans des conditions pénibles.LIBANRÉPUBLIQUE LIBANAISEChef de l’État :Michel SleimanChef du gouvernement : Saad Hariri, démissionnairele 12 janvier, officiellement remplacé parNajib Mikati le 13 juinPeine de mort :maintenuePopulation :4,3 millionsEspérance de vie :72,6 ansMortalité des moins de cinq ans : 12,4 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 89,6 %Des personnes accusées d’infractions liées à lasécurité ont été jugées au cours de procès nonconformes aux normes d’équité ; certaines ont étécondamnées à mort. Des informations ont fait étatde torture et d’autres mauvais traitements infligésà des détenus par des membres de la policejudiciaire. Des défenseurs des droits humains ontété poursuivis pour avoir rendu <strong>com</strong>pted’allégations de torture. Les réfugiés palestinienscontinuaient d’être victimes de discriminations,qui se traduisaient par des restrictions dansl’accès au travail, à la santé, à l’éducation et à unlogement convenable. D’autres réfugiés etdemandeurs d’asile ont été incarcérés et certainsont été renvoyés de force dans leur pays d’origine,où ils risquaient de subir de graves atteintes àleurs droits fondamentaux. Les femmes étaienttoujours victimes de discrimination. Toutefois, uneloi qui prévoyait des peines clémentes pour lesauteurs de crimes « d’honneur » a été abrogée. Lestravailleurs étrangers, et en particulier lesemployées de maison, n’étaient pas suffisammentprotégés contre l’exploitation et les mauvaistraitements de la part de leurs employeurs. Huitpersonnes ont été condamnées à mort ; aucuneexécution n’a eu lieu.LAmnesty International - Rapport 2012191


LContexteLe gouvernement de coalition du Premier ministreSaad Hariri est tombé en janvier. L’impasse politiquequi a suivi n’a pris fin qu’en juin avec l’entrée enfonction d’un nouveau gouvernement, présidé parNajib Mikati et soutenu par le Hezbollah.La tension restait vive à la frontière avec Israël.Selon les Nations unies, sept réfugiés palestiniensont été tués et 111 autres personnes ont étéblessées le 15 mai, lorsque des soldats israéliens onttiré en direction de réfugiés palestiniens et d’autresgens qui s’étaient rassemblés à la frontière pour<strong>com</strong>mémorer la Nakba (« catastrophe ») et dontcertains avaient tenté de pénétrer en territoireisraélien.Trois personnes au moins ont été tuées et plusieursautres ont été blessées par l’explosion de bombes àsous-munitions et de mines terrestres laissées dans lesud du pays par les forces israéliennes au cours desannées précédentes.Le Tribunal spécial pour le Liban, institué par leConseil de sécurité des Nations unies pour juger lesresponsables de l’assassinat, en 2005, de l’ancienPremier ministre Rafic Hariri et d’autres homicidesconnexes, a émis en juin ses premiers actesd’accusation contre quatre membres du Hezbollah,qui ont été maintenus en liberté. Le Hezbollah, qui adénoncé ces mises en accusation, a juré de ne pascoopérer avec le Tribunal.Procès inéquitablesDes personnes soupçonnées d’infractions liées à lasécurité ont été arrêtées ; 50 au moins ont étédéférées devant des tribunaux militaires. Certainesont été accusées d’espionnage pour le <strong>com</strong>pted’Israël ou de collaboration avec ce pays ; neuf aumoins ont été condamnées à mort. Les procès devantles tribunaux militaires étaient inéquitables ; cesjuridictions ne sont pas indépendantes ni impartiales,les juges étant des officiers de l’armée en serviceactif. Des accusés ont affirmé qu’on les avait torturésou autrement maltraités pendant leur détentionprovisoire pour les contraindre à « avouer ». Lestribunaux s’abstenaient généralement d’ordonner desenquêtes sérieuses sur de telles allégations ou derejeter des « aveux » contestés.n Fayez Karam, cadre éminent du Courant patriotiquelibre (CPL), a été déclaré coupable, le 3 septembre,d’avoir fourni des informations au Mossad (service durenseignement israélien) en échange d’argent. Il a étécondamné à deux ans d’emprisonnement avec travauxforcés. Cet homme a déclaré au tribunal militaire qu’ilavait été torturé durant sa détention par des agents desForces de sécurité intérieure (FSI) après sonarrestation en août 2010, et qu’il avait été contraint defaire des « aveux » – rétractés par la suite. Il a interjetéappel.n Sheikh Hassan Mchaymech, un religieux chiite, aété arrêté le 11 octobre lors de sa remise aux FSI pardes agents des services de sécurité syriens. Détenu enSyrie parce qu’on le soupçonnait de fournir desinformations au Mossad, il aurait été torturé. Il a étéremis aux autorités libanaises après sa libération etdétenu au secret, d’abord dans un centre de détentiondes FSI à Beyrouth, puis dans la prison de Roumieh. Ila été autorisé à recevoir la visite de sa famille pour lapremière fois début décembre.Torture et autres mauvais traitementsDes informations ont fait état de torture et d’autresmauvais traitements infligés à des détenus par desmembres de la police judiciaire.Le gouvernement n’avait toujours pas mis en placel’organe indépendant chargé d’inspecter les prisonset les centres de détention prévu par le Protocolefacultatif à la Convention contre la torture [ONU],auquel le Liban est devenu partie en 2008.n En avril, quatre détenus de la prison de Roumieh, àBeyrouth, sont morts dans des circonstances nonélucidées lorsque les forces de sécurité ont répriméune mutinerie contre la surpopulation carcérale et lalongueur de la détention provisoire. Le ministre del’Intérieur a confié une enquête au chef des FSI ; lesconclusions des investigations n’avaient pas étérendues publiques à la fin de l’année.Défenseurs des droits humainsDes défenseurs des droits humains ont été harceléspour avoir dénoncé des atteintes aux droitsfondamentaux imputables aux forces de sécurité et àdes partis politiques.n Saadeddine Shatila, militant des droits humains quitravaille pour l’ONG Alkarama, a été accusé d’avoir« rendu publiques des informations susceptibles denuire à la réputation de l’armée libanaise ». Il avaittransmis notamment au rapporteur spécial des Nationsunies sur la torture des informations sur des casprésumés de torture. Le juge d’instruction militairen’avait pas terminé ses investigations à la fin del’année.192 Amnesty International - Rapport 2012


n Marie Daunay et Wadih al Asmar, membres duCentre libanais des droits humains (CLDH), ont étéinterrogés le 22 mars par le procureur général aprèsque le mouvement Amal, dirigé par Nabih Berri, leprésident du Parlement, eut déposé une plainte contrecette organisation qui avait fait état d’allégations d’actesde torture infligés par des membres d’Amal. L’affaireétait en instance à la fin de l’année.Discrimination – les réfugiéspalestiniensQuelque 300 000 réfugiés palestiniens résidant delongue date au Liban continuaient d’être victimes dediscriminations et étaient toujours privés d’un certainnombre de droits dont disposaient les citoyenslibanais. Il leur était notamment interdit d’exercercertaines professions ou d’hériter de biens. Unnombre indéterminé de réfugiés palestiniens vivaienttoujours au Liban sans carte d’identité, ce qui leurdonnait encore moins de droits. Il leur était, parexemple, impossible de faire enregistrer les mariages,les naissances et les décès.Plus de 1 400 réfugiés palestiniens qui avaient fuilors des affrontements de 2007 le secteur du campde réfugiés de Nahr el Bared, non loin de Tripoli (norddu pays), sont retournés dans le camp au cours del’année ; plus de 25 000 autres étaient toujoursdéplacés.Droits des femmesLes femmes continuaient d’être victimes dediscrimination dans la législation et dans la pratique,ainsi que de violences liées au genre, y <strong>com</strong>prisexercées au sein de la famille. Le gouvernement acependant abrogé, en août, l’article 562 du Codepénal, qui prévoyait une réduction de peine pour toutindividu déclaré coupable d’avoir tué ou blessé l’unde ses proches si le crime avait été <strong>com</strong>mis au nomde l’« honneur » de la famille. Le Code pénal a parailleurs été modifié en août pour introduire ladéfinition du crime de traite d’êtres humains ainsi queles sanctions prévues pour les trafiquants.Les Libanaises ne pouvaient toujours pastransmettre leur nationalité à leur mari et à leursenfants. Toutefois, en septembre, une réforme duCode du travail a exonéré les époux et enfantsétrangers de femmes libanaises des restrictionspesant sur les travailleurs étrangers. L’impact de cesréformes n’apparaissait pas clairement à la fin del’année. Le Parlement a par ailleurs examiné un projetde loi érigeant en infraction pénale les violences ausein de la famille, y <strong>com</strong>pris le viol conjugal ; ce texten’avait pas été adopté à la fin de l’année.Droits des migrantsComme les années précédentes, les employées demaison étrangères, qui n’étaient pas suffisammentprotégées par la loi, risquaient d’être exploitées parleur employeur et victimes de sévices, notammentsexuels. Un projet de loi énonçant les droits desemployées de maison était toutefois en coursd’examen au Parlement.Réfugiés et demandeurs d’asilePlusieurs dizaines de réfugiés et demandeurs d’asile,irakiens ou soudanais pour la plupart, étaientmaintenus en détention après l’expiration de leurpeine infligée pour entrée irrégulière sur le territoirelibanais, ou encore, dans certains cas, après avoir étéacquittés de faits qui leur avaient été reprochés.Beaucoup étaient incarcérés dans des conditionsdéplorables dans un local souterrain de la Directiongénérale de la sécurité générale situé dans le quartierd’Adliyeh, à Beyrouth, ou dans la prison deRoumieh ; ils devaient choisir entre le maintien endétention pour une durée indéterminée ou le retour« volontaire » dans leur pays d’origine.Au moins 59 demandeurs d’asile ou réfugiésreconnus ont été expulsés du pays, en violation dudroit international relatif aux réfugiés.n Arrêté en janvier 2010 et condamné en mars de lamême année à un mois d’emprisonnement pourviolation d’un arrêté d’expulsion, le réfugié soudanaisMuhammad Babikir Abd al Aziz Muhammad Adam estresté en détention jusqu’en janvier 2011. Il a alors étéacheminé en Norvège pour y être réinstallé. Il a déclaréavoir été soumis à des mauvais traitements et avoir subides périodes d’isolement prolongées entre septembreet novembre 2010. Les autorités auraient par ailleurstenté à de nombreuses reprises de le renvoyer auSoudan, où il risquait d’être arrêté arbitrairement ettorturé, ou autrement maltraité.Impunité – disparitions forcées etenlèvementsLe 1 er juillet, le gouvernement s’est engagé à solliciterauprès des autorités syriennes des informations sur lesort des « Libanais disparus et détenus » et à prendred’autres initiatives au sujet des atteintes graves auxdroits humains <strong>com</strong>mises dans le passé, notammentLAmnesty International - Rapport 2012193


Len désignant une <strong>com</strong>mission nationale devants’occuper de la question des disparitions forcées. Iln’a cependant guère pris de mesures pour enquêtersur le sort des milliers de personnes disparuespendant la guerre civile de 1975-1990, et notammentdes victimes de disparition forcée.Peine de mortHuit personnes, dont cinq jugées par contumace, ontété condamnées à mort ; aucune exécution n’a eulieu. Le Liban n’a procédé à aucune exécutiondepuis 2004.n Radwan Khalaf Najm, un ressortissant syrien, a étécondamné à mort pour meurtre par une cour d’assisesen janvier 2011.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Liban en avril,mai-juin et juillet.4 Liban. Jamais oubliés. Les disparus du Liban (MDE 18/001/2011).LIBERIARÉPUBLIQUE DU LIBERIAChef de l’État et du gouvernement : Ellen Johnson-SirleafPeine de mort :abolie en pratiquePopulation :4,1 millionsEspérance de vie :56,8 ansMortalité des moins de cinq ans : 112 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 59,1 %L’extrême lenteur de la justice était à l’origine d’uneeffroyable surpopulation carcérale : la grandemajorité des détenus n’avaient pas encore été jugéset vivaient dans des conditions inhumaines. Lesatteintes aux droits fondamentaux des femmes etdes jeunes filles, y <strong>com</strong>pris les viols et autressévices sexuels, demeuraient très fréquentes. Lapolice a fait un usage excessif de la force lors dediverses manifestations.ContexteLes élections présidentielle et législatives ont eu lieu le11 octobre. Aucun candidat à la présidence n’ayantobtenu la majorité absolue, un second tour a étéorganisé le 8 novembre. Le principal partid’opposition – le Congrès pour le changementdémocratique (CDC) – a boycotté le second tour et laprésidente sortante, Ellen Johnson-Sirleaf, a étédéclarée vainqueur avec 90,7 % des suffrages.Plus de 173 000 Ivoiriens fuyant les violences postélectoralesqui avaient éclaté dans leur pays onttrouvé refuge au Liberia entre novembre 2010 etdécembre 2011. À la fin de l’année 2011, les arrivéesavaient quasiment cessé et certains réfugiés<strong>com</strong>mençaient à rentrer en Côte d’Ivoire.La présidente Ellen Johnson-Sirleaf et la militantedes droits humains Leymah Gbowee étaient deux destrois lauréates du prix Nobel de la paix décerné ennovembre. Il est venu ré<strong>com</strong>penser leur <strong>com</strong>bat nonviolent en faveur de la sécurité des femmes et de leurdroit de participer pleinement au travail deconsolidation de la paix.ImpunitéAucun progrès n’a été observé dans le renvoi devantla justice des auteurs présumés des graves atteintesaux droits humains <strong>com</strong>mises pendant le conflitarmé et les années de violences qui ont secoué lepays. La Commission vérité et réconciliation avaitpréconisé de créer un tribunal pénal chargé depoursuivre les personnes identifiées <strong>com</strong>meresponsables de crimes de droit international, maiscette re<strong>com</strong>mandation n’a pas été davantage suivied’effet que la plupart des autres conclusionsconcernant les réformes juridiques etinstitutionnelles, la responsabilité pénale et lesréparations aux victimes.Les audiences liées au procès de l’ex-présidentlibérien Charles Taylor se sont achevées en mars.L’ancien chef d’État était jugé par le Tribunal spécialpour la Sierra Leone, qui siège à La Haye, pour saresponsabilité pénale individuelle dans des crimescontre l’humanité et des crimes de guerre <strong>com</strong>mispendant les 11 années de conflit armé en SierraLeone. Ce procès ne portait pas sur des crimes<strong>com</strong>mis au Liberia car le Tribunal spécial n’est<strong>com</strong>pétent que pour ceux perpétrés sur le territoiresierra-léonais. L’affaire était toujours en délibéré à lafin de l’année.Peine de mortÀ la suite des re<strong>com</strong>mandations émises dans le cadrede l’Examen périodique universel des Nations unies,le Liberia a reconnu, en mars, ses obligationsinternationales au titre du Deuxième Protocole194 Amnesty International - Rapport 2012


facultatif se rapportant au PIDCP, auquel il a adhéréen 2005 ; il a en outre fait savoir qu’il tenait desconsultations dans le but d’abroger la loi de 2008prévoyant la peine capitale pour les auteurs de vol àmain armée, d’actes de terrorisme et d’enlèvementslorsque ces actes ont entraîné mort d’homme.Cependant, aucune autre initiative n’a été prise pourabolir la peine capitale.Un homme a été condamné à mort pour meurtrepar le tribunal du <strong>com</strong>té de Lofa, à Voinjama.Système judiciaireLe manque de rigueur des enquêtes de police, lenombre insuffisant d’avocats de l’assistancejudiciaire, la mauvaise gestion des dossiers, lacorruption et l’incapacité de l’appareil judiciaire àjuger rapidement les affaires contribuaient àl’engorgement du système pénal. Environ 80 % desprisonniers étaient en détention provisoire ; certainsattendaient leur procès depuis des années.Dans la mesure où de nouvelles personnes étaientcontinuellement placées en détention provisoire, ni leprogramme pilote de libération conditionnelle et deprobation fonctionnant à Monrovia et Gbarnga, ni leprogramme d’audiences rapides devant des juges misen place à la prison de Monrovia n’ont permis deréduire de manière significative le nombre de cesdétenus.ll était fréquent que les justiciables aient à payerdes services censés être gratuits (enquêtes de police,par exemple). Les juges opposaient souvent des refusaux demandes de mise en liberté sous caution.L’indépendance de la justice laissait à désirer.Les tribunaux coutumiers respectaient rarement lesprocédures légales. L’ordalie, pratique par laquellel’innocence ou la culpabilité d’une personne estdéterminée de manière arbitraire – y <strong>com</strong>pris par lerecours à la torture ou à d’autres mauvaistraitements –, demeurait en vigueur.Conditions carcéralesLes conditions de détention étaient déplorables. Dansplusieurs prisons, les détenus étaient entassés dansdes cellules sombres, sales et mal ventilées, et nebénéficiaient pas de soins médicaux appropriés nid’un temps de promenade suffisant. L’hygiène et leséquipements sanitaires étaient médiocres, lanourriture et l’eau potable manquaient et les détenusétaient privés du confort le plus élémentaire (literiepropre, affaires de toilette, etc.).En juillet, la présidente Ellen Johnson-Sirleaf alancé un plan national de santé sur 10 ans. La miseen place de services de santé dans les prisons étaitl’un des pivots de la nouvelle politique. Ceprogramme de soins de santé de base n’avaittoutefois pas été mis en œuvre à la fin de l’année.Police et forces de sécuritéMalgré quelques améliorations, la protection de lapolice n’était pas suffisante ; de ce fait, les habitantsde certaines zones s’organisaient en milices privées.À plusieurs reprises, la police a fait un usageexcessif de la force pour assurer le maintien del’ordre.n Le 11 mars, des étudiants qui manifestaient ont étéfrappés par des policiers ; 17 d’entre eux ont dûrecevoir des soins. La <strong>com</strong>mission d’enquêteconstituée à l’initiative de la présidente a remis sonrapport au mois de juin. Ayant établi que la police avaitfait usage d’une force excessive, elle a re<strong>com</strong>mandé lasuspension de l’inspecteur général de la policenationale et le limogeage du directeur adjoint desopérations. Ce dernier a été suspendu de ses fonctionspendant deux mois sans indemnité ; l’inspecteurgénéral n’a fait l’objet d’aucune sanction.n Le 7 novembre, des policiers ont ouvert le feupendant une manifestation de sympathisants du CDC,tuant au moins une personne et en blessant denombreuses autres. La présidente a chargé une<strong>com</strong>mission d’enquêter sur ces violences. Le25 novembre, celle-ci a conclu que la police avait faitusage d’une force excessive. Conformément à sesre<strong>com</strong>mandations, l’inspecteur général de la policenationale a été limogé.Liberté d’expressionCette année encore, des journalistes ont été harceléset parfois menacés ou agressés.n Le 22 janvier, la Cour suprême a condamné RodneySieh, le rédacteur en chef du journal privé Front PageAfrica, à une peine de 30 jours d’emprisonnement pouroutrage à magistrat. Le journaliste avait publié unelettre critiquant l’un des juges de la juridictionsuprême. Il a été remis en liberté deux jours plus tard,après une intervention de la présidente Johnson-Sirleaf.n Faisant suite à une requête conjointe des ministresde la Justice et de l’Information, le juge du tribunalpénal A (1 re circonscription judiciaire) a prononcé, le7 novembre, la fermeture provisoire de trois organesLAmnesty International - Rapport 2012195


Ld’information ; l’exécution de cette décision a étéconfiée à des policiers armés des Unités d’interventiond’urgence. Les organes concernés étaient accusésd’avoir propagé des messages de haine en marge durassemblement du CDC et des violences qui avaientsuivi. Le 15 novembre, leurs dirigeants ont été déclaréscoupables, mais le tribunal a considéré que, « pourcette fois », ils ne seraient pas sanctionnés. Laréouverture des trois médias a donc été ordonnée.Droits des enfantsIl n’y avait qu’un seul tribunal pour enfants dans toutle pays, à Monrovia, et le système de la justice desmineurs demeurait fragile ; il n’existait aucun centrede réinsertion ou de détention pour les auteursd’infractions encore mineurs. Il n’était pas rare queles enfants soient placés en garde à vue dans lamême cellule que des adultes.Les mutilations génitales féminines (MGF), encoretrès largement répandues, étaient régulièrementpratiquées sur des mineures âgées de 8 à 18 ans, etmême sur des petites filles de trois ans. La loilibérienne n’interdit pas explicitement ces mutilations.n En juillet, deux femmes accusées d’avoir procédé àdes MGF forcées ont été reconnues coupablesd’enlèvement, de séquestration et de vol, etcondamnées à trois ans d’emprisonnement.Droits des femmesLes cas de viol et autres sévices sexuels demeuraientnombreux, de même que les violences familiales etles mariages forcés ou contractés avec des mineures.La majorité des viols signalés concernaient desmineures. Ne disposant que de moyens et d’effectifsréduits, les services de police chargés des violencessexuelles et liées au genre parvenaient difficilement àtraiter toutes les affaires.Aucune structure d’accueil pour les victimes deviolences liées au genre ne fonctionnait.Précédemment confiée à des ONG, la gestion dedeux centres d’accueil situés dans les <strong>com</strong>tés deBong et de Lofa a été reprise par le ministère de laParité et du Développement, qui a décidé de leurfermeture provisoire. À la fin de l’année, ils n’avaienttoujours pas rouvert.La mortalité maternelle restait élevée. Selon leFNUAP, ce phénomène s’expliquait par la pénurie depersonnel médical qualifié, le nombre insuffisant deservices d’urgences obstétriques, l’inefficacité dessystèmes d’orientation des patientes, l’étatnutritionnel déplorable des femmes enceintes et lenombre exceptionnel de grossesses chez lesadolescentes. En mars, la présidente a lancé un plannational sur cinq ans pour lutter contre la mortalitématernelle et néonatale.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Liberia enjuillet, septembre et novembre.4 Good intentions are not enough: The struggle to reform Liberia’s prisons(AFR 34/001/2011).LIBYELIBYEChef de l’État : Mouammar Kadhafi, effectivement remplacépar Mustafa Abdel Jalil le 23 aoûtChef du gouvernement : al Baghdadi Ali al Mahmoudi,effectivement remplacé par Mahmoud Jibril le 23 août,à son tour remplacé par Abdurrahim al Keib le 23 octobrePeine de mort :maintenuePopulation :6,4 millionsEspérance de vie :74,8 ansMortalité des moins de cinq ans : 18,5 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 88,9 %Après le déclenchement, à la mi-février, dumouvement de protestation antigouvernementalqui a ensuite évolué vers un conflit armé de prèsde huit mois, les forces fidèles au dirigeant libyen,le colonel Mouammar Kadhafi, ont tué et blessé entoute illégalité plusieurs milliers de personnes,dont des manifestants pacifiques et des personnesqui ne prenaient pas part à la contestation. Durantle conflit, les forces internationales, agissant envertu d’un mandat de protection des civilsémanant du Conseil de sécurité des Nations unies,ont mené des frappes aériennes contre les troupesdu colonel Kadhafi, ce qui a contribué à fairepencher la balance en faveur des forcesd’opposition. Les forces de Mouammar Kadhafiont tiré des obus de mortier et d’artillerie ainsi quedes roquettes sur des zones d’habitation. Elles ontutilisé des mines antipersonnel, des bombes àsous-munitions et d’autres armes non196 Amnesty International - Rapport 2012


discriminantes par nature ; de nombreux civils ontété tués dans ces attaques aveugles, en particulierà Misratah, la troisième ville de Libye. Les troupesloyalistes ont également enlevé et maltraité, voiretorturé, des milliers de personnes ; elles ontexécuté de manière extrajudiciaire des<strong>com</strong>battants capturés et d’autres détenus. Lesforces d’opposition ont utilisé des lance-roquetteset d’autres armes non discriminantes dans deszones résidentielles. Même après avoir pris lecontrôle de la plus grande partie du pays, fin août,le Conseil national de transition (CNT) – ladirection peu structurée de l’opposition au colonelKadhafi mise en place à la fin de février – n’a pasréussi à mettre au pas les milices formées durantle conflit. Les crimes de guerre et les autresviolations du droit international humanitaire et dudroit international relatif aux droits humains<strong>com</strong>mis par les deux camps durant le conflit sontvenus s’ajouter au sombre bilan des annéesprécédentes en matière de droits humains. Leconflit a exacerbé la xénophobie et les tensionsraciales latentes. Des milices d’opposition ontcapturé des milliers de soldats de MouammarKadhafi, de personnes soupçonnées de lui êtrefidèles et de « mercenaires africains » supposés.Beaucoup de ces prisonniers ont été battus etmaltraités et, à la fin de l’année, plusieurs moisaprès la fin du conflit, ils étaient toujoursincarcérés sans jugement et sans possibilité decontester la légalité de leur détention. De trèsnombreux autres sympathisants présumés deMouammar Kadhafi ont été tués lors de leurcapture par des <strong>com</strong>battants de l’opposition, oupeu après ; c’est également le cas de l’anciendirigeant libyen lui-même, et d’un de ses fils. Lesforces d’opposition ont aussi pillé et incendié deshabitations et mené des attaques à titre devengeance, ou d’autres actes de représailles,contre des partisans présumés du colonel Kadhafi.Des centaines de milliers de personnes ont fui les<strong>com</strong>bats, ce qui a provoqué des déplacementsmassifs de populations en Libye et au-delà desfrontières et a donné lieu à des opérationsd’évacuation de grande ampleur. L’impunité pourles violations flagrantes des droits humains<strong>com</strong>mises dans le passé et les exactionspersistantes des milices restait profondémentancrée. Les femmes continuaient d’être victimesde discrimination dans la loi et dans la pratique.ContexteDes manifestations antigouvernementales quidevaient se tenir le 17 février ont été déclenchéesdeux jours plus tôt à Benghazi, la deuxième ville deLibye, lorsque deux militants de premier plan ont étéarrêtés par les forces de sécurité. Les deux militantsont été rapidement relâchés, mais le mouvement s’esttrès vite étendu à tout le pays, alors que les forcesgouvernementales, pour tenter de le juguler, avaientrecours à une force excessive, y <strong>com</strong>pris meurtrière.En deux semaines, il s’est transformé en un conflitarmé interne, la population ayant neutralisé l’arméegouvernementale et pris les armes contre elle dansl’est de la Libye, dans le massif du Nefoussa et dansla ville côtière de Misratah. Les affrontements armésse sont intensifiés, les forces du colonel Kadhafitentant de reconquérir le territoire pris par l’oppositionet celle-ci s’efforçant de gagner du terrain. Le17 mars, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté larésolution 1973 qui autorisait la mise en place d’unezone d’exclusion aérienne au-dessus de la Libye et laprise de toutes les mesures nécessaires pour protégerles civils, à l’exception du déploiement d’une forced’occupation étrangère. Deux jours plus tard, unecoalition internationale lançait des frappes aériennescontre les troupes du colonel Kadhafi, déployées dansla périphérie de Benghazi, et <strong>com</strong>mençait à aider lesforces d’opposition à les repousser. Prenant lecontrôle des opérations à la fin mars, l’OTAN a menéensuite, jusqu’au 31 octobre, des milliers de raidsaériens sur les forces et les infrastructures deMouammar Kadhafi. Fin août, les forces opposées àce dernier avaient pris le contrôle de la plus grandepartie du pays, y <strong>com</strong>pris Tripoli, mais les <strong>com</strong>batsont continué, surtout à Beni Walid et à Syrte. Le23 octobre, Mostafa Abdeljalil, président du CNT, aannoncé officiellement la « libération de la Libye ».Le CNT s’est engagé à instaurer un Étatdémocratique pluraliste s’appuyant sur le respect desdroits fondamentaux. Sa Déclaration constitutionnelle,rendue publique le 3 août, incorpore des principesrelatifs aux droits humains, notamment le respect deslibertés fondamentales, l’absence de discrimination etle droit à un procès équitable.Utilisation excessive de la forceLes forces de sécurité et les soldats du colonelKadhafi ont eu recours à une force meurtrière etdisproportionnée pour tenter de réprimer lesmanifestations qui ont débuté en février ; ils ont utiliséLAmnesty International - Rapport 2012197


Ldes fusils d’assaut automatiques pour tirer à ballesréelles contre des manifestants non armés. Quelque170 personnes ont été tuées et plus de 1 500 autresont été blessées dans les villes de Benghazi et d’ElBeïda entre le 16 et le 21 février. Les forces desécurité ont également réprimé les manifestations du20 février à Tripoli et dans sa banlieue en tirant àballes réelles ; il y a eu un très grand nombre deblessés et de morts. Parmi ces derniers se trouvaientdes manifestants pacifiques et de simplesspectateurs.n Naji Jerdano, qui participait aux manifestationsantigouvernementales à Benghazi, a été abattu le17 février par les forces de sécurité du colonel Kadhafi.Il avait auparavant reçu un coup de matraque. Celas’est passé à proximité de la mosquée Al Nasr, pendantla prière du coucher du soleil. Les tireurs, placés sur lepont Jalyana, ont également tué deux autres hommes.n Roqaya Fawzi Mabrouk, une fillette de huit ans, a ététuée le 18 février par un projectile qui a traversé lafenêtre de sa chambre. La balle avait été tirée depuis labase militaire Hussein al Jaweifi, à Shahat, non loin d’ElBeïda, où des troupes fidèles au colonel Kadhafi étaientsemble-t-il déployées.Exactions perpétrées pendant le conflitarméLes forces de Mouammar Kadhafi ont <strong>com</strong>mis desviolations graves du droit international humanitaire, y<strong>com</strong>pris des crimes de guerre, alors qu’elles tentaientde reprendre des villes tenues par l’opposition. Ellesont mené des attaques aveugles ou ont visédélibérément des civils, notamment à Misratah, àAjdabiyah, à Al Zawiyah et dans le massif duNefoussa. Elles ont effectué des tirs d’artillerie, demortier et de roquettes sur des quartiers d’habitation.Elles ont utilisé des armes non discriminantes parnature, telles les mines antipersonnel et les bombes àsous-munitions, y <strong>com</strong>pris dans des zonesd’habitation. Des centaines de civils qui neparticipaient pas aux <strong>com</strong>bats ont été tués ou blessésà la suite de ces attaques illégales.Les civils ont payé un prix particulièrement lourd àMisratah : les habitants ont été pris au piège à partirde la fin février alors que les forces du colonelKadhafi assiégeaient la ville et tiraient des roquettessur le secteur du port – seul point d’entrée pour l’aidehumanitaire et d’évacuation pour les blessés et lesmalades. Les attaques sans discernement, quiavaient cessé en mai, ont repris à la mi-juin pourcontinuer de manière sporadique jusqu’au début dumois d’août. Selon des sources médicales locales,plus d’un millier de personnes ont été tuées pendantle siège de la ville.n Rudaina Shami, un an, et son frère MohamedMostafa Shami, trois ans, ont été tués le 13 mai lorsquedes salves de roquettes Grad tirées par les forces deMouammar Kadhafi ont atteint des habitations dans lequartier de Ruissat, à Misratah. Leur sœur Malak, âgéede cinq ans, grièvement blessée, a dû être amputée dela jambe droite.Les forces du colonel Kadhafi ont également tiré àballes réelles et avec des armes lourdes, notammentdes obus de char et des roquettes, sur des personnesqui fuyaient les zones de <strong>com</strong>bat à Misratah,Ajdabiyah, Al Zawiyah et ailleurs.n Miftah al Tarhouni et son fils Mohammad, un adulte,ont été tués le 20 mars, non loin de la porte estd’Ajdabiyah, lorsque leur voiture a été touchée par unprojectile – apparemment une roquette ou un obusd’artillerie. Celui-ci avait vraisemblablement été tiré parles forces du colonel Kadhafi.Des <strong>com</strong>battants de l’opposition ont eux aussi tirédes salves de roquettes Grad à partir de leurspositions sur la ligne de front dans l’est du pays, àMisratah et à Syrte. On ignore dans quelle mesureces tirs ont provoqué des pertes civiles.Le gouvernement du colonel Kadhafi a accusél’OTAN de viser des biens civils et d’avoir causé lamort de centaines de civils, mais ces affirmationsétaient exagérées et aucune preuve formelle n’a étéfournie. D’après des sources crédibles, cependant,les frappes de l’OTAN ont tué plusieurs dizaines decivils au moins entre juin et octobre, notamment àMajer, Tripoli, Surman et Syrte. À la connaissanced’Amnesty International, l’OTAN n’a mené aucuneenquête indépendante et impartiale en vue dedéterminer si toutes les précautions nécessairesavaient été prises pour épargner les biens decaractère civil et minimiser les pertes civiles, <strong>com</strong>mel’exige le droit international humanitaire.n Des frappes aériennes de l’OTAN ont tué18 hommes, huit femmes et huit enfants le 8 aoûtlorsque deux maisons de la zone rurale de Majer, àproximité de Zlitan, ont été touchées. Toutes lesvictimes étaient semble-t-il des civils.Arrestations et détentions arbitrairesLes forces de Mouammar Kadhafi ont arrêté desmilliers de personnes dans tout le pays ; certaines ont198 Amnesty International - Rapport 2012


été victimes de disparition forcée. Les arrestations ont<strong>com</strong>mencé avant les manifestations de février, puis sesont multipliées et généralisées à mesure que leconflit s’étendait. Parmi les personnes arrêtéesfiguraient des sympathisants déclarés ou présumésde l’opposition, des <strong>com</strong>battants et d’autrespersonnes capturées dans des zones de <strong>com</strong>bat ouaux alentours. Certaines ont été interpellées à leurdomicile, d’autres sur les routes ou dans des lieuxpublics de zones contrôlées par l’opposition danslesquelles les forces de Kadhafi faisaient desincursions armées. C’est notamment le cas deMisratah et de certaines villes du massif du Nefoussa.Les détenus étaient le plus souvent privés de toutcontact avec le monde extérieur. Certains ont étérelâchés par les forces de Mouammar Kadhafi, maisla grande majorité ont été libérés par des <strong>com</strong>battantsde l’opposition après que ceux-ci eurent pris lecontrôle de Tripoli, fin août. Le nombre exact depersonnes disparues pendant le conflit n’était pasconnu à la fin de l’année. Beaucoup ont été tuées endétention (voir plus loin).n Jamal al Haji, détracteur de longue date deMouammar Kadhafi, a été arrêté à Tripoli le 1 er févrierpar des agents des forces de sécurité en civil après qu’ileut appelé à manifester sur des sites Internet basés àl’étranger. Il a été détenu pendant près de sept moisdans des conditions déplorables et sans contact avec lemonde extérieur, d’abord dans les locaux desrenseignements généraux de Nasr puis dans la prisond’Abou Salim, à Tripoli. Pendant une partie de sadétention, il a été maintenu à l’isolement. Il a été libéréle 24 août par des <strong>com</strong>battants pro-CNT.Pendant le conflit et par la suite, des <strong>com</strong>battantsde l’opposition ont capturé et incarcéré des milliersde soldats et de sympathisants avérés ou présumésdu colonel Kadhafi, dont des mercenaires étrangerssupposés. Beaucoup ont été appréhendés par desgroupes d’hommes lourdement armés à leurdomicile, à des postes de contrôle ou simplementdans la rue. Nombre de ces personnes ont étébattues ou maltraitées au moment de leurarrestation ; leurs habitations ont été pillées etdétruites. Aucun détenu n’a été autorisé à consulterun avocat. Sous le gouvernement du CNT, ni leministère de la Justice et des Droits humains ni leparquet ne contrôlaient ou supervisaientvéritablement la plupart des centres de détention. Àla fin de l’année, des milliers de personnes étaienttoujours détenues sans jugement et sans avoir eu lapossibilité de contester le bien-fondé de leurdétention.Un grand nombre de ces prisonniers étaientoriginaires d’Afrique subsaharienne. Certains ont étéarrêtés à partir de février dans l’est du pays et àMisratah car on les soupçonnait d’être desmercenaires, d’autres à partir d’août à Tripoli et dansd’autres villes de l’ouest de la Libye quand ces zonessont passées pour la première fois sous le contrôle del’opposition. Dans l’est du pays et à Misratah, laplupart ont été relâchés en l’absence d’élémentsdémontrant leur participation aux <strong>com</strong>bats. Descentaines d’hommes originaires de Tawargha, unezone supposée fidèle au colonel Kadhafi, ont étépourchassés et enlevés chez eux, dans des campsimprovisés ou à des postes de contrôle. Placés endétention, ils ont été torturés ou autrement maltraités.Torture et autres mauvais traitementsDes personnes arrêtées et détenues par les forcesloyalistes ont été maltraitées, voire torturées,essentiellement au moment de leur arrestation etpendant les premiers interrogatoires. Des prisonniersont été frappés à coups de ceinture, de fouet, decâble métallique et de tuyau en caoutchouc. Ils ontété suspendus pendant de longues périodes dans despositions contorsionnées et privés de soins médicaux,y <strong>com</strong>pris pour des blessures par balles ou infligéessous la torture. Certains ont reçu des déchargesélectriques. Plusieurs ont été blessés par balle aprèsleur capture alors qu’ils ne représentaient aucunemenace. D’autres ont été laissés dans des conteneursmétalliques, où ils sont morts asphyxiés.n Le 6 juin, à Khoms, les gardiens n’ont pas tenu<strong>com</strong>pte des appels à l’aide de prisonniers enfermésdans deux conteneurs métalliques et qui réclamaientde l’eau et de l’air ; 19 détenus sont morts par asphyxie.Plusieurs prisonniers ont été violés par les hommesqui les avaient arrêtés ou par leurs geôliers.n Un homme de 50 ans a été arrêté par des soldatsfidèles à Mouammar Kadhafi alors qu’il recevait dessoins au centre cardiologique de Tajoura, à Tripoli, finfévrier. Transféré à la prison d’Aïn Zara, à Tripoli, il a étéfrappé à coups de pied, de bâton et de crosse de fusil ;il a également reçu des décharges électriques et a étéattaché à un arbre. Il a été violé deux fois avec desobjets pendant sa détention.Les partisans du CNT ont fait état de multiplesallégations de viols <strong>com</strong>mis par des soldats loyalistes.Des femmes détenues par les forces soutenant leLAmnesty International - Rapport 2012199


LCNT à Al Zawiyah, Tripoli et Misratah se sont plaintesd’avoir subi des sévices sexuels.n Eman el Obeidi a affirmé, le 26 mars, à desjournalistes étrangers qu’elle avait été violée par dessoldats fidèles au colonel Kadhafi. Après avoir étédétenue à plusieurs reprises par ces forces, elle a étélibérée et a fui la Libye en mai. Renvoyée contre son grédu Qatar à Benghazi en juin, elle a été autorisée par lasuite à quitter le territoire contrôlé par le CNT.Dans les zones contrôlées par le CNT avant etaprès le mois d’août, lorsque la capitale est tombéeaux mains des forces opposées à MouammarKadhafi, les milices qui avaient le contrôle des centresde détention ont torturé ou maltraité des détenus entoute impunité, apparemment pour les punir pour descrimes dont on les accusait, ou pour leur extorquerdes « aveux ». Les méthodes le plus souvent décritesétaient les coups de ceinture, de bâton, de crosse defusil et de tuyau en caoutchouc sur tout le corps, lescoups de poing et de pied, et les menaces de mort.Les personnes à la peau foncée, libyennes ouétrangères, risquaient tout particulièrement de subirdes sévices.n Un travailleur migrant tchadien de 17 ans a étéenlevé en août à son domicile par des hommes armésqui l’ont menotté, giflé et traîné par terre avant del’incarcérer dans une école qu’ils utilisaient <strong>com</strong>mecentre de détention. Il a été frappé à coups de poing, debâton, de ceinture, de crosse de fusil et de câbles encaoutchouc, essentiellement à la tête, au visage etdans le dos. Les sévices n’ont cessé que lorsqu’il aaccepté d’« avouer » qu’il avait tué des civils et violé desfemmes.Plusieurs personnes détenues par des milices sontmortes dans des circonstances laissant penserqu’elles avaient suc<strong>com</strong>bé des suites, directes ouindirectes, de torture.n Abdelhakim Milad Juma Qalhud, directeur d’écoleoriginaire d’Al Qarabuli, à l’est de la capitale, a étéarrêté le 16 octobre à son domicile par une milicelocale. Dans les jours qui ont suivi, il a été examinédeux fois par des médecins, qui ont constaté denombreux hématomes et ont demandé sonhospitalisation. Les miliciens n’ont toutefois pas tenu<strong>com</strong>pte de l’avis des médecins. Le corps d’AbdelhakimMilad Juma a été déposé à l’hôpital local le 25 octobre.Le rapport d’autopsie laisse penser qu’il est mort dessuites de coups assenés avec un objet. Aucuneenquête sérieuse n’a été effectuée sur lescirconstances de sa mort.Exécutions extrajudiciairesDes soldats loyalistes ont tué des <strong>com</strong>battants del’opposition qu’ils avaient capturés dans l’est de laLibye et à Misratah. Des cadavres ont été retrouvés,les mains attachées dans le dos et avec de multiplesblessures par balle sur la partie supérieure du corps.n Les corps de trois <strong>com</strong>battants de l’opposition –Walid Saad Badr al Obeidi et les frères Walid et Hassanal Sabr al Obeidi – ont été retrouvés le 21 mars non loinde Benghazi. Des proches ont affirmé qu’ils avaient lesmains attachées dans le dos et que deux des corpsprésentaient des plaies, ce qui donnait à penser qu’ilsavaient été battus avant d’être tués.Les soldats du colonel Kadhafi ont égalementexécuté de manière extrajudiciaire plusieurs dizainesde détenus dans l’ouest du pays entre juin et août. Laplupart ont été tués par balle.n Le 23 août, des gardes ont jeté cinq grenades et ontouvert le feu sur quelque 130 personnes détenuesdans un hangar à l’intérieur d’une base de l’armée àKhellat al Ferjan, un quartier de Tripoli. Unecinquantaine de corps calcinés ont été retrouvés parla suite.Des <strong>com</strong>battants et des sympathisants del’opposition ont tué délibérément des personnessoupçonnées d’être des <strong>com</strong>battants ou des fidèlesdu colonel Kadhafi, ainsi que des « mercenairesafricains » supposés, lorsqu’ils ont pris pour lapremière fois le contrôle d’El Beïda, de Benghazi, deDarnah et de Syrte. Certaines victimes ont été battuesà mort, d’autres pendues, d’autres encore abattuesmême après leur reddition ou leur capture.Des membres des services de sécurité du colonelKadhafi et d’autres loyalistes présumés ont été viséslors d’attaques menées à titre de vengeance.Plusieurs d’entre eux, dont on a retrouvé les corps,avaient été enlevés par des hommes lourdementarmés ; certains avaient les mains attachées dansle dos.n Hussein Gaith Bou Shiha, ancien employé del’Agence de sûreté intérieure, a été arrêté le 8 mai, chezlui, par des hommes armés. Son corps a été retrouvé lelendemain non loin de Benghazi. Il était menotté etavait été abattu d’une balle dans la tête.n Abdul Fatah Younes al Obeidi, ancien secrétaire duComité populaire général de la Sécurité publique(équivalent du ministère de l’Intérieur) qui avait rejointl’opposition en février, ainsi que ses deux adjoints –Mohamed Khamis et Nasser Mathkur – sont morts dessuites de blessures par balle vers la fin juillet. Des200 Amnesty International - Rapport 2012


hommes lourdement armés les avaient emmenés le27 juillet pour les interroger dans une base militaire deGharyounes ; ils auraient ensuite été transférés dansun autre lieu.n D’après des séquences vidéo et d’autres éléments,le colonel Kadhafi était vivant quand il a été capturéalors qu’il tentait de fuir Syrte ; il a manifestement étéexécuté de manière extrajudiciaire le 20 octobre, tout<strong>com</strong>me son fils Mutassim. Le CNT a annoncél’ouverture d’une enquête ; ses conclusions n’avaientpas été rendues publiques à la fin de l’année.n Le 23 octobre, les corps de 65 hommes – des civilset des soldats loyalistes présumés – ont été retrouvésdans l’hôtel Mahari, à Syrte, qui servait de base à des<strong>com</strong>battants de l’opposition. Certains avaient les mainsattachées dans le dos ; beaucoup avaient été abattusd’une balle dans la tête. Sur des séquences vidéofilmées quelques jours auparavant par des miliciens,on voit un groupe de 29 hommes en train de se faireinsulter et menacer de mort ; presque tous étaient aunombre des 65 personnes dont les corps ont étéretrouvés par la suite. Aucune enquête n’a été ouvertesur ces homicides.Déplacements forcés de populationAvant le conflit, deux millions d’étrangers au moinsvivaient en Libye ou y étaient en transit ; beaucoupétaient des personnes ayant besoin d’une protectioninternationale. À mesure que le conflit s’est intensifié,des centaines de milliers de personnes, tant desétrangers que des Libyens, ont fui le pays, y <strong>com</strong>prisdans le cadre d’évacuations organisées. Un grandnombre ont été dévalisées ; certaines ont été arrêtéeset détenues pendant plusieurs heures, voire plusieursjours, et battues avant d’être autorisées à reprendre laroute. Les personnes originaires d’Afriquesubsaharienne étaient particulièrement exposées. Latrès grande majorité ont fui vers la Tunisie ou l’Égypte(voir Tunisie, Égypte et le résumé Europe et Asiecentrale).Des centaines de milliers de personnes ont dûquitter leur foyer pour se réfugier ailleurs en Libye.Certaines ont pu rentrer chez elles à la fin deshostilités, mais les habitants des régions considérées<strong>com</strong>me favorables au colonel Kadhafi craignaientd’être la cible de représailles. Ils étaient toujoursdéplacés à la fin de l’année. C’était notamment le casde quelque 30 000 habitants de Tawargha qui avaientfui la ville en août lors de l’avancée des <strong>com</strong>battantsde l’opposition basés à Misratah, et de membres de latribu des Mashashiyas, dans le massif du Nefoussa. ÀMisratah et ailleurs, des milices ont empêché dessympathisants présumés du colonel Kadhafi derentrer chez eux ou ont pillé et incendié leurslogements, en toute impunité.Réfugiés, demandeurs d’asile etmigrantsLe CNT a promis de respecter le droit de solliciterl’asile et d’en bénéficier, mais il ne s’est pas engagé àratifier la Convention relative au statut des réfugiés[ONU] et son protocole de 1967. En avril, le présidentdu CNT a promis de « fermer les frontières à cesAfricains », ce qui faisait craindre que les réfugiés, lesdemandeurs d’asile et les migrants ne continuent àêtre victimes de discrimination et de mauvaistraitements en Libye et à être considérés <strong>com</strong>me despersonnes indésirables. Prenant une initiative quirappelait les pratiques abusives du passé, notammentles opérations menées en mer pour « repousser » lesétrangers vers la Libye où ils risquaient d’être arrêtés,torturés et détenus dans des conditions effroyables, leCNT a signé en juin un protocole d’accord avec lesautorités italiennes. Par cet accord, les deux partiess’engageaient à gérer conjointement le « phénomènemigratoire » par la mise en application d’accords decoopération existants sur l’« immigration illégale » (voirItalie).À la fin de l’année, des centaines de personnesoriginaires d’Afrique subsaharienne étaientmaintenues en détention illimitée et sans jugementpour de présumées « infractions liées à l’immigration ».Droits des femmesLe CNT s’est engagé à respecter les droits desfemmes et a inscrit le principe de la nondiscrimination,y <strong>com</strong>pris fondée sur le genre, dans saDéclaration constitutionnelle. La discrimination enversles femmes restait toutefois bien ancrée tant dans lalégislation que dans la pratique.Évoquant la législation relative au mariage, leprésident du CNT a déclaré, le 23 octobre, que toutesles lois contraires à la charia (droit musulman)seraient modifiées. La Loi 10 de 1984 relative aumariage, au divorce et à leurs conséquences autorisela polygamie, mais dispose qu’un homme souhaitantcontracter un deuxième mariage doit au préalableobtenir l’autorisation d’un tribunal spécial garantissantqu’il y est apte mentalement, socialement etfinancièrement.LAmnesty International - Rapport 2012201


LImpunitéLe gouvernement du colonel Kadhafi n’avait prisaucune mesure pour enquêter sur les atteintes gravesaux droits humains <strong>com</strong>mises par le passé ni pourtraduire en justice les responsables de cesagissements. Le CNT s’est engagé à le faire, maiss’est heurté à des difficultés pour se procurer deséléments de preuve essentiels, notamment desarchives et des dossiers gouvernementaux, dont unepartie a été incendiée et pillée.En juin, la Cour pénale internationale (CPI) adécerné des mandats d’arrêt contre le colonelKadhafi, son fils Saïf al Islam Kadhafi et Abdallah alSenoussi, le chef des services de sécurité, pourcrimes contre l’humanité, dont des meurtres et despersécutions. Saïf al Islam a été capturé le19 novembre. Bien que le CNT ait déclaré qu’il avaitl’intention de le faire juger par la justice libyenne, à lafin de l’année la CPI n’avait reçu aucun aviscontestant sa <strong>com</strong>pétence dans cette affaire.Peine de mortLa peine de mort était maintenue pour toute une sériede crimes. On ne disposait d’aucune information surles condamnations prononcées ni sur les exécutionseffectuées en 2011.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International ont réalisé des missionsd’établissement des faits en Libye entre fin février et fin mai puis entre lami-août et la fin septembre.4 Libye. Misratah, assiégée et bombardée (MDE 19/019/2011).4 The battle for Libya: Killings, disappearances and torture(MDE 19/025/2011).4 Libye. Programme pour le changement en matière de droits humains(MDE 19/028/2011).4 Libye. Des atteintes aux droits des détenus avilissent la Libye nouvelle(MDE 19/036/2011).LITUANIERÉPUBLIQUE DE LITUANIEChef de l’État :Dalia GrybauskaitėChef du gouvernement :Andrius KubiliusPeine de mort :aboliePopulation :3,3 millionsEspérance de vie :72,2 ansMortalité des moins de cinq ans : 6,2 ‰Le gouvernement n’a pas mené d’enquête effectivesur le rôle joué par les pouvoirs publics lituaniensdans les programmes de « restitution » et dedétention secrète menés par les États-Unis. Lespersonnes lesbiennes, gays, bisexuelles outransgenres continuaient de faire l’objet d’unediscrimination généralisée.Lutte contre le terrorisme et sécuritéEn janvier, le procureur général de Lituanie a closl’enquête judiciaire sur l’implication présuméed’agents de l’État dans deux centres de détentionsecrets de la CIA. Il a justifié sa décision par lanécessité de protéger des secrets d’État et par le faitque le délai de prescription était atteint pour lesinvestigations relatives à des abus de pouvoir dont seseraient rendus coupables des agents de l’État.Le Comité européen pour la prévention de latorture a publié en mai un rapport sur la Lituanierendant notamment <strong>com</strong>pte de sa missiond’inspection des centres de détention de la CIA.Plusieurs ONG ont présenté en septembre denouveaux éléments concernant les vols de« restitution » à destination de la Lituanie. Malgré cesnouvelles informations, le procureur général a refuséen octobre de rouvrir l’enquête sur cette affaire.n Une plainte a été déposée le 27 octobre devant laCour européenne des droits de l’homme par les avocatsd’Abu Zubaydah, un Palestinien détenu à Guantánamoqui affirmait avoir été illégalement conduit en 2005 enLituanie, où il aurait été torturé dans un centre dedétention secret.Discrimination – lesbiennes, gays,personnes bisexuelles et transgenresConséquence de la mobilisation d’une partie del’opinion publique, une modification de la Loi relativeà l’information du public est entrée en vigueur enjuin. Celle-ci prenait le contre-pied d’une précédentemodification adoptée en 2010 et interdisant toute202 Amnesty International - Rapport 2012


discrimination fondée sur l’orientation sexuelle dans lapublicité et sur les ondes publiques, <strong>com</strong>me prévupar le droit international.Un certain nombre de dispositions ou depropositions de modification de la législation restaientdiscriminatoires. Ainsi, le programme du Parlementpublié en septembre <strong>com</strong>portait notamment l’examende propositions de modification du Code relatif auxinfractions administratives. Il s’agissait de mettre enplace des peines d’amende pour les personnes« dénigrant les principes moraux constitutionnels etles valeurs de la famille » ou « organisant desévénements contraires à la morale sociale ». Cemême programme prévoyait également l’examen deprojets de modification du Code civil visant à interdirela chirurgie de réattribution sexuelle.La Loi relative à la protection des mineurs contreles effets préjudiciables de l’information publiquerestait en vigueur. Toute information « dénigrant lesvaleurs de la famille » ou encourageant uneconception du mariage autre que l’union entre unhomme et une femme était ainsi proscrite dans leslieux accessibles aux mineurs.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Une délégation d’Amnesty International s’est rendue en Lituanie enseptembre.4 Current evidence: European <strong>com</strong>plicity in the CIA rendition and secretdetention programmes (EUR 01/001/2011).4 Lithuania: Homophobic legislation and accountability for <strong>com</strong>plicity inUS-led rendition and secret detention programmes (EUR 53/001/2011).4 Unlock the truth in Lithuania: Investigate secret prisons now(EUR 53/002/2011).4 Lituanie. L’enquête sur les prisons secrètes doit être rouverte(PRE01/459/2011).MACÉDOINEEX-RÉPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACÉDOINEChef de l’État :Gjorge IvanovChef du gouvernement :Nikola GruevskiPeine de mort :aboliePopulation :2,1 millionsEspérance de vie :74,8 ansMortalité des moins de cinq ans : 10,5 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 97,1 %Dix ans après le conflit armé de 2001, despoursuites pour crimes de guerre que le Tribunalpénal international pour l’ex-Yougoslavie (leTribunal) avait finalement confiées à la justicemacédonienne ont été annulées. Le gouvernementa mis un certain nombre d’entraves à la liberté dela presse.ContexteLe respect des droits humains s’est dégradé tout aulong de l’année. L’opposition ayant boycotté leParlement, notamment en raison de ce qu’elledénonçait <strong>com</strong>me des ingérences du gouvernementdans le travail des médias, des élections ont étéorganisées en juin. Celles-ci ont reconduit à la tête dupays la coalition constituée par, d’une part l’allianceentre l’Organisation révolutionnaire macédonienneinterne et le Parti démocrate pour l’unité nationalemacédonienne (VMRO-DPMNE), d’autre part l’Uniondémocratique pour l’intégration (BDI), implantée dansla <strong>com</strong>munauté albanaise. Cette dernière formation amis plusieurs conditions à sa participation augouvernement, entre autre l’amnistie pour les crimesde guerre.La construction de monuments nationalistes n’afait qu’exacerber les tensions entre groupesethniques. En février, des membres de la<strong>com</strong>munauté albanaise, dont des représentants dela BDI, ont tenté d’arrêter le chantier deconstruction d’un musée en forme d’église, dansl’enceinte de la forteresse de Skopje. L’incident afait huit blessés. En octobre, un recensement a étéannulé peu après son démarrage, les différentesparties ne parvenant pas à s’entendre surl’opportunité de tenir <strong>com</strong>pte des Albanais deMacédoine vivant depuis plus d’un an à l’étranger– les règles de l’Union européenne sur la collectede données prévoient la non-inclusion de cespersonnes dans les statistiques.MAmnesty International - Rapport 2012203


MLa Commission européenne a de nouveaure<strong>com</strong>mandé, en octobre, l’ouverture de négociationsen vue de l’adhésion de la Macédoine à l’Unioneuropéenne. Le Conseil des ministres de l’Union acependant de nouveau reporté le début despourparlers, en partie parce que le contentieux avecla Grèce sur le nom officiel du pays n’avait toujourspas été réglé.Crimes de guerreLe Parlement a adopté en juillet une nouvelleinterprétation de la Loi d’amnistie de 2002, quiexemptait de toute sanction les personnes impliquéesdans le conflit armé de 2001, dès lors qu’ellesn’étaient pas citées dans des affaires relevant de la<strong>com</strong>pétence du Tribunal. Aux termes de cetteinterprétation de la loi, quatre affaires de crimes deguerre, renvoyées en 2008 par le Tribunal auxinstances judiciaires macédoniennes, ne pouvaientêtre jugées que par le Tribunal et non par cesdernières, en violation des obligations internationalesin<strong>com</strong>bant à la Macédoine.Ainsi, à la demande du parquet, le tribunal pénalde Skopje s’est dessaisi en septembre de l’affaire desouvriers des ponts et chaussée de la société Mavrovo.Cette affaire concernait plusieurs ouvriers qui auraientété enlevés en 2001 par des membres de l’Armée delibération nationale (UÇK) albanaise, maltraités,soumis à des sévices sexuels et menacés de mort,avant d’être finalement relâchés. Le tribunal acependant autorisé les victimes à intenter une actionau civil pour obtenir des réparations.Les poursuites dans les autres affaires ont étéabandonnées fin octobre. Dans l’affaire dite de la« direction de l’Armée de libération nationale (UÇK) »,l’un des accusés n’était autre qu’Ali Ahmeti, ledirigeant de la BDI, qui était à l’époque à la tête del’UÇK. Une troisième affaire, dite de « Neprošteno »,concernait l’enlèvement présumé de 12 membres dela <strong>com</strong>munauté macédonienne slave et d’un Bulgarepar des <strong>com</strong>battants de l’UÇK.Les disparitions forcées, en 2001, de six membresde la <strong>com</strong>munauté albanaise aux mains des autoritésmacédoniennes, demeuraient impunies.Torture et autres mauvais traitementsOpérationnels à partir du mois d’avril, les services dumédiateur national tenaient lieu de mécanismenational de prévention, au titre du Protocole facultatifse rapportant à la Convention contre la torture [ONU].Ils ne disposaient cependant ni de l’autorité ni demoyens suffisants pour s’acquitter de leur mission.Les policiers responsables de mauvais traitementsbénéficiaient toujours de l’impunité. Le parquet n’apas enquêté sérieusement sur les allégations qui luiparvenaient. L’unité « Alpha » de la police a cetteannée encore été accusée de mauvais traitements.Homicides illégauxn Roué de coups le 6 juin, alors qu’il fêtait à Skopje lesrésultats des élections, Martin Neskovski est mort peuaprès des suites de blessures à la tête. La police a dansun premier démenti toute implication, mais un membrede la brigade des « Tigres » (une unité antiterroriste desforces de sécurité), Igor Spasov, a été arrêté le 8 juin.Plusieurs manifestations ont eu lieu pour dénoncer lesretards pris dans cette enquête et exiger la mise enplace d’un contrôle plus strict du pouvoir civil sur lapolice. Des poursuites pénales ont été ouvertes ennovembre sur la mort de Martin Neskovski.Lutte contre le terrorisme et sécuritéSaisie par Khaled el Masri, qui accusait la Macédoinede s’être rendue <strong>com</strong>plice de son enlèvement, de sadétention illégale et des mauvais traitements qu’il asubis pendant 23 jours en 2003 à Skopje, la Coureuropéenne des droits de l’homme n’avait toujourspas engagé la procédure dans cette affaire à la fin del’année. Khaled el-Masri avait ensuite été remisillégalement aux autorités américaines, qui l’avaienttransféré en Afghanistan, où il aurait été torturé et,plus généralement, maltraité. En février, dans le cadred’une action intentée au civil, un expert a apporté,dans sa déposition, un certain nombre d’informationsconcernant les vols dits de « restitution » ayant permisle transfert de Khaled el-Masri de Skopje à Kaboul.L’affaire a cependant été ajournée en raison del’absence d’une procédure autorisant Khaled el-Masrià témoigner par vidéoconférence depuis l’Allemagne.Liberté d’expressionLes journalistes et les collaborateurs des médiasindépendants ont vu leur liberté d’expression soumiseà des restrictions croissantes en raison desingérences du gouvernement, allant de manœuvresd’intimidation directes au contrôle des annonceurs.Au mois d’octobre, on <strong>com</strong>ptait quelque 105 procèsen diffamation intentés à des journalistes, souvent pardes représentants de l’État. Jadranka Kostova,rédactrice de Focus, a été condamnée à une amende204 Amnesty International - Rapport 2012


d’un million de denars (plus de 16 000 euros) pourdiffamation présumée.En janvier, les pouvoirs publics ont gelé les <strong>com</strong>ptesbancaires de la chaîne de télévision A1 et des journauxdu même groupe, Vreme, Shpic et Koha e Re, critiques àl’égard du gouvernement. Un mois plus tôt, en décembre2010, le propriétaire de la chaîne A1 et 14 autrespersonnes, accusés de fraude et d’évasion fiscale,avaient été arrêtés et placés en détention. Le procès quis’est déroulé par la suite a été hautement politisé ; despréoccupations ont par ailleurs été exprimées quant à ladurée de la détention des prévenus.En juillet, la chaîne A1 a fermé et les versionsimprimées des journaux du groupe ont cessé deparaître. Des centaines de journalistes ont protestécontre cette fermeture et contre les licenciements quil’avaient ac<strong>com</strong>pagnée au sein des rédactions. Unesyndicaliste a été à son tour licenciée, selon touteapparence parce qu’elle avait participé auxmanifestations. Plusieurs modifications de la Loi sur laradiotélédiffusion adoptées un peu plus tard en juilletont renforcé le contrôle du gouvernement sur leConseil du même nom, chargé de réguler les médiasélectroniques.Des discussions ont <strong>com</strong>mencé en octobre entredes représentants du gouvernement et desjournalistes qui exigeaient la suppression du délit dediffamation. Dans une interview télévisée, le Premierministre a accusé le journaliste Borjan Jovanovski demettre en péril l’adhésion de la Macédoine à l’Unioneuropéenne.DiscriminationLa Loi de 2010 contre la discrimination est entrée envigueur en janvier et la Commission pour la protectionen matière de discrimination a <strong>com</strong>mencé à recevoirdes plaintes en avril. Plusieurs ONG se sontinterrogées sur la <strong>com</strong>pétence et l’indépendance decette Commission, dans la mesure où ses membresélus n’avaient guère d’expérience en matière de droitshumains et où trois d’entre eux étaient desfonctionnaires. La loi ne <strong>com</strong>portait pas de dispositiongarantissant les droits des lesbiennes, des gays, despersonnes bisexuelles et des transgenres ; laCommission a néanmoins ordonné le retrait d’unmanuel de psychologie à teneur homophobe.La mise en œuvre de l’Accord-cadre d’Ohrid de2001, qui couvrait notamment la question desdiscriminations à l’égard des membres de la<strong>com</strong>munauté albanaise, suivait son cours. Ladécentralisation des pouvoirs au profit desmunicipalités avançait avec lenteur et la Loi sur leslangues était partiellement appliquée. Dansl’enseignement, la ségrégation des élèves roms oud’origine albanaise restait une réalité.Les RomsLa Macédoine, qui a pris en juillet la présidence de laDécennie pour l’intégration des Roms, n’a pasconsacré suffisamment de moyens à la mise enœuvre de ses propres plans d’action en ce domaineet de sa Stratégie nationale pour la promotion de lafemme rom.De nombreux Roms ne disposaient toujours pasdes documents personnels leur donnant accès àl’éducation, à la santé, à l’emploi et à la protectionsociale. L’ONG Centre national rom a aidé1 519 Roms à déposer une demande derégularisation de leurs biens au titre d’une loi adoptéeau mois de mars. Les quartiers précaires habités parles Roms n’ont généralement ni eau courante, niélectricité, ni assainissement ni voirie.Le Centre européen pour les droits des Roms aindiqué en mai que les enfants roms représentaient46 % des élèves des écoles spéciales et des classesd’enseignement primaire réservées aux enfants ayantdes besoins particuliers.Réfugiés et demandeurs d’asileIl y avait encore en Macédoine 1 519 demandeursd’asile, dont 1 100 Roms et Ashkalis originaires duKosovo. Le ministère du Travail et de la Politiquesociale ne leur apportait ni le soutien financier ni lespossibilités de logement prévus par un accord de2010 sur l’intégration locale. Un certain nombre deRoms, Ashkalis et « Égyptiens » (193 au total) sontretournés au Kosovo et 16 sont partis Serbie ;185 étaient en instance de retour, tandis que 726avaient choisi l’intégration locale.Sous la pression de la Commission européenne, legouvernement a renforcé les contrôles à ses frontièreset mis en place des contrôles à la sortie du territoirequi limitaient la possibilité de se rendre à l’étranger etvisaient bien souvent les Roms. Le ministre del’Intérieur a indiqué que pour le seul mois de juin,764 ressortissants macédoniens s’étaient ainsi vurefuser le droit de quitter le pays.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des déléguées d’Amnesty International se sont rendues en Macédoineen décembre.MAmnesty International - Rapport 2012205


MMADAGASCARRÉPUBLIQUE DE MADAGASCARChef de l’État :Andry Nirina RajoelinaChef du gouvernement : Camille Albert Vital, remplacé parJean Omer Beriziky le 29 octobrePeine de mort :abolie en pratiquePopulation :21,3 millionsEspérance de vie :66,7 ansMortalité des moins de cinq ans : 57,7 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 64,5 %Les forces de sécurité se sont rendues coupables degraves violations des droits humains, notammentd’homicides illégaux, d’actes de torture ainsi qued’arrestations et de détentions arbitraires. Lesmanœuvres de harcèlement et d’intimidation visantdes journalistes et des avocats se sont poursuivies,de même que la détention sans jugementd’opposants politiques. Les conditions carcéralesétaient éprouvantes et les droits des détenusrégulièrement bafoués.ContexteLe 17 septembre, sous l’égide de la Communauté dedéveloppement de l’Afrique australe, les dirigeantspolitiques malgaches ont signé près de la capitale,Antananarivo, une feuille de route visant à trouverune solution à la crise politique que traversait leurpays. Un nouveau Premier ministre a été nommé enoctobre et un gouvernement d’unité nationaleintégrant des membres de l’opposition a été formé ennovembre. L’ancien président Didier Ratsiraka estrevenu à Madagascar en novembre après neufannées d’exil en France ; il est toutefois reparti à Parisle 12 décembre. Un nouveau Parlement de transitiona été proclamé le 1 er décembre.Homicides illégauxDes membres des forces de sécurité ont tué dessuspects, dans une impunité quasi totale.n Trois hommes ont été abattus le 8 septembre àAntananarivo par des policiers du Groupe d’interventionrapide (GIR). Selon les témoignages recueillis, ilsn’étaient pas armés et n’ont opposé aucune résistancelorsque les policiers leur ont ordonné de s’immobiliser.Malgré la médiatisation de cette affaire, aucuneenquête n’avait été ouverte à la fin de l’année.Le 9 décembre, Michel Rahavana, substitut duprocureur à Toliara, a été tué à proximité de sonbureau et de la prison de la ville par un groupe depoliciers qui cherchaient à obtenir la remise en libertéd’un de leurs collègues, emprisonné dans le cadred’une affaire de vol. À la suite d’une grève desmagistrats, la ministre de la Justice a assuré à la finde l’année qu’une enquête serait menée.Mort en détentionn Le 17 juillet, Hajaharimananirainy Zenon, unchauffeur de taxi connu sous le nom de « Bota », estmort après avoir été arrêté et torturé dans le quartierdes 67 ha à Antananarivo, par des membres de laForce d’intervention de la police (FIP) qui ont déposéson corps à la morgue de l’hôpital général de la capitalele lendemain matin. Sa famille a porté plainte le30 août, mais on ignorait à la fin de l’année si uneenquête officielle avait été ouverte.Détention sans jugementPlusieurs dizaines d’opposants – réels ou supposés –à la Haute autorité de la transition (HAT) demeuraientdétenus sans jugement. Certains avaient été arrêtésen 2009.n Rakotompanahy Andry Faly, ancien stagiaire à lastation de radio Malagasy Broadcasting System (MBS),était maintenu en détention malgré ses gravesproblèmes de santé et ses demandes répétées delibération sous caution, qui ont été rejetées par lesautorités. Cet homme avait été arrêté avec trois autresemployés de MBS à Antananarivo en juin 2009 par desmembres de la Commission nationale mixte d’enquête,un organe de sécurité spécialement créé par la HAT. Enjuillet 2011, il a été transféré à la clinique de la prisoncentrale d’Antanimora, à Antananarivo, où il se trouvaittoujours à la fin de l’année. Andry Faly était l’un des18 détenus ayant mené une grève de la faim en 2010pour exhorter les autorités malgaches à organiser leurprocès dans des délais raisonnables.Conditions carcéralesLes conditions carcérales étaient éprouvantes et lesdroits des prisonniers bafoués. Les soins de santé, lanourriture et les installations sanitaires en détentionétaient insuffisants. Selon un rapport présenté en juinpar les autorités, 19 870 personnes étaientincarcérées dans les prisons du pays, dont lacapacité maximale était de 10 319 places. Parmi ellesfiguraient 785 femmes et 444 mineurs. Le rapportprécisait que 10 517 d’entre elles étaient en détentionprovisoire.206 Amnesty International - Rapport 2012


Peine de mortn Selon les chiffres officiels, 58 détenus étaientincarcérés dans le quartier des condamnés à mort, oùcertains se trouvaient depuis des années en attendantque leur dossier soit examiné par la Cour de cassation.Droits des enfantsL’UNICEF a indiqué que certains enfants vivant àMadagascar souffraient de malnutrition, étaient sanslogement, n’étaient pas scolarisés, étaient privés desoins de santé essentiels ou n’avaient pas un accèssuffisant à l’eau et aux installations sanitaires. Selonl’organisation, la traite des enfants aux finsd’esclavage domestique et sexuel se poursuivait. Cespratiques avaient cours en toute impunité.Arrestations et détentions arbitrairesLes arrestations et les détentions arbitraires étaientcourantes. Dans certains cas, des avocats quiassistaient ou défendaient des opposants – réels ousupposés – à la HAT ont fait eux-mêmes l’objetd’une arrestation et d’une détention pouvants’apparenter à une forme de harcèlement etd’intimidation en ce qui les concernait, et,concernant leurs clients, à une privation du droit àune assistance juridique.n Le 28 février, Rolland Stephenson Ranarivony,avocat d’un membre de l’Église réformée deMadagascar (FJKM), a été arrêté et placé en détentionpar des agents de la Direction de la sécurité duterritoire (DST) lorsqu’il est allé se renseigner sur lasituation de son client, qui était détenu par ce service àAntananarivo. Il a été libéré le jour même, après que leprésident de l’Ordre des avocats eut protestépubliquement contre son arrestation et son placementen détention.Liberté d’expression – médiasLes médias privés et ceux soupçonnés d’avoir desliens avec l’opposition ont été pris pour cibles parla HAT.n Le ministre de la Communication a fait savoir que80 organes de presse avaient été informés de leursuspension en août, après que leur autorisation dediffusion eut été déclarée illégale. Certainsjournalistes et propriétaires de médias ont dénoncéce qu’ils ont qualifié de décision motivée par desconsidérations politiques. On ignorait si lessuspensions étaient toujours en vigueur à la finde l’année.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus à Madagascar enseptembre.4 Madagascar. Les droits humains doivent être au cœur de la feuille deroute pour sortir de la crise (AFR 35/001/2011).MALAISIEMALAISIEChef de l’État : Mizan Zainal Abidin, remplacé parAbdul Halim Mu’adzam Shah le 13 décembreChef du gouvernement :Najib Tun RazakPeine de mort :maintenuePopulation :28,9 millionsEspérance de vie :74,2 ansMortalité des moins de cinq ans : 6,1 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 92,5 %Les autorités ont déclenché une brutale campagnede répression lorsqu’un mouvement de contestationde masse, exigeant la tenue d’élections équitables,a déferlé dans la capitale en juillet. Plus de1 600 personnes ont été arrêtées lors de la violentereprise en main de la manifestation pacifique. Legouvernement a annoncé en septembre sonintention de remplacer la Loi relative à la sécuritéintérieure par une nouvelle législation.ContexteNajib Tun Razak a entamé sa troisième année à latête du gouvernement. Il avait jusqu’au mois de mars2013 pour convoquer des élections générales mais,au vu des préparatifs officiels, il semblerait que lescrutin se déroule début 2012. Le procès au pénalmanifestement politique d’Anwar Ibrahim, accusé desodomie, touchait à sa fin. En cas de condamnation,ce dirigeant de l’opposition encourait une peined’emprisonnement et une interdiction d’exercer desfonctions politiques.Liberté de réunion et d’associationLors d’une marche organisée à Kuala-Lumpur par lemouvement Bersih (« Propre »), en juillet,1 667 manifestants non violents ont été interpellés etarbitrairement placés en garde à vue. La police afrappé des participants et tiré des grenades de gazlacrymogène directement sur la foule. La répression aMAmnesty International - Rapport 2012207


Mfait plusieurs blessés parmi les manifestants, dont aumoins deux parlementaires de l’opposition. Avant lamanifestation, les autorités avaient arrêté plusieursdizaines de personnes à qui elles reprochaientd’appartenir au mouvement Bersih, interdit depuisle 2 juillet.n Le gouvernement a empêché l’ONG Hindraf MakkalSakthi (Hindraf), qui milite pour l’égalité des droits desMalaisiens d’origine indienne, ainsi que le Parti desdroits humains, une formation proche de cettedernière, d’organiser une manifestation contre leracisme, en février, à Kuala-Lumpur. Les procès aupénal de 52 membres de Hindraf, accusésd’appartenance à une organisation interdite, ontdébuté en avril.Arrestations et détentions arbitrairesLe Premier ministre Najib Tun Razak a créé lasurprise en septembre lorsqu’il a annoncé que songouvernement avait l’intention de faire abroger la Loirelative à la sécurité intérieure. Cette mesure acependant été repoussée jusqu’au mois de mars2012. Le gouvernement souhaitait d’ailleursremplacer cette loi par un autre texte, qui autoriseraitlui aussi la détention illimitée sans procès. Treizepersonnes ont encore été arrêtées en novembre autitre de la Loi relative à la sécurité intérieure.n Huit agents des services d’immigration qui étaientdétenus en vertu de la Loi relative à la sécuritéintérieure ont été libérés en août. Arrêtés en 2010 pourtrafic d’êtres humains (une première pour la Malaisie),ils n’avaient jamais été inculpés.n Un homme détenu au titre de la Loi relative à lasécurité intérieure a été expulsé en septembre versSingapour, où il a été incarcéré aux termes dedispositions du même type. Un deuxième homme,Abdul Majid Kunji Mohamad, soupçonné d’être lié auFront de libération islamique moro, un mouvementséparatiste philippin, a été arrêté en mai par lesautorités malaisiennes. De nationalité singapourienne,il a lui aussi été expulsé vers Singapour, où il a été placéen détention au titre de la loi locale relative à la sécuritéintérieure (voir Singapour).n En juillet, six militants ont été placés en détentionadministrative dans un lieu secret. Tous étaient descadres du Parti socialiste de Malaisie. Parmi euxfigurait notamment un parlementaire, JeyakumarDevaraj. Ils avaient été arrêtés en juin à Penang, alorsqu’ils se rendaient à un rassemblement du Bersih. Ilsont été relâchés à la fin du mois de juillet.Liberté d’expressionPour museler la critique, le gouvernement a exigé desorganes de presse qu’ils obtiennent une licence etmenacé ses détracteurs de poursuites pénales autitre de la Loi relative à la sédition.n Le site d’information très fréquenté Malaysiakini acontesté en février le rejet par le gouvernement de sademande d’autorisation de publication d’un journal. Leministère de l’Intérieur a répondu en septembre quepublier un journal était plus un « privilège » qu’un droit.Le site de Malaysiakini a été paralysé par une attaqueinformatique la veille du rassemblement dumouvement Bersih, le 9 juillet.n La police a mené en octobre une enquête au titre dela Loi relative à la sédition sur les activités d’Aziz Bari. Ilétait reproché à ce professeur de droit d’avoir, dans unmessage mis en ligne, critiqué le soutien apporté par lesultan de l’État de Selangor à une action menée contreune église par la police religieuse islamique de l’État.Aziz Bari a également fait l’objet d’une enquête de laCommission malaisienne des <strong>com</strong>munications et dumultimédia ; il a en outre été suspendu de ses fonctionsd’enseignant au sein de l’Université islamiqueinternationale.Torture et autres mauvais traitementsLa bastonnade, qui constituait une forme de tortureou de mauvais traitement, continuait d’êtresystématiquement appliquée pour punir plus d’unesoixantaine d’infractions au Code pénal.n Le ministre de l’Intérieur a indiqué en juin que29 759 travailleurs étrangers, dont 60 %d’Indonésiens, avaient été soumis à ce châtimententre 2005 et 2010, pour des infractions à la législationsur l’immigration.Réfugiés et migrantsLa Haute Cour australienne a rendu en août un arrêtdans lequel elle déclarait non valable un accordbilatéral d’échange de réfugiés conclu entrel’Australie et la Malaisie. Cet accord prévoyait l’envoien Malaisie de 800 demandeurs d’asile arrivés parbateau sur les côtes australiennes. En contrepartie,l’Australie devait assurer l’installation de 4 000réfugiés venus de Malaisie. L’arrêt de la Haute Courinterdisait à l’Australie d’expulser les demandeursd’asile, au motif que la Malaisie, qui n’avait pas ratifiéla Convention relative au statut des réfugiés [ONU],ne présentait pas de garanties légales suffisantes enmatière de protection des réfugiés (voir Australie).208 Amnesty International - Rapport 2012


n Des migrants internés au centre de détention deLenggeng, près de Kuala-Lumpur, se sont révoltés enavril. Selon une enquête de police, les émeutesauraient notamment été causées par les mauvaisesconditions de détention dans ce centre, et par le faitque la durée de la détention était indéterminée. Lesmigrants sans papiers sont régulièrement placés endétention en Malaisie. En cas de condamnation, ilsencourent des peines d’emprisonnement ou debastonnade.n La Malaisie et l’Indonésie ont signé le 30 mai unprotocole d’accord concernant les migrants employésde maison. Cet accord permettait aux Indonésiensemployés <strong>com</strong>me domestiques en Malaisie deconserver leur passeport et de disposer d’une journéede repos hebdomadaire. Toutefois, il ne fixait pas desalaire minimum, pas plus qu’il ne traitait de laquestion de la servitude pour dettes.n La Malaisie a expulsé en août vers la Chine au moins11 Chinois d’origine ouïghoure qui avaient été arrêtésau cours d’une opération de police ciblée. La Chinefaisait pression sur un certain nombre de pays,notamment asiatiques, pour qu’ils renvoient lesOuïghours de nationalité chinoise réfugiés chez eux. Enrenvoyant ces personnes en Chine, pays où desOuïghours ont déjà été torturés, la Malaisie a violé leprincipe du non-refoulement, inscrit dans le droitinternational coutumier.Peine de mortLe gouvernement malaisien n’a pas publié destatistiques sur les condamnations à mort et lesexécutions. Les autorités ont rejeté les appels enfaveur de l’instauration d’un moratoire sur lesexécutions et les tribunaux du pays continuaient deprononcer régulièrement la peine capitale.n Répondant à une question parlementaire en avril, leministre de l’Intérieur, Hishammuddin Hussein, adéclaré que 441 personnes avaient été exécutéesdepuis 1960. Il a indiqué que 696 prisonniers setrouvaient dans les couloirs de la mort en février 2011.La majorité des condamnations à mort prononcéesl’étaient pour des infractions à la législation sur lesstupéfiants (69 %), les meurtres représentant 29 % dutotal. Ces deux infractions étaient obligatoirementsanctionnées par la peine capitale.Justice internationaleEn mars, le conseil des ministres a décidé d’adhérerau Statut de Rome de la Cour pénale internationale,mais cette décision n’avait toujours pas été mise àexécution à la fin de l’année.n Le gouvernement a annoncé en juin que le présidentsoudanais Omar el Béchir participerait à un foruméconomique en Malaisie. Or, la Cour pénaleinternationale (CPI) a décerné des mandats d’arrêt àl’encontre du chef d’État soudanais pour génocide,crimes contre l’humanité et crimes de guerre auDarfour. Le ministre des Affaires juridiques, Nazri Aziz,a invité le gouvernement à revenir sur cette invitation,invoquant notamment la décision de la Malaisied’adhérer à la CPI. La visite du chef de l’État soudanaisa été annulée.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Une délégation d’Amnesty International s’est rendue en Malaisieen mars.4 Malaisie. Le gouvernement révèle que près de 30 000 étrangers ont étésoumis à la bastonnade (PRE01/129/2011).4 Malaisie. La police recourt à des tactiques brutales contre lesmanifestants pacifiques (PRE01/345/2011).4 Malaisie. De nouvelles détentions montrent un revirement quant auxpromesses de réforme (PRE01/574/2011).MALAWIRÉPUBLIQUE DU MALAWIChef de l’État et du gouvernement : Bingu wa MutharikaPeine de mort :abolie en pratiquePopulation :15,4 millionsEspérance de vie :54,2 ansMortalité des moins de cinq ans : 110 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 73,7 %Des défenseurs des droits humains et d’autresdétracteurs du gouvernement ont été la cible demanœuvres de harcèlement et d’intimidation.Plusieurs figures de la société civile ont dû entrerdans la clandestinité pour se protéger des attaquesde plus en plus nombreuses visant les personnes semontrant critiques vis-à-vis du régime. La police ariposté avec brutalité à la contestationantigouvernementale, tirant à balles réelles sur desmanifestants. De nouvelles restrictions à la libertéde la presse ont été introduites dans le Code pénal.MAmnesty International - Rapport 2012209


MLes lesbiennes, les gays, les personnes bisexuelleset les transgenres continuaient de faire l’objet depersécutions.ContexteLe climat s’est tendu au fil des mois tandis que lasociété civile continuait de dénoncer les violations desdroits humains, la dégradation de la situationéconomique et la mauvaise gestion des affairespubliques.L’ambassadeur du Royaume-Uni au Malawi a étéexpulsé du pays en avril, après la fuite d’un câblediplomatique dans lequel il dépeignait le régime duprésident Mutharika <strong>com</strong>me de plus en plus« autocratique et intolérant vis-à-vis des critiques ». Legouvernement britannique a riposté en expulsant lereprésentant du Malawi au Royaume-Uni et en gelantles aides. En juillet, invoquant une situationpréoccupante sur le plan de la gestion économique,de la gouvernance et des droits humains, legouvernement du Royaume-Uni a suspendu pourune durée indéterminée son appui budgétaire généralau Malawi (19 millions de livres), emboîtant ainsi lepas à d’autres bailleurs de fonds internationaux quiavaient déjà suspendu ou cessé leur soutien. Après lamort, en juillet, de 19 personnes tuées par des tirs àballes réelles lors de la dispersion de manifestationspar la police, les États-Unis ont suspendu leversement d’une aide de 350 millions de dollars.Au mépris de ses obligations légales vis-à-vis de laCour pénale internationale, le Malawi n’a pas procédéà l’arrestation du président soudanais Omar el Béchir,qui se trouvait sur son sol en octobre à l’occasiond’un sommet sur le <strong>com</strong>merce régional.Répression de la dissidenceDes défenseurs des droits humains et d’autresdétracteurs du régime ont été la cible de manœuvresde harcèlement et d’intimidation, notamment demenaces de mort, d’attentats au cocktail Molotov etd’autres agressions ; des individus ont égalementpénétré de force dans leurs maisons ou leursbureaux. Plusieurs locaux d’ONG ont été cambriolésdans des circonstances suspectes. Les menaces etles attaques étaient le fait de personnes serevendiquant <strong>com</strong>me des sympathisants du Partidémocratique progressiste (DPP, au pouvoir) oud’hommes non identifiés pouvant appartenir auxservices de sécurité nationaux. Des défenseurs desdroits humains s’exprimant dans des réunionsinternationales ou impliqués dans l’organisation demanifestations antigouvernementales ont été pris àpartie publiquement et menacés de violences etd’arrestation par des responsables publics, y <strong>com</strong>prispar le président Mutharika.n En mars, lors d’un meeting retransmis à la télévisionet à la radio, le président a déclaré aux partisans duDPP que ceux qui critiquaient le gouvernementseraient remis entre leurs mains et que le DPP devrait« faire régner la discipline au Malawi ».n Toujours en mars, des hommes non identifiés armésde couteaux et de machettes ont fait irruption dans leslocaux du Centre pour les droits de l’homme et laréhabilitation et ont obligé le gardien à les conduirejusqu’au domicile du directeur, UnduleMwakasungura. Le gardien a ensuite été kidnappé,roué de coups puis abandonné à son sort dans laZone 18 de Lilongwé.n En juillet, le président a publiquement menacé de« traquer » les chefs de file des manifestationsantigouvernementales qui se sont déroulées dans toutle pays les 20 et 21 juillet.n Un grand nombre de personnalités de la sociétécivile et d’universitaires ont affirmé avoir reçu desmenaces de mort entre mars et septembre. Parmi ellesfiguraient Benedicto Kondower (Coalition de la sociétécivile pour une éducation de base de qualité), DorothyNgoma (Organisation nationale des infirmières etsages-femmes) et Jessie Kwabila Kapasula, présidentepar intérim du syndicat enseignant du ChancellorCollege.n En septembre, des hommes non identifiés se sontintroduits dans les bureaux du Centre pour ledéveloppement de la population à la recherche de sondirecteur, Gift Trapence. Le même mois, des cocktailsMolotov ont été lancés contre les maisons ou lesbureaux de plusieurs détracteurs du gouvernement,dont l’opposant politique Salim Bagus et les militantsRafiq Hajat et Macdonald Sembereka.Liberté de réunion et d’expressionEn janvier, l’article 46 du Code pénal a été modifié demanière à conférer au ministre de l’Information lepouvoir discrétionnaire d’interdire une publication s’ila « des motifs raisonnables de croire que lapublication ou l’importation » de celle-ci « seraitcontraire à l’intérêt général ».Les 20 et 21 juillet, des manifestations contre lamauvaise gestion des affaires publiques, les pénuriesde carburant et les violations des droits humains ont210 Amnesty International - Rapport 2012


eu lieu dans les principales villes du pays, notammentBlantyre, Lilongwé, Mzuzu et Zomba. Aumoins 19 personnes ont été tuées et plusieurs autres,y <strong>com</strong>pris des enfants, ont été blessées quand lapolice a tiré à balles réelles pour disperser lesmanifestants. À Mzuzu, dans le nord du pays, neufpersonnes ont été tuées et des dizaines d’autres,parmi lesquelles des enfants, ont été blessées parballes. Environ 500 personnes, dont plusieursdéfenseurs des droits humains, ont été arrêtées dansle cadre de ces mouvements de protestation ; aprèsun bref placement en détention le 20 juillet, elles ontété libérées sans inculpation.Vingt-deux journalistes ont déclaré avoir étéfrappés par des policiers durant les manifestations.Au moins huit d’entre eux ont été sérieusementblessés à coups de crosse. La police a saisi, puisdétruit ou jeté, les outils de travail de professionnelsdes médias qui couvraient les événements,notamment des caméras et du matériel d’écriture. Lesjournalistes Collins Mtika et Vitima Ndovi ont étéinterpellés puis placés en détention pendant plusieursjours ; tous deux ont déclaré avoir été frappés par despoliciers. Quatre stations de radio indépendantes quicouvraient les manifestations ont été temporairementinterdites d’émettre.Cinq militants – Billy Mayaya, membre de l’Églisepresbytérienne d’Afrique centrale - Synode deNkhoma, Habiba Osman, avocate de l’ONGNorwegian Church Aid, ainsi que Brian Nyasulu, BenChiza Mkandawire et Comfort Chitseko – ont étéinterpellés le 14 octobre pour avoir pris part à unemanifestation appelant le président Mutharika àorganiser un référendum sur une élection anticipée.Droits des lesbiennes, des gays,des personnes bisexuelles et destransgenresEn janvier, le Malawi a promulgué une loi érigeant eninfraction pénale les relations sexuelles entre femmes.En avril deux hommes, Stanley Kanthunkako etStephano Kalimbakatha, ont été inculpés de sodomieet d’outrage aux bonnes mœurs. Ils devaient êtrejugés par le tribunal de première instance de Zomba.Lors d’un meeting du DPP organisé à Lilongwé enmai, le président Mutharika a déclaré que les gaysétaient « pires que des chiens ».MALDIVESRÉPUBLIQUE DES MALDIVESChef de l’État et du gouvernement : Mohamed NasheedPeine de mort :abolie en pratiquePopulation :0,3 millionEspérance de vie :76,8 ansMortalité des moins de cinq ans : 12,7 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 98,4 %Les avancées en matière de droits humains ont étéentravées par l’impasse politique dans laquelle setrouvaient le président et le Parlement, oùl’opposition était majoritaire. Le gouvernement aconservé la flagellation en tant que châtiment,dans un geste manifeste en direction del’opposition, qui réclamait son maintien dans lalégislation. Les initiatives publiques en faveur dela liberté de religion ont été étouffées par unecampagne de l’opposition en faveur d’uneapplication stricte de la charia. Le gouvernementn’a pris aucune mesure pour traduire en justiceles responsables des violations des droits humains<strong>com</strong>mises durant les 30 années que l’ancienprésident Maumoon Abdul Gayoom a passées aupouvoir.Châtiments cruels, inhumains oudégradantsLa haut-<strong>com</strong>missaire des Nations unies aux droits del’homme a appelé à la mise en place d’un moratoiresur les flagellations, ce qui a déclenché en novembreun débat national sur ce châtiment. Ce débat s’estconclu à la fin du mois de décembre, quand le partid’opposition Adhalaat a réclamé la stricte applicationde la charia et le maintien de la flagellation dans lalégislation afin de « protéger l’islam ». D’autrespersonnalités politiques de l’opposition ont apportéleur soutien à cet appel.Aucune statistique concernant le nombre depersonnes flagellées n’était disponible, mais desdéfenseurs des droits humains ont signalé que lesjuges prononçaient souvent cette peine, qui étaitensuite appliquée derrière les locaux des tribunaux.Liberté de religion et de convictionLes appels en faveur de la tolérance religieuse et dela liberté de religion ont été rapidement étouffés pardes groupes islamistes influents et d’autrespersonnalités de l’opposition.MAmnesty International - Rapport 2012211


Mn Le 14 décembre, la police a arrêté et placé endétention Ismail « Khilath » Rasheed, un adepte dusoufisme, parce qu’il avait participé à unemanifestation en faveur de la tolérance religieuse le10 décembre à Malé, la capitale. Amnesty Internationalle considérait <strong>com</strong>me un prisonnier d’opinion. Cethomme et d’autres militants avaient été attaqués parune dizaine d’hommes au cours du rassemblementpacifique. Ismail Rasheed a eu le crâne fracturé. Il a étéarrêté au motif que ses appels à la tolérance religieuseétaient inconstitutionnels. Un article de la Constitutionprévoit en effet que tous les Maldiviens doivent êtremusulmans. Les autorités n’ont rien fait pour arrêterses agresseurs ni pour prononcer une quelconqueinculpation contre eux.JusticeLes Maldives ne disposaient toujours pas d’un corpsde lois codifié garantissant à tous la même justice.Certaines lois étaient formulées de manière tropvague pour empêcher que des erreurs judiciairessoient <strong>com</strong>mises. La plupart des juges n’avaient passuivi de formation juridique en bonne et due forme etexerçaient pourtant un pouvoir discrétionnaireconsidérable ; ils s’appuyaient bien souvent sur leurpropre interprétation de la charia pour déterminer siune infraction avait bien été <strong>com</strong>mise et décider de lasanction appropriée. Un projet de code pénal quiaurait dû apporter une solution à ces défaillances estresté en sommeil au Parlement.Visites et documents d’AmnestyInternational4 Maldives’ police arrest campaigner seeking religious tolerance andallow his attackers impunity (ASA 29/001/2011).MALIRÉPUBLIQUE DU MALIChef de l’État :Amadou Toumani TouréChef du gouvernement : Modibo Sidibé, remplacé parMariam Kaïdama Cissé Sidibé le 3 avrilPeine de mort :abolie en pratiquePopulation :15,8 millionsEspérance de vie :51,4 ansMortalité des moins de cinq ans : 191,1 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 26,2 %Le Mali a mené avec des pays voisins des opérationsde lutte contre Al Qaïda au Maghreb islamique(AQMI). Trois des sept otages enlevés par cetteorganisation en 2010 ont été libérés. Une personnea été tuée et cinq autres ont été enlevées. LaCommission nationale des droits de l’homme are<strong>com</strong>mandé au gouvernement d’abolir la peinecapitale. Dix personnes ont été condamnées à mort.ContexteEn mai, des représentants de quatre payssubsahariens voisins du Mali, dont le Niger et laMauritanie, se sont réunis dans la capitale, Bamako,pour renforcer la coopération dans la lutte contreAQMI. Le Mali et la Mauritanie ont mené desopérations militaires conjointes à leur frontière<strong>com</strong>mune contre une base présumée d’AQMI ;plusieurs personnes, dont des soldats mauritaniens,ont été tuées en juin.En octobre, le représentant spécial du secrétairegénéral des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest afait part de ses préoccupations au sujet de la menacepour la sécurité constituée par l’arrivée dans le norddu Mali de <strong>com</strong>battants de retour de Libye.En décembre, l’Assemblée nationale a adopté unnouveau Code de la famille, qui perpétuait ladiscrimination envers les femmes.Commission nationale des droits del’hommeEn mars, la Commission nationale des droits del’homme a publié son premier rapport. Elle yre<strong>com</strong>mandait l’adoption du projet de loi en faveur del’abolition de la peine de mort, approuvé par legouvernement en 2007. Ce rapport engageait enoutre le gouvernement à interdire les mutilationsgénitales féminines, à améliorer les conditionscarcérales et à prendre des mesures pour prévenir la212 Amnesty International - Rapport 2012


torture et les autres traitements cruels, inhumains oudégradants.Morts consécutives à un exercicemilitaireEn octobre, cinq élèves officiers de l’École militaireinterarmes de Koulikoro sont morts après un« bahutage » (bizutage) traditionnel. Trois hautsresponsables de l’armée et plusieurs instructeurspermanents de l’école ont été arrêtés. Le ministère dela Défense a ordonné une enquête.Exactions perpétrées par des groupesarmésEn janvier, deux personnes ont été blessées aprèsqu’un membre d’AQMI de nationalité tunisienne a faitexploser une bombonne de gaz devant l’ambassadede France à Bamako.En janvier également, deux Français enlevés parAQMI à Niamey, la capitale du Niger, ont trouvé lamort au cours d’une opération de sauvetagemanquée à la frontière malienne.En février, trois personnes enlevées au Niger enseptembre 2010 ont été libérées après le paiementd’une rançon. Quatre autres personnes étaienttoujours détenues par AQMI dans le nord du Mali.En mars, Hamma Ould Mohamed Yahya, enlevépar AQMI en 2010, a été libéré.En novembre, cinq personnes ont été enlevées parAQMI et une autre a été tuée. Deux Français ont étéenlevés dans leur hôtel à Hombori. Au cours dumême mois, des ressortissants des Pays-Bas, del’Afrique du Sud et de la Suède ont été enlevés àTombouctou. Un touriste allemand qui avait tenté derésister à son enlèvement a été tué.Peine de mortDix personnes ont été condamnées à mort. Parmielles figuraient Mariam Sidibé, condamnée en juilletpour le meurtre, <strong>com</strong>mis en 2008, de Mariam Traoré,sa coépouse ; et Bachir Simoun, un Tunisien,condamné en novembre pour avoir causé uneexplosion devant l’ambassade de France à Bamako.Le 15 décembre, Bachir Simoun a été gracié par leprésident Amadou Toumani Touré après que leprésident tunisien, Moncef Marzouki, eut demandéson renvoi dans son pays d’origine.MALTERÉPUBLIQUE DE MALTEChef de l’État :George AbelaChef du gouvernement :Lawrence GonziPeine de mort :aboliePopulation :0,4 millionEspérance de vie :79,6 ansMortalité des moins de cinq ans : 6,7 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 92,4 %En violation du droit international relatif aux droitshumains, Malte persistait à incarcérer les migrantset les demandeurs d’asile arrivant sur son territoire.Les conditions de vie en détention et dans lescentres d’accueil ouverts avaient semble-t-ilempiré. La directive « retour » de l’Unioneuropéenne (UE) a été transposée dans lalégislation nationale, mais avec un champd’application restreint. Les politiques concernantles migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asileont été critiquées par des organismesinternationaux.Migrants, réfugiés et demandeurs d’asileDétentionAu cours de l’année 2011, plus de 1 500 personnessont arrivées par la mer du Moyen-Orient oud’Afrique du Nord, ce qui représentait un retour auxniveaux constatés en 2009. Toutes les personnesconsidérées par les autorités <strong>com</strong>me des« immigrants clandestins » continuaient d’êtreobligatoirement placées en détention, et ce pourune période souvent prolongée jusqu’à 18 mois.Selon certaines informations, les conditions de viedans les centres de détention et les centresd’accueil ouverts se sont dégradées en raison dunombre élevé de nouveaux arrivants, ce qui aaccentué les problèmes de santé physique etmentale des détenus.En mars, la directive « retour » adoptée en 2008par l’UE a été transposée dans la législationnationale. Ce texte établissait des normes et desprocédures <strong>com</strong>munes aux États membres de l’UEpour la détention et le renvoi des personnesséjournant illégalement dans un pays. Cependant, lalégislation nationale excluait celles s’étant vu refuserl’entrée sur le territoire – ou étant entrées à Malte demanière irrégulière – du bénéfice de ces garantiesminimales. À Malte, la directive ne s’appliquait doncMAmnesty International - Rapport 2012213


Mpas à l’immense majorité des personnes qu’ellevisait à protéger.Procédures d’appelLes procédures d’appel disponibles pour contester ladurée et la légitimité de la détention ou le rejet d’unedemande d’asile restaient inadaptées.n À la fin de l’année, aucune mesure n’avait été prisepar le gouvernement pour appliquer l’arrêt LouledMassoud c. Malte rendu en 2010 par la Coureuropéenne des droits de l’homme, qui a établi que lesystème juridique maltais ne prévoyait pas deprocédure permettant d’éviter le risque de détentionarbitraire dans l’attente d’une expulsion.En novembre, la Cour constitutionnelle a statuéque les autorités avaient violé les droits humains dedeux Somaliens qui, en 2004, avaient été renvoyés deforce en Libye, où ils avaient été soumis à la torture età des procès iniques. Pendant leur séjour à Malte,ces deux hommes avaient été privés de la possibilitéde solliciter l’asile et d’être assistés par un interprète.Ils se sont vus accorder une indemnisation.Surveillance internationaleEn juin, le <strong>com</strong>missaire aux droits de l’homme duConseil de l’Europe a indiqué que la politique dedétention obligatoire des migrants et desdemandeurs d’asile était in<strong>com</strong>patible avec lesexigences de la Convention européenne des droitsde l’homme et avec la jurisprudence de la Coureuropéenne des droits de l’homme. Il a égalementcritiqué les conditions de vie dans les centresd’accueil pour migrants, notamment dans le villagede tentes et le hangar de Hal Far ainsi qu’à Marsa,et le traitement réservé aux personnes appartenant àdes groupes vulnérables. Il a proposé des mesurespour améliorer la procédure de détermination dustatut de réfugié, demandé la mise en place d’unprogramme visant à lutter contre l’exclusion socialedes migrants et d’autres personnes, et appelé àl’adoption d’une stratégie pour promouvoirl’intégration locale et <strong>com</strong>battre le racisme et laxénophobie.En septembre, le Comité pour l’élimination de ladiscrimination raciale [ONU] a exprimé soninquiétude au sujet des conditions de vie et dedétention des migrants en situation irrégulière et deleur accès aux garanties juridiques existantes. Il a enoutre déploré le fait que les migrants, les réfugiés etles demandeurs d’asile continuaient d’être victimesde discrimination dans l’exercice des droitséconomiques, sociaux et culturels.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Une déléguée d’Amnesty International s’est rendue à Malte enseptembre et en décembre.MAROC ET SAHARAOCCIDENTALROYAUME DU MAROCChef de l’État :Mohammed VIChef du gouvernement : Abbas El Fassi, remplacé parAbdelilah Benkirane le 29 novembrePeine de mort :abolie en pratiquePopulation :32,3 millionsEspérance de vie :72,2 ansMortalité des moins de cinq ans : 37,5 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 56,1 %Les forces de sécurité ont fait usage d’une forceexcessive contre des manifestants. Cette annéeencore, des détracteurs de la monarchie et desinstitutions étatiques, ainsi que des Sahraouispartisans de l’autodétermination du Saharaoccidental, ont été poursuivis et emprisonnés. Denouveaux cas de torture et de mauvais traitementsinfligés à des détenus ont été signalés. Plusieursprisonniers d’opinion et un homme victime dedétention arbitraire ont recouvré la liberté à la faveurd’une grâce royale, mais les charges retenues contreplusieurs militants sahraouis n’ont pas étéabandonnées. Aucune exécution n’a eu lieu.ContexteDes milliers de personnes ont manifesté le 20 févrierà Rabat et à Casablanca, entre autres villes, pourdemander des réformes. Ces manifestations,autorisées, ont été généralement pacifiques. Lesprotestataires, qui n’ont pas tardé à créer leMouvement du 20 février, réclamaient notammentplus de démocratie, une nouvelle Constitution,l’élimination de la corruption, une amélioration de lasituation économique et un renforcement desservices de santé. Alors que les manifestations sepoursuivaient, un nouveau Conseil national des droitsde l’homme a été créé, le 3 mars, en remplacementdu Conseil consultatif des droits de l’homme. Le roi a214 Amnesty International - Rapport 2012


annoncé, le 9 mars, le lancement d’une réformeconstitutionnelle. À l’issue d’un processus boycottépar les chefs des protestataires, une nouvelleConstitution a été approuvée par un référendumnational le 1 er juillet. Les pouvoirs du roi de désignerles hauts fonctionnaires et de dissoudre le Parlementont été transférés au Premier ministre. Le souverainrestait toutefois <strong>com</strong>mandant en chef des forcesarmées, continuait de présider le Conseil desministres et demeurait la plus haute autoritéreligieuse. La nouvelle Constitution garantit égalementla liberté d’expression et l’égalité entre les hommes etles femmes ; en outre, elle érige en infraction pénalela torture, la détention arbitraire et la disparitionforcée. Le Parti de la justice et du développement(PJD), islamiste, a remporté les élections législativesdu 25 novembre et un nouveau gouvernementprésidé par Abdelilah Benkirane est entré en fonctionle 29 novembre.Le Maroc a levé en avril ses réserves à laConvention sur l’élimination de toutes les formes dediscrimination à l’égard des femmes, quiconcernaient la nationalité des enfants et ladiscrimination en matière de mariage. Le pays aégalement annoncé son intention de ratifier leProtocole facultatif se rapportant à la Conventioncontre la torture et le Protocole facultatif à laConvention sur les femmes [ONU].Les négociations sur le statut du Sahara occidentalentre le Maroc, qui a annexé ce territoire en 1975, etle Front Polisario étaient toujours dans l’impasse. LeFront Polisario continuait de réclamer la mise enplace d’un État indépendant. Le Conseil de sécuritédes Nations unies a renouvelé le 27 avril le mandatde la Mission des Nations unies pour l’organisationd’un référendum au Sahara occidental (MINURSO),qui ne prévoyait aucun mécanisme de surveillance dela situation des droits humains.Répression de la dissidenceBien que les manifestations en faveur des réformesaient été largement pacifiques, les forces de sécuritéseraient dans bien des cas intervenues brutalementcontre les rassemblements ; une personne au moinsest morte et beaucoup d’autres ont été blessées lorsde ces interventions, qui ont donné lieu à descentaines d’interpellations. Si la plupart desmanifestants ont été relâchés, certains ont été jugéset condamnés à des peines d’emprisonnement. Lesforces de sécurité auraient harcelé des proches demembres du Mouvement du 20 février et ellesauraient convoqué aux fins d’interrogatoire de trèsnombreux militants qui appelaient au boycottage desélections législatives.n Le 15 mai, des rassemblements et manifestationsorganisés par le Mouvement du 20 février à Rabat, Fès,Tanger et Témara ont été dispersés à coups dematraque par les forces de sécurité, qui ont égalementfrappé les manifestants à coups de pied et de poing.n Le 29 mai, une manifestation organisée à Safi par leMouvement du 20 février a été violemment disperséepar les forces de sécurité. Un manifestant, KamelAmmari, est mort quelques jours plus tard des suitesde ses blessures.n Le 20 novembre, des membres des forces desécurité ont pris d’assaut les bureaux de l’Associationmarocaine des droits humains (AMDH) à Bou-Arafa ;ils auraient battu plusieurs membres du personnelainsi que des jeunes qui se préparaient à rejoindreune manifestation.Liberté d’expressionDes journalistes, entre autres, risquaient toujoursd’être poursuivis et emprisonnés pour avoir critiquépubliquement les autorités ou des institutions ou pouravoir <strong>com</strong>menté des sujets considérés <strong>com</strong>mepolitiquement sensibles.n Le 2 mars, le roi a accordé son pardon à KaddourTerhzaz, un militaire de haut rang à la retraite qui étaitemprisonné pour avoir menacé « la sécuritéextérieure » du Maroc. Cet homme avait envoyé unelettre au roi dans laquelle il réclamait l’amélioration dela situation des anciens pilotes de l’armée de l’air.n Le 14 avril, le roi a gracié Chekib El Khiari, journalisteet défenseur des droits humains, qui purgeait unepeine de trois ans d’emprisonnement prononcée à sonencontre en 2009 parce qu’il avait dénoncé lacorruption.n Le rédacteur en chef du quotidien El Massa, RachidNini, a été condamné le 9 juin à un and’emprisonnement pour diffusion de fausses nouvelleset atteinte à la sécurité nationale. Il avait été arrêté le28 avril à la suite de la publication d’articles quicritiquaient les pratiques des services de sécurité dansle cadre de la lutte contre le terrorisme. Sacondamnation a été confirmée en appel en octobre.n Zakaria Moumni, un boxeur condamné pourescroquerie à l’issue d’un procès inéquitable,a été rejugé en décembre et de nouveau déclarécoupable. Il s’est vu infliger une peine de 20 moisMAmnesty International - Rapport 2012215


Md’emprisonnement. Cet homme avait été arrêté enseptembre 2010 après avoir critiqué des associationssportives marocaines et tenté à plusieurs reprises derencontrer le roi. Sa première condamnation reposaitsur des « aveux » qui lui auraient été extorqués sousla torture.n Le chanteur de rap Mouad Belrhouate a été arrêté le9 septembre, selon toute apparence parce quecertaines de ses chansons étaient considérées <strong>com</strong>meinsultantes envers la monarchie. Il était toujours endétention à la fin de l’année, son procès ayant étéajourné à plusieurs reprises.Répression de la dissidence – militantssahraouisLes autorités continuaient de restreindre l’exercice dela liberté d’expression, d’association et de réunion desSahraouis partisans de l’autodétermination du Saharaoccidental. Cette année encore, des militants depremier plan ont fait l’objet de poursuites.n Les militants sahraouis Ahmed Alnasiri, BrahimDahane et Ali Salem Tamek ont été libérés sous cautionle 14 avril. Incarcérés depuis le 8 octobre 2009, ilsétaient toujours inculpés, ainsi que quatre autresmilitants sahraouis, de menace à la « sécurité intérieure »du Maroc en raison de leurs activités pacifiques enfaveur de l’autodétermination du Sahara occidental.n Vingt-trois Sahraouis étaient maintenus en détentiondans la prison de Salé, dans l’attente d’un procèsinéquitable devant un tribunal militaire pour leurparticipation présumée à des violences à la fin de2010, dans le campement de protestation de GdimIzik, non loin de Laayoune. Les prisonniers ont entaméune grève de la faim à la fin du mois d’octobre pourprotester contre leurs conditions de vie et leur maintienen détention sans jugement. Ils n’avaient toujours pas<strong>com</strong>paru à la fin de l’année.Aucune enquête indépendante et impartiale n’a étéeffectuée sur les événements qui se sont déroulés àGdim Izik et à Laayoune en novembre 2010, lorsqueles forces de sécurité marocaines ont démoli lecampement de protestation sahraoui. Treizepersonnes, dont 11 membres des forces de sécurité,avaient trouvé la mort dans les violencesconsécutives.Torture et autres mauvais traitementsDe nouvelles informations ont fait état d’actes detorture et de mauvais traitements infligés à desdétenus, par des agents de la Direction de lasurveillance du territoire (DST) notamment. Lesmilitants islamistes présumés et les membres duMouvement du 20 février étaient tout particulièrementpris pour cible. Des détenus étaient toujoursmaintenus au secret, dans certains cas au-delà de ladurée maximale de 12 jours de garde à vue autoriséepar la loi.n Les 16 et 17 mai, des détenus de la prison de Salécondamnés pour des infractions liées au terrorisme sesont mutinés pour dénoncer l’iniquité de leurs procèset le recours à la torture dans le centre de détention nonreconnu de Témara. Des affrontements ont opposé lesdétenus et les gardiens, dont plusieurs ont été retenusen otages pendant une courte période ; les membresde l’administration pénitentiaire ont ensuite tiré à ballesréelles pour réprimer la mutinerie. Plusieursprisonniers ont été blessés.À la fin du mois de mai, Mohamed Hajib, unressortissant germano-marocain qui purgeait unepeine de 10 ans d’emprisonnement, a dû recevoirdes soins à l’hôpital après avoir été roué de coups etmenacé de viol par des gardiens de la prison deToulal, à Meknès, où il avait été transféré après avoirparticipé à la mutinerie de la prison de Salé.Lutte contre le terrorisme et sécuritéLe 28 avril, 17 personnes – des touristes étrangerspour la plupart – ont été tuées et plusieurs autresblessées dans un attentat à l’explosif perpétré dansun café de Marrakech et qui n’a pas été revendiqué.Les autorités l’ont attribué à Al Qaïda au Maghrebislamique (AQMI), qui a nié toute responsabilité.n Adil Othmani, déclaré coupable de participation àl’attentat à l’explosif contre le café de Marrakech, a étécondamné à mort en octobre.Cinq hommes déclarés coupables en juillet 2009d’infractions liées au terrorisme dans l’affaire de la« cellule Belliraj » ont été remis en liberté à la faveurde la grâce accordée par le roi le 14 avril. Leur procèsavait été entaché d’irrégularités et leurs allégations detorture n’avaient pas fait l’objet d’une enquête.Justice de transitionLes autorités n’ont pas mis en œuvre lesre<strong>com</strong>mandations importantes émises par l’Instanceéquité et réconciliation dans son rapport de novembre2005. Les victimes d’atteintes graves aux droitshumains <strong>com</strong>mises entre l’indépendance du Maroc,en 1956, et la mort du roi Hassan II, en 1999, étaienttoujours privées d’accès effectif à la justice.216 Amnesty International - Rapport 2012


