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ESCP-Europe 2011 : La mondialisation explique-t-elleprincipalement le rattrapage des pays émergents ?CPrésentation du sujete sujet fait explicitement référence à la mondialisation et s’inscrit d’emblée dans leprogramme de deuxième année. C’est d’ailleurs le seul qui cite le terme demondialisation dans son énoncé. Cependant, le thème précis n’est pas la mondialisation maissa liaison avec le développement des pays émergents. Il faudra préciser ce que l’on entend parpays émergents, car cette notion est loin de faire l’unanimité. Depuis son invention en 1981par Antoine van Agtmael, économiste à la Banque mondiale, l’expression a fait florès mais achangé aussi de sens. Pour aller vite, une économie émergente regroupe certains traitscaractéristiques : un revenu par habitant intermédiaire ; un taux de croissance supérieur ouégal à la moyenne mondiale ; un potentiel de croissance important qui fait la différence avecles pays les moins avancés ; des réformes structurelles ayant contribué à les insérer dans lecommerce mondial… On compterait aujourd’hui une cinquantaine de pays émergents et,donc, on ne peut se limiter aux seuls BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), même s’ils enconstituent un socle solide.L’énoncé suppose deux orientations : voir en quoi la mondialisation peut expliquer cerattrapage et en quoi les pays émergents ont pu mettre en place des stratégies propres qui leuront permis de le réaliser. Il n’y a pas de délimitation temporelle, mais il faut se concentrer surla période récente (à partir des années 1960-1970), car c’est depuis lors que les paysémergents se sont développés. Il est également nécessaire d’avoir un certain recul historiqueet de citer, par exemple, le rattrapage de certains pays au XIX e siècle (Japon, Russie…),analysé en particulier par Alexander Gerschenkron.Daniel Fleutôt,Professeur d’AEHSC en classes préparatoireséconomiques et commercialesau lycée Charles-De-Gaulle, à Caen.CorrigésCes corrigés sont des copies d’étudiantes qui ont très bien réussi cette épreuve enobtenant la note maximale de 20/20. Sont-ce les copies idéales ? La réponse est bien sûrnon, mais elles ont su intégrer l’essentiel des attentes du correcteur sur le sujet. Ce n’estpas un modèle mais seulement un exemple, qui démontre qu’en ayant des connaissances etune technique de dissertation, les bons résultats sont là. Ces copies suggèrent que deuxorientations doivent guider les étudiants pour qu’ils réussissent cette épreuve : maîtriser lesnotions de base sans nécessairement rentrer dans tous les détails et avoir une technique dedissertation, de mise en place des connaissances au regard toujours du sujet. En espérantque ces exemples pourront vous servir afin d’organiser votre réflexion sur les sujets àvenir.


WCopie 1alt Whitman Rostow, dans Les étapes de la croissance économique, donne les cinqpassages incontournables qu’un pays doit connaître afin de se développer. Il doitrassembler des conditions préalables, comme la disposition en matières premières ou ladisponibilité des mentalités aux changements. Ce pays connaitra ensuite un take-offcaractérisé par un fort taux d’investissement, puis il empruntera la marche vers la maturitépour aller vers une société de consommation de masse. Pour établir ce modèle, Rostow sebase sur la croissance économique des Etats-Unis durant la révolution industrielle.Aujourd’hui, la mondialisation, caractérisée par l’accélération des échanges etl’interconnexion des civilisations, peut-elle être un instrument d’accélération de ces étapesdans les pays émergents ? En effet, si certains pays ont plus ou moins suivi ce modèle dedéveloppement sur le XIX e siècle et sur le XX e siècle, d’autres ont attendu la fin du XX e sièclevoire le début du XXI e siècle pour commencer à se développer : on parle alors des paysémergents. Cela a entraîné un renouveau des théories du développement et une réactualisationdes questions concernant le rattrapage des pays émergents. Quels modèles ont-ils suivi ? Lamondialisation peut-elle expliquer leur rattrapage ?Nous verrons dans un premier temps que la mondialisation est un facteur nécessaire aurattrapage des pays émergents, puis nous montrerons qu’elle n’est pourtant pas le facteurprincipal du rattrapage de ces pays, voire qu’elle peut en être un obstacle.La mondialisation est un processus qui se caractérise par l’accélération des échangesde personnes, de marchandises et de capitaux.