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Troupeaux sous les tropiques - TransFAIRE - Inra

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<strong>Troupeaux</strong><strong>sous</strong> <strong>les</strong> TropiquesLes productions anima<strong>les</strong> au Sud se trouvent dans une situationparadoxale : d’une part, répondre à une demande croissante, surtoutdans <strong>les</strong> pays émergents, et d’autre part, ne pas trop empiéter sur <strong>les</strong>cultures alimentaires humaines et maîtriser <strong>les</strong> impacts de l’élevagesur l’environnement. Des élevages intensifs aux troupeaux du Sahel, la palettedes systèmes d’élevage est large. C’est de cette diversité que s’inspirela recherche pour proposer des pistes d’amélioration tant en efficience qu’endurabilité, pistes à adapter au cas par cas. Ce dossier montre des exemp<strong>les</strong>de travaux menés conjointement par l’<strong>Inra</strong> et le Cirad qui allient leurscompétences complémentaires : connaissances génériques, expérimentations,mais aussi enquêtes sur le terrain et formation.© William Beaucardet© <strong>Inra</strong> / Maurice Mahieu


© <strong>Inra</strong> / Maurice Mahieu1 L’élevage en régions chaudes :un enjeu pour la rechercheEn 2050, <strong>les</strong> prospectives internationa<strong>les</strong> tablent sur le doublement des productions anima<strong>les</strong>,localisées surtout dans <strong>les</strong> « pays du Sud ». L’élevage a, dans ces régions, un poidséconomique et social particulièrement fort. Mais il est confronté à trois problématiques :une consommation en augmentation, une compétition entre <strong>les</strong> terres destinéesà l’alimentation animale et cel<strong>les</strong> consacrées à l’alimentation humaine, et enfin <strong>les</strong> impactsenvironnementaux des activités d’élevage.Dans la plupart des pays, onobserve que l’augmentationde la consommationde viande est directementproportionnelle à l’augmentation desrevenus. Ce phénomène général estparticulièrement marqué depuisvingt ans dans des pays émergentstels que la Chine, le Brésil et l’Inde. Ledoublement des productions anima<strong>les</strong>anticipé pour 2050 permettraseulement aux habitants du Sud d’atteindreun tiers de la consommationdes habitants du Nord.L’élevage gagne du terrainet s’intensifie au SudL’élevage au Sud tend à s’intensifier età se spécialiser, ce qui répond à desfinalités d’économie d’échelle etd’accès au marché. La taille moyennedes élevages augmente rapidementdans de nombreuses régions tandisque le nombre d’éleveurs diminue(FAO, 2009). Les élevages se spécialisentet tendent à se concentrer à lapériphérie des vil<strong>les</strong> au détrimentdes zones rura<strong>les</strong>. Ce sont <strong>les</strong> élevagesde monogastriques qui se développentle plus vite : +280% et +200%respectivement pour <strong>les</strong> effectifs devolail<strong>les</strong> et de porcs, depuis 1960,contre seulement +50% pour <strong>les</strong>ruminants. L’intensification induitdivers effets négatifs selon <strong>les</strong> régions,tels que : surpâturage en terres semiarides(Afrique et Inde), déforestationen Amazonie, accumulationChiffres clés• 70% des animauxd’élevage sont chez deséleveurs hors paysindustrialisés• La moitié des culturesvivrières dans <strong>les</strong>agricultures familia<strong>les</strong> despays en développementutilise des animaux de trait• L’élevage emploie 1,3milliard de personnes dansle monde et contribue à fairevivre 1 milliard de pauvresdans <strong>les</strong> pays du SudIIINRA MAGAZINE • N°19 • DÉCEMBRE 2011


d’effluents d’élevage (Asie du Sud-Est,régions insulaires) ou encore régressiondes systèmes polyculture/ élevagedans <strong>les</strong> régions tropica<strong>les</strong> d’altitude(Afrique centrale, corne de l’Afrique,Indonésie, Népal).L’élevage remis en questionDeux conséquences apparaissent critiques.D’une part, l’augmentationprévisible des surfaces consacrées àl’élevage, dans un contexte de compétitionpossible avec <strong>les</strong> cultures alimentaireshumaines. Car il fautcompter non seulement <strong>les</strong> pâturages,qui occupent déjà près de 30% desterres émergées hors gel, mais aussi<strong>les</strong> cultures pour nourrir <strong>les</strong> animaux(un tiers des terres cultivées sontdédiées à la production d’alimentspour le bétail).D’autre part, au Sud comme au Nord,<strong>les</strong> impacts défavorab<strong>les</strong> de l’élevagesur l’environnement sont pointés dudoigt depuis <strong>les</strong> années 90, avec unpoint d’orgue lors de la parution d’unrapport de la FAO (1), selon lequel <strong>les</strong>activités d’élevage contribueraient àel<strong>les</strong> seu<strong>les</strong> à 18% des émissions de gazà effet de serre d’origine humaine (2).Plus récemment, deux autres rapportsmajeurs (3) nuancent ce constat enprenant en compte <strong>les</strong> services écologiquesofferts par l’élevage, son rôleéconomique et social, et <strong>les</strong> bienfaitsdes produits animaux sur la santéhumaine, en particulier sur le développementdes enfants (voir tableau).