5654EUROPE© D.R.La Mal Coiffée"A l'agacha"musiques et cultures dans le mondeMONDOMIXM'aime(Label Solidaire Sirventés/L’Autre Distribution)C'est la deuxième sortiediscographique pour les sixlanguedociennes et, loind'avoir disparu, ce qui nousavait séduits lors du premierpassage s'est encore renforcé.Toujours affairées autour d'unrépertoire occitan largementtraditionnel, elles le conjuguentavec fantaisie dans un présent plutôt parfait. Après un petitchangement d’équipe – deux des voix du premier albumparties chanter vers des aventures amies (La Meute Rieuseou l’art à Tatouille) ont été remplacées – les filles bénéficienttoujours du talent de Laurent Cavalié (Du Bartàs) auxarrangements.Avec son aide, elles métamorphosent des airs souvententendus ailleurs (Lo Còr de la Plana, La Talvera…) et lesrafraîchissent. Outre le charme indéniable de leurs féminineset inventives harmonies, le parti-pris rythmique de ce secondvolume rend l'ensemble particulièrement excitant. Leur jeude percussions semble tirer ses enseignements aussibien des traditions provençales ou brésiliennes que desmusiques de transes d'Italie du Sud ou d'Afrique du Nord,voire celles de l'ère électronique. Comme pour renforcercette idée, on croirait parfois entendre dans certainsornements vocaux l’écho d'un Philip Glass ou d’un SteveReich, qui rendraient hommage aux polyphonies pygméesd'Afrique Centrale.Et même si ce n’est qu’une hypothèse, elle en dit long surl’impression d’ouverture sonore que laisse naître ce nouvelalbum, judicieusement nommé A l'agacha (« à l’affût »).L’architecture ainsi posée, reste à décrire les mouvementsparcourus. Sans brusquerie, se succèdent des tourbillons,des pointes de vitesse, des ascensions suivies desuspension aérienne ou de paisible croisière. On se laissevolontiers mener en bateau, en TGV ou en planeur. On n’enattendait pas autant d'un sextet féminin de polyphoniesprovençales ; on les en remercie ! Benjamin MiNiMuMCarlos do Carmo"Fado Maestro "(Universal Music France)Le fado ou l’âme d’une ville,Lisboa ; le fado comme essence,et ligne de vie. Ici, celle de CarlosDo Carmo – fils de la fadistaLucilia do Carmo – qui, du hautde ses 45 ans de carrière, livrece best-of, Fado Maestro. 17titres essentiels, rangés de façonchronologique (de Gaivota en1967 à Fado da Saudade en2007) découpent, sur les rivesnostalgiques du Tage, la silhouettedu maître, figure emblématique,dont les arrangements un peusurannés envoient à Lisboa cettecarte postale d’un amour jamaistari. Un voyage dans ses ruelles,dans son cœur, parmi ses gens,qui suscite l’éternel refrain dece paradoxe, miracle du fado,décrit par le scientifique João LoboAntunes comme celui d’une« saudade qui fait mal et, en mêmetemps, console. » Alln°36 sept/oct 2009
57d’autres se distinguaient par leurgoût du risque et de la pop-soulpsychédélique. C’est le cas d’Alfonsoet de sa Nueva Banda.musiques et cultures dans le mondeMONDOMIXFred Nevchehirlian"Monde Nouveau MondeAncien"(Underdog Records)M'aimeBasse, batterie, guitares, slamrockenvoûtant, poésies affûtées,Arménie et Provence : telspourrait être les mots-clés d’unerecherche sur la toile pour quiaurait oublié le nom de cet artistemarseillais. Premier album persoaprès un épisode vibrionesque(adjectif décliné de Vibrion, songroupe d’antan), Monde NouveauMonde Ancien enregistré avecun nouveau groupe et quelquesinvités (Serge Teyssot-Gay,Keyvan Chemirani, Akosh S….)trouve des liens entre texte etsons, fond et formes d’époquesépiques. Ici, dans l’intersticedes mondes, se dessine sousla houlette du producteur JeanLamoot un univers cohérent auxmots mâchés, articulés autourde leurs musiques intrinsèques.Cette douzaine de plages signéeNevché’ ouvrent la voie vers lavictoire, toujours. SquaalyBebe"Y."(EMI )Bebe avait fait un tabac avecMalo, titre dans lequel elles’attaquait à la violence conjugale.Ceux qui s’attendaient à unalbum de la même verve quePafuera Telarañas risquent d’êtresurpris ! Bebe revient aprèscinq années de silence musical(pendant lesquelles elle a dérobéde nombreuses récompensescinématographiques) avec unalbum moins festif mais d’unegrande maturité, Y., qui donneenvie d’égarer sa vie dans uncoin d’Extremadura. Avec cetopus, on nous souhaite bonneroute d’une voix rauque (Me Fui,Busco-me, ou Se Fue) et d’unregard impertinent (No Llora).La musique est sobre, moinsexcentrique, parfois mêmediscrète, mais jamais sansguitares électriques.G.W.musiques et cultures dans le mondeMONDOMIXM'aimeLa Nueva Banda deSantisteban"Sabor a Fresa" et"Sensacional Soul, vol. 2 "(Vampisoul/Differ-ant)Après des années passéesà copier les Shadows ou les Beatles,la plupart des groupes espagnolsoscillaient entre le mouvement psychéet la soul au « gusto español ». Cettemusique se mit à fleurir et à dominerles charts, dans un pays encoresous dictature. Elle a été l’étincellequi a mis le feu aux pistes de dansedes années 1960. Aujourd’hui, lelabel Vampisoul s’empare de 15titres groovy (1965-1972) dont lesauteurs sont de vrais funkaholics,pour une compile sans faussenote : Sensacional Soul, vol. 2.Plus audacieux que le premier, cesecond volume s’aventure surdes rythmes reggae (Ruddy’s inLove), flirte avec le boogaloo et levintage funk (Polucion), embrassefougueusement les sonoritésandines et modernes de la chicha,comme celles du latin-jazz. Certainsgroupes copiaient conformémentles sons des States, tandis queAlfonso, c’est un peu l’échanson dufunk, l’initiateur de délices musicaux.Auteur prolifique de chansons, deBOs de films (westerns-spaghettien particulier) et de thèmesinstrumentaux, il ne compte plus lesprix, les palmes et les disques d’orreçus. Son classique de 1971, SaborA Fresa, ressort aujourd’hui sur lemême label « caliente », Vampisoul.A coup de swing et de paillettes,il signe un album insouciant etdansant, chargé en trompettes, enchoeurs féminins et en drums breaksdangereusement bien trouvés. Ily a dans cet opus l’espace quiconvient pour se trémousser,gesticuler,gigoter...Le funk deLimón Y Salvous traverseet, pour untemps, vousprête sescouleursacidulées.Le jazz dePersecución a une allure prudente etpétille comme du champagne, tandisque les accents de bossa nova deBrincadeira charment tel un brasileiroravageur sur la plage. Et puis, rienne presse : c’est exquis de se laisserprendre par les rythmes de cet albumgorgé de soleil. Ay, que calor ! G.W.