▪ Alors qu’elle se réalisait au départ uniquement entre les pays développés, notammentceux de « la Triade », à savoir l’Amérique du Nord, l’Europe et le Japon, elle s’ouvreprogressivement à des pays ayant des structures différentes : les pays émergents. On observele développement de flux Nord-Sud, et aussi Sud-Sud. Or, nous pouvons remarquer que lesexportations et les importations qui se sont accélérées grâce à la mondialisation ont eu deseffets positifs sur les pays émergents. Kaname Akamatsu montre que c’est la remontée defilière qui a permis aux nouveaux pays industrialisés d’Asie (NPIA) de rattraper leur retardéconomique. D’après cette théorie, les pays qui, par exemple, disposent de matièrespremières, vont les exporter aux pays développés et vont importer en échange des biensd’équipement industriel. Ils vont ensuite bloquer les importations de ces biens, notamment parune hausse des droits de douane sur ces produits, les fabriquer au sein du pays une fois que latechnique de production sera acquise, puis les exporter pour importer en échange des produitsmanufacturés. Le même schéma va ensuite se réaliser sur les biens de consommation, puis surles biens à haute valeur ajoutée. Ainsi les NPIA ont connu un rattrapage économique grâceaux jeux des importations et des exportations.▪ Ce modèle fait écho à deux théories du développement : l’industrialisation parsubstitution aux importations et l’industrialisation par substitution aux exportations. Dans lepremier cas, le pays bloque provisoirement ses importations d’un certain bien afin de luipermettre de le produire lui-même et ensuite de l’exporter. Dans le second cas, le pays vamodifier ses exportations. Il cessera d’exporter des produits traditionnels pour passer à desbiens plus rentables. On pensera notamment au Brésil qui a diminué ses exportations de cafépour se développer dans d’autres secteurs : il est aujourd’hui le leader industriel en Amériquelatine et possède également des compétences avancées dans le domaine de l’aéronautique.


Ainsi la mondialisation, par le jeu des importations et des exportations, a permis le rattrapagede certains pays émergents qui se sont introduits dans le commerce international.▪ De plus, la mobilisation de capitaux suffisants afin de développer une industrie estsouvent permise par l’épargne étrangère, les investissements directs à l’étranger (IDE). C’estpourquoi la mondialisation, parce qu’elle accélère les échanges financiers, est favorable àl’essor de nouvelles entreprises. Cette mondialisation a également des effets secondairespositifs concernant le rattrapage social des pays émergents. En effet, la remontée de filière desNPIA a réclamé une main-d’œuvre qualifiée : des efforts en éducation et en formation ontdonc été nécessaires. Par ailleurs, une main-d’œuvre qualifiée peut demander une protectionsociale plus importante, de meilleures conditions de travail, ou encore un salaire plus élevé,d’où une hausse du niveau de vie et une amélioration des conditions de vie. L’apparitiond’une classe moyenne peut ensuite être un moteur de la croissance et du développement,notamment grâce à la consommation de cette nouvelle classe. La mondialisation se caractériseaussi par les échanges culturels, les échanges d’idées. Ainsi les populations des paysémergents peuvent souhaiter copier les modèles sociaux des pays développés et doncdemander de nouvelles revendications sociales. C’est d’ailleurs ce que souhaitait Alexis deTocqueville dans De la démocratie en Amérique. Pour lui, on allait vers une égalisation desconditions grâce à la mondialisation. Dans le même sens, John Stuart Mill qui proclamait« Heureux les pays pauvres ! » a montré que grâce à la mondialisation et au commerceinternational il y aurait une diffusion à l’échelle internationale du progrès technique.