ACTES DU CONCILE VATICAN II :L'Église dans <strong>le</strong> monde de ce temps. (Editeur : P. Roguet)Les questions <strong>le</strong>s plus profondes de l'homme.Le monde actuel apparaît à la fois comme puissant et faib<strong>le</strong>, capab<strong>le</strong> du meil<strong>le</strong>ur et du pire; <strong>le</strong> chemin qui s'<strong>ou</strong>vre devant lui est celui de la liberté <strong>ou</strong> de la servitude, du progrès <strong>ou</strong>de la régression, de la fraternité <strong>ou</strong> de la haine. En <strong>ou</strong>tre, l'homme déc<strong>ou</strong>vre qu'il luiappartient de bien diriger <strong>le</strong>s forces qu'il a mises en m<strong>ou</strong>vement et qui peuvent l'écraser<strong>ou</strong> <strong>le</strong> servir. C'est p<strong>ou</strong>rquoi il s'interroge.En vérité, <strong>le</strong>s déséquilibres dont s<strong>ou</strong>ffre <strong>le</strong> monde actuel sont liés à un déséquilibre plusfondamental, qui a sa racine dans <strong>le</strong> cœur même de l'homme.C'est en l'homme lui-même, en effet, que de nombreux éléments se combattent. D'unepart, comme créature, il lit l'expérience de ses multip<strong>le</strong>s limites ; d'autre part, il se sentillimité dans ses désirs et appelé à une vie supérieure, sollicité par tant d'appels, il est sanscesse contraint de choisir entre eux et d'en abandonner quelques-uns. En autre, faib<strong>le</strong> etpécheur, il accomplit s<strong>ou</strong>vent ce qu'il ne veut pas et n'accomplit point ce qu'il v<strong>ou</strong>drait.C'est donc en lui-même qu'il s<strong>ou</strong>ffre division, et c'est de là que naissent au sein de lasociété des discordes si nombreuses et si profondes.Certes, beauc<strong>ou</strong>p d'hommes, dont la vie est imprégnée de matérialisme pratique, sontdét<strong>ou</strong>rnés par là d'une claire conception de cette situation dramatique ; <strong>ou</strong> bien, accabléspar la misère, ils sont dans l'impossibilité d'y prêter attention. Un grand nombre d'entreeux pensent tr<strong>ou</strong>ver <strong>le</strong>ur tranquillité dans <strong>le</strong>s multip<strong>le</strong>s explications du monde qui <strong>le</strong>ur sontproposées. Certains attendent du seul effort de l'homme la libération véritab<strong>le</strong> et complètedu genre humain ; ils se persuadent que <strong>le</strong> règne futur de l'homme sur la terre comb<strong>le</strong>rat<strong>ou</strong>s <strong>le</strong>s vœux de son cœur. Beauc<strong>ou</strong>p, désespérant du sens de la vie, exaltent <strong>le</strong>saudacieux qui, jugeant l'existence humaine dénuée par el<strong>le</strong>-même de t<strong>ou</strong>te signification,tentent de lui donner, par <strong>le</strong>ur seu<strong>le</strong> inspiration, t<strong>ou</strong>t son sens.Néanmoins, il y en a de plus en plus qui, devant l'évolution présente du monde, se posent<strong>le</strong>s questions <strong>le</strong>s plus fondamenta<strong>le</strong>s <strong>ou</strong> <strong>le</strong>s perçoivent avec une acuité n<strong>ou</strong>vel<strong>le</strong> : Qu'estceque l'homme ? Que signifient la s<strong>ou</strong>ffrance, <strong>le</strong> mal, la mort, qui subsistent malgré tantde progrès ? A quoi bon ces victoires payées d'un si grand prix ? Qu'est-ce que l'hommepeut apporter à la société ? Que peut-il attendre d'el<strong>le</strong> ? Qu'arrivera-t-il après cette vieterrestre ?L'Eglise, quant à el<strong>le</strong>, croit que par son Esprit <strong>le</strong> CHRIST, mort et ressuscité p<strong>ou</strong>r t<strong>ou</strong>s,offre à l'homme lumière et forces p<strong>ou</strong>r lui permettre de répondre à sa très haute vocation.El<strong>le</strong> croit qu'Il n'est pas s<strong>ou</strong>s <strong>le</strong> ciel d'autre nom donné aux hommes par <strong>le</strong>quel ils doiventêtre sauvés. El<strong>le</strong> croit aussi que l'on tr<strong>ou</strong>ve la clé, <strong>le</strong> centre et la fin de t<strong>ou</strong>te histoirehumaine en son Maître et SEIGNEUR. El<strong>le</strong> affirme en <strong>ou</strong>tre qu'à travers t<strong>ou</strong>s <strong>le</strong>schangements bien des choses demeurent qui ont <strong>le</strong>ur fondement ultime dans <strong>le</strong> CHRIST,<strong>le</strong> même hier, auj<strong>ou</strong>rd'hui et à jamais.Constitution pastora<strong>le</strong> « l'Eglise dans <strong>le</strong> monde de ce temps », n° 9 -1022
