« Je nʼai, de ma vie, jamais entrevu les couleurs », me dit une enfant non-voyante. Ellemʼexpliqua cependant les couleurs de la maison quʼelle construisait dans ses rêves. Je luidemandai « Comment peux-tu parler de ses couleurs ? » Elle répondit, « Parce que ce futmoi qui demandait aux gens de la peindre avec ces couleurs. »« Mes rêves sont mes espoirs », me dit lʼun des enfants. Elle nʼavait pu jamais au traversses yeux. Elle sourit et dit: « Je nʼai pas rêvé la nuit parce que mes rêves sont mes vœux. »Dʼoù vient cette volonté de rêver ?Un garçon me dit « Je serai fou si je me rappelais de tous mes rêves ! », et il rajouta: «Normalement, jʼai peur quand je rêve. »Avec la première fille à qui jʼai parlé, je fus très nerveuse. Elle pouvait voir un tout petit peu,et portait des lunettes de soleil. Je pouvais distinguer ses grands beaux yeux au travers deses sombres lunettes. Jʼavais emporté un enregistreur et une caméra avec moi, et lʼavaitprévenu que de la présence de ce matériel à ses côtés. Elle me dit que cela ne ladérangeait pas. Jʼenregistrais notre conversation. Plus tard, lorsque nous nousrencontrâmes encore, elle me dit que son rêve était devenu un secret. Elle mʼen dit la raisonet je lui promis de le sceller à jamais dans ma mémoire.Elle mʼa questionné: « Pourquoi demandez-vous concernant les rêves des personnes nonvoyants?Que pensez-vous quand ils vous disent? » Je ne pouvais pas répondreimmédiatement à cette question. Jʼétais curieuse de savoir comment nous allions essayerde communiquer dans un territoire où aucun dʼentre nous nʼa un contrôle visuel. Jʼai gardéla visite, en observant, en échangeant des conversations, en attendant le moment où,soudain, les choses commencent à se déployer.Mais plus jʼai appris à connaître leurs rêves, plus je réalisais la cruauté de ma question.Parfois, ils sont allés en profondeur de leur mémoire me dire quelque chose, tandis quedʼautres fois, ils ont essayé dʼimaginer leurs propres rêves. Le monde auquel jʼai été invitéeétait un espace spécial. Dans le monde des rêves partagés entre nous, il nʼy avait pas deligne que je pouvais dessiner entre leurs regards et le mien, mais seulement leurs rêves etce que jʼai imaginé à partir de leurs histoires.
Pour répondre à la question, je devais me projeter dans les rêves de ces enfants comme sijʼimaginais ce que je voyais moi-même. Mes rêves ont commencé à avoir une impressioninterconnectée avec les leurs. Cʼest un territoire où mémoire et futur se croisent.Ce que je ressens est le suivant: Rêveurs Rêve Rêves, comme une interventionarchitecturale pour la Maison de La Photographie de Marrakech.MEGUMI MATSUBARA