▪ Ainsi, au niveau économique et social, la mondialisation serait profitable aux pays lesmoins développés. Par exemple, la diffusion des avancées dans le domaine médical a permisla diminution du virus du Sida dans les pays d’Afrique, même s’il reste beaucoup de progrès àfaire dans ce domaine. Dans la même idée que Mill, Francis Edgeworth a montré qu’uneinnovation ne profitait pas au pays exportateur de celle-ci mais davantage aux paysimportateurs. Enfin, la mondialisation, parce qu’elle véhicule, comme l’a démontré MaxWeber, le modèle capitalistique de la recherche du profit par la rationalisation des processusde production, a rendu possible un certain rattrapage des pays émergents. En effet, l’ouvertureà de nouveaux marchés permet le développement d’une spécialisation et d’une divisioninternationale du travail (DIT). Les entreprises des pays émergents vont pouvoir anticiper denouveaux débouchés dans les pays développés et vont produire en plus grande quantité,réalisant ainsi des économies d’échelle, soit une baisse du coût unitaire de production, ainsique des effets d’apprentissage. De plus, les entreprises vont avoir besoin d’une main-d’œuvresupplémentaire, ce qui va augmenter l’emploi et la consommation intérieure. Enfin, lesentreprises vont augmenter les profits, peut-être en distribuer une partie aux salariés, or selonArthur Lewis il est indispensable qu’une classe sociale génère des profits afin qu’un payspuisse se développer.▪ Il y a donc bien une corrélation positive entre la mondialisation et le rattrapageéconomique et social des pays émergents. C’est pourquoi les institutions qui organisent lamondialisation et les règles du commerce international incitent les pays émergents à s’yinsérer. Pourtant, leurs rôles sont aujourd’hui discutés, notamment avec le problème del’endettement des pays émergents. Doit-on alors remettre en cause la mondialisation commefacteur du rattrapage des pays émergents ?La mondialisation peut avoir des effets négatifs qui vont à l’encontre d’un rattrapageéconomique des pays émergents.▪ D’abord, on observe une dégradation des termes de l’échange pour ces derniers. En effet,ils vont, dans un premier temps, exporter des matières premières pour importer des biensmanufacturés industriels. Or, les cours des prix des matières premières ne cessent de chuter


tandis que ceux des biens industriels se stabilisent ou augmentent. Ainsi, les pays émergentsvont devoir exporter plus de matières premières pour importer la même quantité de biensindustriels : il y a donc pour eux une détérioration des termes de l’échange. Ce constatcontredit la théorie HOS (Heckscher – Ohlin – Samuelson) de dotation en facteurs deproduction selon laquelle le commerce international est un échange de facteurs rares contredes facteurs abondants. Ainsi les biens rares deviendront abondants et les biens abondantsrares, ce qui devrait conduire à une égalisation des prix. Mais la détérioration des termes del’échange pour les pays émergents montre que cette théorie ne s’applique pas, d’autant plusque la spéculation à la Bourse sur les cours des matières premières rend la situation encoreplus instable.▪ Le développement des importations et des exportations a également pour effetd’augmenter la dépendance des pays émergents envers les commandes des pays développés.Par exemple une crise économique aux Etats-Unis va entraîner une baisse de leursimportations, d’où une diminution des exportations dans les pays très liés commercialementavec eux, comme ceux d’Amérique du Sud. C’est pourquoi il y a aujourd’hui un renouveaudes théories de domination « centre-périphéries » selon lesquelles le centre, c’est-à-dire lespays développés et les firmes transnationales (FTN), dominerait les périphéries, notammentles pays émergents. De plus, les investissements directs à l’étranger (IDE) réalisés par lesFTN entraînent un dualisme dans les pays émergents. En effet, le commerce international etles FTN vont favoriser certains secteurs, certaines zones géographiques, ou risquent aucontraire de délaisser des pans entiers de l’économie nationale d’un pays émergent,notamment les activités traditionnelles. Il y aura également un fort dualisme entre lespopulations, ce qui peut entraîner des conflits sociaux. De plus, l’implantation des FTN dansles pays émergents est parfois justifiée par une main-d’œuvre bon marché ou par desréglementations très souples au niveau salarial ou encore environnemental. Ainsi les paysémergents, pour attirer les capitaux étrangers, vont remettre en cause des acquis sociaux oufreiner le développement des avancées sociales. L’exploitation de la main-d’œuvre est doncun obstacle au rattrapage social des pays émergents, ils vont connaître une hausse desinégalités à l’intérieur du pays ; les inégalités entre les pays émergents et les pays développésvont aussi être plus marquées et plus visibles. Par exemple, la Chine, qui est entrée dansl’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001, n’est toujours pas en mesured’assurer aux citoyens le respect des droits de l’homme, malgré un développementéconomique rapide mais très inégal selon les régions.