Peine de mortLes tribunaux marocains prononçaient toujours lapeine capitale. La dernière exécution a eu lieu en1993. À la faveur d’une amnistie prononcée par le roien avril, cinq condamnés à mort ont vu leur sentence<strong>com</strong>muée en peine d’emprisonnementCamps du Front PolisarioLe Front Polisario n’a pris aucune mesure pour mettrefin à l’impunité dont bénéficiaient ceux qui étaientaccusés d’avoir <strong>com</strong>mis des atteintes aux droitshumains durant les années 1970 et 1980 dans lescamps de Tindouf (région de Mhiriz, en Algérie), qu’ilcontrôle.En octobre, trois employés d’organisationshumanitaires – un homme, de nationalité espagnole,et deux femmes, une Italienne et une Espagnole – ontété enlevés par un groupe armé dans un camp deréfugiés géré par le Front Polisario. Ils n’avaient pasété libérés à la fin de l’année.Visites et documents d’AmnestyInternational4 Maroc et Sahara occidental. Les autorités marocaines critiquées pourleur répression des manifestations à Témara (MDE 29/004/2011).4 Maroc. Il faut enquêter sur les allégations de torture(MDE 29/008/2011).MAURITANIERÉPUBLIQUE ISLAMIQUE DE MAURITANIEChef de l’État :Mohamed Ould Abdel AzizChef du gouvernement : Moulaye Ould Mohamed LaghdafPeine de mort :abolie en pratiquePopulation :3,5 millionsEspérance de vie :58,6 ansMortalité des moins de cinq ans : 117,1 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 57,5 %Les forces de sécurité ont eu recours à une forceexcessive, y <strong>com</strong>pris meurtrière, contre desmanifestants ; un jeune homme a été tué par balle.Des manifestants ont été arrêtés et condamnés àdes peines d’emprisonnement lors de mouvementsde protestation contre le recensement national. Legouvernement a fermement réprimé des actes deterrorisme présumés. On ignorait tout du sort de14 détenus disparus à la suite de leur transfertd’une prison de la capitale, Nouakchott. Huitpersonnes, dont trois mineurs, ont été condamnéesà mort.ContexteDes organisations de défense des droits humainscraignaient que le recensement de la population,<strong>com</strong>mencé en avril, ne soit discriminatoire. Desmanifestations ont eu lieu à Nouakchott, Kaédi etMaghama. Le président de l’Assemblée nationale are<strong>com</strong>mandé la suspension du processus.De fréquents affrontements entre l’armée etAl Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) ont provoquédes pertes dans les deux camps. Les militaires ontégalement mené des opérations au Mali contre AQMI.En décembre, un gendarme a été enlevé par deséléments d’AQMI.La situation des droits humains dans le pays a étéexaminée en janvier dans le cadre de l’Examenpériodique universel de l’ONU. Le gouvernement s’estengagé à mettre un terme au recours à la torture etaux autres formes de traitement cruel, inhumain oudégradant ainsi qu’à l’utilisation d’une force excessivepar la police et les forces de sécurité. Il s’estégalement engagé à adopter une stratégie nationalepour éliminer l’esclavage sous toutes ses formes.L’indépendance du pouvoir judiciaire a été mise endoute après la radiation d’un juge en septembre.Prisonniers d’opinion et autresprisonniers politiquesLes autorités ont imposé des restrictions à la libertéd’expression, d’association et de réunion.n Aliyine Ould Mbareck, Biram Dah Ould Abeid etCheikh Ould Abidine, tous trois membres de l’Initiativepour la résurgence du mouvement abolitionniste enMauritanie (IRA Mauritanie), une organisation qui luttecontre l’esclavage, ont été condamnés en janvier à unan d’emprisonnement. Ils avaient été arrêtés endécembre 2010 avec six autres militants et inculpés decoups et blessures sur des policiers et de trouble àl’ordre public pour avoir organisé un rassemblementdevant un poste de police de Nouakchott. Ils ont étégraciés en mars.n Le 23 août, quatre membres d’IRA Mauritanie, dontTourad Ould Zein, ont été condamnés à des peines desix mois d’emprisonnement avec sursis pourrassemblement non autorisé et rébellion. Ils avaientprotesté contre l’inaction de la justice dans le cas d’unefillette de 10 ans maintenue en esclavage.MAmnesty International - Rapport 2012217


Mn En octobre, plus de 50 manifestants ont été arrêtésdans la capitale et dans d’autres régions à la suite demarches de protestation contre le recensementorganisées par l’organisation de défense des droitshumains Touche pas à ma nationalité. La plupart d’entreeux ont été relâchés au bout de quelques heures ouquelques jours. D’autres ont été jugés pour manifestationà des fins de vol et de pillage. Quatre manifestants, parmilesquels figuraient Brahim Diop et Mohamed Boubacar,ont été condamnés à des peines de trois moisd’emprisonnement. Ils ont été graciés au terme de13 jours de détention dans la prison de Dar Naïm.n Lemine Ould Dadde, ancien <strong>com</strong>missaire aux droitshumains inculpé de détournement de fonds, étaitmaintenu en détention arbitraire alors que la duréelégale de sa détention préventive avait pris fin enseptembre.Lutte contre le terrorisme et sécuritéAu moins 12 personnes, dont Mohamed Lemine OuldMballe, soupçonnées d’appartenance à AQMI, ont étéarrêtées au cours de l’année. La plupart ont passéplus de 40 jours en garde à vue.Au moins 18 personnes ont été jugées etcondamnées à des peines d’emprisonnement ou à lapeine de mort. Bien que ces prisonniers se soientplaints d’avoir été torturés, le tribunal n’a ordonnéaucune enquête.n En mars, Abderrahmane Ould Meddou, un Malienmembre présumé d’AQMI, a été condamné par la courcriminelle de Nouakchott à cinq ans de prison avectravaux forcés pour l’enlèvement d’un couple italien endécembre 2010.n En octobre, quatre personnes, dont Lemrabott OuldMohamed Mahmoud, ont été condamnées par la courcriminelle de Nouakchott à des peines <strong>com</strong>prises entretrois et cinq ans d’emprisonnement pour des actes deterrorisme. Bien qu’il ait été acquitté, MohamedLemine Ould Lemine Ag Maleck a été maintenu endétention, le parquet ayant interjeté appel. Il a été libéréen décembre.n Assad Abdel Khader Mohamed Ali et Khalil OuldAhmed Salem Ould N’Tahah sont restés en détentionau-delà de l’expiration de leurs peinesd’emprisonnement.Disparitions forcéesEn mai, 14 prisonniers condamnés pour des faits deterrorisme et détenus dans la prison centrale deNouakchott ont été emmenés de nuit vers un lieuinconnu. Certains de leurs effets personnels ont étéremis à leurs familles en juin sans aucune explication.On restait sans nouvelles à la fin de l’année de ces14 personnes, parmi lesquelles figuraient Sidi OuldSidina et Mohamed Mahmoud Ould Sebty. Lesautorités ont affirmé, en novembre, à desreprésentants d’Amnesty International que cesprisonniers avaient été transférés pour des raisonsde sécurité.Utilisation excessive de la forceLes forces de sécurité ont utilisé une force excessivecontre des manifestants pacifiques dans plusieursvilles, notamment à Kaédi, Maghama et Nouakchott.De très nombreux manifestants ont été blessés enraison de l’utilisation arbitraire et aveugle de gazlacrymogène. Une personne a trouvé la mort.n Lamine Mangane, 19 ans, est mort le 28 septembreaprès que les forces de sécurité eurent tiré à ballesréelles au cours d’une manifestation organisée àMaghama par l’organisation Touche pas à manationalité. Dix personnes au moins ont été blessées.Les autorités ont annoncé l’ouverture d’une informationjudiciaire.Discrimination – lesbiennes, gays,personnes bisexuelles ou transgenresDes personnes risquaient d’être victimes d’arrestationarbitraire, de harcèlement et de discrimination enraison de leurs pratiques homosexuelles présumées.Quatorze hommes accusés d’homosexualité ont étéarrêtés en novembre. Ils étaient maintenus endétention dans la prison de Dar Naïm à la fin del’année.Torture et autres mauvais traitementsCette année encore, de nombreuses informations ontfait état de torture et d’autres mauvais traitementsinfligés dans des lieux de détention, notamment dansdes postes de police et dans la prison de Dar Naïm.Parmi les méthodes couramment utilisées figuraientles coups de pied, les passages à tabac, lasuspension par les bras, l’enchaînement dans uneposition douloureuse et la privation de sommeil etde nourriture.Peine de mortLes sentences capitales de sept personnes reconnuescoupables de meurtre au cours de la décennieécoulée ont été <strong>com</strong>muées en novembre.218 Amnesty International - Rapport 2012


Au moins huit personnes ont été condamnées àmort au cours de l’année par la cour criminelle deNouakchott ; trois d’entre elles étaient âgées demoins de 18 ans au moment des faits pour lesquelselles ont été condamnées. Le 8 décembre, à la suited’un appel interjeté par le parquet, la cour d’appel deNouakchott a <strong>com</strong>mué les sentences capitales destrois mineurs en peines de 12 ans d’emprisonnementassorties d’amendes.EsclavageSept personnes retenues en esclavage – une femmeet six enfants – ont été libérées avec l’aided’organisations de défense des droits humains. Deuxdes six enfants, les frères Yarg et Saïd (11 et 14 ans),ont été libérés en août. En novembre, la courcriminelle de Nouakchott a déclaré six personnescoupables d’avoir réduit en esclavage Yarg et Saïdet a ordonné le versement d’une indemnité àleur famille.Droits des migrantsAu moins 3 000 migrants, originaires pour la plupartdu Sénégal, du Mali et de la Guinée, ont été arrêtésarbitrairement. Ils ont été incarcérés pendantplusieurs jours dans des centres de détention enMauritanie avant d’être renvoyés au Sénégal ouau Mali.En octobre, des migrants originaires du Mali et duSénégal ont été arrêtés et inculpés de réunion nonautorisée et de menace à la sécurité nationale.Chacun d’eux a été condamné à une peine d’un and’emprisonnement avec sursis et détenu pendantplus de 10 jours dans la prison de Dar Naïm avantd’être renvoyé au Sénégal.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Mauritanieen novembre.4 Mauritanie : Trois mineurs condamnés à mort en violation du droitnational et international (AFR 38/001/2011).4 Mauritanie : Treize personnes condamnées pour des actes de terrorismesoumises à une disparition forcée (AFR 38/002/2011).4 Union africaine. Commission africaine des droits de l’homme et despeuples. Déclaration d’Amnesty International. Point n°6 : situation desdroits humains en Afrique (IOR 63/005/2011).MEXIQUEÉTATS-UNIS DU MEXIQUEChef de l’État et du gouvernement : Felipe Calderón HinojosaPeine de mort :aboliePopulation :114,8 millionsEspérance de vie :77 ansMortalité des moins de cinq ans : 16,8 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 93,4 %Les cartels de la drogue et d’autres bandescriminelles ont tué et enlevé plusieurs milliers depersonnes, parfois avec la <strong>com</strong>plicité de la police oud’autres fonctionnaires. Des migrants sans papiers– ils étaient des dizaines de milliers à traverser leMexique – ont été enlevés, violés ou tués par cesgangs, ou victimes d’autres graves atteintes à leursdroits fondamentaux. Le gouvernement n’a pas prisde mesures efficaces pour empêcher l’armée et lapolice de <strong>com</strong>mettre des violations graves etgénéralisées des droits fondamentaux, dont desdisparitions forcées, des exécutionsextrajudiciaires, des actes de torture et desarrestations arbitraires, ni pour enquêter sur cellesqui avaient été <strong>com</strong>mises. Il n’a pas apporté deréponses concrètes aux demandes d’informationformulées par Amnesty International au sujet deséventuelles enquêtes ouvertes sur ces affaires. Lesystème pénal était incapable de rendre justice oud’apporter la sécurité. Dans la grande majorité descas, les auteurs de crimes tels que les agressions dejournalistes, de défenseurs des droits humains et defemmes, n’étaient pas amenés à rendre des<strong>com</strong>ptes. Les normes en matière d’équité desprocès étaient bafouées. Aucune mesure n’a étéprise pour rendre justice aux victimes des gravesviolations des droits humains perpétrées dans lepays pendant la « guerre sale » (1964-1982). LeMexique a adopté un certain nombre de réformesconstitutionnelles progressistes en matière de droitsfondamentaux.ContexteLe gouvernement du président Felipe Calderón amaintenu son déploiement de 50 000 militaires et faitappel à un nombre croissant de soldats de la marinepour lutter contre les cartels de la drogue. Au coursde l’année, les cartels se sont livré bataille et ontaffronté les forces de sécurité dans le but de s’assurerla mainmise sur certains États, dont ceux deMAmnesty International - Rapport 2012219


MChihuahua, du Nuevo León, de Veracruz, deCoahuila, du Tamaulipas et de Guerrero. Plus de12 000 personnes ont été tuées dans les violences quien ont résulté. Dans la grande majorité des cas,aucune enquête n’a été ouverte sur ces homicides.En avril, la Commission nationale des droits humains(CNDH) a relevé que 8 898 corps conservés dans lesmorgues à travers le pays n’avaient toujours pas étéidentifiés et que 5 397 personnes étaient portéesdisparues depuis 2006. Plus de 40 soldats et500 policiers au moins ont été tués en 2011.D’après les informations disponibles, un nombrecroissant de personnes sans lien avec les cartels ontété tuées au cours de l’année par des bandescriminelles, l’armée ou la police. Cinquante-deuxpersonnes sont mortes à Monterrey lorsqu’un gang aincendié un casino avec la <strong>com</strong>plicité de quelquesagents de la police locale. Plus de 500 corps nonidentifiés ont été découverts dans des fosses<strong>com</strong>munes dans les États du Tamaulipas et deDurango. On croyait savoir qu’il s’agissait pourcertains de migrants d’Amérique centrale, mais moinsde 50 cadavres avaient été identifiés à la fin del’année. L’inquiétude du public face aux violences etson mécontentement devant les réactions desautorités ont entraîné la création du Mouvement pourla paix dans la justice et la dignité. Le Mouvement aorganisé des manifestations dans de nombreusesrégions du pays pour réclamer la fin des violences etde l’impunité.Dans le cadre de l’Initiative de Mérida – un accordrégional de coopération et de sécurité conclu pourtrois années –, le gouvernement des États-Unis a, denouveau, débloqué des fonds dans le domaine de lasécurité et d’autres transferts. Bien que les États-Unisaient provisoirement différé le versement de certainsfonds et que le gouvernement mexicain ait échoué defaçon persistante à satisfaire aux conditions relativesaux droits humains, les transferts se sont poursuivis.Le fiasco d’une opération américaine visant àretrouver des armes entrées en fraude au Mexique arévélé l’absence de mécanismes permettantd’empêcher efficacement les bandes criminellesd’introduire des armes sur le territoire mexicain.Police et forces de sécuritéL’armée de terre et la marineLe gouvernement a feint d’ignorer les nombreusesinformations faisant état de graves violations desdroits humains, notamment de torture, de disparitionsforcées, d’exécutions extrajudiciaires et de recoursexcessif à la force, imputables à l’armée de terre ainsique, de plus en plus, à des soldats de la marine. Ilaffirmait toujours que ces atteintes étaientexceptionnelles et que leurs auteurs étaient amenés àrendre des <strong>com</strong>ptes. Au cours de l’année, une seuleaffaire a entraîné la <strong>com</strong>parution en justice demilitaires : 14 soldats ont été reconnus coupablesdevant des tribunaux militaires du meurtre de deuxfemmes et de trois enfants, perpétré en 2007 à unbarrage routier, à Leyva (État de la Sinaloa). Legouvernement n’a pas apporté de réponses concrètesaux demandes d’information formulées par AmnestyInternational concernant les éventuelles enquêtesmenées sur ces affaires.La justice militaire contrôlait toujours pratiquementtoutes les enquêtes ouvertes sur les allégationsd’atteintes aux droits humains imputables à desmilitaires, et continuait de rejeter la grande majoritédes plaintes sans procéder à de véritablesinvestigations, permettant ainsi aux auteurs des faitsd’échapper à la justice. La situation a cependantévolué en décembre lorsque, pour la première fois,un tribunal fédéral a exclu une affaire relative auxdroits humains de la <strong>com</strong>pétence de la justicemilitaire. Bien souvent, la justice civile refusait demener les enquêtes les plus élémentaires sur desatteintes présumées avant de transférer les affaires àla justice militaire.Au total, 1 695 plaintes pour des violations desdroits humains ont été déposées auprès de la CNDHcontre l’armée de terre et 495 autres contre lamarine ; la CNDH a émis 25 re<strong>com</strong>mandations contrel’armée de terre et six contre la marine. D’après lesautorités, le nombre <strong>com</strong>parativement faible desplaintes ayant entraîné des re<strong>com</strong>mandations de laCNDH était la preuve que la plupart de ces plaintesétaient sans fondement. Cet argument ne tenait pas<strong>com</strong>pte des limites auxquelles de nombreusesenquêtes de la CNDH étaient soumises.n En juin, au moins six hommes ont été arrêtés etvictimes de disparition forcée à Nuevo Laredo, dansl’État du Tamaulipas. Malgré des preuves irréfutables(dont des témoignages) de l’implication de soldats de lamarine, les autorités navales ont uniquement reconnuavoir été en « contact » avec ces hommes. Le Bureaudu procureur général de la République a ouvert uneenquête qui n’a pas établi la véracité des faits mais quisemblait dégager la marine de toute responsabilité,sans investigation supplémentaire. À la fin de l’année,220 Amnesty International - Rapport 2012


on ne savait toujours pas ce qu’il était advenu de ceshommes. La famille de l’un d’eux a été contrainte defuir la région, à la suite d’une attaque contre sondomicile, en juillet.n En mai, Jethro Ramsés Sánchez Santana et un deses amis ont été arrêtés de façon illégale par la policemunicipale à Cuernavaca, dans l’État de Morelos. Ilsont été remis d’abord à la police fédérale, puis àl’armée. Des soldats ont torturé les deux hommes, puisont libéré l’ami. Jethro Sánchez a été victime dedisparition forcée. Sa famille a déposé plainte mais lesautorités militaires ont nié toute implication dans cettedisparition forcée, même après que la police eut attestéde leur participation. Devant des éléments de preuveaccablants, l’armée a arrêté deux soldats en juillet. Lecorps de Jethro Sánchez a été retrouvé au cours dumême mois. À la fin de l’année, deux soldats étaientdétenus, mis en accusation pour homicide ; au moinstrois autres s’étaient réfugiés dans la clandestinité.L’affaire était toujours entre les mains de la justicemilitaire.Services de policeLa réforme des services de police à l’échelle fédérale,municipale et des États progressait avec une lenteurextrême. Certains éléments attestaient de la collusionentre agents de police et organisations criminelles,notamment à travers l’assassinat de membresprésumés d’autres associations criminelles. De trèsnombreuses informations faisaient état d’un usageexcessif de la force et d’un recours à la torture, auxdétentions arbitraires et aux disparitions forcées, quidans la plupart des cas n’ont pas donné lieu à devéritables enquêtes.n En décembre, deux étudiants qui manifestaient ontété abattus par la police à Chilpancingo, dans l’État deGuerrero, lorsque des agents de la police fédérale et del’État ont manifestement ouvert le feu sur lesmanifestants avec des armes automatiques. Plusieursmanifestants ont été maltraités par la police fédérale aumoment de leur arrestation et un agent de la policejudiciaire de l’État aurait torturé au moins l’un d’euxdans le but de l’accuser à tort d’implication dans lestirs. Plusieurs policiers faisaient l’objet d’une enquête àla fin de l’année.n En avril, Jesús Francisco Balderrama a été arrêtépar la police d’État à Mexicali (Basse-Californie).Sa famille a tenté de savoir ce qu’il était advenu delui mais les autorités ont nié l’avoir placé en détention.On était toujours sans nouvelles de cet homme à la finde l’année.n En juillet, huit membres de la famille Muñoz ont étéarrêtés à Anáhuac, dans l’État de Chihuahua, par deshommes cagoulés et lourdement armés dont l’un aumoins arborait apparemment un insigne de la policefédérale. Leurs proches ont porté plainte mais lesautorités policières ont affirmé ne rien savoir sur cesarrestations. À la fin de l’année, on ignorait ce qu’il étaitadvenu de ces huit hommes et les responsables de leurarrestation et de leur disparition n’avaient pas étéidentifiés.Justice pénale et impunitéLes réformes en cours en matière de justice pénaleavançaient avec une extrême lenteur. Un certainnombre de facteurs contribuaient au prononcé decondamnations contestables, notamment la pratiquedes détentions arbitraires, la torture, des éléments depreuve forgés de toutes pièces, le non-respect de larégularité de la procédure, le refus du droit à unedéfense efficace et le fait que le contrôle judiciaire dela procédure était inadapté. Le recours à l’arraigo,une forme de détention provisoire d’une durée de80 jours, demeurait très courant, favorisant la tortureet les autres mauvais traitements et <strong>com</strong>promettantl’équité des procès.TortureLes mesures visant à empêcher et sanctionner latorture, et à ouvrir des enquêtes sur celle-ci, étaienttoujours inefficaces et les déclarations arrachées sousla contrainte étaient considérées <strong>com</strong>me recevables.n En février, une femme a été arrêtée arbitrairement àEnsenada (Basse-Californie). Elle aurait été torturéepar des militaires dans une caserne à Tijuana, alorsqu’elle était interrogée par un procureur fédéral civil.Elle a été agressée, presque asphyxiée, maintenuedans des positions douloureuses et soumise à desmenaces afin qu’elle signe des « aveux ». Elle a étémaintenue en arraigo pendant 80 jours, avant d’êtreinculpée et placée en détention provisoire. Lesautorités ont, dans un premier temps, affirmé ne riensavoir de sa détention. Le dossier de l’accusation s’estpar la suite effondré et la femme a été libérée sansinculpation. Fin 2011, aucune information n’étaitdisponible au sujet de l’enquête ouverte sur sa plaintepour torture.n En septembre, un tribunal fédéral a demandéqu’Israel Arzate Meléndez soit partiellement rejugépour sa participation au massacre de 15 jeunes à Villasde Salvárcar, un quartier de Ciudad Juárez, en 2010.L’enquête de la CNDH avait conclu que des militairesMAmnesty International - Rapport 2012221


Mavaient torturé cet homme dans le but de lui arracherdes « aveux ». Le tribunal chargé de réexaminer ledossier n’a toutefois pas considéré que les droits del’accusé avaient été bafoués par le refus du juged’ordonner une enquête sur les allégations de tortureou d’exclure les « aveux » ainsi extorqués.Conditions carcéralesPlus de 200 détenus sont morts, essentiellement enraison de violences liées aux gangs, dans des prisonssurpeuplées et dangereuses.Migrants en situation irrégulièrePlusieurs dizaines de milliers de migrants sanspapiers, qui pour la plupart étaient originairesd’Amérique centrale et traversaient le Mexique dansl’espoir de gagner les États-Unis, risquaient d’êtreenlevés, violés, enrôlés de force ou tués par desgangs, qui opéraient souvent avec la <strong>com</strong>plicité dereprésentants de la force publique. Les auteurs deces crimes n’étaient pratiquement jamais amenés àrendre des <strong>com</strong>ptes. En février, la CNDH a recensé11 000 enlèvements de migrants sur une période desix mois. Les mesures prises par les autoritésfédérales et des États pour empêcher et sanctionnerces violences demeuraient insuffisantes, tout <strong>com</strong>mecelles adoptées pour garantir l’accès à la justice. Cetteannée encore, d’après certaines informations, desagents des services de l’immigration ont infligé desmauvais traitements et se sont rendus <strong>com</strong>plices debandes criminelles, malgré les mesures prises pourdéloger les fonctionnaires corrompus. Les autoritésn’ont pas rassemblé assez de données pour aider lesproches de migrants disparus dans leurs recherches.Les familles de disparus d’Amérique centrale ontorganisé des manifestations à travers le pays pourque leurs proches soient localisés et pour attirerl’attention sur le sort subi par de nombreux migrants.Des lois ont été adoptées dans le but d’améliorer laprotection juridique des droits des réfugiés et desmigrants. Les réglementations nécessaires à uneapplication efficace de ces lois ont, cependant, étérédigées sans consultation satisfaisante ; elles étaienten suspens à la fin de l’année.Des défenseurs des droits humains qui œuvraientau sein du réseau de centres d’accueil assurant uneaide humanitaire aux migrants ont subi des menaceset des manœuvres d’intimidation.n Sur les 72 migrants en situation irrégulièreassassinés en 2010 à San Fernando, dans l’État duTamaulipas, 14 corps n’avaient toujours pas étéidentifiés à la fin de 2011. En avril, 193 autres corps ontété découverts dans cette même ville ; l’identité demoins de 30 d’entre eux avait été établie à la fin del’année. D’après des proches, les méthodes de collecteet de préservation des preuves étaient inadaptées etentravaient les identifications. En août, les autorités ontannoncé l’arrestation et la poursuite en justice de plusde 80 personnes – dont 16 policiers – soupçonnées deliens avec le cartel de Zeta opérant à San Fernando.Parmi elles figuraient des individus qui seraientimpliqués dans des meurtres de migrants.Liberté d’expression – journalistesD’après la CNDH, au moins neuf journalistes ont ététués et de très nombreux autres ont été agressés etvictimes de manœuvres d’intimidation. L’impunitéétait la norme pour la plupart de ces crimes, malgrél’existence d’un service fédéral spécial chargéd’enquêter sur les crimes contre les journalistes. Desréformes vivant à ériger les crimes contre lesjournalistes en infractions de niveau fédéral et àaméliorer les procédures d’investigation étaienttoujours en cours d’examen.En raison des agressions et des manœuvresd’intimidation contre des journalistes de presse localedans les régions à forte criminalité, les médias locauxne couvraient quasiment jamais, ou couvraient mal,les crimes et les questions de sécurité publique. Lesmédias sociaux jouaient, en revanche, un rôle de plusen plus important, en informant sur les menacesauxquelles étaient exposées les populations locales.Des bandes criminelles ont tué au moins troisblogueurs et en ont menacé d’autres parce qu’ilsavaient publié des informations exposant leursactivités délictueuses.Dans l’État de Veracruz, les autorités ont arrêtédeux utilisateurs de Twitter et les ont retenus pendantun mois. Elles ont adopté une loi érigeant eninfraction la <strong>com</strong>munication, par quelque support quece soit, d’informations erronées entraînant destroubles à l’ordre public. La CNDH a déposé unrecours en inconstitutionnalité au sujet de cesmodifications législatives, au motif qu’elles violaient ledroit à la liberté d’expression.n En juin, un journaliste de renom, Miguel Ángel LópezVelasco, ainsi que sa femme et son fils ont été abattus àleur domicile, dans l’État de Veracruz, par des hommesarmés non identifiés. Ce journaliste spécialisé dans lacriminalité et la corruption de personnalités politiquesavait reçu des menaces de mort par le passé. L’enquête222 Amnesty International - Rapport 2012


ouverte sur ces homicides n’était pas achevée à la finde l’année.Défenseurs des droits humainsPlus de 20 défenseurs des droits humains ont étémenacés ou attaqués en 2011. À la fin de l’année, lesenquêtes ouvertes sur ces affaires n’avaient paspermis d’identifier les coupables. Les mesures deprotection proposées aux défenseurs étaient souventinadaptées, lentes et <strong>com</strong>pliquées à mettre en place.En juillet, le chef de l’État a signé un décretétablissant un mécanisme de protection. À la fin del’année, cependant, rien ne prouvait que cemécanisme était actif ou qu’il avait amélioré laprotection des journalistes ou des défenseurs desdroits humains. Un projet de loi visant à renforcer lemécanisme était en cours d’examen à la fin del’année.Alors que le gouvernement s’était engagé àrespecter l’action des défenseurs, ces promesses ontété remises en question en juillet, lorsque le ministrede la marine s’en est pris publiquement à l’action desorganisations de défense des droits humains quiavaient recensé des atteintes <strong>com</strong>mises par les forcesarmées.n José Ramón Aniceto et Pascual Agustín Cruzpurgeaient toujours la peine de six ans de prisonprononcée contre eux en juillet 2010. Ces deuxmilitants nahuas ont été déclarés coupables sur la based’accusations montées de toutes pièces en représaillesde leur action visant à garantir à leur <strong>com</strong>munauté àAtla (État de Puebla) un accès équitable à l’eau.Évolutions législatives, constitutionnellesou institutionnellesEn juillet, des réformes constitutionnelles ontcontraint les autorités, à tous les niveaux, àpromouvoir, respecter, protéger et garantir les normesinternationales en matière de droits humains inscritesdans la Constitution. Les réformes prévoyaientégalement que certains droits fondamentaux nepuissent pas être suspendus en cas d’état d’urgence,reconnaissaient un certain nombre de droits sociauxet économiques, dont le droit à l’alimentation et àl’eau potable, et renforçaient les prérogatives de laCNDH.En août, la Cour suprême du Mexique a concluque l’État devait se conformer aux arrêts de la Courinteraméricaine des droits de l’homme sur leMexique, dont l’un en particulier énonçait qu’ilappartenait à la justice civile d’enquêter sur lesmilitaires impliqués dans des violations des droitshumains et de les juger, et que le Code pénal militairedevait être modifié en ce sens. À la fin de l’année, lesquatre affaires de violences imputables à desmilitaires examinées par la Cour interaméricaineavaient été transférées à la justice civile. Certainsvolets essentiels des arrêts de la Cour ont été peurespectés et d’autres affaires de droits humainsétaient toujours jugées par des tribunaux militaires.Violences faites aux femmes et aux fillesLes violences contre les femmes demeuraientendémiques. Un taux élevé de meurtres de femmes aété signalé dans de nombreux États ; dans la grandemajorité des cas, les responsables continuaientd’échapper à la justice. Cette année encore, les loisdestinées à améliorer l’accès à la justice et à lasécurité des femmes exposées aux violences étaientinefficaces dans de nombreuses régions.n Plus de 320 femmes ont été tuées à Ciudad Juárez.Les responsables du meurtre, en décembre 2010, dela défenseure des droits humains Marisela Escobedon’ont pas eu à rendre <strong>com</strong>pte de leurs actes. Endécembre, Norma Andrade, de l’organisationNuestras Hijas de Regreso a Casa (Ramenez nos fillesà la maison) a été grièvement blessée par balle devantchez elle. Elle et d’autres membres de l’organisationont reçu des menaces de mort et ont été contraints,pour leur sécurité, de quitter la ville au cours del’année.n En octobre, Margarita González Carpio a étéviolemment agressée par son ancien <strong>com</strong>pagnon, unhaut responsable de la police fédérale à Querétaro. Lesfonctionnaires fédéraux et de l’État ont, dans unpremier temps, refusé de la protéger et d’enquêter surles allégations d’agression. À la fin de l’année,Margarita González Carpio se cachait toujours et on nedisposait d’aucune information sur l’avancée del’enquête.Droits sexuels et reproductifsLa Cour suprême du Mexique a rejeté de peu unrecours en inconstitutionnalité visant à annuler lesmodifications des Constitutions des États de Basse-Californie et de San Luis Potosí reconnaissant le droità la vie dès la conception. Sept des 11 juges de laCour suprême ont fait valoir que ces modificationsétaient anticonstitutionnelles et restreignaient lesdroits reproductifs des femmes. Cependant, laMAmnesty International - Rapport 2012223


Mmajorité nécessaire pour annuler les modificationsn’étant pas atteinte, il était à craindre que les femmesne soient confrontées à des obstaclessupplémentaires pour l’accès à des servicesd’avortement dans les 17 États ayant adopté desdispositions similaires.Droits des peuples indigènesLes peuples indigènes souffraient toujours dediscriminations et d’inégalités généralisées enmatière de droit à la terre, au logement, à l’eau, à lasanté et à l’éducation. Des projets économiques etd’aménagement suivaient leur cours sur des terresindigènes sans le consentement libre, préalable etéclairé des populations concernées. Un projetde loi visant à réglementer la consultation des<strong>com</strong>munautés indigènes était toujours bloquéà la fin de l’année.n Des indigènes wixarikas ont manifesté contre l’octroià une entreprise canadienne – sans consultation niconsentement des populations concernées – d’uneconcession minière d’exploitation des gisementsd’argent situés dans la réserve écologique et culturellede Wirikuta, à Real de Catorce (État de San LuisPotosí).n En décembre, une sécheresse dans l’État deChihuahua a donné lieu à des taux élevés demalnutrition sévère chez les indigènes tarahumaras, enpartie parce que ces <strong>com</strong>munautés étaientmarginalisées et que depuis de nombreuses années lesautorités se désintéressaient de leurs droits humains.Surveillance internationalePlusieurs mécanismes régionaux et internationauxchargés des droits humains se sont rendus dans lepays, notamment le rapporteur spécial sur lapromotion et la protection du droit à la libertéd’opinion et d’expression [ONU] et la rapporteusespéciale pour la liberté d’expression [OEA], ainsique le Groupe de travail sur les disparitions forcéesou involontaires [ONU] et le rapporteur sur lesdroits des travailleurs migrants et de leurs familles[OEA]. En avril, le Comité pour la protection desdroits de tous les travailleurs migrants et desmembres de leur famille [ONU] a examiné lerapport du Mexique et sa conformité avec laConvention sur la protection des travailleursmigrants [ONU]. En juillet, la haut-<strong>com</strong>missaire desNations unies aux droits de l’homme a effectué unemission au Mexique.Visites et documents d’AmnestyInternationalv DesUne délégation d’Amnesty International s’est rendue au Mexiqueen juillet.4 Mexique. Des coupables protégés. La justice militaire au Mexique(AMR 41/010/2011).4 Mexico: Briefing to Special Rapporteur on the Rights of Migrant Workersof the Inter-American Commission of Human Rights (AMR 41/085/2011).4 Letter regarding forth<strong>com</strong>ing visit of the Working Group on Enforced orInvoluntary Disappearances to Mexico (AMR 41/086/2011).4 Mexico: Letter to UN Committee on Migrant Workers (AMR 41/087/2011).MOLDAVIERÉPUBLIQUE DE MOLDOVAChef de l’État : Marian Lupu, président par intérimChef du gouvernement :Vladimir FilatPeine de mort :aboliePopulation :3,5 millionsEspérance de vie :69,3 ansMortalité des moins de cinq ans : 16,7 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 98,5 %Cette année encore, il a été question des conditionscarcérales, qui constituaient de fait un traitementinhumain et dégradant, de l’impunité dontjouissaient les auteurs d’actes de torture et d’autresmauvais traitements, et de la fréquence des procèsnon équitables. Les minorités, religieuses ou autres,se heurtaient à des discriminations, en l’absence deloi susceptible de les en protéger.Torture et autres mauvais traitementsLes conditions en détention provisoire et pendant lestransferts entre les centres de détention et lestribunaux constituaient souvent, de fait, un traitementinhumain ou dégradant.n Arrêté le 19 janvier à Komrat, Vasilii Cristioglo a étéinculpé de vol avec effraction. Écroué le 21 janvier aucentre de détention provisoire de Cahul, il y étaittoujours à la fin de l’année. Les toilettes de sa celluleétaient exposées aux regards des autres détenus.Aucune literie n’était fournie. Craignant d’avoircontracté une hépatite, Vasilii Cristioglo a dû payer desa poche les analyses sanguines nécessaires. Pendantles transferts entre le centre de détention et le tribunal,l’été, les détenus devaient rester pendant plusieurs224 Amnesty International - Rapport 2012


heures dans des wagons surchauffés et passer lajournée sans boire ni manger. Répondant à une plaintede l’avocat de Vasilii Cristioglo, le procureur de Cahul areconnu que la réglementation sanitaire n’était pasrespectée et que rien n’était prévu pour garder lesaliments au froid, préparer les repas et laver lavaisselle, ni pour permettre aux détenus d’avoir unminimum d’hygiène.ImpunitéLes procès des policiers accusés de torture etd’autres mauvais traitements lors des manifestationsqui avaient suivi les élections d’avril 2009 se sontpoursuivis. Valentin Zubic, ancien vice-ministre del’Intérieur, a été inculpé le 2 mars 2011 pour fautedans la manière dont il avait géré ces événements.Un représentant du gouvernement a déclaré auConseil des droits de l’homme [ONU] lors del’Examen périodique universel de la Moldavie que,sur 100 plaintes déposées après les manifestations,57 avaient donné lieu à une enquête officielle, 27 ontdébouché sur des poursuites et deux seulement à lacondamnation des responsables.n Le 27 octobre, deux policiers accusés d’avoir rouéde coups Anatol Matasaru lors des événements d’avril2009 ont été acquittés en appel. Ils avaient étécondamnés en première instance à des peines avecsursis. Anatol Matasaru avait déclaré avoir été passé àtabac dans les locaux du <strong>com</strong>missariat central deChişinău après son arrestation, le 8 avril 2009. Lespoliciers l’auraient en outre contraint à lécher leursbottes.Procès inéquitablesDans son rapport au Conseil des droits de l’hommeremis dans le cadre de l’Examen périodique universel,le Centre des droits de l’homme (ou Avocatsparlementaires, c’est-à-dire le Médiateur) a indiquéque 25 % des plaintes qui lui ont été adresséesconcernaient des procès inéquitables. Le plussouvent, les requérants se plaignaient de la longueurexcessive de la procédure judiciaire, des difficultésd’accès aux services d’un avocat qualifié, de la nonapplicationde décisions de justice ou de violationspar les tribunaux de règles de procédure. Lors d’uneenquête réalisée en mai par l’Institut moldave despolitiques publiques, seulement 1 % des personnesinterrogées disaient avoir pleinement confiance en lajustice de leur pays ; elles étaient 42 % à ne lui faireaucune confiance.Le Parlement a approuvé le 3 novembre unambitieux train de réformes de la justice concernantaussi bien les tribunaux que la police et le parquet.Les mesures adoptées prévoyaient notamment derenforcer l’efficacité et l’indépendance de l’appareiljudiciaire, de rendre le rôle des procureurs conformeaux normes européennes, de développer l’aidejuridique, de lutter contre la corruption et de parvenirà un meilleur respect des droits humains.DiscriminationUn projet de loi sur la discrimination a été soumis auParlement en février. Il n’avait pas été approuvé à lafin de l’année. Les débats achoppaient sur unedisposition du texte visant à interdire toutediscrimination fondée sur les préférences sexuellesdes personnes. Le projet de loi ne prévoyait pasvraiment de mécanisme de recours ni de sanctionsadaptées.Minorités religieusesLe rapporteur spécial des Nations unies sur la libertéde religion ou de conviction a constaté en septembreque des personnes appartenant à des minoritésreligieuses étaient en butte à des actes d’intimidationet de vandalisme de la part de fidèles de l’Égliseorthodoxe. Il a reproché à la Loi de 2007 sur lesreligions d’accorder à l’Église orthodoxe moldave une« place dominante et privilégiée », source dediscrimination à l’égard des autres convictionsreligieuses.n La Ligue islamique de Moldavie a été officiellementreconnue en mars en tant qu’organisation religieuse,après plus de 10 années de tentatives infructueuses etmalgré l’opposition de l’Église orthodoxe.République autoproclamée deTransnistrieBien que non reconnue par la <strong>com</strong>munautéinternationale, la République autoproclamée deTransnistrie constituait toujours une entité séparéeau sein de la Moldavie.n Ernest Vardanean a bénéficié le 5 février d’unemesure de grâce accordée par le président de laTransnistrie. Il avait été condamné en 2010 à 15 ansd’emprisonnement pour « trahison par actesd’espionnage ». Son procès n’avait pas été équitable.n Ostap Popovschii a été arrêté à Tiraspol le 29 juin,dans le cadre d’une enquête sur des infractions à lalégislation sur les stupéfiants. Les policiers l’auraientpassé à tabac pour l’obliger à signer une déclarationMAmnesty International - Rapport 2012225


Mdans laquelle il avouait sa responsabilité dans uneinfraction alors qu’il affirmait ne pas l’avoir <strong>com</strong>mise.Ils l’auraient de nouveau frappé pour le contraindre àrenoncer à l’assistance d’un avocat. Bien quesouffrant de bronchite chronique et d’asthme, il a étéprivé de soins. Il a été condamné le 29 juillet à unepeine de 15 années d’emprisonnement. Lesconditions dans lesquelles il a été détenu avant leprocès constituaient de fait un mauvais traitement : il aété placé dans une cellule située en sous-sol etdestinée à accueillir six personnes, mais dans laquelles’entassaient 19 détenus, sans lumière naturelle niaération ; aucune literie n’était fournie et les détenusdormaient tous à même le sol en béton. OstapPopovschii n’a pu se doucher que deux fois en unmois. Lorsqu’il avait une crise d’asthme, on le sortaitdans le couloir, sans pour autant lui proposer unequelconque assistance médicale. Il se trouvait à la finde l’année dans un hôpital pénitentiaire, mais nerecevait toujours pas les soins dont il avait besoin auvu de son état de santé.Justice internationaleLe Statut de Rome de la Cour pénale internationale(CPI) est entré en vigueur en Moldavie en janvier.L’Accord sur les privilèges et immunités de la Cour,qui ac<strong>com</strong>pagne le Statut, n’avait toutefois pas étératifié à la fin de l’année. Rien n’avait été fait pourmettre la législation nationale en conformité avec lesdispositions du Statut.MONGOLIEMONGOLIEChef de l’État :Tsakhiagiyn ElbegdorjChef du gouvernement :Sükhbaataryn BatboldPeine de mort :maintenuePopulation :2,8 millionsEspérance de vie :68,5 ansMortalité des moins de cinq ans : 28,8 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 97,5 %Les débats parlementaires sur l’abolition de la peinede mort se sont poursuivis ; un moratoire avait étédéclaré en 2010. Le pays n’avait procédé à aucuneexécution depuis 2009. L’impunité restait la règlepour la majorité des auteurs de torture et d’autresmauvais traitements. L’appareil judiciaire souffraitd’un problème de corruption apparemmentendémique.ContexteFin 2010, le Bureau du procureur a rouvert undossier concernant quatre gradés de la policeaccusés d’avoir autorisé l’utilisation de balles réellespour mettre fin à une émeute qui avait éclaté àOulan-Bator le 1 er juillet 2008. La première enquêten’avait donné lieu à aucune poursuite.Bat Khurts, le directeur général du Conseil nationalde sécurité, qui avait été interpellé à l’aéroportd’Heathrow, à Londres, en 2010, a été extradé versl’Allemagne en août 2011 puis remis en liberté lemois suivant, son mandat d’arrêt ayant été annulé parla Cour fédérale de justice allemande. Il étaitrecherché dans l’affaire de l’enlèvement en France,en 2003, du ressortissant mongol Enkhbat Damiran.D’après l’arrêt de la Haute Cour du Royaume-Uni leconcernant, un courrier transmis en janvier auministère public allemand par les autorités mongolesaffirmait que Bat Khurts avait participé àl’enlèvement. Bat Khurts est rentré en Mongolie enseptembre et a été nommé par la suite chef adjointde l’Autorité indépendante de lutte contre lacorruption.ImpunitéD’après les informations recueillies par AmnestyInternational, les plaintes relatives à des actes detorture ou à d’autres mauvais traitements déposéescontre des responsables des forces de l’ordre n’ontdonné lieu à aucune condamnation. Comme lesannées précédentes, les autorités n’ont pas publiéd’informations ni de statistiques sur les enquêtes, lespoursuites et les condamnations concernant desresponsables du maintien de l’ordre accusés detortures ou d’autres mauvais traitements.Peine de mortLe pays n’a procédé à aucune exécution. La Coursuprême de Mongolie a indiqué que l’application dela peine capitale était en recul. Le chef de l’État a<strong>com</strong>mué en peines de 30 ans de réclusion lescondamnations à mort de toutes les personnes ayantformé un recours en grâce. Le Parlement ne s’est pasprononcé sur la ratification du Deuxième Protocolefacultatif se rapportant au PIDCP, visant à abolir lapeine de mort.226 Amnesty International - Rapport 2012


Torture et autres mauvais traitementsEn mai, le gouvernement a adopté une résolution surla mise en œuvre des re<strong>com</strong>mandations formuléespar les organes de suivi des traités des Nations unies.Il s’agissait notamment d’introduire dans le Codepénal une disposition érigeant la torture en crime, etde mettre ainsi le Code pénal en conformité avec laConvention contre la torture [ONU]. Les travaux dugroupe de travail constitué en 2010 sous l’égide duministère de la Justice et de l’Intérieur pour préparerles modifications du Code pénal ne semblaient guèreavoir avancé. Le centre de détention provisoiren° 461, qui a ouvert au début de l’année 2011, étaitéquipé de caméras dans les salles d’interrogatoiremais les garanties et les procédures mises en placepour en surveiller l’utilisation et éviter les abus étaientinsuffisantes.n Un groupe de travail créé en juin 2010 par la Sous-Commission parlementaire des droits humains apoursuivi ses investigations sur des accusationsconcernant des actes de torture et d’autres mauvaistraitements infligés à Enkhbat Damiran et à son avocat.Enlevé en France en 2003, Enkhbat Damiran avait étéreconduit en Mongolie et accusé du meurtre de ZorigSanjaasuren, homme politique et militant très connupour son action en faveur de la démocratie. EnkhbatDamiran avait affirmé avoir été torturé durant sadétention. Il est décédé en 2007. Son avocat,Lodoisambuu Sanjaasuren (aucun lien avec la victime),avait également été arrêté et accusé de divulgation desecrets d’État.Procès inéquitablesDes avocats et des responsables gouvernementauxont indiqué à Amnesty International que la corruptiongangrenait l’appareil judiciaire et que les procèsinéquitables étaient fréquents, y <strong>com</strong>pris ceux qui sefondaient sur des « aveux » obtenus sous la torture.Dans le nouveau centre de détention provisoiren° 461, et d’autres centres <strong>com</strong>parables, rien n’étaitprévu pour garantir la confidentialité des échangesavec les avocats.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Une déléguée d’Amnesty International s’est rendue en Mongolie enoctobre.MONTÉNÉGROMONTÉNÉGROChef de l’État :Filip VujanovićChef du gouvernement :Igor LuksićPeine de mort :aboliePopulation :0,6 millionEspérance de vie :74,6 ansMortalité des moins de cinq ans : 9 ‰Les verdicts prononcés dans des procès pour crimesde guerre n’étaient pas conformes au droitinternational. La diffamation a été dépénalisée. LesRoms originaires du Kosovo ne disposaient toujourspas de papiers d’identité.ContexteLe Conseil européen a estimé en décembre que lespourparlers en vue de l’adhésion du Monténégro àl’Union européenne pourraient débuter en juin 2012.Il a demandé à la Commission européenne de lui faireun rapport sur la mise en œuvre des mesuresconcernant l’état de droit et les droits fondamentaux,notamment en matière de lutte contre la corruption etle crime organisé.Justice internationaleLes verdicts prononcés dans des procès pour crimesde guerre n’étaient pas conformes au droitinternational humanitaire et relatif aux droits humains.Les hauts fonctionnaires étaient rarement inculpés.n Six anciens réservistes de l’Armée fédéraleyougoslave (JNA) ont été rejugés à partir du moisd’avril. Ils avaient été reconnus coupables en 2010 decrimes de guerre <strong>com</strong>mis sur des prisonniers de guerredans le camp de Morinj en 1991-1992. Ce nouveauprocès faisait suite à un recours introduit par leministère public ; ce dernier avait en effet considéréque le tribunal n’avait pas pris en <strong>com</strong>pte lesaccusations de crimes de guerre <strong>com</strong>mis contre descivils détenus à Morinj qui avaient eux aussi été torturéset soumis à un traitement inhumain.n Plusieurs appels ont été interjetés au mois de juin àla suite de l’acquittement, en mars, de neuf ancienspoliciers et fonctionnaires accusés d’avoir participé àla disparition forcée de 79 réfugiés bosniaques en maiet juin 1992. Cet acquittement avait été prononcé surla base d’une interprétation erronée du droitinternational humanitaire par la Cour supérieure dePodgorica.MAmnesty International - Rapport 2012227


Mn Toujours en juin, l’acquittement prononcé endécembre 2010 en faveur de sept réservistes del’armée et de la police, accusés de crimes contrel’humanité en raison des mauvais traitementssystématiques infligés à des civils bosniaques àBukovica en 1992-1993, a été annulé en appel.Torture et autres mauvais traitementsAdoptée en juillet, la Loi relative au médiateur donnaitpour mission aux services de ce dernier de faire officede mécanisme de protection nationale habilité àeffectuer des inspections inopinées des lieux dedétention, conformément aux dispositions duProtocole facultatif se rapportant à la Convention desNations unies contre la torture. Le médiateur adénoncé en juillet la surpopulation et les mauvaisesconditions de détention qui régnaient dans la quasitotalitédes postes de police. Le ministère de laJustice a autorisé en novembre six ONG à inspecterles prisons et d’autres établissements afin de savoir sides violations des droits fondamentaux (torture etautres mauvais traitements, notamment) y étaient<strong>com</strong>mises.n La direction de la prison de Spuž n’a sanctionné quetrois des 15 surveillants qu’une vidéo de sécuritémontrait en 2009 en train de maltraiter deux détenus,Igor Milić et Dalibor Nikezić.Homicides illégauxEn mai, un policier, Zoran Bulatović, a tué par balleAleksandar Pejanović, apparemment à la suite d’unedispute. Le procès n’était pas achevé à la fin del’année.Liberté d’expressionLa diffamation a été dépénalisée en juin. La Coursuprême avait estimé en mars que les réparationsautres que pécuniaires dans ce type d’affaires nedevaient pas aller au-delà des normes admises par laCour européenne des droits de l’homme. Desjournalistes ont encore reçu des menaces.n Trois incendies criminels visant quatre véhicules desociété appartenant au journal Vijesti ont été perpétrésen juillet et en août.Le Tribunal administratif a annulé en juin unedécision du ministère de la Justice datant de 2010,qui interdisait à l’ONG Human Rights Action d’obtenirdes informations sur les enquêtes menées dans lecadre de 14 affaires concernant les droits humains.Toutefois, l’ONG n’avait toujours reçu aucuneinformation en décembre. Ces affaires portaientnotamment sur des cas non élucidés d’assassinatspolitiques ou d’attaques contre des journalistes oudes défenseurs des droits humains.DiscriminationLes services du médiateur ont <strong>com</strong>mencé en août àexaminer les plaintes déposées au titre de la Loicontre la discrimination, mais ils manquaient depersonnel expérimenté. Vingt plaintes ont étédéposées en 2011.Lesbiennes, gays, personnes bisexuelles outransgenresDes jeunes ont perturbé en mars un concert contrel’homophobie, en lançant du gaz lacrymogène. Deuxpersonnes ont été agressées un peu plus tard. Lesorganisateurs de la Gay Pride de Podgorica, prévueen mars, ont annulé la manifestation, le ministre desDroits humains et des Minorités ayant refuséd’accorder son soutien et ayant de nouveau tenu despropos homophobes. Ce ministre a été démis de sesfonctions à la fin de l’année.Les RomsLe Haut-Commissariat des Nations unies pour lesréfugiés (HCR), se fondant sur les chiffres du dernierrecensement national, a estimé à au moins 4 312 lenombre d’individus risquant de devenir apatrides.Environ 1 600 d’entre eux étaient des réfugiés, romspour la plupart.La mise en œuvre par le Monténégro de laStratégie pour l’amélioration de la condition desRoms, Ashkalis et « Égyptiens » était considérée<strong>com</strong>me prioritaire par la Commission européenne. Lesmunicipalités se montraient cependant peu presséesd’utiliser les fonds destinés au logement de cespopulations.Réfugiés et demandeurs d’asileLe Monténégro <strong>com</strong>ptait encore environ9 367 personnes déplacées, dont 2 994 Roms etAshkalis originaires du Kosovo, et 3 504 personnesdéplacées venant de Bosnie-Herzégovine et deCroatie. Seules 54 personnes sont retournées auKosovo en 2011.Au 29 décembre, sur 3 780 personnes déplacéesayant déposé une demande, 1 957 avaient obtenu lestatut d’« étranger résident permanent ». Seulsquelque 150 Roms du Kosovo avaient déposé leurdemande avant la date limite fixée en novembre(échéance qui a finalement été repoussée au mois de228 Amnesty International - Rapport 2012


décembre 2012) ; la plupart n’avaient pas de papiersd’identité (passeport, notamment) et ne pouvaientdonc pas obtenir de permis de séjour.Un projet visant à démolir les camps de Konik, àPodgorica, pour les remplacer par des logementsdécents, a été élaboré dans le cadre du Plan d’actiondéfini en accord avec la Commission européenne afinde proposer des solutions durables aux Roms et auxAshkalis du Kosovo.Sur 235 demandeurs d’asile, originaires pour laplupart d’Afrique du Nord, trois seulement ont obtenuune protection subsidiaire.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Une délégation d’Amnesty International s’est rendue au Monténégroen décembre.MOZAMBIQUERÉPUBLIQUE DU MOZAMBIQUEChef de l’État :Armando Emilio GuebuzaChef du gouvernement : Aires Bonifacio Baptista AliPeine de mort :aboliePopulation :23,9 millionsEspérance de vie :50,2 ansMortalité des moins de cinq ans : 141,9 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 55,1 %Des représentants des forces de l’ordre ont attentéaux droits humains de migrants et de demandeursd’asile. Un policier a été déclaré coupable d’unmeurtre <strong>com</strong>mis en 2007 mais la famille de lavictime n’a reçu aucune indemnisation. Dansplusieurs cas, des policiers ont eu recoursillégalement à la force, avec des conséquencesparfois meurtrières. De nouvelles affaires demauvais traitements et de torture dans des prisonsont été signalées.ContexteDans le cadre de l’Examen périodique universel(EPU) du Mozambique par le Conseil des droits del’homme [ONU], celui-ci a examiné en février le bilandu pays en matière de droits humains ; le documentfinal a été adopté en juin. Le Mozambique a accepté131 des re<strong>com</strong>mandations formulées durant l’EPU eta déclaré que nombre d’entre elles avaient déjà étémises en œuvre ou étaient en voie de l’être. LeConseil des droits de l’homme a notammentre<strong>com</strong>mandé au pays d’enquêter sur tous les cas dedétention arbitraire, de torture et d’autres mauvaistraitements et sur l’utilisation excessive de la force parla police, et de traduire les auteurs en justice.En mars, l’ex-ministre de l’Intérieur AlmerinoManhenje a été condamné par le tribunal de Maputoà deux années d’emprisonnement pour mauvaisegestion des fonds publics et abus de pouvoir. Lescharges retenues contre lui concernaient unemauvaise gestion des dépenses et des décisionsbudgétaires prises au mépris de la loi, des faits quiremontaient à 2004 alors qu’il était ministre del’Intérieur. Le directeur des services financiers duministère et son adjoint qui étaient en poste àl’époque ont également été condamnés à deux ansde prison dans cette même affaire.En avril, des gardes de la Résistance nationalemozambicaine (RENAMO), le principal partid’opposition, ont tiré sur des policiers ; les faits sesont déroulés dans un aéroport de la province deSofala qui était en cours de rénovation avant unevisite du président Guebuza. Les gardes ont exigé queles travaux soient stoppés jusqu’à ce que le parti aupouvoir, le Front de libération du Mozambique(FRELIMO), accepte de négocier avec la RENAMO.Afonso Dhlakama, le président de la RENAMO, amenacé de déclencher des émeutes en vue derenverser le FRELIMO.En septembre, 25 magistrats ont été choisis poursiéger dans les tribunaux supérieurs d’appel, desinstances créées pour soulager la Cour suprême,jusque-là l’unique juridiction d’appel. Lesmécanismes nécessaires à leur fonctionnementn’étaient pas encore en place à la fin de l’année.De très nombreuses personnes, âgées pour laplupart, ont été tuées après avoir été accusées desorcellerie. C’est dans la province méridionaled’Inhambane que le plus grand nombre de meurtresde ce type ont été signalés : au moins 20 personnesâgées ont ainsi trouvé la mort entre août etseptembre.Réfugiés, migrants et demandeursd’asileDes représentants de la police des frontières et desforces de l’ordre ont attenté aux droits fondamentauxde migrants sans papiers et de demandeurs d’asile,dont plusieurs milliers – essentiellement desMAmnesty International - Rapport 2012229


MSomaliens et des Éthiopiens – sont entrés dans lepays par la Tanzanie entre les mois de janvier et dejuillet. Beaucoup ont accusé des gardes-frontières etdes policiers de les avoir frappés, dépouillés,déshabillés puis abandonnés sur des îles du fleuveRuvuma. D’autres ont raconté que la police maritimeavait fait chavirer les bateaux à bord desquels ils setrouvaient.n Un demandeur d’asile originaire de la Corne del’Afrique est arrivé par la mer avec environ 300 autrespersonnes à Mocimboa da Praia, dans la province deCabo Delgado. Les agents de la force publique onttenté de repousser l’embarcation et l’ont fait chavirer,provoquant la noyade d’au moins 15 passagers. Ledemandeur d’asile a été secouru avant d’être expulsévers la Tanzanie, puis a réussi à regagner leMozambique en suivant un autre itinéraire. Il a étéretrouvé par les forces de l’ordre, qui l’ont battu, mais afini par arriver au camp de réfugiés de Maratane, dansla province de Nampula, au terme d’une marche de695 kilomètres.n Le 29 avril, au moins quatre demandeurs d’asilesomaliens qui tentaient d’entrer au Mozambique par laTanzanie auraient été tués par des membres des forcesde l’ordre mozambicains, et leurs corps jetés dans leRuvuma. Malgré les demandes déposées en ce senspar le Haut-Commissariat des Nations unies pour lesréfugiés (HCR), il semble qu’aucune enquête n’ait étémenée.Utilisation excessive de la force ethomicides illégauxComme les années précédentes, la police a fait usaged’une force excessive, parfois avec des armes à feu,face à des délinquants présumés. De nombreux faitsse sont soldés par des blessures graves, voire desmorts. Un policier a été reconnu coupable du meurtred’un homme en novembre 2007 mais la majorité desaffaires concernant des violations des droits humains<strong>com</strong>mises par la police n’ont pas été élucidées,notamment celles qui avaient trait à l’utilisationexcessive de la force lors des manifestations de 2009et 2010, où des policiers avaient tiré sur la foule àballes réelles.n Le soir du 14 janvier, Angelo Juiz Nhancuana buvaitun verre à Maputo lorsque son oncle est arrivé,ac<strong>com</strong>pagné de deux agents de police, et a demandéqu’il soit arrêté pour le vol d’un ordinateur. AngeloNhancuana a accepté de suivre les policiers mais arefusé d’être menotté. L’un des policiers l’a frappé à latête avec son pistolet et lui a tiré une balle dans le brasquand il est tombé. Hospitalisé durant un mois, AngeloNhancuana a été informé que les agents ne seraientpas poursuivis car le coup était parti accidentellement.L’affaire a été rouverte après l’intervention de sonavocat.n Le 5 mars, à l’aube, la police a abattu Hortêncio NiaOssufo chez lui, à Muatala (province de Nampula). Lesforces de l’ordre ont indiqué qu’elles avaient tenté del’immobiliser alors qu’il essayait de s’échapper,déclarations qui ont été contredites par un témoin.D’après ce dernier, Hortêncio Ossufo a été tuédélibérément et il y avait eu une méprise sur sonidentité.n Le 22 mars, le tribunal de province d’Inhambane acondamné un policier à quatre ans de prison pour lemeurtre de Julião Naftal Macule, <strong>com</strong>mis en novembre2007. Aucun des neuf autres fonctionnaires quiavaient participé à l’opération n’a été inculpé.Torture et autres mauvais traitementsDes cas de torture et d’autres mauvais traitementsinfligés à des prisonniers, notamment après destentatives d’évasion, ont encore été signalés.n Le 24 septembre, deux prisonniers du centre dedétention de Quinta do Girassol (province deZambézia) sont morts après avoir été passés à tabacpar un gardien, qui les a frappés avec des bâtons, despierres et des briques. Ces prisonniers avaient semblet-ilété rattrapés alors qu’ils tentaient de s’évader.JusticePour la majorité des citoyens, l’accès à la justicedemeurait difficile en raison des coûts et de diversautres obstacles. Malgré l’existence d’une loiexonérant les plus pauvres du paiement des fraisjudiciaires, de nombreux magistrats continuaient d’enexiger le règlement, y <strong>com</strong>pris auprès de ceux quifournissaient pourtant la preuve de leur conditiond’indigents.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Une délégation d’Amnesty International a séjourné au Mozambique du26 septembre au 1 er novembre.4 Mozambique: Amnesty International urges investigation into cases ofextrajudicial executions, arbitrary detention, torture and ill-treatment andexcessive use of force (AFR 41/002/2011).230 Amnesty International - Rapport 2012


MYANMARRÉPUBLIQUE DE L’UNION DU MYANMARChef de l’État et du gouvernement : Than Shwe, remplacé parThein Sein le 30 marsPeine de mort :abolie en pratiquePopulation :48,3 millionsEspérance de vie :65,2 ansMortalité des moins de cinq ans : 71,2 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 92 %Le gouvernement a procédé à un certain nombre deréformes politiques et économiques limitées.Toutefois, les atteintes aux droits humains et lesviolations du droit international humanitaire se sontmultipliées cette année dans les zones habitées pardes minorités ethniques. Certaines de ces atteintesconstituaient de fait des crimes contre l’humanitéou des crimes de guerre. Les déplacements forcésont atteint le niveau le plus élevé de la décennie. Demême, selon les informations disponibles, celafaisait plusieurs années que le travail forcé n’avaitpas été aussi répandu. Les autorités ont maintenules restrictions qui pesaient sur la liberté de religionet de conviction, et les auteurs de violations desdroits humains jouissaient de la plus totaleimpunité. Malgré la libération d’au moins313 prisonniers politiques au cours de l’année, lesarrestations pour raisons politiques ont continué.Les personnes détenues étaient en outre soumises àdes mauvais traitements et vivaient dans desconditions déplorables.ContexteÉlu en novembre 2010, le Parlement du Myanmars’est réuni le 31 janvier. Il a désigné Thein Sein<strong>com</strong>me nouveau chef de l’État et chef dugouvernement formé le 30 mars, le premiergouvernement civil du pays depuis plusieursdécennies. Pour la première fois depuis 2003,l’opposante Aung San Suu Kyi a pu sortir de Yangon,en juillet et août. Elle a rencontré le ministre duTravail, Aung Gyi, à quatre reprises cette année et aeu une entrevue avec le président Thein Sein en août.Au début de ce même mois d’août, le gouvernementa mis en chantier une série de réformes politiques etéconomiques de portée limitée. Ainsi, les autorités ontlibéré au moins 313 prisonniers politiques,légèrement assoupli la censure qui pesait sur lapresse, amélioré la législation sur le travail et mis enplace une Commission nationale des droits humains.Invoquant l’opposition d’une partie de la populationau projet de barrage de Myitsone, dans l’État kachin,le gouvernement a suspendu en septembre cetteconstruction controversée, entreprise avec le soutiende la Chine. Il aurait également renoncé à exiger desgroupes armés recrutant parmi les minoritésethniques qu’ils intègrent les forces des gardesfrontières.La Ligue nationale pour la démocratie(NLD) a été de nouveau reconnue officiellement<strong>com</strong>me parti politique au mois de novembre. Sadirigeante, Aung San Suu Kyi, a annoncé sonintention de se présenter aux élections législativespartielles de 2012. Le Parlement a par ailleurs adoptéune loi autorisant les manifestations non violentes,sous certaines conditions.Conflit armé interneLe conflit armé qui avait éclaté fin 2010 dans l’Étatkayin (karen) et la région de Tanintharyi s’estintensifié en 2011. Le mois de mars a été marqué parune recrudescence des affrontements, dans l’Étatshan, entre les forces régulières du Myanmar etdivers groupes armés recrutant dans les minoritésethniques. Les militaires ont repris en juin leshostilités contre l’Armée pour l’indépendance kachin(KIA), dans l’État kachin, rompant un accord decessez-le-feu en vigueur depuis 17 ans. Des conflitsde moindre intensité se sont poursuivis ou ont reprisdans les États kayah (karenni) et mon.Dans tous ces conflits, les forces régulières duMyanmar ont mené des attaques aveugles qui ont faitdes victimes civiles ; dans certains cas, elles ontattaqué directement des civils appartenant à desminorités ethniques. Selon des informationscrédibles, l’armée aurait utilisé des prisonniers<strong>com</strong>me porteurs, boucliers humains et détecteurs demines dans l’État kayin et dans les zones voisines desdivisions de Bago et Tanintharyi. Dans l’État kachin,certaines sources ont signalé des exécutionsextrajudiciaires, des bombardements aveugles ayantentraîné la mort d’enfants, des cas de travail forcé,ainsi que des confiscations illégales ou desdestructions de biens et de vivres. Des civils chansont été torturés, arrêtés arbitrairement et déplacés deforce. Des civils kachins et chans auraient été soumisà des sévices sexuels par des soldats. En août,plusieurs groupes armés à base ethnique, dontcertains s’étaient rendus coupables d’exactions, ontrejeté la proposition gouvernementale que desMAmnesty International - Rapport 2012231


Mpourparlers aient lieu entre des groupes armés, prisséparément, et les pouvoirs publics régionauxconcernés, plutôt qu’entre une alliance rassemblantces groupes et le gouvernement fédéral. Plusieursgroupes ont cependant conclu des accords decessez-le-feu avec l’armée en cours d’année. Lesforces régulières ont intensifié en septembre leshostilités dans les États kachin et chan et <strong>com</strong>mis desatteintes au droit international relatif aux droitshumains et au droit international humanitaire.Certaines de ces atteintes constituaient de fait descrimes contre l’humanité ou des crimes de guerre.n Le 7 juin, une petite fille de sept ans a été tuée pardes tirs de mortier effectués par l’armée, à Mae T’lar, unvillage du district de Kawkareik, dans l’État kayin.n Le 16 juin, dans le district de Hsipaw, dans l’Étatchan, des soldats ont tué par balles trois civils : unhomme de 35 ans, une femme de 70 ans et uneadolescente de 13 ans.n Le 18 septembre, dans le district de Kyethi de l’Étatchan, des soldats se sont servis d’une dizaine demoines <strong>com</strong>me de boucliers humains, lors d’uneopération de ravitaillement d’autres troupes déployéesdans la région.n Le 12 octobre, des soldats ont tué une fillette de16 mois lors du saccage d’un village du secteur deMansi, dans le district de Bhamo (État kachin). Lesmilitaires étaient entrés dans le village en tirant descoups de feu au hasard.n Des soldats ont arrêté le 28 octobre une jeuneKachin de 28 ans à Hkai Bang, un village du district deBhamo (secteur de Sub-Loije, État kachin). Ils l’ontmaintenue en détention pendant plusieurs jours,durant lesquels ils l’auraient soumise à des violscollectifs.n Le 12 novembre, des éléments des forces régulièresont exécuté de façon extrajudiciaire quatre<strong>com</strong>battants de la KIA qu’ils avaient faits prisonniers ;ils en ont torturé quatre autres à Nam Sang Yang, unvillage du district de Waingmaw, dans l’État kachin.Déplacements forcés et réfugiésLes <strong>com</strong>bats dans les zones peuplées de minoritésethniques ont entraîné le déplacement de quelque30 000 personnes dans l’État chan et d’un nombreéquivalent d’individus dans l’État kachin et les zonesavoisinantes. Ces personnes ont été contraintes dansleur majorité de quitter leurs villages et leurs terressous la pression de l’armée nationale. La plupartd’entre elles, seules ou avec leur famille, ne pouvaientou ne voulaient pas quitter le Myanmar et sontvenues s’ajouter aux personnes déjà déplacées àl’intérieur du pays. En outre, environ 36 000 habitantsde l’État kayin avaient déjà été déplacés. Entre juillet2010 et juillet 2011, 112 000 habitants du Myanmarauraient été contraints de partir de chez eux. Ils’agissait du chiffre le plus élevé des 10 dernièresannées.n Au mois de mars, l’armée a obligé quelque200 familles du district de Nansang, dans l’État chan, àquitter leurs maisons pour faire place au chantier deconstruction d’une nouvelle base militaire régionale.n En avril, dans sept villages du district de Mong Pieng(État chan), des soldats ont incendié quelque70 maisons dont ils accusaient les habitants desoutenir un groupe armé.n En mai, environ 1 200 habitants du district de KyainSeikgyi, dans l’État kayin se sont réfugiés en Thaïlande.Les autorités ont souvent interdit aux organisationshumanitaires d’intervenir dans les zones de conflit, lesempêchant ainsi de se rendre auprès des dizaines demilliers de personnes déplacées par les <strong>com</strong>bats oupar l’armée, en particulier celles qui avaient étéregroupées dans des camps le long de la frontièrechinoise. Dans l’État chin et dans d’autres zoneshabitées par des minorités, le gouvernement amaintenu en place une procédure administrativelourde et <strong>com</strong>pliquée pour l’obtention desautorisations d’accès, l’imposant à tous lesorganismes humanitaires, qu’ils soient déjà présentsdans le pays ou qu’ils souhaitent venir y travailler pourla première fois.Les Rohingyas, qui constituent l’une des minoritésethniques du Myanmar, continuaient d’être en butteaux discriminations et à la répression, notammentdans l’État d’Arakan, et n’étaient toujours pasreconnus <strong>com</strong>me citoyens. Face à cette situation,nombre d’entre eux ont cette année encore quitté leMyanmar, par leurs propres moyens ou avec l’aide depasseurs, soit en franchissant la frontière avec leBangladesh, soit par la mer, pendant la « saison denavigation », c’est-à-dire durant les premiers et lesderniers mois de l’année.Travail forcéL’Organisation internationale du travail (OIT) aindiqué en juin qu’elle n’avait pas enregistré « deprogrès substantiels » quant à l’application desre<strong>com</strong>mandations relatives au travail forcé formuléespar sa <strong>com</strong>mission d’enquête en 1998. Le ministre de232 Amnesty International - Rapport 2012


l’Information, Kyaw Hsan, a déclaré le 12 août que leMyanmar était « presque exempt de travail forcé ».L’OIT a cependant noté en novembre que le nombrede plaintes reçues concernant des cas de travail forcéau Myanmar continuait de progresser – avec30 plaintes par mois en moyenne depuis mars 2011,contre 21 plaintes pour la même période en 2010,10 en 2009 et cinq en 2008 et 2007 (moyennesmensuelles). De ces plaintes, 75 % avaient trait aurecrutement de mineurs dans l’armée, les 25 %restants se répartissant entre la traite de personnesaux fins de travail forcé et le travail forcé imposé pardes militaires. Les militants des droits des travailleursThurein Aung, Wai Lin, Nyi Nyi Zaw, Kyaw Kyaw,Kyaw Win et Myo Min, étaient toujours en détention,tout <strong>com</strong>me, semble-t-il, 16 autres militants. Tousétaient considérés <strong>com</strong>me des prisonniers politiques.n En octobre, les gardes-frontières du Myanmardéployés dans le district de Maungdaw, dans l’Étatd’Arakan, ont obligé des habitants à participer à destravaux de construction dans un camp militaire.n En août et début septembre, un représentant despouvoirs publics de l’État chin aurait donné l’ordre àdes fonctionnaires de l’administration civile d’effectuerdes travaux forcés manuels à Hakha, la capitale decet État.Liberté de religion et de convictionToutes les congrégations religieuses du Myanmaravaient à se plaindre de violations du droit à la libertéde religion. Les moines bouddhistes qui avaientparticipé aux manifestations antigouvernementales de2007 continuaient d’être en butte aux arrestations,aux mauvais traitements et au harcèlement. LesRohingyas, de religion musulmane, faisaient l’objetd’une répression et étaient poussés à partir de chezeux, pour des raisons aussi bien de religion qued’appartenance ethnique. Des sites chrétiens ont étédéplacés ou détruits.n Le 9 août, des soldats ont incendié le monastère deMong Khawn (district de Mansi, État kachin),manifestement parce qu’ils soupçonnaient les moinesd’avoir apporté leur soutien à la KIA.n Le 10 septembre, les autorités de Htantlang, unvillage du district de Htantlang, dans l’État chin, ontinterdit à un prédicateur chrétien chin de prendre laparole dans une église locale, lui ordonnant de quitterla région.n Le 14 octobre, les autorités du district de Hpakant,dans l’État kachin, ont exigé des Églises chrétiennes dela région qu’elles demandent une autorisationpréalable, au moins 15 jours à l’avance, pour bonnombre de leurs activités religieuses.n Le 6 novembre, des soldats ont ouvert le feu sur uneéglise chrétienne du village de Muk Chyik, dans ledistrict de Waingmaw (État kachin), blessant plusieursfidèles.ImpunitéLes agents de l’État et les membres des forcesarmées qui s’étaient rendus coupables de violationsdes droits humains, dans certains cas de manièremassive ou systématique, jouissaient toujours d’unetotale immunité judiciaire, d’ailleurs garantie parl’article 445 de la Constitution de 2008. Le chef del’État a nommé en septembre une Commissionnationale des droits humains chargée, entre autres,de recevoir les plaintes en ce domaine et d’enquêtersur les faits qui lui étaient signalés. Le systèmejudiciaire du Myanmar continuait cependant de fairepreuve d’un manque d’impartialité et d’indépendancevis-à-vis du gouvernement. Ce dernier a indiqué enjanvier que le Myanmar ne connaissait pas dephénomène de « violations massives des droitshumains <strong>com</strong>mises en toute impunité ».Prisonniers politiquesLe gouvernement a libéré en mai au moins72 prisonniers politiques, en vertu d’une mesure deréduction d’un an de toutes les peinesd’emprisonnement, à l’échelle nationale. Il en a libéré241 autres en octobre. Toutefois, très peu demembres des minorités ethniques figuraient parmi lespersonnes libérées. Plus d’un millier de prisonnierspolitiques, dont des prisonniers d’opinion, étaienttoujours derrière les barreaux. L’opacité du systèmecarcéral, les différences de perception de la notion deprisonnier politique et le fait que les arrestations sepoursuivaient ne permettaient pas de savoir quel étaitleur nombre exact.n En février, un tribunal a condamné Maung MaungZeya, journaliste à la Democratic Voice of Burma, unorgane de presse basé à l’étranger, à 13 ansd’emprisonnement pour des activités pourtant nonviolentes.n Le 26 août, Nay Myo Zin, ancien officier dans lesforces armées et membre d’un groupe de donneurs desang soutenu par la NLD, a été condamné à 10 ansd’emprisonnement pour avoir voulu exercerpacifiquement son droit à la liberté d’expression.MAmnesty International - Rapport 2012233


Mn Le 14 septembre, un autre journaliste de laDemocratic Voice of Burma, Sithu Zeya, qui purgeaitdéjà une peine de huit ans d’emprisonnement, a étécondamné à dix ans de réclusion supplémentaires autitre de la Loi sur les transactions électroniques.Les prisonniers politiques restaient soumis à deschâtiments cruels, inhumains et dégradants etvivaient dans des conditions déplorables.n En février, Htet Htet Oo Wei, qui souffrait de plusieursproblèmes de santé, a été placée à l’isolement, semblet-ilparce qu’on lui reprochait de faire trop de bruit. Ellene pouvait recevoir ni colis ni visites de sa famille.n En février, l’administration de la prison d’Insein, àYangon, a placé Phyo Wei Aung, un prisonnierpolitique, à l’isolement pour un mois, parce qu’il s’étaitplaint que certains détenus en brutalisaient d’autres.n En mai, au moins 20 prisonniers politiques de laprison d’Insein ont entamé une grève de la faim pourdénoncer le nombre limité des libérations deprisonniers politiques intervenues un peu plus tôt etpour exiger une amélioration de leurs conditions dedétention. À titre de punition, sept d’entre eux ont étéplacés dans des cellules destinées à accueillir deschiens.n En juillet, la direction de la prison de Monywa, dansla division de Sagaing, a suspendu les droits de visitede Nobel Aye (alias Hnin May Aung), parce qu’elle avaitdemandé à de hauts responsables de démentir derécentes déclarations publiques, selon lesquelles il n’yavait pas de prisonniers politiques au Myanmar.n Au mois d’octobre, 15 prisonniers politiques de laprison d’Insein se sont mis en grève de la faim pourprotester contre le refus de réduire les peines desdétenus politiques, contrairement à ce qui était faitpour les condamnés de droit <strong>com</strong>mun. Certainsauraient été privés d’eau et soumis à divers autresmauvais traitements. Huit d’entre eux ont été placésdans des « cellules pour chiens ».n Toujours en octobre, on a appris que le moinebouddhiste Gambira, l’un des leaders desmanifestations antigouvernementales de 2007, étaitgravement malade et qu’il était détenu à l’isolement. Ilsouffrait de violents maux de tête, possibleconséquence des actes de torture auxquels il avait étésoumis en prison en 2009. Les autorités pénitentiaireslui feraient régulièrement des injections de sédatifs.Surveillance internationaleEn janvier, le Conseil des droits de l’homme [ONU] aexaminé la situation en matière de droits humains auMyanmar, dans le cadre du mécanisme d’Examenpériodique universel. La Lettonie et le Danemark ontapporté en mars leur soutien au projet de créationd’une <strong>com</strong>mission d’enquête des Nations unies surles atteintes au droit international <strong>com</strong>mises auMyanmar, ce qui portait à 16 le nombre de paysfavorables à une telle initiative. Malgré l’appel lancéen janvier par l’ANASE en faveur de la levée dessanctions économiques prises contre le Myanmar,l’Union européenne et les États-Unis ont renforcéleurs mesures contre le pays. L’Union européenne atoutefois assoupli en avril les restrictions apportéesaux déplacements de 24 hauts responsables. Leconseiller spécial du secrétaire général des Nationsunies pour le Myanmar s’est rendu sur place en maiet octobre.Le président Thein Sein s’est rendu en Chine et enInde, respectivement aux mois de mai et octobre.Après s’être vu refuser un visa en 2010, puis denouveau en début d’année, le rapporteur spécial desNations unies sur la situation des droits de l’hommeau Myanmar a effectué une mission dans le pays enaoût. Le représentant spécial des États-Unis etcoordinateur de la politique pour le Myanmar s’estquant à lui rendu sur place en septembre, octobre etnovembre. Le CICR a été autorisé en septembre, pourla première fois depuis 2005, à faire évaluer par desprofessionnels les infrastructures de trois prisons duMyanmar. Après un an de débats, le Myanmar a éténommé en novembre à la présidence de l’ANASEpour l’année 2014. La secrétaire d’État américaines’est rendue en décembre au Myanmar, une premièredepuis plus de 50 ans.Visites et documents d’AmnestyInternational4 Myanmar. Il ne doit pas y avoir de <strong>com</strong>promis international sur les droitshumains (ASA 16/001/2011).4 Amnesty International calls for the urgent establishment of aninternational <strong>com</strong>mission of inquiry as Myanmar rejects re<strong>com</strong>mendationsto end violations of international human rights and humanitarian law(ASA 16/004/2011).4 Libération de détenus au Myanmar : le gouvernement doit aller plus loin(PRE01/522/2011).234 Amnesty International - Rapport 2012


NAMIBIERÉPUBLIQUE DE NAMIBIEChef de l’État et du gouvernement : Hifikepunye PohambaPeine de mort :aboliePopulation :2,3 millionsEspérance de vie :62,5 ansMortalité des moins de cinq ans : 47,5 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 88,5 %Le litige au sujet des élections législatives de 2009n’a toujours pas été réglé par la Cour suprême. Leprocès pour trahison de Caprivi, ouvert depuis delongues années déjà, se poursuivait encore. Legouvernement et des personnes liées à celui-ci et àson parti, l’Organisation du peuple du Sud-Ouestafricain (SWAPO), ont pris pour cibles desdéfenseurs des droits humains, en particulier ceuxqu’ils considéraient <strong>com</strong>me critiques à leur égard.Litige relatif aux électionsNeuf partis politiques avaient demandé en 2010l’invalidation des résultats des élections législativesde 2009 ; déboutés, ils avaient formé un recours surlequel, à la fin de 2011, la Cour suprême ne s’étaitpas encore prononcée. Ils avaient formé ce recours àla suite de violences entre partis et d’irrégularitésrelevées par la Commission électorale de Namibie. Leprésident Hifikepunye Pohamba, membre de laSWAPO, a été déclaré vainqueur en 2009 et son partis’est vu attribuer 54 des 72 sièges de l’Assembléenationale.Procès de CapriviLe procès des personnes détenues à la suite desattaques lancées en 1999 par un mouvementséparatiste, l’Armée de libération de Caprivi, s’estpoursuivi sans aucun signe d’achèvement prochain.La plupart des 112 prévenus étaient privés de libertédepuis au moins 11 ans. Leur maintien prolongé endétention bafouait leur droit d’être jugéséquitablement dans un délai raisonnable. La mort deBevin Joshua Tubwikale, en avril, a porté à au moins19 le nombre de détenus décédés depuis le début duprocès, en 2003.Liberté d’expression, d’association et deréunionLa police a eu recours à une force excessive pourarrêter des personnes qui manifestaient sans violencecontre les politiques du gouvernement. Le 25 janvier,des agents de la police nationale et de la police deWindhoek ont tiré des balles en caoutchouc et desballes réelles sur quelque 500 chauffeurs de taxi quiprotestaient contre les amendes infligées pour lesinfractions routières. Au moins cinq manifestants ontété blessés, dont Matheus Leonard.n En mai, des policiers ont agressé Freddy Haixwa,président de l’organisation de jeunes Wisdom YouthOrganisation (WIYO), qui menait un groupe d’environ400 manifestants vers les bureaux du ministère de laJeunesse, du Service national, des Sports et de laCulture.Défenseurs des droits humainsLes 4 et 5 mai, la radio et la télévision nationales ontcité le président Pohamba qualifiant l’organisationNamibian Rights and Responsibilities (NamRights)d’« insignifiante organisation de défense des droitshumains ». Également en mai, le secrétaire généraldu Syndicat national des travailleurs namibiens,Evilastus Kaaronda, a été menacé de mort après queson organisation eut demandé que des poursuitessoient engagées contre les personnes, dont de hautsfonctionnaires, accusées d’avoir détourné de l’argentappartenant au Fonds de pension des établissementspublics. Un audit gouvernemental avait confirmé ledétournement de 660 millions de dollars namibiens(environ 74 millions de dollars des États-Unis).NAmnesty International - Rapport 2012235


NNÉPALRÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE FÉDÉRALE DU NÉPALChef de l’État :Ram Baran YadavChef du gouvernement : Madhav Kumar Nepal, remplacé parJhala Nath Khanal le 3 février, à son tour remplacé parBaburam Bhattarai le 28 aoûtPeine de mort :aboliePopulation :30,5 millionsEspérance de vie :68,8 ansMortalité des moins de cinq ans : 48,2 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 59,1 %Le Népal est cette année encore revenu sur lesengagements qu’il avait pris de traduire en justiceles auteurs présumés d’atteintes aux droitshumains. Les partis politiques au gouvernementont activement perverti le cours de la justice,exigeant l’abandon des poursuites dans descentaines d’affaires dont certaines concernaientde graves violations ou exactions perpétréespendant le conflit armé. Les personnes détenuespar la police étaient souvent torturées oumaltraitées. La police a exercé une répressioncroissante contre les réfugiés tibétains, limitantleur droit à la liberté d’association et d’expression.L’exploitation des travailleurs népalais à l’étranger,y <strong>com</strong>pris dans des conditions de travail forcé,s’est poursuivie. Les discriminations ethniques,religieuses ou de genre ainsi que les violencescontre les femmes et les filles n’ont guère mobiliséles pouvoirs publics.ContexteChargée de suivre la mise en œuvre de l’Accord depaix global de 2006, la Mission des Nations uniesau Népal a mis un terme à ses activités en janvieralors que certains volets essentiels de l’Accordn’avaient toujours pas été réalisés. Élu Premierministre en février, Jhala Nath Khanal adémissionné le 14 août sans avoir fait avancer leprocessus de paix, et notamment sans avoir menéà terme la rédaction de la nouvelle constitution. Il aété remplacé par Baburam Bhattarai, viceprésidentdu Parti <strong>com</strong>muniste unifié du Népal(maoïste), qui devait fondamentalement superviserla prolongation du mandat de l’Assembléeconstituante jusqu’au 27 mai 2012 et qui s’estengagé à veiller à l’achèvement de la nouvelleconstitution.Justice de transitionL’article 5 de l’Accord de paix prévoyait la mise enplace d’une <strong>com</strong>mission vérité et réconciliationchargée d’enquêter sur les atteintes aux droitshumains et les crimes contre l’humanité qui auraientété <strong>com</strong>mis pendant le conflit armé. Le projet de loiportant création de cette <strong>com</strong>mission n’avaitcependant pas été finalisé à la fin de l’année. Legouvernement a continué d’effectuer des versementsprovisoires aux familles des « victimes du conflit »,sans toutefois garantir les droits de celles-ci à la véritéet à la justice.Disparitions forcéesLe gouvernement n’a toujours pas mis en place de<strong>com</strong>mission chargée d’enquêter sur les milliers dedisparitions forcées dont se sont renduesresponsables les différentes parties au conflit entre1996 et 2006, alors qu’il s’était engagé à le faireavant le mois de septembre.ImpunitéSoucieux de parvenir à un consensus à la veille del’élection du Premier ministre, le Parti <strong>com</strong>munisteunifié du Népal (maoïste) a signé avec les formationspolitiques de la région du Teraï un accord prévoyant,entre autres, l’abandon des poursuites entaméescontre des membres de partis politiques, notammentpour des atteintes aux droits humains qui auraientété <strong>com</strong>mises au cours du conflit armé. Le 28 août,le gouvernement a annoncé son intention derenoncer effectivement aux poursuites engagées.Le procureur général a fait plusieurs déclarationsen ce sens.n Des défenseurs des droits humains se sont opposésà la nomination, en mai, d’Agni Sapkota au poste deministre de l’Information et des Communications, celuiciétant accusé d’être impliqué dans l’enlèvement et lemeurtre, en 2005, d’un enseignant, Arjun Lama. Le21 juin, la Cour suprême a ordonné à la police dudistrict de Kavre de lui faire part des résultatsprovisoires de son enquête sur cette affaire, sanstoutefois aller jusqu’à demander la suspensiond’Agni Sapkota.n La Cour suprême a annulé en juillet une ordonnancebloquant la promotion d’un haut gradé de la policeaccusé d’être impliqué dans l’affaire dite des « Cinq deDhanusha », qui remontait à 2003 et dans laquelle cinqjeunes gens, dont Sanjiv Kumar Karna, avaientapparemment été tués par des membres des forces de236 Amnesty International - Rapport 2012


sécurité. L’exhumation des restes des cinq victimes aété achevée en février.n Le Conseil des ministres a re<strong>com</strong>mandé en octobrela grâce pour Balkrishna Dhungel, un maoïste membrede l’Assemblée constituante reconnu coupable demeurtre et condamné en janvier à la réclusion àperpétuité.Torture et autres mauvais traitementsLes actes de torture et les autres mauvais traitementsinfligés à des personnes détenues par la policedemeuraient monnaie courante. Le Centre d’aide auxvictimes de torture, une organisation népalaise, adéclaré en juin que, depuis la fin du conflit armé, en2006, la majorité des cas de torture étaientimputables à la police. Sur 989 détenus interrogés,74 % ont affirmé avoir été torturés pendant leur gardeà vue.La torture n’était toujours pas considérée <strong>com</strong>meune infraction pénale par la législation népalaise. Lorsdu premier Examen périodique universel par l’ONUdu bilan du pays en matière de droits humains, leNépal a nié le caractère systématique de la torture surson territoire, faisant observer qu’un projet de loireprenant un certain nombre de dispositions de laConvention contre la torture était « très activementexaminé ».Travailleurs migrantsLa pauvreté et le fort taux de chômage ont poussé aumoins 300 000 personnes à partir travaillerlégalement à l’étranger. Certains recruteurs selivraient à un véritable trafic de travailleurs migrants,qu’ils réduisaient au travail forcé en les trompant surleurs conditions d’emploi et de rémunération, et enmodifiant les contrats. Contraints de rembourser desprêts à un taux d’intérêt élevé, touchant moins que cequ’on leur avait promis et se faisant souventconfisquer leurs papiers d’identité, de nombreuxmigrants ne pouvaient pas refuser de travailler. LeNépal a bien adopté des lois censées protéger lestravailleurs migrants, mais les agences derecrutement n’étaient pas toujours suffisammentcontrôlées et les personnes qui violaient la Loi relativeà l’emploi à l’étranger étaient rarement traduites enjustice.n En avril, 108 travailleurs migrants qui s’étaientretrouvés sans ressources en Libye en 2010, leuremployeur ayant refusé de les payer, ont bénéficié d’un<strong>com</strong>promis partiel. Réagissant aux pressions destravailleurs, des syndicats et d’Amnesty International,le Département de l’emploi à l’étranger et le Bureau duprocureur général de district ont re<strong>com</strong>mandé en juilletque l’affaire soit transmise pour enquête au Tribunalchargé de l’emploi à l’étranger.Liberté de réunion, d’association etd’expressionCédant aux pressions de la Chine, la police aintensifié les opérations visant à réprimer le droit desréfugiés tibétains à la liberté d’association etd’expression. Des réunions pacifiques, organiséesdans des locaux privés, ont été interrompues par lapolice et des personnes ont été arrêtées pour avoirdéployé des banderoles ou scandé des slogans enfaveur de l’indépendance du Tibet. Certains militantsde la cause tibétaine étaient systématiquementarrêtés à la veille de dates symboliques.n En mars, la police a interdit à tout un groupe depersonnes, <strong>com</strong>posé essentiellement de Tibétainesâgées, de se rendre en autocar jusqu’à un lieu depèlerinage.DiscriminationLes discriminations pour des raisons d’origineethnique, de religion, de genre, de situationéconomique ou de handicap étaient toujours aussivives. Malgré la promulgation, le 24 mai, de la Loicontre la discrimination fondée sur la caste etl’intouchabilité (infraction et sanction), les dalitsétaient toujours socialement et économiquementexclus. La discrimination fondée sur le genre restaitune réalité, en particulier pour les femmesappartenant à des castes ou à des groupes ethniquesmarginalisés. Les jeunes filles dalits ou issues defamilles rurales pauvres étaient victimes dediscrimination dans l’accès à l’enseignement et auxsoins ; elles étaient aussi davantage exposées aumariage précoce que le reste de la population etsouffraient de taux plus élevés de malnutritionpendant l’enfance.Violences faites aux femmes et aux fillesLa police refusait souvent d’enregistrer les plaintespour violences domestiques ou liées au genre.n En septembre, une femme qui affirmait avoir étéviolée en 2004 par quatre militaires, à Dailekh, a tentéde porter plainte contre ses agresseurs présumés,qu’elle accusait de viol et de torture. La police deDailekh a refusé de recevoir sa plainte, indiquant que leNAmnesty International - Rapport 2012237


Ndélai de 35 jours pour déposer une plainte pour violétait dépassé. Or, en 2006, la Cour suprême avaitestimé que ce délai constituait une violation desnormes internationales et avait ordonné au Parlementde modifier cette règle en conséquence. Cette décisionn’avait pas été suivie d’effet.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Une délégation d’Amnesty International s’est rendue au Népal en mai.NICARAGUARÉPUBLIQUE DU NICARAGUAChef de l’État et du gouvernement : Daniel José Ortega SaavedraPeine de mort :aboliePopulation :5,9 millionsEspérance de vie :74 ansMortalité des moins de cinq ans : 25,6 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 78 %Quatre personnes au moins ont été tuées etplusieurs dizaines d’autres blessées lors desviolences qui ont suivi les élections. Le viol et lesautres formes de violences sexuelles étaient trèsrépandus. L’interdiction totale de toute formed’avortement demeurait en vigueur. Des doutes ontété exprimés quant à l’indépendance de la justice.ContexteAu lendemain des élections de novembre, desviolences ont éclaté sur fond d’allégations de fraudeélectorale. Quatre personnes au moins ont été tuéeset plusieurs dizaines d’autres blessées lorsd’affrontements qui ont eu lieu dans tout le pays entrepartisans et opposants de Daniel Ortega, réélu pourun troisième mandat présidentiel.Violences faites aux femmes et aux fillesLe viol et les autres formes de violences sexuellesdemeuraient endémiques. Malgré cela, la Coursuprême a réduit à quatre ans la peined’emprisonnement infligée à Farinton Reyes pour leviol en 2009 de sa collègue, Fátima Hernández.Tentant de justifier sa décision, la Cour a affirmé que,au moment des faits, l’accusé était sous l’emprise del’alcool et dans un état d’excitation sexuelleincontrôlable, et que Fátima Hernández s’étaitmontrée permissive et coopérative lors du viol.Droits sexuels et reproductifsLe maintien de l’interdiction totale de toute formed’avortement a entraîné de graves atteintes aux droitsdes femmes et des jeunes filles. Les dispositionsrévisées de droit pénal, entrées en vigueur en 2008,n’autorisaient aucune exception. Les femmes et lesfilles enceintes à la suite d’un viol, ou dont la vie ou lasanté était mise en péril par la poursuite de lagrossesse, se voyaient refuser le droit de recourir àdes services d’avortement sûrs et légaux. Toute formed’avortement demeurait une infraction pénale, etquiconque voulant interrompre sa grossesse ou aiderune femme ou une jeune fille à se faire avorters’exposait à des poursuites.En mars, la Commission interaméricaine des droitsde l’homme a exhorté le Nicaragua à prendre desmesures pour que cessent les agressions sexuellescontre les femmes et les filles et à abrogerl’interdiction totale de l’avortement.Liberté d’expressionDans le contexte du débat politique houleux qui s’estengagé à l’approche de l’élection présidentielle denovembre, les manœuvres d’intimidation visant desprofessionnels des médias se sont multipliées.n Le 19 février, un correspondant anonyme atéléphoné au journaliste Luis Galeano et l’a menacé ences termes : « Tu as 72 heures pour changer d’avis surce que tu vas publier. Sinon, ta famille ne te reverraplus. » L’auteur de ces menaces faisait allusion à uneenquête menée par Luis Galeano et un autre journalistesur une affaire de corruption impliquant des membresdu Conseil suprême électoral. Ceux-ci étaient accusésd’avoir détourné des fonds publics, estimés à20 millions de dollars des États-Unis, entre 2004 et2008. Quelques heures avant d’être menacé autéléphone, Luis Galeano avait reçu un message laissépar un inconnu à l’accueil du journal où il travaille, ElNuevo Diario. L’auteur du message faisait notammentréférence aux investigations que menait le journalistesur cette affaire de corruption et lui déconseillait depublier son article.En novembre, après que le Conseil suprême électoraleut proclamé Daniel Ortega vainqueur de l’électionprésidentielle, les Nicaraguayens ont manifesté enmasse dans tout le pays en guise de protestation.238 Amnesty International - Rapport 2012


n Le 10 novembre, une trentaine de jeunes militantsdu mouvement Nicaragua 2.0, qui participaient à unemanifestation hostile au chef de l’État organiséedevant l’université d’Amérique centrale de Managua,auraient été menacés et agressés par de jeunessympathisants du Front sandiniste de libérationnationale. Les policiers présents sur les lieux ne sont,semble-t-il, pas intervenus pour empêcher les heurts.Plusieurs ONG locales et internationales ont exigéque des mesures soient prises pour protéger le droitde chaque Nicaraguayen de manifesterpacifiquement.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Une délégation d’Amnesty International s’est rendue au Nicaraguaen juillet.4 End the total abortion ban in Nicaragua (vidéo –www.youtube.<strong>com</strong>/watch?v=hIWQPBIb10I).NIGERRÉPUBLIQUE DU NIGERChef de l’État :Salou Djibo, remplacé parMahamadou Issoufou le 7 avrilChef du gouvernement : Mahamadou Danda, remplacé parBrigi Rafini le 7 avrilPeine de mort :abolie en pratiquePopulation :16,1 millionsEspérance de vie :54,7 ansMortalité des moins de cinq ans : 160,3 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 28,7 %Deux dirigeants politiques et 10 militaires ont étémaintenus en détention plusieurs mois sans avoirété jugés. Invoquant des « raisons humanitaires »,le régime nigérien a accueilli des dignitaireslibyens, tout en assurant qu’il respecterait sesengagements vis-à-vis de la Cour pénaleinternationale si des responsables étrangersfaisant l’objet d’un mandat d’arrêt pénétraient surle territoire national. Al Qaïda au Maghrebislamique détenait toujours des étrangers et aeffectué de nouvelles prises d’otages. Deuxpersonnes enlevées ont été tuées lors d’uneopération tentée pour les libérer.ContexteEn mars, l’élection de Mahamadou Issoufou à laprésidence a mis fin au gouvernement provisoire quedirigeait la junte militaire responsable de l’éviction duprésident Mamadou Tandja en 2010.Les troubles et le conflit armé en Libye ont conduitplus de 200 000 Nigériens présents dans ce pays àrentrer chez eux, créant une situation humanitairedifficile.Des affrontements opposant les forces de sécuritéà des éléments armés d’AQMI dans le nord du Nigeront été signalés tout au long de l’année. Legouvernement a déclaré qu’AQMI se procurait desarmes de contrebande en Libye. En mai, lesautorités ont annoncé qu’elles allaient renforcer leurcoopération en matière de sécurité avec le Mali, laMauritanie et l’Algérie. En novembre, les forcesarmées nigériennes ont détruit un convoi d’armeslourdes qui faisait route de Libye en direction duMali.Détention sans jugementDeux personnalités politiques et 10 officiers del’armée ont été maintenus en détention durantplusieurs mois. À la fin de l’année, au moins troisd’entre eux demeuraient en détention sans avoir étéjugés.n Placé en résidence surveillée depuis son éviction dupouvoir en 2010, l’ex-président Tandja a été inculpé dedétournement de fonds et incarcéré en janvier. Il a étéremis en liberté provisoire au mois de mai, mais étaittoujours dans l’attente de son procès à la fin de l’année.Assigné à domicile depuis février 2010, AlbadéAbouba, ancien ministre de l’Intérieur, a été remis enliberté sans inculpation en mars.n En juillet, 10 militaires ont été arrêtés sousl’accusation de <strong>com</strong>plot contre les autorités. Ils ont étédétenus durant plusieurs jours, puis remis en liberté.En septembre, deux officiers de haut rang, le colonelAbdoulaye Badié et le lieutenant-colonel HamadouDjibo, ont été arrêtés et accusés d’avoir écrit etdistribué une brochure dénonçant la promotion deplusieurs officiers. Les deux hommes ont été remis enliberté sans inculpation en novembre.Exactions perpétrées par des groupesarmésPlusieurs étrangers ont été pris en otage par Al Qaïdaau Maghreb islamique (AQMI) et d’autres, enlevésprécédemment, demeuraient aux mains de cetteNAmnesty International - Rapport 2012239


Norganisation ; deux hommes enlevés ont été tués lorsd’une opération tentée pour les libérer.n En janvier, deux Français ont été enlevés à Niamey,la capitale du pays, et tués le lendemain lors d’uneopération conduite à la frontière malienne par desforces françaises et nigériennes. Selon les informationsdisponibles, trois gendarmes nigériens et plusieursmembres présumés d’AQMI ont été tués pendantl’assaut. L’enlèvement a été revendiqué par AQMI.n En février, trois des sept personnes kidnappées enseptembre 2010 par AQMI dans la ville d’Arlit ont étélibérées. Il s’agissait d’une Française, d’un Togolais etd’un Malgache. Les quatre otages toujours retenus à lafin de l’année étaient français.Justice internationaleEn septembre, plusieurs hauts dignitaires du régimelibyen du colonel Kadhafi – dont son fils Saadi, quifaisait l’objet de sanctions ordonnées par le Conseilde sécurité des Nations unies – ont été accueillis surle sol nigérien pour « raisons humanitaires » et placés« sous surveillance ». À la fin de l’année, aucunmandat d’arrêt à leur nom n’avait été émis par la Courpénale internationale.Le Niger n’a pas donné satisfaction au Conseilnational de transition libyen, qui réclamait leur renvoien Libye, mais a indiqué qu’il respecterait sesengagements vis-à-vis de la justice internationale siune demande d’extradition venait à être formulée.NIGERIARÉPUBLIQUE FÉDÉRALE DU NIGERIAChef de l’État et du gouvernement : Goodluck JonathanPeine de mort :maintenuePopulation :162,5 millionsEspérance de vie :51,9 ansMortalité des moins de cinq ans : 137,9 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 60,8 %La situation des droits humains s’est dégradée. Descentaines de personnes ont été tuées lors desaffrontements interethniques et des violencesmotivées par des considérations politiques ou parl’intolérance religieuse qui ont éclaté dans tout lepays, en particulier après les élections d’avril. Lesattaques violentes attribuées au groupe religieuxBoko Haram se sont multipliées et ont fait plus de500 morts. Des membres de la police se sont renduscoupables de plusieurs centaines d’homicidesillégaux, dont la plupart n’ont pas donné lieu à uneenquête. Le système judiciaire restait inefficace.Environ deux tiers de l’ensemble des détenusattendaient toujours d’être jugés. Les prisons<strong>com</strong>ptaient 982 condamnés à mort. Aucuneexécution n’a été signalée. Comme les annéesprécédentes, des expulsions forcées ont eu lieudans tout le pays. La violence contre les femmesrestait un phénomène très courant.ContexteAprès que le président Goodluck Jonathan eut étéproclamé vainqueur de l’élection présidentielle enavril, des violences et des émeutes ont éclaté,entraînant la mort de plusieurs centaines depersonnes. Plusieurs lois ont été promulguées par leprésident : en février la Loi relative à la Commissionnationale des droits humains, en mai la Loi relative àla liberté de l’information, et en juin la Loi relative àl’assistance juridique et celle relative au terrorisme.La Commission nationale des droits humains a étéhabilitée à enquêter sur les violations de ces droits età visiter les postes de police, entre autres lieux dedétention. Elle n’avait toutefois reçu aucunfinancement à la fin de l’année.La corruption demeurait endémique. Le président arenvoyé la présidente de la Commission des crimeséconomiques et financiers en novembre, six moisavant la fin de son mandat, sans la moindreexplication. Il a également approuvé uneaugmentation de 12 500 nairas (76 dollars des États-Unis) du salaire mensuel minimum, le portant à18 000 nairas (117 dollars des États-Unis). Ondénombrait toujours 1,3 million de personnesdéplacées dans tout le pays.Homicides illégaux et disparitionsforcéesComme les années précédentes, les opérations depolice se caractérisaient par des violations des droitshumains. Plusieurs centaines de personnes ont ététuées illégalement dans la rue, le plus souvent aumoment de leur interpellation ou juste avant. D’autresont été torturées à mort dans des postes de police.Bon nombre de ces homicides illégaux pourraientêtre des exécutions extrajudiciaires. Beaucoup240 Amnesty International - Rapport 2012


d’autres personnes ont disparu durant leur garde àvue. Peu de policiers ont eu à répondre de leursactes, si bien que les familles des personnes tuées oudisparues n’ont pas obtenu justice. Les policiersétaient de plus en plus souvent en civil ou portaientdes uniformes non identifiables et il était doncbeaucoup plus difficile pour les victimes de seplaindre d’agents à titre individuel.n Chibuike Orduku a été arrêté le 19 avril par despoliciers à son domicile d’Ubinini, dans l’État de Rivers,en même temps que trois hommes non identifiés. Sasœur l’a vu pour la dernière fois le 5 mai, et il s’est plaintd’avoir été torturé et privé d’eau et de nourriture. Onétait sans nouvelles de ces quatre hommes à la fin del’année.n Le 2 novembre, à Abonnema Wharf, des policiers dela Brigade d’intervention rapide (SOS) de Port Harcourtont tué trois hommes et arrêté quatre autres, dont deuxont été relâchés par la suite et les deux autres placés endétention. Selon des témoins, le quartier était calmeavant l’arrivée de la police. Celle-ci a refusé de restituerles corps des trois hommes tués à leurs proches pourqu’ils soient inhumés. Aucune enquête n’avait étéeffectuée à la fin de l’année.Les Forces spéciales, notamment la Brigadespéciale de répression des vols (SARS) et la SOS, ont<strong>com</strong>mis toute une série de violations des droitshumains. Au début de l’année, le gouvernement del’État de Bayelsa a mis en place l’opération FamouTangbe – « tuer et jeter » dans la langue locale – pourlutter contre la criminalité. De nombreux agentsparticipant à cette opération se seraient renduscoupables d’homicides illégaux et de torture, ainsique d’arrestations et de détentions arbitraires. Lessuspects incarcérés n’ont, semble-t-il, pas étéautorisés à entrer en contact avec leurs proches niavec un avocat.n Dietemepreye Ezonasa, un étudiant de 22 ans, a étéarrêté le 22 février dans le cadre de l’opération FamouTangbe et conduit dans un poste de police. La police anié le détenir le 27 février. On ignorait toujours ce qu’ilétait devenu à la fin de l’année.n Tochukwu Ozokwu (25 ans) a été arrêté le 11 maidans le cadre de l’opération Famou Tangbe. Lelendemain, les policiers lui ont ordonné de sauter dansune rivière en le menaçant de l’abattre s’iln’obtempérait pas. Ne sachant pas nager, il s’est noyé.Aucune enquête n’a été menée.Le gouvernement fédéral a mis fin à l’opérationFamou Tangbe en septembre. Les atteintes aux droitsfondamentaux <strong>com</strong>mises durant cette opération n’ontpas donné lieu à une enquête.La police exécutait rarement les décisions renduespar la justice.n La police a refusé de libérer Mallam Aliyu Tasheku,un membre présumé de Boko Haram dont un tribunalavait ordonné la mise en liberté sous caution le28 mars. Il a finalement été élargi en juillet.n La police n’avait pas présenté à la justice ChikaIbeku, disparu pendant sa garde à vue en avril 2009,plus d’un an après qu’un tribunal eut ordonné sa<strong>com</strong>parution.Dans la plupart des cas, les homicides illégaux etles disparitions forcées n’ont fait l’objet d’aucuneenquête et personne n’a été puni. Des proches devictimes ont été menacés lorsqu’ils tentaient d’obtenirjustice.n Catherine Akor, qui avait intenté une action enjustice contre des policiers à la suite de l’homicideillégal en juin 2009 de son fils, Michael Akor, et de l’amide celui-ci, Michael Igwe, continuait de recevoir desmenaces de mort.Torture et autres mauvais traitementsSelon des informations concordantes, les policierstorturaient régulièrement des suspects pour leurarracher des renseignements. Des tribunauxretenaient à titre de preuve des « aveux » obtenussous la torture, en violation de la législation nigérianeet du droit international.Boko HaramLes violentes attaques menées par des membresprésumés du groupe religieux Boko Haram se sontmultipliées, coûtant la vie à plus de 500 personnes.Bon nombre de ces attaques visaient des policiers etdes représentants de l’État. Les bars et les brasseriesen plein air du nord du pays ont été pris pour cibles àpartir de juin ; de très nombreuses personnes ont ététuées. La situation s’est dégradée vers la fin del’année et des attentats à l’explosif, entre autresattaques, ont été signalés chaque semaine. Leprésident a proclamé l’état d’urgence le 31 décembredans certaines régions des États de Borno, du Niger,du Plateau et de Yobe.n Le 16 juin, l’explosion d’une bombe dans le parkingdu siège de la police nationale a tué au moins troispersonnes.n Le 28 août, 24 personnes ont été tuées et au moins80 autres blessées dans un attentat à l’explosifNAmnesty International - Rapport 2012241