◗Pour une vision d’ensemble des impacts de l’élevage(cas des ruminants)IMPACTS POSITIFSSource de protéines anima<strong>les</strong>Valorisation des espaces prairiauxet des végétaux non consommab<strong>les</strong>par l’hommePourvoyeur majeur de fertilisationorganiqueLA COMPLEXITÉ des impacts contrastés de l’élevage fait qu’il est très difficile d’en établir unbilan global positif ou négatif, et ce d’autant plus qu’il existe une grande variété de systèmesprésentant des impacts également très divers.L’élevage ne sert pasqu’à produire des alimentsLa logique de l’intensification répondprincipalement à la fonction productivede l’élevage (viande, lait, œufs,laine…). Mais l’élevage possède biend’autres rô<strong>les</strong> qui sont de plus en plusconsidérés dans <strong>les</strong> réflexions internationa<strong>les</strong>.D’abord, particulièrementau Sud, il représente un capital surpied qui participe à la sécurisation desfamil<strong>les</strong>. Nombre d’éleveurs ne s’inscriventpas dans une logique de marchéoù primerait la productivité, maisdans des stratégies de préservation deleur troupeau face aux aléas pourIMPACTS NÉGATIFSConsommation de ressources : eau,énergie, phosphates, etc.Compétition animal/humain pour<strong>les</strong> ressources alimentairesPollution des eaux et des sols(nitrates)Emissions de gaz à effet de serre(CH 4 , CO 2 , N 2 O)Prairies : stockage de carbone Déforestation : émission de CO 2Traction pour l’agricultureSécurisation monétaire, valeursculturel<strong>les</strong>, religionSelon <strong>les</strong> systèmes : maintien de labiodiversité et entretien du paysageCompaction et dégradation des solsSelon <strong>les</strong> systèmes : dégradationde la biodiversité et du paysagegarder une réserve monétaire. De plus,<strong>les</strong> formes de polyculture/élevage,souvent moins productives que <strong>les</strong> élevagesspécialisés, ont un rôle économiqueindirect en modelant <strong>les</strong>paysages et en maintenant une diversitéde ressources, là encore bénéfiqueen cas d’aléas.Ces fonctions supplémentaires de l’élevagediffèrent selon <strong>les</strong> régions,Sahel, Amazonie, Vietnam, etc. Larecherche <strong>les</strong> prend en compte, ainsiPâturages versus forêt : quel bilan carbone ?Un exemple de recherche pour tenter d’évaluer <strong>les</strong> impacts contradictoires de l’élevage consiste à mesurer <strong>les</strong> gains et pertesen émissions de GES lorsqu’on remplace de la forêt tropicale par des élevages de ruminants. C’est le cas en Guyaneoù la forêt représente 90% du territoire et où des portions de cette forêt sont défrichées pour développer, entre autres, lafilière bovine, qui ne couvre actuellement que 15% de la consommation. Le projet CARPAGG*, qui associe étroitement le Ciradet l’<strong>Inra</strong>, s'appuie sur des installations de mesure de flux de carbone (C) mises en place par <strong>les</strong> deux instituts à la fois enforêt et dans des prairies issues de déforestation, ce qui permet d’avoir des mesures comparab<strong>les</strong>. Les résultats en coursmontrent que le stock de carbone du sol des prairies augmente avec le temps jusqu’à dépasser celui des forêts d'origine :de 130 à 141 tonnes de C par ha <strong>sous</strong> prairies de plus de trente ans, contre 80 à 112 tonnes de C par ha dans <strong>les</strong> sols desforêts témoins. Les prairies tropica<strong>les</strong> guyanaises sont donc capab<strong>les</strong> dans certaines conditions de compenser <strong>les</strong> pertesen C du sol occasionnées par la déforestation. Par contre, au niveau de la biomasse végétale aérienne, <strong>les</strong> stocks de carboneaccumulés par la forêt restent supérieurs : 150 et 250 tonnes par ha en Guyane. Ces travaux, en lien avec <strong>les</strong> autresdispositifs de CARPAGG (mesures des flux de CO 2 atmosphérique, de méthane et de N 2 O) fourniront des références pour<strong>les</strong> autres pays de la zone amazonienne comme le Brésil où le processus de défrichage en faveur de l’élevage a été jusqu'àprésent de bien plus grande ampleur.* Le projet CARPAGG, « CARbone des PAturages de Guyane et GES », 2010-2013, co-financé par <strong>les</strong> Fonds européens de développement régional (Feder) et leCirad, est coordonné par l'UMR SELMET : Systèmes d'Elevage en milieux Méditerranéens et Tropicaux), et associe <strong>les</strong> unités INRA UREP (Unité de recherche surl'Ecosystème Prairial) de Clermont-Ferrand, URZ (Unité de Recherches Zootechniques) des Antil<strong>les</strong> et l'UMR ECOFOG (Ecologie des Forêts de Guyane).INRA MAGAZINE • N°19 • DÉCEMBRE 2011III


2 A la recherche d’une productiondurable et localeDe l’animal à son alimentation et à son mode de conduite, la recherche s’intéresse à toutes<strong>les</strong> composantes de l’élevage. Les travaux conduits au centre <strong>Inra</strong> des Antil<strong>les</strong>-Guyaneen sont une bonne illustration.© IRD / Olivier BarrièreDans la Caraïbe commedans d’autres régions duSud, l’élevage oscille entredes systèmes « modernes »et des systèmes plus traditionnels. Cesderniers concernent aux Antil<strong>les</strong> unplus grand nombre d’éleveurs et ontune forte portée sociale dans cetterégion où le taux de chômage est particulièrementélevé. Cette situationoffre aux chercheurs l’opportunitéd’étudier, dans <strong>les</strong> mêmes conditions,<strong>les</strong> deux modè<strong>les</strong> et tous leurs intermédiaires.L’<strong>Inra</strong> possède aux Antil<strong>les</strong>une de ses trois unités dédiées à l’élevageen régions chaudes (1). Situéeen Guadeloupe, l’unité de rechercheszootechniques (URZ) regroupe unecinquantaine de personnes. L’URZpossède une plateforme expérimentaletrès bien équipée et déployée surdeux sites, l’un en zone sèche et l’autreen zone humide, ce qui permetd’étudier une diversité de milieuxphysiques et de systèmes (pâturagesou hors-sol). Les expérimentationsen milieu tropical réalisées à l’URZcomplètent <strong>les</strong> études de terrain effectuéespar <strong>les</strong> autres unités et inversement.L’adaptation, critère cléde recherche« On est allé, dans <strong>les</strong> années 70, jusqu’àimporter en Guadeloupe la chèvrealpine, le cochon chinois et la vachefrisonne ! analyse Danielle Cé<strong>les</strong>tine-Myrtil-Marlin, présidente du centre<strong>Inra</strong> Antil<strong>les</strong>-Guyane. Les objectifs