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Monique Fourdin Une petite fille entre désir de ça-voir et interdit de ...

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Mensuel 53en déduire l’existence <strong>de</strong> la cavité utérine <strong>et</strong> du vagin, encore moinsla pénétration du pénis par le père 13 . D’ailleurs, si les bébés seconçoivent en mangeant, rien n’empêche les hommes <strong>de</strong> porter lesenfants, ce qui est une façon <strong>de</strong> ne pas accé<strong>de</strong>r à « la différence anatomique<strong>entre</strong> les sexes ». Finalement, en écoutant Marie parler <strong>de</strong>la conception <strong>et</strong> <strong>de</strong> la naissance – « je sais pas où <strong>ça</strong> sort […] je saispas comment <strong>ça</strong> r<strong>entre</strong>, les bébés » ; en considérant que pour Mariesa mère n’a pas besoin du père pour « a<strong>voir</strong> » un enfant ; en se rappelantenfin que la beauté est associée à l’« a<strong>voir</strong> phallique » ouqu’elle consiste à « être » le phallus imaginaire qui manque à la mèreplutôt que le phallus symbolique, signifiant du <strong>désir</strong> pour un homme(« faire sa belle »), nous pouvons supposer que c<strong>et</strong>te <strong>p<strong>et</strong>ite</strong> <strong>fille</strong> estencalminée dans la phase que Freud nomme préœdipienne ; phasequi « perm<strong>et</strong> toutes les fixations <strong>et</strong> tous les refoulements », auxquelsil ramène l’étiologie <strong>de</strong>s névroses, <strong>et</strong> notamment <strong>de</strong> l’hystérie, qu’ilsoupçonne d’être en rapport avec « la phase du lien à la mère 14 ». Or,n’est-ce pas ce qui peut ai<strong>de</strong>r à cerner les difficultés d’apprentissage<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te <strong>fille</strong>tte plutôt délurée ?Voilà une <strong>p<strong>et</strong>ite</strong> <strong>fille</strong> que la naissance <strong>de</strong> son p<strong>et</strong>it frère n’a paslaissée indifférente, qui déploie beaucoup d’énergie à essayer <strong>de</strong>sa<strong>voir</strong> ce que trame sa gran<strong>de</strong> sœur, ce qu’elle <strong>désir</strong>e <strong>et</strong> comment ellejouit, avec un plaisir <strong>de</strong> <strong>ça</strong>-<strong>voir</strong> non dissimulé ; pourquoi donc nepourrait-elle pas lire ni écrire, alors qu’elle présente tous les signes<strong>de</strong> « l’activité attribuée à la pulsion <strong>de</strong> sa<strong>voir</strong> ou pulsion du chercheur15 » ? Marie s’intéresse à ce qui se passe dans la chambre <strong>de</strong> sesparents, comme elle l’expliquera à la fin <strong>de</strong> l’<strong>entre</strong>tien ; cependant,elle maintient d’abord fermement l’idée que « <strong>ça</strong> fait pas <strong>de</strong> bêtises,les gran<strong>de</strong>s personnes », non sans se contredire : « T’es sûre ? », lui<strong>de</strong>man<strong>de</strong> le psychanalyste, « Non » répond-elle... Alors qu’on diraitcommunément qu’« elle n’a pas sa langue dans sa poche », Marie13. C’est ce que Freud constate aussi <strong>et</strong> il en fait un point <strong>de</strong> butée <strong>de</strong> la reconnaissance <strong>de</strong> ladifférence <strong>de</strong>s sexes : cela revient à attribuer un pénis à la mère.14. S. Freud, « Sur la sexualité féminine » (1931), dans La Vie sexuelle, op. cit., p. 140-141.15. S. Freud, Trois essais sur la théorie sexuelle, op. cit., p. 123. Selon lui, la pulsion <strong>de</strong> sa<strong>voir</strong>travaille avec l’énergie du plaisir scopique <strong>et</strong> elle est éveillée par l’intérêt intellectuel <strong>de</strong> l’enfantpour la vie sexuelle. Désir <strong>de</strong> sa<strong>voir</strong> <strong>et</strong> <strong>désir</strong> <strong>de</strong> <strong>voir</strong> sont donc intimement liés. Notons la variété<strong>de</strong>s termes que l’on trouve dans l’œuvre freudienne autour <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te question : la pulsion <strong>de</strong>sa<strong>voir</strong>, Wissentrieb ; la pulsion <strong>de</strong> chercher, Forschertrieb ; la poussée <strong>de</strong> sa<strong>voir</strong>, Wissendrang ;la pulsion épistémologique ou épistémophilique, Erkenntnistrieb.44

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