▪ De plus, il existe d’autres facteurs que celui de la mondialisation qui peuvent expliquer lerattrapage des pays émergents. Saskia Sassen dans A Sociology of Globalization, en 2007, amontré comment le global se construit à partir du local. Selon elle, ce sont les Etats quipoussent au développement d’un pays et à son entrée dans la mondialisation et non l’inverse.Pour reprendre l’exemple de la Chine, c’est en effet un fort interventionnisme étatique qui arendu possible le développement économique de ce pays, par exemple avec la création dezones franches pour l’implantation des FTN.▪ Le rattrapage des pays émergents peut s’expliquer aussi par la mise en place de stratégiesde contournement des contraintes de la mondialisation. Par exemple, la création de zones delibre-échange comme celle du Mercosur permet aux pays émergents de faire des alliancescommerciales afin de se protéger dans un premier temps de la concurrence des paysdéveloppés. Cette stratégie s’appuie sur les théories de Friedrich List selon lesquelles unenation doit provisoirement appliquer un « protectionnisme éducateur » afin de permettre à sesindustries de se développer à l’abri de la concurrence internationale. De même, Paul Krugmanparle de la mise en place de politiques commerciales stratégiques qui consistent à donner dessubventions aux entreprises nationales afin de les aider à se développer. Pourtant, cesstratégies sont provisoires et n’auraient aucun sens sans la mondialisation, car elles ne sont


que des moyens de mieux s’y insérer. Ainsi, même s’il existe d’autres facteurs du rattrapagedes pays émergents, ils sont souvent liés, indirectement parfois, à la mondialisation, car ils ontpour but final l’intégration au commerce international.ConclusionLa mondialisation explique le rattrapage économique et social des pays émergents,notamment grâce aux importations et aux exportations, aux IDE, sans oublier le rôle de laspécialisation, de la division internationale du travail et des échanges d’idées, de modèles, demodes de vie. Pourtant, le rattrapage des pays émergents peut être expliqué par d’autresfacteurs, même s’ils sont finalement liés, directement ou indirectement, à la mondialisation.De plus, cette mondialisation peut avoir des effets pervers concernant le développementéconomique et social des pays émergents. C’est pourquoi il est important de redéfiniraujourd’hui les nouveaux enjeux de la mondialisation du point de vue des pays émergents. Sielle leur est majoritairement profitable, elle entraîne toutefois des déséquilibres auxquels ilfaut tenter de remédier. Le succès du commerce équitable semble par exemple être unepremière réponse.Copie réalisée par Marlène Del Conté,étudiante au lycée Charles-de-Gaulle de Caen,qui a intégré l’ESC Toulouse en septembre 2011.ACopie 2l’heure où les plus grandes puissances mondiales sortent difficilement de la crise dessubprimes dans laquelle ils sont plongés depuis 2007, certains pays s’en sortent plutôtbien, il s’agit des pays émergents. Ce sont des pays qui se caractérisent par leurdéveloppement et leur industrialisation relativement rapides et récents. Qui aurait parié il y acinquante ans que les plus importants concurrents des Etats-Unis et de l’Europe deviendraientun jour la Chine ou l’Inde ? Car ces pays ont aujourd’hui un rôle important sur la scèneinternationale de par leur population mais aussi de par leur puissance commerciale. La Chineest, par exemple, devenue en 2010 le premier exportateur mondial. Parmi ces pays qui sontaujourd’hui à la frontière des pays développés figurent aussi le Brésil, le Mexique, l’Inde, oubien encore les « dragons d’Asie » (Corée du Sud, Taïwan, Singapour et Hongkong). Maiscomment expliquer ce développement aussi rapide ? Il s’avère que l’essor de ces pays peutêtre daté du début des années 1980, phase d’entrée dans la mondialisation.Peut-on alors dire que le rattrapage et le développement des pays émergents sontprincipalement dus à la mondialisation ?Nous verrons que la mondialisation a permis à ces pays une insertion rapide dans leséchanges, mais que cela ne s’est pas fait sans dommages ; et qu’aujourd’hui, bien qu’ils aientune nouvelle place sur la scène internationale, ces pays ont encore de nombreux défis àrelever.