de larecherche étaient alors d’adapter etd’implanter <strong>les</strong> espèces de métropoleaux écosystèmes tropicaux. Mais beaucoupne résistaient ni au climat tropical,ni au parasitisme ou aux maladies présentes,et ne s’adaptaient pas aux ressourcesalimentaires disponib<strong>les</strong>. Larecherche s’est alors tournée vers l’étudeet la valorisation des ressources loca<strong>les</strong> ».Tout en conservant des compétencesdans l’étude des systèmes d’élevageintensifs, <strong>les</strong> chercheurs caractérisentdepuis quinze ans la génétique desraces loca<strong>les</strong> Créo<strong>les</strong> porcines, bovines,ovines et caprines. Ils traquent <strong>les</strong>mécanismes physiologiques del’adaptation. Face aux contraintes desrégions chaudes (température, humidité,maladies), <strong>les</strong> races Créo<strong>les</strong> ont eneffet développé d’importantes capacitésd’adaptation. Avec le changementclimatique et <strong>les</strong> crises sanitaires, cesraces loca<strong>les</strong> constituent un réservoirde gènes d’un intérêt majeur.Par l’étude des comportements et de lagénétique des porcs Créo<strong>les</strong> et nonCréo<strong>les</strong>, l’<strong>Inra</strong> explore actuellementdes outils de sélection génétique pouraméliorer la résistance des élevages à lachaleur, contrainte majeure pour leINRA MAGAZINE • N°19 • DÉCEMBRE 2011 V


ien-être et la productivité animale.David Renaudeau, chercheur à l’URZ,explique « actuellement, la recherchedes zones du génome impliquées dans ledéterminisme de l’aptitude à tolérer lachaleur est en cours. Ces travaux permettrontà terme de développer desméthodes de sélection plus efficaces,basées sur <strong>les</strong> marqueurs moléculaires.Débutés en 2011, ils reposent sur undispositif basé sur des croisements entredes porcs Créole et Large White ». Leschercheurs se sont ainsi aperçus que latempérature rectale du porc, critère leplus fréquemment utilisé pour caractériserla sensibilité des animaux à lachaleur, est un caractère partiellementhéritable génétiquement qui pourraitdevenir un critère de sélection pouraméliorer la productivité porcine enrégions tropica<strong>les</strong> humides.Les races Créo<strong>les</strong> ont aussi développédes résistances aux maladies, nombreusesen climat tropical. Les chercheursétudient depuis 2000 <strong>les</strong> gènesimpliqués dans la résistance des petitsruminants aux strong<strong>les</strong> gastro-intestinaux(parasites du tube digestif occasionnantdes pertes de productionimportantes). Ils étudient également ledéterminisme génétique de la sensibilitéà la cowdriose, maladie mortelled’origine bactérienne et transmise pardes tiques.« Ces recherches sur <strong>les</strong> populationsanima<strong>les</strong> indigènes restent cependantinsuffisantes dans de nombreuses zonestropica<strong>les</strong> » analyse Maryline Boval,directrice de l’URZ. En 2007, la FAOa identifié 7 045 races loca<strong>les</strong> et 1 051races transfrontières. Deux tiers deces races sont localisés dans <strong>les</strong> paysLa génétique au service de l’histoiredes races Créo<strong>les</strong>Utilisant des méthodes modernes de génotypage et d’analyse de ladiversité génétique, Michel Naves, chercheur à l’URZ, en collaborationavec l’équipe GABI* de Jouy-en-Josas, retrace l’histoire desraces Créo<strong>les</strong>. Ces races se sont différenciées <strong>sous</strong> l’influence de facteursdivers : migration et métissage entre races d’origine diverses,sélection naturelle influencée par le milieu ambiant et orientationdictée par l’homme en fonction des usages. Les principa<strong>les</strong> espècesd’élevages actuel<strong>les</strong> n’existaient pas dans la Caraïbe et <strong>les</strong> Amériquesjusqu’à la colonisation au XV e siècle. Les colons espagnols et portugaisy implantèrent des animaux utilisés comme réserves denourriture (lait, viande) et de services (cuir, traction…). Puis, le« commerce triangulaire » avec <strong>les</strong> comptoirs d’Afrique de l’Ouest aintroduit régulièrement, entre le XVI e et le début du XIX e siècle, desanimaux domestiques issus de cette région. On retrouve ainsi uneforte composante génétique d’origine africaine dans <strong>les</strong> races ovinesà poils de la Caraïbe, chez <strong>les</strong> chèvres Créo<strong>les</strong> des Antil<strong>les</strong>, etchez le bovin Créole de Guadeloupe, et jusque chez <strong>les</strong> races loca<strong>les</strong>du Brésil. Des échanges ont également eu lieu entre <strong>les</strong> î<strong>les</strong> dela Caraïbe et le continent américain. A partir du XIX e siècle, desintroductions avec des croisements plus ou moins organisés dezébus indiens et plus récemment de races européennes ont modifiéle cheptel bovin de la région Amérique-Caraïbe. En revanche,<strong>les</strong> introductions d’animaux de races pures spécialisées d’originetempérée ont eu peu de succès, du fait des contraintes de l’environ -nement tropical. Les chercheurs de l’<strong>Inra</strong> ont déterminé la contributiondes différents rameaux au génome du bovin Créole deGuadeloupe : une prédominance d’origines zébu (38 %) et taurineafricaine (36 %), et plus faiblement européenne (26 %), principalementd’Europe du Sud (17 %). Des « signatures de sélection » sontobservées dans différentes régions génomiques, dont certainessemblent être associées à des caractères d’adaptation (solidité dusquelette, métabolisme lipidique, développement embryonnaire,résistance aux maladies).