"représentations <strong>de</strong> <strong>la</strong> société" : "Catégories sociales ou parcours individuels ?" Convientild'analyser les pratiques à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> grilles d'analyse globales <strong>et</strong> omnibus, comme lescatégories socio-professionnelles, ou faut-il les saisir dans <strong>la</strong> singu<strong>la</strong>rité ou <strong>la</strong> spécificité<strong>de</strong>s configurations qui leur donnent du sens pour les individus qui s'y engagent ?Ces objections ne sont pas nouvelles. Il y a plus <strong>de</strong> quarante ans, lorsqu'a été stabilisé leco<strong>de</strong> <strong>de</strong>s catégories socio-professionnelles, ceux qui l'ont forgé étaient conscients d'uned'entre elles : <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> catégorisation spécifiques à chaque enquête auraient permisd'établir <strong>de</strong>s corré<strong>la</strong>tions plus élevées avec les différents comportements étudiés. Ilsprésentaient les catégories socio-professionnelles comme "un compromis acceptableentre les exigences <strong>de</strong>s diverses étu<strong>de</strong>s". Le caractère général ou "omnibus" du co<strong>de</strong> <strong>de</strong>scatégories socio-professionnelles est <strong>la</strong> condition qui perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> construire un tableaud'ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> société française à partir d'enquêtes spécifiques. Pour décrirel'ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> société, un outil <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te nature reste nécessaire.L'origine sociale a toujours une forte valeur explicativeEnsuite, on a trop vite dit que c<strong>et</strong> instrument aurait perdu <strong>de</strong> son pouvoir explicatif.Parmi bien d'autres exemples possibles, on peut prendre celui du choix, non seulementd'une discipline intellectuelle très spécifique comme <strong>la</strong> philosophie, mais encore <strong>de</strong>sspécialisations dans c<strong>et</strong>te discipline. Il semble bien y avoir là quelque chose qui relève <strong>de</strong><strong>la</strong> "vocation" <strong>la</strong> plus individuelle. C<strong>et</strong>te vocation peut sans doute, pensera-t-on, êtrerep<strong>la</strong>cée dans le contexte d'une histoire personnelle où l'expérience sco<strong>la</strong>ire joue un rôleimportant, mais <strong>la</strong> catégorie sociale du père ne semble guère pouvoir y intervenirautrement que <strong>de</strong> manière très générale (par son lien avec <strong>la</strong> réussite sco<strong>la</strong>ire). Or uneétu<strong>de</strong> récente du choix <strong>de</strong>s suj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> mémoires ou <strong>de</strong> thèses <strong>de</strong>s étudiants enphilosophie d'une part, <strong>de</strong> leurs <strong>de</strong>venirs professionnels d'autre part, perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> montrerque le choix <strong>de</strong>s spécialisations (plus ou moins traditionnelles) dans <strong>la</strong> discipline <strong>et</strong> lesusages professionnels <strong>de</strong> ces étu<strong>de</strong>s (dans l'enseignement ou en <strong>de</strong>hors) sont trèsn<strong>et</strong>tement différenciés en fonction <strong>de</strong> l'origine sociale.Ainsi, à qui dirait que le recrutement <strong>de</strong>s étudiants, en philosophie comme ailleurs, estaujourd'hui moins déterminé par l'origine sociale qu'il y a 20 ou 30 ans, on peut répondreque <strong>la</strong> manière <strong>de</strong> pratiquer <strong>la</strong> discipline <strong>et</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>stinée sociale qu'elle ouvre sont trèsaffectées par c<strong>et</strong>te origine.De tels exemples peuvent montrer que l'outil <strong>de</strong>s catégories socio-professionnelles rest<strong>et</strong>rès fécond dans <strong>la</strong> recherche sociologique, même s'il ne fournit pas toujours les résultatsqu'on en attendrait a priori. Et <strong>la</strong> thèse même selon <strong>la</strong>quelle c<strong>et</strong> outil serait en train <strong>de</strong>perdre <strong>de</strong> sa pertinence parce que l'appartenance sociale serait désormais moinsdéterminante qu'autrefois implique, si l'on veut produire <strong>de</strong>s données susceptibles <strong>de</strong> <strong>la</strong>justifier, qu'on y ait recours. Ni <strong>la</strong> complexification possible <strong>de</strong>s analyses, ni le re<strong>la</strong>tiféc<strong>la</strong>tement <strong>de</strong>s cadres sociaux traditionnels, ne <strong>de</strong>vraient conduire à rem<strong>et</strong>tre enquestion <strong>de</strong> manière radicale un outil d'analyse qui reste nécessaire à <strong>la</strong> <strong>de</strong>scription <strong>et</strong>l'analyse <strong>de</strong> notre société <strong>et</strong> dont les vertus heuristiques ne sont pas épuisées.Ce<strong>la</strong> n'implique nullement qu'il faille utiliser les catégories socio-professionnelles sanss'interroger sur leur contenu concr<strong>et</strong> ni se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r dans quelle mesure ellescorrespon<strong>de</strong>nt à <strong>de</strong>s groupes sociaux homogènes : <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> ce type, comme ceuxd'A<strong>la</strong>in Chenu sur le groupe <strong>de</strong>s employés, sont au contraire <strong>de</strong>s contributions précieusesà l'analyse sociologique <strong>de</strong> <strong>la</strong> structure sociale <strong>de</strong> notre pays.Résumé <strong>de</strong> l'introduction au débat
François Héran : Face au débat récurrent individus/groupes, catégories/réseaux, onpeut adopter <strong>la</strong> position <strong>de</strong> Freyssin<strong>et</strong> : "<strong>la</strong>issons les tous vivre". Pour ma part, je nevois pas le déclin <strong>de</strong>s PCS dans les publications <strong>de</strong> l'INSEE.Des travaux récents montrent bien que <strong>la</strong> PCS à un pouvoir <strong>de</strong>scriptif <strong>et</strong> explicatifimportant (participation électorale, ai<strong>de</strong>s aux enfants dans leur travail sco<strong>la</strong>ire...). Dansl'opposition école publique, école privée par exemple les agriculteurs, les patrons, lesenseignants se détachent fortement.La PCS est une construction , qui s'appuie sur les représentations instituées du corpssocial par lui-même, au travers <strong>de</strong>s Conventions collectives notamment. Elle situe <strong>de</strong>sgroupes <strong>de</strong> façon concrète. Si on veut passer du <strong>de</strong>scriptif à l'explicatif il faut considérer<strong>la</strong> PCS comme un paqu<strong>et</strong> <strong>de</strong> propriétés qu'il est bon <strong>de</strong> déballer, pour peser séparémentleurs eff<strong>et</strong>s.Il y aura bientôt un vrai débat dans le cadre <strong>de</strong> l'harmonisation européenne, avec lesreprésentations anglo-saxonnes, qui sont <strong>de</strong>s constructions d'universitaires sansintervention <strong>de</strong>s partenaires sociaux.Un autre mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> construction fait intervenir les jugements <strong>de</strong> l'opinion publique(techniques <strong>de</strong>s échelles <strong>de</strong> prestige), mais on privilégie alors indument les catégories lesplus connues, les plus cristallisées (par exemple : bou<strong>la</strong>ngers, notaires, pilotesd'avion...).Résumé du débat avec <strong>la</strong> salleA.Desrosières : F.Héran a soulevé le problème très grave <strong>de</strong> l'harmonisationeuropéenne : c'est sans doute elle qui peut rem<strong>et</strong>tre en cause le plus profondément <strong>la</strong>construction <strong>de</strong>s PCS.J.Magaud : Comment les acteurs, les groupes sociaux, se servent <strong>de</strong>s CS ? le vrai débateuropéen est là, si on ne veut pas défendre un point <strong>de</strong> vue nationaliste.N.Bosch<strong>et</strong> : Y-a-t-il vraiment un différence entre les représentations institutionnalisées<strong>et</strong> celles <strong>de</strong> l'opinion publique ? mes élèves reproduisent "spontanément" les CSP.P.Verneuil : Que peut-on dire <strong>de</strong> l'utilité (ou <strong>de</strong> l'efficience) <strong>de</strong>s différents mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong>représentation ?Ch.Cheix : certains critères <strong>de</strong>s PCS ne sont-ils pas dépassés ? ex :intellectuels/manuels.F.Boccara : Les transformations profon<strong>de</strong>s dans le travail mais aussi hors travail,provoquent <strong>la</strong> remise en cause <strong>de</strong>s PCS.F.Héran : La différence manuel/intellectuel n'est pas un critère pour les CS françaises,mais c'en est un en Angl<strong>et</strong>erre. En France, les statisticiens ne déci<strong>de</strong>nt pas à <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>sacteurs sociaux. L'efficience <strong>de</strong> <strong>la</strong> PCS peut être montrée dans ses re<strong>la</strong>tions avec lesdiplômes, ce qui implique que sa construction soit indépendante <strong>de</strong> ceux-ci. Le problème<strong>de</strong> l'harmonisation européenne vient <strong>de</strong> ce que les CS sont liées aux histoires nationales.D.Merllié : Les PCS sont en principe une construction à géométrie variable, mais ellessont généralement utilisées à un niveau regroupé (les CS).Les c<strong>la</strong>ssification ang<strong>la</strong>ises sont anciennes, <strong>et</strong> reproduisent les c<strong>la</strong>sses sociales, danslesquelles les gens savent se situer. En France, les échelles <strong>de</strong> prestige brouillent les