Nperpétré par des membres de Boko Haram contre unbâtiment abritant la représentation des Nations unies àAbuja.n Une centaine de personnes, peut-être davantage,ont été tuées à la suite d’attentats à l’explosif perpétrésle 4 novembre à Damaturu, capitale de l’État de Yobe.n Le 25 décembre, quatre attentats à l’explosif ont faitau moins 44 morts ; un autre attentat <strong>com</strong>mis par desmembres de Boko Haram contre une église de Madalla(État du Niger) a tué 37 personnes et en a blessé plusde 50. Sept autres personnes ont trouvé la mort aprèsl’explosion de bombes à Jos (État du Plateau) et àDamaturu.Face à ces violences, le gouvernement fédéral amis sur pied en juin une Force d’interventionconjointe (JTF) à Maiduguri. Elle était <strong>com</strong>posée demembres de l’armée de terre, de la marine, del’armée de l’air, de la Direction de la sûreté de l’État etde la police nigériane. Par la suite, des cas de plus enplus nombreux de violations perpétrées par les forcesde sécurité dans l’État de Borno ont été signalés.Celles-ci se seraient notamment livrées à deshomicides illégaux, des rafles, des détentionsarbitraires et illégales ainsi qu’à des actes d’extorsionet d’intimidation. Plusieurs centaines de personnesont été arrêtées. Le 25 décembre, la Commissionnationale des droits humains s’est dite préoccupéepar les exécutions extrajudiciaires qui auraient puêtre <strong>com</strong>mises par les forces de sécurité dans le norddu pays.n Le 9 juillet, la JTF a bouclé le secteur de KaleriNgomari Custain, à Maiduguri, à la suite d’un attentat àl’explosif perpétré par Boko Haram. Les agents de laJTF, passant de maison en maison, auraient abattu aumoins 25 personnes. De nombreux hommes et jeunesgarçons ont été portés disparus. La JTF a égalementincendié plusieurs maisons, forçant leurs occupants àfuir. Au moins 45 personnes auraient été blessées. Desfemmes auraient également été violées par desmembres de la JTF.n Arrêtée le 20 mars à Bauchi, Saadatu Umar a étéplacée en détention avec ses trois enfants, tous âgés demoins de six ans. Elle n’a pas été inculpée et a étédétenue illégalement pendant plusieurs mois,apparemment parce que son mari était un membreprésumé de Boko Haram. Le 17 octobre, un tribunal aordonné à la police de relâcher Saadatu Umar et sesenfants et de leur verser un million de nairas (environ6 200 dollars des États-Unis) à titre de dommages etintérêts.Le gouvernement n’a pas rendu publiques lesconclusions d’un rapport sur les affrontements quiavaient opposé Boko Haram et les forces de sécuritéen juillet 2009. Plus de 800 personnes, dont24 policiers et le chef du groupe religieux,Muhammad Yusuf, avaient alors trouvé la mort. Cinqpoliciers soupçonnés d’avoir exécuté sommairementcet homme ont été inculpés de meurtre et placés endétention en juillet.En septembre, la Commission présidentielle surles problèmes de sécurité dans la zone du nord-esta remis son rapport au président, qui ne l’a pasrendu public. Le sénateur Ali Ndume, représentantde la circonscription sud de l’État de Borno etmembre de la Commission, a été arrêté ennovembre et inculpé au titre de la Loi relative auterrorisme d’avoir dissimulé des informations etrenseigné un groupe terroriste. Il a été libéré souscaution en décembre.n Mallam Babakura Fugu, le beau-frère deMuhammad Yusuf, a été tué le 17 septembre. Aucuneenquête n’a été diligentée et personne n’a été traduit enjustice.En avril 2010, la haute cour de l’État de Borno avaitordonné à la police d’indemniser les proches du pèrede Mallam Babakura Fugu, Alhaji Baba Fugu,exécuté de manière extrajudiciaire en 2009 pendantsa garde à vue. Le recours formé par la police contrecette décision n’avait pas été examiné à la fin del’année.Violences inter<strong>com</strong>munautairesLes violences inter<strong>com</strong>munautaires et interconfessionnellesse sont poursuivies tout au long del’année dans le centre du Nigeria. Les autorités serévélant incapables de protéger le droit à la vie desNigérians et de prévenir ces violences, celles-ci sesont intensifiées. Plus de 200 personnes sont mortesdans le seul État du Plateau, lors d’affrontementsprovoqués par des tensions et des litiges fonciersopposant de longue date différents groupesethniques. Le 18 janvier, le <strong>com</strong>mandant de la JTFpour l’État du Plateau aurait ordonné à des soldats detirer à vue.Plusieurs centaines de personnes ont trouvé lamort à la suite de violences à caractère politique quiont éclaté dans tout le pays avant, pendant et aprèsles élections législatives, présidentielle et localestenues en avril. Des menaces et des actesd’intimidation motivés par des considérations242 Amnesty International - Rapport 2012


politiques ont également été signalés. Le rapport dela Commission présidentielle sur les violencespostélectorales, remis au président en octobre, n’apas été rendu public. Le président de la Commissiona déclaré que le climat d’impunité régnant auNigeria était l’une des principales causes de cesviolences.n Dans le sillage de l’élection présidentielle, plusieurscentaines de personnes ont été tuées dans desémeutes et des flambées de violence dans le nord et lecentre du pays. Selon l’Inspecteur général de la police,520 personnes ont trouvé la mort dans les seuls Étatsde Kaduna et du Niger.ImpunitéDe très nombreuses personnes ont été arrêtées par lapolice et les forces de sécurité à la suite des violencespersistantes dans le nord du pays, mais peu ont faitl’objet de poursuites ou d’une condamnation. Bienque les <strong>com</strong>missions précédemment mises en placepour enquêter sur les violences dans l’État du Plateauaient, selon les informations reçues, désigné lesauteurs présumés de ces agissements, aucuneinformation judiciaire n’a été ouverte au cours del’année.JusticeLe système pénal manquait de moyens, était minépar la corruption et suscitait généralement laméfiance. Les investigations qui étaient menéesétaient le plus souvent superficielles plutôt qu’axéessur le renseignement. Au lieu de procéder à desinterpellations individuelles sur la base d’un soupçonraisonnable, les forces de sécurité avaient souventrecours à des rafles. Les suspects étaientrégulièrement soumis à un traitement inhumain etdégradant en détention.Les procédures étaient lentes ; de fait, la plupartdes personnes en attente de jugement étaientmaintenues en détention prolongée dans desconditions épouvantables. Soixante-dix pour cent des48 000 personnes incarcérées n’avaient pas étéjugées. Beaucoup attendaient leur procès depuis desannées ; la plupart n’avaient pas les moyens derémunérer un avocat.En août, le gouvernement fédéral a mis en placeune Commission de mise en œuvre des réformes dusecteur de la justice chargée d’élaborer des textes deloi, des directives et des re<strong>com</strong>mandations et de lesappliquer dans un délai de 24 mois.Peine de mortSoixante-douze sentences capitales ont étéprononcées. Les prisons <strong>com</strong>ptaient 982 condamnésà mort, dont 16 femmes. Cinquante-cinq condamnésont bénéficié d’une <strong>com</strong>mutation de peine et 11 ontété graciés. Aucune exécution n’a été signalée.Beaucoup de ces prisonniers avaient été condamnésà mort à l’issue de procès des plus iniques ou aprèsavoir passé plus de 10 ans en prison dans l’attente deleur procès.Le champ d’application de la peine capitale a étéétendu en juin aux actes de soutien au terrorismeayant entraîné la mort. Les dispositions de la Loirelative au terrorisme, imprécises et trop larges,n’étaient pas conformes aux normes relatives auxdroits humains en matière de régularité de laprocédure, de privation légale de liberté et d’équitédes procès.En octobre, Mohammed Bello Adoke, procureurgénéral fédéral et ministre de la Justice, a déclaréque le Nigeria avait instauré un moratoire officiel surles exécutions. Cette annonce n’a toutefois pas étépubliée au Journal officiel.Expulsions forcéesComme les années précédentes, des expulsionsforcées ont eu lieu dans tout le pays. Les habitantsn’étaient pas véritablement consultés avant cesexpulsions, ni prévenus suffisamment à l’avance ; ilsn’étaient pas indemnisés et aucune solution derelogement ne leur était proposée. Plus de200 000 personnes risquaient toujours d’êtreexpulsées de force des quartiers situés au bord del’eau à Port Harcourt, dans l’État de Rivers.n Le 25 juin, des centaines de personnes ont étéchassées de force de leur domicile et au moins unepersonne est morte lorsque la Brigade spécialed’assainissement de l’environnement, escortée par despoliciers et des soldats armés, a réduit en cendres desstructures du quartier et du marché de Panteka, dansla capitale fédérale. Les policiers auraient tiré en l’air,mis le feu à des constructions et arrêté des personnesqui tentaient de s’enfuir. Des habitants ont affirmé nepas avoir été préalablement informés de cetteopération.n Aucune enquête n’a été menée sur la fusillade quiavait éclaté en 2009 à Bundu, quartier de PortHarcourt en bordure d’eau, et fait au moins 12 morts.Les forces de sécurité avaient ouvert le feu endirection de personnes qui manifestaientNAmnesty International - Rapport 2012243


Npacifiquement contre la démolition prévue de leurshabitations.Violences faites aux femmes et aux fillesLa violence contre les femmes et les filles restait unphénomène très courant, prenant notamment laforme de brutalités domestiques ou de viols et autressévices sexuels <strong>com</strong>mis par des agents de l’État oudes particuliers. Les autorités ne faisaient pas preuvede la diligence requise pour agir contre les violencessexuelles et les prévenir, ni pour obliger leurs auteursà rendre <strong>com</strong>pte de leurs actes.Droits des enfantsÀ la fin de l’année, 12 des 36 États du Nigerian’avaient toujours pas adopté la Loi relative aux droitsde l’enfant. La police arrêtait souvent des mineurs, enparticulier ceux qui vivaient dans la rue, entre autresenfants vulnérables, et les plaçait illégalement endétention. Cette année encore, les enfants étaientdétenus avec des adultes dans les postes de police eten prison. Le seul centre pour mineurs délinquantsopérationnel au Nigeria était toujours surpeuplé.Aucune enquête n’avait été menée sur lesaffrontements violents du 29 décembre 2009, aucours desquels 22 enfants avaient été tués à Bauchi.Beaucoup auraient été abattus par la police.Liberté d’expressionLes défenseurs des droits humains et les journalistesétaient systématiquement en butte à des actesd’intimidation et à des agressions. Plusieurs d’entreeux ont été menacés et battus ou interpellés par despoliciers et des membres des forces de sécurité. Lespersonnalités politiques usaient de plus en plussouvent de leur influence pour faire arrêter despersonnes qui critiquaient les autorités.n En janvier, Patrick Naagbanton, coordonnateur duCentre nigérian pour l’environnement, les droitshumains et le développement (CEHRD), une ONG dedéfense des droits humains, a reçu de nombreusesmenaces de mort.n Le 9 novembre, Justine Ijeoma, directeur de laFondation pour les droits humains, le développementsocial et l’environnement (HURSDEF), une autre ONG,a été arrêté après être intervenu pour empêcher unpolicier de battre une femme. Il a été détenu pendantplusieurs heures avant d’être relâché. Cet homme ainsique le personnel de l’ONG ont été menacés par lapolice tout au long de l’année.n En octobre, Osmond Ugwu, défenseur des droitshumains originaire de l’État d’Enugu, et RaphaelElobuike, ont été arrêtés lors d’une réunion syndicalepacifique organisée à Enugu, après avoir fait campagnepour l’application de la loi portant augmentation dusalaire minimum. Ils ont par la suite été inculpés decollusion en vue de <strong>com</strong>mettre un meurtre et detentative de meurtre. En décembre, le procureurgénéral de l’État s’est présenté en personne àl’audience pour s’opposer à leur demande de mise enliberté sous caution. Le juge a ajourné l’audience et faitsavoir qu’il se prononcerait sur cette demande enjanvier 2012.Delta du NigerMalgré l’amnistie présidentielle accordée en 2009 auxmembres de groupes armés, des gangs armés ontcontinué d’enlever des employés des <strong>com</strong>pagnies depétrole et d’attaquer les installations pétrolières. Cetteannée encore, les forces de sécurité, y <strong>com</strong>prisl’armée, se sont rendues coupables d’atteintes auxdroits humains.n Aucune enquête n’a été effectuée sur le raid menéen 2010 par la JTF dans la localité d’Ayokoromo. Lorsde cette attaque, jusqu’à 51 personnes, dont desenfants, avaient été tuées et au moins 120 habitationsavaient été incendiées.La pollution et la dégradation de l’environnementcausées par l’industrie pétrolière continuaient d’avoirde graves conséquences pour les habitants et pourleurs moyens de subsistance. Les <strong>com</strong>munautésaffectées n’avaient toujours pas accès aux donnéesessentielles relatives aux incidences de l’industriepétrolière sur leur vie.Les lois et règlements relatifs à la protection del’environnement n’étaient pas appliqués de manièresatisfaisante, notamment parce que les organismesgouvernementaux représentaient des intérêtsdivergents.n La localité de Bodo a intenté une action en justicecontre la <strong>com</strong>pagnie pétrolière Shell, devant la HauteCour du Royaume-Uni, pour réclamer uneindemnisation et le nettoyage des zones polluées pardeux déversements importants d’hydrocarburessurvenus en 2008.n En août, le Programme des Nations unies pourl’environnement (PNUE) a révélé les conséquencesdésastreuses tant pour la population que pourl’environnement de décennies de pollution parl’exploitation pétrolière dans le pays ogoni. Il concluait244 Amnesty International - Rapport 2012


que la contamination par hydrocarbures était grave etgénéralisée, et que les habitants du delta du Niger yétaient exposés depuis plusieurs dizaines d’années.n Shell a affirmé que, le 20 décembre, « moins de40 000 barils » de pétrole s’étaient déversés dansl’océan Atlantique sur la plate-forme offshore deBonga, exploitée par la société.Droits des lesbiennes, des gays,des personnes bisexuelles et destransgenresLes atteintes aux droits fondamentaux des personnesdu même sexe soupçonnées d’avoir des relationsentre elles, ou une identité de genre nonconventionnelle, se sont poursuivies. En décembre, leSénat a approuvé un projet de loi prévoyant unepeine de 14 ans d’emprisonnement pour quiconquecontracte un mariage avec une personne du mêmesexe. Aux termes de ce texte, toute personne ou toutgroupe de personnes qui « est témoin d’un mariageou d’une union entre personnes du même sexe,facilite ou encourage la célébration d’un tel mariageou d’une telle union », ou qui « soutient » des groupes,des « cortèges ou des réunions » gays, sera passibled’une peine de 10 ans d’emprisonnement. La mêmepeine s’appliquera aux « manifestations publiquesamoureuses entre personnes du même sexe » ainsiqu’à toute personne qui fait enregistrer un club gayou une organisation protégeant les droits deslesbiennes, des gays, des personnes bisexuelles etdes transgenres.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Nigeria enjanvier-février, mai, juin-juillet, août, octobre, novembre et décembre.4 Loss of life, insecurity and impunity in the run-up to Nigeria’s elections(AFR 44/005/2011).4 Nigeria: Human rights agenda 2011-2015 (AFR 44/014/2011).4 Nigeria. La vraie « tragédie ». Retards et incapacité à stopper les fuitesde pétrole dans le delta du Niger (AFR 44/018/2011).NORVÈGEROYAUME DE NORVÈGEChef de l’État :Harald VChef du gouvernement :Jens StoltenbergPeine de mort :aboliePopulation :4,9 millionsEspérance de vie :81,1 ansMortalité des moins de cinq ans : 3,3 ‰Les victimes de violences sexuelles ne se voyaienttoujours pas accorder une protection et un accès à lajustice suffisants. De nouveaux renvois forcés versl’Irak ont eu lieu. Les conditions d’accueil desmineurs non ac<strong>com</strong>pagnés dans les centres pourdemandeurs d’asile étaient préoccupantes.Réfugiés, migrants et demandeursd’asileTout au long de l’année, les autorités ont renvoyé deforce à Bagdad des demandeurs d’asile irakiensdéboutés, au mépris des directives du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés(HCR). Certains ont été expulsés à bord de volscharters organisés conjointement avec d’autres Étatseuropéens.En avril, le Comité pour l’élimination de ladiscrimination raciale [ONU] s’est déclaré préoccupépar les conditions régnant dans les centres d’accueilet les centres de détention pour demandeurs d’asileet demandeurs d’asile déboutés, y <strong>com</strong>pris dans ceuxaccueillant des mineurs non ac<strong>com</strong>pagnés. LeComité a engagé le gouvernement norvégien à faireen sorte que ces centres offrent des conditions de vieconformes aux normes internationales relatives auxdroits humains.Violences faites aux femmes et aux fillesLes femmes ne bénéficiaient pas d’une protectionsuffisante contre les violences, ni dans la législation nidans la pratique. Malgré l’augmentation du nombrede viols signalés à la police, plus de 80 % des plaintesétaient classées sans suite et n’étaient pas transmisesà la justice. Le Code civil et pénal général continuaitde lier le viol, dans la définition qu’il donnait de cetteinfraction, à la capacité de prouver que l’acte sexuelavait été contraint et obtenu par des violencesphysiques.En novembre, le Comité des droits de l’homme[ONU] s’est dit préoccupé par le nombre de cas deNAmnesty International - Rapport 2012245


Nviolences liées au genre, en particulier de viols, et aprié instamment les autorités de veiller à ce que cesviolences fassent l’objet d’enquêtes, que les auteurssoient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables,soient punis.Justice internationaleEn avril, la Cour suprême a confirmé le jugementrendu contre Mirsad Repak. Cet homme, qui avaitservi dans les Forces de défense croates et obtenu lanaturalisation norvégienne, avait été déclaré coupabledu chef de « privation de liberté » pendant la guerreen Bosnie-Herzégovine. En raison de la natureextrêmement grave de l’infraction, la Cour a alourdi lapeine, la portant à huit années d’emprisonnement.En mai, un ressortissant rwandais de 45 ans a étéarrêté et inculpé de participation au génociderwandais en avril 1994. La police judiciairenorvégienne (KRIPOS) enquêtait sur cette affairedepuis 2008, à la suite de l’émission par les autoritésde Kigali d’un mandat d’arrêt international contre cethomme. Celui-ci se trouvait toujours en détention à lafin de l’année. La justice devait décider en 2012 sides poursuites seraient engagées à son encontre enNorvège.Le 24 novembre, la Cour suprême a estimé qu’unressortissant rwandais de 58 ans pouvait être extradévers son pays d’origine afin d’y répondre du chef departicipation au génocide de 1994.NOUVELLE-ZÉLANDENOUVELLE-ZÉLANDEChef de l’État :Elizabeth II, représentée parAnand Satyanand, remplacé par Jerry Mateparae le 31 aoûtChef du gouvernement :John KeyPeine de mort :aboliePopulation :4,4 millionsEspérance de vie :80,7 ansMortalité des moins de cinq ans : 6,2 ‰Les droits à la propriété des populations indigènesont été en partie reconnus dans la Loi relative auxzones maritimes et côtières. Le ministre de laDéfense a admis qu’il ne pouvait pas garantir queles détenus capturés lors d’opérations conjointesmenées en Afghanistan n’avaient pas été torturés.La pauvreté infantile touchait les <strong>com</strong>munautésmaories et du Pacifique de façon disproportionnée.Évolutions législatives, constitutionnellesou institutionnellesLa Loi portant Charte des droits de la Nouvelle-Zélande n’incluait pas les droits économiques,sociaux et culturels. Elle ne conférait pas de façonexplicite aux magistrats le pouvoir d’accorder desréparations en cas de non-respect de sesdispositions. La Nouvelle-Zélande n’avait toujours pasratifié le Protocole facultatif se rapportant au PIDESC.Droits des peuples indigènesLa Loi de 2011 relative aux zones maritimes et côtières(Takutai Moana) a été adoptée en mars. Elle a abrogéla Loi de 2004 sur l’estran et les fonds marins, quiavait fait obstacle aux revendications territoriales desMaoris concernant ces zones. La nouvelle loi de 2011n’autorisait toutefois pas les Maoris à réclamer uneoccupation exclusive de ces territoires, ni à formulerune demande portant sur des terres appartenant à unpropriétaire privé. De plus, toutes les revendicationsconcernant des droits fonciers ancestraux devaientêtre présentées dans un délai de six ans.Droits des travailleursEn juin, des membres d’équipage de deux navires depêche affrétés par la Corée du Sud, l’Oyang 75 et leShin Ji, ont refusé de réembarquer à bord de cesbâtiments, à quai dans les ports de Lyttelton etd’Auckland. En juillet, les autorités ont ouvert uneenquête ministérielle pour examiner les allégationsselon lesquelles des membres d’équipage avaient étésoumis à des violences à caractère psychologique,physique et sexuel et n’avaient pas reçu larémunération qui leur était due.Lutte contre le terrorisme et sécuritéEn octobre, les forces armées néo-zélandaises(NZDF) ont publié un rapport concernant leurpossible <strong>com</strong>plicité dans des actes de tortureperpétrés en Afghanistan. Ce document confirmaitqu’une personne détenue depuis septembre 2009par les forces spéciales de l’armée de l’air néozélandaise(NZSAS) faisait l’objet d’une surveillancedestinée à garantir son bien-être. En revanche, leministre de la Défense a reconnu que les NZDF ne246 Amnesty International - Rapport 2012


surveillaient pas les détenus capturés lors desopérations menées conjointement par l’Unité deréaction aux crises de la police nationale afghane etles NZSAS, et qu’il ne pouvait pas garantir que cesdétenus n’avaient pas été torturés.Droits des enfantsEn février, le Comité des droits de l’enfant [ONU] s’estdéclaré préoccupé par le fait que près de 20 % desenfants du pays vivaient toujours en dessous du seuilde pauvreté, ainsi que par le taux élevé d’enfantsvictimes de maltraitance ou de négligence au sein dela famille. En juillet, le gouvernement a publié undocument de travail examinant la manière dont lepays pourrait davantage protéger les enfants victimesd’abus ou de négligence, ou défavorisés. Il a reconnuque la pauvreté infantile touchait les <strong>com</strong>munautésmaories et du Pacifique plus que tout autre groupe dela population néo-zélandaise. En septembre, laNouvelle-Zélande a ratifié le Protocole facultatif à laConvention relative aux droits de l’enfant [ONU]concernant la vente d’enfants, la prostitution desenfants et la pornographie mettant en scène desenfants.OMANSULTANAT D’OMANChef de l’État et du gouvernement : Qabous bin Saïd al SaïdPeine de mort :maintenuePopulation :2,8 millionsEspérance de vie :73 ansMortalité des moins de cinq ans : 12 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 86,6 %La police a utilisé une force excessive contre desmanifestants, y <strong>com</strong>pris pacifiques ; deuxpersonnes au moins ont été tuées et d’autres ont étéblessées. Plusieurs centaines de manifestants ontété arrêtés ; 80 au moins ont été traduits en justiceet beaucoup d’entre eux ont été condamnés à despeines d’emprisonnement. Le gouvernement arenforcé les restrictions à la liberté d’expression.Les femmes et les filles continuaient de subir desdiscriminations dans la législation et dans lapratique.ContexteEn janvier, des manifestants ont protesté contre lecoût de la vie et l’absence de perspectivesd’emplois ; ils ont réclamé des réformes politiquesainsi que le renvoi de certains ministres et defonctionnaires corrompus. En février, le sultanQabous bin Saïd a réagi en augmentant le salaireminimum et les allocations versées aux chômeurs.Il a également annoncé la création de50 000 nouveaux emplois et le remplacement deplusieurs ministres. En mars, alors que lesmanifestations s’étaient multipliées, il a congédiéd’autres ministres ; il a ensuite modifié laConstitution pour conférer certains pouvoirslégislatifs au Conseil consultatif, seul organe élu desdeux chambres du Majlis (Parlement). Des électionsont eu lieu le 15 octobre et, pour la première fois, leprésident du Conseil consultatif a été désigné parles membres élus. La situation des droits humains àOman a été étudiée en mars dans le cadre del’Examen périodique universel de l’ONU. Oman aété prié de réviser sa législation de manière à<strong>com</strong>battre la discrimination et la violence à l’égarddes femmes.Répression de la dissidenceLa police et les forces de sécurité ont eu recours àune force excessive pour disperser desmanifestations, y <strong>com</strong>pris pacifiques ; elles ont utilisédu gaz lacrymogène, tiré des balles en caoutchouc etfrappé les participants. Le 27 février, un hommeaurait trouvé la mort lorsque la police a dispersé parla force des manifestants dans la ville de Sohar. Le29 mars, les forces de sécurité ont attaqué avantl’aube le camp de manifestants installé au rond-pointdu Globe, dans cette même ville. Les personnes quirefusaient de partir auraient été battues et d’autresarrêtées à leur domicile.n Abdullah al Ghamalasi, étudiant, est mort le27 février à Sohar lorsque les policiers ont tiré desballes en caoutchouc et du gaz lacrymogène sur desmanifestants rassemblés au rond-point du Globe. Lesautorités ont annoncé l’ouverture d’une enquête dontles conclusions n’ont pas été rendues publiques.De nombreux manifestants ont été arrêtés au coursde l’année et 80 au moins ont été traduits en justice.Certains ont été déclarés coupables d’insultes enversdes représentants des autorités, d’entrave à lacirculation ou d’actes de violence, et condamnés àdes peines d’emprisonnement.OAmnesty International - Rapport 2012247


On Ahmed al Shezawi a été arrêté le 29 mars chez lui àMascate, la capitale. Pendant plus d’une semaine il aété maintenu à l’isolement dans un lieu tenu secret, oùil aurait été contraint d’écouter en permanence de lamusique tonitruante, avant d’être transféré dans laprison centrale de Samail. Cet homme et son oncleAbdul Gufar al Shezawi, qui avait également participéaux manifestations, ont été libérés le 10 avril aprèss’être engagés à ne pas détruire ni endommager desbiens publics. Tous deux ont été relaxés en juin de tousles chefs d’inculpation dont ils faisaient l’objet.n Basma al Kiyumi, avocate éminente, était la seulefemme d’un groupe de 15 personnes arrêtées le 14 maialors qu’elles manifestaient pacifiquement devant lebâtiment du Conseil consultatif à Mascate pourréclamer la libération d’autres manifestants arrêtésdeux jours plus tôt. Elle a été inculpée de participation àun rassemblement illégal et remise en liberté souscaution le 16 mai. Les 14 autres manifestants ontégalement été libérés.n En juin, sept personnes arrêtées à la suite desmanifestations de Sohar ont été déclarées coupablespar un tribunal de Mascate d’actes de violence contredes représentants de l’État et condamnées à despeines de cinq ans d’emprisonnement.Le sultan Qabous bin Saïd a gracié, le 20 avril,234 personnes accusées de « rassemblement dans larue » dans les districts de Dank, Ibri, Sohar et Yanqul.Liberté d’expressionEn octobre, l’article 26 de la Loi relative à la presse etaux publications a été modifié ; il interdisait désormaisla publication par tous les moyens, y <strong>com</strong>prisInternet, de toute information considérée <strong>com</strong>meportant atteinte à la sûreté de l’État ou à sa sécuritéintérieure et extérieure, ou encore liée à l’armée etaux organes de sécurité. Les contrevenants étaientpassibles d’une peine maximale de deux ansd’emprisonnement et d’une amende.n Yusef al Haj, journaliste travaillant pour le quotidienAzzamn, et Ibrahim al Maamary, rédacteur en chef dece journal, ont été condamnés en septembre à cinqmois d’emprisonnement. Ils avaient été déclaréscoupables d’avoir « insulté » le ministre de la Justicedans un article qui évoquait des allégations decorruption au sein de son ministère. Haroon al Muqaibli,un employé du ministère de la Justice qui leur avaitfourni les informations, a lui aussi été déclaré coupableet condamné à cinq mois d’emprisonnement. Leurscondamnations ont été confirmées en appel.Droits des femmesLes femmes et les filles continuaient de subir desdiscriminations importantes dans la loi et dans lapratique, en particulier en matière de statut personnelet d’emploi, et elles étaient subordonnées à leurtuteur masculin. Soixante-dix-sept femmes se sontprésentées aux élections du Conseil consultatif, unchiffre plus de trois fois supérieur à celui de 2007 ;une seule a été élue.Peine de mortLes autorités n’ont fourni aucune information àpropos de l’application de la peine de mort et aucuneexécution n’a été signalée.Visites et documents d’AmnestyInternational4 Oman. Des manifestants détenus risquent la torture à Oman(MDE 20/003/2011).OUGANDARÉPUBLIQUE DE L’OUGANDAChef de l’État et du gouvernement : Yoweri Kaguta MuseveniPeine de mort :maintenuePopulation :34,5 millionsEspérance de vie :54,1 ansMortalité des moins de cinq ans : 127,5 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 73,2 %Les restrictions à la liberté d’expression se sontaccrues. Les autorités ont réprimé desmanifestations pacifiques ; elles ont notammenteu recours à une force excessive, parfoismeurtrière. Cette année encore, des agents de laforce publique se sont rendus coupables deviolations de droits humains, dont des homicidesillégaux et des actes de torture, sans avoir à rendre<strong>com</strong>pte de leurs actes. Des lesbiennes, des gays,des personnes bisexuelles et des transgenres ontde nouveau été victimes de discriminations et deviolences.ContexteDes élections présidentielle et législatives ont eu lieuen février. Le président sortant, Yoweri Museveni, aété réélu avec 68 % des voix pour un nouveau248 Amnesty International - Rapport 2012


mandat de cinq ans. Les partis d’opposition ontcontesté l’issue du scrutin, invoquant des fraudes etdes irrégularités. Le Mouvement national derésistance a remporté la majorité des sièges auParlement. Quelques affrontements violents ontopposé des sympathisants politiques, des policiers etd’autres membres des forces de sécurité avant,pendant et après les élections.En octobre, trois ministres ont été inculpés pouravoir détourné des fonds publics destinés à la réunionde 2007 des chefs de gouvernement duCommonwealth. Dans le cadre de l’Examenpériodique universel, l’Ouganda a présenté sonrapport au Conseil des droits de l’homme [ONU].Liberté de réunionEn février, le gouvernement a imposé une interdictiongénérale de toutes les manifestations publiques, cequi a surtout affecté l’activité politique. En avril, legroupe de pression Activists for Change a appelé lapopulation à se rendre à pied au travail en signe deprotestation contre l’augmentation du prix del’essence et d’autres produits de première nécessité.Des manifestations se sont succédé pendantplusieurs semaines dans la capitale, Kampala, etailleurs. La police a déclaré ces manifestationsillégales et est intervenue pour disperser desrassemblements à l’origine pacifiques. Desmanifestants ont lancé des objets sur les agents, quiont réagi avec une force excessive. Des responsablesde partis d’opposition et plusieurs centaines de leurssympathisants ont été arrêtés.Les autorités ont affirmé, sans fournir aucunepreuve de leurs allégations, que les personnes àl’origine des manifestations avaient l’intention derecourir à la violence et de « renverser legouvernement ». En octobre, quatre militantspolitiques ont été accusés de trahison – uneinfraction passible de la peine de mort – pour avoirparticipé à l’organisation des manifestations. Ledirigeant de l’opposition Kizza Besigye s’est vuinterdire de quitter son domicile, à Kampala, autitre d’une mesure d’« arrestation préventive » quisemblait avoir pour objectif spécifique del’empêcher d’exercer son droit à la liberté deréunion.Plusieurs dizaines de sympathisants des partispolitiques se trouvaient toujours en détentionprovisoire et risquaient des poursuites pénales pouravoir participé aux mouvements de protestation.Homicides illégauxLa police et l’armée ont recouru à une force excessiveau cours de manifestations publiques, lors de sixépisodes distincts en avril et en mai. Des ballesréelles ont été tirées sur les foules de manifestants ;au moins neuf personnes ont été tuées – dont unefillette de deux ans – et plusieurs dizaines ont étéblessées. Fortement médiatisée, la mort de la petitefille, le 21 avril, a donné lieu à l’ouverture d’uneinformation judiciaire. Le gouvernement s’est engagéà faire juger le policier impliqué. Aucune mesure n’acependant été prise pour que les agents de la forcepublique soient amenés à rendre des <strong>com</strong>ptes pourles autres homicides et les violations des droitshumains associées, ni pour accorder aux victimes et àleur famille le droit à un recours utile.Torture et autres mauvais traitementsUn certain nombre de responsables politiques et deleurs sympathisants ont été maltraités lorsqu’ils sefaisaient arrêter par des policiers et d’autres membresdes forces de sécurité.n Le 28 avril, Kizza Besigye (voir ci-dessus) a étégrièvement blessé au moment de son interpellation pardes agents des forces de sécurité, qui n’ont pas étéidentifiés. Des représentants du gouvernement ontaffirmé que le degré de force employée contre lui étaitjustifié.En juin, la Commission ougandaise des droitshumains a signalé que les policiers, les militaires etd’autres agents de la force publique recouraientsouvent aux mauvais traitements et à la torture.Liberté d’expressionParce qu’ils exprimaient des opinions jugées critiquesà l’égard des autorités, les journalistes, ainsi que lesresponsables et les militants de l’opposition, risquaientd’être arrêtés, intimidés, menacés et poursuivis enjustice pour des motifs politiques. Une trentaine dejournalistes ougandais ont fait l’objet de poursuitespénales du fait de leurs activités professionnelles.Au cours des manifestations d’avril et mai, lesautorités ont cherché à bloquer des sites de réseauxsociaux et ont interdit les émissions en direct à latélévision, faisant valoir des allégations nonconfirmées de menaces pour la sûreté nationale et lasécurité publique. De nombreux journalistes ont étéharcelés, intimidés et battus par des policiers etd’autres agents de la force publique, en particulieralors qu’ils couvraient les manifestations.OAmnesty International - Rapport 2012249


OL’avant-projet de loi modifiant la loi relative à lapresse et aux journalistes devait toujours être examinépar le conseil des ministres. Si ces dispositions étaientadoptées, elles permettraient aux autorités d’invoquerdes motifs vagues, tels que la « sécurité nationale »,pour refuser l’octroi de licences aux organes depresse.En octobre, le projet de loi relatif à la gestion del’ordre public a été présenté au Parlement. En casd’adoption sous forme de loi, il pourrait restreindre demanière abusive la liberté de réunion et d’expression.Violences faites aux femmes et aux fillesLes violences à l’encontre des femmes et des filles– en particulier les violences sexuelles et les autresformes de violences liées au genre – demeuraient trèsrépandues. Le gouvernement a pris certainesmesures encourageantes face à cette situation,élaborant notamment un manuel destiné aupersonnel de santé sur la conduite à tenir dans lescas de violences liées au genre. Les femmes et lesfilles victimes de viol et d’autres formes de violencessexuelles ou liées au genre étaient toujoursconfrontées à des obstacles économiques et sociauxlorsqu’elles tentaient de se tourner vers la justice. Despersonnes ayant été victimes de ce type de violencesdurant le conflit dans le nord du pays continuaient deréclamer des réparations pour les traumatismesphysiques et psychologiques subis.Justice internationaleLes mandats d’arrêt décernés en 2005 par la Courpénale internationale à l’encontre de Joseph Kony,chef de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), etde trois autres <strong>com</strong>mandants du mouvement,demeuraient en vigueur. Les quatre hommes étaienttoujours en fuite.n En juillet, Thomas Kwoyelo, ancien <strong>com</strong>mandant dela LRA, a <strong>com</strong>paru devant la Division des crimesinternationaux de la Haute Cour pour répondre deschefs de meurtre, d’enlèvement avec intention de tuer,de vol aggravé, de destruction de biens et d’autresinfractions <strong>com</strong>mises au cours d’attaques qu’il auraitdirigées pendant le conflit dans le nord du pays.Thomas Kwoyelo a nié les charges retenues contre luiet a déposé une demande d’amnistie auprès de la Courconstitutionnelle, au titre de la loi d’amnistie de 2000.En septembre, la Cour s’est prononcée en faveur deson amnistie, une décision qui s’inscrivait dans lalignée des mesures accordées à plusieurs milliersd’autres <strong>com</strong>battants ayant renoncé au <strong>com</strong>bat. Lesautorités ont interjeté appel de la décision auprès de laCour suprême, mais le procès n’était pas achevé à la finde 2011. Le gouvernement n’a cependant pas abrogéles dispositions législatives qui prévoyaient l’amnistiepour les crimes de droit international.Attentats à l’explosifEn septembre, le procès de 19 personnes dedifférentes nationalités inculpées d’actes deterrorisme, de meurtre et de tentative de meurtredans le cadre des attentats à l’explosif de 2010 s’estouvert devant la Haute Cour de Kampala. Deuxaccusés ont plaidé coupables des chefs de terrorismeet de <strong>com</strong>plot en vue de <strong>com</strong>mettre des actes deterrorisme. Ils ont été condamnés respectivement àdes peines de 25 et cinq ans d’emprisonnement.Faute de preuves suffisantes, les poursuites ont étéabandonnées contre cinq suspects, dont le militantkenyan des droits humains Al Amin Kimathi, qui avaitpassé une année en détention provisoire. Cet hommea de toute évidence été arrêté, inculpé et placé endétention alors qu’il n’avait fait qu’exercerlégitimement sa profession. L’examen des éléments àcharge dans le procès engagé contre les 12 autresaccusés n’avait pas <strong>com</strong>mencé à la fin de 2011.En avril, quatre défenseurs des droits humainskenyans se sont vu arbitrairement refuser l’accès auterritoire ougandais par les autorités chargées del’immigration. Ils ont été contraints de signer desdocuments prévoyant leur renvoi et ont reçu l’ordrede regagner le Kenya. Avec d’autres personnes, ilsavaient prévu d’assister à une réunion organisée avecles autorités ougandaises pour discuter du casd’Al Amin Kimathi (voir ci-dessus).Réfugiés et demandeurs d’asileDes milliers de réfugiés et de demandeurs d’asilerwandais présents en Ouganda vivaient dans lacrainte d’un renvoi forcé, dans le contexte d’unepossible cessation de la protection internationale lesconcernant. Rien ne garantissait que les réfugiéspourraient accéder à une procédure juste etsatisfaisante qui tiendrait <strong>com</strong>pte de leurs craintes ausujet d’un éventuel retour.Depuis 2009, les Rwandais vivant dans des campsde réfugiés n’étaient pas autorisés à cultiver la terre,ce qui limitait toujours fortement leur accès àl’alimentation, par rapport aux autres <strong>com</strong>munautésde réfugiés.250 Amnesty International - Rapport 2012


Droits des lesbiennes, des gays,des personnes bisexuelles et destransgenresEn janvier, David Kato a été assassiné chez lui àKampala. Ce militant avait exhorté les autoritésougandaises à mettre un terme à la discrimination, enparticulier dans les journaux de la presse populairequi avaient publié le nom, la photo et les coordonnéesde personnes perçues <strong>com</strong>me lesbiennes, gays,bisexuelles ou transgenres. En novembre, la personneaccusée du meurtre de David Kato a été condamnéeà 30 ans de réclusion après avoir plaidé coupable.Le silence du gouvernement au sujet des proposdiscriminatoires à l’égard des lesbiennes, des gays,des personnes bisexuelles et des transgenres étaitnotoire. En janvier, la Haute Cour a rendu unedécision historique : elle a interdit aux médias depublier le nom de ces personnes.La proposition de loi relative à la lutte contrel’homosexualité (2009) était en attente d’examen auParlement à la fin de l’année. Ce texte, s’il étaitadopté, risquait d’aggraver la discrimination etd’entraîner de nouvelles violations des droitsfondamentaux. Il a été soumis pour débat législatif enmai, mais le Parlement ne l’a pas examiné, de mêmequ’il n’a pas débattu d’un certain nombre d’autresprojets de loi. Le Parlement, dans sa nouvelle<strong>com</strong>position, a voté en octobre une proposition visantà conserver les projets de loi non examinés lors de laprécédente législature. Il devra par conséquent sepencher sur ce texte.Peine de mortLes tribunaux civils et militaires continuaientd’imposer la peine capitale. Selon des statistiquesofficielles établies en septembre, quelque505 personnes − dont 35 femmes − se trouvaientdans l’antichambre de la mort. L’Ouganda n’aprocédé à aucune exécution en 2011.En août, un soldat de l’armée ougandaise a étédéclaré coupable de meurtre et condamné à mort parun tribunal militaire ad hoc dans l’est de laRépublique centrafricaine.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Ouganda enavril, juillet, août et novembre.4 Uganda: Human rights concerns in the run-up to the February 2011general elections (AFR 59/004/2011).4 Uganda: Teargas and bullets used against peaceful protestors(AFR 59/008/2011).4 Uganda: A nine point human rights agenda (AFR 59/009/2011).4 Ouganda. L’utilisation de la force contre des manifestants doit fairel’objet d’une enquête (AFR 59/012/2011).4 Ouganda. Une décision de justice constitue un revers pour l’obligationde rendre des <strong>com</strong>ptes pour les crimes <strong>com</strong>mis au cours du conflit dans lenord de l’Ouganda (AFR 59/015/2011).4 Uganda: Stifling dissent: Restrictions on the rights to freedom ofexpression and peaceful assembly in Uganda (AFR 59/016/2011).OUZBÉKISTANRÉPUBLIQUE D’OUZBÉKISTANChef de l’État :Islam KarimovChef du gouvernement :Chavkat MirziyoyevPeine de mort :aboliePopulation :27,8 millionsEspérance de vie :68,3 ansMortalité des moins de cinq ans : 36,1 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 99,3 %Deux défenseurs des droits humains ont bénéficiéd’une libération anticipée pour raisonshumanitaires, mais d’autres prisonniers d’opinionpurgeaient toujours de lourdes peinesd’emprisonnement, dans des conditions quis’apparentaient à un traitement cruel, inhumain etdégradant. Malgré l’adoption d’une nouvelle loidestinée à améliorer le traitement réservé auxdétenus, des dizaines de cas de torture et d’autresmauvais traitements infligés à des personnesprivées de liberté ont encore été signalés cetteannée. Les libertés d’expression et d’associationétaient soumises à des restrictions de plus en plussévères.Liberté d’expression – défenseurs desdroits humains et journalistesCette année encore, les libertés d’expression etd’association ont été soumises à des restrictions.En avril, les journalistes ont été informés qu’ilsn’étaient plus autorisés à rencontrer les représentantsd’organisations étrangères et les diplomatesétrangers, ni à assister à des conférences de presseou à des séminaires sans avoir au préalable obtenul’autorisation écrite des pouvoirs publics. En juillet, untribunal de Tachkent a condamné l’attaché de presseOAmnesty International - Rapport 2012251


Ode l’ambassade britannique, Leonid Koudriavtsev (denationalité ouzbèke) à une lourde amende, pour avoir« contrevenu aux lois sur les rassemblements, lesmanifestations de rue et les défilés desorganisations ». Le ministère public l’avait accuséd’encourager les idées extrémistes lors de séminairesde formation organisés à l’intention de militantsindépendants des droits humains dans les locaux del’ambassade du Royaume-Uni. Le recours formé parLeonid Koudriavtsev a été rejeté en août par unejuridiction d’appel.Comme les années précédentes, des journalistesindépendants et des défenseurs des droits humainsont été soumis à des actes de harcèlement et à desviolences. Certains ont été arrêtés et jugés au méprisdes règles d’équité. D’autres ont fait l’objet d’unesurveillance régulière de la part d’agents de l’État enuniforme ou en civil, ont été convoqués par la policepour être interrogés ou ont été placés en résidencesurveillée. D’autres, enfin, se sont plaints d’avoir étéfrappés par des agents de la force publique ou pardes individus soupçonnés de travailler pour lesservices de sécurité.Deux défenseurs des droits humains ont bénéficiéd’une libération anticipée, mais 10 autres au moinspurgeaient toujours de lourdes peinesd’emprisonnement, dans des conditions quis’apparentaient à un traitement cruel, inhumain etdégradant. Nombre de détenus, très gravementmalades, étaient privés des soins médicaux requis parleur état. Plusieurs continuaient d’être soumis à latorture par les autorités, qui entendaient les punirainsi d’avoir porté plainte contre le traitement qu’euxmêmesou d’autres prisonniers subissaient.n Âgé de 61 ans, le défenseur des droits humains etprisonnier d’opinion Norboï Kholjiguitov a été libérépour raisons humanitaires le 14 octobre, avantl’expiration de sa peine, quelques jours seulementavant une visite officielle de la secrétaire d’Étataméricaine, Hillary Clinton. Son état de santé s’étaitsérieusement dégradé au cours des mois précédents,au point que sa famille craignait qu’il ne meure enprison. L’un des camarades de Norboï Kholjiguitov,Khabiboulla Akpoulatov, condamné en même tempsque lui, était en revanche toujours incarcéré. Selon sonfils Iouldoch, qui est allé le voir en juillet et ennovembre, sa santé et, de façon générale, son étatphysique s’étaient dégradés entre ces deux visites.Khabiboulla Akpoulatov pesait en novembre moins de50 kilos, il avait perdu toute sensation au niveau desjambes et se déplaçait avec peine. Il n’avait plus que sixdents et n’avait pas le droit de voir un dentiste. Il estapparu très déprimé et peu enclin à parler de lamanière dont il était traité.Les autorités ont fermé en juin le bureau deHuman Rights Watch, dernière ONG internationaleencore présente en Ouzbékistan. Le ministère de laJustice avait introduit devant la Cour suprême unerequête pour obtenir la fermeture du bureau del’organisation en raison, selon lui, de sesmanquements répétés à la réglementation. La Courayant fait droit à cette requête, Human Rights Watcha été contrainte de mettre un terme à ses activitésdans le pays.Torture et autres mauvais traitementsMalgré l’adoption d’une nouvelle loi destinée àaméliorer le traitement des détenus et contrairementaux déclarations des pouvoirs publics, selonlesquelles la pratique de la torture était en netterégression, plusieurs dizaines de cas de torture etd’autres mauvais traitements infligés à des personnesprivées de liberté ont encore été signalés tout au longde l’année. Dans la plupart des cas, aucune enquêteexhaustive et impartiale n’a été déclenchéerapidement sur ces allégations.En septembre, le chef de l’État a promulgué unenouvelle Loi sur le traitement des personnes placéesen garde à vue et en détention provisoire. Ce nouveautexte permettait entre autres aux détenus de recevoirla visite de leurs proches et de leurs avocats autantde fois et pour une durée aussi longue qu’ils lesouhaitaient, sans avoir à obtenir au préalablel’autorisation des services d’instruction et d’enquête.Toutefois, d’après les éléments disponibles findécembre, cette loi ne semblait guère appliquée.Malgré quelques libérations très médiatisées, desmilliers de personnes reconnues coupables d’avoirsoutenu, d’une manière ou d’une autre, des partisislamistes ou des mouvements musulmans interditsen Ouzbékistan purgeaient toujours de lourdes peinesd’emprisonnement, dans des conditions quis’apparentaient à un traitement cruel, inhumain etdégradant. Un certain nombre d’opposants politiques,de personnes critiques à l’égard du gouvernement etde militants des droits humains connaissaient lemême sort. Accusés d’avoir enfreint le règlementcarcéral, beaucoup avaient vu leur peine initialealourdie, à l’issue de procès sommaires tenus à huisclos à l’intérieur des établissements pénitentiaires.252 Amnesty International - Rapport 2012


n À la surprise générale, le poète Ioussouf Djouma,connu pour son attitude critique à l’égard dugouvernement, a été libéré le 19 mai de la prison deIaslik. Il avait purgé trois des cinq annéesd’emprisonnement auxquelles il avait été condamnépour rébellion lors de son arrestation et coups etblessures sur la personne d’agents de la force publique– charges qui, selon lui, étaient motivées par desconsidérations politiques. Conduit en secret àl’aéroport de Tachkent, il a dû monter à bord d’un avionen partance pour les États-Unis. Ioussouf Djouma adéclaré qu’il avait été contraint de renoncer à lanationalité ouzbèke en échange du droit de rejoindre safamille aux États-Unis, où celle-ci avait obtenu l’asilepolitique. Dans une interview accordée à RadioOzodlyk (le service ouzbek de Radio Free Europe/RadioLiberty), il a confirmé avoir été torturé et autrementmaltraité tout au long de son emprisonnement. Il auraitnotamment subi régulièrement des périodesd’isolement cellulaire de 15 jours, enfermé dans uncachot. Le personnel pénitentiaire et les forces del’ordre avaient, d’après lui, très fréquemment recours àla torture pour extorquer des « aveux » aux détenus oupour les punir.Lutte contre le terrorisme et sécuritéLes autorités se sont cette année encore efforcéesd’obtenir, au nom de la sécurité nationale et régionaleet de la lutte contre le terrorisme, l’extradition depersonnes appartenant ou soupçonnées d’appartenirà des mouvements islamiques ou à des formationsislamistes interdits en Ouzbékistan. Celles qui étaientrenvoyées de force dans le pays couraient toutparticulièrement le risque d’être torturées ou de subird’autres mauvais traitements. Elles risquaientégalement d’être jugées au cours d’une procédureinéquitable et condamnées à de lourdes peinesd’emprisonnement qu’elles devraient purger dans desconditions cruelles, inhumaines et dégradantes.Au moins 12 des 28 ressortissants ouzbeksextradés en juin par le Kazakhstan (voir Kazakhstan)auraient été inculpés d’extrémisme religieux etd’appartenance à l’organisation islamiste desDjihadtchilar (djihadistes). Tous ont été placés ausecret après leur extradition. Les observateurs desdroits humains estimaient qu’ils étaient incarcérés àla prison de Tachkent, où ils risquaient fort d’êtretorturés. Selon ces mêmes sources, des proches deces hommes auraient fait l’objet de manœuvresd’intimidation de la part des forces de sécurité, quicherchaient à les empêcher de découvrir où ils setrouvaient.Trois des hommes extradés ont été condamnés àdes peines d’emprisonnement, à l’issue de deuxprocès distincts tenus en août et en septembre. Le21 août, Akhmad Boltaïev et Faïzoullakhon Akbarovont été condamnés respectivement à 15 et cinq ansd’emprisonnement par le tribunal régional duSyrdaria. Leurs peines ont été ramenées à 13 etquatre années en appel. Ils ont tous deux étédéclarés coupables d’appartenance aux Djihadtchilar,de diffusion de documents représentant une menacepour l’ordre public et de <strong>com</strong>plot en vue de renverserl’ordre constitutionnel de l’Ouzbékistan. Ils avaient étémaintenus au secret pendant deux mois et n’ont puvoir leurs proches qu’après le procès. Ils n’ont pas étéautorisés à se faire assister par les avocats de leurchoix et n’ont eu qu’un accès limité aux défenseurs<strong>com</strong>mis d’office pour les représenter. Le13 septembre, le tribunal pénal du district de Kibraïska condamné Kobidjon Kourbanov à quatre ansd’emprisonnement pour avoir organisé desrassemblements religieux illégaux.Surveillance internationaleLa <strong>com</strong>munauté internationale, en particulier l’Unioneuropéenne (UE) et les États-Unis, a pris un certainnombre d’initiatives pour renforcer la coopérationéconomique et sécuritaire avec l’Ouzbékistan, endépit des violations flagrantes des droits humains<strong>com</strong>mises cette année encore dans le pays.Le président Karimov s’est rendu à Bruxelles le24 janvier pour s’y entretenir d’un certain nombre dequestions concernant la coopération entre son pays,l’UE et l’OTAN dans les domaines de la sécuritérégionale et de l’économie. Cette visite, la première dugenre depuis les massacres survenus en mai 2005 àAndijan et les sanctions prises en retour par l’UE, aété publiquement dénoncée par les organisations dedéfense des droits humains. Le président du Conseileuropéen, Herman Van Rompuy, a refusé derencontrer le chef de l’État ouzbek, invoquant des« raisons idéologiques ». Le président de laCommission européenne, José Manuel Barroso, adiffusé un <strong>com</strong>muniqué de presse où il indiquait avoirévoqué la question des droits humains avec leprésident Karimov lors de leur rencontre. Toutefois,l’UE n’avait toujours pas pris de mesures concrètespour exiger du gouvernement ouzbek qu’il respecteses engagements en matière de droits humains.OAmnesty International - Rapport 2012253


PLe président Karimov s’étant par ailleurs engagé enseptembre à entreprendre des réformeséconomiques, politiques et démocratiques, leCongrès américain a levé les restrictions qu’il avaitimposées sept ans auparavant, au nom du respectdes droits humains, sur l’assistance militaire àl’Ouzbékistan. Cette mesure a été prise dans le soucide faciliter la coopération en matière de ravitaillementdes troupes des États-Unis et de l’OTAN stationnéesen Afghanistan, pays frontalier de l’Ouzbékistan.PAKISTANRÉPUBLIQUE ISLAMIQUE DU PAKISTANChef de l’État :Asif Ali ZardariChef du gouvernement :Yousuf Raza GilaniPeine de mort :maintenuePopulation :176,7 millionsEspérance de vie :65,4 ansMortalité des moins de cinq ans : 87 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 55,5 %Le gouverneur du Pendjab Salman Taseer, unhomme connu pour son franc-parler, et le ministredes Minorités (et seul ministre chrétien) ShahbazBhatti ont été assassinés, respectivement en janvieret en mars, parce qu’ils avaient critiqué les lois surle blasphème. Les forces de sécurité continuaientd’être impliquées dans des violations des droitshumains, notamment des disparitions forcées, desactes de torture et des exécutions extrajudiciaires,tout particulièrement au Baloutchistan et dans leNord-Ouest. En mai, les forces américaines ont tuéOussama Ben Laden, le chef d’Al Qaïda, lors d’unraid contre la maison où il se cachait dans la villed’Abbottabad, dans le nord-ouest du pays. De hautsresponsables américains ont accusé publiquementle Pakistan de soutenir les talibans afghans. Lestalibans pakistanais et d’autres groupes armés onttué des civils lors d’attaques ciblées ou menées sansdiscernement dans tout le pays. Karachi a étéconfrontée à une vague d’homicides déclenchée pardes gangs rivaux associés à différents groupesethniques et politiques. Des condamnations à mortont été prononcées, mais aucune exécution n’a étésignalée. Une deuxième année d’inondations liées àla mousson a provoqué de nouveaux déplacementsde population et des épidémies de dengue dans toutle pays. Le déficit chronique d’énergie, qui freinaitl’activité économique, a entraîné des protestationsviolentes dans la plupart des grandes villes. Dans lesrégions du Nord-Ouest et du Baloutchistan, en proieau conflit, il était très difficile pour les femmes etles filles d’avoir accès à l’éducation et aux soinsmédicaux.ContexteLa situation des droits humains était toujoursdéplorable ; des agents des services de sécurité et durenseignement étaient souvent <strong>com</strong>plices deviolations. Les autorités n’avaient le plus souvent pasla détermination ni la capacité de protéger lesfemmes, les journalistes et les membres des minoritésethniques ou religieuses, entre autres groupesvulnérables, contre les atteintes à leurs droitsfondamentaux, et de traduire en justice lesresponsables de tels agissements. Les promesses desautorités fédérales et provinciales d’améliorer l’état dedroit dans la province du Baloutchistan, déchirée parla violence – notamment en renforçant la surveillancede la police et de la force paramilitaire du FrontierCorps, en recrutant un plus grand nombre deBaloutches dans la fonction publique et enaugmentant la part de la province dans la répartitiondu budget national –, n’ont pratiquement pas étésuivies d’effets.Près d’un million de personnes étaient toujoursdéplacées en raison du conflit persistant entre lesforces de sécurité et les talibans pakistanais. Lespersonnes qui rentraient dans des régions reprisesaux insurgés se plaignaient de l’insécurité et dumanque d’accès aux services essentiels. Unsystème judiciaire parallèle fondé sur uneinterprétation étroite de la charia (droit musulman) aété mis en place dans la division de Malakand, bienque les talibans pakistanais aient été chassés decette zone, ce qui faisait craindre l’application deleurs codes sociaux très stricts. En juin, le présidentZardari a accordé aux forces de sécurité opérantdans le nord-ouest du pays l’immunité despoursuites, y <strong>com</strong>pris pour les actes <strong>com</strong>mis dans lepassé, ainsi que de vastes pouvoirs en matière dedétention arbitraire et de sanctions. Le président aapprouvé d’importantes réformes à l’occasion du14 août, jour anniversaire de l’indépendance duPakistan. La Loi de 2002 sur les partis politiques aété étendue aux zones tribales sous administrationfédérale (FATA) et l’Ordonnance relative aux crimes254 Amnesty International - Rapport 2012


<strong>com</strong>mis dans la zone-frontière, une loi datant del’époque britannique qui privait les habitants deszones tribales de bon nombre de leurs droitsfondamentaux et des mesures de protectiongaranties par la Constitution, a été modifiée. Lesnouvelles dispositions, qui limitaient le pouvoir del’État de placer des personnes en détentionarbitraire et de leur infliger des châtiments collectifs,prévoyaient la possibilité pour les habitants deszones tribales d’interjeter appel devant un tribunaldes décisions prononcées en vertu del’Ordonnance ; elles ont permis aussi aux partispolitiques de fonctionner dans les zones tribales.Le Pakistan a ratifié le 9 juin le Protocole facultatifà la Convention relative aux droits de l’enfant,concernant la vente d’enfants, la prostitution desenfants et la pornographie mettant en scène desenfants. En septembre, le Pakistan a levé la plupartde ses réserves au PIDCP et à la Convention contre latorture. Il a toutefois maintenu des réservesproblématiques, qui empêchent un non-musulmande devenir Premier ministre ou président etétablissent une discrimination à l’égard des femmesen matière de droit à l’héritage.Violations <strong>com</strong>mises par les forces desécuritéLes forces de sécurité et les services durenseignement, qui bénéficiaient d’une quasiimpunité,ont été accusés de violations des droitshumains, notamment de disparitions forcées, d’actesde torture et d’homicides de civils, de journalistes, demilitants et de membres présumés de groupes armés,tués dans des attaques menées sans discriminationou victimes d’exécutions extrajudiciaires.Exécutions extrajudiciairesDe nombreux cas d’exécution extrajudiciaire ont étésignalés dans la province du Baloutchistan ainsi quedans le Nord-Ouest et à Karachi, où régnait unegrande violence.n Le 28 avril, les corps de Siddique Eido, un militantdes droits humains, et de son ami Yousuf Nazar Balochont été retrouvés dans la région de Pargari Sarbat, auBaloutchistan. Selon des témoins, ces deux hommesavaient été enlevés le 20 décembre 2010 par desindividus en civil ac<strong>com</strong>pagnés de membres duFrontier Corps, alors qu’ils se déplaçaient avec uneescorte policière. Selon des sources hospitalières, leurscorps présentaient des blessures par balle et des tracesde torture.n Le 8 juin, une équipe de télévision a filmé l’exécutionextrajudiciaire de Sarfaraz Shah par des membres desRangers, une force paramilitaire, dans un parc deKarachi. À la suite de l’intervention de la Cour suprême,le gouvernement provincial du Sind a révoqué de hautsresponsables de l’application des lois ; le 12 août, letribunal antiterroriste a condamné à mort pour meurtrel’un des membres des Rangers mis en cause. Cinq deses collègues et un civil ont été condamnés à laréclusion à perpétuité. Ils ont tous interjeté appeldevant la haute cour du Sind.n Le 17 mai à Quetta, des policiers et des membres duFrontier Corps ont tué cinq étrangers, dont une femmeen fin de grossesse, au motif qu’ils auraient été sur lepoint de <strong>com</strong>mettre un attentat-suicide. Une enquête aconclu que les victimes n’étaient pas armées ; deuxpoliciers ont été suspendus de leurs fonctions. Unjournaliste qui avait pris des photos des homicides estentré dans la clandestinité après avoir reçu desmenaces de mort ; quant au médecin qui avait procédéà l’autopsie des victimes, il a subi une premièreagression, puis a été tué par un groupe d’hommes nonidentifiés. D’autres témoins auraient été menacés pardes membres des forces de sécurité.Disparitions forcéesLes autorités ne déféraient pas à la justice lesresponsables de disparition forcée ; on restaitsans nouvelles de la plupart des victimes. Legouvernement a désigné en mars une nouvelle<strong>com</strong>mission chargée d’enquêter sur les disparitionsforcées, mais il a fallu attendre six mois avant quel’ancien juge de la Cour suprême Javed Iqbal ne soitnommé à sa tête. Plus de 220 cas de disparitionparmi les centaines de cas individuels signalésavaient été élucidés depuis que la <strong>com</strong>missionprécédente avait débuté ses travaux, en mars 2010.On a reproché aux deux <strong>com</strong>missions de ne pasprotéger les témoins et de mener des enquêtesinsuffisantes, tout particulièrement dans les cas oùles forces de sécurité et les services durenseignement étaient impliqués.n Agha Zahir Shah, un avocat qui assistait desproches de victimes présumées de disparitionforcée, a été enlevé le 13 février à Dera MuradJamali, au Baloutchistan, alors qu’il rentrait à Quetta.Il était en mauvaise santé lorsqu’il a été relâché, le2 juillet.n Muzaffar Bhutto, membre important du Front unifiépour que vive le Sind, un parti politique, a été enlevé le25 février à Hyderabad, dans le Sind, par des hommesPAmnesty International - Rapport 2012255


Pen civil ac<strong>com</strong>pagnés de policiers. On était sansnouvelles de lui à la fin de l’année.n Abdullah et Ibrahim El Sharkawi, deux frèresd’origine égyptienne, ont disparu en mai. Quinze joursaprès leur disparition, leur famille a appris qu’ils étaienten prison et avaient été inculpés de séjour irrégulier ;un tribunal a toutefois confirmé qu’ils étaient denationalité pakistanaise. Ibrahim a été libéré souscaution le 27 juin ; son frère Abdullah a recouvré laliberté le 29 août. Tous deux ont déclaré avoir ététorturés et maltraités dans des centres de détentionsecrets.Exactions perpétrées par des groupesarmésLes talibans pakistanais ont pris des civils pour cible ;ils ont perpétré des attaques aveugles avec desengins explosifs improvisés et ont <strong>com</strong>mis desattentats-suicides. Plusieurs notables tribaux ont étévictimes d’assassinats ciblés. Les talibans ontégalement tenté d’assassiner un certain nombre deresponsables politiques affiliés au Parti nationalAwami (ANP). Selon les autorités, 246 écoles– 59 pour filles et 187 pour garçons – ont étédétruites et 763 autres – 244 pour filles et 519 pourgarçons – ont été endommagées dans la province deKhyber Pakhtunkhwa à cause du conflit avec lestalibans. Des milliers d’enfants ont ainsi été privésd’accès à l’éducation. Les menaces de violencesproférées par les talibans pakistanais restreignaientgravement l’accès aux services de santé, à l’éducationet à la participation à la vie publique pour les femmeset les filles.n Le 9 mars, 37 personnes ont trouvé la mort à lapériphérie de Peshawar dans un attentat-suicideperpétré lors des funérailles de l’épouse d’unresponsable opposé aux talibans. Cette attaque a étérevendiquée par le Mouvement des talibanspakistanais (TTP).n En réponse à des séquences vidéo montrant desmilitaires pakistanais qui exécutaient des insurgésaprès leur arrestation, le TTP a diffusé, le 18 juillet,une vidéo dans laquelle on pouvait voir des activistes,le visage masqué, exécutant 16 policiers qu’ils avaientcapturés.n Le TTP a revendiqué un attentat-suicideperpétré le 19 août pendant la prière du vendredidans une mosquée de l’agence tribale de Khyber ;47 personnes au moins ont été tuées et plus de100 autres blessées.n En septembre, des talibans pakistanais ont enlevé30 garçons âgés de 12 à 18 ans à la frontière afghanedans l’agence tribale de Bajaur ; ils ont par ailleursattaqué un bus de ramassage scolaire à Peshawar,tuant quatre enfants ainsi que le chauffeur.Au Baloutchistan, des groupes nationalistes ontassassiné des membres de factions rivales ainsi que desPendjabis et des membres des forces de sécurité. Ilsont revendiqué des attaques contre les infrastructuresgazières et électriques, qui ont provoqué une très gravepénurie d’énergie dans la province. Des attaquesmotivées par l’intolérance religieuse et perpétrées, entreautres, par le Lashkar-e Jhangvi, un groupe armé,contre des musulmans chiites ont fait au moins280 morts et blessés.n Le 4 janvier, cinq enfants ont été blessés lors d’uneattaque à l’explosif contre un bus de ramassagescolaire qui transportait plus de 30 enfants demembres du Frontier Corps dans la ville de Turbat, auBaloutchistan. Cet attentat, qui n’a pas été revendiqué,a été attribué à des groupes baloutches.n Le 25 avril, dans la région de Pirak, district de Sibi,au moins 15 personnes, dont cinq enfants, ont étébrûlées vives lorsque des hommes non identifiés ontincendié un bus qui se dirigeait vers Quetta.n Le Lashkar-e Jhangvi a revendiqué le massacre,perpétré dans des conditions évoquant une exécution,de 26 pèlerins chiites, le 20 septembre dans le districtde Mastung, ainsi que la mort de trois proches desvictimes qui étaient venus de Quetta pour récupérerleurs corps. Une attaque similaire contre des pèlerinschiites a coûté la vie à 14 personnes le 4 octobre.Karachi a connu une flambée de violence qui a fait2 000 morts, due aux affrontements de gangs rivaux– dont certains étaient liés à des partis politiques –pour le contrôle du territoire. Les forces de sécuritéont arrêté plusieurs centaines de suspects, mais laCour suprême a reproché aux partis politiquesd’entretenir les violences et aux autorités de ne rienfaire pour arrêter de nombreux auteurs notoires deces actes.Liberté d’expressionNeuf journalistes au moins ont été tués au cours del’année. Des professionnels des médias ont étémenacés par les forces de sécurité, les services durenseignement, des partis politiques et des groupesarmés parce qu’ils rendaient <strong>com</strong>pte de leursactivités. Les responsables n’ont pas été traduits enjustice par les autorités pakistanaises, qui n’ont pas256 Amnesty International - Rapport 2012


non plus suffisamment protégé les journalistes.n Le 13 janvier, Wali Khan Babar, un journaliste quitravaillait pour GeoNews, a été abattu par des coups defeu tirés à partir d’une voiture par des hommes nonidentifiés à Karachi. Il avait couvert quelques heuresauparavant une opération de police contre destrafiquants de drogue dans la ville.n Le 29 mai, Saleem Shahzad, journaliste à Asia TimesOnline, a disparu non loin de son domiciled’Islamabad, qu’il avait quitté quelques minutes plustôt pour participer à une émission de télévision. Soncorps a été retrouvé deux jours plus tard dans laprovince du Pendjab. Il venait de publier un article surl’infiltration de la marine pakistanaise par Al Qaïda.Saleem Shahzad avait confié en privé à ses collèguesqu’il avait reçu des menaces de mort émanant desServices du renseignement de l’armée pakistanaise(ISI) à la suite d’articles similaires.Discrimination – minorités religieusesCette année encore, des groupes extrémistes religieuxont menacé des membres de la <strong>com</strong>munautéahmadiyya, des chrétiens, des hindous et des chiites,ainsi que des sunnites modérés, et ils ont incité à laviolence contre ceux qui préconisaient une réformedes lois relatives au blasphème en vigueur dans lepays. L’État n’a rien fait pour empêcher les attaquesmotivées par l’intolérance religieuse et visant lesminorités ni pour traduire en justice les responsablesde tels agissements.n Le 25 janvier, un attentat-suicide visant des chiites afait au moins 13 morts à Lahore. Cet attentat a étérevendiqué par le groupe Fidayeen-e Islam.n En juin, des membres de la Fédération étudiante dumouvement pakistanais pour la <strong>com</strong>plétude de laprophétie de Mahomet ont distribué des tracts dans laville de Faisalabad, au Pendjab, sur lesquels figuraientune liste des membres importants de la <strong>com</strong>munautéahmadiyya et un appel à les tuer à titre d’acte de« djihad » (guerre sainte).n Le 24 septembre, Faryal Bhatti, une écolièrechrétienne de 13 ans originaire d’Abbottabad, a étérenvoyée de son école parce qu’elle avait malorthographié un mot en ourdou, ce qui avait entraînédes accusations de blasphème à son encontre. Lafamille de cette adolescente a dû entrer dans laclandestinité.n Toutes les personnes soupçonnées d’avoir participéà l’attaque menée en août 2009 contre un quartierchrétien de Gojra, au Pendjab, ont été remises enliberté sous caution ; les témoins n’avaient fourniaucun élément de preuve car ils craignaient pour leursécurité.Le juge qui a condamné à mort l’assassin deSalman Taseer a été contraint d’entrer dans laclandestinité après avoir reçu des menaces de mort ;les assassins de Shahbaz Bhatti n’avaient pas étédéférés à la justice à la fin de l’année. Après avoirreçu des menaces de mort, la responsable politiqueSherry Rehman a retiré la proposition de réforme dela loi relative au blasphème qu’elle avait déposée àl’Assemblée nationale. Aasia Bibi, une paysannechrétienne condamnée à mort pour blasphème en2009, était maintenue en détention en attendant qu’ilsoit statué sur son appel.Violences faites aux femmes et aux fillesLes femmes subissaient des discriminations dans laloi et dans la pratique ; elles étaient victimes deviolences au sein de la famille et dans l’espacepublic. L’Aurat Foundation a recensé 8 539 cas deviolences contre les femmes, dont 1 575 meurtres,827 viols, 610 cas de violence domestique,705 meurtres au nom de « l’honneur » et 44 attaquesà l’acide. En décembre, le Parlement a tenté derésoudre ce problème en adoptant la Loi relative aucontrôle de l’acide et à la prévention des attaques àl’acide et la Loi relative à la prévention des pratiquescontre les femmes (portant modification du Codepénal). Ces textes législatifs, qui visaient à protégerles femmes et à leur donner les moyens d’agir,aggravaient les peines encourues par les auteurs deviolences liées au genre. C’était la première fois queles attaques à l’acide et des pratiques <strong>com</strong>me lemariage forcé étaient érigées en infraction pénale auPakistan.n Le 10 septembre, quatre femmes – toutesenseignantes – ont été attaquées à l’acide par deuxhommes masqués circulant à moto alors qu’ellessortaient d’une école mixte de Quetta, capitaleprovinciale du Baloutchistan. L’une d’elles n’a pas étéblessée et deux autres ont pu quitter l’hôpital aprèsavoir reçu des soins pour des brûlures sans gravité,mais la quatrième a été grièvement brûlée. Elle a dûsubir des interventions importantes de chirurgieréparatrice. Les autorités fédérales et provinciales ontpris acte de cette attaque, mais les responsablesn’avaient pas été traduits en justice à la fin de l’année.n Le 15 octobre, une adolescente a accusé13 personnes, dont trois policiers, de l’avoir enlevée etPAmnesty International - Rapport 2012257


Pde lui avoir fait subir des viols collectifs pendant sacaptivité, qui a duré un an, dans le district de Karak(province de Khyber Pakhtunkhwa). Son frère a étéabattu le 9 décembre à sa sortie du tribunal de districtsaisi de l’affaire.Peine de mortPlus de 8 000 prisonniers étaient toujours sous lecoup d’une sentence capitale. Selon la Commissiondes droits humains du Pakistan (HRCP),313 personnes au moins ont été condamnées à mort,plus de la moitié d’entre elles pour meurtre. Troispersonnes ont été condamnées à mort pourblasphème. Aucune exécution n’a été signaléedepuis 2008.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Pakistan enjuillet et en novembre-décembre. Des consultants de l’organisationmaintenaient une présence constante dans le pays.4 Pakistan. « La pire des souffrances ». Mettre fin aux disparitions forcéesau Pakistan (ASA 33/010/2011).PANAMARÉPUBLIQUE DU PANAMAChef de l’État et du gouvernement : Ricardo MartinelliPeine de mort :aboliePopulation :3,6 millionsEspérance de vie :76,1 ansMortalité des moins de cinq ans : 22,9 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 93,6 %Les garanties pour la protection des droits despeuples indigènes restaient insuffisantes, enparticulier dans un contexte où de grands projetsd’infrastructures étaient mis en place sur leursterres. Des restrictions à la liberté d’expression ontété signalées.ContexteManuel Noriega, l’ancien dirigeant du Panama quipurgeait une peine de prison en France pourblanchiment d’argent, a été extradé en décembre. En2010, il était arrivé au terme de la peine de 20 ansd’emprisonnement à laquelle il avait été condamnéaux États-Unis pour trafic de stupéfiants, blanchimentet extorsion de fonds. Entre-temps, la justicepanaméenne l’avait jugé et condamné par contumacepour l’assassinat d’opposants politiques (notammentle capitaine Moisés Giroldi Vera, qui avait dirigé unetentative de coup d’État en octobre 1989, et HugoSpadafora, ancien vice-ministre de la Santé, tué en1985) et pour d’autres infractions – détentionsillégales entre autres. Manuel Noriega devait être jugépour la disparition forcée et l’exécution, en 1970, dusyndicaliste Heliodoro Portugal. En revanche, aucuneenquête n’avait été ouverte sur son implication dansde nombreuses autres violations des droits humains<strong>com</strong>mises alors qu’il était au pouvoir et avant.En mars, le Conseil des droits de l’homme [ONU] ademandé instamment au Panama de mieux protégerles femmes et les filles et, en particulier, de luttercontre la traite des êtres humains, la violence familialeet la discrimination. Il a également demandé qu’uneenquête soit menée au sujet des événements violentssurvenus en juillet 2010 dans la province de Bocasdel Toro, où quatre manifestants avaient été tués etplus de 750 autres personnes – dont 56 policiers –blessées. À la fin de l’année, rien n’avait été entreprispour mettre en œuvre ces re<strong>com</strong>mandations.Droits des peuples indigènesDes voix se sont élevées pour dénoncer le fait que lespeuples indigènes n’étaient pas suffisammentconsultés et que les autorités ne cherchaient pas àobtenir leur consentement libre, préalable et éclairéau sujet de projets de développement les concernant.L’année a été marquée par des manifestationshostiles à une loi devant faciliter la réalisation deprojets miniers sur les terres ancestrales depopulations indigènes, qui n’offrait pas de garantiessuffisantes en matière de protection del’environnement et ne prévoyait pas de consultationappropriée des riverains. En février, le rapporteurspécial des Nations unies sur les droits des peuplesautochtones a souhaité l’instauration d’un dialogueentre le gouvernement et les peuples indigènes et lelancement d’une véritable consultation sur le projetde loi. La loi a été votée en février, puis abrogée enmars à la suite de manifestations dans la capitale. Unnouveau projet a été déposé en octobre, dont certainscraignaient qu’il n’ait des conséquences négativespour les <strong>com</strong>munautés indigènes. Ce texte n’avait pasété adopté à la fin de l’année.258 Amnesty International - Rapport 2012


n En mai, les travaux d’inondation liés à laconstruction du barrage Chan 75 dans le district deChanguinola (province de Bocas del Toro) ont débuté,sur fond d’allégations selon lesquelles les famillesngöbes installées dans la zone touchée n’avaient pasété dûment consultées. Au moment où les opérationsont débuté, Ngöbes vivaient encore sur place et étaienten train de négocier leur réinstallation avec lesautorités.Liberté d’expressionDeux journalistes critiques à l’égard de la politiquegouvernementale ont été expulsés du Panama. LeConseil des droits de l’homme [ONU] s’est déclarépréoccupé par les tentatives d’intimidation de lapresse qui lui ont été signalées et a prié instammentles autorités de ne pas exercer de pressions politiquesindues sur les médias.n En février, Francisco Gómez Nadal et Pilar Chato,deux journalistes espagnols résidant au Panama etmilitant au sein d’une organisation de défense desdroits humains, ont été arrêtés, expulsés et interdits deretour au Panama. Ils avaient couvert desmanifestations s’exprimant contre la politique relative àl’exploitation minière et en faveur des droits destravailleurs. Les autorités les avaient accusés demanipuler les populations indigènes.PARAGUAYRÉPUBLIQUE DU PARAGUAYChef de l’État et du gouvernement : Fernando Lugo MéndezPeine de mort :aboliePopulation :6,6 millionsEspérance de vie :72,5 ansMortalité des moins de cinq ans : 22,6 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 94,6 %Des avancées ont été enregistrées dans la résolutiondes revendications territoriales des Sawhoyamaxaset des Kelyenmagategmas, mais d’autrespopulations indigènes continuaient d’être privéesde leur droit de jouir de leurs terres ancestrales.Les autorités cherchaient à entraver et à présentersous un faux jour l’action des défenseurs des droitshumains.ContexteEn octobre, à la suite de deux attaques attribuées àl’Armée du peuple paraguayen, un grouped’opposition armé, les autorités ont instauré l’étatd’urgence pour une durée de 60 jours dans lesdépartements de Concepción et de San Pedro, dansle nord du pays.Dans le cadre de l’Examen périodique universel, leConseil des droits de l’homme [ONU] a procédé, enfévrier, à l’examen de la situation des droits humainsau Paraguay. Des États ont fait part de leursinquiétudes au sujet des droits des populationsindigènes, de l’impunité, des droits des femmes etdes discriminations liées à l’origine ethnique et àl’orientation sexuelle.À l’issue d’une visite effectuée en mars, lerapporteur spécial des Nations unies sur la liberté dereligion ou de conviction s’est déclaré préoccupé parles retards pris dans l’adoption d’une loi relative à lalutte contre les discriminations, par l’absence de miseen œuvre des mécanismes de lutte contre lesdiscriminations, en particulier dans la région duChaco, ainsi que par la faible présence et le manquede moyens des institutions publiques.En mai, un mécanisme national de prévention de latorture a été approuvé, <strong>com</strong>me l’exigeait le Protocolefacultatif se rapportant à la Convention contre latorture [ONU].Droits des peuples indigènesCertaines <strong>com</strong>munautés indigènes ont vu desavancées dans la résolution de leurs revendicationsterritoriales, tandis que d’autres demeuraient privéesdu droit de jouir de leurs terres ancestrales.n En septembre, cinq ans après l’arrêt prononcé enleur faveur par la Cour interaméricaine des droits del’homme, les Sawhoyamaxas ont signé un accord avecle gouvernement et les actuels propriétaires fonciers envue d’entamer le processus de restitution de leurterritoire traditionnel. Aux termes de l’accord, unorganisme public devait racheter un terrain de14 404 hectares à deux entreprises de Puerto Colón(centre du pays) avant la fin de l’année.n En août, les autorités ont officiellement reconnu larevendication territoriale des Kelyenmagategmas ; letitre de propriété portant sur 8 700 hectares a ététransféré, autorisant ainsi la <strong>com</strong>munauté à récupérerune partie de ses terres ancestrales. Après avoirengagé, en 2000, une procédure judiciaire en vue dereprendre possession d’une partie de son territoire, ellePAmnesty International - Rapport 2012259


Pavait subi des menaces et des manœuvresd’intimidation sur lesquelles les autorités n’ont pasouvert d’enquête.Les revendications territoriales des Yakyes Axas etdes Xámoks Káseks n’ont, en revanche, pas étérésolues. Les enquêtes ouvertes sur les informationsselon lesquelles des pesticides auraient été déverséssur des <strong>com</strong>munautés indigènes d’Itakyry en 2009n’ont pas enregistré de véritables avancées.Le Comité pour l’élimination de la discriminationraciale [ONU] a évalué le bilan du Paraguay en août.Il a re<strong>com</strong>mandé aux autorités d’adopter des réformesgarantissant que l’appareil judiciaire protège les droitsdes populations indigènes, notamment desmécanismes efficaces de plainte, de revendication,de restitution et de pleine reconnaissance des terrestraditionnelles qui fonctionnent de manièrecoordonnée, systématique et exhaustive.Défenseurs des droits humainsLes autorités ont d’entraver le travail des défenseursdes droits humains.n En juillet, les avocats de la Coordination du Paraguaypour les droits humains (CODEHUPY) ont déposé uneordonnance d’habeas data demandant au procureurgénéral de justifier les déclarations qu’il avait faites à lapresse selon lesquelles ils avaient eu des contactstéléphoniques avec l’Armée du peuple paraguayen.Ces allégations avaient été formulées après que le jugeGustavo Bonzi eut décidé, fin juin, de libérer14 personnes accusées par les autorités d’avoirapporté leur soutien au groupe armé dans une affaired’enlèvement, au motif que les magistrats du parquetn’avaient pas fourni la preuve de l’implication de cespersonnes. Les avocats de la CODEHUPY représentantsix des accusés s’étaient plaints de procédés portantatteinte aux garanties d’une procédure régulière. LeTribunal chargé des poursuites contre les magistrats ademandé la suspension du juge Bonzi, estimant que lalibération des 14 accusés constituait un abus depouvoir. En août, la cour d’appel de Concepción ainfirmé la décision du juge. Un recours eninconstitutionnalité concernant l’arrêt de la courd’appel demeurait en instance à la fin de l’année.n Quatre membres d’Iniciativa Amotocodie, une ONGœuvrant à la protection des droits des groupesindigènes ayoreos, qui vivent sans aucun contact avecle monde extérieur dans le Chaco paraguayen, étaientla cible de poursuites judiciaires, notamment pourabus de confiance. Les investigations sur l’ONG ontdébuté lorsque celle-ci s’est publiquement déclaréeopposée à une expédition scientifique baptisée ChacoSeco 2010, affirmant qu’elle risquait de porter atteinteaux droits des peuples indigènes qui vivent très isolés.Les investigations se poursuivaient à la fin de l’année.ImpunitéEn juillet, les autorités paraguayennes ont extradépour la deuxième fois Norberto Atilio Bianco, médecinmilitaire dans les années 1970 au centre de détentionclandestin Campo de Mayo, en Argentine, afin qu’ilréponde d’accusations d’appropriation de bébés nésde femmes victimes de détention illégale et dedisparition forcée.En septembre, les autorités ont indiqué que lesrestes humains découverts dans une fosse mise aujour dans un poste de police d’Asunción pourraientêtre ceux de victimes de violations des droits humainsperpétrées sous le régime militaire du général AlfredoStroessner (1954-1989). Le rapport de la Commissionvérité et justice, publié en août 2008, indiquait qu’aumoins 59 personnes avaient été exécutées et que336 détenus avaient été victimes de disparition forcéedurant ce régime.TortureLa justice militaire a ouvert une enquête sur desplaintes pour torture déposées par au moins quatrerecrues de l’Académie militaire Francisco SolanoLópez, à Capiatá.Visites et documents d’AmnestyInternational4 Paraguay: Briefing to the UN Committee on the Elimination of RacialDiscrimination (AMR 45/001/2011).260 Amnesty International - Rapport 2012


PAYS-BASROYAUME DES PAYS-BASChef de l’État :Beatrix 1 reChef du gouvernement :Mark RuttePeine de mort :aboliePopulation :16,7 millionsEspérance de vie :80,7 ansMortalité des moins de cinq ans : 4,4 ‰Dans une décision de justice historique, legouvernement a été déclaré responsable de laconduite de soldats néerlandais déployés àSrebrenica en tant que force de maintien de la paixde l’ONU. La détention des demandeurs d’asile etdes migrants en situation irrégulière constituait unmotif de préoccupation.Justice internationaleEn juillet, la cour d’appel de La Haye a déclaré lesPays-Bas responsables de la mort de troisMusulmans de Bosnie, tués au cours du génocideperpétré en 1995 à Srebrenica, en Bosnie-Herzégovine. La cour a estimé que les soldatsnéerlandais avaient forcé les trois hommes à quitterune « zone de sécurité », ce qui revenait à les livreraux forces serbes de Bosnie, qui ont tué quelque8 000 hommes et garçons musulmans de Bosniedurant le génocide.Réfugiés, demandeurs d’asile etmigrantsEn janvier, la Cour européenne des droits del’homme a prononcé des mesures provisoiressuspendant le renvoi en Somalie par les Pays-Basde deux demandeurs d’asile originaires du sud etdu centre du pays. Les autorités néerlandaises ontalors suspendu tous les renvois vers Mogadiscio, lacapitale somalienne. Toutefois, à la suite d’unenouvelle décision de la Cour, en juin, legouvernement a annoncé la reprise des renvoisvers Mogadiscio des ressortissants somaliensn’appartenant pas à un groupe vulnérable etpouvant se rendre dans les régions du sud et ducentre de la Somalie, y être admis et s’y installersans risque de subir des mauvais traitements.D’après les informations recueillies, l’année s’estachevée sans qu’aucun ressortissant somalienn’ait été expulsé vers le sud ou le centre dela Somalie.Au moins 180 ressortissants irakiens ontété renvoyés de force vers Bagdad, en Irak,contrairement à ce que préconisait le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.La plupart des demandes d’asile étaient instruitesselon la nouvelle procédure prévoyant un délai detraitement de huit jours. Plus de la moitié de cesrequêtes ont effectivement été examinées dans ledélai de huit jours prévu. Il était à craindre que cetteprocédure accélérée n’empêche les demandeursd’asile d’étayer leur dossier et n’entraîne le rejet derequêtes pourtant justifiées.D’après des chiffres officiels, 3 220 demandeursd’asile et migrants en situation irrégulière ont faitl’objet d’un placement en détention au cours dupremier semestre de l’année. Ils ont été placés dansdes centres de rétention où ils étaient soumis aurégime prévu pour les personnes en détentionprovisoire. Il était rare que les autorités recourent àdes solutions autres que la détention. En juillet, leministre de l’Immigration et de l’Asile a annoncé lamise en place d’un projet pilote, d’envergure limitée,destiné à expérimenter des alternatives à la détention.DiscriminationEn septembre, le gouvernement a annoncé qu’il allaitrédiger un projet de loi visant à interdire le port dansles lieux publics de vêtements ayant pour fonction dedissimuler le visage. La peine prévue en cas deviolation de la loi serait une amende pouvant atteindre380 euros. Amnesty International craignait que, si elleétait mise en œuvre, cette interdiction n’ait desconséquences disproportionnées sur les femmes quichoisissent d’exprimer leur identité ou leursconvictions par le port de la burqa ou du niqab.PAmnesty International - Rapport 2012261


PPÉROURÉPUBLIQUE DU PÉROUChef de l’État et du gouvernement : Alan García Pérez,remplacé par Ollanta Humala Tasso le 28 juilletPeine de mort : abolie sauf pour crimes exceptionnelsPopulation :29,4 millionsEspérance de vie :74 ansMortalité des moins de cinq ans : 21,3 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 89,6 %Première du genre à être adoptée en Amériquelatine, la Loi relative à la consultation des peuplesindigènes a rendu obligatoire la consultation despopulations autochtones avant la mise en place detout projet de développement sur des terresancestrales. Les enquêtes sur les violations desdroits humains <strong>com</strong>mises durant le conflit arméinterne (1980-2000) ont peu progressé.ContexteÀ son entrée en fonction, le président Ollanta Humalaa déclaré que la lutte contre la pauvreté et l’exclusionsociale serait une priorité de son gouvernement.L’octroi de concessions à des entreprises del’industrie extractive a déclenché des protestations dela part de membres de <strong>com</strong>munautés indigènes. Sixd’entre eux ont été tués et des dizaines d’autresblessés lors de manifestations organisées dans larégion de Puno aux mois de mai et juin pourdénoncer des activités minières et la constructiond’un barrage hydroélectrique.En novembre, le Tribunal constitutionnel a décidéque le projet d’irrigation Majes Siguas II ne pourraitpas démarrer tant qu’une évaluation de sesincidences hydrologiques n’aurait pas été réalisée.Les habitants de la province d’Espinar, dans la régiondu Cuzco, estimaient que la construction du barrageet de la centrale électrique d’Angostura aurait unimpact sur leur approvisionnement en eau et, parconséquent, sur leurs moyens de subsistance.Droits des peuples indigènesLa loi tant attendue sur la consultation des peuplesindigènes est entrée en vigueur au mois deseptembre. Le texte a rendu obligatoire laconsultation et l’accord des populations indigènespour tout projet d’aménagement sur leurs terresancestrales. Dans les cas où un accord n’est pasobtenu, les services de l’État devront prendre toutesles mesures qui s’imposent pour garantir le respectdes droits collectifs des peuples indigènes.Néanmoins, il était à craindre que de nouveauxconflits éclatent au sujet de projets déjà lancés etn’ayant fait l’objet d’aucune consultation préalable.Des <strong>com</strong>munautés indigènes de la province deCajamarca ont protesté en novembre après l’arrêt desdiscussions entamées sous l’égide du gouvernementavec la <strong>com</strong>pagnie minière Yanacocha. Ces<strong>com</strong>munautés s’opposaient à un projet de la<strong>com</strong>pagnie qui, selon elles, constituait un risque pourles ressources locales en eau. Les autorités localesont suspendu le projet dans l’attente d’une nouvelleévaluation de l’impact sur l’environnement.BaguaEn juin, le Congrès a approuvé un rapport exonérantles ministres du gouvernement de l’époque de touteresponsabilité dans les événements ayant eu lieu àBagua en juin 2009 ; 33 personnes – dont23 policiers – étaient mortes et au moins 205 autresavaient été blessées lors de l’intervention de la policepour disperser des manifestants indigènes.Toujours en juin, un tribunal a levé toutes lescharges qui pesaient contre le dirigeant indigèneSegundo Alberto Pizango Chota, de l’Associationinterethnique de développement de la forêtpéruvienne, et contre quatre autres hommes dans lecadre de l’affaire liée aux affrontements de Bagua.Deux généraux des services de la police nationaleet un haut gradé de l’armée ont été condamnés parun tribunal policier et militaire dans le cadre del’enquête sur les événements de Bagua. Cinqpoliciers étaient toujours sous le coup d’uneprocédure à la fin de l’année.ImpunitéLes enquêtes sur les violations des droits humains<strong>com</strong>mises dans le passé progressaient avec lenteur.n En mai, les audiences ont débuté dans la procédurevisant le général en retraite Carlos Briceño Zevallos etsix autres hauts gradés, tous inculpés de faits enrelation avec des actes de torture et des disparitionsforcées dans la caserne de Los Cabitos (province deHuamanga), en 1983. Leur procès était toujours encours à la fin de l’année.n En juillet, l’ancien officier Telmo Hurtado a étéextradé des États-Unis pour être jugé dans l’affaire dumassacre de 69 villageois, assassinés à Ac<strong>com</strong>arca en1985. Le procès des 29 accusés (membres despatrouilles ayant participé aux meurtres et supérieurs262 Amnesty International - Rapport 2012


ayant donné les ordres) n’était pas terminé à la finde l’année.En juin, le pouvoir exécutif a promulgué un décretfixant le montant des réparations à accorder auxvictimes du conflit armé inscrites sur le Registreunique des victimes et précisant que la procédure dedétermination des bénéficiaires serait achevée à la findu mois de décembre. Des organisationsreprésentant les victimes ont condamné cettedécision, avançant divers arguments.Utilisation excessive de la forceEn avril, trois manifestants ont été tués et desdizaines d’autres blessés dans des affrontementsavec la police intervenus lors de manifestations contreun projet d’extraction de cuivre dans la provinced’Islay (le projet « Tía María »). Les autorités ontrenoncé peu de temps après à ce projet qui, selon lesriverains concernés, aurait contaminé l’eau utilisée àdes fins agricoles.SyndicalistesAprès avoir passé deux mois et demi en prisonsur la base d’accusations infondées concernant unaccident minier survenu en juillet 2010, les dirigeantssyndicaux Pedro Condori Laurente et Antonio QuispeTamayo ont été remis en liberté en mars. Laprocédure engagée contre eux était toujoursen cours à la fin de l’année.Responsabilité des entreprisesEn août, la société britannique Monterrico Metals estparvenue à un règlement à l’amiable avec 33 paysansdont les droits fondamentaux avaient été bafoués en2005 lors de manifestations contre le projet minierRío Blanco, et qui accusaient des agents de sécuritéde l’entreprise d’être impliqués dans ces atteintes àleurs droits.Droits sexuels et reproductifsEn octobre, le Comité pour l’élimination de ladiscrimination à l’égard des femmes a considéré quele Pérou devait modifier sa législation pour autoriserles femmes à avorter après un viol, créer unmécanisme afin que des services d’interruption degrossesse soient effectivement proposés et garantirl’accès à ces services à toute femme dont la santé oula vie était menacée. L’affaire portée devant la justicepar le Centre pour les droits reproductifs et par sonpartenaire au Pérou, l’organisation PROMSEX,concernait une adolescente tombée enceinte en 2007à l’âge de 13 ans à la suite de viols répétés dont elleétait victime depuis qu’elle avait 11 ans. Cette jeunefille s’est retrouvée gravement handicapée après unefracture de la colonne vertébrale consécutive à unetentative de suicide, fracture que les médecins ontrefusé d’opérer au motif que l’intervention présentaitun risque pour le fœtus.De nouveaux obstacles à l’exercice des droitssexuels et reproductifs des femmes ont surgi en mailorsque le Tribunal constitutionnel a rendu un arrêtclarifiant une décision précédente et interdisant àl’État de <strong>com</strong>mercialiser ou de distribuer gratuitementune contraception d’urgence.Les autorités ont annoncé en octobre que leparquet avait relancé une enquête sur la stérilisationforcée de plus de 200 000 femmes sous laprésidence d’Alberto Fujimori, dans les années 1990.PHILIPPINESRÉPUBLIQUE DES PHILIPPINESChef de l’État et du gouvernement : Benigno S. Aquino IIIPeine de mort :aboliePopulation :94,9 millionsEspérance de vie :68,7 ansMortalité des moins de cinq ans : 33,1 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 95,4 %Benigno « Noynoy » Aquino III a entamé en juinla deuxième année de son mandat présidentiel.Des cas de torture, d’exécution extrajudiciaire et dedisparition forcée ont encore été signalés. Descentaines de violations <strong>com</strong>mises les annéesprécédentes n’avaient toujours pas été élucidées.En septembre, des poursuites pénales pour actes detorture ont été ouvertes, pour la première fois dansl’histoire du pays. Les femmes <strong>com</strong>me les hommesétaient toujours confrontés à de sévères restrictionsde leur droit à la santé en matière de procréation,notamment en ce qui concerne l’accès à lacontraception. Les Philippines ont ratifié en août leStatut de Rome de la Cour pénale internationale.Conflit armé interneLe gouvernement a entamé en février des pourparlersde paix avec les deux principaux mouvementsPAmnesty International - Rapport 2012263


Pd’opposition armée, le Front de libération islamiquemoro (MILF) et la Nouvelle Armée du peuple (NPA),branche armée du Parti <strong>com</strong>muniste des Philippines(CPP). Après une relative accalmie, les affrontementsont repris en fin d’année.n Des heurts ont eu lieu entre les forces régulières et leMILF dans l’île de Basilan, au sud de l’archipel, ce qui adonné lieu aux <strong>com</strong>bats les plus violents depuis leconflit de 2008-2009 sur Mindanao. La <strong>com</strong>missionconjointe chargée de l’application du cessez-le-feus’est vu confier une enquête sur les allégations del’armée selon lesquelles six des 19 soldats tués dansles affrontements auraient été capturés puissommairement exécutés par le MILF. Une opérationmilitaire menée pour appréhender des membres dugroupe armé Abu Sayyaf a donné lieu à unbombardement aérien et à des frappes terrestres, quiont contraint 30 000 civils à quitter leur foyer. Un civilau moins aurait été tué.n Dans le nord de Mindanao (province du Surigao delNorte), les forces de la NPA ont attaqué en octobre dessites d’extraction minière privés, tuant trois agents desécurité. En réaction, le président Aquino a entériné lapolitique adoptée par le gouvernement précédent,consistant à renforcer la sécurité des sites privésd’extraction en y déployant des milices civiles. Or cesmilices, qui opèrent sans respecter de réelle disciplinemilitaire et en dehors de toute obligation de rendre des<strong>com</strong>ptes, ont été impliquées dans des cas de torture etde détention arbitraire, ainsi que dans un certainnombre de meurtres de dirigeants indigènes locaux.Homicides illégauxDes militants et des journalistes ont cette annéeencore été tués pour des raisons politiques. LesÉtats-Unis ont annoncé en novembre qu’ils allaientsuspendre une partie de l’aide militaire accordée auxPhilippines, tant que le pays n’aurait pas pris demesures pour lutter contre le phénomène desexécutions extrajudiciaires.n Rodel Estrellado, membre du parti de gauche BayanMuna, a été enlevé en février près de son domicile,dans la province d’Albay, par des hommes affirmantappartenir à l’Agence philippine de lutte contre lesstupéfiants. Sa famille a retrouvé son corps au bout dedeux jours de recherche, dans une chambre funéraireoù il avait été enregistré sous un faux nom. Plusieursheures avant l‘enlèvement, l’armée avait diffusé un<strong>com</strong>muniqué indiquant qu’une personne portant cenom avait été tuée dans une autre province, lors d’unaccrochage avec des <strong>com</strong>battants armés. Les forcesarmées ont confirmé en mai que neuf militaires, dontdeux officiers, avaient été inculpés du meurtre deRodel Estrellado.n Au moins trois journalistes ont été tués cette année,dont Gerardo Ortega au mois de janvier. Ce dernier, quitravaillait pour une radio de Palawan, s’était opposé àdes opérations d’extraction minière dans cette île. Lapolice a arrêté un tireur suspect. L’arme aurait étéfournie par un ancien collaborateur du gouverneur dela province, Joel Reyes, que Gerardo Ortega avaitaccusé de corruption. En juin, le ministère de la Justicea abandonné les poursuites pour homicide volontaireengagées contre ce gouverneur.n Deux ans après le massacre de Maguindanao, aucours duquel 57 personnes qui faisaient partie d’unecaravane électorale avaient été tuées par un groupearmé sur l’île de Mindanao, les procès des auteursprésumés de la tuerie étaient toujours en cours. Lapolice avait arrêté au moins 93 suspects, dontd’anciens responsables locaux des pouvoirs publics,mais aucune condamnation n’avait encore étéprononcée à la fin de l’année.Disparitions forcéesDes centaines de cas de disparition forcée n’avaienttoujours pas été élucidés. Selon des chiffres diffusésen août par l’organisation des Familles des victimesde disparitions forcées (FIND), le nombre moyen dedisparitions forcées par an n’avait guère changédepuis le renversement de Ferdinand Marcos, en1986. Il y avait eu 875 cas répertoriés pendant les21 ans de ce dernier au pouvoir, contre 945 au coursdes 25 années qui ont suivi.n En juillet, la Cour suprême a donné l’ordre aux forcesarmées de présenter devant elle Jonas Burgos, unmilitant enlevé en 2007 dans un centre <strong>com</strong>mercial deManille et emmené dans une voiture qui avait étéauparavant confisquée par l’armée. Dans son rapport àla Cour, la Commission des droits humainsre<strong>com</strong>mandait l’ouverture de poursuites pénalescontre un <strong>com</strong>mandant de l’armée mis en cause par untémoin. Le gouvernement n’ayant pas engagé depoursuites contre cet officier, la mère de Jonas Burgosa intenté une action au pénal en juin.n Le Sénat a adopté en juillet une loi qui pourrait fairedate en matière de pénalisation de la pratique de ladisparition forcée. À la fin de l’année, ce texte, soumisau Parlement dès 1995, était toujours en attente d’unedécision de la Chambre des représentants.264 Amnesty International - Rapport 2012


Torture et autres mauvais traitementsPour la première fois, des membres des forces desécurité ont été poursuivis au titre de la législationcontre la torture. De nouveaux cas de torture et autresmauvais traitements imputables aux forces desécurité ont néanmoins été signalés. L’issue desprocès intentés au pénal pour des infractions de droit<strong>com</strong>mun dépendait toujours beaucoup desdéclarations des témoins, ainsi que des « aveux »,parfois obtenus sous la contrainte, des accuséseux-mêmes.n Le parquet a ouvert en septembre les premièrespoursuites jamais intentées au pénal au titre de la Loide 2009 contre la torture. Le ministère de la Justice are<strong>com</strong>mandé l’inculpation de sept policiers, dont uninspecteur en chef. Dans une séquence vidéo filméeen 2010 avec un portable, et diffusée en août de lamême année dans un journal télévisé, on pouvait voirun homme soupçonné de vol, Darius Evangelista, setordre de douleur tandis que l’inspecteur en questionlui tirait le pénis avec une ficelle.n Au mois d’août, quatre rangers de l’armée ont étéarrêtés pour leur rôle présumé dans les actes detorture dont aurait été victime Abdul Khan Ajid enjuillet. Les quatre hommes, parmi lesquels figurait unofficier, étaient soupçonnés d’avoir aspergé leurvictime d’essence, puis d’y avoir mis le feu, pourl’obliger à « avouer » qu’il appartenait au groupeAbu Sayyaf. Ils ont été suspendus de leurs fonctionsdans la province de Basilan, dans l’attente de leurinculpation.Arrestations et détentions arbitrairesLes militants, même pacifiques, risquaient d’êtreharcelés, arrêtés et placés en détention par l’arméeaux abords des zones où ses troupes étaientdéployées.n Le journaliste Ericson Acosta a été arrêté en févrierpar des officiers dans la province de Samar. Interrogédans l’enceinte d’un camp militaire, il a été menacé demort s’il n’avouait pas son appartenance aux cadres duCPP – une formation qui n’est plus interdite. Lesmilitaires ont ensuite porté plainte contre EricsonAcosta pour détention illégale d’explosifs, uneinfraction qui exclut toute possibilité de libération souscaution. Bien que la Loi sur la rapidité des procès fixe à180 jours le laps de temps maximum entre la mise enaccusation et le procès, le journaliste était toujours enprison sans jugement à la fin de l’année, soit 10 moisaprès son arrestation.Droits sexuels et reproductifsLa politique du gouvernement en matière de contrôledes naissances était discriminatoire à l’égard desfemmes et portait atteinte au droit de ces dernièresde jouir du meilleur état de santé possible, dans lamesure où elle restreignait leur accès à lacontraception et à l’information sur le planningfamilial. L’avortement restait interdit par la loi entoutes circonstances, sauf avis d’une <strong>com</strong>missionmédicale attestant que la poursuite de la grossessemettrait en danger la vie de la femme. Les débats sesont poursuivis au Parlement sur le projet de loi relatifà la santé de la procréation, qui prévoyait desupprimer les interdictions et les obstacles s’opposantaux services et à l’information en matière de santégénésique.n Une ordonnance a été prise en janvier à Manille, auniveau local, interdisant l’éducation sexuelle, lespréservatifs, la pilule et tout autre moyen decontraception. Aux termes de cette ordonnance, lespréservatifs ne pouvaient plus être délivrés que surprescription médicale, et toute publicité pour desméthodes de contrôle des naissances devenaitpassible de sanctions.n Dans un discours prononcé en mars, le présidentAquino a reconnu l’ampleur du phénomène desavortements à risque aux Philippines, indiquant quequelque 300 000 « fausses couches provoquées »avaient lieu chaque année.n Les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles outransgenres (LGBT) continuaient de faire l’objet deviolences et de discriminations. Selon l’organisationindépendante Philippine LGBT Hate Crime Watch, quiobserve les crimes de haine contre les LGBT,28 personnes auraient été victimes de meurtres fondéssur des préjugés dans ce domaine au cours du premiersemestre 2011. Un projet de loi destiné à <strong>com</strong>battre lesdiscriminations, déposé en 1999 devant le Parlement,était toujours bloqué à la fin de l’année.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus aux Philippinesen avril, novembre et décembre.4 Making the fair choice: Key steps to improve maternal health in ASEAN(ASA 03/001/2011).4 Philippines: Progress, Stagnation, Regression? The State of HumanRights in the Philippines under Aquino (ASA 35/002/2011).PAmnesty International - Rapport 2012265


PPOLOGNERÉPUBLIQUE DE POLOGNEChef de l’État :Bronisław KomorowskiChef du gouvernement :Donald TuskPeine de mort :aboliePopulation :38,3 millionsEspérance de vie :76,1 ansMortalité des moins de cinq ans : 6,7 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 99,5 %La médiatrice s’est dite préoccupée par lamultiplication des agressions racistes etxénophobes. Le Parlement a rejeté un projet deloi qui aurait totalement interdit l’avortement.Plusieurs ONG se sont inquiétées de la détentionde demandeurs d’asile mineurs.ContexteLes élections législatives d’octobre ont été remportéespar le parti au pouvoir, la Plateforme civique. Parmiles nouveaux élus figuraient deux militants des droitsdes lesbiennes, des gays, des personnes bisexuelleset des transgenres, une spécialiste et militante desdroits sexuels et reproductifs et deux personnesd’origine africaine. Pour la première fois en Pologne,des femmes ont été élues à la présidence et à lavice-présidence de la Diète.Lutte contre le terrorisme et sécuritéLe parquet a décidé en juillet de prolonger de sixmois l’information judiciaire ouverte sur l’implicationprésumée de la Pologne dans les programmes de« restitutions » et de détentions secrètes de la CIA.Selon des informations diffusées en septembre surRMF FM, le chef de l’État aurait rejeté une requêtedu même parquet, qui souhaitait que l’ancienprésident Aleksander Kwaśniewski soit délié de sonobligation de ne pas révéler d’informationsconstituant des secrets d’État et autorisé àtémoigner. Aucune autre indication ni conclusionconcernant cette enquête n’avait été <strong>com</strong>muniquéeà la fin de l’année.L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europea adopté en octobre une résolution encourageant leparquet polonais à « persévérer dans la recherche dela vérité en ce qui concerne les allégations dedétentions secrètes par la CIA ». Elle regrettaitégalement dans ce texte que le Parlement polonais« se soi[t] content[é] d’enquêtes dont le but principalsemble avoir été de défendre la position officielle desautorités nationales ».DiscriminationLe gouvernement n’a pas dégagé de moyenssuffisants pour permettre au Bureau de la médiatricede remplir la nouvelle mission de garant de l’égalitéqui lui a été confiée. La nouvelle législation contre ladiscrimination adoptée en décembre 2010 charge eneffet la médiatrice d’aider les victimes dediscriminations à porter plainte, de réaliser desrecherches indépendantes sur la question de l’égalitéde traitement et d’émettre des re<strong>com</strong>mandations surcette question. Le gouvernement estimait que cesnouvelles <strong>com</strong>pétences ne nécessitaient aucunerallonge budgétaire. La médiatrice a cependantdéclaré en mai que ses services ne <strong>com</strong>portaient pasd’unité spécialisée dans la lutte contre ladiscrimination, faute de financement suffisant, et qu’ilétait illégal d’élargir les <strong>com</strong>pétences d’un organismepublic sans lui donner les moyens de s’acquitter desa tâche.RacismeDans un courrier adressé au procureur général enoctobre, la médiatrice s’est dite préoccupée par lamultiplication des agressions racistes ou xénophobes,demandant que les mesures nécessaires soient prisespour enrayer ce type de criminalité.Liberté d’expressionLa Pologne s’est de nouveau vu reprocher sa loiréprimant la diffamation, qui a été jugée susceptiblede porter atteinte à la liberté d’expression.n Dans un arrêt rendu en juillet dans l’affaireWizerkaniuk c. Pologne, la Cour européenne desdroits de l’homme a estimé que la Pologne avaitviolé le droit du requérant à la liberté d’expression.Le journaliste Jerzy Wizerkaniuk avait saisi la Courpour contester la décision rendue par la justicepolonaise, qui l’avait condamné à verser uneamende pour avoir publié des extraits d’uneinterview d’un député sans son consentement. LaCour a considéré que les dispositions de la Loi sur lapresse de 1984, qui autorise les sanctions pénalescontre les journalistes, ne reflétaient pas de manièresatisfaisante le sens de la liberté d’expression dansune société démocratique. Elle a conclu que lasanction pénale était disproportionnée au regarddes circonstances, étant donné qu’il existait des266 Amnesty International - Rapport 2012


voies de recours civiles permettant aux personnesde défendre leur réputation.Justicen La Cour européenne des droits de l’homme a estiméen mai, dans le cadre de l’affaire Bogusław Krawczakc. Pologne, que la Pologne avait violé le droit durequérant d’être jugé dans un délai raisonnable.Bogusław Krawczak avait passé près de quatre ans endétention provisoire. La Cour a également considéréque les restrictions des contacts physiques avec sesproches, lors des visites, constituaient une atteinte àson droit au respect de la vie privée et familiale.Conditions carcéralesEn juillet, le Comité européen pour la prévention de latorture [Conseil de l’Europe] s’est dit inquiet desconditions de détention. Au nombre de sespréoccupations figuraient la surpopulation qui régnaitdans les prisons, le manque de soins adaptés, lesmauvais traitements infligés par des policiers etl’absence de dispositif d’aide juridique véritablementopérationnel. Le Comité a engagé les autoritéspolonaises à revoir la réglementation sur l’espaceattribué à chaque détenu, en veillant à ce quechacun dispose d’au moins 4 mètres carrés dans lescellules collectives. Le ministère de la Justice adéclaré en septembre que le niveau de la populationcarcérale était tel qu’il était impossible de garantir àchaque détenu l’espace préconisé par le Comité.Selon la Fondation Helsinki pour les droits del’homme, les tribunaux auraient reçu4 370 demandes d’indemnisation ou plaintes pourcoups et blessures de la part de personnes ayant étéincarcérées dans des cellules surpeuplées.Droits sexuels et reproductifsLe Parlement a rejeté en septembre un projetportant modification de la Loi de 1993 relative à laplanification familiale, qui prévoyait d’interdirel’avortement en toutes circonstances. L’interruptionde grossesse restait donc légale dans trois cas bienprécis : lorsque la grossesse mettait en danger la vieou la santé de la future mère ; lorsque des examensmédicaux, notamment prénatals, faisaient apparaîtreun risque élevé que l’enfant à naître présente deslésions graves et irréversibles ou souffre d’unemaladie mortelle incurable ; et lorsqu’il existait uneforte présomption que la grossesse soit le fruit d’unacte criminel.n La Cour européenne des droits de l’homme a estiméque la Pologne avait violé le droit de ne pas être soumisà la torture ou à une autre forme de traitementinhumain, ainsi que le droit au respect de la vie privéeet familiale de R. R., une jeune femme enceinte quis’est vu refuser l’accès en temps utile à des testsgénétiques. Elle a notamment considéré que, enconséquence du refus initial opposé par lesprofessionnels de la santé et de leur procrastination,R. R. avait dû endurer des semaines d’incertitudepénible quant à la santé du fœtus, à son propre aveniret à celui de sa famille – un traitement qui constituaitselon la Cour une forme d’humiliation. L’enfant étaitfinalement né, atteint du syndrome de Turner, et le maride R. R. l’avait quittée. La Cour a souligné que, dans lamesure où la législation polonaise autorisaitl’avortement en cas de malformation fœtale, ilin<strong>com</strong>bait à l’État de garantir aux femmes enceintesl’accès à des informations <strong>com</strong>plètes et fiables sur lasanté du fœtus.n La requête d’une adolescente victime d’un viol, quis’était trouvée confrontée à des retards et à desmanœuvres de harcèlement lorsqu’elle avait demandéà bénéficier d’une interruption de grossesse, a étédéclarée recevable par la Cour européenne des droitsde l’homme en septembre.Réfugiés et demandeurs d’asileEn juillet, la Fondation Helsinki pour les droits del’homme, l’Association pour une intervention juridiqueet le Centre d’aide juridique Halina Nie ć se sont ditspréoccupés par la pratique consistant à placer desenfants en détention en <strong>com</strong>pagnie d’adultes de leurfamille arrêtés uniquement pour des raisons liées àleur statut migratoire.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Un délégué d’Amnesty International s’est rendu en Pologne en mai.4 Current evidence: European <strong>com</strong>plicity in the CIA rendition and secretdetention programmes (EUR 01/001/2011).4 Poland: Involvement in US-led rendition and secret detentionprogrammes and women’s access to sexual and reproductive rights –Amnesty International submission to the UN Universal Periodic Review,May-June 2012 (EUR 37/002/2011).PAmnesty International - Rapport 2012267