* UMR GABI : Génétique animale et biologie intégrative.en voie de développement et restentmal caractérisés sur le plan phénotypiqueet génétique.De nouvel<strong>les</strong> ressourcesalimentaires loca<strong>les</strong>pour plus d’autonomieAlors que <strong>les</strong> données abondent sur<strong>les</strong> propriétés nutritives des grandesmatières premières d’exportation :maïs, soja, sorgho, que sait-on desressources des régions chaudes tel<strong>les</strong>que <strong>les</strong> tubercu<strong>les</strong> et fruits amylacés, <strong>les</strong>protéagineux, <strong>les</strong> graminées et <strong>les</strong> légumineusesindigènes de ces régions quipourraient servir aussi dans l’alimentationanimale ? Car pour utiliser defaçon optimale ces ressources loca<strong>les</strong>pour nourrir ses bêtes, l’éleveur abesoin de connaître plusieurs paramètres,tels que la valeur nutritive del’aliment (sa composition chimique,en protéines, sucres, fibres, etc.), sadigestibilité (proportion ingérée quiest retenue par l’animal), son ingestibilité(quantité pouvant être ingérée◗PORCS CRÉOLES.© <strong>Inra</strong> / Maurice MahieuVIINRA MAGAZINE • N°19 • DÉCEMBRE 2011


par l’animal). C’est pourquoi l’<strong>Inra</strong>,le Cirad et l’Association française dezootechnie se sont associés dans unprogramme de quatre ans pour fournirces données <strong>sous</strong> forme de tab<strong>les</strong>d’alimentation en régions chaudes, àl’instar des tab<strong>les</strong> vertes bien connuespour <strong>les</strong> régions tempérées. Pour cela,<strong>les</strong> chercheurs collectent le maximumd’informations à partir de la bibliographieet de leurs contacts dans différentesrégions du monde, Asie,Afrique, et Amérique latine. Ces informationsprimaires sont rassembléesdans un premier temps <strong>sous</strong> formed’une base de données, qui sera hébergéesur le site de la FAO. Partie prenantede ce projet d’ampleurinternationale, la FAO en finance unepartie. 700 fiches descriptives d’alimentsseront disponib<strong>les</strong> en 2013.Outre <strong>les</strong> données de nutrition debase, el<strong>les</strong> contiendront d’autres typesd’informations pour une évaluationmulticritère plus complète, par exemple,<strong>les</strong> propriétés médicina<strong>les</strong> ou lavaleur environnementale (consommationd’énergie et d’intrants pourproduire l’aliment, conséquences deleur utilisation sur la composition deseffluents émis par <strong>les</strong> animaux).◗La synergie élevage/agricultureLes chercheurs de l’URZ deGuadeloupe ont braqué leur loupe sur<strong>les</strong> systèmes traditionnels de polyculture/élevagequi concernent 80% desexploitations antillaises. Grâce à uneapproche biotechnique fouillée, ilsmettent en valeur <strong>les</strong> potentialités deces systèmes et proposent des pistesLe manioc et la banane, futurs alicaments ?Les feuil<strong>les</strong> de manioc, outre leur richesse en azote, contiennent destanins condensés et autres métabolites secondaires, qui ont uneaction protectrice contre un parasite gastro-intestinal* responsablede dégâts importants chez <strong>les</strong> ovins et caprins. C’est ce qu’ontmontré <strong>les</strong> chercheurs de l’URZ : l’apport de feuil<strong>les</strong> de maniocdans la ration (composée aussi de foin et de tubercu<strong>les</strong> de maniocpour l’apport en glucides) permet de diminuer de moitié <strong>les</strong> infectionsexpérimenta<strong>les</strong> par le parasite chez des agneaux Créo<strong>les</strong>. « Lemanioc pourrait ainsi servir d’alicament, à la fois aliment et médicament,explique Carine Marie-Magdeleine. En plus, cela permettraitde valoriser <strong>les</strong> déchets de récolte, puisqu’actuellement, seuls <strong>les</strong>tubercu<strong>les</strong> de manioc sont valorisés ». Le problème du manioc estqu’il contient aussi des métabolites cyanogènes, qui produisent ducyanure après ingestion. « Mais on arrive à éliminer complètementcette toxicité en faisant faner <strong>les</strong> feuil<strong>les</strong>, complète la chercheuse.Nous poursuivons <strong>les</strong> recherches sur le mécanisme d’action destanins condensés sur le parasite. Ainsi, on connaîtra mieux <strong>les</strong>potentialités du manioc, encore peu utilisé en alimentation animaleaux Antil<strong>les</strong> ». Les chercheurs, dont la stratégie est de valoriser <strong>les</strong>coproduits des cultures, étudient aussi un autre alicament potentiel :<strong>les</strong> feuil<strong>les</strong> et le tronc de bananier, qui possèdent aussi des propriétésantiparasitaires, vraisemblablement via des molécu<strong>les</strong> de la familledes terpénoïdes.* Le nématode Haemonchus contortus.BOVINS CRÉOLES en saison sèche, élevage au piquet, complémentationavec feuil<strong>les</strong> de canne à sucre (en arrière-plan).pour <strong>les</strong> valoriser au mieux. Le principede base est la complémentaritéentre culture et élevage : <strong>les</strong> animauxsont nourris par <strong>les</strong> résidus agrico<strong>les</strong> etfournissent en retour l’amendementorganique du sol par leurs déjections.Il en est ainsi par exemple des exploitationscombinant la canne à sucre etdes troupeaux mixtes porcs-ruminantsou encore de plantations de bananeassociée à l’élevage de porcs. Véritab<strong>les</strong>banques d’énergie, la canne à sucre etla banane présentent l’avantage d’êtredisponib<strong>les</strong> pendant toute la périoded’engraissement des animaux. Leschercheurs ont montré récemmentque le jus de canne ou la banane peuventcouvrir tous <strong>les</strong> besoins énergétiquesdes porcs sans recourir à l’usagede céréa<strong>les</strong> importées. En ajoutant dutourteau de soja (pour l’instantincontournable pour l’apport azoté),on obtient le même taux de croissancequ’avec un aliment industriel complet(céréa<strong>les</strong>/tourteau de soja), avec uncoût énergétique divisé par deux, dufait de l’économie réalisée sur la fabricationet le transport des aliments. Deplus, ces systèmes peuvent valoriser leporc Créole, bien adapté au climat et àla chair particulièrement goûteuse. Eneffet, avec une nourriture optimale,son taux de croissance, situé habituellementautour de 150-300 g/j, peut© <strong>Inra</strong> / Maurice MahieuINRA MAGAZINE • N°19 • DÉCEMBRE 2011VII