A la fin des années 1970, le mode de régulation monopolistique géré principalementpar l’Etat arrive à essoufflement dans les pays développés, et il en est de même pour lesstratégies de développement dirigées par l’Etat dans les pays en voie de développement.Le tournant libéral des années 1980 s’opère donc dans le monde entier. Et dans les paysen voie de développement le constat de l’échec des stratégies autocentrées amène versune ouverture aux échanges qui est souvent soutenue par les institutions internationales.▪ Tout d’abord, à la fin des années 1970, on constate un certain échec des stratégiesautocentrées pour le développement. Ces stratégies reposaient sur une fermeture aux échangeset un développement assuré par l’Etat. En effet, au lendemain de la décolonisation, les paysriches sont accusés d’avoir « pillé » le tiers-monde, et les anciennes colonies se ferment alorsaux échanges, comme l’Inde notamment. Mais il s’avère que l’Etat n’a pas réellement suremplir son rôle en matière de développement. En effet, le développement par l’Etat a surtoutlaissé place à beaucoup de corruption, à une mauvaise gestion des fonds et des infrastructures,du fait de l’absence d’élites locales aptes à remplacer les colons. Les structures de productionrestent alors relativement archaïques et les populations ne ressentent aucun effet dedéveloppement.▪ Le choix est donc, au début des années 1980, de suivre le tournant libéral et d’ouvrir lesmarchés des pays en développement aux capitaux. La volonté principale est que ces pays,notamment les plus importants, puissent suivre le modèle de développement établit par WaltWhitman Rostow pour illustrer le développement des pays riches lors de la révolutionindustrielle. Rapidement les plus grands pays du Sud s’ouvrent aux capitaux et laissent lesfirmes multinationales (FMN) s’installer sur leur sol. L’intérêt est que ces FMN investissentdirectement dans ces pays et qu’ils génèrent un profit qui n’est pas un emprunt, donc qui n’estpas à rembourser. De plus, ces FMN créent des emplois dans ces pays. Et bien que certainsauteurs dénoncent une exploitation, il vaut mieux être exploité par des FMN qui proposentsouvent un meilleur salaire et de meilleures conditions de travail, que ne pas être exploité dutout. Ainsi les capitaux commencent à affluer vers ces nouveaux pays prometteurs que sont laChine, l’Inde ou l’Amérique latine, développant ainsi les places financières et boursières. Deplus, la mondialisation permet aussi une certaine mondialisation des images, élémentimportant de l’entrée dans les différentes phases de la transition démographique.▪ Enfin, cette entrée dans la mondialisation des pays émergents a aussi été poussée par lesinstitutions internationales. En effet, à partir des années 1980, le Fonds monétaireinternational (FMI) axe son action sur les pays en développement avec pour but principald’instaurer le libéralisme. Le FMI met alors en place des plans d’ajustement structurel qui ontpour but de déréglementer, de libéraliser et de stabiliser les économies en crise des pays duSud. Par la suite, le consensus de Washington applique les idées développées par JohnWilliamson en 1989, résumées en dix principes à appliquer par les pays du Sud pour un bondéveloppement. Ainsi, après sa crise de 1982, le Mexique devient un « bon élève » du FMI, ils’ouvre aux capitaux, diminue l’inflation, stabilise sa monnaie et entre dans l’Alena en 1992.Il semble donc que l’ouverture aux échanges et l’insertion dans la mondialisation aientimpulsé le développement de ces pays.Ainsi la mondialisation a permis une insertion rapide dans les échanges des pays lesplus avancés au Sud, mais nous allons voir que dans les années 1990, cettemondialisation est aussi cause de certains problèmes.▪ Il semble que le « tout marché » se soit installé un peu trop brutalement dans les paysémergents. En effet, les systèmes bancaires et financiers ne peuvent pas devenir en dix ansaussi solides que les systèmes des pays riches. Dans les années 1990, les limites du « tout


