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Quel potentiel de développement pour l'économie sociale et solidaire

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2Publié sous Creative CommonsC<strong>et</strong>te étu<strong>de</strong> a été réalisée par Philippe Frémeaux, prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la Scop Alternatives Economiques <strong>pour</strong> le compte <strong>de</strong>la Fondation Charles-Léopold Mayer <strong>et</strong> la Caisse <strong>de</strong>s Dépôts <strong>et</strong> Consignations. Elle peut être librement reproduiteavec la mention d’origine.Pour contacter l’auteur : pfremeaux@alternatives-economiques.frL’étu<strong>de</strong> peut être téléchargée sur les sites : www.alternatives-economiques.fr <strong>et</strong> www.veblen-institute.org


<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?Table <strong>de</strong>s matièresRésumé 51. De quoi parlons-nous ? 111.1. Une économie définie par ses statuts ou par son obj<strong>et</strong> 111.2. Une réalité ancienne portée par <strong>de</strong>s motivations plurielles 111.3. L’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> a une faible visibilité,parce qu’elle est insérée dans le marché ou imbriquée dans l’Etat 121.4. L’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> joue un rôle <strong>de</strong> réparation <strong>et</strong><strong>de</strong> transformation <strong>sociale</strong>, mais n’est pas une force homogène 152. Le positionnement sectoriel <strong>de</strong> l’ESS aujourd’hui 172.1. Des logiques stratégiques hétérogènes 172.2. Un positionnement sectoriel très spécifique 172.3. L’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> au cœur <strong>de</strong>s évolutions <strong>de</strong> notre société 233. Les limites endogènes au <strong>développement</strong> <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> 263.1. Des entrepreneurs à la <strong>pour</strong>suite d’un objectif concr<strong>et</strong> 263.2. Des entrepreneurs qui n’ont pas <strong>pour</strong> premier objectif <strong>de</strong> s’enrichir 263.3. Une sobriété entrepreneuriale volontaire 263.4. Des organisations à finalité définie, frein à la diversification 273.5. Les limites liées aux mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> fonctionnement propres aux sociétés <strong>de</strong> personnes 283.6. Une gouvernance favorable à l’emploi, mais souvent peu apte à s’adapteraux mutations stratégiques <strong>de</strong> ses métiers 283.7 Des mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> régulation salariale hétérogènes 283.8. Des porteurs <strong>de</strong> proj<strong>et</strong> en nombre insuffisant 304. <strong>Quel</strong>le place <strong>pour</strong> l’ESS dans une économie soutenable <strong>et</strong> démocratique ? 314.1. Le proj<strong>et</strong> d’une économie soutenable <strong>et</strong> démocratique est en phaseavec les valeurs portées par une partie <strong>de</strong> l’ESS 314.2. Les organisations <strong>de</strong> l’ESS doivent adopter une gouvernanceréellement démocratique qui donne envie 324.3. Contribuer au <strong>développement</strong> <strong>de</strong> nouvelles filières <strong>de</strong> satisfaction <strong>de</strong>s besoins 324.4. Développer <strong>de</strong>s logiques coopératives au-<strong>de</strong>là du marché 374.5. L’ESS <strong>et</strong> la régulation d’ensemble du système économique 375. Annexes5.1. Liste <strong>de</strong>s personnes interviewées 395.2. Poids <strong>de</strong> l'ESS par secteur d'activité 405.3. Positionnement stratégique <strong>de</strong>s organisations <strong>de</strong> l’ESS selon les statuts 513


<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?Résumé1. Si la définition <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> (ESS) <strong>de</strong>meure encore l’obj<strong>et</strong> <strong>de</strong>débats, la notion a acquis une réelle reconnaissance dans l’espace public au cours<strong>de</strong>s trois <strong>de</strong>rnières décennies. De nombreuses villes, communautés d’agglomération,départements <strong>et</strong> régions ont un élu en charge du <strong>développement</strong> <strong>de</strong> l’ESS, <strong>et</strong>soutiennent activement <strong>de</strong>s structures <strong>de</strong>stinées à y concourir. S’il n’existe plus <strong>de</strong>structure équivalente au sein du gouvernement, l’Etat ne s’en désintéresse pas nonplus, comme l’ont prouvé diverses initiatives prises ces <strong>de</strong>rnières années.2. Dans ce contexte, c<strong>et</strong>te étu<strong>de</strong> a <strong>pour</strong> obj<strong>et</strong> d’interroger la cohérence <strong>de</strong> la notiond’ESS, d’analyser le positionnement sectoriel <strong>de</strong>s organisations qu’elle rassemble, <strong>de</strong>mesurer son <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> confronter la réalité aux discourstenus par ceux qui parlent en son nom.3. De quoi parlons-nous ? L’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> regroupe <strong>de</strong>s organisationsqui se définissent soit par leur statut non lucratif <strong>et</strong> leur gestion démocratique, soitpar leur obj<strong>et</strong> social, qui revendique une utilité <strong>sociale</strong> spécifique. L’économie<strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> s’inscrit dans une histoire ancienne qui associe à la fois <strong>de</strong>s traditionscoopératives, mutualistes <strong>et</strong> associatives, par lesquelles <strong>de</strong>s communautésagissent <strong>pour</strong> trouver une solution à un problème auxquelles elles sont confrontées,<strong>et</strong> <strong>de</strong>s initiatives qui s’inscrivent plutôt dans une dimension charitable, parlesquelles <strong>de</strong>s individus ou groupes s’efforcent d’améliorer le sort d’autrespersonnes.4. La plupart <strong>de</strong> ces organisations contribuent à civiliser <strong>l'économie</strong> <strong>et</strong> à la démocratiser,ne serait-ce qu'en introduisant du pluralisme dans les formes d'organisationproductive. Elles témoignent du fait que l'entreprise privée capitaliste n'est pas laseule forme d’organisation apte à produire <strong>de</strong>s biens <strong>et</strong> services <strong>et</strong> quel'enrichissement personnel n'est pas le seul motif qui peut donner envie d'entreprendre.Enfin, elles prouvent parfois en actes que la démocratie ne s’arrête pasnécessairement à la porte <strong>de</strong>s organisations qui produisent efficacement <strong>de</strong>s biens<strong>et</strong> services.5. Les organisations <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> obéissent à <strong>de</strong>s modèleséconomiques très variés. Certaines d’entre elles sont totalement insérées dans lemarché <strong>et</strong> sont en concurrence frontale avec les sociétés <strong>de</strong> capitaux, tout enportant <strong>de</strong>s valeurs <strong>de</strong> coopération <strong>et</strong> <strong>de</strong> solidarité. D’autres, à l’autre extrême duspectre, dépen<strong>de</strong>nt étroitement <strong>de</strong> l’Etat ou <strong>de</strong>s collectivités territoriales quifinancent les missions <strong>de</strong> service public qui leur ont été déléguées.6. L’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> regroupe ainsi <strong>de</strong>s organisations profondémenthétérogènes par la logique économique à laquelle elles obéissent. Mais sonhétérogénéité apparaît également au vu <strong>de</strong> la diversité <strong>de</strong>s intérêts qu’elles servent,<strong>de</strong>s valeurs qu’elles portent, <strong>de</strong>s biens <strong>et</strong> services qu’elles proposent ou dispensent.Fruit <strong>de</strong> la mobilisation <strong>de</strong> la société dans toutes ses composantes, ces organisationscontribuent <strong>pour</strong> un grand nombre d’entre elles à la rendre plus humaine, à la civiliser,mais elles constituent également une sorte <strong>de</strong> kaléidoscope <strong>de</strong> la multiplicité5


<strong>de</strong>s intérêts particuliers <strong>et</strong> <strong>de</strong>s visions du bien commun qui cohabitent dans notresociété. C’est <strong>pour</strong>quoi l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ne porte pas une visioncommune <strong>de</strong> ce que <strong>pour</strong>rait être une autre société. Et si certains voudraient qu’elleconstitue un mouvement social en faveur d’une société plus juste, d’une économieplus démocratique <strong>et</strong> réellement soutenable, ils peinent à rassembler réellementautour <strong>de</strong> ces objectifs l’ensemble <strong>de</strong> l’ESS « réellement existante » <strong>et</strong> à mobiliserses salariés, sociétaires, adhérents ou associés sur c<strong>et</strong> objectif.7. L’ESS a donc une faible visibilité dans l’espace public, faute <strong>de</strong> constituer un réelmouvement social. C<strong>et</strong>te faible visibilité s’explique aussi par le fait que ses organisations,qu’elles relèvent <strong>de</strong> la sphère marchan<strong>de</strong> ou non marchan<strong>de</strong>, ne se distinguentpas toujours <strong>de</strong> manière évi<strong>de</strong>nte <strong>de</strong>s autres acteurs économiques <strong>et</strong>sociaux, sociétés <strong>de</strong> capitaux ou organisations publiques. L’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong><strong>solidaire</strong> marchan<strong>de</strong> n’a pas le monopole <strong>de</strong> l’utilité <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> subit les contingences<strong>de</strong> la concurrence à laquelle elle est exposée. L’économie <strong>sociale</strong> non marchan<strong>de</strong> estprofondément imbriquée dans le fonctionnement <strong>de</strong> l’Etat mo<strong>de</strong>rne sur lequel elleexerce une forte influence, mais dont elle est également l’agent, <strong>pour</strong> le meilleur <strong>et</strong><strong>pour</strong> le pire.8. Tout ceci contribue à expliquer <strong>pour</strong>quoi la <strong>de</strong>stinée historique <strong>de</strong>s organisations <strong>de</strong>l’ESS est souvent placée sous le triple signe <strong>de</strong> la récupération, <strong>de</strong> la banalisation <strong>et</strong><strong>de</strong> l’instrumentalisation : Récupération, quand les initiatives nées dans l’ESS sontreprises, voire généralisées, par les acteurs publics ou privés, souvent <strong>pour</strong> lemeilleur (la Sécurité <strong>sociale</strong>). Banalisation, quand sa spécificité tend à disparaître,sous l’eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> la concurrence <strong>et</strong> <strong>de</strong>s stratégies développées par ses dirigeants,comme on l’a vu dans le secteur financier ou dans la coopération agricole.Instrumentalisation, enfin, quand elle perd son autonomie stratégique <strong>et</strong> <strong>de</strong>vient unsimple instrument <strong>de</strong>s politiques publiques, comme c’est le cas parfois <strong>pour</strong> lesassociations d’action <strong>sociale</strong>. Au pire, elle peut <strong>de</strong>venir un substitut aux politiques<strong>de</strong> solidarité, la glorification <strong>de</strong>s initiatives <strong>de</strong> la « société civile » masquant unr<strong>et</strong>our à la charité privée comme solution <strong>de</strong>s problèmes sociaux.9. Sur ces bases, l’ESS occupe une place très spécifique au sein <strong>de</strong> l’activité économique(voir tableau 1 sur la page suivante). Seules les Scop sont présentes dans <strong>de</strong>nombreuses activités, mais elles doivent être distinguées <strong>de</strong>s autres organisations<strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> parce que leur obj<strong>et</strong> social est d’abord <strong>de</strong> fournir un emploi àleur salariés-associés. Ceci les oppose à l’ensemble <strong>de</strong>s mutuelles, associations <strong>et</strong> <strong>de</strong>la plupart <strong>de</strong>s autres coopératives, dont l’obj<strong>et</strong> social est <strong>de</strong> produire <strong>de</strong>s services ou<strong>de</strong>s biens spécifiques au bénéfice <strong>de</strong> leurs adhérents ou sociétaires. En tout état <strong>de</strong>cause, les effectifs très limités <strong>de</strong>s Scop – 40 000 salariés – en font l’exception quiconfirme la règle. Ainsi, hors agriculture, 81 % <strong>de</strong>s emplois <strong>de</strong> l’ESS sont concentrésdans un nombre <strong>de</strong> secteurs très limités – action <strong>sociale</strong>, l’éducation, santé, culture<strong>et</strong> loisirs, activités financières <strong>et</strong> d’assurance – qui contribuent <strong>pour</strong> 20 % seulementà l’emploi total. Elle pèse ainsi près <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux tiers <strong>de</strong> l’emploi total dans l’action<strong>sociale</strong>, plus du tiers dans la banque <strong>et</strong> l’assurance, près d’un cinquième dansl’éducation, un dixième dans la santé. En revanche, elle est quasiment absente <strong>de</strong>l’industrie hors agro-alimentaire ou encore du bâtiment, <strong>de</strong>ux secteurs où elle pèsemoins <strong>de</strong> 1 % <strong>de</strong>s effectifs. Elle est également quasiment absente au sein <strong>de</strong> nombreuxsecteurs <strong>de</strong>s services.6


10. Ce positionnement sectoriel très spécifique la disqualifie en tant qu’« autre économie »qui <strong>pour</strong>rait se substituer progressivement à l’offre <strong>de</strong> biens <strong>et</strong> services offertes par lessociétés <strong>de</strong> capitaux <strong>et</strong> les organisations publiques. En pratique, si « autre économie » ily a, elle tient plutôt à la spécificité <strong>de</strong> son positionnement sectoriel : l’ESS ne s’estfortement développée que dans les domaines où l’initiative privée <strong>et</strong> les pouvoirspublics ne répondaient pas efficacement aux besoins sociaux. A ce titre, elle a joué <strong>et</strong>joue plus que jamais un rôle essentiel dans le processus <strong>de</strong> réforme permanent àl’œuvre au sein <strong>de</strong> notre société. Elle a ainsi contribué, au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnièresdécennies, à réduire l’exclusion <strong>sociale</strong> provoquée par le chômage <strong>de</strong> masse, endéveloppant <strong>de</strong>s organisations d’insertion par l’activité économique, aujourd’huiprésentes dans <strong>de</strong> nombreux secteurs d’activité. Elle apporte aussi, via certains <strong>de</strong> sesmembres, sa pierre à la réflexion sur la conversion <strong>de</strong> nos modèles économiques dansles domaines agricole, énergétique, sanitaire, social, financier, comme en ont témoignéles cahiers d’espérance rédigés à l’occasion <strong>de</strong>s récents Etats généraux <strong>de</strong> l’ESS.11. Pour autant, les sociétés <strong>de</strong> capitaux <strong>de</strong>vraient <strong>de</strong>meurer durablement la formedominante <strong>de</strong> la création d’entreprise dans nos démocraties <strong>de</strong> marché. Car la faiblesserelative <strong>de</strong> l’ESS <strong>et</strong> sa faible diversification tient aussi aux aspirations spécifiques <strong>de</strong> sescréateurs d’entreprise, plus soucieux <strong>de</strong> répondre aux besoins sociaux que <strong>de</strong> créer <strong>de</strong>nouveaux produits, par les freins à la diversification apportés par les statuts <strong>et</strong> un obj<strong>et</strong>social souvent étroitement défini, par les conditions <strong>de</strong> la concurrence dans certainesactivités <strong>et</strong> par l’insuffisant nombre <strong>de</strong> porteurs <strong>de</strong> proj<strong>et</strong>s sociaux <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>s.12. Certaines organisations qui se reconnaissent dans la notion d’ESS contribuent néanmoinsà penser les nouveaux mo<strong>de</strong>s d’organisation socio-techniques qui <strong>pour</strong>raientsatisfaire <strong>de</strong>main <strong>de</strong> manière soutenable les besoins <strong>de</strong> l’humanité. Elles s’efforcentd’imaginer <strong>de</strong> nouvelles manières <strong>de</strong> financer, produire, nourrir, loger, former, soigner,distraire, déplacer les dix milliards d’hommes que notre p<strong>et</strong>ite planète va compter <strong>de</strong>main.Elles contribuent ainsi à la transformation <strong>de</strong> notre société, <strong>de</strong> notre économie.Mais toute l’ESS ne les suit pas <strong>et</strong> elles ne sont pas seules à agir. Elles contribuent peu àl’innovation technologique <strong>et</strong> les nouvelles filières sociaux-techniques se développenttrès largement en <strong>de</strong>hors d’elles.13. L’ESS est cependant en phase avec <strong>de</strong> nombreuses attentes, qu’elles émanent dumon<strong>de</strong> politique, notamment au niveau <strong>de</strong>s territoires, soucieux <strong>de</strong> trouver <strong>de</strong>sréponses à l’insécurité entrainée par la mondialisation ou à la recherche d’alternativesnouvelles, <strong>de</strong>s jeunes qui aspirent à exercer une activité porteuse <strong>de</strong> sens, <strong>de</strong>s consommateursenfin, qui se veulent <strong>de</strong> plus en plus responsables.14. Une société plus soucieuse <strong>de</strong> réduire ses consommations matérielles <strong>et</strong> <strong>de</strong> privilégier lebien-être <strong>de</strong> ses membres donnerait plus <strong>de</strong> place aux services aux personnes, auxdynamiques territoriales, aux circuits courts, aux énergies renouvelables, au recyclagegénéralisé, à l’emploi <strong>pour</strong> tous. Elle serait <strong>potentiel</strong>lement favorable au <strong>développement</strong><strong>de</strong> l’ESS, qui a souvent joué un rôle pionnier dans tous ces domaines. Une sociétéqui privilégierait la démocratie à tous les niveaux favoriserait également les sociétés <strong>de</strong>personnes, dont la gouvernance peut être en lien étroit avec les mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> délibération<strong>de</strong>s assemblées démocratiques locales. La place occupée <strong>de</strong>main par l’ESS dépendracependant <strong>de</strong> sa capacité à se montrer aussi efficace que le secteur privé tout en sedifférenciant grâce à son utilité <strong>sociale</strong> particulière <strong>et</strong> à <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> gouvernanceexemplaires. En eff<strong>et</strong>, il ne faut pas sous-estimer la capacité <strong>de</strong> récupération d’initia-8


<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?tives nées au sein <strong>de</strong> l’ESS par les sociétés <strong>de</strong> capitaux dès lors que ces idées se développent<strong>et</strong> changent d’échelle.15. A court <strong>et</strong> moyen terme, le <strong>développement</strong> <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>, compt<strong>et</strong>enu du poids dominant <strong>de</strong>s activités non marchan<strong>de</strong>s ou subventionnées en son sein,<strong>de</strong>meure étroitement corrélé au niveau <strong>de</strong> socialisation <strong>de</strong>s revenus, <strong>et</strong> aux choixréalisés par la puissance publique <strong>de</strong> faire ou <strong>de</strong> faire faire. Il dépend donc autantd’arbitrages politiques que <strong>de</strong> la dynamique propre aux acteurs <strong>de</strong> l’ESS. La pression à labaisse <strong>de</strong>s prélèvements obligatoires <strong>et</strong> la volonté <strong>de</strong> maîtriser la dépense publique àtous les niveaux jouent ainsi contre l’emploi social <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>.16. L’ESS peut en revanche être un facteur <strong>de</strong> transformation <strong>sociale</strong> en contribuant ànourrir le débat sur la nécessaire évolution <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> gouvernance <strong>de</strong> toutes lesentreprises. Les excès du capitalisme actionnarial conduisent à faire monter la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>d’une meilleure prise en compte <strong>de</strong>s intérêts <strong>de</strong>s différentes parties prenantes, commel’illustrent les exigences en matière <strong>de</strong> responsabilité <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> environnementale (RSE)adressées à toutes les entreprises. C<strong>et</strong>te influence s’exercera d’autant mieux que l’ESSsaura se montrer exemplaire, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. La démocratiedont se prévaut l’ESS présente <strong>de</strong>s caractéristiques très spécifiques ; si le pouvoirn’appartient pas aux apporteurs <strong>de</strong> capitaux, il n’y est pas toujours exercé <strong>de</strong> manièreréellement démocratique, même si les procédures statutaires sont formellementrespectées.17. Constatons tout d’abord que la démocratie <strong>de</strong>s organisations <strong>de</strong> l’ESS présente <strong>de</strong>scaractéristiques très spécifiques. La démocratie politique, au niveau <strong>de</strong> la société touteentière, assure une conduite <strong>de</strong>s affaires publiques en accord avec la volonté général<strong>et</strong>elle qu’elle s’exprime à travers le suffrage universel. En pratique, le peuple n’étant pasun grand Un, on considère comme démocratique une société où <strong>de</strong>s visionsconcurrentes <strong>de</strong> l’intérêt général peuvent s’exprimer librement, <strong>et</strong> où le pouvoir n’estpas toujours détenu par les mêmes. En un mot, où une alternance est possible. D’où lapluralité <strong>de</strong>s partis, la liberté <strong>de</strong> la presse, l’organisation d’élections libres. Ladémocratie ne se résume pas à <strong>de</strong>s procédures : elle suppose aussi que soit donnée auxdifférentes composantes <strong>de</strong> la société civile – à commencer par les partenaires sociaux– la possibilité <strong>de</strong> s’organiser <strong>pour</strong> faire valoir leurs intérêts <strong>et</strong> défendre leurs valeurs. Lagouvernance démocratique <strong>de</strong>s organisations <strong>de</strong> l’ESS a un obj<strong>et</strong> très différent. Elle visesurtout à assurer la pérennité du contrat social initial. D’où une démocratie trèsorganisée, qui donne une large place à la cooptation, comme le traduit les mo<strong>de</strong>sd’élaboration <strong>de</strong>s listes généralement uniques présentées aux votes <strong>de</strong>s associés,sociétaires ou adhérents.18. Plus problématique est l’absence <strong>de</strong> représentation <strong>de</strong>s différentes parties prenantesen due proportion <strong>de</strong> leur intérêt à la bonne marche <strong>de</strong>s organisations <strong>de</strong> l’ESS, àl’exception notable <strong>de</strong>s sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC), qui <strong>de</strong>meurentcependant marginales. La question <strong>de</strong> savoir qui dirige les entreprises <strong>de</strong> l’ESS estgénéralement tranchée au bénéfice d’une seule catégorie d’acteurs. Et ce n’est quedans les Scop que les salariés-associés détiennent le pouvoir. De ce fait, le rapportsalarial se développe souvent dans <strong>de</strong>s termes peu différents <strong>de</strong> ce qu’il est dans lessociétés <strong>de</strong> capitaux dans les organisations <strong>de</strong> l’ESS. Ainsi, les conseils d’administration<strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s associations d’action <strong>sociale</strong> sont presque toujours composés <strong>de</strong> personnalitésbénévoles sans que soient représentés ni les salariés, ni les bénéficiaires du9


service. Enfin, le pouvoir réel n’est pas toujours détenu par le corps social prévu par lesstatuts : on observe <strong>de</strong> nombreux cas <strong>de</strong> capture du pouvoir par les managers,d’absence d’autonomie stratégique compte tenu du poids exercé par les financeurs,d’insuffisant débat interne du fait d’un exercice autocratique du pouvoir par <strong>de</strong>sprési<strong>de</strong>nts inamovibles… La gouvernance démocratique dont se prévaut l’ESS n’a pastoujours un caractère exemplaire qui puisse donner envie. C’est <strong>pour</strong>tant une condition<strong>pour</strong> qu’elle contribue à la transformation du cadre normatif imposé à l’ensemble <strong>de</strong>sentreprises, <strong>de</strong> manière à ce que toutes les organisations productives soient conduites àassocier à leur gouvernance toutes les parties prenantes directement investies dans leuractivité.19. Enfin, <strong>et</strong> <strong>pour</strong> conclure, observons qu’au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l’engagement politique <strong>de</strong>s individusqui la composent, l’ESS en tant que telle a peu <strong>de</strong> choses à dire sur la façon d’articuler,au niveau macro-économique, le rôle du marché, expression <strong>de</strong> l’autonomie <strong>et</strong> <strong>de</strong> laliberté <strong>de</strong>s agents économiques, <strong>et</strong> le rôle <strong>de</strong> la puissance publique, garant <strong>de</strong> l’intérêtcollectif <strong>et</strong> <strong>de</strong> la cohésion <strong>sociale</strong>. Elle ne fait d’ailleurs sens qu’aussi longtemps qu’elleest issue d’initiatives décentralisées, portées par les multiples groupes <strong>et</strong> communautésqui composent la société. C’est d’ailleurs parce qu’elle porte <strong>de</strong>s valeurs d’autonomie,<strong>de</strong> coopération librement choisie qu’elle fait envie <strong>et</strong> a vocation à s’étendre. Toute ladifficulté est <strong>de</strong> faire le lien entre c<strong>et</strong>te logique « du bas vers le haut » <strong>et</strong> les réponsesglobales à dégager <strong>pour</strong> répondre dans un cadre démocratique approfondi <strong>et</strong> rénovéaux défis auxquels nos sociétés sont aujourd’hui confrontées, sur les plans économique,social <strong>et</strong> écologique.10


<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?1. De quoi parlons-nous ?1.1. Une économie définie par ses statuts oupar son obj<strong>et</strong>L’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> (ESS) comprend toutd’abord ce qu’on désigne sous le terme d’économie<strong>sociale</strong>, c’est-à-dire les associations, les coopératives,les mutuelles <strong>et</strong> les fondations. Un ensemble qui regroupeaujourd’hui près <strong>de</strong> 160 000 organisations quiemploient 2,3 millions <strong>de</strong> salariés. Toutes ces organisationsont en commun d’être gouvernées sur unmo<strong>de</strong> qui se veut démocratique <strong>et</strong> d’avoir <strong>pour</strong>objectif affirmé <strong>de</strong> satisfaire l’obj<strong>et</strong> social défini parleurs adhérents, associés ou sociétaires. Ce qui lesdistingue, dans leur finalité, <strong>de</strong>s sociétés <strong>de</strong> capitauxoù le pouvoir est détenu par les actionnaires <strong>et</strong> où laproduction <strong>de</strong> biens <strong>et</strong> services n’est qu’un moyen auservice <strong>de</strong> la maximisation <strong>de</strong>s profits tirés du capitalinvesti 1 .Le terme d’économie <strong>solidaire</strong>, <strong>pour</strong> sa part, regroupeles organisations qui se veulent à « forte utilité<strong>sociale</strong> », par exemple en embauchant en priorité <strong>de</strong>spersonnes en difficulté ou en les aidant à créer uneactivité, en développant <strong>de</strong>s activités soutenables surle plan écologique, ou encore en pratiquant <strong>de</strong>sformes d'échange respectant <strong>de</strong>s normes <strong>sociale</strong>s <strong>et</strong>environnementales élevées, comme le fait le commerceéquitable 2 . La notion d’« utilité <strong>sociale</strong> » n’estpas donnée une fois <strong>pour</strong> toutes ; elle change en fonction<strong>de</strong>s préférences <strong>de</strong> ceux qui l’emploient. Toutl’enjeu étant, <strong>pour</strong> les acteurs <strong>de</strong> l’économie <strong>solidaire</strong>,<strong>de</strong> faire partager leur conception par les autoritéspubliques, afin <strong>de</strong> justifier l’obtention d’avantagesspécifiques.Ces <strong>de</strong>ux familles se recouvrent largement : la plupart<strong>de</strong>s entreprises <strong>solidaire</strong>s ont un statut associatif oucoopératif. Mais, à examiner le secteur <strong>de</strong> plus près,on découvre vite que les <strong>de</strong>ux champs ne se1 Pour savoir plus sur l’économie <strong>sociale</strong>, voir « L’économie<strong>sociale</strong> <strong>de</strong> A à Z ». Alternatives Economiques, hors sériepoche n°38bis (<strong>de</strong>uxième édition mars 2009). Coordonnépar Jean-François Draperi <strong>et</strong> publié en partenariat avec leCrédit coopératif, la CGScop, la Fonda, le Groupe ChèqueDéjeuner, la Macif <strong>et</strong> la Maif. Plus ancien mais toujours pertinent: L’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>, Danièle DemoustierEd.La découverte. 2003.2 Pour en savoir plus : Dictionnaire <strong>de</strong> l’autre économie.Jean-Louis Laville, coll. Folio actuel. 2006, <strong>et</strong> L’économie <strong>solidaire</strong>,une perspective internationale. Jean-Louis Laville(dir.) Hach<strong>et</strong>te Littératures, 2007.confon<strong>de</strong>nt pas totalement : il ne suffit pas à unebanque d'être coopérative <strong>pour</strong> être <strong>solidaire</strong>… <strong>et</strong>certaines entreprises peuvent avoir adopté un statutprivé lucratif tout en <strong>pour</strong>suivant <strong>de</strong>s objectifs <strong>et</strong> enadoptant <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> gouvernance qui les qualifient<strong>pour</strong> être considérées comme <strong>solidaire</strong>s.L’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> rassemble donc <strong>de</strong>sorganisations qui se veulent alternatives soit par cequ’elles sont, soit par ce qu’elles font : par ce qu’ellessont, car leur statut est censé produire d’autres rapportssociaux ; par ce qu’elles font, car leur obj<strong>et</strong>social aurait une utilité <strong>sociale</strong> particulière.1.2. Une réalité ancienne portée par <strong>de</strong>smotivations pluriellesL'économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> n'est pas quelquechose <strong>de</strong> nouveau. Face aux problèmes économiques<strong>et</strong> sociaux auxquels notre société est confrontée –pauvr<strong>et</strong>é, insécurité <strong>sociale</strong> – il s’est toujours trouvé<strong>de</strong>s personnes suffisamment soucieuses du sort <strong>de</strong>leurs semblables <strong>pour</strong> agir en faveur <strong>de</strong>s plus démunis: le <strong>développement</strong> <strong>de</strong>s « bonnes œuvres » auservice <strong>de</strong>s plus pauvres ou <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s ne date pasd’hier. Ainsi, les hospices <strong>de</strong> Beaune, fondés en 1443,mondialement connus <strong>pour</strong> leur patrimoine architectural<strong>et</strong> la vente annuelle <strong>de</strong> leur productionviticole, exploitent toujours un centre hospitalier àbut non lucratif <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 200 lits <strong>et</strong> un institut <strong>de</strong>formation en soins infirmiers…Parallèlement à c<strong>et</strong>te logique caritative, d’autrespersonnes se sont regroupées afin <strong>de</strong> trouver <strong>de</strong>ssolutions collectives à leurs problèmes, <strong>pour</strong> autantque les autorités leur en laissaient la possibilité : dèsle Moyen-Âge, par exemple, les éleveurs du Juracréent <strong>de</strong>s fruitières coopératives <strong>pour</strong> produire lefromage <strong>de</strong> Comté. La coexistence <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>uxlogiques – caritative d’une part <strong>et</strong> d’auto-organisationd’autre part – traverse encore aujourd’hui l’économie<strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>. Le mon<strong>de</strong> associatif, quand il produit<strong>de</strong>s services, s’inscrit largement dans l’héritagecharitable, tandis que les coopératives <strong>et</strong> les mutuelless’inscrivent dans la tradition d’auto-organisation.Le premier pèse <strong>pour</strong> 80 % <strong>de</strong>s emplois <strong>de</strong> l’économie<strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>, les secon<strong>de</strong>s se partageant les20 % restants.11