◗ DOSSIER◗atteindre 600 g/j. (2). En conditionsexpérimenta<strong>les</strong>, 0,5 ha de canne ou debanane peut engraisser 30 porcs.L’intro duction de ruminants permetde valoriser toutes <strong>les</strong> parties de lacanne à sucre (y compris bagasse ettête de canne), condition pour la rentabilitéde l’exploitation. La banane estmoins chère que la canne car on utilisedes bananes déclassées, qui représententjusqu’à 15 à 20% de la production.L’ensemble des données accumuléessur ce type d’exploitations a permisaux chercheurs de <strong>les</strong> modéliser et decalculer, entre autres, <strong>les</strong> équilibresoptimums entre <strong>les</strong> surfaces cultivées et<strong>les</strong> effectifs d’animaux.Les recherches se poursuivent pourutiliser d’autres ressources alimentairesloca<strong>les</strong>, en particulier pour l’apporten azote : feuil<strong>les</strong> de manioc, de patate,etc. Sont étudiés, entre autres, <strong>les</strong> éventuelsfacteurs antinutritionnels et <strong>les</strong>traitements biotechnologiques quipourraient <strong>les</strong> réduire, rendre ces produitsplus ingestib<strong>les</strong> et digestib<strong>les</strong>(séchage, ensilage, conversion enfarine). Pour Harry Archimède, directeurde recherche à l’URZ, « il y a desobstac<strong>les</strong> à surmonter pour que ces innovationssoient acceptées par <strong>les</strong> agriculteurs,par exemple le coût en travail oula réputation de toxicité de certains végétaux,comme le manioc. Mais pas seulement...Le progrès est toujours plusrapide sur <strong>les</strong> critères biotechniques quesur l’appropriation de nouvel<strong>les</strong> pratiques.Il faut aussi considérer <strong>les</strong> critèresBANANES DÉCLASSÉES et destinées à l’alimentation des porcs.L’agro-écologie à l’œuvre en AfriqueHarry Archimède témoigne à la suite d’un récent voyage effectué enAfrique dans le cadre d’une collaboration <strong>Inra</strong>/Cirad.Au Mali et au Burkina Faso, j’ai pu visiter des exploitations qui illustrentparfaitement le concept d’agro-écologie que nous cherchons àretrouver dans <strong>les</strong> pays du Nord et d’autres régions du Sud. El<strong>les</strong> sontbasées sur des associations entre végétaux d’une part, et entre animauxet végétaux, d’autre part. Par exemple, le pois, culture à cyclecourt qui occupe la strate basse de l’espace, est associé à des céréa<strong>les</strong>,maïs, ou sorgho, ou millet, cultures à cycle plus long et qui occupentla strate haute. Ainsi, on a une occupation maximale du soldans l’espace et dans le temps. Le pois limite le développement desmauvaises herbes en couvrant le sol et apporte de l’azote en tant quelégumineuse. Ses grains sont consommés par l’homme et <strong>les</strong> fanespar <strong>les</strong> animaux, qui contribuent eux-mêmes à la fertilisation organiquedu sol. Le maïs sert de tuteur à certaines variétés grimpantes depois, sans que cela pose problème pour la récolte, puisqu’elle est effectuéemanuellement. Au milieu de ces cultures, on peut en plus trouverdes arbres (dont <strong>les</strong> racines explorent des horizons plus profondsdu sol), par exemple pour la production d’huile de karité, dont une partieest exportée. On a donc là un système extrêmement riche, productifet cohérent avec le contexte socio-économique de ces pays, où lamain-d’œuvre n’est pas limitante. Je connaissais une telle diversitédans nos jardins créo<strong>les</strong> de la Caraïbe, mais là, elle est mise enœuvre sur des surfaces de plusieurs hectares, ce qui demande unetrès bonne maîtrise technique. Sans vouloir transférer partout ces systèmes,on peut s’inspirer de certains de ses concepts, en particulierpour réintroduire une plus grande diversité et complémentarité desproductions. Inversement, si ces systèmes africains sont amenés àévoluer, il est important de conserver leur cohérence : ce serait uneerreur par exemple de <strong>les</strong> mécaniser à la manière des systèmes duNord. Je verrais plutôt une mécanisation plus fine, qui imiterait mieuxl’action humaine, inspirée de la robotique…sociologiques. Une démarche de rechercheplus participative pourrait contribuerà réduire <strong>les</strong> délais ».© <strong>Inra</strong> Antil<strong>les</strong> - GuyaneLes pratiques traditionnel<strong>les</strong>sont efficientesLes chercheurs ont revisité l’élevageau piquet, qui concerne encoreactuellement 90% des élevages debovins en Guadeloupe. MarylineBoval, qui a effectué sa thèse sur cettepratique traditionnelle, résume :«avec un piquet et une chaîne, l’éleveurutilise à moindre coût des surfacesréduites et diversifiées (en friche, pentues,<strong>les</strong> arrières de mangrove...) parfoisnon valorisab<strong>les</strong> autrement. De plus,contrairement aux apparences, le systèmeest intensif, on peut en effetconduire des troupeaux de plus de 40têtes et atteindre des vitesses de croissanceélevée (700 g/j) ainsi que desniveaux de charge importants(4 bovins par ha) ». L’éleveur économise<strong>les</strong> clôtures et <strong>les</strong> intrants et surtoutbénéficie de la flexibilité dusystème : il peut jouer sur le nombrede déplacements par jour, sur la longueurde la chaîne, sur le délai deretour sur une parcelle pour optimiserà la fois son pâturage et sa productionde viande.VIIIINRA MAGAZINE • N°19 • DÉCEMBRE 2011