PPORTO RICOCOMMONWEALTH DE PORTO RICOChef de l’État :Chef du gouvernement :Peine de mort :Population :Barack H. ObamaLuis G. Fortuñoabolie4 millionsUne enquête du ministère fédéral de la Justice aconclu que les agents des services de police dePorto Rico recouraient couramment aux mauvaistraitements.PoliceEn septembre, le ministère de la Justice desÉtats-Unis a rendu un rapport faisant état d’une« pratique bien établie » de violations des droitshumains par les services de police portoricains.Le rapport citait, entre autres, le recours excessifà la force et des tirs injustifiés ayant fait denombreux morts et blessés, ainsi que des fouilleset des saisies illégales. Il indiquait notammentque la police s’était rendue responsable del’utilisation sans discernement d’agentschimiques, de matraques et d’autres moyensimpliquant la force contre des étudiants lorsd’une manifestation à l’hôtel Sheraton de San Juan,en mai 2010.Il relevait en outre des « éléments inquiétants »laissant penser que la police n’avait pas faitcorrectement son travail dans des cas d’agressionsexuelle et de violence domestique, et qu’elle se<strong>com</strong>portait de manière souvent discriminatoire àl’égard des personnes d’origine dominicaine.Ces conclusions résultaient d’une enquête menéependant trois ans par le Service des droits civils duministère américain de la Justice et incluaient133 re<strong>com</strong>mandations de réforme portant notammentsur des améliorations à apporter en matière deformation, de contrôle et de surveillance des policiers.Ces re<strong>com</strong>mandations étaient en cours d’examen à lafin de l’année.Liberté d’expressionLe rapport du ministère de la Justice indiquaitque les policiers attaquaient souvent desmanifestants et des journalistes non violentsafin d’« étouffer » la liberté d’expression, pourtantgarantie par le premier amendement de laConstitution des États-Unis.En mai, la section portoricaine d’AmnestyInternational a appris que son site Internet avait étérendu inaccessible aux étudiants utilisant lesordinateurs du ministère de l’Éducation. L’accès a étédébloqué à la suite de protestations d’AmnestyInternational, mais le mot-clé de recherche« advocacy » (plaidoyer) demeurait bloqué par leministère à la fin de l’année.PORTUGALRÉPUBLIQUE PORTUGAISEChef de l’État :Aníbal António Cavaco SilvaChef du gouvernement : José Sócrates Carvalho Pintode Sousa, remplacé parPedro Manuel Mamede Passos Coelho le 21 juinPeine de mort :aboliePopulation :10,7 millionsEspérance de vie :79,5 ansMortalité des moins de cinq ans : 3,7 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 94,9 %Les auteurs de torture et d’autres formes de mauvaistraitements avaient rarement à répondre de leursactes. Les Roms étaient victimes de discriminationen matière de logement. La violence domestiquedemeurait un grave motif de préoccupation.Torture et autres mauvais traitementsEn février a été diffusée sur Internet une vidéo où l’onpouvait voir des gardiens utilisant, en septembre2010, un pistolet incapacitant à fléchettes contre undétenu de la prison de Paços de Ferreira, pour lecontraindre semble-t-il à nettoyer sa cellule. L’hommen’aurait offert aucune résistance. En avril, le ministrede la Justice a pris un décret interdisant l’utilisationde pistolets à décharge électrique dans descirconstances similaires. Une enquête du Service decontrôle et d’inspection de la Direction générale del’administration pénitentiaire était en cours à la fin del’année.En mars, la cour d’appel d’Évora a confirmé lejugement prononcé en première instance dansl’affaire Leonor Cipriano. Il avait été conclu que cettefemme avait bien été torturée durant sa garde à vueen 2004, mais qu’il était impossible d’identifier lesresponsables. Leonor Cipriano n’a toujours pas étéindemnisée par l’État. Gonçalo de Sousa Amaral et268 Amnesty International - Rapport 2012


António Fernandes Nuno Cardoso, deux hauts gradésde la police judiciaire, avaient été condamnésrespectivement à 18 et 27 mois d’emprisonnementpour avoir affirmé de façon mensongère que LeonorCipriano avait chuté dans les escaliers. Leurs peinesont toutefois été assorties du sursis au motif qu’ilsn’avaient jusqu’alors jamais fait l’objet decondamnations pénales.Les audiences du procès de trois policiers accusésd’avoir torturé Virgolino Borges pendant sa garde àvue, en mars 2000, se sont tenues en novembre eten décembre. Il a été demandé à la victime detémoigner de nouveau, l’enregistrement de sonpremier témoignage ayant, semble-t-il, disparu enraison de problèmes techniques.Droits en matière de logementLes Roms continuaient de se voir refuser leur droit àun logement convenable. En novembre, dans l’affaireCentre européen pour les droits des Romsc. Portugal, le Comité européen des droits sociaux aestimé que la situation des Roms en matière delogement au Portugal constituait une infraction audroit au logement et à la non-discrimination. LeComité a constaté que de nombreux Roms vivaientdans des habitations précaires et étaient isolés dureste de la population, et que le gouvernement neleur avait pas fourni de logement décent.n L’expulsion d’un campement installé dans le Bairroda Torre, un quartier de la ville de Loures, non loin deLisbonne, devait avoir lieu le 18 octobre, maisl’opération a été suspendue par la municipalité deLoures. Le campement accueillait 86 familles, parmilesquelles figuraient des Roms et des migrantsd’Afrique subsaharienne. Un avis d’expulsion avait étéenvoyé en mars, mais aucune solution de relogementn’avait été proposée. Une procédure attribuant denouvelles habitations à certains ménages, notammentà des personnes souffrant d’un handicap, a étéentamée. L’ordonnance d’expulsion demeuraitsuspendue à la fin de l’année.Violences faites aux femmes et aux fillesLa violence domestique demeurait un grave motif depréoccupation. En mai, le gouvernement a signé laConvention du Conseil de l’Europe sur la préventionet la lutte contre la violence à l’égard des femmes etla violence domestique. D’après le rapport sur laviolence domestique de la Direction générale del’administration interne, en août la police et lagendarmerie avaient enregistré 14 508 plaintes pourviolences domestiques depuis janvier 2011. Au11 novembre, selon des chiffres <strong>com</strong>muniqués parl’ONG Union des femmes – Alternative et réponse(UMAR), les violences conjugales étaient à l’originede 23 meurtres et de 39 tentatives de meurtre<strong>com</strong>mis depuis le début de l’année.QATARÉTAT DU QATARChef de l’État :Hamad bin Khalifa al ThaniChef du gouvernement : Hamad bin Jassem bin Jaber al ThaniPeine de mort :maintenuePopulation :1,9 millionEspérance de vie :78,4 ansMortalité des moins de cinq ans : 10,8 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 94,7 %Deux hommes ont été arrêtés, apparemment parcequ’ils étaient soupçonnés d’être des détracteurs dugouvernement ; l’un d’eux aurait été torturé. Lestravailleurs migrants étaient exploités et maltraitéset ils ne bénéficiaient pas d’une protection juridiquesuffisante. Six personnes, peut-être plus, ont étécondamnées à des peines de flagellation. Descondamnations à mort ont été prononcées contre aumoins trois hommes ; aucune exécution n’a eu lieu.ContexteBien que des appels à manifester aient été lancés surFacebook en février et en mars, le Qatar n’a pasconnu de manifestations antigouvernementalessemblables à celles d’autres pays de la région.Des élections municipales ont eu lieu en mai. Ennovembre, le gouvernement s’est engagé à organiseren 2013 les premières élections au Conseilconsultatif, reportées depuis 2008.Une loi prohibant la traite des personnes a étéadoptée en octobre. D’autres textes législatifs étaientapparemment en cours d’examen, notamment la Loide 2002 relative à la protection de la société quipermet de maintenir une personne en détentionjusqu’à six mois avant toute inculpation.Liberté d’expressionAu moins deux hommes ont été arrêtés,apparemment parce qu’ils étaient soupçonnés d’êtreQAmnesty International - Rapport 2012269


Rdes détracteurs du gouvernement, et deux autrespersonnes ont été emprisonnées pour blasphème. Aumoins 46 personnes, des étrangers pour la plupart,ont été déclarées coupables de « relations sexuellesillicites » ; elles ont été soit expulsées soitcondamnées à une peine d’emprisonnement suiviedans certains cas de leur expulsion.n Salem al Khawari, un fonctionnaire arrêté le 7 février,a été maintenu en détention sans inculpation jusqu’au18 octobre. Il n’a pas été autorisé à recevoir la visite desa famille pendant trois mois. Au cours de cettepériode, il aurait été contraint de rester debout jusqu’à15 heures par jour, privé de sommeil et battu. Lesautorités n’ont pas révélé le motif de sa détention etaucune enquête ne semble avoir été menée sur lessévices qui lui auraient été infligés.n Sultan al Khalaifi, blogueur et fondateur d’uneorganisation locale de défense des droits humains, aété arrêté le 2 mars par des agents de la sûreté de l’Étaten civil, qui ont également perquisitionné à sondomicile. Il a été maintenu au secret pendant unesemaine, puis remis en liberté le 1 er avril sans avoirété inculpé.n Un Qatarien de 41 ans déclaré coupable deblasphème par un tribunal de Doha aurait étécondamné en février à une peine de cinq ansd’emprisonnement.Droits des migrantsLes travailleurs étrangers, qui constituaient plus de80 % de la population du Qatar et étaient pour laplupart originaires d’Asie du Sud et du Sud-Est,n’étaient pas suffisamment protégés par la loi. Ilscontinuaient d’être exploités et maltraités par leursemployeurs. En mai, la Confédération syndicaleinternationale (CSI) a dénoncé les conditions detravail au Qatar, en particulier celles des employéesde maison et des hommes employés sur les chantiersde construction des infrastructures pour la Coupe dumonde de football de 2022, et elle a réclamé desaméliorations importantes.Discrimination – refus de la nationalitéCette année encore, le gouvernement a refusé lanationalité qatarienne à une centaine de personnesqui appartenaient, pour la plupart, à la tribu Al Murraaccusée d’être à l’origine d’une tentative de coupd’État en 1996. Les personnes privées de leurnationalité rencontraient des difficultés : elles nepouvaient pas trouver un emploi, ni bénéficier de lasécurité sociale et de soins médicaux ni obtenir unpasseport qatarien. Elles n’avaient accès à aucunevoie de recours en justice.Châtiments cruels, inhumains oudégradantsSix personnes au moins, toutes de nationalitéétrangère, ont été condamnées pour consommationd’alcool ou « relations sexuelles illicites » à des peinesde soit 40, soit 100 coups de fouet . Ces peines nepouvaient être infligées qu’aux musulmans jugésaptes médicalement. On ignorait si elles avaient étéappliquées.Peine de mortTrois sentences capitales au moins ont étéprononcées. Dix-neuf prisonniers, peut-être plus,dont au moins six personnes condamnées en 2001pour leur participation à la tentative de coup d’Étatde 1996, étaient semble-t-il sous le coup d’unecondamnation à mort à la fin de l’année. Aucuneexécution n’a été signalée.RÉPUBLIQUECENTRAFRICAINERÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINEChef de l’État :François BozizéChef du gouvernement : Faustin Archange TouadéraPeine de mort :abolie en pratiquePopulation :4,5 millionsEspérance de vie :48,4 ansMortalité des moins de cinq ans : 170,8 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 55,2 %La République centrafricaine était toujours en proieà un conflit impliquant de nombreux groupes arméset la situation des droits humains restait trèspréoccupante. La population civile était victimed’atteintes aux droits humains généralisées– homicides illégaux, enlèvements, actes de tortureet violences sexuelles (y <strong>com</strong>pris viols), notamment.ContexteLe président Bozizé a été réélu en janvier avec plusde 60 % des suffrages. L’ancien chef de l’ÉtatAnge-Félix Patassé est arrivé en seconde position.270 Amnesty International - Rapport 2012


Les résultats provisoires publiés par la <strong>com</strong>missionélectorale indépendante ont été confirmés par laCour constitutionnelle en février.Une grande partie du territoire centrafricain setrouvait en dehors du contrôle du gouvernement. Aumoins 200 000 personnes ont été contraintes de fuirde chez elles en raison d’attaques et étaientdéplacées à l’intérieur du pays. On <strong>com</strong>ptait quelque200 000 réfugiés dans les États voisins.Le nord-ouest du pays était sous la coupe del’Armée populaire pour la restauration de ladémocratie (APRD), un groupe armé qui avait signéun accord de paix avec le gouvernement. Lesattaques de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA)se sont multipliées et intensifiées dans le sud-est etl’est du pays.À la mi-juillet, des membres de l’Union des forcesdémocratiques pour le rassemblement (UFDR) ontattaqué et occupé la ville de Sam Ouandja, dans lenord-est du pays. Ce groupe armé basé dans lapréfecture de la Haute Kotto a déclaré qu’il n’avaitfait que répondre aux attaques menées contre lui parla Convention des patriotes pour la justice et la paix(CPJP). Plusieurs centaines de personnes ont étédéplacées par les <strong>com</strong>bats entre ces deux groupesarmés en septembre.Entre juin et août, trois factions de la CPJP ontsigné des accords de paix avec le gouvernement,sans toutefois que leurs <strong>com</strong>battants soientdésarmés.Maintien de la paixLe président des États-Unis, Barack Obama, aannoncé en octobre qu’il avait envoyé une centained’hommes en Afrique centrale, notamment enRépublique centrafricaine, dans le cadre d’unemission d’aide et de conseil aux forcesgouvernementales <strong>com</strong>battant la LRA.Quelque 200 soldats français étaient toujoursstationnés dans le pays pour participer à larestructuration et à l’entraînement des forcesrégulières.Sous l’égide de la Communauté économique desÉtats de l’Afrique centrale (CEEAC), la Mission deconsolidation de la paix en Centrafrique (MICOPAX) aété déployée en février à Ndélé, dans le nord-est dupays. Les soldats de la MICOPAX étaient originairesdu Cameroun, du Gabon, de la République duCongo, de la République démocratique du Congo etdu Tchad.Plusieurs milliers de militaires ougandais restaientdéployés dans l’est du pays. En août, un tribunalmilitaire ougandais a condamné à mort un soldatougandais pour le meurtre d’un civil à Obo.Désarmement, démobilisation etréinsertionEn janvier, le président Bozizé a nommé sixdirigeants de différents groupes armés pour leconseiller sur le désarmement, la démobilisation etla réinsertion. On ne savait pas toutefois s’ils avaientaccepté le poste qui leur avait été offert. À la fin dumois de juillet, le ministre chargé du désarmement,de la démobilisation et de la réinsertion a déclaréque la démobilisation des membres de l’APRD étaiten cours dans la préfecture de l’Ouham Pendé. Ilaurait ajouté qu’une opération similaire allait bientôtdémarrer dans le nord-est du pays. Des factions dela CPJP ont signé des accords de paix avec legouvernement au cours de l’année.Justice internationaleLe procès de Jean-Pierre Bemba, ancien viceprésidentde la République démocratique du Congo,s’est poursuivi devant la Cour pénale internationale(CPI) à La Haye. Accusé d’avoir dirigé des milicesayant perpétré des homicides et des viols parmi lapopulation civile en République centrafricaine en2002 et 2003, il devait répondre de deux chefsd’accusation pour crimes contre l’humanité et de troisautres pour crimes de guerre.Aucun autre représentant de l’État ou dirigeantd’un groupe armé ayant pu <strong>com</strong>mettre des crimes deguerre et des crimes contre l’humanité dans le paysn’a fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI ni n’a étépoursuivi par l’appareil judiciaire national.Exactions perpétrées par des groupesarmésDes groupes armés ont perpétré en toute impunitédes exactions à l’encontre de la population civiledans une grande partie des zones en proie auconflit. Des civils ont été tués et blessés, desfemmes et des jeunes filles violées, et desmaisons, des réserves de nourriture et des<strong>com</strong>merces pillés et détruits. En raison du niveauélevé d’insécurité, il était très difficile pour lesorganisations humanitaires et de défense des droitshumains de recueillir des informations sur cesexactions.RAmnesty International - Rapport 2012271


RLe nord-ouest du pays restait sous le contrôle del’APRD. En janvier, le représentant du secrétairegénéral de l’ONU pour les droits de l’homme despersonnes déplacées dans leur propre pays s’est ditpréoccupé par le fait que l’APRD avait mis enplace un système de justice sommaire et que lesprocès se déroulaient de manière arbitraire. Il aindiqué que, en mai 2010, l’APRD avait exécutécinq personnes déclarées coupables desorcellerie par des tribunaux populaires (desjuridictions informelles gérées par le groupearmé).n Le 30 janvier, des membres présumés de l’APRDont kidnappé huit employés de la branche espagnolede Médecins sans frontières qui faisaient route àbord d’un véhicule à proximité de la frontière entre laRépublique centrafricaine et le Tchad. Six d’entreeux ont été retrouvés et relâchés deux jours plus tard,mais les deux autres, de nationalité espagnole, ontété retenus par les ravisseurs jusqu’au 10 février.Plusieurs centaines d’attaques ont été perpétréesen République centrafricaine par la LRA, qui s’estrendue coupable d’enlèvements – notamment dejeunes filles –, de saccages, de pillages et deplusieurs centaines de meurtres de civils.n En mars, des membres de la LRA auraient tué aumoins deux civils et quatre soldats de l’arméerégulière, et kidnappé une cinquantaine depersonnes dans la région de Nzako (préfecture duMbomou). Selon les informations reçues, des<strong>com</strong>battants ont aussi pillé des biens privés et réduiten cendres un grand nombre d’habitations. Uneattaque de la LRA contre Nzako avait déjà étésignalée en février. Les rebelles avaient occupé laville pendant plusieurs heures avant de quitter leslieux avec le butin des pillages et au moins unedizaine de captifs civils.n En juin, au cours d’une embuscade, des<strong>com</strong>battants de la LRA auraient tué un médecin etson chauffeur qui convoyaient des vaccins contre lapoliomyélite. L’attaque a eu lieu sur la route reliantZémio à Rafaï, dans la préfecture du Haut-Mbomou.Selon Radio Ndeke Luka, les assaillants ont incendiéle véhicule et toute sa cargaison.La CPJP a été accusée de viols, de meurtres, depillages et d’extorsion dans le nord-est de laRépublique centrafricaine.n En septembre, des <strong>com</strong>battants de la CPJP ont tuésept personnes, parmi lesquelles un représentant del’État, à proximité de Bria.Enfants soldatsDans un rapport publié en avril, le secrétaire généralde l’ONU a exprimé sa vive préoccupation à proposdu recrutement et de l’utilisation d’enfants <strong>com</strong>me<strong>com</strong>battants par des groupes armés entre juin 2008et décembre 2010.Parmi ceux qui continuaient d’enrôler des enfantset qui ont été identifiés dans ce rapport figuraientl’UFDR, la CPJP, le Front démocratique du peuplecentrafricain (FDPC), le Mouvement des libérateurscentrafricains pour la justice (MLCJ) et des miliceslocales d’autodéfense liées au gouvernement. Lerapport faisait aussi état de l’enlèvement et durecrutement forcé d’enfants par la LRA enRépublique centrafricaine et dans les États voisins, etde l’utilisation de ces enfants dans le pays. Lesenfants enrôlés par ce groupe armé servaient de<strong>com</strong>battants, d’espions, de domestiques, d’esclavessexuels et de porteurs.Le secrétaire général de l’ONU a salué ladémobilisation de 1 300 enfants des rangs de l’APRDentre 2008 et 2010. La représentante spéciale dusecrétaire général de l’ONU pour les enfants et lesconflits armés a effectué une visite en Républiquecentrafricaine en novembre.Prisonniers d’opinionDes détracteurs présumés du gouvernement, ainsique des collègues et des proches de ces personnes,ont été emprisonnés sur la base de faussesaccusations.n Onze personnes étaient maintenues en détentionalors que la justice avait ordonné leur libération enjuillet. Elles avaient été arrêtées en juin 2010 en raisonde leurs liens avec un avocat et un homme d’affairesrecherchés par les autorités. Le bâtonnier de l’ordredes avocats, Symphorien Balemby, et l’hommed’affaires Jean-Daniel Ndengou ont fui le pays enjuin 2010. Parmi les 11 détenus se trouvaient AlbertineKalayen Balemby, épouse et secrétaire de SymphorienBalemby, et Gabin Ndengou, frère de Jean-DanielNdengou et chauffeur pour l’Organisation mondiale dela santé. Ils auraient été inculpés d’incendie volontaire,d’incitation à la haine et d’association de malfaiteurs.Amnesty International les considérait <strong>com</strong>me desprisonniers d’opinion.Liberté d’expression – journalistesUne tendance à l’autocensure prévalait dansles médias.272 Amnesty International - Rapport 2012


n Après plusieurs semaines de détention, FaustinBambou, directeur de l’hebdomadaire Les Collines del’Oubangui, et Cyrus Emmanuel Sandy, directeur duquotidien Médias, ont été remis en liberté en juillet et sesont vu infliger une amende pour avoir publié desarticles sur des manifestations organisées par desmilitaires retraités qui affirmaient que le gouvernementles avait privés de fonds octroyés par l’Unioneuropéenne. Le ministère public avait requis despeines de trois ans d’emprisonnement et des amendesplus lourdes pour incitation à la haine et atteinte à lasûreté de l’État.Plusieurs membres de l’opposition et au moins unjournaliste se sont vu interdire de voyager à l’étranger,sans que la moindre explication ne leur soit fournie.Torture et autres mauvais traitementsDes membres des forces de sécurité ont été accusésde torture. Le gouvernement n’a pris aucune mesurecontre ceux qui avaient été visés par de tellesaccusations au cours des années précédentes.n En août, un homme employé dans un supermarchéde la capitale qui avait été accusé de vol a eu le brasdroit cassé après avoir été passé à tabac par desmembres de l’Office centrafricain pour la répressioncontre le banditisme, à Bangui.Visites et documents d’AmnestyInternational4 République centrafricaine. Après des décennies de violence, il est tempsd’agir (AFR 19/001/2011).RÉPUBLIQUEDÉMOCRATIQUEDU CONGORÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGOChef de l’État :Joseph KabilaChef du gouvernement :Adolphe MuzitoPeine de mort :maintenuePopulation :67,8 millionsEspérance de vie :48,4 ansMortalité des moins de cinq ans : 198,6 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 66,8 %Les progrès ac<strong>com</strong>plis dans la lutte contrel’impunité des auteurs de crimes de droitinternational n’ont été que limités. Les forces desécurité gouvernementales et des groupes armés ontperpétré de très nombreuses violations des droitshumains dans l’est du pays. Neuf militairescongolais, dont un lieutenant-colonel, ont étéreconnus coupables de crimes contre l’humanité,notamment de viols, <strong>com</strong>mis le 1 er janvier à Fizi,une localité du Sud-Kivu. Ils ont été condamnésà des peines d’emprisonnement en février. Ils’agissait de l’un des rares cas où les auteurs deviolations ont été rapidement déférés à la justice. Enrevanche, les enquêtes piétinaient dans d’autresaffaires relatives à des viols en masse imputables àdes membres de l’armée nationale ou de groupesarmés. Les élections générales ont été entachées denombreuses atteintes aux droits fondamentaux, lesforces de sécurité se livrant notamment à deshomicides illégaux et des arrestations arbitraires.Des défenseurs des droits humains et desjournalistes ont été victimes de manœuvresd’intimidation et des restrictions continuaient depeser sur les libertés d’expression et d’association.ContexteUne attaque, présentée par le gouvernement <strong>com</strong>meune tentative de « coup d’État », a été menée le27 février contre la résidence présidentielle et uncamp militaire de Kinshasa. Il s’en est suivi une vagued’arrestations arbitraires, visant essentiellement despersonnes de la province de l’Équateur.Les deuxièmes élections présidentielle etlégislatives du pays depuis son indépendance ont eulieu le 28 novembre. Le 5 janvier, la Constitution avaitRAmnesty International - Rapport 2012273


Rété modifiée pour introduire un nouveau mode descrutin présidentiel : celui-ci ne <strong>com</strong>ptait plus qu’unseul tour (contre deux par le passé), à l’issue duquelétait élu le candidat ayant recueilli le plus grandnombre de suffrages. Cette modification, certainesdifficultés logistiques (dont des retards dans lecalendrier électoral) et une révision des listesélectorales qui a provoqué une polémique ontexacerbé les tensions entre l’Alliance pour la majoritéprésidentielle et l’opposition.Les Forces armées de la Républiquedémocratique du Congo (FARDC, armée régulière)ont poursuivi leurs opérations militaires contre lesgroupes armés étrangers présents dans l’est et lenord de la RDC, dont les Forces démocratiques delibération du Rwanda (FDLR), l’Armée de résistancedu Seigneur (LRA, groupe armé ougandais) et lesForces démocratiques alliées/Armée nationale delibération de l’Ouganda (ADF/NALU), ce qui aentraîné de nouveaux déplacements de civils. Enjanvier, l’armée régulière a entamé le retrait d’unepartie de ses troupes, dans le cadre d’unerestructuration générale <strong>com</strong>prenant des étapes deformation et de redéploiement. De ce fait, desgroupes armés ont repris le contrôle de certaineszones auparavant tenues par les FARDC, tandis qued’autres, récemment intégrés dans les rangs del’armée régulière, ont déserté. La situation enmatière de sécurité s’est alors dégradée dans leNord-Kivu et le Sud-Kivu, où les FDLR, les Maï MaïYakutumba et les Forces nationales de libération(FNL) du Burundi ont étendu leurs opérations. Leprojet de réorganisation de l’armée et le décretprésidentiel du 31 décembre 2010 visant àrestructurer les grades au sein des FARDC ontencore <strong>com</strong>pliqué le processus – déjà défaillant –d’intégration d’anciens groupes armés dans l’arméerégulière.Dans sa résolution 1991 (2011) adoptée le 28 juin,le Conseil de sécurité des Nations unies a prolongéjusqu’au 30 juin 2012 le mandat de la Mission del’Organisation des Nations Unies pour la stabilisationen République démocratique du Congo (MONUSCO).Il a réaffirmé dans ce texte que les reconfigurationsfutures de la MONUSCO seraient fonction del’évolution de la situation sur le terrain et de laréalisation de certains objectifs, tels que l’améliorationdes moyens dont disposait le gouvernement de laRDC pour protéger la population. Dans le cadre deson mandat, la MONUSCO devait également fournirun appui technique et logistique pour les élections etcontinuer de prêter son concours à un nombre limitéd’opérations militaires des FARDC.Exactions perpétrées par des groupesarmésDes groupes armés, dont la LRA, les FDLR, les FNL,les ADF/NALU et divers groupes maï maï, auraient<strong>com</strong>mis de nombreuses atteintes aux droitsfondamentaux à l’encontre de civils. Ils se seraientrendus coupables, entre autres, de viols, d’homicides,de pillages et d’enlèvements, en particulier dans laProvince-Orientale et les deux provinces du Kivu. Desgroupes armés maï maï s’en sont pris à la populationcivile pour manifester leur opposition aux autorités,bien que ces dernières aient décidé d’intégrer lesgroupes armés nationaux dans l’armée dans l’espoirque cessent les hostilités.Le Congrès national pour la défense du peuple(CNDP), ancien groupe armé intégré dans l’arméerégulière en 2009 tout en conservant son autonomie,aurait perpétré des violations des droits humains,dont des homicides illégaux et des arrestationsarbitraires. Des conflits entre l’armée et des groupesarmés au sujet du contrôle de zones minières ontégalement dégradé les conditions de sécurité etprovoqué de nouvelles violences.En mai, des <strong>com</strong>battants des FDLR auraient enlevé48 personnes et pillé de nombreuses habitationsdans le territoire de Mwenga (Sud-Kivu).Tout au long de l’année, la LRA a enlevé des civilspour les contraindre à transporter des biens pillésdans la Province-Orientale. Elle représentait toujoursune menace importante pour les civils, ne laissantd’autre choix à plusieurs milliers d’entre eux que defuir. Des groupes armés ont également lancé, àplusieurs reprises, des attaques contre des employésd’organisations humanitaires.Homicides illégauxDurant la période qui a précédé les élections etpendant les semaines qui ont suivi, les forces desécurité, y <strong>com</strong>pris la Garde républicaine, ontprocédé à des exécutions illégales et à plusieursdizaines d’arrestations arbitraires.n Le 4 octobre, les Maï Maï Yakutumba auraient tenduune embuscade à un véhicule appartenant à Eben-Ezer Ministry International, une ONG congolaise, tuantsept personnes dont quatre membres de l’ONG, àKalongwe, dans le territoire de Fizi (Sud-Kivu).274 Amnesty International - Rapport 2012


n Selon certaines informations, des soldats desFARDC et des agents de la police nationale se sontrendus coupables depuis décembre 2010d’exécutions sommaires, de viols et de pillages àl’encontre de l’ethnie mbororo, dans les territoiresd’Ango, de Banda et de Buta(Province-Orientale).n Après que le président Kabila eut été déclarévainqueur de l’élection controversée du 9 décembre,les forces de sécurité congolaises auraient tué24 personnes, peut-être plus, essentiellement àKinshasa.Violences faites aux femmes et aux fillesLe viol et les autres formes de violences sexuellesdemeuraient endémiques. Ces sévices étaient<strong>com</strong>mis aussi bien par des membres des forces desécurité gouvernementales (y <strong>com</strong>pris desfonctionnaires de la police nationale) que par lesgroupes armés. Les violences sexuelles étaientsouvent associées à d’autres violations des droitshumains, notamment des pillages et des actes detorture. Même si des poursuites ont parfois étéengagées, les responsables restaient généralementimpunis et les victimes faisaient souvent l’objet demenaces. Les victimes de viol n’étaient pas aidéesni soutenues de manière satisfaisante, etcontinuaient d’être montrées du doigt. Celles desexe masculin étaient particulièrementmarginalisées.n Les 31 décembre 2010 et 1 er janvier 2011, dessoldats des FARDC auraient <strong>com</strong>mis des viols enmasse dans les villages de Bushani et de Kalambahiro,dans le territoire de Masisi (Nord-Kivu).n Les 1 er et 2 janvier, des soldats des FARDC se sontégalement rendus coupables de viols en masse à Fizi(Sud-Kivu).n Le 27 avril, un agent de la police nationale auraitviolé une jeune fille de 16 ans à Mbuji-Mayi (Kasaï-Oriental).n Entre novembre 2010 et janvier 2011, des<strong>com</strong>battants des FDLR ont violé au moins 102 femmeset une fillette au cours d’attaques lancées contre desvillages des provinces du Katanga et du Sud-Kivu.n En juin, à la suite d’affrontements entre les Maï MaïSheka et l’Alliance des patriotes pour un Congo libre etsouverain, des éléments des deux groupes armés ont,semble-t-il, <strong>com</strong>mis des viols en masse à Mutongo etdans les villages environnants, dans le territoire deWalikale (Nord-Kivu).Enfants soldatsPlusieurs centaines d’enfants soldats ont recouvré laliberté, mais les groupes armés et les FARDC enrecrutaient de nouveaux et les utilisaient, notammentdans l’est de la RDC. Des groupes armés, enparticulier par la LRA et les FDLR, ont continuéd’enlever des mineurs et de se servir d’eux en tantque <strong>com</strong>battants, espions, esclaves sexuels ouporteurs. Bien que les FARDC aient officiellementcessé d’enrôler des mineurs en 2004, aucun pland’action n’a depuis été adopté pour les tenir à l’écartdes forces armées, <strong>com</strong>me l’exigeaient lesrésolutions 1539 (2004) et 1612 (2005) du Conseilde sécurité des Nations unies.Réfugiés et personnes déplacéesOn estimait à 1,57 million le nombre de personnestoujours déplacées à l’intérieur du pays, dont1 million dans les deux provinces du Kivu. Ellesvivaient toujours dans des conditions désastreuses,dans des camps ou des villages.En juillet, la RDC, l’Ouganda et le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés(HCR) ont convenu de mettre en place lerapatriement volontaire de 32 000 réfugiés congolaisqui vivaient en Ouganda.Cette année encore, l’Angola a expulsé desressortissants congolais vers la RDC. Certains auraientsubi des violations des droits humains, dont des viols,alors qu’ils se trouvaient en Angola.Torture et autres mauvais traitementsDes actes de torture et d’autres mauvais traitementsont été <strong>com</strong>mis par des groupes armés et par lesforces de sécurité gouvernementales, notamment parles FARDC, la police nationale, l’Agence nationale derenseignements et la Garde républicaine. Cesdernières se rendaient régulièrement coupables desévices dans les centres de détention, à la suited’arrestations arbitraires. Des ONG et desreprésentants de l’ONU se sont vu, cette annéeencore, refuser l’accès à de nombreux établissementspénitentiaires. Des lieux de détention clandestinsétaient toujours utilisés.La RDC a promulgué en juillet une loi érigeant latorture en infraction pénale. L’application de ce textedemeurait particulièrement difficile et les services desécurité continuaient de torturer des personnes ou deleur faire subir d’autres mauvais traitements,notamment dans des centres de détention illégaux.RAmnesty International - Rapport 2012275


Rn Entre le 27 juillet et le 1 er août, au cours d’uneopération militaire menée dans le territoire de Rutshuru(Nord-Kivu), des soldats des FARDC ont semble-t-ilarrêté arbitrairement 27 personnes, à titre dereprésailles pour leur collaboration présumée avec lesFDLR. Au moins huit d’entre elles auraient étésoumises à la torture ou à d’autres traitements cruels,inhumains ou dégradants, ainsi qu’aux travaux forcés.n Le 13 avril, à Vusamba, dans le territoire de Lubero(Nord-Kivu), un homme détenu par la police nationalea reçu 40 coups de fouet avant d’être relâché, pour laseule raison qu’il n’était pas en mesure de verser les40 dollars des États-Unis exigés pour sa libération.Peine de mortCette année encore, les tribunaux militaires ontprononcé un très grand nombre de condamnations àmort, y <strong>com</strong>pris contre des civils. Aucune exécutionn’a été signalée. Le 23 juin, quatre policiers ont étécondamnés à la peine capitale pour l’enlèvement etl’assassinat d’un éminent défenseur des droitshumains (voir ci-après).ImpunitéL’appareil judiciaire demeurait, dans une largemesure, incapable d’offrir justice et réparation auxvictimes. Même si quelques poursuites ont étéengagées et ont abouti à des condamnations,l’impunité était toujours la règle pour les violations desdroits humains et du droit international humanitaire<strong>com</strong>mises récemment ou par le passé. Des auteursprésumés de crimes au regard du droit internationaln’ont pas été relevés de leurs fonctions ni traduits enjustice. Le manque de moyens, la corruption etl’ingérence des pouvoirs politique et militairecontinuaient de paralyser le fonctionnement destribunaux dans l’ensemble du pays. De trèsnombreux civils ont été déférés devant desjuridictions militaires.Le ministre de la Justice et des Droits humains aprésenté un projet de loi visant à mettre en place untribunal spécial, <strong>com</strong>posé de magistrats congolais etétrangers et <strong>com</strong>pétent pour connaître des affaires degénocide, de crimes contre l’humanité et de crimesde guerre. Le Sénat a rejeté le texte le 22 août.n Le 21 février, la cour militaire du Sud-Kivu,siégeant à Baraka, a condamné neuf soldats desFARDC à des peines <strong>com</strong>prises entre 10 et 20 ansd’emprisonnement pour les crimes contrel’humanité, notamment les viols, <strong>com</strong>mis au coursd’une attaque lancée contre la localité de Fizi les1 er et 2 janvier.Dans d’autres affaires, les enquêtes ouvertes neprogressaient que lentement.n À l’issue de l’enquête menée sur les violssystématiques dont ont été victimes 300 femmes,hommes, filles et garçons en juillet et août 2010 dans leterritoire de Walikale (Nord-Kivu), une procédure a étéengagée contre huit responsables présumés, dont unseul se trouvait en détention. Le procès, qui s’est ouvertle 1 er novembre, a été ajourné en raison de la décisiondu tribunal de délocaliser les audiences à Walikale.Aucune avancée significative n’a été enregistréedans les informations judiciaires ouvertes sur lesviolations des droits humains, notamment les viols enmasse, perpétrées par des soldats des FARDC dansles villages de Bushani et de Kalambahiro (Nord-Kivu).Conditions carcéralesLes prisons manquaient toujours de moyenssuffisants pour que les conditions de détentionrépondent aux normes minimales internationales.Plusieurs prisonniers sont morts du fait de cesconditions déplorables. Les établissementspénitentiaires se trouvaient dans un état dedélabrement tel que les hommes et les femmesn’étaient pas véritablement séparés, pas plus que lespersonnes en attente de jugement ne l’étaient desprisonniers condamnés. Du fait de la médiocrité desinfrastructures et du manque de moyens des centresde détention, des évasions se sont produites danstout le pays.Le 7 septembre, 963 détenus se sont évadés de laprison de Kasapa, à Lubumbashi (Katanga), à la suited’une attaque armée. Parmi eux figurait l’ancien chefmaï maï Gédéon Kyungu Mutanga, déclaré coupableen mars 2009 de crimes de guerre, crimes contrel’humanité et terrorisme.Défenseurs des droits humainsCette année encore, des défenseurs des droitshumains ont été en butte à des agressions et à desactes d’intimidation, notamment à des menaces demort et des arrestations, de la part des forces desécurité gouvernementales <strong>com</strong>me des groupesarmés.n Le 28 janvier, le président d’une ONG locale qui avaitdénoncé le rôle joué par les pouvoirs publicsprovinciaux dans l’exploitation illégale de ressources276 Amnesty International - Rapport 2012


naturelles aurait été interpellé à Gemena (Équateur).Selon les informations reçues, un mandat d’arrêt avaitété décerné à son encontre pour « incitation à larébellion ».n Le président et le vice-président de l’Associationafricaine de défense des droits de l’homme ont reçudes menaces de mort les 1 er et 2 février, à la suited’une conférence de presse organisée pour dénoncerla réforme constitutionnelle du mode de scrutinprésidentiel.n Le 23 juin, la cour militaire de Kinshasa-Gombe acondamné cinq policiers à mort pour l’enlèvement etl’assassinat de l’éminent défenseur des droits humainsFloribert Chebeya et la disparition de son chauffeur,Fidèle Bazana, en juin 2010. L’implication présuméed’autres responsables dans cette affaire n’a pas donnélieu à une enquête.Liberté d’expressionLes autorités administratives et les services desécurité ont restreint la liberté d’expression et laliberté d’association. Les forces de sécuritégouvernementales ont réprimé par la force desmanifestations, et des affrontements ont opposé lessympathisants de différents partis politiques.JournalistesDans tout le pays, de nombreux journalistes ont étémenacés, arrêtés de façon arbitraire, poursuivis enjustice et intimidés en raison de leurs activités.Beaucoup ont reçu des avertissements desautorités nationales leur enjoignant de ne pascouvrir tel ou tel sujet. Certains ont été tués. Cesviolations se sont multipliées dans le contexte desélections générales.Des stations de radio et des chaînes de télévisionont été suspendues sur ordre de l’État ; leurs locauxont été la cible de violences à caractère politique.n Le 21 juin, à Kirumba (Nord-Kivu), un journalisted’une radio locale a été abattu par des inconnus armés,à la suite de remarques qu’il aurait faites au sujet de lasituation en matière de sécurité dans la région.n Le 1 er septembre, un journaliste a été frappé par desagents de la Police d’intervention rapide congolaisealors qu’il couvrait une manifestation d’un partid’opposition à Kinshasa-Gombe.Justice internationaleLa Cour pénale internationale (CPI) devait rendre sonjugement en janvier 2012 dans l’affaire contreThomas Lubanga, inculpé de crimes de guerre pouravoir recruté et utilisé des mineurs de moins de15 ans en Ituri, pour le <strong>com</strong>pte de l’Union despatriotes congolais (groupe armé).n Arrêté en France en octobre 2010, CallixteMbarushimana, secrétaire exécutif des FDLR, a étéremis à la CPI en janvier. Le 16 décembre, la Chambrepréliminaire de la CPI a refusé de confirmer les chargesretenues contre lui et a ordonné sa remise en libertéimmédiate. Le 20 décembre, la Chambre d’appel de laCPI a débouté le procureur de l’appel interjeté contrecette décision. Callixte Mbarushimana a été libéré le23 décembre et est retourné en France, où uneenquête était en cours sur son rôle présumé dans legénocide rwandais de 1994.n Le procès d’Ignace Murwanashyaka et de StratonMusoni, deux chefs des FDLR, s’est ouvert en mai àStuttgart, en Allemagne, où ils résident. Tous deux ontété inculpés de crimes de guerre et de crimes contrel’humanité.n En octobre, le chef de l’État a réaffirmé le refus desautorités congolaises de livrer Bosco Ntaganda à la CPI,qui demandait depuis 2006 que cet homme soit arrêtéet remis à ses instances. Il est accusé des crimes deguerre que constituent l’enrôlement d’enfants et leurutilisation dans le conflit armé.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Une délégation d’Amnesty International s’est rendue en RDC en mars,en juillet et en novembre.4 République démocratique du Congo. Craintes pour les droits humains àl’approche de la campagne présidentielle (AFR 62/002/2011).4 République démocratique du Congo. Il est temps que justice soit rendue.La République démocratique du Congo a besoin d’une nouvelle stratégie enmatière de justice (AFR 62/006/2011).4 République démocratique du Congo. D’une indignation ponctuelle à unréel engagement - la nécessité pour le Conseil des droits de l’homme dejouer un rôle dans la réforme judiciaire et la lutte contre l’impunité(AFR 62/009/2011).4 République démocratique du Congo. La condamnation pour viol d’unofficier est un premier pas sur le chemin de la justice (PRE01/078/2011).4 République démocratique du Congo. Les arrestations postélectorales àdes fins d’intimidation doivent cesser (PRE01/634/2011).RAmnesty International - Rapport 2012277


RRÉPUBLIQUEDOMINICAINERÉPUBLIQUE DOMINICAINEChef de l’État et du gouvernement : Leonel AntonioFernández ReynaPeine de mort :aboliePopulation :10,1 millionsEspérance de vie :73,4 ansMortalité des moins de cinq ans : 31,9 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 88,2 %Des informations ont fait état d’homicides illégaux<strong>com</strong>mis par des policiers. Un grand nombred’affaires de violations des droits humainsimputables à la police n’étaient pas élucidées. Cetteannée encore, des personnes d’origine haïtienne sesont vu refuser la délivrance de documentsd’identité. Les violences faites aux femmes et auxfilles demeuraient un grave motif de préoccupation.ContexteLe Parlement a adopté plusieurs lois organiquesréglementant le fonctionnement des institutions del’État. Des membres de la Cour suprême et de la Courconstitutionnelle, nouvellement créée, ont éténommés à la fin de l’année. Pour la 10 e annéeconsécutive, le Parlement a omis de nommer unmédiateur des droits humains.Police et forces de sécuritéSelon les statistiques du Bureau du procureurgénéral, 289 personnes ont été tuées par la police en2011, contre 260 en 2010. D’après certains élémentsde preuve, nombre de ces homicides pourraient avoirété <strong>com</strong>mis en toute illégalité.n Luis Alfredo Domínguez Rodríguez a été tué pardes policiers à Nagua, le 26 janvier. Son ami HenryOrtiz, qui a été blessé, a déclaré qu’il venait des’arrêter pour faire monter Luis Alfredo DomínguezRodríguez sur sa moto lorsque quatre agents quipatrouillaient en voiture s’étaient dirigés vers eux et,sans sommation, avaient tiré sur lui à cinq reprises.L’un des agents, a-t-il ajouté, a ensuite tiré sur LuisAlfredo Domínguez Rodríguez après qu’un de sescollègues eut déclaré qu’il ne fallait pas de témoin decette fusillade. Luis Alfredo Domínguez Rodríguez estmort quelques heures plus tard. Henry Ortiz a étéhospitalisé pendant 20 jours. À la fin de 2011,trois policiers étaient en instance de jugement danscette affaire.Cette année encore, Amnesty International arecueilli des informations faisant état de torture aucours d’arrestations arbitraires massives etd’interrogatoires menés par la police.n Le 13 octobre, Pedro Arias Roja a été frappé chez lui,à San Cristóbal, par cinq policiers venus l’interpellerpour détention illégale d’une arme à feu. Au poste depolice, ils lui ont mis un sac en plastique sur la tête etont continué à le frapper. Pedro Arias Roja a portéplainte, mais aucune enquête sérieuse n’avait étéouverte par les autorités à la fin de l’année.À plusieurs reprises, la police a eu recours à uneforce excessive ou injustifiée pour disperser desmanifestants.n Le 20 octobre, Claudia Espíritu, une étudiante, a étéblessée à la jambe par un policier, qui a tiré sur ellealors qu’elle manifestait à l’Université autonome deSaint-Domingue contre la loi budgétaire qui venaitd’être adoptée. Au moins trois autres étudiants ont étéblessés par des tirs de la police.ImpunitéDe nombreuses atteintes aux droits humains quiauraient été <strong>com</strong>mises par des policiers restaientimpunies, malgré des éléments de preuve accablants.n Les autorités n’ont pas fait la lumière sur ladisparition forcée de Gabriel Sandi Alistar et de JuanAlmonte Herrera. Ces deux hommes ont été vus pour ladernière fois respectivement en juillet etseptembre 2009, alors qu’ils se trouvaient en garde àvue. À la fin de 2011 on ignorait toujours le sort qui leuravait été réservé.Discrimination – les Haïtiens et lesDominicains d’origine haïtienneUne enquête réalisée par le Service jésuite pour lesréfugiés et les migrants dans quatre régions rurales arévélé que 1 584 personnes, peut-être plus, s’étaientvu refuser des documents d’identité par le Conseilélectoral dominicain, principalement sur la based’une directive diffusée en mars 2007. Surl’ensemble des personnes touchées, 96 % avaientessuyé un refus entre 2005 et 2011, plusprécisément en 2011 pour la plupart d’entre elles.Environ 72 % avaient entre 15 et 34 ans. Sanspapiers, elles n’ont pas pu poursuivre leur scolarité ouleurs études, trouver un emploi ou obtenir d’autresdocuments officiels.278 Amnesty International - Rapport 2012


Les répercussions de la directive de 2007 sur desmilliers de Dominicains d’origine haïtienne ont étédébattues lors d’une audience de la Commissioninteraméricaine des droits de l’homme qui s’est tenueen octobre. Cinq jours avant cette audience, leConseil électoral dominicain avait autorisé ladélivrance temporaire de pièces d’identité auxdescendants de citoyens étrangers. Cette décisionavait été prise dans l’attente des conclusionsd’enquêtes sur les allégations selon lesquelles despièces d’identité auraient été délivrées à tortavant 2007. Cependant, selon des organisations dedéfense des droits des migrants, la délivrance de cesdocuments restait à la discrétion d’agentsadministratifs qui, très souvent, continuaient de lesrefuser aux Dominicains d’origine haïtienne.Droits des migrantsEn janvier, à la suite d’une épidémie de choléra enHaïti, les autorités dominicaines ont intensifié lesexpulsions massives de migrants haïtiens, alléguantque cette mesure était indispensable pour empêcherla propagation de la maladie. Bien que deux agencesde l’ONU aient demandé en juin la suspension, pourdes motifs humanitaires, de tous les retours forcés enHaïti, les expulsions massives se sont poursuivies toutau long de l’année.n Le 20 septembre, à 5 heures du matin, au moins80 migrants haïtiens vivant à Navarrete ont étéexpulsés vers Haïti. Selon des organisations localestravaillant auprès des migrants, certains ont été battusau cours de l’opération et des enfants ont été séparésde leurs parents. Ces personnes, dont beaucouphabitaient dans cette ville depuis plus de 10 ans, n’ontpas eu la possibilité de voir leur situation examinée aucas par cas.Violences faites aux femmes et aux fillesSelon le Bureau du procureur général, 127 femmeset jeunes filles ont été tuées par leur <strong>com</strong>pagnon oupar un ancien <strong>com</strong>pagnon en 2011, contre 97en 2010.À la fin de l’année, une proposition de loi sur lemeurtre de femmes et de filles était en cours d’examen.Le Parlement envisageait notamment de l’inscrire<strong>com</strong>me un crime spécifique dans le Code pénal.Liberté d’expression – journalistesLe Syndicat national des professionnels de la presse aindiqué que, entre janvier et août, 60 journalistes etautres professionnels des médias ont été harcelés ouagressés physiquement, très souvent par despoliciers. En août, plus de 60 journalistes ontdénoncé une campagne de dénigrement menée pardes représentants de l’État contre des journalistesindépendants qui diffusaient des informations sur lacorruption et le trafic de stupéfiants.n Le 2 août, le journaliste de télévision José Silvestre aété enlevé et tué à La Romana. Il avait été la cibled’agressions et de menaces un peu plus tôt dansl’année, mais les autorités ne lui avaient fourni aucuneprotection, malgré la demande en ce sens formulée parle Syndicat national des professionnels de la presse.Droits en matière de logement –expulsions forcéesSelon des ONG locales, au moins 100 expulsionsforcées ont eu lieu entre janvier et septembre. Trèssouvent, la légalité n’a pas été respectée et lespersonnes concernées n’ont pas été consultées.Plusieurs morts et blessures par balle ont étésignalées lors de ces opérations.n Le 15 octobre, quelque 72 familles ont été expulséespar la force de terrains privés dans le quartier de Brisasdel Este, situé dans la municipalité de Santo DomingoEste. Selon des témoins, des policiers et des soldats onttiré des décharges de chevrotine et projeté du gazlacrymogène dans les maisons pour contraindre lesfamilles à sortir de chez elles. À la fin de l’année,plusieurs dizaines de ces familles vivaient toujoursdans un campement de fortune, dans une rueadjacente.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Une délégation d’Amnesty International s’est rendue en Républiquedominicaine en mars et en octobre.4 Dominican Republic: ‘Shut up if you don’t want to be killed!’: Humanrights violations by police in the Dominican Republic (AMR 27/002/2011).4 République dominicaine. Des familles expulsées menacées(AMR 27/007/2011).RAmnesty International - Rapport 2012279


RRÉPUBLIQUETCHÈQUERÉPUBLIQUE TCHÈQUEChef de l’État :Václav KlausChef du gouvernement :Petr NečasPeine de mort :aboliePopulation :10,5 millionsEspérance de vie :77,7 ansMortalité des moins de cinq ans : 3,5 ‰Des manifestations hostiles aux Roms, organiséesdans le nord du pays par des groupes politiquesperçus <strong>com</strong>me d’extrême droite, se sont soldées pardes affrontements avec la police. Le gouvernementn’a toujours pas apporté de réponse au problèmedes discriminations dont souffraient les Roms dansle domaine de l’enseignement, malgré un arrêt de laCour européenne des droits de l’homme l’invitant àagir en ce sens.Discrimination – les RomsLe <strong>com</strong>missaire aux droits de l’homme du Conseil del’Europe a constaté en mars qu’au niveau aussi bienlocal que national, des responsables politiquesappartenant à des formations dites modérées tenaientencore fréquemment des propos racistes et hostilesaux Roms. Ce même <strong>com</strong>missaire et le Comité desdroits de l’enfant [ONU] déploraient la persistanced’une discrimination à l’égard des enfants roms, quiétaient systématiquement et illégalement exclus dusystème scolaire ordinaire.Racisme et violencesn À la suite de tensions entre habitants roms et non romsde Nový Bydžov, une ville de la région de Hradec Králové,le maire de cette localité a déclaré en novembre 2010que les citoyens voulaient voir disparaître les Roms maisque les pouvoirs publics locaux avaient les mains liéespar les lois en vigueur. Des représentants du Parti ouvrierpour la justice sociale se sont félicités de cettedéclaration et ont annoncé qu’ils étaient prêts à aider lamunicipalité. Lors d’un défilé organisé le 12 mars par ceparti dans Nový Bydžov, trois Roms ont été agressés pardes manifestants. Plusieurs ONG se sont ditespréoccupées par le fait que la police aurait fait un usageexcessif de la force pour disperser des contremanifestantsnon violents, qui tentaient de mettre enplace un blocus pour empêcher le défilé de traverser unquartier principalement habité par des Roms.n La haute cour d’Olomo a confirmé en mars ladécision du tribunal régional d’Ostrava, qui avaitdéclaré quatre hommes coupables de tentative demeurtre et de dégradation de biens, avec desintentions racistes, pour leur participation à l’incendievolontaire du domicile d’une famille rom de Vítkov, en2009. En juillet, les quatre accusés ont formé unrecours contre cette décision devant la Cour suprême,qui les a déboutés en décembre.n Un incendie volontaire, qui n’a pas fait de victimes, aété signalé le 11 juillet à Býchory, dans la région de laBohême centrale. Lors d’une conférence de presse,une porte-parole de la police a précisé que les auteursde cet acte criminel avaient traversé le quartier encriant des slogans racistes. Quatre personnes ont étéarrêtées par la police dans les heures qui ont suivi. Leparquet régional a engagé des poursuites contre l’undes suspects pour tentative de coups et blessuresgraves à mobile raciste. Les trois autres ont été inculpésde violences contre un groupe de personnes et contredes individus.n En août, à la suite de deux incidents entre Roms etnon Roms, plusieurs groupes perçus <strong>com</strong>med’extrême droite, dont le Parti ouvrier pour la justicesociale, ont organisé des manifestations contre la<strong>com</strong>munauté rom dans plusieurs villes du nord de laBohême (Nový Bor, Rumburk, Varnsdorf et Šluknov).Marquées par de violents heurts avec la police, cesmanifestations ont continué jusqu’à la fin du mois deseptembre. Des unités de police spécialisées ont étédéployées pour maintenir l’ordre. Plusieurs hautsresponsables, dont le chef de l’État, ont condamné lesviolences visant les Roms, et la police s’est dite prête àempêcher tout acte raciste.Confronté à une montée des tensions entre les Romset le reste de la population dans le secteur deŠluknov, le ministre de l’Intérieur a rencontré lesmaires de la région le 8 novembre. Il a annoncé lamise en place d’une unité de police spécialisée,chargée du maintien de l’ordre. Selon certainesinformations, le Premier ministre aurait déclaré queces tensions étaient la conséquence d’une politiqued’aide sociale trop généreuse et que l’État ne devaitpas assister « les fainéants et les délinquants » quiprofitaient abusivement des avantages sociaux.EnseignementUne cinquantaine d’experts travaillant dans des ONG,à l’université ou dans des institutions d’État ontdémissionné en mai de groupes de travail qui avaientété constitués au sein du ministère de l’Éducation.280 Amnesty International - Rapport 2012


Ils entendaient ainsi protester contre l’insuffisancedes moyens dégagés par le gouvernement pourpermettre la mise en œuvre du Plan national d’actionpour une école ouverte à tous, ainsi que contre sapolitique rétrograde, l’incitant à différer les réformesnécessaires. Pour ces spécialistes, leur participation àces groupes de travail équivalait à prendre part à une« mascarade » destinée à occulter l’inertie desautorités.Le gouvernement a également été critiqué pour sonmanque d’empressement à appliquer l’arrêt de laCour européenne des droits de l’homme dans l’affaireD.H. et autres c. République tchèque. La Courconcluait dans cet arrêt que l’État avait fait acte dediscrimination à l’égard des écoliers roms en matièred’accès à l’enseignement. L’arrêt exigeait de laRépublique tchèque qu’elle adopte des mesures pourmettre fin à cette discrimination et en réparer lesconséquences. En mai, le gouvernement a modifiédes décrets portant sur la présence de servicesd’orientation dans les établissements scolaires et surl’enseignement dispensé aux enfants, élèves etétudiants présentant des besoins éducatifsspécifiques. Ces modifications sont entrées envigueur le 1 er septembre. Plusieurs ONG locales ontcependant estimé qu’elles n’avaient pas permis demettre en place le cadre solide indispensable àl’application de l’arrêt de la Cour européenne. LeComité pour l’élimination de la discrimination raciale[ONU] a même déclaré en août que les décretsmodifiés risquaient en réalité de renforcer ladiscrimination à l’école envers les enfants roms.S’étant penché sur la question en juin, le Comitédes ministres du Conseil de l’Europe a demandé augouvernement tchèque d’accélérer la mise en œuvredu Plan national d’action pour une école ouverte àtous et de fournir des informations précises sur l’étatactuel de la mise en œuvre de celui-ci. Le Comité aégalement noté avec préoccupation que des progrèsconsidérables restaient à ac<strong>com</strong>plir sur le terrain pourque les enfants roms ne soient plus victimes dediscriminations dans le système éducatif.Logementn Le tribunal régional de Prague a rejeté en août deuxplaintes pour discrimination ethnique et ségrégation deRoms en matière d’accès au logement. Les plaignantsétaient des familles roms de Kladno, qui avaient étéexpulsées par la municipalité et relogées dans unancien abattoir à l’écart de la ville, où elles étaientisolées du reste de la population et où les conditionsétaient inappropriées. Le tribunal a considéré que lerelogement de ces familles ne constituait pas un actede ségrégation et de discrimination. Il n’a pas estiméutile de demander aux autorités municipalesd’expliquer pourquoi seuls des habitants roms avaientété relogés sur ce site. L’ONG Z§vůle práva, quireprésentait les plaignants roms, a formé un recourscontre cette décision devant la haute cour.Stérilisation forcée de femmes romsn La Cour suprême a renvoyé en juin devant la hautecour d’Olomouc, en Moravie, l’affaire d’une femme romqui affirmait avoir été stérilisée sans que sonconsentement éclairé ait été obtenu. La Cour suprêmese disait en désaccord avec la décision de la juridictioninférieure, qui avait considéré qu’une victime destérilisation ne pouvait prétendre à réparation dès lorsque le délai de prescription était écoulé.Droits des migrantsUne loi portant à 18 mois la durée maximum dedétention par les services de l’immigration est entréeen vigueur en janvier. Ce texte faisait craindre que desétrangers ne soient détenus pendant de longs moisuniquement pour des raisons liées au statutmigratoire. Le ministère de l’Intérieur a présenté enjuillet un projet pour la nouvelle loi sur le séjour desétrangers, qui confirmait l’extension de la duréemaximale de détention des migrants. Le médiateurdes droits humains a souligné avec inquiétude que cetexte, s’il était adopté et appliqué, sanctionnerait defait un système à deux niveaux pour les citoyenstchèques et pour leurs proches non ressortissants del’Union européenne.n Selon des allégations dignes de foi, des cas de traitede travailleurs étrangers et de fraude ont été signalésdans le secteur forestier. Des migrants auraient ainsiété contraints de travailler jusqu’à 12 heures par jour,sans toucher le salaire qui leur était dû. Certainsn’auraient même perçu aucune rémunération pendantplusieurs mois. Une enquête de police était en courssur ces allégations à la fin de l’année. Elle progressaitcependant avec lenteur et manquait d’efficacité, ce quiétait source de préoccupation. Les exploitantsforestiers tchèques ont continué d’embaucher desouvriers pour la saison 2011.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Une déléguée d’Amnesty International s’est rendue en Républiquetchèque en juillet.RAmnesty International - Rapport 2012281


R4 République tchèque. La police ne protège pas les Roms de Nový Bydžov(EUR 71/002/2011).4 Czech Republic: Submission to the Committee of Ministers of the Councilof Europe on D.H. and others v. the Czech Republic (EUR 71/005/2011).4 Czech Republic: Joint statement – Committee of Ministers fails Romanichildren in Czech Republic (EUR 71/006/2011).ROUMANIEROUMANIEChef de l’État :Traian BăsescuChef du gouvernement :Emil BocPeine de mort :aboliePopulation :21,4 millionsEspérance de vie :74 ansMortalité des moins de cinq ans : 11,9 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 97,7 %Les autorités locales se sont rendues responsablesde discrimination à l’égard des Roms. Un journalallemand a publié des informations tendant àconfirmer l’implication de la Roumanie dans leprogramme de « restitutions » mené par la CIA. LaCour européenne des droits de l’homme a invité legouvernement roumain à fournir des précisions surle cas d’un homme qui serait mort dans un hôpitalpsychiatrique des suites de mauvais traitements.ContexteLe nouveau Code du travail, dont l’adoptionconditionnait l’octroi d’un prêt par le Fonds monétaireinternational et la Commission européenne, a étédénoncé par les syndicats et a entraîné desmanifestations dans tout le pays. Il a donné lieuégalement, le 16 mars, au dépôt d’une cinquièmemotion de censure contre le gouvernement. D’aprèsles syndicats, la nouvelle législation supprimait uncertain nombre de garanties en matière de droit dutravail et privait de très nombreux travailleurs du droità être représentés par une organisation syndicale. Lesmesures d’austérité adoptées en 2009 ont par ailleursaffecté le système de santé. Avec 67 fermeturesd’hôpitaux enregistrées au 1 er avril, la question del’accès aux soins devenait préoccupante.Discrimination – les RomsAdopté par la Commission du Sénat chargée desdroits humains et de l’égalité des chances, un projetde loi visant à modifier en « Ţigan » le nom de laminorité rom a été rejeté par le Sénat le 9 février,puis par la chambre basse du Parlement le 5 avril.Le texte avait été critiqué par certaines ONG, enraison des connotations péjoratives attachées auterme « Ţigan ».Le recours par le chef de l’État et d’autres hautsresponsables à un discours véhiculant desstéréotypes dévalorisants pour certaines<strong>com</strong>munautés restait préoccupant. En juin, le Conseilnational de lutte contre la discrimination, chargé defaire respecter l’égalité des chances, a rejeté uneplainte concernant des propos apparemmentdiscriminatoires tenus à l’égard des Roms par leprésident lors d’une visite officielle en Slovénie, ennovembre 2010. Le Conseil a estimé que la législationcontre la discrimination ne s’appliquait pas aux actesperpétrés hors du territoire national. Il a en revanchemis en garde à deux reprises le président de laRépublique, en octobre, pour des déclarations que cedernier avait faites à la télévision contre les Roms. Lespropos tenus constituaient selon le Conseil uneviolation de la législation contre la discrimination.n En juillet, les autorités municipales de Baia Mare,dans le nord-ouest de la Roumanie, ont élevé un muren béton entre des immeubles occupés par des Romset le reste des quartiers habités de la ville. PlusieursONG se sont insurgées contre cette initiative, estimantque la construction du mur constituait un acte dediscrimination susceptible d’entraîner la ghettoïsationdes populations concernées. La municipalité a rejetéces accusations, affirmant que le mur avait été érigépour protéger les habitants des immeubles de lacirculation sur la route. Le Conseil national de luttecontre la discrimination a déclaré en novembre que laconstruction du mur constituait effectivement un actede discrimination. La ville a été condamnée à payerune amende de 6 000 nouveaux lei roumains(1 300 euros). Le Conseil national de lutte contre ladiscrimination a re<strong>com</strong>mandé à la municipalité dedémolir le mur et de prendre des mesures pouraméliorer les conditions de logement de la populationrom.Droit à l’éducationn Le Conseil national de lutte contre la discrimination adéclaré en août que la séparation des élèves roms etnon roms dans un établissement scolaire de la ville deCraiova constituait de fait un acte de discrimination,aussi bien directe qu’indirecte. Dans un premiertemps, cet organisme n’avait enquêté que282 Amnesty International - Rapport 2012


partiellement sur la situation. Saisie par l’ONG Centrerom pour l’intervention et les études sociales (CRISS),la Cour suprême avait demandé au Conseil de sepencher à nouveau sur le cas de cette école, pendantune année scolaire supplémentaire ; elle a alors concluqu’il y avait eu discrimination directe.Droits en matière de logementPlusieurs <strong>com</strong>munes auraient cherché à expulser desRoms de zones d’habitation où ils s’étaient installéssans disposer nécessairement d’une autorisation enbonne et due forme.n En août, le maire de Baia Mare a fait part de sonprojet d’expulser de plusieurs quartiers de la ville descentaines de Roms et d’autres personnes appartenantà des classes sociales défavorisées et nonofficiellement domiciliées à Baia Mare. Il menaçait derenvoyer ces personnes à leurs lieux d’origine. Uncertain nombre d’ONG nationales et internationales,ainsi que plusieurs ambassades étrangères, ontimmédiatement critiqué le projet et l’expulsion afinalement été suspendue. Le maire a déclaré enseptembre que la municipalité respecterait le droitroumain et les normes internationales relatives auxdroits humains.n Le 19 septembre, le tribunal de la ville de Cluj-Napoca a rejeté la demande de la société roumaine deschemins de fer (CFR), qui souhaitait faire disparaîtreles maisons habitées par quelque 450 Roms (dont200 enfants) dans un quartier de la rue Cantonului, enpériphérie de la ville. Plusieurs des familles concernéesavaient, semble-t-il, été relogées dans ce quartier en2000. Certains des habitants avaient conclu avec laville un accord verbal les autorisant à y construire leursmaisons. D’autres disposaient de baux de locationdélivrés par la <strong>com</strong>mune.n Le 15 novembre 2011, le Conseil national de luttecontre la discrimination a estimé que la réinstallationdes habitants roms de la rue Coastei (dans le centre deCluj-Napoca) dans un lieu proche d’une déchargedans le secteur de Pata Rât, à la périphérie de la ville,constituait une pratique discriminatoire. Le Conseil aimposé une amende de 8 000 nouveaux lei(1 800 euros) aux autorités locales. Ces dernières ontcontesté la décision, affirmant que l’expulsion enquestion n’avait aucun caractère discriminatoire. Laplainte contre la municipalité avait été déposée par leGroupe de travail des organisations civiles (gLOC), unestructure mise en place au niveau local pour tenter des’opposer aux expulsions forcées qui avaient eu lieudans la rue Coastei en décembre 2010.Droits des lesbiennes, des gays,des personnes bisexuelles et destransgenresEntré en vigueur le 1 er octobre, le nouveau Code civilinterdisait les mariages et autres unions entrepersonnes du même sexe. Il permettait égalementd’invalider les couples constitués et mariages entrepersonnes du même sexe légalement reconnus dansd’autres pays.Lutte contre le terrorisme et sécuritéEn novembre, le Comité européen pour la préventionde la torture a demandé aux autorités roumaines delui indiquer pour quelles raisons elles n’avaient pasenquêté sur l’existence présumée sur le territoirenational de centres de détention secrets utilisés dansle cadre du programme de « restitutions » mené parl’Agence centrale du renseignement des États-Unis(CIA). Le gouvernement a répondu que rien nepermettait de prouver les allégations faisant état deson implication dans le programme de la CIA, nil’existence de centres de détention secrets enterritoire roumain.Le journal allemand Süddeutsche Zeitung a publiéle 8 décembre des informations inédites tendant àprouver que la CIA avait mené à bien un programmede « restitutions » et de torture de « terroristesprésumés » dans plusieurs pays européens, dont laRoumanie, au cours des années qui avaient suivi lesattentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis.Torture et autres mauvais traitementsÉtablissements de santé mentaleUn certain nombre d’enquêtes ont été demandéessur les conditions de vie et de prise en charge despatients dans les établissements de santé mentale.n En juin, la Cour européenne des droits de l’homme aprié le gouvernement roumain de lui fournir desinformations concernant Valentin Câmpeanu, un Romséropositif souffrant de troubles mentaux, mort en2004 à l’hôpital psychiatrique de Poiana Mare.L’enquête officielle menée sur les circonstances de sondécès aurait été entachée de vices de procédure. Ellen’avait débouché sur aucune action contre lepersonnel des institutions dans lesquelles il avait passéles derniers mois de sa vie. Cette affaire avait été portéedevant la Cour européenne par deux ONG, le Centre deressources juridiques (CRJ) et INTERIGHTS, quiavaient demandé à la Cour d’élargir ses critères derecevabilité pour permettre aux ONG de la saisir auRAmnesty International - Rapport 2012283


Rnom de personnes handicapées, y <strong>com</strong>pris sansautorisation expresse. Selon ces ONG, le manque desoins adaptés et les mauvaises conditions de vierégnant dans l’hôpital psychiatrique où il était internéavaient directement contribué à la mort de ValentinCâmpeanu.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Roumanie enavril, juin, septembre, octobre et novembre.4 Roumanie. Une fracture juridique. Les Roms et le droit au logement enRoumanie (EUR 39/004/2011).4 La Roumanie doit faire toute la lumière sur les prisons secrètes(PRE01/611/2011).ROYAUME-UNIROYAUME-UNI DE GRANDE-BRETAGNE ET D’IRLANDE DU NORDChef de l’État :Elizabeth IIChef du gouvernement :David CameronPeine de mort :aboliePopulation :62,4 millionsEspérance de vie :80,2 ansMortalité des moins de cinq ans : 5,5 ‰Le protocole de l’enquête relative aux personnesdétenues à l’étranger dans le cadre des opérationsantiterroristes a été publié ; il était loin d’êtreconforme aux normes relatives aux droits humains.Le gouvernement a confirmé son intentiond’étendre son programme d’expulsions avec« assurances diplomatiques » en vue de faciliter lerenvoi de personnes vers des pays où ellesrisquaient pourtant réellement d’être torturées.L’enquête sur les circonstances de la mort de BahaMousa a critiqué les forces armées britanniques enpointant du doigt les violations graves des droitshumains infligées aux détenus. L’enquête sur lemeurtre de Rosemary Nelson a sévèrement critiquéles services de l’État pour avoir omis denombreuses fois de prendre des mesures quiauraient pu empêcher cet homicide. Une<strong>com</strong>mission chargée d’envisager l’élaborationd’une déclaration des droits britannique a été miseen place en mars.Lutte contre le terrorisme et sécuritéTorture et autres mauvais traitementsLe mandat et le protocole de l’enquête relative auxdétenus ont été publiés en juillet. Cette enquête avaitété instaurée en 2010 pour examiner des allégationsselon lesquelles le Royaume-Uni aurait participé àdes violations des droits fondamentaux de personnesdétenues à l’étranger dans le cadre d’opérationsantiterroristes. Des inquiétudes ont été expriméesquant au fait que le protocole ne respectait pas lesnormes internationales relatives aux droits humains,en particulier parce que la décision finale à propos dela divulgation d’informations revenait augouvernement, ce qui <strong>com</strong>promettait l’indépendanceet l’efficacité de l’enquête. Les avocats de personnesqui s’attendaient à ce que leur cas soit examiné dansle cadre de cette enquête ont confirmé qu’ils avaientconseillé à leurs clients de ne pas y prendre part. DixONG ont annoncé que si l’enquête se déroulait de lamanière envisagée, elles ne participeraient pas à sestravaux.L’ouverture officielle de l’enquête a été retardéedans l’attente de la clôture des informationsjudiciaires sur des allégations d’infractions pénales<strong>com</strong>mises par des membres des services derenseignement britanniques.En septembre, des documents découverts à Tripoli,en Libye, ont révélé que le Royaume-Uni avait étéimpliqué dans le transfert illégal de Sami Mustafa alSaadi et d’Abdel Hakim Belhaj vers la Libye en 2004,malgré le risque réel que ces hommes y soienttorturés ou autrement maltraités. Les deux hommesont ensuite intenté une action civile en dommages etintérêts contre les autorités britanniques pour leurimplication présumée dans les violations des droitshumains qu’ils avaient subies, notamment les actesde torture et les autres mauvais traitements.Le 3 octobre, la Haute Cour de justice d’Angleterreet du Pays de Galles s’est prononcée sur la légalitédes consignes pour la détention et les interrogatoirespar les membres des services du renseignement depersonnes détenues à l’étranger, ainsi que sur la<strong>com</strong>munication d’informations concernant cesdétenus. La Haute Cour a conclu que les consignesdevaient être modifiées en vue de mettre en évidencel’interdiction absolue de recouvrir la tête des détenusd’une cagoule. Elle a toutefois rejeté les argumentsselon lesquels le seuil de risque invoqué dans lesconsignes et utilisé pour évaluer si un détenu allaitêtre torturé ou maltraité était illégal.284 Amnesty International - Rapport 2012


En décembre, le gouvernement a écrit auxautorités américaines pour solliciter le transfert auRoyaume-Uni de Yunus Rahmatullah, après que laCour d’appel eut ordonné la délivrance d’uneordonnance d’habeas corpus le concernant. Capturéen février 2004 par les troupes britanniques en Irak,cet homme avait été remis à l’armée américaine, quil’avait transféré en Afghanistan et le maintenaittoujours en détention sans inculpation à Bagram.Évolutions législatives et politiquesLe ministère de l’Intérieur a publié en janvierles résultats de son réexamen de six pouvoirsen matière de lutte antiterroriste et de sécurité.Au cours du même mois, la durée maximale dela détention sans inculpation des personnessoupçonnées d’activités terroristes a étéramenée de 28 à 14 jours. Le gouvernement atoutefois publié en février un projet de loi quivisant à rétablir la durée maximale de 28 joursen cas de situation d’urgence non précisée.n Le 13 juillet, dans l’affaire Al Rawi et autres c.Services de sécurité et autres, la Cour suprême aconclu que les tribunaux ne pouvaient pas ordonnerune « procédure pour documents sensibles » (« closedmaterial procedure ») – qui autoriserait legouvernement à se fonder sur des éléments tenussecrets lors d’audiences à huis clos – dans une actioncivile en dommages et intérêts sans être légalementinvestis de ce pouvoir.En octobre, le gouvernement a présenté denouvelles propositions législatives dans son Livre vertsur la justice et la sécurité (Justice and SecurityGreen Paper), dont certaines étaient source depréoccupation. Citons, entre autres, l’extension durecours à des « procédures pour documentssensibles » dans des affaires civiles, y <strong>com</strong>pris dansdes actions civiles en dommages et intérêts, ainsique des mesures qui restreindraient la possibilitépour les victimes de violations des droits humains desolliciter la divulgation devant des juridictionsnationales de documents concernant ces violationspour des motifs liés à la sécurité nationale. LeLivre vert <strong>com</strong>portait toutefois des propositions,d’ampleur limitée, en vue d’améliorer lesmécanismes de surveillance des services desécurité et du renseignement.« Ordonnances de contrôle »À la date du 14 décembre, neuf ressortissantsbritanniques faisaient l’objet d’« ordonnances decontrôle ».La Loi de 2005 relative à la prévention duterrorisme, en vertu de laquelle ces mesures avaientété prises, a été abrogée en décembre. Elle a étéremplacée par la Loi relative aux mesuresd’investigation et de prévention du terrorisme, quiprévoit un nouveau régime de restrictionsadministratives (les mesures d’investigation et deprévention du terrorisme, dites TPIM) pouvant êtreimposées à toute personne soupçonnée d’implicationdans des actes de terrorisme. Bien qu’un peu pluslimitées que celles imposées en vertu des« ordonnances de contrôle », ces mesures pouvaientconstituer une privation de liberté ou une restrictiondu droit au respect de la vie privée, du droit decirculer librement et du droit à la liberté d’expressionet d’association. À l’issue d’une période de transition,le système des « ordonnances de contrôle » devaitêtre totalement remplacé par les TPIM début 2012.Le gouvernement a également prévu une version« renforcée » de ces mesures, susceptible d’êtreappliquée dans des circonstances exceptionnellesnon définies et qui permettrait d’imposer à nouveaules restrictions les plus sévères prévues par les« ordonnances de contrôle ».ExpulsionsLe gouvernement a réaffirmé son intention dedévelopper et d’étendre son programme d’expulsionss’appuyant sur des « assurances diplomatiques », afinde faciliter le renvoi de personnes dont il affirmaitqu’elles représentaient un danger pour la sécuriténationale. Ces personnes risquaient pourtant d’êtretorturées ou autrement maltraitées dans les pays oùelles étaient expulsées.Les procédures de contestation de ces mesuresd’éloignement devant la Commission spéciale desrecours en matière d’immigration (SIAC) restaientinéquitables. Elles s’appuyaient notamment sur deséléments tenus secrets et auxquels ni les personnesconcernées ni l’avocat de leur choix n’avaient accès.n En mars, la Cour d’appel a confirmé la décision de laSIAC selon laquelle M. S., ressortissant algérien,pouvait être expulsé vers l’Algérie car les « assurancesdiplomatiques » négociées par le Royaume-Uni etl’Algérie suffisaient à réduire tout risque qu’il étaitsusceptible d’encourir à son retour dans son pays.En 2007, la SIAC avait conclu que cet homme nereprésentait pas un danger pour la sécurité nationale.Le gouvernement continuait toutefois de chercher àl’expulser pour d’autres motifs, en s’appuyant sur desRAmnesty International - Rapport 2012285


R« assurances diplomatiques » afin de faciliter son renvoidans son pays.n En juillet, la Cour d’appel a autorisé un ressortissantéthiopien identifié par les lettres X. X. et considéré<strong>com</strong>me représentant un danger pour la sécuriténationale à interjeter appel. Cet homme, qui affirmaitcourir le risque d’être torturé et maltraité à son retour etd’être soumis à un procès inéquitable, avait contesté ladécision d’expulsion prise à son encontre. L’un desmotifs retenus pour autoriser l’appel était que lesinformations utilisées dans le cas de X. X. avaientsemble-t-il été obtenues auprès d’individus maintenusillégalement en détention au secret prolongée dans descentres de détention non reconnus en Éthiopie. Sesavocats ont fait valoir que des éléments obtenus dansde telles circonstances ne devaient pas êtrerecevables.Forces armées britanniques en IrakLe 7 juillet, la Grande Chambre de la Coureuropéenne des droits de l’homme a rendu son arrêtdans l’affaire Al Skeini et autres c. Royaume-Uni, quiconcernait l’homicide de six civils au coursd’opérations de sécurité menées par des soldatsbritanniques en Irak en 2003. La Cour a conclu quela Convention européenne des droits de l’hommes’appliquait aux opérations britanniques en Irak àcette époque car le Royaume-Uni y était unepuissance occupante. Par conséquent il était tenu demener une enquête indépendante et effective sur ceshomicides. La Cour a estimé que le Royaume-Uniavait manqué à cette obligation dans cinq des six casconsidérés.Le même jour, la Grande Chambre a rendu sonarrêt dans l’affaire Al Jedda c. Royaume-Uni. Elle aconclu que la détention prolongée de Hilal AbdulRazzaq Ali al Jedda pendant plus de trois ans dansun centre de détention géré par les forces arméesbritanniques à Bassora, en Irak, constituait uneviolation de son droit à la liberté et à la sécurité. LaCour a rejeté l’argument du Royaume-Uni selonlequel la résolution 1546 du Conseil de sécurité del’ONU l’emportait sur le droit du requérant debénéficier des protections énoncées dans laConvention européenne des droits de l’homme.n Les conclusions de l’enquête sur les circonstancesde la mort de Baha Mousa dans un centre dedétention géré par le Royaume-Uni à Bassora, en Irak,et le traitement infligé à neuf autres Irakiens détenusen même temps que lui ont été rendues publiques le8 septembre. Le rapport d’enquête a conclu sansambigüité que Baha Mousa était mort après avoir subi« une épouvantable série de graves violencesgratuites » et qu’il était établi « avec certitude que laplupart des détenus, sinon tous, avaient été victimesde graves violences et mauvais traitements ». Parailleurs, le rapport a souligné le manquement collectifdu ministère de la Défense, qui n’a pas fourni dedirectives claires et cohérentes concernant letraitement des détenus, en conséquence de quoi dessoldats en Irak ont utilisé des techniquesd’interrogatoire interdites par le gouvernementbritannique en 1972. Le ministère de la Défense aaccepté toutes les re<strong>com</strong>mandations, sauf une,formulées dans le rapport d’enquête ; il a affirmé qu’ilprendrait les mesures nécessaires pour veiller à ceque de telles violations des droits humains ne sereproduisent pas. Toutefois, les avocats quireprésentaient les victimes ainsi que desorganisations de défense des droits humains ontréclamé des mesures supplémentaires contre lesresponsables de ces agissements, notamment despoursuites pénales.La Cour d’appel a rendu le 22 novembre sonarrêt dans l’affaire Ali Zaki Mousa. Elle a considéréque l’Iraq Historic Allegations Team (IHAT), une<strong>com</strong>mission chargée d’enquêter sur les allégationsd’infractions pénales liées aux mauvais traitementsinfligés à des citoyens irakiens par des soldatsbritanniques, n’était pas suffisammentindépendante pour remplir l’obligation d’enquêterau regard de la Convention européenne des droitsde l’homme.Police et forces de sécuritéLe 3 mai, un jury a rendu un verdict d’homicideillégal à l’issue de l’enquête visant à rechercher lescauses de la mort de Ian Tomlinson, survenue enavril 2009 durant les manifestations organisées àLondres à l’occasion du G-20. Le jury a conclu quecet homme était mort des suites d’une hémorragieinterne après avoir été frappé à coups de matraqueet précipité à terre par un policier. En conséquence,le parquet a annulé sa décision de ne pas inculperd’homicide involontaire le policier en cause. Leprocès devait s’ouvrir en 2012.L’enquête sur la mort d’Azelle Rodney, abattu le30 avril 2005 par des agents de la policemétropolitaine, n’était pas terminée à la fin del’année.286 Amnesty International - Rapport 2012


DiscriminationEn septembre, le Comité pour l’élimination de ladiscrimination raciale a exprimé sa préoccupation àpropos de la discrimination généralisée et de lamarginalisation dont les Gitans et les gens du voyagefaisaient l’objet. Il a invité le gouvernement à prendredes mesures concrètes pour améliorer leur accès àl’éducation, aux soins et services de santé ainsi qu’àl’emploi, et à leur proposer des logements adéquats.n En octobre, entre 300 et 400 Travellers irlandais ontété expulsés de force de Dale Farm, dans l’Essex, endépit d’appels émanant de toute une série d’organesdes Nations unies et du Conseil de l’Europe ainsi qued’experts, d’ONG, de personnalités de la société civileet de dignitaires religieux qui demandaient l’arrêt decette expulsion forcée.Responsabilité des entreprisesEn septembre, le Comité pour l’élimination de ladiscrimination raciale [ONU] s’est déclaré préoccupépar le fait que certaines activités réalisées à l’étrangerpar des sociétés transnationales enregistrées auRoyaume-Uni portaient atteinte aux droitsfondamentaux de peuples autochtones. Il a appelé legouvernement à prendre des mesures pour faire ensorte que les sociétés britanniques respectent lesdroits humains dans leurs activités à l’étranger.Le Comité a également critiqué le projet de loirelatif à l’aide judiciaire, à la condamnation et auxpeines applicables aux contrevenants qui, s’il étaitadopté, limiterait la possibilité pour les requérantsétrangers d’avoir accès aux juridictions britanniquespour engager une procédure contre ces sociétéstransnationales.Irlande du NordLes violences exercées par des groupes paramilitairesn’ont pas cessé. Le 2 avril, l’agent de police RonanKerr a été tué par l’explosion d’une bombe placéesous sa voiture. Cet homicide a été attribué à desrépublicains dissidents.Le médiateur de la police a été sévèrement critiquépour son manque d’indépendance lorsd’investigations menées sur des cas de fautes<strong>com</strong>mises par des policiers dans le cadre de leursfonctions dans des affaires d’homicides illégaux. Il aannoncé qu’il démissionnerait début 2012.En mai, la Cour suprême a rendu son arrêt dansl’affaire McCaughey et autre. Elle a conclu quel’enquête pour établir les causes de la mort deMartin McCaughey et de Dessie Grew, abattus en1990 par des membres des forces arméesbritanniques, devait respecter les obligationsprocédurales quant au droit à la vie protégé par la Loide 1998 relative aux droits humains.n En février, il a été annoncé que la <strong>com</strong>missiond’enquête sur l’homicide de Robert Hamill avaitterminé son rapport final. Ce document ne devaittoutefois pas être rendu public avant la fin de laprocédure judiciaire engagée contre trois personnespour entrave à la justice dans le cadre de cette affaire.n Les conclusions de l’enquête sur la mort deRosemary Nelson, une avocate tuée le 15 mars 1999à Lurgan, en Irlande du Nord, par l’explosion d’unebombe placée dans sa voiture, ont été renduespubliques en mai. Le rapport critiquait fortement desorganes étatiques pour avoir omis de nombreuses foisde prendre des mesures qui auraient pu empêcher cemeurtre ; il n’a toutefois trouvé aucun élémentdémontrant que cet homicide avait été directementfacilité par un acte quelconque d’un de ces organes.n En octobre, le gouvernement a annoncé qu’il avaitchargé un avocat chevronné de passer en revuel’ensemble des documents disponibles sur le meurtrede Patrick Finucane, un avocat tué le 12 février 1989par des paramilitaires loyalistes avec la <strong>com</strong>plicitéd’agents de l’État britannique. Cette décision revenaitsur des promesses faites par le passé de mener uneenquête publique exhaustive sur cet homicide. Elle aété sévèrement critiquée par des organisations dedéfense des droits humains, qui estimaient que cetteinitiative ne constituerait pas une enquête sérieuse,indépendante, impartiale et approfondie conforme audroit international relatif aux droits humains. La famillede Patrick Finucane a formé un recours judiciairecontre cette décision.En septembre, le gouvernement d’Irlande du Norda formulé des propositions en vue de la mise en placed’une enquête sur les mauvais traitements infligés parle passé aux enfants placés dans des institutions.Toutefois, de possibles retards dans l’établissementdu cadre juridique de cette enquête risquaient de lapriver, dans un premier temps, des pouvoirsnécessaires pour obtenir des documents et obliger lestémoins à <strong>com</strong>paraître.Violences faites aux femmes et aux fillesLe gouvernement a adopté en mars un plan d’actioninterministériel sur la violence faite aux femmes et auxfilles. Le même mois, le ministère de l’Intérieur aRAmnesty International - Rapport 2012287


Rannoncé la pérennisation d’un projet pilote d’aide auxvictimes de violences domestiques dont le statut dupoint de vue de l’immigration est précaire et qui, dece fait, n’ont pas accès aux aides publiques. Le projetpilote ne concernait toutefois que les femmestitulaires d’un visa pour conjoint ; celles quidétenaient un autre type de visa ou un permis detravail temporaire n’avaient toujours pas accès à desservices essentiels.Des projets de suppression du visa pour lesemployés de maison migrants, qui permettait à cesderniers de changer d’employeur une fois arrivés auRoyaume-Uni, étaient source de préoccupation carl’on craignait que cette mesure ne les exposedavantage encore au risque d’être exploités ouvictimes de la traite des êtres humains.Réfugiés et demandeurs d’asileLes réductions envisagées concernant le budget del’assistance juridique subventionnée faisaient craindreune aggravation du manque de financement pour lesservices de conseil juridique en matière d’asile etd’immigration, déjà inexistants dans certaines régionsdu pays.Les renvois forcés en Afghanistan et en Irak dedemandeurs d’asile déboutés se sont poursuivis, alorsque ces personnes encouraient un risque réeld’atteintes à leurs droits fondamentaux.n L’information judiciaire sur la mort de JimmyMubenga, un ressortissant angolais mort en 2010 aucours d’une tentative d’expulsion vers son paysd’origine, était toujours en cours à la fin de l’année.Après la mort de cet homme, des appels ont été lancésen faveur d’une réforme du système de renvois forcésen raison des inquiétudes liées aux techniquesdangereuses de contrôle et de contrainte utilisées parles entreprises de sécurité privées lors de tellesopérations.n En juin, la Cour européenne des droits de l’homme aconclu dans l’affaire Sufi et Elmi c. Royaume-Uni que lerenvoi de deux ressortissants somaliens à Mogadiscio,en Somalie, constituerait une violation de l’article 3 dela Convention européenne des droits de l’homme étantdonné le risque réel de mauvais traitements encourupar ces personnes à leur retour (voir Somalie).Visites et documents d’AmnestyInternational4 Current evidence: European <strong>com</strong>plicity in the CIA rendition and secretdetention programmes (EUR 01/001/2011).4 Assurances diplomatiques : l’échec du Royaume-Uni - Réactionpréliminaire d’Amnesty à l’examen du contre-terrorisme dans le pays(EUR 45/001/2011).4 United Kingdom: Joint NGO submission to chair of the Detainee Inquiry(EUR 45/002/2011).4 United Kingdom: Submission to the Joint Committee on the draftDetention of Terrorist Suspects (Temporary Extension) Bills(EUR 45/004/2011).4 United Kingdom/Northern Ireland: Inquiry into the killing of humanrights defender and lawyer Rosemary Nelson finds serious omissions bystate agencies (EUR 45/006/2011).4 United Kingdom: Terrorism Prevention and Investigation Measures Bill:Control orders redux (EUR 45/007/2011).4 United Kingdom: European Court criticizes UK for violating human rightsin Iraq (EUR 45/009/2011).4 Royaume-Uni. Le mandat et le protocole de l’enquête sur les cas detorture sont loin d’être conformes aux normes relatives aux droits humains(EUR 45/011/2011).4 Royaume-Uni. Les Travellers de Dale Farm risquent d’ê)tre expulsés deforce (EUR 45/013/2011).4 Royaume-Uni / Irlande du Nord. Amnesty déplore que le gouvernementsoit revenu sur la promesse d’une enquête publique sur l’affaire Finucane(EUR 45/017/2011).RUSSIEFÉDÉRATION DE RUSSIEChef de l’État :Dmitri MedvedevChef du gouvernement :Vladimir PoutinePeine de mort :abolie en pratiquePopulation :142,8 millionsEspérance de vie :68,8 ansMortalité des moins de cinq ans : 12,4 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 99,6 %Contestés, les résultats des élections de décembreont été accueillis par de très nombreusesmanifestations, qui ont donné lieu à l’arrestationde centaines de protestataires pacifiques. Laliberté de rassemblement a été fréquemmentbafouée, tout au long de l’année, dans un contextede contestation politique, environnementale etsociale. L’activité des médias s’exerçait toujoursdans un cadre strictement délimité. Des personnesappartenant à des minorités religieuses ont faitl’objet de persécutions. L’usage arbitraire de lalégislation contre l’extrémisme restaitpréoccupant. Des défenseurs des droits humains288 Amnesty International - Rapport 2012


et des journalistes ont, cette année encore, subides pressions. La plupart des enquêtes ouvertessur des agressions perpétrées dans le passén’avaient pas avancé. De nombreux cas de tortureont encore été signalés, en dépit de réformessuperficielles du fonctionnement de la police. Lasécurité dans le Caucase du Nord n’était toujourspas assurée et de graves atteintes aux droitshumains ont été <strong>com</strong>mises, aussi bien par desgroupes armés que par des agents des forces desécurité.ContexteLes cours élevés du pétrole et les importantsinvestissements réalisés par l’État en faveur de larelance ont permis à la Russie d’afficher en find’année des taux de croissance relativement forts.Toutefois, on n’a guère constaté de résultats tangiblesdans les domaines d’action que le gouvernementavait désignés <strong>com</strong>me prioritaires : la poursuite de lamodernisation, la lutte contre la corruption et laréforme de la justice pénale.Le parti au pouvoir, Russie unie, a été reconduit àla tête du pays en décembre à l’issue d’électionslégislatives marquées par de très nombreusesirrégularités présumées ou constatées. Cetteformation a cependant obtenu une majoriténettement réduite par rapport au précédent scrutin.Ces résultats reflétaient manifestement unedemande croissante de libertés civiles et politiques etde respect des droits socioéconomiques, de la partd’une société ne se satisfaisant plus de la stabilitépromise – et en grande partie apportée – par le« tandem » Vladimir Poutine/Dmitri Medvedev.Les manifestations organisées au lendemain desélections ont progressivement pris une ampleurinconnue depuis la chute de l’Union soviétique. Ellesse sont nourries de la mobilisation de plus en plusimportante de la société civile (au niveau individuel,au sein de groupes d’intérêts ou dans le cadred’actions collectives locales) sur des questions tellesque la corruption, la baisse des prestations sociales,les abus <strong>com</strong>mis par la police ou encorel’environnement.Les grands médias, et notamment la télévision,restaient dans l’ensemble alignés sur le pouvoir.L’expression de critiques virulentes envers lesautorités se limitait essentiellement à des publicationsd’audience restreinte et aux sites Internet, dontl’influence continuait d’augmenter.Liberté de réunionLes autorités limitaient toujours la liberté de réuniondes mouvements de la société civile critiques àl’égard de leur politique. Certains rassemblementssur la voie publique, qui avaient été interdits lesannées précédentes, ont toutefois pu avoir lieu.De nombreuses manifestations ont néanmoins étéinterdites et un certain nombre de personnes ayantparticipé à des actions de protestation pacifique ontété arrêtées à plusieurs reprises, parfois à titrepréventif, alors qu’elles se rendaient sur les lieux oùdevait se tenir un rassemblement. Ces personnes ontsouvent été condamnées à des peines de détentionadministrative.De nombreuses manifestations spontanées et nonviolentes ont eu lieu dans tout le pays dans les joursqui ont suivi la publication des résultats contestés desélections législatives du 4 décembre. Plus d’un millierde manifestants ont été interpellés et plus d’unecentaine d’entre eux ont été condamnés à des peinesde détention administrative, dans le cadre deprocédures qui, bien souvent, ne respectaient pasles normes d’équité des procès. Les manifestationsqui ont été autorisées quelques jours plus tard,les 10 et 24 décembre, ont rassemblé plus de50 000 personnes dans les rues de Moscou et desdizaines de milliers d’autres en province. Elles se sontdéroulées sans incidents.Les lesbiennes, les gays, les personnes bisexuelleset les transgenres (LGBT) ainsi que les défenseurs deleurs droits étaient toujours en butte à des actes deharcèlement et à des violences. À Moscou et à Saint-Pétersbourg, les marches des fiertés et les actions enfaveur des droits des LGBT ont été interdites, et toutetentative de les réaliser a été rapidement empêchéepar la police.n Sergueï Oudaltsov, responsable du mouvementpolitique Front de gauche, a été arrêté une bonnedizaine de fois à Moscou, alors qu’il tentait demanifester pacifiquement son opposition à la politiquedu gouvernement. Il a été reconnu coupable àplusieurs reprises d’infractions administratives (« refusd’obéir à un ordre légitime de la police », par exemple).Arrêté le 4 décembre, pour avoir participé à unemanifestation visant à contester les résultats desélections, il a fini l’année en détention.Liberté d’expressionL’État exerçait toujours un contrôle sévère sur unebonne partie des grands médias, notamment laRAmnesty International - Rapport 2012289


Rtélévision. Internet a cependant joué un rôle de plusen plus important en permettant à ses utilisateursd’obtenir une information différente et d’échanger<strong>com</strong>mentaires et opinions. Bien qu’Internet aitglobalement continué d’échapper aux ingérences del’État, plusieurs sites et blogs connus qui dénonçaientles fraudes électorales ont fait l’objet decyberattaques, avant et tout de suite après leslégislatives de décembre.Des journalistes ont cette année encore reçu desmenaces et subi des agressions parce qu’ils avaientosé aborder dans leurs articles des sujetspolitiquement sensibles, <strong>com</strong>me la corruption. Cesfaits donnaient rarement lieu à une enquête sérieuseou à des poursuites.Le recours à la législation anti-extrémiste permettaitsouvent de faire taire ceux qui émettaient descritiques à l’égard des pouvoirs publics. Réagissant àcette pratique, la Cour suprême a d’ailleurs pris enjuin un arrêt qui précisait que la critique dereprésentants de l’État ou de personnalités politiquesne constituait pas un acte d’incitation à la haine telque visé par ces lois. Les minorités religieuses– groupes musulmans hétérodoxes, témoins deJéhovah, par exemple – étaient toujours en butte àdes persécutions. Une loi interdisant « la propagandeen faveur de l’homosexualité auprès des mineurs »a été adoptée dans la région d’Arkhangelsk. Ladiffamation a été dépénalisée à la fin de l’année,ce qui constituait une avancée.n Le 15 décembre, un journaliste connu,Khadjimourad Kamalov, fondateur et rédacteur en chefde l’hebdomadaire daghestanais indépendantTchernovik, dont les articles incisifs sont renommés, aété abattu devant son bureau à Makhatchkala, lacapitale du Daghestan. Les autorités locales imposaientdepuis des années aux collaborateurs de Tchernovikun climat d’intimidation et de harcèlement.n Alors même que de hauts responsables de l’Étatavaient assuré que les coupables seraient traduits enjustice, l’enquête sur l’agression de novembre 2010contre le journaliste Oleg Kachine n’avait donné aucunrésultat à la fin de l’année.n Tout au long de l’année, plusieurs disciples duthéologien turc Said Nursi ont été inculpésd’appartenance à l’organisation Nourdjoular, considérée<strong>com</strong>me extrémiste et interdite en Russie. Certainsd’entre eux ont été condamnés à des peinesd’emprisonnement. Les personnes inculpées ont affirmén’avoir jamais entendu parler de cette organisation.n Alexandre Kalistratov, un témoin de Jéhovah inculpéd’incitation à la haine à l’égard d’autres groupesreligieux, a été acquitté en décembre par la Coursuprême de la République de l’Altaï. Il avait étécondamné en octobre à une amende par unejuridiction inférieure pour avoir distribué des brochuressur les témoins de Jéhovah.Défenseurs des droits humainsLa réglementation répressive imposée aux ONG lesannées précédentes a été quelque peu assouplie.Une décision de la Haute Cour d’arbitrage aégalement allégé les conditions qui limitaient lapossibilité, pour les ONG, de recevoir desfinancements en provenance de l’étranger. Lesdéfenseurs des droits humains et les journalistes ontcependant continué de faire l’objet d’actes deharcèlement et de menaces, notamment de la part dereprésentants des pouvoirs publics dont ilsdénonçaient les malversations. Les enquêtes sur lesagressions ou les homicides <strong>com</strong>mis contre desdéfenseurs des droits humains, des journalistes oudes avocats étaient souvent restées au point mort oun’avaient guère progressé.n Un tribunal de Moscou a acquitté en juin Oleg Orlov,président de l’organisation de défense des droitshumains Mémorial, inculpé de diffamation. Accusé parOleg Orlov d’être responsable du meurtre de NataliaEstemirova, le président de la République deTchétchénie, Ramzan Kadyrov, a fait appel de cettedécision. Toutefois, la diffamation ayant étédépénalisée quelques mois plus tard, les poursuitesont finalement été abandonnées.n Un groupe de défenseurs des droits humains apublié en juillet un rapport sur le meurtre de NataliaEstemirova, tuée en juillet 2009. Ce documentsoulignait les nombreuses omissions et incohérencesqui marquaient l’enquête officielle, et concluait que lapiste d’un lien entre le meurtre et certains responsablestchétchènes de l’application des lois n’avait pas étéexplorée jusqu’au bout. Après cette publication, leprésident de la <strong>com</strong>mission d’enquête a promis quetoutes les pistes seraient examinées. Il n’avait toutefoisannoncé aucun fait nouveau à la fin de l’année.n Une nouvelle enquête sur le meurtre, en 2006, de lajournaliste Anna Politkovskaïa a abouti à l’arrestationde deux nouveaux suspects, en juin et en août. L’und’eux était soupçonné d’être l’auteur du crime. Deuxautres suspects, dont les noms ont été révélés,purgeaient des peines d’emprisonnement auxquelles290 Amnesty International - Rapport 2012


ils avaient été condamnés pour d’autres faits. L’und’eux faisait partie des personnes acquittées en 2009.n Un tribunal de Moscou a condamné en mai deuxmilitants d’extrême droite à l’emprisonnement à vie et à18 ans de réclusion, pour le meurtre, en janvier 2009,de l’avocat Stanislav Markelov et de la journalisteAnastassia Babourova.Torture et autres mauvais traitementsEntrée en vigueur au mois de mars, la nouvelle Loisur la police mettait en place une procédure officielled’évaluation de tous les policiers et prévoyait uneréduction des effectifs. Elle ne <strong>com</strong>portait cependantaucune disposition qui fasse réellement progresserl’obligation des policiers de répondre de leurs actesou <strong>com</strong>batte l’impunité des violations <strong>com</strong>mises pardes agents de la force publique. Les avantagesconcrets de cette nouvelle loi restaient à prouver. Desinformations continuaient à faire fréquemment étatd’actes de torture et d’autres mauvais traitements.Les allégations formulées en la matière donnaientrarement lieu à des enquêtes sérieuses et les lésionsconstatées, souvent présentées <strong>com</strong>me résultant d’unrecours légitime à la force, n’étaient donc pas prisesen considération. Les poursuites contre les auteurs detels actes étaient rarement menées jusqu’à leurterme. Dans de nombreux cas, des personnes engarde à vue auraient été privées des soins médicauxnécessaires. Ce refus de soins aurait pour butd’extorquer des « aveux » aux détenus. Beaucoup depersonnes condamnées à une peine de prisondisaient avoir subi des violences peu après leurincarcération, de la part aussi bien du personnelpénitentiaire que de codétenus.n Le procès de deux policiers inculpés d’abus depouvoir, pour des faits liés à différentes affaires etnotamment à la détention illégale et à la torture deZelimkhan Tchitigov en avril 2010, s’est ouvert enseptembre. C’était la première fois qu’un tribunal avaità se prononcer sur de tels chefs d’inculpation enIngouchie. Selon certaines informations, plusieurstémoins à charge auraient fait l’objet d’une campagnede pressions et d’intimidation.n Soupçonné dans une affaire de vol, Armen Sargsyana été arrêté par la police à Orenbourg le 18 novembre.Sa mort survenue quelques heures plus tard a étéattribuée par la police à un arrêt cardiaque. Or, desphotos de son corps fournies par sa famille montraientplusieurs lésions, notamment à la tête. À la fin del’année, deux policiers étaient en détention pour leurrôle présumé dans cette affaire ; deux autres faisaientl’objet d’une enquête et plusieurs gradés avaient étésanctionnés.Procès inéquitablesEn dépit des efforts en cours pour renforcerl’efficacité et l’indépendance de l’appareil judiciaire,les procès inéquitables restaient apparemmentfréquents. La justice souffrait notammentd’ingérences politiques présumées, de faits decorruption et de la collusion entre les juges, lesprocureurs et les forces de l’ordre.n Le tribunal municipal de Moscou a confirmé en maila deuxième condamnation de Mikhaïl Khodorkovski etde Platon Lebedev. Leur condamnation répétée, pourdes faits quasiment identiques à ceux qui leur avaientété reprochés lors des premiers procès, et à l’issued’une procédure judiciaire entachée de gravesirrégularités, a conduit Amnesty International à lesconsidérer <strong>com</strong>me des prisonniers d’opinion. Même entenant <strong>com</strong>pte de leurs lourdes peines, les deuxhommes remplissaient les conditions pour bénéficierd’une libération conditionnelle fin 2011. Or, cettepossibilité leur a été refusée.L’insécurité dans le Caucase du NordLa situation dans le Caucase du Nord restait instableet contrastée. Des groupes armés ont continué des’en prendre aux représentants de l’État, notammentaux forces de l’ordre, tuant parfois des civils dans lefeu de l’action, lorsqu’ils ne les prenaient pasdélibérément pour cible. Les opérations desécurisation menées dans la région s’ac<strong>com</strong>pagnaientfréquemment de graves violations des droits humains.Selon certaines informations, des témoins auraientété intimidés, et des journalistes, des militants desdroits humains et des juristes auraient été harcelés,voire assassinés.TchétchénieAlimentée par d’importants financements fédéraux, lareconstruction de la Tchétchénie après des années deguerre s’est poursuivie à un rythme soutenu. Lechômage restait toutefois problématique. Les groupesarmés ont été moins actifs cette année, par rapport àd’autres zones du Caucase du Nord. Les opérationsde maintien de l’ordre donnaient toujours lieu,semble-t-il, à de graves violations des droits humains.Un haut fonctionnaire du parquet tchétchène areconnu, dans une lettre adressée au Comitéinterrégional contre la torture, une ONG de défenseRAmnesty International - Rapport 2012291


Rdes droits humains, que les enquêtes sur lesdisparitions forcées survenues en Tchétchénie nedonnaient aucun résultat.Les défenseurs locaux des droits humains étaienttoujours sous le choc du meurtre de NataliaEstemirova, en 2009, qui n’avait pas été élucidé. Ilscontinuaient d’être la cible d’actes d’intimidation et deharcèlement.n Tamerlan Souleïmanov, mécanicien auto, a étéenlevé le 9 mai sur son lieu de travail, à Grozny, par deshommes armés appartenant vraisemblablement à lapolice. Des témoins de la scène auraient fait auxautorités un récit détaillé de ce qui s’était passé.L’enquête judiciaire ouverte le 18 mai n’avait pas aboutià la fin de l’année.n En juin 2011, Soupian Baskhanov et MagomedAlamov, membres du Comité interrégional contre latorture, ont été interpellés peu après une manifestationqu’ils avaient organisée à Grozny, avec l’autorisationdes pouvoirs publics, pour protester contre la torture.Des fonctionnaires de police les ont avertis à plusieursreprises, de façon non officielle et menaçante, desconséquences possibles de leur action pourtant liciteen faveur des droits humains.n L’enquête suivait son cours dans l’affaire IslamOumarpachaïev, cet homme arrêté en décembre 2009,placé en détention secrète pendant quatre mois ettorturé, semble-t-il, par des policiers. La famille dujeune homme et les enquêteurs de l’équipe fédéraleofficiellement chargée du dossier auraient reçu desmenaces directes d’un haut gradé de la policetchétchène. La police locale a systématiquementrefusé de collaborer avec les enquêteurs et lessuspects n’ont pas été suspendus de leurs fonctions.n Les autorités tchétchènes ont procédé en coursd’année à l’expulsion de plus de 100 famillesdéplacées par le conflit, qui avaient trouvé un refugeprovisoire à Grozny. Nombre des expulsés ont étésommés de quitter les lieux dans les 48 heures et ne sesont vu proposer aucune solution de relogement. Deshommes armés auraient forcé certaines personnes àsigner des déclarations indiquant qu’ellesdéménageaient de leur plein gré.Le retour aux « traditions tchétchènes », activementencouragé par Ramzan Kadyrov, s’est traduit par uneaggravation des inégalités entre hommes et femmes eta accru la vulnérabilité des femmes et des jeunes fillesaux violences sexuelles et domestiques.n Zarema (son nom a été changé) a ainsi raconté àAmnesty International qu’un proche parent lui avaitsystématiquement infligé des violences sexuellespendant plusieurs années. Elle s’est mariée en 2010 etest venue s’installer à Grozny. Battue par son mari, ellea voulu s’installer chez sa grand-mère, en juin 2011,mais ses frères l’ont ramenée au domicile conjugal.Zarema a sollicité l’aide du Muftiyat (autorité spirituellede la <strong>com</strong>munauté musulmane) et de la <strong>com</strong>missiongouvernementale chargée de résoudre les conflitsfamiliaux, mais ces deux instances lui ont enjointd’obéir à son mari. Fin 2011, enceinte de plusieursmois, elle est partie de chez elle pour se cacher hors deTchétchénie. Elle craignait en effet que son mari, aprèsl’accouchement, ne la renvoie chez ses frères quiavaient juré de la tuer.DaghestanDes groupes armés ont continué de s’en prendre auxmembres des forces de sécurité, aux fonctionnairesde l’administration locale et à diverses personnalités,y <strong>com</strong>pris des mollahs prêchant un Islam traditionnel.Les opérations menées par les forces de sécurité ontdonné lieu à de nombreuses allégations dedisparitions forcées, d’exécutions extrajudiciaires etde torture. Les violations des années précédentes,impliquant, selon certaines sources, des responsablesdes services de sécurité n’ont fait l’objet ni d’enquêtesdiligentes ni de poursuites effectives.n Zaour et Kamilpacha Gassanov, deux frères, et leurpère Mourad ont été arrêtés le 26 août, alors qu’ilstravaillaient dans le territoire voisin de Stavropol. Mourada été rapidement relâché. Kamilpacha aurait quant à luiété roué de coups, puis abandonné le jour même àproximité de la ville. Soupçonné d’avoir participé à uneattaque contre la police, Zaour Gassanov a été transféréau Daghestan, où il aurait été passé à tabac et torturé àl’électricité. Les autorités l’ont dans un premier tempsempêché de voir son avocat, sous prétexte, semble-t-il,que celui-ci portait la barbe, ce qui le désignaitpotentiellement <strong>com</strong>me membre d’un groupe armé.n Trois fonctionnaires de police accusés d’avoir torturéen juillet 2010 un garçon de 14 ans, MakhmoudAkhmedov, ont été condamnés en mai à des peinesd’emprisonnement avec sursis. Les proches del’adolescent se sont plaints devant le tribunal d’avoirété harcelés et menacés pendant l’enquête et pendantle procès. Ils estimaient les sanctions trop indulgentes.Après réexamen judiciaire du dossier, l’affaire a étérenvoyée pour <strong>com</strong>plément d’enquête.IngouchieAu cours des premiers mois de l’année, l’insécuritésemblait avoir nettement reculé en Ingouchie.292 Amnesty International - Rapport 2012