L’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> a donc <strong>de</strong>s racinesanciennes, <strong>et</strong> <strong>de</strong>s racines plurielles. L’émergence <strong>de</strong> lasociété industrielle n’a pas réellement modifié c<strong>et</strong>tesituation. Bien avant la loi qui leur a donné une reconnaissancelégale, les structures associatives ont jouéun rôle essentiel dans le <strong>développement</strong> <strong>de</strong>s politiquesd’assistance, mais aussi dans les domaines éducatif<strong>et</strong> culturel ou encore dans celui <strong>de</strong>s loisirs. Ungrand nombre d’entre elles étaient <strong>et</strong> <strong>de</strong>meurentd’inspiration religieuse, d’autres s’inscrivant au contrairedans une tradition émancipatrice d’inspirationrépublicaine ou socialiste 3 .Parallèlement, en marge du mouvement syndical,avec lequel le mouvement mutualiste <strong>et</strong> coopératif atoujours entr<strong>et</strong>enu <strong>de</strong>s rapports complexes 4 , on a vuse développer <strong>de</strong>s sociétés mutuelles <strong>et</strong> <strong>de</strong>s coopératives<strong>de</strong>venues l’avant-gar<strong>de</strong> <strong>de</strong> la lutte contre lesrisques sociaux associés au salariat industriel, ouperm<strong>et</strong>tant <strong>de</strong> produire ou <strong>de</strong> distribuer <strong>de</strong>s biens ouservices <strong>de</strong> manière alternative aux entreprisescapitalistes.La mobilisation <strong>de</strong> personnes <strong>et</strong> <strong>de</strong> groupes soucieuxd’associer liberté <strong>et</strong> responsabilité, autonomie <strong>et</strong>solidarité, a ainsi permis <strong>de</strong> développer une économieplus <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> plus <strong>solidaire</strong> dès le XIX e siècle, aucœur même <strong>de</strong> la société industrielle dominée par lesrapports sociaux capitalistes. On peut en offrir <strong>de</strong>nombreuses illustrations : ainsi, quand les ouvrierscréèrent les premières sociétés <strong>de</strong> secours mutuel, aumilieu du XIX e siècle, ils parvinrent à accé<strong>de</strong>r collectivementà un minimum <strong>de</strong> sécurité alors que les patronslicenciaient sans in<strong>de</strong>mnités les salariés mala<strong>de</strong>sou invali<strong>de</strong>s. Il en va <strong>de</strong> même <strong>de</strong>s paysans ou <strong>de</strong>sartisans <strong>et</strong> p<strong>et</strong>its patrons qui se rassemblèrent à la findu XIX e siècle <strong>pour</strong> créer les premières caisses <strong>de</strong>crédit agricole ou les premières banques populaires, ytrouvant le moyen d'accé<strong>de</strong>r au crédit que lesbanques classiques leur refusaient. Plus récemment,les associations <strong>de</strong> tourisme social qui se sontdéveloppées aux len<strong>de</strong>mains <strong>de</strong> la Secon<strong>de</strong> Guerremondiale ont permis aux employés <strong>et</strong> aux ouvriers <strong>de</strong>profiter <strong>de</strong> leurs congés payés <strong>pour</strong> partir en va-3 Charles Gi<strong>de</strong>, grand théoricien <strong>et</strong> militant <strong>de</strong> l’économie<strong>sociale</strong>, comptait ainsi parmi les fondateurs <strong>de</strong> la Ligue <strong>de</strong>sdroits <strong>de</strong> l’homme.4 Sur ce suj<strong>et</strong>, voir « Economie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> mouvementsyndical », Jean-Philippe Milesy, Alternatives EconomiquesHors série poche n° 37bis, janvier 2009. L’emprise dumarxisme sur le syndicalisme <strong>et</strong> le mouvement socialisteaccentuera la coupure avec l’économie <strong>sociale</strong>. A celas’ajoute le fait que les milieux conservateurs seront parfoisà l’origine d’organisations <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong>, ce quedénoncera Charles Gi<strong>de</strong> en son temps. Certaines coopératives<strong>de</strong> consommation seront d’inspiration patronale, labaisse <strong>de</strong>s prix ainsi obtenue perm<strong>et</strong>tant d’accroître lepouvoir d’achat sans avoir à accroître le niveau <strong>de</strong>s salaires.cances, un luxe jusque-là réservé à une minoritéaisée. Enfin, quand, dans les années 1980, <strong>de</strong>stravailleurs sociaux créent <strong>de</strong>s entreprises <strong>et</strong> embauchent<strong>de</strong>s personnes jugées inemployables par lesemployeurs du secteur privé, comme par ceux dusecteur public, ils prouvent qu'il est possible <strong>de</strong> lutterconcrètement contre l'exclusion <strong>et</strong> d’insérer parl’activité économique <strong>de</strong>s personnes très éloignées <strong>de</strong>Une dimension internationaleL’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> n’est pas unespécificité française. Partout où les hommes vivent,il se trouve <strong>de</strong>s personnes <strong>pour</strong> tenter <strong>de</strong> répondreaux questions économiques <strong>et</strong> <strong>sociale</strong>s auxquellesla puissance publique <strong>et</strong>/ou le secteur privé nedonnent pas <strong>de</strong> réponses satisfaisantes. Même siles noms <strong>et</strong> les statuts diffèrent, peu <strong>de</strong> chosesséparent l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> française<strong>de</strong> l'important non-profit sector qui existe auxEtats-Unis – les <strong>de</strong>ux occupent d’ailleurs un<strong>pour</strong>centage voisin <strong>de</strong> la population active. Demême, dans le reste <strong>de</strong> l'Union européenne, enAmérique latine comme en Asie, on trouve <strong>de</strong>nombreuses coopératives, mutuelles, associationsou fondations fédérées au sein <strong>de</strong>s structuresinternationales comme l’Association internationale<strong>de</strong> la mutualité, l’Alliance coopérative internationale,<strong>et</strong>c.l’emploi 5 . On <strong>pour</strong>rait multiplier les exemples : dans ledomaine du logement, avec Habitat <strong>et</strong> Humanisme,qui s’attaque au mal logement, en réhabilitant <strong>de</strong>slogements anciens <strong>pour</strong> les louer ensuite à <strong>de</strong>sménages à faibles revenus ; dans le domaine du recyclage<strong>et</strong> <strong>de</strong> l’écologie industrielle ; dans le domaine <strong>de</strong>l’épargne <strong>et</strong> du microcrédit, qui contribue à démocratiserle droit d’entreprendre ; dans le domaine ducommerce équitable enfin, qui témoigne qu’on peutconsommer <strong>de</strong>s biens <strong>et</strong> se soucier <strong>de</strong> la dignité <strong>de</strong>ceux qui les produisent...1.3. Une économie peu visible car trèsimbriquée dans le marché <strong>et</strong> l’EtatJamais aucun congrès ou réunion d’acteurs <strong>de</strong>l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ne peut se passer sansqu’un intervenant se désole <strong>de</strong> sa faible visibilité dansle champ social – <strong>et</strong> du faible intérêt porté à sonexistence par le mon<strong>de</strong> intellectuel. De fait, l’opinionpublique comprend toujours aussi mal ce que signifieconcrètement ce terme d’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> soli-5 Pour en savoir plus : « L’insertion par l’activité économique», Alternatives Economiques, Hors série Poche n°44,mai 2010.12


<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?daire tandis que la gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s économistes,sociologues, politologues <strong>et</strong> philosophes, mis à part lap<strong>et</strong>ite troupe <strong>de</strong>s universitaires spécialistes du suj<strong>et</strong>,très souvent acquis à la cause, considèrent qu’il s’agitd’un non-suj<strong>et</strong>.La faible visibilité <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>n’est pas due à une volonté <strong>de</strong>s médias d’imposer unblack out à son suj<strong>et</strong>, ni au peu <strong>de</strong> curiosité <strong>de</strong>s universitaires.Si l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> peine àfaire parler d’elle, c’est moins du fait <strong>de</strong> sa différenceque <strong>de</strong> sa proximité à l’égard du reste <strong>de</strong> l’économie<strong>et</strong> <strong>de</strong> la société. Profondément insérée dans notresociété, elle en subit logiquement les contingences.1.3.1. La loi du marché en partageObservons tout d’abord qu’il est trop simpled’opposer un secteur privé qui serait nuisible parnature, parce que mû par le profit, à un mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> qui <strong>pour</strong>suivrait, quantà lui, <strong>de</strong>s fins d’intérêt général. En pratique, si lesecteur privé est bien mu par le profit, les biens <strong>et</strong>services qu’il produit ne sont pas nécessairementmoins utiles à la société que ceux produits par lesorganisations <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>insérées dans le marché. Le boulanger qui, chaquematin, se lève tôt <strong>pour</strong> faire son pain, a une utilité<strong>sociale</strong> incontestable. De même, le fabricant <strong>de</strong>radiateurs est particulièrement utile à tous ceux quisouhaitent disposer d’un chauffage central. Lesmilitants <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> dénoncentles sociétés <strong>de</strong> capitaux dont le seul objectif est <strong>de</strong>maximiser la rémunération du capital investi. Mais leprofit n’est qu’un sol<strong>de</strong>, qui suppose, <strong>pour</strong> êtreobtenu, <strong>de</strong> produire <strong>de</strong>s biens <strong>et</strong> services qui trouventpreneurs <strong>et</strong> qui se voient reconnus une utilité par lesconsommateurs. Certes les motivations du secteurcapitaliste sont contestables, puisque les biens <strong>et</strong>services produits ne sont qu’un moyen détourné <strong>pour</strong>satisfaire un autre but – dégager <strong>de</strong>s profits. Maisc<strong>et</strong>te considération morale ne doit pas nous faireperdre <strong>de</strong> vue que l’économie <strong>de</strong> marché n’a pas <strong>de</strong> simauvais résultats en tant que machine à produire <strong>et</strong>distribuer une gran<strong>de</strong> variété <strong>de</strong> biens <strong>et</strong> services.L’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> n’a donc pas le monopole<strong>de</strong> l’utilité <strong>et</strong> nous serions bien ennuyés s’il nousfallait essayer <strong>de</strong> vivre <strong>de</strong>main en ne consommantque <strong>de</strong>s biens <strong>et</strong> services proposés par les organisations<strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>.D’un autre côté, le caractère insoutenable <strong>de</strong> nosmo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vie <strong>et</strong> <strong>de</strong> consommation justifie une réflexioncritique sur l’utilité <strong>de</strong> multiples biens <strong>et</strong>services mis sur le marché. De même que la déconnexionentre <strong>pour</strong>suite <strong>de</strong> la croissance <strong>et</strong> progrès dubien-être individuel <strong>et</strong> collectif. Comment se satisfaired’une société qui fait cohabiter hyperconsommation<strong>et</strong> pauvr<strong>et</strong>é ? La production marchan<strong>de</strong> est certesefficace, mais elle ne prend en compte que la<strong>de</strong>man<strong>de</strong> solvable <strong>et</strong> dans sa course à l’accumulation<strong>de</strong> richesse monétaire, elle est prête à produiren’importe quoi <strong>et</strong> à déployer <strong>de</strong>s efforts considérables<strong>pour</strong> le vendre, sans se soucier <strong>de</strong> la réalité <strong>de</strong>sbesoins sociaux, ni <strong>de</strong>s eff<strong>et</strong>s externes négatifsengendrés par son activité. Nos mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vie <strong>et</strong> <strong>de</strong>consommation ont <strong>pour</strong> corollaire une facture environnementalequi menace l’avenir <strong>de</strong> l’humanité touten maintenant une large partie <strong>de</strong> la population dansun état <strong>de</strong> frustration, faute <strong>de</strong> pouvoir atteindre lanorme véhiculée par la publicité <strong>et</strong> les médias, tandisqu’une minorité significative vit dans la pauvr<strong>et</strong>é.L’offre suit d’ailleurs étroitement la structure <strong>de</strong> ladistribution <strong>de</strong>s revenus, comme en témoigne l’explosion<strong>de</strong>s marchés du luxe, en parallèle avec la montée<strong>de</strong>s très hauts revenus, <strong>et</strong> l’apparition symétrique <strong>de</strong>rayons « premiers prix » dans les hypermarchés.Face à ces évolutions, l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> aune capacité limitée d’offrir une alternative. Certes,les entrepreneurs sociaux <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>s préfèrentproduire <strong>de</strong>s biens qui conservent leur valeur quandchacun les possè<strong>de</strong>, <strong>et</strong> non ceux qui ont <strong>pour</strong> principalobjectif d’affirmer la position <strong>sociale</strong> du consommateur.Leur idéal est même <strong>de</strong> produire surtout <strong>de</strong>sbiens <strong>et</strong> services dont la valeur est d’autant plusgran<strong>de</strong> que chacun en bénéficie : assurance auto,soins <strong>de</strong> santé, éducation.En revanche, dans un mon<strong>de</strong> caractérisé par lechômage <strong>et</strong> la précarité, les organisations <strong>de</strong> l’ESS situéessur le marché se trouvent contraintes <strong>de</strong> s’adapteraux évolutions <strong>de</strong> la structure <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>.Certaines gran<strong>de</strong>s mutuelles, en assurance dommagescomme en complémentaires santé, ont ainsi étéconduites à diversifier leur offre, en proposant <strong>de</strong>scontrats moins compl<strong>et</strong>s mais accessibles à uneclientèle, notamment les jeunes, dont le pouvoird’achat n’est pas celui <strong>de</strong>s salariés en CDI, jusque-là lagran<strong>de</strong> masse <strong>de</strong> leurs adhérents ou sociétaires. Unchoix réalisé sans enthousiasme <strong>et</strong> souvent après <strong>de</strong>difficiles débats internes.En répondant à l’évolution <strong>de</strong> la structure <strong>de</strong> la<strong>de</strong>man<strong>de</strong>, ces mutuelles s’adaptent à c<strong>et</strong>te réalitédéplaisante qui veut que certains ménages, faute <strong>de</strong>moyens, sont contraints <strong>de</strong> choisir une couverturemoindre, <strong>pour</strong> ne pas dire au rabais. On mesure icicombien la solidarité mutualiste ne joue pleinementqu’au sein <strong>de</strong> groupes aux revenus <strong>et</strong> aux statutsrelativement homogènes. Elle peut prétendre à l’universalitéen situation <strong>de</strong> plein emploi mais trouve viteses limites quand le chômage <strong>de</strong> masse s’installe. Lasolidarité mutualiste tend alors à <strong>de</strong>venir un privilègeréservé aux seuls insi<strong>de</strong>rs.13


<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?l’exercice <strong>de</strong> leurs missions. Ce faisant, elles influentfortement sur le contenu <strong>de</strong>s politiques publiques.Ces associations accomplissent en outre un très util<strong>et</strong>ravail <strong>de</strong> plaidoyer auprès <strong>de</strong> l’opinion <strong>et</strong> <strong>de</strong>s médias.C’est le cas du collectif Alerte, rassemblant lesprincipales associations qui agissent dans le secteur<strong>de</strong> la lutte contre la pauvr<strong>et</strong>é <strong>et</strong> l’exclusion <strong>sociale</strong> 9 .Dans le domaine <strong>de</strong> l’éducation populaire, les fédérationsdisposent également d’une réelle autorité politique– ce qui n’est d’ailleurs pas toujours appréciéepar les élus, lesquels préfèrent parfois traiter avec <strong>de</strong>sstructures plus p<strong>et</strong>ites <strong>et</strong> plus dociles…Dans tous les cas <strong>de</strong> figure, les associations gestionnairesentr<strong>et</strong>iennent <strong>de</strong>s rapports étroits avec lespouvoirs publics. C’est <strong>pour</strong>quoi l’opinion, <strong>et</strong> lesusagers <strong>de</strong>s services, ont tendance à les considérer,avec raison, comme une sorte d’extension <strong>de</strong> lasphère publique.L’interpénétration <strong>de</strong> l’ESS <strong>et</strong> <strong>de</strong> la fonction publiqueest également illustrée par le grand nombre d’anciensfonctionnaires ou <strong>de</strong> fonctionnaires en situation <strong>de</strong>détachement au sein <strong>de</strong>s conseils d’administration<strong>de</strong>s associations, mais aussi parmi les bénévoles,salariés <strong>et</strong> militants <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>.Rien <strong>de</strong> bien surprenant : les uns <strong>et</strong> les autrespartagent souvent le même souci du bien commun,même si l’idée qu’ils s’en font peut différer selonleurs préférences politiques.En eff<strong>et</strong>, nombre <strong>de</strong> promoteurs <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong><strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> sont issus <strong>de</strong> la haute fonction publique,<strong>et</strong> ont souvent mené <strong>de</strong> front une carrièrepolitique avant <strong>de</strong> s’engager à son service. Ils jouentun rôle <strong>de</strong> facilitateurs en m<strong>et</strong>tant à son service leurautorité <strong>et</strong> leur carn<strong>et</strong> d’adresses. Leur engagements’inscrit souvent en continuité avec leur actionpassée : à leurs yeux, l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>constitue un moyen d’atteindre les buts que la puissancepublique s’assigne – ou plutôt <strong>de</strong>vrait s’assigner– en matière <strong>de</strong> lutte contre les exclusions, contre lemal logement, <strong>et</strong>c.En conclusion, les organisations <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong><strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>, qu’ils relèvent <strong>de</strong> la sphère marchan<strong>de</strong>ou non marchan<strong>de</strong>, ne se distinguent donc pastoujours <strong>de</strong> manière évi<strong>de</strong>nte <strong>de</strong>s autres acteurséconomiques <strong>et</strong> sociaux, sociétés <strong>de</strong> capitaux ouorganisations publiques. Tantôt elles opèrent sur unmarché dont elles subissent les contingences, tantôtelles restent imbriquées dans le fonctionnement <strong>de</strong>l’Etat sur lequel elles exercent une forte influence,mais dont elles sont également l’agent, <strong>pour</strong> lemeilleur <strong>et</strong> <strong>pour</strong> le pire.9 www.alerte-exclusions.fr1.4. L’ESS répare <strong>et</strong> transforme, mais nereprésente pas une force homogèneLes exemples donnés dans les pages précé<strong>de</strong>ntes entémoignent : que ce soit dans les domaines sanitaire<strong>et</strong> social, culturel, éducatif ou sportif, l’économie <strong>sociale</strong><strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> a joué <strong>et</strong> joue encore très souvent unrôle pionnier, innovateur, dans la réponse aux problèmessociaux. Sa dimension innovante est ici intimementliée à sa dimension réparatrice, la notion <strong>de</strong>réparation <strong>de</strong>vant ici être prise au sens <strong>de</strong> la réparation<strong>de</strong>s atteintes à la cohésion <strong>sociale</strong> portées parl’économie <strong>de</strong> marché ou plus généralement par lesaléas <strong>de</strong> la vie ; réparation également, dans certainscas, d’autres dégâts produits par le système économique,notamment environnementaux.Dans c<strong>et</strong>te perspective, le secteur associatif « classique» ne détient pas le monopole <strong>de</strong> l’innovation<strong>sociale</strong>. Des banques coopératives, <strong>de</strong>s mutuelles ou<strong>de</strong>s institutions spécialisées ont également développé<strong>de</strong>s produits d'épargne <strong>solidaire</strong>. Dans le domaineagricole, <strong>de</strong>s consommateurs <strong>et</strong> <strong>de</strong>s producteurs inventent<strong>de</strong> nouvelles filières, en rupture avec le productivisme,comme les Associations <strong>pour</strong> le maintiend'une agriculture paysanne (Amap).Au total, <strong>de</strong> nombreuses organisations qui se revendiquent<strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> œuvrent enfaveur <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> production <strong>et</strong> <strong>de</strong> consommationplus équitables, plus respectueux <strong>de</strong> l’environnementou plus intégrateurs sur le plan social. Elles contribuent,à leur façon, à rendre notre planète plus douceà ses habitants. Elles apportent une alternative enactes à la logique économique dominante. De quoitransformer en permanence notre société.Les organisations <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>peuvent donc être considérées, à <strong>de</strong> nombreux titres,comme un élément majeur du processus permanent<strong>de</strong> réforme <strong>et</strong> <strong>de</strong> régulation à l’œuvre dans notresociété. Situées entre le privé <strong>et</strong> le public, parfoistotalement insérées dans le marché tout en portant<strong>de</strong>s valeurs <strong>de</strong> coopération <strong>et</strong> <strong>de</strong> solidarité, parfoisétroitement liées à l’Etat ou aux collectivités territorialesqui financent les missions <strong>de</strong> service publicqu’elles assurent, ses organisations contribuent àciviliser <strong>l'économie</strong> <strong>et</strong> à la démocratiser, ne serait-cequ'en introduisant du pluralisme dans les formesd'organisation productive. Elles rappellent que l'entrepriseprivée capitaliste n'est pas la seule formepossible. Elles témoignent du fait que l'enrichissementpersonnel n'est pas le seul motif qui peutdonner envie d'entreprendre <strong>et</strong> que la démocratie nes’arrête pas à la porte <strong>de</strong>s organisations qui produisentefficacement <strong>de</strong>s biens <strong>et</strong> services.15


Dans le même temps, l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>regroupe <strong>de</strong>s organisations hétérogènes par lesintérêts qu’elles servent, les valeurs qu’elles portent,les biens <strong>et</strong> services qu’elles proposent ou dispensent.Fruit <strong>de</strong> la mobilisation <strong>de</strong> la société dans toutes sescomposantes, ces organisations contribuent <strong>pour</strong> ungrand nombre d’entre elles à la rendre plus humaine,à la civiliser, mais elles constituent également unesorte <strong>de</strong> kaléidoscope <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> diversité <strong>de</strong>sintérêts particuliers <strong>et</strong> <strong>de</strong>s visions du bien communqui cohabitent dans notre société : quoi <strong>de</strong> communen eff<strong>et</strong> entre le gros agriculteur engagé dans laproduction d’agro-carburants via sa coopérative <strong>et</strong> lap<strong>et</strong>ite association qui promeut <strong>de</strong>s filières courtesrespectueuses <strong>de</strong> l’environnement ? Entre la financelente vantée par le Crédit coopératif dans sacommunication <strong>et</strong> les errements spéculatifs du CréditAgricole ? Entre un magasin Biocoop <strong>et</strong> un hypermarchéLeclerc ? Entre les valeurs défendues par lesScouts d’Europe <strong>et</strong> celles portées par les grandsmouvements d’éducation populaire comme la Ligue<strong>de</strong> l’enseignement, les Cemea ou les Francas ? Entrela Cima<strong>de</strong> <strong>et</strong> l’ordre <strong>de</strong> Malte ? Porteuse <strong>de</strong>s aspirations<strong>de</strong> multiples communautés, l’économie <strong>sociale</strong><strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> est traversée par les mêmes conflitsd’intérêts <strong>et</strong> <strong>de</strong> valeurs qui divisent la sociétéfrançaise elle-même, <strong>et</strong> ne porte pas, en tant qu<strong>et</strong>elle, une vision commune <strong>de</strong> ce que <strong>pour</strong>rait êtreune autre société. Certains parlent en son nomlorsqu’ils déclarent aspirer à une société plus juste,une économie plus démocratique <strong>et</strong> plus soutenable,mais force est <strong>de</strong> constater qu’ils peinent d’obtenir unsoutien concr<strong>et</strong> <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong> l’ESS « réelle ».16


<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?2. Le positionnement sectoriel <strong>de</strong> l’ESS aujourd’hui2.1 Des logiques stratégiques hétérogènesLes stratégies <strong>de</strong>s organisations <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong><strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> diffèrent fortement selon le statut <strong>et</strong>l’obj<strong>et</strong> social <strong>de</strong> l’organisation en question. Commenous l’avons vu plus haut, certaines organisations ontd’abord <strong>pour</strong> objectif <strong>de</strong> rendre <strong>de</strong>s services à leursadhérents, sociétaires ou associés : c’est le cas <strong>de</strong>smutuelles <strong>et</strong> <strong>de</strong>s coopératives, mais aussi d’un grandnombre d’associations prestataires dont les servicessont d’abord <strong>de</strong>stinés aux adhérents (associationssportives, culturelles…). Le statut associatif, du fait <strong>de</strong>sa plasticité, abrite d’ailleurs <strong>de</strong> nombreuses activitésqui <strong>pour</strong>raient être assurées par <strong>de</strong>s Scop ou <strong>de</strong>sSCIC. Au sein <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te première catégorie d’organisations,le service rendu peut être très différent : Dans les sociétés coopératives <strong>de</strong> production, lesassociés cherchent d’abord à créer leur propreemploi en valorisant leurs compétences. Présentesdans un grand nombre <strong>de</strong> secteurs d’activité,contrôlées par leurs salariés eux-mêmes,elles apparaissent a priori comme les plussusceptibles <strong>de</strong> se développer dans l’ensemble <strong>de</strong>l’économie. Dans les coopératives rassemblant <strong>de</strong>s indépendantsou <strong>de</strong>s entreprises – coopératives d’approvisionnement,d’utilisation <strong>de</strong> matériel encommun, ou <strong>de</strong> vente-transformation dans lemon<strong>de</strong> agricole ; coopératives d’achat <strong>pour</strong> lesartisans ; coopératives <strong>de</strong> commerçants –, l’enjeuest d’assurer ou <strong>de</strong> renforcer la viabilité <strong>de</strong>l’activité économique <strong>de</strong>s personnes physiques <strong>et</strong>morales associées en contrôlant <strong>de</strong> manièrecollective l’amont ou l’aval <strong>de</strong> leur activité, ouencore en se donnant une marque collective <strong>pour</strong><strong>de</strong>meurer compétitif vis-à-vis <strong>de</strong>s groupes <strong>de</strong>statut capitaliste. Dans les coopératives <strong>de</strong> consommation oud’habitat, les associés cherchent à accé<strong>de</strong>r à <strong>de</strong>sbiens <strong>et</strong> services dans <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> coûtfavorables. Les associations organisatrices <strong>de</strong> services au bénéfice<strong>de</strong> leurs membres (dans le tourisme social,mais aussi le sport ou la culture, par exemple)peuvent être rapprochées <strong>de</strong>s coopératives <strong>de</strong>consommation ou d’habitat. Les mutuelles santé, les mutuelles d’assurances <strong>et</strong>les banques coopératives suivent une logiquevoisine, la force du nombre perm<strong>et</strong>tant <strong>de</strong>concurrencer efficacement le pouvoir du capitaldans ces secteurs, en rassemblant <strong>de</strong>s adhérents<strong>pour</strong> leur offrir <strong>de</strong>s prestations d’assurance ou <strong>de</strong>crédit. D’autres organisations, essentiellement <strong>de</strong>sassociations – mais on peut en rapprocher lesfondations – ont <strong>pour</strong> obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> rendre <strong>de</strong>sservices à d’autres qu’à leurs membres. C’est lecas <strong>de</strong> toutes les associations prestataires <strong>de</strong>services dans le domaine sanitaire <strong>et</strong> social maisaussi éducatif, qui constituent les gros bataillons<strong>de</strong> l’emploi au sein <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong><strong>solidaire</strong>. Le lien entre le statut <strong>et</strong> le positionnementsectoriel <strong>de</strong>s différentes organisations <strong>de</strong>l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> fait l’obj<strong>et</strong> d’uneanalyse détaillée en annexe 3.2.2. Un positionnement sectoriel trèsspécifiqueL’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> occupe aujourd’huiune place très spécifique au sein <strong>de</strong> l’activité économique.Sur la base <strong>de</strong>s travaux menés par LaurentBisault <strong>de</strong> l’Insee, à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Observatoire national<strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>, il apparaîtque l’ESS pèse <strong>de</strong> manière significative dans unnombre limité <strong>de</strong> secteurs puisque 81 % <strong>de</strong> ses emploissont concentrés dans dix secteurs qui ne pèsentque 20 % <strong>de</strong> l’emploi global. Parmi ceux-ci, outre lesactivités associatives indifférenciées, on comptel’action <strong>sociale</strong>, les activi-tés sportives <strong>et</strong> culturelles,les loisirs ainsi que les activités financières <strong>et</strong> d’assurance.L’ESS pèse ainsi <strong>de</strong>ux tiers <strong>de</strong> l’emploi dansl’action <strong>sociale</strong>, plus du tiers dans la banque <strong>et</strong>l’assurance <strong>et</strong> près d’un cinquième dans l’éducation<strong>et</strong> la formation. (Voir tableau 2 ci-après <strong>pour</strong> la liste<strong>de</strong>s vingt premiers secteurs <strong>de</strong> l’ESS, <strong>et</strong> tableau 3 <strong>pour</strong>la masse salariale distribuée par les organisations <strong>de</strong>l’ESS.)En revanche, elle est quasiment absente <strong>de</strong> l’industrie(hors agro-alimentaire) <strong>et</strong> du bâtiment, ainsi que <strong>de</strong>nombreux services marchands tel l’hôtellerie <strong>et</strong>restauration, les transports ou encore le secteur <strong>de</strong>l’information. C<strong>et</strong>te concentration <strong>de</strong> l’économie<strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> sur <strong>de</strong>s activités particulièress’explique par <strong>de</strong> puissantes raisons sur lesquellesnous reviendrons dans la partie 3 <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong>. Observonsdès maintenant que si l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong>17