La flexibilité, un conceptdu Sud qui inspire le NordLa flexibilité est l’un des maîtres-motsde l’élevage au Sud. Car préserver lepotentiel de son troupeau dans desconditions parfois diffici<strong>les</strong> s’avère plusimportant que maximiser la production.Les leviers sont variés selon <strong>les</strong>systèmes. Au Sahel par exemple, <strong>les</strong>éleveurs prennent en pension <strong>les</strong> animauxd’une autre famille, ce qui permetde renforcer <strong>les</strong> liens de solidaritéet de minimiser <strong>les</strong> aléas climatiqueslocaux grâce à une plus grande dispersiongéographique. La gestion de leurtroupeau est également souple, latranshumance par exemple dépendde la disponibilité en herbe. Les bélierset <strong>les</strong> taureaux sont présents à demeuredans le troupeau, ce qui permetd’étaler <strong>les</strong> mises bas, toujours en prévisionde périodes climatiques défavorab<strong>les</strong>.Les chercheurs de l’<strong>Inra</strong> ontégalement étudié des élevages enUruguay et en Argentine, pour <strong>les</strong>quelson distingue des leviers de flexibilitéexternes (pluriactivité, gestioncollective) et internes (extensivité,diversification des périodes de misesbas et des produits, larges possibilitésd’adaptation des itinéraires techniquesselon le contexte). Pour BenoitDedieu (3) « cette notion de flexibilitégagne <strong>les</strong> élevages du Nord, qui ont aussibesoin de marges de manœuvre dans◗ARCHÉTYPE DE BIODIVERSITÉ VÉGÉTALE, <strong>les</strong> jardins créo<strong>les</strong> qui bordent de nombreuseshabitations font office à la fois de garde-manger et de pharmacie : ici, igname, malanga, canneà sucre. Quelques animaux au piquet (porcs, chèvres) profitent de l’ombre des arbreset entretiennent la fertilité.un contexte de plus en plus incertain :volatilité des prix mondiaux, diminutiondes soutiens à l’agriculture en Europeet affirmation des risques climatiques ».(1) Les deux autres sont :- l’unité SELMET Systèmes d'élevage méditerranéenset tropicaux, basée à Montpellier : unité mixte Cirad/<strong>Inra</strong>-SupAgro de Montpellier qui regroupe une soixantaine depersonnes, dispose de plusieurs sites expérimentauxprès de Montpellier ainsi que de terrains enMéditerranée, au Sénégal et à La Réunion.- le laboratoire de recherche sur le développementde l’élevage (LDRE) de Corte en Corse, qui étudie<strong>les</strong> parcours méditerranéens et <strong>les</strong> dispositifsde qualification.(2) Ce taux de croissance reste cependant inférieur àcelui du porc Large White, moins bien adapté au climatmais préféré dans <strong>les</strong> systèmes intensifs (850 g/j).(3) Directeur de recherche à l’unité METAFORTMutations des activités, des espaces et des formesd'organisation dans <strong>les</strong> territoires ruraux, <strong>Inra</strong> deClermont-Ferrand.© <strong>Inra</strong> /Elodie George© IRD / Olivier Barrière◗TRAITE DES VACHES dans le village peul de Wuro Neema (Mali).INRA MAGAZINE • N°19 • DÉCEMBRE 2011IX


3Santé des élevages :un point critique en régionschaudesLes conditions climatiques, environnementa<strong>les</strong>, socio-économiques et sanitaires des régionschaudes favorisent le développement d’un ensemble de maladies infectieuses au seindes élevages. Qu’el<strong>les</strong> soient uniquement anima<strong>les</strong>, ou transmissib<strong>les</strong> à l’homme (zoonoses),ces maladies représentent un risque sanitaire et économique important tant pour <strong>les</strong> paysdu Sud que pour ceux du Nord. Depuis <strong>les</strong> épizooties de grippe aviaire et de fièvre catarrhaleovine, <strong>les</strong> pouvoirs publics questionnent la recherche pour comprendre <strong>les</strong> mécanismesbiologiques et écologiques mis en jeu dans la diffusion des pathogènes et mettre au pointdes outils de contrôle des épizooties plus efficaces, basés sur des réseaux de surveillanceplus performants.© IRD / Olivier BarrièreAprès trois ans de vaccinationsystématique des vingtmillions de têtes de soncheptel, le Maroc vient en2011 de contrôler la peste des petitsruminants sur son territoire. Cettevictoire est partagée par l’UMR del’<strong>Inra</strong>-Cirad « Contrôle des maladiesanima<strong>les</strong> exotiques et émergentes »(CMAEE) de Montpellier. Labora -toire mondial de référence pour lapeste des petits ruminants, l’UMR aépaulé le Maroc dans sa lutte en luifournissant dès 2008 des outils dediagnostic rapide, des souches vaccina<strong>les</strong>et des technologies.La peste des petits ruminantsaux portes de l’EuropeMaladie très contagieuse et souventlétale, elle touche principalement <strong>les</strong>chèvres, <strong>les</strong> moutons, mais aussi <strong>les</strong>dromadaires et <strong>les</strong> espèces sauvages.Découverte en 1942 en Côte d’Ivoire,la peste des petits ruminants s’estdéveloppée sur une grande partie duterritoire africain, atteignant leMoyen-Orient et l’Asie du Sud-Ouest.Avec l’intensification des échangescommerciaux et inter régionaux, levirus est encore en extension et la distributiongéographique des lignéesvira<strong>les</strong> change. Aux portes de l’Europe,il menace ses élevages : l’Algérie et laTunisie viennent à leur tour de déclareren 2011 des foyers sur leur territoire.L’UMR CMAEE travailleaujourd’hui sur de nouveaux vaccinset stratégies de contrôle contre cevirus :« Nous améliorons <strong>les</strong> vaccinspour qu’ils soient plus facilement utilisab<strong>les</strong>sur le terrain et que la réponseimmunitaire qu’ils entraînent puisseêtre distinguée de celle conférée par <strong>les</strong>virus sauvages, explique RenaudLancelot, épidémiologiste au Cirad.Nous aidons au développement desréseaux nationaux et régionaux de surveillance,et nous développons desXINRA MAGAZINE • N°19 • DÉCEMBRE 2011