Les attaques de groupes armés et les allégationsselon lesquelles des membres des forces de sécuritéauraient <strong>com</strong>mis de graves violations des droitshumains (disparitions forcées, notamment) se sontcependant multipliées par la suite.n Ilez Gortchkhanov a disparu le 21 mars, alors qu’ilcirculait en voiture. Des témoins affirmaient avoirassisté à son enlèvement par une quinzaine d’hommesarmés et masqués, dans le centre de Nazran. Lesautorités ingouches niaient toute implication dans cetteaffaire. Le corps du disparu a été retrouvé le 19 avril.n Le 23 mars, quelque 80 manifestants ont interrompula circulation, sur un axe de Nazran, pour exiger que lavérité soit faite sur le sort réservé à Ilez Gortchkhanov etpour que cessent les disparitions forcées. Ils ont étédispersés par la police. Quelques heures plus tard, lemilitant de la société civile Magomed Khazbiev et sesdeux frères ont été arrêtés à leur domicile de Nazran etaccusés d’avoir « désobéi aux ordres de la police » lorsde la manifestation organisée un peu plus tôt.Magomed Khazbiev a affirmé avoir été roué de coups.Sur des images prises par une caméra de surveillance,on voit que, lors de son arrestation, des policiersmasqués l’ont enfermé dans le coffre d’une voiture.Kabardino-BalkarieDeux attaques ciblant des civils, menées en févrierpar des groupes armés dans un centre touristique dela région de l’Elbrouz, ont fait trois morts. Lors desopérations de sécurisation qui ont suivi, des dizainesde membres présumés de groupes armés ont été tuéset les forces de sécurité ont procédé à denombreuses arrestations. Les responsables del’application des lois ont été accusés à plusieursreprises de disparitions forcées et d’actes de torture.n La famille de Mourat Bedjiev a signalé le 25 juin ladisparition de cet homme, qui se trouvait à Tyrnyaouz.Les autorités ont tout d’abord démenti son arrestation,pour la confirmer deux jours plus tard. Selon le rapportd’un hôpital de la région, une ambulance aurait étéappelée à trois reprises au centre de détention où il setrouvait, les 27 et 28 juin, pour lui prodiguer des soins.Le personnel qui s’est rendu sur place aurait constatéqu’il présentait des ecchymoses et des lésionsinquiétantes à la tête.Ossétie du NordDes violences sporadiques ont été signalées. Lesagents des pouvoirs publics locaux et fédérauxstationnés en Ossétie du Nord ont mené desopérations de sécurisation sur le territoire de cetterépublique et sur celui de l’Ingouchie voisine. Cesopérations auraient donné lieu à de nombreusesviolations des droits humains.n Le 18 mars, dans le village de Tchermen, deuxadolescents, Rouslan Timourziev et Imeir Dzaourov,auraient été frappés à coups de crosse de fusil par unequinzaine de gradés de l’armée, en présence deplusieurs témoins. Ces militaires étaient arrivés dans levillage à bord de deux minibus. Ils s’étaient arrêtés poururiner près d’une maison. Les deux garçons avaientprotesté auprès d’eux. Les militaires les ont frappés avecune telle violence qu’ils ont dû être conduits à l’hôpitalpour y être soignés. Leurs parents se sont plaints àplusieurs reprises auprès des autorités, en vain.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Une délégation d’Amnesty International s’est rendue en Fédération deRussie en mai et en juin.4 Briefing to the Human Rights Committee on follow-up to the concludingobservations on Russia’s sixth periodic report under the InternationalCovenant for Civil and Political Rights (EUR 46/007/2011)4 Russie. Passés à tabac pour avoir parlé. Agressions contre desdéfenseurs des droits humains et des journalistes en Fédération de Russie(EUR 46/038/2011)RWANDARÉPUBLIQUE RWANDAISEChef de l’État :Paul KagameChef du gouvernement : Bernard Makuza, remplacé parPierre Damien Habumuremyi le 7 octobrePeine de mort :aboliePopulation :10,9 millionsEspérance de vie :55,4 ansMortalité des moins de cinq ans : 110,8 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 70,7 %Les autorités engageaient de plus en plus souventdes poursuites contre des détracteurs des politiquesgouvernementales. Le nombre de détentionsillégales a augmenté. Bien que des projets deréforme législative aient été évoqués, la libertéd’expression restait soumise à des restrictions. Desmembres de l’opposition politique et desjournalistes arrêtés dans le contexte des électionsde 2010 ont été injustement condamnés pour desmotifs à caractère politique.RAmnesty International - Rapport 2012293


RContexteEn janvier, le bilan du Rwanda en matière de droitshumains a été examiné dans le cadre de l’Examenpériodique universel des Nations unies. Legouvernement a accepté la majorité desre<strong>com</strong>mandations formulées, y <strong>com</strong>pris cellesdemandant une modification des lois existantes dansle but de protéger la liberté d’expression. Il a enrevanche rejeté les re<strong>com</strong>mandations concernantl’ouverture d’enquêtes sur les cas d’arrestation et dedétention arbitraire, y <strong>com</strong>pris les possiblesdisparitions forcées, alléguant que les arrestationsillégales avaient été exceptionnelles et que lesfonctionnaires responsables avaient été amenés àrendre <strong>com</strong>pte de leurs actes.Les problèmes de sécurité se sont aggravés en2011, à la suite notamment d’attaques à la grenadesurvenues en 2010, de divisions au sein du Frontpatriotique rwandais (FPR, au pouvoir) et dumécontentement des sympathisants de LaurentNkunda, ancien dirigeant du Congrès national pour ladéfense du peuple (CNDP).Le gouvernement a coorganisé à Kigali, la capitale,une réunion visant à inciter d’autres pays d’Afrique àsuivre l’exemple du Rwanda et à abolir la peine demort.Les donateurs continuaient de soutenir legouvernement rwandais, au nom de sondéveloppement économique. En privé, certains sedisaient toutefois inquiets des violations des droitshumains perpétrées dans le pays.Liberté d’expressionDes modifications de la législation étaient en suspens,mais des restrictions sévères pesaient toujours sur laliberté d’expression. Un nombre croissant depersonnes ont été condamnées pour des actesconsidérés <strong>com</strong>me des menaces à la sûreténationale, tels que la critique à l’égard des politiquesgouvernementales.Lois réprimant l’« idéologie du génocide » et le« sectarisme »Bien qu’il ait promis de réviser la loi sur l’« idéologiedu génocide », le gouvernement a continué derecourir à des dispositions législatives générales etrédigées en termes vagues qui réprimaientl’« idéologie du génocide » et le « sectarisme » (plusconnu sous le terme de « divisionnisme »). Ces textesinterdisent les discours de haine mais érigent aussi eninfraction pénale toute critique du gouvernement.L’année s’est achevée sans que les autorités aientexaminé un quelconque projet de modification de laloi réprimant l’« idéologie du génocide ». Legouvernement s’était pourtant engagé, pour lapremière fois en avril 2010, à procéder à la révisiondes dispositions existantes.n Bernard Ntaganda, président du Parti social idéal(PS-Imberakuri), a été condamné à quatre ansd’emprisonnement en février. Il a été reconnu coupablede « divisionnisme » – pour des discours publicsprononcés à l’approche des élections de 2010, danslesquels il dénonçait les politiques gouvernementales –,d’atteinte à la sûreté de l’État et de tentatived’organisation d’une « manifestation non autorisée ».Les poursuites engagées contre Bernard Ntagandapour atteinte à la sûreté de l’État et « divisionnisme »s’appuyaient uniquement sur ses discours critiquantcertaines actions du gouvernement.n Le procès de Victoire Ingabire, présidente desForces démocratiques unifiées (FDU-Inkingi), s’estouvert en septembre. Elle était inculpée d’actes deterrorisme, de formation d’un groupe armé,d’« idéologie du génocide », de « sectarisme » et depropagation délibérée de rumeurs dans le but demonter l’opinion publique contre le pouvoir en place.Les accusations relatives à l’« idéologie du génocide »se fondaient notamment sur le fait qu’elle avaitpubliquement demandé l’ouverture de poursuitespénales pour les crimes de guerre <strong>com</strong>mis par le FPR(voir Justice). Les violations des normes en matièred’équité des procès – notamment le fait quel’accusation ait été autorisée à présenter des élémentsde preuve antérieurs aux lois au titre desquelles VictoireIngabire était inculpée – soulevaient des inquiétudes.JournalistesPlusieurs lois visant à accroître la liberté des médiasétaient en instance devant le Parlement à la fin del’année. Les organisations de défense des droitshumains espéraient que les projets de modificationde la loi relative aux médias et de la loi sur le HautConseil des médias, ainsi que le projet de loi surl’accès à l’information, permettraient de diminuerl’emprise de l’État sur les médias. La diffamationdevait toutefois demeurer une infraction pénale. Aucours des années précédentes, les autorités avaientrecouru à la loi contre la diffamation pour réduire ausilence des journalistes et fermer des médias.Des organes de presse privés qui avaient étéfermés en 2010 n’avaient toujours pas repris leursactivités ; leurs rédacteurs en chef, de même que294 Amnesty International - Rapport 2012


d’autres journalistes indépendants, vivaient toujoursen exil.n Agnès Nkusi Uwimana, rédactrice en chef du journalpopulaire indépendant de langue kinyarwandaUmurabyo, et sa rédactrice en chef adjointe, SaidatiMukakibibi, ont été condamnées le 5 févrierrespectivement à 17 et sept ans d’emprisonnementpour des articles d’opinion publiés en 2010 durant lapériode préélectorale. Agnès Nkusi Uwimana a étédéclarée coupable de menace à la sûreté de l’État,d’« idéologie du génocide », de « divisionnisme » et dediffamation, et Saidati Mukakibibi de menace à la sûretéde l’État. L’examen de leur appel a été reporté à 2012.n Malgré les lacunes de l’enquête initiale, le ministèrepublic n’a pas rouvert d’information sur l’assassinat, enjuin 2010, du journaliste Jean-Léonard Rugambage.En septembre, l’un des deux individus reconnuscoupables du meurtre a été acquitté en appel et l’autrea vu sa peine de réclusion à perpétuité <strong>com</strong>muée en10 années d’emprisonnement.Défenseurs des droits humainsComme les années précédentes, des défenseurs desdroits humains ont été victimes de manœuvresd’intimidation et de harcèlement – arrestations,menaces, tracasseries administratives et accusationsd’abus d’ordre financier.n Joseph Sanane et Epimack Kwokwo, président etsecrétaire exécutif par intérim de la Ligue des droits dela personne dans la région des Grands Lacs (LDGL),ont été arrêtés le 19 août. Ils étaient accusés d’avoiraidé le secrétaire exécutif de l’organisation, PascalNyilibakwe, à quitter le Rwanda en 2010. Ce dernieravait reçu des menaces à maintes reprises. EpimackKwokwo a été libéré après plusieurs heures dedétention et Joseph Sanane le lendemain de sonarrestation.Liberté d’associationDes responsables de l’opposition politique ont étécondamnés pour tentative d’organisation demanifestations « non autorisées » ou de participation àcelles-ci. De simples membres de partis d’oppositionont également été interpellés. Les autoritésrwandaises ont menacé et intimidé des responsablespolitiques de l’opposition présents dans des paysvoisins, en Afrique du Sud et dans des Étatseuropéens.n La police britannique a informé en mai deuxmilitants rwandais de l’opposition de menacesimminentes pesant sur leur vie et émanant dugouvernement rwandais.Prisonniers d’opinionL’ancien ministre Charles Ntakirutinka demeuraitincarcéré à la prison centrale de Kigali, où il purgeaitune peine de dix années d’emprisonnement. À l’issued’un procès inique, il avait été reconnu coupabled’incitation à la désobéissance civile et d’associationde malfaiteurs.JusticePoursuivant ses efforts pour obtenir le transfert oul’extradition des personnes soupçonnées degénocide, le gouvernement a modifié la législation defaçon à ce que les individus déclarés coupables nesoient pas condamnés à la peine de réclusioncriminelle à perpétuité. Introduite récemment dans lalégislation, cette peine assortie de modalités spécialespeut constituer pour les détenus un maintienprolongé à l’isolement quand leurs proches nepeuvent ou ne souhaitent pas leur rendre visite. Lesprisonniers concernés n’ont le droit de <strong>com</strong>muniqueravec un avocat qu’en présence d’un gardien, ce quiconstitue une atteinte aux droits de la défense durantla procédure d’appel. Cette nouvelle peine n’était pasmise en application en raison de l’absence de cellulesindividuelles.Aucune ONG indépendante n’a été autorisée àaccéder aux établissements pénitentiaires poursurveiller les conditions carcérales ou interroger desdétenus en privé, malgré les demandes formulées ence sens.Après plusieurs reports, les procès pour génocidedevant les tribunaux gacaca – qui ne respectaient pasles normes internationales en matière d’équité desprocès – devaient s’achever à la fin de 2011.Quelques demandes de révision étaient encore enattente à la fin de l’année. Aucun projet de loiétablissant les procédures d’enquête et de poursuitedevant les juridictions ordinaires pour les futuresaccusations de participation au génocide de 1994n’avait encore été présenté au Parlement.Détentions illégales et disparitionsforcéesDe très nombreux jeunes gens arrêtés en 2010 et2011 ont été détenus dans des centres militaires,notamment au camp Kami, ainsi que dans descentres illégaux, dont ceux de « Chez Gacinya » et deRAmnesty International - Rapport 2012295


RGikondo, souvent durant plusieurs mois. Ils ont étéprivés de soins médicaux, n’ont pas été autorisés àcontacter un avocat et n’ont pas pu contester devantles tribunaux les décisions les concernant. La policen’a pas donné d’informations aux proches decertains d’entre eux qui s’étaient officiellementenquis de leur sort. Certains détenus ont ététransférés vers des prisons ordinaires après avoir étéinculpés de menace à la sûreté de l’État. D’autresont été remis en liberté à la condition qu’ils gardentle silence.Les autorités n’ont pas fourni d’informations sur ladisparition forcée de Robert Ndengeye Urayeneza. Onpense que cet homme, vu pour la dernière fois enmars 2010, est détenu par l’armée rwandaise.Justice internationaleTribunal pénal international pour le RwandaLe Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR)a rendu de nombreux jugements au cours de l’année.Neuf accusés demeuraient toutefois en fuite. Lemandat du TPIR devait s’achever en 2012.En décembre, la Chambre d’appel du TPIR aconfirmé le renvoi au Rwanda de l’affaire JeanUwinkindi. Dans sa décision, elle mentionnaitl’intention exprimée par le Rwanda d’adopter une loiautorisant des juges étrangers à siéger dans lesaffaires transférées. Il s’agirait du premier accusédans une affaire de génocide à être renvoyé ouextradé vers le Rwanda pour y être jugé.Compétence universelleDes personnes soupçonnées de participation augénocide ont été poursuivies en justice en Allemagne,en Espagne et en Finlande. L’Afrique du Sud nes’était pas encore prononcée sur la demanded’extradition déposée par la France et l’Espagne àl’encontre de Kayumba Nyamwasa, un Rwandaissoupçonné de crimes contre l’humanité au Rwandaqui a obtenu l’asile en Afrique du Sud en 2010. Lademande d’extradition présentée par le Rwanda a étérejetée par les autorités sud-africaines.n Dans un arrêt rendu en octobre, la Cour européennedes droits de l’homme a considéré que SylvèreAhorugeze pouvait être extradé par la Suède vers leRwanda. Cet homme avait été remis en liberté par lesautorités de Stockholm en raison de la durée de sadétention provisoire. L’incapacité à mettre en place devéritables garanties pour que Sylvère Ahorugeze soiteffectivement jugé constituait un déni de justice pourles victimes du génocide rwandais.n La Norvège s’est prononcée en faveur de l’extraditionde Charles Bandora. Un appel était en cours.Impunité pour les crimes de guerre et lescrimes contre l’humanitéAucune investigation et aucune poursuite n’ont étéengagées concernant les crimes de guerre et lescrimes contre l’humanité qui auraient été <strong>com</strong>mis parl’Armée patriotique rwandaise en 1994 au Rwanda, niconcernant les violations flagrantes des droitshumains perpétrées par les forces armées rwandaisesen République démocratique du Congo qui ont étérecensées dans le rapport du projet Mapping établipar les Nations unies.Réfugiés et demandeurs d’asileLe Haut-Commissariat des Nations unies pour lesréfugiés (HCR) a re<strong>com</strong>mandé l’invocation au31 décembre 2011 de la clause de cessation pour lesréfugiés rwandais, ce qui signifie que ces dernierspourraient perdre leur statut. Dans un certain nombrede pays, les réfugiés rwandais n’avaient pas pu à lafin de l’année être entendus individuellement afin defaire valoir d’éventuels motifs personnels expliquantqu’ils continuent à craindre d’être persécutés. Laclause devait être effective au 1 er juillet 2012.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Rwanda enfévrier, juillet, octobre et novembre. Un observateur d’AmnestyInternational a assisté au procès de Victoire Ingabire en septembre, octobreet novembre.4 Rwanda : il faut que les autorités révèlent où se trouve un hommed’affaires qui a disparu (AFR 47/001/2011).4 Rwanda. Quand s’exprimer n’est pas sans danger. Les limites de laliberté d’expression au Rwanda (AFR 47/002/2011).4 Rwanda. Respecter la liberté d’expression et mettre un terme auxdétentions arbitraires et aux disparitions forcées (AFR 47/005/2011).4 Un politicien d’opposition emprisonné au Rwanda pour avoir exercé sesdroits (PRE01/059/2011).296 Amnesty International - Rapport 2012


SALVADORRÉPUBLIQUE DU SALVADORChef de l’État et du gouvernement : Carlos Mauricio FunesCartagenaPeine de mort : abolie sauf pour crimes exceptionnelsPopulation :6,2 millionsEspérance de vie :72,2 ansMortalité des moins de cinq ans : 16,6 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 84,1 %Les auteurs de violations des droits humainsperpétrées durant le conflit armé (1980-1992)jouissaient toujours de l’impunité. Le problème desviolences faites aux femmes et aux filles, y <strong>com</strong>priscelui des violations des droits en matière desexualité et de procréation, perdurait. De multiplesviolences infligées à des femmes et à des filles pardes militaires dans les prisons, à travers le pays, ontété signalées au Bureau du procureur chargé de ladéfense des droits humains.ContexteLe taux de criminalité violente n’a cessé de croître.Face aux préoccupations de plus en plus vivessuscitées par les problèmes de sécurité dansplusieurs prisons, le gouvernement a fait appel àl’armée pour diriger 11 des 14 établissementspénitentiaires du pays.En octobre, de violentes tempêtes ont provoquédes glissements de terrain qui ont tué plus de30 personnes, et des inondations ont détruit leshabitations et les récoltes de plusieurs milliers defamilles.ImpunitéLa Loi d’amnistie de 1993 était toujours en vigueur,bien que la Cour interaméricaine des droits del’homme ait rendu plusieurs arrêts exigeant sonabrogation. Cette loi visait à ce que personne,membre ou non des forces armées, ne soit amené àrépondre de violations des droits humains <strong>com</strong>misesdurant le conflit armé, même s’agissant de crimescontre l’humanité.n En mars, la Cour interaméricaine des droits del’homme a été saisie de l’affaire des 700 hommes,femmes et enfants qui, sur une période de trois joursen 1981, ont été torturés et assassinés par les forcesarmées à El Mozote et dans des villages voisins, dans laprovince de Morazán. Cette affaire représentait un casparmi des milliers d’autres où la Loi d’amnistie de 1993empêchait d’engager des poursuites pour desviolations de droits humains (dont des crimes contrel’humanité) perpétrées par des militaires.En décembre, au cours d’une cérémonie de<strong>com</strong>mémoration de ces massacres, le ministre desRelations extérieures a reconnu la responsabilité del’État dans les crimes contre l’humanité <strong>com</strong>mis àEl Mozote et alentour. Il n’a toutefois pris aucunengagement concernant l’abrogation de la Loid’amnistie ou la nécessité d’obliger les responsablesprésumés à rendre des <strong>com</strong>ptes.Violences faites aux femmes et aux fillesEn février, la rapporteuse spéciale des Nations uniessur la question de la violence contre les femmes, sescauses et ses conséquences s’est déclaréeprofondément préoccupée, rappelant que l’inactiondes autorités en matière d’enquêtes, de poursuites etde réparations face aux violences liées au genre avaitentraîné une situation d’impunité pour ce type decrimes au Salvador.Dans son rapport, la rapporteuse spéciale exhortaitle gouvernement à réviser les lois interdisantl’avortement en toutes circonstances, y <strong>com</strong>prislorsque la grossesse résulte d’un viol ou met en périlla vie de la femme ou de la fille. Le gouvernement aaffirmé être déterminé à faire face à la question desviolences contre les femmes.Le Bureau du procureur chargé de la défense desdroits humains a reçu un nombre croissant designalements de fouilles vaginales et anales réaliséesillégalement par des membres du personnel militairesur des femmes et des filles rendant visite à desproches en prison.En mars, le gouvernement a créé la première « citéde la femme », où les femmes et les filles victimes deviolences pouvaient aller signaler en toute sécurité àla police les crimes qu’elles avaient subis, etbénéficier de services d’assistance et de conseilsjuridiques.Justice internationaleEn août, la Cour suprême a décidé de ne pas donnersuite à une notice rouge d’Interpol, diffusée à lademande des autorités espagnoles. Le documentexigeait que soient arrêtés et extradés neuf anciensmilitaires accusés de l’homicide, perpétré en 1989,de six prêtres jésuites espagnols, de leur domestiqueet de la fille de celle-ci. La Cour a déclaré que pourSAmnesty International - Rapport 2012297


Squ’elle puisse prendre en <strong>com</strong>pte la notice rouge, lesautorités espagnoles devaient au préalable respecterdes procédures supplémentaires.Défenseurs des droits humainsDes militants des droits humains et des journalistestravaillant dans le département de Cabañas ont faitl’objet de menaces liées à leur action en faveur deslibertés fondamentales et contre la corruption.n En janvier, Hector Berríos, militant de la société civileet avocat défenseur des droits humains, a reçu unappel téléphonique dont l’auteur lui indiquait quequelqu’un avait perçu une forte somme d’argent pourle tuer ou pour tuer un membre de sa famille.n En mai, Pablo Ayala, Manuel Navarrete et MarixelaRamos, respectivement journalistes et productrice deRadio Victoria, ont reçu à deux reprises des menacesde mort par SMS. L’un des messages disait : « Écoute,idiote, on sait déjà où tu habites […] arrête ce bulletind’informations que tu coordonnes. Tu as aussi unefille. »SÉNÉGALRÉPUBLIQUE DU SÉNÉGALChef de l’État :Abdoulaye WadeChef du gouvernement : Souleymane Ndéné NdiayePeine de mort :aboliePopulation :12,8 millionsEspérance de vie :59,3 ansMortalité des moins de cinq ans : 92,8 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 49,7 %Les autorités ont recouru à une force excessive pourmettre fin à des manifestations. Des personnes ontété arrêtées parce qu’elles avaient exprimé desopinions politiques dissidentes. La torture étaitcouramment pratiquée contre des suspects, et undétenu serait mort des suites de tels actes. EnCasamance (sud du pays), les affrontementsopposant les forces nationales à un groupe armé sesont intensifiés à la fin de l’année, faisant plusieursvictimes parmi la population civile. Faisant fi deleurs obligations au regard du droit international etdes demandes répétées de l’Union africaine, lesautorités sénégalaises ne se montraientaucunement disposées à juger l’ancien présidenttchadien Hissène Habré.ContexteLe conflit entre l’armée et le Mouvement des forcesdémocratiques de Casamance (MFDC) s’est intensifiéà la fin de l’année, faisant plusieurs victimes parmi lescivils et les militaires.Tout au long de 2011, des manifestations degrande ampleur ont été organisées, en particulier àDakar, la capitale du pays, pour protester contre le faitque le président Abdoulaye Wade briguerait untroisième mandat lors de l’élection de 2012.En juin, des affrontements violents ont opposé àDakar la police antiémeutes à des manifestants quidénonçaient un projet de loi visant à modifier lesrègles du scrutin présidentiel. La pression de la rue afinalement conduit au retrait du texte.En juin, le décret d’application d’une loi instituantun Observateur national des lieux de privation deliberté a été adopté ; toutefois, personne n’avaitencore été désigné à ce poste à la fin de l’année.Violations des droits humains etexactions en CasamancePlusieurs civils ont été tués ou blessés lorsd’affrontements entre le MFDC et l’armée.n En novembre, 10 civils ont été abattus par desmembres présumés du MFDC alors qu’ils étaient partisramasser du bois à Diagnon, à 30 kilomètres deZiguinchor, la principale ville de Casamance.Répression de la dissidenceTout au long de l’année, les autorités ont répondu parla force aux manifestations de protestation contre lasituation politique et économique.n En mai, Malick Bâ a été tué par des gendarmes quiont tiré à balles réelles sur des manifestants : cesderniers protestaient contre le changement d’autoritésà la tête de la <strong>com</strong>munauté rurale de Sangalkam.Liberté d’expressionPlusieurs personnes ont été interpellées et une autrea été condamnée à une peine d’emprisonnementpour avoir publiquement pris position contre legouvernement.n En juin, alors qu’ils tentaient de manifester contre unprojet controversé de réforme constitutionnelle,Alioune Tine – le secrétaire général de l’organisationRencontre africaine pour la défense des droits del’homme (RADDHO) – et Oumar Diallo ont été agresséspar des personnes apparemment proches du parti aupouvoir.298 Amnesty International - Rapport 2012


n En octobre, Malick Noël Seck, le chef de file d’unmouvement affilié au Parti socialiste, a été condamné àdeux ans d’emprisonnement pour avoir exhorté lesmembres du Conseil constitutionnel à ne pas accepterla candidature du président Wade à un troisièmemandat.Torture et autres mauvais traitementsIl arrivait régulièrement que des policiers torturent dessuspects ; une personne serait morte des suites detels actes.n En avril, le corps dénudé et menotté d’Aladji Konatéa été retrouvé près d’une rivière à Bakel. Il présentaitdes traces de torture. D’après les forces de sécurité,Aladji Konaté était soupçonné de trafic de drogue et seserait jeté à l’eau pour échapper à une arrestation.n En septembre, trois jeunes hommes ont étébrutalisés et blessés par des gendarmes à Thiaroye,dans la banlieue de Dakar ; ils avaient été interpellésaprès la plainte d’un voisin. Une enquête a étédiligentée et deux gendarmes ont été mis aux arrêts derigueur. À la fin de l’année, les auteurs présumésn’avaient toujours pas été jugés et les victimes n’avaientreçu aucune indemnisation.Justice internationale – Hissène HabréL’Union africaine a déclaré en mars que l’ex-présidenttchadien Hissène Habré devait être jugé au Sénégalpar une juridiction spéciale. En juin, un collectifregroupant des ONG et des victimes du régimed’Hissène Habré a déposé plainte contre le Sénégalauprès de la Cour internationale de justice, l’accusantde n’avoir ni jugé ni extradé l’ancien chef d’État. Lesautorités sénégalaises ont annoncé en juillet leurintention de renvoyer Hissène Habré au Tchad, où il aété condamné à mort par contumace. Son expulsiona toutefois été suspendue à la demande expresse dedifférents organismes des Nations unies etorganisations de défense des droits humains.Visites et documents d’AmnestyInternational4 Sénégal : la condamnation d’un opposant politique doit être annulée(AFR 49/002/2011).4 Sénégal. Les autorités ne doivent pas extrader l’ancien présidenttchadien vers le Tchad (PRE01/343/2011).SERBIERÉPUBLIQUE DE SERBIE (Y COMPRIS LE KOSOVO)Chef de l’État :Boris TadićChef du gouvernement :Mirko CvetkovićPeine de mort :aboliePopulation :9,9 millionsEspérance de vie :74,5 ansMortalité des moins de cinq ans : 7,1 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 97,8 %Ratko Mladić et Goran Hadžić ont été arrêtés enSerbie et transférés au Tribunal pénal international(le Tribunal) pour l’ex-Yougoslavie. De nouvellesexpulsions forcées de Roms ont été signalées àBelgrade.ContextePrenant acte de la remise de Ratko Mladić et deGoran Hadžić au Tribunal, la Commission européennea re<strong>com</strong>mandé en octobre que la Serbie se voiereconnaître le statut de candidat à l’adhésion àl’Union européenne.Des pourparlers parrainés par l’Union européenneont été entamés en mars entre la Serbie et le Kosovo.Ils avaient pour objectif de résoudre des questionstechniques relevant de la coopération régionale,notamment en matière d’accords douaniers. Cesdiscussions se sont interrompues en septembre, lesautorités kosovares ayant ouvert en juillet des postesde douane sur la frontière avec la Serbie. Lesviolences qui s’en sont suivies ont déclenché unecrise politique. Un accord sur la gestion <strong>com</strong>munedes frontières a finalement été trouvé en décembre.Le Conseil européen a annoncé en décembre qu’ildifférait jusqu’en février 2012 sa décision concernantla candidature de la Serbie, conditionnant celle-ci à laconclusion d’un accord de coopération avec leKosovo.Justice internationaleVlastimir Đorđević, ancien ministre de l’Intérieuradjoint, a été déclaré coupable en février de crimescontre l’humanité et de crimes de guerre perpétrés auKosovo en 1999 (expulsion, assassinat, meurtre,transfert forcé et persécutions pour des raisonspolitiques, raciales et religieuses). Il a été condamné à27 ans d’emprisonnement. La Chambre de premièreinstance a estimé que Vlastimir Đorđević avait pris« une part active » dans les efforts déployés « pourSAmnesty International - Rapport 2012299


Sdissimuler les meurtres des Albanais du Kosovo »,et avait « donné des consignes pour que soienttransportés de façon clandestine » certains corps.L’ex-<strong>com</strong>mandant en chef des forcesbosno-serbes Ratko Mladić a été arrêté enVoïvodine le 26 mai et remis au Tribunal le 31 mai(voir Bosnie-Herzégovine).Goran Hadžić, ancien chef des Serbes de Croatie,a été arrêté le 20 juillet dans un parc national deVoïvodine, où il se cachait apparemment. Il a étéremis au Tribunal le 22 juillet (voir Croatie). Ils’agissait du dernier suspect réclamé par le Tribunal.Le nouveau procès partiel de Ramush Haradinaj,ancien chef de l’Armée de libération du Kosovo (UÇK)et ex-Premier ministre du Kosovo, et de sescoaccusés Idriz Balaj et Lahi Brahimaj, s’est ouvert aumois d’août. Ce nouveau procès avait été décidé carl’intégrité du premier procès avait été mise en périlpar des actes d’intimidation des témoins. Cependant,une nouvelle fois, un témoin clef de l’accusation arefusé de <strong>com</strong>paraître.SerbieCrimes de droit internationalLa Chambre spéciale chargée des crimes de guerreau sein du tribunal de district de Belgrade a continuéses travaux portant sur des faits survenus en Bosnie-Herzégovine, en Croatie et au Kosovo.Neuf membres du « Groupe de Gnjilane/Gjilan », liésà l’UÇK, ont été reconnus coupables en janvier decrimes de guerre contre des Serbes du Kosovo et, plusgénéralement, des non-Albanais. Ils ont été condamnésà un total de 101 ans d’emprisonnement. En 1999, ilsavaient placé en détention au moins 153 personnes,auxquelles ils avaient infligé des traitements inhumainset des actes de torture, notamment des viols. Au moins80 personnes avaient été tuées ; 34 autres restaientportées disparues. Huit membres du groupe étaienttoujours en liberté. Le verdict a fait l’objet d’un appel.Plusieurs suspects, dont Zoran Alić, ont étéinculpés en février de torture, viol, esclavage sexuel etmeurtre sur la personne de 23 Roms, dont desmineurs et une femme enceinte, pour des actes<strong>com</strong>mis en 1992 dans la municipalité de Zvornik, enBosnie-Herzégovine. Trois Serbes ont été inculpés enjuin de meurtre, de viol et d’autres crimes, <strong>com</strong>mis en1992 contre des civils de Bijelina, en Bosnie-Herzégovine.La demande d’extradition du général de l’arméebosniaque Jovan Divjak, formulée par la Serbiepour des crimes de guerre perpétrés en Bosnie-Herzégovine, a été rejetée en juillet par un tribunalautrichien, au motif que cet homme risquaitfort de ne pas être jugé équitablement dans cepays.Le Bureau du procureur chargé des crimes deguerre a inculpé en mai neuf membres de l’unitéparamilitaire dite des « Chacals » du meurtre de11 civils albanais du village de Ćuška/Qyshk, <strong>com</strong>misen 1999. Parmi les accusés figurait Ranko Momić,extradé du Monténégro au mois d’avril. Un autremembre du groupe, Siniša Mišić, a été arrêté ennovembre pour sa responsabilité présumée danscette affaire.Disparitions forcéesAucun progrès n’a été enregistré dans l’identificationde nouveaux sites d’inhumation en Serbie.Le Comité des droits de l’homme [ONU] a invité enmars les autorités à « prendre des mesures d’urgencepour établir les circonstances qui ont conduit àl’inhumation de centaines de personnes dans larégion de Batajnica [en 1999] », à « s’assurer quetous les responsables sont poursuivis [et à] veiller àce que les proches des victimes soient dûmentindemnisés ».Torture et autres mauvais traitementsDétenus et prisonniers restaient exposés à un risquede torture et de mauvais traitements, en raison del’absence de dispositifs de surveillance et dumécanisme de prévention nationale pourtant prévupar le Protocole facultatif à la Convention contre latorture [ONU]. Les prisons, surpeuplées, manquaienttoujours de moyens et de personnel (médical, entreautres).Une vidéo prise en 2007 et montrant des policiersdu <strong>com</strong>missariat de Vrsac qui bourraient de coups depied Daniel Stojanović, un Rom de 17 ans, a été miseen ligne sur YouTube en juillet. Le ministre del’Intérieur a accepté de rouvrir une enquête internemais, lorsque Daniel Stojanović s’est de nouveau faitarrêter pour vol, le même mois, les poursuites quiavaient été engagées contre les policiers ont étéabandonnées.RacismeEn janvier, 14 supporters du club de football Partizanont été condamnés à un total de 240 ansd’emprisonnement pour le meurtre du Français BriceTaton en septembre 2009. La Cour constitutionnelle ainterdit en juin l’organisation d’extrême droiteNacionalni stroj (Ordre national).300 Amnesty International - Rapport 2012


De nouvelles agressions contre les Roms ont étésignalées cette année. En novembre, quelque120 Roms se sont retrouvés sans abri après l’incendiede leurs logements de la rue Zvečanska, à Belgrade.Le feu avait vraisemblablement été allumé par lessupporters d’un club de football.En mars, un Rom mineur a été reconnu coupabledu meurtre d’un non-Rom, D.S., <strong>com</strong>mis au villagede Jabuka en 2010. Il a été condamné à quatre ansd’emprisonnement dans un centre de détention pourjeunes délinquants. Toujours au mois de mars, sixjeunes gens de Jabuka, qui avaient été en premièreligne des attaques lancées pendant plusieurs jourscontre la <strong>com</strong>munauté rom, au lendemain dumeurtre, ont été reconnus coupables d’incitation à lahaine ethnique, raciale et religieuse. Ils ont étécondamnés à des peines avec sursis.DiscriminationLe Conseil de la minorité bosniaque, non reconnu parles autorités, a appelé en septembre le gouvernement àmettre un terme aux discriminations imposées à laminorité bosniaque en Serbie, notamment au niveauéconomique dans la région du Sandjak. Les Albanais dusud de la Serbie souffraient toujours de discriminations,en particulier dans le domaine de l’éducation.Le <strong>com</strong>missaire à la protection de l’égalité a reçu349 plaintes, émanant de particuliers et d’ONG,invoquant les dispositions de la Loi de 2009 contre ladiscrimination.La Haute Cour a estimé en juin que le journal Pressavait violé cette loi en publiant sur son site Internetdes <strong>com</strong>mentaires homophobes, considérés par laCour <strong>com</strong>me constituant des propos haineux à l’égarddes lesbiennes, gays, personnes bisexuelles ettransgenres. Un parlementaire, Dragan MarkovićPalma, a été reconnu coupable en novembre dediscrimination fondée sur l’orientation sexuelle.Après que des groupes de droite ont proféré desmenaces, le gouvernement a annulé en octobre lamarche des fiertés de Belgrade (Belgrade Pride),enfreignant ainsi son obligation de garantir la libertéd’expression et de rassemblement. Cette annéeencore, des agressions homophobes ont eu lieu. Unelesbienne a été poignardée et grièvement blessée enoctobre à Belgrade. À Novi Sad, un homosexuelvictime d’une agression a souffert d’hématomes etd’une <strong>com</strong>motion cérébrale.Expulsions forcéesLes expulsions forcées se sont poursuivies dansdifférents quartiers de Belgrade.n En août, 20 Roms dont 10 enfants ont été expulsésde force d’un immeuble de la rue Skadarska. Ils se sontretrouvés dans la rue avec toutes leurs affaires.n Deux militants locaux ont été arrêtés en octobre pouravoir tenté de s’opposer sans violence à l’expulsionforcée d’une Rom originaire du Kosovo et de sesenfants.n En novembre, l’expulsion forcée de 33 familles roms,dont 20 avaient fui le Kosovo, a été suspendue grâce àl’intervention de plusieurs organisations locales etinternationales. Le ministère des Droits humains aaccepté de définir une procédure à respecter en casd’expulsion.Informés en avril qu’ils allaient être relogés dansdes maisons préfabriquées, pour faire place à laconstruction d’une voie d’accès financée par laBanque européenne d’investissement, les Roms duquartier de Belville étaient toujours menacésd’expulsion forcée à la fin de l’année. Leur sort étaitlié à une décision de la municipalité sur la suite decette opération.Réfugiés et migrantsSous la pression de l’Union européenne, legouvernement a mis en place des contrôles desortie aux frontières de la Serbie, afin d’éviter les« abus du régime d’exemption des visas ». Cettemesure violait le droit à la liberté de déplacementdes citoyens serbes, généralement membres des<strong>com</strong>munautés rom ou albanaise, qui souhaitaientquitter leur pays.Au mois de mai, le ministre de l’Intérieur a signaléaux Roms qu’ils portaient atteinte aux intérêts nationauxde la Serbie lorsqu’ils demandaient l’asile à des pays del’Union européenne. Au 31 octobre, le nombre deressortissants serbes ayant déposé une demande d’asileétait passé de 17 000 en 2010 à 3 000.La Serbie a quant à elle reçu 2 700 demandesd’asile ; aucune n’a obtenu de réponse favorable. Ennovembre, des policiers auraient frappé des migrantsafghans et pakistanais et auraient mis le feu au campqu’ils occupaient à Subotica, près de la frontière avecla Hongrie.KosovoUn gouvernement de coalition conduit par HashimThaçi est entré en fonction en février. Atifete Jahjaga,ancienne directrice adjointe de la police du Kosovo, aété élue présidente en avril, après l’annulation par laCour constitutionnelle de l’élection en février deBehgjet Pacolli.SAmnesty International - Rapport 2012301


SEn octobre, la Commission européenne a expriméses inquiétudes devant le non-respect de l’état dedroit, la corruption, la faiblesse de l’appareil judiciaireet des services de l’administration, ainsi que lafragilité de l’économie du Kosovo. Bien que legouvernement n’ait pas mis en œuvre de stratégie deréintégration des personnes renvoyés au Kosovo(condition d’un assouplissement du régime desvisas), la Commission européenne a annoncé endécembre qu’un dialogue sur le régime des visas<strong>com</strong>mencerait en janvier 2012.Le secrétaire général de l’ONU a signalé en octobreun accroissement de 24 % des incidents touchantdes <strong>com</strong>munautés minoritaires dans tout le Kosovo, y<strong>com</strong>pris dans les municipalités du nord, dont lapopulation était majoritairement serbe.La situation dans le nordAu mois de juillet, le gouvernement du Kosovo arépondu à l’embargo décrété en 2008 par Belgradesur les produits venant du Kosovo en interdisanttoutes les importations serbes, y <strong>com</strong>pris dans lenord. Lors d’une opération clandestine menée par lapolice, les autorités du Kosovo ont pris le contrôle dedeux postes frontières dans des municipalités dunord, Leposavić/q et Zubin Potok. Les Serbes duKosovo ont riposté en barrant les routes afind’empêcher la KFOR (Force internationale de paix auKosovo, dirigée par l’OTAN) et la mission « état dedroit » de l’Union européenne au Kosovo (EULEX)d’amener sur les lieux des agents des services desdouanes gouvernementaux.Le 26 juillet, un membre de la police du Kosovo,Enver Zymberi, a été tué d’une balle dans la tête,tandis qu’un de ses collègues était grièvement blessé,lors d’une attaque serbe contre un poste frontière. Unautre poste frontière a été incendié. Le lendemain, unhélicoptère de la KFOR qui transportait des policierskosovars a essuyé des coups de feu.Les Serbes du Kosovo qui avaient installé lebarrage empêchant l’accès au poste frontière deJarinje/Jarinja ont refusé en août de lever celui-ci,alors que les deux gouvernements concernés et laKFOR avaient conclu un accord prévoyant que lepersonnel des postes frontières devait être formé demembres serbes de la police du Kosovo.En septembre, sept Serbes du Kosovo ont étégrièvement blessés à Jarinje/Jarinja, les soldats de laKFOR ayant fait usage de gaz lacrymogène et deballes en caoutchouc pour disperser une foule dontcertains éléments avaient jeté des pierres. Quatremembres de la KFOR ont été blessés par une bombeartisanale, dont un grièvement. Le 23 novembre,21 autres soldats de la KFOR ont été blessés ententant de démanteler le barrage.Le 28 novembre, 25 soldats de la KFOR ont étéblessés à Jagnjenica alors qu’ils tentaient d’éliminerun autre barrage. Pris à partie, ils ont riposté avec descanons à eau, du gaz lacrymogène et du gaz poivre.Entre 30 et 50 Serbes auraient été blessés.Crimes de droit internationalL’EULEX a enquêté en priorité sur la criminalitéorganisée et sur la corruption, ce qui a permis auxresponsables de crimes de guerre de jouir d’uneimpunité persistante. Les procureurs locaux ne sesont occupés que de peu de dossiers. Il n’existaittoujours pas de système effectif de protection destémoins.L’EULEX a mis en place un groupe de travail basé àBruxelles et dirigé par l’ancien responsable dudépartement de la Justice de la Missiond’administration intérimaire des Nations unies auKosovo (MINUK). Ce groupe est chargé d’enquêtersur les allégations contenues dans un rapport adoptéen janvier par l’Assemblée parlementaire du Conseilde l’Europe et mettant en cause, entre autres, l’actuelPremier ministre Hashim Thaçi et d’autres membresde l’UÇK qui se seraient rendus responsables del’enlèvement de civils serbes et albanais transférés en1999 dans des camps d’internement en Albanie,d’actes de torture et d’autres mauvais traitements àleur égard, ainsi que d’homicides. Selon ce rapport,certains de ces captifs auraient été tués et leursorganes auraient ensuite été prélevés pour alimenterun trafic.n Un ancien <strong>com</strong>mandant de l’UÇK, Sabit Geçi, a étécondamné en août à 15 ans d’emprisonnement pourcrimes de guerre. Il a été reconnu coupable, avec troiscoaccusés, d’avoir infligé à des détenus albanais d’uncamp situé près de Kukës, en Albanie, des mauvaistraitements allant jusqu’à la torture.n Le procès de l’ex-ministre des Transports etex-chef de l’UÇK Fatmir Limaj et de neuf autrespersonnes s’est ouvert au mois de novembre. Ilsétaient inculpés de crimes de guerre. Il leur étaitnotamment reproché d’avoir fait torturer et tuer aumoins huit prisonniers, la plupart serbes, du campde Klečka/Kleçkë, à Drenica/Drenicë, en 1999.Il a fallu attendre l’arrêt de la Cour constitutionnelle,en septembre, indiquant que les parlementairesne pouvaient se prévaloir d’une immunité que302 Amnesty International - Rapport 2012


pour les actes ac<strong>com</strong>plis dans le cadre de leursresponsabilités officielles, pour que soit appliqué lemandat d’arrêt lancé en mars contre Fatmir Limaj(lui-même député au Parlement).Agim Zogaj, témoin dans l’affaire du camp deKlečka/Kleçkë, s’est suicidé en septembre àDuisburg, en Allemagne. Il a laissé une lettre, danslaquelle il accusait l’EULEX de torture psychologique.L’EULEX n’a pas voulu confirmer s’il avait le statut detémoin protégé.Disparitions forcéesPromulguée en août, la Loi sur les personnesdisparues s’appliquait à toutes les personnes portéesdisparues jusqu’en décembre 2000, y <strong>com</strong>pris lesSerbes et les Roms enlevés après la fin de la guerre.Elle disposait que les familles avaient le droit deconnaître le sort qui avait été réservé à leurs procheset mettait en place une base de données concernantles personnes disparues. Adoptée en décembre, laLoi sur le statut et les droits des héros, invalides,anciens <strong>com</strong>battants, membres de l’UÇK, victimesciviles de guerre et leurs familles était discriminatoireà l’égard des proches des civils disparus, quitouchaient moins de la moitié du montant del’indemnité mensuelle versée aux familles desvictimes militaires. En novembre, 1 799 personnesétaient toujours portées disparues.Le Département de médecine légale dépendait del’EULEX et du ministère de la Justice. En septembre,des représentants de cet organisme et de laCommission serbe des personnes disparues se sontrendus sur des sites susceptibles d’abriter descharniers à Rudnica, en Serbie, ainsi que sur un sited’exhumation, dans la mine de Belaćevac, au Kosovo,où au moins 25 Serbes du Kosovo auraient étéenterrés. Le Département de médecine légale aexhumé les corps de 42 personnes ; 51 personnesdisparues ont été identifiées et 79 dépouilles ont étérendues aux familles pour qu’une sépulture leur soitdonnée. Quatorze corps pour lesquels il y avait euune erreur d’identification ont été exhumés,correctement identifiés pour la plupart et restitués auxfamilles.La police chargée des crimes de guerre au sein del’EULEX enquêtait sur des cas de disparitions forcées.Elle ne disposait malheureusement pas des moyensnécessaires pour traiter tous les cas en attente.Torture et autres mauvais traitementsLe Comité européen pour la prévention de la torture(CPT), dans un rapport publié en octobre, disait avoirreçu en juin 2010 des allégations nombreuses etconcordantes de la part de personnes se trouvant ouayant récemment été en détention et signalant desmauvais traitements physiques infligés par desmembres de la police du Kosovo. Le Comité anotamment relaté les mauvais traitements infligés àdes militants de l’ONG Vetëvendosje! pendant etaprès leur arrestation.Le Centre kosovar pour la réadaptation desvictimes de la torture a dénoncé en février lesconditions de vie inadéquates et le manque depersonnel qualifié dans les établissements de santémentale, soulignant que certaines femmes internéesà la clinique psychiatrique de Pristina étaientattachées à leurs lits.Obligation de rendre des <strong>com</strong>ptesEn août, la secrétaire générale adjointe aux affairesjuridiques de l’ONU a rejeté une demande deréparation déposée par 155 membres des<strong>com</strong>munautés rom et ashkali, qui souffraient desaturnisme après avoir été installés en 1999 pardivers organismes de l’ONU, dont la MINUK, dansdes camps situés sur des terrains contaminés par leplomb, dans la partie nord de Mitrovica/ë.Le Groupe consultatif sur les droits de l’homme aestimé recevables cette année plus de 40 plaintes,émanant essentiellement de Serbes du Kosovo, quiestimaient que la MINUK n’avait pas enquêtésérieusement sur les enlèvements dont avaient étévictimes certains de leurs proches, pendant ou aprèsle conflit.DiscriminationLes Roms, les Ashkalis et les « Égyptiens »subissaient des discriminations multiples etcumulées, notamment en matière d’accès àl’enseignement, aux services de santé et à l’emploi ;rares étaient ceux dont le droit à un logement décentétait respecté. L’Organisation pour la sécurité et lacoopération en Europe (OSCE) a déclaré en mai queles institutions du Kosovo étaient loin de remplir lesengagements qu’elles avaient pris concernant lacréation de conditions propices à l’intégration des<strong>com</strong>munautés rom, ashkali et « égyptienne ».Réfugiés et migrantsSelon le Haut-Commissariat des Nations unies pourles réfugiés (HCR), 1 143 personnes appartenant àdes minorités sont rentrées volontairement au Kosovo.Par ailleurs, des pays d’Europe occidentale ontrenvoyé de force 25 Serbes du Kosovo et 430 Roms,Ashkalis et « Égyptiens » considérés par le HCRSAmnesty International - Rapport 2012303


S<strong>com</strong>me nécessitant toujours une protectioninternationale. Enfin, 166 personnes appartenant àdes minorités auraient été poussées à rentrer chezelles.Bien que la situation en matière d’enregistrementdes personnes se soit améliorée, celles qui rentraientchez elles sans les papiers nécessaires étaienttoujours, de fait, apatrides. Aucun système de gestiondes cas individuels des personnes rapatriées de forcen’ayant été mis en place, seule une petite partie des2,4 millions d’euros du « fonds de réintégration » a étédépensée. Nombre de personnes renvoyées ainsichez elles ne pouvaient pas jouir de leurs droitsfondamentaux et étaient toujours exposées au risquede subir un ensemble de discriminations assimilableà de la persécution. Nombre d’enfants des famillesrevenues au Kosovo n’avaient toujours pas accès àl’enseignement.Violences faites aux femmes et aux fillesMalgré les re<strong>com</strong>mandations faites en ce sens parplusieurs ONG, la loi concernant les victimes civilesde guerre ne <strong>com</strong>portait aucune dispositionpermettant aux femmes violées pendant le conflitd’obtenir le statut de victimes civiles et de recevoirdes réparations.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégations d’Amnesty International se sont rendues en Serbie enavril, juillet et octobre, et au Kosovo en octobre.4 Serbia: Home is more than a roof over your head (EUR 70/001/2011).4 Serbia: Time for a law against forced evictions (EUR 70/025/2011).SIERRA LEONERÉPUBLIQUE DE SIERRA LEONEChef de l’État et du gouvernement : Ernest Bai KoromaPeine de mort :abolie en pratiquePopulation :6 millionsEspérance de vie :47,8 ansMortalité des moins de cinq ans : 192,3 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 40,9 %Le gouvernement a confirmé l’adoption d’unmoratoire officiel sur les exécutions. Dans les zonesrurales en particulier, l’accès aux services de santématernelle était difficile. La justice pénale souffraitde lenteurs considérables. Les prisons étaientsurpeuplées et les conditions de détentionmauvaises. Les violences envers les femmes et lesfilles demeuraient très répandues. À l’approche desélections de 2012, des violences ont éclaté entrepartis politiques rivaux.ContexteEn mars, le Tribunal spécial pour la Sierra Leone,siégeant à La Haye, a achevé son examen deséléments de preuve dans le procès de l’ancienprésident libérien Charles Taylor, inculpé pour saresponsabilité pénale individuelle dans des crimescontre l’humanité et des crimes de guerre <strong>com</strong>mis aucours des 11 années de conflit armé en Sierra Leone– dont des meurtres, des viols, la conscription oul’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans dans lesforces armées et d’autres actes inhumains. Les jugesétaient toujours en cours de délibération à la fin del’année.En raison de l’amnistie contenue dans l’accord depaix, 13 personnes seulement ont été inculpées pourdes violations graves des droits humains.La Loi sur les personnes handicapées a étéadoptée le 5 mai. Elle prévoyait la mise en placed’une <strong>com</strong>mission nationale pour les personneshandicapées et l’interdiction des pratiquesdiscriminatoires. La <strong>com</strong>mission n’avait toutefois pasété instaurée à la fin de l’année.Aucune avancée n’a été enregistrée dans leprocessus de révision constitutionnelle, qui ne devaitreprendre qu’après les élections nationales de 2012.Le bilan de la Sierra Leone en matière de droitshumains a été examiné en mai dans le cadre del’Examen périodique universel des Nations unies. LaSierra Leone a accepté toutes les re<strong>com</strong>mandations304 Amnesty International - Rapport 2012


formulées, à l’exception de celles relatives aux droitsdes personnes lesbiennes, gays, bisexuelles outransgenres.Peine de mortÀ la fin de l’année, trois personnes étaient sous lecoup d’une sentence capitale. Deux hommes ont étécondamnés à mort pour meurtre, respectivement les19 et 26 mai.En mars, la Cour d’appel a infirmé la condamnationà la peine capitale prononcée à l’encontre d’unefemme reconnue coupable d’avoir assassiné sonenfant en 2005.En avril, les autorités ont gracié trois condamnés àmort, dont une femme, et ont <strong>com</strong>mué toutes lesautres condamnations à mort en peines de réclusionà perpétuité, hormis celle de Baby Allieu, condamnéen novembre 2010 pour meurtre. Statuant en appel,la Haute Cour a annulé en décembre la sentence demort prononcée contre une femme qui était en libertéprovisoire depuis 2010.En septembre, le gouvernement a confirmél’adoption d’un moratoire officiel sur les exécutions.Système judiciaireLes magistrats étaient surchargés de travail etinsuffisamment formés. Les reports permanents, laperte ou la disparition de dossiers, le manque demoyens de transport pour acheminer les détenusjusqu’aux tribunaux et les reconduire sur leur lieu dedétention, tout <strong>com</strong>me la pénurie de magistrats,contribuaient aux lenteurs procédurales.Un projet pilote d’assistance juridique a permiscertaines avancées, mais il n’était opérationnel qu’àFreetown, la capitale. Le projet de loi visant à étendrecette assistance juridique n’avait pas encore étédéposé au Parlement à la fin de l’année.Des tribunaux de chefferies ont, cette annéeencore, outrepassé leurs prérogatives et imposé delourdes amendes ou emprisonné des personnes defaçon arbitraire. Une loi sur les tribunaux locaux a étéadoptée en septembre, mais elle n’avait pas encoreété mise en œuvre à la fin de l’année.Responsabilité des entreprisesLes accords d’utilisation des terres conclus entre lesentreprises, les pouvoirs publics et les populations secaractérisaient par une consultation insuffisante, unmanque d’information, l’absence de transparence etdes manœuvres d’intimidation. En raison de leuraction en faveur de la responsabilité des entreprises,certains défenseurs des droits humains ont été enbutte à des menaces et à des actes d’intimidation.n En octobre, 40 personnes ont été arrêtées dans lachefferie de Sahn Malen (district de Pujehun) à la suitede manifestations visant à dénoncer l’accord octroyantun bail sur leurs terres à Socfin, une entreprisespécialisée dans l’exploitation de l’huile de palme et ducaoutchouc. Quinze hommes ont été inculpés de« <strong>com</strong>portement séditieux » et de « réunion illégale » autitre de la Loi de 1965 relative à l’ordre public. Ils ont étéplacés en détention durant sept jours, puis remis enliberté. Leur affaire n’avait pas été jugée à la fin del’année.Expulsions forcéesLe 11 mai, plus de 100 personnes – des résidentshandicapés, leurs proches et des personnes quis’occupaient d’eux – ont été expulsées de force par lapolice d’un centre d’hébergement et de formation deFreetown. Un avis d’éviction dans un délai de septjours avait été affiché sur la porte du centre. Lespoliciers ont lancé des gaz lacrymogènes à l’intérieurdes locaux et ont jeté les effets personnels desrésidents à l’extérieur.Liberté d’expressionDes journalistes ont été la cible de manœuvres deharcèlement, de menaces et d’agressions. La Loi de1965 relative à l’ordre public, dont les dispositionsconcernant la diffamation séditieuse portent atteinte àla liberté d’expression, n’a pas été abrogée. Le projetde loi sur le droit d’accès à l’information, présenté auParlement en 2010, n’avait pas été adopté à la fin del’année.n En septembre, Mohamed Fajah Barrie, journalistesportif de la BBC, et trois autres journalistes ont étébattus par des membres de la garde présidentielle àl’issue d’un match de football. Mohamed Fajah Barrie aété frappé jusqu’à ce qu’il perde connaissance. Leprésident Ernest Koroma s’est publiquement engagé àouvrir une enquête sur cette affaire, mais l’année s’estachevée sans que quiconque ait été poursuivi.Santé maternelleMalgré l’initiative de grande ampleur lancée par lespouvoirs publics en avril 2010 dans le but d’instaurerla gratuité des soins pour les femmes et fillesenceintes, celles-ci se heurtaient encore à desdifficultés de taille pour obtenir les médicaments etSAmnesty International - Rapport 2012305


Sles soins indispensables à une grossesse et unaccouchement sans danger. La qualité des soins étaitbien souvent médiocre et de nombreuses femmescontinuaient de payer des médicaments de base,malgré la politique de gratuité. De ce fait, denombreuses femmes et jeunes filles vivant dans lapauvreté n’ont eu, cette année encore, qu’un accèslimité, voire inexistant, aux soins essentiels lors deleur grossesse et de leur accouchement. Le systèmede santé péchait notamment par l’absence demécanismes efficaces de suivi et d’obligation derendre des <strong>com</strong>ptes. Les services de santé maternelleétaient de qualité particulièrement mauvaise dans leszones rurales.Police et forces de sécuritéLes conditions étaient généralement déplorables dansles cellules des postes de police ; les détentionsillégales sans inculpation et durant de longuespériodes étaient par ailleurs monnaie courante. Lesenquêtes menées sur les violences sexuelles ou liéesau genre étaient bien souvent inadaptées.n En juin, neuf personnes – dont quatre souffrant d’unhandicap et deux garçons âgés de 15 et 16 ans – ontété retenues durant 17 jours au poste de police de Kissià la suite d’un litige foncier dans la ville de Grafton. Ellesont été remises en liberté sans inculpation.Conditions carcéralesPlusieurs prisons étaient dans une situation de gravesurpopulation. Dans la plupart, les conditionssanitaires étaient extrêmement mauvaises et desseaux étaient utilisés en guise de toilettes.Le pays <strong>com</strong>ptait trois centres de détention pourmineurs – deux à Freetown et un à Bo. Dans lesautres régions du pays, les enfants étaientrégulièrement détenus avec des adultes dans lespostes de police et les prisons. La police relevaitfréquemment l’âge des mineurs avant de lestransférer en prison.Seule la prison de Pademba Road disposait d’unhôpital – les détenus étaient toutefois souvent obligésde payer pour se faire soigner.Violences faites aux femmes et aux fillesLa violence domestique, le viol et les autres formesde violence sexuelle étaient monnaie courante.Dans les rares cas où ces affaires étaient signaléesaux autorités, les enquêtes étaient généralementinsuffisantes et les poursuites judiciairesexceptionnelles. Les structures médicales faisaientsouvent payer aux victimes de violences sexuelles lesrapports d’expertise qu’elles établissaient. Or cesdocuments étaient quasiment indispensables pourengager des poursuites. Du fait de la réprobationsociale dont souffraient les victimes, du coût et ducaractère intimidant des procédures judiciaires, ainsique de l’ingérence des proches et des chefstraditionnels, des arrangements étaient souventconclus en marge des tribunaux. Les unités desoutien aux familles, qui avaient pour missiond’enquêter sur les violences sexuelles et liées augenre, ne disposaient pas du personnel ni desmoyens suffisants pour s’acquitter correctement deleur tâche.Les pratiques traditionnelles nocives etdiscriminatoires se poursuivaient, telles que lesmutilations génitales féminines (MGF) et les mariagesforcés ou précoces. Le nombre de jeunes filles demoins de 18 ans subissant des mutilations génitalesavait toutefois diminué. Certains défenseurs des droitshumains ont été la cible de manœuvres deharcèlement et de menaces en raison de leur travailsur les MGF, qui ne sont pas considéréesspécifiquement <strong>com</strong>me une infraction pénale par ledroit national.Les autorités n’ont pas adopté de véritablesmesures pour <strong>com</strong>bler les lacunes juridiques des troislois sur le genre et de la Loi de 2007 relative auxdroits de l’enfant, ce qui <strong>com</strong>promettait la protectioneffective des droits des femmes et des enfants. Bienque les ONG aient sensibilisé l’opinion publique à cestextes, leur mise en œuvre demeurait médiocre à lafin de l’année.Aucune mesure n’a été prise pour modifierl’Article 27(4)(d) de la Constitution, qui autorise lesdiscriminations en matière d’adoption, de mariage, dedivorce, d’inhumation ou d’héritage.Violences politiquesLes tensions politiques entre les sympathisants desdeux principaux partis politiques, le Parti du peuplede Sierra Leone (SLPP) et le Congrès du peuple réuni(APC), se sont accrues à l’approche des électionsde 2012.Les conclusions et re<strong>com</strong>mandations du grouped’étude indépendant Shears Moses, mis en place enavril 2009 pour enquêter sur les violences politiquessurvenues en mars 2009, n’avaient pas été renduespubliques à la fin de l’année.306 Amnesty International - Rapport 2012


n Le 9 septembre, des affrontements entre partisansde l’APC et du SLPP ont fait un mort et 23 blesséslorsque la police a lancé des gaz lacrymogènes et tiré àballes réelles pour disperser la foule. Des pierres ontété lancées sur des sympathisants du SLPP. Les locauxde l’APC à Bo ont été incendiés et une dirigeante duparti a été blessée à l’arme blanche. Le chef de l’État amis en place une <strong>com</strong>mission d’enquête, mais lesre<strong>com</strong>mandations formulées ne s’étaient pas encoretraduites dans les faits à la fin de l’année.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Sierra Leoneen septembre et en novembre.4 At a Crossroads: Sierra Leone’s free health care policy(AFR 51/001/2011).SINGAPOURRÉPUBLIQUE DE SINGAPOURChef de l’État : Sellapan Rama Nathan, remplacé parTony Tan Keng Yam le 1 er septembreChef du gouvernement :Lee Hsien LoongPeine de mort :maintenuePopulation :5,2 millionsEspérance de vie :81,1 ansMortalité des moins de cinq ans : 2,8 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 94,7 %Les élections législatives de mai ont été marquéespar une progression, faible mais sans précédent,des candidats de l’opposition, qui ont remporté sixdes 87 sièges en lice. Le gouvernement a fait usagede lois restrictives pour faire taire ses détracteurs,leur intenter des procès en diffamation ou encorecensurer la presse. La peine de mort, la détentionadministrative et la bastonnade étaient toujoursprévues dans la loi et appliquées dans la pratique.Liberté d’expressionLes autorités ont cette année encore soumis ceux quiles critiquaient à des menaces et à des sanctions,invoquant des lois réprimant en termes très larges, aucivil <strong>com</strong>me au pénal, les faits de diffamation.À l’occasion des élections législatives, legouvernement a assoupli certaines des restrictionsqui pesaient sur l’utilisation des nouveaux médias(<strong>com</strong>me les blogs ou Facebook) pour les campagnespolitiques.n L’écrivain britannique Alan Shadrake a été incarcéréle 1 er juin. Il était accusé d’outrage à l’autorité de lajustice pour son livre dans lequel il dénonçait l’usagefait de la peine de mort par le pouvoir judiciairesingapourien. Il a été remis en liberté le 9 juillet etaussitôt expulsé du pays.n Le dirigeant d’opposition Chee Soon Juan, déclaréen situation de faillite à la suite de poursuites pourdiffamation engagées contre lui par les deux anciensPremiers ministres du pays, n’a pas obtenul’autorisation du gouvernement (nécessaire pour lespersonnes en faillite) de se rendre à Dubaï, où il devaitparticiper en octobre, en tant qu’intervenant, à uneconférence de l’Association internationale du barreau.Détention sans jugementEn septembre, le ministre de l’Intérieur a rejetél’appel lancé par plusieurs anciens prisonnierspolitiques, qui demandaient l’abrogation de la Loirelative à la sécurité intérieure.Les autorités accusaient deux hommes détenus autitre de cette loi, Jumari bin Kamdi et Samad binSubari, d’être membres de la Communauté islamique(JI), et un troisième, Abdul Majid Kunji Mohamad,d’appartenir au Front de libération islamique moro,un mouvement séparatiste philippin. Ces troispersonnes avaient été arrêtées dans des pays voisinsavant d’être renvoyées à Singapour.n Le 1 er septembre, les autorités ont libéré MohamedKhalim bin Jaffar, détenu depuis 2002 au titre de la Loirelative à la sécurité intérieure pour appartenanceprésumée à la JI.Peine de mortAu moins quatre personnes ont été exécutées etcinq ont été condamnées à mort. Singapour a misen ligne début 2011 quelques chiffres concernantl’usage de la peine capitale. Selon les servicespénitentiaires singapouriens, il y a eu six exécutionsjudiciaires en 2008, cinq en 2009 et aucune en2010. On ne disposait d’aucune donnée concernantd’éventuelles exécutions en 2011.n Yong Vui Kong, un Malaisien de 23 ans, avait épuisétous les recours à sa disposition. Condamné à mort en2009 pour trafic de stupéfiants, une infractionobligatoirement punie de mort à Singapour, il nepouvait plus espérer qu’une grâce présidentielle.SAmnesty International - Rapport 2012307


STorture et autres mauvais traitementsLa peine de bastonnade était appliquée pour unetrentaine d’infractions, y <strong>com</strong>pris pour des infractionsà la législation relative à l’immigration.n Ho Beng Hing, 21 ans, a été déclaré coupable enseptembre de s’être échappé d’un centre derééducation pour délinquants. Il a été condamné à troiscoups de canne, à plus de trois annéesd’emprisonnement et à une amende.Surveillance internationaleLe bilan de Singapour en matière de droits humainsa été évalué, en mai, au titre de l’Examenpériodique universel des Nations unies. Legouvernement de Singapour a rejeté lesre<strong>com</strong>mandations l’invitant à mettre un terme auprononcé obligatoire de la peine de mort pourcertaines infractions et à instaurer un moratoire surcette peine. Il a toutefois accueilli favorablementcertaines re<strong>com</strong>mandations le priant de protéger lesdroits des travailleurs migrants.Visites et documents d’AmnestyInternational4 Singapour rejette les appels l’exhortant à abolir la peine de mort et labastonnade (ASA 36/003/2011).4 Singapore: suggested re<strong>com</strong>mendations to states considered in the11th round of Universal Periodic Review (IOR 41/008/2011).SLOVAQUIERÉPUBLIQUE SLOVAQUEChef de l’État :Ivan GašparovičChef du gouvernement :Iveta RadičováPeine de mort :aboliePopulation :5,5 millionsEspérance de vie :75,4 ansMortalité des moins de cinq ans : 6,9 ‰Les Roms étaient toujours en butte à desdiscriminations en matière d’accès àl’enseignement, aux soins de santé et aulogement. Le gouvernement a été reconnucoupable d’avoir violé les droits fondamentauxd’une femme qui affirmait avoir été victime d’unestérilisation forcée.ContexteAprès le vote d’une motion de censure au moisd’octobre, des élections anticipées ont étéconvoquées pour mars 2012. La Première ministre etson gouvernement disposaient de pouvoirs limités enmatière de politique socioéconomique.Fin novembre, à la suite de l’échec desnégociations entre le gouvernement et les syndicatssur la privatisation des hôpitaux et les conditions detravail des médecins, plus de 1 200 praticiens deshôpitaux publics ont démissionné. Un certain nombred’établissements de soins se seraient alors retrouvésdans l’incapacité de fournir des services de santésuffisants. Le gouvernement a déclaré l’étatd’urgence, contraignant ainsi les médecins àreprendre le travail. Ceux qui refusaient d’obtempérers’exposaient à des poursuites pénales. Un <strong>com</strong>promisa finalement été trouvé entre les autorités et le corpsmédical, et l’état d’urgence a été levé le 8 décembre.Discriminations – les RomsUn certain nombre d’ONG et d’organismesinternationaux de surveillance des droits humains ontcritiqué la Slovaquie pour les discriminations dontcontinuait de souffrir sa population rom. Le Comitédes droits de l’homme [ONU] a ainsi déclaré en avrilque les Roms étaient exclus de la vie politique etétaient confrontés à des discriminations en matièred’accès à l’enseignement, aux soins de santé et aulogement.Face aux tensions existant entre les habitants romset non roms de Žehra, un village de l’est de laSlovaquie, le ministre de l’Intérieur a proposé, en juin,de modifier la Loi sur les municipalités pour permettreà une <strong>com</strong>mune de se scinder en deux. Les ONG,ainsi que le plénipotentiaire du gouvernementslovaque chargé des <strong>com</strong>munautés roms (leplénipotentiaire), ont dénoncé une initiativesusceptible d’inciter certaines municipalités à sediviser selon un clivage ethnique.n En septembre, la municipalité de Vrútky a érigé unmur de béton pour séparer une école maternelle, desmaisons de retraite et un ensemble d’appartementsd’une zone voisine essentiellement habitée par desRoms.Droit à l’éducationEn avril, le Comité des droits de l’homme s’est ditpréoccupé par les informations persistantes sur laségrégation de fait des enfants roms dans le systèmeéducatif, ainsi que sur le placement d’élèves roms308 Amnesty International - Rapport 2012


dans des écoles spéciales destinées aux enfantsprésentant un handicap mental léger. Il a appelé legouvernement slovaque à en finir avec la ségrégationdans le système scolaire. La Commission européennea tenu en mai une réunion sur l’intégration des Romsen Slovaquie, au cours de laquelle les participants ontconstaté la poursuite de la ségrégation dansl’enseignement. Cette réunion s’est conclue sur unappel au gouvernement, qui a été invité à adopterune stratégie claire en vue de l’éradication de laségrégation. En décembre, le <strong>com</strong>missaire aux droitsde l’homme du Conseil de l’Europe a re<strong>com</strong>mandéaux autorités slovaques d’imposer à toutes les écolesl’obligation de mettre fin à la ségrégation.n Les parents d’élèves roms scolarisés en premièreannée à l’école primaire de Levoča ont appris enseptembre que leurs enfants seraient regroupés dansdes classes à part. L’école aurait mis en place cesclasses à la suite d’une pétition de parents non roms,demandant que soit limité le nombre d’enfantsprovenant de <strong>com</strong>munautés « antisociales ». Ledirecteur a déclaré que cette mesure visait à créer unenvironnement éducatif adapté aux jeunes élèvesroms. Le plénipotentiaire a estimé que la mise en placede classes distinctes pouvait constituer une pratiqueségrégationniste. Il a fait part de sa volonté de porterplainte auprès de l’Inspection générale des écoles sirien n’était fait pour y mettre fin.n Le tribunal du district de Prešov, dans l’est de laSlovaquie, a estimé en décembre que, en plaçant lesélèves roms dans des classes séparées, l’écoleprimaire de la ville de Šarišské Michaľany avaitcontrevenu à la législation contre la discrimination.Droits en matière de logementLes personnes qui vivaient dans des campementsillégaux roms risquaient souvent d’être expulsées deleurs logements et n’avaient pas accès aux servicesles plus élémentaires. En septembre, le Parlement aproposé de modifier la réglementation sur les permisde construire, afin d’obliger les municipalités àdémolir les bâtiments construits illégalement sur desterrains pour lesquels les occupants n’avaient pas detitre de propriété. Ce projet suggérait de sanctionnerles <strong>com</strong>munes qui ne réaliseraient pas les démolitionsprescrites dans un délai à fixer par la loi. Les servicesdu plénipotentiaire se sont inquiétés de cetteproposition, qui était selon eux contraire à lalégislation contre la discrimination et risquait decauser un tort considérable aux Roms vivant dansdes campements illégaux. Le ministère desTransports, de la Construction et du Développementrégional a annoncé en novembre qu’il allait revoir leprojet, en vue de proposer un nouveau texte demodification en 2012.n À Košice, la zone de Demeter, où environ 80 Romsvivaient dans des logements précaires, a été rasée parla municipalité le 16 mai, sous prétexte que cesmaisons, situées à côté d’une décharge, constituaientun problème en termes de salubrité et de sécurité.Les habitants qui ont demandé à être relogés enurgence ont été hébergés sous des tentes. Leplénipotentiaire a estimé que cette mesure prise parla municipalité constituait de fait une expulsionforcée, contraire au droit aussi bien slovaquequ’international.n Au mois de mai, le maire de Žiar nad Hronom aappelé le gouvernement à « résoudre le problèmerom », et notamment la question des campementsillégaux. Cet appel, soutenu, selon ses promoteurs, parplus de 300 maires, plaidait pour un strictencadrement des « habitants antisociaux ». Lamunicipalité de Žiar nad Hronom a annoncé en juin lerelogement dans des conteneurs métalliques d’uncertain nombre de Roms résidant dans une zoneoccupée illégalement. Leur expulsion a eu lieu ennovembre. Les autorités locales n’auraient apportéaucune aide aux personnes concernées, sous prétexteque celles-ci n’en auraient pas exprimé le souhait.Treize Roms se sont finalement retrouvés sans abri.n Près de 90 familles roms de Plavecký Štvrtok, unvillage situé au nord de Bratislava, étaient toujoursmenacées d’expulsion forcée. Les avis de démolitionémis en 2010 ont été suspendus par le parquet pourdes vices de procédure. Le maire a cependant déclaréque le conseil municipal avait l’intention de prendre denouveaux arrêtés de démolition à l’encontre despropriétaires de bâtiments construits illégalement.L’eau courante a été coupée dans les maisonsconcernées en octobre. La municipalité a installé à laplace une citerne d’eau payante destinée auxhabitants.Stérilisation forcée de femmes romsEn avril, le Comité des droits de l’homme a reproché àla Slovaquie la portée limitée de l’enquête menée surla stérilisation forcée dont auraient été victimes par lepassé des femmes roms. Il s’est également ditpréoccupé par l’absence d’informations concernantles mesures prises pour mettre fin aux stérilisationsforcées, qui, selon certaines sources, continuaientd’être pratiquées.SAmnesty International - Rapport 2012309


Sn Le 8 novembre, la Cour européenne des droits del’homme a estimé, dans son premier arrêt concernantun cas de stérilisation forcée, que le gouvernementslovaque avait violé les droits fondamentaux de V. C.,une femme appartenant à la <strong>com</strong>munauté rom. Lastérilisation – sans le consentement en parfaiteconnaissance de cause de la patiente – représentaitune ingérence majeure dans l’état de santéreproductive de celle-ci. Elle a porté atteinte à son droitde ne pas être soumise à des mauvais traitements et àson droit au respect de sa vie privée et familiale. LaCour a également relevé que le fait de se référer àl’origine ethnique de la requérante, dans son dossiermédical, était révélateur d’un certain état d’esprit de lapart du personnel médical quant à la façon dont ilconvenait de traiter sa santé en tant que Rom. Selonune juriste représentant le Centre des droits civils ethumains (Poradňa pre občianske a ľudské práva, uneONG slovaque), le cas de V. C. ne serait que la partievisible de l’iceberg. Elle a appelé le gouvernement àcesser de nier ses responsabilités dans cette pratique,à présenter ses excuses à toutes les victimes et à leuraccorder des réparations pleines et entières.Torture et autres formes de mauvaistraitementsLe Comité des droits de l’homme a rappelé àplusieurs reprises à la Slovaquie qu’elle devaitrenforcer son action pour lutter contre les agressionsracistes perpétrées par des responsables del’application des lois, en particulier contre des Roms.n Au mois de septembre, le tribunal du district deKošice a tenu une audience concernant l’affaire desmauvais traitements présumés auxquels six jeunesRoms auraient été soumis par des policiers en avril2009. Les fonctionnaires mis en cause et les parentsdes jeunes garçons sont venus témoigner. L’affaire étaiten cours.Détenus de GuantánamoDeux des trois anciens détenus de la base américainede Guantánamo accueillis en Slovaquie en 2010 ontregagné leur pays d’origine respectif (la Tunisie pourl’un, l’Égypte pour l’autre). Celui qui est reparti pourl’Égypte aurait été arrêté dès son arrivée, en juin, etinculpé de terrorisme. Le ministre de l’Intérieur aindiqué que ces deux hommes étaient repartis dansleurs pays de leur plein gré. Les trois anciens détenuss’étaient vu délivrer des permis de séjour enSlovaquie en 2010, après avoir été placés dans uncentre pour immigrés illégaux où ils avaient mené unegrève de la faim en signe de protestation contre leurdétention et leurs conditions de vie.Droits des lesbiennes, des gays,des personnes bisexuelles et destransgenresUne modification du Code du travail entrée envigueur en avril a étendu aux préférences sexuelles laliste des facteurs de discrimination interdits par la loi.Une Gay Pride s’est déroulée en juin àBrastislava, pour la deuxième fois. Elle a réuni plusd’un millier de participants. Les organisateurs ontsalué la coopération de la police et les progrèsconstatés par rapport à l’année précédente (où lapolice avait déclaré qu’elle ne serait pas en mesurede protéger les participants, contraignant ainsi lesorganisateurs à modifier le tracé de lamanifestation). Quelques incidents mineurs ont étésignalés et la police a arrêté plusieurs contremanifestants.Le défilé s’est déroulé en présence dumaire de Bratislava et d’un certain nombre deparlementaires.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Slovaquie enfévrier, en mai, en juin et en novembre.4 Right to education without discrimination: Policy brief to the Slovakgovernment (EUR 72/003/2011).SLOVÉNIERÉPUBLIQUE DE SLOVÉNIEChef de l’État :Danilo TürkChef du gouvernement :Borut PahorPeine de mort :aboliePopulation :2 millionsEspérance de vie :79,3 ansMortalité des moins de cinq ans : 3 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 99,7 %Malgré quelques mesures allant dans le bonsens, les droits des « effacés », ces personnesrayées en toute illégalité des registres de lapopulation slovène en 1992, n’avaient toujourspas été rétablis. Les Roms étaient toujours enbutte à des discriminations.310 Amnesty International - Rapport 2012


DiscriminationLes « effacés »Bien que quelques mesures encourageantes aient étéadoptées, les autorités ne garantissaient toujours pasles droits de certains habitants du pays, originairesd’autres républiques de l’ex-Yougoslavie et radiésillégalement du registre slovène des résidentspermanents en 1992. Cette situation se traduisait pardes violations des droits économiques et sociaux despersonnes concernées. Certaines d’entre elles ont enoutre été expulsées du pays.Le Parlement a adopté en mars une loi autorisantle rétablissement du statut de résident permanentd’une majorité de ces personnes « effacées ». Cetteinitiative constituait un premier pas important sur lavoie d’une totale restitution des droits de cesdernières. Elle ne prévoyait toutefois pas deréparations pour les violations dont elles avaient étévictimes. Elle ne garantissait pas non plus lajouissance des droits économiques, sociaux etculturels. Les autorités n’ont pas proposé de mesures<strong>com</strong>plémentaires susceptibles de permettre unrétablissement <strong>com</strong>plet des droits des « effacés ». Ungrand nombre d’hommes et de femmes restaient enoutre exclus des dispositions de la nouvelle loi.À la demande du gouvernement slovène, l’affaireKurić et autres c. Slovénie a été soumise en février2011 à la Grande Chambre de la Cour européennedes droits de l’homme. Une audience de la GrandeChambre a eu lieu en juillet. Aucune décision n’avaitété rendue à la fin de l’année. La Cour avait estimé enjuillet 2010 que l’« effacement » des requérants avaitconstitué une violation de leur droit à disposer d’unrecours, ainsi que de leur droit à une vie privée et àune vie de famille.Les RomsLe gouvernement n’avait pas mis en place demécanisme permettant d’assurer un suivi desdiscriminations exercées à l’égard des Roms. Iln’existait pas de recours efficace en cas d’actes dediscrimination <strong>com</strong>mis par des acteurs privés oupublics.Droits à un logement convenable, à l’eauet à des installations sanitairesEn dépit d’un certain nombre de mesures positives dela part des pouvoirs publics, la majorité des Roms nebénéficiaient toujours pas d’un logement convenable.De nombreux Roms vivaient regroupés dans desbidonvilles ou des campements de fortune, souventisolés en milieu rural, sur des terrains pour lesquelsils n’avaient aucune garantie d’occupation. Dans leszones d’habitat informel, ils n’étaient pas à l’abrid’expulsions forcées et n’avaient aucun accès auxservices publics, y <strong>com</strong>pris au réseaud’assainissement. Dans certaines <strong>com</strong>munes, lesRoms étaient obligés d’aller chercher l’eau (pour leurconsommation, la cuisine et la toilette) dans descours d’eau pollués ou à des robinets publics destations-services et de cimetières.En octobre, les autorités municipales de Škocjan,sous la pression d’organisations de la société civile,ont pris des mesures pour que le quartier rom de laville soit enfin alimenté en eau.En mai, la Commission gouvernementale pour laprotection des Roms a re<strong>com</strong>mandé à toutes lesmunicipalités d’alimenter en eau les zones etquartiers informels habités par des Roms. Aucunbudget n’a cependant été dégagé par legouvernement pour financer l’application de cettere<strong>com</strong>mandation.La rapporteuse spéciale des Nations unies sur ledroit à l’eau potable et à l’assainissement a appelé enseptembre les pouvoirs publics à assurer sans délail’accès de la population rom à l’eau et àl’assainissement, et à leur garantir la sécuritéd’occupation de leurs logements, notamment enrégularisant les installations informelles.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des déléguées d’Amnesty International se sont rendues en Slovénie enmars.4 Parallel lives: Roma denied rights to housing and water in Slovenia(EUR 68/005/2011).SAmnesty International - Rapport 2012311


SSOMALIERÉPUBLIQUE DE SOMALIEChef de l’État : Sharif Sheikh Ahmed, président dugouvernement fédéral de transitionPremier ministre : Mohamed Abdullahi Mohamed Farmajo,remplacé par Abdiweli Mohamed Ali le 19 juinPrésident de la République du Somaliland : Ahmed MohamedMahamoud SilanyoPeine de mort :maintenuePopulation :9,6 millionsEspérance de vie :51,2 ansLe conflit opposant le groupe armé islamiste AlShabab (Les Jeunes) et les forcesprogouvernementales s’est poursuivi dans le sudet le centre de la Somalie. Des milliers de civilsont été tués ou blessés dans le cadre du conflitarmé et de la violence généralisée ; descentaines de milliers d’autres ont dû quitter leurfoyer. En juillet et en août, l’ONU a annoncél’état de famine dans six régions du sud du pays.L’accès des organisations humanitaires aux civilsétait toujours entravé par les <strong>com</strong>bats,l’insécurité et les restrictions imposées par lesparties au conflit. Cette année encore, lesemployés d’organisations humanitaires, lesjournalistes et les militants des droits humainsont été la cible d’atteintes aux droitsfondamentaux. Le gouvernement fédéral detransition (GFT) et les milices qui lui sont alliéesont étendu leur contrôle sur la capitale,Mogadiscio, ainsi que sur quelques zones du sudde la Somalie. Les forces armées kényanes sontintervenues en octobre dans le pays contre lamilice Al Shabab. Les groupes arméspratiquaient de plus en plus le recrutementforcé, y <strong>com</strong>pris d’enfants, et continuaientd’enlever, de torturer et de tuer illégalement despersonnes dans les zones qu’ils contrôlaient.Des atteintes graves aux droits humains, dontcertaines constituaient des crimes de guerre,restaient impunies. La situation sécuritaire s’estdégradée dans la région semi-autonome duPuntland, où des attaques ont visé des agents del’État, des juges et des journalistes ; desaffrontements entre groupes locaux ont parailleurs eu lieu à Galkayo. Les réfugiés et lesmigrants étaient confrontés à une hostilitécroissante dans le Somaliland.ContexteEn février, le GFT et la Mission de l’Union africaine enSomalie (AMISOM) ont lancé une offensive militairecontre Al Shabab à Mogadiscio. En août, la milice aannoncé qu’elle se retirait de la capitale ; celle-ci étaità la fin de l’année majoritairement sous le contrôle duGFT et de l’AMISOM ; des affrontements sepoursuivaient toutefois à la périphérie de la ville.Dans le sud de la Somalie, des milices alliées auGFT et soutenues par le Kenya et l’Éthiopie ont pris lecontrôle d’un territoire jusque-là tenu par Al Shabab,notamment la ville de Dobley, à la frontière kényane.En octobre, à la suite d’enlèvements dans les régionsfrontalières, le Kenya est intervenu militairement poursoutenir le GFT dans le sud de la Somalie et aannoncé qu’il portait une offensive contre Al Shabab.Il a décidé en décembre que ses soldats présents enSomalie rejoindraient l’AMISOM. Des forcesfavorables au GFT et des troupes éthiopiennes ontconquis la ville frontalière de Beletweyne le31 décembre.En juin, l’Accord de Kampala – conclu sous l’égidede l’Ouganda et de l’ONU pour apaiser les tensionsentre le président du GFT et le président duParlement – a entraîné la démission du Premierministre Farmajo. Une feuille de route a été adoptéepour mettre fin à la période de transition en août2012. Le document, signé en septembre par le GFT,les autorités régionales du Puntland et du Galmuduget la milice Ahlu Sunna Wal Jamaa (ASWJ), donnait lapriorité au rétablissement de la sécurité, à l’adoptiond’une constitution, à la tenue d’élections, au dialoguepolitique et à la bonne gestion des affaires publiques.Mandatée pour protéger les institutions du GFTavec une force autorisée de 12 000 hommes,l’AMISOM a porté ses effectifs à environ 9 800 soldatsougandais et burundais, auxquels sont venuss’ajouter en décembre 100 soldats djiboutiens. Elle arépondu aux accusations selon lesquelles ses troupestiraient sans discernement des obus d’artillerie et desballes. En mars, trois soldats ougandais ont étédéclarés coupables de négligence par un tribunaldisciplinaire, dans le cadre de deux affaires où descivils avaient été la cible de tirs. L’AMISOM aégalement adopté des « directives concernant les tirsindirects » en vue de mieux contrôler l’utilisation desobus de mortier et d’artillerie.L’ONU a déclaré en juillet que plus de750 000 personnes risquaient de mourir de faim,essentiellement dans le sud et le centre de la312 Amnesty International - Rapport 2012


Somalie. En novembre, elle a annoncé que troiszones de ces régions sur six n’étaient plus en état defamine ; toutefois, 250 000 personnes risquaienttoujours de mourir de faim et quatre millions avaientbesoin d’aide.La <strong>com</strong>munauté internationale continuait desoutenir les forces de sécurité du GFT et les milicesalliées, malgré l’impunité dont elles bénéficiaient pourleurs atteintes graves et persistantes aux droitshumains. Le Groupe de contrôle des Nations unies aattiré l’attention sur les violations persistantes del’embargo sur les armes à destination de la Somalie.En juillet, le Conseil de sécurité des Nations unies aétendu le régime des sanctions aux individusresponsables du recrutement et de l’utilisationd’enfants soldats, et de violations du droitinternational. Le Groupe de contrôle n’a toutefois pasreçu de moyens supplémentaires pour s’acquitter deson mandat élargi.La situation des droits humains a été évoquée àl’ONU, par le secrétaire général, par l’expertindépendant chargé par le secrétaire générald’examiner la situation des droits de l’homme enSomalie et lors de l’Examen périodique universel de laSomalie par le Conseil des droits de l’homme. Aucunmécanisme n’a toutefois été mis en place pourenquêter sur les actes constitutifs de crimes auregard du droit international et mettre un terme àl’impunité de longue date.Le Conseil de sécurité a continué de renforcer lesmesures pour <strong>com</strong>battre la piraterie. Il a demandéaux États de participer à ce <strong>com</strong>bat, de mener desenquêtes débouchant sur des poursuites contre lespirates présumés et d’aider la Somalie à renforcer sacapacité de traduire les pirates en justice.Attaques menées sans discriminationDes milliers de civils ont été tués ou blessés en raisondes <strong>com</strong>bats, notamment lors d’attaques illégales.Cette année encore, les parties au conflit ont utilisédes obus de mortier et des tirs d’artillerie dans desquartiers de Mogadiscio densément peuplés oufréquentés par des civils, tuant ou blessant desmilliers de personnes dans des attaques menéessouvent sans discernement. Des civils ont égalementété tués ou blessés à la suite d’échanges de tirs entredifférentes unités du GFT dans la capitale, ainsi quepar des engins explosifs improvisés et des grenadesutilisés de plus en plus souvent à partir du moisd’août par la milice Al Shabab et ses sympathisants.Al Shabab a revendiqué des attentats-suicides qui onttué ou blessé des centaines de personnes. Des civilsont été tués ou blessés à la suite d’affrontementsentre Al Shabab et des groupes alliés au GFT dansdes villes ou à leur périphérie, ainsi que lors defrappes aériennes, dont certaines ont été menées parle Kenya, sur le sud et le centre de la Somalie.n Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS),1 590 personnes ont reçu des soins en mai dans troishôpitaux de Mogadiscio pour des blessures causéespar des armes. Parmi elles, 735 étaient des enfants demoins de cinq ans qui souffraient de brûlures, delésions au thorax et d’hémorragies internes dues à desballes, au souffle d’une déflagration ou à des éclatsprojetés à la suite d’une explosion. Cet afflux de blessésétait lié à une intensification des <strong>com</strong>bats, y <strong>com</strong>pris àl’arme lourde, entre les troupes de l’AMISOM et du GFTet Al Shabab autour du marché de Bakara, malgré laconcentration de civils dans ce quartier.n Le 4 octobre, plus de 70 personnes ont été tuées et100 autres au moins ont été blessées à la suite del’explosion d’un camion piégé au Kilomètre 4, uncarrefour très fréquenté à proximité d’un <strong>com</strong>plexe duGFT à Mogadiscio. Parmi les victimes figuraient unecinquantaine d’étudiants ou leurs parents, qui étaientvenus au ministère de l’Éducation pour savoir si leurdemande de bourse d’études à l’étranger avait étéacceptée. Cet attentat a été revendiqué par Al Shabab.n Le 30 octobre, cinq personnes au moins, dont troisenfants, ont été tuées lors d’un raid aérien qui a frappéun camp de personnes déplacées à Jilib (région duBas-Juba). Cinquante-deux autres personnes aumoins, dont 31 enfants, ont été blessées. L’arméekényane a affirmé qu’elle avait mené ce jour-là uneattaque aérienne contre un camp d’Al Shabab dans lamême zone, mais elle a nié avoir tué des civils. Lesconclusions d’une enquête officielle kényane n’avaientpas été rendues publiques à la fin de l’année.Personnes déplacées, réfugiés etmigrantsLes <strong>com</strong>bats, l’insécurité et la malnutrition sévère ontcontraint des centaines de milliers de personnes àquitter leur foyer. Selon le Haut-Commissariat desNations unies pour les réfugiés (HCR), 1,36 millionde Somaliens étaient déplacés à l’intérieur du pays,essentiellement dans le sud et le centre, à la fin del’année.Quelque 35 000 personnes qui fuyaient lasécheresse dans le sud de la Somalie sont arrivées àSAmnesty International - Rapport 2012313


SMogadiscio en juillet. Les informations faisant état deviolences sexuelles infligées à des femmes et desjeunes filles dans des camps de personnes déplacéesdans la capitale se sont multipliées à partir de juillet.En octobre, 41 000 personnes environ ont dûquitter Mogadiscio et ses alentours, ainsi que larégion du Bas-Juba, à cause des affrontements oupar crainte des <strong>com</strong>bats.En août, les autorités du Puntland ont renvoyé deforce des hommes déplacés vers le sud et le centrede la Somalie ; d’autres ont été placés en détention.L’afflux de civils dans les pays voisins a augmenté.Au cours de l’année, 164 375 Somaliens se sontréfugiés au Kenya et 101 333 autres en Éthiopie.Certains pays, <strong>com</strong>me l’Arabie saoudite, ont renvoyédes Somaliens vers le sud et le centre de la Somaliemalgré les risques qu’encouraient ces personnes.En juin, la Cour européenne des droits de l’hommea rendu dans l’affaire Sufi et Elmi c. Royaume-Uni unarrêt de principe qui concluait que les renvois forcésvers le sud et le centre de la Somalie ne pouvaientêtre légaux que dans des circonstancesexceptionnelles, étant donné la situation humanitaireet des droits humains désastreuse que connaissait lepays (voir Royaume-Uni et le résumé Europe et Asiecentrale).Restrictions à l’aide humanitaireQuelque quatre millions de personnes avaient besoind’une aide humanitaire à la fin de l’année en raisondu conflit armé et de la sécheresse. La <strong>com</strong>munautéinternationale a accru son aide après l’annonce de lafamine en juillet. Les opérations humanitaires étaienttoujours entravées par les <strong>com</strong>bats, l’insécurité, lesrestrictions à l’accès aux populations et lesmanœuvres d’intimidation contre les employés desorganisations de secours. Des travailleurshumanitaires ont été enlevés ; six au moins ont ététués. Le détournement de l’aide restait source depréoccupation.n Le 20 octobre, Médecins sans frontières (MSF) a étécontraint de suspendre une campagne de vaccinationcontre la rougeole pour 35 000 enfants à Daynile, à lapériphérie de Mogadiscio, à cause de <strong>com</strong>bats quiavaient éclaté entre les troupes du GFT et de l’AMISOMet Al Shabab.n En juillet, un porte-parole d’Al Shabab a déclaré queles organisations humanitaires pouvaient intervenirauprès des populations touchées par la sécheressedans le sud du pays, mais il a précisé par la suite queles organisations qui avaient été interdites en janvier2010 par la milice ne seraient pas autorisées à revenir.Le 28 novembre, Al Shabab a interdit à six agences del’ONU et 10 organisations humanitaires d’opérer dansles régions sous son contrôle. Des membres de lamilice ont fermé les locaux de certaines de ces agenceset pillé une partie du matériel humanitaire.n Les opérations humanitaires dans les camps depersonnes déplacées à Mogadiscio ont été entravéespar des échanges de tirs entre des troupes du GFT etdes personnes qui pillaient l’aide alimentaire. Le5 août, cinq personnes au moins auraient été tuéesdans le camp de déplacés de Badhabo lorsque descamions transportant de l’aide alimentaire ont été pilléspar des membres de milices alliées au GFT. Celui-ci aaverti que les pillards seraient punis. Toutefois, le<strong>com</strong>missaire de district de Karan, qui avait étécondamné à 15 ans d’emprisonnement par un tribunalmilitaire pour avoir pillé de l’aide humanitaire, aurait étégracié en novembre.n Trois employés du Conseil danois pour les réfugiésont été enlevés le 25 octobre à Galkayo-Sud. Deuxd’entre eux étaient toujours détenus à la fin de l’année.n Ahmed Jama Mohamed, employé du Conseilnorvégien pour les réfugiés, a été abattu le18 novembre par des hommes armés non identifiés àGalkayo.n Muhyedin Yarrow et Mohamed Salad, employés duProgramme alimentaire mondial (PAM), et AbdulahiAli, employé d’une ONG somalienne, ont été tués le23 décembre à Mataban, dans la province de Hiran.n Philippe Havet et Andrias Karel Keiluhu, employésde MSF, ont été tués par balle le 30 décembre àMogadiscio.Enfants soldatsAl Shabab a continué de recruter par la force desgarçons, dont certains n’avaient que huit ans, avantet pendant des opérations militaires. Beaucoupétaient envoyés au front. Des filles étaient égalementrecrutées pour faire la cuisine et le ménage pour lesmembres d’Al Shabab ; certaines étaient contraintesd’épouser des miliciens.Le GFT a réaffirmé son engagement d’empêcherl’utilisation d’enfants soldats. Toutefois, au moins46 personnes de moins de 18 ans figuraient parmi lesrecrues du GFT désignées pour suivre unentraînement militaire à l’étranger. Le GFT maintenaitd’anciens enfants soldats en détention avec desadultes, dans des conditions déplorables et sans leur314 Amnesty International - Rapport 2012


fournir de véritables possibilités de réinsertion aprèsleur remise en liberté.Exactions perpétrées par des groupesarmésLes factions d’Al Shabab continuaient de torturer etde tuer illégalement des personnes qu’ellesaccusaient d’espionnage ou qui ne se conformaientpas à leur interprétation du droit islamique. Elles ontexécuté des personnes en public, notamment parlapidation, et ont procédé à des mutilations et à desflagellations. EIles imposaient également un codevestimentaire restrictif aux hommes et aux femmes.n Le 4 janvier, Nur Mohamed Nur, un jeune hommed’environ 19 ans accusé de vol par des membres d’AlShabab, a été amputé d’un pied et d’une main àBaidoa. Les miliciens auraient obligé les habitants de laville à assister à ces mutilations.n Le 6 mars, Abdullahi Hajji Mohammed et AbdinasirHussein Ali ont été exécutés par balle en public par desmembres d’Al Shabab dans le camp militaire deMaslah, à Mogadiscio. Selon certaines sources, lepremier avait été accusé d’espionnage pour le <strong>com</strong>ptedu GFT et le second d’avoir tué des membres d’AlShabab.n Shamarke Abdullahi Mohamoud, âgé semble-t-il de18 ans et accusé d’avoir violé une jeune fille, a étélapidé le 16 juin dans la région de Hiran par desmembres d’Al Shabab.n Les corps décapités de deux jeunes hommes ont étéretrouvés fin août dans le nord de Mogadiscio.Plusieurs autres corps décapités ont été retrouvés à lamême époque, alors qu’Al Shabab avait semble-t-ilaverti que les personnes qui collaboraient avec le GFTet l’AMISOM seraient décapitées.Liberté d’expressionLes parties au conflit ont continué d’intimider lesjournalistes somaliens et les organisations de lasociété civile. Au moins trois employés des médiasont été tués. Les autorités du Puntland ont arrêté desjournalistes de manière arbitraire et restreint la libertédes médias.n Le 4 août, Farah Hassan Sahal, qui travaillait pourRadio Simba, a été blessé par balle sur le marché deBakara lors d’une offensive du GFT et de l’AMISOMcontre Al Shabab ; il n’a pas survécu à ses blessures.n Le 2 septembre, Noramfaizul Mohd, un caméramanmalaisien de la chaîne de télévision Bernama TV, a ététué par balle alors qu’il couvrait une opération d’aidehumanitaire à Mogadiscio ; son collègue Aji Saregar aété blessé lors du même épisode. L’AMISOM aannoncé le 26 septembre que quatre soldatsburundais étaient responsables de ces tirs et qu’ilsdevaient être jugés dans leur propre pays.n Le 18 décembre, Abdisalan Sheikh Hassan,journaliste de la chaîne de télévision Horn Cable TV, areçu une balle dans la tête alors qu’il circulait dansMogadiscio à bord d’une voiture. Selon des témoins, leprojectile a été tiré par un homme en uniforme militaire.Le journaliste est mort peu de temps après. Le GFT apromis d’ouvrir une enquête.n Le 2 juillet, Faysal Mohamed Hassan, journaliste àHiiraan Online, a été condamné à un and’emprisonnement par un tribunal du Puntland pour« publication de fausses nouvelles ». Il a été gracié le31 juillet.En novembre, les autorités du Puntland ont interditles chaînes de télévision Universal TV et SomaliChannel TV, qu’elles accusaient d’activités contrairesà la paix et à la sécurité. L’interdiction d’Universal TVa été levée le 3 décembre.Peine de mortAu moins 32 condamnations à mort et six exécutionsont été signalées à Mogadiscio. Les sentencescapitales avaient été prononcées par le tribunalmilitaire du GFT à l’issue de procès qui nerespectaient pas les garanties d’équité les plusélémentaires. En août, un décret présidentiel a donnéau tribunal militaire du GFT <strong>com</strong>pétence pour jugerles civils dans certains quartiers de Mogadiscio dontles membres d’Al Shabab s’étaient retirés. Le GFT apar la suite donné l’assurance que les civils jugés parle tribunal militaire ne seraient pas exécutés et qu’àl’avenir les civils <strong>com</strong>paraîtraient devant desjuridictions ordinaires.Dans le sud de la Somalie, des milices alliées auGFT auraient exécuté deux soldats au moins. AuPuntland, au moins quatre hommes ont étécondamnés à mort et trois ont été exécutés. Lesautorités du Galmudug ont exécuté un homme pourmeurtre à Galkayo.n Le 22 août, deux hommes reconnus coupables demeurtre par le tribunal militaire du GFT ont été passéspar les armes à Mogadiscio.SomalilandDes milliers de personnes auraient fui leur foyer à lasuite d’affrontements entre les forces de sécurité duSAmnesty International - Rapport 2012315


SSomaliland et un groupe armé dans les régionscontestées de Sool et de Sanag. En juin, une militantepour la paix a été blessée par balle dans la région deSool.Des journalistes auraient été harcelés par lesautorités du Somaliland.Une nouvelle loi réglementant les activités desorganisations de la société civile a été adoptée enmai. On craignait qu’elle ne renforce le contrôle dugouvernement sur les organisations locales etinternationales au Somaliland et ne restreigne leursactivités.Les réfugiés, les demandeurs d’asile et les migrantsétaient en butte à une hostilité croissante. Enseptembre, les autorités ont donné à tous les« immigrants illégaux » un délai d’un mois pour quitterle pays. Près de 80 000 personnes, des Éthiopienspour la plupart, étaient concernées.n En juin, Abdulsalam Haji Mukhtar, un réfugiééthiopien, a été renvoyé de force dans son paysd’origine, où il risquait d’être torturé.Visites et documents d’AmnestyInternational4 Somalie. Dans la zone de feu. Les enfants victimes du conflit en Somalie(AFR 52/001/2011).4 Somalia: a humanitarian and human rights catastrophe(AFR 52/012/2011).4 Suggested re<strong>com</strong>mendations to States considered in the 11th round ofUniversal Periodic Review, 2-13 May 2011, Somalia (IOR 41/008/2011).SOUDANRÉPUBLIQUE DU SOUDANChef de l’État et du gouvernement : Omar Hassan Ahmad elBéchirPeine de mort :maintenueLes données ci-dessous couvrent le Soudan et le Soudan du Sud:Population :44,6 millionsEspérance de vie :61,5 ansMortalité des moins de cinq ans : 108,2 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 70,2 %Le Soudan a connu des transformations majeures, lapartie méridionale du pays ayant fait sécession le9 juillet à la suite d’un référendum sur sonautodétermination. Les accords de l’aprèsindépendancesur le partage des ressourcespétrolières, la nationalité et la démarcation desfrontières étaient en cours de négociation à la fin del’année. Le conflit s’est encore intensifié au Darfouret il s’est étendu à la région d’Abyei et aux États duKordofan méridional et du Nil bleu, contraignantdes centaines de milliers de personnes à fuir cesrégions. Cette année encore, des personnesconsidérées <strong>com</strong>me critiques vis-à-vis dugouvernement et qui avaient exercé leur droit à laliberté d’expression, d’association et de réunion ontété victimes de violations de leurs droitsfondamentaux imputables à des agents du Servicenational de la sûreté et du renseignement (NISS) età d’autres agents gouvernementaux.ContexteUn référendum sur l’autodétermination du Sud-Soudan a eu lieu le 9 janvier dans le cadre del’Accord de paix global conclu en 2005 entre le Partidu Congrès national, au pouvoir, et le Mouvementpopulaire de libération du Soudan (MPLS), un anciengroupe armé d’opposition actif dans le sud du pays.Les résultats ont montré que 98,83 % des Sud-Soudanais avaient voté en faveur de l’indépendance.Un autre référendum, également prévu pour le9 janvier et visant à déterminer si Abyei devait fairepartie du Soudan ou du Soudan du Sud, a étéajourné indéfiniment en raison de désaccords àpropos du droit de vote des deux principaux groupesethniques : les Misseriyas semi-nomades du nord etles Dinkas Ngoks du sud.Des consultations populaires devaient égalementse tenir dans les États du Kordofan méridional et duNil bleu en vue de définir le niveau d’autonomie deces deux États à l’intérieur du Soudan. Le 17 mai,Ahmed Mohammed Haroun, candidat du Parti duCongrès national, a été élu gouverneur du Kordofanméridional en dépit d’allégations de fraude formuléespar le MPLS. Cet homme faisait l’objet d’un mandatd’arrêt décerné par la Cour pénale internationale(CPI) pour crimes de guerre et crimes contrel’humanité <strong>com</strong>mis au Darfour. Après l’accession duSoudan du Sud à l’indépendance, le MPLS auSoudan a été rebaptisé MPLS-Nord (MPLS-N).Le processus de paix au Darfour n’avaitpratiquement pas progressé à la fin de l’année.L’insécurité persistante dans la région entravait laconsultation des parties concernées au Darfour.Le mandat de la Mission des Nations unies auSoudan (MINUS) a pris fin le 9 juillet. Celui de la316 Amnesty International - Rapport 2012


mission hybride de l’Union africaine et des Nationsunies au Darfour (UNAMID) a été renouvelé pour unan le 29 juillet. Le 23 septembre, lors de sa18 e session, le Conseil des droits de l’homme [ONU]a adopté les conclusions de l’Examen périodiqueuniversel sur le Soudan. Le Conseil a renouvelé le29 septembre le mandat de l’expert indépendant surla situation des droits de l’homme au Soudan.Le 7 août, le Mouvement pour la justice et l’égalité(MJE), l’Armée de libération du Soudan-faction MinniMinawi (ALS-MM), l’ALS-faction Abdul Wahid etl’Armée populaire de libération du Soudan-Nord(APLS-N) ont annoncé la formation d’une allianceopposée au Parti du Congrès national, au pouvoir. Le24 décembre, Khalil Ibrahim, dirigeant du MJE, a ététué par les Forces armées soudanaises au coursd’une offensive dans le Kordofan septentrional.Justice internationaleCette année encore, le gouvernement soudanais n’apas coopéré avec la CPI pour exécuter les mandatsd’arrêt décernés contre le président el Béchir en2009 et 2010 et contre Ahmed Haroun, gouverneurdu Kordofan méridional, et Ali Mohammed AliAbdelrahman (alias Ali Kushayb), un ancien chef desJanjawids, en 2007. Le procureur de la CPI a requis,le 2 décembre, la délivrance d’un mandat d’arrêtcontre le ministre de la Défense, AbdelrahimMohamed Hussein.L’Union africaine a réaffirmé en janvier sa décisionde ne pas coopérer avec la CPI pour l’arrestation duprésident Omar el Béchir, mais elle n’a pas recueilliun soutien suffisant à l’appel qu’elle a lancé auConseil de sécurité des Nations unies pour qu’ilsuspende la procédure de la CPI pendant 12 mois eninvoquant l’article 16 du Statut de Rome. L’Unionafricaine a réaffirmé en juillet son soutien aux paysqui n’avaient pas procédé à l’arrestation du présidentel Béchir. En décembre, la chambre préliminaire de laCPI a conclu que le Malawi et le Tchad n’avaient pasrespecté leurs obligations d’arrêter le président alBéchir et en a référé au Conseil de sécurité et àl’Assemblée des États parties au Statut de Rome.Conflit armé – DarfourEn 2011, les violations des droits humains étaientmonnaie courante dans toute la région du Darfour.Des villes et des villages, les régions alentour et descamps de personnes déplacées ont été attaqués. Ilsont subi d’une part des bombardements, notammentaériens, menés par les forces gouvernementales – y<strong>com</strong>pris la Police de réserve centrale et les Forces dedéfense populaire (FDP) – et les milices qui leur sontalliées, et d’autre part des attaques au sol menées pardes groupes d’opposition armés. Des civils ont étéblessés, d’autres tués, et des biens ont été pillés oudétruits. Le coordonnateur des affaires humanitairesde l’ONU a annoncé, le 27 mai, que plus de70 000 personnes avaient été déplacées par les<strong>com</strong>bats depuis décembre 2010.Entre décembre 2010 et juin 2011, desaffrontements ont opposé les troupesgouvernementales et des groupes d’opposition armésdans le Darfour septentrional, notamment dans lesrégions entre Khor Abeche, Abu Zerega et Tabit. Plusde huit villages auraient été détruits et des dizainesde milliers de personnes ont fui les <strong>com</strong>bats.Le gouvernement a fortement restreint l’accès de laMINUAD et des organisations humanitaires à larégion, les empêchant de surveiller la situation et defournir des services de base à la population civile.En février, le gouvernement a interdit àl’organisation humanitaire Catholic Relief Services detravailler dans le Darfour occidental pendant un mois.Toujours en février, l’organisation humanitaireMédecins du monde, accusée semble-t-ild’« espionnage », a été expulsée du Darfourméridional. Des membres du personnel local etinternational d’organisations humanitaires et de laMINUAD ont été arrêtés et placés en détention.Les forces de sécurité ont mené des opérations deratissage dans des camps de personnes déplacéessitués dans des zones peuplées par des Zaghawas,un groupe ethnique considéré <strong>com</strong>me sympathisantde l’ALS-MM. Le 23 janvier, lors d’une descente dansle camp de déplacés de Zamzam, les troupesgouvernementales ont arrêté plus de 80 personnes,dont trois femmes, et pillé des biens dans deshabitations. La MINUAD n’avait pas été informée aupréalable, en violation de la Convention sur le statutdes forces, qui requiert que les actions concernantles camps de déplacés fassent l’objet deconsultations entre le gouvernement et la MINUAD.Cette année encore, des femmes et des fillesdéplacées ont été victimes de viol, entre autresviolences sexuelles, <strong>com</strong>mis par des membres desforces gouvernementales et des milices qui leur sontalliées. Le 13 janvier, six femmes et filles déplacéesont été violées à proximité de Tawilla, au Darfourseptentrional, par deux hommes qui appartenaientSAmnesty International - Rapport 2012317