<strong>solidaire</strong> occupe une place majeure dans les secteurs<strong>de</strong> l’action sanitaire <strong>et</strong> <strong>sociale</strong>, <strong>de</strong> la finance ou dansl’amont <strong>et</strong> l’aval <strong>de</strong> l’agriculture, c’est parce qu’elles’est d’abord développée là où l’action publique oul’initiative privée ne répondaient pas <strong>de</strong> manièresatisfaisante aux besoins sociaux <strong>et</strong> où il a été à la foispossible, <strong>pour</strong> <strong>de</strong>s initiatives issues <strong>de</strong> la société civile,en marge <strong>de</strong>s pouvoirs publics ou avec la bénédiction<strong>de</strong> ceux-ci, <strong>de</strong> développer <strong>de</strong>s activités qui ontcontribué à la cohésion <strong>sociale</strong>.Tableau 2. Une présence concentrée sur un nombre limité d’activités : les 20 secteurs où l’ESS pèse leplus. Effectifs en ETP* en 2009 (voir l’annexe 2 <strong>pour</strong> la liste complète <strong>de</strong>s secteurs).Secteur Coopératives Mutuelles AssociationsActivités <strong>de</strong>sorganisationsassociativesAction <strong>sociale</strong>sanshébergementHébergementmédico-<strong>sociale</strong>t socialAct. sportiv.,récréatives &<strong>de</strong> loisirsAct. créativ.artistiques &<strong>de</strong> spectacleFondationsTotalESSHors ESSEnsemble% ESSdanstotal191 0 187 811 1 553 189 555 78 911 268 466 71%405 4 867 401 237 7 403 413 912 187 968 601 880 69%72 7 786 270 855 15 876 294 589 256 084 550 673 53%56 0 56 392 5 56 453 52 790 109 243 52%774 0 32 413 104 33 291 34 750 68 041 49%Assurance c 74 736 c 0 74 736 92 200 167 956 44%Présenceactuelle <strong>de</strong>l'ESSAssociationstoutes activitésnon lucrativesAssociationsdélégataires <strong>de</strong>missions <strong>de</strong>service publicMaisons <strong>de</strong>r<strong>et</strong>raites,CHRS, accueilhandicapés,<strong>et</strong>c.AssociationssportivesAss. culturellesgestionnaires<strong>de</strong> servicepublic <strong>et</strong>indépendantesMutuellesd'assurancesGEMA (ex :Maif, Macif)Banques (Act.financ. horsassur. & caisses<strong>de</strong> r<strong>et</strong>raite)Activités liées àl'emploi159 302 c c 0 159 302 343 744 505 066 32%3 563 0 36 017 0 39 580 104 272 143 852 28%Banquescoopératives(Ex : CréditAgricole,groupe BPCE…)Mise àdisposition <strong>de</strong>main d'œuvresous statutassociatif(Associationsintermédiaires)Enseignement 1 434 29 282 628 4 879 288 970 1 359 620 1 648 590 18%Enseign. privésous contrat ;formation <strong>pour</strong>adultesAct .ag. voyagevoyagiste sv.résa. <strong>et</strong>c.c 0 6 824 c 6 824 37 678 44 577 15%Voyagistessous statutassociatif18


<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?Secteur Coopératives Mutuelles Associations Fondations Total ESS Hors ESS EnsembleActivités <strong>pour</strong>la santéhumaineBiblioth.archive musée& aut. act. cul.% ESSdanstotal136 16 871 107 882 19 415 144 304 1 250 622 1 394 926 10%178 0 3 915 300 4 393 38 223 42 616 10%Hébergement 748 88 18 989 538 20 363 200 402 220 765 9%Activitésjuridiques <strong>et</strong>comptablesRecherche<strong>développement</strong>scientifiqueProd. films ;enr. sonore &éd. musicaleCommerce groshors auto. &motocycleCult. & prod.animale, chasse& sce ann.IndustriesalimentairesAct. admin. &aut. act.soutien auxent.Total vingtpremierssecteurs143 108 15 919 0 16 170 206 917 223 087 7%50 0 6 112 4 823 10 985 142 738 153 723 7%Présenceactuelle <strong>de</strong>l'ESSHospitalisationprivée à butnon lucratifAssociationsgestionnaires<strong>de</strong> musées endélégationTourismesocial (Ex :Arvel, UCPA….)StructurescomptablesassociativesOrganismes <strong>de</strong>recherche sousstatutassociatif/fondation(ex: InstitutPasteur)147 0 2 322 0 2 469 48 848 51 317 5% Associations44 792 0 72 0 44 864 890 756 935 620 5%5 763 0 3 080 48 8 891 206 047 214 938 4%17 973 0 14 0 17 987 451 298 469 285 4%2 795 c 4 535 c 7 330 199 395 207 518 4%238 522 104 485 1 437 017 54 944 1 834 968 6 183 263 8 022 139 22%Coopérationagricole <strong>et</strong>centralesd'achat ducommerceassociéCoopérationagricoleCoopérationagricole (ex :Terrena ;Limagrain,Sucre Union)Foires, salons,centresd'appel.Total toussecteurs291 261 110 258 1 477 135 55 743 1 934 397 18 547 391 20 481 788 9%Part <strong>de</strong>s vingtpremierssecteurs dans82% 95% 97% 99% 95% 33% 39%l'emploi total* Equivalent temps plein C : données confi<strong>de</strong>ntielles. Source : Insee/CLAP19


Tableau 3. Masse salariale distribuée par les principaux secteurs où l'ESS est présenteRémunérationsannuelles brutes enETP hors ESS parsecteurd'établissement(en K€)*Rémunérationsannuelles brutesen ETP dans l'ESSpar secteurd'établissement(en K€)% ESSdansmassesalarial<strong>et</strong>otale% ESS danseffectifstotauxMassesalariale totale(en k€)Masse salarialehors ESS(en k€)EffectifsHors ESSMasse salariale ESS(en K€)Effectifs totaux20Effectifs :Domaine d’activitéTotal ESFondationsAssociationsCoopérativesEnsemble <strong>de</strong>s secteursd'établissement8%9%679 983 95220 481 788625 047 0773418 547 39154 936 875281 934 39755 7431 477 135110 258291 2614%4%12 690 318469 28512 139 91627451 298550 4023117 987014017 973Industries alimentairesCommerce gros horsauto. & motocycle4%5%34 950 506935 62033 492 42638890 7561 458 0803344 864072044 792Com. détail, sfautomobiles &motocycles1%1%35 486 7721 435 65435 153 460251 423 217333 3122712 43705234 0947 8209%9%5 503 157220 7654 990 01025200 402513 1482520 36353818 98988748Hébergement27%32%23 431 838505 06617 187 20050343 7446 244 63839159 3020cc159 302Banques37%44%7 502 566167 9564 729 8605192 2002 772 7063774 7360c74 736cAssuranceActivités juridiques <strong>et</strong>comptables6%7%8 477 606223 0877 945 61338206 917531 9933316 170015 919108143MutuellesRecherche<strong>développement</strong>scientifique6%7%6 829 655153 7236 423 21045142 738406 4453710 9854 8236 11205017%18%50 224 2011 648 59041 468 410311 359 6208 755 79130288 9704 879282 628291 434EnseignementActivités <strong>pour</strong> la santéhumaine13%10%40 736 6581 394 92635 642 727291 250 6225 093 93135144 30419 415107 88216 871136Hébergement médico<strong>sociale</strong>t social55%53%14 047 357550 6736 299 66625256 0847 747 69126294 58915 876270 8557 78672Action <strong>sociale</strong> sanshébergement66%69%13 109 400601 8804 417 24824187 9688 692 15221413 9127 403401 2374 867405Act. créativ. artistiques& <strong>de</strong> spectacle42%49%2 235 27368 0411 303 1253834 750932 1482833 29110432 4130774Act. sportiv.,récréatives & <strong>de</strong> loisirs38%52%3 397 996109 2432 122 1584052 7901 275 8382356 453556 392056Activités <strong>de</strong>sorganisationsassociatives65%71%7 840 415268 4662 722 4303578 9115 117 98527189 5551 553187 8110191* Estimations Alternatives Economiques .C : données confi<strong>de</strong>ntielles. Source : Insee/CLAP


<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?Le difficile dénombrement <strong>de</strong> l’emploi <strong>de</strong> l’économie <strong>solidaire</strong>Les données présentées dans le tableau 2 concernentuniquement les organisations <strong>de</strong> l’ESS « sous statut » :associations, coopératives, mutuelles <strong>et</strong> fondations.Elles excluent donc les sociétés <strong>de</strong> capitaux quipeuvent être considérées comme « <strong>solidaire</strong>s » enraison <strong>de</strong> leur obj<strong>et</strong> social <strong>et</strong> <strong>de</strong> leurs choix <strong>de</strong>gouvernance (gouvernance associant les différentesparties prenantes, lucrativité limitée, échelle <strong>de</strong>srémunérations réduite).Le dénombrement <strong>de</strong>s entreprises <strong>solidaire</strong>s <strong>de</strong>meurecependant particulièrement délicat <strong>et</strong> les spécialistesdu domaine avouent leur impuissance à en chiffrer lenombre dans la mesure où la définition même <strong>de</strong>l’économie <strong>solidaire</strong> par son obj<strong>et</strong> social rendparticulièrement mouvante ses frontières. Ainsi, il estd’usage <strong>de</strong> rassembler sous le nom <strong>de</strong> <strong>solidaire</strong>s lesactivités d’insertion par l’activité économique ou quiconcourent à ai<strong>de</strong>r les personnes en situation d’exclusionà accé<strong>de</strong>r à une plus gran<strong>de</strong> autonomie, le commerceéquitable, <strong>et</strong> souvent aussi les activités quiengagent l’économie dans une voie plus soutenable(agriculture bio, énergies renouvelables). Mais, <strong>de</strong>même que la qualification par le statut ne vaut pasvertu <strong>pour</strong> une organisation <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> auvu <strong>de</strong>s dérives <strong>de</strong> nombreuses structures, la qualificationpar l’obj<strong>et</strong> social trouve vite ses limites : doit-onconsidérer l’ensemble <strong>de</strong>s Établissements ou servicesd'ai<strong>de</strong> par le travail (ESAT, ex-CAT) comme <strong>de</strong>sentreprises <strong>solidaire</strong>s au motif qu’ils emploient <strong>de</strong>shandicapés ? Et l’engagement dans les énergiesrenouvelables <strong>et</strong> le bio sont désormais l’apanage <strong>de</strong>gran<strong>de</strong>s sociétés <strong>de</strong> capitaux : Total ne <strong>de</strong>vient pasune entreprise <strong>solidaire</strong> en rach<strong>et</strong>ant SunPower,numéro <strong>de</strong>ux du solaire aux Etats-Unis, ni Arevaquand elle se rapproche <strong>de</strong> GDF-Suez <strong>pour</strong> installer<strong>de</strong>s parcs d’éoliennes en mer, ni encore Danone,quand elle se lance dans le bio avec sa marque « Les<strong>de</strong>ux vaches ».Il existe d’ailleurs une définition légale <strong>de</strong> l’entreprise<strong>solidaire</strong> issue <strong>de</strong> la loi sur la mo<strong>de</strong>rnisation <strong>de</strong>l’économie du 4 août 2008 <strong>et</strong> précisée par le décr<strong>et</strong>du 18 mars 2009, dans le but <strong>de</strong> faciliter l’obtentiond’un agrément « Entreprise <strong>solidaire</strong> », agrément quiperm<strong>et</strong> notamment <strong>de</strong> bénéficier <strong>de</strong> fonds <strong>solidaire</strong>sgérés par <strong>de</strong>s sociétés spécialisées dans l’épargnesalariale. Sont ainsi considérées comme entreprises<strong>solidaire</strong>s, les entreprises qui emploient <strong>de</strong>s salariésen contrats aidés ou en situation d’insertion professionnelle,à hauteur <strong>de</strong> 30% au moins du nombre<strong>de</strong> salariés, mais aussi les entreprises constituées sousforme d’associations, <strong>de</strong> coopératives, <strong>de</strong> mutuelles,d’institutions <strong>de</strong> prévoyance ou <strong>de</strong> sociétés dont lesdirigeants ont été élus par les salariés, les adhérentsou les sociétaires, dans la mesure où elles remplissentcertaines règles en matière <strong>de</strong> rémunérations <strong>de</strong> leursdirigeants <strong>et</strong> salariés.Les structures d’insertion par l’activité économique <strong>et</strong>les entreprises adaptées, conventionnées par l’Etat,bénéficient d’un agrément <strong>de</strong> plein droit. Sont égalementassimilées aux entreprises <strong>solidaire</strong>s les organismesdont l’actif est composé <strong>pour</strong> au moins <strong>de</strong>35% <strong>de</strong> titres émis par <strong>de</strong>s entreprises <strong>solidaire</strong>s oules établissements <strong>de</strong> crédit dont 80 % <strong>de</strong> l’ensemble<strong>de</strong>s prêts <strong>et</strong> <strong>de</strong>s investissements sont effectués enfaveur <strong>de</strong>s entreprises <strong>solidaire</strong>s.A défaut <strong>de</strong> pouvoir quantifier avec précision les contours<strong>de</strong> l’économie <strong>solidaire</strong>, nous avons <strong>de</strong>mandé àFrance Active, principale structure <strong>de</strong> financement<strong>de</strong>s entreprises <strong>solidaire</strong>s, <strong>de</strong> bien vouloir nous communiquerl’appartenance sectorielle <strong>de</strong>s organisationsqu’elle finance (voir tableaux 4 <strong>et</strong> 5 sur la pagesuivante).A l’aune <strong>de</strong>s financements accordés par France Active,il apparaît clairement que l’économie <strong>solidaire</strong> seconcentre d’une part sur l’insertion par l’activitééconomique <strong>de</strong> personnes en situation d’exclusion ou<strong>de</strong> handicap <strong>et</strong> d’autre part sur un ensemble d’activitésqui constituent le noyau dur <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong>« classique ». Signalons la présence très marginale ducommerce équitable.21


Tableau 4. Répartition par secteur <strong>de</strong>s financements mis en place par France Active en 2010(en milliers d'euros)Insertion par l'économique (bâtiment, jardinage,restauration, tri <strong>de</strong> déch<strong>et</strong>…)12 088 36%Handicap (essentiellement ESAT) 3 542 11%Coopérative (en gran<strong>de</strong> partie dans l'IAE) 2 949 9%Services aux personnes 2 579 8%Logement très social 2 295 7%Tourisme social 2 096 6%Culture 2 060 6%Formation 1 744 5%Education à l’environnement 1 509 4%Autre 1 381 4%Education populaire 997 3%Hébergement personnes âgées 215 1%Commerce équitable 146 0%Total 33 601 100%Source : France ActiveTableau 5. Répartition par secteur <strong>de</strong>s emplois dans les organisations financées par FranceActive en 2010Insertion par l'économique (essentiellement bâtiment, jardinage, restauration, tri <strong>de</strong> déch<strong>et</strong>s) 9 325Services aux personnes 2 022Handicap (essentiellement ESAT) 2 003Tourisme social 1 649Coopérative (en gran<strong>de</strong> partie dans l'IAE) 876Logement très social 722Formation 540Hébergement personnes âgées 486Culture 439Education populaire 298Education à l'environnement 257Autre 225Commerce équitable 29Total 18 871Source : France Active22


<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?2.3. L’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> au cœur<strong>de</strong>s évolutions <strong>de</strong> notre sociétéL’analyse sectorielle <strong>de</strong>s points forts <strong>de</strong> l’ESS <strong>et</strong> <strong>de</strong> sesévolutions ne peut cependant être comprise qu’enpensant l’évolution historique <strong>de</strong> notre société. Lesdifférentes composantes <strong>de</strong> l’ESS sont un élémentparmi d’autres <strong>de</strong>s multiples dynamiques à l’œuvrequi la traversent : dynamique <strong>de</strong> l’offre marchan<strong>de</strong>,<strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’action publique sous l’influence <strong>de</strong> lasociété civile.Dans c<strong>et</strong>te perspective, la place <strong>et</strong> le <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>sorganisations <strong>de</strong> l’ESS doivent être envisagés au regard<strong>de</strong> leur <strong>de</strong>stin passé, un <strong>de</strong>stin qui s’est toujoursinscrit sous le triple signe <strong>de</strong> la récupération, <strong>de</strong> labanalisation <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’instrumentalisation. Il en ressortque l’ESS n’est pas l’amorce d’une autre « économie »mais qu’elle concourt plutôt à réformer, à civiliser lalogique dominante.2.3.1. Récupération ou la rançon du succèsLes initiatives portées par les organisations <strong>de</strong>l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>, parce qu’ellesconcourent à produire <strong>de</strong>s biens publics, ont d’abordvocation à être récupérées par les pouvoirs publics ;c’est le signe même <strong>de</strong> leur réussite. Historiquement,les politiques publiques, dans les domaines <strong>de</strong> l'éducation,<strong>de</strong> l’action <strong>sociale</strong>, ou encore <strong>de</strong> la protectioncontre les risques <strong>de</strong> la vie, sont ainsi largementissues d’initiatives <strong>de</strong> la société civile. La Sécurité<strong>sociale</strong> n'aurait jamais vu le jour si le mouvementmutualiste n'avait auparavant ouvert le chemin. Lasolidarité générale assurée par les systèmes d'assurance<strong>sociale</strong> obligatoire s'est développée sur le terreau<strong>de</strong>s solidarités instituées par <strong>l'économie</strong> <strong>sociale</strong>au profit <strong>de</strong> groupes sociaux particuliers, réunis surune base professionnelle ou territoriale.Les organisations <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>ont ainsi longtemps joué, <strong>et</strong> jouent encore souvent,un rôle innovant. Récupérées puis généralisées par lespouvoirs publics, leurs initiatives ont dû parfois laisserla place à <strong>de</strong>s structures publiques ou parapubliques –au grand dam <strong>de</strong> la Mutualité lors <strong>de</strong> la création <strong>de</strong> laSécurité <strong>sociale</strong>. Dans d’autres cas, comme l’action<strong>sociale</strong>, le secteur associatif occupe toujours uneplace ultra-dominante dans la production <strong>de</strong>s services,même s’il dépend désormais étroitement <strong>de</strong>l’argent public <strong>pour</strong> son fonctionnement <strong>et</strong> les conditions<strong>de</strong> sa régulation.La récupération peut aussi être le fait <strong>de</strong> sociétés <strong>de</strong>capitaux attirées par les perspectives <strong>de</strong> profit ou toutsimplement créées par <strong>de</strong>s entrepreneurs individuelsqui souhaitent conserver le contrôle <strong>de</strong> leurentreprise. On le constate dans <strong>de</strong> nombreuses activitésoù les organisations <strong>de</strong> l’ESS ont parfois joué unrôle pionnier : maisons <strong>de</strong> r<strong>et</strong>raite, services aux personnes,mais aussi les énergies renouvelables. Ce<strong>de</strong>rnier secteur, après avoir été l’apanage d’entreprises<strong>solidaire</strong>s, est aujourd’hui <strong>de</strong>venu un champd’investissement <strong>pour</strong> les plus grands groupes, avec labénédiction <strong>de</strong> l’Etat. Il en va <strong>de</strong> même <strong>pour</strong> lesproduits bio voire le commerce équitable, avecl’émergence <strong>de</strong> produits labellisés vendus sousmarque <strong>de</strong> distributeur qui viennent concurrencer lesentreprises <strong>solidaire</strong>s comme la Scop Ethiquable <strong>et</strong> lesréseaux spécialisés comme les boutiques Artisans dumon<strong>de</strong>. Même chose encore <strong>de</strong>s formes d’économie<strong>de</strong> fonctionnalité qui se développent (location <strong>de</strong>voitures à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> en milieu urbain) désormaisdéveloppées par les grands groupes <strong>de</strong> servicesurbains ou par <strong>de</strong>s producteurs <strong>de</strong> véhicules électriques(le groupe Bolloré à Paris). Faut-il s’en désoler ?On serait tenté <strong>de</strong> dire non si c<strong>et</strong>te récupération nes’accompagnait pas souvent d’une dénaturation.2.3.2. Banalisation : finance, coopération agricole,commerce associéLe <strong>de</strong>stin <strong>de</strong>s organisations <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong><strong>solidaire</strong> s’inscrit également, on l’a vu plus haut, sousle signe <strong>de</strong> la banalisation. Nombre d’entre elles<strong>pour</strong>suivent ainsi <strong>de</strong>s fins qui ne les distinguent guère<strong>de</strong> leurs concurrentes <strong>de</strong> type capitaliste ; leur contributionaux transformations souhaitables <strong>de</strong> notre sociétéest alors très faible, quand elles ne contribuentpas à les freiner !C’est notamment le cas dans le secteur financier oùles entreprises <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> sontparticulièrement puissantes. Tout le problème estque la puissance acquise par ces groupes financiersn’est pas toujours – <strong>et</strong> c’est un euphémisme – miseau service d’un exercice alternatif <strong>de</strong> leur métier. Protégéspar leur statut qui les m<strong>et</strong> à l’abri <strong>de</strong> tout prédateurexterne aussi longtemps qu’ils ne font pas trop<strong>de</strong> bêtises, peu contrôlés par <strong>de</strong>s sociétaires souventpeu à même <strong>de</strong> juger <strong>de</strong>s stratégies mises en œuvre,ces établissements se sont engagés dans <strong>de</strong>s stratégies<strong>de</strong> croissance dont la seule finalité était <strong>de</strong> <strong>de</strong>venirtoujours plus puissants, <strong>et</strong> <strong>de</strong> se verser <strong>de</strong>s salairescomparables à ceux <strong>de</strong>s dirigeants <strong>de</strong>s grands établissementscapitalistes. Au final, l’absence d’actionnairesà rémunérer a peu profité aux sociétaires <strong>et</strong>aux clients <strong>de</strong> ces établissements.Une partie <strong>de</strong>s assureurs mutualistes ont suivi <strong>de</strong>sévolutions comparables. Certains groupes, du faitd’une gestion hasar<strong>de</strong>use, ont perdu leur indépen-23


dance, comme ce fut le cas <strong>pour</strong> la GMF. D’autres ontpréservé le statut mutualiste, tout en développant<strong>de</strong>s stratégies peu différentes <strong>de</strong> leurs concurrentscapitalistes. Certaines mutuelles – <strong>et</strong> notamment laMaif <strong>et</strong> la Macif – ont cependant mieux su <strong>de</strong>meurerfidèles à leurs valeurs initiales.La réussite <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> dans lafinance pose un sérieux problème à qui rêve d’uneautre économie. Comment <strong>de</strong>s établissements financiersqui sont désormais <strong>de</strong>venus <strong>de</strong>s acteurs majeursdans la gestion d’épargne, dans l’assurance-vie voiredans la banque d’investissement <strong>pour</strong>raient-ils encoreconstituer une réelle alternative au capitalisme ? Enfait, l’expansion <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te finance « non capitaliste »serait une excellente chose si elle était la premièremarche vers une gestion socialisée <strong>de</strong> l’épargne ayantd’autres objectifs que la seule maximisation <strong>de</strong>sren<strong>de</strong>ments à court terme. Pour y arriver, il faudraitcependant <strong>de</strong>s régulations nouvelles, imposées àl’ensemble du secteur financier <strong>et</strong> allant très au-<strong>de</strong>là<strong>de</strong>s dispositifs existants. On aurait pu tout au moinsattendre <strong>de</strong>s entreprises <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong><strong>solidaire</strong> présentes dans la finance qu’elles contribuent,suite à la crise financière, à nourrir la réflexionsur les régulations à m<strong>et</strong>tre en place <strong>pour</strong> favoriserl’essor d’une finance différente. Observons qu’il n’ena rien été.La tendance à la banalisation <strong>de</strong>s organisations <strong>de</strong>l’ESS ne se limite pas au secteur financier. On l’observeégalement dans le secteur agro-alimentaireavec les coopératives agricoles. Des structures qui ontcontribué à mo<strong>de</strong>rniser l’agriculture, mais dont onsait combien elles ont été, <strong>et</strong> sont souvent encore,associées au modèle productiviste, jusque dans sespratiques les plus contestées. Même constat du côté<strong>de</strong>s coopératives <strong>de</strong> commerçants.Au final, à se r<strong>et</strong>rouver sur le même terrain qued’autres entreprises <strong>de</strong> statut capitaliste, à être soumisesaux mêmes contraintes, à être dirigées par <strong>de</strong>spersonnes nourrissant parfois les mêmes ambitionsque les dirigeants <strong>de</strong>s sociétés <strong>de</strong> capitaux, nombred’entreprises <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ontfini par adopter <strong>de</strong>s comportements voisins <strong>et</strong> perdutoute spécificité.2.3.3. InstrumentalisationLes organisations <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>ont souvent été instrumentalisées par les pouvoirspublics. C’est le cas d’une partie <strong>de</strong>s associations quitravaillent dans les domaines sanitaire, social, culturelou sportif, qui apparaissent bien souvent comme <strong>de</strong>simples sous-traitants <strong>de</strong> politiques publiques décidéesen <strong>de</strong>hors d’elles. Au point qu’on peut se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rsi leur autonomie juridique est toujours ungage d’innovation <strong>et</strong> <strong>de</strong> contestation ou si elle a <strong>pour</strong>principal mérite d’offrir une alternative moins coûteuseà la gestion publique du fait <strong>de</strong>s conditionsd’emploi généralement moins favorables <strong>de</strong> leurssalariés, par rapport à celles dont bénéficient lesagents publics 10 .Au-<strong>de</strong>là, une <strong>de</strong>s questions majeures posées à l’économie<strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>, compte tenu <strong>de</strong> son poidsdans le secteur social, est <strong>de</strong> savoir quelle place elleoccupera dans la protection <strong>sociale</strong> <strong>de</strong> <strong>de</strong>main. Toutela question est <strong>de</strong> savoir si elle sera encore c<strong>et</strong> aiguillonqui pousse l’action publique à se développer aubénéfice <strong>de</strong> tous (logique <strong>de</strong> récupération) ou si ellese contentera <strong>de</strong> gérer <strong>de</strong>s services (logique d’instrumentalisation),ou encore si, sous couvert <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rnité,elle offrira une alternative libérale à un Etatprovi<strong>de</strong>nce en repli (r<strong>et</strong>our à la charité privée).L’allongement <strong>de</strong> la durée <strong>de</strong> la vie <strong>et</strong> l’accroissement<strong>de</strong> l’offre <strong>de</strong> soins, alliés à la persistance d’un hautniveau <strong>de</strong> chômage, ren<strong>de</strong>nt aujourd’hui plus difficilele financement <strong>de</strong>s régimes publics <strong>de</strong> protection<strong>sociale</strong>, laissant un espace libre aux régimes complémentaires.C’est ainsi qu’on voit les banques coopératives<strong>et</strong> certaines mutuelles d’assurance multiplierles publicités incitant les salariés à « préparer leurr<strong>et</strong>raite », ce qui concourt à affaiblir la confiance dansla r<strong>et</strong>raite par répartition. Quant à la Mutualité, bienqu’elle affirme avec constance la nécessité d’organiserl’offre <strong>de</strong> soins <strong>de</strong> manière plus efficace <strong>et</strong> <strong>de</strong>maintenir un haut niveau <strong>de</strong> solidarité, elle n’estguère parvenue à imposer ses vues au cours <strong>de</strong> la<strong>de</strong>rnière décennie. Résultat : le recul <strong>de</strong> la prise encharge <strong>de</strong>s soins par le système <strong>de</strong> base élargit lechamp laissé aux complémentaires, ce qui contraintles mutuelles santé à augmenter leurs cotisations,<strong>et</strong>… leur chiffre d’affaires.Dans ce contexte, vanter les initiatives <strong>de</strong> la sociétécivile <strong>et</strong> sa capacité d’auto-organisation peut serévéler assez pervers au moment où l’Etat cherche àréduire ses dépenses. A trop compter sur l’initiativeprivée, <strong>et</strong> sur la charité, on pare <strong>de</strong>s vertus <strong>de</strong>l’initiative <strong>sociale</strong> une dérive <strong>de</strong> la protection <strong>sociale</strong>vers un système dans lequel les plus pauvres n’ontplus droit qu’à une assistance au rabais, la protection<strong>sociale</strong> <strong>de</strong>s autres étant laissée au champ <strong>de</strong>l’assurance privée.Dans ce contexte, la promotion récente <strong>de</strong> la notiond’entreprise <strong>sociale</strong> peut se révéler ambigüe dans lamesure où elle intervient au moment où l’Etatsouhaite redéfinir le champ <strong>de</strong> la protection <strong>sociale</strong>10 Comme le leur reproche – entre autres – le sociologueMatthieu Hély dans « L’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>n’existe pas », article paru sur www.lavie<strong>de</strong>si<strong>de</strong>es.fr24


<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?universelle <strong>et</strong> obligatoire afin <strong>de</strong> réduire les dépensespubliques. Le problème n’est pas que la notiond’entreprise <strong>sociale</strong> – comme celle d’entreprise<strong>solidaire</strong> – renvoie plus à l’obj<strong>et</strong> social <strong>de</strong>s entreprisesqu’à leur statut : le tout récent Mouvement <strong>de</strong>sentrepreneurs sociaux exige <strong>de</strong> ses adhérents qu’ilssatisfassent à un certain nombre <strong>de</strong> critères quiconstituent une manière <strong>de</strong> statut : lucrativité limitée,écart <strong>de</strong>s salaires réduit, parties prenantes associéesà la gouvernance, obj<strong>et</strong> social <strong>solidaire</strong>, <strong>et</strong>c. 11 . Leproblème tient plutôt au rôle qu’on entend faire jouerà l’entreprise <strong>sociale</strong>, <strong>et</strong> au-<strong>de</strong>là à l’économie <strong>sociale</strong><strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>, dans un contexte <strong>de</strong> tensions sur lefinancement <strong>de</strong> la protection <strong>sociale</strong>.La promotion <strong>de</strong> l’entrepreneuriat social peut êtr<strong>et</strong>rès positive quand elle accompagne la volonté <strong>de</strong>rénover les pratiques <strong>de</strong>s associations qui travaillentdans le secteur social, dans un moment où lesentreprises privées viennent à leur tour investir lesecteur. L’entrepreneuriat social porte en eff<strong>et</strong> unedouble exigence : celle d’innover dans la manière <strong>de</strong>répondre aux besoins sociaux, mais aussi celle <strong>de</strong>gérer efficacement – parce que travailler dans lesocial, en mobilisant notamment <strong>de</strong> l’argent issu <strong>de</strong>prélèvements obligatoires ou <strong>de</strong> la générosité privée,crée l’obligation d’être particulièrement performant.L’entrepreneuriat social joue donc un rôle positifaussi longtemps qu’il porte le souci d’améliorer lerapport qualité/coût <strong>de</strong>s services rendus aux usagers,<strong>et</strong> réveille un secteur associatif qui se contente tropsouvent <strong>de</strong> jouer un rôle <strong>de</strong> sous-traitant <strong>de</strong>politiques publiques définies en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> lui.Mais ce souci d’efficacité, c<strong>et</strong>te volonté <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre enavant la figure <strong>de</strong> l’entrepreneur que portent lesdéfenseurs <strong>de</strong> l’entrepreneuriat social ne doit pas lesconduire à se faire complice <strong>de</strong> ceux qui atten<strong>de</strong>nt<strong>de</strong>s initiatives <strong>de</strong> la société civile qu’elles facilitent undésengagement <strong>de</strong> l’Etat 12 . Certes, la protection<strong>sociale</strong> doit évoluer, adapter ses priorités afin <strong>de</strong>prendre en compte l’évolution <strong>de</strong>s besoins sociaux <strong>et</strong>les entrepreneurs sociaux ont un rôle à jouer dansc<strong>et</strong>te perspective. Mais ils ne doivent pas imaginerêtre les fers <strong>de</strong> lance d’une big soci<strong>et</strong>y, qui s’accommo<strong>de</strong>raitd’une moindre intervention publique grâceà la charité privée ou aux partenariats noués avecquelques grands groupes soucieux <strong>de</strong> redorer leurimage. Car si la charité privée <strong>et</strong> les partenariats avecles entreprises peuvent ai<strong>de</strong>r à développer quelquesinitiatives intéressantes, elles ne suffiront jamais à assurerune prise en charge <strong>de</strong>s grands risques sociauxau bénéfice <strong>de</strong> tous. Seul un haut niveau <strong>de</strong> financementpublic peut assurer l’accès <strong>de</strong> tous à une protection<strong>sociale</strong> <strong>de</strong> qualité, en assurant la gratuité duservice, ou en solvabilisant la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>…La leçon ne vaut pas seulement <strong>pour</strong> les entrepreneurssociaux, elle s’applique aussi à l’économie <strong>sociale</strong>stricto sensu : les dirigeants <strong>de</strong>s mutuelles quiont cru au plan Borloo sur les services à la personnel’ont compris, mais un peu tard 13 : les dirigeants dusecteur associatif britannique, confrontés à l’austéritébudgétaire imposée par le gouvernement conservateur<strong>de</strong> David Cameron, s’en sont rapi<strong>de</strong>ment renducompte.11 www.mouves.org12 Dans c<strong>et</strong>te perspective, le titre du supplément Economiedu journal Le Mon<strong>de</strong> du 1 er novembre 2011, consacré àl’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>, en dit long : « L’économie<strong>sociale</strong> gagne du terrain là où l’Etat recule ».13 Le niveau insuffisant <strong>de</strong>s financements publics accompagnantle plan Borloo n’a pas permis un <strong>développement</strong> <strong>de</strong>sstructures prestataires offrant un service <strong>de</strong> qualité délivrépar <strong>de</strong>s personnels non précaires.25