modè<strong>les</strong> épidémiologiques permettantde tester des stratégies de contrôle auniveau international. Ces travaux sefont en collaboration avec nos partenairesdu Sud dont nous contribuons àdévelopper <strong>les</strong> compétences ».La fièvre catarrhale ovinecontenueLa fièvre catarrhale ovine (FCO),encore appelée bluetongue ou mala -die de la langue bleue, est une autrede ces menaces. Considérée commeune maladie exotique avec une répartitiontropicale jusqu’en 1998, la FCOa cependant fait son apparition auSud de l’Europe, où plusieurs sérotypes(1) ont été identifiés (1, 2, 4, 9 et16, sur <strong>les</strong> 26 sérotypes viraux répertoriésdans le monde). Maladie viraletransmise par des moucherons dugenre Culicoïdes, elle touche <strong>les</strong> ruminantsdomestiques et sauvages.La FCO atteint la Corse en 2000, et en2006, un sérotype absent du territoireeuropéen apparaît aux Pays-Baset en Belgique. La recherche françaisea anticipé : elle s’est depuis cinq ansattelée à mieux connaître le virus.Stéphan Zientara, directeur de l'UMRAnses/<strong>Inra</strong>/ENVA à Maisons-Alfort,détaille : « c’est un virus que nousavions déjà identifié comme uneLe contrôle des maladies exotiques et émergentes à l’<strong>Inra</strong>et au CiradL’unité de recherche <strong>Inra</strong>-Cirad « Contrôle des maladies exotiques et émergentes »,CMAEE, a été créée en 2008 pour mieux répondre aux enjeux internationaux en matièrede maladies émergentes, santé animale et santé publique vétérinaire.L’unité accompagne <strong>les</strong> pays du Sud dans la maîtrise de la santé animale de leurs élevages.Son ambition est d’améliorer la productivité animale (augmentation du revenu deséleveurs et de la disponibilité en produits animaux), faciliter <strong>les</strong> échanges internationauxd’animaux et <strong>les</strong> produits animaux, et protéger la santé publique en contrôlant <strong>les</strong> mala -dies zoonotiques. Dominique Martinez, directeur de l’unité CMAEE, explique : « Le croisementde la culture <strong>Inra</strong> avec celle du Cirad et la complémentarité de nos approches sesont révélés très riches. En particulier, le Cirad apporte son ouverture à l’international auSud et son implication dans des réseaux de surveillance tandis que l’<strong>Inra</strong> apporte des compétencesscientifiques et des capacités technologiques importantes notamment dans <strong>les</strong>domaines de la génomique et de la modélisation ».L’unité est multisite. Le site principal de Montpellier est complété par deux implantations :l’une en Guadeloupe rayonnant sur la région Caraïbe-Guyane, l’autre à La Réunion pourdes actions régiona<strong>les</strong> dans le Sud-Ouest de l’Océan Indien en lien avec l’Afrique de l’Est.L’ensemble est complété par des chercheurs positionnés dans des centres nationaux derecherche en Afrique, fonctionnant en lien étroit avec le reste du dispositif.menace pour l’Europe. Les équipesfrançaises ont démarré un programmede recherche sur la FCO en 1995, sur laphysiopathologie de la maladie, sur lagénomique du virus et la biologie deson vecteur et sur l’étude du comportementhôte-pathogène. El<strong>les</strong> ont égalementmodélisé mathématiquementle comportement du vecteur pour créerun outil de détection de la FCO sensibleet efficace ». L’UMR Anses-<strong>Inra</strong>écolevétérinaire devient unlaboratoire de référence enFCO partagé avec le Cirad. Lesmesures de lutte sont prises par laDirection générale de l’Ali -mentation : une vaste campagne estlancée en 2010 pour vacciner l’ensembledu cheptel français de bovins,ovins et caprins. Aujourd’hui lasituation semble <strong>sous</strong> contrôle :aucun nouveau cas n’a été répertoriéen France en 2011, et <strong>les</strong> paystransfrontaliers recensent beaucoupmoins de foyers. Mais la surveillanceest toujours d’actualité :de nouveaux sérotypes peuvent apparaîtredans <strong>les</strong> régions ou pays encoreinfectés en Europe et dans le pourtourméditerranéen.Tique Amblyomma variegatum,vecteur de la cowdriose.© Cirad / Nathalie Vachiery© Cirad / Geneviève Libeau◗Un cortège de maladiesà surveillerFoyers de grippe aviaire toujourslatents en Asie (voir encadré), incursionsrégulières du moustique véhiculantla fièvre de la vallée du Rift enEgypte, invasion du Sud de l’Europepar un moucheron vecteur de lafièvre catarrhale ovine et de la pesteéquine, progression de la peste porcineafricaine vers <strong>les</strong> états baltes…« Les conditions climatiques des régionschaudes favorisent le développementd’un ensemble de parasites et d’arthro -podes vecteurs de maladies infectieuseset parasitaires. La présence de ces mala -dies représente pour <strong>les</strong> pays du Nordun risque constant d’introductionECOUVILLONNAGE sur le terrainpour un diagnostic rapidede la peste des petits ruminants.INRA MAGAZINE • N°19 • DÉCEMBRE 2011XI


◗ DOSSIERd’agents pathogènes et de vecteurs »remarque Renaud Lancelot.Qu’el<strong>les</strong> soient uniquement anima<strong>les</strong>,ou qu’el<strong>les</strong> soient transmises àl’homme (zoonoses) ces maladiesd’origine exotique présentent unrisque sanitaire et économique important.