Ssemble-t-il à une milice alliée au gouvernement. Le22 mars, des policiers armés ont enlevé quatrefemmes à leur domicile non loin de Shangil Tobaya ;ils les ont battues et ont violé l’une d’elles. Le1 er octobre, dans deux affaires distinctes, desmembres d’une milice alliée au gouvernement ontenlevé et violé à plusieurs reprises deux adolescentesde 12 et 14 ans dans la région de Kabkabiya, auDarfour septentrional.n Trois membres de la MINUAD ont été arrêtés par desagents du NISS. Le 27 avril, l’agent chargé des affairesciviles Idris Yousef Abdelrahman a été arrêté à Nyala,au Darfour méridional. Il a été remis en liberté le20 juillet et toutes les accusations portées contre lui ontété abandonnées. Hawa Abdallah Mohamed, militantelocale et interprète pour la MINUAD, a été arrêtée le6 mai dans le camp de déplacés d’Abu Shouk, auDarfour septentrional, et accusée de « christianiser »des enfants du camp et d’être liée à un grouped’opposition armée. Elle a été libérée le 13 juillet. Unmembre du personnel de la MINUAD arrêté le3 septembre à El Fasher, au Darfour septentrional, aété libéré le 8 octobre sans avoir été inculpé.Conflit armé – zones de transitionLes Forces armées soudanaises ont occupé la villed’Abyei le 21 mai. Des attaques menées par lesForces armées soudanaises, les FDP et des milicessoutenues par l’armée ont contraint toute lapopulation de la ville et des villages avoisinants, soitplus de 100 000 personnes, à fuir vers le Sud-Soudan. Cette offensive a été lancée à la suited’affrontements armés qui avaient opposé les troupesgouvernementales à l’APLS entre janvier et mai. Deshabitations et les locaux d’ONG ont été pillés etincendiés par les milices alliées à l’armée. La MINUS,que les Forces armées soudanaises ont empêchéependant plusieurs jours d’entrer dans la ville d’Abyei,n’a pris que des mesures limitées pour protéger lapopulation. Le 27 juin, la Force intérimaire desécurité des Nations unies pour Abyei (FISNUA),créée par la résolution 1990 du Conseil de sécurité, aété mise en place à la suite d’un accord conclu enÉthiopie entre le Parti du Congrès national et le MPLSpour démilitariser Abyei et permettre à 4 200 soldatséthiopiens de contrôler la zone. À la fin de l’année,l’armée gouvernementale et l’APLS n’avaient pasentièrement retiré leurs troupes ; les habitants de laville d’Abyei et de la plupart des villages voisinsétaient toujours déplacés au Soudan du Sud, où ilsavaient un accès limité à l’hébergement, à lanourriture et à d’autres services de base. Le mandatde la FISNUA a été prolongé le 27 décembre.Un conflit a éclaté le 5 juin dans le Kordofanméridional entre les troupes gouvernementales et legroupe armé d’opposition APLS-N. Le gouvernementsoudanais a régulièrement procédé, sansdiscrimination, à des bombardements aériens qui onttué et blessé des civils. Un rapport publié en août parle Haut-Commissariat aux droits de l’homme [ONU] aexposé en détail des cas d’homicides illégaux, dedestructions massives et de pillages de biens civils,entre autres allégations d’agissements susceptibles deconstituer des crimes de guerre et des crimes contrel’humanité.Le conflit s’est étendu le 1 er septembre à l’État duNil bleu. Le lendemain, le président el Béchirproclamait l’état d’urgence et remplaçait legouverneur de l’APLS-N, Malik Aggar, par ungouverneur militaire.Les personnes déplacées par les <strong>com</strong>bats – plusde 300 000 dans le Kordofan méridional et 55 000 aumoins dans le Nil bleu – ont été contraintes de seréfugier dans d’autres régions, notamment dansl’ouest de l’Éthiopie, à Yida (État d’Unity, Soudan duSud) et dans le Haut-Nil. Les 8 et 10 novembre, lesforces gouvernementales ont bombardé le Haut-Nil etla région de Yida.Le gouvernement soudanais a refusé l’accès de larégion aux organisations internationales humanitaireset de défense des droits humains tout au long del’année.Conflit armé – Sud-SoudanLes violences inter<strong>com</strong>munautaires se sontpoursuivies dans le sud du Soudan. Lesaffrontements et les atteintes aux droitsfondamentaux des civils <strong>com</strong>mises par les groupesarmés d’opposition et les troupes gouvernementalesétaient aggravés par la prolifération d’armes légères.n Des heurts ont éclaté les 9 et 10 février entre desmembres de l’APLS et des soldats fidèles au généralGeorge Athor Deng, chef de l’opposition armée, dans le<strong>com</strong>té de Fangak (État de Jonglei). Au moins 154 civilsont trouvé la mort et 20 000 personnes ont étédéplacées. D’autres affrontements ont eu lieu le12 mars à Malakal, dans l’État du Haut-Nil.n Le 23 avril, des heurts ont éclaté entre l’APLS et destroupes fidèles à Gabriel Tanginye, un chef del’opposition armée, dans le village de Kaldak, État de318 Amnesty International - Rapport 2012


Jonglei. Quelque 15 000 personnes ont été contraintesde quitter leur foyer à la suite de la destruction de leurshabitations.Réfugiés et migrantsPlus de 300 réfugiés et demandeurs d’asileérythréens ont été renvoyés de force dans leur pays le17 octobre alors qu’un accord conclu entre le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés(HCR) et les autorités soudanaises prévoyait que cesÉrythréens seraient autorisés à déposer une demanded’asile au Soudan et alors que certains d’entre euxavaient le statut de réfugié.n Le 25 juillet, un demandeur d’asile de 23 ans estmort et un autre, âgé de 17 ans, a été grièvementblessé lorsqu’ils ont sauté d’un camion qui lesreconduisait de force à la frontière érythréenne.Liberté d’association et de réunionDes milliers de personnes ont manifesté dans tout lenord du pays, de janvier à avril puis en octobre,contre l’augmentation du coût de la vie et pour ladémocratie. La police et les agents du NISS ont arrêtédes centaines de militants et de membres etsympathisants de partis d’opposition. Certains ont étémaintenus au secret et ont été torturés ou maltraités.L’APLS-N a été interdite en septembre, ses bureauxont été fermés et plus de 200 de ses membresauraient été arrêtés.n La police a arrêté plus de 70 personnes le 30 janvierà Khartoum pour les empêcher de manifester.Mohamed Abdelrahman aurait subi des mauvaistraitements en garde à vue et, d’après des informationsqui n’ont pas été confirmées, il est mort le lendemain àl’hôpital. Aucune enquête n’a été menée.n Une centaine de personnes ont été arrêtées le20 avril à la suite d’un mouvement de protestation àl’université de Nyala, dans le Darfour méridional. Ellesavaient toutes été libérées en septembre.n Bushra Gamar Hussein Rahma, militant des droitshumains et membre de l’APLS-N, a été arrêté le 25 juinà Omdurman. Un juge a ordonné sa remise en liberté le14 août, mais il a été immédiatement arrêté denouveau par des agents du NISS. À la fin de 2011, ilétait maintenu en détention, sans inculpation et sansavoir été autorisé à consulter un avocat.n Abdelmoniem Rahama, militant, poète et membrede l’APLS-N, a été arrêté le 2 septembre à Ed Damazin.Il était maintenu en détention à la fin de l’année, sansinculpation et sans pouvoir consulter un avocat.Liberté d’expressionCette année encore, des journaux ont été fermés etcensurés et des journalistes ont été harcelés, et danscertains cas arrêtés ; ils risquaient d’être torturés etmaltraités en détention.n Le 31 janvier, le quotidien d’opposition Ajras alHurriya a été interdit par le NISS et les journauxAl Sahafa et Al Midan ont été empêchés de diffuser latotalité ou une partie de leurs numéros. Des mesuressimilaires restreignant les activités des médias ont étéprises en août et en septembre.n Le bi-hebdomadaire Juba Post a été fermétemporairement le 30 mars dans le Sud-Soudan pardes agents des services de sécurité, à la suite de lapublication d’un article qui annonçait que les forcesfidèles à George Athor, chef d’un groupe arméd’opposition, allaient attaquer Juba avant le mois dejuillet. Le responsable de la diffusion a été détenupendant une courte période à l’aéroport de Juba, le31 mars.n Le 9 juillet, le Conseil national de la presse et despublications a annulé les licences de six journaux quiappartenaient en partie à des Soudanais du Sud.n Dix journalistes ont été inculpés pour avoir rendu<strong>com</strong>pte des violences sexuelles infligées à Safia IshaqMohamed par des agents du NISS, en janvier. Le5 juillet, Fatima Ghazali a été condamnée à un moisd’emprisonnement et son rédacteur en chef, Saad alDin Ibrahim, à une peine d’amende. Amal Habani a étécondamnée à un mois d’emprisonnement le 25 juillet.n Abuzar al Ameen, rédacteur en chef adjoint duquotidien Rai al Shaab, a été remis en liberté sous cautionle 22 août. Arrêté le 15 mai 2010 par des agents du NISS,il avait été condamné à cinq ans d’emprisonnement pour« atteinte à la Constitution » et « publication de faussesnouvelles » à cause d’articles publiés au sujet desélections présidentielle et législatives d’avril 2010 etd’allégations à propos de la construction au Soudan d’uneusine d’armement iranienne.Peine de mortLes tribunaux du nord et du sud du pays continuaientde prononcer des condamnations à mort, entre autrescontre des personnes mineures au moment des faits,et il y a eu au moins sept exécutions.Visites et documents d’AmnestyInternational4 Soudan. Des civils du Kordofan méridional racontent l’horreur desfrappes aériennes (AFR 54/028/2011).SAmnesty International - Rapport 2012319


S4 Soudan. Un militant maintenu en détention sans jugement(AFR 54/035/2011).4 Soudan. Le gouvernement sévit contre les militants et les opposantspolitiques (AFR 54/036/2011).4 Soudan. Plusieurs condamnations à mort confirmées(AFR 54/037/2011).4 Soudan. Un poète toujours détenu au secret (AFR 54/039/2011).4 Soudan / Soudan du Sud. Destruction et désolation à Abyei(AFR 54/041/2011).SOUDAN DU SUDRÉPUBLIQUE DU SOUDAN DU SUDChef de l’État et du gouvernement : Salva Kiir MayarditPeine de mort :maintenueLes données ci-dessous couvrent le Soudan et le Soudan du Sud :Population :44,6 millionsEspérance de vie :61,5 ansMortalité des moins de cinq ans : 108,2 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 70,2 %Le Soudan du Sud est devenu un État indépendantle 9 juillet, six mois après la tenue du référendumprévu par l’Accord de paix global conclu en 2005.Les négociations se sont poursuivies avec le Soudanà propos du partage des ressources pétrolières, de lanationalité et de la démarcation des frontières. Desdéplacements massifs de populations, deshomicides et des destructions de biens ont eu lieudu fait du conflit armé et des violencesinter<strong>com</strong>munautaires. Les forces de sécurité ontarrêté de manière arbitraire et placé en détentiondes journalistes, des membres de groupesd’opposition et des manifestants. L’afflux de Sud-Soudanais qui rentraient chez eux et de personnesfuyant le Soudan s’est poursuivi.ContexteL’Assemblée législative sud-soudanaise a adopté laConstitution provisoire de la République du Soudandu Sud (Constitution provisoire), qui est entrée envigueur le 9 juillet pour une période intérimaireindéterminée. Une disposition de cette Constitutionpermettait l’intégration dans l’Assemblée législativesud-soudanaise des membres du Parlementsoudanais originaires du sud.Le mandat de la Mission des Nations unies enRépublique du Soudan du Sud (MINUSS) a pris effetle 9 juillet pour une période initiale d’un an. En juilletégalement, le Soudan du Sud est devenu membredes Nations unies et de l’Union africaine.Les chefs de groupes armés d’opposition ont signédes accords de cessez-le-feu avec le gouvernement ;plus de 1 500 membres de ces groupes attendaientd’être intégrés dans l’Armée populaire de libérationdu Soudan (APLS). Gatluak Gai, chef d’un groupearmé d’opposition, a été tué le 23 juillet dans descirconstances controversées, trois jours après avoirsigné un accord négocié par les autorités locales del’État du Haut-Nil occidental/Unity. Au débutdu mois d’août, Peter Gadet, ancien chef duMouvement/Armée de libération du Soudan du Sud(MLSS/ALSS), a conclu un accord avec legouvernement ; des factions dissidentes de songroupe ont toutefois poursuivi leurs activités dans lecadre du MLSS/ALSS. Gabriel Tanginye, chef d’ungroupe d’opposition armée, et ses deux adjoints ontété maintenus en résidence surveillée dans lacapitale, Juba, à partir du mois d’avril à la suited’affrontements entre leur groupe et l’APLS dans lesÉtats du Haut-Nil et de Jonglei. Ils n’avaient pas étéinculpés à la fin de l’année.n Peter Abdul Rahaman Sule, chef du Frontdémocratique uni, un groupe d’opposition, a été arrêtéle 4 novembre dans l’État d’Équatoria occidental pouravoir semble-t-il recruté des jeunes gens. Il étaitmaintenu en détention à la fin de l’année sans avoir étéinculpé.n Le 19 décembre, George Athor, dirigeant du grouped’opposition armé Mouvement démocratique duSoudan et de sa branche militaire, l’Armée du Soudandu Sud, a été tué par l’APLS dans le <strong>com</strong>té de Morobo,au Soudan du Sud.Conflit arméLes affrontements entre l’APLS et des groupes armésd’opposition ont entraîné des atteintes aux droitshumains imputables à toutes les parties, y <strong>com</strong>prisdes homicides illégaux de civils, et ils se sontac<strong>com</strong>pagnés de pillages et de destructions de biens.Des groupes armés d’opposition ont posé des minesantichars le long des routes principales, faisant desmorts et des blessés parmi les civils.n Le 8 octobre, 18 civils, dont quatre enfants, onttrouvé la mort lorsque le passage d’un bus a faitexploser une mine antichar sur la route reliant Mayom àMankien. Des heurts ont opposé le 29 octobre àMayom, dans l’État du Haut-Nil occidental/Unity, la320 Amnesty International - Rapport 2012


faction dissidente du MLSS/ALSS et l’APLS. Selonl’APLS, 15 civils auraient été tués et 18 autres blessés.n Le 16 novembre, un groupe armé d’oppositionconsidéré <strong>com</strong>me fidèle à George Athor a attaqué troisvillages dans le <strong>com</strong>té de Pigi (État de Jonglei) ; desbiens ont été pillés et incendiés. Quatre civils auraientété tués et beaucoup d’autres se sont enfuis.Violences inter<strong>com</strong>munautairesUne série d’attaques de représailles ont été menéesentre les deux groupes ethniques Lou Nuer et Murlede Jonglei. Le 15 juin, les Lou Nuers ont attaqué lesMurles dans le <strong>com</strong>té de Pibor ; plusieurs villages ontété pillés et incendiés et plus de 400 personnestuées. Le 18 août, les Murles ont lancé une attaquecontre les Lou Nuers dans le <strong>com</strong>té d’Uror ; plus de600 personnes auraient trouvé la mort et 200 autresau moins auraient été portées disparues. Sept villagesont été détruits. Selon l’ONU, environ26 000 personnes ont été déplacées à la suite des<strong>com</strong>bats. Un employé de Médecins sans frontières(MSF) a été tué, et les locaux et la clinique de cetteorganisation ont été pillés et incendiés ; l’entrepôt duProgramme alimentaire mondial (PAM) a égalementété pillé. À partir du 31 décembre, des Lou Nuersarmés ont attaqué les Murles dans la ville de Pibor,pillé la clinique de MSF et incendié des maisons decivils. L’attaque a fait des dizaines de milliers dedéplacés et plusieurs centaines de morts.Quarante-six personnes ont trouvé la mort et5 000 autres ont été déplacées à la suited’affrontements entre <strong>com</strong>munautés le 17 septembredans le <strong>com</strong>té de Mayiandit, dans l’État du Haut-Niloccidental/Unity, à la limite de l’État de Warrap.Liberté d’expression, d’association et deréunionLes forces de sécurité ont harcelé et placéarbitrairement en détention des journalistes, desmembres de groupes d’opposition et desmanifestants qui avaient critiqué le gouvernement.n Dominic Deng Mayom Akeen, membre duParlement, a été arrêté le 23 août à Kuacjok, dans l’Étatde Warrap, et brutalisé par des membres des forces desécurité armés. Il a été détenu pendant une journée àcause d’une déclaration qu’il avait faite aux médias àpropos des pénuries de produits alimentaires.n Nhial Bol, rédacteur en chef du quotidien Citizen, aété arrêté le 30 septembre et détenu pendant unecourte période par la police à la suite de la publicationd’un article accusant de corruption un ministre de l’Étatde Warrap, après la fermeture des bureaux d’une<strong>com</strong>pagnie pétrolière chinoise et l’arrestation de sondirecteur général.n Des élèves d’une école secondaire de Wau, dansl’État du Bahr el Ghazal occidental, ont manifestépacifiquement le 4 octobre pour protester contre lahausse du prix des denrées alimentaires et le basniveau des salaires des enseignants. Les forces desécurité ont utilisé du gaz lacrymogène et tiré à ballesréelles. Sept personnes au moins, dont des élèves, ontété arrêtées et étaient maintenues en détention dans laprison de Wau à la fin de l’année ; deux personnes ontsuc<strong>com</strong>bé à des blessures par balle infligées par lesforces de sécurité.n Ngor Garang et Dengdit Ayok, respectivementrédacteur en chef et journaliste au quotidienThe Destiny, ont été arrêtés séparément au début denovembre par des membres du Service national de lasûreté et du renseignement (NISS). Selon certainessources, Ngor Garang a été battu en détention. Lesdeux hommes ont été libérés le 18 novembre. Il sembleque leur arrestation ait été liée à un article critiquant leprésident du Soudan du Sud.Torture et autres mauvais traitements,disparitions forcéesLes forces de sécurité, y <strong>com</strong>pris le Service de policedu Soudan du Sud, ont harcelé, arrêté, torturé oumaltraité des personnes, dont des employés de l’ONUet d’ONG. Un certain nombre de personnes ont étévictimes de disparition forcée. Le 26 juillet, leprésident a ordonné la dissolution de deux organes :la branche spéciale du Sud-Soudan de la sûreténationale et du renseignement et sa branche de lasécurité publique. Le général Marial Nour Jok, anciendirecteur de la sécurité publique et des enquêtescriminelles, a été interpellé et placé en détention le30 juillet à la suite d’allégations faisant état de sonimplication dans la création de centres de détentionillégaux ainsi que dans des actes de torture ; il étaitégalement accusé de corruption.n On restait sans nouvelles à la fin de l’année de JohnLouis Silvino, un architecte qui travaillait pour leministère du Logement, disparu le 25 mars.n À la suite d’allégations au sujet d’un vol <strong>com</strong>mis le13 juin, Jackline Wani, 17 ans, a été torturée par despoliciers du Département des enquêtes criminelles.Quatre policiers ont été arrêtés en octobre et traduits enjustice dans cette affaire.SAmnesty International - Rapport 2012321


SRéfugiés et personnes déplacéesDes Sud-Soudanais qui vivaient au Soudan avantl’indépendance ont continué de rentrer chez eux carils ne pouvaient plus prétendre aux droits liés à lacitoyenneté au Soudan. À la fin de l’année, plus de10 000 personnes se trouvaient toujours dans descamps de déplacés à la station de transit de Kosti, auSoudan, et attendaient de pouvoir retourner auSoudan du Sud.Un afflux de réfugiés en provenance du Soudan aeu lieu à partir de juin après le début des <strong>com</strong>batsentre les Forces armées soudanaises et l’Arméepopulaire de libération du Soudan-Nord (APLS-Nord),un groupe armé d’opposition.Peine de mortAu moins 150 prisonniers étaient sous le coup d’unecondamnation à mort. Cinq personnes, peut-êtreplus, ont été exécutées : une dans la prison de Jubaen août, deux le 11 novembre et deux autres le21 novembre dans la prison de Wau.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Soudan duSud en février-mars, en avril, en août-septembre et en novembredécembre.4 Sud-Soudan : programme en matière de droits humains(AFR 65/001/2011).4 Soudan du Sud. Deux journalistes arrêtés (AFR 65/003/2011).4 Soudan / Soudan du Sud. Destruction et désolation à Abyei(AFR 54/041/2011).SRI LANKARÉPUBLIQUE SOCIALISTE DÉMOCRATIQUE DU SRI LANKAChef de l’État et du gouvernement : Mahinda RajapaksePeine de mort :abolie en pratiquePopulation :21 millionsEspérance de vie :74,9 ansMortalité des moins de cinq ans : 14,7 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 90,6 %Les autorités se sont cette année encore renduescoupables de détentions arbitraires, de torture etd’autres mauvais traitements, ainsi que dedisparitions forcées. Le gouvernement n’a pasapporté de réponse, la plupart du temps, auproblème de l’impunité dont jouissaient toujours lesauteurs d’atteintes aux droits humains et deviolations du droit humanitaire. Il a en outre rejetétoutes les accusations de crimes de guerre imputésaux deux parties au conflit qui a pris fin en 2009, cequi a décidé Amnesty International à réitérer sesappels en faveur d’une enquête internationale etindépendante.ContexteLe Sri Lanka s’appuyait toujours sur des loissécuritaires et sur un appareil militaire prompt à<strong>com</strong>mettre des violations des droits humains.Refusant toute transition vers davantage detransparence, le gouvernement s’est opposé en juin àl’adoption d’un projet de loi sur le droit à l’information,soutenu par l’opposition. La violence politiqueconstituait toujours une réalité dans le pays et lestentatives de réconciliation entre les différentes<strong>com</strong>munautés ethniques n’ont guère progressé. L’étatd’urgence, en place de façon presque ininterrompuedepuis des décennies, a été levé le 30 août, mais laLoi relative à la prévention du terrorisme (PTA), trèsrépressive, était toujours en vigueur. Les autorités ontadopté de nouvelles dispositions au titre de la PTA :maintien de l’interdiction du mouvement des Tigreslibérateurs de l’Eelam tamoul (LTTE), maintien endétention, sans inculpation ni procès, de personnessoupçonnées d’appartenir à ce dernier, et maintiendes zones de haute sécurité sous contrôle militaire.L’armée était toujours affectée à des tâches demaintien de l’ordre, et la Force d’intervention spéciale(unité d’élite de la police accusée de multiplesviolations des droits humains) menait des actionsdans toute l’île. L’armée limitait la liberté d’associationet de réunion dans le nord et l’est du pays, exigeantdes habitants qu’ils sollicitent une autorisationpréalable même pour des fêtes familiales. Les forcesde sécurité demandaient aux Tamouls habitant cesrégions de déclarer toutes les personnes vivant sousleur toit, au mépris d’un jugement rendu par lestribunaux qualifiant cette pratique de discriminatoire.Personnes déplacéesPrès de 400 000 personnes déplacées par le conflitavaient regagné le nord du pays fin 2011. Nombred’entre elles continuaient cependant de vivre dansl’insécurité, dans des conditions de logementdéplorables et avec un accès limité aux soins et à322 Amnesty International - Rapport 2012


l’enseignement. Environ 16 000 personnes vivaienttoujours dans des camps administrés par legouvernement. Les autorités prévoyaient de fermer lesderniers camps de personnes déplacées et d’installerdans la région de Kombavil, en pleine forêt, quelque5 500 hommes, femmes et enfants originaires decertains autres secteurs du district de Mullaitivu,toujours sous contrôle militaire. Un certain nombre dedéfenseurs des personnes déplacées se sontinquiétés du caractère non volontaire de cetteopération de réinstallation.Exactions <strong>com</strong>mises par des groupesarmés alliés au gouvernementDes bandes liées aux forces de sécurité et aux partispolitiques progouvernementaux, <strong>com</strong>me le Partidémocratique du peuple d’Eelam, les Tigreslibérateurs du peuple tamoul ou encore le Parti delibération du Sri Lanka, se sont rendues coupables devols, d’enlèvements, de viols, d’agressions et demeurtres dans le district de Jaffna, dans l’est du payset, de plus en plus, dans d’autres régions. Cesgroupes s’en prenaient essentiellement aux militantspolitiques, aux personnes déplacées de retour chezelles et aux ex-membres des LTTE.Disparitions forcéesDe nouvelles disparitions forcées ont été signalées.Des milliers d’autres, survenues les annéesprécédentes, n’avaient toujours pas été élucidées. Legouvernement n’a pas ratifié la Convention contre lesdisparitions forcées [ONU].La Commission enseignements et réconciliation(LLRC) a recueilli en janvier à Mannar et Madhu lestémoignages de personnes qui cherchaient àretrouver certains de leurs proches, vus pour ladernière fois alors qu’ils se rendaient aux forcesrégulières, en mai 2009.n Le 30 juin, des centaines de manifestants dontdes parents auraient été enlevés par des groupesdépendant du gouvernement se sont rassemblésdans la capitale, Colombo, pour exiger que lalumière soit faite sur le sort de leurs proches. Demême, plus de 1 300 personnes se sont rendues enjuin auprès des centres d’information récemmentmis en place par le Service d’enquête sur leterrorisme, pour tenter de savoir ce qu’étaientdevenus des proches qu’elles pensaient être auxmains des autorités. Rares sont celles qui ont puobtenir une réponse.La police sri-lankaise a déclaré en juillet que1 700 personnes avaient été enlevées depuis 2009, laplupart pour être ensuite échangées contre rançon.Arrestations et détentions arbitrairesLe gouvernement a reconnu en novembre que876 personnes adultes étaient toujours en détentionadministrative au titre de la PTA, précisant que, parmielles, 845 hommes et 18 femmes appartenaient à la<strong>com</strong>munauté tamoule. Ces détenus faisaient partiedes près de 12 000 membres présumés des LTTEayant capitulé ou ayant été faits prisonniers parl’armée, pour être ensuite détenus pendant des mois,voire des années, sans inculpation, même après la findu conflit. Les personnes placées en détention pour« réadaptation » ont été progressivement libérées, pargroupes (un millier environ étaient toujours détenuesà la fin de l’année) ; même libérées, elles restaientsous surveillance militaire et, selon certainesinformations, faisaient l’objet de harcèlement de lapart des autorités.n Le 23 août, des soldats ont attaqué et arrêté un trèsgrand nombre de jeunes gens de Navanthurai, dans ledistrict de Jaffna. Les habitants de ce village avaientprotesté un peu plus tôt contre la protection apportéepar l’armée aux grease devils (de mystérieux individusqui s’enduiraient de graisse ou se peindraient le visagepour, selon la rumeur, s’en prendre aux civils, et plusparticulièrement aux femmes). Plus d’unecinquantaine de plaintes ont été déposées auprès dutribunal de Jaffna par des habitants estimant que leursdroits avaient été violés lors de représailles exercéespar les forces de sécurité dans des affaires impliquantdes grease devils.Torture et autres mauvais traitementsLes suspects de droit <strong>com</strong>mun, tout <strong>com</strong>me lesdétenus soupçonnés d’être proches des LTTE, étaientfréquemment maltraités, voire torturés, malgrél’existence de lois interdisant la torture. Le viol et lesautres violences liées au genre constituant des actesde torture n’étaient pas traités sérieusement par lespouvoirs publics. Les violences sexuelles étaient trèsrarement signalées et, lorsqu’elles l’étaient, elles nefaisaient pas l’objet d’enquêtes sérieuses.Utilisation excessive de la forceLe 30 mai, la police a tiré du gaz lacrymogène et desballes réelles sur des travailleurs et des syndicalistesqui manifestaient dans la plus grande zone francheSAmnesty International - Rapport 2012323


Sde transformation pour l’exportation du pays. Descentaines de manifestants et de policiers auraient étéblessés et un jeune homme de 21 ans, RoshanChanaka, a été tué. Le président Mahinda Rajapaksaa ordonné l’ouverture d’une enquête. L’inspecteurgénéral de la police a remis sa démission à la suite deces violences. Plusieurs autres hauts gradés de lapolice ont été mutés.Morts en détentionDe nouveaux cas de mort en détention, souvent dansdes circonstances suspectes, ont été signalés cetteannée. Souvent, la police affirmait que la victime avaitété tuée lors d’une tentative d’évasion.n Selon la police, Asanka Botheju se serait noyé le30 août dans la Kelaniya, à Colombo, lors d’uneopération destinée à dévoiler une cache d’armes. Ilavait auparavant été détenu 19 jours en toute illégalité.n Gayan Saranga, un habitant de la ville de Dompe, estmort le 29 septembre. Selon les forces de l’ordre, il seraittombé d’un véhicule de police alors qu’on l’emmenaitpour identifier des objets volés. D’après des témoins, il aété torturé alors qu’il se trouvait au poste de police.n Quatre policiers d’Angulana ont été condamnés àmort, en août, pour le meurtre en garde à vue de deuxjeunes gens, en 2009.Obligation de rendre des <strong>com</strong>ptesLe gouvernement n’a pas fait dûment enquêter sur laplupart des atteintes aux droits humains et desviolations du droit humanitaire <strong>com</strong>mises dans lepays, notamment lors de la phase finale du conflitarmé – et n’a pas engagé de poursuites en bonne etdue forme contre leurs auteurs présumés. Il a rejetéles conclusions du Groupe consultatif d’experts dusecrétaire général de l’ONU sur l’établissement desresponsabilités au Sri Lanka.Ce Groupe consultatif avait estimé crédibles lesaccusations de crimes de guerre et de crimes contrel’humanité portées contre les deux parties au conflit.Il a par ailleurs considéré que la LLRC, présentéepar les autorités <strong>com</strong>me un mécanisme à même derégler à lui seul la question des événementssurvenus pendant la guerre, présentait descarences majeures et n’était pas suffisammentindépendante ni impartiale. Il a re<strong>com</strong>mandé ausecrétaire général d’établir un mécanismeindépendant d’enquête sur les allégations etd’ordonner un examen des actions des Nationsunies au Sri Lanka. Le Conseil des droits del’homme [ONU] n’a pas donné suite auxre<strong>com</strong>mandations du Groupe.Le rapport final de la LLRC, rendu public le16 décembre, reconnaissait l’existence de gravesproblèmes en matière de droits humains au Sri Lankamais ne traitait pas de manière exhaustive lesallégations selon lesquelles des crimes de guerre etdes crimes contre l’humanité avaient été <strong>com</strong>mis aucours de la dernière phase du conflit. La LLRCacceptait les réponses des autorités sans aucunecritique, ce qui confirmait la nécessité d’une enquêteinternationale indépendante.Plusieurs responsables sri-lankais, dont leprésident de la République et des diplomates de hautrang, étaient visés par des plaintes déposées devantdes tribunaux suisses, allemands et américains, lesaccusant de meurtre, de torture et d’attaquesmilitaires contre des civils.n En octobre, la police australienne a été priéed’enquêter sur des allégations de crimes de guerreformulées à l’encontre de l’ambassadeur du Sri Lankaen Australie. Aux Pays-Bas, cinq membres présumésdes LTTE ont été reconnus coupables d’avoir collectéillégalement des fonds pour cette organisation. Ils ontcependant été acquittés du chef d’appartenance à uneorganisation terroriste et, par extension, de <strong>com</strong>plicitéde meurtre et de recrutement d’enfants soldats.n L’ex-<strong>com</strong>mandant des forces armées SarathFonseka a été condamné en novembre à trois annéesd’emprisonnement pour incitation à la haine entre<strong>com</strong>munautés. Il avait accusé le secrétaire à la Défensedu Sri Lanka d’avoir ordonné l’exécution des cadresdes LTTE qui déposaient les armes, à la fin de la guerre.n Trois soldats accusés du viol et du meurtre d’unejeune femme, perpétrés en 1996 dans le nord du SriLanka, ont été condamnés à mort le 30 mars. Il étaittrès rare que des militaires soient poursuivis devant lajustice sri-lankaise pour des violations des droitshumains. Les trois hommes ont immédiatementinterjeté appel de leur condamnation.Défenseurs des droits humainsLa dissidence exprimée sans violence étaitfréquemment réprimée. Les défenseurs des droitshumains engagés dans des actions de plaidoyerinternational ou entretenant des liens avec des ONGinternationales ou des diplomates étaient présentéspar la presse gouvernementale <strong>com</strong>me des traîtres etfaisaient l’objet de menaces anonymes et decampagnes de diffamation.324 Amnesty International - Rapport 2012


n Perumal Sivakumara, un habitant du district dePuttalam, est mort le 22 août après avoir été passé àtabac par des membres de la Force d’interventionspéciale. Aucune enquête n’a été menée.n Un corps, qui pourrait être celui du défenseur desdroits humains Pattani Razeek, porté disparu depuisfévrier 2010, a été exhumé en juillet 2011 sur le sited’une maison en construction, dans l’est du Sri Lanka.Après des mois d’inaction de la part des pouvoirspublics, deux suspects, proches d’un membre dugouvernement, ont été arrêtés.n Deux militants politiques, Lalith Kumar Weeraraj etKugan Muruganathan, ont disparu le 9 décembre àJaffna alors qu’ils organisaient une manifestation pourdemander la libération des personnes qui étaientmaintenues en détention sans inculpation depuis la finde la guerre. Des collègues ont déclaré qu’ils avaientété enlevés par des militaires.Liberté d’expression – journalistesLes autorités ont pris à partie et ont censuré certainsorganes de presse et leurs collaborateurs. Elles n’ontpas cherché à établir les responsabilités dans uncertain nombre d’attaques contre des journalistes.Ainsi, le 7 novembre, le gouvernement a bloquél’accès à plusieurs sites Internet, dont il considérait lecontenu « injurieux » pour l’image du Sri Lanka. Il aannoncé que tout site Internet contenant desinformations concernant le Sri Lanka devait désormaisse faire enregistrer auprès du ministère des Médias etde l’Information, s’il ne voulait pas s’exposer àd’éventuelles actions en justice.n Bennet Rupasinghe, responsable de l’informationdu site Lanka E News, a été arrêté le 31 mars et accuséde menace à l’égard d’une personne soupçonnée dansle cadre d’un incendie criminel <strong>com</strong>mis contre lesbureaux du site. Il a été libéré sous caution en avril. Cesite a été rendu inaccessible au Sri Lanka en octobre,après qu’il eut annoncé que Baratha LakshmanPremachandra, membre du parti au pouvoir, et quatreautres personnes avaient été tués par balle lors d’unealtercation avec un responsable politique de la mêmeformation.n Fin juillet, Gnanasundaram Kuhanathan,responsable de l’information d’Uthayan, un journalpublié à Jaffna, a été agressé à coups de barre de ferpar des hommes non identifiés, qui l’ont abandonnédans un état critique.SUÈDEROYAUME DE SUÈDEChef de l’État :Carl XVI GustafChef du gouvernement :Fredrik ReinfeldtPeine de mort :aboliePopulation :9,4 millionsEspérance de vie :81,4 ansMortalité des moins de cinq ans : 2,8 ‰Ahmed Agiza, qui avait été remis aux autoritéségyptiennes dans le cadre d’une « restitution » etemprisonné, a été libéré. Certains observateursétaient préoccupés par le fait que de nombreuxRoms venus de Serbie n’avaient pas accès à uneprocédure équitable de demande d’asile. Denouveaux renvois forcés vers l’Érythrée et l’Irak onteu lieu.Torture et autres mauvais traitementsÀ la fin de l’année, la Suède n’avait toujours pasmodifié son Code pénal afin d’ériger la torture encrime.n Ahmed Agiza a été remis en liberté le 2 août, aprèsplus de neuf ans passés en prison au Caire à la suited’un procès inique devant un tribunal militaire. AhmedAgiza et Mohammed El Zari, deux demandeurs d’asilede nationalité égyptienne, avaient été placés endétention en Suède en décembre 2001, avant d’êtreembarqués à bord d’un avion affrété par la CIA pourêtre « restitués » à l’Égypte. Ils avaient ensuite déclaréavoir été victimes de torture et de mauvais traitementsen Égypte, pendant leur détention au secret. En 2008,le gouvernement suédois leur avait accordé uneindemnisation financière pour ces violations de leursdroits fondamentaux. À la fin de l’année 2011,toutefois, aucune enquête efficace, impartiale,approfondie et indépendante n’avait encore étémenée.Une fois libéré, Ahmed Agiza a déposé unedemande de permis de séjour en Suède afin depouvoir rejoindre sa famille, qui y vivait toujours. Enlui accordant ce permis, l’État suédois contribuerait àce qu’il obtienne pleinement réparation pour laviolation de ses droits fondamentaux.Réfugiés, demandeurs d’asile etmigrantsCette année encore, les autorités suédoises ontconsidéré un grand nombre de demandes d’asileSAmnesty International - Rapport 2012325


S<strong>com</strong>me « manifestement infondées » ; près de lamoitié des dossiers étaient déposés par des Romsvenus de Serbie. Les procédures d’examenaccélérées qui étaient appliquées pour le traitementde ces dossiers n’étaient pas conformes aux normesinternationales ; les demandeurs ne bénéficiaient nid’une évaluation appropriée de leurs besoinsindividuels en matière de protection ni d’uneassistance juridique.En avril, le médiateur parlementaire pour lesquestions judiciaires a vivement critiqué la décision(illégale selon lui) des responsables de la police du<strong>com</strong>té de Stockholm d’expulser 26 Roms deRoumanie ; ces personnes s’étaient vu interdirel’entrée sur le territoire suédois au motif qu’elless’étaient livrées au vagabondage et à la mendicité.De nouveaux cas de renvois forcés en Irak et enÉrythrée ont été signalés, alors même que cespersonnes risquaient réellement d’être persécutéesou de subir d’autres formes de préjudice grave à leurretour.Justice internationaleEn avril, le tribunal de première instance deStockholm a reconnu coupable de crimes de guerreun ancien membre des Forces armées croates (HOS).Le tribunal a établi que l’accusé avait participédirectement et indirectement à des actes de torture etautres mauvais traitements qui avaient été infligésentre mai et août 1992 à des prisonniers serbesdétenus au camp de Dretelj, où il travaillait <strong>com</strong>megardien durant la guerre en Bosnie-Herzégovine.Reconnu coupable de crimes de droit internationalavec circonstances aggravantes, il a été condamné àeffectuer une peine de cinq ans d’emprisonnement età indemniser 22 victimes.Visites et documents d’AmnestyInternational4 Current evidence: European <strong>com</strong>plicity in the CIA rendition and secretdetention programmes (EUR 01/001/2011).4 Suède. La Suède doit cesser de renvoyer de force des personnes en Irak(EUR 42/001/2011).SUISSECONFÉDÉRATION SUISSEChef de l’État et du gouvernement : Micheline Calmy-ReyPeine de mort :aboliePopulation :7,7 millionsEspérance de vie :82,3 ansMortalité des moins de cinq ans : 4,4 ‰Des textes de loi discriminatoires à l’égard desmusulmans sont restés en vigueur ou ont étéproposés aux niveaux fédéral et cantonal. Des cas derecours excessif à la force lors de renvois forcés ontsuscité de graves inquiétudes ; l’insuffisance del’aide fournie aux demandeurs d’asile déboutés étaitégalement très préoccupante.ContexteLe Code pénal ne <strong>com</strong>portait toujours pas dedéfinition de la torture pleinement <strong>com</strong>patible avecle droit international. Le Centre suisse de<strong>com</strong>pétence pour les droits humains (CSDH),institution nationale, a <strong>com</strong>mencé ses travaux. LaSuisse a signé, mais pas encore ratifié, laConvention internationale pour la protection detoutes les personnes contre les disparitionsforcées. Le Conseil national a approuvé endécembre la ratification de la Convention sur lalutte contre la traite des êtres humains [Conseil del’Europe].DiscriminationLa loi ne permettait pas d’empêcher lesdiscriminations ; elle les favorisait même danscertains cas. En mai, le Comité des droits de l’homme[ONU] s’est dit préoccupé par la sous-représentationdes minorités ethniques dans la police, l’insuffisancedes mesures de prévention du racisme et l’absencede garanties juridiques pour les victimes dediscrimination.En octobre, la Commission fédérale contre leracisme a critiqué une initiative parlementaire visant àcréer une zone interdite aux demandeurs d’asile dansla ville de Zoug.En mai, les autorités du canton du Tessin ontentamé l’examen d’une initiative populaire visant àmodifier la Constitution cantonale pour proscrire leport du voile intégral.L’interdiction d’ériger des minarets est demeuréeen vigueur.326 Amnesty International - Rapport 2012


Réfugiés, demandeurs d’asile etmigrantsDes ONG ont fait part cette année encore depréoccupations quant à la façon dont étaient traitésles demandeurs d’asile, notamment en ce quiconcernait le recours à la force et aux méthodes decontrainte lors des expulsions.Un homme a été brutalisé à l’aéroport de Zurichlors du renvoi forcé de 19 Nigérians en juillet. Aucuneenquête indépendante n’a été menée.n L’enquête sur la mort de Joseph Ndukaku Chiakwa,un ressortissant nigérian décédé en mars 2010 àl’aéroport de Zurich lors d’une opération de renvoicollectif, s’est poursuivie.n La famille de Samson Chukwu, mort lors de sonexpulsion en 2001, attendait toujours réparation.L’« aide d’urgence » demeurant insuffisante, lesdemandeurs d’asile déboutés se retrouvaient souventsans ressources ou vulnérables. Les structuresd’accueil pour demandeurs d’asile n’étaient toujourspas adaptées aux besoins.Annoncée en août par le département fédéral deJustice et Police, une enquête externe sur le nontraitementde très nombreuses (entre 7 000 et10 000) demandes d’asile déposées entre 2006 et2008 par des ressortissants irakiens dans lesambassades de Suisse en Égypte et en Syrie aconclu, en décembre, que l’Office fédéral desmigrations avait enfreint la loi. L’enquête n’a toutefoispas estimé envisageables de quelconques sanctionsdisciplinaires ni l’ouverture d’une procédure pénale.En décembre, le Conseil des États a approuvé unprojet de loi visant à accélérer la procédure d’examendes demandes d’asile et à supprimer le dépôt derequêtes dans les ambassades suisses. Le texteprévoyait également que les objecteurs de conscienceen quête de protection ne se verraient plus accorderl’asile, mais un titre de séjour temporaire. Il devait êtresoumis au vote du Conseil national.En décembre, la Commission nationale deprévention de la torture (CNPT, mécanisme nationalde prévention) a fait part de ses préoccupationsconcernant le recours disproportionné à la force etaux techniques de contrainte pendant les opérationsde renvoi forcé.L’« initiative sur le renvoi », qui avait été adoptée envotation en 2010, n’avait pas été mise en œuvre à lafin de l’année. Elle modifiait la Constitution pourpermettre le renvoi automatique des étrangersreconnus coupables de certaines infractions pénales.Violences faites aux femmes et aux fillesLe Parlement a adopté en septembre une dispositionlégislative rendant les mutilations génitales fémininespassibles de 10 ans d’emprisonnement, y <strong>com</strong>prislorsqu’elles ont été pratiquées dans un pays où ellessont autorisées.En septembre, le Conseil national a refusé demodifier des dispositions législatives sur l’immigrationqui avaient été critiquées par deux <strong>com</strong>ités desNations unies en raison du manque de protectionaccordée aux migrantes contraintes de rester avec unpartenaire violent par peur de perdre leur titre deséjour.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Un délégué d’Amnesty International s’est rendu en Suisse enseptembre.SWAZILANDROYAUME DU SWAZILANDChef de l’État :Mswati IIIChef du gouvernement : Barnabas Sibusiso DlaminiPeine de mort :abolie en pratiquePopulation :1,2 millionEspérance de vie :48,7 ansMortalité des moins de cinq ans : 73 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 86,9 %Une crise de l’état de droit et la révocation iniqued’un juge ont porté atteinte à l’indépendance de lamagistrature. Pour étouffer la contestationpolitique, les autorités ont recouru à des détentionsarbitraires et secrètes, à des poursuites motivées pardes considérations politiques ainsi qu’à une forceexcessive. Le rapport d’une <strong>com</strong>missionparlementaire a mis en lumière les risques quefaisait peser la législation contre le braconnage surle droit à la vie. Il n’y a pas eu de réelles avancéesdans l’abrogation de lois discriminatoires à l’égarddes femmes. La dégradation de la situationfinancière du pays rendait de plus en plus difficilel’accès aux traitements contre le VIH/sida.ContexteLa situation des finances publiques s’estconsidérablement détériorée. Les tentatives duSAmnesty International - Rapport 2012327


Sgouvernement pour obtenir des prêts auprès dedifférentes sources ont été infructueuses, notammenten raison de l’incapacité du Swaziland à mettre enœuvre des réformes fiscales et de son refusd’accepter les conditions fixées, par exempled’adopter des réformes politiques, dans les délaisconvenus. Ce même gouvernement a laissé sans suiteles nouveaux efforts des organisations de la sociétécivile pour engager un dialogue sur les mesuresnécessaires à l’instauration d’une démocratiepluraliste. Lors de l’examen du Swaziland dans lecadre de l’Examen périodique universel [ONU] enoctobre, le gouvernement a rejeté lesre<strong>com</strong>mandations l’invitant à autoriser les partispolitiques à présenter des candidats aux élections.JusticeLe Swaziland s’enfonçait dans une crise de l’état dedroit et l’accès, notamment pour les victimes deviolations des droits humains, à des tribunauxéquitables et impartiaux était de plus en plus limité.En raison de certaines restrictions, définies dans une« directive pratique » et appliquées par les instancessupérieures placées sous l’autorité du président de laCour suprême, il était difficile, voire impossible, pourles demandeurs en matière civile de saisir la justicedans les affaires où le roi était indirectementconcerné en tant que défendeur. Aux termes d’uneautre directive, la sélection des affaires jugées chaquejour, y <strong>com</strong>pris les affaires urgentes, relevaitexclusivement du président de la Cour suprême,lequel était nommé par le roi sur la base d’un contrattemporaire. Ces restrictions entravaient le bonfonctionnement de la justice, empêchant certainsprévenus dans les affaires pénales d’accéder auxtribunaux ou de bénéficier d’un procès équitable. Enaoût, le Conseil de l’ordre des avocats du Swaziland aorganisé un boycott des tribunaux. Il entendait ainsidénoncer la situation et l’incapacité des autorités àexaminer en bonne et due forme ses plaintes surl’administration des tribunaux et le <strong>com</strong>portement duprésident de la Cour suprême. Dans les semaines quiont suivi, le Conseil de l’ordre a déposé une requêteauprès du ministre de la Justice demandant que desmesures soient prises. Des manifestations organiséespar des avocats à proximité des locaux de la HauteCour ont été dispersées à plusieurs reprises par despoliciers armés. Le Conseil de l’ordre a suspendu sonboycott en novembre, à la suite de discussions avecla Commission des services judiciaires (JSC). Laplupart des plaintes qu’il avait déposées demeuraienttoutefois en suspens.n En septembre, un juge de la Haute Cour, ThomasMasuku, a été sommairement limogé sur ordre du roi, àl’issue d’une « procédure de révocation » inique. Cetteprocédure a, semble-t-il, été déclenchée à la suited’accusations formulées à son encontre par leprésident de la Cour suprême. Celui-ci a notammentaffirmé que le juge Masuku avait critiqué le roi dansl’une de ses décisions. Aucun élément de preuveindépendant n’a été produit à l’appui des accusationslors de l’audience tenue à huis clos par la JSC etprésidée par le président de la Cour suprême – leprincipal plaignant. La JSC n’a pas présenté sesconclusions au juge Masuku avant de les<strong>com</strong>muniquer au roi qui, le 27 septembre, a ordonnépar décret la destitution du magistrat. Le ministre de laJustice, David Matse, a lui aussi été révoqué : il avaitrefusé de signer un document autorisant le limogeagedu juge Masuku.Évolutions constitutionnelles ouinstitutionnellesLa Commission sur les droits humains etl’administration publique a fêté son deuxièmeanniversaire sans que les décrets d’application aientété adoptés. Elle manquait encore de personnel et nedisposait toujours pas de locaux accessibles.Répression de la dissidenceLe gouvernement a interdit les manifestations prévuesdu 12 au 14 avril par des syndicats et d’autresorganisations. Il a recouru à des détentions arbitraireset secrètes, à des placements illégaux en résidencesurveillée et à d’autres mesures du type de cellesmises en place sous un état d’urgence pour réprimerdurant plusieurs jours la contestationantigouvernementale. Des représentants del’Association nationale des étudiants du Swaziland etd’organisations interdites figuraient parmi lespersonnes interpellées.La police a employé une force excessive pourdisperser des manifestants.n Le 12 avril, Ntombi Nkosi, une militante du Congrèsnational de libération du Ngwane (NNLC) âgée de66 ans, regagnait son domicile après s’être fait soignerparce qu’elle avait été touchée par des gazlacrymogènes lorsqu’elle s’est retrouvée face à troispoliciers armés. Ils l’ont interrogée sur les inscriptionsrelatives au NNLC figurant sur son tee-shirt et son328 Amnesty International - Rapport 2012


foulard, puis se seraient emparés d’elle, lui auraient ôtéson tee-shirt et son foulard et l’auraient brutalisée.Selon les informations reçues, ils l’ont étranglée, lui ontfrappé la tête contre un mur, lui ont infligé des sévicessexuels, lui ont tordu les bras derrière le dos, l’ontfrappée à coups de pied, puis l’ont jetée contre unfourgon de police. Un chauffeur de taxi qui passait parlà a aidé Ntombi Nkosi à s’enfuir. Les blessures dontelle a souffert dans ces circonstances ont nécessité dessoins à l’hôpital.n La police a fait usage d’une force excessive pourdisperser un rassemblement organisé en septembredans la ville de Siteki, dans l’est du pays. Des agentss’en sont notamment pris à Spasha Dlamini, membrede la direction de l’Association nationale desenseignants du Swaziland. Alors qu’elle tentait de lesempêcher de faire descendre un porte-parole syndicalsud-africain de la scène, des policiers l’ont jetée à terre,lui ont donné des coups de pied à la tête et l’ont tiréepar les bras sur une centaine de mètres. Blessée, elle adû être hospitalisée.Lutte contre le terrorisme et sécuritén Maxwell Dlamini, président de l’Associationnationale des étudiants du Swaziland, a été détenuentre le 10 et le 12 avril. Il a été maintenu au secret,sans pouvoir consulter un avocat ni entrer en contactavec ses proches. Le lendemain de sa libération, il a denouveau été arrêté, avec Musa Ngubeni, un ancienleader étudiant engagé politiquement. Les deuxhommes n’ont ni eu droit à une assistance juridiquependant leur garde à vue, ni été représentés lorsqu’ilsont <strong>com</strong>paru devant le juge. Ils ont été inculpésd’infractions au titre de la Loi relative aux explosifs. Ilsse sont vu refuser une mise en liberté sous caution aumotif que leur libération constituait une menace pourla paix et la sécurité publiques. Le 20 décembre,la Haute Cour a annulé cette décision et ordonné leurlibération contre le versement d’une caution de50 000 emalangeni (6 135 dollars des États-Unis)pour chacun d’entre eux. Ils se trouvaient toujoursen détention à la fin de l’année.n La Haute Cour a rejeté en décembre la demande demise en liberté de Zonke Dlamini et de BhekumusaDlamini, qui avaient tous les deux été inculpés au titrede la Loi de 2010 relative à la répression du terrorismeet qui, par la suite, s’étaient vu refuser une libérationsous caution. La demande de mise en liberté avait étédéposée au motif que l’État n’avait pas fait juger lesdeux hommes dans les délais requis par la loi.Homicides illégauxUne <strong>com</strong>mission parlementaire, nommée pourenquêter sur des brutalités qui auraient été <strong>com</strong>misespar des gardes-chasse contre des braconniersprésumés, a remis ses conclusions etre<strong>com</strong>mandations au Parlement en août. Lesinvestigations de la <strong>com</strong>mission ont porté sur desépisodes violents au cours desquels des braconniersprésumés et des gardes-chasse ont été blessés ettués. D’après le rapport, les premiers ont été visésdans 33 cas et les seconds dans neuf cas. La plupartde ces affaires faisaient toujours l’objet d’une enquêtepolicière, en étaient au stade des poursuitesengagées par le ministère public ou étaient eninstance devant les tribunaux. Certains braconniersprésumés qui avaient été blessés par des gardeschasseont été poursuivis au titre du Code de lachasse (modifié). En revanche, aucun garde-chassen’a fait l’objet de poursuites pour des tirs – meurtriersou non. La <strong>com</strong>mission a re<strong>com</strong>mandé l’adoption, detoute urgence, d’une réforme des dispositions duCode de la chasse (modifié) susceptibles d’êtreinterprétées <strong>com</strong>me « tolérant les brutalités envers lespersonnes soupçonnées de braconnage ».Morts en détentionNondumiso Simelane, la coroner désignée pourenquêter sur la mort en détention, en mai 2010, dumilitant politique Sipho Jele, a remis ses conclusionsau Premier ministre en mars. Le rapport n’avait pasété rendu public à la fin de l’année.n Le 5 décembre, Phumelela Mhkweli (26 ans) estmort peu après que des policiers l’eurent extrait deforce d’un taxi à Siteki, exigeant qu’il règle une amendepour une infraction à la circulation et insistant pour qu’ilsoit « sanctionné », d’après des témoins. Les élémentsmédicaux ont révélé que Phumelela Mhkweli présentaitdes lésions à la tête et au visage, et que son décès étaitlié au <strong>com</strong>portement agressif de la police, qui avaitdéclenché des pathologies latentes.Droits des femmesLe projet de loi relatif aux crimes sexuels et auxviolences domestiques était en cours d’examen par leParlement, mais n’avait toujours pas été adopté à lafin de l’année.En juin, le gouvernement a présenté au Parlementun texte portant modification de la Loi sur le registredes actes notariés, à la suite d’une décision rendueen mai 2010 par la Cour suprême. JugeantSAmnesty International - Rapport 2012329


Santiconstitutionnelle une disposition de la loi quiempêchait la plupart des femmes mariées civilementd’enregistrer à leur nom des habitations ou d’autresbiens immobiliers, la Cour suprême avait demandé samodification. Le projet de loi, qui ne <strong>com</strong>portait pasde garanties suffisantes, n’avait pas été adopté à la finde l’année.Le projet de loi sur la nationalité présenté auParlement contenait des dispositions discriminatoiresà l’égard des femmes, les privant du droit detransmettre la nationalité swazie à leurs enfants ou àleur conjoint étranger.Droits des lesbiennes, des gays, despersonnes bisexuelles et destransgenresLors de l’examen du Swaziland dans le cadre del’Examen périodique universel [ONU], en octobre, legouvernement a rejeté les re<strong>com</strong>mandationsl’engageant à dépénaliser les relations homosexuelleset à prévenir la discrimination fondée sur l’orientationsexuelle.Droit à la santé – épidémie de VIHL’ONUSIDA a indiqué que le taux de séropositivité auVIH/sida demeurait « excessivement élevé » maissemblait « se stabiliser ». Selon le rapport nationalsoumis en juillet dans le cadre de l’Examen périodiqueuniversel [ONU], 85 % des structures dispensant dessoins prénatals proposaient également des traitementsdestinés à éviter la transmission du VIH de la mère àl’enfant. Par ailleurs, le gouvernement a annoncé qu’ilavait adopté les re<strong>com</strong>mandations de l’OMS, quipréconisait une mise sous traitement antirétroviral despersonnes infectées à un stade plus précoce de lamaladie. Quelque 65 000 personnes bénéficiaient de cetraitement en novembre.Cependant, il restait difficile pour certains patientsd’avoir accès aux antirétroviraux et de respecter letraitement, en raison de la pauvreté, du manque detransports dans les zones rurales, de l’insécuritéalimentaire, des défaillances du systèmed’approvisionnement en médicaments et del’insuffisance des fonds due à la mauvaise gestionfinancière du pays.Peine de mortLa Constitution de 2006 autorisait le recours à lapeine capitale, mais le Swaziland n’avait procédé àaucune exécution depuis 1983.n En avril, dix ans après son arrestation, DavidSimelane a été condamné à mort par la Haute Couraprès avoir été reconnu coupable du meurtre de34 femmes. Il s’est pourvu en appel.Deux autres personnes demeuraient sous le coupd’une sentence capitale. Lors de l’examen duSwaziland dans le cadre de l’Examen périodiqueuniversel [ONU], en octobre, le gouvernement aprésenté le pays <strong>com</strong>me « abolitionniste en pratique »mais a indiqué que la question de l’abolition en droitnécessitait un « débat national ».Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des déléguées d’Amnesty International se sont rendues au Swazilanden juin et en novembre.4 Swaziland: Blatant unfairness of removal proceedings against leadingHigh Court judge threatens judicial independence (AFR 55/004/2011).4 Swaziland. Liberté et égalité pour les femmes swazies !(AFR 55/005/2011).4 Key human rights concerns highlighted by Amnesty International inadvance of Swaziland’s Universal Periodic Review hearing in October 2011(AFR 55/006/2011).4 Swaziland. Des militants arrêtés à la veille de manifestations interdites(PRE01/203/2011).4 Les autorités du Swaziland doivent mettre fin à leurs opérations derépression violentes (PRE01/213/2011).SYRIERÉPUBLIQUE ARABE SYRIENNEChef de l’État :Bachar el AssadChef du gouvernement :Mohammad Naji OtriPeine de mort :maintenuePopulation :20,8 millionsEspérance de vie :75,9 ansMortalité des moins de cinq ans : 16,2 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 84,2 %Les forces de sécurité ont utilisé une forceexcessive, y <strong>com</strong>pris meurtrière, contre un nombresans précédent de manifestants qui étaientdescendus pacifiquement dans la rue pour réclamerdes réformes politiques et la chute du régime. Lesviolations des droits fondamentaux, par leur gravitéet leur ampleur, s’apparentaient à des crimes contrel’humanité. Plus de 4 300 personnes auraienttrouvé la mort au cours des manifestations, en330 Amnesty International - Rapport 2012


marge de ces protestations ou à l’occasion desfunérailles de manifestants ; la plupart des victimesont été abattues semble-t-il par des membres desforces de sécurité, y <strong>com</strong>pris des tireurs embusqués.Des chars ont été utilisés pour des opérationsmilitaires dans des zones d’habitation. Desmembres des forces de sécurité ont égalementtrouvé la mort, apparemment soit abattus pour avoirrefusé de tirer sur les manifestants, soit attaquéspar des déserteurs et d’autres personnes ayantrejoint l’opposition au gouvernement. Desprisonniers ont été libérés à la faveur d’amnisties,mais des milliers de personnes ont été arrêtées dansle cadre des protestations ; beaucoup ont étédétenues au secret et torturées. Au moins200 personnes seraient mortes en détention dansdes circonstances peu claires ; beaucoup avaientsemble-t-il été torturées. Les autorités n’ont menéaucune enquête indépendante sur les casd’homicides illégaux et de torture, entre autresviolations graves des droits humains, qui ont étésignalés ; l’impunité restait la norme pour les forcesde sécurité. Des milliers de Syriens ont dû quitterleur foyer en raison de la répression ; beaucoup ontfui vers les pays voisins. De nouvellescondamnations à mort ont été prononcées, et desexécutions auraient eu lieu.ContexteLes petites manifestations organisées en février enfaveur de la réforme se sont transformées enprotestations de grande ampleur à la mi-mars, aprèsque les forces de sécurité eurent déployé une forcemanifestement excessive à Deraa contre despersonnes qui demandaient la libération d’enfantsdétenus. Les manifestations se sont rapidementétendues alors que le gouvernement tentait de lesréprimer en recourant à une force brutale. Il anotamment eu recours à des tireurs embusqués quitiraient sur des foules pacifiques, tout en attribuant laresponsabilité des violences à de mystérieuses« bandes armées » qui lui seraient opposées.Face aux protestations, le président Bacharel Assad a annoncé un certain nombre de réformes. Ila levé, en avril, l’état d’urgence en vigueur sansinterruption depuis 1963 et a supprimé la Coursuprême de sûreté de l’État, tristement connue pourses procès iniques au terme desquels des milliers dedétracteurs du gouvernement et d‘opposants avaientéchoué en prison. Il a également promulgué undécret octroyant la nationalité syrienne à certainsmembres de la minorité kurde, tout en en excluantd’autres, qui sont restés apatrides. Il a toutefoispromulgué dans le même temps un décret autorisantle maintien en détention sans inculpation ni jugementpendant une durée pouvant aller jusqu’à deux mois.Aux termes d’une nouvelle loi relative auxrassemblements pacifiques, seules les manifestations« autorisées en bonne et due forme » par les autoritésétaient considérées <strong>com</strong>me légales. Le président aprononcé cinq amnisties distinctes, en mars, juin etnovembre, pour différentes catégories de prisonniers.Parmi les détenus qui ont recouvré la libertéfiguraient des prisonniers d’opinion et des personnesarrêtées au cours des manifestations – mais la plupartde ce type de détenus ont été maintenus derrière lesbarreaux. Des lois concernant la création de partispolitiques, les élections et les médias ont étéadoptées en août. Bien quelles marquent unecertaine libéralisation, ces trois réformes n’ont fourniaucune véritable garantie en matière de libertéd’expression et d’association.En mars, le Conseil des droits de l’homme [ONU] acréé une mission d’établissement des faits, laquelle aconclu, en août, que des crimes contre l’humanitéavaient probablement été <strong>com</strong>mis en Syrie. Le Conseila désigné, en août, une <strong>com</strong>mission d’enquêteinternationale indépendante ; celle-ci s’est déclarée,le 23 novembre, vivement préoccupée par les crimescontre l’humanité, « à savoir les meurtres, les actes detorture, les viols ou autres formes de violence sexuellede gravité <strong>com</strong>parable, les emprisonnements ouautres formes graves de privation de liberté [et] lesdisparitions forcées », qui avaient été <strong>com</strong>mis parl’armée et les forces de sécurité syriennes. Lesautorités syriennes ont refusé l’autorisation de serendre dans le pays au Conseil et à la <strong>com</strong>mission,ainsi qu’à la plupart des journalistes étrangers et auxorganisations indépendantes de défense des droitshumains.Au Conseil de sécurité des Nations unies, laRussie, la Chine et d’autres États ont bloqué uneproposition de résolution condamnant les crimes,entre autres atteintes aux droits fondamentaux,<strong>com</strong>mis en Syrie ; toutefois, les États-Unis, l’Unioneuropéenne et la Ligue des États arabes (Ligue arabe)ont imposé des sanctions. Le gouvernementaméricain a étendu à partir d’avril les sanctionsimposées depuis 2004 ; en mai l’Union européenne aimposé des sanctions visant les dirigeants syriens,SAmnesty International - Rapport 2012331


Squ’elle a ensuite étendues. La Ligue arabe asuspendu la Syrie de ses instances en novembre,avant de lui imposer des sanctions économiqueslorsque le gouvernement n’a pas tenu sonengagement de retirer ses forces armées des villes,de cesser les violences et de libérer les personnesdétenues en lien avec les protestations. À la fin dumois de décembre, la Ligue arabe a envoyé desobservateurs chargés d’évaluer la mise en œuvre desengagements pris par la Syrie.Utilisation excessive de la force etexécutions extrajudiciairesLes forces gouvernementales ont régulièrement utiliséune force excessive, y <strong>com</strong>pris meurtrière, contre desmanifestants pacifiques et d’autres protestataires. Denombreuses personnes ont été abattues, par destireurs embusqués selon toute apparence, alorsqu’elles participaient à des manifestations de grandeampleur ou aux funérailles de manifestants tués lesjours précédents. Des chars et d’autres véhiculesblindés déployés dans les villes de Deraa et de Homs,entre autres, ont tiré en direction de zonesd’habitation. Une politique de la « terre brûlée » a étéappliquée dans le gouvernorat d’Idlib, dans le nordouestdu pays. Le gouvernement a tenté de justifiercette répression brutale en prétendant être attaquépar des bandes armées, mais il n’a pas réussi àfournir de preuves convaincantes jusqu’à la fin del’année. Une résistance armée concertée, et qui étaiten partie le fait de déserteurs s’étant retournés contrele gouvernement, avait alors débuté en réponse à lapoursuite de la répression. À la fin de l’année, plus de4 300 personnes – plus de 5 000 même, selon lesNations unies – avaient été tuées en lien avec lemouvement de protestation et les troubles. La plupartétaient des manifestants non armés et de simplescitoyens présents sur place qui ne constituaientaucune menace pour les forces de sécurité ni pourquiconque. Beaucoup d’autres personnes ont étéblessées.n À Deraa, le 18 mars, les forces de sécurité auraientabattu quatre personnes au moins qui protestaientcontre le placement en détention d’enfants accusésd’avoir écrit des slogans antigouvernementaux sur unmur. Sept autres personnes, peut-être davantage,auraient été tuées le 23 mars lors de l’attaque par lesforces de sécurité de la mosquée Omari, à l’intérieur delaquelle des manifestants avaient trouvé refuge. AshrafAbd al Aziz al Masri, blessé à la jambe, aurait été abattud’une balle dans la tête tirée à bout portant par unmembre des forces de sécurité qu’il avait supplié del’aider.n À Jisr al Shughur, le 4 juin, des tireurs embusquésappartenant aux forces de sécurité auraient tué25 personnes qui assistaient aux funérailles de Baselal Masri ; un grand nombre de personnes auraient enoutre été blessées, dont un auxiliaire médical duCroissant-Rouge qui s’occupait d’un blessé.n Des informations ont fait état de la mort, le 19 juillet,d’une quinzaine de personnes abattues à Homs alorsqu’elles participaient aux funérailles de10 manifestants tués la veille, parmi lesquels RabeeJoorya. La mère et le frère de cet homme étaient aunombre des victimes.n Khaled al Haamedh est mort le 31 juillet à Hama, tuéselon les informations recueillies d’une balle dans ledos tirée par des soldats alors qu’il se rendait à pied àl’hôpital ; un char de l’armée l’aurait ensuite écrasé.n Muhammad al Mulaa Esa, un adolescent de 14 ans,aurait été abattu par un membre des forces de sécuritéle 13 novembre à Deir el Zor car il avait refuséd’obtempérer à l’ordre de participer avec sescamarades de classe à une manifestationprogouvernementale.Les blessés et le personnel soignant prispour ciblesLes personnes blessées dans les manifestations etqui voulaient se faire soigner dans des hôpitauxrisquaient d’être arrêtées et maltraitées, etnotamment de se voir refuser les soins dont ilsavaient besoin. Les médecins et les autresprofessionnels travaillant dans les hôpitaux risquaienteux aussi d’être arrêtés et persécutés s’ilsparticipaient aux manifestations ou s’ils lessoutenaient, ou encore s’ils soignaient desmanifestants blessés sans les signaler aux autorités.Plusieurs membres du personnel médical auraientété tués parce qu’ils avaient soigné des manifestants.n Sakher Hallak, un médecin qui dirigeait une cliniquespécialisée dans les troubles de l’alimentation, a étéarrêté le 25 mai. Selon les informations recueillies, il estmort deux jours plus tard alors qu’il était détenu par lesservices de la sécurité pénale à Alep. Son corpsprésentait des blessures – côtes, bras et doigts cassés,yeux arrachés et organes génitaux mutilés – quand il aété restitué à sa famille. Sakher Hallak a peut-être étépris pour cible parce qu’il avait signé une pétitionappelant les médecins à soigner tous les blessés, y332 Amnesty International - Rapport 2012


<strong>com</strong>pris les manifestants, et qu’il s’était rendurécemment aux États-Unis.n Le corps de Maaz al Fares, directeur administratif del’hôpital national de Taldo, dans le gouvernorat deHoms, a été restitué à sa famille le 24 novembre. Il étaitmort en détention, apparemment des suites de torture.Répression de la dissidenceDes restrictions très strictes étaient toujours imposéesà la liberté d’expression, d’association et de réunion,malgré la levée de l’état d’urgence et la promulgationde lois censées autoriser les manifestations pacifiqueset l’enregistrement des partis politiques. Les forces desécurité ont arrêté plusieurs milliers de personnes enlien avec la contestation ; certaines ont étéinterpellées pendant des manifestations et d’autreschez elles ou au cours de perquisitions domiciliaires,entre autres opérations de ratissage. Des centaines,voire des milliers, de personnes ont été victimes dedisparition forcée. Elles ont été détenues en secret etsans contact avec le monde extérieur dans descentres officiels ou improvisés, par exemple desterrains de sport. La torture et les autres formes demauvais traitements étaient monnaie courante danstous ces lieux.Parmi les prisonniers figuraient des militantspolitiques et des dissidents ainsi que des journalistes,des blogueurs, des imams, des soldats qui avaientrefusé de tirer sur des manifestants, et des militantsdes droits humains. Un certain nombre de personnessont entrées dans la clandestinité pour échapper àl’arrestation. Plusieurs centaines de ces prisonniersont été remis en liberté à l’issue de procès devant destribunaux militaires ou des juridictions pénales, ou ontété élargis à la faveur des amnisties proclamées par leprésident Bachar el Assad ; des milliers d’autresétaient toutefois maintenus en détention à la fin del’année.n Mohammed Najati Tayyara, défenseur des droitshumains âgé de 65 ans, a été arrêté le 12 mai à Homspar des agents de la Sécurité politique. Il a été accuséde « diffusion de fausses nouvelles susceptibles deporter atteinte au moral de la nation » après avoir donnédes interviews à des médias au sujet des violencesexercées par les forces de sécurité contre lesmanifestants. Un juge a ordonné sa remise en libertésous caution en août, mais il a été arrêté de nouveau,par des agents du Service du renseignement del’armée de l’air, et maintenu au secret pendant 11 joursdurant lesquels il a été battu. Il était maintenu endétention dans une cellule surpeuplée de la prisoncentrale de Homs à la fin de l’année.n La militante des droits des femmes Hanadi Zahlout aété détenue au secret pendant deux mois après sonarrestation à Damas le 4 août. Elle a ensuite ététransférée à la prison d’Adhra et inculpée dans le cadred’un procès impliquant six autres personnes pour,entre autres charges, « incitation à manifester ». Elle aété remise en liberté le 4 décembre.n Le journaliste Adel Walid Kharsa a été arrêté le17 août par des agents de la Sûreté de l’État pour avoircouvert anonymement la répression des manifestationspar les autorités. Maintenu au secret pendant cinqsemaines, puis remis en liberté sans avoir été inculpé, ila de nouveau été arrêté le 31 octobre par des agents duRenseignement militaire. Il était toujours détenu ausecret à la fin de l’année, victime de disparition forcée.n Mohamed Iyyad Tayara, un militant des droitshumains, a été arrêté chez lui à Homs le 28 août pardes soldats, apparemment parce qu’il avait transmisdes informations sur les violations des droitsfondamentaux. Détenu dans un lieu secret jusqu’audébut du mois de décembre, il a ensuite été transféré àla prison centrale de Homs.n Interpellé le 3 septembre à Hassakeh pour avoirexprimé son soutien aux manifestations en faveur de laréforme, l’écrivain kurde Hussein Essou était maintenuen détention à la fin de l’année.De nombreux dissidents et anciens prisonniersétaient toujours empêchés de se rendre à l’étrangeren vertu d’interdictions administratives qu’ils nepouvaient pas contester. Des Syriens vivant àl’étranger qui avaient manifesté pour exprimer leursolidarité avec les protestataires ont été surveillés etharcelés par des représentants des ambassadessyriennes, entre autres agents. Certains de leursproches en Syrie ont également été pris pour cibles,apparemment à titre de représailles.n Mustafa Kheder Osso, président de l’Organisationkurde de défense des droits humains et des libertéspubliques en Syrie (DAD, interdite), faisait l’objet d’uneprocédure disciplinaire engagée par l’Ordre des avocatssyriens parce qu’il avait pris part, en juillet, à unemanifestation pour réclamer la libération de prisonnierspolitiques, et avait fait des déclarations aux médias.Cette mesure disciplinaire risquait de l’empêcher decontinuer à exercer sa profession d’avocat.n Anwar al Bunni, un avocat spécialisé dans ladéfense des droits humains, a été empêché de serendre à l’étranger au cours de l’année.SAmnesty International - Rapport 2012333


Sn Les parents de Malek Jandali, pianiste et<strong>com</strong>positeur résidant aux États-Unis, ont été brutaliséspar des hommes armés à leur domicile, à Homs, enjuillet ; les faits sont intervenus quatre jours après queMalek Jandali eut participé aux États-Unis à unemanifestation de soutien aux protestataires syriens. Leshommes ont dit à son père : « Voilà ce qui arrive quandvotre fils se moque du gouvernement. »Libérations de prisonniersFace aux protestations et à la préoccupationexprimées au niveau international, le présidentBachar el Assad a promulgué cinq amnistiesdistinctes à la faveur desquelles des prisonniersd’opinion, des personnes arrêtées dans le cadre desmanifestations et des membres des Frèresmusulmans, mouvement interdit, ont recouvré laliberté. Les deux dernières mesures, promulguées ennovembre, auraient entraîné, selon des informationsdes médias gouvernementaux qui n’ont pas étéconfirmées par ailleurs, la remise en liberté de plusde 1 700 personnes arrêtées au cours desmanifestations.n Haytham al Maleh, un avocat chevronné spécialisédans la défense des droits humains, a été libéré à lasuite de la première amnistie, en mars. Cet homme de80 ans purgeait une peine de trois ansd’emprisonnement prononcée en 2010 à l’issue d’unprocès inique.n Muhannad al Hassani, un avocat spécialisé dans ladéfense des droits humains, a été libéré dans le cadrede l’amnistie de juin. Arrêté en juillet 2009, il avait étécondamné à trois ans d’emprisonnement en juin 2010à l’issue d’un procès inique.n Kamal al Labwani, militant politique et fondateur del’Union démocratique libérale, un parti interdit, a étélibéré le 15 novembre après avoir purgé six ans d’unepeine d’emprisonnement de 12 ans qui avait étéréduite de moitié dans le cadre de l’amnistie du31 mai.Torture et autres mauvais traitementsLes forces de sécurité avaient systématiquementrecours à la torture et aux mauvais traitements contreles détenus pour obtenir des informations ou des« aveux » sous la contrainte, ainsi que pour punir outerroriser les opposants présumés. Les auteurs de cesagissements bénéficiaient de l’impunité. Des victimescraignaient des représailles au cas où leur identitéserait divulguée.n Un homme arrêté en avril à Banias a affirmé avoir étédétenu pendant trois jours sans nourriture ni eaupotable. Il a ajouté qu’il avait été frappé, ainsi qued’autres détenus, à coups de crosse de fusil sur le couet les épaules, et que des membres des forces desécurité l’avaient déshabillé et frappé à coups dematraque et de câble et forcé à lécher son propre sangpar terre.n Un homme a déclaré qu’en mai, alors qu’il étaitdétenu par des agents du Renseignement militaire àHoms, il avait reçu des décharges électriques et avaitété roué de coups jusqu’à perdre connaissance ; onaurait également menacé de lui trancher le pénis. Alorsqu’il avait les yeux bandés, il a alors accepté d’apposerson empreinte digitale sur des documents qu’il n’avaitpas lus.n Après son arrestation en mai à Damas par desagents de la Sûreté de l’État, un habitant de la capitalea été fouetté, suspendu par les membres, privé desommeil et régulièrement aspergé d’eau froide alorsqu’il était nu. Tombé malade, il a été privé de soinsmédicaux.Morts en détentionL’ampleur du recours à la torture s’est traduite parune augmentation des cas de mort en détention ;200 personnes au moins seraient mortes à la suite deleur interpellation dans le cadre des manifestations.Dans bien des cas, les éléments disponiblesdonnaient à penser que la torture ou d’autres formesde mauvais traitements avaient joué un rôledéterminant dans leur décès. Aucun responsable n’aété traduit en justice. Des enfants figuraient parmi lesvictimes.n Une vidéo réalisée lors de la restitution du corps deTariq Ziad Abd al Qadr à sa famille, en juin à Homs, amontré que le cadavre présentait de nombreusesblessures. Cet homme avait été arrêté le 29 avril. Onconstatait des marques sur le cou et le pénis, causéesselon toute apparence par des décharges électriques,d’autres traces de brûlures sur le corps, des marquesde coups de fouet ainsi que de coups de couteau sur lecôté. Une partie de ses cheveux avait été arrachée. Undocument apparemment délivré par l’hôpital nationalattribuait la mort de Tariq Ziad Abd al Qadr à une « balledans la poitrine » alors qu’il ne présentait aucuneblessure par arme à feu.n Thamer Mohamed al Sharii, 15 ans, a disparu le29 avril alors que les forces de sécurité procédaient àdes arrestations massives et tiraient sur les334 Amnesty International - Rapport 2012


manifestants à Deraa. Un ancien détenu a indiqué parla suite qu’il avait vu ceux qui interrogeaient cetadolescent dans un centre de détention du Service durenseignement de l’armée de l’air le battre, malgré uneblessure par balle dans la poitrine. Le corps deMohamed al Sharii aurait été remis à sa famille le 6 juin.n En septembre, un couple a identifié un corps mutiléet défiguré <strong>com</strong>me étant celui de leur fille, Zaynabal Hosni, qui avait disparu. La famille a organisé desfunérailles. Le 4 octobre, Zaynab al Hosni est apparue àla télévision nationale et les autorités ont tenté d’utiliserson cas pour décrédibiliser les informations diffuséesau niveau international sur les violations des droitshumains en Syrie. On ignorait toutefois à la fin del’année où se trouvait Zaynab al Hosni et ce qu’iladvenait d’elle, ainsi que l’identité et les circonstancesde la mort de la femme dont le corps mutilé a étéenterré.Les autorités ont annoncé l’ouverture d’enquêtessur deux cas seulement de mort en détentionprésumée – ceux de Hamza Ali al Khateeb, 13 ans, etde Sakher Hallak (voir plus haut) –, après que denombreuses informations faisant état de possiblestortures eurent été diffusées. Dans les deux cas, lesinvestigations, qui n’ont vraisemblablement pas étéindépendantes ni impartiales, auraient mis hors decause les forces de sécurité.ImpunitéSeuls deux cas de mort en détention présumée ontfait l’objet d’enquêtes, insuffisantes. Aucune autreinvestigation n’a été ordonnée par les autorités sur lesnombreux cas d’homicides illégaux, de torture etd’autres atteintes graves aux droits humainsimputables aux forces de sécurité ; les responsablesde tels agissements n’ont pas eu à rendre <strong>com</strong>pte deleurs actes. Aucune mesure n’a été prise pour menerdes investigations sur des violations graves des droitshumains <strong>com</strong>mises dans le passé, dont les milliers dedisparitions forcées et les meurtres de prisonniersdans la prison militaire de Saidnaya en juillet 2008, nipour obliger les responsables à rendre <strong>com</strong>pte deleurs actes.n La famille de Tahsin Mammo a appris par hasard aucours de l’année que ce dernier faisait partie desdétenus de la prison de Saidnaya tués en juillet 2008.Ce prisonnier d’opinion avait été arrêté avec quatreautres membres de la minorité kurde yézidie enjanvier 2007. Sa famille était sans nouvelles de luidepuis juillet 2008.Discrimination – les KurdesLes membres de la minorité kurde, quireprésentent 10 % environ de la population,continuaient de souffrir de discrimination fondéesur leur identité, et notamment de restrictionsfrappant l’utilisation de leur langue et lesmanifestations de leur culture. Ils étaientégalement apatrides de fait, jusqu’à ce que leprésident Bachar el Assad promulgue, le 7 avril, ledécret n° 49 octroyant la nationalité syrienne auxKurdes ajanib (« étrangers »), qui vivent pour laplupart dans le gouvernorat de Hassakeh – mais lamesure ne concernait pas les Kurdes maktoumin(« dissimulés », c’est-à-dire non enregistrés). Cetteannée encore, les défenseurs des droits desKurdes risquaient d’être arrêtés et emprisonnés.n Les poètes kurdes Omar Abdi Ismaïl, AbdussamadHusayn Mahmud et Ahmad Fatah Ismaïl ont étécondamnés en février à des peines de quatre moisd’emprisonnement. Un juge les avait déclaréscoupables d’« incitation à des tensions raciales et destroubles sectaires » pour avoir organisé en 2010 unfestival de poésie kurde.Droits des femmesLes femmes étaient toujours victimes dediscrimination dans la législation et en pratique ; ellescontinuaient de subir des violences liées au genre, y<strong>com</strong>pris des meurtres et d’autres crimes graves<strong>com</strong>mis par des parents de sexe masculin au nom del’« honneur » de la famille. Le 3 janvier, le présidentBachar el Assad a promulgué un décret portantmodification du Code pénal et fixant de cinq à septans la peine minimale prévue pour les meurtres et lesautres crimes violents <strong>com</strong>mis contre des femmespour des questions d’« honneur ». Le plancher étaitauparavant de deux ans. Le décret prévoyaitégalement une peine d’au moins deux ansd’emprisonnement en cas de viol et d’autres formesd’agression sexuelle ; avant la promulgation de cetexte, les auteurs de tels actes échappaient auxpoursuites ou à une sanction s’ils épousaient lavictime.Peine de mortComme les années précédentes, des condamnationsà mort ont été prononcées. Des exécutions ont étésignalées, mais ces informations n’ont pu êtreconfirmées et les autorités n’ont divulgué aucunélément à ce sujet.SAmnesty International - Rapport 2012335


TVisites et documents d’AmnestyInternationalv Les autorités ont refusé à Amnesty International l’entrée en Syrie.4 Syria: End human rights violations in Syria – Amnesty InternationalSubmission to the UN Universal Periodic Review, October 2011(MDE 24/034/2011).4 Syrie. Morts en détention. Cas de mort en détention sur fond deprotestations populaires en Syrie (MDE 24/035/2011).4 Syrie. Le bras long des Moukhabarat. Violences et harcèlement dirigéscontre des Syriens vivant à l’étranger et contre leurs familles en Syrie(MDE 24/057/2011).4 Syrie. La santé attaquée. Le gouvernement syrien s’en prend aux blesséset au personnel soignant (MDE 24/059/2011).4 UN General Assembly should condemn the violence in Syria(MDE 24/082/2011).TADJIKISTANRÉPUBLIQUE DU TADJIKISTANChef de l’État :Emomali RakhmonChef du gouvernement :Akil AkilovPeine de mort :abolie en pratiquePopulation :7 millionsEspérance de vie :67,5 ansMortalité des moins de cinq ans : 61,2 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 99,7 %Les garanties contre la torture inscrites dans lalégislation nationale n’étaient passystématiquement respectées. La libertéd’expression faisait toujours l’objet de restrictions.Les autorités n’ont pas pris de mesures concrètespour lutter contre les violences faites aux femmes,garantir que les auteurs de tels faits soientpoursuivis en justice et protéger les victimes.Torture et autres mauvais traitementsMalgré certains changements introduits dans lalégislation en 2010, la police et les forces de sécuritécontinuaient de recourir à la torture et aux mauvaistraitements en toute impunité ou presque. La Coureuropéenne des droits de l’homme a pris desmesures d’urgence pour empêcher l’extradition d’unhomme vers le Tadjikistan, considérant que la tortureétait une pratique courante dans ce pays. Legouvernement a annoncé à la fin de l’année sonintention d’amender le Code pénal et d’y inscrire unedéfinition de la torture conforme au droit international.n Safarali Sangov est mort le 5 mars, quatre joursaprès son arrestation par des policiers de Sino, unquartier de Douchanbé. Lui-même et des membres desa famille, dont des enfants et une femme enceinte dequatre mois, auraient été frappés au moment de soninterpellation. Devant le tollé suscité par cette affaire etles allégations selon lesquelles Safarali Sangov seraitmort des suites d’actes de torture infligés au poste depolice, deux agents ont été inculpés en mars de« négligence » et un troisième d’« abus d’autorité ».Cette dernière accusation a cependant étéabandonnée un peu plus tard par le parquet, au motifque les témoignages des proches de Safarali Sangovn’étaient pas recevables en tant que preuves. À l’issued’une bataille juridique, l’affaire a été transmise auxservices du procureur général.n Le procès de 53 personnes accuséesd’appartenance au Mouvement islamiqued’Ouzbékistan (MIO) et d’activités relevant de lacriminalité organisée, s’est ouvert le 11 juillet devant letribunal régional de Soghd, dans le nord du Tadjikistan.Parmi les accusés figurait Ilkhom Ismanov. Le 19 juillet,ce dernier et plusieurs de ses coaccusés ont déclaré aujuge qu’ils avaient été torturés pendant leur détentionprovisoire. Le 16 septembre, Ilkhom Ismanov a dit aujuge que des représentants des pouvoirs publicsavaient fait pression sur lui pour qu’il rétracte sesaccusations de mauvais traitements et de torture. Iln’avait pas osé en parler auparavant, par crainte dereprésailles de la part des forces de sécurité. Le jugen’a pas tenu <strong>com</strong>pte de ses déclarations. Ses « aveux »,qui auraient été extorqués sous la torture, ont étéretenus contre lui. Le ministère public a requis unepeine de 12 années d’emprisonnement à son encontre.L’affaire était en cours à la fin de l’année.Liberté d’expression – journalistesSelon un certain nombre de groupes de défense desdroits humains locaux et internationaux, la presse etles journalistes indépendants s’exposaient toujours àdes poursuites pénales et civiles lorsqu’ils critiquaientle gouvernement ou ses représentants.n Le 14 octobre, un tribunal de Khoudjand (nord duTadjikistan) a déclaré le journaliste OurounboïOusmonov, qui travaille pour la BBC, coupabled’implication dans des activités en lien avec uneorganisation religieuse interdite. Ourounboï Ousmonova été condamné à trois ans d’emprisonnement, maisrelâché immédiatement à la faveur d’une amnistie. LaCour suprême l’a débouté de son appel le336 Amnesty International - Rapport 2012


30 novembre. Amnesty International estimequ’Ourounboï Ousmonov a été pris pour cible en raisonde son activité légitime de journaliste dans le cadre delaquelle il avait enquêté sur l’organisation islamiqueinterdite Hizb-ut-Tahrir (Parti de la libération).Ourounboï Ousmonov n’a pu consulter un avocatqu’une semaine après son arrestation. Selon certainesinformations, il aurait été maltraité, voire torturé.n Le 14 octobre également, un autre tribunal deKhoudjand a déclaré le journaliste MakhmadyousoufIsmoïlov coupable de diffamation, d’insultes etd’incitation à la haine. Journaliste travaillant pourl’hebdomadaire Nuri Zindagi, il avait été arrêté le23 novembre 2010 dans la région de Soghd. Sescollègues estimaient que les chefs d’inculpationretenus contre lui étaient à mettre en relation avec unarticle qu’il avait écrit sur les autorités de la provinced’Asht. Il y avait accusé certains responsables decorruption et critiqué les services locaux chargés del’application des lois. Makhmadyousouf Ismoïlov a étécondamné à une amende d’environ 5 400 euros,assortie d’une interdiction d’exercer son métier dejournaliste pendant trois ans. Sa condamnation a étéconfirmée en appel en décembre, mais il a étédispensé de l’exécution des peines.Violences faites aux femmes et aux fillesLes violences subies par les femmes constituaienttoujours un grave problème. Le fait que l’État n’ait paspris de mesures adéquates pour empêcher lesmariages illégaux et précoces constituait un facteurmajeur expliquant le taux élevé de violencedomestique au Tadjikistan. L’âge minimum pour semarier a été porté de 17 à 18 ans le 1 er janvier, pardécret présidentiel. Les services destinés à venir enaide aux victimes (foyers d’accueil et autres formulesd’hébergement sûres et adaptées) restaient toutefoisinsuffisants. En préparation depuis plusieurs années,le projet de loi relative à la protection sociale etjuridique contre la violence domestique a été soumisau Parlement à l’automne. Il n’avait cependant été niexaminé ni soumis au vote à la fin de l’année.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des représentantes d’Amnesty International se sont rendues auTadjikistan en avril.4 Tadjikistan. Une coalition d’organisations non gouvernementalesappelle le gouvernement à mettre fin à la torture et à respecter sesobligations internationales (EUR 60/003/2011).4 Tajikistan: Amnesty International submission to the UN UniversalPeriodic Review, October 2011 (EUR 60/006/2011).TAIWANRÉPUBLIQUE DE CHINEPrésident :Chef du gouvernement :Peine de mort :Ma Ying-jeouWu Den-yihmaintenueTaiwan a prononcé plus de condamnations à mort en2011 que n’importe quelle autre année de ladernière décennie, et ce malgré les déclarations dugouvernement affirmant que l’abolition de la peinecapitale était son objectif à long terme. La liberté deréunion était toujours soumise à restriction et aucunassouplissement n’a été apporté aux lois trèssévères appliquées dans ce domaine. Les autoritésn’intervenaient guère pour protéger le droit aulogement des paysans de l’île ; elles ont au contraireparfois pris une part active à leur expulsion.ContexteTaiwan avait ratifié en 2009 le Pacte internationalrelatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et le Pacteinternational relatif aux droits économiques, sociauxet culturels (PIDESC). Malgré l’adoption d’une loid’application exigeant que l’ensemble des lois,règlements, décrets et mesures administratives soientmis en conformité avec ces pactes avant le10 décembre 2011, Taiwan n’avait pas modifié niabrogé la majorité de ceux qui y contrevenaient.Peine de mortCinq condamnés ont été exécutés le 4 mars, un moistout juste après les excuses présentées par leprésident Ma Ying-jeou pour l’exécution, en 1997,d’un homme innocent. En novembre, les détenusdont la sentence avait été confirmée étaient aunombre de 55.n Le 28 juillet, la Cour suprême a rejeté l’appel forméen dernier recours par Chiou Ho-shun contre sacondamnation à mort. Le 25 août, le procureur générala rejeté une demande de recours extraordinaire visantà obtenir que cet homme soit rejugé. Chiou Ho-shunavait été condamné à mort en 1989 pour vol qualifié,enlèvement, chantage et meurtre. En l’absence deTAmnesty International - Rapport 2012337


Tpreuves matérielles, sa condamnation reposait sur des« aveux » que lui-même et ses coaccusés affirmaientavoir été obtenus sous la torture. Pendant plus de20 ans, la Haute Cour et la Cour suprême se sontrenvoyé son dossier.Système judiciaireUn pas vers plus d’indépendance et de transparencea été ac<strong>com</strong>pli en juin avec l’adoption par le Conseillégislatif de la Loi sur les juges, destinée à faciliter larévocation des magistrats in<strong>com</strong>pétents oucorrompus.Liberté d’expression et de réunionMalgré la demande persistante de l’opinion publique,le projet du gouvernement de modifier la Loi sur lesrassemblements et manifestations n’a pas avancé.Cette loi soumet les manifestations à diversesrestrictions et permet à la police d’utiliser la forcepour disperser les manifestants pacifiques.Droits en matière de logementLes responsables publics ont laissé faire, ou mêmeappuyé, les promoteurs qui, en plusieurs endroits dupays, expulsaient des paysans sans respecter lesprocédures légales – en particulier sans leur proposerde solution de relogement ni d’indemnisationdécente.Droits des migrantsLes travailleurs migrants n’étaient pas en mesure dechanger librement d’employeur. Les employés demaison et les aides à domicile étaient souvent forcésde travailler sans bénéficier d’un temps de repossuffisant. Les médias ont révélé des cas demaltraitance et d’exploitation de travailleurs migrantsemployés par des responsables publics et descélébrités.TANZANIERÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIEChef de l’État :Jakaya KikweteChef du gouvernement :Mizengo Peter PindaChef du gouvernement de Zanzibar : Ali Mohamed SheinPeine de mort :abolie en pratiquePopulation :46,2 millionsEspérance de vie :58,2 ansMortalité des moins de cinq ans : 107,9 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 72,9 %Des réfugiés burundais vivaient toujours sous lamenace d’un renvoi forcé. Les policiers et les autresresponsables de l’application des lois accusés deviolations des droits humains, dont des homicidesillégaux, n’ont pas été traduits en justice. Desauteurs de violences sexuelles et d’autres formes deviolences liées au genre continuaient de jouir del’impunité.ContexteLa Loi de 2011 relative à la révision de la Constitution,qui portait création d’une Commission chargée deconduire le processus de révision constitutionnelle, aété adoptée en novembre. La minorité parlementairede l’opposition, qui estimait que l’opinion publiquen’avait pas été suffisamment consultée sur cenouveau texte, avait protesté contre son adoption.Des représentants du Parti pour la démocratie et ledéveloppement (CHADEMA, opposition) demandaienttoujours une révision de cette loi, en particulier desdispositions accordant au chef de l’État le pouvoirexclusif de nommer la Commission.Réfugiés et migrantsÀ la suite d’une réunion organisée en mai entre desreprésentants des gouvernements de Tanzanie et duBurundi et le Haut-Commissariat des Nations uniespour les réfugiés (HCR), les autorités tanzaniennesont fait part de leur intention de fermer le camp deMtabila – qui abritait environ 38 000 réfugiésburundais – avant la fin décembre 2011. Elles ontégalement annoncé qu’elles envisageaient desupprimer les mesures de protection des réfugiés,invoquant la clause de la Convention relative au statutdes réfugiés [ONU] sur les circonstances ayant cesséd’exister. Alors que le gouvernement s’attendait auretour volontaire au Burundi d’environ20 000 personnes, les réfugiés concernés étaient peu338 Amnesty International - Rapport 2012


disposés à rentrer dans leur pays. En septembre, lesautorités ont annoncé qu’elles organisaient desentretiens avec ces réfugiés au sujet de leurs besoinsde protection. Aucune procédure n’avait cependantété mise en place pour évaluer la pertinence durapatriement. Les réfugiés burundais craignaienttoujours d’être contraints de regagner leur pays.ImpunitéDes informations ont fait état d’homicides illégaux, detorture et d’autres mauvais traitements <strong>com</strong>mis pardes agents de la force publique, notamment despoliciers, au cours d’opérations de sécurité menéesdans certaines régions du pays. Plus de20 personnes seraient mortes des suites de blessurespar balles en 2011, lorsque des policiers ont recouruà une force meurtrière pour réprimer desmanifestations ou empêcher des individus d’accéderillégalement à des sites d’extraction minière.n En janvier, trois hommes au moins sont morts àArusha lorsque des policiers ont tiré à balles réellespour disperser une manifestation de sympathisants del’opposition, qui dénonçaient l’élection d’un candidatdu Parti de la révolution (CCM, au pouvoir) au poste demaire de la ville. À la fin de l’année, aucune enquêteappropriée n’avait été menée sur ces homicides et lesresponsables n’avaient pas été traduits en justice.Violences faites aux femmes et aux fillesLa violence sexuelle et d’autres formes de violenceliée au genre, en particulier la violence domestique,étaient toujours monnaie courante en Tanzanie. Leursauteurs étaient rarement poursuivis en justice. Lapratique des mutilations génitales féminines étaittoujours très répandue dans certaines régions.Liberté d’expressionDes lois telles que la Loi sur la presse, la Loi relative àla sûreté nationale et la Loi relative aux services deradiotélédiffusion demeuraient en vigueur. Ces textesaccordaient aux autorités le pouvoir de limiter letravail des médias en s’appuyant sur des dispositionset notions vagues et mal définies, telles que « l’intérêtpublic », « l’intérêt de la paix et de l’ordre public » et« les intérêts de la sûreté nationale ». À la fin del’année, le gouvernement n’avait toujours pas adoptéofficiellement le projet de loi de 2006 sur la liberté del’information ni le projet de loi de 2007 relatif à laréglementation des médias. De plus, il n’avait pasreflété dans le projet de loi sur la liberté del’information les préoccupations soulevées par lesreprésentants de la société civile. S’ils étaientadoptés, ces deux textes permettraient de reconnaîtrele droit à l’information et d’abroger les lois utiliséespour restreindre indûment la liberté de la presse.Discrimination – agressions depersonnes atteintes d’albinismeCette année, d’après les informations disponibles,aucune personne albinos n’a été tuée en vue duprélèvement de parties de son corps. Jusqu’à cinqtentatives de meurtre ont néanmoins été signalées.L’action des pouvoirs publics destinée à prévenir lesagressions contre ces personnes demeuraitinsuffisante.Conditions carcéralesSelon des informations persistantes, les prisonsétaient surpeuplées et les conditions de détentiondéplorables. D’après le Centre juridique des droitshumains (LHRC), une ONG locale de défense desdroits humains, les prisons de Tanzanie continentale<strong>com</strong>ptaient plus de 38 000 détenus pour unecapacité totale de 27 653 places. Le LHRC attribuaitle problème de la surpopulation et le caractèredéplorable des conditions carcérales à l’inefficacité dela justice, à l’absence d’infrastructures adaptées et aumanque de personnel dans les établissementspénitentiaires.Peine de mortLes tribunaux ont continué de prononcer la peine demort pour des infractions emportant ce châtiment.Aucune exécution n’a eu lieu au cours de l’année.Une requête contestant la constitutionnalité de lapeine de mort, déposée en 2008 par troisorganisations de la société civile, était toujours eninstance devant la Haute Cour.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Un délégué d’Amnesty International s’est rendu en Tanzaniecontinentale en novembre.TAmnesty International - Rapport 2012339


TTCHADRÉPUBLIQUE DU TCHADChef de l’État :Idriss Déby ItnoChef du gouvernement : Emmanuel Djelassem NadingarPeine de mort :maintenuePopulation :11,5 millionsEspérance de vie :49,6 ansMortalité des moins de cinq ans : 209 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 33,6 %Les arrestations arbitraires se sont multipliées, tout<strong>com</strong>me les détentions illégales, les actes de tortureet les agressions contre des défenseurs des droitshumains, des journalistes et des syndicalistes. Lesviols et les autres formes de violences infligées auxfemmes et aux filles étaient courants. Lesexpulsions forcées se sont poursuivies dans lacapitale, N’Djamena. Des membres des forces desécurité tchadiennes et de groupes armésresponsables d’atteintes aux droits fondamentauxn’ont pas été tenus de rendre <strong>com</strong>pte de ces actes,tandis que les victimes étaient abandonnées à leursort.ContexteDes élections législatives et présidentielle ont eu lieurespectivement en février et en avril. Le scrutinprésidentiel a été boycotté par l’opposition. Leprésident sortant, Idriss Déby, a été réélu et a forméun nouveau gouvernement en août.Plusieurs milliers de Tchadiens sont rentrés deLibye en raison de l’escalade de la violence dans cepays. Plus de 280 000 réfugiés soudanais du Darfouret environ 130 000 Tchadiens déplacés vivaienttoujours dans des camps dans l’est du Tchad. LeHaut-Commissariat des Nations unies pour lesréfugiés (HCR) a examiné avec le Tchad et le Soudanla possibilité d’organiser un retour volontaire desréfugiés soudanais. Au moins 68 000 réfugiés, desCentrafricains pour la plupart, vivaient toujours dansdes camps situés dans le sud du Tchad.Plusieurs milliers de soldats tchadiens demeuraientdéployés près de Goré, ville à la frontière de laRépublique centrafricaine, où ils étaient stationnésdepuis décembre 2010.Violences faites aux femmes et aux fillesCette année encore, les viols et les autres formesde violence contre les femmes et les fillesdemeuraient très courants dans différentes régionsdu Tchad. Au nombre des victimes figuraient desTchadiennes déplacées, des réfugiées mais aussides habitantes locales et quelques enfants. Parcrainte de représailles de la part des auteurs desviolences, qui appartenaient souvent à la<strong>com</strong>munauté de la victime, aux groupes armés ouaux forces de sécurité, certaines victimes nesignalaient pas les sévices subis. Dans la plupartdes cas, les responsables agissaient en touteimpunité.n Une jeune fille de 15 ans a été enlevée au domiciled’un employé d’une organisation humanitaire. Elle aété violée à plusieurs reprises par au moins troishommes en tenue militaire dans la nuit du 4 au 5 mars,au cours d’une perquisition ayant pour objet larecherche d’armes, dans la ville de Goz Beïda (est duTchad). Bien que la famille de la victime ait portéplainte, les autorités n’avaient pris aucune mesure à lafin de l’année.n En juillet, une femme et sa fille de 13 ans ont étéviolées par des hommes en tenue militaire à Goré, dansle sud du pays. L’adolescente est morte des suites deses blessures en septembre. À la connaissanced’Amnesty International, aucune enquête n’avaitencore été ouverte à la fin de l’année.n Le 25 décembre, trois jeunes filles et une femmeréfugiées du Darfour qui ramassaient du bois ont étéviolées près du camp de réfugiés de Gaga, dans l’est duTchad, par quatre hommes armés. Des travailleurshumanitaires ont été informés que la police avait arrêtétrois suspects.Enfants soldatsLe 15 juin, le gouvernement tchadien et les Nationsunies ont signé un plan d’action pour mettre fin aurecrutement et à l’utilisation d’enfants par les forcesde sécurité et les groupes armés. Fin 2011, onignorait si la mise en œuvre de ce plan d’action avait<strong>com</strong>mencé.Conditions carcéralesLes conditions de détention étaient très éprouvanteset s’apparentaient à une forme de traitement cruel,inhumain ou dégradant. Les établissementspénitentiaires étaient surpeuplés et, bien souvent,les détenus n’avaient pas accès aux servicesmédicaux ni à d’autres services essentiels. Denombreux prisonniers étaient malades et sousalimentés.340 Amnesty International - Rapport 2012


Morts en détentionn Le 17 septembre, neuf hommes sont mortsasphyxiés quatre heures après avoir été placés endétention dans les locaux de la gendarmerie nationalede Léré, une ville de la région du Mayo-Kebbi Ouest(sud du Tchad). Certains avaient été maltraités aumoment de leur arrestation. À la suite de ces décès, lesdétenus qui se trouvaient encore à la gendarmerie ontété transférés à la prison centrale de N’Djamena, où unautre homme – Bouba Hamane – est mortultérieurement. À la connaissance d’AmnestyInternational, aucune enquête n’avait été ouverte surces 10 décès à la fin 2011.Torture et autres mauvais traitementsRégulièrement, des policiers, des gendarmes ou desmembres de l’Agence nationale de sécurité (ANS)torturaient les suspects, parfois avec la <strong>com</strong>plicité desautorités administratives locales.n Le 20 septembre, Guintar Abel, un fonctionnaire dela sous-préfecture de Ngondong, dans le départementdu Lac Wey (sud du pays), est mort à l’hôpital troissemaines après avoir été battu par un sous-préfet etses gardes du corps. Aucune mesure ne semblait avoirété prise à la fin de l’année.Arrestations et détentions arbitrairesCette année encore, des agents de l’ANS ont placédes personnes en détention sans inculpation.Certains détenus n’ont pas été autorisés à recevoir lavisite de leurs proches ni à consulter un médecin ouun avocat. D’autres personnes ont été arrêtées par lapolice ou la gendarmerie dans le cadre d’affairesciviles, en violation de certaines dispositions de laConstitution et du droit tchadiens.n Deux étudiants, Bebkika Passoua Alexis etNedoumbayel Nekaou, ont été interpellés le 7 mai dansune gare routière de N’Djamena, au motif qu’ilsdétenaient des documents appelant les Tchadiens àorganiser des manifestations. Les deux hommes ont,dans un premier temps, été détenus au secret parl’ANS avant d’être transférés dans la prison centrale deN’Djamena. Ils ont été condamnés à huit moisd’emprisonnement avec sursis et ont recouvré la libertéle 22 septembre.Défenseurs des droits humainsComme les années précédentes, des défenseurs desdroits humains ont fait l’objet de manœuvresd’intimidation et de harcèlement de la part dereprésentants de l’État, en particulier dans les régionsisolées de l’est et du sud du pays.n Le 19 septembre, à la suite d’une manifestationdénonçant le renvoi d’un sous-préfet, la présidentelocale de la Cellule de liaison et d’information desAssociations féminines (une organisation nationale dedéfense des droits des femmes), Kedigui Taroun Grace,a été arrêtée par des policiers en même temps que cinqautres femmes, à Sarh, dans le sud du pays. Les sixfemmes ont été libérées plus tard dans la mêmejournée, mais Kedigui Taroun Grace a été de nouveauinterpellée le 29 septembre. Cette fois encore, elle a étéremise en liberté le jour même. Elle n’a fait l’objetd’aucune inculpation mais les autorités locales l’ontprévenue qu’elle était considérée <strong>com</strong>me « politisée ».n Le 19 décembre, Daniel Deuzoumbe Passalet,président de l’organisation tchadienne Droits del’homme sans frontières, a été arrêté à N’Djamena. Aucours d’une interview qu’il avait donnée la veille à RadioFrance Internationale (RFI) il s’était déclaré préoccupépar l’impunité entourant la mort en septembre, à Léré,de 10 hommes qui se trouvaient aux mains de laGendarmerie nationale. Daniel Deuzoumbe Passalet aété remis en liberté le 30 décembre, la haute cour deN’Djamena siégeant à Moussoro ayant conclu enl’absence de preuves suffisantes pour l’inculper.Liberté d’association et de réunionPlusieurs milliers de personnes, dont des magistrats,des enseignants et des professionnels de santé, ontmanifesté de façon pacifique à N’Djamena, enoctobre et en novembre, pour dénoncer le bas niveaudes salaires et la hausse du prix des denréesalimentaires et du carburant. À la suite de cesmouvements de protestation, des personnes ont étéarrêtées et battues et d’autres ont été placées endétention.Liberté d’expression – syndicalistesDes syndicalistes ont été la cible de manœuvres deharcèlement ; certains ont été arrêtés de façonarbitraire.n Boukar Barka, un homme de 61 ans secrétairegénéral de la Confédération syndicale du Tchad (CST),a été arrêté le 4 novembre à son domicile, àN’Djamena, par des membres des services de sécurité.Les autorités ont affirmé que cette interpellation étaitliée à la condamnation pour détournement de fondsdont Boukar Barka avait fait l’objet par le passé. Libéréle 11 novembre, il a de nouveau été arrêté leTAmnesty International - Rapport 2012341


T13 novembre et détenu au poste de police de Moursal,avant d’être transféré à la prison centrale deN’Djamena le 14 novembre. Il a, par la suite, étéinculpé de « provocation directement liée à unemanifestation non armée ». L’arrestation de BoukarBarka et son placement en détention faisaient suite ausoutien que son syndicat et lui avaient accordé auxanciens employés de Tchad Cameroon Contractor, unsous-traitant d’Esso impliqué dans le projetd’aménagement de l’oléoduc Tchad-Cameroun.Expulsions forcéesInitiée en 2008, la campagne d’expulsions forcéess’est poursuivie à N’Djamena, lésant plusieurscentaines de personnes dont les habitations ont étédétruites. Ces expulsions se faisaient en dehors detoute procédure régulière et sans que les intéressésaient été consultés ni avertis selon des modalitéssatisfaisantes. Ceux qui ont perdu leur foyer n’ont pasbénéficié de solution de relogement ni d’autresformes d’indemnisation, alors que des décisions dejustice avaient été prononcées dans ce sens. Laplupart des sites dont les habitants avaient étéexpulsés demeuraient inoccupés à la fin de l’année.Les autorités municipales de N’Djamena ont annoncéde nouveaux projets d’expulsions, qui concerneraientplus particulièrement les quartiers de Sabangali et deGassi 3 et 4 dans la capitale.Justice internationale – Hissène HabréBien que l’Union africaine (UA) ait déclaré en 2006que l’ancien président tchadien Hissène Habré devaitêtre jugé au Sénégal « au nom de l’Afrique », ceprocès n’avait toujours pas eu lieu. En juillet, laCommission de l’UA a estimé que le Rwanda était lepays le mieux indiqué pour se voir confier le procèsd’Hissène Habré. Cette déclaration faisait suite à lasession de l’Assemblée des chefs d’État et degouvernement de l’UA, qui demandait instamment auSénégal de juger rapidement Hissène Habré ou del’extrader vers tout autre pays disposé à le juger. Desorganisations de défense des droits humains, ainsique des victimes tchadiennes et leurs avocats, ontindiqué préférer que le procès se déroule enBelgique. Les autorités belges ont en effet enquêtésur l’affaire, inculpé Hissène Habré de gravesatteintes au droit international humanitaire et relatifaux droits humains, et déposé en 2005 auprès duSénégal une demande d’extradition, qui a été réitéréeen novembre. Le gouvernement tchadien apubliquement approuvé cette option. En novembre, leComité contre la torture [ONU] a exhorté le Sénégal àprendre toutes les mesures nécessaires pour jugerHissène Habré ou, à défaut, à accepter la demanded’extradition.ImpunitéDes fonctionnaires tchadiens et des membres degroupes armés responsables de graves violations desdroits humains, dont des homicides illégaux, des violset d’autres actes de torture, ont continué d’agir dansl’impunité.n Le 10 janvier, le chef de l’État a signé uneordonnance accordant l’amnistie pour les crimes<strong>com</strong>mis par les membres de groupes armés. Certainesdes personnes amnistiées étaient soupçonnées decrimes relevant du droit international.n D’importantes re<strong>com</strong>mandations de la <strong>com</strong>missionchargée d’enquêter sur les événements survenus auTchad entre le 28 janvier et le 8 février 2008 n’avaienttoujours pas été mises en œuvre à la fin de l’année,malgré l’adoption, le 23 mai, d’un décret présidentielinstaurant un <strong>com</strong>ité de suivi. Au nombre de cesre<strong>com</strong>mandations figurait l’ouverture d’une enquêtesur le sort réservé au dirigeant de l’opposition IbniOumar Mahamat Saleh. Arrêté le 3 février 2008 à sondomicile, à N’Djamena, par des membres des servicesde sécurité, celui-ci avait ensuite été victime dedisparition forcée.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Tchad enmars, mai, juin, septembre et novembre.4 Tchad. Un avenir <strong>com</strong>promis. Les enfants recrutés par l’armée et lesgroupes armés dans l’est du Tchad (AFR 20/001/2011).4 Tchad. Le gouvernement doit immédiatement abroger l’ordonnanceoctroyant une amnistie (AFR 20/002/2011).4 Tchad. Privées de logement, de justice, de dignité. Les victimesd’expulsions forcées au Tchad (AFR 20/004/2011).4 Tchad. Rapport présenté au Comité pour l’élimination de ladiscrimination à l’égard des femmes. 50 e session, octobre 2011(AFR 20/009/2011).4 Tchad : des étudiants vont être jugés à cause de tracts appelant àmanifester (12 septembre 2011).342 Amnesty International - Rapport 2012