3. Les limites endogènes au <strong>développement</strong> <strong>de</strong> l’économie<strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>3.1. Des entrepreneurs à la <strong>pour</strong>suite <strong>de</strong>sobjectifs concr<strong>et</strong>sLes entrepreneurs sociaux <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>s peuvent être<strong>de</strong> vrais innovateurs, mais ils appliquent leur talent,leur créativité à proposer <strong>de</strong>s biens <strong>et</strong> services à forteutilité <strong>sociale</strong>. C’est là un <strong>de</strong>s freins majeurs au<strong>développement</strong> <strong>et</strong> à la diversification <strong>de</strong> l’économie<strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> hors <strong>de</strong> ses secteurs historiques :précisément parce qu’ils sont animés par <strong>de</strong>s motivationsessentiellement altruistes, les entrepreneurs <strong>de</strong>l’ESS se désintéressent d’un grand nombre d’activités.Répondre à <strong>de</strong>s besoins sociaux incontestables est lapremière motivation <strong>de</strong>s entrepreneurs sociaux <strong>et</strong><strong>solidaire</strong>s. C’est <strong>pour</strong>quoi l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong><strong>solidaire</strong> <strong>de</strong>meure peu présente dans la productiond’avions <strong>de</strong> chasse <strong>et</strong> d’hélicoptères <strong>de</strong> combat, dansla construction électrique <strong>et</strong> électronique, le prêt àporter ou la production d’appareils sanitaires !Si l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> est peu présentedans l’industrie, cela ne tient donc pas principalementau fait que les procédés y mobilisent <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>squantités <strong>de</strong> capitaux, même si c’est là un obstacleréel au <strong>développement</strong> <strong>de</strong>s coopératives. On peut endonner <strong>pour</strong> preuve que l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>est également très peu représentée au sein <strong>de</strong>nombreuses activités peu coûteuses en capital <strong>et</strong> trèsintenses en travail, comme la publicité, l’audit, lesinstituts <strong>de</strong> beauté ou la sécurité privée.3.2. Des entrepreneurs qui n’ont pas <strong>pour</strong>premier objectif <strong>de</strong> s’enrichirL’entrepreneur – individuel ou collectif – qui porte unproj<strong>et</strong> d’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> aspire généralementà gagner correctement sa vie mais voit dans sonenrichissement personnel un objectif secondaire, <strong>et</strong>cherche surtout à produire un bien ou un servicerépondant à un besoin bien i<strong>de</strong>ntifié, sans objectif <strong>de</strong>rentabilité immédiate.A la différence <strong>de</strong>s créateurs d’entreprises « classiques», qui aspirent d’abord, selon les enquêtes <strong>de</strong>l’INSEE, à « être indépendants », les entrepreneurssociaux <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>s sont motivés par <strong>de</strong>s raisons pluscomplexes, qui peuvent néanmoins rejoindre <strong>de</strong>s motivationscommunes à tous les entrepreneurs <strong>et</strong>notamment « le goût d’entreprendre » <strong>et</strong> « le désird’affronter <strong>de</strong> nouveaux défis ». Derrière toutesuccess story dans l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>, il ya donc toujours un couple produit-marché spécifique<strong>et</strong> un type d’entrepreneur tout aussi particulier…L’origine socio-professionnelle <strong>de</strong>s entrepreneurs sociaux<strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>s en apporte un témoignage supplémentaire: ils sont très souvent anciens travailleurssociaux, syndicalistes, militants politiques, fonctionnaires,<strong>et</strong> si <strong>de</strong> nombreux jeunes diplômés rêventaujourd’hui <strong>de</strong> faire carrière dans l’économie <strong>sociale</strong><strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>, c’est qu’ils partagent avec eux un vifsouci <strong>de</strong> l’intérêt général.Une vertu <strong>de</strong>s mutuelles <strong>et</strong> coopératives – à l’instardu syndicalisme – est d’ailleurs d’avoir permis à <strong>de</strong>spersonnes issues <strong>de</strong> milieu populaire <strong>de</strong> réaliser <strong>de</strong>belles trajectoires d’ascension <strong>sociale</strong>, dans un paysoù le diplôme <strong>et</strong> une origine <strong>sociale</strong> favorisée constituentbien souvent le sésame indispensable <strong>pour</strong>accé<strong>de</strong>r à <strong>de</strong>s postes <strong>de</strong> direction, aussi bien dansl’administration que dans le secteur privé. Inversement,les conseils d’administration <strong>de</strong>s associationsdu secteur sanitaire <strong>et</strong> social recrutent plutôt au sein<strong>de</strong>s classes aisées.3.3. Une sobriété entrepreneurialevolontaireLes entrepreneurs <strong>de</strong> l’ESS peuvent chercher à développerleur structure quand c’est une condition <strong>pour</strong>atteindre la taille critique nécessaire à la pérennité <strong>de</strong>l’activité ou <strong>pour</strong> mieux répondre aux besoins. Mais lacroissance, entendue comme simple accumulation <strong>de</strong>richesse, n’est pas leur première préoccupation. Sil’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> compte en son seinquelques personnalités fortes qui aiment les challenges,celles-ci sont, au final, peu nombreuses.La plupart <strong>de</strong>s entrepreneurs sociaux <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>s necherchent pas à faire croître leur organisation, unefois atteint leur objectif <strong>de</strong> départ. Ce que certainsverront comme un défaut est sans doute leur plusgran<strong>de</strong> vertu : les entrepreneurs <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong><strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> – mais c’est aussi le cas <strong>de</strong> la plupart<strong>de</strong>s patrons <strong>de</strong> PME – ont un comportement différent<strong>de</strong> celui du capitaliste quand celui-ci n’a plus <strong>pour</strong>objectif que d’accumuler <strong>de</strong> l’argent, <strong>de</strong> la richessesous sa forme abstraite. Ils aspirent à bien vivre, àêtre justement récompensés <strong>de</strong> son travail, hors <strong>de</strong>26


<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?tout esprit sacrificiel. Ce mélange <strong>de</strong> goût d’entreprendre,<strong>de</strong> volonté d’être utile <strong>et</strong> d’hédonism<strong>et</strong>empéré fon<strong>de</strong> une sorte <strong>de</strong> « sobriété entrepreneurialevolontaire », qui rend l’économie <strong>sociale</strong><strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> <strong>potentiel</strong>lement compatible avec la quêted’une économie soutenable qui ne sacrifierait pas lebien-être <strong>de</strong>s uns <strong>pour</strong> augmenter celui <strong>de</strong>s autres.En revanche, quand la quête <strong>de</strong> pouvoir <strong>et</strong> d’enrichissementaboutit à <strong>pour</strong>suivre <strong>de</strong>s stratégies <strong>de</strong> croissanc<strong>et</strong>rès ambitieuses, comme on l’a vu dans lesecteur financier, c<strong>et</strong>te croissance, portée par lesmanagers, s’accompagne toujours d’un abandon <strong>de</strong>svaleurs <strong>et</strong> principes fondateurs…3.4. Des organisations à finalité définie,frein à la diversificationLe fait que la plupart <strong>de</strong>s organisations <strong>de</strong> l’économie<strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> aient été créées en suivant une finparticulière limite également leur <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong>.Les adhérents <strong>et</strong> sociétaires <strong>de</strong>s mutuellesestiment le plus souvent que la croissance n’estlégitime qu’aussi longtemps qu’elle perm<strong>et</strong> d’améliorerles prestations ou <strong>de</strong> diminuer leur coût. En revanche,ils ne voient pas la nécessité <strong>de</strong> dégager <strong>de</strong>sexcé<strong>de</strong>nts perm<strong>et</strong>tant d’investir, <strong>de</strong> se diversifierdans d’autres activités ou <strong>de</strong> se développer à l’étranger.L’expansion <strong>de</strong>s organisations <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong><strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> se fait donc le plus souvent dans leslimites strictes du secteur d’activité initial, ou selonune logique <strong>de</strong> complémentarité stratégique qui revêtsouvent un caractère défensif. D’où ce paradoxe quivoit <strong>de</strong>s organisations sans but lucratif adopté <strong>de</strong>sstratégies <strong>de</strong> « concentration sur leur métier »proches <strong>de</strong> celles en vogue chez leurs concurrentesdu secteur capitaliste.La Macif est parvenue à migrer <strong>de</strong> l’assurance automobile-risquesdivers, vers l’assurance-vie puis vers lacomplémentaire santé sous forme assurantielle ou viaMacif-mutualité, ou encore dans les services à lapersonne. La diversification prend ici la forme d’uneadaptation à l’évolution stratégique du métier d’origine,qui migre d’un métier d’assureur dommage, à uneréponse globale aux besoins <strong>de</strong> services <strong>et</strong> <strong>de</strong> sécurité<strong>de</strong>s personnes tout au long <strong>de</strong> la vie.La nécessité <strong>de</strong> croître <strong>pour</strong> atteindre la taille critiquesur le métier <strong>de</strong> base peut également engendrer <strong>de</strong>sprocessus <strong>de</strong> fusion, comme on le constate aujourd’huiau sein <strong>de</strong> l’univers <strong>de</strong>s mutuelles santé, quiparviennent ainsi à dégager <strong>de</strong>s économies d’échellesur leurs frais <strong>de</strong> gestion. Des opérations qui ontsouvent tardé à se concrétiser, <strong>pour</strong> <strong>de</strong>s raisons liéesaux enjeux <strong>de</strong> pouvoir au sein <strong>de</strong> ces sociétés <strong>de</strong>personnes. La taille est <strong>pour</strong>tant une condition <strong>pour</strong>réussir à <strong>de</strong>venir un assureur proactif, notamment sil’on veut disposer d’une présence territoriale <strong>et</strong> d’unrapport <strong>de</strong> forces qui rend possible une stratégie <strong>de</strong>conventionnement <strong>de</strong>s producteurs <strong>de</strong> soins. Enrevanche, les mutuelles restent prisonnières <strong>pour</strong>l’essentiel <strong>de</strong> leur métier d’assureur <strong>et</strong> se refusent àinvestir significativement dans la production <strong>de</strong>soins – ce qui serait <strong>pour</strong>tant une manière <strong>de</strong> revenirà leur métier d’origine.Le fait même que les organisations <strong>de</strong> l’économie<strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> <strong>pour</strong>suivent toutes un but particulierconcr<strong>et</strong> <strong>et</strong> non une finalité générale abstraite –gagner <strong>de</strong> l’argent –, limite donc mécaniquement leurpropension à se diffuser dans l’ensemble <strong>de</strong> l’économie.Tout proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> diversification hors <strong>de</strong> l’activitéd’origine est souvent considéré par les adhérents ousociétaires comme un abus <strong>de</strong> biens sociaux eu égardaux objectifs fondateurs <strong>de</strong> l’organisation. Du coup,l’extension <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> à <strong>de</strong>nouvelles activités passe rarement par une diversificationsectorielle <strong>de</strong> ses grands acteurs ; ces <strong>de</strong>rniersont soit beaucoup à faire <strong>pour</strong> assurer leur propresurvie <strong>et</strong> évolution stratégique, soit ne souhaitent passortir <strong>de</strong> leur métier actuel.Du coup, la pénétration <strong>de</strong> l’ESS dans <strong>de</strong> nouvellesactivités est freinée par le fait que les initiativesnouvelles qui <strong>pour</strong>raient s’y faire jour bénéficient rarement<strong>de</strong> l’expérience ou <strong>de</strong>s moyens financiersaccumulées dans d’autres activités. Seules quelquesgran<strong>de</strong>s organisations <strong>de</strong> l’ESS ont une vision systémique<strong>de</strong> son <strong>développement</strong> <strong>et</strong> contribuent à ai<strong>de</strong>r<strong>de</strong>s initiatives nouvelles, à travers leurs fondationsnotamment.En eff<strong>et</strong>, les activités nouvelles émergent plus facilementdans un environnement préexistant, au seind’un « écosystème social <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> » formé autourd’un ou <strong>de</strong> plusieurs besoins sociaux. Le choix <strong>de</strong>fournisseurs, <strong>de</strong> sous-traitants sociaux <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>spar les entreprises du secteur <strong>et</strong>/ou par les collectivitésterritoriales peut alors jouer un grand rôle dansle <strong>développement</strong> <strong>de</strong>s organisations <strong>sociale</strong>s <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>s,soit en substitution d’autres fournisseurs, soiten développant <strong>de</strong> nouvelles offres qui concourent au<strong>développement</strong> du tissu d’activités <strong>sociale</strong>s <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>s(Un exemple concr<strong>et</strong> : une collectivité localeai<strong>de</strong> à la création d’une auto-école <strong>sociale</strong> <strong>pour</strong>appuyer une entreprise d’insertion qui souhaite sediversifier dans le transport <strong>de</strong> marchandises <strong>de</strong>proximité).27


3.5. Les limites liées aux mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong>fonctionnement propres aux sociétés <strong>de</strong>personnesDès lors que les organisations <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong><strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> sont <strong>de</strong>s sociétés <strong>de</strong> personnes, toutecroissance externe comme toute internationalisation,y compris dans la même activité, <strong>de</strong>vient rapi<strong>de</strong>mentproblématique. Au-<strong>de</strong>là du caractère soit inexistant,soit peu opérationnel <strong>de</strong>s statuts européens d’entreprise<strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>, ces organisations sont confrontéesà <strong>de</strong>ux évolutions possibles : ou bien l’organisationmère choisit d’essaimer <strong>de</strong> manière désintéressée,en m<strong>et</strong>tant ses savoir-faire <strong>et</strong> compétences auservice <strong>de</strong>s autres – comme l’ont fait par exemple laMacif <strong>et</strong> la Maif lors <strong>de</strong> la création <strong>de</strong> la Mutuelle <strong>de</strong>smotards, en réponse à l’appel <strong>de</strong> la Fédération <strong>de</strong>smotards en colère –, ou bien elle s’étend en créant ouen rach<strong>et</strong>ant <strong>de</strong>s filiales maintenues sous statutcapitaliste <strong>et</strong> dont elle <strong>de</strong>vient actionnaire unique oumajoritaire – si tant est qu’elle parvient à mobiliserles capitaux nécessaires, comme l’on fait ChèqueDéjeuner ou la coopérative Mondragon.La première solution n’est que rarement mise enœuvre compte tenu <strong>de</strong> l’altruisme qu’elle implique :elle revient à porter sur les fonts baptismaux unestructure qui a vocation à <strong>de</strong>venir indépendante voireà terme concurrente. Inversement, la secon<strong>de</strong>, quan<strong>de</strong>lle prend <strong>de</strong> l’ampleur, réduit le champ <strong>de</strong> lagouvernance démocratique au seul groupe initial cequi finit par en restreindre la légitimité.3.6. Une gouvernance favorable à l’emploimais peu apte à s’adapter aux mutationsstratégiques <strong>de</strong> ses métiersAu-<strong>de</strong>là du problème <strong>de</strong> la diversification <strong>de</strong>s activités,les entrepreneurs sociaux <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>s ne parviennentpas toujours à défendre les positionsacquises dans leur propre métier. Le recul <strong>de</strong> l’économie<strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> dans <strong>de</strong>s secteurs où elleaurait pu être gagnante comme la distribution (horscommerce associé) ou le tourisme (avec le recul dutourisme social) s’explique ainsi <strong>pour</strong> partie parl’incapacité <strong>de</strong>s équipes dirigeantes à s’adapter auxchangements <strong>de</strong> l’environnement. La gran<strong>de</strong> stabilité<strong>de</strong> la gouvernance qu’assure la démocratie mutualiste<strong>et</strong> coopérative a pu alors contribuer à conduirecertaines structures à leur perte.3.7. Des mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> régulation salarialehétérogènesA la différence <strong>de</strong> sociétés <strong>de</strong> capitaux où la volonté<strong>de</strong> maximiser les résultats vient souvent justifier unmouvement incessant <strong>de</strong> restructuration, les organisations<strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>, parce quece sont <strong>de</strong>s sociétés <strong>de</strong> personnes, ont en règle généraleplus d’égards <strong>pour</strong> les personnes qu’ellesemploient, surtout celles qui peuvent inscrire leuraction dans un temps long.Rappelons cependant qu’à l’exception <strong>de</strong>s Scop, lessalariés ne sont pas statutairement placés au cœur <strong>de</strong>la gouvernance <strong>de</strong>s structures <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong><strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>. A ce point <strong>de</strong> vue, si celle-ci peut apparaîtrecomme une alternative aux sociétés <strong>de</strong>capitaux, en raison <strong>de</strong> sa non-lucrativité, elle ne sedistingue pas fondamentalement <strong>de</strong>s autres organisationssur le plan du rapport salarial : les organisations<strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> embauchent, licencient,négocient salaires <strong>et</strong> conditions <strong>de</strong> travail <strong>et</strong>s’efforcent <strong>de</strong> dégager <strong>de</strong>s excé<strong>de</strong>nts, gage <strong>de</strong>pérennité <strong>de</strong> la structure.Là où les directions s’efforcent réellement <strong>de</strong> m<strong>et</strong>treen œuvre un management participatif, respectueux<strong>de</strong>s personnes, donnant à tous un large accès àl’information, <strong>et</strong> à la formation, les salariés fontsouvent preuve d’une forte implication <strong>et</strong> d’unegran<strong>de</strong> loyauté envers la structure qui les emploie, cequi se révèle un puissant facteur d’efficacité 14 . Maisc<strong>et</strong>te règle connaît <strong>de</strong>s exceptions : on rencontre <strong>de</strong>nombreuses organisations <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong><strong>solidaire</strong> où les formes <strong>de</strong> régulation salariale ne sontpas meilleures que dans le secteur privé capitaliste.Dans l’ensemble, les organisations <strong>de</strong> l’ESS proposent<strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> travail <strong>et</strong> <strong>de</strong> rémunération assezvoisines <strong>de</strong> celles observées dans les autresentreprises, le marché du travail jouant son rôleharmonisateur : l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>n’échappe pas aux contraintes <strong>de</strong> la concurrence, ycompris dans le recrutement <strong>de</strong> son personnel.3.7.1. L’eff<strong>et</strong> sectoriel l’emporte sur l’eff<strong>et</strong> statutaireLes conditions <strong>de</strong> travail <strong>et</strong> <strong>de</strong> rémunération dans lesorganisations <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> sontfortement déterminées par le secteur d’activité danslequel elles opèrent (voir tableau 3 ci-<strong>de</strong>ssus). Lesgran<strong>de</strong>s entreprises travaillant dans <strong>de</strong>s secteurs peu14 Pour un aperçu <strong>de</strong> la recherche académique sur ladémocratie en entreprise, voir G.K. Dow, Governing thefirm. Worker’s control in theory and practice, CambridgeUniversity Press 2003. Cité par Marc Fleurbaey, op.cit.28


que <strong>de</strong>s régulations collectives n’auront pas imposé<strong>de</strong> meilleures conditions <strong>de</strong> travail ou <strong>de</strong> rémunérations.3.8. Des porteurs <strong>de</strong> proj<strong>et</strong> en nombreinsuffisantLe <strong>de</strong>rnier obstacle endogène – <strong>et</strong> non le moindre –au <strong>développement</strong> <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>est le nombre insuffisant <strong>de</strong> porteurs <strong>de</strong> proj<strong>et</strong>. Deuxraisons au moins peuvent être invoquées <strong>pour</strong>l’expliquer. Premièrement, si <strong>de</strong> nombreuses personnesont un fort goût d’entreprendre <strong>et</strong> d’autres ungrand sens <strong>de</strong> l’intérêt général, les <strong>de</strong>ux qualités ne serencontrent pas nécessairement chez les mêmes personnes.Une large partie <strong>de</strong>s personnes qui déclareleur intérêt <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>préfère travailler comme salariés dans les structuresexistantes ou travailler dans les structures parapubliquesou professionnelles qui concourent à son<strong>développement</strong>, plutôt que <strong>de</strong> se lancer dansl’aventure d’un proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> création. En outre, nombre<strong>de</strong> créations d’activités dans l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong><strong>solidaire</strong> relèvent <strong>de</strong> l’ « économie kebab », c’est-àdire<strong>de</strong> créations qui témoignent <strong>de</strong>s conditions trèsdégradées du marché du travail qui conduisent <strong>de</strong>jeunes diplômés à auto-créer leur emploi fauted’accé<strong>de</strong>r à l’emploi salarié. En témoignent tout particulièrementles nombreuses structures <strong>de</strong> conseil, <strong>de</strong>communication, <strong>de</strong> formation ou d’informationautour du concept même d’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong><strong>solidaire</strong> qui survivent en bénéficiant d’emplois aidés<strong>et</strong> du soutien <strong>de</strong>s collectivités territoriales …La secon<strong>de</strong> raison a déjà été évoquée : l’entrepreneursocial <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> évite <strong>de</strong> nombreux secteurs <strong>pour</strong><strong>de</strong>s raisons qui tiennent à sa perception <strong>de</strong> leur faibleutilité <strong>sociale</strong>, ou encore aux conditions <strong>de</strong> travail ou<strong>de</strong> rémunération qui les caractérisent, ou enfin auvolume <strong>de</strong> capitaux qu’il faudrait mobiliser. Historiquement,l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> est parvenueà prospérer dans <strong>de</strong>s secteurs où les barrières àl’entrée sont désormais extrêmement hautes <strong>pour</strong><strong>de</strong>s raisons économiques ou réglementaires (banque,assurance, <strong>et</strong>c.). Dans d’autres, à l’inverse, il <strong>de</strong>meureaisé d’être nouvel entrant, mais le <strong>développement</strong> <strong>de</strong>l’activité suppose <strong>de</strong> parvenir à mobiliser <strong>de</strong>s soutienspublics (secteur social, culturel, sportif, <strong>et</strong>c.) : il nesuffit pas <strong>de</strong> se proclamer « entrepreneur social »<strong>pour</strong> résoudre la question <strong>de</strong> la solvabilisation <strong>de</strong> la<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> services sociaux ! Toutes ces difficultésont <strong>pour</strong> résultat qu’une partie <strong>de</strong>s jeunes quisouhaiteraient s’investir dans ce secteur finissent pary renoncer. Comme nous l’avons noté plus haut, latrès forte corrélation entre le niveau <strong>de</strong>s prélèvementsobligatoires <strong>et</strong> le <strong>développement</strong> <strong>de</strong> l’emploidans l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> s’observeégalement au niveau <strong>de</strong> la création d’activités : pasfacile <strong>de</strong> créer <strong>de</strong> nouveaux services sociaux <strong>et</strong><strong>solidaire</strong>s quand les subventions se font rares !30


<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?4. <strong>Quel</strong>le place <strong>pour</strong> l’ESS dans une économie soutenable<strong>et</strong> démocratique ?En dépit <strong>de</strong> toutes les limites <strong>et</strong> tous les freins au<strong>développement</strong> <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>hors <strong>de</strong> ses secteurs actuels, nombre d’acteurs affirment<strong>de</strong> manière répétée qu’il est temps <strong>pour</strong> l’ESS <strong>de</strong>s’affirmer <strong>et</strong> <strong>de</strong> changer d’échelle : <strong>de</strong> sortir <strong>de</strong> lamarginalité, <strong>de</strong> la phase d’expérimentation ou encored’une dimension purement réparatrice. A titred’exemple, un colloque organisé récemment par leConseil <strong>de</strong>s entreprises, Employeurs <strong>et</strong> Groupements<strong>de</strong> l'Economie Sociale (Ceges) <strong>et</strong> le quotidien LesEchos portait un titre évocateur : « Economie <strong>sociale</strong>,les marchés à conquérir ». C’est dans le même espritqu’ont été préparés les Etats généraux <strong>de</strong> l’économie<strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>, réunis à Paris, les 18 <strong>et</strong> 19 juin2011, à l’initiative du Labo-ESS <strong>et</strong> son fondateurClau<strong>de</strong> Alphandéry.L’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> est assurément enphase avec les attentes du mon<strong>de</strong> politique, soucieux<strong>de</strong> r<strong>et</strong>rouver <strong>de</strong> la légitimité en affirmant sa capacitéd’agir dans le champ économique <strong>et</strong> social. Le proj<strong>et</strong>d’une économie portée par la société civile, ancréedans les territoires, est <strong>de</strong> nature à séduire lesresponsables politiques, <strong>et</strong> pas seulement à gauche.Néanmoins, les principaux partis <strong>de</strong> gouvernement luiassignent une fonction avant tout <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> défensive,ce qui est somme toute assez logique au vu,d’une part, <strong>de</strong> ce que constituent aujourd’hui les grosbataillons <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ; d’autrepart, <strong>de</strong> la confusion sémantique qui règne entreéconomie <strong>sociale</strong>, économie <strong>solidaire</strong>, entrepreneuriatsocial, social business…L’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> peut néanmoins sedévelopper, commencer à sortir <strong>de</strong> sa marginalité,surtout si elle obtient un soutien fort <strong>de</strong>s pouvoirspublics, aussi bien au niveau <strong>de</strong> l’Etat que dans lesterritoires, notamment dans ses domaines d’activitéhistoriques. C’est donc un signe très encourageantque <strong>de</strong>s responsables politiques s’y intéressent, <strong>et</strong>s’efforcent <strong>de</strong> la promouvoir à leur niveau, via lacomman<strong>de</strong> publique <strong>et</strong> la reconnaissance <strong>de</strong> l’utilité<strong>sociale</strong> spécifique <strong>de</strong> certaines <strong>de</strong> ses activités.L’essor <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> répond aussià la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>sociale</strong>. Un nombre significatif <strong>de</strong>jeunes, dans les générations présentes, aspirent à voirle résultat <strong>de</strong> ce qu’ils font, à être autonomes, àprendre <strong>de</strong>s initiatives – autant <strong>de</strong> qualités attenduesd’un entrepreneur –, mais veulent aussi un travail quia un sens, qui sert l’intérêt général, <strong>et</strong> qui leurperm<strong>et</strong>tent <strong>de</strong> gagner correctement leur vie sansnécessairement être plus riches que le voisin…Du côté <strong>de</strong>s consommateurs, enfin, un nombrecroissant <strong>de</strong> personnes développe une vision critique<strong>de</strong> la consommation opulente, <strong>et</strong> aspirent à dépenserleur argent en ach<strong>et</strong>ant <strong>de</strong>s biens <strong>et</strong> services produitspar <strong>de</strong>s filières écologiquement soutenables <strong>et</strong><strong>sociale</strong>ment intégratrices. Tous ces facteurs jouentfavorablement au <strong>développement</strong> <strong>de</strong> l’économie<strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>.4.1. Le proj<strong>et</strong> d’une économie soutenable <strong>et</strong>démocratique est en phase avec les valeursportées par une partie <strong>de</strong> l’ESS.La conversion <strong>de</strong> notre économie vers un modèle plusdémocratique <strong>et</strong> soutenable, conversion à la foisnécessaire <strong>et</strong> souhaitable, <strong>de</strong>vrait ainsi se révélerfavorable au <strong>développement</strong> d’organisations qui sereconnaissent dans l’ESS, <strong>et</strong> inversement.Une société soucieuse <strong>de</strong> réduire ses consommationsmatérielles <strong>et</strong> <strong>de</strong> privilégier le bien-être <strong>de</strong> sesmembres donnerait ainsi plus <strong>de</strong> place aux servicesaux personnes, aux dynamiques territoriales <strong>de</strong>proximité, aux circuits courts, aux énergies renouvelables,au recyclage généralisé. Elle privilégierait ladémocratie à tous les niveaux, ce qui serait favorableaux sociétés <strong>de</strong> personnes, associant les différentesparties prenantes intéressées à leur activité. Un telprogramme fait écho aux préoccupations <strong>de</strong> nombreusesstructures qui revendiquent leur appartenanceà l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>. De même,une telle société encouragerait un nouvel équilibreentre travail salarié – dans un cadre marchand ou nonmarchand –, activité bénévole <strong>et</strong> travail domestique,ce qui constitue, là encore, une évolution en phaseavec les préoccupations affichées par une partie <strong>de</strong>sorganisations <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>.Reste à mesurer à quelles conditions <strong>et</strong> avec quelleslimites l’ESS peut contribuer à aller dans c<strong>et</strong>te voie.31