L'activité humaine.L'activité humaine vient de l'homme, et en même temps, el<strong>le</strong> s'oriente vers l'homme. Eneffet, par son action, l'homme ne transforme pas seu<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s choses et la société, il seperfectionne lui-même. Il apprend bien des choses, il cultive ses facultés, il sort de luimêmeet se dépasse. Cet essor, bien compris, est d'un t<strong>ou</strong>t autre prix que l'accumulationde t<strong>ou</strong>tes <strong>le</strong>s richesses possib<strong>le</strong>s. L'homme vaut davantage par ce qu'il est que par ce qu'ila.De même, t<strong>ou</strong>s <strong>le</strong>s efforts des hommes p<strong>ou</strong>r faire progresser la justice, p<strong>ou</strong>r développer lafraternité, rég<strong>le</strong>r de façon plus humaine <strong>le</strong>s relations socia<strong>le</strong>s, t<strong>ou</strong>t cela l'emporte sur <strong>le</strong>sprogrès techniques. Car ceux-ci peuvent bien f<strong>ou</strong>rnir une base matériel<strong>le</strong> à la promotionhumaine, mais ils sont t<strong>ou</strong>t à fait impuissants, par eux seuls, à la réaliser.Voici donc la règ<strong>le</strong> de l'activité humaine : qu'el<strong>le</strong> soit conforme au bien authentique del'humanité, selon <strong>le</strong> dessein et la volonté de <strong>DIEU</strong>, et qu'el<strong>le</strong> permette à l'homme,considéré comme individu <strong>ou</strong> comme membre de la société, de s'épan<strong>ou</strong>ir selon laplénitude de sa vocation.P<strong>ou</strong>rtant, beauc<strong>ou</strong>p de nos contemporains semb<strong>le</strong>nt red<strong>ou</strong>ter un lien trop étroit entrel'activité humaine et la religion : ils y voient un danger p<strong>ou</strong>r l'autonomie des hommes, dessociétés et des sciences.Si, par autonomie des réalités terrestres, on veut dire que <strong>le</strong>s choses créées et <strong>le</strong>s sociétésel<strong>le</strong>s-mêmes ont <strong>le</strong>urs lois et <strong>le</strong>urs va<strong>le</strong>urs propres, que l'homme doit peu à peu apprendreà connaître, à utiliser et à organiser, une tel<strong>le</strong> exigence est p<strong>le</strong>inement légitime ; nonseu<strong>le</strong>ment el<strong>le</strong> est revendiquée par <strong>le</strong>s hommes de notre temps, mais el<strong>le</strong> correspond à lavolonté du Créateur. C'est en vertu de la création même que t<strong>ou</strong>tes choses sont établiesselon <strong>le</strong>ur consistance, <strong>le</strong>ur vérité et <strong>le</strong>ur excel<strong>le</strong>nce propres, avec <strong>le</strong>ur organisation et<strong>le</strong>urs lois spécifiques. L'homme doit respecter t<strong>ou</strong>t cela et reconnaître <strong>le</strong>s méthodesparticulières à chacune des sciences et des techniques. ~On n<strong>ou</strong>s permettra donc de déplorer certaines t<strong>ou</strong>rnures d'esprit qui ont existé parfoischez <strong>le</strong>s chrétiens eux-mêmes, insuffisamment avertis de la légitime autonomie de lascience. S<strong>ou</strong>rces de tensions et de conflits, el<strong>le</strong>s ont conduit beauc<strong>ou</strong>p d'esprits à estimerqu'il y a opposition entre la foi et la science.Mais si, par "autonomie du temporel", on veut dire que <strong>le</strong>s réalités créées ne dépendentpas de <strong>DIEU</strong> et que l'homme peut en disposer sans référence au Créateur, t<strong>ou</strong>s ceux quiadmettent l'existence de <strong>DIEU</strong> comprennent la fausseté d'une tel<strong>le</strong> position. Car, sans <strong>le</strong>Créateur, la créature disparaît.Constitution pastora<strong>le</strong> « l'Eglise dans <strong>le</strong> monde de ce temps », n° 35 - 3623