THAÏLANDEROYAUME DE THAÏLANDEChef de l’État :Bhumibol AdulyadejChef du gouvernement : Abhisit Vejjajiva, remplacé parYingluck Shinawatra le 8 aoûtPeine de mort :maintenuePopulation :69,5 millionsEspérance de vie :74,1 ansMortalité des moins de cinq ans : 13,5 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 93,5 %Le conflit armé interne qui touchait le sud de laThaïlande s’est intensifié. Les insurgés s’enprenaient de plus en plus souvent aux civils, etlançaient des attaques aveugles n’épargnant pas lapopulation civile. Toujours dans le sud, les forces desécurité se sont de nouveau livrées à des actes detorture et à d’autres mauvais traitements sur desdétenus. Pour la huitième année consécutive,aucun représentant des pouvoirs publics n’a étécondamné pour les violations des droits humainsperpétrées dans le sud du pays ; aucun n’a non plusété poursuivi pour la mort des personnes tuées lorsdes manifestations hostiles au gouvernementorganisées en 2010. Les autorités ont continué depersécuter les personnes qui exprimaient pourtantsans violence leurs opinions, en recourantnotamment aux dispositions sur les crimes de lèsemajestéet à la Loi relative aux infractions dans ledomaine de l’informatique. Elles ont par ailleursrenforcé les restrictions auxquelles étaient soumisles demandeurs d’asile et les réfugiés originaires duMyanmar, en particulier au moment des grandesinondations, tout en exploitant la main-d’œuvreimmigrée des pays voisins.ContexteLes élections législatives de juillet se sont soldées parla victoire du Puea Thai (Parti pour les Thaïlandais),la formation de Yingluck Shinawatra, la propre sœurde l’ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra, qui avaitété chassé du pouvoir. Le Puea Thai a remporté lamajorité absolue au Parlement et sa dirigeante estdevenue chef du gouvernement. Le parti n’a toutefoisobtenu aucun siège dans les trois provincesméridionales du pays, qui étaient en proie à uneinsurrection marquée par de nombreuses violencesayant entraîné 5 000 morts en huit ans. La crisepolitique née six ans plus tôt durait toujours. Desviolences ont été <strong>com</strong>mises dans le contexte desélections et des tensions sont apparues quelquesmois plus tard entre le nouveau gouvernement etl’armée. Mise en place au lendemain desmanifestations d’avril et mai 2010, la Commissionpour la vérité et la réconciliation a publié ses deuxpremiers rapports, assortis d’un ensemble dere<strong>com</strong>mandations.La rapporteuse spéciale des Nations unies sur latraite des êtres humains s’est rendue en Thaïlande aumois d’août. Au mois d’octobre, le Conseil des droitsde l’homme [ONU] a examiné la situation en matièrede droits humains en Thaïlande dans le cadre dumécanisme de l’Examen périodique universel.Conflit armé interneComme les années précédentes, les personnes tuéesdans le cadre du conflit armé interne affectant le sudde la Thaïlande étaient en majorité des civils ; plus dela moitié d’entre eux étaient de religion musulmane.Les insurgés ont fait de plus en plus souvent usagede bombes et d’engins explosifs improvisés, soitdirectement contre des civils, soit lors d’attentatsaveugles. Ces actes étaient en partie destinés à semerla terreur parmi la population civile.n Le 3 février tard dans la soirée, dans le district deYarang (province de Pattani), deux insurgés ont égorgéAbdullah Kaboh, un musulman père de six enfants,alors qu’il récoltait du caoutchouc.n Le 4 février, toujours dans le district de Yarang, deuxinsurgés circulant à moto ont abattu RuemMeesrisawad, 79 ans, de religion bouddhique. Cethomme était un retraité exerçant auparavant lamédecine traditionnelle, une activité subventionnéepar l’État. L’attentat a eu lieu au milieu de la matinée, àune centaine de mètres à peine de deux groupes dereprésentants des forces de sécurité.n Le 16 septembre, dans le district de Sungai Kolok(province de Narathiwat), cinq civils de nationalitémalaisienne ont été tués et au moins 118 autrespersonnes ont été blessées par trois bombes qui ontexplosé dans un intervalle de 45 minutes dans unquartier très animé le soir. Un enfant figurait au nombredes personnes ayant perdu la vie.n Le 25 octobre, au moins 11 bombes ont explosépresque simultanément, peu après le coucher dusoleil, dans le district central de la province de Yala,faisant trois morts et au moins 65 blessés.Les forces de sécurité thaïlandaises engagées dansdes opérations anti-insurrectionnelles se sont ellesTAmnesty International - Rapport 2012343


Taussi rendues coupables, cette année encore,d’atteintes aux droits humains.n Les autorités auraient torturé, ou plus généralementmaltraité, au moins neuf personnes soupçonnéesd’être impliquées dans une attaque menée en janvierpar des insurgés contre des installations militairessituées à Narathiwat.ImpunitéPour la huitième année consécutive, aucunreprésentant des pouvoirs publics ni aucunmembre des forces de sécurité thaïlandaises enposte ou détaché dans les trois provinces les plusméridionales du pays n’a été condamné pour desactes criminels ayant entraîné des violations desdroits humains. Cette impunité s’expliquait en partiepar les dispositions de l’article 17 du décret relatif àl’état d’urgence, en vigueur dans toute la région (àl’exception d’un district) depuis juillet 2005. Cetexte conférait en effet l’immunité judiciaire auxreprésentants du gouvernement <strong>com</strong>mettant desviolations des droits humains dans l’exercice deleurs fonctions. Personne n’a ainsi été poursuivipour la mort, aux mains des autorités, de85 musulmans du district de Tak Bai, dans laprovince de Narathiwat, en octobre 2004, ni dansl’affaire du décès sous la torture, pendant sadétention, de l’imam Yapha Kaseng, en mars 2008dans cette même province.n Le 10 août, un tribunal de la province deNarathiwat a condamné Sudi-Rueman Mah-Leh àdeux ans d’emprisonnement pour avoir fourni defaux renseignements à des agents de l’État chargésde l’enquête ouverte à la suite d’une plainte pouractes de torture qu’il avait déposée contre un policier.Le tribunal a justifié sa décision en faisant valoir quele policier en question et cinq de ses collèguesavaient été acquittés des faits qui leur étaientreprochés.Le Service des enquêtes spéciales a conclu à laresponsabilité des forces de sécurité dans la mortd’au moins 16 personnes tuées lors desmanifestations antigouvernementales d’avril et mai2010. Les dossiers des suspects ont été transmis àl’attention du parquet, qui devait examiner lapossibilité de les citer devant un tribunal pour uneenquête. À la fin de l’année, personne n’avait étéinculpé d’une responsabilité quelconque dans cesdécès – pas plus, d’ailleurs, que dans les 76 autresintervenus dans le même contexte.Liberté d’expressionLa liberté d’expression a cette année encore étéréprimée, essentiellement par le recours auxdispositions sur le crime de lèse-majesté(article 112 du Code pénal) et à la Loi relative auxinfractions dans le domaine de l’informatique, ainsique par diverses manœuvres d’intimidation desmédias. La plupart des personnes arrêtées,inculpées ou condamnées au titre de ces loisétaient des prisonniers d’opinion. Le 1 er décembre,les autorités ont inauguré le Centre opérationnel decybersécurité, chargé de la lutte contre lacybercriminalité – notamment les atteintes contre lamonarchie perpétrées sur des sites web de médiassociaux.n Ekkachai Hongkangvarn a été inculpé le 10 mars autitre des dispositions sur le crime de lèse-majesté, pouravoir vendu des DVD d’un documentaire australienconsacré à la monarchie thaïlandaise ainsi que destraductions de dépêches concernant la Thaïlandepubliées sur Wikileaks. Il a été remis en liberté souscaution.n Thanthawuthi Thaweewarodom, le concepteur dusite Internet norporchorusa.<strong>com</strong>, a été condamné le15 mars à 10 années d’emprisonnement au titre desdispositions sur le crime de lèse-majesté, et à troisannées supplémentaires au titre de la Loi relative auxinfractions dans le domaine de l’informatique, pour des<strong>com</strong>mentaires considérés <strong>com</strong>me critiques à l’égard dela monarchie qu’il avait soit lui-même mis en ligne, soitomis de retirer de son site. Il était toujours en détentionà la fin de l’année.n Joe Gordon (alias Lerpong Wichaikhammat) a étécondamné à cinq ans d’emprisonnement le8 décembre pour crimes de lèse-majesté. Onreprochait à cet homme possédant la doublenationalité américaine et thaïlandaise d’avoir animé unblog sur lequel figurait un lien vers la version en languethaï d’un livre interdit en Thaïlande. Les faits alléguésont été <strong>com</strong>mis aux États-Unis. Sa peine a été par lasuite réduite de moitié.n Le Conseil constitutionnel a estimé en juillet que leprocès en lèse-majesté intenté en 2009 à DaruneeCharnchaoengsilpakul, et qui s’était tenu à huis clos,« ne limitait en rien les droits de la prévenue dans lecadre d’une affaire pénale ». Condamnée en 2009 à18 ans d’emprisonnement, DaruneeCharnchaoengsilpakul s’est vu infliger en décembreune peine de 15 ans de détention, à l’issue d’unnouveau procès.344 Amnesty International - Rapport 2012


n Un tribunal pénal a condamné le 23 novembreAmpon Tangnoppakul, un homme de 61 ans atteintd’un cancer de la gorge, à 20 ans d’emprisonnementau titre des dispositions sur le crime de lèse-majesté etde la Loi relative aux infractions dans le domaine del’informatique. Alors qu’il affirmait ne pas savoir<strong>com</strong>ment envoyer des SMS, il a été déclaré coupabled’en avoir envoyé quatre considérés <strong>com</strong>me insultantsvis-à-vis d’un membre de la famille royale.Réfugiés et migrantsAprès les déclarations faites en début d’année par lesecrétaire général du Conseil national de sécurité etpar le gouverneur de la province de Tak, indiquantque les réfugiés originaires du Myanmar allaient êtrerapatriés, le gouvernement thaïlandais s’est engagé,lors de l’examen de la Thaïlande dans le cadre del’Examen périodique universel [ONU], à respecterl’obligation internationale qui était la sienne de ne pasrenvoyer de personnes vers des pays où ellesrisqueraient d’être persécutées.Le nombre de réfugiés présents sur le territoirethaïlandais a augmenté et les programmes deréinstallation dans les pays tiers se sont poursuivis. Àla fin de l’année, près de 150 000 réfugiés vivaientdans neuf camps situés le long de la frontière avec leMyanmar. Pourtant, le gouvernement s’est abstenu,pour la cinquième année consécutive, de soumettreles demandeurs d’asile à la procédure officielled’examen. En conséquence, près de la moitié desrésidents des camps n’avaient pas été enregistrés.Les autorités cherchaient à dissuader lesorganisations d’aide de fournir une assistancealimentaire et, plus généralement, humanitaire auxréfugiés des camps. Des demandeurs d’asile ontcette année encore été arrêtés, placés en détentionillimitée, expulsés ou renvoyés vers des pays où ilsrisquaient d’être victimes de persécutions.n En juin, les services de l’immigration ont pour lapremière fois autorisé la libération sous caution deréfugiés détenus au Centre de détention pour immigrésde Bangkok. Les 96 bénéficiaires appartenaient tous àla <strong>com</strong>munauté ahmadiyya du Pakistan.n En juillet, les immigrés travaillant dans le secteur dela pêche ont été sommés de se faire enregistrer auprèsdes autorités avant la fin du mois d’août, en spécifiantleur nom et celui de leur employeur. Les immigréstravaillant dans d’autres secteurs de l’économie avaientseulement jusqu’au mois de juillet pour se faireconnaître. Cette initiative s’inscrivait dans la politiquede lutte des pouvoirs publics contre l’exploitation desimmigrés par les trafiquants de main-d’œuvre et lesemployeurs.n En décembre, les autorités ont remis entre les mainsdes autorités laotiennes un réfugié enregistré auprèsdu Haut-Commissariat des Nations unies pour lesréfugiés. Ka Yang a été livré à la frontière thaïlandolaotienne,dans la province d’Ubon Ratchathani. Cethomme avait reçu l’accord des États-Unis pour saréinstallation le 24 décembre 2009, mais avait étérenvoyé de force au Laos avec 157 autres réfugiés lejour-même. Il avait de nouveau fui le Laos par la suitepour revenir en Thaïlande.Lors des grandes inondations qui ont frappé laThaïlande au début du mois d’août, les services del’immigration et la police ont arrêté et expulsé denombreux immigrés dont les papiers avaient étéperdus dans la catastrophe ou confisqués par leursemployeurs, n’hésitant pas, dans certains cas, à leurextorquer de l’argent. Nombre de travailleursimmigrés qui se présentaient aux frontières pourrentrer chez eux sans passeport ont été interceptéslors de contrôles par les services de l’immigration.Certains, notamment parmi les travailleurs originairesdu Myanmar, ont été placés en détention. Cespersonnes ont généralement été expulsées ensuite,parfois de nuit. Certaines ont en plus été victimesd’extorsions de fonds, soit de la part des autoritésthaïlandaises elles-mêmes, soit avec l’accord tacite deces dernières.n Réagissant aux informations selon lesquelles lesimmigrés étaient rejetés des centres d’accueil, legouvernement a mis en place en novembre au moinsun foyer qui leur était spécifiquement destiné.Peine de mortÀ la connaissance d’Amnesty International, aucuneexécution n’a eu lieu cette année. Toutefois, lestribunaux thaïlandais ont prononcé40 condamnations à mort en 2011, un chiffre enlégère baisse par rapport à la tendance de cesdernières années, qui ont vu en moyenne unecondamnation par semaine. Les condamnés à mortrestaient entravés par des fers aux pieds enpermanence, bien que cette pratique eût été jugéeillégale par un tribunal en 2009 (décision toutefoiscontestée et en cours d’appel).n Ikeda Kengo, un ressortissant japonais condamné àmort en mars 2009, attendait toujours dans les couloirsde la mort. Il n’avait pourtant pas bénéficié des servicesTAmnesty International - Rapport 2012345


Td’un avocat, ou du moins n’avait pas su qu’il pouvait enbénéficier. Or, la loi thaïlandaise obligeait les tribunauxappelés à juger des personnes passibles de la peine demort à nommer un avocat d’office, lorsque l’accusén’en avait pas déjà un.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Une délégation d’Amnesty International s’est rendue en Thaïlande enseptembre.4 “They took nothing but his life”: Unlawful killings in Thailand’s southerninsurgency (ASA 39/002/2011).TIMOR-LESTERÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU TIMOR-LESTEChef de l’État :José Manuel Ramos-HortaChef du gouvernement : Kay Rala Xanana GusmãoPeine de mort :aboliePopulation :1,2 millionEspérance de vie :62,5 ansMortalité des moins de cinq ans : 56,4 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 50,6 %Les auteurs des graves atteintes aux droits humainsperpétrées sous l’occupation indonésienne du Timororiental (1975-1999) jouissaient toujours pour laplupart de l’impunité. Les forces de sécurité seseraient rendues responsables de violations desdroits fondamentaux de la personne, notamment demauvais traitements. La violence domestique restaitun problème majeur.ContexteLe Conseil de sécurité de l’ONU a prolongé en févrierd’une année supplémentaire le mandat de la Missionintégrée des Nations unies au Timor-Leste (MINUT).Toujours en février, le Groupe de travail sur lesdisparitions forcées ou involontaires [ONU] s’estrendu sur place. Au mois d’octobre, le Conseil desdroits de l’homme [ONU] a examiné la situation desdroits humains au Timor-Leste dans le cadre dumécanisme de l’Examen périodique universel.Plusieurs États ont regretté à cette occasion que lesauteurs d’atteintes graves aux droits fondamentauxcontinuent d’échapper à la justice. Le pays a acceptéde prendre en considération les appels lancés parcinq États lui demandant de mettre en œuvre lesre<strong>com</strong>mandations de la Commission de l’accueil, derecherche de la vérité et de réconciliation (CAVR).ImpunitéMalgré les investigations menées par l’équipe chargéed’enquêter sur les infractions graves, l’impunité restaitla règle en matière d’atteintes aux droits humains. Lesvictimes, leurs proches et les ONG timoraisescontinuaient de demander que la justice fasse sontravail dans les affaires de violations des droitshumains <strong>com</strong>mises entre 1975 et 1999 par les forcesde sécurité indonésiennes, une exigence de justicesacrifiée par le gouvernement au nom de laréconciliation avec l’Indonésie. La majorité despersonnes accusées d’atteintes aux droits humains setrouvaient, pense-t-on, en Indonésie, où elles vivaientsans être inquiétées.n En juillet, Valentim Lavio, ancien membre de lamilice Fer rouge et blanc (BMP), a été condamné àneuf années d’emprisonnement par le tribunal dedistrict de Dili. Il était accusé de meurtre constitutif decrime contre l’humanité, <strong>com</strong>mis au lendemain duréférendum de 1999 sur l’indépendance. Son recoursen appel a été rejeté le 26 septembre. Il était cependanttoujours en liberté à la fin de l’année et s’était réfugié enIndonésie, ce qu’ont confirmé les autorités.Arrivé à expiration en janvier, un protocole d’accordconclu entre le Provedor (médiateur chargé des droitshumains et de la justice) du Timor-Leste et laCommission nationale des droits humains (KomnasHAM) indonésienne, qui prévoyait la mise en œuvredes re<strong>com</strong>mandations de la CAVR et de laCommission vérité et amitié (CTF, instituéeconjointement par le Timor-Leste et l’Indonésie), a étérenouvelé en novembre. Aucune avancée n’a étésignalée (voir Indonésie).Repoussé par le Parlement en février, le débat surla création d’un Programme national de réparations etd’un « Institut de la mémoire », qui serait chargéd’appliquer les re<strong>com</strong>mandations de la CAVR et de laCTF, n’avait toujours pas eu lieu à la fin de l’année.Police et forces de sécuritéEn mars, les Nations unies ont confié à la Policenationale du Timor-Leste l’entière responsabilité desopérations de police dans l’ensemble du pays. Seloncertaines informations, des policiers et des militairesse sont rendus responsables de violations des droitshumains, notamment de mauvais traitements.346 Amnesty International - Rapport 2012


Violences faites aux femmes et aux fillesUn certain nombre d’affaires de violence au foyer ontété jugées devant les tribunaux, conformément à laLoi de 2010 contre la violence domestique. Ce typede violence restait néanmoins fréquent et certainesaffaires étaient toujours traitées dans le cadre demécanismes traditionnels, qui empêchaient lesvictimes d’obtenir véritablement justice.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Timor-Lesteen février et en novembre.4 Timor-Leste: Justice delayed, justice denied - Amnesty Internationalsubmission to the UN Universal Periodic Review, October 2011(ASA 57/003/2011).TOGORÉPUBLIQUE TOGOLAISEChef de l’État :Faure Essozimna GnassingbéChef du gouvernement : Gilbert Fossoun HoungboPeine de mort :aboliePopulation :6,2 millionsEspérance de vie :57,1 ansMortalité des moins de cinq ans : 97,5 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 56,9 %Les forces de sécurité ont eu recours à une forceexcessive pour disperser des manifestationspacifiques organisées par des partis politiques etdes étudiants. Elles ont utilisé notamment du gazlacrymogène et des balles en caoutchouc. Unetrentaine de responsables politiques et militairesont été condamnés à des peines de prison sur labase d’« aveux » arrachés sous la torture. Lesauditions de la Commission vérité, justice etréconciliation ont eu lieu de septembre à novembre ;l’impunité demeurait la règle parmi les forces desécurité, qui ont cherché à perturber lefonctionnement de la Commission.ContexteEn mars, un projet de loi prévoyant l’obligation denotifier les autorités au préalable de la tenue de toutemanifestation publique a suscité des critiques de lapart de la classe politique, ainsi que des marches deprotestation populaire. Le texte a néanmoins étéadopté en mai.En octobre, la Cour de justice de la CEDEAOa reproché au gouvernement togolais les décisionsprises dans l’affaire relative à neuf députés del’Alliance nationale pour le changement (ANC,opposition) révoqués de l’Assemblée nationale.La Cour a demandé au gouvernement de« réparer le préjudice <strong>com</strong>mis » et d’accorderune indemnisation financière aux députés.Bien que les autorités aient accepté de verserces dédommagements elles refusaient toujours,à la fin de l’année, de réintégrer les neufparlementaires au sein de l’Assemblée.En octobre, le Togo a accepté certaines desre<strong>com</strong>mandations formulées par le Groupe de travailchargé de l’Examen périodique universel [ONU],notamment sur la garantie d’indépendance etd’impartialité de la Commission vérité, justice etréconciliation. Le gouvernement a rejeté lesre<strong>com</strong>mandations relatives à la ratification du Statutde Rome de la Cour pénale internationale.Utilisation excessive de la forceLes forces de sécurité ont, à maintes reprises, faitusage de gaz lacrymogène pour disperser desmanifestants et ont recouru à une force excessive lorsde plusieurs marches de protestation organisées pardes partis politiques et des étudiants.n En mars, les forces de sécurité ont dispersé aumoyen de gaz lacrymogène des manifestants quidénonçaient un projet de loi visant à restreindre laliberté de réunion. Jean-Pierre Fabre, président del’ANC, a été placé en résidence surveillée à plusieursreprises afin qu’il ne puisse pas participer à cesmanifestations.n En juin, les forces de sécurité ont fait usage de laforce contre le Mouvement pour l’épanouissement desétudiants togolais (MEET), une organisation étudiantequi réclamait des améliorations du systèmeuniversitaire. Les échauffourées ont éclaté après quesept étudiants – dont le dirigeant du MEET AbouSeydou – eurent été arrêtés et brutalisés. Plusieursétudiants ont été blessés, grièvement pour certains, pardes balles en caoutchouc.Torture et autres mauvais traitementsLe recours à la torture était généralisé durant ladétention provisoire, l’objectif étant d’arracher des« aveux » ou de <strong>com</strong>promettre des accusés.TAmnesty International - Rapport 2012347


Tn En mars, Sow Bertin Agba a été arrêté pourescroquerie et torturé cinq jours durant, menotté, dansun garage de l’Agence nationale de renseignement. Il aeu un bras cassé et des lésions sur tout le corps. À la finde l’année, il était toujours détenu à la prison civile deTsévié, sans avoir été jugé.n En septembre, 33 personnes accusées de fomenterun <strong>com</strong>plot contre l’État, dont Kpatcha Gnassingbé(demi-frère du président), ont été condamnées par laCour suprême à des peines de prison allant danscertains cas jusqu’à 20 années de réclusion. Dès la findu procès, le ministre de la Justice a demandé à laCommission nationale des droits de l’homme (CNDH)d’ouvrir une enquête sur des allégations de torture. LaCNDH n’avait pas rendu ses conclusions publiques à lafin de l’année.ImpunitéLa Commission vérité, justice et réconciliation, miseen place pour faire la lumière sur les violations desdroits humains perpétrées entre 1958 et 2005, a tenudes auditions de septembre à novembre. Au total,508 personnes ont été entendues, sélectionnées àpartir des quelque 20 000 déclarations reçues. Lespremières séances, qui se sont déroulées à Lomé (lacapitale) et dans d’autres villes, concernaientessentiellement l’attaque lancée en 1991 contre laPrimature (Services du Premier ministre) et certainesdes atteintes aux droits humains perpétrées durantl’élection présidentielle de 2005. L’une des séancesdu mois de septembre a été perturbée par l’irruptiondes forces de sécurité, qui cherchaientmanifestement à intimider les membres de laCommission et les témoins.L’enquête menée sur 72 plaintes de victimes de larépression politique de 2005 n’a pas progressé.Visites et documents d’AmnestyInternational4 Togo: Procès Kpatcha Gnassingbé - les aveux extorqués sous la torturene doivent pas être retenus (AFR 57/001/2011).TRINITÉ-ET-TOBAGORÉPUBLIQUE DE TRINITÉ-ET-TOBAGOChef de l’État :George Maxwell RichardsChef du gouvernement :Kamla Persad-BissessarPeine de mort :maintenuePopulation :1,3 millionEspérance de vie :70,1 ansMortalité des moins de cinq ans : 35,3 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 98,7 %L’état d’urgence a été déclaré en réponse àl’augmentation de la criminalité. Cette annéeencore, des homicides <strong>com</strong>mis par des policiers ontété signalés dont certains, d’après lescirconstances, pourraient avoir été illégaux.ContexteLe 21 août, le gouvernement a décrété l’étatd’urgence pour lutter contre une « menace à lasécurité nationale » aux termes vagues, mais liée aucrime organisé. En vertu de ce dispositif, les forces desécurité pouvaient procéder à des perquisitions et àdes arrestations sans mandat, les défilés etrassemblements publics étaient interdits à moinsd’avoir été autorisés par la préfecture et un couvrefeuétait imposé durant la nuit. L’état d’urgence a étélevé le 5 décembre.Le Premier ministre a annoncé que la fréquence descrimes violents avait considérablement baissé pendantl’état d’urgence. Cependant, il a été signalé à plusieursreprises que les policiers abusaient de leurs pouvoirset que les habitants des zones dites « sensibles »étaient pris pour cibles sans discernement. Plus de lamoitié des 449 personnes arrêtées pendant l’étatd’urgence au titre de la législation sur la lutte antigangsont été libérées faute de preuves. Le directeur duparquet a reproché à la police des défaillances dans lerecueil des éléments de preuve.Police et forces de sécuritéPlusieurs dizaines de personnes ont été tuées par lapolice. Souvent, les déclarations des témoinscontredisaient la version des policiers qui affirmaientavoir tiré en état de légitime défense.n Le 22 juillet à 9 heures, Abigail Johnson, AllanaDuncan et Kerron Eccles ont été abattus par la policealors qu’ils traversaient en voiture le village de348 Amnesty International - Rapport 2012


Barrackpore. Les policiers ont affirmé que despassagers du véhicule avaient tiré sur eux et qu’ilsavaient dû riposter. Cependant, des témoins auraientdéclaré que ces trois personnes n’étaient pas armées etque les policiers avaient délibérément tiré sur elles.Leur mort a déclenché une semaine de protestationsde la part des villageois. Sept policiers ont été inculpésde meurtre en octobre et leur procès était toujours encours à la fin de l’année.Des cas de détention arbitraire et de mauvaistraitements aux mains de la police durant l’étatd’urgence ont été signalés.n Arthur Lewis a été arrêté à son domicile, àWilliamsville, le 5 septembre. Il a déclaré avoir étéfrappé à coups de matraque pendant sa détention auposte de police de Morvant. Il a été libéré sansinculpation le 9 septembre.JusticeEn septembre, le ministre de la Justice a annoncéque plus de 100 000 affaires pénales étaient ensouffrance devant les tribunaux. Le projet de loi visantà accélérer la procédure judiciaire en supprimant lesenquêtes préliminaires a été adopté en décembre.Violences faites aux femmes et aux fillesLe nombre de cas de violence sexuelle ayant faitl’objet de plaintes entre janvier et septembre 2011 adiminué de 30 % par rapport à la même période en2010. Cependant, les violences liées au genren’étaient pas toutes signalées, notamment en raisondu manque de formation des policiers et de la lenteurde la justice. Deux ans et demi après son élaboration,la stratégie nationale sur les questions de genre et ledéveloppement n’avait toujours pas été adoptée.Peine de mortDeux hommes ont été condamnés à mort. À la fin del’année, 31 personnes étaient sous le coup d’unesentence capitale. En janvier, le gouvernement aprésenté un projet de loi visant à faciliter la reprisedes exécutions. Ce texte a été rejeté par le Parlementen février.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus à Trinité-et-Tobago en novembre-décembre.4 Trinidad and Tobago: New bill would make the Constitution inconsistentwith human rights and pave the way to executions (AMR 49/001/2011).TUNISIERÉPUBLIQUE TUNISIENNEChef de l’État : Zine el Abidine Ben Ali, remplacé parFouad Mebezaa le 15 janvier, à son tour remplacé parMoncef Marzouki le 13 décembreChef du gouvernement : Mohamed Ghannouchi, remplacé parBéji Caïd Essebsi le 27 février, à son tour remplacé parHamadi Jebali le 24 décembrePeine de mort :abolie en pratiquePopulation :10,6 millionsEspérance de vie :74,5 ansMortalité des moins de cinq ans : 20,7 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 77,6 %Des centaines de personnes ont été blessées par lesforces de sécurité et quelque 300 personnes sontmortes au cours de manifestations de grandeampleur dans les semaines qui ont précédé le14 janvier, date à laquelle le président Zine elAbidine Ben Ali a été renversé et a fui le pays. Denombreux manifestants pacifiques ont été abattuspar les forces de sécurité, qui ont utilisé des ballesréelles. Un processus global de réformes a alors étélancé : des prisonniers politiques, dont certainsétaient des prisonniers d’opinion, ont été remis enliberté ; les restrictions légales qui pesaient sur lespartis politiques et les ONG ont été levées ; laDirection de la sûreté de l’État, tristement célèbrepour pratiquer la torture en toute impunité sur lesdétenus, a été dissoute ; la Tunisie a adhéré à destraités internationaux relatifs aux droits humains etune Assemblée nationale constituante a été élue,avec pour mandat d’élaborer une nouvelleconstitution. Toutefois, les violations des droitshumains se sont poursuivies et les forces de sécuritéont continué de recourir à une force excessive contredes manifestants qui protestaient contre le rythmedes réformes, jugé trop lent. Des protestataires ontété battus, entre autres formes de mauvaistraitements, au moment de leur interpellation et endétention. Malgré quelques améliorations, lesfemmes continuaient d’être victimes dediscrimination, dans la législation et dans lapratique. La peine capitale était maintenue, maisaucune condamnation à mort n’a été signalée etaucune exécution n’a eu lieu.ContexteAprès 23 ans au pouvoir, le président Ben Ali a quittéle pays le 14 janvier pour se réfugier en ArabieTAmnesty International - Rapport 2012349


Tsaoudite, à la suite de plusieurs semaines demanifestations dans tout le pays contre son régimerépressif. Plus de 230 personnes ont été tuées et700 autres blessées au cours des manifestations, et70 détenus, peut-être davantage, sont morts dans lesprisons lors d’incidents liés au mouvement decontestation. Le Premier ministre MohamedGhannouchi, qui s’était proclamé président parintérim, a été remplacé quelques heures plus tard parFouad Mbezaa ; il a alors repris ses fonctions dePremier ministre. Il a proclamé le 15 janvier l’étatd’urgence – qui a été prolongé en août, puis ennovembre, puis de nouveau en décembre jusqu’à lafin du mois de mars 2012 – et a désigné ungouvernement provisoire. Contraint à la démission enfévrier par les manifestations populaires, il a étéremplacé par Béji Caïd Essebsi. En décembre, à lasuite des élections d’octobre pour l’Assembléenationale constituante, Moncef Marzouki a éténommé président et Hamadi Jebali est devenuPremier ministre.Le gouvernement de transition a promulgué enfévrier une amnistie qui a entraîné la remise en libertéde prisonniers d’opinion, entre autres prisonnierspolitiques. Il a également désigné trois <strong>com</strong>missionsdans le cadre du processus de réformes : la HauteInstance pour la réalisation des objectifs de larévolution, de la réforme politique et de la transitiondémocratique ; la Commission nationaled’investigation sur la corruption et la malversation, etla Commission nationale d’investigation sur lesdépassements et les violations, qui avait pour mandatd’enquêter sur les homicides de manifestants, entreautres violations des droits humains <strong>com</strong>mises par lesforces de sécurité au cours du mouvement deprotestation qui a renversé le président Ben Ali. Cettedernière Commission n’avait pas déposé son rapportà la fin de l’année. Toutefois, deux anciens ministresde l’Intérieur – Rafik Haj Kacem et Ahmed Friaa –faisaient partie des 139 anciens représentants del’État, dont l’ex-président, devant être jugés pour deschefs d’accusation concernant les manifestants tuésou blessés dans les semaines précédant le 14 janvier.Ouvert en novembre, leur procès n’était pas terminé àla fin de l’année. L’ancien président Ben Ali et desmembres de sa famille ont également été jugés, parcontumace, et condamnés pour corruption etinfraction à la législation sur les stupéfiants.En mars, le gouvernement de transition a dissousla Direction de la sûreté de l’État, un service de policesuscitant une aversion générale et tristement célèbrepour ses séances de torture et autres violations gravesdes droits humains <strong>com</strong>mises sous le régime duprésident Ben Ali.Les autorités ont également modifié la Loi relativeaux associations, qui imposait des restrictions sévèresaux activités de celles-ci ; des partis politiquesautrefois interdits, dont le parti islamiste Ennahda(Renaissance) et le Parti <strong>com</strong>muniste des ouvrierstunisiens (PCOT), ainsi que des organisations dedéfense des droits humains et d’autres ONG, ont puse déclarer officiellement. Selon le ministère del’Intérieur, on recensait en septembre,1 366 associations et 111 partis politiquesnouvellement autorisés. Le Rassemblementconstitutionnel démocratique (RCD), parti de l’ancienprésident Ben Ali, a été dissous en mars.Le gouvernement a ratifié d’importants traitésinternationaux relatifs aux droits humains, à savoir leProtocole facultatif se rapportant au PIDCP, leProtocole facultatif se rapportant à la Conventioncontre la torture [ONU], la Convention contre lesdisparitions forcées et le Statut de Rome de la Courpénale internationale (CPI). Il a également levé lesréserves de la Tunisie à la Convention sur les femmes[ONU].Les premières élections après le soulèvement,tenues le 23 octobre, ont désigné une Assembléenationale constituante de 217 membres, chargéed’élaborer une nouvelle constitution et de nommer ungouvernement de transition. Ennahda a remporté unemajorité de sièges, mais pas la majorité absolue.L’Assemblée, qui s’est réunie pour sa premièreséance le 22 novembre, a désigné aux postes deprésident, de Premier ministre et de président del’Assemblée des représentants des trois partis ayantobtenu le plus grand nombre de sièges. Lespersonnalités nommées ont pris leurs fonctions endécembre.Les rapporteurs spéciaux des Nations unies sur latorture et sur la promotion et la protection des droitsde l’homme et des libertés fondamentales dans lalutte antiterroriste se sont rendus l’un et l’autre enTunisie en mai.Évolutions législatives etconstitutionnellesLa Constitution a été suspendue en mars. D’autreslois sont restées en vigueur, mais certaines ont étélargement modifiées en vue de lever les restrictions350 Amnesty International - Rapport 2012


pesant sur l’exercice des droits fondamentaux. C’estnotamment le cas du Code de la presse et de la Loirelative à la <strong>com</strong>munication audiovisuelle qui, si ellescontinuent d’ériger la « diffamation » en infractionpénale, ne prévoient toutefois plus les peinesd’emprisonnement autrefois encourues. Desmodifications à la Loi relative aux associations ontsupprimé les restrictions pesant sur la formation oul’appartenance à une association, et dépénalisé laprestation de services à des « associations nonreconnues ». Les dispositions sur la torture ont étémodifiées de manière à mettre la définition de latorture du Code pénal davantage en conformité aveccelle énoncée par le droit international. Toutefois, undélai de prescription de 15 ans a été introduit pour lecrime de torture, contrairement à ce que prévoit ledroit international en matière de droit à un recours età réparation. D’autres textes législatifs, <strong>com</strong>me ledispositif sur la lutte antiterroriste, la Loi règlementantles réunions publiques, cortèges, défilés,manifestations et attroupements, et la Loi relative àl’organisation judiciaire, devaient encore subir desréformes.Le ministère de l’Intérieur a exposé une « feuille deroute » pour la réforme de la police. Elle ne <strong>com</strong>portaitaucune disposition en vue d’enquêter sur lesviolations des droits humains <strong>com</strong>mises dans le passépar la police et les agents de la Direction de la sûretéde l’État, organe démantelé, et d’obliger lesresponsables à rendre <strong>com</strong>pte de leurs actes. Onignorait si un système de vérification avait été mis enplace pour empêcher les anciens agents de laDirection ou d’autres branches de la police et desforces de sécurité responsables de violations passéesdes droits humains d’être nommés ou maintenus àdes postes où ils pouvaient se livrer de nouveau à detels actes.Utilisation excessive de la forceAprès la désignation du gouvernement de transition,les forces de sécurité ont réprimé par un usageexcessif de la force de nouvelles manifestationsportant, entre autres, sur le rythme des réformes, jugétrop lent.n En février, trois personnes auraient trouvé la mortlorsque les forces de sécurité ont dispersé par laviolence un sit-in pacifique sur la place de la Kasbah àTunis.n En mai, des journalistes ont été battus par desmembres des forces de sécurité qui les auraientempêchés de filmer la dispersion par la force denouvelles manifestations sur la place de la Kasbah. Leministre de l’Intérieur a présenté des excuses, mais lesagents des forces de sécurité ont de nouveau eurecours à la violence le 15 juillet lorsque desprotestataires ont tenté de se joindre à un sit-in devantla Kasbah. Un grand nombre des 47 personnes aumoins qui auraient été arrêtées ont affirmé qu’ellesavaient été frappées au moment de leur interpellation.Ahmed Ben Nacib, membre de l’organisation dedéfense des droits humains Liberté et équité, anotamment été poursuivi par des policiers à moto avantd’être matraqué, roué de coups de pied et giflé. Il a denouveau été brutalisé durant sa garde à vue, puis remisen liberté.n Thabet el Hejlaoui, 13 ans, est mort le 17 juillet aprèsavoir semble-t-il été touché par une balle perdue alorsqu’il regardait les forces de sécurité tirer sur desmanifestants antigouvernementaux devant unecaserne de l’armée, à Sidi Bouzid.Liberté d’expressionLes forces de sécurité ont été accusées de ne pasavoir réagi efficacement dans plusieurs cas où desmembres de groupes religieux extrémistes tentaientd’empêcher des personnes d’exercer leur droit à laliberté d’expression.n En octobre, la police a été accusée de ne pas êtreintervenue efficacement lorsque des extrémistesreligieux ont attaqué le siège de Nesma TV après ladiffusion du film d’animation Persepolis, qu’ilsconsidéraient <strong>com</strong>me blasphématoire. Le propriétairede la chaîne de télévision a été agressé par la suite. Lapolice a arrêté quelques suspects, qui ont été remis enliberté sans caution. Le propriétaire de Nesma TV aété inculpé de « corruption morale » – un crimepassible d’une peine d’emprisonnement assortied’une amende – et de « trouble à l’ordre public » dansune procédure intentée à son encontre par un grouped’avocats.Torture et autres mauvais traitementsDe nouvelles informations ont fait état de torture et demauvais traitements, mais les cas signalés étaientbeaucoup moins nombreux que les annéesprécédentes. Le plus souvent, les victimes seplaignaient d’avoir été battues par des policiers aumoment de leur interpellation au cours demanifestations ou pendant leur transfert dans unposte de police, ou encore durant leur garde à vue.TAmnesty International - Rapport 2012351


Tn Fouad Badrouci, un lycéen de 17 ans, a été arrêté le6 mai à Tunis, après une manifestation, par despoliciers qui avaient le visage masqué. Il a été frappé àcoups de poing, de pied et de matraque avant d’êtreconduit avec d’autres jeunes manifestants à la prisonde Bouchoucha. À leur arrivée, on les a forcés à resterun long moment debout, les bras et une jambe en l’air ;ils ont été frappés et privés de nourriture et d’eau. Onleur a ensuite fait signer un papier en blanc, puis on lesa remis en liberté le lendemain matin. Fouad Badroucia subi des fractures du nez, du bras droit et d’une côte.n Mohamed Sidki Hlimi s’est plaint d’avoir été violé etd’avoir subi d’autres sévices infligés par des policiersqui l’avaient convoqué dans une base militaire deKasserine, en mars, après qu’il eut accusé un gradé dela police d’être responsable de la mort de personnesqui manifestaient contre le président Ben Ali. Cethomme a affirmé qu’il avait été menotté et enchaînédurant les sept jours de sa garde à vue et qu’il étaitresté nu après avoir été déshabillé le premier soir,suspendu à un poteau, frappé et violé. Il a de nouveauété battu quand il a refusé de signer une déclarationaccusant des personnes qu’il ne connaissait pasd’avoir incendié des postes de police. Il a ensuite étélibéré.À la suite de sa visite en Tunisie, en mai, lerapporteur spécial des Nations unies sur la torture aexhorté le gouvernement à faire savoir à tous lespoliciers et autres agents de la force publique que lerecours à la torture et aux mauvais traitements étaitprohibé, et à veiller à ce que les responsables de telsagissements ne soient pas exemptés de responsabilitépénale.ImpunitéBien que plusieurs anciens agents de l’État aient étéinculpés pour des homicides de manifestants, entreautres atteintes aux droits humains <strong>com</strong>mises durantle soulèvement, aucune mesure n’a été prise pourobliger les responsables des violations flagrantes desdroits humains <strong>com</strong>mises durant les 23 années durégime du président Ben Ali à rendre <strong>com</strong>pte de leursactes. Des familles de victimes ont dénoncé cequ’elles considéraient <strong>com</strong>me un déni de justice etaffirmé que des policiers, des agents de la Directionde sûreté de l’État et d’autres responsables deviolations des droits humains <strong>com</strong>mises dans le passéétaient toujours en fonction ou avaient simplementété mutés, voire promus à des postes plus élevés.Certaines familles ont tenté d’obtenir l’ouvertured’enquêtes contre des responsables présumésd’atteintes aux droits humains, mais les jugesd’instruction se montraient généralement réticents àprendre des mesures contre des agents de l’État, oudans l’incapacité de le faire. Cette situation étaitaggravée par le refus manifeste du ministère del’Intérieur de coopérer avec la justice. À partir du moisde mai, toutes les procédures concernant lesviolations des droits humains <strong>com</strong>mises pendant lesoulèvement ont été renvoyées devant des tribunauxmilitaires.La <strong>com</strong>mission d’établissement des faits désignéeen février pour enquêter sur les violations des droitsfondamentaux <strong>com</strong>mises durant le soulèvementn’avait pas terminé ses travaux à la fin de l’année.Elle a déclaré qu’elle ne transmettrait pas d’élémentsde preuve au pouvoir judiciaire en l’absenced’une demande formelle, ce qui a suscité desinterrogations quant à son efficacité. Elle a ajoutéqu’elle avait rencontré toutes les victimes deviolations <strong>com</strong>mises durant le soulèvement, ce quia été contesté par de nombreuses personnes quiavaient participé au mouvement de protestation.La <strong>com</strong>mission devait déposer son rapport etformuler des re<strong>com</strong>mandations au début de 2012.Droits des femmesLe gouvernement de transition a levé les réservesde la Tunisie à la Convention sur les femmes ;d’autres améliorations ont été constatées. Legouvernement a notamment adopté le principe dela parité entre hommes et femmes pour lesélections ; dans la pratique toutefois, les partispolitiques ont principalement présenté des hommessur leurs listes. Les femmes ont été autorisées àutiliser pour leur carte d’identité des photos surlesquelles elles portent le hijab (foulard). Lesfemmes restaient par ailleurs victimes dediscrimination dans la législation et dans lapratique. Le Code de statut personnel conservaitainsi la discrimination envers les femmes enmatière d’héritage et de garde des enfants, et desmilitantes des droits des femmes se sont plaintesd’avoir été la cible de campagnes de dénigrement.n La journaliste Salma Jlassi, figure de premier plan duSyndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), aaffirmé avoir reçu des menaces de mort anonymes etavoir été la cible de <strong>com</strong>mentaires dégradants dans lesmédias et sur Internet, apparemment en raison de sesopinions et de ses prises de position publiques.352 Amnesty International - Rapport 2012


Réfugiés et migrantsÀ partir de janvier, de nombreux Tunisiens ont tentéde quitter le pays à bord de petits bateaux. Certainsse sont perdus en mer, d’autres ont réussi à atteindrel’île italienne de Lampedusa. En avril, lesgouvernements tunisien et italien ont convenu que20 000 Tunisiens environ seraient rapatriés, et que lesautorités tunisiennes renforceraient les contrôles lelong de la côte.Venus de Libye après le déclenchement du conflitdans ce pays, un très grand nombre de migrants etde réfugiés sont arrivés en Tunisie. Beaucoup demigrants ont bénéficié d’une assistance pourretourner dans leur pays d’origine, mais quelque3 800 réfugiés et demandeurs d’asile étaient toujoursbloqués à la fin de l’année à Choucha, l’un des troiscamps installés à proximité du point de passagefrontalier de Ras Jedir, entre la Tunisie et la Libye.Originaires pour la plupart d’Érythrée, de Somalie etdu Soudan, ils ne pouvaient pas rentrer dans leurpays car ils craignaient d’être persécutés.Peine de mortLa peine capitale était maintenue, mais aucunecondamnation à mort n’a été signalée et aucuneexécution n’a eu lieu. La Tunisie maintenait unmoratoire de facto sur les exécutions depuis 1991.n Saber Ragoubi, déclaré coupable d’infractions liéesà la sécurité et condamné à mort en 2007, a été libéréen février.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Tunisie enjanvier, février-mars, avril et octobre.4 Tunisie. Programme pour le changement en matière de droits humains(MDE 30/008/2011).4 Tunisie. La Tunisie en révolte. Les violences de l’État pendant lesmanifestations antigouvernementales (MDE 30/011/2011).4 Tunisie. Dix mesures pour les droits humains. Manifeste d’AmnestyInternational pour les droits humains en Tunisie (MDE 30/017/2011).TURKMÉNISTANTURKMÉNISTANChef de l’État et du gouvernement : GourbangoulyBerdymoukhammedovPeine de mort :aboliePopulation :5,1 millionsEspérance de vie :65 ansMortalité des moins de cinq ans : 45,3 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 99,6 %Le Comité contre la torture [ONU] a estimé que latorture était une « pratique généralisée » auTurkménistan. Le gouvernement a poursuivi sapolitique de répression à l’égard des journalistes etdes défenseurs des droits humains.Torture et autres mauvais traitementsDe nombreuses informations ont fait état d’actes detorture et d’autres mauvais traitements infligés à desdéfenseurs des droits humains, des journalistes etdes personnes appartenant à des minoritésreligieuses par des policiers, des fonctionnaires duministère de la Sûreté nationale ou des membres dupersonnel pénitentiaire. Les autorités n’ont pas menéde véritable enquête sur ces affirmations.Le Comité contre la torture a publié en juin sesobservations finales sur le Turkménistan. Il s’est ditprofondément préoccupé « par les allégationsnombreuses et concordantes dénonçant la pratiquegénéralisée dans l’État partie de la torture et desmauvais traitements à l’encontre des détenus ».Répression de la dissidenceLes autorités ont continué de réprimer la dissidence.Les journalistes travaillant avec des organes de presseétrangers connus pour leurs articles critiques enversle régime faisaient l’objet d’actes de harcèlement etd’intimidation. Les groupes indépendants de lasociété civile ne pouvaient pas fonctionner au grandjour. Le Comité contre la torture a instamment prié legouvernement de « veiller à ce que les défenseurs desdroits de l’homme et les journalistes, au Turkménistan<strong>com</strong>me à l’étranger, soient protégés contre les actesd’intimidation ou de violence motivés par leursactivités ». Les autorités continuaient d’avoir recours àl’internement en asile psychiatrique pour faire taire lesdissidents.n Condamnés en 2006, à l’issue d’un procès nonéquitable, à des peines d’emprisonnement pourTAmnesty International - Rapport 2012353


T« acquisition, possession ou vente illégales de munitionsou d’armes à feu », deux prisonniers d’opinion proches dela Fondation Helsinki du Turkménistan (une ONG),Annakourban Amanklytchev et Sapardourdy Khadjiev,purgeaient toujours leur peine. Le Comité contre la torturea appelé le gouvernement à mettre en œuvre la demandeémise en 2010 par le Groupe de travail sur la détentionarbitraire, qui souhaitait la libération immédiate des deuxhommes et l’octroi de dommages-intérêts.n Dovletmyrat Yazkouliev, journaliste pour Radio FreeEurope/Radio Liberty, a bénéficié le 26 octobre d’uneamnistie présidentielle. Quelques jours plus tôt, àl’issue d’un procès expéditif, il avait été déclarécoupable d’avoir encouragé un membre de sa famille àse suicider. Il avait été condamné à cinq ansd’emprisonnement. Selon son entourage, il aurait enfait été pris pour cible en raison du reportage critiquequ’il avait fait sur l’explosion meurtrière, en juillet, d’undépôt d’armes près d’Achgabat. Quelques moisauparavant, il avait couvert les révolutions qui avaientdéferlé sur le Moyen-Orient et fait des <strong>com</strong>paraisonsavec la situation au Turkménistan.n Le militant Amanguelen Chapoudakov, 80 ans, a étéarrêté le 7 mars et placé pendant 40 jours en hôpitalpsychiatrique. Il avait accordé à Radio Azatlyq (leservice en langue turkmène de Radio FreeEurope/Radio Liberty) un entretien au cours duquel ilavait accusé un responsable local de corruption.n Le site Internet d’actualités indépendant Chroniclesof Turkmenistan, animé par des émigrés, a été mis horsd’usage par une cyberattaque le 18 juillet, quelquesjours après avoir publié des informations sur l’explosiondu dépôt d’armes situé près d’Achgabat. Les auteursde cette attaque auraient rendu publiques des donnéesconcernant les usagers de ce site, y <strong>com</strong>pris ceuxvivant au Turkménistan, leur faisant ainsi courir lerisque d’être harcelés par les autorités. Desreprésentants des pouvoirs publics locaux se sontrendus au domicile de la mère du rédacteur en chef dusite et l’auraient interrogée de façon menaçante. Elle aindiqué un peu plus tard qu’elle avait été placée soussurveillance.Liberté de religion et de convictionLes activités religieuses étaient toujours étroitementcontrôlées. Nombre de groupes religieux minoritairesavaient toujours beaucoup de mal à se faire inscriresur les registres officiels, ce qui les exposaitdavantage à d’éventuelles manœuvres deharcèlement de la part des autorités.Le refus d’effectuer le service militaire constituaittoujours une infraction pénale et il n’existait aucunesolution civile de remplacement pour les objecteursde conscience. Huit témoins de Jéhovah purgeaientdes peines d’emprisonnement pour objection deconscience ; un neuvième était sous le coup d’unecondamnation avec sursis.Le pasteur protestant Ilmourad Nourliev étaittoujours emprisonné.Disparitions forcéesLes autorités refusaient toujours de donner desinformations concernant le sort de plusieurs dizainesde personnes arrêtées et condamnées au lendemainde la tentative d’assassinat dont aurait fait l’objet, en2002, l’ancien président Saparmourad Niazov. LeComité contre la torture a invité le gouvernement àfaire en sorte que des enquêtes impartiales etapprofondies soient menées sans délai sur toutes lesaffaires non résolues de disparitions forcéesprésumées, et à tenir les proches des victimesinformés des résultats.Droit de circuler librementLe 1 er août, de jeunes Turkmènes qui faisaient leursétudes au Tadjikistan et qui étaient rentrés chez euxpour les vacances n’ont pas été autorisés à repartirpour reprendre leurs cours. Cette interdiction a étélevée en octobre mais certains de ces étudiants n’ontquand même pas pu regagner leur université. Lesautorités turkmènes n’ont donné aucune explication.TURQUIERÉPUBLIQUE TURQUEChef de l’État :Abdullah GülChef du gouvernement :Recep Tayyip ErdoğanPeine de mort :aboliePopulation :73,6 millionsEspérance de vie :74 ansMortalité des moins de cinq ans : 20,3 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 90,8 %Les réformes juridiques, notammentconstitutionnelles, promises par le gouvernementn’ont pas été mises en place. Le droit à la libertéd’expression était menacé et les manifestantsétaient en butte à une recrudescence des violences354 Amnesty International - Rapport 2012


policières. Des milliers de procédures engagées autitre de lois antiterroristes déficientes nerépondaient pas aux normes d’équité des procès.Des civils ont été tués dans des attentats àl’explosif. Aucune avancée n’a été enregistrée enmatière de reconnaissance du droit à l’objection deconscience ou de protection des droits de l’enfantpar la justice. Les droits des réfugiés et desdemandeurs d’asile, d’une part, des lesbiennes, desgays, des personnes bisexuelles et des transgenres,d’autre part, n’étaient toujours pas reconnus. Lesmécanismes de prévention des violences faites auxfemmes demeuraient insuffisants.ContexteEn juin, le Parti de la justice et du développement(AKP) a remporté les élections législatives et a étéréélu au gouvernement. Neuf élus de l’oppositionn’étaient pas en mesure de siéger au Parlement, enraison de procédures engagées à leur encontre autitre de la législation antiterroriste. Huit faisaient l’objetde poursuites et se trouvaient toujours en détention.Le neuvième, sous le coup d’une condamnation,n’était pas autorisé à exercer ses fonctions.En juillet, le chef des forces armées et les trois plushauts gradés de son état-major ont démissionné,mettant ainsi en évidence les tensions persistantesentre le gouvernement et l’armée. Ces démissions ontfait suite à une vague d’arrestations de militaires enexercice et à la retraite, accusés de <strong>com</strong>plot en vuede renverser le régime.En septembre, la Turquie a ratifié le Protocolefacultatif se rapportant à la Convention contre latorture, ouvrant la voie aux inspections indépendantesdes lieux de détention. L’année s’est toutefois achevéesans que le pays ait adopté de loi mettant en place lemécanisme national d’application requis, ni établi lesautres mécanismes de prévention annoncés, telsqu’une procédure indépendante de traitement desplaintes contre la police et un poste de médiateur.À la fin de l’année, le projet de constitution promisn’avait toujours pas été soumis pour examen.Adoptées par référendum sous la précédentelégislature, les modifications de la Constitution quivisaient à mettre les lois relatives aux syndicatsdavantage en conformité avec les normesinternationales n’ont pas été mises en œuvre.Les affrontements armés entre le Parti destravailleurs du Kurdistan (PKK) et les forces arméesse sont intensifiés. Une vaste intervention militairecontre des positions du PKK a été menée en octobredans le nord de l’Irak. L’opération a contraintplusieurs centaines de civils à quitter leurs villages.Trente-cinq civils, des enfants pour la plupart, ont ététués en décembre lors d’un bombardement effectuépar un avion militaire turc dans l’arrondissementd’Uludere, près de la frontière irakienne.Un tremblement de terre, suivi de plusieursrépliques, a frappé le département de Van (dans l’estdu pays) en octobre, faisant plus de 600 morts. Lespouvoirs publics ont été critiqués pour n’avoir pasréagi rapidement à cette situation d’urgence,plusieurs milliers de personnes s’étant retrouvéessans toit, dans un froid glacial.Les autorités turques ont dénoncé les violations desdroits humains perpétrées en Méditerranée orientale.Elles ont annoncé en septembre qu’ellescontesteraient la légalité du blocus naval de Gazadevant la Cour internationale de justice. Un rapport del’ONU sur l’abordage, en mai 2010, du navire turcMavi Marmara, avait conclu que les Forces de défensed’Israël avaient fait usage d’une force excessive aucours de cette opération, qui avait entraîné la mort deneuf ressortissants turcs. En novembre, le ministredes Affaires étrangères a annoncé que des sanctionsseraient imposées contre la Syrie, en raison deshomicides de manifestants pacifiques dont continuaitde se rendre coupable ce pays.Liberté d’expressionDe nombreuses poursuites pénales mettant en péril ledroit des personnes à la liberté d’expression ont étéengagées. Les journalistes critiques à l’égard dugouvernement et les militants politiques kurdes, entreautres, risquaient tout particulièrement d’êtrepoursuivis injustement, lorsqu’ils dénonçaient lasituation des Kurdes en Turquie ou condamnaient lesforces armées. Outre les procédures intentées au titrede différents articles du Code pénal, un grandnombre de procès menaçant la liberté d’expressionont été intentés en vertu de la législation antiterroriste(voir Procès inéquitables). Des personnalités depremier plan qui exprimaient ouvertement leursopinions ont, cette année encore, été menacées deviolences. L’introduction en novembre de nouvellesréglementations a également suscité des craintesconcernant d’éventuelles restrictions arbitraires surles sites web.n En février, le défenseur des droits humains HalilSavda a reçu confirmation de sa condamnation pourTAmnesty International - Rapport 2012355


Tavoir « détourné la population du service militaire ».Il a été condamné à 100 jours d’emprisonnementparce qu’il avait exprimé son soutien au droit àl’objection de conscience. À la fin de l’année, deuxautres procédures intentées contre Halil Savdapour le même chef étaient en cours, tandis qu’uneautre condamnation était en instance devant laCour d’appel suprême.n En mars, Ahmet Şık et Nedim Şener, deuxjournalistes enquêtant sur des atteintes aux droitsfondamentaux qui auraient été <strong>com</strong>mises par desreprésentants de l’État, ont été inculpésd’appartenance à une organisation terroriste.L’arrestation de ces deux hommes et celle de six autresjournalistes s’inscrivaient dans le contexte d’uneopération lancée par la police contre Ergenekon, unréseau criminel présumé qui aurait des ramificationsau sein même de l’armée et d’autres institutions del’État, contre qui pesaient des charges de <strong>com</strong>plot envue de renverser le gouvernement. Des articles rédigéspar les deux journalistes constituaient des éléments àcharge essentiels contre ce réseau. À la fin de l’année,Ahmet Şık et Nedim Şener étaient toujours détenusdans l’attente d’un procès.n En novembre, 44 personnes, dont l’éditeur RagıpZarakolu et l’universitaire Büşra Ersanlı, ont étéinterpellées en raison de leur appartenance présuméeà l’Union des <strong>com</strong>munautés du Kurdistan (KCK,proche du PKK). Ragıp Zarakolu et Büşra Ersanlı onttous deux été interrogés sur leur participation à desévénements organisés par l’Académie politique duParti pour la paix et la démocratie, un parti reconnu,ainsi que, respectivement, sur leurs publications ettravaux universitaires. De nouvelles vaguesd’arrestations ont eu lieu en novembre et en décembre,visant 37 avocats et 36 journalistes soupçonnésd’appartenir à la KCK. Tous étaient maintenus endétention à la fin de l’année.n Baskın Oran et Etyen Mahçupyan, deux journalistesd’Agos, publication bilingue en arménien et en turc, ontreçu des menaces de mort en juin. Des menacessimilaires avaient déjà été proférées depuis 2004, sansque quiconque n’ait été traduit en justice.Torture et autres mauvais traitementsCette année encore, des informations ont fait étatd’actes de torture et d’autres mauvais traitementsinfligés en garde à vue et en détention, mais aussi aucours des transferts aux postes de police et en prison.Les policiers avaient régulièrement recours à uneforce excessive lors des manifestations – et cela a étéparticulièrement le cas lors des rassemblementsintervenus avant et après les élections de juin. Lesmanifestations ont souvent dégénéré après que lapolice fut intervenue et eut utilisé du gaz poivre, descanons à eau et des balles en plastique. Les médiasont attesté de nombreux cas où des agents de laforce publique avaient frappé des manifestants àcoups de matraque.n Des heurts ont éclaté entre policiers etmanifestants à la suite de manifestations organiséesà Hopa, une ville du département d’Artvin (nord-estdu pays), en mai et en juin. Un manifestant a été tuéet plusieurs autres ont été blessés. Metin Lokumcuest mort d’une crise cardiaque après avoir étésuffoqué par du gaz poivre lancé par la police. Despersonnes qui s’étaient rassemblées à Ankara pourdénoncer les méthodes de maintien de l’ordreemployées lors des manifestations de Hopa ontégalement été visées par des violences policières.L’avocat de Dilşat Aktaş, une manifestante, a déclaréque celle-ci avait été rouée de coups par une dizainede policiers, au point qu’elle souffrait d’une fracturede la hanche lui interdisant de marcher pendant sixmois. L’enquête pénale ouverte sur ces violencesn’était pas achevée à la fin de l’année. C’est ladeuxième fois que Dilşat Aktaş subissait desbrutalités policières. En mars, un policier avait étéfilmé par la télévision alors qu’il la frappait à coups depoing, en marge d’une manifestation. Le procureurd’Ankara avait cependant décidé de classer l’affaire.n En octobre, le conscrit Uğur Kantar est mort àl’hôpital des suites des tortures qu’il aurait subies auxmains de soldats alors qu’il était détenu par l’armée ausein de sa garnison, dans le nord de Chypre. Cinqfonctionnaires, dont le directeur de la prison militaire,ont été accusés d’avoir provoqué sa mort. La procédurese poursuivait à la fin de l’année.ImpunitéLes enquêtes ouvertes sur des cas présumésd’atteintes aux droits humains <strong>com</strong>mises par desreprésentants de l’État n’aboutissaient toujours pas.Lorsque des actions pénales étaient engagées, leschances d’obtenir la <strong>com</strong>parution en justice desresponsables présumés étaient bien faibles. Despersonnes faisant état de violations ont, <strong>com</strong>me lesannées précédentes, été l’objet de contre-accusationsqui s’inscrivaient dans le cadre de stratégies bienétablies.356 Amnesty International - Rapport 2012


n En juin, le colonel Ali Öz et sept autres militaires ontété reconnus coupables de négligence pour n’avoirpas transmis les informations relatives au <strong>com</strong>plotvisant le journaliste et défenseur des droits humainsHrant Dink. Celles-ci auraient pu en effet empêcherson assassinat en 2007. Un tribunal pour enfants adéclaré Ogün Samast coupable d’avoir abattu HrantDink, mais on ignorait toujours si une enquête seraitouverte sur les circonstances exactes de l’homicide,notamment sur la collusion présumée avec desreprésentants de l’État.n Aucune enquête publique n’a été menée après lamort, en août, d’une famille de sept personnes dans larégion du Kurdistan du nord de l’Irak, à la suitesemble-t-il de bombardements effectués par un avionmilitaire turc. La Turquie effectuait alors des frappesaériennes sur les positions du PKK situées dans cesecteur.n En septembre, la Cour d’appel suprême a infirmépour des raisons de procédure le jugement sansprécédent rendu en 2010 dans l’affaire d’Engin Çeber.Plusieurs gardiens de prison et d’autres fonctionnairesavaient été condamnés après la mort en détention decet homme, en octobre 2008. La décision de la Courd’appel suprême a été <strong>com</strong>muniquée par voie écriteavec plus de deux mois de retard, un obstaclesupplémentaire sur le chemin de la justice dans cetteaffaire.n En décembre, un policier a été reconnu coupabled’« homicide par négligence » sur la personne d’undemandeur d’asile nigérian, Festus Okey, mort aprèsavoir été blessé par balle en 2007 au cours de sa gardeà vue. Le tribunal a rejeté une demande des proches dela victime qui souhaitaient se constituer partie civile,conformément au droit turc. Le juge a égalementdéposé plainte au pénal contre des militants quiavaient critiqué l’accusation et cherché à intervenirdans cette affaire.n En décembre, un tribunal local n’a pas prononcé depeine privative de liberté à l’encontre d’un policier filméen 2009 alors qu’il se saisissait d’un manifestantmineur et le frappait à plusieurs reprises à la tête avecla crosse de son fusil. S.T., âgé de 14 ans, a souffertd’une fracture du crâne et a été hospitalisé en soinsintensifs pendant six jours après cette agression. Letribunal a allégé la sanction prévue à l’origine au motifque la blessure était involontaire et en raison de « lasituation dans la région ». Condamné à une peine de sixmois de prison avec sursis, le policier n’a pas étésuspendu de ses fonctions.Procès inéquitablesDes milliers de poursuites ont été engagées au coursde l’année en vertu de la législation antiterroriste,dans la plupart des cas pour appartenance à uneorganisation terroriste. Le recours à ces lois formuléesde manière excessivement large et vague était sourcede nombreuses violations. Les militants politiques,parmi lesquels figuraient des étudiants, desjournalistes, des écrivains, des avocats et desuniversitaires, étaient au nombre des personnes leplus souvent poursuivies en justice. Le parquetinterrogeait fréquemment des suspects au sujet de<strong>com</strong>portements protégés par le droit à la libertéd’expression ou par d’autres droits internationalementreconnus. Parmi les autres irrégularités de procédurefigurait le recours à des périodes prolongées dedétention provisoire, durant lesquelles les avocatsn’étaient pas autorisés à examiner les éléments depreuve contre leurs clients ni à contestervéritablement la légalité de leur détention – lesdossiers faisaient en effet l’objet d’ordonnances desecret qui les empêchaient d’y accéder.n À la fin de l’année, Cihan Kırmızıgül, étudiant àl’université, se trouvait en détention depuis 22 moisdans l’attente de son procès. Il était accusé dedégradation de biens et d’appartenance à uneorganisation terroriste. Le dossier de l’accusationreposait sur le fait qu’il portait un foulard traditionnel,similaire à celui de personnes accusées d’avoirparticipé à une manifestation durant laquelle descocktails Molotov avaient été lancés. Un policier aégalement affirmé l’avoir vu sur les lieux, ce quicontredisait les déclarations d’autres fonctionnaires depolice. Bien que le procureur ait demandé l’abandondes poursuites, faute de preuves, le juge a considéréque Cihan Kırmızıgül devait être maintenu en détentionet que la procédure à son encontre devait sepoursuivre.Droits des enfantsCette année encore, des mineurs ont été poursuivisau titre de la législation antiterroriste, notammentpour participation à des manifestations, en dépit desmodifications législatives qui avaient été adoptées en2010 précisément pour éviter des poursuites dans detels cas. Le nombre d’enfants poursuivis a diminué,mais beaucoup d’entre eux étaient toujours placés engarde à vue avec des adultes avant d’être transférésdans un service pour mineurs. Des cas de détentionsans inculpation pendant la durée maximale autoriséeTAmnesty International - Rapport 2012357


Tde quatre jours ont été signalés, et des mineurscontinuaient d’être placés en détention provisoirependant de longues périodes. Aucune mesure n’a étéprise pour remédier à l’absence de tribunaux pourenfants dans de nombreux départements.n À la fin de l’année, L.K., âgé de 17 ans, se trouvait endétention provisoire depuis huit mois et attendait que laCour d’appel suprême se prononce sur le tribunalayant <strong>com</strong>pétence pour le juger.Exactions perpétrées par des groupesarmésDes attaques lancées par des groupes armés ont faitdes morts et des blessés parmi la population civile.n Le 20 septembre, trois civils ont été tués et 34 autresont été blessés dans un attentat à l’explosif visant unquartier <strong>com</strong>merçant fréquenté d’Ankara, la capitale.Les Faucons de la liberté du Kurdistan ont revendiquél’action.n Le même jour, quatre civils ont été tués dans uneattaque du PKK qui avait semble-t-il pour cible la policedu département de Siirt (sud-est du pays).Droits en matière de logementDes expulsions forcées ont été conduites en violationdu droit des occupants d’êtres consultés, d’êtreindemnisés et de se voir proposer un autre logement.Les habitants des zones concernées par les projets derénovation urbaine figuraient parmi les populationsles plus démunies et les plus vulnérables. Un certainnombre d’entre eux, originaires de villages du sud-estde la Turquie, avaient déjà connu l’expérience d’êtrechassé de chez soi. En mai, le Comité des droitséconomiques, sociaux et culturels [ONU] s’est ditpréoccupé par les projets de ce type.n Dans le quartier de Tarlabaşı, à Istanbul, plusieursdizaines de familles ont été expulsées de force dans lecadre d’un projet de réhabilitation urbaine mené par lamunicipalité de Beyoğlu. Un certain nombre seseraient retrouvées sans abri.Prisonniers d’opinion – objecteurs deconscienceAucune mesure n’a été prise pour reconnaîtrelégalement le droit à l’objection de conscience auservice militaire, ni pour mettre un terme auxpoursuites toujours engagées contre des objecteursde conscience qui avaient refusé l’appel sous lesdrapeaux. Dans l’affaire Erçep c. Turquie, la Coureuropéenne des droits de l’homme a considéré, ennovembre, que le refus des autorités turques dedonner la possibilité d’effectuer un service civil enremplacement du service militaire bafouait les droits àla liberté de pensée, de conscience et de religion.Comme les années précédentes, les personnes quiexprimaient publiquement leur soutien au droit àl’objection de conscience étaient traduites en justice(voir Liberté d’expression).n Sous le coup de plusieurs condamnations pour avoirrefusé d’effectuer son service militaire, l’objecteur deconscience İnan Süver a été maintenu en détentionjusqu’en décembre, puis a bénéficié d’une libérationconditionnelle.Réfugiés et demandeurs d’asileDes étrangers se sont arbitrairement vu refuserl’accès à la procédure d’asile et ont été renvoyés deforce dans des pays où ils risquaient d’êtrepersécutés. Les autorités n’ont pas adopté les loisenvisagées précédemment qui devaient garantir lesdroits élémentaires des réfugiés et des demandeursd’asile. À partir du mois de mai, plusieurs milliers deSyriens se sont réfugiés en Turquie pour échapperaux violences et aux atteintes aux droits humainsperpétrées dans leur pays. Un grand nombre d’entreeux ont été hébergés dans des camps, mais n’ont puavoir accès ni au Haut-Commissariat des Nationsunies pour les réfugiés (HCR) ni à la procédured’asile. Leurs contacts avec le monde extérieur étaientextrêmement restreints ; ils ne pouvaient notammentpas faire état de la situation des droits humains enSyrie. Selon certaines sources, des Syriens ont étéenlevés sur le territoire turc et transférés en Syrie, oùils risquaient d’être persécutés.Droits des lesbiennes, des gays,des personnes bisexuelles et destransgenresRien n’a été fait pour remédier aux discriminationsfondées sur l’orientation sexuelle et l’identité degenre. Cette année encore, les lesbiennes, les gays,les personnes bisexuelles et les transgenres (LGBT)ont été en butte à des manœuvres de harcèlement dela part des autorités. Au cours de l’année, desgroupes de défense des droits des LGBT ont recenséhuit cas de personnes tuées apparemment en raisonde leur orientation sexuelle ou de leur identité degenre.n En novembre, trois femmes transgenres, toutesmembres de Pembe Hayat (Vie rose), un groupe358 Amnesty International - Rapport 2012


installé à Ankara qui milite en faveur des droits desLGBT, ont été déclarées coupables d’« insulte à agentde police » et de « rébellion envers la police ». Cescharges ont été retenues contre les trois femmes aprèsqu’elles eurent déclaré avoir été arrêtées arbitrairementet maltraitées par des policiers. Aucun fonctionnairen’a été poursuivi dans cette affaire.Violences faites aux femmes et aux fillesLa Turquie a ratifié la Convention sur la prévention etla lutte contre la violence à l’égard des femmes et laviolence domestique [Conseil de l’Europe]. Lesmécanismes de prévention nationaux demeuraienttout à fait inadaptés et le nombre de centres d’accueilétait très en deçà de la proportion requise par lalégislation turque.n En octobre, la Cour d’appel suprême a confirmé laréduction des peines infligées à 26 hommes reconnuscoupables d’avoir violé une jeune fille, vendue pourêtre prostituée à l’âge de 12 ans, au motif que celle-ciavait « consenti » aux relations sexuelles.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Turquie enjanvier, mars, avril, mai, juin, août, septembre, octobre et décembre.4 Turquie. « Ce n’est pas une maladie, ni un crime ». En Turquie, leslesbiennes, les gays, les personnes bisexuelles et les transgenres exigentl’égalité (EUR 44/001/2011).4 Turquie. Halil Savda, défenseur des droits humains, risque à nouveau laprison (EUR 44/002/2011).4 Turquie. Des familles risquent une expulsion forcée en Turquie(EUR 44/007/2011).4 Turquie. Amnesty International condamne les attaques de civils(EUR 44/013/2011).4 Turquie. Des militantes condamnées pour « insulte envers les forces del’ordre » après avoir dénoncé des mauvais traitements policiers(EUR 44/014/2011).4 Turquie. Les arrestations de membres présumés de la KCK exacerbentles préoccupations relatives à la liberté d’expression (EUR 44/015/2011).4 Turquie. La Cour d’appel suprême annule un jugement sans précédentdans une affaire de mort en détention (EUR 44/018/2011).UKRAINEUKRAINEChef de l’État :Viktor IanoukovitchChef du gouvernement :Mykola AzarovPeine de mort :aboliePopulation :45,2 millionsEspérance de vie :68,5 ansMortalité des moins de cinq ans : 15,1 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 99,7 %L’impunité en matière de torture et autres mauvaistraitements restait un problème majeur. Lesréformes de la justice n’ont pas permis d’accroîtrel’indépendance du pouvoir judiciaire. L’état de droitétait <strong>com</strong>promis par l’utilisation faite des rouagesde la justice pénale à des fins politiques. Desdemandeurs d’asile risquaient d’être renvoyés deforce dans les pays d’où ils venaient et n’avaient pasaccès à une procédure équitable de détermination.Les défenseurs des droits humains s’exposaient, depar leur engagement, à des poursuites judiciaires,voire à des actes de violence.Torture et autres mauvais traitementsDe nouveaux cas de torture et d’autres mauvaistraitements en garde à vue ont été signalés cetteannée. Dans neuf affaires, la Cour européenne desdroits de l’homme a donné tort à l’Ukraine, concluantà chaque fois que ce pays avait violé l’article 3 de laConvention européenne des droits de l’homme, quiinterdit la torture.n Firdovsi Safarov, citoyen ukrainien d’origine azérie, aexpliqué à Amnesty International qu’il avait été passé àtabac, le 26 mars, par six agents du poste de police deMohiliov Podilsky. La police l’a arrêté alors qu’ilconduisait une vieille voiture à la casse. Il a été frappé àcoups de poing à la tête et a fait l’objet d’injuresracistes. Arrivé au poste, il a de nouveau été frappé, parintermittence, par plusieurs policiers, dont leresponsable du poste, jusqu’à sa libération à une heuredu matin. Firdovsi Safarov affirme que les policiers luiont demandé de verser 3 000 dollars des États-Unis enéchange de sa libération. Il a par la suite été inculpé derébellion, charge dont il a finalement été acquitté le25 juin. Firdovsi Safarov a porté plainte pour mauvaistraitements et le parquet, après avoir refusé à deuxreprises, a ouvert une enquête en juillet. Leresponsable du poste de police incriminé était toujoursen fonction à la fin de l’année, alors que l’enquête étaitUAmnesty International - Rapport 2012359


Uen cours. Firdovsi Safarov a dû être de nouveauhospitalisé en octobre, en raison des lésions qui luiavaient été infligées, mais les soins ont été arrêtés plustôt que prévu, à la suite apparemment de pressionsexercées sur les médecins par des policiers.ImpunitéLa police continuait de jouir d’une grande impunité.De nombreux facteurs favorisaient cette absenced’obligation de rendre des <strong>com</strong>ptes : carencesstructurelles, corruption, enquêtes inexistantes oubâclées sur des actes criminels imputables à la police(même en présence de preuves, médicales ou autres,dignes de foi), harcèlement et intimidation desplaignants, poursuites rares et peu convaincantes. Detrès nombreuses plaintes portées contre la police ontété rejetées d’emblée. Les services du procureurgénéral ont révélé en juillet que, sur 6 817 plaintesdéposées en 2010 contre des policiers, seules 167avaient donné lieu à l’ouverture d’une informationjudiciaire (finalement close pour insuffisance depreuves dans 21 affaires).n Le 17 août, trois juges de la cour d’appel de Kiev ontestimé qu’il n’y avait pas lieu d’ordonner un<strong>com</strong>plément d’enquête dans l’affaire de la mort engarde à vue, en 2010, d’un jeune étudiant de 19 ans,Ihor Indilo. Ce faisant, la cour acceptait implicitementla version de la police, selon laquelle le jeune hommese serait mortellement blessé à la tête en tombant d’unbanc de 50 centimètres de haut, dans la cellule où ilétait détenu. Le procureur général a annoncé enoctobre qu’il avait ordonné une nouvelle enquête surles circonstances de cette mort.n Le 24 octobre, le procureur de Kiev a annoncéqu’une enquête avait été ouverte sur les allégationspersistantes d’Alexandre Rafalski, qui affirmait que lapolice l’avait torturé en juin 2001, pour le contraindre à« avouer » un meurtre. Alexandre Rafalski a étécondamné à l’emprisonnement à vie en 2004. Leparquet avait toujours refusé jusqu’alors d’ouvrir uneenquête sur ses allégations.JusticeLa réforme du système judiciaire s’est poursuivie. Unprojet de nouveau Code de procédure pénale a étédéposé au Parlement en juillet, mais il n’avait pas étéadopté à la fin de l’année.L’indépendance des juges était menacée par lespressions exercées par le Bureau du procureurgénéral, qui conservait la possibilité d’engager despoursuites contre les magistrats. Le 7 juin, le substitutdu procureur général a demandé que trois juges de lacour d’appel de Kiev soient démis de leurs fonctionsen raison de leur refus, motivé par l’absence depreuves, d’incarcérer un suspect à la demande d’unprocureur.Des modifications à la Loi relative à l’appareiljudiciaire et au statut des magistrats ont été adoptéesen octobre. Elles répondaient à certaines critiquesformulées à propos de cette loi, adoptée en 2010 etqui avait, entre autres réformes, sensiblement réduitle rôle de la Cour suprême. Les modifications nerétablissaient qu’en partie les pouvoirs de cettedernière.Le Conseil de l’Europe a dénoncé en octobre le rôledu Parlement ukrainien dans la nomination et lerenvoi des juges. Le fait de nommer les magistratspour une période initiale de cinq ans avant de lesconfirmer dans leurs fonctions à vie faisait peser unemenace sur leur indépendance. Le Conseil del’Europe a re<strong>com</strong>mandé que les juges en périodeprobatoire ne puissent pas être chargés d’affairesmajeures ayant une importante dimension politique.n Le 11 octobre, Ioulia Tymochenko, Premièreministre de janvier à septembre 2005, puis dedécembre 2007 à mars 2010, a été condamnée à septans d’emprisonnement par un tribunal de Kiev pour lasignature avec la Russie, en janvier 2009, d’un contraténergétique représentant plusieurs millions de dollars.Les poursuites engagées contre elle avaient uncaractère politique et les charges retenues n’étaientpas reconnues par la loi. Le magistrat qui l’a jugée avaitun contrat temporaire.Réfugiés et demandeurs d’asileL’Ukraine a adopté le 8 juillet une nouvelle loi « sur lesréfugiés et les personnes nécessitant une protection<strong>com</strong>plémentaire ». Ce texte améliorait le statut deréfugié, simplifiait la liste des papiers à fournir par lesdemandeurs d’asile et introduisait le concept deprotection <strong>com</strong>plémentaire pour les personnes necorrespondant pas exactement à la définition donnéepar la Convention relative au statut des réfugiés[ONU]. Il ne respectait cependant pas les normesinternationales, dans la mesure où il n’offrait aucuneprotection <strong>com</strong>plémentaire pour raison de conflitarmé international ou interne. Le Haut-Commissariatdes Nations unies pour les réfugiés (HCR) a critiquéle fait que la nouvelle loi ne lui permettait ni d’avoiraccès aux personnes concernées ni de jouer un rôle360 Amnesty International - Rapport 2012


de conseiller en matière de détermination du statutde réfugié.Un nouveau Service national des migrations,coordonné par le ministère des Affaires intérieures,avait été mis en place en décembre 2010. Lesbureaux régionaux des migrations ont cessé defonctionner en octobre ; le nouveau système étaitopérationnel à la fin de l’année. Les demandeursd’asile risquaient d’être renvoyés dans des pays où ilsétaient susceptibles d’être victimes de violationsgraves de leurs droits fondamentaux.n En mars, un groupe de 10 Afghans, dont un enfant,a été renvoyé en Afghanistan. Les demandes d’asiledéposées par certains membres de ce groupe avaientété rejetées. Ils n’ont pas eu la possibilité de faireappel de cette décision ni de contester leur expulsion.Ces personnes ont affirmé qu’elles n’avaient pas pubénéficier des services d’un interprète au moment deleur demande d’asile ni pendant la procédured’expulsion, et qu’on leur avait demandé de signerdes documents dans une langue qu’elles ne<strong>com</strong>prenaient pas. Le 17 mars, le Service ukrainiendes gardes-frontières a indiqué à la presse régionaleque ses agents avaient eu recours à la force contre leshommes, car ils avaient tenté de s’opposer à leurexpulsion.Défenseurs des droits humainsDes défenseurs des droits humains qui dénonçaientdes faits de corruption et des violations de ces droits<strong>com</strong>mis par des représentants des autorités localesou de la police ont fait l’objet d’agressions et depoursuites judiciaires destinées à les faire taire.n Le 12 janvier, Dmitro Groïsman, président du Groupede défense des droits humains de Vinnitsa, a étéinculpé d’insulte au drapeau national et de diffusiond’images pornographiques, pour avoir mis en ligne surson blog une vidéo et des photos satiriquessexuellement explicites. À la fin de l’année, son procèsétait toujours en cours et Dmitro Groïsman était enliberté sous caution. Or, l’utilisation de telles imagesdans ce contexte restait dans les limites de ce qui étaitautorisé par le droit international en matièred’expression publique. Dmitro Groïsman était en outrela seule personne poursuivie pour avoir mis en lignecette vidéo sur son site, alors qu’elle avait déjàlargement circulé sur plusieurs sites Internet, ce quilaisserait penser qu’il a été spécifiquement pris pourcible en raison de son action en faveur des droitshumains.n Le 28 août, Andreï Fedossov, directeur del’organisation Uzer, qui défend les droits des personnessouffrant de troubles psychiatriques, aurait été agresséen raison de son action de dénonciation de lacorruption et des violations des droits humains dans leshôpitaux psychiatriques. Invité par un inconnu à Mirny,un village de Crimée, sous prétexte qu’un patientpsychiatrique avait besoin de son aide, il a été conduitdans un appartement, où il a été torturé. Il a téléphonéà la police dès sa libération. Il a reconnu son agresseurdans une rue du village et l’a désigné à la police. AndreïFedossov et son agresseur ont été conduits au poste depolice voisin. L’agresseur et les policiers seconnaissaient manifestement. Andreï Fedossov a portéplainte et donné ses coordonnées, avant de repartir.Une fois dehors, il s’est arrêté pour téléphoner à un amimais a été de nouveau appréhendé par la police qui luireprochait son « <strong>com</strong>portement bizarre ». Il a alors étéemmené dans un hôpital psychiatrique pour y subir unexamen. Comme il demandait pourquoi on leconduisait dans cet établissement, un policier l’afrappé à la tête. Les médecins l’ont laissé repartir dèsson arrivée à l’hôpital. Les autorités n’ont pas enquêtésur l’agression et Andreï Fedossov a eu beaucoup demal à faire constater ses blessures. Les médecins qu’ila vus dans la ville voisine de Yevpatoriya et à Kievn’auraient pas pris ses blessures au sérieux.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Ukraine enmars, avril et octobre.4 Ukraine: “No evidence of a crime”: paying the price for police impunity inUkraine (EUR 50/009/2011).4 Ukraine: Blunt force: Torture and police impunity in Ukraine(EUR 50/010/2011).UAmnesty International - Rapport 2012361


UURUGUAYRÉPUBLIQUE ORIENTALE DE L’URUGUAYChef de l’État et du gouvernement : José Alberto MujicaCordanoPeine de mort :aboliePopulation :3,4 millionsEspérance de vie :77 ansMortalité des moins de cinq ans : 13,4 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 98,3 %En octobre, le Congrès a adopté une loi historiquedestinée à mettre un terme à l’impunité dontjouissaient les auteurs des violations de droitshumains perpétrées sous le régime militaro-civil(1973-1985).ContexteÀ la fin de l’année, un projet de loi visant à légaliser lemariage entre personnes du même sexe était enattente d’examen par le Congrès.En septembre, cinq soldats uruguayens participantà la Mission des Nations unies pour la stabilisation enHaïti (MINUSTAH) ont été accusés d’agressionsexuelle sur un jeune homme haïtien de 18 ans,après la diffusion sur Internet d’une vidéo montrantles faits allégués. Les enquêtes ouvertes par un jugecivil et un juge militaire se poursuivaient fin 2011.ImpunitéEn février, la Cour interaméricaine des droits del’homme a ordonné à l’Uruguay de lever tous lesobstacles empêchant d’ouvrir des enquêtes et despoursuites concernant les violations des droitshumains perpétrées durant le régime militaro-civil, quia duré de 1973 à 1985. La Cour a déclaré l’Uruguayresponsable de la disparition forcée, en 1976, deMaría Claudia García Iruretagoyena de Gelman, et del’enlèvement de sa fille, María Macarena GelmanGarcía. Elle a ordonné à l’État de poursuivre lesinvestigations visant à retrouver María Claudia GarcíaIruretagoyena de Gelman, et de traduire en justice lesresponsables présumés. En octobre, un tribunal aconclu que cinq anciens soldats, qui purgeaient déjàune peine d’emprisonnement, devaient êtrepoursuivis pour le meurtre avec circonstancesaggravantes de María Claudia García Iruretagoyena deGelman.En mai, la Cour suprême uruguayenne a estimé,dans une affaire mettant en cause deux anciensmilitaires, qu’ils ne pouvaient pas être inculpés dedisparition forcée aux motifs que celle-ci n’avait étéérigée en infraction pénale dans le pays qu’en 2006et que la loi correspondante n’était pas rétroactive. Ilsont en revanche été reconnus coupables d’homicideavec circonstances particulièrement aggravantesconcernant la mort de 28 personnes, et condamnés àune peine de 25 ans d’emprisonnement. Cet arrêtfaisait craindre qu’un délai de prescription ne soitappliqué pour de graves violations des droitshumains. Pour cette raison, le Congrès a adopté enoctobre une loi qui annulait en pratique les effets dela Loi de prescription de 1986 et abrogeait les délaisde prescription qui auraient empêché des victimes dedéposer des plaintes au pénal.En juin, le président José Mujica a signé un décretannulant les décisions de précédents chefs de l’Étatbloquant les investigations sur des cas de violationsprésumées des droits humains. Ces décisions avaientété adoptées en ayant recours aux pouvoirs accordésau titre de la Loi de prescription, qui empêchaitl’ouverture de poursuites contre des membres de lapolice ou de l’armée pour des violations des droitsfondamentaux. Le décret signé en juin laissait espérerla réouverture de 80 affaires.En octobre, des plaintes ont été déposées au nomde plus de 150 victimes d’actes de torture.Conditions carcéralesLe gouvernement a annoncé en mai que les détenusdu pénitencier Libertad ne seraient plus enfermésdans des conteneurs métalliques. À la suite d’unevisite effectuée en 2009 en Uruguay, le rapporteurspécial des Nations unies sur la torture avaitcondamné les conditions de détention dans cesmodules métalliques, appelés « Las Latas » (Les boîtesde conserve), considérant qu’elles constituaient untraitement cruel et inhumain.En juillet, la Commission interaméricaine des droitsde l’homme s’est déclarée préoccupée par les gravesdéficiences du système carcéral du pays, notammentla surpopulation, le caractère inadapté desinfrastructures et le recours généralisé à la détentionprovisoire.L’Institut national des droits humains et Défenseurdu peuple, qui a notamment pour mission d’instaurerun mécanisme national de prévention de la torture autitre du Protocole facultatif à la Convention contre latorture [ONU], n’avait toujours pas été mis en place àla fin de l’année.362 Amnesty International - Rapport 2012


Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Uruguay enseptembre et octobre.4 Uruguay: Los crímenes de derecho internacional no están sujetos aprescripción (AMR 52/001/2011).VENEZUELARÉPUBLIQUE BOLIVARIENNE DU VENEZUELAChef de l’État et du gouvernement : Hugo Chávez FríasPeine de mort :aboliePopulation :29,4 millionsEspérance de vie :74,4 ansMortalité des moins de cinq ans : 17,5 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 95,2 %Des défenseurs des droits humains ont reçu desmenaces et les détracteurs du gouvernementfaisaient toujours l’objet de poursuites engagéespour des motifs politiques. Les mécanismes mis enplace pour garantir le respect de l’obligation derendre des <strong>com</strong>ptes afin d’assurer la bonne marchede la justice, et pour contribuer à la prévention desbrutalités policières, demeuraient insuffisants. Degraves épisodes de violences survenus au sein deprisons extrêmement surpeuplées se sont soldés parla mort d’un certain nombre de détenus.ContexteLes villes vénézuéliennes souffraient toujours d’ungrave problème de violences criminelles et policières.Afin de lutter contre la prolifération des armes légèresqui intensifient ces violences, le gouvernement ainstauré en mai la Commission présidentielle pour lecontrôle des armes et des munitions et pour ledésarmement. En novembre, le président Chávez aordonné le déploiement dans les rues des soldats dela Garde nationale pour lutter contre la multiplicationdes crimes violents.L’année a été marquée par de nombreuxmouvements de protestation sociale. L’Observatoirevénézuélien des conflits sociaux a recensé497 manifestations pour le seul mois de septembre.Ces mouvements de protestation portaient sur unesérie de points de contestation, notamment les droitsen matière de travail et la sécurité publique.Dans le cadre de l’Examen périodique universel, leConseil des droits de l’homme [ONU] a procédé enoctobre à l’examen de la situation des droits humainsau Venezuela. Des États ont fait part de leurspréoccupations sur un certain nombre de points,notamment l’indépendance de la magistrature, lesmenaces et les manœuvres de harcèlement dontétaient victimes des défenseurs des droits humains,les conditions carcérales, la liberté d’expression etl’impunité.Au mépris d’obligations internationalesjuridiquement contraignantes, la Cour suprême n’apas tenu <strong>com</strong>pte, en octobre, d’une décision de laCour interaméricaine des droits de l’homme quiexigeait la levée de l’interdiction faite à LeopoldoLópez, un responsable politique de l’opposition, deprésenter sa candidature à l’élection présidentielle.Défenseurs des droits humainsDes défenseurs des droits humains ont été victimesde menaces et ont fait l’objet d’accusations sansfondement de la part de représentants de l’État et demédias officiels. Les organisations de défense desdroits humains craignaient que leur action ne soitentravée par l’absence de définition des « droitspolitiques » dans la Loi relative à la souverainetépolitique et à l’autodétermination nationale, adoptéepar l’Assemblée nationale en décembre 2010. CetteLoi interdit aux organisations considérées <strong>com</strong>meœuvrant à la défense des droits politiques de recevoirdes fonds internationaux.n En juin, Humberto Prado Sifontes, directeur del’Observatoire vénézuélien des prisons, a fait l’objetd’actes d’intimidation et de menaces de mort aprèsavoir demandé au gouvernement d’apporter uneréponse pacifique à une émeute survenue dans laprison d’El Rodeo. À la suite d’accusations portées àson encontre par des ministres en exercice et desmédias officiels, ses coordonnées ont été publiées surun blog, ac<strong>com</strong>pagnées du <strong>com</strong>mentaire suivant :« Bientôt, [nous publierons] des informations sur safamille […] pour que le peuple puisse le juger. Peine demort. » La femme de Humberto Prado a reçu un appeltéléphonique anonyme lui annonçant que son mariserait « le prochain à tomber ».Police et forces de sécuritéLes informations recueillies faisaient état deviolations persistantes des droits humainsperpétrées par des policiers, notammentVAmnesty International - Rapport 2012363


Vd’exécutions illégales et d’actes de torture. Laplupart de ces violences n’ont pas fait l’objetd’enquêtes sérieuses et il y a eu peu d’actions enjustice, voire aucune.n En mai, Juan José Barrios a été assassiné par deuxhommes encagoulés à Guanayén, dans l’État d’Aragua.Cet homme était le septième membre de la familleBarrios à être assassiné dans des circonstancessuggérant l’implication de fonctionnaires de la policede l’État d’Aragua. Témoin de l’exécution extrajudiciairede Narciso Barrios en 2003, Néstor Caudi Barrios a étéattaqué en janvier par deux hommes à moto qui ontouvert le feu sur lui. Il en garde des séquellespermanentes. L’année s’est achevée sans qu’aucuneavancée n’ait été enregistrée dans les enquêtesouvertes sur ces agressions.n En janvier, Daniel Antonio Núñez et sa fille âgée de16 ans, Francis Daniela Núñez Martínez, ont été battuset menacés par des agents de la police judiciaire deCaracas, qui cherchaient manifestement à lesdissuader de témoigner au sujet d’une fusilladesurvenue à proximité de leur domicile.n En février, l’ex-femme et les filles de Jonny Montoyaont reçu des menaces de mort. Ce policier avaitdénoncé la montée de la corruption sous l’ancien<strong>com</strong>missaire principal de la police municipale deCaracas.Répression de la dissidenceLes détracteurs du gouvernement continuaient defaire l’objet de poursuites engagées pour des motifspolitiques.n En février, Rubén González, secrétaire général deSintraferrominera, le syndicat des employés de lasociété nationale d’extraction du minerai de fer CVGFerrominera Orinoco, a été reconnu coupable deplusieurs infractions, notamment d’incitation à<strong>com</strong>mettre une infraction et de <strong>com</strong>plot en vue del’organisation d’un mouvement de grève en 2009. Il aété condamné à une peine de sept ansd’emprisonnement. La Cour suprême a ordonné saremise en liberté conditionnelle trois jours plus tard.n En juillet, Oswaldo Álvarez Paz, membre d’un partid’opposition et ancien gouverneur de l’État de Zulia, aété reconnu coupable par une cour pénale de Caracasd’avoir divulgué de « fausses informations ». Il avaitcritiqué le gouvernement lors d’une émission diffuséepar la télévision Globovisión en mars 2010. Il a étécondamné à une peine de deux ansd’emprisonnement. La justice l’a par la suite autorisé àpurger sa peine dans le cadre d’une libérationconditionnelle.Indépendance de la magistratureLe manque d’indépendance et d’impartialité de lajustice demeurait un motif de préoccupation.n La juge María Lourdes Afiuni, qui avait été arrêtéearbitrairement en décembre 2009 après avoir accordéune libération conditionnelle au banquier EligioCedeño, a été placée en résidence surveillée en février.Elle avait passé plus d’une année en prison, où elleavait reçu des menaces et s’était vu refuser des soinsmédicaux dont elle avait besoin. Elle a refusé depénétrer dans l’enceinte du palais de justice afin dedénoncer le non-respect des procédures légales. Lamesure d’assignation à domicile qui la frappait a étéprorogée pour deux ans en décembre.Conditions carcéralesLes violences demeuraient endémiques dans lesprisons vénézuéliennes, en proie à une surpopulationchronique. À la suite d’affrontements entre bandesrivales dans la prison d’El Rodeo en juin, 27 détenusont été tués.La ministre de l’Administration pénitentiaire aannoncé en juillet qu’elle prévoyait de remettre enliberté 40 % des détenus afin d’atténuer lasurpopulation carcérale. En novembre, elle apubliquement menacé de révoquer les juges quientravaient ses projets de hâter le jugement despersonnes en détention provisoire pour desinfractions mineures. En 2010, selon un chiffre<strong>com</strong>muniqué par l’Observatoire vénézuélien desprisons, seul un quart de la population carcérale avaitfait l’objet d’une condamnation ; les autres détenusétaient en cours de jugement, en attente d’audiencepréliminaire ou sous le coup d’une informationjudiciaire.Liberté d’expressionLa liberté d’expression a souffert de nouvellesrestrictions. En octobre, la Commission nationale destélé<strong>com</strong>munications (Conatel), organisme public derégulation des médias, a infligé une lourde amende àGlobovisión pour infraction à la Loi sur laresponsabilité sociale à la radio, à la télévision et dansles médias électroniques. La chaîne de télévision avaitété accusée d’« apologie du crime » et d’incitation à« la haine pour des raisons politiques » à cause de lafaçon dont elle avait rendu <strong>com</strong>pte de la répression364 Amnesty International - Rapport 2012


des émeutes dans la prison d’El Rodeo. Globovisión ainterjeté appel de la décision en novembre. Laprocédure était en cours à la fin de l’année. Desjournalistes de la chaîne avaient fait l’objet demenaces et d’agressions dans le passé et étaient lacible d’enquêtes administratives.n Le rédacteur en chef de l’hebdomadaire SextoPoder, Leocenis García, a été arrêté en août pouroutrage à des représentants de l’État et infractions liéesau genre dans le cadre de la publication, en août, d’unarticle satirique ac<strong>com</strong>pagné d’un photomontagereprésentant des femmes qui occupaient de hautesresponsabilités au gouvernement. Leocenis García afait l’objet d’une libération conditionnelle en novembre.Violences faites aux femmes et aux fillesLes violences contre les femmes constituaienttoujours un phénomène endémique. Bien qu’ellesaient pris des mesures au cours des dernièresannées, les autorités n’avaient pas encore adopté deplan d’action pour lutter contre les violences faitesaux femmes, ni de textes réglementaires pour la miseen œuvre de la Loi organique de 2007 relative audroit des femmes de vivre à l’abri de la violence.Visites et documents d’AmnestyInternational4 Venezuela. Les garanties en matière de droits humains doivent êtrerespectées : résumé des préoccupations relatives à ces droits(AMR 53/007/2011).VIÊT-NAMRÉPUBLIQUE SOCIALISTE DU VIÊT-NAMChef de l’État :Nguyen Minh Triet, remplacé parTruong Tan Sang le 25 juilletChef du gouvernement :Nguyen Tan DungPeine de mort :maintenuePopulation :88,8 millionsEspérance de vie :75,2 ansMortalité des moins de cinq ans : 23,6 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 92,8 %Les dissidents faisaient toujours l’objet d’unedure répression, marquée par de fortesrestrictions de la liberté d’expression,d’association et de réunion non violente. Cetterépression s’est exercée contre les détracteurs desorientations du gouvernement, notamment lesmilitants sociaux et politiques. Au moins neufprocès intentés contre 20 dissidents au total onteu lieu cette année. Les dispositions du Codepénal de 1999, aux formulations vagues, étaientinvoquées dans la pratique pour réprimerpénalement des activités pacifiques relevant de ladissidence politique ou sociale. Malgré la censured’Internet que le gouvernement continuaitd’imposer, les réseaux sociaux ont semble-t-ilattiré de plus en plus de monde, les internautestrouvant sur la toile des moyens de contourner lesobstacles érigés par les pouvoirs publics.Plusieurs dizaines de prisonniers d’opinionétaient toujours en détention. Les groupesreligieux ou ethniques perçus <strong>com</strong>me opposés augouvernement ont cette année encore fait l’objetd’atteintes à leurs droits fondamentaux. Selon lesarticles parus dans la presse, 23 personnes ontété condamnées à mort et cinq autres ont étéexécutées cette année. Ces chiffres étaientvraisemblablement en deçà de la réalité. Leschiffres officiels sur la peine capitale demeuraientclassés secrets.ContexteUn nouveau gouvernement a été constitué en juillet etle Premier ministre a été reconduit dans ses fonctionspour un deuxième mandat de cinq ans.Les autorités ont laissé se dérouler, entre juin etaoût, une série de manifestations antichinoises dansles rues de la capitale, Hanoï, alors que la tensionmontait entre les deux pays à propos de lasouveraineté sur des territoires disputés en mer deChine méridionale, les îles Spratley et Paracel.Le rapporteur spécial des Nations unies sur le droitqu’a toute personne de jouir du meilleur état de santéphysique et mentale possible s’est rendu au Viêt-Namen décembre. Il a appelé à la fermeture immédiatedes centres pour toxi<strong>com</strong>anes et travailleurs du sexe,dénonçant notamment le caractère obligatoire duplacement dans ces établissements, ainsi quel’administration de traitements sans le consentementdes intéressés.En décembre, les pays donateurs réunis à Hanoïdans le cadre d’un groupe consultatif ont demandéau gouvernement de respecter davantage les droitshumains, soulignant que la répression exercée contreles dissidents menaçait la crédibilité internationale duViêt-Nam.VAmnesty International - Rapport 2012365


VRépression de la dissidenceDe sévères restrictions continuaient de peser sur laliberté d’expression et d’association, les personnescritiques à l’égard de la politique du gouvernementfaisant l’objet d’une forte répression. Cetterépression visait plus particulièrement celles et ceuxqui militaient en faveur de la démocratie ou deréformes, sur des questions écologiques, sur le droità la terre ou les droits du travail, ou encore sur lesdroits des minorités ethniques et religieuses. Poursanctionner des dissidents pacifiques, les autoritésont invoqué le chapitre du Code pénal de 1999relatif à la sécurité nationale – notamment lesarticles 79 (activités visant à « renverser » l’État)et 88 (« propagande » contre l’État) –, qui était rédigéen des termes vagues.Au moins neuf procès intentés contre 20 dissidentsau total ont eu lieu cette année. Plus de18 personnes, dont au moins 13 militants catholiquesqui soutenaient le dissident Cu Huy Ha Vu, ont étéarrêtées. Elles étaient maintenues en détentionprovisoire à la fin de l’année.n Le défenseur des droits humains, juriste et militantécologiste Cu Huy Ha Vu a été condamné en avril à septannées d’emprisonnement, au titre de l’article 88 duCode pénal. Il avait porté plainte à deux reprises contrele Premier ministre, une fois pour tenter d’arrêter unprojet controversé d’extraction de bauxite, une autrepour contester la légalité de l’interdiction des recourscollectifs.n Tran Thi Thuy, le pasteur Duong Kim Khai et cinqautres militants des droits fonciers ont été condamnésen mai à des peines allant de deux à huit ansd’emprisonnement par un tribunal de la province deBen Tre. Ces sept personnes avaient été inculpéesd’activités visant à « renverser » le gouvernement. TranThi Thuy avait en réalité fait campagne en faveur d’uneplus grande justice sociale pour les paysans de laprovince. Pasteur de la « Congrégation de l’étable » del’Église mennonite, Duong Kim Khai avait aidé despaysans dont les terres avaient été confisquées àintroduire une requête auprès des pouvoirs publics.Prisonniers d’opinionDes dizaines de prisonniers d’opinion arrêtés lesannées précédentes et condamnés à de lourdespeines à l’issue de procès inéquitables étaienttoujours en détention. Nombre d’entre eux étaient liésau mouvement Bloc 8406, qui milite sur Internet enfaveur de la démocratie.Quelques rares libérations sont intervenues cetteannée. L’écrivaine dissidente Tran Khai Thanh Thuy aainsi été libérée en juillet, avant la fin de sa peine,après avoir accepté de s’exiler à l’étranger. TruongQuoc Huy, technicien en téléphonie mobile, a étéremis en liberté en décembre, huit mois avantl’expiration de la peine de six ans d’emprisonnementà laquelle il avait été condamné. L’avocat spécialisédans la défense des droits humains Nguyen Van Dai aété quant à lui relâché en mars, après avoir purgéune peine de quatre ans d’emprisonnement. Cesdeux dernières personnes ont été placées enrésidence surveillée pour une durée maximum dequatre ans.n Le prêtre catholique Nguyen Van Ly, cofondateur dumouvement Bloc 8406, a été une nouvelle fois arrêtépar la police en juillet. Il a été réincarcéré dans la prisonde Ba Sao, dans le nord du pays. Condamné à huitannées d’emprisonnement, il avait bénéficié en mars2010 d’une suspension de sa peine pendant 12 mois,car il avait été victime d’un accident vasculaire cérébralet souffrait d’une tumeur au cerveau. Selon lesautorités, il aurait été renvoyé en prison pour avoirdistribué des tracts hostiles au gouvernement alorsqu’il était en liberté pour raisons médicales.n Le blogueur et journaliste Nguyen Hoang Hai,également connu sous le nom de Dieu Cay etcofondateur du Club des journalistes libres, uneorganisation indépendante, était toujours en détentionà la fin de l’année. Il avait semble-t-il été accusé de« propagande » contre l’État. Les autorités ont rejeté lesdemandes de visite réitérées de sa famille et de sonavocat. Elles n’ont pas non plus répondu auxdemandes d’information sur son état de santé,exprimées après qu’un responsable de la sécurité eutdéclaré que le détenu avait « perdu un bras ».Discrimination – groupes ethniques oureligieuxLes forces de sécurité ont cette année encore harceléet étroitement surveillé les membres de groupesreligieux ou ethniques considérés <strong>com</strong>me opposés augouvernement. Des litiges fonciers opposaienttoujours certaines autorités locales et l’Églisecatholique. Des agents de la force publique ont danscertains cas fait un usage injustifié ou excessif de laforce contre des manifestants pacifiques. Lepatriarche suprême de l’Église bouddhique unifiée duViêt-Nam (interdite) était toujours, de fait, enrésidence surveillée. Un nombre indéterminé de366 Amnesty International - Rapport 2012


personnes appartenant aux ethnies « montagnardes »du centre du pays, arrêtées à la suite desmanifestations qui avaient eu lieu dans cette régionen 2001 et 2004, se trouvaient toujours derrière lesbarreaux.n En novembre, la police a frappé et interpellé aumoins 30 pratiquants du Fa Lun Gong, quimanifestaient pacifiquement devant l’ambassade deChine à Hanoï pour protester contre le procès de deuxjournalistes vietnamiens membres du Fa Lun Gong, VuDuc Trung et Le Van Thanh. Ces derniers ont étécondamnés deux jours plus tard, respectivement àdeux et trois ans d’emprisonnement, pour diffusionillégale de programmes radio vers la Chine, un pays oùle Fa Lun Gong est frappé d’interdiction.n Nguyen Van Lia et Tran Hoai An, deux fidèles del’Église bouddhique Hoa Hao, ont été condamnésrespectivement à cinq et trois ans d’emprisonnementen décembre, pour avoir « profité des libertésdémocratiques pour porter préjudice aux intérêts del’État ». Nguyen Van Lia (72 ans) et Tran Hoai Anavaient en fait parlé à des diplomates étrangers desrestrictions imposées à la liberté de religion au Viêt-Nam, ainsi que de d’autres violations des droitshumains.YÉMENRÉPUBLIQUE DU YÉMENChef de l’État : Ali Abdullah Saleh, provisoirement remplacépar Abd Rabbu Mansour Hadi entre le 4 juinet le 23 septembreChef du gouvernement : Ali Mohammed Mujawar, remplacépar Mohammed Salim Basindwa le 27 novembrePeine de mort :maintenuePopulation :24,8 millionsEspérance de vie :65,5 ansMortalité des moins de cinq ans : 66,4 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 62,4 %Les forces de sécurité et des sympathisants duprésident Ali Abdullah Saleh ont tué plus de200 personnes lors des manifestations de grandeampleur organisées pour réclamer des réformes et ledépart du chef de l’État. Plusieurs de ces personnessont mortes alors qu’elles manifestaientpacifiquement ; des milliers d’autres ont étéblessées. Le mouvement de protestation a étérenforcé par la colère de la population face àl’augmentation de la pauvreté et du chômage, à lacorruption et à la répression brutale exercée par legouvernement. À de nombreuses reprises, les forcesde sécurité et les partisans du gouvernement ontutilisé une force excessive et meurtrière, tirantnotamment à balles réelles et avec des lanceroquettessur des manifestants pacifiques et lorsd’affrontements avec des opposants au présidentqui avaient eux aussi recours à la violence. De trèsnombreuses personnes ont été arrêtées et détenuesde manière arbitraire par les forces de sécurité, quitorturaient et maltraitaient les détenus en touteimpunité ; certaines ont été victimes de disparitionforcée. Les organes de presse et les professionnelsdes médias ont été la cible de nombreuses attaques.Les femmes et les filles continuaient de subir uneforte discrimination. De nombreuses femmes ontjoué un rôle de premier plan dans lesmanifestations ; certaines ont été arrêtées, battuesou harcelées. De nouvelles condamnations à mortont été prononcées et 41 personnes au moins ontété exécutées. Les forces gouvernementales etl’armée des États-Unis ont attaqué et tué desmembres présumés d’Al Qaïda ; des civils ontégalement trouvé la mort à la suite de ces attaques.ContexteEn janvier, le gouvernement a proposé des réformesconstitutionnelles qui devaient permettre au présidentSaleh, au pouvoir depuis 1978, de solliciter lerenouvellement de son mandat autant de fois qu’il lesouhaiterait. Cette initiative a suscité undéchaînement de protestations, qui se sont expriméesnotamment lors d’une manifestation de grandeampleur tenue le 22 janvier à Sanaa, la capitale. Lelendemain, d’autres manifestations ont eu lieu à lasuite de l’arrestation de Tawakkol Karman, présidentede l’ONG Femmes journalistes sans chaînes. Celle-ci,rapidement remise en liberté sous caution, a reçu enoctobre le prix Nobel de la paix, conjointement avecdeux autres femmes. Malgré la violence de la réactiondes forces de sécurité, le mouvement de contestationa pris de l’ampleur et s’est étendu à Aden et àd’autres villes ; certains manifestants ont réclamé ledépart du président Saleh et la démission dugouvernement.Le président a alors annoncé, le 2 février, qu’il nese représenterait pas à l’expiration de son mandat, en2013. Il a proposé d’entamer des discussions avec laYAmnesty International - Rapport 2012367