4.2. Les organisations <strong>de</strong> l’ESS doiventadopter une gouvernance réellementdémocratique qui donne envieLa gouvernance démocratique dont se prévaut l’économie<strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> est très spécifique. Leprocessus démocratique s’y développe dans <strong>de</strong>sconditions très différentes <strong>de</strong> celles qui dominent àl’échelle <strong>de</strong> la société tout entière, notamment entermes <strong>de</strong> pluralisme <strong>et</strong> d’alternance.La gouvernance démocratique <strong>de</strong>s organisations <strong>de</strong>l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> a d’abord <strong>pour</strong> obj<strong>et</strong>d’assurer la pérennité <strong>de</strong> leur obj<strong>et</strong> social <strong>et</strong>, enpratique, la reproduction du groupe qui l’incarne.Chaque famille <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>,selon son statut, donne le pouvoir à une catégoriespécifique d’acteurs : bénévoles dans les associations,adhérents dans les mutuelles, sociétaires ou associésdans les coopératives… Il serait donc souhaitabled’aller vers <strong>de</strong>s modèles <strong>de</strong> gouvernance associant lesdifférentes parties prenantes en due proportion <strong>de</strong>leur intérêt, afin <strong>de</strong> donner plus d’épaisseur à la viedémocratique. Les organisations <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong><strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> affirment, en règle générale, inscrireleur proj<strong>et</strong> dans une démarche d’intérêt général, au<strong>de</strong>là<strong>de</strong>s intérêts particuliers <strong>de</strong> leurs adhérents,sociétaires ou associés. En pratique, néanmoins, lamajorité <strong>de</strong>s dirigeants du secteur refuse aujourd’huitoute ouverture <strong>de</strong>s structures <strong>de</strong> gouvernance à <strong>de</strong>sadministrateurs extérieurs qui viendraient bri<strong>de</strong>r leurautonomie. Ce refus est légitime : l’économie <strong>sociale</strong><strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> n’a pas à s’aligner sur les normes <strong>de</strong>ssociétés <strong>de</strong> statut capitaliste, qui n’ont pas la mêmeexigence démocratique. Pour autant, il ne serait pasinutile, au nom même <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te exigence, d’apporterun peu <strong>de</strong> diversité au sein <strong>de</strong>s organes <strong>de</strong>gouvernance, même si ce principe doit se déclinerdifféremment selon les organisations <strong>et</strong> les statuts.Si l’on m<strong>et</strong> à part les Scop, qui n’occupent qu’une placemarginale au sein <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>avec leurs 40 000 salariés, élargir la gouvernance àtoutes les parties prenantes, c’est d’abord y associerles salariés qui produisent le service <strong>et</strong>/ou ceux qui enbénéficient. L’enjeu est <strong>de</strong> faire bénéficier la structuredu r<strong>et</strong>our d’expérience <strong>de</strong>s salariés au lieu <strong>de</strong> lescantonner à un rôle d’exécutants <strong>de</strong> missions définiesen <strong>de</strong>hors d’eux. Les associations du secteur sanitaire<strong>et</strong> social, notamment, <strong>de</strong>vraient également associersystématiquement à leur gouvernance <strong>de</strong>s représentants<strong>de</strong>s bénéficiaires ou usagers <strong>de</strong> leurs services.Dans c<strong>et</strong>te perspective, l’expérience <strong>de</strong>s sociétéscoopératives d’intérêt collectif (SCIC) est intéressantedans la mesure où ce statut perm<strong>et</strong> d’associer lessalariés, les bénévoles, les usagers <strong>et</strong> les représentants<strong>de</strong>s territoires à la gouvernance <strong>de</strong>s proj<strong>et</strong>s quiprésentent une utilité <strong>sociale</strong> spécifique <strong>et</strong> bénéficientsouvent <strong>de</strong> financements hybri<strong>de</strong>s.La démocratie au sein <strong>de</strong>s organisations <strong>de</strong> l’économie<strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> est donc très disparate dansses formes. Elle ne concerne, d’une manière générale,qu’une seule partie prenante alors qu’il serait souhaitablequ’elle associe les porteurs du proj<strong>et</strong>, ceux quien bénéficient <strong>et</strong> ceux qui en assurent la mise enœuvre. Quant aux formes <strong>de</strong> management mises enœuvre, elles ne sont pas toujours en rupture aveccelles qui prévalent dans les entreprises capitalistes,notamment en termes <strong>de</strong> liberté d’expression ou <strong>de</strong>participation aux décisions. C’est d’autant plus regr<strong>et</strong>tableque la rationalité qui gui<strong>de</strong> ces organisations<strong>de</strong>vrait rendre possible la construction <strong>de</strong> compromisgagnant-gagnant entre parties prenantes.Repenser la démocratie au sein <strong>de</strong>s organisations <strong>de</strong>l’ESS est une urgence dans un moment où le capitalismeactionnarial est <strong>de</strong> plus en plus contesté <strong>pour</strong>son indifférence au sort <strong>de</strong>s salariés <strong>et</strong> <strong>pour</strong> sa quête<strong>de</strong> rentabilité à court terme. L’ESS doit s’affirmercomme le laboratoire <strong>de</strong> nouvelles formes <strong>de</strong> gouvernanceen accord avec la construction d’une économieréellement soutenable, sur le plan écologique commesur le plan démocratique.Un accroissement du poids relatif <strong>de</strong>s organisationséconomiques d’origine citoyenne, dotées d’autres objectifsque <strong>de</strong> maximiser leurs profits <strong>et</strong> gérées démocratiquement,contribuerait sans doute à faciliter latransformation du cadre normatif imposé à l’ensemble<strong>de</strong>s entreprises quelque soit leur statut, en changeantles rapports <strong>de</strong> force dans le champ politique.Mais cela suppose <strong>de</strong> repenser les formes <strong>de</strong> la démocratiedont se prévalent les organisations <strong>de</strong> l’ESS.4.3. Contribuer au <strong>développement</strong> <strong>de</strong>nouvelles filières <strong>de</strong> satisfaction <strong>de</strong>s besoinsL’ESS « réellement existante », parce qu’elle est profondémentencastrée dans notre société, ne constituepas en tant que telle un laboratoire <strong>de</strong>s transformationssouhaitables <strong>de</strong> notre modèle économique. Si lalogique <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> – non lucrativité,gouvernance démocratique – a vocation à s’étendre,<strong>et</strong> notamment à « contaminer » le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> fonctionnement<strong>de</strong> toutes les entreprises, il nous faut penserles transformations <strong>de</strong> notre société en allant au-<strong>de</strong>làdu statut <strong>de</strong>s entreprises, <strong>de</strong> leur mo<strong>de</strong> <strong>de</strong>gouvernance, en plaçant en haut <strong>de</strong> l’agenda lesbesoins à satisfaire <strong>et</strong> la définition <strong>de</strong>s nouveauxmo<strong>de</strong>s d’organisation sociotechniques à développer<strong>pour</strong> rendre c<strong>et</strong>te satisfaction soutenable. En résumé,il s’agit <strong>de</strong> produire, <strong>de</strong> consommer, <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r« autrement », comme l’affirment les Etats généraux32


<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?<strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>. Une belle formule,qui laisse cependant en gran<strong>de</strong> partie ouverte laquestion <strong>de</strong> savoir en quoi consiste concrètement c<strong>et</strong>« autrement » auquel les « cahiers d’espérance »rassemblés à c<strong>et</strong>te occasion n’apportent que <strong>de</strong>sréponses parcellaires, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> justes constats <strong>et</strong> <strong>de</strong>proclamations qu’on ne peut que partager.L’enjeu est donc <strong>de</strong> penser désormais <strong>de</strong>s manières<strong>de</strong> financer, <strong>de</strong> produire, <strong>de</strong> nourrir, <strong>de</strong> loger, <strong>de</strong>former, <strong>de</strong> soigner, <strong>de</strong> distraire, <strong>de</strong> déplacer <strong>de</strong>manière soutenable les dix milliards d’hommes quenotre p<strong>et</strong>ite planète va compter <strong>de</strong>main. Les organisationsactuelles <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> nedétiennent qu’une part réduite <strong>de</strong> l’expertise requise<strong>pour</strong> m<strong>et</strong>tre en œuvre <strong>de</strong> nouvelles filières productives<strong>et</strong> ne sont qu’une partie <strong>de</strong> la solution, entermes <strong>de</strong> dynamique <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> politique.Tout l’enjeu, face aux logiques dominantes, est <strong>de</strong> semontrer capable <strong>de</strong> réaliser un travail d’ingénieriesociotechnique simultanée, qui pense conjointementl’analyse <strong>de</strong>s besoins à satisfaire, les biens <strong>et</strong> servicesqui peuvent y répondre, <strong>et</strong> les mo<strong>de</strong>s d’organisation àmême <strong>de</strong> les délivrer, le tout <strong>de</strong> manière soutenable<strong>et</strong> démocratique.Si <strong>de</strong> nombreuses initiatives existent, elles <strong>de</strong>meurentcependant marginales, quand on mesure leur impactsur l’emploi secteur par secteur. Leur influence réelles’exprime plutôt à travers les transformations <strong>de</strong>smo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vie, <strong>de</strong> production <strong>et</strong> <strong>de</strong> consommationqu’elles engendrent, qui ont vocation à transcen<strong>de</strong>rles nomenclatures existantes (Ex : circuits courts,monnaies complémentaires, <strong>et</strong>c.)Tableau 6. Perspectives d'innovations issues ou liées aux organisations <strong>de</strong> l'ESS (1/4)Domaine d'activitéCulture & productionanimale, chasse &services ann.TotalESSHorsESSEnsemble% ESSdanstotal8 891 206 047 214 938 4%Structures <strong>et</strong>innovations existantesCoopération agricole.Entreprises d'insertion(ex: Jardins <strong>de</strong> Cocagne)Innovations à développerAlliances producteurs, distributeurs, consommateurs(ex: Amap) ; ai<strong>de</strong> coopérative à financement <strong>de</strong>l'installation ( ex : Terre <strong>de</strong> liens) ; <strong>développement</strong>filière bio. Maraichage urbain <strong>et</strong> <strong>de</strong> proximité (mise àdisposition du foncier par collectivités). Politiquesd'achat <strong>de</strong>s collectivités (cantines scolaires, <strong>et</strong>c.).Modif. <strong>de</strong>s politiques d'achat <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> distribution.Sylviculture <strong>et</strong>Coopérative <strong>de</strong> Valorisation <strong>de</strong> la forêt (chauffage, construction,511 18 110 18 771 3%exploitation forestièrepropriétairestourisme, <strong>et</strong>c.)(ex : SCIC Bois-Bocage Energie)Pêche <strong>et</strong> aquaculture 230 12 709 12 939 2% Coopératives <strong>de</strong> pêche Alliances producteurs, distributeurs, consommateursExtraction <strong>de</strong> houille <strong>et</strong><strong>de</strong> lignite0 30 30 0% nsExtractiond'hydrocarbures0 823 823 0% nsExtraction <strong>de</strong> mineraismétalliques0 387 387 0% nsAutres industriesextractives0 c 22 844 0% nsSces <strong>de</strong> soutien auxindust. extractives0 328 328 0% nsIndustries alimentaires 17 987 451 298 469 285 4%Coopération agricolepeu innovante face auxsociétés <strong>de</strong> capitauxAlliances producteurs, distributeurs, consommateurs ;<strong>développement</strong> filières bioFabrication <strong>de</strong> boissons 0 29 808 37 695 0% Développement <strong>de</strong> filières équitables ?Fabrication <strong>de</strong> produitsà base <strong>de</strong> tabac0 2 037 2 037 0% nsFabrication <strong>de</strong> textiles 697 48 044 48 741 1% Marginale Développement <strong>de</strong> filières équitables ?Industrie <strong>de</strong>l'habillement287 42 955 43 242 1% Marginale Développement <strong>de</strong> filières équitables ?Industrie du cuir <strong>et</strong> <strong>de</strong>Marginale (Ex : groupe19 23 209 23 228 0%la chaussureArcher)Développement <strong>de</strong> filières équitables ?Trav. bois; fab. articleCoopératives <strong>de</strong>790 66 181 66 971 1%bois, vannerieproductionDéveloppement production artisanaleInd. du papier/carton 96 64 986 65 082 0% nsImprimerie & reprod.Coopératives <strong>de</strong>1 006 76 224 77 230 1%d'enregistrementsproductionAdaptation au changement technologique33


Tableau 6. Perspectives d'innovations issues ou liées aux organisations <strong>de</strong> l'ESS (2/4)Domaine d'activitéTotalESSHorsESSEns.% ESSdanstotalStructures <strong>et</strong> innovationsexistantesCokéfaction <strong>et</strong> raffinage 0 11 127 11 127 0% nsIndustrie chimique 533 142 092 142 625 0% nsIndustriepharmaceutiqueFab. prod. encaoutchouc & enplastiqueFab. aut. prod.minéraux nonmétalliques0 c 81 538 0% ns156 175 738 175 894 0% ns420 111 660 112 080 0% nsMétallurgie 295 92 943 93 238 0% nsFab. prod. métalliq. sfmachine & équipt1 744 295 718 297 462 1%Fab. prod. informat.,électroniq. & opt.121 136 940 137 185 0% nsFabricationd'équipements 0 118 605 119 836 0%électriquesFabric. <strong>de</strong> machines &équipements n.c.a.0 191 765 192 206 0% nsIndustrie automobile 0 229 950 230 538 0% nsFabric. d'autresmatériels <strong>de</strong> transport0 c 124 855 0% nsCoopératives <strong>de</strong>productionCoopératives <strong>de</strong>productionFabrication <strong>de</strong> meubles 0 53 187 53 377 0% nsAutres industriesmanufacturièresRéparation & install.machine & équiptPrdn & distr. élec. gazvap. & air cond.Captage, traitement &distribution d'eauCollecte <strong>et</strong> traitement<strong>de</strong>s eaux uséesCollecte, gestiondéch<strong>et</strong>s ; récupérationDépollution & autresces gestion déch<strong>et</strong>sConstruction <strong>de</strong>bâtiments279 68 791 69 196 0% ns0 153 849 154 326 0% nsInnovations à développerReprise d'entreprises sous formecoopérativeReprise d'entreprises sous formecoopérativeReprise d'entreprises sous formecoopérativeReprise d'entreprises sous formecoopérativeReprise d'entreprises sous formecoopérativeReprise d'entreprises sous formecoopérativeReprise d'entreprises sous formecoopérativeReprise d'entreprises sous formecoopérativeReprise d'entreprises sous formecoopérativeReprise d'entreprises sous formecoopérativeReprise d'entreprises sous formecoopérativeReprise d'entreprises sous formecoopérative0 163 784 164 303 0% ns Production énergies renouvelables0 c 46 000 0% ns0 c 27 677 0% ns2 179 94 803 96 982 2%0 c 2 213 0%1 357 152 088 153 445 1%Génie civil 1 941 159 901 161 873 1%Travaux <strong>de</strong> constructionspécialisésCommerce & répar.automobile &motocycleCommerce gros horsauto. & motocycle7 900 1 075 585 1 083 485 1%Entreprises d'insertioncoopératives <strong>et</strong>associatives (Ex :EcoCycleries).Coopératives <strong>de</strong>production. Associations<strong>de</strong> promotion <strong>de</strong>l'écoconstruction.Coopératives <strong>de</strong>productionCoopératives <strong>de</strong>production247 355 692 355 939 0% ns44 864 890 756 935 620 5%Coopération agricole <strong>et</strong>centrales d'achat ducommerce associéSCIC territoriales possibles en alternativeaux régiesSCIC territoriales possibles en alternativeaux régiesDéveloppement en accord aveccollectivités territoriales <strong>et</strong> filièresindustrielles (recyclage) dans un contexte<strong>de</strong> durcissement <strong>de</strong>s normes.Développement en accord aveccollectivités territorialesMarchés publics. Nouvelles filièresécoconstructionMarchés publics. Nouvelles filièresécoconstructionMarchés publics. Nouvelles filièresécoconstructionGarages coopératifs économie <strong>de</strong>fonctionnalitéFilières coopératives34


<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?Tableau 6. Perspectives d'innovations issues ou liées aux organisations <strong>de</strong> l'ESS (3/4)Domaine d'activitéCom. détail(sauf automobiles &motocycles)TotalESSHorsESS12 437 1 423 217Ens.1 435654% ESSdanstotal1%Structures <strong>et</strong> innovationsexistantesPoids important du commerceassocié (Leclerc, Système U, <strong>et</strong>c.).Faible présence <strong>de</strong>s coop <strong>de</strong>consommation. Boutiques <strong>de</strong>commerce équitable. RéseauBiocoop. Paniers bio associatifs.Epiceries <strong>solidaire</strong>s. Consommationcirculaire : EcoCycleries, vi<strong>de</strong>greniersassociatifMarginale via coop <strong>de</strong> production(taxis, ambulances)Transport terrest. &trans. par conduite2 397 658 955 661 352 0%Transports par eau 25 17 252 17 277 0% nsTransports aériens 0 c 70 080 0% nsEntreposage & sceauxiliaire <strong>de</strong>s transp.2 756 250 094 252 850 1%Activités <strong>de</strong> poste <strong>et</strong> <strong>de</strong>courrier16 227 722 227 738 0% nsSalariés <strong>de</strong>s structures centrales ducommerce associéInnovations à développerDéveloppement filières équitables ou <strong>de</strong>proximité <strong>de</strong> statut coopératif <strong>et</strong>associatif avec soutien <strong>de</strong>s organisation<strong>de</strong> la société civile/collectivités.Développement mobilité sous forme écofonctionnalité avec soutien coll.terr.Développement <strong>de</strong> structurescoopératives <strong>de</strong> proximitéHébergement 20 363 200 402 220 765 9%Foyers jeunes travailleurs, tourisme Rénovation du parc, ; adaptation auxsocial, <strong>et</strong>c.évolutions <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>sociale</strong>Restauration 6 174 553 492 559 808 1% MarginaleDéveloppement <strong>de</strong> structures coop. <strong>de</strong>proximité <strong>pour</strong> collectivitésÉdition 1 626 110 210 111 836 1%Marginale via coop <strong>de</strong> production Prestations <strong>pour</strong> le compte d'autres<strong>et</strong> associationsacteurs <strong>de</strong> l'ESS.Prod. films ; enr. sonore& éd. musicale2 469 48 848 51 317 5% Associations Développement avec soutien publicProgrammation <strong>et</strong>diffusion0 36 249 37 793 0% ns Nouveaux médias associatifs/collaboratifsTélécommunications 17 135 101 135 118 0% nsPgmtion conseil & aut.Prestations <strong>pour</strong> le compte d'autres708 267 190 268 302 0% Coopératives <strong>de</strong> productionact. informatiqueacteurs <strong>de</strong> l'ESS/coll.loc.Services d'information 988 50 690 51 678 2%Marginale via coop <strong>de</strong> production Nouveaux médias associatifs/collaboratifs<strong>et</strong> associationsPresse écrite <strong>et</strong> numériqueDéveloppement finance <strong>solidaire</strong>(notamment via fléchage <strong>de</strong> l'épargneBanques coopératives. Capitalrisque<strong>solidaire</strong> (France Active,Banques (Act. financ.salariale) ; Finance territorialiséehors assurrance <strong>et</strong> cais. 159 302 343 744 505 066 32%(Community Reinvestement Act "à laCigales, Garrigue, <strong>et</strong>c.). Microcrédit<strong>solidaire</strong>.R<strong>et</strong>raite)française"). lobbying en faveur d'uneautre régulation <strong>de</strong> la finance. Monnaiescomplémentaires.Assurance 74 736 92 200 167 956 44% Mutuelles d'assurancesAct. auxiliaire scesfinanc. & d'assur.1 292 110 986 112 641 1% nsActivités immobilières 2 215 224 898 227 113 1%Activités juridiques <strong>et</strong>comptablesAct. sièges sociaux ;conseil <strong>de</strong> gestionArchitec. & ingénierie;ctrle ana. tech.Agences immobilières à vocation<strong>sociale</strong> (AIVS). Promoteursassociatifs (Ex : Habitat <strong>et</strong>humanisme, Solidarités nouvelles<strong>pour</strong> le logement, <strong>et</strong>c.)Diversification dans les services auxpersonnes ; lobbying en faveur d'uneautre régulation <strong>de</strong> la financeDéveloppement coopératives d'habitantsavec apppui <strong>de</strong>s coll.loc. <strong>pour</strong> la maîtrisedu foncier.16 170 206 917 223 087 7% Structures comptables associatives i<strong>de</strong>m.8 101 263 675 271 776 3%7 672 302 683 312 027 2%Coopératives ou associations <strong>de</strong>consultantsCoopératives ou associations <strong>de</strong>consultantsi<strong>de</strong>m.i<strong>de</strong>m.35


Tableau 6. Perspectives d'innovations issues ou liées aux organisations <strong>de</strong> l'ESS (4/4)Domaine d'activitéRecherche<strong>développement</strong>scientifiquePublicité <strong>et</strong> étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong>marchéAut. act. spécial.scientifique & techn.TotalESSHorsESSEns.% ESSdanstotal10 985 142 738 153 723 7%Structures <strong>et</strong> innovationsexistantesOrganismes <strong>de</strong> rechercje sousstatut associatif /fondationInnovations à développer691 113 393 114 084 1%Coopératives ou associations <strong>de</strong>consultantsi<strong>de</strong>m.739 37 558 38 321 2%Coopératives ou associations <strong>de</strong>consultantsi<strong>de</strong>m.Activités vétérinaires 0 12 593 12 610 0% ns i<strong>de</strong>m.Activités <strong>de</strong> location <strong>et</strong>Location <strong>de</strong> matériel agricole par1 238 78 108 79 346 2%location-bailCoopérativesi<strong>de</strong>m.Activités liées à l'emploi 39 580 104 272 143 852Mise à disposition <strong>de</strong> main d'œuvre28%sous statut associatifi<strong>de</strong>m.Act .ag. voyage6 824 37 678 44 577 15% Voyagistes sous statut associatif Développement du tourisme autrement ?voyagiste sv. résa. <strong>et</strong>c.Enquêtes <strong>et</strong> sécurité 225 141 511 141 736 0% nsSces relatifs bâtimnt &Entreprises d'insertion coopératives Développement Scop/Scic avec appui4 795 381 600 386 395 1%aménagt paysager<strong>et</strong> associativescollectivités territorialesAct. admin. & aut. act.Foires, salons, centres d'appel. Prestations <strong>pour</strong> le compte d'autres7 330 199 395 207 518 4%soutien aux ent.ESAT (conditionnement, routage…) acteurs <strong>de</strong> l'ESS/coll.loc.Admin. publi. &2 2050 2 205 3980% nsdéfense; séc. soc. obli.398Enseignement 288 970 1 359 620Activités <strong>pour</strong> la santéhumaineHébergement médico<strong>sociale</strong>t socialAction <strong>sociale</strong> sanshébergementAct. créativ. artistiques& <strong>de</strong> spectacle144 304 1 250 6221 6485901 39492618%10%294 589 256 084 550 673 53%413 912 187 968 601 880 69%33 291 34 750 68 041 49%Enseignement privé. Structures <strong>de</strong>formation <strong>pour</strong> adultes.Associations spécialisées(Ex : auto-écoles <strong>sociale</strong>s)Hospitalisation privée à but nonlucratifMaisons <strong>de</strong> r<strong>et</strong>raites, CHRS, accueilhandicapés, <strong>et</strong>c.Associations délégataires <strong>de</strong>missions <strong>de</strong> service public ; ESAT ,Crèches associatives, ai<strong>de</strong> àdomicile, <strong>et</strong>c.Associations culturellesgestionnaires <strong>de</strong> service public <strong>et</strong>indépendantesBiblioth. archive muséeAssociations gestionnaires <strong>de</strong>4 393 38 223 42 616 10%& aut. act. cul.musées en délégationOrganisation jeux <strong>de</strong>417 17 993 18 410 2% nshasard & d'argentAct. sportiv., récréatives56 453 52 790 109 243 52% Associations sportives, loisirs <strong>et</strong>c.& <strong>de</strong> loisirsActivités <strong>de</strong>sAssociations toutes activités nonorganisations 189 555 78 911 268 466 71%lucrativesassociativesRépar. ordi. & bienperso. & domestiqueAutres servicespersonnelsNs : non significatif. Source : Insee/CLAP.i<strong>de</strong>m.Développement formation.Décentralisation formation initiale ?Mobiliser les réserves <strong>de</strong>s mutuelles <strong>pour</strong>contrecarrer les groupes privés.Développement <strong>de</strong> réseaux <strong>de</strong> soins.Centres <strong>de</strong> santé mutualistes.Mobiliser les réserves <strong>de</strong>s mutuelles <strong>pour</strong>contrecarrer les groupes privésDéveloppement <strong>de</strong>s structuresassociatives avec appui <strong>de</strong>s collectivitésterritorialesDéveloppement avec évolution mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong>viei<strong>de</strong>m.Développement avec évolutionmo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vie630 33 253 33 883 2% ns Développement réparation <strong>de</strong> proximité3 568 161 305 164 873 2% nsDéveloppement <strong>de</strong> services personnelssous forme associative <strong>et</strong> coopérative(coiffure à domicile, <strong>et</strong>c.)36


<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?4.4. Développer <strong>de</strong>s logiques coopérativesau-<strong>de</strong>là du marchéL’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> a su développer <strong>de</strong>ssolutions au profit <strong>de</strong> communautés réunies sur unebase professionnelle ou territoriale. Non seulementsous forme d’entreprises spécifiques, mais aussi sousforme <strong>de</strong> réseaux d’acteurs entr<strong>et</strong>enant mutuellement<strong>de</strong>s relations qui ne relèvent pas ou pas seulement<strong>de</strong> rapports marchands, mais aussi d’arrangementscoopératifs. Cela a été le cas dans le mon<strong>de</strong>agricole. Cela a été le cas dans le tourisme social, enrelation avec les comités d’entreprise <strong>et</strong> le mon<strong>de</strong>syndical. Cela <strong>pour</strong>rait être le cas dans le domaine <strong>de</strong>la santé, si la Mutualité travaillait à structurer uneoffre hospitalière concurrente du secteur public <strong>et</strong>privé lucratif articulée à une mé<strong>de</strong>cine <strong>de</strong> villerespectant <strong>de</strong>s bonnes pratiques.Sans préjuger <strong>de</strong> l’avenir, on peut espérer voir lescollectivités territoriales jouer un rôle croissant dansl’organisation ou le soutien à la production <strong>de</strong> biens<strong>et</strong> services dans <strong>de</strong> nombreux domaines essentiels àla cohésion <strong>sociale</strong>, à la qualité <strong>de</strong> vie : éducation,culture, santé, accueil <strong>de</strong> la p<strong>et</strong>ite enfance, ai<strong>de</strong> <strong>et</strong>soins aux personnes en situation <strong>de</strong> dépendance,énergie, alimentation, mobilité, culture, loisirs, <strong>et</strong>c.On en voit déjà les prémices aujourd’hui : à travers le<strong>développement</strong> d’entreprises d’insertion dans certainssecteurs (recyclage notamment), à travers lespolitiques d’achats publics (cantines qui passent aubio local) ou via l’exemple <strong>de</strong> nombreuses SCIC quiréunissent dès à présent, sous l’égi<strong>de</strong> ou avec l’appuid’une collectivité territoriale, <strong>de</strong>s acteurs aux intérêtsdistincts mais qui parviennent à établir <strong>de</strong>s liens <strong>de</strong>confiance <strong>et</strong> à dégager un intérêt général communsur un mo<strong>de</strong> coopératif <strong>pour</strong> développer ensemble<strong>de</strong>s activités sur un territoire donné. Les expériences<strong>de</strong> monnaies complémentaires s’inscrivent dans lamême perspective, <strong>de</strong> même que les banques <strong>de</strong>temps utilisées dans la coproduction <strong>de</strong>s servicessociaux. Différents outils institutionnels émergentégalement tels que les Pôles territoriaux <strong>de</strong>coopération économique (PTCE)Reste à donner un contenu concr<strong>et</strong> à ces initiatives<strong>pour</strong> qu’elles ne se limitent pas à une affirmationpolitique mais prennent un sens concr<strong>et</strong>.Tout l’enjeu est aussi d’associer à ces initiatives <strong>de</strong>sacteurs qui ne relèvent pas nécessairement <strong>de</strong> l’ESS.Car la spécialisation sectorielle <strong>de</strong> celle-ci limite sacapacité à proposer une offre suffisamment diverse<strong>de</strong> biens <strong>et</strong> services <strong>pour</strong> servir <strong>de</strong> substrat à unsystème d’échange local. Les promoteurs <strong>de</strong> monnaiecomplémentaire ne s’y trompent pas comme on peutle constater à Toulouse, avec le Sol Viol<strong>et</strong>te, quiassocie nombre d’artisans <strong>et</strong> commerçants hors duchamp ESS avec le soutien <strong>de</strong> la collectivité quiabon<strong>de</strong> d’un <strong>pour</strong>centage réduit mais significatif (2 %)la conversion d’euros en Sols Viol<strong>et</strong>te, nécessairementdépensés auprès d’acteurs <strong>de</strong> l’agglomération.Il ne faut cependant pas sous-estimer l’efficacitérelative du marché comme forme d’organisation <strong>de</strong>srelations entre acteurs économiques, ni la plasticité<strong>de</strong>s sociétés <strong>de</strong> capitaux toujours prêtes à s’investirsur <strong>de</strong> nouveaux marchés <strong>pour</strong> trouver <strong>de</strong>s opportunités<strong>de</strong> croissance. Si la volonté <strong>de</strong> récupération déjàsignalée plus haut existe, il ne faut pas <strong>pour</strong> autantdiaboliser les nombreux entrepreneurs individuels quidéveloppent <strong>de</strong>s activités sous forme <strong>de</strong> sociétés <strong>de</strong>capitaux dans les secteurs où l’ESS est présente, touten partageant certaines <strong>de</strong> ses valeurs, sans jugerlégitime d’abandonner le contrôle <strong>de</strong> leur proj<strong>et</strong>. Lessociétés <strong>de</strong> capitaux sont d’ores <strong>et</strong> déjà fortementprésentes dans les services à la personne (Ex : Shiva),la gestion <strong>de</strong> maisons <strong>de</strong> r<strong>et</strong>raite (Ex : Colisée PatrimoineGroup <strong>de</strong> Bor<strong>de</strong>aux, qui embauche <strong>de</strong>s salariésissus <strong>de</strong> parcours d’insertion en accord avec le Secourscatholique dans ses EHPAD), l’accueil <strong>de</strong>sjeunes enfants (Ex : Babilou), l’hospitalisation privée(Ex : Générale <strong>de</strong> santé), les énergies renouvelables(Ex : Valorem), les nouvelles mobilités (Ex : Bolloré,Jean-Clau<strong>de</strong> Decaux) ou les échanges du biens <strong>et</strong>services entre ménages (Ex : Au bon coin) <strong>et</strong> la gran<strong>de</strong>distribution joue désormais la carte <strong>de</strong> la proximité !La place dont bénéficiera l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong><strong>solidaire</strong> <strong>de</strong>main dépendra donc en gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong>sa capacité à se montrer aussi efficace que le secteurprivé tout en se différenciant par son utilité <strong>sociale</strong>particulière, <strong>et</strong> sa capacité à faire coopérer différentsacteurs sur <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s alternatifs <strong>pour</strong> proposer <strong>de</strong>sbiens <strong>et</strong> services <strong>de</strong> meilleur rapport qualité/coût.C’est à c<strong>et</strong>te condition qu’elle <strong>pour</strong>ra aussi justifierl’existence <strong>de</strong> dispositifs perm<strong>et</strong>tant à ses porteurs <strong>de</strong>proj<strong>et</strong> d’accé<strong>de</strong>r à <strong>de</strong>s financements spécifiques.4.5. L’ESS <strong>et</strong> la régulation d’ensemble dusystème économiqueLa juxtaposition <strong>de</strong>s démocraties parcellaires queconstituent les organisations <strong>de</strong> l’ESS contribue-t-elleenfin à démocratiser l’ensemble <strong>de</strong> l’économie <strong>et</strong> <strong>de</strong>la société ? Oui, en ce sens qu’elle produit <strong>de</strong> ladiversité, du pluralisme, <strong>et</strong> diminue le poids relatif –<strong>et</strong> donc la capacité d’influence – du secteur capitaliste.Oui, car elle concrétise la volonté <strong>de</strong> nombreuxcitoyens <strong>de</strong> faire pénétrer la citoyenn<strong>et</strong>é dansl’univers <strong>de</strong> l’économie, notamment via le dévelop-37


