<strong>Le</strong>s petites <strong>Le</strong>ichnam n'allaient pas chez Mlle Rieux, le cours ne plaisait pas. Nous, nous étionschez Mlle Rieux tous les quatre, les garçons un peu en cachette. ils avaient 7-8 ans.On entrait sous la voûte d'un immeuble, il y avait un petit jardin puis deux grandes salles puis lepavillon d'habitation. Il y avait dans ce pavillon une pièce de refuge. Quand l'inspecteurvenait (il n'était pas trop tracassier), Madame Soulet, une des maîtresses montait dans cette pièceavec les garçons car Mlle Rieux n'avait pas le droit d'avoir des garçons. Pierre et Jean sont quandmême restés dans ce cours jusqu'en 1915, c'est-à-dire, jusqu'à 9 ans.Il y avait quatre ou cinq classes : les petits, le cours élémentaire, le cours moyen. (on y restait deuxou trois ans) et la classe des grands. Nous étions bien une centaine en tout.<strong>Le</strong> certificat d'études était obligatoire. Quand je suis allée dans les Vosges en 1913, c'était larécompense de mon certificat d'études.Il est arrivé un moment où Pierre et Jean ne pouvaient plus rester, alors on a pensé à Rocroy.C'était le problème ! A Pantin où voulez-vous qu'ils aillent ?<strong>Le</strong> ramassage scolaire était organisé. Il y avait un vieux pion de Rocroy (mon oncle Paul Loir quiavait été à Rocroy, l'avait connu déjà !) qui venait avec un taxi, ces petits taxis de la Marne vert etrouge, et ramassait cinq ou six enfants qui s'entassaient.C'était toujours le même taxi. Il passait les prendre à 7 heures. Ils étaient levés de bonne heure cesgamins. Il en ramassait un, fils du fabriquant de savon et lessive aux Quatre Chemins, les deux filsd'une marchande de bois en gros, peut-être un autre, et Pierre et Jean. Parfois il était en avance.Pierre disait, au pion :"Monsieur, vous êtes en avance d'une minute !""Eh ! qu'est ce que c'est une minute dans la vie d'un peuple ? .!"Ils étaient demi-pensionnaires.A ce moment là pendant la guerre, mon oncle était à Salonique. (*) Alors ma tante Madeleineétait venue chez grand-père parce qu'à Puiseaux, il n'y avait aussi aucune ressource pour les études.(*) : NDLR : le front de Salonique fit plus de 100 000 morts et blessés français18
Alors Georges rencontrait Pierre et Jean. Je ne sais pas comment Georges venait. En métro ?Peut-être, un autre ramassage ?Pierre et Jean avaient toujours des angines au deuxième trimestre. Grand-père le savait, alors lesoir il demandait à Georges :"Est-ce que Pierre est revenu ? Est-ce que Jean est revenu ?""Ah! je ne sais pas, je ne les ai pas vus tous les deux ensemble."Jamais il ne s'est donné la peine de les reconnaître.<strong>Le</strong> dimanche après-midi il se promenait entre les deux mais il ne savait pas qui était à sa droite ouà sa gauche. Ils se retrouvaient aussi à Ecouen.Papa est mort en 1917, alors à ce moment-là, il n'y avait plus de raisons de rester à Pantin. Alorsgrand-père a dit a maman qu'il faudrait rentrer à Paris pour les études des garçons.A ce moment-là, ils rentraient en cinquième. On a décidé le déménagement. On a cherché ettrouvé un appartement très près de Rocroy, dans une rue, la rue Baudin (**), qui monte du squareMonthollon au carrefour Maubeuge, dans le haut. C'était à trois minutes du collège de Pierre etJean.Question :"De quoi vivait votre maman après la mort de son mari ?"Elle avait une pension, les loyers de Pantin, et grand-père l'aidait beaucoup.On a habité donc rue Baudin. L'appartement n'était pas très moderne mais assez grand, il y avaittrois chambres. Maman avait une très grande chambre. Henriette et moi avions une chambre petite,Jean et Pierre aussi, une salle de bains, un long couloir qui menait à la cuisine. Il y avait une autrechambre, la bonne couchait là. On avait quand même une chambre au sixième.On avait une bonne depuis le début de la guerre. Elle est restée cinq ou six ans. Avant la guerre,nous avions eu une lorraine.Fin 17 donc, on décide de déménager, on trouve un appartement et le déménagement devait avoirlieu au mois de mars.Dans l'hiver 17-18 des gros avions de bombardement (des Gotha) ont bombardé la régionparisienne. Il y eut des bombardements très sévères : 31 janvier, février, début mars, unbombardement le vendredi 8 mars et le mardi 12. (***) Grand-père a dit alors :"Il faut partir à Puiseaux."Il a dit à ma tante Madeleine :"Tu as une maison à Puiseaux, va-t'en avec tes enfants et les enfants de Marie."Pas moi, parce que je restais avec maman, mais Henriette, Pierre et Jean et puis Suzanne Mahieuxaussi je crois et puis la cuisinière de grand-père. A ce moment-là il y avait un ménage, le mari étaiten Italie, il était mobilisé, alors il avait une femme de chambre qui restait comme bonne à tout faireet la cuisinière et sa fille qui était à peu prés de nos âges. ils sont partis tout de suite.<strong>Le</strong> bombardement avait eu lieu le 11. Grand-père a décidé ça le 12 et ils sont partis le mercredi.(13/03)Moi, je suis donc restée à Pantin seule avec maman. <strong>Le</strong> déménagement était peut-être huit ouquinze jours après.(**) : NDLR - La rue Baudin est devenue rue Pierre Sémard en 1944(***) : bombardements/Paris & banlieue, zepellins+gothas+berthas = >1000 projectiles, >500 morts, >1200blessés19