marché » commencent à se faire sentir, avec de nombreuses crises financières, uneimpopularité croissante des institutions internationales et des pays qui s’en sortent mieux avecune intervention de l’Etat.▪ Tout d’abord, bien qu’il soit devenu un « bon élève » du FMI après sa première crise en1982, le Mexique fait à nouveau face à une crise en 1993. En effet, il attire à l’époquebeaucoup de capitaux mais continue à s’endetter massivement. Le peso est ancré sur le dollar,et lorsqu’en 1993 le cours du dollar augmente, le coup de l’endettement devient insoutenable.Le Mexique ne peut plus rembourser, et comme le système est fragile les capitaux s’en vont.Le pays sombre alors dans une nouvelle crise. Il en est de même à la fin des années 1990 enAsie. Les pays asiatiques sont alors plutôt bien insérés dans les échanges mondiaux et attirentbeaucoup de capitaux. En 1997 la concurrence du dollar devient trop importante, le bath estalors dévalué, mais il y a surréaction et tous les pays de la zone dévaluent leurs monnaies.L’économie s’effondre et les systèmes de « currency board » (caisse d’émissions) empêchentde faire fonctionner la planche à billets pour la faire repartir. Le système financier étant jeuneet fragile, les capitaux s’en vont et préfèrent retourner vers des lieux plus sûrs : « Fly tosafety ». Ainsi l’économie mondialisée met en péril ces pays.▪ De plus, suite à ces crises, le FMI met en place ses plans d’ajustement structurel qui ontun coût social relativement important. Les restrictions imposées à la population ne sont pasacceptées et les institutions internationales deviennent relativement impopulaires dans cespays. On voit ainsi se développer de nombreuses théories qui remettent en cause lamondialisation et le « tout marché » en vue du développement. Les plans d’ajustementstructurel du FMI ne semblent pas efficaces et, de plus, le FMI n’a su ni prévenir la criseasiatique ni la gérer. Ces stratégies de développement sont d’autant plus remises en cause,qu’un pays tel que la Corée du Sud se sort du sous-développement grâce à l’Etat. En effet, en1960 la Corée du Sud avait un développement équivalent à celui du Soudan aujourd’hui. Sastratégie de développement et d’industrialisation fut de s’ouvrir aux échanges avec uncontrôle important de l’Etat. Le pays n’est pas purement protectionniste mais les grandesindustries de consommation et industries lourdes restent aux mains de l’Etat. Etat qui effectueaussi un contrôle important sur les échanges extérieurs. Et il en est de même pour la Chine,son capitalisme est particulier étant donné que toute entreprise étrangère voulant s’installersur le sol chinois doit s’associer avec une entreprise chinoise afin d’assurer le transfert detechnologies. Ainsi la mondialisation explique une partie du rattrapage, mais il s’avère quel’insertion dans les échanges ne fut pas toujours bénéfique et que d’autres facteurs ont étéutiles.Une partie du rattrapage des pays émergents n’est pas forcément due à lamondialisation, cette dernière a même parfois été néfaste. Mais nous allons voir que lamondialisation a tout de même permis aux pays émergents d’avoir aujourd’hui unenouvelle place dans le monde bien que les défis à relever soient encore nombreux.▪ Aujourd’hui, les pays émergents ont acquis une nouvelle place sur la scène internationale,ils ont un nouveau poids commercial et politique. Cependant ils ont encore de nombreux défisà relever pour espérer entrer un jour dans le cercle très fermé des pays développés.▪ La Chine est devenue en 2010 premier exportateur mondial devant l’Allemagne, signequ’il ne faut plus négliger les pays émergents. En effet, aujourd’hui le commerce ne se faitplus uniquement dans « la Triade » (Etats-Unis, Europe, Japon), il faut aussi compter sur cespays émergents qui représentent maintenant un tiers des échanges mondiaux. Et les produitsexportés ne sont plus seulement des matières premières, 80 % des exportations provenant duSud sont aujourd’hui des produits manufacturés. Ainsi les pays émergents sont desconcurrents de plus en plus importants pour les pays riches. D’autant plus que ces pays ont


aujourd’hui leurs propres FMN qui représentent 25 % des FMN mondiales. Des entreprisescomme Tata (Inde), Petrobas (Brésil) et China Railway (Chine) concurrencent de grandesentreprises du Nord. Tout cela étant rendu possible par la mondialisation.▪ D’autre part, ces pays ont aussi une nouvelle place politique dans le monde. La Chine estentrée depuis 2001 à l’OMC et fait aussi partie du G8. Elle permet ainsi de représenter lespays du Sud sur la scène politique. De plus, la Chine est un des plus gros contributeurs à ladette américaine. Elle détient en effet 1 000 milliards de dollars de bons du Trésor américain,ce qui lui permet d’exercer une certaine pression sur cette grande puissance. Enfin, la Chineintervient aussi dans les pays les moins avancés (PMA) notamment en Afrique avec le« Beijing Consensus » qui promet une aide aux pays d’Afrique sans ingérence. Lamondialisation a donc non seulement permis le rattrapage des pays émergents mais leur aaussi permis d’avoir un nouveau rôle dans le monde.