pement d’activités bénévoles. Oui, dans la mesure où<strong>de</strong> nombreuses structures <strong>de</strong> l’ESS contribue sur l<strong>et</strong>errain à répondre aux questions qui sont au cœur dudébat public en matière économique <strong>et</strong> <strong>sociale</strong> –chômage <strong>de</strong> masse, inégalités, protection <strong>sociale</strong>,crise écologique, conséquences <strong>de</strong> la mondialisationsur l’emploi, <strong>et</strong>c.En revanche, l’hétérogénéité <strong>de</strong> l’ESS « réelle » limitesa capacité à porter une vision commune <strong>de</strong> l’intérêtgénéral <strong>de</strong> la société. Or, les défis auxquels nous sommesconfrontés aujourd’hui appellent aussi <strong>de</strong>sréponses au niveau central, sur les plans <strong>de</strong> la régulationmacroéconomique <strong>et</strong> <strong>de</strong> la politique <strong>de</strong> l’emploi,<strong>de</strong> la définition <strong>de</strong>s normes encadrant les marchés,<strong>de</strong>s politiques fiscales <strong>et</strong> <strong>sociale</strong>s. Autant <strong>de</strong> dossiersessentiels, au cœur du débat démocratique sur l’économie,<strong>et</strong> sur lesquels l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>n’a pas <strong>de</strong> discours unifié.Plus fondamentalement, les organisations <strong>de</strong> l’ESSn’ont pas vocation à occuper l’ensemble du champéconomique. Un tel scénario n’est ni probable, nisouhaitable. Le rêve d’une coopération universelle quiviendrait se substituer totalement au marché tout enrendant l’Etat superflu reformule la promesse communisted’hier <strong>et</strong> porte en germe les mêmes dériveslibertici<strong>de</strong>s. L’ESS fait sens tant qu’elle est issued’initiatives décentralisées, portées par les multiplesgroupes <strong>et</strong> communautés qui composent la société.Elle fait sens tant qu’elle concrétise un désir partagé<strong>de</strong> faire <strong>et</strong> non un acte <strong>de</strong> soumission à une normeimposée par une autorité supérieure. Et c’est aussilongtemps qu’elle porte <strong>de</strong>s valeurs d’autonomie, <strong>de</strong>coopération librement choisie qu’elle peut faireenvie, <strong>et</strong> s’étendre.Sur ces bases, la simple juxtaposition <strong>de</strong> structuresmicro-économiques gérées démocratiquement nepeut suffire à apporter une solution à la question démocratiqueau niveau <strong>de</strong> la société toute entière.Certains acteurs <strong>de</strong> l’ESS contribuent cependant àfaire émerger ça <strong>et</strong> là, notamment à l’échelle <strong>de</strong>sterritoires, <strong>de</strong>s relations nouvelles entre acteurs. Cesrelations enten<strong>de</strong>nt limiter la place du marché auprofit <strong>de</strong> formes d’échange <strong>et</strong> <strong>de</strong> coopération quivalorisent le lien social <strong>et</strong> sortent <strong>de</strong> l’abstraction <strong>de</strong>l’échange monétaire standard. Ces solutions ontvocation à s’étendre. Mais si l’on adm<strong>et</strong> égalementque les libertés économiques associées au marchésont un élément essentiel <strong>de</strong>s libertés politiques, laquestion <strong>de</strong>meure posée <strong>de</strong> la place <strong>de</strong> l’ESS au seind’une économie structurée par l’articulation entre lemarché, outil d’expression <strong>de</strong> l’autonomie <strong>et</strong> <strong>de</strong> laliberté <strong>de</strong>s agents économiques privés, <strong>et</strong> lapuissance publique, garante <strong>de</strong> l’intérêt collectif <strong>et</strong> <strong>de</strong>la cohésion <strong>sociale</strong>. Dans c<strong>et</strong>te perspective, lesacteurs <strong>de</strong> l’ESS qui aspirent à une économiedémocratique <strong>et</strong> soutenable doivent aussi contribuer,en alliance avec d’autres acteurs, à l’évolution ducadre conventionnel <strong>et</strong> institutionnel dans lequelfonctionnent le marché <strong>et</strong> la puissance publique.38


<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?Annexe 1Liste <strong>de</strong>s personnes interviewéesClau<strong>de</strong> Alphandéry, Prési<strong>de</strong>nt, Labo-ESSAurélie Basse, chargée <strong>de</strong> Développement <strong>et</strong> Fonds <strong>de</strong> confiance, France ActiveElisa Braley, Observatoire <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>, CNCRESLaurent Bisault, Insee Midi-PyrénéesDenis Clerc, fondateur d’Alternatives EconomiquesFrançois Colas, administrateur MacifJean-François Draperi, rédacteur en chef <strong>de</strong> la RECMALaurent Fraisse, chercheur, CRIDAFrançois Fourqu<strong>et</strong>, professeur <strong>de</strong> sciences économiques à Paris VIIIAlexis Frémeaux, assistant parlementaire européenJean Gadrey, professeur émérite <strong>de</strong> sciences économiques (Lille II)Tarik Ghezali, délégué général, MouvesThierry Jeant<strong>et</strong>, délégué général EuresaGrégoire Lechat, Responsable <strong>de</strong> la communication, France ActiveDaniel Lenoir, directeur <strong>de</strong> l’ARS Nord-Pas-<strong>de</strong>-Calais, ancien directeur général <strong>de</strong> la FNMFDominique <strong>de</strong> Margerie, directeur général Esfin-IDESCécile Ponsot, FrancasPascal Tri<strong>de</strong>au, directeur général CGSCOP39


SecteurTotal tous secteursCult. & prod. animale, chasse &sce ann.Sylviculture <strong>et</strong> exploitationforestièrePêche <strong>et</strong> aquacultureExtraction <strong>de</strong> houille <strong>et</strong> <strong>de</strong>ligniteExtraction d'hydrocarburesExtraction <strong>de</strong> mineraismétalliquesAutres industries extractivesAnnexe 2. Tableau 7 : Poids <strong>de</strong> l'ESS par secteur d'activité (1/11)Coopératives291 2615 763511173000cMutuelles110 2580000000Associations1 477 1353 080c570000Fondations55 74348c00000Total ESS1 934 3978 8915112300000Hors ESS18 547 391206 04718 11012 70930823387cEnsemble20 481 788214 93818 77112 9393082338722 844% ESSdans total9,4%4,1%2,7%1,8%0%0%0%0%Présence actuelle <strong>de</strong> l’ESSCoop. agricole. Asso. d'insertion(Ex : Jardins <strong>de</strong> Cocagne)Coopérative <strong>de</strong> propriétairesCoopératives <strong>de</strong> pêche (Ex :Coopérative maritime ét aploise)nsnsnsns40


SecteurSces <strong>de</strong> soutien aux indust.extractivesIndustries alimentairesFabrication <strong>de</strong> boissonsFabrication <strong>de</strong> produits àbase <strong>de</strong> tabacFabrication <strong>de</strong> textilesIndustrie <strong>de</strong> l'habillementIndustrie du cuir <strong>et</strong> <strong>de</strong> lachaussureTrav. bois; fab. article bois,vannerieAnnexe 2. Tableau 7 : Poids <strong>de</strong> l'ESS par secteur d'activité (2/11)Coopératives017 973c067822819570Mutuelles00000000FondationsAssociations014c01959022000000000Total ESS017 9870069728719790Hors ESS328451 29829 8082 03748 04442 95523 20966 181Ens.328469 28537 6952 03748 74143 24223 22866 971% ESSdanstotal0%3,8%0%0%1,4%0,7%0,1%1,2%Présence actuelle <strong>de</strong> l’ESSNsCoopération agricole (ex :Terrena ; Limagrain, SucreUnion, <strong>et</strong>c.)nsnsMarginale (Ex: Ar<strong>de</strong>laine)MarginaleMarginale (Ex : groupeArcher à Romans)Coopératives <strong>de</strong>production<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?41


SecteurIndustrie du papier <strong>et</strong> ducartonImprimerie & reprod.d'enregistrementsCokéfaction <strong>et</strong> raffinageIndustrie chimiqueIndustriepharmaceutiqueFab. prod. encaoutchouc & enplastiqueFab. aut. prod. minérauxnon métalliquesMétallurgieCoopératives969230533c156409295Annexe 2. Tableau 7 : Poids <strong>de</strong> l'ESS par secteur d'activité (3/11)Mutuelles00000000Associations0830000110Fondations00000000Total ESS961 00605330156420295Hors ESS64 98676 22411 127142 092c175 738111 66092 943Ensemble65 08277 23011 127142 62581 538175 894112 08093 238% ESS danstotal0,1%1,3%0%0%0%0%0,4%0,3%Présence actuelle <strong>de</strong> l’ESSnsCoopératives <strong>de</strong> production (Ex :Laballery)nsnsnsnsnsns42


SecteurFab. prod. métalliq. sf machine& équiptFab. prod. informat., électroniq.& opt.Fabrication d'équipementsélectriquesFabric. <strong>de</strong> machines &équipements n.c.a.Industrie automobileFabric. d'autres matériels <strong>de</strong>transportFabrication <strong>de</strong> meublesAutres industriesmanufacturièresAnnexe 2. Tableau 7 : Poids <strong>de</strong> l'ESS par secteur d'activité (4/11)Coopératives1 596121ccccccMutuelles0c00000153Associations148cccc0c126Fondations0000000cTotal ESS1 74412100000279Hors ESS295 718136 940118 605191 765229 950c53 18768 791Ensemble297 462137 185119 836192 206230 538124 85553 37769 196% ESSdans total0,6%0,1%0%0%0%0%0%0,4%Présence actuelle <strong>de</strong> l’ESSCoopératives <strong>de</strong> productionnsCoopératives <strong>de</strong> productionnsnsnsnsns<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?43


SecteurRéparation & install. machine &équiptPrdn & distr. élec. gaz vap. & aircond.Captage, traitement &distribution d'eauCollecte <strong>et</strong> traitement <strong>de</strong>s eauxuséesCollecte, gestion déch<strong>et</strong>s ;récupérationDépollution & autre sces gestiondéch<strong>et</strong>sConstruction <strong>de</strong> bâtimentsGénie civilAnnexe 2. Tableau 7 : Poids <strong>de</strong> l'ESS par secteur d'activité (5/11)Coopérativescccc89701 1041 941Mutuelles00000000Associationsccc01 282c253cFondations0000000cTotal ESS00002 17901 3571 941Hors ESS153 849163 784cc94 803c152 088159 901Ensemble154 326164 30346 00027 67796 9822 213153 445161 873% ESSdans total0%0%0%0%2,2%0%0,9%1,2%Présence actuelle <strong>de</strong> l’ESSnsns Production <strong>et</strong> distributionénergies renouvelablesnsnsEntreprises d'insertion coop. <strong>et</strong>associatives (Ex: Juratri)nsCoopératives <strong>de</strong> productionCoopératives <strong>de</strong> production44


SecteurTravaux <strong>de</strong> constructionspécialisésCommerce & répar. automobile& motocycleCommerce gros hors auto. &motocycleCom. détail, sf automobiles &motocyclesTransport terrest. & trans. parconduiteTransports par eauTransports aériensEntreposage & sce auxiliaire <strong>de</strong>stransp.Annexe 2. Tableau 7 : Poids <strong>de</strong> l'ESS par secteur d'activité (6/11)Coopératives7 30620644 7927 8202 049802 647Mutuelles0004 0940000Associations594417252334817c109Fondations00000000Total ESS7 90024744 86412 4372 3972502 756Hors ESS1 075 585355 692890 7561 423 217658 95517 252c250 094Ensemble1 083 485355 939935 6201 435 654661 35217 27770 080252 850% ESSdans total0,7%0,1%4,8%0,9%0,40%0,1%0%1,1%Présence actuelle <strong>de</strong> l’ESSCoopératives <strong>de</strong> production.nsCoopération agricole <strong>et</strong> centralesd'achat du commerce associéMarginale hors commerce associé.Faible présence <strong>de</strong>s coop <strong>de</strong>consommationMarginale via coop <strong>de</strong> production(taxis, ambulances)nsnsSalariés <strong>de</strong>s structures centralesdu commerce associé<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?45


SecteurActivités <strong>de</strong> poste <strong>et</strong> <strong>de</strong> courrierHébergementRestaurationÉditionProd. films ; enr. sonore & éd.musicaleProgrammation <strong>et</strong> diffusionTélécommunicationsPgmtion conseil & aut. act.informatiqueAnnexe 2. Tableau 7 : Poids <strong>de</strong> l'ESS par secteur d'activité (7/11)Coopératives07483051 032147c0cMutuelles088c0000cAssociations1618 9895 8695752 322c17708Fondations0538c190000Total ESS1620 3636 1741 6262 469017708Hors ESS227 722200 402553 492110 21048 84836 249135 101267 190Ensemble227 738220 765559 808111 83651 31737 793135 118268 302% ESSdans total0%9,2%1,1%1,5%4,8%0%0%0,3%Présence actuelle <strong>de</strong> l’ESSnsTourisme social (Ex : Arvel, UCPA,<strong>et</strong>c.)Marginale. Restaurants d'insertion(Ex : Brasserie <strong>de</strong> l'Espace àBesançon)Marginale via coop <strong>de</strong> production<strong>et</strong> associationsAssociationsnsnsMarginale46


SecteurServices d'informationAct. financ. hs assur. & cais.r<strong>et</strong>raiteAssuranceAct. auxiliaire sces financ. &d'assur.Activités immobilièresActivités juridiques <strong>et</strong>comptablesAct. sièges sociaux; conseil <strong>de</strong>gestionArchitec. & ingénierie; ctrle ana.tech.Annexe 2. Tableau 7 : Poids <strong>de</strong> l'ESS par secteur d'activité (8/11)Coopératives199159 302c4291 1481432 564cMutuelles0c74 736863221082890Associations789ccc1 00915 9195 2007 672Fondations000c36048cTotal ESS988159 30274 7361 2922 21516 1708 1017 672Hors ESS50 690343 74492 200110 986224 898206 917263 675302 683Ensemble51 678505 066167 956112 641227 113223 087271 776312 027% ESSdans total1,9%31,5%44,5%1,1%1,0%7,2%3,0%2,5%Présence actuelle <strong>de</strong> l’ESSMarginale via coop <strong>de</strong> production<strong>et</strong> associations (Ex: AlternativesEconomiques)Banques coopératives (Ex : CréditAgricole, groupe BPCE, Créditmutuel…)Mutuelles d'assurances GEMA (ex :Maif, Macif)nsnsStructures comptables associativesCoopératives ou associations <strong>de</strong>consultantsCoopératives ou associations <strong>de</strong>consultants<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?47


SecteurRecherche-<strong>développement</strong>scientifiquePublicité <strong>et</strong> étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> marchéAut. act. spécial. scientifique &techn.Activités vétérinairesActivités <strong>de</strong> location <strong>et</strong> locationbailActivités liées à l'emploiAct .ag. voyage voyagiste sv.résa. <strong>et</strong>c.Enquêtes <strong>et</strong> sécuritéAnnexe 2. Tableau 7 : Poids <strong>de</strong> l'ESS par secteur d'activité (9/11)Coopératives50110202c1 0563 563c98Mutuelles00c00000Associations6 112581537c18236 0176 824127Fondations4 8230c000c0Total ESS10 98569173901 23839 5806 824225Hors ESS142 738113 39337 55812 59378 108104 27237 678141 511Ensemble153 723114 08438 32112 61079 346143 85244 577141 736% ESSdans total7,1%0,6%1,9%0,0%1,6%27,5%15,3%0,2%Présence actuelle <strong>de</strong> l’ESSOrganismes <strong>de</strong> rechercje sousstatut associatif /fondation (ex:Institut Pasteur)Coopératives ou associations <strong>de</strong>consultantsCoopératives ou associations <strong>de</strong>consultantsnsLocation <strong>de</strong> matériel agricole parCoopérativesMise à disposition <strong>de</strong> maind'œuvre sous statut associatif(Associations intermédiaires)Voyagistes sous statut associatifns48


SecteurSces relatifs bâtimnt & aménagtpaysagerAct. admin. & aut. act. soutienaux ent.Admin. publi. & défense; séc.soc. obli.EnseignementActivités <strong>pour</strong> la santé humaineHébergement médico-social <strong>et</strong>socialAction <strong>sociale</strong> sanshébergementAct. créativ. artistiques & <strong>de</strong>spectacleAnnexe 2. Tableau 7 : Poids <strong>de</strong> l'ESS par secteur d'activité (10/11)Coopératives1 7622 79501 43413672405774Mutuelles10c02916 8717 7864 8670Associations3 0234 5350282 628107 882270 855401 23732 413Fondations0c04 87919 41515 8767 403104Total ESS4 7957 3300288 970144 304294 589413 91233 291Hors ESS381 600199 3952 205 3981 359 6201 250 622256 084187 96834 750Ensemble386 395207 5182 205 3981 648 5901 394 926550 673601 88068 041% ESSdans total1,2%3,5%0,0%17,5%10,3%53,5%68,8%48,9%Présence actuelle <strong>de</strong> l’ESSEntreprises d'insertioncoopératives <strong>et</strong> associativesFoires, salons, centres d'appel.nsEnseignement privé sous contrat ;structures <strong>de</strong> formation <strong>pour</strong>adultesHospitalisation privée à but nonlucratif (9% du marché contre 38% <strong>pour</strong> l'hospitalisation privée àbut lucratif)Maisons <strong>de</strong> r<strong>et</strong>raites, CHRS,accueil handicapés, <strong>et</strong>c.Associations délégataires <strong>de</strong>missions <strong>de</strong> service public ; ESAT ,Crèches associatives, ai<strong>de</strong> àdomicile, <strong>et</strong>c.Associations culturellesgestionnaires <strong>de</strong> service public <strong>et</strong>indépendantes<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?49


SecteurBiblioth. archivemusée & aut. act.cul.Organisation jeux<strong>de</strong> hasard &d'argentAct. sportiv.,récréatives & <strong>de</strong>loisirsActivités <strong>de</strong>sorganisationsassociativesRépar. ordi. & bienperso. &domestiqueAutres servicespersonnelsAct. organisationsextraterritorialesNs : non significatifSource : InseeCoopératives1780561911172570Annexe 2. Tableau 7 : Poids <strong>de</strong> l'ESS par secteur d'activité (11/11)Mutuelles00000160Associations3 91541756 392187 8115133 29527Fondations300051 553000Total ESS4 39341756 453189 5556303 56827Hors ESS38 22317 99352 79078 91133 253161 3053 775Ens.42 61618 410109 243268 46633 883164 8733 802% ESSdanstotal10,3%2,3%51,7%70,6%1,9%2,2%0,7%Présence actuelle <strong>de</strong> l’ESSAssociations gestionnaires <strong>de</strong>musées en délégationnsAssociations sportivesAssociations toutes activitésnon lucrativesnsnsns50


<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?Annexe 3Positionnement stratégique <strong>de</strong>s organisations <strong>de</strong> l’ESSselon les statutsL’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> regroupe <strong>de</strong>s entreprises<strong>de</strong> statut varié. Ces statuts sont issus d’histoiresparticulières, validées par la loi <strong>et</strong> qui renvoientbien souvent à <strong>de</strong>s positionnements sectoriels spécifiques.Il est donc important, <strong>pour</strong> qui s’intéresse à ladiversification ou au changement d’échelle possible<strong>de</strong> l’ESS, d’examiner plus en détail leur positionnementstatut par statut.1. Les Scop : une diversité sectorielle entrompe-l’œilLes Scop, en dépit <strong>de</strong> leur puissance limitée (2000entreprises, 40 000 salariés), sont présentes dans ungrand nombre <strong>de</strong> secteurs d’activité. A la différence<strong>de</strong>s autres organisations <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong>, ellessont notamment implantées dans l’industrie <strong>et</strong> dansle bâtiment-génie civil, même si elles ne contribuentque <strong>de</strong> manière très marginale à l’emploi dans ces<strong>de</strong>ux secteurs.A c<strong>et</strong>te diversité, une raison simple : les Scop sont<strong>pour</strong> la plupart d’entre elles fondées par <strong>de</strong>s personnesqui veulent créer leur propre emploi en se regroupantsur une base égalitaire <strong>et</strong> <strong>pour</strong> valoriser leurscompétences <strong>et</strong> qualifications sans vendre leur force<strong>de</strong> travail à un employeur. A ce point <strong>de</strong> vue, ellessont la seule famille <strong>de</strong> l’ESS qui peut se prévaloir <strong>de</strong>proposer une forme <strong>de</strong> dépassement <strong>de</strong> la conditionsalariale. L’objectif premier d’une Scop n’est doncpas, en règle générale, <strong>de</strong> rendre un service spécifiqueà <strong>de</strong>s tiers (comme le font les créateurs bénévoles<strong>de</strong>s associations à vocation <strong>sociale</strong>) ou <strong>de</strong> faireproduire par d’autres un service qui leur est <strong>de</strong>stiné(comme les sociétaires <strong>de</strong>s mutuelles, banquescoopératives ou les adhérents d’une coopérative <strong>de</strong>consommation). Au contraire, les Scop se développentle plus souvent dans <strong>de</strong>s activités où elles s<strong>et</strong>rouvent en concurrence frontale avec <strong>de</strong>s entreprises<strong>de</strong> statut capitaliste.En pratique cependant, la gran<strong>de</strong> masse <strong>de</strong>s effectifs<strong>de</strong>s Scop, en entreprises comme en salariés, seconcentre sur un nombre limité d’activités, commel’illustre le tableau ci-après. C<strong>et</strong>te concentration s’expliquepar les conditions stratégiques qui prélu<strong>de</strong>nten général à la création d’une Scop. On peut ainsi distinguerquatre modèles stratégiques <strong>de</strong> Scop, mêmesi le premier est très largement dominant (voir tableau7 ci-après) :La Scop d’égaux. La gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s Scopregroupent <strong>de</strong>s personnes exerçant <strong>de</strong>s métiersqualifiés, qui <strong>pour</strong>raient être exercé en solo parcequ’ils ne s’insèrent pas dans <strong>de</strong>s processus <strong>de</strong> productionoù la division du travail s’est imposée commeune nécessité absolue. Le fait <strong>de</strong> se regrouperà plusieurs présente néanmoins <strong>de</strong> nombreuxavantages : cela perm<strong>et</strong> seulement d’être pluscrédible vis-à-vis <strong>de</strong>s clients, <strong>et</strong> <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre encommun les services supports (administration, gestion,service commercial, <strong>et</strong>c.). De même que lespremières coopératives <strong>de</strong> production apparuesau XIX e siècle ont regroupé <strong>de</strong>s ouvriers hautementqualifiés <strong>de</strong> type artisanal, souvent propriétaires<strong>de</strong> leurs outils (comme dans la bijouterie oudans l’artisanat du bâtiment du second œuvre), onen voit émerger aujourd’hui dans les activités <strong>de</strong>services aux entreprises : conseil, mark<strong>et</strong>ing, servicesinformatiques, cabin<strong>et</strong>s d’architecture… Lalogique à l’œuvre est la même : ces personnesconstituent <strong>de</strong>s Scop d’ « égaux » où la qualification<strong>de</strong>s coopérateurs est relativement homogène,<strong>de</strong> même que leur rémunération. Ces entreprisesrestent généralement <strong>de</strong> très p<strong>et</strong>ite taille, legroupe initial se satisfaisant d’avoir créé ses moyensd’existence. Elles travaillent le plus souvent sur<strong>de</strong>s marchés <strong>de</strong> proximité. Un grand nombred’entre elles sont en étroite relation avec <strong>de</strong>sclients publics (notamment <strong>de</strong>s collectivités territoriales)<strong>et</strong>/ou en synergie avec d’autres entreprises<strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>. L’activité<strong>de</strong> ces coopératives débouche rarement surl’émergence d’une marque forte associée à <strong>de</strong>sproduits matériels ou immatériels. La valorisation<strong>de</strong> l’entreprise <strong>de</strong>meure donc limitée au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> lavaleur <strong>de</strong> ses actifs physiques <strong>et</strong> <strong>de</strong> son portefeuille<strong>de</strong> clients. Du coup, l’adoption du statutScop ne conduit pas les coopérateurs à renoncer àd’importantes plus-values latentes, tout en leurperm<strong>et</strong>tant <strong>de</strong> bénéficier <strong>de</strong>s avantages fiscauxliés au statut.51


La Scop militante. Un second modèle <strong>de</strong> Scop,moins répandu, est constitué par <strong>de</strong>s entreprisesoù le statut Scop a été choisi parce qu’il était enphase avec le proj<strong>et</strong> porté par les fondateurs <strong>de</strong>l’entreprise, ce qui n’empêche pas <strong>de</strong> valoriser lescompétences professionnelles spécifiques dugroupe fondateur. Il ne s’agit pas seulement ici <strong>de</strong>gagner sa vie <strong>de</strong> manière indépendante, mais <strong>de</strong>produire un bien ou un service spécifique tout enadoptant un statut qui rompt avec la logique capitaliste.Ces Scop peuvent être soit issues d’unproj<strong>et</strong> collectif, mais sont aussi portées bien souvent,à l’origine, par <strong>de</strong>s personnalités fortes, quiont choisi délibérément <strong>de</strong> renoncer à toute perspectived’enrichissement quand elles ont crééleur entreprise. On compte ainsi <strong>de</strong> nombreusesimprimeries issues <strong>de</strong> proj<strong>et</strong>s militants, quelquesjournaux, comme Alternatives Economiques ouRegards, généralement plus soucieux <strong>de</strong> porter unmessage que d’engranger <strong>de</strong>s rec<strong>et</strong>tes publicitaires,ou encore le Groupe Chèque déjeuner, créépar <strong>de</strong>s syndicalistes soucieux d’améliorer la qualité<strong>de</strong> la vie au travail <strong>de</strong>s salariés. Ces entreprisespeuvent acquérir une dimension significative parcequ’elles s’inscrivent plus dans une logique industrielle.Souvent à l’origine <strong>de</strong> marques fortes, ellespeuvent prendre <strong>de</strong> la valeur. Mais ces Scop sontcondamnées à <strong>de</strong>meurer peu nombreuses dans lamesure où leur création suppose <strong>de</strong>s porteurs <strong>de</strong>proj<strong>et</strong> d’un modèle rare, associant vision stratégique,énergie créatrice <strong>et</strong> compl<strong>et</strong> désintéressement.La Scop <strong>sociale</strong> : on peut qualifier ainsi lesnombreuses Scop qui ont développé leur activitéafin <strong>de</strong> mener une action d’insertion par l’activitééconomique <strong>de</strong> personnes en situation d’exclusionsur le marché du travail. Ce modèle ressemble aumodèle artisanal par la diversité <strong>de</strong>s activités exercéesdans ce cadre. Mais il est proche <strong>de</strong> la Scopmilitante parce qu’il a un obj<strong>et</strong> social parti-culier.Ces Scop sont en revanche soumises à un défi surle plan <strong>de</strong> leur gouvernance : comment <strong>et</strong> à quelniveau associer les salariés en insertion ?La Scop industrielle. Un <strong>de</strong>rnier modèle estconstitué <strong>de</strong>s rares Scop industrielles ou <strong>de</strong>services qui produisent <strong>de</strong>s biens ou services complexes,sur la base d’une organisation faisantappel à <strong>de</strong>s compétences variées. Ce modèled’entreprise, dominant dans l’économie d’aujourd’hui,n’est que très faiblement représenté au sein<strong>de</strong> l’univers Scop. La raison qui en est donnée estgénéralement que ce modèle s’accompagne leplus souvent d’importants besoins <strong>de</strong> capitaux.Mais les raisons humaines sont tout aussi importantes.La formation d’une Scop repose en eff<strong>et</strong>toujours sur la volonté partagée d’un groupe relativementhomogène qui accè<strong>de</strong> ainsi à l’autonomie: or, toute gran<strong>de</strong> entreprise industrielle ou<strong>de</strong> services rassemble <strong>de</strong>s salariés <strong>de</strong> qualificationshétérogènes, pouvant prétendre à <strong>de</strong>s revenuseux-mêmes hétérogènes. La formation d’un telgroupe sur une base égalitaire <strong>et</strong> coopérative apeu <strong>de</strong> chance <strong>de</strong> s’opérer. Parce que ces personnesont peu <strong>de</strong> chance <strong>de</strong> se rencontrer dans lemon<strong>de</strong> réel <strong>et</strong> encore moins <strong>de</strong> concevoir <strong>et</strong> porterensemble un proj<strong>et</strong> consensuel qui puisse lesréunir 17 . Les créateurs d’entreprise <strong>de</strong> ce type,parce qu’ils disposent <strong>de</strong> ressources particulières –en compétences <strong>et</strong>/ou en capital – sont généralementpeu soucieux <strong>de</strong> partager leur pouvoir, <strong>et</strong>leurs perspectives d’enrichissement, avec <strong>de</strong>s salariésqui ne sont à leurs yeux que la force <strong>de</strong> travailqui leur perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> concrétiser leur proj<strong>et</strong>. Lerecours aux stock-options, dans les entreprises <strong>de</strong>croissance, est d’ailleurs une façon <strong>de</strong> « partager »une partie du succès <strong>de</strong> l’entreprise, quand ungroupe <strong>de</strong> cadres très impliqués s’associe au(x)fondateur(s). On compte cependant quelques successstories d’entreprises ayant réussi à migrer dumodèle artisanal ou militant vers ce modèle <strong>pour</strong>s’adapter aux évolutions <strong>de</strong> leur marché : c’esttoute l’histoire du groupe Mondragon. On trouveaussi <strong>de</strong>s Scop créées initialement sous forme capitaliste<strong>et</strong> qui ont fait l’obj<strong>et</strong> d’un processus <strong>de</strong>reprise par leurs salariés, soit à l’occasion d’un<strong>et</strong>ransmission, soit d’un dépôt <strong>de</strong> bilan.On voit à ce tableau que la question du financementest une condition importante du <strong>développement</strong> <strong>de</strong>sScop, notamment <strong>pour</strong> perm<strong>et</strong>tre <strong>de</strong>s opérations <strong>de</strong>croissance externe ou un changement d’échelle quine <strong>pour</strong>rait être porté par le seul autofinancement.Mais elle ne doit pas masquer les obstacles humains<strong>et</strong> organisationnels à franchir <strong>pour</strong> étendre leur <strong>développement</strong>dans <strong>de</strong> nombreuses activités : le statutScop ne fonctionne jamais aussi bien qu’au sein d’ungroupe relativement homogène, or la gran<strong>de</strong> entreprisesuppose une hiérarchie <strong>de</strong>s compétences <strong>et</strong> <strong>de</strong>srevenus peu compatible avec la logique égalitaire quiprévaut dans le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la coopération <strong>de</strong> production.C’est ce qui explique que l’immense majorité <strong>de</strong>sScop sont <strong>de</strong> très p<strong>et</strong>ite taille. On ne compte ainsiqu’une centaine <strong>de</strong> Scop dont le CA soit supérieur à7 millions d’euros, <strong>et</strong> les quelques grands groupes coopératifsprésents dans l’industrie <strong>et</strong> les services sontplutôt l’exception qui confirme la règle.17 Dans nombre <strong>de</strong> Scop <strong>de</strong> type « égaux », les salariésfonctionnels qui assurent les fonctions support (souvent <strong>de</strong>sfemmes) ne sont pas associés.52