YCoalition des partis d’opposition, regroupant sixformations. Loin de mettre un terme auxmanifestations, ces propositions n’ont faitqu’envenimer la situation. Le lendemain, les forces desécurité ont <strong>com</strong>mencé à utiliser la force meurtrièrepour disperser, à Sanaa et dans d’autres villes, desmanifestations organisées par un groupe d’étudiantset de militants qui avaient pris le nom de Jeunesse dela révolution.Plusieurs personnes ont trouvé la mort à la mifévrierau cours de manifestations de grande ampleurorganisées dans plusieurs villes. Des sit-in et descamps de protestataires ont rapidement surgi àproximité de l’université de Sanaa et à Taizz, sur desplaces bientôt appelées « place du Changement ». Le23 février, neuf députés du parti au pouvoir ontdémissionné en signe de protestation contre laviolence utilisée par les forces de sécurité pourréprimer les manifestations.Le 28 février, le président Saleh a, selon la presse,proposé de former un gouvernement d’unionnationale <strong>com</strong>prenant des membres de l’opposition.Celle-ci a exigé sa démission et proposé un plan detransition prévoyant son départ avant la fin del’année. Le chef de l’État ayant refusé, la crise s’estconsidérablement aggravée le 18 mars. Ce jour-là,des tireurs embusqués aux ordres du gouvernementont fait feu en direction du campement deprotestataires sur la « place du Changement » àSanaa, tuant au moins 52 personnes. Plusieursministres et autres responsables ont démissionné ensigne de protestation et le général <strong>com</strong>mandant la1 re brigade de l’armée a annoncé qu’il ralliait lacontestation avec ses troupes. En réaction, leprésident Saleh a dissous le gouvernement, nomméun gouvernement provisoire et instauré l’étatd’urgence pour 30 jours, décision que le Parlement aapprouvée le 23 mars. Cette mesure a entraîné lasuspension de la Constitution, le durcissement de lacensure à l’égard des médias et le renforcement despouvoirs des forces de sécurité en matièred’arrestation, de détention et d’interdiction desmanifestations.Le Conseil de coopération du Golfe (CCG) a tentéune médiation entre le président Saleh et l’opposition.Le 23 avril, le chef de l’État a annoncé qu’il était prêtà accepter la proposition du CCG de démissionner deses fonctions dans un délai de 30 jours et depermettre la formation d’un gouvernement d’unionnationale. En retour, lui-même et ses collaborateursobtiendraient l’immunité des poursuites. Il a toutefoisrefusé à plusieurs reprises de signer l’accord, alorsque se multipliaient les heurts entre les forcesgouvernementales d’une part et, de l’autre, desmembres armés de tribus qui lui étaient opposées etdes militants islamistes armés ; ces derniers étaientliés semble-t-il à Al Qaïda dans la péninsule arabiqueet ont pris le contrôle de certaines parties de laprovince d’Abyan.Le 3 juin, une attaque contre le palais présidentiela fait plusieurs morts et des blessés graves, dont leprésident Saleh. Il a été évacué en Arabie saouditepour y être soigné ; le vice-président a assuré lepouvoir. Une alliance d’opposants, le Conseil nationaldes forces révolutionnaires, a vu le jour en août, maiselle s’est rapidement divisée. La situation s’estretrouvée dans une impasse, avec des affrontementsarmés persistants. Une mission d’établissement desfaits envoyée par la haut-<strong>com</strong>missaire aux droits del’homme des Nations unies a fait état d’atteintesgraves aux droits humains et demandé l’ouvertured’une enquête internationale afin d’amener lesresponsables de ces agissements à rendre <strong>com</strong>pte deleurs actes.Le président Saleh est revenu au Yémen le23 septembre, ce qui a déclenché des manifestationsde grande ampleur, tant de la part de sessympathisants que de ses opposants.Le 21 octobre, le Conseil de sécurité des Nationsunies a condamné la persistance des violences etexhorté le président Saleh à quitter le pouvoir,conformément à l’accord proposé par le CCG. Le chefde l’État s’est exécuté le 23 novembre, confiant lepouvoir au vice-président, avec pour mission dedésigner un nouveau Premier ministre à la tête d’un« gouvernement de réconciliation nationale » etd’organiser une élection présidentielle dans les90 jours. En retour, le président Saleh et sescollaborateurs devaient obtenir l’immunité pour lescrimes <strong>com</strong>mis alors qu’ils exerçaient le pouvoir. Dansles 15 jours qui ont suivi, un Premier ministre issu del’opposition a été nommé et un gouvernement a étéformé, dans lequel étaient représentés le parti aupouvoir et les formations d’opposition. Lesmanifestations se sont poursuivies, dénonçant ce quiapparaissait <strong>com</strong>me une clause d’immunité.L’année 2011 a par ailleurs connu desaffrontements armés dans le nord et le sud du pays,qui ont contraint des civils à quitter leur foyer. Dans lenord, les rebelles huthis ont pris le contrôle de la368 Amnesty International - Rapport 2012


province de Saada à la fin mars, puis, selon certainesinformations, de certaines parties d’autres provincesplus tard dans l’année. Des affrontements ont opposéles forces gouvernementales et des islamistes armésdans la province méridionale d’Abyan. Des heurts sesont également produits à Sanaa et à Taizz entre lesforces de sécurité et des hommes armés issus detribus, ainsi que des déserteurs qui avaient annoncéqu’ils allaient protéger les manifestants. Beaucoup depersonnes ont été tuées, dans certains cas à la suitede tirs d’artillerie lourde des forces gouvernementales.La situation humanitaire, déjà désastreuse, a atteintun niveau critique. Les Yéménites subissaient unegrave pénurie d’eau et d’autres produits de premièrenécessité, ainsi que l’augmentation rapide duchômage et du coût de la vie et l’interruption de lafourniture d’électricité et de carburant.Utilisation excessive de la forceLes forces de sécurité ont fait un usage excessif etdisproportionné de la force, y <strong>com</strong>pris meurtrière, lorsd’opérations de répression de manifestationspacifiques et durant des affrontements dans certainesparties du pays. Elles ont utilisé des balles réelles, dugaz lacrymogène, des matraques et des pistolets àimpulsions électriques ; elles ont aspergé desmanifestants d’eau polluée. Des manifestantspacifiques ont régulièrement été pris pour cible pardes tireurs embusqués qui ouvraient le feu depuis lestoits et par des hommes armés tirant depuis la rue.Les forces de sécurité ont également attaqué desprotestataires au moment où ils étaient le plusvulnérables, tard dans la soirée ou pendant la prière.Des hommes armés en civil appelés baltaji (voyous)ont attaqué des manifestants antigouvernementaux àcoups de matraque ou ont ouvert le feu dans leurdirection, souvent en présence des forces de sécuritéet avec leur approbation. À l’instar de ces dernières,ils bénéficiaient d’une quasi-impunité pour leursagissements. Les autorités ont annoncé l’ouvertured’enquêtes sur certains homicides, mais ellesn’étaient pas indépendantes et leurs conclusionsétaient peu claires.n Le 25 février à Aden, les forces de l’ordre ont ouvertle feu sur des protestataires depuis des véhiculesblindés et attaqué des maisons dans lesquelles ellespensaient que des manifestants s’étaient réfugiés. Unedouzaine de personnes ont été tuées, dont deux chezelles. Les forces de sécurité auraient empêché leshabitants d’emmener les blessés à l’hôpital.n Le 4 mars, des soldats stationnés à un poste militaireà Harf Sufyan (gouvernorat d’Amran, dans le nord dupays) ont ouvert le feu sur des manifestants quiquittaient le site d’un rassemblement à bord devoitures ; deux hommes auraient été tués et plusieursautres blessés.n Le 18 mars, dans le centre de Sanaa, des tireursembusqués qui appartenaient semble-t-il aux forces desécurité ont tiré en direction du campement deprotestataires depuis le toit d’immeubles voisins, aprèsla prière du vendredi. Des agents des forces de l’ordreont également ouvert le feu depuis la rue. Cette journéea été ensuite désignée sous le nom de « vendredisanglant ». Cinquante-deux manifestants au moins onttrouvé la mort et des centaines d’autres ont été blessés.Le président a présenté publiquement des excuses touten niant que la police soit responsable des violences.Selon le Haut-Commissariat aux droits de l’homme[ONU], une enquête officielle sur les événements du18 mars a débouché sur l’inculpation de 78 personnes,mais on ignorait si des membres des forces de sécuritéfiguraient parmi elles. Les autorités ont offert uneindemnisation à certaines familles de victimes.n À Taizz, les forces de sécurité ont ouvert le feu le29 mai sur un campement de protestation et un hôpitalde fortune, tuant une dizaine de personnes, peut-êtreplus ; elles ont ensuite rasé le camp avec desbulldozers et l’ont incendié.n Le 24 juin à Aden, des soldats appuyés par deschars ont abattu Jiyab Ali al Saadi. Selon lesinformations recueillies, cet homme, le fils de l’un deschefs du Mouvement du sud, les avait suppliés de nepas tirer sur des personnes qui assistaient auxfunérailles d’Ahmed al Darwish, mort en détention enjuin 2010 apparemment des suites de torture.n Entre le 18 et le 22 septembre, les forces de sécuritéont posté des tireurs embusqués et utilisé des lanceroquettescontre des manifestants qui réclamaient àSanaa la démission du président Saleh. Plusieursdizaines de personnes ont été tuées et des centainesd’autres ont été blessées.Arrestations arbitraires, détentions etdisparitions forcéesPlusieurs centaines de personnes ont été interpelléeset placées en détention de manière arbitraire dans lecontexte des manifestations, venant accroître lenombre de détenus dont certains avaient étéincarcérés bien avant le déclenchement dumouvement de protestation. Une délégation de l’ONUYAmnesty International - Rapport 2012369


Yprésente en juin et juillet et qui a pu accéder à uneprison de Sanaa gérée par la Sécurité politique aconstaté que des Yéménites et des étrangers étaientmaintenus en détention depuis des mois, voire desannées, sans inculpation ni jugement ou sans avoirété présentés à un juge.n Arrêtés le 23 novembre dans la rue à Sanaa, AbdulHakim Ahmed al Hatami, Nabil Mowqahu etMohammed al Zubayri ont été maintenus au secretpendant neuf jours avant leur transfert dans un postede police. Abdul Hakim Ahmed al Hatami a étécontraint de s’engager par écrit à ne plus participer auxmanifestations et a été remis en liberté le 7 décembre ;Nabil Mowqahu et Mohammed al Zubayri ont recouvréla liberté quelques jours plus tard.n Hassan Baoom, membre éminent du Mouvementdu sud, a été arrêté le 20 février alors qu’il était soignédans un hôpital d’Aden. Maintenu au secret jusqu’au7 décembre, cet homme âgé de 71 ans a été remis enliberté sans avoir été inculpé.Lutte contre le terrorisme et sécuritéLe gouvernement yéménite et l’armée des États-Unisont mené des opérations sécuritaires contre desmembres présumés d’Al Qaïda, en particulier dans laprovince d’Abyan ; ils ont notamment procédé à desfrappes aériennes, faisant à plusieurs reprises desmorts et des blessés parmi la population civile.n Des informations ont fait état de deux attaquesmenées en juin dans la province d’Abyan par desdrones et/ou des avions de <strong>com</strong>bat américains, qui ontfait plusieurs morts et blessés, dont des civils.n Le 30 septembre, une attaque menée, selon lesinformations recueillies, par un drone et un avion de<strong>com</strong>bat américains dans la province d’al Jawf a coûté lavie à quatre personnes, parmi lesquelles figurait Anwaral Awlaki. Membre présumé d’Al Qaïda, ce religieux néaux États-Unis était accusé d’avoir été à l’origine d’unetentative d’attentat contre un avion de ligne au-dessusde la ville américaine de Detroit, en décembre 2009.En mai, des avions de <strong>com</strong>bat yéménites ontattaqué la ville de Zinjibar, dans le sud du pays,passée sous le contrôle d’activistes islamistes quiavaient occupé des banques et un bâtiment public ets’étaient rendus semble-t-il responsables d’atteintesaux droits humains. Le 11 septembre, les autoritésont annoncé que l’armée avait repris le contrôle de laplus grande partie de la ville, après plus de trois moisde <strong>com</strong>bats au cours desquels 230 soldats et50 membres de tribus locales auraient été tués.Liberté d’expressionLe gouvernement a renforcé les restrictions pesantsur la liberté d’expression. Les journalistes et lesmédias considérés <strong>com</strong>me des détracteurs duprésident Saleh ont été pris pour cible. Desjournalistes et d’autres professionnels de la presse ontété menacés, emprisonnés, harcelés, attaqués voiretués pendant les troubles. Des lois restrictives et desmesures contraignantes prises par les forces desécurité ont gravement porté atteinte à la liberté de lapresse, entre autres moyens d’expression. Plusieursjournalistes étrangers ont été agressés ou expulsés.Des dizaines de publications auraient été saisies, etdes sites Internet piratés ou suspendus. Desjournalistes qui travaillaient pour des médiasgouvernementaux ont été licenciés après avoirparticipé à des manifestations antigouvernementales.n En février, Abdullah Ghorab et Mohammed Omran,respectivement reporter et caméraman pour la BBC,ont été agressés par des partisans d’un responsablegouvernemental alors qu’ils couvraient lesmanifestations contre le président Saleh.n Un journaliste aurait trouvé la mort lorsque les forcesde sécurité ont chargé des manifestants à Sanaa le18 mars ; d’autres ont été blessés, arrêtés ou menacés ;certains ont vu leur matériel confisqué.n Le 24 mars, les autorités ont fermé le bureau local dela chaîne de télévision Al Jazira et ont annulé les permisde travail de ses journalistes, après qu’ils eurent rendu<strong>com</strong>pte de la mort de manifestants lors du « vendredisanglant ».n En mai, les bureaux de Sanaa de l’agence de presseofficielle Saba et de Suhail TV, appartenant à unopposant de premier plan, ont été gravementendommagés au cours d’affrontements armés entredes sympathisants du président Saleh et desopposants au régime. Le ministère desCommunications aurait également perturbé desservices de Sabafone, un réseau detélé<strong>com</strong>munications appartenant au propriétaire deSuhail TV.n Abdul Ilah Haydar Shayi, un journaliste indépendantspécialisé dans la lutte contre le terrorisme qui avait étéarrêté en août 2010, a été maintenu en détention bienque le président Saleh ait, selon certaines informations,ordonné sa remise en liberté le 1 er février. Cet hommea été détenu au secret après son interpellation etaurait été passé à tabac durant cette période. Il aensuite <strong>com</strong>paru devant le Tribunal pénal spécialde Sanaa, qui l’a condamné en janvier 2011 à cinq ans370 Amnesty International - Rapport 2012


d’emprisonnement. Il était selon toute apparence unprisonnier d’opinion.Torture et autres mauvais traitementsDe nouvelles informations ont fait état d’actes detorture et de mauvais traitements infligés à desdétenus par les forces de sécurité. Les méthodes leplus souvent décrites étaient les coups, les déchargesélectriques, les brûlures de cigarettes et la suspensionpar les bras et les jambes, souvent pendant delongues périodes.n En février, des détenus de la prison de la Sécuritépolitique à Sanaa, dont des membres ou sympathisantsprésumés d’Al Qaïda, auraient été battus par desgardiens et placés à l’isolement après avoir observé unegrève de la faim par laquelle ils entendaient protestercontre leur maintien en détention prolongée sansinculpation ni jugement et contre les mauvaistraitements et l’absence de soins médicaux appropriés.Selon certaines informations, 10 prisonniers au moinsont dû recevoir des soins à l’hôpital à cause des coupsqui leur avaient été assenés.n Mustafa Abdu Yahya al Nahari aurait été roué decoups, frappé à coups de pied et fouetté par des agentsde la Sécurité centrale qui l’ont détenu pendant unesemaine dans un endroit tenu secret après sonarrestation à son domicile le 14 novembre. Les yeuxbandés pendant toute la durée de sa détention, il a étéinterrogé à propos des manifestations et contraint designer un document dont il ignorait le contenu. Il aensuite été abandonné, les yeux toujours bandés, dansla rue.Châtiments cruels, inhumains oudégradantsPendant la période durant laquelle ils ont contrôléZinjibar, les activistes islamistes ont imposé uneapplication stricte de la charia (droit musulman). Enseptembre, deux hommes accusés de vol auraientsubi l’amputation des mains ; l’un d’eux n’aurait passurvécu.Droits des femmesLes femmes et les filles continuaient de subir uneforte discrimination dans la législation et dans lapratique, en particulier dans les zones rurales. Lesfemmes ont toutefois joué un rôle important, et danscertains cas de premier plan, dans le mouvement deprotestation. Face à cette réalité, le président Saleh acondamné publiquement, le 15 avril, le fait que leshommes et les femmes manifestent ensemble – uneattitude « contraire à l’islam » selon lui. En réaction,des milliers de femmes ont protesté contre ce qu’ellesconsidéraient <strong>com</strong>me une tentative du président derestreindre leur droit à la liberté d’expression et leurparticipation aux affaires publiques. Des militantes etdes journalistes ont été prises pour cible par lesforces de sécurité et des sympathisants dugouvernement ; elles ont été harcelées, arrêtées et,dans certains cas, battues pour avoir participé à desmanifestations. Certaines ont été menacées parl’intermédiaire de leur famille, leurs parents de sexemasculin étant invités à les contrôler et à restreindreleurs activités militantes.n Le frère de Tawakkol Karman aurait reçu un appeltéléphonique après l’arrestation de celle-ci en janvier,l’enjoignant de garder sa sœur à la maison. Sinon,« ceux qui s’opposent au fouet de l’obéissance seronttués », lui a-t-on dit.n Le 9 octobre, des partisans du gouvernement ontattaqué des femmes qui défilaient à Taizz pour célébrerl’attribution du prix Nobel de la paix à TawakkolKarman ; plusieurs dizaines d’entre elles ont étéblessées.Réfugiés et demandeurs d’asileLe Yémen accueillait toujours plus de200 000 réfugiés africains, des Somaliens pour laplupart. Conséquence de la sécheresse, du conflit etde l’insécurité politique, une nouvelle vague d’arrivéesa eu lieu à partir du mois d’août. Les réfugiés vivaientdans des conditions extrêmement dures, aggravéespar la crise politique, économique et humanitairecroissante à laquelle était confronté le Yémen ;beaucoup ont manifesté devant les bureaux duHaut-Commissariat des Nations unies pour lesréfugiés (HCR).n En juillet, le HCR a fermé durant plusieurs jours sesbureaux à Sanaa à la suite d’affrontements entre lapolice et des centaines de réfugiés, Érythréensnotamment, qui campaient devant ses locaux pourréclamer une réinstallation dans un pays tiers en raisonde la situation explosive à Sanaa.Peine de mortAu moins 29 personnes ont été condamnées à mort et41 prisonniers, peut-être davantage, ont été exécutés ;le nombre réel était probablement beaucoup plusélevé. Plusieurs centaines de personnes demeuraientsous le coup d’une sentence capitale.YAmnesty International - Rapport 2012371


Zn Yasser Ismail et quatre de ses parents de sexemasculin, tous âgés de 20 à 30 ans, risquaient d’êtreexécutés, leurs condamnations à mort prononcées en2006 pour meurtre ayant été confirmées par la Courd’appel et la Cour suprême.n Ahmed Omar al Abbadi al Markashi, dont lacondamnation à mort a été confirmée en juin par laCour d’appel, risquait d’être exécuté. Cet agent desécurité employé au domicile de Hisham Bashraheel,rédacteur en chef du journal al Ayyam, avait étécondamné pour meurtre en juin 2010. En 2008, deshommes armés avaient ouvert le feu en direction de lamaison de Hisham Bashraheel et l’un d’entre eux avaitété tué lorsque les agents de sécurité avaient riposté.Ahmed Omar al Abbadi al Markashi avait été jugé lorsd’un procès inéquitable.Visites et documents d’AmnestyInternationalv Le gouvernement n’a pas autorisé Amnesty International à envoyer unedélégation au Yémen en 2011.4 Yémen. Une défenseure des droits humains menacée. Tawakkol Karman(MDE 31/003/2011).4 Yémen. Moment décisif pour le Yémen (MDE 31/007/2011).4 La transition au Yémen est ternie par un accord d’« immunité »(PRE01/591/2011).ZIMBABWERÉPUBLIQUE DU ZIMBABWEChef de l’État et du gouvernement : Robert Gabriel MugabePeine de mort :maintenuePopulation :12,8 millionsEspérance de vie :51,4 ansMortalité des moins de cinq ans : 89,5 ‰Taux d’alphabétisation des adultes : 91,9 %Le climat de discorde et de méfiance qui régnait ausein du gouvernement d’unité nationale continuaitd’entraver la réalisation d’objectifs clés de l’Accordpolitique global. Cela a considérablement retardél’élaboration d’une nouvelle constitution et la miseen œuvre des réformes sur les questions électorales,les médias et la sécurité qui devaient précéder lesélections. Des éléments des forces de sécuritécontinuaient de faire pression sur les deux factionsdu Mouvement pour le changement démocratique(MDC) en perturbant illégalement leurs activitéspolitiques et en ordonnant l’arrestation de cadres duparti. Des défenseurs des droits humains ont étéarrêtés et torturés pendant qu’ils étaient détenuspar la police, notamment après les manifestationsqui ont eu lieu en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. La police a continué d’agir de manièrepartiale en ne prenant aucune mesure contre lesmembres de l’Union nationale africaine duZimbabwe-Front patriotique (ZANU-PF), le partiprésidentiel, lorsque ceux-ci harcelaient,intimidaient ou frappaient des opposants politiquesprésumés.ContexteLe gouvernement d’unité nationale n’a pas conduit àson terme le processus d’élaboration d’une nouvelleconstitution, qui accusait plus d’un an de retard sur lecalendrier prévu. Cela était essentiellement dû à unfinancement insuffisant de ce processus et à desquerelles entre les différents partis au pouvoir. LaZANU-PF a continué de s’opposer aux réformes desmédias et du secteur de la sécurité qui avaient étédécidées dans le cadre de l’Accord politique global ;cet accord, cosigné par les trois principaux partispolitiques du pays en septembre 2008, avait conduità la création d’un gouvernement d’unité nationale enfévrier 2009. Le 24 novembre, l’Autorité deradiodiffusion du Zimbabwe a accordé des licences<strong>com</strong>merciales au groupe de presse gouvernementalZimbabwe Newspapers et à AB Communications,tous deux considérés <strong>com</strong>me proches de laZANU-PF.La Communauté de développement de l’Afriqueaustrale (SADC), en la personne du président sudafricainJacob Zuma, a poursuivi son travail demédiation entre la ZANU-PF et les deux factions duMDC, qui se sont mises d’accord sur une feuille deroute électorale. Mais, là encore, le climat desuspicion et de défiance régnant au sommet dupouvoir a gêné la mise en œuvre des accords. Enjuin, l’opinion s’est vivement émue des propos tenuspar le général de brigade Douglas Nyikayaramba, quia déclaré dans le journal gouvernemental The Heraldque la ZANU-PF et les forces de sécurité ne faisaientqu’un et que le Premier ministre Morgan Tsvangiraiconstituait une menace pour la sécurité.Le 31 mars, la Troïka de la SADC, l’organe chargéde la coopération en matière de politique, de défenseet de sécurité, a appelé à la fin des violences au372 Amnesty International - Rapport 2012


Zimbabwe, y <strong>com</strong>pris à la fin des arrestations et desmesures d’intimidation visant les opposants à laZANU-PF.L’éventualité de la tenue d’une élection en 2011,évoquée surtout par le président Mugabe et lesmembres de la ZANU-PF, a exacerbé les tensionsdans les zones rurales et les banlieues,principalement touchées par les violences de 2008cautionnées par l’État. Selon certaines informations,des opposants présumés à la ZANU-PF ont fait l’objetde manœuvres de harcèlement et d’intimidation de lapart de partisans du parti présidentiel, ce qui adéclenché des affrontements entre les différentspartis dans certains endroits du pays. La policesemble cependant n’avoir arrêté que des opposants àla ZANU-PF, donnant ainsi l’impression que lessympathisants de ce parti étaient au-dessus des lois.À l’approche du congrès du MDC-T (branche duMDC dirigée par Morgan Tsvangirai) prévu en avril àBulawayo, des heurts violents se sont produits entredes membres de cette formation qui visaient lesmêmes postes. Les autres congrès du MDC-Torganisés dans les provinces du Manicaland, deMasvingo, de Bulawayo et des Midlands ontégalement été marqués par des luttes internes.Liberté d’expression, d’association et deréunionLa police a invoqué la Loi relative à l’ordre public et àla sécurité pour entraver les activités politiques desdeux factions du MDC. Tout au long de l’année, elle aperturbé leurs activités en empêchant les militants dese rassembler ou encore en s’abstenant d’intervenirlorsque des partisans de la ZANU-PF tentaient deperturber leurs réunions politiques. Dans certainscas, elle a fait usage d’une force excessive ou menacéde recourir à la force pour empêcher des réunions duMDC-T que la justice avait pourtant autorisées ; lesforces de l’ordre n’ont empêché aucun des meetingsde la ZANU-PF. Quand des violences ont éclaté entrecamps opposés, la police a rarement interpellé despartisans de la ZANU-PF.Une bande organisée liée à la ZANU-PF, appeléeChipangano, a <strong>com</strong>mis des atteintes aux droitshumains en toute impunité à Mbare, où elle estbasée, et dans d’autres quartiers de Harare. Le23 juillet, des membres de la bande ont investi leParlement, interrompu une séance publiqueconsacrée au projet de loi sur une <strong>com</strong>mission desdroits humains et frappé plusieurs personnes, dontun parlementaire et un journaliste. Présente sur leslieux, la police n’a procédé à aucune arrestation. Enoctobre, à Marondera et à Mutare, des groupes departisans de la ZANU-PF ont perturbé lesconsultations publiques organisées par le Parlementau sujet du projet d’amendement de la loi électorale,entraînant de nouveaux retards dans le processus deréforme.n Le 21 janvier, des délégués d’Amnesty Internationalont vu des sympathisants de la ZANU-PF, quimanifestaient à l’hôtel de ville de Harare, frapper desgens sous les yeux de policiers antiémeutes. Un lycéena été roué de coups pour avoir pris une photo, et unejeune femme vêtue d’un t-shirt du MDC-T a été frappéeet son t-shirt lui a été arraché. Gravement blessées, lesdeux victimes ont dû recevoir des soins médicaux. Lapolice n’est pas intervenue pour faire cesser lesviolences.n En février, Douglas Mwonzora, le député local duMDC-T ainsi que 23 villageois du district de Nyanga(province du Manicaland) ont été arrêtés et placés engarde à vue. Ils ont été accusés de violences sur la voiepublique à la suite d’affrontements entre des membresde la ZANU-PF et du MDC-T. Aucun membre de laZANU-PF n’a été arrêté. Les 24 détenus ont obtenuune libération sous caution mais l’État a invoquél’article 121 du Code de procédure pénale poursuspendre la décision et les maintenir en détentionsept jours de plus. Par le passé, cet article avait déjàservi à prolonger la détention d’opposants présumés àla ZANU-PF.n Le 10 juillet, Welshman Ncube, dirigeant de la pluspetite des deux factions du MDC, ainsi que plusieurscadres de ce mouvement ont été incarcérés à Hwangeaprès avoir été arrêtés à un barrage de police. Ils ont étérelâchés quelques heures plus tard sans avoir étéinculpés.n Dans la province du Matabeleland-Nord, la police aempêché la tenue de deux rassemblements du MDC-Tprévus dans le district de Lupane et à Victoria Falls les29 et 30 octobre respectivement, et auxquels MorganTsvangirai devait participer.n Le 6 novembre, des militants de la ZANU-PF ontperturbé un rassemblement que le MDC-T avaitorganisé au stade de Chibuku, à Chitungwiza, et ilsauraient agressé des sympathisants du mouvement.Des violences ont alors éclaté, empêchant la tenue durassemblement. La police, informée de la tenue de cemeeting, était présente mais n’a procédé à aucunearrestation. À la suite de cet épisode, le porte-parole deZAmnesty International - Rapport 2012373


Zla police a déclaré que le maintien de l’ordre ne seraitpas assuré lors des activités politiques du MDC-T, cequi empêchait en pratique ce dernier d’organiser desrassemblements du fait des craintes pour la sécuritédes participants. Cependant, un meeting du MDC-T apar la suite pu être tenu au même endroit car uneprésence policière a été assurée.Arrestations et détentions arbitrairesCette année encore, des responsables des deuxbranches du MDC ont été interpellés pour des motifspolitiques. Des dizaines de sympathisants du MDCont également été arrêtés et certains ont passéplusieurs mois en détention en raison d’accusationsmotivées par des considérations politiques. Lesarrestations qui avaient eu lieu les annéesprécédentes pour des motifs similaires ont débouchésur des acquittements ou des classements sans suite.n Elton Mangoma, membre du MDC-T et ministre del’Énergie et du Développement énergétique, a étéarrêté le 10 mars sur des accusations de corruptionforgées de toutes pièces. Il a par la suite été acquitté.n Le 14 avril, Moses Mzila, ministre de laRéconciliation nationale et de l’Intégration et membredu MDC, a été interpellé, apparemment pour n’avoirpas informé la police d’une réunion qui s’était tenue laveille à Lupane (province du Matabeleland-Nord). Unprêtre, Marko Mabutho Mnkandla, a été arrêté lemême jour pour avoir célébré un office en mémoire desvictimes de l’opération Gukurahundi, qui a eu lieu dansles années 1980 dans le Matabeleland et durantlaquelle les forces de sécurité de l’État ont <strong>com</strong>mis desatrocités.n En juin, Jameson Timba, ministre d’État auprès duPremier ministre, a été arrêté après avoir, semble-t-il,écrit dans un journal local que le président Mugabeavait menti au sujet des conclusions du sommet de laSADC qui s’était tenu à Johannesburg au début dumois.n Plus de 25 personnes ont été arrêtées à la suite de lamort d’un policier, Petros Mutedza, lynché le 29 mai, àGlen View, dans la banlieue de Harare. Sans mener devéritables enquêtes, la police a publié des déclarationsincriminant des partisans du MDC-T et une vague derépression s’est abattue dans le secteur sur lessympathisants de ce mouvement. Certaines despersonnes arrêtées ont été torturées durant leur gardeà vue. Sept d’entre elles se sont vu refuser unelibération sous caution et se trouvaient toujours endétention provisoire à la fin de l’année. CynthiaManjoro, une militante des droits humains, a étéinterpellée parce que sa voiture aurait été aperçue prèsde l’endroit où les violences avaient été <strong>com</strong>mises ; ellene se trouvait pas dans le secteur au moment des faitset elle ne faisait pas partie des cadres du MDC-T.Défenseurs des droits humainsDes défenseurs des droits humains ont cette annéeencore été victimes d’arrestations arbitraires, deplacements illégaux en détention, d’inculpations àcaractère politique et même de torture pendant leurgarde à vue. Des membres de la ZANU-PF ontharcelé et cherché à intimider, en raison de leursactivités, des militants locaux se consacrant à ladéfense des droits humains. Les menaces et lesintimidations de ce type se sont intensifiées quand laZANU-PF a <strong>com</strong>mencé à évoquer la tenue éventuelled’une élection en 2011.Le 19 février, Munyaradzi Gwisai et 44 autresmilitants ont été arrêtés par la police à Harare, lorsd’une réunion-débat sur les implications desmanifestations qui avaient eu lieu en Égypte et enTunisie. Ils ont été maintenus en garde à vue au-delàdu délai maximal de 48 heures prévu par la loi, etn’ont été informés qu’ils étaient accusés de trahisonque quelques minutes avant d’être emmenés autribunal, le 23 février. Ils n’ont pas pu obtenir de soinsmédicaux ni consulter un avocat et certains ont affirméavoir été torturés par la police. Le 7 mars, 39 d’entreeux ont été relâchés. En juillet, les chefs de trahisonont été abandonnés pour les six accusés restants, maisceux-ci devaient cependant toujours répondre de« <strong>com</strong>plot visant à <strong>com</strong>mettre des actes de violence »ou d’« incitation à la violence sur la voie publique ouparticipation à un rassemblement avec l’intentiond’encourager la violence sur la voie publique, destroubles à l’ordre public et le sectarisme ».Le 28 février, sept membres des organisationsmilitantes Femmes du Zimbabwe, debout ! (WOZA) etHommes du Zimbabwe, debout ! (MOZA) ont étéarrêtés à Bulawayo. Selon certaines sources, ils ontété torturés pendant leur détention au <strong>com</strong>missariatcentral de la ville. Ils ont été remis en liberté deuxjours plus tard, contre le versement d’une caution de50 dollars des États-Unis et l’obligation de seprésenter à la police deux fois par semaine.Le 1 er mars, 14 autres militantes de WOZA ont étéinterpellées à Bulawayo au cours de réunions portantsur des questions d’ordre social. Elles ont été libéréesle jour même sans inculpation.374 Amnesty International - Rapport 2012


Expulsions forcéesL’État n’a pas pris de mesures pour fournir uneéducation aux milliers d’enfants touchés par la vagued’expulsions forcées menées dans le cadre del’opération Murambatsvina en 2005. À Hopley et àHatcliffe Extension, deux sites créés par les pouvoirspublics pour reloger les familles expulsées de Harare,plus de 2 000 enfants fréquentaient des écolesprimaires non officielles, installées dans desbâtiments inadaptés et fonctionnant sans enseignantsqualifiés ni fournitures scolaires. Plus de six ans aprèsles expulsions forcées, la plupart des victimes setrouvaient dans une situation encore plus précairequ’auparavant, l’État n’ayant pas proposé de solutionsatisfaisante.Droits des lesbiennes, des gays,des personnes bisexuelles et destransgenresDes personnes continuaient d’être persécutées enraison de leur orientation sexuelle.n Le 20 octobre, Lionel Girezha et NgonidzasheChinya, deux hommes respectivement âgés de 27 et28 ans, ont été arrêtés à Mbare, dans la banlieue deHarare, et inculpés de sodomie, accusation qu’ils ontniée. Les deux hommes ont été agressés par ceux quiles avaient dénoncés, puis placés en garde à vue.Quand leur procès s’est ouvert, des membres de labande organisée Chipangano, liée à la ZANU-PF, ontharcelé les avocats et les ont menacés de représaillesviolentes parce qu’ils défendaient des hommessoupçonnés d’homosexualité. La police n’a pas protégéles avocats, qui ont déposé un recours auprès de laHaute Cour pour obtenir le dépaysement du procèsinitialement prévu à Mbare.Dans une interview accordée à la BBC au moisd’octobre, Morgan Tsvangirai a déclaré soutenir lesdroits des gays. Sa prise de position a été critiquéepar les médias contrôlés par l’État, qui ont tenté del’exploiter à des fins politiques et d’inciter lapopulation à la haine contre les « homosexuels ».Visites et documents d’AmnestyInternationalv Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Zimbabwe enjanvier, août, septembre, octobre et novembre-décembre.4 Zimbabwe: Briefing to the pre-session working-group of the UNCommittee on the Elimination of Discrimination Against Women – 51stSession (AFR 46/014/2011).4 Zimbabwe: Continued clampdown on dissent – Amnesty Internationalsubmission to the UN Universal Periodic Review, March 2011(AFR 46/016/2011).4 Left behind: The impact of Zimbabwe’s mass forced evictions on theright to education (AFR 46/019/2011).ZAmnesty International - Rapport 2012375


Libye, avril 2011. Photos de disparusaffichées sur le mur d’un tribunal du nordde Benghazi. Les forces de MouammarKadhafi ont mené une vaste campagnede disparitions forcées dans tout le payscontre les personnes perçues <strong>com</strong>medes opposants au régime, notammentdes journalistes, des écrivains, descybermilitants et des manifestants.


© Amnesty International


AMNESTYINTERNATIONALAMNESTY INTERNATIONAL - RAPPORT 2012CHAPITRE III - ÉTAT DES RATIFICATIONSDE CERTAINS TRAITÉS RELATIFS AUX DROITS HUMAINS


© AP Photo/Juan KaritaÉTAT DES RATIFICATIONSDE CERTAINS TRAITÉS RELATIFSAUX DROITS HUMAINS(au 31 décembre 2011)TRAITÉS INTERNATIONAUXTRAITÉS RÉGIONAUXLes pays qui ont ratifié un traité ou qui y ont adhéré sont partiesau traité et donc tenus d’en respecter les dispositions. Ceux quiont signé un traité sans l’avoir ratifié ont signifié leur intention dedevenir parties à une date ultérieure ; ils ne peuvent par conséquent<strong>com</strong>mettre d’actes qui iraient à l’encontre de ce traité.


Bolivie, août 2011. Des membres de<strong>com</strong>munautés indigènes et des militantsécologistes marchent en directionde La Paz. Ils manifestent contre unprojet gouvernemental d’autoroute quitraverserait le Territoire indigène et parcnational Isiboro-Sécure, où vivent desmilliers de personnes.


© AP Photo/Lefteris Pitarakis


Un agent de la police antiémeutesgrecque donne un coup de pied à unemanifestante lors d’affrontements sur laplace Syntagma, à Athènes (Grèce), le15 juin 2011. Des manifestants et despoliciers antiémeutes se sont opposésdans le centre d’Athènes lors d’un grandrassemblement contre l’austérité.


ÉTAT DES RATIFICATIONS DE CERTAINSTRAITÉS RELATIFS AUX DROITS HUMAINS(au 31 décembre 2011)TRAITÉS INTERNATIONAUX• Le pays est partie au traité par ratification,par adhésion, ou par succession.« Le pays est devenu partie en 2011.m Le pays a signé le traité avant 2011,mais ne l’a pas encore ratifié. Le pays a signé le traité en 2011,mais ne l’a pas encore ratifié.* Statut de Rome signé, mais le gouvernementa déclaré son intention de ne pas le ratifier.** Le pays a adhéré le 20 février 1962,mais a dénoncé la Convention le 2 avril 1965 ;la dénonciation a pris effet le 2 avril 1966.10 En vertu de l’article 10 de ce Protocole facultatif,le pays a déclaré qu’il ne reconnaît pas la<strong>com</strong>pétence du Comité pour l’élimination dela discrimination à l’égard des femmes [ONU]pour entreprendre des enquêtes confidentiellessur les allégations de violations graves ousystématiques de la Convention.12 En vertu de l’article 12(3) du Statut de Rome,le pays a déclaré reconnaître la <strong>com</strong>pétencede la Cour pénale internationale (CPI) pour lescrimes <strong>com</strong>mis sur son territoire.22 En vertu de l’article 22 de cette Convention, lepays a déclaré qu’il reconnaît la <strong>com</strong>pétence duComité contre la torture [ONU] pour examinerles plaintes émanant des particuliers.28 En vertu de l’article 28 de cette Convention,le pays a formulé une réserve selon laquelleil ne reconnaît pas la <strong>com</strong>pétence du Comitécontre la torture [ONU] pour examiner les<strong>com</strong>munications fiables semblant indiquer quele recours à la torture est systématique, et pourentreprendre une enquête confidentielle.124 En vertu de l’article 124 du Statut de Rome,le pays a déclaré que, pour une période desept ans suivant la ratification, il n’accepte pasla <strong>com</strong>pétence de la CPI pour les crimes deguerre.Amnesty International - Rapport 2012 385


TRAITÉSINTERNATIONAUX(La date figurant entreparenthèses correspond àl’année d’adoption du traité.)PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITSCIVILS ET POLITIQUES (PIDCP) (1966)[PREMIER] PROTOCOLE FACULTATIFSE RAPPORTANT AU PIDCP (1966)DEUXIÈME PROTOCOLE FACULTATIFSE RAPPORTANT AU PIDCP (1989)PACTE INTERNATIONAL RELATIFAUX DESC (1966)PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AUPACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DESCCONVENTION SUR LES FEMMES (1979)PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTIONSUR LES FEMMES (1999)CONVENTION RELATIVE AUX DROITSDE L’ENFANT (1989)PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTIONRELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT (2000)CONVENTION SUR LA DISCRIMINATIONRACIALE (1965)AFGHANISTAN • • • • • •AFRIQUE DU SUD • • • m • • • • •ALBANIE • • • • • • • • •ALGÉRIE • • • • • • •ALLEMAGNE • • • • • • • • •ANDORRE • • • • • • • •ANGOLA • • • • • • •ANTIGUA-ET-BARBUDA • • • •ARABIE SAOUDITE • • « •ARGENTINE • • • • « • • • • •ARMÉNIE • • • m • • • • •AUSTRALIE • • • • • • • • •AUTRICHE • • • • • • • • •AZERBAÏDJAN • • • • m • • • • •Bahamas • • • • •Bahreïn • • • • • •Bangladesh • • • • 10 • • •BARBADE • • • • • •BÉLARUS • • • • • • • •Belgique • • • • m • • • • •Belize • m • • 10 • • •BÉNIN • • • • m • • •Bhoutan • • • mBolivie • • • m • • • • •Bosnie-HerzÉgovine • • • • m • • • • •BOTSWANA • • • • • •BrÉsil • • • • • • • • •BRUNÉI DARUSSALAM • •Bulgarie • • • • • • • • •Burkina Faso • • • • • • • •Burundi • • • m • • •Cambodge • m • • • • • •Cameroun • • • • • • m •Canada • • • • • • • • •CAP-VERT • • • • • « • • •Chili • • • • m • m • • •Chine m • • • • •CHYPRE • • • • • • • • •Colombie • • • • • • 10 • • •COMORES m m • • •Congo • • • m • m • • •386 Amnesty International - Rapport 2012


CONVENTION CONTRE LA TORTURE (1984)PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTIONCONTRE LA TORTURE (2002)CONVENTION INTERNATIONALECONTRE LES DISPARITIONS FORCÉESCONVENTION RELATIVEAU STATUT DES RÉFUGIÉS (1951)PROTOCOLE RELATIFAU STATUT DES RÉFUGIÉS (1966)CONVENTION RELATIVEAU STATUT DES APATRIDES (1954)CONVENTION SUR LA RÉDUCTIONDES CAS D’APATRIDIE (1961)CONVENTION SUR LA PROTECTIONDES TRAVAILLEURS MIGRANTS (1990)STATUT DE ROME DE LA COUR PÉNALEINTERNATIONALE (1998)• 28 • • • AFGHANISTAN• 22 m • • • AFRIQUE DU SUD• • • • • • • • • ALBANIE• 22 m • • • • m ALGÉRIE• 22 • • • • • • • ALLEMAGNE• 22 • ANDORRE• • m ANGOLA• • • • • ANTIGUA-ET-BARBUDA• 28ARABIE SAOUDITE• 22 • • • • • • • ARGENTINE• • « • • • • m ARMÉNIE• 22 m • • • • • AUSTRALIE• 22 m m • • • • • AUTRICHE• 22 • m • • • • • AZERBAÏDJANm • • m Bahamas• m Bahreïn• « • Bangladesh• • BARBADE• • • BÉLARUS• 22 m « • • • • Belgique• • • • • • Belize• • m • • « « m • BÉNINBhoutan• 22 • • • • • • • • Bolivie• 22 • m • • • • • • Bosnie-HerzÉgovine• • • • • BOTSWANA• 22 • • • • • • • BrÉsilBRUNÉI DARUSSALAM• 22 m m • • • Bulgarie• • • • • • • Burkina Faso• 22 m • • • Burundi• • • • m • Cambodge• 22 m • • m m Cameroun• 22 • • • • Canada• m • • « CAP-VERT• 22 • • • • • • Chili• 28 • • Chine• 22 • m • • • CHYPRE• m • • m • • 124 Colombiem m m • COMORES• m m • • m • CongoAmnesty International - Rapport 2012 387


TRAITÉSINTERNATIONAUX(La date figurant entreparenthèses correspond àl’année d’adoption du traité.)PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITSCIVILS ET POLITIQUES (PIDCP) (1966)[PREMIER] PROTOCOLE FACULTATIFSE RAPPORTANT AU PIDCP (1966)DEUXIÈME PROTOCOLE FACULTATIFSE RAPPORTANT AU PIDCP (1989)PACTE INTERNATIONAL RELATIFAUX DESC (1966)PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AUPACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DESCCONVENTION SUR LES FEMMES (1979)PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTIONSUR LES FEMMES (1999)CONVENTION RELATIVE AUX DROITSDE L’ENFANT (1989)PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTIONRELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT (2000)CONVENTION SUR LA DISCRIMINATIONRACIALE (1965)COOK (ÎLES) • • •CorÉe du Nord • • • •CorÉe du Sud • • • • • • • •COSTA RICA • • • • • • • • •CÔte d’Ivoire • • • • • •Croatie • • • • • • • • •Cuba m m • m • • •DANEMARK • • • • • • • • •DJIBOUTI • • • • • • « «DOMINIQUE • • • • •ÉGYPTE • • • • • •Émirats arabes unis • • •Équateur • • • • • • • • • •ÉrythrÉe • • • • • •Espagne • • • • • • • • • •ESTONIE • • • • • • m •ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE • m m m • •Éthiopie • • • • m •FIDJI • • m •FINLANDE • • • • m • • • • •France • • • • • • • • •GABON • • m • • • • •Gambie • • • • • m •GÉORGIE • • • • • • • • •GHANA • • • m • « • m •GRÈCE • • • • • • • • •GRENADE • • • • mGuatemala • • • m • • • • •GUINÉE • • • • • •GUINÉE-BISSAU • m m • m • • • m •gUINÉE ÉQUATORIALE • • • • • • •GUYANA • • • • • • •HAÏTI • • • m •HONDURAS • • • • • • • •HONGRIE • • • • • • • • •INDE • • • • • •INDONÉSIE • • • m • m •IRAK • • • • • •IRAN • • • m •Irlande • • • • • • • • •ISLANDE • • • • • • • • •388 Amnesty International - Rapport 2012


CONVENTION CONTRE LA TORTURE (1984)PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTIONCONTRE LA TORTURE (2002)CONVENTION INTERNATIONALECONTRE LES DISPARITIONS FORCÉESCONVENTION RELATIVEAU STATUT DES RÉFUGIÉS (1951)PROTOCOLE RELATIFAU STATUT DES RÉFUGIÉS (1966)CONVENTION RELATIVEAU STATUT DES APATRIDES (1954)CONVENTION SUR LA RÉDUCTIONDES CAS D’APATRIDIE (1961)CONVENTION SUR LA PROTECTIONDES TRAVAILLEURS MIGRANTS (1990)STATUT DE ROME DE LA COUR PÉNALEINTERNATIONALE (1998)• COOK (ÎLES)CorÉe du Nord• 22 • • • • CorÉe du Sud• 22 • m • • • • • COSTA RICA• • • m 12 CÔte d’Ivoire• 22 • m • • • • Croatie• 28 • Cuba• 22 • m • • • • • DANEMARK• • • • DJIBOUTI• • • DOMINIQUE• • • • m ÉGYPTEm Émirats arabes unis• 22 • • • • • • • Équateurm ÉrythrÉe• 22 • • • • • • Espagne• • • • • ESTONIE• • m * ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE• • • Éthiopie• • • • FIDJI• 22 m m • • • • • FINLANDE• 22 • • • • • m • 124 France• • m • • m • GABONm • • • Gambie• 22 • • • • GÉORGIE• 22 m m • • • • GHANA• 22 • • • • GRÈCEmGRENADE• 22 • m • • • • • Guatemala• m • • • • • GUINÉEm • • m m GUINÉE-BISSAU• 28 • • gUINÉE ÉQUATORIALE• • • GUYANAm • • m HAÏTI• • • • • m • • HONDURAS• 22 • • • • • HONGRIEm m INDE• m m INDONÉSIE« • IRAK• • m IRAN• 22 m m • • • • • Irlande• 22 m m • • • ISLANDEAmnesty International - Rapport 2012 389


TRAITÉSINTERNATIONAUX(La date figurant entreparenthèses correspond àl’année d’adoption du traité.)PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITSCIVILS ET POLITIQUES (PIDCP) (1966)[PREMIER] PROTOCOLE FACULTATIFSE RAPPORTANT AU PIDCP (1966)DEUXIÈME PROTOCOLE FACULTATIFSE RAPPORTANT AU PIDCP (1989)PACTE INTERNATIONAL RELATIFAUX DESC (1966)PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AUPACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DESCCONVENTION SUR LES FEMMES (1979)PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTIONSUR LES FEMMES (1999)CONVENTION RELATIVE AUX DROITSDE L’ENFANT (1989)PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTIONRELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT (2000)CONVENTION SUR LA DISCRIMINATIONRACIALE (1965)Israël • • • • • •Italie • • • • m • • • • •Jamaïque • ** • • • • •JAPON • • • • • •Jordanie • • • • • •KazakHstan • • • m • • • • •Kenya • • • • • •KIRGHIZISTAN • • • • • • • • •KirIBATI • •Koweït • • • • • •Laos • • • • • •Lesotho • • • • • • • •lEttonie • • • • • • •Liban • • • • m •Liberia • m • • • m • m •Libye • • • • • • • •LIECHTENSTEIN • • • • • • • • •LITUANIE • • • • • • • • •LUXEMBOURG • • • • m • • • • •MacÉdoine • • • • • • • • •MADAGASCAR • • • m • m • • •Malaisie • •MalAWI • • • • m • • •MALDIVES • • • • • • • •Mali • • • m • • • • •MALTE • • • • • • • •Maroc • • • • • •MARSHALL (ÎLES) • •MAURICE • • • • • • • •Mauritanie • • • • •Mexique • • • • • • • • •micronÉsie • • mMoldavie • • • • • • • • •monaco • • • • • • •mongolie • • • • • • • • •MONTÉNÉGRO • • • • m • • • • •Mozambique • • • • • • •Myanmar • •NAMIBIE • • • • • • • • •NAURU m m « • m mNÉpal • • • • • • • • •390 Amnesty International - Rapport 2012


CONVENTION CONTRE LA TORTURE (1984)PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTIONCONTRE LA TORTURE (2002)CONVENTION INTERNATIONALECONTRE LES DISPARITIONS FORCÉESCONVENTION RELATIVEAU STATUT DES RÉFUGIÉS (1951)PROTOCOLE RELATIFAU STATUT DES RÉFUGIÉS (1966)CONVENTION RELATIVEAU STATUT DES APATRIDES (1954)CONVENTION SUR LA RÉDUCTIONDES CAS D’APATRIDIE (1961)CONVENTION SUR LA PROTECTIONDES TRAVAILLEURS MIGRANTS (1990)STATUT DE ROME DE LA COUR PÉNALEINTERNATIONALE (1998)• 28 • • • m m* Israël• 22 m m • • • • Italie• • • m Jamaïque• • • • • JAPON• • Jordanie• 22 • • • • KazakHstan• 22 m • • • Kenya• • • • m KIRGHIZISTAN• • KirIBATI• 28 m Koweïtm m Laos• m • • • • • • Lesotho• • • • • • lEttonie• • m Liban• • • • • • m • Liberia• • • • Libye• 22 • m • • • • • LIECHTENSTEIN• m • • • • LITUANIE• 22 • m • • • • LUXEMBOURG• • m • • • • MacÉdoine• m m • ** • MADAGASCARMalaisie• • • • • MalAWI• • m « MALDIVES• • • • • • • Mali• 22 • m • • • MALTE• 22 m • • • m Maroc• MARSHALL (ÎLES)• • • MAURICE• 28 • • • Mauritanie• 22 • • • • • • • MexiquemicronÉsie• • m • • • Moldavie• 22 m • • m monaco• m • mongolie• 22 • « • • • m • MONTÉNÉGRO• m • • m MozambiqueMyanmar• • • • NAMIBIEm « « • NAURU• NÉpalAmnesty International - Rapport 2012 391


TRAITÉSINTERNATIONAUX(La date figurant entreparenthèses correspond àl’année d’adoption du traité.)PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITSCIVILS ET POLITIQUES (PIDCP) (1966)[PREMIER] PROTOCOLE FACULTATIFSE RAPPORTANT AU PIDCP (1966)DEUXIÈME PROTOCOLE FACULTATIFSE RAPPORTANT AU PIDCP (1989)PACTE INTERNATIONAL RELATIFAUX DESC (1966)PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AUPACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DESCCONVENTION SUR LES FEMMES (1979)PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTIONSUR LES FEMMES (1999)CONVENTION RELATIVE AUX DROITSDE L’ENFANT (1989)PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTIONRELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT (2000)CONVENTION SUR LA DISCRIMINATIONRACIALE (1965)NICARAGUA • • • • • • • •Niger • • • • • • •Nigeria • • • • • m •NIOUÉ•NORVÈGE • • • • • • • • •NOUVELLE-ZÉlande • • • • • • • • •OMAN • • • •Ouganda • • • • • • •OuzbÉkistan • • • • • • • •Pakistan • • • • m •PALAOS • PANAMA • • • • • • • • •PAPOUASIE-NouveLLE-guinÉe • • • • •Paraguay • • • • m • • • • •pays-bas • • • • m • • • • •PÉrou • • • • • • • •Philippines • • • • • • • • •POLOGNE • • m • • • • • •Portugal • • • • m • • • • •Qatar • • • •RÉP. CENTRAFRICAINE • • • • • m •RÉp. dÉm. du Congo • • • m • • • •RÉp. dominicaine • • • • • • m •RÉp. tchÈque • • • • • • • • •Roumanie • • • • • • • • •Royaume-Uni • • • • • • • •RUSSIE • • • • • • • •Rwanda • • • • • • • •SAINT-KITTS-ET-NEVIS • • • •SAINTE-LUCIE • • •SAINT-MARIN • • • • • • • « •SAINT-SIÈGE • • •ST-VINCENT-ET-LES-GRENadines • • • • • « •SALOMON (Îles) • m • • • m •SALVADOR • • • « • m • • •SAMOA • • •SAO TOMÉ-ET-PRINCIPE m m m m • m • mSÉnÉgal • • • m • • • • •SERBIE • • • • • • • • •SEYCHELLES • • • • • « • • •Sierra Leone • • • • m • • •392 Amnesty International - Rapport 2012


CONVENTION CONTRE LA TORTURE (1984)PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTIONCONTRE LA TORTURE (2002)CONVENTION INTERNATIONALECONTRE LES DISPARITIONS FORCÉESCONVENTION RELATIVEAU STATUT DES RÉFUGIÉS (1951)PROTOCOLE RELATIFAU STATUT DES RÉFUGIÉS (1966)CONVENTION RELATIVEAU STATUT DES APATRIDES (1954)CONVENTION SUR LA RÉDUCTIONDES CAS D’APATRIDIE (1961)CONVENTION SUR LA PROTECTIONDES TRAVAILLEURS MIGRANTS (1990)STATUT DE ROME DE LA COUR PÉNALEINTERNATIONALE (1998)• • • • • NICARAGUA• m • • • • • Niger• • • • • « « • • NigeriaNIOUÉ• 22 m m • • • • • NORVÈGE• 22 • • • • • NOUVELLE-ZÉlandem OMAN• m • • • • • Ouganda• m OuzbÉkistan• 28Pakistan PALAOS• « « • • « « • PANAMA• • PAPOUASIE-NouveLLE-guinÉe• 22 • • • • • • Paraguay• 22 • « • • • • • pays-bas• 22 • • • • • PÉrou• • • « • « Philippines• 28 • • • • POLOGNE• 22 m m • • • Portugal• Qatar• • • RÉP. CENTRAFRICAINE• • • • • RÉp. dÉm. du Congom • • m • RÉp. dominicaine• 22 • • • • • • RÉp. tchÈque• • m • • • • • Roumanie• • • • • • • Royaume-Uni• 22 • • m RUSSIE• • • • • • Rwanda• • SAINT-KITTS-ET-NEVIS• SAINTE-LUCIE• • SAINT-MARIN• • • m SAINT-SIÈGE• m • • • • • ST-VINCENT-ET-LES-GRENadines• • m SALOMON (Îles)• • • m • SALVADORm • • • SAMOAm • • m m SAO TOMÉ-ET-PRINCIPE• 22 • • • • • • • • SÉnÉgal• 22 • m • • • m • SERBIE• 22 • • • • SEYCHELLES• m m • • m • Sierra LeoneAmnesty International - Rapport 2012 393


TRAITÉSINTERNATIONAUX(La date figurant entreparenthèses correspond àl’année d’adoption du traité.)PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITSCIVILS ET POLITIQUES (PIDCP) (1966)[PREMIER] PROTOCOLE FACULTATIFSE RAPPORTANT AU PIDCP (1966)DEUXIÈME PROTOCOLE FACULTATIFSE RAPPORTANT AU PIDCP (1989)PACTE INTERNATIONAL RELATIFAUX DESC (1966)PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AUPACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DESCCONVENTION SUR LES FEMMES (1979)PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTIONSUR LES FEMMES (1999)CONVENTION RELATIVE AUX DROITSDE L’ENFANT (1989)PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTIONRELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT (2000)CONVENTION SUR LA DISCRIMINATIONRACIALE (1965)Singapour • • •Slovaquie • • • • m • • • • •SLOVÉNIE • • • • m • • • • •Somalie • • • m m •Soudan • • • • •Soudan du sudSri Lanka • • • • • • • •SuÈde • • • • • • • • •Suisse • • • • • • • •SURINAME • • • • • m •Swaziland • • • • •Syrie • • • • • •Tadjikistan • • • • m • • •Tanzanie • • • • • • •Tchad • • • • • • •Thaïlande • • • • • • •TIMOR-LESTE • • • m • • • • •Togo • • • m • • • •TONGA • •TrinitÉ-et-Tobago • ** • • • •Tunisie • « • • • • • •TurkmÉnistan • • • • • • • • •TURQUIE • • • • • • • • •TUVALU • •Ukraine • • • • m • • • • •URUGUAY • • • • m • • • • •VANUATU • • • • •Venezuela • • • • • • • • •ViÊt-Nam • • • • • •YÉmen • • • • • •Zambie • • • • m • m •Zimbabwe • • • • •394 Amnesty International - Rapport 2012


CONVENTION CONTRE LA TORTURE (1984)PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTIONCONTRE LA TORTURE (2002)CONVENTION INTERNATIONALECONTRE LES DISPARITIONS FORCÉESCONVENTION RELATIVEAU STATUT DES RÉFUGIÉS (1951)PROTOCOLE RELATIFAU STATUT DES RÉFUGIÉS (1966)CONVENTION RELATIVEAU STATUT DES APATRIDES (1954)CONVENTION SUR LA RÉDUCTIONDES CAS D’APATRIDIE (1961)CONVENTION SUR LA PROTECTIONDES TRAVAILLEURS MIGRANTS (1990)STATUT DE ROME DE LA COUR PÉNALEINTERNATIONALE (1998)Singapour• 22 m • • • • • Slovaquie• 22 • m • • • • SLOVÉNIE• • • Somaliem • • m* SoudanSoudan du sud• • Sri Lanka• 22 • m • • • • • SuÈde• 22 • • • • • Suisse• • • SURINAME• m • • • • Swaziland• 28 • m Syrie• • • • • Tadjikistanm • • • Tanzanie• m • • • • • Tchad• m Thaïlande• m • • • • TIMOR-LESTE• 22 • m • • m TogoTONGA• • • • TrinitÉ-et-Tobago• 22 « « • • • • « Tunisie• • • « TurkmÉnistan• 22 « • • • TURQUIE• • TUVALU• • • • m Ukraine• 22 • • • • • • • • URUGUAY« m « VANUATU• 22 m • • VenezuelaViÊt-Nam• • • m YÉmen• m « • • • • Zambie• • • m ZimbabweAmnesty International - Rapport 2012 395


TRAITÉS RÉGIONAUXLes tableaux ci-après contiennent la liste des États qui étaient membres de l’Union africaine (UA), del’Organisation des États américains (OEA) ou du Conseil de l’Europe à la fin de l’année 2011.• Le pays est partie au traité par ratification, par adhésion, ou par succession.« Le pays est devenu partie en 2011.m Le pays a signé le traité avant 2011, mais ne l’a pas encore ratifié. Le pays a signé le traité en 2011, mais ne l’a pas encore ratifié.UNIONAFRICAINE(La date figurantentre parenthèsescorrespond à l’annéed’adoption du traité.)CHARTE AFRICAINE DES DROITSDE L’HOMME ET DES PEUPLES (1981)PROTOCOLE À LA CHARTE PORTANT CRÉATION D’UNE COURAFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES (1998)CHARTE AFRICAINE DES DROITSET DU BIEN-ÊTRE DE L’ENFANT (1990)CONVENTION RÉGISSANT LES ASPECTS PROPRES AUXPROBLÈMES DES RÉFUGIÉS EN AFRIQUE (1969)PROTOCOLE À LA CHARTE AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMMEET DES PEUPLES RELATIF AUX DROITS DES FEMMES (2003)AFRIQUE DU SUD • • • • •ALGÉRIE • • • • mANGOLA • m • • •BÉNIN • m • • •BOTSWANA • m • •Burkina Faso • • • • •Burundi • • • • mCameroun • m • • mCAP-VERT • • • •COMORES • • • • •Congo • m • • mCÔte d’Ivoire • • • • mDJIBOUTI • m m m •ÉGYPTE • m • •ÉrythrÉe • •ÉTHIOPIE • m • • mGABON • • • • mGAMBIE • • • • •GHANA • • • • •GUINÉE • m • • mGUINÉE-BISSAU • m • • •GUINÉE ÉQUATORIALE • m • • mKENYA • • • • mLesotho • • • • •Liberia • m • • •LIBYE • • • • •MADAGASCAR • m • m mCHARTE AFRICAINE DES DROITSDE L’HOMME ET DES PEUPLES (1981)PROTOCOLE À LA CHARTE PORTANT CRÉATION D’UNE COURAFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES (1998)CHARTE AFRICAINE DES DROITSET DU BIEN-ÊTRE DE L’ENFANT (1990)CONVENTION RÉGISSANT LES ASPECTS PROPRES AUXPROBLÈMES DES RÉFUGIÉS EN AFRIQUE (1969)PROTOCOLE À LA CHARTE AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMMEET DES PEUPLES RELATIF AUX DROITS DES FEMMES (2003)MALAWI • • • • •MALI • • • • •MAURICE • • • m mMAURITANIE • • • • •MOZAMBIQUE • • • • •NAMIBIE • m • m •NIGER • • • • mNigeria • • • • •OUGANDA • • • • •RÉP. ARABE DÉM. SAHRAOUIE • m m mRÉP. CENTRAFRICAINE • m m • mRÉP. DÉM. DU CONGO • m m • •RWANDA • • • • •SAO TOMÉ-ET-PRINCIPE • m m mSÉNÉGAL • • • • •SEYCHELLES • m • • •SIERRA LEONE • m • • mSOMALIE • m m m mSOUDAN • m • • mSoudan du sudSWAZILAND • m m • mTANZANIE • • • • •TCHAD • m • • mTOGO • • • • •TUNISIE • • m •ZAMBIE • m • • •ZIMBABWE • m • • •396 Amnesty International - Rapport 2012


ORGANISATIONDES ÉTATS AMÉRICAINS(La date figurant entre parenthèsescorrespond à l’année d’adoptiondu traité.)CONVENTION AMÉRICAINE RELATIVEAUX DROITS DE L’HOMME (1969)PROTOCOLE À LA CONVENTIONAMÉRICAINE RELATIVE AUX DROITSDE L’HOMME TRAITANT DE L’ABOLITIONDE LA PEINE DE MORT (1990)PROTOCOLE ADDITIONNEL À LA CONVENTIONAMÉRICAINE RELATIVE AUX DROITS DEL’HOMME TRAITANT DES DROITS ÉCONOMIQUES,SOCIAUX ET CULTURELS (1988)CONVENTION INTERAMÉRICAINEPOUR LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSIONDE LA TORTURE (1985)CONVENTION INTERAMÉRICAINESUR LA DISPARITION FORCÉEDES PERSONNES (1994)CONVENTION INTERAMÉRICAINESUR LA PRÉVENTION, LA SANCTIONET L’ÉLIMINATION DE LA VIOLENCECONTRE LA FEMME (1994)CONVENTION INTERAMÉRICAINEPOUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LESFORMES DE DISCRIMINATION CONTRELES PERSONNES HANDICAPÉES (1999)ANTIGUA-ET-BARBUDA•ARGENTINE • 62 • • • • • •Bahamas•BARBADE • 62 •Belize•Bolivie • 62 • • • • •BrÉsil • 62 • • • m • •CanadaChili • 62 • m • • • •Colombie • 62 • • • • •COSTA RICA • 62 • • • • • •Cuba *DOMINIQUE • • mÉquateur • 62 • • • • • •États-Unis d’AmÉriquemGRENADE • •Guatemala • 62 • • • • •GUYANA•HAÏTI • 62 m m • •HONDURAS • 62 « « m • • «Jamaïque • • mMexique • 62 • • • • • •NICARAGUA • 62 • • • m • •PANAMA • 62 • • • • • •Paraguay • 62 • • • • • •PÉrou • 62 • • • • •RÉpublique dominicaine • 62 m • • •SAINT-KITTS-ET-NEVIS•SAINTE-LUCIE•SAINT-VINCENT-ET-LES-GRENADINES•SALVADOR • 62 • • • •SURINAME • 62 • • •TRINITÉ-et-tobago•URUGUAY • 62 • • • • • •Venezuela • 62 • m • • • •62 En vertu de l’article 62 de cette Convention, le pays reconnaît la <strong>com</strong>pétence obligatoire de la Cour interaméricaine des droitsde l’homme sur toutes les questions relatives à l’interprétation ou à l’application de la Convention américaine et des traitésqui lui sont liés.* L’Assemblée générale de l’OEA a adopté en 2009 la résolution AG/RES.2438 (XXXIX-O/09) déclarant nulle et non avenue larésolution de 1962 qui excluait le gouvernement de Cuba de toute participation au système interaméricain. La résolution de 2009dispose que la participation de la République de Cuba à l’OEA sera le résultat d’un processus de dialogue entamé à la demandedu gouvernement de Cuba.Amnesty International - Rapport 2012 397


CONSEILDE L’EUROPE(La date figurantentre parenthèsescorrespond à l’annéed’adoption du traité.)CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DEL’HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTALES (1950)PROTOCOLE N°6 À LA CONVENTION DE SAUVEGARDEDES DROITS DE L’HOMME ET DES LIBERTÉSFONDAMENTALES CONCERNANT L’ABOLITIONDE LA PEINE DE MORT (1983)PROTOCOLE N°12 À LA CONVENTION DE SAUVEGARDEDES DROITS DE L’HOMME ET DES LIBERTÉSFONDAMENTALES [CONCERNANT L’INTERDICTIONGÉNÉRALE DE LA DISCRIMINATION] (2000)PROTOCOLE N°13 À LA CONVENTION DE SAUVEGARDEDES DROITS DE L’HOMME ET DES LIBERTÉSFONDAMENTALES, RELATIF À L’ABOLITION DE LAPEINE DE MORT EN TOUTES CIRCONSTANCES (2002)CONVENTION-CADRE POUR LA PROTECTIONDES MINORITÉS NATIONALES (1995)CONVENTION SUR LA LUTTE CONTRELA TRAITE DES ÊTRES HUMAINSCHARTE SOCIALE EUROPÉENNE (RÉVISÉE) (1996)PROTOCOLE ADDITIONNEL À LA CHARTE SOCIALEEUROPÉENNE PRÉVOYANT UN SYSTÈME DERÉCLAMATIONS COLLECTIVES (1995)Convention sur la prévention et la luttecontre la violence à l’égard des femmeset la violence domestiqueALBANIE • • • • • • • ALLEMAGNE • • m • • m m* ANDORRE • • • • « •ARMÉNIE • • • m • • •AUTRICHE • • m • • • « m AZERBAÏDJAN • • m • • •Belgique • • m • m • • •BOSNIE-HERZÉGOVINE • • • • • • •Bulgarie • • • • • • **CHYPRE • • • • • • • •Croatie • • • • • • m* •DANEMARK • • • • • m* mEspagne • • • • • • m* ESTONIE • • m • • m •FINLANDE • • • • • m • • France • • • • • • GÉORGIE • • • • • • •GRÈCE • • m • m m m* • HONGRIE • • m • • m • mIrlande • • m • • • • •ISLANDE • • m • m m m* Italie • • m • • • • •lEttonie • • m m • • m*LIECHTENSTEIN • • m • •LITUANIE • • • • m •LUXEMBOURG • • • • m • m* 398 Amnesty International - Rapport 2012


(La date figurantentre parenthèsescorrespond à l’annéed’adoption du traité.)CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DEL’HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTALES (1950)PROTOCOLE N°6 À LA CONVENTION DE SAUVEGARDEDES DROITS DE L’HOMME ET DES LIBERTÉSFONDAMENTALES CONCERNANT L’ABOLITIONDE LA PEINE DE MORT (1983)PROTOCOLE N°12 À LA CONVENTION DE SAUVEGARDEDES DROITS DE L’HOMME ET DES LIBERTÉSFONDAMENTALES [CONCERNANT L’INTERDICTIONGÉNÉRALE DE LA DISCRIMINATION] (2000)PROTOCOLE N°13 À LA CONVENTION DE SAUVEGARDEDES DROITS DE L’HOMME ET DES LIBERTÉSFONDAMENTALES, RELATIF À L’ABOLITION DE LAPEINE DE MORT EN TOUTES CIRCONSTANCES (2002)CONVENTION-CADRE POUR LA PROTECTIONDES MINORITÉS NATIONALES (1995)CONVENTION SUR LA LUTTE CONTRELA TRAITE DES ÊTRES HUMAINSCHARTE SOCIALE EUROPÉENNE (RÉVISÉE) (1996)PROTOCOLE ADDITIONNEL À LA CHARTE SOCIALEEUROPÉENNE PRÉVOYANT UN SYSTÈME DERÉCLAMATIONS COLLECTIVES (1995)Convention sur la prévention et la luttecontre la violence à l’égard des femmeset la violence domestiqueMacÉdoine • • • • • • m* MALTE • • • • • •Moldavie • • m • • • •MONACO • • • mMONTÉNÉGRO • • • • • • • NORVÈGE • • m • • • • • pays-bas • • • • • • • •POLOGNE • • m • • m*Portugal • • m • • • • • RÉpublique tchÈque • • m • • m* mRoumanie • • • • • • •Royaume-Uni • • • • • m*RUSSIE • m m • •SAINT-MARIN • • • • • • mSERBIE • • • • • • •Slovaquie • • m • • • • m SLOVÉNIE • • • • • • • m** SuÈde • • • • • • • Suisse • • • • mTURQUIE • • m • m • Ukraine • • • • • • • * Le pays est partie à la Charte sociale européenne de 1961, progressivement remplacée par la Charte sociale européenne (révisée).La Charte révisée regroupe, en un instrument unique, l’ensemble des droits garantis dans la Charte de 1961 et dansle Protocole additionnel de 1988, ainsi que des modifications à ces droits et des droits nouveaux.** En vertu de l’article D de la Charte sociale européenne (révisée) le pays a déclaré reconnaître la <strong>com</strong>pétencedu Comité européen des droits sociaux pour l’examen des réclamations collectives.Amnesty International - Rapport 2012 399


Côte d’Ivoire, avril 2011. Restes d’unalbum de photos de famille retrouvé dansune maison abandonnée de Duékoué.Des centaines de personnes ont été tuéesdans les violences qui ont fait suite àl’élection présidentielle controversée denovembre 2010.© Amnesty International


Des <strong>com</strong>battants armés de la milice Al Shabab patrouillent surle marché de Bakara, à Mogadiscio (Somalie), le 29 juin 2009.Des milliers de civils ont été tués et des centaines de milliersd’autres ont été déplacés à mesure que se poursuivait le conflitentre les groupes armés et le gouvernement fédéral de transition.


AMNESTYINTERNATIONALAMNESTY INTERNATIONAL - RAPPORT 2012CHAPITRE IV


© REUTERS/Marcos Brindicci


À Buenos Aires (Argentine), des membresdu groupe de défense des droits humainsMères de la place de Mai réagissent àl’annonce de la condamnation d’anciensresponsables de l’armée et de la police,dont Alfredo Astiz, pour crimes contrel’humanité (26 octobre 2011).


Adresses✉ courrier électronique➭ site InternetLES SECTIONSD’AMNESTY INTERNATIONALAlgérieAmnesty International10, rue Mouloud Zadi(face au 113, rue Didouche Mourad)Alger Centre16004 Alger✉ amnestyalgeria@hotmail.<strong>com</strong>AllemagneAmnesty InternationalHeerstrasse 17853111 Bonn✉ info@amnesty.de➭ www.amnesty.deArgentineAmnistía InternacionalAv. Pueyrredón 689, Piso 21032 Ciudad de Buenos Aires✉ contacto@amnesty.org.ar➭ www.amnesty.org.arAustralieAmnesty InternationalLocked Bag 23Broadway NSW 2007✉ supporter@amnesty.org.au➭ www.amnesty.org.auAutricheAmnesty InternationalMoeringgasse 10A-1150 Vienne✉ info@amnesty.at➭ www.amnesty.atBelgique francophoneAmnesty InternationalRue Berckmans 91060 Bruxelles✉ amnesty@amnesty.be➭ www.amnestyinternational.beBelgique néerlandophoneAmnesty InternationalKerkstraat 1562060 Anvers✉ amnesty@aivl.be➭ www.aivl.beBermudesAmnesty InternationalPO Box HM 2136Hamilton HM JX✉ director@amnestybermuda.org➭ www.amnestybermuda.orgBurkina FasoAmnesty InternationalBP 11344Ouagadougou 08✉ aiburkina@fasonet.bf➭ www.amnesty-bf.orgCanada anglophoneAmnesty International312 Laurier Avenue EastOttawa, OntarioK1N 1H9✉ info@amnesty.ca➭ www.amnesty.caCanada francophoneAmnistie internationale50 rue Ste-Catherine Ouestbureau 500Montréal (Québec)H2X 3V4➭ www.amnistie.caChiliAmnistía InternacionalOficina NacionalHuelén 164 - Planta Baja750-0617 ProvidenciaSantiago✉ info@amnistia.cl➭ www.amnistia.clColombieAmnistía InternacionalOn-line Action Platform✉ AIColombia.Online@amnesty.orgCorée (République de)Amnesty InternationalGwanghwamunP.O.Box 2045Jongno-gu10-620 Seoul✉ info@amnesty.or.kr➭ www.amnesty.or.krCôte d’IvoireAmnesty International04 BP 895Abidjan 04✉ amnesty.ci@aviso.ciDanemarkAmnesty InternationalGammeltorv 8, 51457 Copenhague K.✉ amnesty@amnesty.dk➭ www.amnesty.dkEspagneAmnistía InternacionalFernando VI, 8, 1º izda28004 Madrid✉ info@es.amnesty.org➭ www.es.amnesty.orgÉtats-UnisAmnesty International5 Penn Plaza, 16 th floorNew York, NY 10001✉ admin-us@aiusa.org➭ www.amnestyusa.orgFéroé (Îles)Amnesty InternationalStephanssons HúsKongabrúgvinFO-100 Tórshavn✉ amnesty@amnesty.fo➭ www.amnesty.foFinlandeAmnesty InternationalRuoholahdenkatu 24FI-00180 Helsinki✉ amnesty@amnesty.fi➭ www.amnesty.fi406 Amnesty International - Rapport 2012


FranceAmnesty International76 boulevard de la Villette75940 Paris Cedex 19✉ info@amnesty.fr➭ www.amnesty.frGrèceAmnesty InternationalSina 30106 72 Athènes✉ athens@amnesty.org.gr➭ www.amnesty.org.grHong KongAmnesty InternationalUnit D, 3/FBest-O-Best Commercial Centre32-36 Ferry StreetKowloon✉ admin-hk@amnesty.org.hk➭ www.amnesty.org.hkIrlandeAmnesty InternationalSean MacBride House48 Fleet StreetDublin 2✉ info@amnesty.ie➭ www.amnesty.ieIslandeAmnesty InternationalÞingholtsstræti 27101 Reykjavík✉ amnesty@amnesty.is➭ www.amnesty.isIsraëlAmnesty InternationalPO Box 14179Tel-Aviv 61141✉ info@amnesty.org.il➭ www.amnesty.org.ilItalieAmnesty InternationalVia Giovanni Battista De Rossi, 1000161 Rome✉ info@amnesty.it➭ www.amnesty.itJaponAmnesty International7F Seika Bldg.2-12-14 KandaogawamachiChiyoda-kuTokyo 101-0054✉ info@amnesty.or.jp➭ www.amnesty.or.jpLuxembourgAmnesty InternationalBP 19141019 Luxembourg✉ info@amnesty.lu➭ www.amnesty.luMarocAmnesty International281, avenue Mohamed VApt. 23, escalier ARabat✉ amorocco@sections.amnesty.org➭ www.amnestymaroc.orgMauriceAmnesty InternationalBP 69Rose-Hill✉ amnestymtius@erm.muMexiqueAmnistía InternacionalTajín No. 389Col. NarvarteDelegación Benito JuárezCP 03020México DF✉ vinculacion@amnistia.org.mx➭ www.amnistia.org.mxNépalAmnesty InternationalPO Box 135Amnesty MargaBasantanagarBalajuKatmandou✉ info@amnestynepal.org➭ www.amnestynepal.orgNorvègeAmnesty InternationalGrensen 30159 Oslo✉ info@amnesty.no➭ www.amnesty.noNouvelle-ZélandeAmnesty InternationalPO Box 5300Wellesley StreetAuckland✉ info@amnesty.org.nz➭ www.amnesty.org.nzParaguayAmnistía InternacionalManuel Castillo 4987 esq. San Roque GonzálezBarrio Villa MorraAsunción✉ ai-info@py.amnesty.org➭ www.amnesty.org.pyPays-BasAmnesty InternationalKeizersgracht 1771016 DR Amsterdam✉ amnesty@amnesty.nl➭ www.amnesty.nlPérouAmnistía InternacionalEnrique Palacios 735-AMirafloresLima 18✉ amnistia@amnistia.org.pe➭ www.amnistia.org.pePhilippinesAmnesty International18 A Marunong StreetBarangay CentralQuezon City 1100✉ section@amnesty.org.ph➭ www.amnesty.org.phPologneAmnesty Internationalul. Piękna 66a, lokal 2, I piętro00-672 Varsovie✉ amnesty@amnesty.org.pl➭ www.amnesty.org.plPortugalAmnistia InternacionalAv. Infante Santo, 42, 2°1350 - 179 Lisbonne✉ aiportugal@amnistia-internacional.pt➭ www.amnistia-internacional.ptPorto RicoAmnistía InternacionalCalle Robles 54Buzon 6Río Piedras PR 00925✉ amnistiapr@amnestypr.org➭ www.amnistiapr.orgRépublique tchèqueAmnesty InternationalProvaznická 3110 00 Prague 1✉ amnesty@amnesty.cz➭ www.amnesty.czRoyaume-UniAmnesty InternationalThe Human Rights Action Centre17-25 New Inn YardLondres EC2A 3EA✉ sct@amnesty.org.uk➭ www.amnesty.org.ukAmnesty International - Rapport 2012 407


SénégalAmnesty International303/GRD Sacré-Cœur IIRésidence Arame SIGABP 35269Dakar Colobane✉ asenegal@sections.amnesty.org➭ www.amnesty.snSierra LeoneAmnesty International13B Howe StreetFreetown✉ amnestysl@gmail.<strong>com</strong>SlovénieAmnesty InternationalBeethovnova 71000 Ljubljana✉ amnesty@amnesty.si➭ www.amnesty.siSuèdeAmnesty InternationalPO Box 471911692 Stockholm✉ info@amnesty.se➭ www.amnesty.seSuisseAmnesty InternationalSpeichergasse 33CH-3011 Berne✉ info@amnesty.ch➭ www.amnesty.chTaiwanAmnesty International3F., No. 14, Lane 165, Sec.1Sinsheng S. RdDa-an DistrictTaipei City 106✉ amnesty.taiwan@gmail.<strong>com</strong>➭ www.amnesty.twTogoAmnesty International2322, avenue du RPTQuartier CasablancaBP 20013Lomé✉ contact@amnesty.tg➭ www.amnesty.tgTunisieAmnesty International67, rue Oum Kalthoum3 e étage, escalier B1000 Tunis✉ admin-tn@amnesty.orgUruguayAmnistía InternacionalSan José 1140, piso 5C.P. 11.100Montevideo✉ oficina@amnistia.org.uy➭ www.amnistia.org.uyVenezuelaAmnistía InternacionalAv. La SalleTorre Phelps piso 17Oficina 17 APlaza VenezuelaLos CaobosCaracas 1050✉ info@aiven.org➭ www.aiven.orgZimbabweAmnesty International56 Midlothean AvenueEastleaHarare✉ amnestyinternational.zimbabwe@gmail.<strong>com</strong>LES STRUCTURESD’AMNESTY INTERNATIONALHongrieAmnesty InternationalRózsa u. 44, II/41064 Budapest✉ info@amnesty.hu➭ www.amnesty.huMalaisieAmnesty InternationalA-3-3A, 8 AvenueJalan Sungai Jernih8/1, Section 846050 Petaling JayaSelangor✉ aimalaysia@aimalaysia.orgMaliAmnesty InternationalImmeuble Soya BathilyRoute de l’aéroport24 rue KalabancouraBP E 3885Bamako✉ amnesty.mali@ikatelnet.netMoldavieAmnesty InternationalPO Box 209MD-2012 Chişinău✉ info@amnesty.md➭ www.amnesty.mdMongolieAmnesty InternationalPO Box 180Oulan-Bator 210648✉ aimncc@magicnet.mn➭ www.amnesty.mnTurquieAmnesty InternationalAbdülhakhamid Cd. No. 30/5 TalimhaneBeyoğlu, Istanbul✉ posta@amnesty.org.tr➭ www.amnesty.org.trLES PRÉ-STRUCTURESD’AMNESTY INTERNATIONALCroatieAmnesty InternationalPraška 2/III10 000 Zagreb✉ admin@amnesty.hr➭ www.amnesty.hrThaïlandeAmnesty International90/24 Lat Phrao Soi 1Lat Yao, ChatuchakBangkok 10900✉ info@amnesty.or.th➭ www.amnesty.or.thLES ENTITÉSD’AMNESTY INTERNATIONALQUI RENDENT COMPTEDIRECTEMENTAU SECRÉTAIRE GÉNÉRALAfrique du SudAmnesty International11 th Floor, Braamfontein Centre23 Jorissen Street2017 BraamfonteinJohannesburg✉ info@amnesty.org.za➭ www.amnesty.org.zaBéninAmnesty International01 BP 3536Cotonou✉ amnestybenin@yahoo.frBrésilAmnesty International✉ contato@anistia.org.br➭ www.anistia.org.br408 Amnesty International - Rapport 2012


GhanaAmnesty InternationalH/No. 347/7 Rolyat Castle RoadOpposite Havard CollegeKokomlemleAccra✉ info@amnestyghana.orgIndeAmnesty International✉ amnestyindia@amnesty.orgKenyaAmnesty InternationalHaven CourtSuite A3Waiyaki WayP.O.Box 152700606 Sarit CentreNairobi✉ amnestykenya@amnesty.orgSlovaquieAmnesty InternationalKarpatska 11811 05 Bratislava✉ amnesty@amnesty.sk➭ www.amnesty.skUkraineAmnesty InternationalOlesya Honchara str, 37A, office 1,Kyev 01034✉ info@amnesty.org.ua➭ www.amnesty.org.uaLES PARTENARIATS STRATÉGIQUESD’AMNESTY INTERNATIONALLe projet de partenariats stratégiques estmené par l’Unité chargée de la croissanced’Amnesty International. Il a pour objectif defaire croître le militantisme et son impactsur la situation des droits humains dansles pays dépourvus d’entités d’AmnestyInternational, en créant des partenariatsavec des ONG locales. Il vise aussi àaccroître la visibilité d’Amnesty Internationalet de ses partenaires stratégiques, età mettre en place dans ces pays desplateformes pour traiter les questionsintéressant l’organisation. AmnestyInternational avait en 2011 des partenairesstratégiques dans les pays suivants :Cambodge, Haïti, Indonésie, Lettonie,Liberia, Roumanie et Timor-Leste.Pour plus d’informationssur les partenariats stratégiques,veuillez vous adresser àStrategic_Partnerships_Team@amnesty.orgLES MEMBRES INTERNATIONAUXD’AMNESTY INTERNATIONALIl existe aussi des membres internationauxdans plusieurs pays et territoires à traversle monde.Vous trouverez plus d’informationsà l’adresse www.amnesty.org/fr/joinou par courriel :online.<strong>com</strong>munities@amnesty.orgLES BUREAUXD’AMNESTY INTERNATIONALSecrétariat International (SI)Amnesty InternationalPeter Benenson House1 Easton StreetLondres WC1X 0DWRoyaume-Uni✉ amnestyis@amnesty.org➭ www.amnesty.orgCentre de ressources linguistiques (AILRC)d’Amnesty InternationalSiègeCalle Valderribas 1328007 MadridEspagne✉ AILRC@amnesty.org➭ www.amnesty.org/ar (arabe)➭ www.amnesty.org/es (espagnol)Unité chargée de la langue française (AILRC-FR)47 rue de Paradis - Bât. C75010 ParisFrance➭ www.amnesty.org/frAmnesty International AssociationeuropéenneRue de Trèves 351040 BruxellesBelgique✉ amnestyIntl@amnesty.eu➭ www.amnesty.euSI BeyrouthBureau régional Afrique du Nordet Moyen-Orientd’Amnesty InternationalPO Box 13-5696ChouranBeyrouth 1102 - 2060Liban✉ mena@amnesty.org➭ www.amnestymena.orgSI DakarBureau Éducation aux droits humainsen Afrique d’Amnesty InternationalSICAP Sacré-Cœur Pyrotechnie ExtensionVilla No. 22BP 47582DakarSénégal✉ isdakaroffice@amnesty.org➭ www.africa-hre.orgSI GenèveReprésentation d’Amnesty Internationalauprès des Nations unies22, rue du Cendrier, 4 e étage1201 GenèveSuisse✉ uaigv@amnesty.orgSI Hong KongBureau régional Asie-Pacifiqued’Amnesty International16/F Siu On Centre188 Lockhart RdWanchaiHong Kong✉ admin-ap@amnesty.orgSI KampalaBureau régional Afriqued’Amnesty InternationalPlot 20A Kawalya Kaggwa ClosePO Box 23966KampalaOuganda✉ ai-aro@amnesty.orgSI MoscouCentre de ressources Russied’Amnesty InternationalPO Box 212Moscou 119019Russie✉ msk@amnesty.org➭ www.amnesty.org.ruSI New YorkReprésentation d’Amnesty Internationalauprès des Nations unies777 UN Plaza, 6 th FloorNew York, NY 10017États-Unis d’Amérique✉ aiunny@amnesty.orgSI ParisParis Research Office76 boulevard de la Villette75940 Paris Cedex 19France✉ pro@amnesty.orgAmnesty International - Rapport 2012 409


© REUTERS/Handout


En Syrie, des manifestants de la villeportuaire de Banias brandissent desgalettes de pain et scandent des sloganspour témoigner leur solidarité envers lesprotestataires de Deraa, le 3 mai 2011.


© Sanja Knezevic


Zoran Durmisević, son fils Danijel et leurvoisine Anela Krasnić devant l’endroitoù ils habitaient, à Belgrade (Serbie).Cinq familles roms qui vivaient dans desbâtiments privés ont été expulsées deforce et se sont retrouvées à la rue avectous leurs biens.


Index thématiqueCet index a été élaboré à partir des intertitresfigurant dans les entrées pays. Il s’agit d’unoutil de navigation pour le lecteur et non d’unrecensement des préoccupations d’AmnestyInternational dans tel ou tel pays ou territoire.aArrestations et détentions arbitrairesAfghanistan ; Autorité palestinienne ; Bahreïn ; Coréedu Nord ; Cuba ; Éthiopie ; Gambie ; Guinée équatoriale ;Inde ; Iran ; Libye ; Madagascar ; Malaisie ; Philippines ;Sri Lanka ; Tchad ; Yémen ; ZimbabweCChâtiments cruels, inhumains ou dégradantsArabie saoudite ; Iran ; Maldives ; Qatar ; YémenCommerce des armesAllemagne ; IrlandeConditions carcérales / Conditions de détentionAlbanie ; Bénin ; Brésil ; Burundi ; États-Unis ; Gambie ;Grèce ; Irlande ; Israël et territoires palestiniensoccupés ; Liberia ; Madagascar ; Pologne ; Républiquedémocratique du Congo ; Sierra Leone ; Tanzanie ; Tchad ;Uruguay ; VenezuelaConflit arméGéorgie ; Inde ; Libye ; Soudan ; Soudan du SudConflit armé interneColombie ; Myanmar ; Philippines ; Somalie ; ThaïlandeConflits fonciersBrésil ; HondurasCrimes de droit internationalAllemagne ; Bosnie-Herzégovine ; Haïti ; Macédoine ;SerbieDDéfenseurs des droits humainsAfrique du Sud ; Brésil ; Burundi ; Cambodge ; Chine ;Chypre ; Colombie ; Équateur ; Éthiopie ; Grèce ;Guatemala ; Honduras ; Inde ; Iran ; Liban ; Mexique ;Namibie ; Paraguay ; République démocratique duCongo ; Russie ; Rwanda ; Salvador ; Sri Lanka ; Tchad ;Ukraine ; Venezuela ; ZimbabweDétention sans jugementGuinée équatoriale ; Irak ; Israël et territoires palestiniensoccupés ; Jordanie ; Madagascar ; Niger ; SingapourDiscriminationAfrique du Sud ; Bahreïn ; Belgique ; Bosnie-Herzégovine ;Bulgarie ; Cameroun ; Chine ; Croatie ; Danemark ;Égypte ; Espagne ; France ; Ghana ; Grèce ; Guyana ;Hongrie ; Indonésie ; Iran ; Italie ; Jamaïque ; Jordanie ;Koweït ; Liban ; Lituanie ; Macédoine ; Malawi ;Mauritanie ; Moldavie ; Monténégro ; Népal ; Nigeria ;Ouganda ; Pakistan ; Pologne ; Qatar ; Républiquedominicaine ; République tchèque ; Roumanie ;Royaume-Uni ; Serbie ; Slovaquie ; Slovénie ; Suisse ;Swaziland ; Syrie ; Tanzanie ; Turquie ; Viêt-Nam ;ZimbabweDiscrimination envers les femmesIran ; JordanieDiscrimination – les RomsBulgarie ; Danemark ; Grèce ; Hongrie ; Italie ;Macédoine ; Monténégro ; République tchèque ;Roumanie ; SlovaquieDiscrimination – minorités ethniquesBosnie-Herzégovine ; Croatie ; Iran ; Viêt-NamDisparitions forcéesAlbanie ; Algérie ; Bosnie-Herzégovine ; Chine ; Congo ;Espagne ; Gambie ; Liban ; Mauritanie ; Népal ; Nigeria ;Pakistan ; Philippines ; Rwanda ; Serbie ; Soudan duSud ; Sri Lanka ; Turkménistan ; YémenDroit à la santéAfghanistan ; Afrique du Sud ; États-Unis ; Guyana ;IrlandeDroit à la santé – mortalité maternelleBurkina FasoDroit à l’éducationAfghanistan ; République tchèque ; Slovaquie414 Amnesty International - Rapport 2012


Droit de circuler librementCorée du Nord ; TurkménistanDroits des enfantsEspagne ; États-Unis ; Irlande ; Jamaïque ; Liberia ;Madagascar ; Nigeria ; Nouvelle-Zélande ; TurquieDroits des femmesAlgérie ; Arabie saoudite ; Bosnie-Herzégovine ; Canada ;Égypte ; Émirats arabes unis ; Guatemala ; Koweït ; Liban ;Liberia ; Libye ; Oman ; Swaziland ; Syrie ; Tunisie ; YémenDroits des lesbiennes, des gays, des personnesbisexuelles et des transgenresAfrique du Sud ; Bahreïn ; Bosnie-Herzégovine ; Bulgarie ;Cameroun ; Croatie ; Ghana ; Guyana ; Hongrie ; Iran ;Italie ; Jamaïque ; Lituanie ; Malawi ; Mauritanie ;Monténégro ; Nigeria ; Ouganda ; Roumanie ; Slovaquie ;Swaziland ; Turquie ; ZimbabweDroits des migrantsAllemagne ; Angola ; Arabie saoudite ; Autriche ; Coréedu Sud ; Émirats arabes unis ; États-Unis ; Jordanie ;Koweït ; Liban ; Malte ; Mauritanie ; Mexique ; Népal ;Qatar ; République dominicaine ; République tchèque ;TaiwanDroits des peuples autochtonesArgentine ; Australie ; Bangladesh ; Bolivie ; Brésil ;Canada ; Chili ; Équateur ; Guatemala ; Mexique ;Nouvelle-Zélande ; Panama ; Paraguay ; PérouDroits des travailleursFidji ; Kazakhstan ; Nouvelle-ZélandeDroits en matière de logementAlbanie ; Brésil ; Espagne ; Ghana ; Hongrie ; Portugal ;République tchèque ; Slovaquie ; Slovénie ; Taiwan ;TurquieDroits sexuels et reproductifsArgentine ; Brésil ; Chili ; Honduras ; Indonésie ; Mexique ;Nicaragua ; Pérou ; Philippines ; PologneEEnfants soldatsRépublique centrafricaine ; République démocratique duCongo ; Somalie ; TchadÉvolutions législatives, constitutionnelles ouinstitutionnellesAutriche ; Belgique ; Cambodge ; Chine ; France ; Guinéeéquatoriale ; Irlande ; Mexique ; Nouvelle-Zélande ;Swaziland ; TunisieExactions perpétrées par des groupes armésAfghanistan ; Autorité palestinienne ; Colombie ;Côte d’Ivoire ; Irak ; Mali ; Niger ; Nigeria ; Pakistan ;République centrafricaine ; République démocratique duCongo ; Somalie ; TurquieExécutions extrajudiciairesAfrique du Sud ; Bangladesh ; Burundi ; Guinée-Bissau ;Libye ; Pakistan ; SyrieExpulsions forcéesAngola ; Cambodge ; Chine ; Égypte ; Éthiopie ; Haïti ;Honduras ; Israël et territoires palestiniens occupés ;Kenya ; Nigeria ; République dominicaine ; Serbie ;Sierra Leone ; Tchad ; ZimbabweHHomicides illégauxMacédoine ; Madagascar ; Monténégro ; Mozambique ;Nigeria ; Ouganda ; Philippines ; Républiquedémocratique du Congo ; SwazilandIImpunitéAlgérie ; Argentine ; Autorité palestinienne ; Bolivie ;Burundi ; Cameroun ; Chili ; Colombie ; Égypte ;Équateur ; Guatemala ; Guinée ; Guinée-Bissau ;Haïti ; Honduras ; Inde ; Indonésie ; Israël et territoirespalestiniens occupés ; Kenya ; Kirghizistan ; Liban ;Liberia ; Libye ; Mexique ; Moldavie ; Mongolie ;Myanmar ; Népal ; Nigeria ; Paraguay ; Pérou ; Républiquedémocratique du Congo ; République dominicaine ;Salvador ; Syrie ; Tanzanie ; Tchad ; Thaïlande ;Timor-Leste ; Togo ; Tunisie ; Turquie ; Ukraine ; UruguayJJustice / Justice nationaleAustralie ; Autorité palestinienne ; Bosnie-Herzégovine ;Bulgarie ; Burundi ; Croatie ; Géorgie ; Ghana ; Haïti ;Hongrie ; Jamaïque ; Japon ; Liberia ; Maldives ; Mexique ;Mozambique ; Nigeria ; Pologne ; Rwanda ; SierraLeone ; Swaziland ; Taiwan ; Trinité-et-Tobago ; Ukraine ;VenezuelaJustice de transitionBurundi ; Maroc et Sahara occidental ; NépalAmnesty International - Rapport 2012 415


Justice internationaleBangladesh ; Bosnie-Herzégovine ; Cambodge ; Canada ;Côte d’Ivoire ; Croatie ; Espagne ; Finlande ; Kenya ;Malaisie ; Moldavie ; Monténégro ; Niger ; Norvège ;Ouganda ; Pays-Bas ; République centrafricaine ;République démocratique du Congo ; Rwanda ; Salvador ;Sénégal ; Serbie ; Soudan ; Suède ; TchadLLiberté d’expressionAfghanistan ; Afrique du Sud ; Algérie ; Angola ; Arabiesaoudite ; Autorité palestinienne ; Azerbaïdjan ; Bélarus ;Burundi ; Cambodge ; Cameroun ; Chine ; Congo ;Corée du Nord ; Corée du Sud ; Côte d’Ivoire ; Cuba ;Égypte ; Émirats arabes unis ; Équateur ; Éthiopie ;Fidji ; Gambie ; Guinée ; Guinée-Bissau ; Guinéeéquatoriale ; Hongrie ; Indonésie ; Irak ; Iran ; Israëlet territoires palestiniens occupés ; Jordanie ; Koweït ;Liberia ; Macédoine ; Madagascar ; Malaisie ; Malawi ;Maroc et Sahara occidental ; Mexique ; Monténégro ;Namibie ; Népal ; Nicaragua ; Nigeria ; Oman ; Ouganda ;Ouzbékistan ; Pakistan ; Panama ; Pologne ; PortoRico ; Qatar ; République centrafricaine ; Républiquedémocratique du Congo ; République dominicaine ;Russie ; Rwanda ; Sénégal ; Sierra Leone ; Singapour ;Somalie ; Soudan ; Soudan du Sud ; Sri Lanka ;Tadjikistan ; Taiwan ; Tanzanie ; Thaïlande ; Tunisie ;Turquie ; Venezuela ; Yémen ; ZimbabweLiberté d’expression – journalistesAngola ; Azerbaïdjan ; Burundi ; Côte d’Ivoire ; Guinée ;Guinée-Bissau ; Guinée équatoriale ; Irak ; Madagascar ;Mexique ; Ouzbékistan ; République centrafricaine ;République démocratique du Congo ; Républiquedominicaine ; TadjikistanLiberté d’expression – syndicalistesTchadLiberté de religion et de convictionAlgérie ; Chine ; Érythrée ; Hongrie ; Iran ; Laos ;Maldives ; Myanmar ; Pakistan ; TurkménistanLiberté de réunion et d’associationAlgérie ; Angola ; Arménie ; Autorité palestinienne ;Azerbaïdjan ; Bélarus ; Burundi ; Cambodge ; Cameroun ;Chine ; Congo ; Corée du Sud ; Cuba ; Égypte ; Émiratsarabes unis ; Fidji ; Géorgie ; Guinée équatoriale ; Iran ;Israël et territoires palestiniens occupés ; Jordanie ;Koweït ; Malaisie ; Malawi ; Namibie ; Népal ; Ouganda ;Russie ; Rwanda ; Soudan ; Soudan du Sud ; Taiwan ;Tchad ; ZimbabweLutte contre le terrorisme et sécuritéAlgérie ; Allemagne ; Arabie saoudite ;Bosnie-Herzégovine ; Canada ; Danemark ;Espagne ; États-Unis ; Finlande ; Italie ; Lituanie ;Macédoine ; Mauritanie ; Maroc et Sahara occidental ;Nouvelle-Zélande ; Ouzbékistan ; Pologne ; Roumanie ;Royaume-Uni ; Slovaquie ; Swaziland ; YémenMMorts en détentionAfrique du Sud ; Bahreïn ; France ; Italie ; Madagascar ;Sri Lanka ; Swaziland ; Syrie ; TchadOObligation de rendre des <strong>com</strong>ptesSerbie ; Sri LankaPPeine de mortAfghanistan ; Afrique du Sud ; Algérie ; Arabiesaoudite ; Autorité palestinienne ; Bahamas ; Bahreïn ;Bangladesh ; Bélarus ; Bénin ; Burkina Faso ; Cameroun ;Chine ; Congo ; Corée du Nord ; Corée du Sud ; Égypte ;Émirats arabes unis ; États-Unis ; Gambie ; Ghana ;Guinée ; Guyana ; Inde ; Indonésie ; Irak ; Iran ;Jamaïque ; Japon ; Jordanie ; Kenya ; Koweït ; Liban ;Liberia ; Libye ; Madagascar ; Malaisie ; Mali ; Marocet Sahara occidental ; Mauritanie ; Mongolie ; Nigeria ;Oman ; Ouganda ; Pakistan ; Qatar ; Républiquedémocratique du Congo ; Sierra Leone ; Singapour ;Somalie ; Soudan ; Soudan du Sud ; Swaziland ; Syrie ;Taiwan ; Tanzanie ; Thaïlande ; Trinité-et-Tobago ;Tunisie ; YémenPolice et forces de sécuritéAlbanie ; Angola ; Autriche ; Bahamas ; Canada ; Chili ;Chypre ; Colombie ; Ghana ; Guyana ; Honduras ; Hongrie ;Irlande ; Jamaïque ; Kenya ; Liberia ; Mexique ; PortoRico ; République dominicaine ; Royaume-Uni ; SierraLeone ; Timor-Leste ; Trinité-et-Tobago ; VenezuelaPrisonniers d’opinionAngola ; Arménie ; Azerbaïdjan ; Bélarus ; Cuba ;Érythrée ; Finlande ; Guinée ; Guinée équatoriale ; Israëlet territoires palestiniens occupés ; Laos ; Mauritanie ;République centrafricaine ; Rwanda ; Turquie ; Viêt-NamPrisonniers politiquesÉrythrée ; Laos ; Mauritanie ; Myanmar ; Syrie416 Amnesty International - Rapport 2012


Procès inéquitablesBahreïn ; Bélarus ; Égypte ; Iran ; Israël et territoirespalestiniens occupés ; Jordanie ; Kirghizistan ; Liban ;Moldavie ; Mongolie ; Russie ; TurquieRRacismeAutriche ; Bulgarie ; Espagne ; Grèce ; Hongrie ; Italie ;Pologne ; République tchèque ; SerbieRéfugiés, personnes déplacées, demandeursd’asile et migrantsAfghanistan ; Afrique du Sud ; Allemagne ; Australie ;Autriche ; Bahamas ; Belgique ; Bosnie-Herzégovine ;Bulgarie ; Canada ; Chine ; Chypre ; Congo ; Côted’Ivoire ; Danemark ; Égypte ; Érythrée ; Espagne ;Éthiopie ; Finlande ; France ; Géorgie ; Grèce ; Haïti ;Irlande ; Israël et territoires palestiniens occupés ; Italie ;Japon ; Jordanie ; Kazakhstan ; Kenya ; Laos ; Liban ;Libye ; Macédoine ; Malaisie ; Malte ; Monténégro ;Mozambique ; Myanmar ; Népal ; Norvège ; Ouganda ;Pologne ; République démocratique du Congo ;République dominicaine ; Royaume-Uni ; Rwanda ;Serbie ; Somalie ; Soudan ; Soudan du Sud ; Sri Lanka ;Suède ; Suisse ; Tanzanie ; Thaïlande ; Tunisie ; Turquie ;Ukraine ; YémenRépression de la dissidenceArabie saoudite ; Bénin ; Cuba ; Gambie ; Malawi ; Marocet Sahara occidental ; Oman ; Sénégal ; Swaziland ;Syrie ; Turkménistan ; Venezuela ; Viêt-NamResponsabilité des entreprisesCôte d’Ivoire ; Inde ; Pérou ; Royaume-Uni ; Sierra LeoneSSanté maternelleSierra LeoneSurveillance internationaleAllemagne ; Australie ; Autriche ; Colombie ; Coréedu Nord ; Italie ; Mexique ; Myanmar ; Ouzbékistan ;SingapourBulgarie ; Burundi ; Chine ; Congo ; Corée du Nord ;Danemark ; Égypte ; Érythrée ; Espagne ; Éthiopie ;Fidji ; France ; Grèce ; Guinée ; Guyana ; Indonésie ;Irak ; Iran ; Israël et territoires palestiniens occupés ;Italie ; Jordanie ; Kazakhstan ; Kirghizistan ; Koweït ;Liban ; Libye ; Macédoine ; Malaisie ; Maroc et Saharaoccidental ; Mauritanie ; Moldavie ; Mongolie ;Monténégro ; Mozambique ; Népal ; Nigeria ; Ouganda ;Ouzbékistan ; Paraguay ; Philippines ; Portugal ;République centrafricaine ; République démocratique duCongo ; Roumanie ; Russie ; Sénégal ; Serbie ; Singapour ;Slovaquie ; Soudan du Sud ; Sri Lanka ; Suède ; Syrie ;Tadjikistan ; Tchad ; Togo ; Tunisie ; Turkménistan ;Turquie ; Ukraine ; YémenTraite d’êtres humainsAlbanieUUtilisation excessive de la forceAfrique du Sud ; Argentine ; Bahreïn ; Burkina Faso ;Égypte ; États-Unis ; Guinée ; Inde ; Indonésie ; Irak ;Israël et territoires palestiniens occupés ; Jordanie ;Libye ; Mauritanie ; Mozambique ; Pérou ; Sri Lanka ;Syrie ; Togo ; YémenVViolences faites aux femmes et aux fillesAfghanistan ; Australie ; Autorité palestinienne ;Bahamas ; Bangladesh ; Colombie ; Côte d’Ivoire ;Danemark ; Espagne ; Fidji ; Finlande ; Ghana ;Guinée-Bissau ; Guyana ; Haïti ; Irlande ; Jamaïque ;Japon ; Jordanie ; Kenya ; Mexique ; Népal ; Nicaragua ;Nigeria ; Norvège ; Ouganda ; Pakistan ; Portugal ;République démocratique du Congo ; Républiquedominicaine ; Royaume-Uni ; Salvador ; Serbie ;Sierra Leone ; Suisse ; Tadjikistan ; Tanzanie ; Tchad ;Timor-Leste ; Trinité-et-Tobago ; Turquie ; VenezuelaViolences inter<strong>com</strong>munautairesÉthiopie ; Nigeria ; Soudan du SudTTorture et autres mauvais traitementsAfghanistan ; Afrique du Sud ; Albanie ; Allemagne ;Arabie saoudite ; Argentine ; Arménie ; Autoritépalestinienne ; Autriche ; Azerbaïdjan ; Bahreïn ;Bangladesh ; Bélarus ; Belgique ; Bolivie ; Brésil ;Amnesty International - Rapport 2012 417


Mohd Rafiq Hakeem et Naseem Hakeem,les parents de Faizan Hakeem, 14 ans,arrêté au Cachemire en février 2011aux termes de la loi relative à la sécuritépublique. L’adolescent a été remis enliberté le 5 avril 2011, à la suite d’uneaction d’Amnesty International.


© Amnesty International


Un manifestant jette au loin une bombelacrymogène durant des affrontementsavec la police antiémeutes près dela place Tahrir au Caire (Égypte), le22 novembre 2011. Le gouvernement civilégyptien a proposé de démissionner aprèstrois jours d’affrontements violents entremanifestants et forces de l’ordre dansplusieurs villes du pays.


© AP Photo/Khalil Hamra


AMNESTY INTERNATIONAL - RAPPORT 2012LA SITUATION DES DROITS HUMAINS DANS LE MONDELe Rapport 2012 d’Amnesty International rend <strong>com</strong>pte de la situation desdroits humains en 2011 dans 155 pays et territoires.Tout au long de l’année, les appels exigeant le respect des droitshumains ont résonné dans le monde entier. L’année a <strong>com</strong>mencé avecdes manifestations dans des pays où la liberté d’expression et la libertéde réunion étaient régulièrement réprimées. Mais, à la fin de 2011,le mécontentement et l’indignation provoqués par l’incapacité desgouvernements à garantir la justice, la sécurité et la dignité humaineavaient déclenché des vagues de protestation dans le monde entier.Le dénominateur <strong>com</strong>mun de toutes ces manifestations, qu’elles aienteu lieu au Caire ou à New York, est l’empressement avec lequel lesgouvernements ont cherché à empêcher la protestation pacifique et fairetaire la dissidence. Celles et ceux qui sont descendus dans la rue ont faitpreuve d’un immense courage face à la répression souvent brutale et àl’usage massif de la force meurtrière.En cette année de troubles, de transition et de conflits, trop de personnessont encore privées de leurs droits les plus élémentaires. Alors ques’amplifient les appels réclamant une meilleure gouvernance et un plusgrand respect des droits humains, le présent rapport montre que lesdirigeants du monde n’ont pas encore relevé le défi.ISSN : 0252-8312ISBN : 978-2-8766-6187-5AMNESTYINTERNATIONALAMNESTY INTERNATIONALCENTRE DE RESSOURCES LINGUISTIQUESUNITÉ CHARGÉE DE LA LANGUE FRANÇAISE•AILRC-FR•PRIX : 15 €511 210

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