▪ Mais ce n’est pas pour autant fini. De nombreux défis s’adressent aujourd’hui à ces pays.Il est nécessaire, pour que leurs 10 % de croissance soient viables à long terme, que ces paysdéveloppent leur consommation interne. En effet, en Chine, seules 35 % des personnes ontaccès à la consommation et ce chiffre est en constant recul. Les Chinois l’ont bien compris, ilsdoivent développer leur consommation interne pour rendre leur croissance soutenable. Et celapasse par le développement de la protection sociale. Car la population vieillit et il faut qu’ellesoit assurée. Des réformes sont donc en cours en Chine afin d’améliorer la protection sociale.Car, pour que le rattrapage soit total, il faut que ces pays ne soient plus seulement« émergents » mais « développés ».ConclusionNous avons donc vu que, depuis le début des années 1980, la mondialisation a permis àquelques pays du Sud d’entrer dans un processus de développement et d’industrialisation.Bien que cela ne se soit pas fait sans mal et que certains pays aient opté pour d’autressolutions, ces pays sont aujourd’hui des pays émergents. Il leur reste cependant de nombreuxdéfis à relever pour espérer un jour entrer dans le cercle très fermé des pays développés.Néanmoins, à l’heure où le FMI revoit sa position sur le rôle de l’Etat dans ledéveloppement et reconnaît que les plans d’ajustement structurel ne sont pas la meilleuresolution, nous pouvons nous demander si la mondialisation peut encore permettre l’essor despays qui sont encore sur la voie du développement.Copie réalisée par Johanna Vary,étudiante au lycée Bonaparte de Toulon,qui a intégré la Skema Business School en 2011.Pour approfondirLes pays émergents. Brésil – Russie – Inde – Chine… Mutations économiques etnouveaux défis, par Julien Vercueil, Bréal, 2010.Mondialisation et compétition, par Luiz Carlos Bresser-Pereira, La Découverte, 2009.Les nouveaux conquérants. Qui a peur des entreprises des économies émergentes ?,par Sébastien Dessillons et Thomas Maurisse, Presses de l'Ecole des mines, 2007.Nations et mondialisation. Les stratégies de développement dans un monde globalisé,par Dani Rodrick, La Découverte, 2008.


« Pays émergents : être ou ne pas être occidental », <strong>Alternatives</strong> Internationales n° 51,juin 2011. Disponible dans nos archives en ligne.« Les pays émergents sortent renforcés de la crise », <strong>Alternatives</strong> <strong>Economiques</strong> Pochen° 43, avril 2011. Disponible dans nos archives en ligne.« Pourquoi la mondialisation est réversible », <strong>Alternatives</strong> <strong>Economiques</strong> n° 303,juin 2011.« Pays émergents être ou ne pas être occidental », <strong>Alternatives</strong> Internationales n° 51,juin 2011. Disponible dans nos archives en ligne.L’analyse de Luiz Carlos Bresser-Pereira sur les stratégies des paysen développement pour rattraper leur retardL’économiste brésilien Luiz Carlos Bresser-Pereira analyse les stratégies dedéveloppement des pays du Sud à revenus moyens en s’appuyant sur une comparaison desréussites asiatiques et des échecs latino-américains sur les cinquante dernières années.Critiquant la politique de libéralisation à tout-va de certaines économies émergentess’inspirant fortement du consensus dit de Washington, l’auteur montre que les voies suiviespar des pays comme la Chine, la Corée du Sud, le Vietnam, l’Inde… ont accordé une placecentrale à l’Etat-nation, permettant ainsi de définir une stratégie nationale de développement.Bresser-Pereira milite pour une ouverture commerciale des pays émergents afin de bénéficierde leurs avantages comparatifs et de saisir les opportunités de croissance liées à l’intégrationcommerciale mondiale, mais il refuse l’intégration financière internationale. L’ouverturefinancière entraîne une surévaluation de la monnaie nationale et, par là, une contraction dusecteur exportateur et, donc, un ralentissement de la croissance qui finit par déboucher sur undéséquilibre de la balance des paiements et une dépendance monétaire sur un planinternational. L’auteur parle d’un nouveau « développementisme » reposant sur une épargnenationale au service du développement national. Les politiques monétaire et de changedoivent être au service non pas des intérêts internationaux, mais nationaux. Le taux de changedoit retrouver sa place essentielle comme variable micro et macroéconomique dans lapolitique économique (référence faite à la stratégie chinoise). L’Etat est au cœur de lastratégie développementaliste, en agissant et en contrôlant le marché des changes, mais aussien définissant une politique fiscale et budgétaire rigoureuse afin d’imposer à la société desstratégies favorables sur le long terme par l’intermédiaire de politiques structurelles(politiques industrielles, d’innovation et d’éducation).Daniel Fleutôt

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