<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?Au final, il ressort que le <strong>développement</strong> <strong>de</strong>s Scop estbridé à la fois par les conditions <strong>sociale</strong>s <strong>de</strong> leurcréation, difficiles à concilier avec une forte divisiondu travail, <strong>et</strong> par les besoins en capitaux que peuventmobiliser les opérations <strong>de</strong> croissance aussi bieninterne qu’externe.Le <strong>développement</strong> <strong>de</strong>s Scop suppose donc, au-<strong>de</strong>làd’une meilleure visibilité du statut, que la reprised’entreprises sous forme <strong>de</strong> Scop soit facilitée par laloi. Il importe notamment, <strong>pour</strong> les entreprises en difficultéssusceptibles d’être reprises avec succès, qu’undroit <strong>de</strong> préemption soit reconnu aux salariés, que lesprocédures perm<strong>et</strong>tent d’aboutir rapi<strong>de</strong>ment, unecondition <strong>de</strong> la viabilité <strong>de</strong>s proj<strong>et</strong>s, <strong>et</strong> que <strong>de</strong>s financementsad hoc soient offerts.Il serait en outre nécessaire <strong>de</strong> trouver les compromisjuridiques perm<strong>et</strong>tant aux Scop <strong>de</strong> se développer parcroissance externe sans avoir à choisir entre <strong>de</strong>uxmauvaises options, comme c’est le cas aujourd’hui ;intégrer à la coopérative tous les salariés <strong>de</strong>s entreprisesach<strong>et</strong>ées (ce qui peut poser un problèmed’équité <strong>et</strong> <strong>de</strong> contrôle), d’une part ; les maintenirdurablement en situation <strong>de</strong> salariés d’une filiale <strong>de</strong>type capitaliste sans voix au chapitre.Tableau 8. Les Scop d’égaux rassemblent 70 % <strong>de</strong>s effectifs dans <strong>de</strong>s secteurs spécifiques (1/5)Domaine d'activitéCulture <strong>et</strong> productionanimale, chasse <strong>et</strong> servicesannexesSylviculture <strong>et</strong> exploitationforestièrePêche <strong>et</strong> aquacultureIndustries alimentairesFabrication <strong>de</strong> boissonsFabrication <strong>de</strong> textilesIndustrie <strong>de</strong> l'habillementIndustrie du cuir <strong>et</strong> <strong>de</strong> lachaussureTravail du bois <strong>et</strong> fabricationd'articles en bois <strong>et</strong> en liège,à l'exception <strong>de</strong>s meubles ;fabrication d'articles envannerie <strong>et</strong> sparterieIndustrie du papier <strong>et</strong> ducartonImprimerie <strong>et</strong> reproductiond'enregistrementsDonnéesCOOP 47<strong>et</strong> autresScicScopEnfin, il serait souhaitable <strong>de</strong> donner un peu plus <strong>de</strong>souplesse au statut SCIC afin <strong>de</strong> faciliter leur <strong>développement</strong>.UNION-SCOP <strong>et</strong>UESTotalNombre 1 2 9 12Effectifs 20 77 97Nombre 5 5Effectifs 38 38ModèleNombre 1 1Effectifs 2 2NsNombre 2 18 20 ScopEffectifs 17 218 235 d’égauxNombre 4 4Effectifs 20 20Nombre 9 9Effectifs 111 111Nombre 1 8 9Effectifs 3 217 220Nombre 2 2Effectifs 19 19Nombre 1 2 18 21Effectifs 1 12 416 429Ns*NsNsNsNsNsScopd’égauxNombre 4 4NsEffectifs 68 68Nombre 1 54 55 ScopEffectifs 2 994 996 d’égaux/militante53


Tableau 8. Les Scop d’égaux rassemblent 70 % <strong>de</strong>s effectifs dans <strong>de</strong>s secteurs spécifiques (2/5)Domaine d'activitéIndustrie chimiqueFabrication <strong>de</strong> produits encaoutchouc <strong>et</strong> en plastiqueFabrication d'autres produitsminéraux non métalliquesMétallurgieFabrication <strong>de</strong> produitsmétalliques,à l'exception <strong>de</strong>s machines <strong>et</strong><strong>de</strong>s équip.Fabrication <strong>de</strong> produitsinformatiques, électroniques <strong>et</strong>optiquesFabrication d'équipementsélectriquesFabrication <strong>de</strong> machines <strong>et</strong>équipementsIndustrie automobileFabrication d'autres matériels<strong>de</strong> transportFabrication <strong>de</strong> meublesAutres industriesmanufacturièresRéparation <strong>et</strong> installation <strong>de</strong>machines <strong>et</strong> d'équipementsProduction <strong>et</strong> distributiond'électricité, <strong>de</strong> gaz, <strong>de</strong> vapeur<strong>et</strong> d'air conditionnéCollecte, traitement <strong>et</strong>élimination <strong>de</strong>s déch<strong>et</strong>s ;récupérationConstruction <strong>de</strong> bâtimentsDonnéesCOOP47 <strong>et</strong>autresSCICSCOPUNION-SCOP <strong>et</strong>UESNombre 5 5Effectifs 58 58Nombre 11 11TotalEffectifs 127 127Nombre 18 18Effectifs 451 451Nombre 4 4Effectifs 317 317ModèleNombre 69 69 ScopEffectifs 1 619 1 619d’égauxNombre 11 11Effectifs 581 581NsNsNsNsScopd’égauxNombre 6 6 ScopEffectifs 1 227 1 227 industrielleNombre 22 22 ScopEffectifs 365 365 d’égauxNombre 6 6Effectifs 373 373Nombre 2 2 NsEffectifs 22 22Nombre 21 21 ScopEffectifs 220 220 d’égauxNombre 1 8 9 NsEffectifs 50 64 114Nombre 1 1 37 39Effectifs 8 4 500 512NsScopd’égauxNombre 4 2 6 NsEffectifs 11 5 16Nombre 3 11 14 ScopEffectifs 48 1 060 1 108 militanteNombre 1 29 30 ScopEffectifs 4 834 838 d’égaux54


<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?Tableau 8. Les Scop d’égaux rassemblent 70 % <strong>de</strong>s effectifs dans <strong>de</strong>s secteurs spécifiques (3/5)Domained'activitéGénie civilTravaux <strong>de</strong>constructionspécialisésCommerce <strong>et</strong>réparationd'automobiles<strong>et</strong> <strong>de</strong>motocyclesCommerce <strong>de</strong>gros àl'exception <strong>de</strong>sautomobiles <strong>et</strong><strong>de</strong>s motocyclesCommerce <strong>de</strong>détail, àl'exception <strong>de</strong>sautomobiles <strong>et</strong><strong>de</strong>s motocyclesTransportsterrestres <strong>et</strong>transport parconduitesTransports pareauEntreposage <strong>et</strong>servicesauxiliaires <strong>de</strong>stransportsDonnéesCOOP 47 <strong>et</strong>UNION-SCIC SCOPautresSCOP <strong>et</strong> UESTotalNombre 45 45Effectifs 2 263 2 263ModèleScop d’égauxNombre 1 3 363 367 Scop d’égaux/Effectifs 6 24 8 256 8 286<strong>sociale</strong>Nombre 1 1 12 14Effectifs 2 1 106 109Nombre 1 4 51 56 ??Effectifs 8 9 532 549Nombre 1 10 66 77 ??Effectifs 1 11 696 708Nombre 1 32 33Effectifs 1 921 1 921Nombre 1 1Effectifs 10 10Nombre 1 23 24Effectifs 4 550 554Hébergement Nombre 6 6Effectifs 36 36Restauration Nombre 1 7 28 36Effectifs 28 147 175Édition Nombre 1 1 20 22films, vidéo,programmes <strong>de</strong>télévision;enregistrementsonore <strong>et</strong>éditionmusicaleProgrammation<strong>et</strong> diffusionProgrammationconseil <strong>et</strong>autres activitésinformatiqueEffectifs 1 206 207Nombre 4 40 44Effectifs 10 319 329Nombre 1 1 2Effectifs 4 5 9Nombre 4 54 58Effectifs 34 343 377Scop d’égauxNsNsNsNsNsScop d’égaux/militanteNsScop d’égaux55


Tableau 8. Les Scop d’égaux rassemblent 70 % <strong>de</strong>s effectifs dans <strong>de</strong>s secteurs spécifiques (4/5)Domained'activitéServicesd'informationActivités <strong>de</strong>sservicesfinanciers, horsassurance <strong>et</strong>caisses <strong>de</strong> r<strong>et</strong>raiteActivitésauxiliaires <strong>de</strong>services financiers<strong>et</strong> d'assuranceActivitésimmobilièresActivités <strong>de</strong>ssièges sociaux ;conseil <strong>de</strong> gestionActivitésd'architecture <strong>et</strong>d'ingénierieActivités <strong>de</strong>contrôle <strong>et</strong>analysestechniquesRecherche<strong>développement</strong>scientifiquePublicité <strong>et</strong>étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> marchéAutres activitésspécialisées,scientifiques <strong>et</strong>techniquesActivités <strong>de</strong>location <strong>et</strong>location-bailActivités liées àl'emploiActivités <strong>de</strong>sagences <strong>de</strong>voyage,voyagistes,services <strong>de</strong>réservation <strong>et</strong>activités connexesEnquêtes <strong>et</strong>sécuritéDonnéesCOOP 47 <strong>et</strong>UNION-SCOPSCIC SCOPautres<strong>et</strong> UESTotalNombre 1 10 11Effectifs 1 72 73ModèleScop militanteNombre 1 1 1 3 NsEffectifs 2 4 1 7Nombre 2 2Effectifs 362 362Nombre 4 6 1 11Effectifs 26 29 5 60Scop d’égauxNombre 2 15 124 1 142 Scop d’égauxEffectifs 4 94 1 424 1 1 523Nombre 2 4 211 217 Scop d’égauxEffectifs 1 14 2 342 2 357Nombre 1 1 2Effectifs 24 25 49Nombre 1 35 36Effectifs 2 137 139Nombre 1 3 23 27Effectifs 9 691 700Nombre 2 4 4 10Effectifs 29 7 136 172Nombre 10 10Effectifs 514 514NsNsScop d’égauxScop d’égauxNombre 1 3 4 NsEffectifs 4 12 16Nombre 3 3Effectifs 33 33NsNsNs56


<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?Tableau 8. Les Scop d’égaux rassemblent 70 % <strong>de</strong>s effectifs dans <strong>de</strong>s secteurs spécifiques (5/5)Domained'activitéServices relatifsaux bâtiments <strong>et</strong>aménagementpaysagerActivitésadministratives<strong>et</strong> autresactivités <strong>de</strong>soutien auxentreprisesEnseignementActivités <strong>pour</strong> lasanté humaineHébergementmédico-social <strong>et</strong>socialAction <strong>sociale</strong>sanshébergementActivitéscréatives,artistiques <strong>et</strong> <strong>de</strong>spectacleBibliothèques,archives, musées<strong>et</strong> autresactivitésculturellesActivitéssportives,récréatives <strong>et</strong> <strong>de</strong>loisirsActivités <strong>de</strong>sorganisationsassociativesRéparationd'ordinateurs <strong>et</strong><strong>de</strong> bienspersonnels <strong>et</strong>domestiquesAutres servicespersonnelsDonnéesCOOP 47<strong>et</strong> autresSCICSCOPUNION-SCOP<strong>et</strong> UESTotalModèleNombre 1 1 41 43 Scop d’égaux/Effectifs 9 16 2 725 2 750<strong>sociale</strong>Nombre 1 4 28 1 34Effectifs 289 672 3 964Nombre 5 98 103Effectifs 22 2 053 2 075Nombre 9 9Effectifs 119 119Nombre 2 2Effectifs 17 17Nombre 2 6 24 32Effectifs 12 145 546 703Nombre 4 6 54 64Effectifs 4 46 918 968Nombre 2 3 5Effectifs 9 155 164Nombre 1 11 12Effectifs 6 93 99Nombre 7 8 15Effectifs 55 52 107Nombre 10 10Effectifs 95 95Nombre 1 1 17 19Effectifs 3 22 364 389Total Nombre 24 122 1 874 4 2 026Total Effectifs 89 1 087 38 983 10 40 171Ns : non significatif. Source : CGSCOPScop d’égauxScop d’égauxNsNsScop militanteScop d’égauxNsNsNsNsNs57


2. Les autres coopératives : d’abord lafinance <strong>et</strong> les indépendantsLe mon<strong>de</strong> coopératif – hors les Scop – regroupe <strong>de</strong>sorganisations qui ont en commun <strong>de</strong> respecter lesprincipes coopératifs : une personne, une voix (quec<strong>et</strong>te personne soit physique ou morale) ; non-lucrativité<strong>de</strong> la structure <strong>de</strong> tête. Mais à la différence <strong>de</strong>sScop, où le pouvoir est dans les mains <strong>de</strong>s salariésassociés,les autres coopératives sont gouvernées parune autre partie prenante. L’obj<strong>et</strong> social <strong>de</strong> ces coopérativesest en eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> produire <strong>de</strong>s services ou<strong>de</strong>s biens au profit d’autres personnes physiques <strong>et</strong>morales que les salariés qu’elles emploient. Le poids<strong>de</strong> ces différentes organisations est très variable, toutcomme la place qu’elles occupent dans notre société,selon l’activité qu’elle développe <strong>et</strong> selon le typed’acteurs qu’elles rassemblent.Tableau 9. Les autres coopératives par secteurType <strong>de</strong>coopératives (selonl’activité)Nombre <strong>de</strong>sociétairesNombre <strong>de</strong>structuresNombre <strong>de</strong> salariésChiffre d’affaires (enmillions d’€)AgricoleArtisans(essentiellementsecond œuvre dubâtiment)75 % <strong>de</strong>sagriculteursCommerçants 29 7483 000 coop. Unions1 500 filiales12 500 CUMA150 000 (filialescomprises)80 00058 000 356 4 700 120075 (Groupementscoopératifs <strong>et</strong>assimilés)452 762CA adhérents :118 530 TTCPoints <strong>de</strong> vente : 38 145Enseignes : 143Consommateurs 332 600 34 11 741 2 600 (TTC)ScolaireHabitation(Coop HLM)Habitation(Copropriétécoopérative)4 560 000 (élèves)50 000coopératives101 associationsdépartementales <strong>et</strong>territoriales119 non significatif54 000 165 934 162 (1)16501600 syndicats <strong>de</strong>copropriétés <strong>et</strong> ASLdont 420 syndicatscoopératifsPêche artisanale 16 800 140 1800Transport terrestre 846 47 1738Les Scop(présentes dans <strong>de</strong>nombreusesactivités)Les SCIC (Sociétécoopératived’intérêt collectif)7 000 130CA : 1 200CA adhérents : 600CA coopératives : 420147(groupements+associés)Véhicules : 3 19222 016 1925 40 424 3 900Associent lessalariés <strong>et</strong> autresparties prenantes15610 salariés enmoyenneSource : www.entreprises.coop, données 2009.1. Le chiffre d'affaires indiqué correspond à l'ensemble <strong>de</strong>s revenus d'activité <strong>de</strong>s coopératives d'Hlm. Il s'agit du CA 2008.2. Chiffres 2006 <strong>pour</strong> les SCICCA moyen 0,3 (2)58


<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?2.1. Les banques coopératives ou le pouvoirdu nombre contre le pouvoir du capitalLe secteur le plus puissant, au sein du mon<strong>de</strong>coopératif est celui <strong>de</strong>s banques coopératives. A lafois par la taille <strong>de</strong>s entreprises en question, maisaussi <strong>de</strong> leur poids au sein <strong>de</strong> leur secteur d’activité.Ces banques ont été créées par <strong>de</strong>s personnesphysiques ou morales, ménages, travailleurs indépendants,organisations ou entreprises, qui se sont regroupés<strong>pour</strong> accé<strong>de</strong>r au crédit à la fin du XIX e siècle<strong>et</strong> au début du XX e , crédit que les banques classiquesleur refusaient. C<strong>et</strong>te logique stratégique qui a consistéà mobiliser une profession, une communauté,sur une base professionnelle, ou sur une base <strong>de</strong>proximité, a permis d’opposer le pouvoir du nombreau pouvoir du capital en mutualisant les apports <strong>de</strong>capitaux d’un grand nombre <strong>de</strong> personnes <strong>pour</strong>satisfaire les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> crédit dans un contexted’extension <strong>de</strong> l’économie marchan<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> faibleconcentration <strong>de</strong> l’activité bancaire. C<strong>et</strong>te logique estvoisine <strong>de</strong> celle qui est à l’origine <strong>de</strong>s mutuelles, quece soit en complémentaire-santé ou en assurancedommages (on qualifie d’ailleurs souvent les banquescoopératives <strong>de</strong> banques mutualistes, <strong>et</strong>, <strong>de</strong> facto, lesstatuts sont très proches). Les banques coopérativesrassemblent aujourd’hui 60 % <strong>de</strong>s dépôts bancaires.Le succès <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> dans le secteur bancaireest à la fois spectaculaire <strong>et</strong> dérangeant. Il estspectaculaire au vu <strong>de</strong> la taille atteinte par ces établissements,qui jouent un rôle dominant en banque <strong>de</strong>détail, mais aussi dans le secteur <strong>de</strong> la banque <strong>de</strong> financement<strong>et</strong> d’investissement, notamment via leursfiliales cotées. Sans revenir sur les mécomptes dusecteur lors <strong>de</strong> la récente crise financière –notamment ceux <strong>de</strong> Natixis <strong>et</strong> <strong>de</strong> CASA –, l’absenced’actionnaires à rémunérer <strong>et</strong> la domination <strong>de</strong>s managerssur les élus ont permis <strong>de</strong>s stratégies <strong>de</strong>croissance tous azimuts, qui n’a pas toujours servi lessociétaires au premier chef. En outre, la puissanceacquise par ces établissements n’a pas réellement étémise au service d’un financement privilégié du secteursocial <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>, à l’exception <strong>de</strong> rares exceptions.Il ne faut d’ailleurs pas fantasmer sur un « âge d’or »<strong>de</strong>s banques coopératives qui auraient trahi leursorigines. Si les banques coopératives ont permis à <strong>de</strong>spans entiers <strong>de</strong> la société d’accé<strong>de</strong>r au crédit, ellesont généralement entr<strong>et</strong>enu <strong>de</strong>s rapports étroits avecles pouvoirs publics, contribuant à la mise en œuvre<strong>de</strong> politiques souvent codécidées avec l’Etat. Dans ledomaine agricole, le Crédit agricole a été l’agent <strong>de</strong> latransformation <strong>de</strong> l’agriculture française en perm<strong>et</strong>tantaux agriculteurs les plus riches <strong>de</strong> financerleur expansion aux dépens <strong>de</strong> plus p<strong>et</strong>ites exploitations.Sa structure <strong>de</strong> tête – l’ex-Caisse Nationale duCrédit Agricole –, qui fédérait les Caisses régionales,est d’ailleurs longtemps <strong>de</strong>meurée un établissementpublic. De la même manière, les Caisses d’épargnesont longtemps restées une banque <strong>de</strong> statut quasipublic,dans une forte proximité <strong>de</strong> la Caisse <strong>de</strong>sdépôts <strong>et</strong> consignations, bras financier <strong>de</strong> l’Etat, quicentralisait notamment l’argent du livr<strong>et</strong> A. Ce n’estque récemment qu’elles ont migré vers le statutcoopératif. Quant aux banques populaires, elles ontbénéficié <strong>de</strong> la bienveillance <strong>de</strong>s pouvoirs publics quiont porté sur les fonts baptismaux leurs organes <strong>de</strong>gouvernance centraux.La libéralisation du secteur bancaire mise en œuvredans les années 1980 <strong>et</strong> 1990 n’a pas entrainé <strong>de</strong>« démutualisation » <strong>de</strong>s banques coopératives, commeon l’a observé au Royaume-Uni <strong>pour</strong> les buildingsoci<strong>et</strong>ies. Elle les a plutôt renforcées puisque le Créditagricole <strong>et</strong> le groupe Caisse d’Epargne ont pu couperle cordon ombilical qui les liaient aux pouvoirs publics– avec la bénédiction <strong>de</strong> ceux-ci – <strong>et</strong> ont joué un rôlemajeur dans la restructuration du paysage bancaire(rachat du Crédit Lyonnais, <strong>de</strong>venu LCL, par le CréditAgricole, rachat du CIC par le Crédit Mutuel, rachat duCrédit foncier par les Banques populaires…). Dans lemême temps, les stratégies développées par cesbanques se sont toujours plus banalisées, alors quel’idée même qu’elles aient à remplir <strong>de</strong>s missionsd’intérêt général spécifiques <strong>de</strong>venait caduque dansla vision du système bancaire portée par les pouvoirspublics. La création <strong>de</strong> véhicules cotés, où sontlocalisés une partie <strong>de</strong>s actifs <strong>de</strong> ces établissements,qui perm<strong>et</strong>tent <strong>de</strong> lever <strong>de</strong>s capitaux (<strong>et</strong> accessoirement<strong>de</strong> verser <strong>de</strong>s stocks-options à leursdirigeants…), est un symptôme parmi d’autres <strong>de</strong> cesévolutions.On mesure ici à quel point, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s initiativesinitiales nées <strong>de</strong> la société civile, qui donnèrentnaissance aux premières caisses <strong>de</strong> crédit agricole ouaux premières banques populaires, le <strong>développement</strong><strong>de</strong> la finance coopérative a entr<strong>et</strong>enu <strong>de</strong>s rapportsétroits avec les pouvoirs publics ; elle a notammentaccompagné les politiques volontaristes menées dansles décennies d’après-guerre (distribution <strong>de</strong> prêtsbonifiés, <strong>et</strong>c.). Les banques coopératives sont désormais<strong>de</strong>s acteurs majeurs du secteur dans unmon<strong>de</strong> où la finance est libéralisée <strong>et</strong> mondialisée.Dominées par leurs managers qui ont contribué à leursuccès mais aussi à leur banalisation, elles se différencientdésormais peu ou pas du tout <strong>de</strong> leurs concurrentescapitalistes. L’appartenance à l’économie59


<strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> est au mieux un argument <strong>de</strong>mark<strong>et</strong>ing, au pire une caractéristique que l’on cache.L’absence d’actionnaires à rémunérer a surtout permis<strong>de</strong> soutenir <strong>de</strong>s stratégies <strong>de</strong> croissance ambitieuses.Les initiatives en matière <strong>de</strong> finance <strong>solidaire</strong> qui ontémergé au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnières décennies sont <strong>pour</strong> laplupart nées hors du secteur financier coopératif, enlien avec la tradition caritative du secteur associatif(que ce soit <strong>pour</strong> financer <strong>de</strong>s proj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> <strong>développement</strong>au Sud, la création d’emplois d’insertion parl’activité économique, l’accès au logement ou à lacréation d’entreprise par <strong>de</strong>s exclus). D’autres initiativesse sont développées sur une base communautaire(finance <strong>solidaire</strong> <strong>de</strong> proximité) afin <strong>de</strong> relancerl’emploi sur <strong>de</strong>s territoires données, ou afin <strong>de</strong> promouvoir<strong>de</strong>s formes <strong>de</strong> production jugées plus utiles<strong>sociale</strong>ment (agriculture biologique, énergies renouvelables,économie <strong>de</strong> fonctionnalité). Certainesbanques sont venues ensuite accompagner ce mouvement.Il <strong>de</strong>meure cependant marginal au regard duvolume global <strong>de</strong> la collecte <strong>et</strong> du crédit ; l’action <strong>de</strong>la Caisse <strong>de</strong>s dépôts <strong>et</strong> consignations <strong>pour</strong> ai<strong>de</strong>r au<strong>développement</strong> d’une finance <strong>solidaire</strong> a souvent étéplus importante que celle du mouvement coopératif.Ce n’est pas un hasard dans la mesure où la Caisse<strong>de</strong>s dépôts a vu dans ce <strong>développement</strong> une manièreindirecte d’atteindre les objectifs d’intérêt général quilui sont confiés par la puissance publique.Tableau 10. Les banques coopérativesBanqueNombre <strong>de</strong>sociétairesNombre <strong>de</strong>structuresNombre <strong>de</strong>salariésChiffre d’affaires (enmillions d’€)Groupe BPCE (1) 7 700 00020 banques pop ;17 Caissesd’épargne ;2 fédé. nation.8200 agences127 000Produit n<strong>et</strong> bancaire21 200Bilan 1 029 000Clients : 37 millionsdont groupe CréditCoopératif (2)48 000(32 514 personnesmorales + 15 487personnesphysiques)14 établissementsassociés72 agences 1 968Produit n<strong>et</strong> bancaire369Bilan 11 580Clients : 323 700Crédit Agricole (3) 6 500 0002540 Caisseslocales39 Caissesrégionales11500 agences160 000Crédit Mutuel (4) 7 400 000 5 831 guich<strong>et</strong>s 72 465Produit n<strong>et</strong> bancaire13 600Produit n<strong>et</strong> bancairegroupe 31 300Bilan 1 694 000Clients : 59 millionsProduit n<strong>et</strong> bancaire :13 600Bilan : 579 038Clients : 23,3 millionsSource : www.entreprises.coop, données 2009.1. BPCE, organe central commun aux Caisses d'Epargne <strong>et</strong> aux Banques Populaires, a été créé le 31 juill<strong>et</strong> 2009.2. Le Crédit Coopératif est l'une <strong>de</strong>s Banques Populaires du Groupe BPCE.3. Les données du Crédit Agricole concernent les agences, le nombre <strong>de</strong> salariés, le PNB groupe <strong>et</strong> le bilan <strong>et</strong> le nombre <strong>de</strong> clients sontrelatives à la totalité du Groupe (y compris LCL <strong>et</strong> CASA notamment)4. Données <strong>pour</strong> le Groupe Crédit Mutuel.60