«Les pouvoirs publics l’ont compris: microorganismes et pathogènesne connaissent pas de frontières. Malgré<strong>les</strong> restrictions budgétaires fortes, <strong>les</strong>mala dies émergentes infectieuses - particulièrement<strong>les</strong> maladies vectoriel<strong>les</strong>(2)- sont l’une des premièrespriorités du ministère des Affaires étrangères,lorsqu’il intègre le Sud dans sespréoccupations » analyse DominiqueMartinez directeur de l’UMRCMAEE. Il observe : « Suite à l’émergencede la fièvre catarrhale ovine etdu virus H5N1, <strong>les</strong> ministères del’Agriculture et de la Santé se sont rapprochésde la recherche pour trouverdes solutions aux problèmes sanitaires.L’effectif de notre unité de recherchesur la santé animale a doublé depuis2005 : il faut pouvoir répondre aumieux aux risques causés par ces mala -dies émergentes et proposer des méthodesde lutte ». Car la seule mise aupoint du vaccin n’est pas suffisante :entre la découverte du vaccin contre lapeste bovine et son éradication mondialeen 2011, il s’est écoulé une cinquantained’années pendant <strong>les</strong>quel<strong>les</strong><strong>les</strong> équipes sur le terrain diagnostiquaient,vaccinaient, surveillaient.Les réseaux de surveillanceLa surveillance sanitaire est aujourd’huil’un des points clefs de la luttecontre <strong>les</strong> maladies anima<strong>les</strong> émergentes.Le réseau CaribVET créé parle Cirad en 1998 pour surveiller etcontrôler <strong>les</strong> maladies anima<strong>les</strong> dansla région Caraïbe est un modèle que<strong>les</strong> organisations internationa<strong>les</strong>essayent de répliquer dans d’autresrégions du monde. « Depuis une trentained’années, le réseau Cirad travail<strong>les</strong>ur le vecteur de la cowdriose, latique Amblyomma variegatum quiinfecte et tue (jusqu’à 90% de mortalité)<strong>les</strong> ruminants domestiques sensib<strong>les</strong>.La cowdriose est répandue dans lapresque totalité des pays d’Afrique subsaharienneet est présente depuis 1928dans <strong>les</strong> Caraïbes d’où elle menace lecontinent américain. Pour répondre àce problème sanitaire, la recherche s’estintéressée aux questions de terrain et atissé des partenariats en santé animaleavec <strong>les</strong> vétérinaires et <strong>les</strong> laboratoiresde la région Caraïbe. Cela a abouti en1998 à la création de CaribVET »Le petit collecteur de volail<strong>les</strong>, vecteurde l’infection H5N1Ni le coq de combat, ni l’oiseaumigrateur ne sont <strong>les</strong> principauxresponsab<strong>les</strong> de la transmissiondu virus H5N1 dans <strong>les</strong>élevages thaïlandais, mais… lepetit commerçant ! Accusés àtort de jouer un rôle majeurdans la transmission du virus- qui a touché plus de 1 700élevages thaïlandais et 25 personnesentre 2004 et 2005 -ces oiseaux sont enfin dédouanésgrâce aux résultats d’uneétude que Mathilde Paul del’<strong>Inra</strong> a réalisée en collaborationavec le Cirad, une universitévétérinaire thaïlandaise et lelaboratoire de Géographie dela Santé de Nanterre. Ces organismes se sont lancés en 2007 dansun projet sur <strong>les</strong> « facteurs sociaux et spatiaux associés à la diffusionde l’Influenza aviaire en Thaïlande ». Christian Ducrot, directeur de l'unitéd’épidémiologie animale de l’<strong>Inra</strong> développe : « Malgré <strong>les</strong> efforts,l’Influenza H5N1 n’est toujours pas éradiquée en Asie du Sud-Est. Nousavons voulu savoir pourquoi. A l’aide de l’épidémiologie et de la géographie,nous avons corrélé <strong>les</strong> anciens foyers « Influenza » de laThaïlande avec des données démographiques et économiques, etréalisé une étude à large échelle dans plus de 600 élevages debasse-cour (dont un cinquième avait été touché par l’Influenza), ce quinous a mis sur la piste du commerce de viande de poulet… En questionnant<strong>les</strong> pratiques et <strong>les</strong> perceptions de l’ensemble des acteurs dela filière poulet d’un district, du marché aux basses-cours, nous noussommes aperçus que le vecteur de transmission était le petit commerçant.Maillon clef de la filière, il collecte quotidiennement unequinzaine de poulets en mobylette qu’il amène à l’abattoir. Pauvre, illui faut acheter pour vendre à tout prix, écouler <strong>les</strong> volail<strong>les</strong>, mêmemalades ». Alertés, <strong>les</strong> services vétérinaires de Thaïlande réfléchissentà de nouveaux plans de contrôle des risques H5N1, en privilégiant<strong>les</strong> actions pédagogiques vers <strong>les</strong> différents acteurs.explique Renaud Lancelot. Cette réussitedans l’épidémio surveillance a étédupliquée sur le pourtour de l’océanindien avec Animal Risk, enMéditerranée avec le réseau méditerranéenen santé animale Remesa…Pour Dominique Martinez, « la créationde réseaux régionaux de surveillancecontribue à transmettre desalertes rapides que l’on connecte à larecherche et dont on exploite directement<strong>les</strong> données. Les allers-retoursentre la recherche et la surveillancevétérinaire sont de plus en plus encouragéset bénéfiques pour l’ensemble dela filière animale » ●Dossier rédigé par Cécile Poulainet Pascale MollierResponsab<strong>les</strong> scientifiques :Jean-Baptiste Coulon etPhilippe Lecomte(1) Serotype : ensemble des caractéristiquesantigéniques de certains micro-organismes permettantde différencier des souches appartenant à une mêmeespèce.(2) Maladies vectoriel<strong>les</strong> : virus ou bactérie hébergé parun vecteur (tiques, moustiques…) qu’il transmet à unorganisme vivant. La plupart sont des zoonoses, maladiesqui peuvent être transmises de l’animal à l’homme.© <strong>Inra</strong> / Mathilde Paul+d’infosOweb :Rapport de la FAO : World Livestock 2011-Livestock in food security, www.fao.orgVoir <strong>les</strong> vidéos du Carrefour de l’innovationagronomique Antil<strong>les</strong>, 3-4 novembre 2011 :www.inra.fr/audiovisuel/web_tv/ciag/ciag_antil<strong>les</strong>_guyane_2011Opublications :<strong>Inra</strong> Productions anima<strong>les</strong>, numéro spécial :Elevage en régions chaudes, 2011, volume24, numéro 1.Cahiers Agricultures 2010. Transformationdes systèmes d'élevage extensif dans <strong>les</strong>territoires ruraux. n° 19 (2).Cahiers Agricultures 2010. Transformationsdes systèmes d’élevage et du travaildes éleveurs. n°19 (5).XIIINRA MAGAZINE • N°19 • DÉCEMBRE 2011

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