<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?2.2. Les coopératives agricoles : maîtriserl’amont <strong>et</strong> l’aval <strong>de</strong> la filièreLe mon<strong>de</strong> coopératif occupe une place à part dans lemon<strong>de</strong> agricole <strong>et</strong> agro-alimentaire, puisque les <strong>de</strong>uxtiers <strong>de</strong>s agriculteurs sont membres d’au moins unecoopérative, <strong>et</strong> qu’on estime que les coopérativesagricoles représentent aujourd’hui 40 % <strong>de</strong> l’industrieagroalimentaire en France. Les coopératives agricolesont d’ailleurs développé <strong>de</strong> nombreuses marques :Yoplait dans les produits laitiers frais, Ban<strong>et</strong>te enmeunerie, Delpeyrat (foie gras contribuant à valoriserles productions <strong>de</strong> maïs <strong>de</strong> la coopérative Maïsadour),Nicolas Feuillate (marque <strong>de</strong> champagne indépendante<strong>de</strong>s « maisons » traditionnelles), <strong>et</strong>c.De même que la création <strong>de</strong> caisses locales <strong>de</strong> Créditagricole a permis aux agriculteurs d’échapper au pouvoir<strong>de</strong>s usuriers, les coopératives d’approvisionnementleur ont permis <strong>de</strong> développer un meilleur rapport<strong>de</strong> force vis-à-vis <strong>de</strong> leurs fournisseurs, <strong>et</strong> donc<strong>de</strong> réduire le coût <strong>de</strong>s intrants. Quant aux coopératives<strong>de</strong> commercialisation/transformation, ellesleur ont permis <strong>de</strong> réduire le poids du négoce, par exempleen développant <strong>de</strong>s capacités <strong>de</strong> stockageperm<strong>et</strong>tant <strong>de</strong> mieux gérer la mise sur le marché,mais aussi en développant <strong>de</strong>s outils industriels perm<strong>et</strong>tant<strong>de</strong> mieux valoriser les produits. Ces stratégiesont assuré <strong>de</strong>s débouchés aux productionsagricoles, elles ont aussi parfois conduit à renverser lerapport <strong>de</strong> force entre les agriculteurs <strong>et</strong> leur coopérative; c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnière, au nom même <strong>de</strong> l’intérêt <strong>de</strong>sagriculteurs, leur imposant souvent ses choix industriels(choix <strong>de</strong> production, <strong>de</strong> techniques adoptées<strong>et</strong> <strong>de</strong> prix <strong>de</strong> vente). Les servantes sont ainsi souvent<strong>de</strong>venues maîtresses <strong>et</strong> ont largement contribué à diffuserun modèle productiviste aujourd’hui contesté.Cependant, le poids <strong>de</strong>s coopératives dans l’industrieagroalimentaire doit être relativisé : elles <strong>de</strong>meurentsurtout présentes dans la commercialisation <strong>et</strong> la premièr<strong>et</strong>ransformation <strong>de</strong>s produits agricoles. Et quan<strong>de</strong>lles sont parvenues à développer <strong>de</strong>s produitstransformés associés à <strong>de</strong> fortes marques – Yoplaitpar exemple –, leur différenciation à l’égard <strong>de</strong> leursconcurrentes capitalistes n’est guère affirmée, qu’ils’agisse du prix payé au producteur, <strong>de</strong> la nature <strong>de</strong>sproduits proposés, <strong>et</strong>c. Les difficultés rencontrées parla SODIALL, groupe coopératif à l’origine <strong>de</strong> Yoplait,finalement tombé sous la coupe <strong>de</strong> General Mills,illustrent que la coopération peut se révéler moinscompétitive sans <strong>pour</strong> autant toujours mieux rémunérerles producteurs.Le partage d’équipements <strong>de</strong> production, à travers lescoopératives d'utilisation du matériel agricole(CUMA), est plus proche <strong>de</strong> la logique <strong>de</strong> la coopération<strong>de</strong> production. La constitution <strong>de</strong>s groupementsagricoles d'exploitation en commun (GAEC) peutégalement s’en rapprocher, à ceci près que chaqueassocié <strong>de</strong>meure pleinement propriétaire <strong>de</strong> sonexploitation.Dans c<strong>et</strong>te perspective, l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>représente toute la diversité du mon<strong>de</strong> agricole. A unextrême <strong>de</strong> l’éventail, les Associations <strong>pour</strong> le maintiend’une agriculture paysanne (AMAP) promeuvent<strong>de</strong>s circuits courts <strong>et</strong> une alimentation à la foisrespectueuse <strong>de</strong> l’environnement <strong>et</strong> <strong>de</strong> bonne qualiténutritive, selon une logique proche <strong>de</strong> celle défenduepar le mouvement Slow food. A l’autre extrême, legroupe Limagrain, puissante coopérative qui compteparmi les lea<strong>de</strong>rs mondiaux <strong>de</strong>s semences <strong>et</strong><strong>de</strong>meure un acteur majeur <strong>de</strong> la recherche <strong>et</strong> <strong>de</strong> laproduction d’OGM.Les nouvelles tendances du mon<strong>de</strong> agricole fondéessur le <strong>développement</strong> du bio, la recherche <strong>de</strong> filièrescourtes (AMAP, magasins Biocoop, <strong>et</strong>c.), <strong>et</strong> l’ai<strong>de</strong> àl’installation <strong>de</strong> nouveaux exploitants (ex : Terre <strong>de</strong>Liens) s’opèrent néanmoins hors du champ du mon<strong>de</strong><strong>de</strong> la coopération agricole classique, même si les formesprises par la montée en puissance <strong>de</strong> certainsAMAP réinventent le modèle <strong>de</strong> la coopération.2.3. Les coopératives <strong>de</strong> commerçants oul’indépendance <strong>solidaire</strong>Le troisième secteur où la coopération joue un rôleessentiel est celui <strong>de</strong>s coopératives <strong>de</strong> commerçants,regroupant <strong>de</strong>s indépendants associés <strong>pour</strong> mieuxnégocier les conditions d’achat <strong>et</strong>/ou partager unemarque commune qui leur perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> communiquer<strong>et</strong> <strong>de</strong> s’affirmer face à <strong>de</strong>s entreprises capitalistes <strong>de</strong>plus gran<strong>de</strong> taille. Les grands groupes coopératifs <strong>de</strong>commerçants ont réussi à jouer un rôle majeur dansla mutation du commerce français ; on les r<strong>et</strong>rouvenotamment <strong>de</strong>rrière l’essor <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> distribution.Les Centres E. Leclerc <strong>et</strong> le groupe Système U(Intermarché a quant à lui quitté le mon<strong>de</strong> coopératif)– sont parvenus à s’imposer, à la différence <strong>de</strong>scoopératives <strong>de</strong> consommation qui n’ont pas réussi ànégocier ce virage stratégique <strong>et</strong> ont en gran<strong>de</strong> partiedisparu. Les coopératives <strong>de</strong> commerçants sontsurtout connues <strong>pour</strong> leur position dans le secteur <strong>de</strong>la gran<strong>de</strong> distribution à dominante alimentaire, oùelles rassemblent désormais <strong>de</strong>s entreprises quipeuvent être individuellement <strong>de</strong> taille significative(un grand hypermarché fait plusieurs centaines <strong>de</strong>millions d’euros <strong>de</strong> CA), elles ont cependant permiségalement à <strong>de</strong>s commerces <strong>de</strong> plus p<strong>et</strong>ite taille <strong>de</strong>résister à la concurrence <strong>de</strong>s réseaux détenus enpropre ou franchisés par <strong>de</strong>s sociétés <strong>de</strong> capitaux(Krys, Intersport, Best Western, <strong>et</strong>c.).61


La solidarité entre membres <strong>de</strong> ces coopératives peutperm<strong>et</strong>tre l’implantation ou le <strong>développement</strong> <strong>de</strong>nouveaux coopérateurs, nécessaire <strong>pour</strong> lutter contrela concurrence <strong>et</strong> renforcer la puissance du groupementd’achat. Mais elle peut aussi poser <strong>de</strong>s problèmesquand <strong>de</strong>ux magasins <strong>de</strong> la même enseignecohabitent sur une même zone <strong>de</strong> chalandise. Au total,les coopératives <strong>de</strong> commerçants contrôlent unquart du commerce <strong>de</strong> détail en France. Leur spécificitéface aux grands groupes capitalistes <strong>de</strong> la distributionest cependant très limitée – au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> lacommunication agressive <strong>de</strong>s centres E. Leclerc. Riend’étonnant à cela : les entreprises qu’elles rassemblentont en commun d’avoir <strong>pour</strong> objectif <strong>de</strong>maximiser leur résultat.2.4. Les autres secteurs où opèrent lescoopérativesLes coopératives sont également présentes dansdifférents secteurs. Ces différentes organisations ontcependant toutes en commun <strong>de</strong> ne pas disposerd’une taille significative dans leur domaine : Les coopératives d’artisans assurent l’activité <strong>de</strong>commerce <strong>de</strong> gros d’équipement <strong>pour</strong> le bâtiment,<strong>et</strong> jouent le même rôle <strong>de</strong> maîtrise <strong>de</strong>l’amont que les coopératives d’approvisionnement<strong>pour</strong> les agriculteurs. <strong>Quel</strong>ques coopératives <strong>de</strong> consommateurs ontsurvécu au bouleversement du secteur ducommerce <strong>de</strong> détail, notamment en Alsace <strong>et</strong>dans l’Ouest. Mais le CA total <strong>de</strong>s coopératives <strong>de</strong>consommateurs représente désormais <strong>de</strong> l’ordre<strong>de</strong> 2% seulement du CA <strong>de</strong>s coopératives <strong>de</strong>commerçants… Elles sont en outre souvent liées à<strong>de</strong>s groupes non coopératifs (Coop Atlantiquevient ainsi <strong>de</strong> rejoindre Système U après avoir étélongtemps franchisé Carrefour). Les coopératives dans le secteur <strong>de</strong> l’habitat occupentune place très limitée dans le secteur, entrele public (OPHLM) <strong>et</strong> le privé. Les coopérativesd’HLM ont <strong>pour</strong> fonction principale <strong>de</strong> gérerl’entr<strong>et</strong>ien. On compte aussi <strong>de</strong>s copropriétéscoopératives, c’est-à-dire gérées en propre parles propriétaires, sans recours à un syndic. Enfin,signalons l’émergence <strong>de</strong> coopératives d’habitantsqui fonctionnent sur un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong>la copropriété réellement coopératif. Chaque rési<strong>de</strong>ntdispose uniquement d’un droit d’usage <strong>de</strong>son logement <strong>et</strong> récupère lors <strong>de</strong> son départ samise <strong>de</strong> fond initiale sans plus-value. Ces coopérativessont généralement aidées par les collectivitésterritoriales qui m<strong>et</strong>tent à leur disposition àprix avantageux le foncier, ce qui limite d’autantla mise <strong>de</strong> fond initiale <strong>de</strong>s coopérateurs. La pêche artisanale est également un secteur oùla coopération s’est développée, sur un mo<strong>de</strong>proche <strong>de</strong> la coopération agricole. Le secteur du transport compte également quelquescoopératives, essentiellement sous forme<strong>de</strong> regroupements d’artisans taxis indépendants. Enfin, la coopération scolaire rassemble les coopérativesqui perm<strong>et</strong>tent aux élèves, danschaque établissement scolaire, d’ach<strong>et</strong>er certainsmatériels ou <strong>de</strong> financer certaines activités parascolaires.Elles jouent un rôle – très réduit –d’éducation à la coopération.3.1. Les mutuelles3.1.1. Les compagnies mutuelles d’assurancesLes compagnies mutuelles d’assurances sans intermédiaireont une histoire <strong>et</strong> un modèle stratégiqu<strong>et</strong>rès proche <strong>de</strong> celui <strong>de</strong>s banques coopératives. Ellesjouent un rôle majeur sur le marché <strong>de</strong> l’assurancedommage (auto, multirisques habitation <strong>et</strong> responsabilitécivile) avec plus <strong>de</strong> 20 millions <strong>de</strong> sociétaires(<strong>et</strong> plus <strong>de</strong> 23 millions d’assurés) <strong>et</strong> un rôle croissantsur le marché <strong>de</strong> l’assurance-vie avec plus <strong>de</strong> 4 millionsd’assurés.Elles ont su, <strong>pour</strong> certaines, préserver leur modèled’origine, mais leur capacité à proposer <strong>de</strong>s contratscompl<strong>et</strong>s à prix modéré ne peut être préservée –comme nous l’avons fait observer dans le corps <strong>de</strong>c<strong>et</strong>te étu<strong>de</strong> – qu’aussi longtemps qu’elles s’adressentà une communauté relativement homogène. Or, surce plan, même la Maif a été conduite à segmenterson offre <strong>et</strong> à proposer <strong>de</strong>s niveaux <strong>de</strong> couverture distinctsà ses sociétaires, selon la nature <strong>et</strong> la valeur <strong>de</strong>sbiens qu’ils souhaitaient voir garantis par la mutuelle.De son côté, <strong>pour</strong> capter le marché <strong>de</strong>s jeunes <strong>et</strong> <strong>de</strong>sménages à bas revenus, la MACIF a développé uneoffre en ligne dont les caractéristiques ne sont pas lesmêmes que celles <strong>de</strong> ses contrats standards. La solidaritémutualiste ne joue pleinement qu’au sein <strong>de</strong>groupes aux revenus <strong>et</strong> au statut relativementhomogènes.Le <strong>développement</strong> <strong>de</strong>s assurances <strong>de</strong> personnes parcertaines mutuelles a pu conduire aux mêmes errementsqu’au sein <strong>de</strong> certaines banques coopéra-tives,le management étant insuffisamment contrôlé. Lesdéboires <strong>de</strong> Groupama en fournissent une bonneillustration.62


<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?3.1.2. Les mutuelles santéElles dominent le marché <strong>de</strong> l’assurance-complémentairesanté, en concurrence <strong>de</strong>s compagnies d’assurances<strong>et</strong> <strong>de</strong>s instituts <strong>de</strong> prévoyance (structures paritairesprésentes dans un certain nombre <strong>de</strong> branchesd’activité du secteur privé). Les mutuelles santé ont<strong>pour</strong> activité principale une activité d’assurance maiselles sont également présentes dans la production <strong>de</strong>soins (à côté <strong>de</strong>s associations <strong>et</strong> fondations qui gèrent<strong>de</strong>s établissements sanitaires à but non lucratif) <strong>et</strong>dans les activités <strong>sociale</strong>s (établissements <strong>pour</strong> personnesâgées, <strong>et</strong>c.). Elles gèrent marginalement quelquesactivités commerciales liées à la santé (pharmacie<strong>et</strong> centres d’optique mutualistes).En pratique, les mutuelles santé ont aujourd’hui uneplace relativement marginale dans la production <strong>de</strong>soins. Alors qu’elles disposent d’une puissance financièreconsidérable, à travers leurs réserves, elles n’ontjusqu’à présent joué qu’un rôle limité dans le mouvement<strong>de</strong> restructuration <strong>de</strong> l’offre hospitalière privée,alors qu’il existait <strong>de</strong> nombreuses opportunités <strong>pour</strong>développer, parallèlement à l’hospitalisation publique,un vaste secteur géré <strong>de</strong> manière non lucrativequi aurait pu contribuer à la mise en place <strong>de</strong> filières<strong>de</strong> soins articulant <strong>de</strong> manière différente les mé<strong>de</strong>cines<strong>de</strong> ville <strong>et</strong> hospitalière.Parallèlement, les mutuelles ont tenté <strong>de</strong> développer<strong>de</strong>s stratégies <strong>de</strong> conventionnement avec les professionnels<strong>de</strong> santé (dispositif « Priorité santé mutualiste»), avec <strong>pour</strong> objectif étant d’obtenir <strong>de</strong>s professionnelsqu’ils s’engagent sur <strong>de</strong>s objectifs en termes<strong>de</strong> qualité <strong>de</strong> soins, mais aussi sur la plan <strong>de</strong>s tarifspratiqués. C<strong>et</strong>te ambition s’est heurtée à <strong>de</strong> nombreusesdifficultés : hostilité <strong>de</strong>s professionnels, donton sait l’attachement au « libre » exercice <strong>de</strong> leur« art » ; faible enthousiasme <strong>de</strong>s pouvoirs publics,peu soucieux <strong>de</strong> s’opposer aux professions médicales<strong>et</strong> désireux <strong>de</strong> conserver le contrôle du système <strong>de</strong>soins ; division entre mutuelles, les gran<strong>de</strong>s mutuelless’opposant à toute limitation <strong>de</strong> leur autonomiestratégique au profit <strong>de</strong> la fédération.Secteur d’activitéCompagniesd’assurancesmutuelles(GEMA)Mutuelles santé<strong>et</strong> <strong>de</strong> prévoyance(Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> laMutualité).Activitésd’assurance.Mutuelles santé<strong>et</strong> <strong>de</strong> prévoyance.Activitéssanitaires.Mutuelles santé<strong>et</strong> <strong>de</strong> prévoyance.Activités <strong>sociale</strong>sMutuelles <strong>de</strong>commerce(activités annexesaux mutuellessanté :pharmaciesmutualistes,optique, <strong>et</strong>c.)Nombred’organisationsTableau 11. Les effectifs <strong>de</strong>s mutuellesNombred’établissementsEffectifs(dont ETP)Effectifsdans le privéhors ESSEffectifs dansle public136 2418 43200 (43000) ns973 2844 38 800 (35 000) ns ns69 524 18 000 (14 500)74 396 12 100 (9300)51 606 4 100 (3 700) nsTotal 1304 6793 116 342 (106694) 13 975 000 5 813 000Ns : non significatif. Source : CNCRES, données 2009.63


4. Les associationsLa loi <strong>de</strong> 1901 a un grand mérite : sa plasticité. Lemon<strong>de</strong> associatif rassemble <strong>de</strong>s organisations aux originestrès diverses, qui <strong>pour</strong>suivent <strong>de</strong>s buts extrêmementvariés <strong>et</strong> dont les mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> gouvernance sonttrès hétérogènes. On ne s’intéressera pas directementici aux associations à caractère essentiellementmilitant, même si celles-ci concourent <strong>de</strong> manièreessentielle à la vie démocratique, en reflétant la diversité<strong>de</strong>s intérêts <strong>et</strong> valeurs qui traversent notre société.Ces associations ont en commun <strong>de</strong> rassembleressentiellement <strong>de</strong>s adhérents-militants, <strong>et</strong> seules lesplus gran<strong>de</strong>s d’entre elles comptent <strong>de</strong>s permanentssalariésqui secon<strong>de</strong>nt les instances <strong>de</strong> direction bénévolesélues par la base. Leur contribution à notrevie démocratique est essentielle. En revanche, ellesne nous intéressent ici que marginalement, dans lamesure où elles ne contribuent pas ou peu à l’activitééconomique <strong>et</strong> <strong>sociale</strong> : faible nombre <strong>de</strong> salariés,faible production <strong>de</strong> biens <strong>et</strong> services, qu’ils soientmarchands ou non marchands.Le secteur associatif rassemble près <strong>de</strong> 80 % du total<strong>de</strong>s emplois <strong>de</strong>s organisations <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong><strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>. Nous centrerons notre <strong>de</strong>scription duchamp associatif sur les associations qui emploient unnombre significatif <strong>de</strong> salariés. Ces associations sontprésentes surtout dans <strong>de</strong>ux secteurs : le social ausens large <strong>et</strong> l’éducation.Tableau 12. Associations : d’abord le social <strong>et</strong> l’éducationSecteurd’activitéNombred’organisationsNombred’établissementsEffectifs (dontETP)Effectifs dansle privé horsESS (dont ETP)Effectifs dansle publicAction Sociale 19 100 30 300Education <strong>et</strong>formation(enseignementcatholique,associations <strong>de</strong>formation <strong>pour</strong>adultes)Santé(production <strong>de</strong>soins)14 500 18 9001 772 3 582Sports <strong>et</strong> loisirs 33 812 34 807Culture <strong>et</strong>audiovisuel22 190 22 600752 000(595 000)334 100(274 000)123 200(104 000)77 000(57 700)44 600(40 600)81 200 350 00079 400 1 290 000351 000(302 000)1 139 000(1 009 000)nd1 052 496(932 000)76 600(67 700)NdHébergement<strong>et</strong> restauration3 468 5 02730 400(27 600)NdServices auxentreprisesAutres <strong>et</strong> nonclasséesTotalAssociationsSource : CNCRES, données 2009.Nd Nd 83 750 Nd Nd148 400 156 000234 5001 675 000 13 975 000(1 358 000) (12 659 400)5 813 000(5 165 000)Les gran<strong>de</strong>s associations employeurs ont cependantégalement positionnements divers en termes <strong>de</strong> nature<strong>de</strong> l’activité (non marchan<strong>de</strong> en majorité, hybri<strong>de</strong><strong>pour</strong> un grand nombre d’entre elles, marchan<strong>de</strong><strong>pour</strong> une minorité), <strong>de</strong> place respective <strong>de</strong>s bénévoles<strong>et</strong> <strong>de</strong>s salariés, <strong>de</strong> nature <strong>de</strong>s bénéficiaires <strong>de</strong>s services(associations suivant une logique caritative ouune logique d’auto-organisation). En pratique, toutesles combinaisons sont possibles.Les associations les plus importantes, en termes d’effectifssalariés, sont celles qui opèrent dans le secteursocial. Les associations sont ainsi quasi-hégémoniques64


<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?Tableau 13. Répartition <strong>de</strong> l’emploi associatif dans l’action <strong>sociale</strong>ActivitésEffectifsAi<strong>de</strong> par le travail, ateliers128 000 17%protégésAi<strong>de</strong> à domicile 120 300 16%Accueil <strong>de</strong>s adultes handicapés 82 700 11%Accueil <strong>de</strong>s enfants handicapés 67 700 9%Accueil <strong>de</strong>s personnes âgées 67 700 9%Accueil <strong>de</strong>s enfants en difficulté 37 600 5%Crèches <strong>et</strong> gar<strong>de</strong>ries d’enfants 30 000 4%Autres hébergements sociaux 22 600 3%Autres formes d’action <strong>sociale</strong> 195 500 26%Total 752 000 100%Source : CNCRESdans la prise en charge du handicap, dans laprotection <strong>de</strong> l’enfance <strong>et</strong> l’insertion. Elles sont égalementprésentes dans l’hospitalisation <strong>et</strong> l’ai<strong>de</strong> à domicile.Leur financement varie selon leur activité. Dansl’action <strong>sociale</strong> stricto sensu <strong>et</strong> la santé, le financementest assuré en totalité ou en partie par l’Etat<strong>et</strong>/ou les collectivités territoriales – à commencer parles départements dans le domaine social – ou parl’assurance-maladie <strong>pour</strong> les soins <strong>de</strong> santé. Ellesopèrent en concurrence du secteur public (crèchesdépartementales ou municipales, structures d’action<strong>sociale</strong> publiques, <strong>et</strong>c.) ou du secteur privé (hospitalisationprivée à but lucratif, <strong>et</strong>c .). On peut faire unconstat voisin <strong>pour</strong> les activités d’enseignement souscontrat, dont les enseignants émargent au budg<strong>et</strong> duministère <strong>de</strong> l’Education. L’enseignement privé catholiquepèse ici d’un poids dominant. De nombreusesstructures offrant <strong>de</strong> la formation <strong>pour</strong> adultes auprofit <strong>de</strong> salariés en poste ou <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs d’emploisont également organisées sous statut associatif.Que ce soit dans l’action <strong>sociale</strong> ou l’enseignement,ces associations sont toutes issues d’initiatives caritativesnées <strong>de</strong> la société civile mais travaillent désormaisen lien étroit avec les pouvoirs publics, <strong>et</strong> dans<strong>de</strong>s conditions qui relèvent souvent <strong>de</strong> la délégation<strong>de</strong> service public.Au sein <strong>de</strong>s associations du secteur social, on compteaussi <strong>de</strong> nombreuses associations qui sont restéesplus indépendantes dans leur financement, notammentparce qu’elles parviennent à mobiliser <strong>de</strong> nombreuxbénévoles. Des associations comme Les P<strong>et</strong>itsfrères <strong>de</strong>s pauvres contribuent également à la qualité<strong>de</strong> notre vie <strong>sociale</strong>, même si l’engagement <strong>de</strong>s bénévolesa moins <strong>pour</strong> obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> transformer la sociétéque <strong>de</strong> pallier les défauts <strong>de</strong> celle-ci. Leurs activités,comme on l’a vu, peuvent être extrêmement variées.Les gran<strong>de</strong>s associations qui gèrent<strong>de</strong>s établissements <strong>de</strong> tourisme social,<strong>de</strong>s structures <strong>de</strong> loisirs, <strong>de</strong>Part <strong>de</strong>l’emploisport ou <strong>de</strong>s services culturels, sont(en %)également issues d’initiatives <strong>de</strong> lasociété civile mais s’inscrivent dansune histoire différente, moins marquéepar une logique caritative,même si elles délivrent essentiellement<strong>de</strong>s prestations <strong>pour</strong> lecompte <strong>de</strong> tiers (à qui il peut êtreparfois <strong>de</strong>mandé d’adhérer à l’association,mais il s’agit alors d’uneformalité nécessaire <strong>pour</strong> accé<strong>de</strong>rau service, ach<strong>et</strong>é par ailleurs). Leurfinancement revêt généralement uncaractère hybri<strong>de</strong>. Elles bénéficientainsi <strong>pour</strong> la plupart <strong>de</strong> subventions– parfois importantes, notammentdans le domaine culturel –, maisnombre d’entre elles tirent lamajorité <strong>de</strong> leurs ressources <strong>de</strong> la vente <strong>de</strong> prestationsaux ménages, dont la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> peut être solvabiliséevia les comités d’entreprise <strong>pour</strong> les salariés<strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s entreprises. Ces associations concourentégalement <strong>de</strong> manière significative à l’emploi totaldans l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong>. La plupart <strong>de</strong>sstructures se réclamant aujourd’hui <strong>de</strong> l’ « entrepreneuriatsocial » peuvent être rapprochées à c<strong>et</strong>te familleassociative.On compte également <strong>de</strong> multiples associations quioffrent <strong>de</strong>s services à leurs membres – associationssportives, culturelles, <strong>de</strong> loisirs, clubs du troisièmeâge, <strong>et</strong>c. – <strong>de</strong> taille plus restreinte, au sein <strong>de</strong>squellesl’adhésion, parfois également associée à <strong>de</strong>s achats<strong>de</strong> prestations spécifiques, constitue une manière indirecte<strong>de</strong> financer le service qui sera consommé : onadhère au club <strong>de</strong> tennis, ce qui perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> louer lescourts mis à la disposition par la municipalité, on adhèreà une chorale, ce qui perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> défrayer le chef<strong>de</strong> chœur, <strong>et</strong>c. Ces associations mobilisent <strong>de</strong> nombreuxbénévoles, notamment au sein du milieu sportif.Des millions <strong>de</strong> bénévoles consacrent ainsi unepartie <strong>de</strong> leur week-end à la formation <strong>et</strong> à l’encadrement<strong>de</strong>s jeunes qui pratiquent les sports collectifs,un travail éducatif considérable <strong>et</strong> mal reconnu.Nombre d’associations, enfin, peuvent à la fois associerune intervention <strong>de</strong> type militante au serviced’une cause <strong>et</strong> <strong>de</strong>s activités qui nécessitent l’embauche<strong>de</strong> salariés qui apportent la professionnalisationnécessaire au bon accomplissement <strong>de</strong>s missions<strong>de</strong> la structure. Le mix entre salariés <strong>et</strong> bénévolespeut être très variable. Ainsi, la fédération Artisansdu mon<strong>de</strong>, qui gère un réseau <strong>de</strong> boutiques <strong>de</strong>commerce équitable, rassemble six mille bénévolesqui associent activité commerciale <strong>et</strong> sensibilisation65


du public aux enjeux du <strong>développement</strong>, <strong>et</strong> qui bénéficientdu soutien d’une centaine <strong>de</strong> salariés seulement.Dans un autre domaine, une organisation comme leCCFD-Terre Solidaire peut à la fois rassembler unnombre élevé <strong>de</strong> membres, un cercle bien plus large<strong>de</strong> donateurs, intervenir dans le champ politique, touten produisant, via ses permanents, ses bénévoles ou<strong>de</strong>s associations alliées, <strong>de</strong>s services d’ai<strong>de</strong> au<strong>développement</strong>…Enfin, <strong>de</strong> nombreuses organisations empruntent àchacune <strong>de</strong>s familles décrites ci-<strong>de</strong>ssus. C’est le casnotamment <strong>de</strong>s mouvements d’éducation populaire(Ligue <strong>de</strong> l’enseignement, Francas, Cemea, FédérationLéo Lagrange, <strong>et</strong>c.) qui sont à la fois <strong>de</strong>s mouvements<strong>de</strong> masse rassemblant <strong>de</strong>s dizaines <strong>de</strong> milliersd’adhérents qui interviennent dans le débat politique<strong>et</strong> social tout en gérant <strong>de</strong> multiples structures assurantnon seulement <strong>de</strong>s services d’éducation populairemais aussi <strong>de</strong>s services sanitaires <strong>et</strong> sociaux. Desstructures qui peuvent associer <strong>de</strong>s salariés <strong>et</strong> <strong>de</strong>s bénévoles<strong>et</strong> qui travaillent en étroite relation avec lespouvoirs publics.Une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong>s initiatives nouvelles nées ausein <strong>de</strong> l’économie <strong>solidaire</strong>, qui font appel à <strong>de</strong>s ressourceshybri<strong>de</strong>s (subventions + ventes <strong>de</strong> produits/services) sont exercées sous statut associatif <strong>et</strong> nesont qu’une variante <strong>de</strong>s modèles présentés ci<strong>de</strong>ssus,à ceci près qu’elles opèrent parfois dans <strong>de</strong>sactivités nouvelles, ou en marge <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s associationsdu secteur social, venant répondre à <strong>de</strong>s besoinsnouveaux ou tout simplement mal satisfaits. La simplicitédu statut associatif, sa plasticité, font qu’il seprête bien aux activités en <strong>développement</strong>, même sila migration vers d’autres statuts s’opère souventquand le poids <strong>de</strong>s activités lucratives joue un rôlemajeur dans l’équilibre d’exploitation <strong>de</strong> la structure.En conclusion, notons que le mon<strong>de</strong> associatif, du fait<strong>de</strong> sa concentration sur les secteurs <strong>de</strong> l’action<strong>sociale</strong>, du sanitaire, <strong>de</strong> l’éducation, <strong>de</strong> la culture <strong>et</strong><strong>de</strong>s loisirs dépend étroitement, <strong>pour</strong> son <strong>développement</strong>,<strong>de</strong>s financements publics. On peut mêmeobserver une corrélation très n<strong>et</strong>te entre le <strong>développement</strong><strong>de</strong> l’emploi associatif <strong>et</strong> celui <strong>de</strong>s prélèvementsobligatoires au cours <strong>de</strong>s cinquante <strong>de</strong>rnièresannées. Bien que souvent porté par <strong>de</strong>s initiativesissues <strong>de</strong> la « société civile », le mon<strong>de</strong> associatif estdont étroitement dépendant <strong>de</strong> l’Etat <strong>et</strong> <strong>de</strong>s collectivitésterritoriales.5. Les FondationsLes fondations, considérées désormais comme le quatrièmepilier <strong>de</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> entermes <strong>de</strong> statut, occupe un positionnement sectorielextrêmement proche <strong>de</strong>s associations. Le statut <strong>de</strong>fondation apparaît comme une alternative au statutassociatif dans les activités caritatives liées à l’enseignement,aux soins <strong>de</strong> santé ou à la prise en charge<strong>de</strong> personnes handicapées, âgées, <strong>et</strong>c. Le <strong>développement</strong><strong>de</strong> fondations dans le domaine <strong>de</strong> la recherche<strong>et</strong> du <strong>développement</strong> scientifique est, là encore, unealternative au statut associatif dans <strong>de</strong>s domainessouvent proches <strong>de</strong>s activités caritatives traditionnelles(comme dans le cas <strong>de</strong> l’Institut Pasteur, parexemple).Tableau 14.Fondations : Un positionnement sectoriel proche du secteur associatifSecteurs d’activité Emplois salariés Dont ETPRecherche <strong>développement</strong> scientifique 5 236 4 823Enseignement 6 361 4 879Activités <strong>pour</strong> la santé humaine 22 538 19 415Action <strong>sociale</strong> 28 381 23 279Autres 3 531 3 347Total 66 047 55 743Source : CNCRES66


<strong>Quel</strong> <strong>potentiel</strong> <strong>de</strong> <strong>développement</strong> <strong>pour</strong> l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> <strong>solidaire</strong> ?


www.alternatives-economiques.fr www.fph.ch www.caisse<strong>de</strong>s<strong>de</strong>pots.fr68

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